L'avenir des grandes écoles de commerce françaises.

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L’avenir des Grandes Ecoles de Commerce Françaises : Enjeux et prospectives 1 C.FLAMENT M2C Promotion 2012-2013

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L’avenir des Grandes Ecoles de Commerce Françaises : Enjeux et prospectives

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C.FLAMENT M2C Promotion 2012-2013

«  La seule certitude concernant l’avenir de l’enseignement est l’imminence d’un Big Bang qui va modifier durablement nos repères, nos habitudes et nos certitudes »

Livre blanc EM Grenoble « Dessine-moi l’école du futur »

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Bibliographie Objectif : innovation : Stratégies pour construire l’entreprise innovante Philippe Silberzhan : Professeur associé EM Lyon, spécialiste de la stratégie,

Repères et références statistiques sur l’enseignement RERS 2012

Patrice Houdayer et Gordon Shenton « Bologne, une opportunité pour nos grandes écoles », L'Expansion Management Review 2/2005 (N° 117), p. 36-42.

Yvon Pesqueux « Les accréditations des cursus de management : clonage ou amélioration qualitative ? », Revue française de gestion 6/2003 (no 147), p. 201-2 URL : www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2003-6-page-201.htm.

Emmanuel Josserand et al. « La marque, vecteur de changement », L'Expansion Management Review 1/2005 (N° 116), p. 84-92.

Bernard RAMANONTSOA “Brand management pour les Business School, une véritable arme stratégique”, Revue française de gestion 2007

Cornuel Eric, « L’enseignement du management, une priorité en Europe » Revue française de gestion, 2007

Les Echos, 1ER juin 2004, Les Grandes écoles en mal de financement.

Brusson N., The Organization of Hypocrisy, Chichester, Wiley, 1989. Cret B., L’émergence des accréditations : origine et efficacité d’un label, Thèse de doctorat en sociologie, IEP de Paris, 2007.

L’étudiant, 26 oct. 2010, Vers une explosion des coûts des écoles de commerce. http://www.letudiant.fr/etudes/ecole-de-commerce/ecoles-de-commerce-pourquoi-elles-coutent-toujours-plus-cher-10848/vers-une-stabilisation-des-frais-de-scolarite-des-ecoles-de-commerce-13571.html

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Comment ralentir la fuite des enseignants-chercheurs à l'étranger Source : Capital.fr Le 19/03/2013 http://www.capital.fr/carriere-management/actualites/comment-ralentir-la-fuite-des-enseignants-chercheurs-a-l-etranger-820765

Une présentation complète des MOOC : http://fr.slideshare.net/gsiemens/designing-and-running-a-mooc

L'université française ne doit pas rater la révolution numérique Les Echos n° 21535 du 03 Octobre 2013 • page 11

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PLAN

I. Le périmètre de l’étude : analyse du marché A. Les GECF : caractéristiques traditionnelles et mission B. Un marché segmenté C. Un marché en progression D. Les cibles : à la fois clients et acteurs E. L’environnement concurrentiel des GECF F. Analyse SWOT croisé

II. Les enjeux externes du XXIème siècle A. Nouvel environnement socio- économique

i. Un marché libéral : L’émergence de nouvelles puissances ii. Le vieillissement de la population

B. L’internationalisation du marché. C. Les nouvelles technologies  : vers une remise en question du modèle

pédagogique. i. L’avènement du e-learning et la remise en question du modèle

d’enseignement traditionnel  ➢ Multiplication des canaux de transmission des savoirs qui

change la donne/ gamification, social learning, learning by doing, serious games

ii. Les MOOCs : point de départ d’une révolution dans la diffusion des savoirs

III. L’impact des facteurs externes sur le modèle pédagogique et économique des GECF

A. Une pression financière  : entre augmentation des coûts et baisse des financements

B. L’internationalisation du marché  : La double nécessité du développement et du recrutement international.

C. De nouveaux entrants sur le marché i. L’émergence de nouvelles puissances ii. La pénétration de nouveaux acteurs 

i. Un exemple : les universités d’entreprise. ii. Les premières Business School online

D. Conclusion  : conscientes des enjeux, les GECF mettent en place des stratégies d’adaptation, voire de survie

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IV. La réponse actuelle des GECF à ces enjeux

A. Remise en cause du statut consulaire originel  : vers une volonté d’indépendance i. remise en question du statut consulaire

ii. Une structure originale : HEC iii. Les espoirs vers un nouveau statut l’EESC

B. De l’ouverture internationale à l’internationalisation i. La vague de rebranding  une illustration de l’ouverture

internationale ➢ Une volonté de visibilité internationale

ii. une stratégie de Brand management  : les leçons de Bernard RAMANANTSOA

iii.Stratégie de partenariats et implantations multi-campus C. Les stratégies de fusion-acquisition D. Le virage technologique

V. Conclusion

A. 5 scénarios possibles à l’horizon 2015 : le rapport Durand B. Vers la création d’un modèles de grande Ecole Française  : la

pédagogie au centre de toutes les réflexions

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Quel avenir pour nos Grandes Ecoles de Commerces Françaises  ?

L’actualité regorge de sources d’interrogation à ce sujet : de la remise en cause du statut consulaire au déploiement international des MOOC, de la problématique financière à celle de l’apparition d’une génération révolutionnaire dans ses comportements…le modèle traditionnel semble être à la croisée des chemins. Les effets de l’internationalisation en ont démontré les limites.

C’est l’ensemble du modèle qu’il faut réinventer. Dès lors, comment anticiper les ruptures du modèle français des écoles de commerce ?

Il s’agit dans cette étude, de comprendre les limites de la stratégie actuelle, fruits des nombreuses mutations du marché, à la fois internes et externes.

Les pistes de réflexion pour réformer efficacement le modèle seront ensuite recensées : Véritable enjeu de notre économie, le rayonnement de nos GECF fait l’objet de multiples stratégies : de la fusion à l’internationalisation en passant par la création de « learning centers », nos écoles développent de véritables business plan, à l’image de toute entreprise, travaillant à la fois leur marque et leur offre…et riches d’une identité forte, elles ont pour objectif de s’adapter à un nouveau marché international sans pour autant perdre leur identité.

Le modèle français du XXIème siècle est à inventer….

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I. Analyse du marché : le périmètre de l’étude.

A. Les écoles de management Françaises : Historique et mission

Les écoles de management françaises ont été créées au XIX siècle par les CCI. Leurs caractéristiques sont le fruit des traditions de l’Université française du Moyen Age. La première école de commerce française date de 1819, il s’agit de l’école supérieure de commerce de Paris. Aujourd’hui 85 écoles sont reconnues par l’Etat (source Conférence Des Grandes Ecoles) dont 37 Grandes Ecoles de management dont le diplôme est visé par l’Etat : Ce sont avant tout ces établissements qui feront l’objet de cette étude : véritables enjeux de notre économie, ils subissent actuellement un ensemble de mutations remettant en question leur fonctionnement traditionnel.

La mission des GECF dès leur création est de fournir au niveau régional les compétences managériales et commerciales à la gestion des entreprises locales. L’enjeu est donc clair  : largement financée par les CCI régionales dont elles dépendent, ces écoles contribuent au développement et au rayonnement économique de la région en formant de futurs responsables efficaces.

Leurs caractéristiques définies par la conférence des grandes Ecole sont les suivantes : ⇨ Une reconnaissance par l’Etat de l’Etablissement et du diplôme, une taille

humaine (400 à 6000 étudiants), une sélection soit par concours soit sur dossier, une ouverture internationale (enseignement des langues, mobilité du corps professoral), des activités de recherche et d’innovation, une pédagogie évolutive, un projet global cohérent garantie par le directeur de l’école.

Les écoles de commerce françaises sont le plus souvent de statut consulaire, c'est-à-dire dépendant d’une CCI régionale, mais certaines sont sous un statut privé et notamment celui de l’association «  loi 1901 » (Audencia, Essec), souvent sous la tutelle d’un ministère. L’évolution actuelle prévoit un nouveau statut plus adapté aux problématiques économiques des écoles de commerce  : Véritable enjeu stratégique de leur évolution, nous reprendrons plus loin ses attributs.

B. Un marché en progression

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Les écoles de commerce comptent 126000 étudiants répartis sur un marché extrêmement segmenté. Un marché qui a connu une explosion, les effectifs ont plus que doublés en 10 ans passant de 46000 étudiants en 1991 à 126  000en 2012 attirés par le monde du business et ses promesses de carrière mais également motivés par une certaine dévalorisation des diplômes universitaires dans ce domaine. Ce marché est toujours en progression (+5% par rapport à 2010) mais nous ne pouvons  plus parler d’explosion. D’ailleurs seules les écoles à forte notoriété (groupe I notamment et dans une moindre mesure le groupe II progressent : Pôles d’excellences qui attirent toujours autant, alors que les écoles du groupe II et III reculent (cf schéma 1)

C. Un marché segmenté

Chacun (surtout les étudiants des classes préparatoires) le sait, les Grandes écoles de commerce françaises ne jouent pas toutes dans la même cours  : les divers classements de la presse nationale et internationale le rappellent sans cesse ! Il semble intéressant de reprendre, dans cette étude, le classement déterminé par Thomas Roux, directeur d’études PRECEPTA : Selon lui, la stratégie des écoles est déterminée par l’appartenance à l’un des cinq groupes ainsi définis : ⇨ Groupe 1  : Les leaders nationaux (Les écoles parisiennes notamment, HEC,

ESSEC, EDHEC) dont les enjeux sont clairement internationaux et se mesurent aux stars internationales pour la plupart anglo-saxons (Harvard, Stanford, London Business School…). Réservées à une élite, ces écoles doivent adopter une stratégie propre à ces enjeux internationaux. Vitrines du savoir faire français, s’appuyant sur des marques et des identités fortes, mais non représentatives de l’évolution nationale du modèle car elles ne concernent qu’une minorité.

