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QUALIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL Statut social du coureur cycliste participant à une course : quand les juges lyonnais changent de braquet ! CA Lyon, ch. séc. soc., 29 juillet 2014, n°13/05373 Florent DOUSSET et Xavier AUMERAN .................page 2 Un coup de pouce qui aurait pu coûter cher ... TASS Lyon, 12 juin 2014, n°2719/2014 Florian DA SILVA ......................................................page 3 EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL Géolocalisation des salariés - conditions - expertise à la demande du CHSCT CA Grenoble, ch. soc., 31 octobre 2013, n° 12/05770 Karine THIEBAULT ...................................................page 5 Un essai à ne pas renouveler CA Lyon, ch. soc., sect. A, 11 juin 2014, n°13/04552 Olivier BARRAUT......................................................page 6 Harcèlement moral : les agissements constitutifs du harcèlement CA Lyon, ch. soc., sect. A, 16 juin 2014, n°13/05173 et 13/05478 David BLANC ...........................................................page 8 La charge probante proportionnée à la gravité de la faute CA Lyon, ch. soc., sect. C, 13 décembre 2013, n°12/8161 Jean-Bernard MICHEL .............................................page 9 Inaptitude : l’étendue de l’obligation de reclassement dans un groupe CA Chambéry, ch. soc., 5 juin 2014, n°13/00672 Dorian JARJAT ........................................................page 10 REPRESENTANTS DU PERSONNEL Expertise CHSCT - caducité de la délibération - droit propre de l’expert à agir pour ses honoraires (non) CA Nîmes, 3 juillet 2014, n°13/02851 Christophe BIDAL ..............................................page 11 Salarié protégé - licenciement - motif économique - groupe - secteur d’activité TA Lyon, 10 juin 2014, n°1206289 Michel RIVA .........................................................page 12 CONTENTIEUX DE LA SECURITÉ SOCIALE Accident du travail - faute inexcusable de l’employeur et les conditions d’indemnisation de l’assistance par tierce personne après consolidation TASS Lyon, 1er août 2013, n°675/2013  CA Lyon, séc. soc., 17 juin 2014, n°13/07217 Eladia DELGADO .............................................page 14 Dépassement de la durée légale du travail et faute inexcusable TASS Lyon, 10 juillet 2014, n°2758/14 Fabien ROUMEAS ..............................................page 15 Contrôle Urssaf CA Lyon, séc. soc., 29 juillet 2014, n°13/08316 André DERUE ....................................................page 16 PROCEDURE PRUD’HOMALE Concurrence déloyale et compétence du CPH : quand est-ce que le CPH retrouve sa compétence ? TGI Lyon, 15 septembre 2014, n°09/15533 Frédéric RENAUD ..............................................page 18 Pouvoirs du bureau de conciliation - bureau de conciliation et demandes de condamnation provisionnelle CPH Lyon, départ, 21 janvier 2014, n°13/04575 Mélanie CHABANOL ..........................................page 18 Les Pages de J urisprudence Sociale Supplément Sommaire Décembre 2014 - n°42 Supplément au journal Tout Lyon affiches n°5132 du Samedi 20 décembre 2014

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  • QUALIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL

    Statut social du coureur cycliste participant à unecourse : quand les juges lyonnais changent debraquet !CA Lyon, ch. séc. soc., 29 juillet 2014, n°13/05373Florent DOUSSET et Xavier AUMERAN .................page 2

    Un coup de pouce qui aurait pu coûter cher ...TASS Lyon, 12 juin 2014, n°2719/2014Florian DA SILVA ......................................................page 3

    EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

    Géolocalisation des salariés - conditions - expertise àla demande du CHSCT CA Grenoble, ch. soc., 31 octobre 2013, n° 12/05770Karine THIEBAULT ...................................................page 5

    Un essai à ne pas renouveler CA Lyon, ch. soc., sect. A, 11 juin 2014, n°13/04552Olivier BARRAUT......................................................page 6

    Harcèlement moral : les agissements constitutifs duharcèlement CA Lyon, ch. soc., sect. A, 16 juin 2014, n°13/05173 et13/05478David BLANC ...........................................................page 8

    La charge probante proportionnée à la gravité de lafaute CA Lyon, ch. soc., sect. C, 13 décembre 2013, n°12/8161Jean-Bernard MICHEL .............................................page 9

    Inaptitude : l’étendue de l’obligation de reclassementdans un groupe CA Chambéry, ch. soc., 5 juin 2014, n°13/00672Dorian JARJAT........................................................page 10

    REPRESENTANTS DU PERSONNEL Expertise CHSCT - caducité de la délibération - droitpropre de l’expert à agir pour ses honoraires (non)CA Nîmes, 3 juillet 2014, n°13/02851Christophe BIDAL ..............................................page 11

    Salarié protégé - licenciement - motif économique -groupe - secteur d’activité TA Lyon, 10 juin 2014, n°1206289Michel RIVA .........................................................page 12

    CONTENTIEUX DE LA SECURITÉ SOCIALE Accident du travail - faute inexcusable de l’employeuret les conditions d’indemnisation de l’assistance partierce personne après consolidation TASS Lyon, 1er août 2013, n°675/2013 CA Lyon, séc. soc., 17 juin 2014, n°13/07217Eladia DELGADO .............................................page 14

    Dépassement de la durée légale du travail et fauteinexcusable TASS Lyon, 10 juillet 2014, n°2758/14Fabien ROUMEAS ..............................................page 15

    Contrôle Urssaf CA Lyon, séc. soc., 29 juillet 2014, n°13/08316André DERUE ....................................................page 16

    PROCEDURE PRUD’HOMALEConcurrence déloyale et compétence du CPH : quandest-ce que le CPH retrouve sa compétence ? TGI Lyon, 15 septembre 2014, n°09/15533Frédéric RENAUD ..............................................page 18

    Pouvoirs du bureau de conciliation - bureau deconciliation et demandes de condamnationprovisionnelle CPH Lyon, départ, 21 janvier 2014, n°13/04575Mélanie CHABANOL ..........................................page 18

    Les Pagesde

    Jurisprudence Sociale

    Supplément

    Sommaire Décembre 2014 - n°42

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  • EXPOSE DES FAITS

    L’association « Critérium cycliste professionnel internationalLa Châtaigneraie », dont l’activité est d’organiserannuellement une course cycliste peu après le Tour deFrance, s’est vue redressée par l’URSSAF du Cantal sur lessommes versées aux coureurs cyclistes ayant participés àcette course. En contrepartie de leur participation, cescoureurs perçoivent une rémunération qui est payée surfacture produite par le coureur, donc dans le cadre d’uneactivité a priori non salariée. Lors de l’épreuve, l’organisateurdu critérium n’impose pas de consignes particulières quantaux modalités d’exécution de la « prestation cycliste » et dedéroulement de la course.

    Malgré ces éléments, l’URSSAF considère que les sommesversées aux coureurs auraient dû donner lieu au paiementdes cotisations sociales au titre du régime général.L’association conteste le redressement d’abord devant letribunal des affaires de sécurité sociale puis devant la courd’appel de Riom. Cette dernière annule le redressement.

    L’affaire est toutefois portée devant la Cour de cassation quipar un arrêt du 28 mars 2013, infirme la décision et valide leredressement effectué par l’URSSAF (Cass. civ. 2, 28 mars2013, n°12-13.527). Pour cela, et suivant l’argumentaire del’URSSAF, les hauts magistrats se fondent sur la qualitéd’artiste du spectacle des coureurs cyclistes participant à uncritérium sur le fondement de l’article L.7121-3 du code dutravail et de l’article L.311-3 15° du code de la sécuritésociale.

    C’est dans cet état que la cour d’appel de Lyon a été saisiesur renvoi après cassation. Par un arrêt du 29 juillet 2014, lesjuges lyonnais résistent à la Cour de cassation et annulent ànouveau le redressement opéré par l’URSSAF, considérantque les coureurs ne pouvaient être assimilés à des artistes duspectacle.

    OBSERVATIONS

    a. A titre liminaire

    La pratique d’un sport, dès lors qu’elle est exercée contrerémunération, génère inévitablement des contentieux liés austatut social du sportif, tant en droit du travail qu’en droit dela sécurité sociale.

    L’incertitude liée au choix du statut social, eu égard à desactivités souvent très spécifiques, conduit ainsi régulièrementl’URSSAF à réintégrer dans l’assiette des cotisations durégime général de la sécurité sociale des rémunérationsversées au titre d’une activité qualifiée d’indépendante parles parties. Naturellement, il est de jurisprudence constanteque la qualification donnée par les parties à une conventionet, partant, le statut social correspondant (travailleurindépendant ou salarié) ne lie pas les juges qui doiventretenir une qualification juridique conforme à la réalité de lasituation en cause (Cass. ass. plén., 4 mars 1983, n°81-15.290 et n°81-41.647 ; Cass. soc., 19 déc. 2000, n°98-40.572).

    Le juge devra alors se livrer à une analyse des faits afin devérifier si les critères du contrat de travail (une prestation, unerémunération, un lien de subordination) sont réunis, ce quipermettra de distinguer le contrat de travail du contratd’entreprise (Cass. soc., 13 nov. 1996, n°94-13.187).

    En matière sportive, la diversité et, surtout, l’originalité dessituations rencontrées rendent parfois difficile cette analyse :l’activité sportive relève d’une organisation et de règles qui luisont propres (code du sport, règlements des fédérationssportives etc…). La prise en compte de cet environnementpeut conduire le juge à adapter la règle, notamment en ce quiconcerne le lien de subordination. C’est ainsi, à titred’exemple, que les sportifs sélectionnés en équipe de Francene sont pas, selon la Cour de cassation (position renforcéepar l’article L.222-3 du code du sport), des salariés de laFédération qui les sélectionne, les dirige, les contrôle et lecas échéant les sanctionne (Cass. civ. 2, 22 janv. 2009, n°07-19.039 et 07-19.105).

    b. Le problème de droit suite à la décision de la Cour decassation

    Il s’agissait de trancher le statut social des coureurs cyclisteparticipant à des courses à titre personnel : Sont-ilssalariés ? Doivent-ils être affiliés au régime général de lasécurité sociale ? Les sommes versées doivent-elles, dèslors, être réintégrées par l’URSSAF dans l’assiette descotisations dues au titre du régime général de la sécuritésociale ?

    Il convient de rappeler que l’article L.7121-3 du code dutravail (auquel fait référence l’article L.311-3 15° du code dela sécurité sociale, fondement du redressement) vise lasituation des artistes du spectacle en précisant que « toutcontrat par lequel une personne s’assure, moyennantrémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue desa production, est présumé être un contrat de travail dès lorsque cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de cecontrat dans des conditions impliquant son inscription auregistre du commerce ».

