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UNIVERSITÉ D’AVIGNON ET DES PAYS DE VAUCLUSE L’USAGE DU NUMÉRIQUE AU MUSÉE PAR LES PROFESSIONNELS Assema Moussa Sous la direction de Marie-Sylvie Poli et de Florence Andreacola Master Médiation de la Culture et des Patrimoines Mention Stratégie du Développement Culturel Année universitaire 2013-2014 1

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UNIVERSITÉ D’AVIGNON ET DES PAYS DE VAUCLUSE

L’USAGE DU NUMÉRIQUE AU MUSÉE PAR LES PROFESSIONNELS

Assema MoussaSous la direction de Marie-Sylvie Poli

et de Florence Andreacola

Master Médiation de la Culture et des PatrimoinesMention Stratégie du Développement Culturel

Année universitaire 2013-2014

1

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« Il y a par nature quelque chose de physique dans le contact avec une œuvre d’art, quelle qu’elle soit : peinture, théâtre, cinéma. Mais le rapport à l’art aujourd’hui,

peut passer par des médiations nouvelles, que permet le numérique »1

1 FILIPETTI (Aurélie), 2014, Quand le musée se réinvente dans le numérique, « Le musée du futur sera plus collaboratif et interactif », La Tribune.fr n°97, numéro spécial été 2014, p.9

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RESUMÉ

L’usage du numérique au musée par les professionnels

Alors que le numérique s’immisce de plus en plus dans nos pratiques quotidiennes et se développe continuellement dans le domaine professionnel, celui-ci modifie profondément les relations homme-machine. Le numérique et la technologie ont envahi nos habitudes et s’étendent dans tous les secteurs d’activités. Que ce soit le secteur scientifique, commercial, médical, artistique ou culturel, tous ont subi cette mutation vers le numérique. Certains l’ont adopté de manière rapide dans leurs pratiques professionnelles tandis que d’autres font l’objet d’un changement dont on ne mesure pas encore son importance. C’est le cas de l’évolution des musées liés à l’apparition du numérique.

Contrairement à ce que l’on peut croire, le numérique n’est pas une révolution qui modifie ou met en péril l’existence des musées. Au contraire, c’est une nouvelle étape qui consiste à enrichir et à faire évoluer l’organisation de la structure, sa médiation et ses métiers. Les structures culturelles sont confrontées à quatre grandes nouveautés : de nouveaux outils de médiation numérique, de nouveaux métiers, de nouvelles méthodes de travail et de nouvelles expériences pour le public. L’idée est d’analyser cette progression du numérique et de voir son influence chez les professionnels et le public. Comment les professionnels utilisent le numérique au musée ? En quoi ces professionnels de musées génèrent-ils de nouvelles méthodes de travail ? Comment ces nouveaux dispositifs numériques, mis en place par les professionnels, permettent-ils de concevoir de nouvelles expériences de médiation muséale ? Quels intérêts les musées ont-ils à développer ces dispositifs ? De quels outils numériques disposent-ils ?

Le projet de mémoire cherchera à comprendre les modifications qu’apportent le numérique dans les musées. L’intérêt sera d’analyser les attentes des professionnels du musée face au numérique notamment par l’étude d’un musée en cours de développement numérique, qui est en ses débuts mais qui reste toutefois très prometteur en terme d’avancée technologique.

Parallèlement à cette étude, l’analyse permettra de regarder les attentes en terme de services que des professionnels du numérique ont à offrir et les raisons de leurs intérêts pour les musées. L’objectif étant de réussir à comprendre les attentes des professionnels du numérique et du musée, de savoir si elles sont similaires ou différentes.

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The use of digital at museum by the professionals

This study is about the understanding the representations and modifications about the digital in museum by the professionals who work in the cultural and digital world. They give their contribution to encourage the new tools in their methods of work and digital devices in the exhibitions at museum. This thesis project is focus on the study of the Centre d'histoire de Montreal and the event Muséomix.

While digital interferes more in our daily practices and continually grows in the professional field, it alters the relationship between man and machine. The digital and the technology invaded our habits and extend in all sectors. Whether the commercial sector scientific, medical, cultural or artistic, all have undergone the change to digital. Some have adopted the digital quickly in their professional practices while others are subject to changes which we do not measure its importance. This is the case of the evolution of museums related to the emergence of digital.

Contrary to what some may believe, the digital revolution is not modifying or jeopardizes the existence of museums. It's a new step to enrich and evolve the museum. Cultural institutions are facing four major innovations: new tools for the digital in the exhibitions, new jobs, new working methods and new experiences for the public. The idea is to analyze the progression of digital technology and see its influence among professionals and the public. How professionals use the digital in museums? How these museum professionals generate new ways of working ? How these new digital devices, developed by professionals, allowed to design mediation's new experiments in museums ? What are the interests of museums for develop these devices? What are digital tools they have?

The thesis project seeks to understand the representations and modifications to the digital in museum. It will be interesting to analyze the museum professionals' expectations with digital. Indeed , the study of a museum that is being developed digital seems essential. This museum is only beginning to develop digital techniques however it is very promising in terms of technological advancement.

Moreover, this study will analyze expectations in terms of services that digital professionals have to offer and the reasons for their interest in museums. The objective is to understand the digital and museum professionals needs, and compare if these needs are similar or different.

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MOTS-CLÉSmusée, numérique, professionnels,

dispositifs numériques, travail collaboratif, open data.

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REMERCIEMENTS

Tout d’abord, j’adresse mes plus sincères remerciements à ma directrice de mémoire Marie-Sylvie Poli et à ma tutrice, Florence Andreacola pour leurs conseils, leur disponibilité, leur aide et leur suivi.

Ensuite, je tiens à remercier très chaleureusement toute l’équipe du Centre d’histoire de Montréal pour m’avoir suivie tout au long de cette période de réflexion et de recherche, pour leurs conseils, leur implication et leur disponibilité. Travailler au sein du Centre d’histoire de Montréal a été une expérience enrichissante et épanouissante pour moi. Je remercie tout particulièrement André Gauvreau, chargé de communication, pour m’avoir guidé et aidé pour la réalisation de l’enquête. Sa présence m’a été d‘une grande utilité.

Un grand merci à tous les Bénévoles de Muséomix Montréal particulièrement à Marine Lestrade sans qui je n’aurai jamais pu intégrer l’équipe. Je remercie le trio, Justine G. Chapleau, Lucie Brillouet et Arthur Schmitt, qui m’ont accueilli et m’ont conseillé tout au long de la réalisation de ce mémoire ainsi qu’à Aude Mathey et Caroline Emond avec qui j’ai beaucoup travaillé.

Enfin, je souhaite exprimer ma plus profonde reconnaissance à mes proches et aux professionnels interviewés qui ont pris le temps de me rencontrer.

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SOMMAIRE

RESUMÉ 03

REMERCIEMENT 06

INTRODUCTION 10

ÉVOLUTION DU NUMÉRIQUE : QUELLE PLACE DANS LES MUSÉES 14

Chapitre 1 : Qu’est-ce que le numérique ? 14

a. Une définition à la fois de l’ordre du technique et du culturel

b. Le numérique comme philosophie

c. Le changement des comportements et habitudes des publics

Chapitre 2 : Le numérique au musée : révolution ou adaptation ? 18

a. Qu’est-ce qu’un musée ?

b. Positionnement du numérique

c. L’intégration du numérique au musée

d. Construction d’une stratégie numérique

e. Vers une vision du participatif

f. Typologie des nouveaux dispositifs

ÉTUDE D’USAGES NUMÉRIQUES EN MILIEU MUSÉAL :

ENJEUX POUR LES PROFESSIONNELS ? 26

Chapitre 1 : Les professionnels : qui sont-ils ? 26a. Une multitude de professionnelsb. De l’usage du numérique à la naissance de nouveaux métiersc. Des professionnels au service des muséesd. Le numérique vu par les professionnels

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Chapitre 2 : Le web sémantique : un atout pour les professionnels ? 33a. Le travail collaboratifb. Vers un mouvement collaboratif : le web sémantiquec. L’enjeu des métadonnées culturelles

Chapitre 3 : Vers une stratégie Open Data pour les musées 37a. Contexteb. La notion d’Open Datac. La réutilisation des données

VERS DE NOUVEAUX DÉFIS NUMÉRIQUES 42

Chapitre 1 : Construction de la méthode et présentation du terrain 42a. Réflexion du sujet de mémoireb. Méthodologie de recherchec. Terrain de recherche

Chapitre 2 : Analyse d’enquête 46a. Contexte et objectif de l’enquêteb. Les démarches d’une analyse thématiquec. Traitement des entretiens

Chapitre 3 : Résultats 48a. Présentation des profils interviewésb. La vision du numérique en généralc. L’usage du numérique au muséed. Le numérique comme outil de travail

CONCLUSION 80

BIBLIOGRAPHIE 83

ANNEXES 87

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INTRODUCTION

Passionnée de muséologie et de multimédia, la chance de découvrir ces deux disciplines au sein de mon cursus scolaire m’a permis de rencontrer deux univers variés, deux méthodes de travail différentes. D’apparence, ces domaines ont l’air opposés mais, en réalité, ils développent quelques points de ressemblance. D’un côté on trouve des personnes spécialisées en muséologie et médiation culturelle et de l’autre, des personnes spécialisées en informatique et multimédia, qu’on pourrait qualifier de « geek », toujours friands de nouvelles technologies.

Après une licence d’histoire de l’art, je me suis retrouvée baigner dans un univers informatique où l’on parlait un langage que l’on pourrait qualifier de « différent du mien ». Ce langage informatique, qui m’était complètement inconnu à l’époque, me passionne aujourd’hui. Je réalise que les compétences informatiques peuvent être d’une grande utilité dans d’autres domaines. Lorsque je demandais à ces friands de nouvelles technologies s’ils visitaient des musées, beaucoup d’entre eux me répondaient que c’était sans intérêt. Pourtant ils sont passionnés par le développement de l’art numérique et des interfaces graphiques, notamment le design numérique et ils puisent leurs sources dans l’art pour leur travail. Ils sont parfois eux même artistes. Parallèlement, si je discutais avec des muséologues sur les logiciels de la suite Adobe, de la manière de créer un site web ou de la sortie de l’Oculus Rift, appareil de réalité virtuelle, ils ne semblaient pas maîtriser le sujet et étaient peu intéressés. Même chose pour ces muséologues, user de ces outils pourrait leur être d’une grande utilité dans leur travail.

En définitive, cette expérience révèle, à mon sens, la double nécessité de prendre en compte l’importance des autres disciplines afin de mettre en œuvre de multiples compétences. C’est sur l’existence de ces deux domaines que se penche ce mémoire.

Mon cursus universitaire m’a naturellement conduit à m’intéresser à un thème en rapport avec le numérique et le musée. Il m’a jugé d’abord intéressant de comprendre comment ces deux disciplines se sont rencontrées et la manière dont elles peuvent être complémentaires.

Ce mémoire expose les raisons qui m’ont amenée à réfléchir sur la question du numérique au musée et particulièrement sur la manière dont les professionnels l’utilisent.

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Pourquoi utiliser le numérique au musée ? Étudier la place qu’occupe l’usage du numérique par les professionnels au musée, requiert d’explorer les notions de musée, de numérique, de professionnel, de public et de travail collaboratif. Ce mémoire cherche à comprendre comment les musées conceptualisent l’usage du numérique. Au fil de mes recherches, j’ai constaté que le numérique ne se résume pas seulement à un dispositif placé dans une exposition à destination du visiteur. L’usage du numérique est plus réfléchi et utilisé. Qui sont ces personnes qui décident de cet usage numérique ? Est-ce ceux qui travaillent dans les musées ? Si oui, avec qui collaborent-ils ? Et comment font-ils ? Ils proposent un usage numérique mais pour quelles raisons ? S’ils proposent un usage numérique c’est qu’eux même l’utilisent. De cette façon, je me suis interrogée sur la manière dont ils utilisent le numérique dans leur méthode de travail et ce que cela apporterait.