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⇨ Groupe 2  : les majors provinciaux  bénéficient d’une forte reconnaissance nationale mais s’efforcent de suivre les leaders dans leur stratégie internationale. Les moyens ne leur permettant pas, elles vont devoir suivre une stratégie de développement davantage en adéquation avec leurs ressources. (EM Grenoble , Kedge, Audencia , TBS, Skema)

⇨ Groupe 3  : les écoles à notoriété modérée  : Ce groupe regroupe de petites écoles provinciales (ESC Rennes, ESC Dijon) n’ayant pas véritablement développé de stratégie d’expansion nationale. Il s’agit pour elles d’offrir un produit adapté aux caractéristiques économiques régionales. Ces écoles ont tendance aujourd’hui à se regrouper (cf. France Business School) pour mettre en commun leurs moyens et augmenter leur visibilité, concurrençant par là même les écoles du groupe II .

⇨ Groupe 4 : les écoles à faible notoriété : consulaires mais aussi privées doivent attirer les étudiants par l’originalité et la spécificité de leurs offres

⇨ Groupe 5  : Les écoles à très faibles notoriété, essentiellement privées, elles 1

doivent adopter une stratégie de niche afin d’attirer des étudiants ou jouer sur l’attractivité de leur emplacement : Un emplacement Parisien sera par exemple spécifié sur le logo.

⇨ Exemple de l’ISC Business School représentant les grands standards parisiens, jouant la carte de l’emplacement.

⇨ Exemple de l’ISG pour qui le symbole de l’ouverture à l’International est annoncé directement sur le logo par une représentation de la statue de la liberté.

De par sa spécificité, ce groupe ne fera pas l’objet d’une étude approfondie mais mérite l’attention des responsables 1

marketing par le déploiement de stratégies originales (stratégies de niches)

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Schéma I : Un marché segmenté

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D. L’évolution des acteurs des Grandes Ecoles de commerce et de Management françaises : une adaptation nécessaire des structures.

L’offre des Business School françaises répond aux besoins de formations de différents acteurs économiques  : d’une part les étudiants en formation initiale, bien entendu. Issus des classes préparatoires (CPGE), ils sont les plus sensibles aux classements des écoles, recherchent avant tout une ligne prestigieuse sur leur CV avant d’appréhender le monde du travail. A cet égard, le corps professoral de l’école joue un rôle primordial  : acteur bien entendu dans son rôle d’enseignant chercheur, la pénurie et la concurrence en font aussi un client, les business school recherchant prix d’or les meilleurs professeurs-chercheurs en sciences de gestion. Cependant, conséquence non négligeable des diverses crises économiques et da la mondialisation, les cadres doivent sans cesse se former  : Un marché de la formation continue à forte marge bénéficiaire s’est développé depuis une dizaine d’années  : ce marché a pour cible non seulement les cadres candidats à la formation continue mais également les entreprises prêtes à financer ces formations ou à soutenir les établissements qui forment leurs futurs managers.

a. Etudiants en formation initiale

Ils constituent la base historique des GECF  : notons la spécificité du modèle français dans ce domaine par rapport notamment au modèle anglo-saxon  : les étudiants, d’origine sociale diverses, tentent d’intégrer les plus grandes écoles de commerce via une classe préparatoire et un concours  : les barrières à l’entrée constituent un gage d’excellence (le modèle anglo-saxon favorise davantage le système de la cooptation  : il s’agit pour le candidat de démontrer de quelle manière il peut contribuer au rayonnement de la communauté .)

Si les plus grandes écoles (Groupe 1 et 2) n’ont aucune peine à recruter des étudiants de première année, d’autres écoles ont plus de mal depuis 5 ans.

Issus de la génération Y (1980-1994), ces étudiants révolutionnent le monde traditionnel des GECF en se comportant de plus en plus comme des clients que comme des élèves. Adeptes des nouvelles technologies qui leur donnent un accès direct au savoir, sûr d’eux-mêmes et confiants dans leurs capacités, ils remettent en question le système pédagogique traditionnel et surtout la relation hiérarchique enseignant-élève sonnant le glas des prises de note studieuses dans une salle de classe traditionnelles, face à un enseignant source unique de connaissance. Le Dean de Stanford l’annonce : « c’est la fin des amphithéâtres »

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Ces étudiants sont à la fois initiateurs et acteurs de la remise en question du modèle pédagogiques traditionnel, celui d’un enseignement vertical à sens unique.

b. Etudiants en formation continue

Et si le CRM des GECF chargé de gérer les entrants potentiels se renforçait d’un SRM, student relashionship management  ?/ La formation continue constitue un véritable enjeu pour les managers et dirigeants d’entreprises  et, par ricochet, pour les grandes écoles de management. Le constat est clair : aujourd’hui un cadre se forme tout au long de sa carrière et des dispositifs tels que le DIF le lui permettent. Un marché de la formation continue évalué à environ 400 millions d’euros . 2

Ces «  clients  », solvables, prêts à investir une partie de leur temps et de leurs économie dans des programmes (à forte marge pour les GECF) exigent un service sur mesure  : à la fois en termes d’enseignement mais également tout ce qui entoure la formation  : locaux, relations avec les enseignants, image, services divers…vecteurs d’évaluation immédiate et de communication au sein des entreprises partenaires.

Dès lors, la mise en place d’un SRM semble tout à fait crédible  : Loin de se contenter d’un message publicitaire ou commercial type mailing, les cadres éprouvent aujourd’hui le besoin de faire le point régulièrement sur leur carrière, leurs compétences, les innovations dans leur domaine : quel quadragénaire n’a pas été anxieux à l’idée d’être dépassé sur le marché du travail ? Au XXIème siècle, on ne fait plus carrière dans la même entreprise, et nombreux sont les cadres, managers, qui se retrouvent un moment donné sur le marché du travail, tentés de se tourner vers des coachs alors qu’il s’agit d’une mission primordiale pour les GECF de les former.

c. Les enseignants

Le corps enseignant des GECCF forme la moelle osseuse du système pédagogique. Constitué d’enseignants, d’intervenants extérieurs au contact des entreprises, mais surtout d’enseignants-chercheurs (environ 2/3 des effectifs en moyenne), le corps professoral est acteur majeur du rayonnement national voire international des écoles.

Etude FNEGE 2004, Bertrand Moingeon2

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«  L'enseignant-chercheur idéal ne se contente plus de transmettre son savoir dans les amphis. Il possède au minimum un doctorat ou son équivalent anglo-saxon (PhD), dispose d'au minimum 3 à 4 ans d'expérience en entreprise. Il doit être capable d'enseigner en français et en anglais, de publier au moins deux articles par an dans des revues internationales, de développer des contrats de recherche, de tisser les relations avec le monde de l'entreprise. Le tout en gérant un cursus de formation. Tel est le portrait dressé par Jacques Thevenot, professeur à ICN Business School Nancy, pour le compte de la Fondation nationale pour l’Enseignement de la Gestion des Entreprises » (FNEGE). 

La pénurie d’enseignants chercheurs les positionne même en client des GECF qui rivalisent pour attirer les meilleurs : dans une étude récente, la FNEGE dénonce 3 4

les dangers d’une telle stratégie  : «En raison d’une baisse du nombre de formations doctorales et de leurs effectifs, l’enseignant-chercheur est appelé à être une source de plus en plus rare». Et pour attirer ce «mouton à 5 pattes» et réussir à le fidéliser, les écoles sont amenées à «casser leur tirelire», d’autant plus que l’international attire toujours plus les meilleurs : EU, Asie…sont prêts à investir sur leurs compétences et leur font des ponts d’or.

Explosion des masses salariales, «mercato» des professeurs-chercheurs dont les publications s’affichent dans les revues les plus prestigieuses… Si rien ne change, c’est tout bonnement «la question du potentiel de survie pour la majorité des écoles» qui est posée.

Nous reviendrons en seconde partie sur les nouveaux enjeux des enseignants, notamment face au développement des nouvelles technologies d’apprentissage et l’avènement du web participatif.

d. Les entreprises

L’analyse du rôle des entreprises dans le modèle des GECF laisse perplexe : à la fois principales cibles et partenaires, car de la formation de leurs managers dépend leurs rayonnement économique, elles s’investissent très peu dans la gouvernance de ces écoles mais contribuent financièrement à leur fonctionnement via la taxe d’apprentissage et les dons divers (fondations, matériels…) et l’emploi des diplômés.

Les Institutions d'enseignement supérieur de gestion et leur corps professoral, mars 2013 Coordinateur : Jacques 3

THEVENOT

Fondation Nationale pour l’Enseignement de la Gestion des Entreprises. http://4

etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/les-ecoles-de-commerce-risquent-la-faillite-a-se-prendre-pour-harvard-1516/

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Cette incohérence trouve son origine dans la création même des écoles de commerce, à la fois sous la tutelle de l’Etat (validation des diplômes) et des CCI (gouvernance). Leur manque d’indépendance laisse peu de place aux entreprises à la différence du modèle anglo-saxon, même si toutes se dotent d’une fondation ou que des organismes tels que la FNEGE ont pour mission de coordonner les besoins des entreprises aux offres des écoles.

Une question se pose aujourd’hui  : l’offre des GECF répond-elle aux besoins des grandes entreprises françaises ? Certes, elles forment avec succès la majorité des employés et les statistiques d’insertion professionnels sont plutôt favorables, mais quid de la formation de vrais leaders ? Nous sommes en droit de nous interroger en étudiant l’origine des grands patrons du CAC 40 : Une étude Basso et Alii de 2004 met en exergue la prédominance des écoles d’ingénieurs (environ 50%) avec notamment une présence majoritaire des diplômés Polytechnique (30%), et même si HEC est souvent cité (20%) de nombreux patrons ont complété leur formation initiale (française) par un passage dans les grandes Business School américaines (Harvard) : Dans une économie internationalisée, un nouveau challenge s’impose alors aux GECF  : comment ne pas se contenter de former des managers qualifiés dans leur domaine, mais également de véritables leaders d’entreprise  ? Certaines (dont les grandes parisiennes) ont compris l’enjeu et l’évolution actuelle démontre une montée en puissance des diplômés d’école de gestion dans les comités de direction. 5

E. L’environnement concurrentiel.

Et si la majorité des GECF se trompaient de concurrent ? Un constat simple, si les parisiennes du groupe 1 se tournent vers l’international dans leur veille, leur concurrente directe n’est-elle pas au final l’INSEAD ? Les écoles régionales du groupe 2 et 3 doivent elles vraiment avoir pour stratégie de suivre les écoles du groupe 1 aux moyens et à la notoriété inégalables  ? Leur concurrentes directes ne son-t-elles pas au final les Universités d’entreprise ? Les formations privées ? Trop peu d’écoles se sont penchées sur leur environnement concurrentiel réel, et pourtant, ce positionnement leur permettrait d’adapter une stratégie réaliste.