    C’est précisément sur la base de cet article que la Cour decassation avait fondé sa décision, par un raisonnement endeux temps :

    - Tout d’abord, elle considère qu’il ressort des conditions departicipation des coureurs cyclistes au critérium que ceux-cisont assimilables à des artistes du spectacle. Elle estime eneffet que le « critérium » est une « exhibition à caractèresportif sans compétition, assimilable à un spectacle ». A cettefin, elle souligne « qu’aucune performance n’était demandée» et que les coureurs « effectuaient le nombre de tours qu’ilsdésiraient ». Pour la Haute juridiction, le coureur cyclisteprofessionnel, en tant que participant rémunéré à cespectacle, devient ainsi un artiste du spectacle.

    - Elle relève ensuite que les coureurs cyclistes n’étaient pasimmatriculés en tant que travailleurs indépendants et nepayaient donc pas de cotisations sociales au Régime socialdes indépendants (RSI) sur les sommes perçues.

    A partir de ces deux éléments, elle conclue que les coureurscyclistes participant à un critérium, et qui ne sont pasimmatriculés comme travailleurs indépendants, sont desartistes du spectacle auxquels s’impose l’obligationd’affiliation au régime général de sécurité sociale.Corrélativement à cette obligation, l’organisateur de lamanifestation sportive est tenu de procéder à l’affiliation et depayer les cotisations sociales correspondantes.

    2Supplément au journal

    Qualification du contrat de travail

    Statut social du coureur cycliste participant à une course : quandles juges lyonnais changent de braquet !

    Cour d’appel de Lyon, séc. soc., 29 juillet 2014, n°13/05373

  • Il est à noter que la Cour de cassation déduit de la qualitéd’artiste du spectacle l’existence d’un lien de subordinationjuridique. Son raisonnement est donc uniquement fondé surl’assimilation des coureurs à des artistes du spectacle. Cettequalification permet donc à elle seule l’affiliation au régimegénéral et la soumission des sommes à cotisations.

    c. La décision de la cour d’appel de Lyon : les coureursn’ont pas la qualité d’artistes du spectacle

    Alors que la Cour de cassation estimait que la course de type« critérium » était une « exhibition à caractère sportif sanscompétition, assimilable à un spectacle », fondant ainsil’application de l’article L.7121-3 du code du travail relatif auxartistes du spectacle, la cour d’appel de Lyon retient, par uneanalyse détaillée de l’évènement en cause, une autreanalyse.

    En l’occurrence, elle estime, au contraire, qu’un certainnombre d’éléments démontrent que la course constituait bienune compétition à caractère sportif. La cour d’appel met ainsien évidence l’existence d’un classement officiel, d’unecérémonie de podium, d’un prix de la combativité et de lasoumission aux règles de la Ligue Nationale de Cyclisme.Enfin, les juges ajoutent que « le fait que les coureurscyclistes professionnels soient pressentis au cours dudéroulement du tour de France, s’inscrivent par l’intermédiaired’agents auprès de l’association, soient rémunérés au titre de« prestation de service », pour leur participation à la course,indépendamment de leur rang de classement, n’est pas denature à enlever au critérium son caractère de compétitionsportive ».

    La cour de renvoi en déduit donc que les coureurs cyclistesparticipant à une course de type critérium ne sont pas desartistes du spectacle. Ils ne peuvent donc pas être affiliés aurégime général au titre de l’article L.311-3 15° du code de lasécurité sociale.

    Il demeurait néanmoins possible d’étudier leur affiliation autitre de l’article L.311-2 du même code, à la condition que lescoureurs soient subordonnés à l’organisateur. La cour d’appelne procède pas à cette analyse, probablement en raison del’absence de demandes de l’URSSAF sur ce point. L’arrêts’arrête donc à la question de la qualification d’artiste duspectacle, que les magistrats d’appel rejettent.

    Les juges lyonnais seraient-ils plus fins connaisseurs enmatière de cyclisme que les hauts magistrats de la Cour decassation ? Dans tous les cas, en résistant à leur position, ilsont, incontestablement, changé de braquet !

    Florent DoussetAvocat au barreau de Lyon

    Xavier AumeranJuriste

    SELARL Ellipse avocats [email protected]

    3Supplément au journal

    Un coup de pouce qui aurait pu coûter cher ...

    Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon, 12 juin 2014, n°2719/2014

    EXPOSÉ DES FAITS

    Un dimanche soir, à 21 heures, lors de la clôture d'un salond'exposition, l'inspection du travail dresse un procès-verbalconstatant l'infraction de travail dissimulé à l'encontre d'unesociété, au motif que trois personnes (Messieurs A, B et C),n'ayant fait l'objet d'aucune déclaration préalabled'embauche, aidaient la gérante et deux salariés de lasociété à ranger le stand occupé...

    Ce constat amène l'URSSAF à adresser une lettred’observations puis une mise en demeure de payer lasomme de 14 507 euros au titre des cotisations sociales, despénalités et des majorations de retard.

    Contestant cette décision, la société saisit la commission derecours amiable puis le tribunal des affaires de sécuritésociale aux fins d'obtenir l'annulation du redressement.

    Pour la société, le délit de travail dissimulé ne peut êtreconstitué, puisque les inspecteurs du recouvrement n'ont nirecherché, ni constaté l'existence d'un lien de subordinationet d'une rémunération. Aussi, la société contestait

    l'évaluation forfaitaire du redressement. Quant à l'organismede recouvrement, il concluait au rejet de l'ensemble desdemandes.

    Dans son jugement, le tribunal annule le redressement aumotif que l'aide apportée, consistant au simple rangement deprospectus, ne peut permettre de caractériser une relationsalariale alors que deux salariés démontaient le stand.

    Par ailleurs, il retient la thèse de la société en constatant que:- Monsieur A était agent commercial de la société, ce quiexclut tout lien de subordination,- Monsieur B avait pris seul l'initiative de ranger lesprospectus et entretenait une relation amicale avec lagérante le conduisant à une aide spontanée, ponctuelle etlimitée,- Monsieur C, fils de Monsieur B et salarié d’une autresociété, a spontanément pris l'initiative d'aider.

    Au surplus, le tribunal constate que Messieurs B et Cpercevaient déjà des revenus non négligeables...

    PRINCIPAUX ATTENDUS

    « Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats parl'Association que les coureurs cyclistes inscrits au critériumannuel de Marcoles organisé par elle, participent à unecompétition à caractère sportif et non à une exhibition à caractèresportif sans compétition comme retenu par la juridiction depremière instance;

    (…)

    Que le fait que les coureurs cyclistes professionnels soientpressentis au cours du déroulement du tour de France,s'inscrivent par l'intermédiaire d'agents auprès de l'Association,soient rémunérés au titre de « prestation de service » pour leurparticipation à la course, indépendamment de leur rang declassement, n'est pas de nature à enlever au critérium soncaractère de compétition sportive ;

    Attendu que l'Association est fondée à soutenir que les coureurscyclistes participant au critérium ne peuvent être assimilés à desartistes du spectacle au sens de l'article L311-3 15° du code dela sécurité sociale et ne sont pas soumis à la présomption desalariat découlant de l'article L7121-3 du code du travail ; »

    Cour d’appel de Lyon, séc. soc., 29 juillet 2014, n°13/05373

  • 4Supplément au journal

    OBSERVATIONS

    Tout juriste a en mémoire une décision de la chambre socialede la Cour de cassation du 13 novembre 1996.

    Plus couramment connu sous le nom « arrêt société générale», cet arrêt de principe, rendu au visa d'articles du code de lasécurité sociale et du code du travail, définit la notion de liende subordination comme « l'exécution d'un travail sousl'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner desordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et desanctionner les manquements de son subordonné ».

    Ce principe étant maintenant rappelé, il est manifeste qu'à lalecture des faits de l'espèce, le lien de subordination faittotalement défaut.

    Toutefois, à l'ère où la jurisprudence est favorable à lareconnaissance de relations salariales, notamment pour desraisons protectrices et économiques, l'affaire ne pouvait êtreabordée qu'avec un certain scepticisme et ce d'autant plusqu'en la matière, la Cour de cassation a parfois semé ledoute.

    C'est notamment le cas dans une décision où la hautejuridiction a reconnu l'existence d'un lien de subordinationpour des accompagnateurs bénévoles de la Croix Rouge(Cass. Soc., 29 janvier 2002, n°99-42.697). A l'inverse, elleexclut tout lien de subordination pour un compagnon de lacommunauté Emmaüs qui pourtant, effectuait un travail,recevait des directives, pouvait faire l'objet de sanctionsdisciplinaires et percevait une rémunération (Cass. Soc., 9mai 2001, n°98-46.158).

    Pour apprécier l'existence d'un tel lien, il appartient au juged'utiliser la méthode du faisceau d'indices, c'est-à-direrechercher les conditions de fait dans lesquelles est exercéel'activité des travailleurs.

    Dans sa décision le tribunal raisonne en deux temps.

    D'une part, il apprécie les éléments de fait au regard de lasituation générale et constate que l'aide apportée était trèsinfime au regard de la masse de travail. Il insiste plusparticulièrement sur le fait que deux salariés de la sociétéétaient présents pour procéder au démontage.

    De plus, il constate l'absence de versement d'unerémunération.

    Une telle analyse n'est pas surprenante, néanmoins il enressort que l'existence d'un lien de subordination aurait puêtre retenue si l'aide avait été plus importante.

    Pourtant, si tel avait été le cas, encore aurait-il fallu démontrerl'ensemble des conditions relatives au lien de subordination.

    En l'espèce, on pense plus particulièrement au pouvoir desanction de l'employeur, élément difficilement qualifiablelorsque des relations amicales interfèrent.

    En outre, il aurait été nécessaire de démontrer le versementd'une rémunération. L'invitation à dîner de la gérante suffisait-elle ? La réponse est positive, à condition d'en être lacontrepartie. Rappelons que l'article L311-2 du code de lasécurité sociale vise toute rémunération quel que soit «sonmontant et sa nature».

    D'autre part, le tribunal exploite la situation personnelle dechacune des personnes.

    Pour Monsieur A, la motivation est conforme à l'article L8221-6 du code du travail, qui reconnaît aux agents commerciauxune présomption de non salariat. Dès lors, sauf à enrapporter la preuve contraire, le juge ne pouvait constaterl’existence d’un lien de subordination.

    Pour Monsieur B, la motivation s'inscrit dans la lignée d'unejurisprudence ancienne, considérant le fait que deuxpersonnes liées d'amitié, se rendant des servicesréciproques, n'est pas suffisant pour reconnaître l'existenced'un lien de subordination (Cass. soc., 20 mars 1980, n°78-16.25).

