Le 15 juin 2017 · Le budget 2016 de l’EHPAD s’élève à 7,1 M€ et l’effectif à temps...
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3, rue Robert d'Arbrissel - C.S. 64231 - 35042 Rennes Cedex - www.ccomptes.fr
Le 15 juin 2017
La présidente
à
Monsieur le Directeur
de l’EHPAD « Les Collines Bleues »
Cité Notre Dame
29150 CHÂTEAULIN
Dossier suivi par : Annie Fourmy, greffière
T 02.99.59.85.44
Mel. [email protected]
Réf. : n° du contrôle : 2016-0113
P.J. : 1 rapport
Objet : notification du rapport d’observations définitives
Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint le rapport comportant les observations définitives
de la chambre sur la gestion de l’EHPAD « Les Collines Bleues » concernant les exercices 2012 et
suivants pour lequel, à l’expiration du délai d’un mois prévu par l’article L. 243-5 du code des
juridictions financières, la chambre n’a reçu aucune réponse écrite destinée à y être jointe.
Je vous rappelle que ce document revêt un caractère confidentiel qu’il vous appartient de
protéger jusqu’à sa communication à votre assemblée délibérante. Il conviendra de l’inscrire à l’ordre
du jour de sa plus proche réunion, au cours de laquelle il donnera lieu à débat. Dans cette perspective,
le rapport sera joint à la convocation adressée à chacun de ses membres.
Dès la tenue de cette réunion, ce document pourra être publié et communiqué aux tiers en
faisant la demande, dans les conditions fixées par le code des relations entre le public et
l’administration.
En application de l’article R. 243-14 du code des juridictions financières, je vous demande
d’informer le greffe de la date de la plus proche réunion de votre assemblée délibérante et de lui
communiquer en temps utile copie de son ordre du jour.
Enfin je vous précise qu’en application des dispositions de l’article R. 243-17 du code précité,
le rapport d’observations sera transmis au préfet ainsi qu’au directeur départemental des finances
publiques.
Sophie BERGOGNE
NOTIFICATION FINALE
DU RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
sur la gestion de l’EHPAD « Les Collines Bleues »
au cours des exercices 2012 et suivants
EN L’ABSENCE DE REPONSE DANS LE DELAI LEGAL
SOMMAIRE
Rapport d’observations définitives p. 1 à 20
.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Bretagne
EHPAD « Les Collines Bleues » de Châteaulin - Exercices 2012 et suivants
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SOMMAIRE
1. PRESENTATION DES « COLLINES BLEUES » 5
1.1. L’ETABLISSEMENT ET SON ENVIRONNEMENT 5
1.2. LA GOUVERNANCE 7
2. SITUATION FINANCIERE ET COMPTABLE 9
2.1. PRESENTATION ET FIABILITE DES COMPTES 9
2.2. L’EXECUTION DU BUDGET 10
3. LES DEPENSES DE PERSONNEL 15
3.1. UN SUREFFECTIF COUTEUX 15
3.2. LES NON-TITULAIRES 16
3.3. LA DERIVE DES EMPLOIS AIDES 16
3.4. L’ABSENTEISME 17
3.5. LES PRIMES ET LE SUIVI DES DOSSIERS DES AGENTS 17
4. LE FONCTIONNEMENT MEDICAL 18
4.1. LES MEDECINS D’ETABLISSEMENT 18
4.2. LE MEDECIN COORDONNATEUR 19
5. LES PERSPECTIVES 19
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EHPAD « Les Collines Bleues » de Châteaulin - Exercices 2012 et suivants
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EHPAD « Les Collines Bleues » de Châteaulin
OBSERVATIONS DEFINITIVES DE LA CHAMBRE REGIONALE
DES COMPTES DE BRETAGNE
Exercices 2012 et suivants
La chambre régionale des comptes de Bretagne a procédé à l’examen de la gestion de
l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) « Les Collines
Bleues » de Châteaulin, pour les exercices 2012 et suivants. Le contrôle a été ouvert par lettre
du 14 septembre 2016 et l’entretien préalable prévu par l’article L. 243-1 du code des
juridictions financières a eu lieu le 2 décembre 2016 avec Monsieur MARREC, directeur en
fonction, le 12 décembre 2016 avec Monsieur JEHANNO, ancien directeur par intérim et le
9 janvier 2017 avec Madame ALLOMBERT, ancienne directrice.
La chambre a arrêté ses observations provisoires lors de sa séance du 10 janvier 2017.
Les trois anciens directeurs, le directeur par intérim nommé le 30 janvier 2017 ainsi que le maire
de Châteaulin ont été destinataires du rapport d’observations provisoires. Des extraits ont été
également adressés aux tiers mis en cause.
Après avoir examiné les réponses écrites, la chambre, lors de sa séance du 28 avril 2017,
a arrêté ses observations définitives.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Bretagne
EHPAD « Les Collines Bleues » de Châteaulin - Exercices 2012 et suivants
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RÉSUMÉ
L’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) « Les
Collines Bleues », situé sur le territoire de la commune de Châteaulin, dispose d’une capacité
de 164 lits, complétée de 6 lits d’accueil de jour. Le directeur, responsable légal de
l’établissement, rend compte de son action au conseil d’administration, présidé par le maire de
la commune.
Le budget 2016 de l’EHPAD s’élève à 7,1 M€ et l’effectif à temps plein rémunéré
(ETPR) s’établit à 124,87 agents, auxquels s’ajoutent 17,67 ETPR sous contrat aidé. En 2015,
la dépense par lit a en moyenne été supérieure de 17 % à celle d’établissements comparables.
Au regard de la tarification appliquée à ces mêmes établissements, « les Collines
Bleues » présentent le prix d’hébergement le plus élevé, avec une offre de moins bonne qualité,
plus de la moitié des résidents occupant des chambres à deux lits. Si l’établissement atteint un
taux d’occupation satisfaisant, il ne dispose néanmoins pas de liste d’attente.