S .Dameron, « La généalogie des nouveaux dirigeants », article ESCP 20085

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F. Le modèle économique traditionnel des écoles de commerce françaises remis en question

Le modèle économique traditionnel des Grandes Ecoles de commerce française est simple : En moyenne, un étudiant d’une école de commerce coûtait 10 500 €/an en 2005 . Afin de financer ses frais de fonctionnement, l’école peut compter sur 3 6

sources de revenus complémentaires : ⇨ Les CCI  : Les écoles sous statut consulaire dépendent des CCI qui les

subventionnent à hauteur de 20 à 40% de leur budget opérationnel. Historiquement, cette subvention est issue de la taxe d’apprentissage mais également de l’IATP (impôt additionnel à la taxe professionnel)  : Or les recettes de cet impôt ont basculé aux régions, réduisant considérablement les ressources des CCI et donc des écoles jusqu’à remettre en question le statut consulaire des écoles (une demande de nombreuses écoles que nous étudieront dans la rubrique stratégie).

⇨ Les droits d’inscription des étudiants (en moyenne de 7000€/an) ⇨ Les dons des entreprises : bénéficiant de déductions fiscales,les entreprises

peuvent investir dans les GECF souvent régionalement. Ces dons s’élève par exemple à 16 Millions d’euros pour HEC en 2012 Nombreuses sont les écoles qui encouragent l’activité de leur fondation auprès des entreprises depuis quelques années.

G. Analyse SWOT

Une analyse SWOT laisse apparaître les enjeux futurs des GECF notamment face à l’internationalisation et à ses exigences d’adaptation.

Les échos, 1er juin 2005, les grandes écoles en mal de financement.6

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II. Les enjeux externes du XXIème siècle : trouver sa place pour subsister.

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FORCES : L’ancienneté du modèle, gage de valeur

Le rayonnement international de la culture française

Une représentation positive dans les classements internationaux référents : Financial Times Des formations reconnues pour leur multi

culturalité et leur ouverture / le modèle anglo-saxon

FAIBLESSES Manque de confiance dans le modèle français Peu de représentativité dans le domaine de la

recherche/ le modèle anglo-saxon Peu d’investissement financier des entreprises

Pas assez « d’esprit de communauté » de la part des anciens

Baisse des financements de l’Etat La maîtrise des langues étrangères

Un statut inadéquat pour la prise de décision et la gestion des ressources humaines et financières

Opportunités Les nouvelles technologies et la possibilité

d’inventer un nouveau modèle pédagogiques L’internationalisation : possibilité de déployer la marque française dans les pays émergents (Inde,

Asie…) Un besoin des grandes entreprises de leaders

formés en sciences de gestion. Le projet de loi concernant la réforme des

établissements et la remise en question du statut consulaire

Menaces Les nouveaux entrants : Universités d’entreprises,

coachs, écoles privées Concurrence du modèle anglo-saxon (L’Insead)

Faillite financière Absorption du modèle par le modèle anglo-saxon Fuite des enseignants-chercheurs/meilleurs élèves

à l’étranger L’Internationalisation : risque de ne pas parvenir à

s’imposer sur la scène mondiale

L’avenir des GECF dépend avant tout de leur capacité à s’adapter aux enjeux du XXIème siècle. Depuis leur création, au XIXème siècle, le modèle avait peu évolué  : un prestige, une barrière à l’entrée sur le principe fondateur de la méritocratie républicaine, des salles de cours, des amphis, des enseignants et des élèves, une communauté d’anciens chargés de faire rayonner l’Institution dans le milieu des affaires. Mais la donne a changé depuis les années 1990 : les GECF doivent évoluer dans un nouvel environnement à la fois économique et technologique qui remet en question l’ensemble du modèle  : certains analystes évoquent un « big bang » dont le scénario n’est pas inenvisageable et doit surtout être anticipé.

A. Nouvel environnement socio- économique

i. Un marché libéral qui a favorisé l’émergence de nouvelles puissances.

C’est indéniable, le XXIème siècle sera celui du libéralisme économique  : l’actualité est riche de ces exemples d’entreprises délocalisant pour réduire les coûts de production, favorisant, par la même, l’émergence de nouvelles puissances avec qui il faut désormais compter. Les ouvriers du Bangladesh en pleine manifestation illustrent ce changement de donne : Non ces pays ne sont pas soumis comme nous avons pu cyniquement le penser pour la Chine par exemple qui affiche depuis quelques années une croissance à deux chiffres, mais au contraire peuvent devenir de grandes puissances rivalisant avec le modèle occidental. Dès lors, il va falloir compter avec de nouvelles cultures : Indiennes, asiatiques…et intégrer leurs spécificités à nos enseignements (langue, culture)  : les futurs managers des entreprises françaises devront être formés à travailler dans un contexte multiculturel. Les GECF ont un nouveau défi, celui de donner à leur enseignement cette dimension.

En parallèle, un autre défi se présente : celui de pouvoir répondre à la demande mondiale de près de 100 millions de nouveaux entrants issus de ces nouvelles puissances à court terme.

Nos GECF doivent se positionner sur un marché mondial qui va bientôt doubler.

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ii. Le vieillissement de la population française.

Tendance forte de notre environnement macroéconomique, le vieillissement de nos cadres est une opportunité à saisir pour nos GECF : C’est là aussi d’actualité : il va falloir travailler plus longtemps, et dans un contexte économique en mutation, l’efficacité passe obligatoirement par une formation sur le long terme. Une étude FNEGE dénonce le manque de formations adaptées aux plus de 50 ans : aux GECF d’imaginer des offres pour ce type de demande potentielle !

B. L’internationalisation du marché : un environnement concurrentiel devenu mondial.

i. Internationalisation : un processus inéluctable

Jusque dans les années 90, le modèle économique des écoles de commerces françaises était simple  : Financées par les CCI, largement plébiscités par les étudiants, bénéficiant d’une réputation renforcée par de fortes barrières à l’entrée, ces écoles recrutaient au niveau national, voire régional pour former les cadres des entreprises locales. Majoritairement consacré à l’enseignement, leur budget de fonctionnement était faible. Les budgets de communication et de marketing inexistant.

La question de l’internationalisation s’est posée dès 1994 au sein de la conférence des grandes écoles  : l’objectif était de répondre aux exigences de l’Acte Unique européen dont l’ambition est de former un marché de cadres à l’échelle européenne. Difficile d’imaginer que la formation internationale n’était pas l’apanage des grandes écoles de commerce françaises il y a 20 ans. Seules quelques écoles marginales proposaient des formations internationales : c’est le cas de BMS, Ecole internationale de commerce, le CESEM, centre d’études supérieur de management international, l’ISEG, l’Institut supérieur européen de gestion….La plupart des ces formations à l’exception de EAP (école européenne des affaires) ou l’EBS (Ecole européenne de gestion,) sont de petites structures souvent non reconnues par l’Etat dont les élèves étaient ceux qui n’avaient pu accéder aux écoles de commerces par concours. Les résultats sont par ailleurs peu concluants, les diplômes étant souvent inconnus à l’étranger et d’ailleurs seuls 19% des élèves de l’ISEG en 1994, obtenaient un poste à l’étranger.

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Depuis le milieu des années 90, le paysage économique français s’est largement mondialisé  : les entreprises françaises s’exportent à l’étranger et des entreprises étrangères s’implantent en France. Chargées de former les cadres de ces entreprises, les écoles de commerces doivent prendre part au processus et proposer des formations adaptées : Il s’agit de répondre aux exigences du marché et de ses besoins spécifiques en compétences professionnelles. Le profil du cadre manager change  dans un contexte où l’on parle de plus en plus souvent de management interculturel.

Les formations dites Internationales constituent un enjeu nouveau de positionnement pour les écoles.

L’étude du niveau d’internationalisation des écoles peut se faire en mesurant les indicateurs :

⇨ Création d’un diplôme commun à un ensemble d’écoles ⇨ Harmonisation des cursus ⇨ Accords de doubles diplômes ⇨ Partenariats divers (échanges étudiants, stages…)

Si l’internationalisation est un enjeu pour les écoles, elle est également facteur d’inquiétude  : l’ouverture internationale entraîne un renforcement de la concurrence qui oblige les acteurs du marché à adapter leur stratégie de développement sous peine de ne pas survivre : L’enjeu du processus est de passer d’une légitimation nationale à une position sur un marché international. Dès lors l’offre des Business School devient une offre produit qui doit s’adapter à la demande du marché : Il s’agit désormais d’affronter un marché international

Les principes de reconnaissance internationale exigent des écoles une adaptation sur de multiples critères (souvent déterminés par les organismes d’accréditation),  entraînant une hausse des dépenses de fonctionnement des grandes écoles : une fuite en avant vers le haut de gamme.

C. L’avènement des nouvelles technologies

L’un des grands défis des entreprises, quelque soit leur domaine d’activité, est l’avènement des nouvelles technologies d’information. Comme pour le marché de la musique, celui de la presse, le marché des écoles supérieures est touché par cette révolution des systèmes d’information depuis les années 90 et l’apparition d’internet.

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Une question se pose : comment utiliser au mieux ces nouvelles opportunités sans qu’elles deviennent elles-mêmes source de concurrence ? Au final, comment ne pas terminer comme Kodak  ? Loin de remplacer l’enseignant, ces nouveaux canaux peuvent être complémentaires et donner naissance à un modèle pédagogique révolutionnaire ! Ignorer les mutations serait suicidaire à l’image de Kodak qui du haut de son siècle de leadership dans le domaine de la photographie, n’a pas vu venir ou a préféré nier la révolution de l’imagerie numérique.

i. Les SI : pierres angulaires de l’enseignement du futur

La France prend conscience dès 2000 de l’enjeu des SI dans l’enseignement et initie un projet peu connu et pourtant novateur  : l’Université de tous les savoirs (UTS) porté par un philosophe, Yves Michaud : l’idée était celle d’une encyclopédie vivante de toutes les connaissances dans leur état le plus actuel, délivrées par les meilleurs chercheurs de toutes les disciplines.