    De plus, le tribunal indique que l'aide était « spontanée,ponctuelle, limitée et de très peu d'intérêt économique ». Onregrette que cette motivation n'ait pas été abordée plus tôt,au-delà du cas de Monsieur B. En effet, ces qualificatifs sontde nature à exclure tout lien de subordination et ce, même si

    le Tribunal qualifie, sûrement avec ironie, cette aide d' « acteincriminé »...

    Enfin, concernant Monsieur C, le tribunal constate qu'envoyant l'heure tourner (et le repas s'éloigner), il a apportéspontanément et en toute simplicité son aide. Cettespontanéité est exclusive de tout lien de subordinationpuisqu'elle s'oppose nécessairement à toute forme dedirective. Encore que, cette aide « spontanée » ne serait-ellepas une directive reçue par un estomac affamé ? La questionreste entière mais insuffisante pour caractériser l'existenced'un lien de subordination !

    A ce stade de la lecture, on ne peut qu'approuver lamotivation du tribunal.

    Toutefois, le dernier attendu, consistant à exclure un lien desubordination au motif que les personnes percevaient déjàdes revenus non négligeables de leurs activités respectives,est particulièrement surprenant.

    Sur ce point, on regrette que le tribunal ne soit pas allé aufond de son raisonnement.

    Au regard des conditions posées par la jurisprudence, lemontant des revenus perçus dans le cadre d'une autreactivité, ne peut être un indice permettant de caractériserl'existence d'un lien de subordination.

    Suivre un tel raisonnement reviendrait à admettre qu'unepersonne ayant des revenus confortables serait moinsexposée au pouvoir de direction.

    « Au surplus », la formulation employée pour introduire cetattendu, démontre la volonté du tribunal d'assener un derniercoup à l'existence d'un quelconque lien de subordination.

    Seulement, en concluant de la sorte, la juridiction prend lerisque de se contredire.

    En effet, on peut en déduire que si Messieurs B et C avaienteu des revenus moindres, un lien de subordination aurait puêtre caractérisé. Pour autant, leur aide aurait toujours étéamicale, infime, volontaire, spontanée, ponctuelle, limitée.

    Malgré l'interprétation qui peut être faite de ce dernierattendu, l'annulation du redressement s'imposait, sauf àporter un coup à certaines relations amicales.

    Une chose est sûre, en adoptant une position aussi arbitraire,l'organisme de recouvrement nous rappelle que les caissesde la Sécurité sociale sont vides…

    Florian Da SilvaAvocat au barreau de Lyon

    SELAS Jacques Barthélémy et associé[email protected]

    PRINCIPAUX ATTENDUS

    « Le fait de ranger quelques prospectus et du petit matériel (...),et ce alors que deux salariés de la société étaient bien présentspour procéder à l'enlèvement du matériel exposé sur le stand,est très insuffisant pour caractériser une activité organisée etexercée sous l'autorité d'un employeur moyennant rémunération».

    « Ce statut (agent commercial) est par nature exclusif de toutlien de subordination à l'égard du mandant ».

    « Il n'est pas illogique qu'un commercial retraité, continue às'intéresser à ce qui était autrefois le cœur de son métier etconserve des liens amicaux avec ses anciens clients leconduisant à l'acte incriminé, à savoir une aide spontanée,ponctuelle et limitée, de peu d'intérêt pour la société (...)».

    « Monsieur C (...) constatant que l'heure avançait, il aspontanément en toute simplicité commencé à ranger desclasseurs et prospectus dans des cartons ».

    « Au surplus, les avis d'imposition et bulletins de salaire produitsétablissent que ces deux personnes bénéficient par ailleurs derevenus non négligeables ».

    Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Lyon,12 juin 2014, n°2719/2014

  • 5Supplément au journal

    EXPOSE DES FAITS

    La société D. est spécialisée dans le transport routier,notamment de matières chimiques.

    Fin mars 2012, sa direction a avisé le comité de sonétablissement de Saint-Rambert d’Albon de son projet deprogressivement mettre en place, dans les véhicules del’entreprise, un système de géolocalisation, permettant deconnaître en temps réel et en permanence la position, lavitesse et l’itinéraire des camions, ainsi que de donner, le caséchéant et pareillement en temps réel, toutes instructions auxconducteurs, en fonction des données ainsi recueillies et desnécessités du service.

    Le comité d’établissement ainsi consulté, s’estimantinsuffisamment informé, a sollicité l’avis du CHSCT quant auxconséquences de ce projet sur les conditions de travail dupersonnel, notamment les conducteurs de camion.

    Le CHSCT, par un vote unanime adopté le 12 octobre 2012,a décidé de recourir à une expertise dans le cadre de l’articleL. 4614-12 du code du travail.

    Par acte du 30 octobre 2012, la société D. a saisi le présidentdu tribunal de grande instance de Valence statuant en laforme des référés, aux fins d’annulation de cette délibération,faisant valoir en substance que le projet, certes susceptiblede concerner un nombre important de salariés, n’impliquaitaucune répercussion importante sur leurs conditions detravail, s’agissant d’un « simple boîtier » installé dans lescamions, ne nécessitant aucune manipulation de la part duconducteur et n’induisant aucune perte d’autonomie pour cedernier, lequel bénéficierait par ailleurs d’une « réduction del’exposition au risque routier », du fait de cettegéolocalisation.

    Par ordonnance du 5 décembre 2012, le président du tribunalde grande instance de Valence a débouté la société D. de sesdemandes, et l’a condamnée à indemniser le CHSCTdéfendeur au titre de ses frais d’assistance et dereprésentation.

    La société D. a relevé appel de cette décision. Par arrêt du 31octobre 2013, la cour d’appel de Grenoble a confirmél’ordonnance entreprise. C’est la décision commentée ici.

    OBSERVATIONS

    Cet arrêt, qui ne révolutionne certes pas la matière maisprésente le mérite – dont il faut bien constater la croissanterareté – d’être minutieusement motivé, ne peut qu’êtreapprouvé.

    Il vient opportunément rappeler que les nouvellestechnologies, en ce qu’elles comportent de potentiellesatteinte aux libertés fondamentales des salariés, ne sauraientêtre mises en œuvre dans l’entreprise autrement que dans lestrict respect de ces dernières, et par voie de conséquencedes prérogatives des institutions représentatives dupersonnel, en premier lieu le CHSCT.

    Chacun connaît le triptyque qui gouverne les rapports

    IRP/expert/employeur : l’IRP (en l’occurrence le CHSCT)décide d’une expertise, l’expert accomplit une missiontoujours jugée inutile et injustement intrusive par l’employeur,ce dernier paie, souvent cher, et il n’est pas content,l’abondance et l’intensité du contentieux en témoignent.

    Les problématiques liées à l’introduction de nouvellestechnologies ne modifient pas fondamentalement ce schéma,mais elles ont le mérite, qui pourrait paraître paradoxal, d’enclarifier les contours.

    La surveillance des salariés, sa légitimité, ses fins, sont desquestions anciennes et par essence complexes ; l’émergencede nouveaux outils informatiques ne les résout pas, bien aucontraire, mais a conduit les pouvoirs publics et les juges àprendre en compte les enjeux en cause.

    Ces questions ne concernent d’ailleurs pas seulement lessalariés, mais tous les citoyens : c’est si vrai qu’à la suite dedeux arrêts rendus par la chambre criminelle de la cour decassation le 22 octobre 2013 (n° 13-81945 et 13-81949) ayantconsidéré, dans le registre de l’enquête pénale, que « latechnique dite de géolocalisation constitue une ingérencedans la vie privée dont la gravité nécessite qu’elle soitexécutée sous le contrôle d’un juge », a été votée la loin°2014-372 du 28 mars 2014, passée relativement inaperçue,donnant un cadre légal strict à de telles mesures, désormaisprévues – et encadrées, donc – par le code de procédurepénale.

    Ce texte répond évidemment aux exigences de la coureuropéenne des droits de l’Homme, dont on ne saluerajamais assez le rôle précurseur en matière de libertésindividuelles.

    Cette juridiction, s’agissant des salariés, avait déjà eul’occasion de considérer que l’ingérence d’un dispositif degéolocalisation dans leur vie privée devait correspondre,selon la formule désormais traditionnelle, à un besoin socialimpérieux et être proportionnée au but légitime recherché.(CEDH, 2 sept. 2010, Unzun c./ Allemagne, n°35623/05)

    En droit purement interne, la CNIL a adopté unerecommandation (délibération n° 2006-066 du 16 mars 2006,complétée en 2009), prise pour l’application de l’article 39 dela loi dite « Informatique et Libertés », et imposant, outre ladéclaration de tout dispositif de cette nature, des conditionsstrictes tenant :

    - à la finalité dudit dispositif, qui ne saurait être la surveillancepour elle-même ;

    - à l’utilisation des données recueillies (auxquelles l’accès doitêtre restreint), ainsi que leur temps de conservation (pas plusde 2 mois) ;

    - au respect des droits collectifs et individuels des salariés :consultation préalable des IRP, droit d’accès et de rectificationdes données à la demande des salariés, désactivation dudispositif pour les salariés investis d’un mandat pendantl’exercice du mandat.

    La formation contentieuse de la CNIL n’a d’ailleurs pas hésitéà prononcer une sanction pécuniaire de 10 000 € à l’encontred’un employeur refusant l’accès effectif d’un de ses salariésaux données le concernant (délibération du 9 juillet 2012).

    Exécution du contrat de travail

    Cour d’appel de Grenoble, ch. soc., 31 octobre 2013, n°12/05770

    Géolocalisation des salariés – conditions – expertise à la demande du CHSCT

  • 6Supplément au journal

    Ces principes ont été consacrés par l’article L. 1121-1 ducode du travail, article unique du chapitre lui-même uniquedu titre II, noblement intitulé « Droits et libertés dansl’entreprise », du livre 1er de cet ouvrage, plus sobrementqualifié de « Dispositions préliminaires », et qui dispose :

    « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et auxlibertés individuelles et collectives de restrictions qui neseraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplirni proportionnées au but recherché », où l’on retrouve lesexigences de subsidiarité et de proportionnalité du droiteuropéen.

    C’est d’ailleurs au visa de ce texte que la chambre sociale dela cour de cassation, dans un arrêt remarqué, a puconsidérer qu’ « un système de géolocalisation ne peut êtreutilisé par l’employeur pour d’autre finalités que celles qui ontété déclarées auprès de la Commission nationale del’informatique et des libertés, et porté à la connaissance dessalariés » et que l’utilisation d’un système de géolocalisationpour assurer le contrôle de la durée du travail n’est licite «que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autremoyen ». (Cass. soc., 3 novembre 2011, n°10-18.036)

    Si évident que cela puisse paraître, il fallait que ce soit dit parla haute juridiction, et nous nous réjouissons pour notre partqu’elle l’ait fait dans des termes aussi nets.