Ces quatre dernières années, trois directeurs se sont succédé, avec une information et
une implication insuffisantes du conseil d’administration. La gouvernance de l’établissement
s’en est trouvée affectée ce qui, compte tenu de la passivité des autorités de tarification, a
contribué à la dégradation de sa situation financière.
Avec la fin de la convention de direction entre l’EHPAD et le centre hospitalier de
Quimper, les comptes des « Collines Bleues » ont commencé à se dégrader dès 2013. Le déficit,
devenu structurel depuis deux ans, est dû pour l’essentiel à un dépassement important des
effectifs autorisés et à une évolution non maîtrisée des dépenses médicales.
Dans ce contexte, l’EHPAD doit corriger certaines modalités et pratiques de gestion qui
contribuent à l’accroissement de ses difficultés. C’est le cas de l’insincérité budgétaire liée à
l’inscription récurrente de recettes fictives, du non-respect du dernier tableau approuvé des
effectifs, du recours croissant aux emplois aidés, des irrégularités relevées à propos des contrats
des médecins ou encore des conditions d’attribution de diverses primes.
Plusieurs autres anomalies doivent également faire l’objet d’une régularisation rapide.
Il est indispensable d’établir une nouvelle convention tripartite avec l’agence régionale de santé
et le département, la précédente, couvrant la période 2006 à 2011, étant obsolète depuis
plusieurs années. De la même façon, le projet d’établissement doit faire l’objet d’une
réactualisation régulière afin de traduire les orientations arrêtées par l’organe délibérant.
Enfin, compte tenu de sa trajectoire financière et des investissements qu’il conviendrait
de réaliser afin de proposer une offre d’hébergement compétitive, l’établissement doit conduire
une réflexion sur les conditions du rétablissement de ses comptes. « Les Collines Bleues » ne
disposant plus des moyens lui permettant de mener en propre un projet de reconstruction, le
conseil d’administration, en lien avec les autorités de contrôle et de tarification, peut en
particulier étudier les possibilités offertes par la mutualisation de certaines fonctions avec les
établissements similaires proches, sans écarter la reprise de son activité par une autre structure,
telle que celle de Ville-Jouan. Cette analyse est partagée par le conseil départemental du
Finistère et l’agence régionale de santé de Bretagne.
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RECOMMANDATIONS
Sur le fondement des observations du rapport, la chambre formule les recommandations
suivantes :
Elaborer un projet d’établissement approuvé par les autorités de
tarification (§ 1.2.3) ;
Arrêter la durée annuelle du travail selon les dispositions
règlementaires (§ 3) ;
Permettre aux résidents d’exercer le libre choix de leur
médecin (§ 4.1) ;
Reprendre la provision du compte c/1572 (§ 2.1) ;
Respecter les cadres budgétaires de présentation des
comptes (§ 2.1).
Les recommandations et rappels au respect des lois et règlements formulés ci-dessus ne
sont fondés que sur une partie des observations émises par la chambre. Les destinataires du
présent rapport sont donc invités à tenir compte des recommandations, mais aussi de l’ensemble
des observations détaillées par ailleurs dans le corps du rapport et dans son résumé.
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1. PRESENTATION DES « COLLINES BLEUES »
1.1. L’ETABLISSEMENT ET SON ENVIRONNEMENT
L’EHPAD « Les Collines Bleues » est un établissement public médico-social
comprenant 164 lits (162 en hébergement permanent et deux en hébergement temporaire), et
six places d’accueil de jour. Situé sur la colline du château dominant la ville, son accès est
particulièrement difficile ; des travaux de consolidation de la colline ont dû être entrepris en
2012 pour sécuriser le périmètre d’implantation de l’EHPAD. Les bâtiments, dont une partie a
été réhabilitée en 2000, n’offrent plus les conditions de confort attendues pour des personnes
âgées dépendantes, plus de la moitié des résidents occupant des chambres à deux lits1.
Si le taux d’occupation demeure satisfaisant, le fait que des pensionnaires rejoignent
régulièrement un autre établissement traduit sa faible attractivité. Ainsi, chaque année, une
trentaine de personnes quittent l’établissement pour obtenir des conditions d’hébergement de
meilleure qualité à moindre coût. Le maintien d’un taux d’occupation satisfaisant repose par
conséquent sur l’accueil de personnes âgées dépendantes en provenance de territoires situés au-
delà du bassin de population châteaulinoise.
Tableau n° 1 : Données d’activité
Années Jour. Prév Jour. Réal Taux Occup. Admissions Sorties
Permanent Temporaire Départs Décès
2012 59 651 59 847 99.70 % 34 20 26 30
2013 58 670 59 204 98.90 % 51 33 40 44
2014 58 670 59 369 99.20 % 40 29 32 34
2015 59 378 59 212 98.90 % 45 28 32 33
Source : EHPAD Les Collines Bleues
Ce constat, confirmé par l’absence de liste d’attente, résulte d’une offre peu adaptée
avec un prix d’hébergement situé parmi les plus élevés du secteur.
1 32 résidents sont en chambre individuelle, 46 partagent la salle d’eau-WC avec un voisin et 86 en chambres à deux lits
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Un prix de journée élevé
Quatre EPHAD sont situés à moins de 20 km des « Collines Bleues » :
Tableau n° 2 : Comparaison avec les établissements voisins
EHPAD capacité taux
d'occup
Bénef
aide
sociale
Liste
d'attente
Tarif
Héberg Talon GIR 12 GIR 2 Agent/lit GMP Pathos
La Ville Jouan 62 99,90 % 4,8 % 76 47,23 5,46 20,29 12,87 0,58 595 120
Pleyben 117 98,86 % 20,5 % 200 47,55 5,95 22,08 14,01 0,73 697 163
Plomodiern 60 99,45 % 25,0 % 200 49,27 5,43 20,16 12,79 0,73 839 163
Le Faou 65 98,23 % 10,8 % 70 48,36 4,9 17,65 11,57 0,66 682 172
Collines bleues 164 98 % 23,2 % 0 50,08 5,25 19,51 12,38 0,76 763 151
Source : Données ARS/CD29
Le prix de la journée d’hébergement aux « Collines Bleues » est le plus élevé du secteur.