L’association, dont l’activité vient de cesser avait pour buts : • d’organiser des conférences présentant à un large public la recherche et le

savoir actuels; • de diffuser les savoirs vers le grand public par tous les moyens techniques; • d’apporter toute aide et assistance aux organismes, institutions,

associations, communautés, entreprises et personnes qui voudraient organiser des conférences et diffuser des savoirs;

• de contribuer à la diffusion de la recherche et du savoir francophones.

Conscients de l’arrivé de nouveaux supports d’enseignement, type MOOC, le fondateur a choisi d’arrêter et invite à réfléchir à un nouveau modèle français : la diffusion du savoir est un l’enjeu de ce siècle.

ii. L’arrivée des MOOC en France  : point de départ d’une nouvelle donne pédagogique ou simple mode ?

Le terme de MOOC ou CLOM (cours en ligne ouverts et massifs) est apparu en 2008: les MOOC «Massive Open Online Courses») sont des cours dispensés gratuitement sur internet, sans restriction géographique et pour un nombre illimité d’étudiants. Lancé à l’initiative de grandes universités nord-américaines, le mouvement est exponentiel et s’étend désormais à l’international. 7

Benjamin Keller7

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Les cours sont dispensés de manière interactive sous la forme de séquences filmées de dix minutes environ programmés sur un période de 3 à 7 semaines. Ces vidéos sont accompagnées de tests (questionnaires à choix multiples, feuilles de calcul) et des forums dédiés permettent aux enseignants d’intervenir et aux participants de s’entraider. En principe, les cours ne peuvent pas être consultés en dehors des sessions d’enseignement mais face à l’abandon massif des étudiants au cours de sessions, la tendance est à la prolongation des périodes de mise en ligne et la rediffusion des live. Les trois plus grands hébergeurs de MOOCs sont américains. Il s’agit de plateformes à vocation commerciales, comme toute entreprise, créées à l’initiative de professeurs de Stanford pour Udacity, Coursera ainsi que l’initiative à but non lucratif edX créée pat le MIT en association avec HARVARD. D’autres plateformes plus petites existent et des programmes nationaux ont été développés. Certaines universités proposent aussi des MOOCs de manière indépendante. En France l’ESC DIJON a tout simplement utilisé youtube…mais notons l’arrivée de FUN : la plateforme française (France Université Numérique) en octobre 2013.

Il est encore trop tôt pour mesurer l’impact des MOOC (Massive Open Online Courses) dans l’enseignement supérieur, et nous verrons en quatrième partie comment les GECF appréhendent ce challenge ; mais leur explosion et leur impact sur des millions d’étudiants en font un enjeu pour les GECF.

Notons que La Chine a emboîté le pas à la France en lançant la plate-forme XuetangX, et un programme similaire nommé Edraak devrait voir le jour pour les pays arabophones; le Royaume-Uni, l'Espagne et l'Australie ne sont pas en reste, avec respectivement Futurelearn, Miriadax, et Open2Study

➢ Historique des MOOC : 8

2002. Le MIT lance l'initiative OpenCourseWare : la mise en ligne, gratuite de tous ses supports pédagogiques. 2005. Création de l'OpenCourseWare consortium prolongeant l'initiative du MIT. Il regroupe aujourd'hui plus de 200 institutions du monde entier. 2007.L’initiative irlandaise ALISON (Advance Learning Interactive Systems Online) met en place des cours en ligne, gratuits pour le développement des compétences professionnelles : Les scientifiques s’accordent pour situer ici la naissance des MOOC.

Les echos, octobre 20138

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2008. Deux enseignants canadiens, Stephen Downes et George Siemens, publient un MOOC comprenant cours en vidéo, forums de discussion. 2011. Trois MOOC proposés par Stanford dépassent les 100.00O étudiants. Le MIT lance MITx, une plate-forme à but non lucratif.2012. Trois enseignants de Stanford participent à la création de deux start-up spécialisées dans les MOOC, Coursera et Udacity. La plate-forme MITx, rebaptisée edX, accueille Harvard, Berkeley… 2013. En France, l'Inria lance le MOOC Lab pour créer une plate-forme, réaliser des contenus pédagogiques et mener des recherches. Création de FUN : France Université Numérique. Parmi les GECF , HEC, l’EMlyon et L’ESC ont lancé leur MOOC sous diverses formes et pour un impact que nous étudierons en partie IV (la réponse des GECF aux enjeux technologiques).

Certains évoquent une révolution de l’enseignement…et l’engouement pour ce nouveau support pédagogique est de taille : les universités françaises se lancent et créent FUN, plateforme française sur laquelle les étudiants retrouvent des cours du CNAM ou des grandes universités françaises….

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Du côté des GECF, l’heure est à la réflexion et malgré des initiatives de certaines (ESC DIJON, EMLyon..) le déploiement ne semble pas immédiat. Les MOOC laissent effectivement apparaitre des limites, et notamment au niveau pédagogique, que nous étudierons en partie IV.

III. L’impact des facteurs externes sur le modèle pédagogique et économique des GECF

A. Une pression financière sans précédent : Entre augmentation des coûts et baisse des financements

Le positionnement stratégique dans un contexte international et concurrentiel exige le déploiement de moyens financiers importants  : Les grandes écoles de commerce française, sous peine d’être marginalisées, doivent recruter les meilleurs enseignants (une politique qui a un coût, ces derniers faisant parfois jouer les enchères  !), assurer un accueil de qualité aux étudiants (en termes notamment de locaux, d’équipement, de services) et investir dans une politique de communication impactante (HEC a ainsi un budget avoisinant 6 millions d’euros en 2012) De plus, face au désengagement général des organismes publics (CCI), les grandes écoles françaises doivent trouver des solutions pertinentes. Une étude Xerfi de 2008 recense les 5 facteurs majeurs influençant le poids des sources de financement : le statut de l’école (privée ou financée par une CCI), la stratégie ‘programmes’, le positionnement prix, la taille de la structure, la stratégie entreprise. Néanmoins, en France, les frais de scolarités demeurent le 1er pôle de ressources des grandes écoles de commerce. Il est donc impératif de capitaliser sur l’attrait d’une population solvable.

B. L’internationalisation du marché  : la double nécessité du développement et du recrutement international.

«  Le paysage de l’enseignement supérieur se transforme à grande vitesse, sous l’effet de la mondialisation. Entre 2000 et 2015, le nombre d’étudiants passera de 100 à 200 millions dans le monde. 70 millions des nouveaux étudiants étant d’Asie. Ceci amène d’immense opportunités, mais en même temps une compétition devenue mondiale entre les institutions » Pierre TAPIE, Président de la Conférence

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des Grandes Ecoles résume ainsi les défis de demain pour les grandes écoles de management françaises : L’éducation supérieure devient un marché planétaire, les business school française ne peuvent se permettre de rester à l’écart du mouvement. L’enjeu est à la fois économique mais aussi géopolitique. La stratégie d’internationalisation des business school française prend de l’ampleur. Elle se situe à deux niveaux  : le développement international de l’institution proprement dite qui passe par une implantation multi-sites et un recrutement international des élèves et des enseignants dans le but de recruter les meilleurs.

- Le développement international : il s’agit d’ouvrir des antennes à l’étranger et de valoriser une politique ‘multi-sites’. Certaines écoles françaises ouvrent des antennes à l’étranger (ESCP, ESSEC, TBS, ESC Dijon) et communiquent fortement sur cette capacité à s’exporter.

- Le recrutement international : Il concerne à la fois les élèves mais aussi les enseignants. Il s’agit notamment, dans un environnement concurrentiel d’opter pour une stratégie de communication très ciblée vers les étudiants des pays aisés (Chine, pays Qatar, Russie…)

Kedge vise ainsi 50% d’enseignants étrangers en 2015 et 50% d’étudiants étrangers en 2017. 9

Un positionnement qui a un coût et qui doit être mûrement pensé en amont : Où se développer ? Où recruter ? Comment cibler cette nouvelle clientèle ? Quels outils de communications mettre en place ?

C. De nouveaux entrants sur le marché

i. L’émergence de nouvelles puissances

L’apparition du classement de Shanghai, la création de vastes campus au Moyen-Orient (Qatar, Dubaï), de grandes Business School en Russie, en Inde (Bangalore), au Brésil (EAESP-FGV, Business School of Sao Paulo, fortement présente sur les réseaux sociaux) révèlent de nouvelles forces en présence.

Conf2rence de presse présentation KEDGE9

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Comme l’explique Aurélien Duthoit à travers son étude International Business School (XERFI 2001), les écoles de management françaises doivent absolument prendre en compte l’émergence de ces nouvelles forces et être capable d’y répondre en adaptant leur politique de communication. Un problématique se pose  : Leaders incontesté de l’enseignement mondial, les écoles anglo-saxonnes et européennes recrutaient jusqu’alors très largement au sein de ces puissances émergentes, à la fois les élèves et les enseignants. Mais l’étude du classement du Financial times, référent en la matière, révèle en 2013 l’entrée de nouveaux établissements  : l’université de Tokyo, celle de Bangalore en Inde font leur apparition dans ces classements d’excellence  et mettent en place une réelle stratégie de communication digitale (notamment à travers les outils du web 2.0 et des réseaux sociaux) Ces nouvelles puissances économiques mettent en place les moyens de garder leurs élites en leur donnant les moyens de se former efficacement  : une réponse à la demande de leurs entreprises.

ii. La pénétration de nouveaux acteurs 

i. : un exemple : les universités d’entreprise.

Nous l’avons étudié en première partie, les entreprises sont acteurs majeurs du marché des GECF, à la fois clientes en recrutant les diplômés, elles peuvent agir sur leur avenir en augmentant leur taux de financement. Or il semble qu’elles prennent un autre chemin : La hausse du phénomène Universités d’entreprise pose la question majeure de la cohérence des formations avec les demandes des entreprises. Les GECF doivent se poser cette question : Elles forment de très bons techniciens généraux dans les matières telles que le management, les RH, logistique, finances, mais quid des leaders que les entreprises recherchent ?

Et si les talents de demain se recrutaient à l’intérieur même des entreprises  ? L’entreprise sensée historiquement recruter ses cadres commerciaux, managers divers au sein des GECF semble se tourner vers une solution interne : Former elle-même ses salariés à devenir de futurs managers. Une solution logique puisque l’enseignement se fait au plus près de ses besoins et véhicule la culture d’entreprise, un élément essentiel de fidélisation des salariés. Une étude récemment menée par la chaire Nouvelle Carrière de Néoma recense les enjeux de cette nouvelle forme de promotion.