En définitive, nous nous intéresserons particulièrement à la manière dont les professionnels utilisent le numérique au musée.

Ce à quoi s’ajoute un intérêt de la part des professionnels du milieu muséal mais aussi du milieu numérique. Que proposent-ils ? Comment développent-ils le numérique au sein du musée ? A qui s’adressent-t-ils ? Quelle est la stratégie numérique ?

Enfin, ce mémoire est un outil de travail pour l’avenir. Il vise à mieux comprendre le monde du travail des professionnels de musées et comment ils pourraient exploiter au mieux le numérique au sein de leur structure.

La première partie de ce travail sera donc consacrée à une synthèse de l’état de l’art de ce sujet. Elle vise à comprendre l’évolution du numérique dans les musées. Qu’appelle-t-on numérique ? Comment s’est-il immiscé dans nos pratiques quotidiennes ? De quelle manière est-il entré au sein des institutions culturelles ? Quelle est sa place au sein d’un musée ? Qui sont ces professionnels et quels types de professionnels sont-ils ? On étudiera la nature du rapport numérique / visiteur et numérique / professionnel ainsi que les objectifs poursuivis tout particulièrement lorsqu’il s’agit de numérique in situ et en ligne. Il sera indispensable de se pencher sur la définition du mot numérique de façon à saisir l’aspect à la fois technique et culturel du mot afin de comprendre comment le numérique s’immisce dans nos pratiques quotidiennes. Pour finir, on examinera les formes qu’empruntent le numérique au musée. Peut-on parler de révolution numérique ? Comment pourrait-on qualifier l’arrivée du numérique au musée ? Il conviendra de s'interroger sur les différentes stratégies numériques possibles et de s’intéresser à son usage en évoquant une typologie des usages numériques au musée.

La seconde partie se concentrera sur l’usage du numérique en milieu muséal afin de mieux cerner les enjeux des professionnels. Il conviendrait d’établir une définition claire des professionnels. Qui sont ces professionnels ? On verra par la suite qu’il s’agit de

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professionnels de musée et du milieu numérique. On constatera que l’usage du numérique fait naître de nouveaux métiers et de nouvelles méthodes de travail. Il conviendrait de s’interroger sur le travail collaboratif entre professionnels et comment le numérique joue un rôle essentiel au web sémantique et au développement des métadonnées culturelles. Enfin, ces interrogations nous permettront de mieux comprendre la notion d’open data et les raisons pour lesquelles de plus en plus de musées adoptent cette pratique en partageant et/ou en réutilisant les données accessible à tous. Quel est leur rapport au numérique ? Comment se sont-ils intéressés à l’ouverture des données ?La troisième partie concerne la question des nouveaux défis numériques pour les musées. Cette partie sera constituée de l’enquête effectuée pour ce mémoire. Celle-ci vise à mieux cerner les usages du numérique au musée par les professionnels. Faute de temps, l’enquête s’est focalisée sur l’usage du numérique comme dispositif et comme outil de travail. L’enquête se présente par une série d’entretiens de professionnels issus à la fois du domaine muséal et numérique. Cette enquête est également complétée par mes observations personnelles lors de réunions entre professionnels2. C’est pourquoi, afin de vérifier les différentes hypothèses établies lors de cette enquête, il est nécessaire d’étudier les pratiques numérique des professionnels et les dispositifs conçus in situ et en ligne. On s’intéressera notamment aux différents profils interviewés afin de cerner au mieux leurs attentes vis à vis du numérique au musée. A partir de cette étude, on verra également qu’il est possible d'établir plusieurs hypothèses quant à l’usage du numérique au musée. Enfin, on discutera des résultats finaux en s’interrogeant sur les deux objectifs principaux de cette enquête. Il s'agit de comprendre les représentations et les attentes du numérique au musée par les professionnels et d’évaluer les modifications potentielles qu’apporte le numérique dans le travail des professionnels.

2 Il s’agit d’observations durant ma période de stage au Centre d’Histoire de Montréal, des échanges lors de réunions avec les professionnels. Cela concerne également des réunions auxquelles j’ai participé pour l’organisation de l’événement de Museomix Montréal 2014

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Ce mémoire se propose d’établir quelques pistes de réflexions quant à l’usage du numérique au musée et ne prétend pas établir de vérités absolues. Il se base notamment sur des ouvrages et articles qui apportent des réponses aux questions et réflexions de ce mémoire. Enfin, les observations et les entretiens du groupe de professionnels interrogés visent à mieux cerner l’usage du numérique au musée et ne se prétendent pas exclusifs.

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L'ÉVOLUTION DU NUMÉRIQUE :

QUELLE PLACE DANS LES MUSÉES ?

Chapitre 1 : Qu’est-ce que le numérique ?

a. Une définition qui relève à la fois de l’ordre du technique et du culturel

Il est nécessaire de se poser cette question même si la définition du numérique ne renvoie

« souvent qu’à l’aspect étymologique et technique du terme et surtout aux dispositifs opposés

à l’analogie »3. Que désigne ce mot exactement ? Selon Milad Doueihi (2013), si on prend en

considération la représentation du numérique en tant que champ d’activité et de réflexion dans

son contexte, le numérique n’est pas informatique, il n’est qu’une partie. L’informatique est

un domaine qui fait appel au traitement automatique de l’information par la programmation,

le code, l’algorithme transmis à des machines. Il serait intéressant de distinguer les

deux parties. Le numérique est de l’ordre du culturel, par nos pratiques et usages alors que

l’informatique est de l’ordre du technique et de la programmation. Selon Milad Doueihi

(2013), cette émergence socio-culturelle du numérique date depuis 2005-20064, années où les

réseaux sociaux commencent à prendre de l’ampleur. Le numérique est devenu un quotidien

dans les pratiques culturelles qui s’imposent dans les outils informatiques des personnes

(ordinateurs, mobiles, tablettes...).

C’est un autre univers dématérialisé qui se détache de l’espace physique où les personnes

communiquent entre elles. Il s’agit d’un nouveau type de relation sociale qui émerge de ces

3 DOUEIHI (Milad), 2013, Qu’est-ce-que le numérique ?, Paris : PUF, p.54 France Culture, Intervention de Milad Doueihi, Qu’est-ce-que le numérique ?, émission du 12 novembre

2013, 5min10 Publication en ligne : <http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4732444>

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nouveaux usages numériques inscrits dans la continuité des pratiques existantes. A-t-on

affaire à une rupture radicale où est-on dans la continuité d’une société qui évolue

constamment ? On peut parler d’un « vivre ensemble à l’ère numérique » : Antonio Casilli

(2010), dans son ouvrage, Les liaisons numériques : vers une nouvelle sociabilité ?,5

s’interroge sur la manière dont le numérique occupe l’espace dans notre quotidien jusqu’au

développement des relations sociales par des communautés virtuelles qui s’établissent dans

l’espace physique. Il redessine la sociologie des réseaux en analysant les usages des pratiques

de présentation de soi sur les structures sociales virtuelles. Avec son regard sociologique,

l’auteur apporte une nouvelle dimension du rapport entre le public et le numérique. Par son

analyse, on constate que le numérique ne détruit en aucun cas les liens sociaux, au contraire,

ces liens permettent de relier les communautés entre elles. L’auteur remet en cause les idées

reçues sur l'espace numérique et son discours.

b. Le numérique comme philosophie

Cet espace numérique d’Antonio Casilli est défini par Milad Doueihi (2011) comme « un

humanisme numérique ». Ce que nous propose Milad Doueihi dans son dernier ouvrage paru

en 2011, Pour un humanisme numérique n’est pas une simple analyse des changements

apportés par les nouvelles technologies. C’est une approche philosophique à part entière qui

ne se centre pas seulement sur le domaine des technologies de l’information, mais qui

s’intéresse à une véritable plus grande vision du monde.

Dans son ouvrage, l’auteur définit le numérique comme étant « le résultat d’une convergence

entre notre héritage culturel complexe et une technique devenue un lieu de sociabilité.6 ». Il

affirme que l’humanisme numérique est le rapport de l’individu avec l’espace, qu’il modifie

sans cesse. Le numérique est un espace hybride ; nous vivons entre l’espace réseau et notre

espace en modifiant nos comportements. Aussi, au départ, la culture numérique était une

pratique assise, par l’obligation d’être sur une chaise devant un ordinateur.

Aujourd’hui, nous sommes dans une dimension de mobilité par des dispositifs tactiles. Dans

cette approche d’humanisme, l’humain devient de plus en plus important. En quoi

l’humanisme numérique se distingue-t-il de l’Humanisme démocratique des grands penseurs

des siècles précédents ? Il modifie notre rapport avec le patrimoine, l’héritage et notre regard

sur l’Histoire par l’usage du numérique dans la conservation du patrimoine.

On constate ainsi que le numérique n’est pas seulement technique. Il apporte une approche

culturelle dans nos pratiques. C’est un autre univers dématérialisé qui se détache de l’espace

physique où les personnes communiquent entre elles. Il s’agit d’un nouveau type de relation

5 CASILLI Antonio, 2010, Les liaisons numériques : vers une nouvelle sociabilité ?, Paris : Ed. du Seuil6 DOUEIHI (Milad), 2011, Pour un humanisme numérique, Paris : Ed. du Seuil, p.9

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sociale qui émerge de ces nouveaux usages numériques inscrits dans la continuité des

pratiques existantes. A-t-on affaire à une rupture radicale où est-on dans la continuité d’une

société qui évolue constamment ?

On peut parler d’un « vivre ensemble à l’ère numérique » : Antonio Casilli (2010), dans son

ouvrage, Les liaisons numériques, s’interroge sur la manière dont le numérique occupe

l’espace dans notre quotidien. Le numérique permet même de développer des relations

sociales par des communautés virtuelles qui vont, par la suite, s’établir dans l’espace

physique. Par cette analyse, on constate que le numérique ne détruit en aucun cas les liens

sociaux, au contraire, ces liens permettent de relier les communautés entre elles. Ces liens

sociaux se développent à travers la notion d’amitié qu’on retrouve dans les pratiques des

réseaux sociaux. Il faut alors comprendre comment le monde numérique s’approprie cette

notion, la façonne et en fait le fondement d’une nouvelle manière de structurer les liens

sociaux. De quelle manière elles modifient l’espace, le temps, les liens sociaux et, en général,

la façon qu’à l’homme de se rapporter au monde.

Aujourd’hui, nous vivons dans un monde où le numérique a trouvé sa place. Doueihi va

imposer la notion de lettré numérique. La culture numérique émerge un nouveau modèle de

société dans lequel le partage est fondamental. La notion d’humanisme numérique prend tout

son sens : il s’agit donc d’une société dans laquelle les institutions de la connaissance vont

mettre à disposition leurs données via le numérique. Le fait d’avoir accès aux grandes œuvres

de l’humanité est une révolution.

c. Le changement des comportements et habitudes du public

La réalisation en 2008 d’une nouvelle enquête Pratiques culturelles des Français, permet de

faire le point sur les changements qu’a connu le monde de la culture avec l’arrivée du

numérique dans nos pratiques quotidiennes.

« Les conditions d’accès de l’art et de la culture ont profondément évolué sous les effets

conjugués de la dématérialisation des contenus. »7

Même si cette enquête date de 6 ans, celle-ci ne fait que prouver l’avancée impressionnante

du numérique dans les pratiques culturelles par la montée en puissance de la « culture des

écrans ». Cette évolution a définitivement consacré les écrans comme support privilégié de

nos rapports à la culture. Tout est désormais potentiellement visualisable sur un écran et

accessible via l’internet.

7 DONNAT (Olivier), 2008, Les pratiques culturelles des français à l’ère du numérique, Éléments de synthèse 1997-2008, Secrétariat général, Délégation au développement et aux affaires internationales, Département des études, de la prospective et des statistiques, Publication en ligne :<http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/doc/08synthese.pdf>

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Fréquence d’utilisation d’internet et pratiques culturelles à des fins personnelles

Par ce graphique, on constate que la fréquentation des musées par le public vient après le

cinéma. Chacune des activités culturelles s’est progressivement accentuée ces dernières

années. En même temps, nombreux sont les indices qui laissent entrevoir la profondeur du

changement en cours.