Il s’explique notamment par un ratio en personnel qui est le plus élevé de l’échantillon,
supérieur au ratio départemental (0,62 ETP/résident).
Le fait que l’établissement accueille des personnes dépendantes n’explique pas à lui seul
le niveau du prix de journée. Des établissements voisins, tel l’EHPAD de Plomodiern, sont
comparables et affichent tous un prix de journée inférieur.
Sur le plan comptable, et au regard de l’échantillon, l’EHPAD des « Collines Bleues »
présente le montant de charges (classe 6) le plus élevé. Alors que la dépense moyenne par
résident s’élève en moyenne en 2015 à 37 000 € pour les autres établissements, elle atteint
43 738 € pour « Les Collines Bleues », soit 17 % de plus, pour une qualité d’hébergement
moindre.
Tableau n° 3 : Dépenses 2015 par lit3
2015 Lits Dépenses Cl.6 Dépense par lit
Ville-Jouan 62 1 900 000 € 30 645 €
Pleyben 117 4 679 000 € 39 991 €
Plomodiern 60 2 197 000 € 36 617 €
Le Faou 65 2 314 000 € 35 600 €
Collines Bleues 164 7 173 000 € 43 738 € Source : Balance des comptes sous Xémélios
Par ailleurs, tous les résidents acquittent le même prix de journée, quelle que soit l’offre
d’hébergement (chambre à un ou deux lits, toilettes individuelles ou pas). Le conseil
d’administration n’a en effet jamais validé l’application d’une modulation tarifaire entre
chambre double et chambre simple.
2 GIR : groupe iso-ressources / GMP : GIR moyen pondéré / Pathos : outil pour évaluer les niveaux de soins nécessaires. 3 Les services du conseil départemental précisent que le ratio de personnel était élevé dès 2005 lors de la négociation de la convention tripartite
et de ses avenants (0,72 ETP/place contre ratio moyen départemental 2016 à 0,62 ETP avec notamment des ratios ASH et services généraux >
aux ratios moyens départementaux 2016). Par ailleurs les dépenses d’entretien et de maintenance sont importantes (bâtiment énergivore, inadapté et plus aux normes).
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En outre, selon les modalités de financement, certaines chambres ouvrent droit à l’aide
personnalisée au logement (APL), d’autres à l’allocation de logement à caractère social (ALS)
uniquement. Pour un résident, la différence peut ainsi représenter un montant de l’ordre de
100 € par mois entre une chambre double dans un pavillon n’ouvrant droit qu’à l’ALS et une
chambre individuelle dans un pavillon ouvrant droit à l’APL.
1.2. LA GOUVERNANCE
1.2.1. Le conseil d’administration
Selon les dispositions de l’article L. 315-9 du code de l’action sociale et des familles
(CASF), les établissements publics sociaux et médico-sociaux sont administrés par un conseil
d'administration (CA) et dirigés par un directeur.
Au cours des années sous contrôle, le conseil d’administration des « Collines Bleues »
ne s’est réuni que trois fois4 en 2013 et 2016.
Plusieurs anomalies dans le fonctionnement et dans la communication entre les
instances dirigeantes ont par ailleurs été relevées, participant aux difficultés rencontrées dans
le pilotage de l’établissement.
C’est le cas par exemple du constat d’une concertation insuffisante entre le CA et le
directeur qui trouve à s’illustrer dans la transmission très tardive à l’agence régionale de santé
(ARS) de Bretagne des délibérations adoptées lors de la séance de mai 2016, à savoir au mois
de novembre, date à partir de laquelle elles sont devenues exécutoires.
Le conseil d’administration ne se saisit par ailleurs pas toujours des questions relevant
de sa compétence, précisée à l’article L. 315-12 du code de l’action sociale et des familles
(CASF). Une formation et une information insuffisantes du CA en sont les principales causes.
Ainsi, à la lecture du registre des délibérations, plusieurs points n’ont fait l’objet
d’aucune délibération :
sur la période contrôlée, le CA n’a jamais délibéré sur le tableau des emplois ;
la réactualisation du projet d’établissement 2010-2014, validée lors du CA du 30 octobre
2014, ne mentionne pas le projet de reconstruction ;
même s’il a été travaillé par diverses instances, le dossier d’assistance à la maîtrise
d’ouvrage portant sur la reconstruction de l’établissement n’a jamais fait l’objet d’une
délibération ;
le règlement interne de fonctionnement incorporé au livret d’accueil remis au résident,
revu en octobre 2015, n’a pas fait l’objet d’une présentation devant le conseil
d’administration.
4 Article R315-23-1 CASF : …/…Le règlement intérieur de chaque établissement fixe le nombre des séances du conseil d'administration qui
ne peut être inférieur à quatre séances par an ainsi que les modalités de convocation de ses membres.
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1.2.2. La direction et les services administratifs
Depuis 2012, date à laquelle a pris fin la convention de direction commune avec le centre
hospitalier de Quimper, trois directeurs se sont succédé. Ces mouvements ne favorisent pas
l’avancement de dossiers lourds tels que la réécriture du projet d’établissement, la signature de
la convention tripartite ou encore le projet de reconstruction.
De plus, la direction ne peut s’appuyer que partiellement sur les services administratifs,
au personnel insuffisamment formé. L’accroissement des compétences des trois adjoints des
cadres récemment nommées (deux titulaires et une contractuelle dont le poste n’est ni autorisé
ni financé) dans les domaines des finances et des ressources humaines s’avère ainsi nécessaire
afin de pouvoir travailler efficacement en équipe.
1.2.3. Absence de projet d’établissement approuvé
L’article L. 311-8 du code de l’action sociale et des familles (CASF) rend obligatoire
l’élaboration d’un projet d'établissement définissant les objectifs, notamment en matière de
coordination, de coopération et d’évaluation des activités et de la qualité des prestations, ainsi
que les modalités d’organisation et de fonctionnement. L’élaboration du projet d’établissement
des « Collines Bleues », approuvé par les autorités de tarification, est à conduire sans délai.