Les universités d’entreprise ne sont pas nouvelles et encore une fois, le concept est anglo-saxon  ! Dès 1919 Général Motors crée le GMI (Général Motors Institute) qui forme exclusivement des salariés de l’entreprise au management et à l’ingénierie.

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En France le groupe Accor est précurseur dans ce domaine en fondant 15 académies chargées de former l’ensemble des collaborateurs. On dénombre actuellement près de 70 universités d’entreprise (Veolia, Thales, Clarins, Matmut).

Ces universités ont été fondées pour permettre de recruter parmi les meilleurs salariés les dirigeants de demain et font concurrence par là même aux formations dispensées par les GECF.

Mais la concurrence ne s’arrête pas là, selon l’étude NEOMA, l’université d’entreprise favorise la création de réseau interne d’entreprise, une caractéristique majeure des GECF qui s’efforcent de maintenir le sentiment d’appartenance ! Les diplômes sont reconnus par l’Etat grâce à un partenariat avec une université ou une école et certaines disposent même d’un réseau des anciens .

Alors, à quand le Master Décathlon ou Air France ?

ii. Les premières business school online

Encore peu présents sur le marché, les Business School online doivent être prises en compte notamment dans le domaine de la formation continue, comme concurrentes nouvelles de nos GECF

Qui connait ENACO ?

Cette école de commerce entièrement en ligne a pour partenaire l’université américaine Stanford, et propose des formations diplômantes, du BTS au master. Très markettée (l’école offre une tablette Samsung galaxie pour toute inscription), l’offre utilise les nouvelles technologies comme argument de vente et a déjà lancé son premier MOOC sur le thème du management.

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II. La réponse des GECF aux enjeux nouveaux

A. La remise en cause du statut

i. La remise en question du statut consulaire La gouvernance des GECF suscite un débat passionné. Face aux enjeux de l’Internationalisation et de la pression concurrentielle, les GECF remettent en question ce statut consulaire qui donne aux CCI dont elles dépendent le pouvoir de nommer le personnel de l’établissement, valide les budgets et finance à hauteur de 20% environ les écoles (via la taxe d’apprentissage) via une dotation financière annuelle, en baisse significative notamment depuis la réforme de la taxe professionnelle initiée sous N.Sarkozy Un statut qui nuit indéniablement à une stratégie de positionnement sur la scène Internationale  : chargées hier de former les futurs managers des entreprises régionales, les écoles ont vu leur mission changer au gré d’’une nouvelle donne devenue mondiale : Avec un budget dix fois moins élevé que leurs consœurs anglo-saxonnes, les GECF ont pour ambition de se maintenir sur la scène internationale en répondant aux exigences, notamment, des organismes d’accréditation indépendant.

Afin de répondre à ces critères, les écoles réclament depuis quelques années leur indépendance financière et managériale : Un espoir déçu récemment par l’abandon de l’amendement dans le projet ESR portant sur la création d’un nouveau statut pour ces établissements  : Les CCI n’entendent pas pour l’instant remettre en question leur autorité. De leur côté, les écoles soucieuses de se rapprocher d’un statut privé permettant notamment aux entreprises d’investir directement, ont pour certaines choisi un statut associatif (loi 1901) quand d’autres ont su créer un modèle original bicéphale.

ii. Une structure originale : HEC

Face aux enjeux immédiats de l’internationalisation et des besoins d’indépendances des GECF, estimant le statut d’association peu adapté à la gestion d’un budget de près de 124 millions d’euros, Bernard RAMANANTSOA, mythique directeur d’HEC a trouvé le moyen de contourner un statut consulaire devenu caduque tout en gardant la possibilité d’obtenir des subventions de la CCIP  : Il s’agit du statut bicéphale  : La CCIP reste actionnaire de poids finançant à hauteur de 17% une «  Société par action à but éducatif  »  : HEC devient une personne morale autonome.

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« En faisant évoluer son statut vers celui d'une personne morale autonome, HEC Paris espère pouvoir élargir ses ressources, notamment en attirant des investisseurs non institutionnels, à l'instar de la plupart des ses concurrents internationaux. » 10

iii.Vers un nouveau statut : le projet EESC

Un statut nouveau porté par les parisiennes, ce projet d’école d’enseignement supérieure consulaire se rapprochant du statut de société anonyme a été un enjeu de 2013 pour de nombreux directeurs d’écoles de commerce.

Les deux tiers du capital continueraient d’appartenir aux CCI (tout autre actionnaire ne pouvant détenir plus de 33% des parts mais les écoles pourraient recruter elles-mêmes sous contrat de droit privé : Une efficacité renforcée donc, la gouvernance de l’école devenant maître de ses recrutements et de ses ressources. Les atouts du projet de loi :

1. L’école est dotée d’une personnalité morale

2. Une chaîne de décision réduite qui permet une gestion souple et réactive.

3. L’école peut lever des fonds propres (via des banques ou investisseurs privés) et rester maître de ses investissements.

4. Les écoles permettent d’intégrer dans la gouvernance des partenaires locaux (collectivités locales, universités, entreprises) et élargir ainsi leur réseau.

5. Les écoles seraient libres d’ouvrir des campus et de posséder leurs propres locaux (non seulement en France mais également à l’étranger)

6. L’activité des écoles pourrait s’orienter vers le privé (le conseil par exemple)

⇨ L’annonce du report de ce projet a laissé de nombreux établissements indécis face au statut à envisager  : le statut associatif permet l’indépendance mais pas la levée de fonds propres et le statut consulaire est un frein aux stratégies de développement international.

Bernard Ramanantsoa, directeur HEC10

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B. Une adaptation de l’offre aux besoins du marché

Une enquête qualitative menée par l’EM Grenoble est révélatrice des nouveaux besoins des entreprises  : des managers, leaders dotés de connaissances et de savoir-faire dans leur domaine d’activité. Nous l’avons étudié via les universités d’entreprises : en formant leurs meilleurs salariés à devenir leaders, les entreprises répondent elles-même à ce besoin. Les GECF en ont pris conscience et développent désormais des doubles diplômes. L’enjeu est de taille  : la compétitivité future de nos entreprises passe par la qualité et la pertinence de la formation de ses managers. L’EM Grenoble a été pionnière dans ce domaine en ouvrant 2002 un double diplôme avec Télécom Bretagne.

C. De l’ouverture internationale à l’internationalisation

i. Un a l i gnement sur les cr i tères d’accrédi tat ion internationaux

La volonté d’être reconnu par des organismes indépendants et internationaux est récente à l’échelle de l’existence des GECF. Initié par l’ESSEC en 1995, il s’agit avant tout d’une réponse aux exigences d’internationalisation du modèle français. Les GECF appartenaient déjà pour beaucoup à la Conférences des Grandes Ecoles et par là même, étaient accréditées par l’Etat. En réponse à la volonté d’ouverture internationale, les GECF ont cherché une reconnaissance via des organismes d’accréditation indépendants et privés. Tendance forte des stratégies des établissements ces dernières années, gage de reconnaissance internationale et de qualité des formations, elles sont souvent mises en avant comme un atout majeur de la marque.

Rappelons qu’une accréditation au sens précis du terme est la délivrance d’un label, par une autorité indépendante, à une formation, après une évaluation de la qualité de celle-ci au regard d’un référentiel explicite. L’évaluation et le label peuvent porter sur un programme/diplôme spécifique, une activité particulière (la formation continue par exemple) ou sur l’établissement tout entier . 11

Définition donnée par Jean Pierre Nioche11

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En France, trois accréditations sont visées par les plus prestigieuses écoles : ⇨ L’accréditation américaine AACSB, la plus ancienne. Créée après la

Seconde Guerre mondiale par l’association des business schools américaines, elle resence près de 800 établissements majoritairement anglo-saxons  ; l’établissement est évalué par rapport à son propre positionnement stratégique (vocation régionale, vocation pédagogique, vocation internationale). Seule un dizaine d’établissement français sont accrédités par ce label

⇨ L’accréditation britannique AMBA, d’origine Britannique, concernant avant tout les MBA et les masters pré-expériences

⇨ L’accréditation européenne EQUIS  : créé en 1997 par l’European Foundation for Management Development (EFMD), une association de 600 écoles, entreprises et organismes publics de 70 pays. EQUIS signifie European Quality Improvement System), l’objectif est l’amélioration continue de la qualité de l’enseignement du management par l’évaluation comparative régulière des institutions. L’accréditation est attribuée pour 3 ou pour 5 ans et porte sur l’ensemble des activités de l’établissement, y compris ses diplômes ou partenariats dans les pays tiers. En dix ans EQUIS a accrédité 108 écoles dans 32 pays, d’abord en Europe (72, dont 18 en France), puis sur les autres continents, y compris les États-Unis. 12

Ces trois organismes qui ont connu un succès foudroyant ces dix dernières années commencent à être remis en question sur plusieurs critères : ⇨ La prédominance de la référence anglo-saxonne : Si, en tenant compte de

la pluralité des différents systèmes éducatifs, EQUIS semble être la seule accréditation réellement internationale (aucun des nationalités représentée ne pèse plus de 10%), les deux autres organismes se basent sur des critères purement anglo-américains.

⇨ Le risque d’uniformisation : Le reproche le plus souvent fait aux organismes d’accréditation est leur aspect normatif. Par ailleurs  , la course aux labels est source de concurrence frontale entre les établissements et empêche chacun de se démarquer par un positionnement stratégique original, le risque majeur étant l’uniformisation des offres.

⇨ L’investissement financier: les frais engagés ne sont pas négligeables, d’une part en termes de frais directs  : les accréditations coûtent chères, mais également indirects  : la réponse aux exigences de ces accréditation représente un véritable investissement.

Définition Jean Pierre Nioche12

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Certains spécialistes tels que Jean Pierre Helfer militent pour un équilibre entre stratégie d’établissement et réponse aux critères d’évaluation des organismes d’accréditation, ces derniers ne doivent pas constituer un obstacle au cap défini par la gouvernance de l’école.