    Les juridictions du fond, par nature plus factuelles, n’étaientd’ailleurs pas en reste : la cour d’appel de Bordeaux, parexemple, dans un arrêt rendu le 27 novembre 2012, RG n°11/06565) sur demande initiale d’une organisation syndicale,a jugé qu’il appartenait à l’employeur de permettre à sessalariés de désactiver « de façon simple et immédiate » ledispositif de géolocalisation des véhicules mis à leurdisposition.

    Dès avant cela et pour revenir au rôle du CHSCT, leprésident du tribunal de grande instance d’Evry, saisi parl’employeur qui contestait la décision du CHSCT de recourirà une expertise dans le cadre de la mise en place d’undispositif de géolocalisation de ses salariés, a pu retenir qu’ilest « évident que ce système va entraîner, à court ou longterme, des effets majeurs en terme d’impact sur lesconditions de travail des salariés. » (Ordonnance du 13 mai2008, n°08/00471).

    Dans l’affaire ayant abouti à l’arrêt rapporté, la société D. (quipareillement demandait l’annulation de la délibération duCHSCT décidant de recourir à une expertise), n’a pas hésitéà soutenir le contraire, au prix de ce qui nous paraît être unefeinte confusion entre les modalités de mise en œuvre deson dispositif (un simple boîtier dans les tracteurs, disait-elle)et ses conséquences sur les salariés concernés (quidevraient s’en féliciter plutôt que de s’en plaindre, leursurveillance étant finalement une garantie de leur sécurité,disait-elle aussi, sans crainte du ridicule).

    L’arrêt confirmatif de la cour d’appel de Grenoble balaie cesbalivernes, dans l’esprit du droit positif brièvement rappelé ci-avant, et elle le fait avec un soin qui justifie à lui seul leprésent commentaire.

    Après avoir constaté que le dispositif envisagé parl’employeur « aura pour fonction et pour objet notamment delocaliser les chauffeurs en temps réel, de comptabiliser leursheures de trajet et leur vitesse, de déterminer préalablementleur itinéraire et de les diriger en situation le long de cetitinéraire, de fixer en temps réel leur heure d’arrivée au pointde livraison », la cour en déduit et énonce que « la mise enœuvre de ce projet aura nécessairement un impact sur lesconditions de travail des chauffeurs ».

    Observant en outre que l’employeur n’avait donné(contrairement à ses obligations légales) aucune informationquant aux répercussions possibles sur les salariésconcernés, elle valide la décision du CHSCT de recourir àune expertise lui permettant de donner un avis éclairé,conformément aux dispositions de l’article L. 4614-2 du codedu travail.

    A défaut de réelle originalité, cette décision a le mérite de lacohérence et de la clarté.

    Nous avons déjà eu l’occasion, dans ces prestigieusescolonnes, de rappeler que le salarié est aussi un citoyen.

    Nous sommes tentés de dire – et à cette tentation-là nouscédons sans crainte – que le salarié est avant tout un citoyenet l’arrêt rapporté nous conforte dans cette opinion.

    Karine ThiebaultAvocat au barreau de Lyon

    SCP Antigone [email protected]

    Cour d’appel de Lyon, ch. soc., sect. A, 11 juin 2014, n°13/04552

    Un essai à ne pas renouveler…

    PRINCIPAUX ATTENDUS

    « Ce système destiné à équiper tous les engins tracteurs del’entreprise, laquelle a comme activité le transport demarchandise, est donc de nature à concerner directement lagrande majorité des salariés de cette dernière. (…)

    il aura pour fonction et pour objet notamment de localiser leschauffeurs en temps réel, de comptabiliser leurs heures detrajet et de déterminer leur vitesse, de déterminerpréalablement leur itinéraire et de les diriger en situation lelong de cet itinéraire, de fixer en temps réel leur heured’arrivée au point de livraison.

    Il en résulte que la mise en œuvre de ce système auranécessairement un impact sur les conditions de travail deschauffeurs (…)

    Ces circonstances justifient que le CHSCT, en l’absence detoute information de l’employeur quant à l’impact de cesystème dans ces domaines, ait décidé de recourir à un expertagréé pour obtenir tous éléments utiles permettant d’enmesurer les effets, aux fins d’exercer pleinement sa mission etde rendre un avis éclairé (…) »

    Cour d’appel de Grenoble, ch. soc., 31 octobre 2013, n°12/05770

    La tentation est grande, pour l’employeur, de procéder aurenouvellement de la période d’essai de son salarié… pourmieux s’en séparer…diront les mauvaises langues.

    C’est pourquoi le principe même du renouvellement del’essai doit être, depuis la loi du 25 juin 2008 (article L.1221-21 du code du travail) fixé par un accord de branche étendu.

    Le renouvellement doit également être stipulé dans le contratde travail ou la lettre d’engagement et expressément acceptépar le salarié. (article L.1221-23 du code du travail). Endehors des conditions posées par ces textes, lerenouvellement n’est pas permis (Cass. soc., 23 septembre2014 n°13-17.140 ; Cass. soc., 9 juillet 2014 n°12-15.479).

  • 7Supplément au journal

    Mais ce renouvellement est l’occasion de constater certainsabus dans la rupture de la période d’essai.

    La Cour de cassation considère alors que le juge doit vérifierque la rupture de la période d’essai, nonobstant le fait qu’ellen’a pas à être motivée, doit être justifiée, en cas decontestation judiciaire, par un motif inhérent à la personne dusalarié (Cass. soc., 30 avril 2014, n°12-29.864)

    Ainsi, l’essai a pour finalité de vérifier « les aptitudesprofessionnelles du salarié et son adéquation au poste qui luiest dévolu » (Cass. soc., 15 janvier 2014, n°12-14.650).

    C’est pourquoi la rupture de la période d’essai doit être «fondée sur des éléments objectifs, étrangers à toutediscrimination et tenant à l’insuffisance des capacitésprofessionnelles du salarié… » (Cass. soc., 9 octobre 2013,n°12-18.570)

    L’arrêt ci-après commenté de la chambre sociale de la courd’appel de Lyon illustre ces principes et leur application parla Haute Cour : le renouvellement régulier d’une périoded’essai n’implique pas nécessairement que la rupture ducontrat n’est pas abusive.

    EXPOSE DES FAITS

    Monsieur B. a été engagé, le 16 mai 2011 en qualité de chefdes ventes pour vendre des véhicules d’occasions.

    Quelques mois après, il lui est demandé de prendre encharge le secteur des véhicules neufs ; ce qu’il accepte, bienque n’ayant pas d’expérience sur ce secteur.

    Le 14 septembre suivant, son employeur décide alors deprocéder au renouvellement de sa période d’essai, soitjusqu’au 15 janvier 2012, vraisemblablement afin de luipermettre de de faire ses preuve dans le secteur desvéhicules neufs.

    Malheureusement pour le salarié, le 27 octobre 2011, sonemployeur devait lui remettre en main propre la notificationde la fin de son contrat.

    Estimant que la rupture de sa période d’essai était abusive,Monsieur B. saisit alors la section de l’encadrement duconseil de prud’hommes de Lyon qui le déboute de toutesses demandes indemnitaires, y compris d’une demande derappel de salaire formée au-delà du délai de six mois qui suitla signature du reçu pour solde de tout compte.

    Devant la cour, il fait plaider non seulement que lerenouvellement de son essai est illégitime mais surtout quela rupture de son contrat est intervenue pour une causeétrangère à ses qualités professionnelles.

    La cour s’est prononcée successivement sur le bien-fondédu renouvellement de la période d’essai et sur le caractèreabusif de la rupture.

    OBSERVATIONS

    Le renouvellement de la période d’essai était-il possible ?

    Après avoir rappelé les principes qui gouvernent lerenouvellement de la période d’essai, la cour a retenu, d’unepart, que la convention collective applicable (celle desservices de l’automobile) prévoyait bien le principe durenouvellement de l’essai pour une période identique à ladurée initiale de l’essai, et, d’autre part, que l’extension dudomaine d’intervention de Monsieur B. aux véhicules neufsjustifiait que ses compétences soient évaluées sur unepériode plus longue.

    Cette conviction était au demeurant renforcée par le fait queMonsieur B. avait indiqué qu’il n’avait aucune expériencedans le domaine des véhicules neufs.

    En marge de cette motivation, il est intéressant de releverl’argument présenté par Monsieur B. et selon lequel lecaractère abusif du renouvellement de l’essai se déduisait dufait que son employeur renouvelait systématiquement toutesles périodes d’essai de ses collaborateurs. Un courriel,matérialisant cet « usage » et émanant de l’entreprise, avaitd’ailleurs été versé aux débats.

    La cour l’a rejeté, comme étant non pertinent, en cestermes :

    « »En admettant même l’existence d’un usage derenouvellement automatique, il convient de voir si celui deMonsieur B. était justifié ».

    Pour la cour, seule une appréciation in concreto de lasituation du salarié permet d’apprécier le bien-fondé durenouvellement d’une période d’essai.

    La solution s’imposait donc, en droit comme en fait, et la courn’a fait que confirmer, sur ce point, la décision des premiersjuges.

    La rupture de l’essai était-elle pour autant abusive ?

    Les premiers juges ont rejeté le caractère abusif de larupture. Les motifs de l’arrêt ne reprennent pas les raisonsqui ont conduit le conseil à débouter le salarié sur ce point.

    Pour réformer le jugement entrepris, la cour s’est attachée àvérifier si le motif de la rupture du contrat pouvait trouver sasource dans des manquements professionnels du salarié ousi l’employeur avait agi abusivement.La question méritait d’être posée puisque Monsieur B. avaitproduit diverses pièces tendant à démontrer que la rupturede son contrat n’obéissait pas à des lacunesprofessionnelles.

    En effet, Monsieur B. alléguait que son départ précipité étaitcertainement lié au retour de son prédécesseur.

    Cette allégation était corroborée par les attestations deplusieurs salariés de la société, présents lors d’une réunionde l’ensemble du personnel, desquelles il ressortait, ausurplus, que « les résultats et le travail de Monsieur B.n’étaient absolument pas en cause, que la collaboration avaittoujours été excellente… »

    Monsieur B. produisait également un courriel de sonemployeur, en date du 31 octobre 2011, aux termes duquelce dernier tentait, maladroitement, de contester lesallégations précitées tout en lui indiquant (pour la premièrefois ?) qu’il avait des récriminations à lui faire et surlesquelles il ne pouvait fermer les yeux.