1.2.4. Une convention tripartite obsolète depuis plusieurs années
Conclue en octobre 2006 pour une durée de cinq ans, la dernière convention tripartite
(établissement, conseil départemental et ARS) décrivait un établissement de 165 places
occupées à 99 %, avec un GIR5 moyen pondéré (GMP) de 718 et un effectif autorisé de
116,4 ETP.
un premier avenant, signé le 23 décembre 2008, a porté l’effectif autorisé à 117,7 ETP ;
un second avenant, signé le 6 juillet 2009 avec effet au 1er août 2008, a réintroduit les
dispositifs médicaux dans le budget soins de l’établissement ;
le troisième avenant, signé le 1er novembre 2009, a modifié les moyens à mettre en
œuvre sur la durée de la convention, l’établissement optant pour le tarif global sans
pharmacie à usage intérieur à compter de cette même date. L’effectif a alors atteint
118,75 ETP, valeur utilisée par les autorités de tarification pour déterminer l’allocation
budgétaire.
5 L’évaluation de la perte d’autonomie, réalisée à l’aide de la grille nationale AGGIR, donne lieu à un classement de chaque personne dans un
« groupe iso-ressources » (GIR) ; elle permet de calculer un niveau de perte d’autonomie moyen des personnes hébergées, dénommé « groupe iso-ressources moyen pondéré » (GMP).
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Depuis 2011, cette convention est devenue obsolète, l’établissement et les autorités de
tarification n’ayant toujours pas procédé à son renouvellement. Une réactualisation du calcul
du pathos6 a bien été entreprise en 2016, mais elle n’a pu aboutir en raison d’un conflit interne.
Cet échec n’est pas sans conséquence pour l’EHPAD, la réactualisation tarifaire attendue,
estimée à 200 000 €, ayant été perdue.
2. SITUATION FINANCIERE ET COMPTABLE
2.1. PRESENTATION ET FIABILITE DES COMPTES
Le budget 2016 ne respecte pas le cadre règlementaire prévu par l’article R. 314-11 du
CASF. Les anomalies portent notamment sur les points suivants :
En dépenses d’investissement :
les dépôts effectués et les cautionnements accordés par l’établissement ;
les reprises sur provisions ;
les charges à répartir sur plusieurs exercices ;
l'acquisition de titres et valeurs.
En recettes d’investissement :
les plus-values nettes des cessions d’actifs immobilisés ;
les dépôts reçus par l’établissement ;
les provisions et les réserves ;
le résultat cumulé de la section d’investissement, s’il est excédentaire.
De la même manière, la présentation du compte administratif ne répond pas au modèle
préconisé à l’article R. 314-49 III du CASF : les annexes (état des emplois, état des provisions,
présentation synthétique du bilan actif-passif) ne sont pas jointes.
Afin d’apporter une meilleure information au conseil d’administration, la chambre
recommande une présentation des documents budgétaires répondant aux normes préconisées.
La fiabilité des comptes peut être améliorée. Ainsi, une provision d’un montant de
63 835 € figure au compte provisions pour gros entretiens (c/157-2) sans qu’aucune délibération
permettant d’en déterminer l’objet n’ait pu être retrouvée. La chambre recommande la reprise
de cette provision compte tenu de la situation financière de l’établissement.
6 Le modèle PATHOS permet d'évaluer les niveaux de soins nécessaires pour la prise en charge de la poly-pathologie des personnes âgées en
établissement ou à domicile ; il fait la photographie des pathologies d’un patient et des soins requis un jour donné. Le PMP exprime la «
lourdeur en soins médicaux d’un malade moyen » comme le GIR moyen pondéré exprime la « lourdeur en soins de base d’un malade moyen ».
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Par ailleurs, aucun inventaire fiable sur la période examinée n’a pu être produit par
l’ordonnateur et aucun rapprochement n’a été fait entre l’inventaire des biens et l’état de l’actif,
tenu par le trésorier, depuis plusieurs exercices. Les services de l’EHPAD doivent par
conséquent se rapprocher du comptable afin de mettre à jour et d’ajuster l’inventaire des biens
meubles et immeubles avec l’état de l’actif.
2.2. L’EXECUTION DU BUDGET
Les taux de réalisation budgétaire de la section de fonctionnement font apparaître une
dérive importante des dépenses de personnel, les valeurs relevées en 2014 et 2015 traduisant
une absence de maîtrise de ces charges.
En investissement, la faiblesse des taux de réalisation résulte de l’incapacité de
l’établissement à suivre ses projets d’équipement, avec une difficulté pour assurer leur
financement, comme le montrent les très faibles montants de prévisions de dépenses et la chute
des taux de réalisation entre 2014 et 2015.
2.2.1. Les décisions modificatives de fin d’exercice
La dernière décision modificative (DM) de l’exercice permet d’ajuster budgétairement
les comptes en dépenses comme en recettes. L’usage de cette procédure a, depuis quatre ans,
conduit l’établissement à présenter des comptes insincères, sans que les autorités de tarification
ne mettent fin à cette pratique. L’examen des opérations budgétaires de fonctionnement montre
en effet que certains comptes de recettes ont été largement surévalués alors que les montants
inscrits en recettes comme en dépenses doivent correspondre à la réalité budgétaire de fin
d’exercice.
Avec la décision modificative n° 3 pour l’exercice 2014, le compte des remboursements
sur rémunération du personnel médical (c/6419) affichait un solde de 200 000 € de titres non
émis, et à fortiori non recouvrés, soit 35 % du montant de la DM. En introduction de la
délibération, le directeur indique que ce montant correspond à des remboursements de frais de
formations professionnelles ainsi qu’à des produits exceptionnels. Il s’agit en fait de produits
fictifs qui participent au déficit de 2014.