Le remplacement des objets et supports culturels non numériques par des outils numériques

habitue le public aux usages du numérique notamment le web auquel on peut y accéder par un

ordinateur ou en continu par des téléphones intelligents. Ce qui étend ces usages à des

situations de la vie courante. Les géants du numérique, comme Apple, Google, Microsoft,

Samsung, Nintendo, Amazon mettent en place de nouveaux dispositifs massifs et

concurrentiels d’accès à la culture par leurs outils numériques.

L’évolution technologique est faite ; c’est pourquoi il est tellement difficile de prévoir le

développement des nouvelles technologies et de parier sur une évolution plutôt que sur une

autre. La plupart des innovations récentes ont produit des bouleversements majeurs dans le

monde numérique, bouleversements imprévisibles. C’est le cas du réseau social Facebook qui

a connu un succès impressionnant de par son usage.

L’association d’objets de haute technologie avec des plateformes de services en ligne est une

nouvelle manière d’avoir accès à la culture. C’est de cette manière que le public va

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vraisemblablement adopter ces usages pour communiquer avec le monde culturel. Alors que

le numérique s’immisce de plus en plus dans nos pratiques quotidiennes, celui-ci modifie

profondément les relations entre homme-machine. De nouveaux outils tels que le téléphone

intelligent, l’ordinateur, la tablette tactile, le web 2.0 modifieraient nos comportements et

apporteraient des changements dans nos pratiques quotidiennes.

D’autant plus que les innovations technologiques comme la réalité augmentée, la 3D, les

réseaux virtuels, le gyroscope remettent en question les frontières du virtuel et du réel. Que ce

soit le secteur scientifique, commercial, médical, artistique ou culturel, tous ont subi cette

mutation vers le numérique. Certains l’ont adopté de manière rapide dans leurs pratiques

professionnelles tandis que d’autres font l’objet d’un changement dont on ne mesure pas

encore son importance. C’est le cas de l’évolution des musées liés à l’apparition du

numérique.

Chapitre 2 : Le numérique au musée : révolution ou adaptation ?

a. Qu’est-ce qu’un musée ?

D’après le Conseil international des Musées, établi en 1974, le musée est « une institution

permanente, sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au

public, et qui fait des recherches concernant les témoins matériels de l’homme et de son

environnement, acquiert ceux-là, les conserve, les communique et notamment les expose à

des fins d’étude, d’éducation et de délégation. »8

Toutefois avec l’évolution des musées, nous pouvons nous interroger sur une redéfinition du

terme. S’agit-il d’une définition « classique » du musée ? N’existe-t-il pas des musées avec

une approche différente mais avec les mêmes objectifs ? L’arrivée du numérique au musée

remet-elle en cause cette définition ?

Si nous nous interrogeons sur la place du numérique au musée, nous constatons que le musée

l’utilise pour des raisons spécifiques. Un musée présente plusieurs missions9:

Il doit d’abord établir une étude sur sa collection permettant de déterminer sa nature et son

époque afin de préserver et sauvegarder le patrimoine à transmettre et le conserver dans

les meilleures conditions par la protection empêchant les détériorations en le restaurant. En

effet, le musée détient un « patrimoine à la fois matériel » (objets tangibles) et immatériel

8 MAIRESSE (François) et Desvallees (André) (sous la direction de), 2007, Vers une redéfinition du musée ? Collection Muséologies, Paris : L’Harmattan, p.13

9 MAIRESSE (François) et Desvallees (André) (sous la direction de), 2007, Vers une redéfinition du musée ? Collection Muséologies, Paris, L’Harmattan, p.58

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(littérature, musique, mémoire, traditions…) qu’il va diffuser et mettre à disposition du

public le patrimoine conservé par sa médiation, sa communication, sa mise en exposition in

situ et en ligne.

Ces missions regroupent à la fois l’étude, la préservation, la diffusion et la transmission d’un

patrimoine matériel et immatériel.

Que viendrait faire le numérique dans cette approche ? Il servirait d’outils et de support pour

répondre à ces missions. C’est le contenu qui primerait face à la technologie numérique et qui

servirait seulement à faciliter l’accès à l’information devenant une pratique régulière chez le

public. Les musées s’adapteraient aux pratiques des visiteurs.

b. Positionnement du numérique

Avec les tablettes et les téléphones intelligents, il y a un accès au web, aux contenus et à

l’information en tout temps. Il y a encore et toujours ce besoin d’accéder à du contenu de

qualité et de référence. Il y a donc un grand défi de la culture numérique : celui de devoir

travailler avec le numérique mais aussi de devoir utiliser ces outils, de démocratiser l’accès

aux contenus et aussi à la manière de penser du numérique par le partage.

Le rapport à la culture est un outil important pour la société parce qu’il permet aux outils

numériques de contribuer à la conservation et la préservation de l’œuvre d’art en la rendant

accessible au public. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le numérique n’est pas une

révolution qui modifierait ou mettrait en péril l’existence des musées. Au contraire, il s’agirait

plutôt d’une nouvelle étape qui consisterait à enrichir et à aider les publics à organiser des

visites in situ ou à distance. Au delà de l’innovation technique des usages numériques, il serait

intéressant de se demander quelles valeurs spécifiques le numérique apporte au musée ? Il

serait également intéressant de confronter les intentions des concepteurs de ces dispositifs

numériques avec les intentions des professionnels de musée. Quelles sont les caractéristiques

propres au numérique ? Se distinguent-t-elles des autres outils déjà existants ?

c. L’intégration du numérique au musée

On a tendance à utiliser le terme de « révolution numérique » pour définir l’arrivée du

numérique au musée et même dans les pratiques quotidiennes. Avant d’utiliser ce terme, il

serait intéressant de connaître sa définition. Une révolution est une « évolution des opinions,

des courants de pensée, des sciences; découvertes, inventions entraînant un bouleversement,

19

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une transformation profonde de l'ordre social, moral, économique, dans un temps relativement

court. »10

Pourquoi parle-t-on souvent de révolution numérique au musée ? Le numérique révolutionne-

t-il vraiment les musées ? Entraînerait-il des ruptures quant à ce qu’il proposerait comme

dispositifs : applications mobile et tablette, internet, réalité augmentée ? Mais cette révolution

s’opérait surtout dans les usages et dans l’approche de chacun.

En quoi ces usages qui se développent autour des musées influenceraient nos pratiques

devenant différentes ? Selon Samuel Bausson11, fondateur de l’événement Muséomix, le tout

tournerait autour de grands principes qui sont l’ouverture et le code source : la possibilité de

lire et d’écrire, donc de participer.

Selon Ana Laura Baz, la révolution peut se présenter dans la société plutôt que dans les

musées. Elle s’opère plus dans les comportements des citoyens, sur la manière dont on agit,

dont on partage du contenu. Selon elle, aujourd’hui les musées peuvent faire abstraction du

numérique mais dans un futur proche, ils devraient probablement tous passer au numérique.

Toutefois, tout ne doit pas être numérique.

Alors parle-t-on de révolution numérique dans les musées ? Le musée doit s’adapter aux

pratiques des visiteurs pour que celui-ci continue de fréquenter et d’avoir accès au savoir en

tout temps par l’intermédiaire de l’usage du numérique qui deviendrait très pratique et utile

dans son quotidien. Toutefois, il ne s’agirait pas d’une révolution mais plutôt d’une continuité

dans l’avancement des pratiques quotidiennes du public.

Selon Nancy Proctor, directrice adjointe de l’expérience numérique au Baltimore Museum of

Art12, il devrait y avoir un véritable échange et une écoute entre le musée et le public afin de

transmettre des connaissances et d'avoir du contenu culturel à partager. La technologie

numérique deviendrait alors un outil : si la culture de base n’est pas présente, le numérique

n’aidera pas à changer les choses.

Y a-t-il une différence entre user d’un dispositif numérique durant une exposition et ne pas en

utiliser du tout ? Avec un dispositif numérique portatif, le visiteur met-il plus de temps à

découvrir le musée ?

Le Musée de la Civilisation à Québec s’est posé la question en interrogeant, dans un premier

10 Définition tirée de la lexicographie du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales11 Intervention de Samuel Bausson, fondateur de Museomix, lors du Forum :Les musées à l’ère du numérique,

Société des Musées de Québec, les 11 & 12 juin 2014 à Montréal12 Forum : Les musées à l’ère du numérique, Société des Musées de Québec, les 11 & 12 juin 2014 à Montréal

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temps, des visiteurs en possession d’un iPod durant leur visite et ceux qui n’en n’ont pas. Le

résultat présente une grande différence dans la durée de la visite : sans iPod, 75% des visiteurs

sont restés moins de 30 minutes et avec un iPod les visiteurs sont restés entre une heure et

trois heures.13

Dans les musées, le numérique transformerait nos pratiques, nos façons de faire. Ces

transformations toucheraient autant les contenus, les collections ou la médiation avec le

public, que les méthodes de travail des professionnels.

d. Construction d’une stratégie numérique

Avant d’élaborer une stratégie numérique, il serait intéressant de constater qu’il existe une

véritable vie sociale numérique. Cette vie sociale existe en dehors des musées. Il y a de plus

en plus de contribution et de participation citoyenne en dehors des musées qui existent déjà.

C’est un fait, les citoyens ont largement adopté le numérique dans leur pratique. Comment un

musée peut-il se positionner face à cette vie sociale numérique ? Quelle stratégie peut-il

proposer pour y pénétrer et en faire parti lui-aussi ? Que souhaiterait développer le musée ?

Presque tous les musées disent ne pas avoir de budget pour le développement du numérique.

Ils ont un budget mais l’utilisent pour d’autres priorités. Que faire avec ce budget ? La

stratégie numérique serait un moyen de clarifier au mieux un budget nécessaire pour l’usage

du numérique.

Prenons l’exemple d’une grande institution comme le musée de la civilisation à Québec et

d’une petite institution comme le Centre d’histoire de Montréal.

Le Musée de la Civilisation cherche à permettre aux citoyens d’accéder, d’interagir et de

partager avec des contenus et de l’information, avec d’autres visiteurs et avec le musée.

D’après Ana Laura Baz, chargée de projet numérique au Musée de la Civilisation à Québec,

lors de son intervention au Forum Les musées à l’ère du numérique14, la stratégie numérique

du musée se développe en cinq orientations :

• enrichir le contenu diffusé de façon numérique notamment sur le site internet avec

l’accès aux collections et aux contenus explicatifs des expositions.

• développer une expérience numérique en continuité avec l’expérience in situ qui

passerait notamment par les applications mobile et tablette durant la visite et par les médias

sociaux qui pourraient être « un véritable terrain de jeu »15 pour les musées notamment sur

13 Intervention d’Ana Laura Baz, chargée de projet numérique au Musée de la Civilisation à Québec lors du Forum : Les musées à l’ère du numérique, Société des Musées de Québec, les 11 & 12 juin 2014 à Montréal

14 Forum : Les musées à l’ère du numérique, Société des Musées de Québec, les 11 & 12 juin 2014 à Montréal15 Citation d’Ana Laura Baz lors du Forum, Les musées à l’ère du numérique, Montréal les 11 & 12 juin 2014

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l’usage des contenus, l’interaction et l’interactivité entre le musée et le public.

• des projets favorisant la participation citoyenne grâce à la médiation pour les

expositions in situ et virtuelles.

• le numérique pourrait contribuer à l’augmentation des revenus notamment par les amis

du musée et des ventes en ligne (lever de fond)

• assurer une veille, la partager et développer les compétences des personnels.

Si l’on prend en considération les cinq points d’orientations de la stratégie du musée de la

Civilisation, on constate que chaque thématique est prise en compte. Que ce soit l’identité

numérique du musée, son lien avec le visiteur, les revenus et même le développement des

compétences du personnel, chaque partie est pensée de façon à ce que le numérique puisse

trouver sa place au sein de l’institution.