Le réseau des IAE a par ailleurs remis en question cette hégémonie, la jugeant inadaptée à leur spécificité et non reconnaissante de leurs points forts. L’enjeu étant de certifier la formation, les IAE ont entrepris de construire leur propre référentiel de certification dès 2005, stoppant la course aux accréditations internationales.

ii. La vague de rebranding  : une illustration de l’ouverture internationale

La force d’une marque, c’est avant tout sa capacité fédérer mais c’est aussi un formidable « vecteur de changement »  : Dans ce cadre les GECF sont nombreuses 13

à lancer une politique de rebranding dont l’objectif est, nous le verrons plus bas, de mener une politique de brand management efficace sur la scène internationale.

Etape première de la mise en place de cette politique, le changement de nom, : SKEMA, NEOMA, KEDGE, Tbs, France Business School…autant de marques nouvelles ayant pour ambition de créer une identité visible internationalement, d’où le choix pour certaines d’opter pour un nom anglo-saxon (au détriment parfois de leur identité originelle et suscitant ainsi la colère des anciens.)

Ces nouveau logos ne sont pas une fin en eux-mêmes, mais le point de départ de changements profonds dont l’enjeu, difficile, est d’imposer et pérenniser un nouveau modèle, symbolisé par le nom KEDGE : ancre de direction, terme utilisé en navigation, c’est donc un nouveau cap pour cette école. Pour les gouvernances des GECF,  s’engager dans cette démarche, c’est s’efforcer de fédérer l’ensemble des équipes, salaries, professeurs, élèves autour de nouvelles valeurs, comptant sur le pouvoir fédérateur de la marque pour modifier en profondeur une institution parfois centenaire ! Mais ces politiques font débat  : Nos écoles ne perdent-elles pas leur identité nationale ? Dans le cas de KEDGE, les études ont portés sur 11

Emmanuel Josserand, La marque, vecteur de changement, l’expansion management revue13

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Dans ce domaine, la création de KEDGE en 2013 illustre parfaitement cette nouvelle stratégie  : fusion de BEM et EUROMED, KEDGE affiche clairement sa volonté de s’imposer sur la scène internationale, notamment via des objectifs ambitieux :

Faire partie du top 15 européen des écoles de management d’ici 5 ans La volonté de s’étendre à l’international tout en gardant une attache forte à ses territoires L’ambition de devenir le premier groupe de recherche franais de gestion

Un pari qui semble efficace :

Les activités de Kedge en Chine représentent un chiffre d'affaires annuel de 6 millions d'euros. « Notre présence dans ce pays devient un élément structurant de notre stratégie, souligne M. Belletante. Elle nous apporte un relais de croissance par rapport au marché français » : Le succès de la percée chinoise de Kedge dont le GLOBAL MBA ouvert à Shangai a été reconnu par les autorités chinoises et classé 43ème meilleur MBA (Financial Times) illustre la pertinence de ce pari : En créant une marque commune, les écoles de Bordeaux et Marseille se sont donné les moyens de rayonner à l’étranger.

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iii.Stratégie de bran management  : les leçons de Bernard RAMANANTSOA

Comment imposer nos petites structures françaises sur la scène Internationale ? L’emblématique directeur d’HEC analyse les pistes possibles dès 2007  : Il est sans 14

doute illusoire de vouloir se positionner face aux prestigieuses universités américaines pour de nombreuses écoles françaises, mais comment répondre aux exigences de l’internationalisation avec peu de moyens ? La réponse se trouve dans le modèle anglais  : Oxford et Cambridge ne sont-elle pas des marques universellement reconnues  ? Elles ne sont pourtant que des marques ombrelles regroupant une multitude de petites structures et bien malin celui qui peut citer chacune des écoles de ces deux villes ? Les nouveaux critères dévaluation du magazine «  Le Figaro  », au premier rand desquels figure «  le prestige  » (donc la connaissance de la marque sur la scène internationale) sont révélateurs de l’importance de cette stratégie. 15

Dans cet esprit, Bernard RAMANANSTOA préconise la conduite d’une politique de marque globale : Une marque, pour une Grande Ecole est portée par les produits et services qui la constituent dont voici les critères :

Brand Management pour les business schools : une véritable arme stratégique. Bernard RAMANANTSOA, 200714

Le classement 2013 Le Figaro http://etudiant.lefigaro.fr/les-news/palmares/detail/article/classement-2013-des-ecoles-15

de-commerces-hec-reste-au-top-3386/

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▪ L’histoire 

Elément moteur de la réputation le critère de durée en ancré dans notre système éducatif. Nous sommes fiers des grandes Institutions françaises, ces écoles qui ont su s’adapter à notre histoire et ont véhiculé une image de référence : leurs anciens font partie d’une «  communauté  » dont l’appartenance est gage de réussite. Ce gage historique est bien sûr incarné par Polytechnique (On est X à vie, descendant d’un X, X de père en fils…), les écoles militaires, d’ingénieurs….mais les grandes écoles de commerce et de gestion ont su rattraper leur retard et s’efforcent désormais de créer une communauté autour de leur marque. L’objectif étant avant tout de créer et véhiculer une « réputation » Notons que les universités anglo saxonnes n’hésitent pas à faire figurer leur date de création sur leur logo, gage d’excellence, ce que nos grandes écoles peinent à faire alors même qu’elles sont souvent plus anciennes que leurs consœurs anglo-saxonnes !

Marque GECF

l'histoire

le corps professoral

et la recherche

le taux d'encadrem

ent

la sélectivité l'offre

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Dans le même esprit, notons la difficulté, pour les écoles ayant récemment choisi de créer une nouvelle marque, de s’imposer : Leur principal marché reste national et nombreux sont ceux qui leur reproche l’anglicisation des noms, au risque de perdre l’identité française et ses spécificités et leur histoire. Mais en même temps comment imposer nos «  soop de cow  » sur le marché mondial  ? Les nouvelles marques sont issue d’une volonté de s’imposer sur ce marché mondial  : France Business School  , KEDGE, Toulouse business School ont clairement affiché cette intention. Le challenge est de taille, c’est dans la durée qu’une marque existe….

1. Le corps professoral et la recherche :

Le corps professoral doit répondre à un double défi  : S’adapter aux nouvelles exigences de la génération Y, et faire rayonner l’institution par des publications pertinentes : Qu’attend un élève ayant investi une grande école après deux années de prépa et un investissement financier conséquent ? Certainement pas des cours académiques et la prise de note, mais la rencontre de «  Professeurs stars  », référent dans leurs domaines, des enseignants ayant acquis leur notoriété dans la recherche…c’est le défi de ce début de siècle  : savoir recruter les meilleurs professeurs chercheurs, à la fois attirés par la réputation de l’école et chargés de la positionner sur la scène internationale via leurs publications mais aussi capables d’échanger avec leurs élèves, leur servir avant tout de guide, prenant en compte leurs problématiques personnelle…d’où l’importance du taux d’encadrement.

2. Le taux d’encadrement

Le temps des amphi de plusieurs centaines d’étudiants semble dépassé, en tout cas largement remis en question  : aujourd’hui prime le niveau de proximité enseignant/élève avec une possibilité pour l’élève de se sentir individuellement suivi  (Cours interactif, rendez-vous individuels réguliers enseignants/élèves). Certains parlent d’enseignement à la carte. Dès lors, le taux d’encadrement devient un enjeu concurrentiel (encore trop peu pris en compte d’ailleurs). Aujourd’hui, investir dans une grande école c’est avant tout investir dans une relation avec un corps professoral réputé et à l’écoute, les grandes écoles l’ont compris et le taux d’encadrement est l’une de leur priorité.

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Ainsi, EM Grenoble compte 4400 élèves pour 200 enseignants permanents (soit un professeur pour 22 élèves mais l’école représentative de cette stratégie est sans conteste HEC : 140 professeurs permanents pour 2000 élèves….quand sciences pô comptabilise 200 professeurs pour….7800 élèves !)

3. La sélectivité

Cet accompagnement quasi individualisé ne va pas sans de fortes barrières à l’entrée, marques historique et républicaine des GECF, celle de la méritocratie (à la différence des grandes universités anglo-saxonnes favorisant d’avantage le réseau). Le taux de sélectivité reste une composante essentielle de la réputation de l’école. «  L’image finale, concentrée dans la marque est résumée par les indicateurs de sélectivité. » 16

4. L’offre

Depuis quelques années, l’offre proposée par les business school est particulièrement travaillée. Aux côtés des standards nationaux (Bachelor), les écoles s’efforcent de faire rayonner des programme à fort potentiel international (tels que le Master of Science in management) ou développer les programmes de formation continue, à forte valeur ajouté.

La difficulté de l’exercice réside dans le fait que l’offre doit répondre à des standarts permettant à l’école d’être classée, mais également suffisamment originaux et innovants pour répondre aux exigences actuelles des entreprises.

iv. Une course aux partenariats et double diplôme

Les GECF s’efforcent de mettre en avant de multiples partenariats à la fois nationaux  : accords avec des organismes spécialisés dans un domaine (Ecole de Savignac pour la filière Hospitality Management de TBS) ou des écoles (L’ENAC pour la filière aviation management).

HEC affiche pas moins de 132 partenariats.

Ceux-ci se manifestent également au niveau international  : Les GECF créent actuellement un réseau international de partenaires, dont l’objectif est avant tout l’échange d’étudiants, de professeurs, des projets de recherche et modules d’enseignement communs (cf l’ESSEC Asian Center)

Bernard RAMANANTSOA16

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v. «  Ensemble ont est plus fort  »  : la vague des fusions-acquisitions

Nous avons pu le constater lors de l’analyse de marché, la France est forte d’une multitude de petites structures qui, bien que classées très honorablement dans les différents rankings internationaux, pêchent par leur visibilité sur la scène internationale. La marque HEC est reconnue internationalement, mais quid des autres marques françaises  ? Comment se faire connaître auprès des étudiants chinois ou indien et leur donner l’envie d’investir dans l’une des formations de nos GECF ? Nous avons passé en revue les principaux dispositifs internes permettant aux écoles de répondre aux enjeux actuels : au cours de ces 10 dernières années, les écoles ont su évoluer  : alignement sur des critères dévaluation internationaux, multiplication des accords avec les partenaires étrangers, uniformisation des diplômes pour une visibilité internationale, effort sur les langues…mais cette stratégie de croissance interne semble insuffisante et laisse place, depuis 2 ans, à une stratégie de croissance externe sous forme de grandes manœuvres de fusions-acquisition qu’illustrent les exemples récents de NEOMA, KEDGE ou FBS France Business School.