La même pratique est constatée en 2015 avec une décision modificative portant sur
962 000 € de crédits, toujours en fin d’exercice. Le compte budgétaire de recettes 6419 est à
nouveau utilisé et présente un solde de titres non émis de 521 983 €, soit plus de 54 % du total.
C’est encore le cas fin 2016 avec une décision modificative d’un montant total de
802 000 €, seul un versement de 187 847 € de l’ARS sous la forme d’un crédit non
reconductible pour couvrir une partie les dépenses de personnel s’avérant être une recette
effective.
Ces divers constats révèlent un récurrent et important problème de sincérité des
comptes. De 2014 à 2016, ces pratiques ont ainsi permis de justifier des dépenses de
fonctionnement restées sans financement, ce qui a aggravé le déficit de l’établissement.
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2.2.2. Analyse financière
Stagnation des produits jusqu’en 2015
Les produits de la tarification, soit 90 % de l’ensemble des recettes, restent stables entre
2012 à 2015, à hauteur de 6 M€. Entre 2015 et 2016 la progression a été de 7,5 %, alors que
l’évolution moyenne sur la période n’a été que de 1,9 %.
Tableau n° 4 : Produits de la tarification 2012-2016
2012 2013 2014 2015 2016 Evol moy
Produits de la tarification 6 024 728 6 049 193 6 180 057 6 038 518 6 500 412 1,9 % Source : Balances des comptes
Augmentation des charges d’exploitation
La progression moyenne des charges est de 2,5 % par an, passant de 6 M€ à 6,7 M€
entre 2012 et 2015. L’accélération constatée entre 2014 et 2015, avec une hausse de plus de
5 %, est principalement due à l’évolution des dépenses de personnel. L’exercice 2016
interrompt cette tendance, les charges d’exploitation restant légèrement inférieures à celle de
l’année précédente.
Tableau n° 5 : Charges 2012-2016
2012 2013 2014 2015 2016 Evol moy
Charges d'exploitation 6 015 400 6 047 860 6 405 212 6 763 984 6 627 703 2,5 % Source : Comptes de gestion
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Tableau n° 6 : Extrait des soldes des comptes de classe 6 (exercices 2013 à 2015)
Comptes de Charges (en €) 2013 2014 2015 2016
Evol
2013/2015 2015/2016
60. ACHATS ET VARIATION DES
STOCKS 687 281 € 693 188 € 666 233 € 546 562 € -3,1 % -18,0 %
602261 - Couches, alèses, produits
absorbants 50 762 € 46 954 € 57 189 € 42 452 € 12,7 % -25,8 %
61. SERVICES EXTERIEURS 389 379 € 434 964 € 563 203 € 571 302 € 44,6 % 1,4 %
6111 - Prestations à caractère médical 100 390 € 133 012 € 209 414 € 217 443 € 108,6 % 3,8 %
62. AUTRES SERVICES EXTERIEURS 210 620 € 161 315 € 175 308 € 101 033 € -16,8 % -42,4 %
6211 - Personnel intérimaire 4 607 € N.S
622 - Rémunérations d’intermédiaires et
honoraires 4 729 € 5 250 € 8 464 € 3 314 € 79,0 % -60,8 %
63. IMPOTS, TAXES ET VERSEMENTS
ASSIMILES 412 044 € 385 884 € 402 306 € 417 981 € -2,4 % 3,9 %
6311 - Taxe sur les salaires 278 175 € 246 625 € 261 441 € 275 621 € -6,0 % 5,4 %
64. CHARGES DE PERSONNEL 4 572 600 € 4 757 187 € 4 877 004 € 4 566 144 € 6,7 % -6,4 %
6411 - Personnel titulaire et stagiaire 1 965 357 € 2 235 679 € 2 266 248 € 2 283 244 € 15,3 % 0,7 %
6413 - Personnel non titulaire sur emplois
permanents 265 003 € 245 471 € 249 671 € 241 356 € -5,8 % -3,3 %
6415 - Personnel non médical de
remplacement 805 692 € 690 595 € 685 090 € 723 539 € -15,0 % 5,6 %
6416 - Emplois d’insertion 143 365 € 133 416 € 153 554 € 283 882 € 7,1 % 84,9 %
645 - Charges de sécurité sociale et de
prévoyance 1 221 371 € 1 215 930 € 1 355 722 € 1 338 480 € 11,0 % -1,3 %
65. AUTRES CHARGES DE GESTION
COURANTE 13 718 € 14 649 € 15 575 € 11 560 € 13,5 % -25,8 %
66. CHARGES FINANCIERES 28 068 € 21 482 € 20 096 € 17 782 € -28,4 % -11,5 %
TOTAL 6 313 710 € 6 468 669 € 6 719 725 € 6 232 364 € 6,4 % -7,3 %
Source : ANAFI CRC
2.2.3. Résultat
La forte progression des charges à compter de 2013, alors que les produits stagnent, a
eu pour conséquence de dégrader fortement les résultats d’exploitation successifs, déficitaires
dès 2014.
Le déficit 2015 résulte essentiellement de l’évolution des charges de personnel et des
prestations à caractère médical.
Le dépôt des comptes de l’exercice 2016 laisse entrevoir un début d’amélioration de la
situation financière puisque la hausse des produits conjuguée à une légère diminution des
charges génère un résultat d’exploitation de + 37 958€. Toutefois, cette amélioration n’est
qu’apparente : en effet, elle n’a pu être obtenue qu’avec une aide exceptionnelle de 187 847 €
versée en urgence par l’ARS afin d’assurer la paie de décembre 2016. Sans cette aide et compte
tenu du report de certaines charges, le déficit 2016 est d’environ 330 000€.
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Tableau n° 7 : Résultats
(en €) 2012 2013 2014 2015 2016 var. moy.
Produits d'exploitation 6 171 671 6 094 469 6 284 871 6 112 937 6 665 661 1,9 %
Charges d'exploitation 6 015 400 6 047 860 6 405 212 6 763 984 6 627 703 2,5 %
Résultat d'exploitation 156 271 46 609 -120 341 -651 047 37 958 Source : comptes de gestion
2.2.4. Déficit structurel
Avec des résultats négatifs depuis 2014 – la prévision pour l’exercice 2016 était
identique –, il convient de qualifier ce déficit de structurel compte tenu de son origine,
provenant pour l’essentiel du non-respect du tableau des effectifs et de la hausse de la
rémunération des médecins, en l’absence de toute mesure correctrice.