Il m’a été demandé durant mon stage au Centre d’histoire de Montréal de proposer une

stratégie numérique. J’ai alors fait face à la difficulté du budget, étant restreint au musée. Il

s’agit, en effet, d’une réalité et beaucoup de petites institutions ne peuvent pas se permettre de

développer des applications ou de mettre en place des outils de médiation numérique. Il a

alors fallu faire des concessions et proposer une stratégie adaptée au musée. Dans l’annexe16

se trouve une première piste proposée au Centre d’histoire de Montréal pour développer sa

stratégie numérique. Celle-ci s’intéresse particulièrement à l’animation des réseaux sociaux et

du site internet mais également à l’importance de partager leur contenu et leur collection en

ligne.

e. Vers une vision du participatif

La médiation numérique

Comment le numérique modifie-t-il l’expérience de visite ? Les visiteurs attendraient d’un

musée qu’ils leur apportent de l’information pendant leur visite. Ils ont besoin de comprendre

les sujets traités. Ce besoin d’information est recherché avant et/ou pendant la visite. En

fonction de ces pratiques et attentes, les médiations in situ, numérique ou non, pourraient être

utiles et répondraient à ces attentes de la part du visiteur.

Le participatif dans le travail collaboratif

Les technologies de l’information nous amèneraient à devoir travailler ensemble. Selon

Samuel Bausson17, l’idéal serait de mettre en place un environnement qui fera le lien entre les

16 La stratégie numérique du Centre d’histoire de Montréal se trouve en annexe17 Intervention de Samuel Bausson, fondateur de Museomix, lors du Forum :Les musées à l’ère du numérique,

Société des Musées de Québec, les 11 & 12 juin 2014 à Montréal

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musées et les créatifs. L’idée est de créer un lien, une affinité, de la confiance entre

communauté et de fonctionner dans un mode de peer to peer, de sortir des logiques de

communication classique qui font appel à l’injonction presque à la participation et tourner sur

une logique de diffusionniste et participative.

Le dispositif numérique serait un objet socio-technique qui est à la fois complet et complexe.

Lorsque celui-ci est en mobilité, il envahit l’expérience du visiteur. En fonction de sa place, il

attirait le public pour un objectif précis. Mais le dispositif pourrait être perçu comme un objet

de confusion entre l’œuvre et le visiteur. Celui-ci ne remplace ni l’œuvre, ni l’expérience. En

effet, c’est l’authenticité de l’expérience du visiteur qui prime sur le reste.

De plus en plus de projets de médiation culturelle impliquent des pratiques participatives,

transformant à la fois le rôle des musées et des participants. L’intégration des technologies

numériques dans plusieurs types de médiation culturelle contribuerait significativement à la

mutation des pratiques et au développement d’une culture participative. Le développement de

projets de médiation culturelle intégrant la culture numérique participative contribuerait ainsi

à intégrer de nouveaux modes de création et de communication pour vivre une expérience

collective. Ces nouvelles approches participatives interrogent les professionnels sur la façon

dont ils doivent concevoir leurs expositions.

f. Typologie des nouveaux dispositifs

Parmi les dispositifs numériques les plus utilisés dans les musées, on retrouve les dispositifs

accessibles en ligne dont l’usage des réseaux sociaux, notamment Facebook et Twitter et

l’utilisation de site internet ou d’application mobile reflétant l’identité du musée en ligne.

Aussi, les expositions en ligne permettent de visiter un musée ou une exposition à partir d’un

ordinateur de chez soi. Google Art Project est un service mis en ligne par Google en février

2011, permettant de visiter virtuellement différents musées. Grâce à la technologie, Street

View a permis la numérisation en 3D, de 32 000 œuvres de 151 musées ou lieux différents à

travers 40 pays.

Concernant les dispositifs in situ qu’on retrouve généralement dans l’usage des musées, les

applications des téléphones mobiles, tablettes, iPod, sont souvent utilisés comme audioguide

ou support d’aide à la visite. Ces dispositifs permettent d’avoir du contenu visuel, audio et la

compréhension du discours. Les écrans tactiles sont les plus utilisés au musée, ils favorisent

l’interactivité avec le public. C’est le cas du Cleveland Museum of Art18 qui a ouvert, en

2012, une galerie interactive avec le plus grand écran multi-touche des États-Unis donnant

18 Vidéo présentant l’interface interactive du Cleveland Museum of Art<http://www.youtube.com/watch?v=qWJqd6lyJ-E#t=62>

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accès aux images de plus de 3 500 objets de la collection permanente. Cet écran de 12.2

mètres permet aux visiteurs de créer et préparer leurs propres visites du musée et découvrir

toute l’étendue des collections. Le mur offre également une expérience d’orientation,

permettant aux visiteurs de télécharger des circuits existants ou de composer sa propre visite

et de la faire dans les galeries avec l’aide des iPads. La galerie propose également des iPads

connectés au mur, des écrans proposant des activités interactives et ludiques ainsi qu'un guide

de visite géo localisé et utilisant la reconnaissance d’images, téléchargeables sur iPad et iPod.

Parmi les dispositifs les moins fréquents ou en phase d’expérimentation au musée, on

retrouve plusieurs types d’interfaces interactives.

L’interface haptique est un dispositif permettant d’utiliser le sens du toucher par la dynamique

du corps humain pour interagir avec l’ordinateur comme la chirurgie à distance effectuée dans

les hôpitaux. Ces techniques sont en cours d’expérimentation pour permettre au public des

musées de découvrir par le toucher des objets qui ne sont pas disponibles ou qui ont disparu.

Prenons l’exemple du projet Touching Ghosts in museums : il s’agit d’une étude effectuée

en 2009 au Birmingham Institute of Art. Elle consiste à utiliser des dispositifs d'interface

haptique pour offrir des expériences tactiles d'objets de musée virtuel. C’est avec les poteries

Museum & Art Gallery qu’ils ont utilisé un système haptique. Après une sélection d'objets par

le personnel de la conservation, ils ont été scannés et numérisés en tant que modèles 3D, puis

optimisés pour l'affichage haptique et visuel. Les objets ont ensuite été testés avec les

visiteurs dans les musées.

L’interface cérébrale est une technologie permettant d’interagir avec un ordinateur par la

pensée. Il a surtout été testé dans le domaine médical et dans les jeux vidéo. Citons comme

exemple le logiciel OpenViBE, créé en 2010, pour faciliter le développement des interfaces

cerveau-ordinateurs et leurs applications, notamment aux environnements de réalité virtuelle.

L'utilisation du logiciel est montrée à travers trois applications où l'on voit l'utilisateur

déplacer des objets virtuels ou naviguer dans un musée virtuel uniquement grâce à son

activité cérébrale. Le « musée virtuel » est une application qui permet à l’utilisateur de se

déplacer dans un musée « par la pensée » en utilisant trois commandes mentales :

mouvements imaginaires des pieds, de la main droite ou de la main gauche. L’utilisateur peut

sélectionner progressivement sa destination finale par un enchaînement de choix binaires

gauche/droite. En plus de ces deux commandes, il peut annuler n'importe lequel de ces choix

à l'aide de mouvements imaginés des pieds. Une fois qu'un point de navigation a été

sélectionné, l'application se charge d'emmener automatiquement l'utilisateur jusqu'à sa

destination et il peut pleinement profiter de la visite.

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Les lunettes de vision immersive ou réalité virtuelle sont une technologie utilisée dans

certains musées comme interface de visite virtuelle ou de réalité augmentée. Il s’agit d’un

dispositif encore en expérimentation. En novembre 2013, le Musée de la civilisation

égyptienne antique de Turin, a lancé le dispositif GoogleGlass4Lis19, un guide visuel utilisant

les lunettes connectées de Google. Les visiteurs sourds et malentendants peuvent maintenant

accéder à différentes informations, à travers un avatar virtuel parlant le langage des signes

projeté sur l’écran vidéo intégré dans les lunettes, fournissant ainsi des informations

historiques et des explications aux visiteurs tout au long de l’exposition. Cet outil de

médiation numérique permet également, à l’aide d’une commande vocale, de contrôler la

diffusion des commentaires, de prendre une photo, d’enregistrer une vidéo et de partager avis

et contenu sur les réseaux sociaux.

Certains robots participent à l’informatique ambiante dans les musées en étant des médiateurs

proposant des parcours de visite. C’est le cas de Docent20, un robot «savant » pour les

musées. Ce robot-guide est le seul ayant été conçu spécialement pour les musées. Il est

d’ailleurs déjà utilisé comme « agent de médiation » au Daegu Art Museum en Corée du Sud.

Docent est le dernier né de la marque sud-coréenne Corebell, distribuée par Big Robots.

L’écran situé au niveau de la tête de ce petit cosmonaute lui permet de changer d’expression.

Il se déplace selon un itinéraire prédéfini, tout en évitant les obstacles et il s’arrête devant des

gommettes placées sur des plaques transparentes au niveau des points d’intérêt qui doivent

être commentés par le robot. Grâce aux informations et aux contenus fournis par le musée,

Docent serait en mesure de présenter vocalement et en plusieurs langues chaque point

d’intérêt aux visiteurs. Son vidéoprojecteur, installé à l’arrière, lui permettrait également

d’étayer son propos en présentant sur le mur des documents complémentaires, comme des

vidéos, des plans ou des images.

Les professionnels utilisent le numérique de deux façons distinctes. La première approche

amène le professionnel à user du numérique comme un dispositif dans les musées.

La seconde approche vise à user du numérique comme un outil collaboratif de travail. Il est

question ici d’analyser un nouveau type de travail collaboratif qui est apparu à partir de 2007,

l’open data ou l’ouverture des données donnant accès à différents types d’informations

librement et gratuitement. De plus en plus de professionnels dans le milieu muséal s’ouvrent à

cette pratique. Il serait intéressant d’examiner la manière dont le numérique est en train de

modifier les méthodes de travail en introduisant de nouveaux outils et plates-formes qui

transforment notre rapport au savoir et qui se présentent comme une pratique de sociabilité

numérique.

19 Vidéo présentant les GoogleGlass4Lis : <https://www.youtube.com/watch?v=3nn4JaQsj0Q>20 Vidéo présentant le robot Docent : <http://www.youtube.com/watch?v=tjeQDw6rdVw>

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Page 26: L’USAGE DU NUMÉRIQUE AU MUSÉE PAR LES PROFESSIONNELS › wp-content › uploads › 2014... · QUELLE PLACE DANS LES MUSÉES 14 Chapitre 1 : Qu’est-ce que le numérique ? 14

ÉTUDE D’USAGES NUMÉRIQUES EN MILIEU MUSÉAL :

ENJEUX POUR LES PROFESSIONNELS

Chapitre 1 : Les professionnels : qui sont-ils ?

a. Une multitude de professionnels

On s’interroge souvent sur la manière dont le numérique interagit avec le public des musées et

comment cette notion du participatif permet de nouvelles pratiques de médiation culturelle et

de nouvelles expériences muséales. Mais on s’interroge moins sur la façon dont on réfléchit à

cette interactivité et pourquoi on ajoute le numérique à cette médiation culturelle. C’est par le

biais des professionnels que cette réflexion débute. Ce sont eux qui pensent l’exposition et le

lien avec le visiteur. Si on veut aller plus loin dans cette réflexion, on s’intéressera aussi à la

manière dont eux-mêmes cherchent à utiliser le numérique dans leur travail. Toutefois, les

professionnels du milieu muséal ne maîtrisent pas le numérique au point de pouvoir

développer eux-mêmes leur propre interface ou application.

C’est pourquoi ce mémoire s’intéresse à deux types de professionnels : le professionnel en

milieu muséal et le professionnel du numérique.