    Face à une telle incohérence de l’argumentation, présentéede manière bien tardive et traduisant, en réalité, le profondembarras de l’employeur, la cour relevait les deux élémentspertinents suivants :

    D’une part, Monsieur B. a contesté dès le lendemain lescritiques mentionnées dans le courriel de l’employeur;

    D’autre part, l’employeur n’a fait aucune observation à sonsalarié au cours de l’exécution du contrat ce qui auraitpermis à ce dernier de se ressaisir, le cas échéant et « fairede sa période d’essai, un succès ».

    Pour achever son raisonnement, la cour relève que lavolonté de réintégrer le prédécesseur de Monsieur B. n’ajamais été utilement contredite, notamment par la productiondu contrat de travail de l’intéressé, dans lequel devaitcertainement figurer une « clause de retour ».

    Ainsi, après avoir effectué la recherche qui lui incombait, lacour en a donc conclu que, faute pour l’employeur de justifierd’un quelconque reproche d’ordre professionnel, la rupturedu contrat, au cours de l’essai, était abusive.

    La motivation de cet arrêt est parfaitement conforme à lajurisprudence de la Cour de cassation qui exige que l’abusdu droit de rompre la période d’essai doit être caractérisé pardes éléments objectifs non inhérents à la personne dusalarié.

    En d’autres termes si le salarié parvient à démontrer que sonemployeur n’a aucun grief d’ordre professionnel à lui faire,ou si l’employeur ne peut établir la réalité des carencesprofessionnelles de son salarié, la rupture du contrat serajugée abusive.

    C’est donc à bon droit que la cour d’appel de Lyon a purelever, au cas précis, que l’employeur n’avait formuléaucune observation à son salarié pendant 5 mois alorsmême que son périmètre d’intervention avait été augmentéet juger que la rupture était de fait, abusive.

  • 8Supplément au journal

    On peut toutefois s’interroger sur l’incidence que peut avoirce raisonnement sur la charge de la preuve.

    Par principe, il appartient au salarié de rapporter la preuve del’abus du droit de rompre la période d’essai dès lors quecette rupture n’a pas être motivée.

    Or, il est patent qu’en exigeant que la rupture de l’essai soitfondée sur des éléments objectifs, la cour admet au moinsimplicitement que cette preuve doit être rapportée parl’employeur qui est le plus à même d’en justifier ; le salariéne pouvant quant à lui que se borner à soutenir qu’il atoujours bien fait son travail.

    L’absence de motivation de la rupture n’est donc passuffisante pour mettre l’employeur à l’abri d’unecondamnation.

    Il est donc indispensable que l’employeur se préconstituedes éléments de preuves des carences de son salarié.

    C’est en tous cas la leçon que l’on peut tirer de l’arrêtcommenté, en attendant que la jurisprudence exige, un jour,que la rupture de la période d’essai soit explicitementmotivée…

    Olivier BarrautAvocat au barreau de Lyon

    SELAS Jacques Barthélémy et associé[email protected]

    EXPOSE DES FAITS

    Dans la première affaire (n° 13/05173), Madame B. estengagée le 15 septembre 2008 par la société F en qualité dechef de mission audit.

    Son contrat de travail est suspendu à compter du 15 juillet2009 pour maladie, maternité puis congé parental jusqu’au 6septembre 2010, date à laquelle Madame B. reprend le travailsur une courte période (environ 5 semaines) pour être denouveau placée en arrêt maladie à partir du 15 novembre2010.

    Le 13 décembre 2010, à l’occasion d’une visite de reprise,Madame B. est déclarée en inaptitude temporaire par lemédecin du travail et par courrier du 30 décembre 2010, elledénonce auprès de l’employeur les conditions de reprise deson poste à l’issue de son congé parental.

    Après un échec d’une tentative de rupture conventionnelle ducontrat de travail, Madame B. se résoudra le 9 février 2011 àprendre acte de la rupture de son contrat, dont elle impute laresponsabilité à l’entreprise, et saisira par la suite le conseilde prud’hommes en vue de faire requalifier cette rupture enlicenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse.

    Déboutée de l’intégralité de ses demandes par le conseil deprud’hommes, Madame B. forme appel devant la cour quiréforme la première décision et condamne la société F àverser diverses sommes.

    Dans la seconde affaire (n° 13/05478), Monsieur C. occupedepuis une quinzaine d’année un emploi de directeurtechnique.

    En 2007, il signale à sa hiérarchie une situation deharcèlement moral, fondée notamment sur son éviction dansle processus décisionnel et sur la mise en place d’un conseilde surveillance perçu par lui comme un outil de contrôle deson activité.

    Suite à plusieurs avertissements, Monsieur C. sera finalementlicencié le 15 octobre 2010 pour des motifs relevant d’unmanque de loyauté et d’une défaillance de communicationauprès de son équipe.

    Dans le cadre de son action prud’homale, Monsieur C.présentait notamment deux demandes indemnitaires : lapremière fondée sur un harcèlement moral (rejetée) et laseconde sur le caractère abusif de son licenciement(accueillie).

    Et suite à l’appel interjeté par Monsieur C., la Cour confirmerasur le principe la position des premiers juges.

    OBSERVATIONS

    Ces deux affaires rendues le même jour illustrent assez bienle régime de la preuve en matière de harcèlement moral, telqu’il résulte de l’article L.1154-1 du code du travail et quirepose sur deux étapes successives :

    - première étape : le salarié concerné établit des faits quipermettent de présumer l’existence d’un harcèlement,

    - deuxième étape : si le salarié remplit sa charge probatoire, ilincombe alors à l’employeur de justifier sa pratique par deséléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

    Nous savons dans ce domaine que le harcèlement moral peutadopter de multiples formes, dont le dénominateur communréside dans la dégradation des conditions de travail(rétrogradation, augmentation anormale de la charge detravail...), l’atteinte à ses droits ou à sa dignité (affectation àdes tâches étrangères à la qualification professionnelle,remise en cause systématique et injustifiée des compétencesprofessionnelles...), l’altération de l’état de santé (menaces,pressions...) ou la compromission de l’avenir professionnel(ostracisme, isolement professionnel, acharnementdisciplinaire...).

    Dans les deux décisions commentées, la cour d’appel deLyon applique sans surprise les règles énoncées ci-dessuspour aboutir selon l’espèce à une conclusion diamétralementopposée.

    Ainsi, dans la première affaire, la cour entre en voie decondamnation en se livrant au seul examen de la périoderestreinte s’étant écoulée entre la reprise du travail parMadame B. à l’issue de son congé parental (6 septembre2010) et son placement en arrêt maladie (15 novembre 2010).

    Ce qui démontre que si le harcèlement moral repose sur desagissements répétés, ils n’ont pas besoin d’être constatés surune période significative.

    Et en l’espèce, la Cour retient à l’analyse des pièces dudossier :

    - d’une part, que Madame B. à son retour de congé n’avait

    Harcèlement moral : les agissements constitutifs du harcèlement

    Cour d’appel de Lyon, ch. soc., sect. A, 16 juin 2014, n° 13/05173 et 13/05478

    PRINCIPAUX ATTENDUS

    « L’évaluation de ses compétences dans ce domaine et dans lagestion d’un double service nécessitait le renouvellement de lapériode d’essai, le court laps de temps écoulé depuis le 1e août,au surplus entrecoupé des congés d’été, ne suffisant, à sonniveau d’intervention, à l’appréciation de son action. Lerenouvellement n’est pas abusif. »

    « Il résulte de ces éléments que la période d’essai de MonsieurB. auquel aucune observation n’a été faite durant 5 mois alorsmême que son périmètre d’intervention avait été augmenté a étérompue pour un motif étranger à la personne du salarié. Elle estabusive. »

    Cour d’appel de Lyon, ch. soc., sect. A, 11 juin 2014

  • récupéré ni son bureau ni ses outils de travail, errant de posteen poste au gré des locaux et matériels vacants,

    - d’autre part, que Madame B. n’avait pas récupérél’ensemble de ses attributions professionnelles de chef demission, sans véritable fonction à assurer ou clients à traiter,en violation de l’article L.1225-55 du code du travail suivantlequel le salarié en retour de congé parental retrouve sonprécédent emploi ou un emploi similaire.

    Un indice fort du harcèlement moral, évoqué à demi-mot parla cour, réside dans la disparité de traitement dont MadameB. avait fait l’objet par rapport à ses collègues de travail.

    En effet, pour tenter de justifier l’absence de bureau ou dematériel attitré et remplir sa part probatoire, l’employeur avaitsoutenu que la situation de Madame B. ne différait pas sur cepoint de celle des autres membres du service, qui n’auraientpas davantage bénéficié d’une place fixe ou d’un ordinateurpersonnel.

    Mais cette assertion a été démentie par les éléments mis àdisposition de la cour, d’ailleurs en capacité d’énumérer endétail l’étage et le numéro de bureau attribués à chaquecollaborateur.

    De sorte que Madame B., sans bureau fixe ni outil de travail,avait été victime d’un traitement particulier justifiant lacondamnation.

    Dans la seconde affaire, la thèse du harcèlement moral estrejetée en l’absence de faits objectifs laissant présumerl’existence du harcèlement : en d’autres termes, le salarién’avait pas rempli la charge probatoire qui pesait sur lui.

    La décision présente un intérêt en ce qu’elle permet dedistinguer :- les agissements fautifs de harcèlement moral, fondés surdes actions objectives et extérieures à la victime,

    - et une situation de souffrance ressentie par le salariécomme constitutive de harcèlement, mais reposant surl’appréciation subjective qu’en fait l’intéressé.

    En clair, si Monsieur C. avait pu livrer un sentiment négatif surses relations de travail, la cour n’y a identifié aucun faitobjectif et imputable à l’entreprise pouvant justifier une

    condamnation.Bien au contraire, la cour a décelé dans l’examen des faitsl’hostilité de Monsieur C. à se soumettre au lien desubordination qui l’unissait à l’employeur :

    - en affichant sa réticence sur la création d’un organe decontrôle,

    - ou en s’immisçant dans le processus décisionnel relevant dela Direction générale.

    Ayant été cadre de haut niveau et par ailleurs gérantconcomitamment d’une société de prestation informatique,Monsieur C. demeurait néanmoins salarié dans ses rapportsavec l’employeur et devait se conformer aux prérogatives quien découlent : pouvoir de direction, de contrôle et le caséchéant de sanction.

    De sorte que la situation qu’il visait, aussi mal perçue soit elle,ne caractérisait pas un harcèlement moral mais la simpleexpression du lien de subordination inhérent à tout contrat detravail.

    Il convient enfin de noter, dans les deux affaires commentées,que les salariés avaient présenté outre une demandecomplémentaire en dommages et intérêts pour manquementà l’obligation de sécurité de résultat.

    Ce chef de réclamation tend aujourd’hui à devenir récurrentdans les litiges prud’homaux en lien avec une rupture ducontrat de travail, mais également à propos de l’exécution ducontrat (formation professionnelle par exemple).