Bien que le dernier tableau des effectifs ait été approuvé à hauteur de 118,75 ETP,
l’établissement rémunère 124,87 ETP sur la base d’un coût moyen estimé à 33 400 €, ce qui
contribue à la formation du déficit à hauteur 200 000 €.
Le recrutement de 2,5 ETP pour la mise en place d’une unité sécurisée, sans financement
nouveau, illustre les défaillances constatées dans le pilotage de l’établissement, entraînant un
dépassement du tableau des effectifs, et un accroissement des charges de personnel.
De 2014 à 2016, le coût de la présence médicale a ainsi augmenté de 36 % alors que le
nombre de personnes âgées prises en charge est resté stable.
Tableau n° 8 : Coût de la présence médicale
Année Salaires Honoraires Total
2014 89 536 € 83 189 € 172 725 €
2015 62 076 € 135 007 € 197 083 €
2016 94 613* € 139 609 € 234 222 €
*projection à partir de fin octobre Source : Fichiers traitements, données EHPAD
Pour revenir à l’équilibre, l’établissement ne pouvant augmenter les tarifs, il doit réduire
fortement ses charges, alors même qu’il souffre d’un manque d’attractivité et que des travaux
sont à entreprendre afin de proposer une offre d’hébergement satisfaisante. Cet objectif semble
aujourd’hui difficile à atteindre.
2.2.5. La capacité d’autofinancement (CAF)
En 2015, la CAF est devenue négative, annulant toute possibilité d’investissement pour
l’établissement en dehors d’un recours massif à l’emprunt. Elle ne couvre même plus le
remboursement des emprunts et tout projet de reconstruction en propre est dans ce contexte
illusoire.
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Tableau n° 9 : Evolution CAF
En consolidé (en €) 2012 2013 2014 2015 2016
Résultat net 122 432 8 039 -124 805 -658 585 3 175
DAP 374 032 396 018 400 771 427 974 422 521
Produits cessions éléments d'actif 0 4 186 0 500 0
valeur comptable éléments d'actif 0 3 853 0 0 0
Sbvt inv virées au résultat 0 0 10 000 10 000 10 000
CAF brute 496 464 403 724 265 966 -241 111 415 696
Source : Analyse financière Trésorerie annexe CAF
2.2.6. Fonds de roulement
La baisse du fonds de roulement 2015 traduit une dégradation des réserves permettant
de couvrir le décalage entre l’encaissement des recettes et le paiement des dépenses. La
trésorerie est devenue négative sur cet exercice bien que le besoin de fonds de roulement ait
retrouvé son niveau de 2012.
Pour pallier ses difficultés de trésorerie, « Les Collines Bleues » ont contracté un prêt
bancaire à court terme, avec remboursement du capital in fine équivalant une ligne de crédit de
trésorerie, pour un montant de 200 000 €. Ce soutien bancaire n’ayant pas été reconduit, les
salaires de décembre n’ont pu être versés en totalité que grâce à une aide exceptionnelle de
l’ARS. Elle se traduit par une amélioration de la trésorerie au 31 décembre 2016.
Tableau n° 10 : Structure financière
Source : Analyse financière Trésorerie annexe et compte de gestion 2016
L’agence régionale de santé a indiqué qu’elle partageait les constats posés par la
chambre régionale des comptes en ce qui concerne la gouvernance et la situation financière et
comptable de l’établissement.
-0,4
-0,2
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
2012 2013 2014 2015 2016
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3. LES DEPENSES DE PERSONNEL
Si le temps de travail s’élève en théorie à 35 heures par semaine, soit 1 607 heures par
an, le décompte du temps de travail annuel se fait sur une base de 1 547 heures. La différence
avec le plancher légal de 1 607 heures équivaut à 4,65 ETP ce qui, sur la base d’un coût par
agent de 33 400 €, représente un montant annuel de plus de 150 000 €.
3.1. UN SUREFFECTIF COUTEUX
Faute de pouvoir exploiter le tableau des effectifs arrêté annuellement par le conseil
d’administration et approuvé par les autorités de tarification, car il n’est pas établi, l’analyse
repose sur le tableau des effectifs figurant en annexe du troisième avenant de la convention
tripartite, qui fait état de 118,75 ETP.
A partir des données extraites des fichiers de paie de l’établissement, il a été dénombré
un effectif de 142,54 ETP. Cette différence de 23,79 ETP correspond à 6,12 ETP pour les agents
contractuels et 17,67 ETP pour les agents sous contrats aidés.
Tableau n° 11 : Effectifs rémunérés en ETP
SERVICES
Convention
initiale au 31 12 2015
ADMINISTRATION 8 8
MEDECINS 1,5 1,4
HEBERGEMENT / SOINS 97,2 93,29
SERVICE OUVRIER 12,05 22,18
TOTAL 118,75 124,87
EMPLOIS AIDES 17,67
TOTAL 142,54 Source : convention tripartite et avenants, traitements de novembre 2016
En rapprochant ces valeurs des données départementales, le sureffectif des « Collines
Bleues » est manifeste.
Tableau n° 12 : Comparaison ratio agent/lit
Titulaires + Contractuels. 0,76
Titulaires + Contractuels + Emplois aidés 0,87
Ratio moyen départemental 0,62
Source : CD29 et CRC
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3.2. LES NON-TITULAIRES
La direction gère l’absentéisme en recourant à des agents sous contrat, au fil de l’eau,
sans anticipation ni réflexion sur les mesures à mettre en place pour le limiter. Ce sont ainsi
346 contrats qui ont été signés en 2016.