D. L’adaptation aux nouvelles technologies

i. Les SI dans le nouveau modèle pédagogique.

L’avènement de la génération Y a rendu caduque les techniques d’enseignement traditionnelles, héritage du formalisme de la scolastique. Aujourd’hui, les études montrent que l’élève ne se concentre plus sur un cours de près de 2 heures. Les SI ont permis la variété des supports pédagogiques  : les espaces d’enseignement intégrant ces nouvelles technologies se sont développés, remettant en question le système des salles de classe.

Il s’agit de remettre l’étudiant au centre de l’enseignement, de miser sur son engagement grâce à la participation et l’interaction favorisées par la mise en place de sérious games, classes virtuelles, outils de création numérique…

C’est dans ce sens que les GECF doivent appréhender les MOOC.

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ii. L’arrivée des MOOCs  en France : comment se positionner ?

Nous l’avons vu  ; les GECF s’efforcent d’apporter une réponse aux enjeux du XXIème siècle. Parmi ceux-ci, le défi technologique dont un sujet particulièrement d’actualité cette rentrée, les MOOC. Quelle réponse donner à cette vague de cours en ligne massifs et gratuits que les universités américaines érigent en modèle pédagogique d’avenir  ? Car le danger d’une non-réaction des GECF est là : sauvegarder un enseignement multipolaire et multiculturel et non globalement, mondialement anglo-saxon, avec tous les dangers d’uniformisation qu’il comporte ! Dans ce cadre, nos GECF ont clairement un rôle à jouer !

Cependant, les GECF ne doivent pas se lancer les yeux fermés mais se poser les questions suivantes :

Quels sont les enjeux de cette nouvelle pédagogie ? Comment enseigner à 10 000 voire 100 000 personnes ? Comment créer une véritable communauté d’apprenants ? Quelles sont les limites du MOOC ? Quel modèle économique inventer ?

Les risques de ne pas savoir maîtriser ces nouveaux réseaux sont définis : le modèle économique des GECF pourrait être remis en question face à un enseignement diplômant et gratuit, une transmission de connaissance au détriment de toute pédagogie (Un grand bazar de connaissances) pour reprendre l’expression de Vardi, sans aucune interaction enseignant/élève…En contradiction avec un engouement passionné, les premières recherches dans ce domaines laissent apparaitre des limites à ce modèle d’enseignement que les GECF doivent prendre en compte :

MOOC  : un nouveau modèle d’enseignement à distance  ? Ceux qui parlent de « pédagogie personnalisée » sont malheureusement loin de la réalité  : Certains 17

MOOC ne sont au final qu’un cours filmé et diffusé gratuitement sur le web  : la limite ? Le manque d’interaction avec l’enseignant et donc une absence totale de pédagogie. Une étude de S. Kolowich (2013) révèle que sur 103 professeurs qui avaient conçu 18

un MOOC, l’interaction avec les étudiants se limitaient à un commentaire sur le forum par semaine. Aussi, S.Kolowich donne au MOOC cette definition:

Ramin Rahimian / NYT-Redux-REA17

http://chronicle.com/article/How-EdX-Plans-to-Earn-and/137433/ 18

http://chronicle.com/article/What-You-Need-to-Know-About/133475/

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MOOCs are classes that are taught online to large numbers of students, with minimal involvement by professors. Typically, students watch short video lectures and complete assignments that are graded either by machines or by other students. That way a lone professor can support a class with hundreds of thousands of participants.”

Le MOOC serait au final une manière d’automatiser et rentabiliser l’enseignement. Cette forme d’automatisation ne correspond pas aux conceptions pédagogiques françaises comme l’illustre l’exemple malheureux du premier MOOC de l’esc Dijon créé peut être dans une trop grande précipitation… Nombre de vues : 85 J’aime : 1 …..L’effet « buzz » est loupé sur un sujet pourtant universel  ! (la dégustation du vin) maîtrisé et en anglais  MAIS Un cours trop long, sans interaction et sans communauté…autant dire que l’ESC Dijon est tombée dans le piège de la reprise des principes du MOOC traditionnel peu adaptés à notre marché. Un modèle français à inventer donc…

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L

Le MOOC et la «  super communauté d’étudiants  »  : Argument majeur de ce nouvel outil, mettre en relation des milliers de personnes d’origine géographique diverses s’intéressant au même sujet et favoriser l’échange via un forum  : l’idée semble géniale, mais là encore les premières études en montrent les limites en soulignant le manque d’interactivité entre étudiants qui interviennent peu sur les forums de discussion mis à leur service (Sanders et Manning 2013) La encore une réflexion doit être menée : seule une activité pédagogique commune peut favoriser l’échange, remplir cet objectif de diversité cela pourrait prendre la forme de mini cas soumis à des groupes d’étudiants coachés par des leaders (identifiés comme tels par une équipe encadrante du cours, relais du professeur.)

Le MOOC, une formidable opportunité de noter une référence prestigieuse sur son CV  : Cet argument n’est pas des moindres  : qui ne rêve pas de pouvoir mentionner une grande université américaine sur son CV ? Les MOOC ont le pouvoir de rendre possible cet accès…cependant là encore les premières études démontrent les limites, même si peu d’universités fournissent leurs chiffres, notons ceux fournis par l’Université de Duke concernant le cours de bioélectricité  : sur 12725 inscrits, seuls 313 ont réussi l’examen, soit un taux de réussite de 2,45%

A la lumière de ces premières études, il y a lieu de se questionner avant de s’engager dans cette voie  :Les GECF doivent envisager le MOOC comme outil d’interaction et non sous sa forme initiale, anglo-saxonne, de cours en ligne donné si possible par un enseignant ‘super star’,sous la caution d’un établissement prestigieux :les premières études en montrent vite les limites même si le menu est alléchant.

Le MOOC « connectiviste » : Une réponse aux enjeux pédagogiques ? Si révolution éducative il y a, elle passera obligatoirement par la création d’une véritable communauté d’échange sur un sujet donné, L’ensemble sera guidé par des experts du secteur mais les participants joueront un vrai rôle pour l’ensemble de la communauté. Prenons l’exemple du MOOC dispensé actuellement par l’EMLyon sur le thème de l’entrepreneuriat  : En relai des traditionnels quiz de fin de chaque sessions de cours, l’élève doit se pencher sur une étude de cas réelle qui exige un travaille de rédaction lourd : Il semble évident que l’enseignant ne pourra pas corriger près de 2000 cas ! La solution trouvée ? une correction collective et participative : chacun de nous devra corriger 5 cas. Ces corrections seront notées de la même manière que le cas lui-même… Un exemple français de connectivisme  : une communauté virtuelle se penche sur un problème commun et chacun participe à faire avancer l’ensemble.

Siemens schématise ainsi l’évolution de ces modèles : Le c MOOC représente la forme traditionnelle du MOOC L

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Le x MOOC est un exercice bien plus difficile chargé de créer une communauté de réflexion autour d’un sujet. L’enseignant ayant pour rôle de guider le débat et donner des pistes de réflexion  : C’est le défi que doivent relever les écoles Françaises. Siemens détermine ainsi les 9 étapes de construction d’un MOOC :

Loin des techniques d’enseignement à distance, il s’agit d’une démarche émergente dans le domaine de la pédagogie, un exercice difficile et d’envergure : amener des dizaines de milers de personnes à réfléchir sur un même sujet et à interagir : le modèle des C MOOC exige un investissement personnel de la part de l’étudiant, une difficulté supplémentaire puisque le public cible est pour une large part un en activité professionnelle.

Soulignons la démarche récente du MOOC présenté par l’EMLyon : Le sujet d’abord, choisi pour favoriser l’échange d’expérience et donc l’interaction  : l’Entreprenariat  : Quel futur porteur de projet ne peut pas être intéressé par un échange autour de la stratégie à déployer ?

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Le sujet donc a été pensé pour favoriser la communauté et l’échange. En opposition au MOOC présenté par l’ESC Dijon, il s’agit ici d’une équipe encadrante autour d’un professeur réputé, chargée de répondre en temps réel aux différentes questions des internautes. Aux cours hebdomadaires, se superposent des sessions live au cours desquelles le professeur, Philippe Ziberzahn répond aux interrogations des élèves. Au-delà du simple échange, ceux-ci peuvent soumettre leur problématique de création d’entreprise à l’ensemble de la communauté : une formidable manière de tester son idée et sa stratégie auprès d’une audience choisie !!! Ce MOOC va jusqu’à soumettre à la communauté une étude de cas réelle pour une société en création, Hello mentor de cours particulier par skype…une étude de cas notée qui demande réflexion et exige une vraie démarche de correction, loin des correction automatisées de QCM du MOOC classique…

Un bon départ donc pour cet exemple français, qui réuni dès la première semaine plus de 7000 inscrits…Une faible audience par rapports aux records américains  ? Peut-être mais l’avenir du MOOC version GECF passera certainement par cette spécificité  : ouvrir le champ de l’enseignement mais rester à taille humaine, un format qui permet de replacer la pédagogie au centre des préoccupations.

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Pourtant, ce nouveau modèle d’apprentissage est un véritable investissement financier et c’est bien le principal problème aujourd’hui : quel modèle économique inventer ? Ces premières expériences françaises sont gratuites, mais toutes les écoles ne peuvent pas se le permettre  : des pistes de rémunération sont à étudier, parmi lesquelles :

- Le règlement de frais de scolarités spécifiques pour obtenir le certificat. Celui-ci peut être réclamé à l’entreprise (dans le cadre du DIF, du CIF…) pour des cours vraiment innovants dans leurs domaines d’activité…ou à l’étudiant directement qui bénéficie ainsi d’un certificat à moindre frais/ vs l’investissement d’une année entière…

- La vente de produits dits ‘dérivés’ sur le MOOC : livres du professeur, articles, conférence mais également formations, badge….Les Etats-Unis utilisent déjà cette forme de rémunération.