Le professionnel en milieu muséal concerne toute personne travaillant dans un musée qui

apporte sa contribution au développement du numérique. Il peut s’agir d’un muséologue, d’un

chargé d’exposition, d’un responsable de communication ou d’un médiateur culturel. Le

professionnel du numérique rassemble les personnes travaillant dans les agences ou

entreprises spécialisées dans le domaine du multimédia ou de l’informatique proposant leurs

compétences au service des musées. A titre d’exemple, on peut citer, l’informaticien, le

développeur, le designer, le codeur, le concepteur ou le chargé de projet audiovisuel. Il est

également question de s’intéresser aux chercheurs et étudiants en muséologie et en

informatique, multimédia qui s’intéressent de près au numérique dans les musées.

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Page 27: L’USAGE DU NUMÉRIQUE AU MUSÉE PAR LES PROFESSIONNELS › wp-content › uploads › 2014... · QUELLE PLACE DANS LES MUSÉES 14 Chapitre 1 : Qu’est-ce que le numérique ? 14

Dans cette étude, nous utilisons la définition du professionnel en milieu muséal et numérique

comme une référence générale, sur laquelle repose différentes classifications selon les

fonctions. Cependant, la présente étude a pour but d'évaluer l'évolution de ces professionnels

dans un contexte muséal changeant, en particulier par l’influence de la technologie numérique

sur pratiquement tous les aspects des pratiques muséales.

b. De l’usage du numérique à la naissance de nouveaux métiers

Si l’on considère le fait que le numérique est devenu une pratique quotidienne, le

professionnel de musée se doit de manipuler ces outils numériques d’autant plus que :

« la plupart des musées ont un site Web, au moins un ordinateur, et une partie de leur collection

est décrite dans une base de données ou dans un système de gestion des collections, ou encore

un inventaire a été dressé et enregistré sous forme de fichier électronique. Ces technologies ont

une incidence considérable sur la façon de fonctionner des musées et d'interagir avec leurs

publics dans toutes les activités de l'exploitation du musée : administration, collections et

conservation, et interaction avec le public (expositions, programmation et communication).21 »

Il est alors difficile de ne pas arriver à la conclusion que le numérique au musée deviendrait

de plus en plus important. Il ne s’agirait plus d’un domaine de compétences pour les

professionnels du numérique mais aussi d’une pratique quotidienne qui prend de l’ampleur

dans tous les milieux. Toutefois, il est nécessaire de rappeler que le numérique n’est qu’un

outil permettant d’y mettre du contenu ; un contenu au cœur de la fonction même de musée.

C’est pourquoi, aujourd’hui, de nouveaux métiers sont créés pour répondre à ce besoin. Aussi,

les professionnels de musée devraient maîtriser certains outils numériques afin de faciliter le

développement du musée.

On s’interroge également sur cette naissance de nouveaux métiers et ce besoin de former les

professionnels du musée au numérique. La thèse L’action culturelle mise à nu par ses métiers

d’Isabelle Mathieu (2011), maître de conférence à l’université de Bourgogne, fait l’objet de la

question de la professionnalisation des acteurs de la culture, notamment comment ils

contribuent à la mise en œuvre de la médiation. L’auteur s’intéresse particulièrement aux

questions des formations aux métiers de la Culture suscitant la création de nouveaux métiers.

L’irruption du numérique chez les professionnels forme deux types de réactions : les

21 DUFF (Wendy), CARTER (Jennifer), DALLAS (Costis), HOWARTH (Lynne), ROSS (Seamus), SHEFFIELD (Rebecka) et TILSON (Cassandra), 2009 Travailleurs du savoir dans les musées du XXIe siècle, Toronto : Faculté de l'information, Université de Toronto, 24 avril 2009. Publication en ligne :<http://www.pro.rcip-chin.gc.ca/carrefour-du-savoir-knowledge-exchange/travailleurs_savoir-knowledge_workers/2_1-fra.jsp>

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professionnels qui font intervenir les nouvelles technologies dans leurs pratiques et les

réticents face à ces nouveaux dispositifs. L’auteur dresse ainsi une analyse concernant la

réorganisation des métiers de la Culture en y intégrant l’apparition du numérique. La question

est de s’approprier des technologies pour en faire des pratiques d’échanges en les intégrant

dans la médiation à destination du public.

Si l’on prend l’exemple de l’université du Québec en Outaouais, les objectifs du programme

de formation des étudiants, tels qu'ils sont énoncés dans le site Web, sont les suivants :

« La formation en cybermuséologie vise à former des praticiens maîtrisant les aspects essentiels

de ce domaine novateur et en émergence. Elle permet aux étudiants d'approfondir tous les

principes théoriques et pratiques relatifs à la nature du média Internet et à l'action muséale

qu'on y accomplit. Ce plan d'étude est élaboré afin de favoriser une acquisition des notions

inhérentes aux contenus scientifiques, aux stratégies de diffusion numériques, aux bases de

données patrimoniales, à l'éducation muséale, au graphisme d'interface et à l'exploitation

pertinente des éléments multimédias. […] Globalement, les cybermuséologues ainsi formés

s'inscrivent dans une pratique pertinente et professionnelle au sein de notre société numérique

du savoir. »22

Il s’agit donc de cours axés sur les nouvelles technologies qu’on nomme « cybermuséologie ».

On forme à de nouveaux métiers qui émergent au sein des institutions muséales. Prenons

l’exemple du Community Manager et du chargé de projet numérique.

Le Community Manager et l’enjeu des réseaux sociaux

L’émergence du web a crée une multitude de communauté avec des internautes différents les

uns des autres (âges, intérêts, passions…). Il faut donc adopter une nouvelle façon de

communiquer. C’est ce que doit faire un Community Manager. Son rôle est de construire une

relation durable avec l’internaute grâce aux différents outils du web 2.0. Internet devient alors

un nouveau terrain de jeu pour les musées qui peuvent cibler un public divers. Le but est de

donner une identité au musée pour que l’internaute puisse l’identifier et ainsi parvenir à

découvrir ses actualités. Pour cela, il suffit d’user des technologies numériques en diffusant

des contenus multimédia notamment en se créant une personnalité virtuelle, une image dédiée

au musée pour passer du virtuel au réel.

Les médias sociaux font partis de notre quotidien. Pourquoi avoir de l’intérêt pour le web

social ? De plus en plus de personnes se connectent via les réseaux sociaux et se tiennent

informer des nouvelles. Chaque réseau social à son utilité et son importance. Ainsi le web

social met en valeur le musée tout en partageant de l’information. Le but est de simplement

22 Université du Québec en Outaouais. Mineure en cybermuséologie-8742. Publication en ligne : <http://services.uqo.ca/ConsultationBanqueProgrammes/programmes/8742.html.>

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connaître le fonctionnement et la logique des réseaux tout en se les appropriant. Alors

comment les musées peuvent-ils adopter le web social ? Quelle est la stratégie de présence?

C’est pourquoi plusieurs musées engagent des personnes spécialement pour gérer ces réseaux

sociaux.

Le chargé de projet numérique

Ce métier consiste à gérer et mettre en place des dispositifs numériques et de médiation au

musée. Avec l’avancée technologique et le passage numérique qui bouleverse notre rapport

aux choses, il est nécessaire de s’interroger sur une nouvelle démarche de mise en valeur du

patrimoine culturel. C’est pourquoi, le chargé de projet numérique contribue à l’élaboration et

à la mise en œuvre de la stratégie numérique. Il reste en contact direct avec les professionnels

du numérique et ensemble développent des projets pour le musée.

c. Des professionnels au service des musées

Il existe également des entreprises qui sont spécialisées dans le développement d’applications,

d’interfaces numériques et de réalisations de contenus pour audioguides et tablettes. Ces

entreprises proposent leurs services aux musées et collaborent, de manière générale, avec

diverses institutions culturelles. L’usage du numérique pour ces professionnels est courant

puisqu’il s’agit de leur domaine de compétence. Il serait alors pertinent de s’interroger sur les

raisons qu’ont ces entreprises à s’intéresser au monde de la culture. Selon ces professionnels,

les différentes hypothèses23 existantes incitant l’usage du numérique au musée seraient que le

public apprendrait mieux grâce à ces dispositifs en raison de la variété des formats et des

contenus proposés ce qui conduit à une forme d’apprentissage. Aussi, cela permettrait d’attirer

et d'élargir le public (les technophiles ou ceux qui n’aiment pas venir par exemple). Toutefois,

les dispositifs numériques ne compensent en rien le caractère distant associé à la fréquentation

des musées. Si le public n’a pas le goût de cette expérience, le numérique ne le changera pas.

Pour le professionnel, le numérique pourrait alors proposer une expérience immersive au

musée. De cette manière, on pourrait mieux s’adapter à la diversité des visiteurs sous réserve

de comprendre que les visiteurs peuvent user du dispositif de manière détournée de ce qui

était au départ proposé. Enfin, l’usage du numérique instaurerait un lien individuel entre le

visiteur et le musée sous réserve que le public prenne l’initiative d’endosser ce rôle. Toutefois,

il s’agirait d’une pratique relativement délaissée par le public. Ces professionnels de musées

sont divers mais proposent généralement aux musées des applications ou audioguides comme

23 Musée du Louvre, services études et recherche, Intervention d’Anne KREBS aux Rencontres Culture Numériques, Médiation & numérique dans les équipements culturels, 22 octobre 2013

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aide à la visite. À titre d’exemple, on peut citer le leader mondial, Antenna International. Il

s’agit d’une entreprise qui conçoit des audioguides, guides multimédia et applications mobiles

qui permettent aux musées et plus largement à l’ensemble des sites historiques, touristiques et

culturels de façonner et d’enrichir l’expérience de leurs visiteurs.

L’entreprise Simbioz est un exemple intéressant concernant les projets effectués pour les

musées. En effet, il s’agit d’une entreprise qui propose des applications et des interfaces

tactiles pour favoriser l’interactivité et la compréhension de l’utilisateur. Avec une clientèle

diverse, Simbioz s’est, petit à petit, spécialisée dans le secteur muséal et offre ses

compétences pour améliorer le numérique au musée. En plus des applications mobiles et des

interfaces tactiles que l’agence propose, elle a crée MuzéUs. Il s’agit d’une application

mobile entièrement programmée pour faciliter l’accès au professionnel du musée afin d’y

ajouter un contenu pour audioguide. De ce fait, cette application améliore l’interface en

fournissant un modèle déjà développé et personnalisable pour l’intégration de la voix-off et

des textes complémentaires, des images et des vidéos sur leur téléphone intelligent. Le

professionnel du musée peut créer son propre audioguide en téléchargeant simplement les

textes, images et vidéos, tandis que le générateur de texte en parole crée automatiquement la

voix-off. Le visiteur télécharge simplement l’application et accède à l’interface du musée pour

commencer la visite et accéder aux informations.

d. Le numérique vu par les professionnels

Les professionnels de musées cherchent à s'approprier le numérique dans leurs méthodes et

leurs actions au profit des publics. Certaines initiatives ont été lancées depuis quelques années

pour favoriser les conditions de diffusion et de réception des œuvres et des produits culturels.

On distingue plusieurs types d’initiatives complémentaires les unes des autres.

Les conférences, rencontres et colloques

Ce type d’initiative vise à réunir les professionnels, amateurs, passionnés, étudiants de la

culture et à partager leurs expérimentations du numérique dans leurs recherches et dans leurs

structures culturelles. L’objectif est de découvrir les méthodes de travail utilisées, les résultats

et surtout d’échanger, de débattre sur la culture et le numérique.

On peut citer les “Rencontres Culture Numérique” qui permettent de valoriser et de partager

expériences, projets et pratiques dans les équipements et à susciter réflexions entre

professionnels. C’est le cas du colloque Rencontre Médiation & numérique dans les

équipements culturels, organisé par le Ministère de la culture et de la communication en

30

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partenariat avec la BNF dans lequel plusieurs thèmes sont abordés autour de la question du

numérique, des professionnels, du public et des structures culturelles. Depuis sa création, ces

rencontres témoignent de l’intérêt à ces thématiques chez les professionnels qui ont un besoin

de voir émerger des interrogations et des expériences autour de la façon dont les structures

peuvent user du numérique dans leur relation au public.