Pour les personnels infirmiers, sur un effectif de 17 agents présents en novembre 2016,
il y a 7 non titulaires pour 10 titulaires. En cuisine, sur 5 agents, 3 sont des personnels non
titulaires et pour les agents de service hospitalier qualifiés, sur un effectif total de 37, la
répartition est de 19 non-titulaires pour 18 titulaires.
La plupart des contrats sont reconduits sans publication d’avis de vacance et en
méconnaissance des dispositions réglementaires encadrant le recrutement des agents
contractuels. Outre la charge administrative de gestion, le recours massif au personnel non-
titulaire entraîne une sous-professionnalisation des effectifs.
3.3. LA DERIVE DES EMPLOIS AIDES
Pour assurer les remplacements dans les services logistiques et hôteliers, « Les Collines
Bleues » font largement appel au dispositif des emplois aidés. De 14 en 2013, l’établissement
emploie aujourd’hui 31 personnes relevant de ce dispositif, avec une durée hebdomadaire de
travail de 20 heures.
Tableau n° 13 : Emplois aidés
2013 2014 2015 2016*
Nb emplois aidés 172 140 171 308
Nb emplois aidés sur un mois : octobre 14 11 20 31 Source : Fichiers des traitements novembre 2016
En novembre 2016, 2 agents sous contrat aidé travaillaient au service technique, 2 en
buanderie, 8 en hôtellerie et 19 en hygiène.
En prenant en compte les 49 agents non titulaires (personnes physiques) et les
31 emplois sous contrats aidés, 46 % de l’effectif de l’établissement (173) est un personnel sous
contrat.
Le coût7 net mensuel d’un emploi aidé pour l’établissement s’élève à 200 €, soit
75 000 € par an pour 31 agents sous ce statut. Cela équivaut au coût de deux agents titulaires
de la fonction publique hospitalière.
L’établissement doit prendre toutes les mesures nécessaires afin de maîtriser le recours
aux contractuels, le dispositif ne reposant sur aucune stratégie et s’avérant coûteux, avec une
qualité de service perfectible (rotation des personnels, professionnalisation).
7 Coût brut : 31 161,85€ / Remboursements : 24 940€ soit 200€ par contrat et par mois.
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3.4. L’ABSENTEISME
Analysée sur les trois dernières années disponibles, la progression des absences pour
maladie ordinaire s’avère importante.
Selon la SOFAXIS8, assureur des « Collines Bleues », le taux moyen d’absentéisme
pour maladie ordinaire s’est élevé à 5,3 % en 2015, pour les établissements de plus de
100 agents ayant recours à ses services au niveau national.
Tableau n° 14 : Absentéisme
Maladie ordinaire agents CNRACL 2014 2015 2016 ∆ 14/16
Taux d’absentéisme 6,1 7,4 9,6 57 %
ce qui représente en ETP agent 5 7 9 80 %
Durée moyenne/arrêt (en jours) 19 20 28 47 % Source : SOFAXIS Panorama des absences
Aux « Collines Bleues », pour la seule maladie ordinaire, ce taux est passé de 7,4 % en
2015 à 9,6 % en 2016. La dégradation des relations de travail au sein de l’établissement est
l’une des causes de cette évolution.
3.5. LES PRIMES ET LE SUIVI DES DOSSIERS DES AGENTS
La prime de service
Les personnels peuvent recevoir une prime de service liée à l’accroissement de la
productivité de leur travail dans les conditions fixées par arrêté. L’article 3 de ce texte prévoit
que « pour tenir compte des sujétions journalières réelles, toute journée d'absence entraîne un
abattement d’un cent quarantième du montant de la prime individuelle ». L’établissement
n’applique l’abattement qu’à partir du 11ème jour de maladie, cette pratique dérogatoire n’étant
pas de nature à favoriser le présentéisme, avec un impact financier.
les primes diverses
L’examen des données de paie du personnel a permis de relever le versement d’une
prime à différents agents dénommée « prime diverse ». Or, aucun élément de liquidation ne
permet de connaître la nature précise de cette prime.
un suivi des dossiers RH perfectible
L’établissement semble parfois méconnaître les modalités de suivi des missions. En
effet, aucun ordre de mission ne figure dans le dossier des remboursements effectués sur le
compte d’un médecin à l’occasion de ses déplacements.
Autre illustration, la déclaration d’accident de travail d’un agent contractuel et son suivi
dans son dossier personnel souffrent d’une lacune grave. En effet, l’intéressé déclare une
suspicion de lésion après s’être cogné le genou contre un montant de lit. Sa déclaration est bien
prise en compte, mais le terme de suspicion disparaît du document final sans qu’aucun certificat
médical ne vienne attester de la réalité du traumatisme.
8 Sofaxis, courtier en assurance statutaire, analyse mensuelle de juin 2016.
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4. LE FONCTIONNEMENT MEDICAL
Deux catégories de médecins salariés exercent leur activité au sein de l’établissement :
les « médecins d’établissement » et le médecin coordonnateur. Au 30 novembre 2016, quatre
médecins contractuels étaient ainsi rémunérés, dont un sur la base de deux contrats, le premier
en qualité de médecin coordonnateur, le second en qualité de médecin de l’établissement.
4.1. LES MEDECINS D’ETABLISSEMENT
Sous cette appellation locale sans référence réglementaire, quatre médecins contractuels
assurent la surveillance médicale des patients.
Le contrat signé par les médecins d’établissement avec « Les Collines Bleues » ignore
les dispositions de l’arrêté du 30 décembre 2010. Ce dernier fixe les modèles de contrats types
qui doivent être signés par les professionnels de santé exerçant à titre libéral et intervenant au
même titre dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Le
contrat « local » est ainsi irrégulier dans la mesure où il permet aux médecins de cumuler une
rémunération en qualité de contractuel9 avec les émoluments à l’acte lorsqu’ils interviennent au
lit des personnes âgées.
Dans leur réponse, les médecins ont indiqué qu’ils approuvaient « sans restriction la
nullité du contrat nous liant avec l'EHPAD des « Collines Bleues » et son illégalité » et qu’ils
demandaient au directeur « de revenir dans la légalité en annulant ces contrats nous liant
faussement à l’établissement ».