    La différence avec l’action en harcèlement portantprécisément sur le régime probatoire, dès lors que la chargede la preuve pèse ici essentiellement sur l’employeur.

    David BlancAvocat au barreau de Lyon

    Fromont [email protected]

    9Supplément au journal

    La charge probante proportionnée à la gravité de la faute ?

    Cour d’appel de Lyon. ch. soc., sect. C., 13 décembre 2013, n°12/8161

    EXPOSE DES FAITS

    Monsieur L. exerce depuis une quinzaine d’années dans unegrande compagnie d’assurance, et l’on peut supposer que sacarrière n'a pas connu d'incident particulier puisqu'il a étépromu aux fonctions de Directeur d'un service en 2008.

    Aux alentours de Noël 2010, il est convoqué à un entretienpréalable, mis à pied à titre conservatoire puis licencié pourfaute grave.

    Les faits reprochés sont graves puisqu'ils relèvent duharcèlement, moral et sexuel.

    Et l’employeur ne manque pas de souligner que sa décisionde licencier est aussi dictée par l’obligation de sécurité derésultat qui pèse sur lui.

    Le salarié conteste son licenciement et obtient gain de causedevant le conseil prud'hommes de Lyon, jugement confirmépar la cour d'appel.

    OBSERVATIONS

    Les griefs de harcèlement, moral et sexuel étant d'une gravité

    incontestable pour justifier le licenciement immédiat, le rôledes juges dans cette affaire se limitait à vérifier leur réalité.

    L’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon présente l’intérêtd’exposer clairement la méthodologie suivie.

    La cour décrit tout d’abord le cadre du litige, circonscrit par lalettre de licenciement, qui explique que le management deMonsieur L. a provoqué la saisine du CHSCT sur ladégradation des conditions de travail de ses collaborateurs, etque ses membres ont jugé la situation suffisamment gravepour mandater un expert aux fins d'analyser ce risque.

    La rupture est également fondée sur le contenu du rapport decet expert et sur des réclamations formulées par un syndicatde cadres.

    Après avoir rappelé que la preuve de la faute grave incombeà l'employeur, elle dresse la liste des éléments fournis par cedernier et notamment :

    - le compte rendu d'une réunion du CHSCT mentionnant queles membres élus constatent que des faits de managementsont à l'origine d'une souffrance au travail, et que l'inspectricedu travail indique avoir reçu des témoignages sur ladégradation des conditions de travail,

  • 10Supplément au journal

    - un extrait du rapport établi par le cabinet d'expertise,rapportant des « agissements destructeurs répétés » etconcluant à « l'existence indiscutable d’un niveau desouffrance au travail extrêmement fort »

    - les témoignages de 2 salariées expliquant avoir à plusieursreprises ressenti des agissements déplacés de la part deMonsieur L..

    La Cour procède ensuite à l'analyse de ces éléments.

    Elle commence par déplorer que le rapport définitif del'expertise ordonnée par le CHSCT ne soit pas versé auxdébats dans son intégralité, ni que son auteur ne soit identifié,ni que la méthode d'enquête ne soit décrite.

    Elle constate également que le dossier est vide des alertessusceptibles d'avoir été lancées par le médecin du travail oul'inspecteur du travail, ou des constatations objectives queceux-ci auraient pu faire.

    En ce qui concerne le harcèlement moral, elle remarque queles accusations formulées demeurent trop générales, relevantnotamment que la plainte d'une salariée sur le déroulementde son entretien d'évaluation ne peut attester que de soninterprétation personnelle et non établir des faits objectifs etvérifiables.

    Sur le grief du harcèlement sexuel, la cour constate que deuxsalariées se sont plaintes, en expliquant avoir eu l’impressiond’être « déshabillées du regard » par Monsieur L., ou que

    celui-ci leur aurait tenu des propos chargés de sous-entendusà connotation sexuelle.

    Sans remettre en question la sincérité de ces témoignages,d'ailleurs corroborés par d'autres salariés auprès desquelsces deux collaboratrices s'en étaient ouvertes, la cour refusede leur accorder un caractère probant pour justifier d'uncomportement fautif.

    Elle considère en effet qu’il s’agit là de simples ressentis, quine sont pas confirmé par des éléments objectifs, et dont ellerelève qu’il n’ont pas été immédiatement portés à laconnaissance de l'employeur.

    Elle en déduit que cette appréciation, nécessairementsubjective, ne peut suffire à prouver la réalité des faitsreprochés.

    Elle juge ainsi que les accusations sont d'une gravité tellequ'elles ne peuvent valablement reposer que sur un élémentindiscutable.

    La charge de la preuve semble renforcée en fonction de lagravité de la faute.

    Jean-Bernard MichelAvocat au barreau de Lyon

    SELARL Ellipse avocats [email protected]

    Inaptitude : l’étendue de l’obligation de reclassement dans un groupe

    Cour d’appel de Chambéry, ch. soc., 5 juin 2014, n°13/00672

    EXPOSE DES FAITS

    Un salarié occupant le poste d’opérateur béton est déclaréinapte à son poste de travail et se voit reconnaitre travailleurhandicapé.

    Le salarié a néanmoins pu reprendre sur un posteadministratif spécialement créé à son intention dans le cadred’un mi-temps thérapeutique validé par le médecin du travail.

    Suite à un nouveau malaise grave sur ce poste, le salarié estexaminé par le médecin du travail qui constate l’échec dureclassement sur le poste spécialement aménagé et ledéclare définitivement inapte à son poste d’opérateur béton.

    Au terme de recherches de reclassement au sein del’ensemble du groupe, la société n’ayant pu identifier desolutions de reclassement, elle procède au licenciement pourinaptitude du salarié.

    Celui-ci conteste la validité du licenciement pour inaptitude aumotif que le poste de reclassement qui lui avait été proposénécessitait une formation qui ne lui avait pas été donnée etque les recherches de reclassement dans le groupe nes’appuyaient pas sur ses compétences résiduelles.

    Le conseil de prud’hommes d’Annecy puis la cour d’appel deChambéry valident la démarche de reclassement et lelicenciement pour inaptitude prononcé.

    OBSERVATIONS

    Dans cet arrêt, la cour d’appel de Chambéry est amenée àapprécier la qualité de la démarche de reclassement conduitepar l’employeur sur deux plans : le caractère suffisant ou nondes efforts d’adaptation d’un poste de reclassement et la

    précision des recherches de reclassement auprès des autresentités du groupe.

    La cour d’appel de Chambéry rappelle à titre liminaire lecaractère d’obligation de moyens renforcée et nond’obligation de résultats, de l’obligation de reclassement. Eneffet, si l’employeur doit rechercher de manière loyalel’ensemble des possibilités de reclassement tant au sein del’entreprise que du groupe auquel elle appartient, le constatd’une impossibilité objective au terme de ces démarches lelibère de son obligation.

    Appliquant ce principe aux efforts entrepris pour proposer unposte de travail aménagé, la Cour relève les points suivants :

    - Le poste de reclassement avait été spécialement créé pourle salarié et avait été aménagé conformément auxpréconisations du médecin du travail et en partenariat avecles organismes de prévention du handicap ;

    - La prise de poste ne nécessitait aucune formationparticulière, les taches étant très simples et ne supposantaucune connaissance informatique ;

    - Une structure d’aide et de suivi spécifique avait été mis enplace et le salarié était encadré et aidé quasiquotidiennement.

    Elle donne donc acte à l’employeur du parfaitaccomplissement de son obligation de reclassement interneet d’adaptation.

    On ne peut qu’approuver la position de la cour. En effet, sil’employeur a l’obligation légale de mettre en place lesmesures de transformations de postes possibles pourreclasser le salarié (art. L 1226-2 code du travail), la limitenaturelle de cette démarche est que le poste ainsi aménagédoit rester un véritable poste de travail pourvu de tâchescontribuant au fonctionnement normal de l’entreprise.

  • 11Supplément au journal

    Au cas présent, les éléments mis en évidence par la courtémoignent de la très forte implication de l’employeur dansl’aménagement de ce poste ; implication d’autant moinsdiscutable qu’effectuée tant en liaison avec la médecine dutravail qu’avec les partenaires institutionnels spécialisés dansl’aménagement de poste des travailleurs handicapés. Ilsattestent également du fait que l’employeur ne s’est passoustrait à un besoin de formation d’adaptation qui n’existaitpas compte tenu de la nature des tâches ; manquement quiaurait été sanctionnable (Cass. soc., 7 mars 2012, n°11-11.311).

    L’échec de la tentative de reclassement sur ce posteaménagé ne pouvant être imputé à une insuffisanced’adaptation du poste ou de formation, la contestation dusalarié sur ce point est écartée.

    Il en sera de même, de la critique de la démarche dereclassement au niveau du groupe

    S’il n’est plus à rappeler que l’obligation de reclassements’applique à l’ensemble des sociétés d’un groupe, il convientd’insister sur la nécessaire personnalisation de cetterecherche tant au regard des qualifications du salarié que desrestrictions médicales existantes.

    La Cour de cassation sanctionne ainsi l’employeur qui «s’était borné à adresser aux sociétés du groupe un courrielcirculaire ne comportant aucune indication relativenotamment à l’ancienneté, le niveau et la compétence dusalarié et ne justifiait d’aucune recherche personnalisée etloyale des possibilités de reclassement » (Cass. Soc. 21novembre 2012 n°11-23.829).

    En l’espèce, la cour met en évidence le caractèrepersonnalisé de la démarche en s’appuyant sur les élémentssuivants : courrier très circonstancié et intégrant lespréconisations du médecin du travail ainsi qu’un descriptif desdifficultés rencontrées par le salarié et communication du C.V.du salarié. Une parfaite visibilité était donc offerte aux autressociétés du groupe.

    Elle met ensuite en évidence, le caractère loyal et sérieux desrecherches en relevant d’une part le fait que l’ensemble dessociétés du groupe avaient bien été sollicités et d’autre part le

    fait que 9 d’entre elles avaient expressément répondu par lanégative.

    Les recherches de reclassement sont donc jugées sérieusesau terme d’une décision parfaitement conforme à l’état de lajurisprudence.

    Au-delà, cet arrêt permet de mettre en lumière ce qu’est uneprocédure de reclassement conduite avec attention etloyauté par un employeur. Que cet exemple soit sourced’inspiration !