Les forums permettent également de réunir un grand nombre de professionnels pour débattre

et partager sur le sujet du numérique au musée. A titre d’exemple, on peut citer le Forum

d’Avignon, reconnu en qualité d’innovation culturelle, qui se déroule chaque année depuis

2008. Ce forum propose des pistes de réflexions sur les financements, les modèles

économiques culturels ainsi que l’innovation numérique, l’attractivité et le développement des

territoires.

On peut également citer le Forum Le musée à l’ère du numérique organisé par la Société des

Musées Québécois. Ce forum veut être un lieu d’échanges et de réflexion sur la diffusion et le

partage des contenus, la médiation, la communication, le marketing, l’expérience et la

participation des publics à l'ère numérique. Il permet alors de mettre en commun les diverses

expériences des professionnels pour mieux cerner l’apport du numérique au musée.

Les communautés virtuelles des professionnels

On entend par communautés virtuelles l’ensemble des pratiques sociales sur le web présent

sur des sites internet, des blogs et sur les réseaux sociaux. D’après l’ouvrage de Rheingold

(1993), The Virtual Community, voici comment l’auteur définit les communautés virtuelles:

« Les communautés virtuelles sont des regroupements socioculturels qui émergent du réseau

lorsqu’un nombre suffisant d’individus participent à ces discussions publiques pendant assez de

temps en y mettant suffisamment de cœur pour que des réseaux de relations humaines se tissent au

sein du cyberespace. »24

Le principe est de réunir, sur un site internet, des internautes possédant un centre d’intérêt

commun : l’art, la culture et le numérique. Sur le web, les membres de la communauté vont

trouver des informations et des outils pratiques ainsi que des lieux d’expression

communautaire en relation avec leurs travaux et leurs passions. Blogs de culture et de

communication, groupes et pages Facebook, wikis, hashtags sur Twitter, toutes ces plates-

formes permettent de se créer un réseau, de partager de l’information, de communiquer

(structures et professionnels) et d’organiser des événements. Dans l’ouvrage d'Imed

24 RHEINGOLD (Howard), 1993, The virtual Community, Publication en ligne : <http://www.rheingold.com/vc/book/>

31

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Boughzala (2007), maître de conférence au GENT/INT25, ce genre de communauté est appelé

« communauté de pratique » et « s’organise autour du développement de compétences

collectives et l’amélioration de pratiques. Elles sont caractérisées par l’entraide, l’échange de

l’information, la construction des relations, le partage des idées et des pratiques. » 26

On constate une réelle volonté d’un travail collaboratif en ligne et qui se développe autour de

ces professionnels. Ces communautés professionnelles virtuelles partagent un ensemble de

connaissances et de savoir-faire qui contribuent à la création de nouveaux services. Les

professionnels utilisent un espace virtuel comme support d’interaction avec un ensemble

d’outils collaboratifs. De manière générale, ce genre de communauté virtuelle de

professionnels est accessible à tous sur demande. Cette initiative d’accès aux contenus

d’informations, permet à n’importe quel internaute intéressé par le projet de le suivre, de s’y

engager ou d’y prendre du contenu et d’y fournir des informations supplémentaires. Cela

permet une forte homogénéité de professionnels notamment au niveau de leur formation

professionnelle. Selon Imed Boughzala (2007), « ils partagent un ensemble commun de

valeurs et de normes professionnelles auxquelles ils doivent se conformer. Le non-respect de

ces valeurs ou de ces normes peut être sanctionné et conduire à l’exclusion de la

communauté. »27

Le wiki Museonum

Parmi ces communautés, le wiki Muzeonum s’est investi dans un certain nombre de projets

autour d’une plate-forme de ressources sur le numérique au musée et dans la culture. Il s’agit

d’un espace virtuel partagé comme média d’interaction auxquels plusieurs participants

peuvent s’y joindre. Généralement, il s’agit de professionnels, de chercheurs, d’étudiants et

d’amateurs de culture et de numérique. L’intérêt de ce site internet est que chaque internaute

peut y participer et y déposer un certain nombre d’informations relatives au musée, à la

culture et au numérique. C’est la communauté museogeek qui est à l’initiative de ce projet.

“Les #museogeeks (de muséo, préfixe évoquant le musée et -geeks, suffixe qui fait référence à

l’intérêt pour le numérique et les TIC), forment une communauté informelle qui s’est agrégée

en France autour de l’été 2011, après de nombreux échanges entre divers acteurs du

numérique au musée…”28

Ce terme évoque l’image du jeune “geek” portant un grand intérêt à la culture pouvant mettre

à disposition ses compétences techniques au service des musées pour enrichir les différents

dispositifs numériques mis en place. Il est intéressant d’analyser ce terme pouvant sous-

25 Télécom Paris et ENST Bretagne, INT26 BOUGHZALA (Imed), 2007, Ingénierie de la collaboration, théories, technologies et pratiques, Paris : GET

et Lavoisier, p.6227 BOUGHZALA (Imed), 2007, Ingénierie de la collaboration, théories, technologies et pratiques, Paris : GET

et Lavoisier, p.6628 MAGRO (Sébastien), 2013, Extrait de Qui sont les #museogeeks? - avril 2013

32

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entendre qu’une partie de l’avenir des structures culturelles se fera par l’initiative des futurs

professionnels du numérique étant des technophiles.

Chapitre 2 : Le web sémantique : un atout pour les professionnels ?

a. Le travail collaboratif

Selon Imed Boughzala (2007), dans son ouvrage, Ingénierie de la collaboration, théories,

technologies et pratiques, le travail collaboratif désigne « un phénomène social qui implique

plusieurs personnes dès lors que l’action d’un seul ne permet pas d’obtenir le résultat

escompté. »29 Le travail collaboratif permet alors la coopération entre plusieurs individus

compétents dans différents domaines. L’auteur explique comment le travail collaboratif est un

processus permettant de développer l’ingénierie du collaboratif, un nouveau courant de

recherche qui vise à faire évoluer des systèmes d’informations collaboratifs. Ce qui nous

intéresse dans cet ouvrage, c’est la manière dont l’auteur a répertorié certaines formes du

travail collaboratif. C’est notamment le travail collaboratif en mode communautaire que nous

allons développer dans cette partie.

Le travail collaboratif en mode communautaire consiste à travailler sur un réseau avec une

communauté de personnes. Plusieurs organisations ont adopté cette démarche en mettant en

place des méthodes de travail collaboratif en ligne. Dans son ouvrage, Imed Boughzala donne

l’exemple des réseaux sociaux à travers lesquels peuvent naître des réseaux de collaboration

par un travail collaboratif via un réseau informatique. Il parle alors de travail collaboratif

médiatisé faisant appel aux TIC. Avec l’apparition des TIC et des possibilités qu’ils offrent au

travail collaboratif, certains modes de travail ont évolué. Les professionnels utilisent le

domaine des technologies numériques pour travailler en collaboration. On trouve des logiciels

de travail collaboratif qui permettent aux professionnels de partager de l’information entre

eux : c’est la définition du terme Groupware.

D’après Imed Boughzala (2007), il s’agit « de l’ensemble des technologies et des méthodes de

travail associés qui, par l’intermédiaire de la communication électronique, permettent le

partage de l’information sur un support numérique à un groupe engagé dans un travail

collaboratif et/ou coopératif. »30 Les logiciels Groupware permettent alors de faciliter la

communication, la coordination et la collaboration entre les membres d’un groupe. Avec le

développement des technologies web, nous assistons à l’évolution des logiciels de travail

collaboratif par Groupware vers des technologies orientées Web appelées GroupWeb pour

29 BOUGHZALA (Imed), 2007, Ingénierie de la collaboration, théories, technologies et pratiques, Paris : GET et Lavoisier, p.23

30 BOUGHZALA (Imed), 2007, Ingénierie de la collaboration, théories, technologies et pratiques, Paris : GET et Lavoisier, p.76

33

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désigner les outils de travail collaboratif sur Internet.

À la différence du GroupWeb, le Groupware est disponible par un logiciel qu’on installe sur

l’ordinateur. Le GroupWeb permet d’accéder à une plateforme en ligne de collaboration. La

plupart des entreprises utilisent ces deux types de technologies dans leur méthode de travail.

Le numérique est alors constamment utilisé par les professionnels comme un outil de travail.

Le GroupWeb dans les musées : un travail collaboratif en ligne

La technologie Groupware/GroupWeb se répand de plus en plus dans le monde de la culture.

Bien que son utilisation reste encore peu pratiquée par les professionnels de musée, cette

technologie est exploitée par certains professionnels et sa propagation vers d’autres musées

reste positive. En effet, le Ministère de la Culture et de la Communication favorise le travail

collaboratif par le partage des données sur le Web. Aussi, le travail collaboratif sur le Web se

présente autour de professionnels ne faisant pas forcément parti du même musée ou de la

même entreprise. Et c’est généralement ce genre de procédé qui reste le plus intéressant

puisqu’on a affaire à des profils hétérogènes de divers univers avec différentes spécialités.

Prenons l’exemple des outils de travail collaboratif de Museomix Montréal 2014.

Étant bénévole pour l’organisation de l’événement au Musée des Beaux Arts de Montréal, j’ai

pu user des différents outils offerts par les technologies GroupWeb. C’est notamment par

l’outil de gestion de projet en ligne Trello et par le site Google proposant de multiples

technologies de travail collaboratif, que les organisateurs de Muséomix travaillent ensemble.

Trello est un outil permettant de collaborer simplement avec les autres membres de la

communauté. Il permet d’avoir un suivi de l’avancé du travail effectué et de communiquer

avec les membres du groupe. Tandis que Google est utilisé notamment pour la communication

par mail (Google group), l’accès aux documents en ligne en temps réel (Google Drive) et

l’agenda des événements (Google Calendar). La gestion de toute la communauté

internationale de Muséomix se fait par les réseaux sociaux, notamment par Facebook. Trois

outils de GroupWeb sont les plus utilisés.

b. Vers un mouvement collaboratif : le web sémantique

Qu’est-ce que le web sémantique ?

Le web sémantique désigne un ensemble de technologies visant à rendre les ressources du

web plus largement utilisables ou plus pertinentes grâce à un système de métadonnées qui

utilisent notamment la famille des langages développés par le W3C (World Wide Web

Consortium).

D’après l’ouvrage de Jean-Noël Anderruthy, Du Web 2.0 au Web 3.0: les nouveaux services

34

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Internet31, les métadonnées forment la clé de voûte du web sémantique qui favorise des

méthodes communes pour échanger des données. Dans cet ouvrage, l’auteur s’adresse

particulièrement aux webmasters en offrant les outils nécessaires pour développer des

applications à destination des internautes. En effet, le Web 2.0 qu’on appelle également le web

collaboratif a marqué une étape majeure par son caractère participatif. Le Web sémantique a

renforcé d'une part, la recherche d’informations sur Internet et d'autre part, la qualification des

données et des relations entre elles pour classer et exploiter l’information. Dans le cadre du

développement du numérique dans les musées, nous nous intéresserons plus précisément au

Web 2.0 et au Web sémantique dit « Web 3.0 ».

Le Web 2.0 est utilisé comme un espace à part entière de socialisation par plusieurs systèmes

sociaux tels que les blogs, les wikis ou les réseaux sociaux. Alors que le Web 3.0 fait de la

sémantique des données dans le sens où il attribue des données. L’enjeu, pour le Web

sémantique, n’est pas de construire des plates-formes de consultation de données, mais bien

de rendre accessible de l’information de référence dans des formats permettant leur

consultation et leur diffusion, tout en favorisant leur croisement et leur transformation. Les

technologies du Web sémantique permettent dans ces conditions d’établir des liens entre des

corpus autrefois isolés les uns des autres, voire d’autoriser de la sorte des découvertes de

l'ordre de l'inattendu. Cet échange de données est bénéfique aussi bien pour la personne qui

met à disposition que pour le réutilisateur. Le nouveau service, consommateur de données,

gagne en utilité pour ses utilisateurs et le système producteur voit sa position compétitive

renforcée par la dépendance accrue du marché à ses services. Il ne faut pas oublier que la

donnée isolée ne présente que peu d’intérêt en tant que telle. Sa véritable valeur dérive de son

agrégation, de son recoupement, de son analyse et de la réutilisation qui en est faite.

c. L’enjeu des métadonnées culturelles

Une métadonnée est littéralement une donnée sur une donnée. Plus précisément, c'est un

ensemble structuré d'informations décrivant une ressource quelconque.