- Certains évoquent également la possibilité de revendre ces formations en ligne directement aux entreprises dans le cadre de séminaires de formations…

Il existe donc de nombreuses inconnues dans ce domaine. Le sujet est largement repris par la presse ces derniers temps. Certains y voient une «  révolution éducative  » pour une future «  école grande comme le monde  » . Soyons plus 19

modérés, il s’agit effectivement d’une grande avancée technologique, mais qui ne doit pas remettre en question le modèle pédagogique actuel des GECF mais en revanche le faire progresser. Les GECF doivent inventer leur propre modèle, imposer leur spécificité pédagogique et celle-ci passe par l’échange, la recherche, l’innovation.

Le contexte international exige pourtant la prise en compte de ce phénomène dont T.Karsenti liste les atouts :

➢ Les Ecoles qui choisissent d’offrir des MOOC ont une visibilité accrue ➢ La perception de ces établissements est positive car qualifiés de

philanthrope… ➢ Une démarche qui facilité le recrutement des meilleurs étudiants ➢ Les MOOC peuvent permettre de tester la popularité de sujets, de

nouvelles méthodes de travail sur un large panel. ➢ Les MOOC peuvent être une réponse à la problématique des

universités d’entreprise en touchant une clientèle salariée.

Julien Damon, les Echos19

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VI. Conclusion

A. Vers la création d’un modèle de grande Ecole Française  : l’exemple de l’EM Grenoble : dessine-moi l’école du futur.

Les principaux axes de développement ont été listé. Les plus grandes écoles françaises doivent jouer la carte de l’internationalisation en se positionnant sur la scène mondiale grâce à une marque, à une identité reconnues comme nous avons pu l’étudier dans le cas d’HEC. Certaines de nos grandes écoles nationales ont adopté une démarche de développement original, trouvant leur propre modèle, peut être cette fameuse troisième voie entre l’enlisement et la colonisation du modèle anglo-saxon que nous étudierons plus loin.

Il me parait important de souligner la pertinence du modèle de l’EM Grenoble, bien que l’une des écoles les plus réputées sur le territoire, ne possède pas l’aura d’HEC mais a inventé son propre modèle  : En s’appuyant sur les conclusions de ses enseignants chercheurs spécialisés dans le domaine des nouveaux outils pédagogiques (sérious games, e-learning), l’EM Grenoble a inventé le modèle du futur au sein duquel toutes ces technologies d’enseignement sont intégrées.

• la nécessité pour toute institution d'enseignement d'une définition de mission claire dont découlera un plan de développement cohérent.

• le grand retour de la pédagogie qui sera la principale plus-value des établissements.

• la nécessaire stimulation de l'étudiant par la multiplication des occasions et modalités d'apprentissage

• le principe directeur que la technologie ne sera qu'un comme moyen et non une fin. 20

EM Grenoble s’est donné pour mission d’imaginer l’école du futur : L’école du futur marquera le grand retour de la pédagogie mais sous une multitude de formes et de mise en situation. Rendre les étudiants acteurs de leur formation en instaurant non plus un système de grande école traditionnelle constituée de salles de classes mais learning center multipliant les supports pédagogiques  :aux salles de classes se substituent des salles d’échanges, des laboratoires, des MOOCS, salles de créativité…

Projet GIANT de l’EM Grenoble sur l’école du futur 20

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=wTiYI1Rizag

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B. 5 scénarios possibles à l’horizon 2015 : le rapport Durand

Nous avons pu passer en revue les enjeux stratégiques du XXIème siècle. Conscientes de la nécessité de modifier leur business model, les GECF se sont engagées dans une politique de survie. Celle-ci se présente sous différentes formes selon les moyens financiers ou l’appartenance à un groupe (faible/forte notoriété). Ces différentes stratégies sont extrêmement récentes (voire en cours) et il ne s’agit pas ici de les juger. Il semble cependant intéressant d’imaginer les scénarios futurs, les conséquences possibles des décisions stratégiques prises aujourd’hui : Le rapport Durant* détermine 5 scénarios possibles :

1. L’enlisement 2. L’Europe joue son jeu face au modèle anglo-saxon 3. L’explosion de la chaîne de valeur 4. Les grandes manœuvres 5. L’adaptation réactive

⇨ Revenons sur chacun d’entre eux : 1. L’enlisement

Il s’agit du scénario catastrophe dont le moteur est avant tout la pénurie de ressources financières : Toujours dépendantes de leur statut consulaire, les écoles ne parviennent pas à se diriger d’elles-mêmes. Dans une logique toujours plus marchande (au détriment parfois de la qualité de l’enseignement), les plus grandes écoles parviennent à se maintenir en nouant des partenariats avec les universités étrangères quitte à renoncer à leur identité. Faute de moyens suffisant, les écoles ont raté le virage technologique, notamment celui du e-learning et par la même leur crédibilité (ne sont-elles pas chargées de former les cadres visionnaires de demain ?) Les entreprises o nt développé leur propre modèle de formation via les Universités d’entreprise sur lesquelles elles investissent. De leur côté, références mondiales, les business school anglo-saxonnes drainent les meilleurs candidats. Ce scénario est plausible si les GECF ne réagissent pas aux nouveaux enjeux (Vont-elles suivre l’exemple de Kodak ?)

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2. L’explosion de la chaîne de valeur : Conscients de la place grandissante du e-learning (cf. l’avènement des MOOCS), les rapporteurs du rapport imaginent un scénario dans lequel les GECF perdent leur légitimité pédagogique et deviennent essentiellement un canal de distribution chargé de diffuser des connaissances produites en dehors d’eux  : Affranchis de leur tutelle parfois contraignantes, les professeurs reconnus, en diffusant eux-mêmes leur travaux de recherche et en créant leurs cours via des sociétés de production, créent leur propre marque et deviennent référents. C’est la logique du marché qui prévaut dont les GECF sont victimes et face auquel elles perdent leur identité.

Pour donner un exemple récent dans la cadre de la diffusion du cours Entrepreneuriat ( 1ER MOOC français en sciences de gestion), c’est en suivant Philippe Ziberzahn sur Twitter que j’ai choisi de m’inscrire à ce MOOC de ce chercheur. Mon objectif n’était pas d’obtenir un certificat de l’EMLyon, pourtant marque élitiste, mais bien de profiter de la diffusion de savoir de ce chercheur star ! La marque Ecole dans ce cas est secondaire, seul compte la qualité de la prestation.

3. Les grandes Manœuvres : Ensemble nous sommes plus forts ! Une logique de fusion-acquisition, d’alliances qui prédomine aujourd’hui (cf. le paragraphe consacré aux fusions), motivé par la volonté de visibilité internationale. Les grandes écoles françaises sont avant tout de petites institutions, chacune s’est efforcé de jouer la carte de sa propre marque mais pêche en termes de visibilité internationale. Cette visibilité internationale nécessite une marque ombrelle, à l’image d’Oxford et Cambridge par exemple qui regroupent une multitude d’établissement non visibles sur la scène internationale. Le scénario des grandes manœuvres est celui des ces écoles ayant créer un bassin régional puissant en regroupant leurs moyens financiers, leurs moyens pédagogiques (enseignants), attirant ainsi plus facilement les entreprises partenaires.

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4. L’adaptation réactive  : Il s’agit de la situation actuelle de nombreuses écoles. Face au leadership américain notamment dans le domaine de la recherche, aux enjeux nouveaux déterminés par les nouvelles technologies (e learning), aux exigences des entreprises capables désormais de devenir elles-mêmes concurrentes (Universités d’entreprises) si les GECF n’assument pas leur rôle en formant des managers de valeurs, les GECF tentent de s’imposer sur plusieurs fronts avec des moyens limités. Conscientes des enjeux, elles établissent une stratégie d’adaptation sur le long terme en multipliant les initiatives afin de développer leurs ressources. C’est leur capacité à développer leur source de revenu qui déterminera, sur le long terme, leur réussite. Les sources sont variées  : droits de scolarité, développement des programmes de formation continue, implication des entreprises via les fondations, rapprochements et partenariats pour limiter les coûts de fonctionnement (notamment la baisse des charges salariales), l’implication des acteurs publics régionaux…C’est la combinaison de ces stratégies qui permet aux meilleurs écoles de défendre leur rang, mais l’équilibre demeurent fragile.

5. L’Europe joue son jeu face au modèle anglo-saxon C’est, selon nous, le scénario de la prise de conscience, celui qu’il faut brandir devant tous ces discours alarmistes imaginant déjà nos écoles colonisées par le modèle anglo-saxon. Un scénario illustré par les différents classements internationaux (notamment le sacro sain Financial times) dans lesquels les pays européens prennent conscience de leur valeur et inventent une troisième voie, entre celle, caduque, du modèle actuel (non viable financièrement nous l’avons vu) et celui du colonisé s’efforçant sans succès de copier un modèle américain qui exige beaucoup trop de moyens à court terme. Les accords de Bologne en constituent la base  : L’Europe, actrice de son avenir économique, consciente de la nécessité de créer un espace concurrentiel européen donne aux établissements les moyens de s’imposer. Les Grandes Ecoles de commerce françaises, européennes sont attractives : «  La capacité d’aborder la pratique des affaires à partir des différentes approches culturelles est un gros plus des MBA européens » souligne William Parrot 21

William Parrot, patron de l’AACSB, accréditation de référence mondiale (source, Les Echos)21

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Ce scénario de troisième voie n’est possible que si les mesures politiques sont prises pour rendre les Ecoles maître de leur destin, en d’autre terme elle implique l’abandon du statut consulaire. Libre à elles donc d’investir sur la recherche en réponse aux besoins des entreprises plus enclines à investir via les fondations. La recherche permettra un rayonnement international et donc un recrutement international, autant du côté des professeurs que des élèves. Il suffit d’étudier le dernier ranking du Financial times pour se rendre compte de la plausibilité de cet avenir.

⇨ Sur les 20 premiers Masters in Management  6 sont français, 3 sont espagnols, 3 sont allemands.

Alors, est-il si sombre l’avenir de nos GECF  ? Ne sont-elles pas en mesure d’imposer un nouveau modèle ? Les différentes pistes étudiées montrent que loin de se laisser coloniser par le modèle américain, nos GECF travaillent à imposer leur identité sur la scène internationale, recentrant leur avenir sur l’innovation et la recherche sans perdre pour autant leur identité. Si l’enseignement supérieur doit connaître un big bang, nos écoles sauront certainement l’anticiper.

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Classement Financial Times 2013

Analyse des impacts de ces scénarios sur les GECF :

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