    Dorian JarjatAvocat au barreau de Lyon

    SELARL Renaud [email protected]

    PRINCIPAUX ATTENDUS

    « Attendu que la SA B. n’est pas tenue à une obligation derésultat mais à une obligation de moyens renforcée dans lereclassement d’un salarié déclaré inapte par le médecin dutravail ;

    Attendu que la SA B. ayant parfaitement rempli son obligationde moyens renforcée pour avoir effectué des recherchessérieuses de reclassement tant en interne qu’en externe surl’ensemble des sociétés du groupe et pour avoir tout mis enœuvre pour une adaptabilité du poste administratifspécialement créé pour Monsieur C., il convient de confirmerle jugement qui a dit et jugé que le licenciement pour inaptitudeétait fondé et qui a débouté M. C. de l’ensemble de sesdemandes. »"

    Cour d’appel de Chambéry, ch. soc., 5 juin 2014, n°13/00672

    Représentants du personnel Expertise CHSCT – caducité de la délibération – droit propre de

    l’expert à agir pour ses honoraires (non)

    CA Nîmes, 3 juillet 2014, n°13/02851

    EXPOSE DES FAITS

    Une société a projeté, sous l’empire des dispositionsapplicables avant l’entrée en vigueur de la loi sur lasécurisation de l’emploi, une réorganisation impliquant uneprocédure de licenciement collectif pour motif économique etcorrélativement l’établissement et la mise en œuvre d’un plande sauvegarde de l’emploi.

    Dans le cadre des informations / consultations induites par leslivres I et II du code du travail, les comités d’établissementconsultés ont bénéficié du concours des CHSCT, dont l’un avoté une délibération tendant à l’organisation d’une expertiseet la désignation d’un expert agréé au visa de l’article L. 4614-12, 2° du code du travail.

    L’expert n’ayant pas réalisé l’expertise dans le délai impartipar l’article R. 4621-18 du code du travail, l’employeur a alorssaisi au fond en la forme des référés le président du tribunalde grande instance d’Avignon d’une demande tendant d’unepart, à contester les « modalités d’intervention de l’expert » etpartant la délibération ayant voté le principe de l’expertise etd’autre part, à voir fixer l’ordre du jour d’une prochaineréunion du CHSCT aux fins d’avis sur les incidences sur les

    conditions de travail de la réorganisation et du licenciementcollectif pour motif économique projetés.

    Après que les parties, c'est-à-dire l’employeur, le CHSCT etl’expert agréé, aient débattu contradictoirement, le présidentdu tribunal de grande instance d’Avignon, par ordonnance du17 mai 2013 :

    - a déclaré « …caduque… » l’expertise votée par le CHSCT,en précisant que l’expert n’était pas fondé à être honoré- a autorisé l’employeur à convoquer urgemment une réuniondu CHSCT aux fins de consultation et d’avis sur lesconséquences en matière de conditions de travail du projet duplan d’adaptation des effectifs.

    L’expert agréé a seul interjeté appel de l’ordonnance ainsirendue, s’empressant parallèlement de produire un rapportd’expertise en marge de l’appel interjeté quelques jours aprèsla notification de l’ordonnance dont appel.

    L’ordonnance dont appel a été exécutée et le CHSCT, qui adonc rendu son avis sur le projet de plan d’adaptation deseffectifs, n’a pas constitué avocat en cause d’appel.

  • 12Supplément au journal

    Par arrêt du 3 juillet 2014, la 1ère chambre civile de la courd’appel de Nîmes a déclaré irrecevable l’appel interjeté parl’expert agréé et l’a condamné à payer à l’employeur uneindemnité sur le fondement de l’article 700 du code deprocédure civile.

    C’est l’arrêt commenté.

    OBSERVATIONS

    1°/ Si, en procédure civile, le droit d’appel appartient aujusticiable qui a été « partie » en première instance, onrappellera cependant les dispositions de l’article 546 du codeprocédure civile, selon lesquelles le droit d’appel appartientcertes à toute partie mais cependant « qui y a intérêt ».

    2°/ Se posait dès lors la question de savoir si l’expert agrééavait en l’espèce intérêt à l’appel interjeté.

    a/ Compte tenu du caractère exécutoire de l’ordonnancerendue en première instance au fond mais également en laforme des référés, le litige, en ce qui concerne le CHSCT,partie aux débats de première instance, avait été purgé dèsl’exécution de l’ordonnance dont appel, c'est-à-dire dès lorsque le CHSCT, qui n’a pas eu de besoin de l’expertise à ceteffet, a exprimé un avis sur les conséquences en termes deconditions de travail, au niveau de l’établissement, de laréorganisation et du licenciement collectif pour motiféconomique projetés.

    C’est la raison pour laquelle le CHSCT n’a pas frappé d’appell’ordonnance de première instance et n’a pas constitué avocaten cause d’appel.

    Même s’il ne pouvait être considéré que le CHSCT étaitprésumé avoir acquiescé à l’ordonnance rendue en premièreinstance au sens de l’article 410 alinéa 2 du code deprocédure civile, en raison du caractère exécutoire del’Ordonnance dont appel, son acquiescement pouvaittoutefois « résulter des circonstances de la cause » (Cass.civ. 2ème, 16 février 1984, Bull., n° 30).

    Précisément, les circonstances de la cause, c'est-à-direl’exécution sans réserve par le CHSCT de l’ordonnance depremière instance induisant renonciation à l’expertise votée etl’expression de l’avis requis sur les conséquences du plan deréorganisation sur les conditions de travail et, en outre, la nonreprésentation et la non comparution en cause d’appel,valaient acquiescement de fait par le CHSCT.

    b/ Or, le droit du CHSCT de faire appel à un expert agréé,codifié sous l’article L. 4614-12 du code du travail, est un droitqui appartient au CHSCT et à lui seul et non à l’expert agréé.

    On comprend toutefois bien l’intérêt collatéral de l’expertagréé, à l’aune de ses propres honoraires d’expertise alorsqu’on sait, par ailleurs, que les honoraires usuellementfacturés par les experts agréés désignés par les CHSCT nesont pas vraiment « low cost », c’est le moins qu’on puisseécrire.

    En l’espèce, nul n’a été dupe, notamment pas les conseillersde la cour d’appel de Nîmes.

    La caducité de la délibération ayant voté l’expertiseprononcée par l’ordonnance rendue par le président dutribunal de grande instance d’Avignon, par ailleurs exécutéesans réserve par le CHSCT, interdisait subséquemment àl’expert agréé de facturer ses honoraires.

    C’est pourquoi l’expert agréé a interjeté appel et, alors que lacaducité de la délibération ayant voté l’expertise avait étéprononcée en première instance parce qu’il n’avait pas faitdiligence dans le délai imparti par l’article R. 4614-18 du codedu travail, s’est malicieusement empressé, en marge de sonappel interjeté, de produire un rapport d’expertise quelquesjours après la notification de l’ordonnance dont appel.

    Cela revenait, pour l’expert agréé, à se substituer au CHSCTdans la défense du principe de l’expertise votée, bien que leCHSCT ait acquiescé à la caducité prononcée en premièreinstance.

    Pour autant, le droit de recourir à l’expertise prévue parl’article L. 4614-12 du code du travail appartient au seulCHSCT, auquel l’expert agréé ne pouvait se substituer eninterjetant appel, a fortiori pour un intérêt purementmarchand.

    C’est, dès lors, à juste titre que l’appel a été déclaréirrecevable et que la malice du CHSCT a été sanctionnée enéquité sur le fondement de l’article 700 du code de procédurecivile.

    L’arrêt ainsi rendu mérite une totale approbation.

    Christophe BidalAvocat au barreau de Lyon

    SCP Joseph AGUERA & Associé[email protected]

    Salarié protégé licenciement - motif économique - groupe - secteur d’activité

    Tribunal administratif de Lyon, 10 juin 2014, n° 1206289

    EXPOSE DES FAITS

    Monsieur P. embauché en décembre 1976, en qualitéd’ouvrier polyvalent sur ligne, par la société I., rachetéeensuite par la société O.France, occupait les fonctionsd’opérateur département production au sein de cette dernière.Il était également délégué syndical d’entreprise, représentantsyndical au comité d’entreprise et au CHSCT.

    La société O. France, filiale du groupe O. T. O. a décidé poursauvegarder la compétitivité de la branche d’activité deproduction des couches jetables pour bébés de marque dedistributeurs (MDD) de réorganiser son activité et d’arrêterl’activité industrielle du site de Villefranche-sur-Saöne,entraînant la suppression de 187 emplois, dont celui deMonsieur P.

    Elle a sollicité l’autorisation de le licencier pour motif

    économique, ce qui lui a été refusé par une décision del’inspecteur du travail en date du 5 décembre 2011.

    Sur recours hiérarchique, le Ministre du travail a annulé cettedécision et a autorisé le licenciement par une décision en datedu 6 juin 2012 qui a été déféré au tribunal administratif deLyon.

    Par le jugement rendu le 10 juin 2014, le tribunal administratifa jugé que le la réalité du motif économique allégué n’était pasétablie et il a annulé cette décision.

    OBSERVATIONS

    Si le juge administratif n'a plus depuis la suppression del’autorisation administrative de licenciement pour motiféconomique, la compétence générale pour se prononcer sur

  • 13Supplément au journal

    la légalité d’un tel licenciement il retrouve cette prérogativelorsque le licenciement concerne un salarié protégé.

    En effet, lorsque le licenciement concerne un salarié protégé,l'inspecteur du travail dont l'autorisation est nécessaire,contrôle le motif économique (CE, 10 déc. 1993, Collin, Rec.CE, p. 1064 et 1069) y compris dans le cadre du groupe (CE,8 juill. 2002, n° 226471 ; à comparer avec CE, 15 juin 1998,n° 199320 ; CE, 29 déc. 2000, n°199320, qui ne tenait compteque des sociétés du groupe situé en France).

    Dans cette espèce, le tribunal a eu à se prononcer sur lanotion de secteur d'activité au sein d'un groupe.

    Pour porter cette appréciation, le tribunal suit unraisonnement identique à celui du juge judiciaire

    L’appréciation des risques tels que ceux liés à des difficultéséconomiques ou des mutations technologiques, ou encore,toujours dans le cadre fixé par l’article L. 1233-3 du code dutravail, ceux qui nécessitent de réorganiser l’entreprise, n’estpas limitée au seul cadre de l’entreprise si celle-ci appartientà un groupe.

    Elle se fait au niveau du secteur d’activité (Cass. soc., 5 avril1995, n°93-42.690, Bull., n° 123 ; Cass. soc., 7 octobre 1998,n°96-43.107, Bull., n° 405). C’est à l’employeur de fournir desinformations suffisantes sur la consistance de ce secteurd’activité (Cass. soc., 4 mars 2009, n°07-42.381, Bull., n° 57),qui ne peut se réduire à la spécialisation de l’entreprise (Cass.soc., 23 juin 2009, n°07-45.668, Bull., n° 161).