Les ressources décrites par des métadonnées ne sont pas nécessairement sous forme digitale:

un catalogue de bibliothèque ou de musée contient aussi des métadonnées décrivant les

ressources que sont les ouvrages de la bibliothèque ou les objets du musée. Les musées

utilisent couramment les métadonnées pour gérer et documenter leurs collections, et pour

partager l'information concernant leurs collections. Dans ce contexte, il est primordial que le

secteur culturel s’intéresse aux métadonnées numériques en s’imposant de manière plus

31 ANDERRUTHY (Jean-Noël), 2009, Du web 2.0 au Web 3.0 : les nouveaux services, Nantes : Ed. ENI

35

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directe sur le net. Comment les institutions culturelles peuvent-elles mettre en place des

stratégies de développement trouvant leur fondement dans les métadonnées, ou plus

généralement par la collaboration avec leurs publics? Le Web des données liées et les

technologies du Web sémantique restent aujourd’hui très peu connus du grand public y

compris pour certains professionnels de la culture.

Les institutions culturelles détiennent ou produisent, depuis longtemps, des métadonnées

structurantes dans leurs divers domaines de connaissance mais ne pensent pas à mettre ces

données sur le web. Toutefois, de plus en plus de musées s’adonnent à cette pratique

permettant ainsi d’augmenter l’usage des ressources culturelles sur le web sémantique.

Dans ce contexte, si l’on prend en considération la Feuille de route stratégique, métadonnées

culturelles et transition Web 3.0 du Ministère de la Culture et de la Communication (2014),

« les données seront de moins en moins dupliquées mais de plus en plus liées, chaque

producteur pouvant alors concentrer ses efforts sur sa propre valeur ajoutée. Cela favorisera

l’émergence d’opérateurs tels que, par exemple, des méta-moteurs spécialisés.32 »

Ce texte parle du Web 3.0 qui est en continuité avec le Web 2.0 mais à la différence de celui-

ci, le Web 3.0 devrait être envisagé comme un mouvement collaboratif entre individu au sein

de Web. Les technologies sémantiques apportent une nouvelle génération d’outils.

« Le Web des données liées et les technologies du Web sémantique, qu’on appelle

communément le « Web 3.0 », ne remettent aucunement en cause les acquis du Web 2.0. Les

référentiels sémantiques n’auront de sens et de viabilité que s’ils sont produits et réutilisés

dans le cadre du Web social ou collaboratif. (…) Les technologies 3.0 permettent non

seulement de traiter l’information à un niveau de granularité très fin, la donnée, mais aussi de

représenter les relations logiques entre ces données de telle sorte qu’elles soient interprétables

par des machines. »33

En exposant leurs données ainsi traitées, les institutions culturelles interagissent avec les

internautes qui pourront partagés leurs connaissances, et qui pourront être ainsi «en mode

collaboratif ouvert ».

C’est le cas de la Sémanticipédia proposée par le Ministère de la Culture et de la

Communication. Il s’agit d’une plate-forme de collaboration entre le ministère de la Culture et

de la Communication, Inria et Wikimedia France pour réaliser des programmes de recherche

32 Ministère de la Culture et de la Communication, 2014, Feuille de route stratégique, métadonnées culturelles et transition Web 3.0, Janvier 2014, p.8. Publication en ligne :http://fr.slideshare.net/culturefr/feuille-de-route-mtadonnes-et-30-camille-domange

33 Ministère de la Culture et de la Communication, 2014, Feuille de route stratégique, métadonnées culturelles et transition Web 3.0, Janvier 2014, p.12. Publication en ligne :http://fr.slideshare.net/culturefr/feuille-de-route-mtadonnes-et-30-camille-domange

36

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et développement appliqués à des corpus ou des projets collaboratifs culturels, utilisant des

données extraites des projets de Wikimedia. Le principe est d’avoir des retours d'expériences

existants pour améliorer la qualité des données publiées. En continuité avec le web

sémantique, le Ministère de la Culture et de la Communication a développé le principe de

Silicon Valois en mai 2014. Il s’agit « d’un espace partagé dédié à l’innovation culturelle ». A

la différence de la Sémanticipédia, la Silicon Valois permet la collaboration entre le secteur

culturel et celui du numérique pour accueillir au sein du ministère, développeurs,

entrepreneurs, créatifs et designers. Ils travaillent ensemble dans un espace numérique partagé

afin de favoriser un échange entre développeurs et acteurs de la culture. L’objectif étant de

valoriser la richesse culturelle et d’élargir les connaissances par l’utilisation de nouvelles

technologies.

Chapitre 3 : Vers une stratégie Open Data pour les musées

Le développement du numérique a induit une transformation des modes de consommation des

biens culturels ainsi que des pratiques et des usages. Le choix de rendre accessibles et

réutilisables les données publiques s'inscrit dans une recherche du meilleur partage et d'une

plus grande diffusion de l'information. L’objectif est de présenter le mouvement de l'open data

en y apportant un regard sur les différents acteurs culturels qui engagent une stratégie

numérique de diffusion et de réutilisation de leurs données publiques.

a. La notion d’Open Data

Cette partie vise à mieux comprendre le phénomène de partage de données et de travail

collaboratif grâce au développement du numérique dans nos pratiques culturelles. Il s’agit de

s’interroger sur la place qu’occupe l’open data dans les musées vu comme un outil de travail

pour les professionnels.

L’open data, ou donnée ouverte, est utilisé pour désigner des données en libre accès et

ouvertes à la réutilisation. Les data ou données sont des informations numérisées manipulées

par les ordinateurs. L’objectif repose sur un modèle participatif où l’usager partage de

nombreux contenus en ligne. La donnée se trouve aujourd'hui au cœur des échanges du Web.

Dans ce contexte, le mouvement open data connaît un écho considérable chez l'ensemble des

acteurs du numérique. Le terme « web de données » désigne un ensemble de technologies

visant à rendre l’ensemble des données du web intelligibles et utilisables notamment par des

agents logiciels via la mise en place d'un système de métadonnées. Ces « machines » pourront

ainsi opérer un traitement des données pour les relier et les combiner automatiquement.

37

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Le mouvement d'ouverture des données naît aux États-Unis en 2009, et trouve rapidement son

essor dans la communauté des développeurs notamment parmi les contributeurs de projets

open source dont le mouvement d'ouverture des données est philosophiquement proche. Le

partage de contenus a longtemps été associé au non respect du droit d’auteur, l’open data

s’affirme aujourd’hui comme une clé de la diffusion de la culture pour les professionnels et le

public. Certains musées offrent la possibilité pour les internautes de partager leurs données au

sein de l’ensemble de l’écosystème muséal (artistes, professionnels de musées, publics…).

L’open data participe à un service collaboratif permettant au musée d’établir un contact avec

les autres institutions, le public, les chercheurs et étudiants pour compléter leurs contenus par

l’ajout de nouvelles données. D’après Simon Chignard, dans son ouvrage, Open Data,

comprendre l’ouverture des données publiques, l’auteur explique que « le domaine culturel

demeure le parent pauvre des démarches open data en France »34.

Cette situation de pauvreté est étonnante puisque le monde de la culture a une longue tradition

d'indexation et de catalogage de ses données. Les musées, par exemple, ont constitué

d'immenses catalogues de données dont la consultation est possible parfois en ligne et/ou

souvent sur place. Plus encore, les institutions culturelles ont produit depuis de longues

années des outils et standards qui facilitent l'échange de données entre elles. Cela permet

d'exposer des données structurées sur le web et de les ouvrir. Enfin, l'accès à la culture, la

culture pour tous sont des problématiques anciennes et qui ont fait l'objet de nombreuses

politiques et initiatives.

Comment peut-on l’expliquer ?

Selon le rapport du Ministère de la Culture et de la Communication de mars 2013, Guide

Data Culture : pour une stratégie numérique de diffusion et de réutilisation des données

publiques numériques du secteur culturel, le manque de données publiques s’explique par

trois raisons :

- « une confusion sur le périmètre de ce que recouvre avec exactitude le champ de

l'ouverture des données publiques […] (il s’agit) d’offrir une réutilisation de

l’ensemble des données publiques qui ont permis de produire ces contenus.

- une méconnaissance du cadre juridique et réglementaire relatif à la réutilisation des

données publiques.

- une incertitude sur la définition de la notion de « donnée publique culturelle »35

34 CHIGNARD (Simon), 2012, Open Data, comprendre l’ouverture des données publiques, Paris : Ed. FYP, p. 83

35 Rapport du Ministère de la Culture et de la Communication, 2013, Guide Data Culture : pour une stratégie numérique de diffusion et de réutilisation des données publiques numériques du secteur culturel, mars 2013, p.9

38

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C’est pourquoi, le Ministère de la Culture et de la Communication incite les

institutions culturelles à favoriser l’accès à leurs données en ligne en développant le

portail <data.gouv.fr>, un site concernant les données du patrimoine en France.

Le numérique et le développement des technologies de l'information et de la communication

ont démultiplié les circuits d'accès à l'information, à sa contextualisation, à son

enrichissement, à sa diffusion et à sa réutilisation par le plus grand nombre. Selon Simon

Chignard, il existe quatre classes de réutilisations des données. La première consiste à la

consultation directe des données par le public. Celui-ci réutilise les données qu’il a consulté

en devenant l’utilisateur final. La seconde permet au public de devenir un médiateur des

données puisqu'elles donnent lieu à une visualisation d’un public plus large. La troisième

permet aux développeurs de réutiliser les données pour construire des services et des

applications pour des usages finaux. Enfin, la quatrième classe offre une réutilisation

spécialisée des données. A partir de ces quatre classes de réutilisations des données publiques,

nous nous intéresserons à la manière dont les professionnels favorisent l’usage de l’open data

et dans quelle classe ils se situent. Le professionnel du numérique va davantage se retrouver à

l’intérieur de la troisième classe tandis que le professionnel de musée sera plus adepte de la

seconde classe. « En matière d'open data, il ne s'agit pas de rendre les contenus culturels

automatiquement réutilisables mais d'offrir à la réutilisation l'accès à l'ensemble des données

publiques qui ont permis de produire ces contenus.36 »

Les musées vont ainsi mettre en place une stratégie d’ouverture des données publiques en

inscrivant leur action dans une démarche analytique afin de permettre l’émergence de l’open

data. En effet, la plupart y voit à la fois des coûts, des risques et des chances que l’ouverture

des données publiques puisse se développer au sein de leurs structures. Tous vont alors se

confronter à une remise en cause de leurs systèmes d’informations. Ont-ils fourni assez

d’informations ? Comment se positionner face aux autres musées ou aux autres structures

culturelles ? Il s’agit encore d’une utilisation toute récente en terme d’usage pour les musées

mais petit à petit beaucoup d’entre eux l’adoptent. Il serait intéressant de comprendre

comment l’open data va agir dans la méthode de travail du professionnel.

Afin de mobiliser le travail collaboratif autour de l’open data et de la réutilisation des

données, de comprendre les usages et les attentes des réutilisateurs, différents événements

sont organisés faisant de l'open data un axe principal de développement numérique.