Par ailleurs, la note de service du mois d’avril 2016 procédant à une répartition de la
prise en charge médicale entre les quatre médecins méconnaît le principe du libre choix de leur
médecin par les résidents. Elle doit être rapportée.
Enfin, si le livret d’accueil mentionne que chaque résident garde le libre choix de son
médecin, rien ne figure dans le contrat de séjour, qui a pourtant pour finalité la garantie des
droits des résidents (et notamment la liberté de choix du médecin) et la définition de la nature
des prestations assurées. Cet oubli doit être corrigé sans délai. Tout en soulignant les difficultés
pour les familles de trouver un médecin libéral dans le canton acceptant de se déplacer aux
« Collines Bleues », les médecins ont indiqué à la juridiction qu’ils adressaient une lettre aux
familles « stipulant clairement que les familles ou les résidents peuvent choisir un médecin de
leur connaissance ou à défaut un des quatre médecins d’établissement ».
9 Le coût de ce statut atypique est de 30 000 € par an
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4.2. LE MEDECIN COORDONNATEUR
La fonction de médecin coordonnateur en EHPAD est définie précisément par le code
de l’action sociale et des familles : « le principe d’un médecin coordonnateur, compétent en
gérontologie, répond à un objectif de santé publique par une meilleure qualité de prise en
charge gérontologique, dans un cadre nécessaire de maîtrise des dépenses de santé […]. Il est
l’interlocuteur médical privilégié du directeur de l’institution […], des différentes
administrations ainsi que des caisses d’assurance maladie ». Il est appelé notamment à assurer
l’encadrement médical de l’équipe soignante, à donner un avis sur les admissions et à présider
la commission de coordination gériatrique.
Jusqu’au 31 décembre 2016, le médecin coordonnateur des « Collines Bleues », était
rémunéré à trois titres :
688,64 € net mensuel au titre d’un premier contrat en qualité de médecin
d’établissement ;
4 485,52 € net mensuel pour un deuxième contrat le rémunérant à hauteur de 75 % du
salaire versé à un praticien contractuel au 10ème échelon, pour l’exercice des missions
de médecin coordonnateur. Les clauses de ce contrat sont au demeurant irrégulières dans
la mesure où la rémunération des praticiens contractuels est plafonnée au 4ème échelon
de la grille des praticiens hospitaliers majorée de 10 % ;
2 500 € environ par mois au titre des consultations auprès des résidents.
Depuis juillet 2016, ce médecin intervient dans un autre établissement. Si cette
démarche s’inscrivait au départ dans le cadre d’une formation à un diplôme universitaire de
gériatrie, ce cadre semble aujourd’hui dépassé. Pour valider ce diplôme, il faut en effet effectuer
120 heures de stage et, fin 2016, il en totalise 360, soit neuf semaines à raison de dix demi-
journées par semaine. Cette activité, qui a donné lieu par convention au remboursement à
l’établissement d’une partie de son salaire, ne permet par conséquent pas au médecin d’exercer
pleinement ses missions de médecin coordonnateur.
5. LES PERSPECTIVES
Un projet de reconstruction de l’EHPAD sur un site en ville a commencé à être envisagé
il y a quelques années. En février 2013, il avait ainsi été prévu de lancer un concours d’architecte
au mois de septembre suivant. Une première estimation évaluait l’opération à 20 M€ mais ce
chiffrage n’était pas complet, les terrains, voiries et réseaux divers ainsi que plusieurs
équipements n’étant pas pris en compte. Un terrain contigu au nouvel établissement de la
Ville˗Jouan a été réservé mais, faute de plan de financement, le projet n’a pas été engagé.
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EHPAD « Les Collines Bleues » de Châteaulin - Exercices 2012 et suivants
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Eu égard à ses moyens en comparaison de ceux des établissements environnants, « Les
Collines Bleues » peuvent revenir à l’équilibre financier, à condition de prendre des dispositions
fortes visant à la réduction et à la maîtrise de ses charges. Cela concerne notamment le respect
du tableau des effectifs approuvés, du temps de travail annuel et la maîtrise des dépenses
médicales.
Une réflexion sur la mutualisation10 des fonctions logistiques avec d’autres
établissements voisins peut également être initiée sans délai, pour une mise en œuvre rapide.
Elle pourrait notamment porter sur les services administratifs, hôteliers (blanchisserie et
restauration) et médicaux.
S’agissant enfin de la perspective de reconstruction de l’établissement, « Les Collines
Bleues » n’ont plus les moyens de conduire en propre un tel projet. Le conseil d’administration,
en lien avec les autorités de tarification, devra dans ce contexte envisager la reprise de l’activité
par un autre établissement, tel Ville-Jouan11, dans la perspective par exemple du prochain centre
intercommunal d’action sociale (CIAS).
Pour sa part, le conseil départemental soutiendra :
le projet de reconstruction de cet EHPAD sous l’angle financier, dans le respect des
critères votés par l’assemblée départementale,
le projet de reprise par un autre gestionnaire au vu de la situation actuelle de l’EHPAD.
De son côté, le directeur de l’agence régionale de santé indique avoir « acquis la
conviction que la gouvernance de l’EHPAD « Les Collines Bleues » doit évoluer. En effet, cet
établissement ne peut rester isolé au regard de la situation dégradée évoquée supra et des défis
qui l’attendent avec, notamment, le projet de reconstruction intégral sur un nouveau site ».
Aussi, il souhaite que cette période d’intérim soit utilisée pour étudier les différents scénarii
possibles de rattachement de cet établissement auprès d’une autre entité juridique, voire, si cela
est possible, d’initier concrètement un tel rapprochement.
10 La mutualisation avec d’autres établissements a été préconisée par les autorités de tarification dès 2014.
11 En 2020, la Ville-Jouan, la résidence Yan' Dargent et la maison de retraite Ti Lann regroupées au sein d’un CIAS communautaire
constitueront un EHPAD de 240 lits.