    En cas de litige, les juges examinent donc la situationéconomique du secteur d’activité duquel dépend l’entreprise.Ainsi, dans un groupe développant plusieurs secteursd’activité, le licenciement ne sera pas justifié au vu desdifficultés que connaît une seule entreprise. Par contre, sil’ensemble du secteur d’activité au sein du groupe est endifficulté, le licenciement sera licite, même si la situationglobale du groupe reste saine.

    Si le secteur d’activité du groupe dépasse le cadre national, ilfaut le prendre en considération dans son ensemble, auniveau international. Il ne faut pas se contenter d’une analysedes difficultés économiques au niveau des entreprises situéessur le territoire national : les difficultés économiquesinvoquées à l’appui d’un licenciement doivent être appréciéesau niveau du groupe ou du secteur d’activité du groupe auquelappartient l’entreprise, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupeaux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national(Cass. soc., 12 juin 2001, n°99.41-571 et 99.41-839).

    Ainsi, une société française enregistrant de très bons résultatsfinanciers peut licencier en raison des graves difficultéséconomiques d’une société belge du même groupe. En effet,les difficultés s’appréciant au niveau du secteur d’activité dugroupe auquel appartient l’entreprise qui licencie, les jugesn’avaient pas à rechercher si les résultats de la société étaientbénéficiaires (Cass. soc., 28 novembre 2007).

    Le Conseil d’État adopte la même solution à propos dulicenciement économique de salariés protégés.

    Pour le Conseil d'Etat, « lorsque la société intéressée relèved'un groupe dont la société mère a son siège à l'étranger,l'examen de la situation économique doit porter surl'ensemble des sociétés du groupe œuvrant dans le mêmesecteur d'activité que la société en cause, sans qu'il y ait lieude borner l'examen à celles d'entre elles ayant leur siègesocial en France, ni aux établissements de ce groupe situésen France » (CE, 8 juill. 2002, n°226471, JSL, 1992, n°111.2).

    Michel RivaAvocat au barreau de Lyon

    SCP RIVA & [email protected]

    PRINCIPAUX CONSIDERANTS

    « Considérant, d'une part, que le secteur d'activité d'un groupeservant de cadre d'appréciation des difficultés économiques neregroupe pas que les entreprises du groupe qui ont la mêmeactivité dominante et interviennent sur le même marché ;

    que la spécialisation d'une entreprise au sein d'un groupe ne suffitpas à exclure son rattachement à un secteur d'activité plusétendue ;

    que la société O. France a obtenu comme secteur d'activité laproduction de couches culottes MDD et comme marché ciblel'Europe de l'Ouest pour l'appréciation de la compétitivité au niveaudu groupe ;

    qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le groupe T.auquel appartient la société O. France est spécialisé dans laproduction de produits d'hygiène à usage unique, à destination dedifférentes cibles : les bébés d'une part, les femmes d'autre part,et enfin les adultes ; qu'en ce qui concerne la branche « baby careproducts », soit les produits destinés aux nourrissons et enfants enbas âge, le groupe a développé plus particulièrement l'activité deproduction de couches-culottes ;

    que toutefois les couches-culottes MDD ne présentent aucunecaractéristique technique particulière comparativement auxcouches vendues sous marques propres du groupe ; qu'à cetégard le site de Villefranche-sur-Saône a déjà, par le passé,produit des couches-culottes en marques propres à destination dumarché turc ; que le segment MDD recouvre seulement une formede commercialisation et de distribution, qui ne saurait définir à elleseule un secteur d'activité ;

    qu'en outre la branche d'activité couches-culottes du groupe O. nese développe pas seulement sur le marché de l'Europe de l'Ouestmais également sur les marchés de l'Europe de l'Est, de l'Australie,de l'Asie, du Maghreb et de la Turquie ;

    que si le site de Villefranche-sur-Saône, pour sa part, a été dédiéà la seule production de couches-culottes de type MDD àdestination de l'Europe de l'Ouest, une telle segmentation del'activité n'est toutefois pas à retenir pour l'appréciation du motiféconomique, lequel devait s'apprécier pour l'activité de productionde couches culottes au niveau du groupe, auquel le segmentproduction de couches-culottes MDD doit être rattaché ;

    que, par suite, en restreignant l'analyse à ce seul segment de labranche d'activité, sur le seul marché de l'Europe de l'Ouest,l'employeur n'a pas fourni tous les éléments permettant d'apprécierla structure des activités du groupe et n'a pas justifié le motiféconomique allégué et la nécessité des licenciements en causepour assurer la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ; quele ministre du travail a entaché sa décision d'une erreurd'appréciation quant au périmètre du secteur d'activité ; »

    Tribunal administratif de Lyon, 10 juin 2014, n° 1206289

  • 14Supplément au journal

    Contentieux de la sécurité socialeAccident du travail

    faute inexcusable de l’employeur et les conditions d’indemnisationde l’assistance par tierce personne après consolidation

    Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon, 1er août 2013, n°675/2013 Cour d’appel de Lyon, séc. soc., 17 juin 2014, n°13/07217

    EXPOSE DES FAITS

    Un salarié, d’une société de fabrication et commercialisationde revêtement anticorrosion est victime d’un accident dutravail, alors qu’il était occupé à mélanger des produits sur unréchauffeur-mélangeur. Agé de 45 ans, il a souffert d’unécrasement sévère de la main droite avec traumatisme des 4derniers doigts dont l’amputation de 3 doigts conduisant lacaisse de sécurité sociale à fixer son taux d’incapacité (IPP) à77%.

    Plusieurs procédures étaient engagées ; Le tribunalcorrectionnel de Lyon retenait la culpabilité du dirigeant, etcondamnait ce dernier à une peine d’amende de 5000 €, duchef de blessures involontaires ayant entrainé une ITTsupérieure à trois mois et le tribunal des affaires de sécuritésociale retenait la faute inexcusable, du mandataireliquidateur, ès qualité, pour défaut de conformité desdispositifs de sécurité de la machine signalés préalablement àl’affectation du salarié.

    Ensuite de l’expertise ordonnée par le TASS, le débat seportait sur l’indemnisation de l’entier préjudice de la victime etplus précisément sur l’assistance à tierce personne aprèsconsolidation.

    Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon, parjugement du 20 juin 2013, fixait les différents postes depréjudice, et surtout de façon très audacieuse, reconnaissaitun droit à indemnisation au titre des besoins d’assistance parune tierce personne après consolidation, considérant que cepréjudice n’était pas indemnisé par l’octroi de la rente, le tauxd’IPP étant inférieur à 80%, indemnisation fixée à40 367, 17 €.

    Quelques mois plus tard la 2ème chambre civile de la Cour decassation, par arrêt du 28 novembre 2013, adoptait uneposition diamétralement opposée (Cass. civ. 2, 28 novembre2013, n°12-25.338)

    Le jugement était alors réformé, sans surprise, sur appelrelevé par la caisse.

    La cour d’appel, par arrêt du 17 juin 2014, reprenait àl’identique la motivation de la 2ème chambre civile considérantque le besoin d’assistance par une tierce personne aprèsconsolidation est indemnisé dans les conditions prévues àl’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale ; que cepréjudice est couvert, certes de manière restrictive, par le livreIV du code de la sécurité sociale, que dès lors ce chef depréjudice ne pouvait donner lieu à indemnisation.

    Cette décision, conforme à la position de la 2ème chambrecivile de la cour de cassation, est néanmoins critiquable en cequ’elle est très éloignée de ce que le Conseil constitutionnel aentendu prohiber : d’une part la rupture d’égalité entre lesvictimes de droit commun et victime d’accident du travail etd’autre part assurer l’indemnisation des préjudices nonréparés par les dispositions du code de la sécurité sociale.

    OBSERVATIONS

    La question juridique posée est l’indemnisation du préjudicesubi du fait de la nécessité pour la victime de recourir àl’assistance d’une tierce personne après sa consolidation.

    Avant la consolidation l’indemnisation par les tribunaux ne faitpas débat. Le TASS de Lyon et la cour d’appel l’ont rappelé, lejugement ayant d’ailleurs été confirmé sur ce point, le jugeaccède à la demande, dès lors que cette indemnisation n’estpas visée par le livre IV du code de la sécurité sociale.

    En revanche, après consolidation, dans des conditions trèsrestrictives, ce préjudice peut être partiellement indemnisé parla rente d’accident du travail majorée, en application del’article L.434-2 alinéa 3 du CSS, mais seulement pour lesaccidentés dont le taux d’IPP est au moins égal à 80%.

    Ainsi, dans tous les autres cas, et c’était le cas du salariéatteint ici de 77 % d’IPP, aucune indemnisation n’est accordéepour ce poste, les conditions de l’article L.434-2 du code de lasécurité sociale n’étant pas remplies, c’est ce que la cour aretenu.

    La réparation de ce dommage n'est donc aucunement assuréeà tout le moins pour les victimes ne bénéficiant pas d’unemajoration de rente en raison du taux d’incapacité inférieur à80% ni par les prestations servies au titre du livre IV du codede la sécurité sociale, ni en application des dispositions del'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale tel qu'interprétépar le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPCdu 18 juin 2010.

    Certes, au fil des arrêts de la 2ème chambre de la Cour decassation, non sans revirement, il en est ressorti que, leConseil constitutionnel n’avait pas validé la réparationintégrale des victimes d’accident du travail ou maladieprofessionnelle en cas de faute inexcusable de l’employeur, cequi est contestable, (Fabienne Muller, Périple au royaume despréjudices indemnisables, SSL 2013, n°1576).

    Toutefois, il n’en demeure pas moins, qu’en rejetantl’indemnisation de l’assistance d’une tierce personne aprèsconsolidation aux victimes d’accident du travail ou de maladieprofessionnelle dont le taux d’incapacité est inférieur à 80%, lacour revient à admettre, incontestablement, une ruptured’égalité avec les victimes de droit commun, largement mieuxindemnisées, ce que le Conseil constitutionnel avaitprécisément voulu prohiber par sa décision du 18 juin 2010.

    La 2ème chambre civile de la Cour de cassation pour ce quiest de l’assistance d’une tierce personne exclut donc uneréparation, complémentaire ou non, mise à la charge del’employeur (Cass. civ. 2, 20 décembre 2012, n° 11-21.518 ;Cass. civ. 2, 28 novembre 2013, n°12-25.338).

    A cette question, l’ancien président de la chambre sociale dela Cour de cassation, Monsieur Pierre Sargos commentant lajurisprudence de la 2ème chambre de la Cour de cassation,suite à la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010s’exprimait ainsi : « On peut toutefois penser que les modalitéstechniques de prise en charge par les caisses de l’assistance

  • 15Supplément au journal

    d’une tierce personne sous forme de majoration de rente nesauraient avoir pour effet de faire obstacle à unecondamnation complémentaire de l’employeur auteur d’unefaute inexcusable dès lors que cette majoration n