36 Rapport du Ministère de la Culture et de la Communication, 2013, Guide Data Culture : pour une stratégie numérique de diffusion et de réutilisation des données publiques numériques du secteur culturel, mars 2013, p.38

39

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b. Contexte de l’open data

La donnée se trouve aujourd'hui au cœur des échanges du Web et participe activement à la

structuration d'une stratégie numérique dans laquelle les entreprises prennent une place de

plus en plus importante dans son développement. La naissance du mouvement de l'open data

en France a entraîné plusieurs interrogations quant à la question de l’usage de l’ouverture des

données. Considéré pour certains comme un simple mode dont il ne serait plus question dans

quelques années, d'autres affirment au contraire que le mouvement de l'open data est un fort

atout « faisant de la « data » le nouvel eldorado des acteurs de l'Internet 37».

Le mouvement de l'open data trouvé en France s’est notamment développé le 21 février 2011

lors de la mise en place de la mission Etalab dont l’objectif était de coordonner et recenser les

informations publiques de l'État et de les mettre à disposition des citoyens.

Dans ce contexte, le mouvement d'ouverture des données publiques (« open data ») connaît un

écho considérable chez l'ensemble des acteurs du numérique. Malgré les nombreux colloques,

études, ateliers organisés sur cette thématique, les professionnels ont du mal à l’adopter

totalement dans leurs pratiques. Ces sentiments sont légitimes. L'ouverture des données

publiques est une problématique relativement récente.

Précurseur de l'open data, <data.gov>, le portail américain des données publiques a été mis en

ligne le 21 mai 2009. Ce mouvement s'est traduit dans les stratégies numériques des

institutions culturelles étrangères ainsi que des collectivités territoriales (Rennes, Brest, Paris,

Marseille, Nantes, Montpellier, etc.). <Data.gouv.fr> est une plate-forme qui permet aux

collectivités territoriales qui le souhaitent, de mettre leurs données publiques sur cette plate-

forme qui offre aux utilisateurs toute la visibilité d'un portail national unique.

c. La réutilisation des données

Le cheminement du numérique réinterroge profondément les missions des musées en les

réaffirmant par un contenu en réseau ouvert et évolutif. Nous sommes en pleine phase de

partage sur les réseaux ouverts et accessibles à tous en ligne avec la réappropriation du travail

des gens. L’idée est de mettre à disposition des morceaux de contenus et de laisser le public se

les réapproprier. Cela apparaît possible seulement si le contenu reste ouvert comme un code

source ouvert permettant de faire un logiciel et de le réadapter à ses usages.

37 Ministère de la Culture et de la Communication, Feuille de route stratégique, métadonnées culturelles et transition Web 3.0, Janvier 2014. Publication en ligne :http://fr.slideshare.net/culturefr/feuille-de-route-mtadonnes-et-30-camille-domange

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Les musées peuvent ainsi mettre à disposition un contenu divers comme les collections, les

méthodes de médiation et de travail pour créer à travers les contenus des liens autour de gens

qui se retrouvent à travers un centre d’intérêt à partager. Il s’agit d’une architecture

participative de base. Le besoin du contenu sur le web est toujours le même, les gens veulent

avoir accès à du contenu validé et de qualité et les musées en sont la référence. L’idée est

d’avoir une visibilité du musée sur le web et une reconnaissance en tant que référence dans un

domaine et donc une certaine notoriété.

41

Page 42: L’USAGE DU NUMÉRIQUE AU MUSÉE PAR LES PROFESSIONNELS › wp-content › uploads › 2014... · QUELLE PLACE DANS LES MUSÉES 14 Chapitre 1 : Qu’est-ce que le numérique ? 14

VERS DE NOUVEAUX DÉFIS NUMÉRIQUES

Chapitre 1 : Construction de la méthode et présentation du terrain

Réflexion du sujet de mémoire

Le numérique constitue désormais une importante préoccupation dans la muséologie,

préoccupation qui se retrouve dans la littérature. En effet, il revendique son existence dans les

musées par le biais de dispositifs facilitant la compréhension des œuvres. Ainsi, l’élaboration

d’un discours muséal mobilise également une approche numérique.

Cette approche tournée vers le visiteur nous amène à nous interroger sur la manière dont les

professionnels développent ce genre d’outils numériques. Comment et pourquoi les utilisent-

ils ? Si l’exposition montre des objets, elle cherche à dévoiler le sens de ces objets. Le

numérique vient alors appuyer ce discours pour avoir une meilleure compréhension et une

meilleure approche de l’objet. C’est pourquoi, la muséologie soutenue par des outils

numériques adaptés, construit un discours visant à intégrer les différents objets dans un

ensemble cohérent.

Comment les professionnels utilisent le numérique au musée ? On a montré précédemment

que l’usage du numérique au musée se fait de deux manières. Une première utilise le

numérique comme un dispositif de visite accessible au public in situ ou en ligne. Une seconde

manière favorise l’usage du numérique comme un outil de travail pour les professionnels par

l’usage de l’open data. Or, l’usage du numérique demande une certaine maîtrise de l’outil.

C’est le cas pour le professionnel mais aussi pour le visiteur. Si nous nous intéressons au

professionnel, nous constatons qu’il y en a deux sortes : le professionnel du numérique et

celui en milieu muséal. L’un sait incontestablement user du numérique puisqu’il s’agit de son

domaine d’intervention mais l’autre n’est pas forcément capable de maîtriser l’outil. Et même

dans certains cas, il ne sait pas du tout l’utiliser. Aujourd’hui, le professionnel en milieu

muséal doit-il maîtriser le numérique ? Si l’on considère que la pratique numérique est

devenue courante dans notre quotidien, il serait jugé préférable que, par exemple, le

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muséologue puisse également en user pour favoriser le discours qu’il cherche à transmettre.

La première approche serait peut être de revoir les formations de la culture et de proposer un

enseignement spécialisé du numérique au musée. Mais encore faudrait-il savoir si cet

enseignement sera obligatoire ou non. Cela reviendrait à dire que le numérique deviendrait

alors indispensable au musée. Toutefois, cette démarche n'est pas nécessairement obligatoire.

Le muséologue est avant tout un historien de l’art et sa formation est spécialisée dans ce

domaine. En d’autres termes, le professionnel doit connaître certaines bases pour

comprendre, à différents degrés, les pratiques culturelles et numériques d’aujourd’hui. La

question n’est donc pas de savoir si le professionnel en milieu muséal doit ou non maîtriser le

numérique mais bien de s’interroger sur la place que tient le numérique au sein des musées et

comment il est utilisé.

D’autre part, notre analyse ne se concentre pas seulement sur les professionnels en milieu

muséal mais également sur les professionnels du numérique. Dans ce cas, il nous faudrait

identifier les moyens mis en œuvre par les concepteurs du numérique pour favoriser l’usage

du numérique au musée. Par conséquent, l’aspect numérique « technique » ne peut être

compris par les professionnels de musée mais bien par les professionnels du numérique qui

proposent leurs compétences au service d’institutions culturelles.

Méthodologie de recherche

La prise en compte des professionnels requiert avant tout de connaître ces professionnels. Par

conséquent, la méthode la plus simple pour comprendre les représentations de l’usage du

numérique par les professionnels consiste à interroger ceux-là même qui conçoivent le

numérique sur un plan culturel ou technique. On se propose donc de rencontrer et de

questionner les muséologues, les directeurs et les informaticiens. Cette méthode d’enquête est

loin d’être exclusive. Nous nous intéresserons d’abord au numérique comme dispositif

notamment sur la manière dont les professionnels conçoivent une exposition, son parcours et

les dispositifs qu’ils usent pour la médiation au profit du public. L’intérêt sera de connaître

l’usage du numérique du côté des professionnels de musée et l’usage du numérique du côté

des professionnels du numérique.

Outre l’analyse du numérique comme dispositif, nous nous intéresserons au numérique

comme outil de travail par la démarche de l’open data. L’outil de travail jugé le plus pertinent

serait alors de voir la manière dont les professionnels de musée et du numérique collaborent

pour proposer un libre accès aux données. Il s’agit donc d’un outil collaboratif de travail en

ligne qui favorise l’échange et le partage entre musées, professionnels, chercheurs, étudiants

et public. C’est notamment cet aspect là qui sera traité dans ce mémoire. Comme annoncé

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précédemment, on choisira de se baser sur les paroles des professionnels du musée, plus

exactement sur une approche qualitative par des entretiens semi-directifs réalisés sur un petit

échantillon de professionnels.

Cela exige d’élaborer au préalable un guide d’entretien38 comportant des questions ouvertes

qui diffère selon le profil du professionnel. Ce guide a pour fonction de révéler un rappel des

objectifs, le type de questions posées, les thèmes abordés et l’outil d’enquête. Le nombre

d’échantillonnage sera de 10 professionnels avec des profils différents. Il nous faudra donc

examiner la correspondance entre les personnes travaillant dans le milieu muséal et les

personnes proposant leurs compétences numériques.

Terrain de recherche

Aussi se pose la question de la sélection du terrain qui constituera le sujet de cette recherche.

Il est certain que les résultats de ce travail ne seront pas généralisables, car ce mémoire ne

porte pas sur un échantillon représentatif des professionnels. Afin de répondre au mieux à la

problématique de ce mémoire, il serait intéressant d’analyser un exemple de travail

collaboratif entre les professionnels de musée et les professionnels du numérique. Il existe

plusieurs types d’événements de type hackathon rassemblant un groupe de personnes avec

différentes compétences techniques (graphistes, développeurs, informaticiens…) sur plusieurs

jours pour répondre à une mission. Durant ces quelques jours, l’objectif est d'imaginer et de

développer un prototype d’application technique. L’événement Museomix sera le terrain de

recherche principal. Même si cet événement n’est pas un hackathon, celui-ci s’en inspire et

devient alors un marathon créatif. La majorité des personnes participantes sont des

professionnels du numérique qui proposent leurs compétences au service des musées.

Auquel cas, pourquoi ne pas se limiter à l’événement Museomix au Musée dauphinois

(l’événement de l’année 2013) et au Musée des Beaux Arts de Montréal (l’événement de

l’année 2014) ? Tout simplement parce qu’il me semble néanmoins plus pertinent de faire

également l’analyse d’un musée où le numérique est en phase de développement. Au

commencement de cette enquête, je pensais faire mon analyse seulement sur Museomix. Mais

il s’est avéré que j’ai obtenu un stage au Centre d’histoire de Montréal. C’est notamment

l’idée d’analyser les méthodes de travail d’un musée encore en développement numérique et

de comprendre comment ils ont décidé d’exploiter leurs données en les rendant publiques.

Quelles sont ces données ? A qui s’adressent-t-elles ? De quelle manière ont-elles été abordées

et mises en place ?

Museomix permettra la rencontre avec des professionnels en contact direct avec le numérique.

Quant au centre d’histoire de Montréal, il permettra d’être en contact avec des professionnels

38 Le guide d’entretien est accessible dans l’annexe.

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Page 45: L’USAGE DU NUMÉRIQUE AU MUSÉE PAR LES PROFESSIONNELS › wp-content › uploads › 2014... · QUELLE PLACE DANS LES MUSÉES 14 Chapitre 1 : Qu’est-ce que le numérique ? 14

qui commencent à développer le numérique dans leur structure.

D’un côté, nous chercherons à connaître les attentes des professionnels, notamment les

partenaires, de l’événement Museomix et de l’autre nous analyserons les attentes des

professionnels du Centre d’histoire de Montréal concernant l’usage du numérique au musée.

Il ne s’agit pas d’une étude comparative mais d’une étude analytique générale pour recueillir

un maximum de variété de professionnels qui s’intéressent à l’usage du numérique au musée.

L’événement Museomix

Il existe un événement depuis 2011 consacré à la médiation numérique qui a lieu dans les

musées. Museomix est un événement de type hackathon dont le but est de s’approprier les

musées à l’ère du numérique. Les participants sont nommés les « museomixeurs ». Ce terme

englobe à la fois les professionnels de musées, du numérique, de la médiation, les amateurs,

les passionnés et les étudiants. Ce type d’événement se déroule au cœur des musées faisant

participer chaque personne (visiteurs, internautes, professionnels, amateurs, passionnés…).

L’objectif de Museomix est d’imaginer, de concevoir et d’expérimenter de nouvelles

expériences de médiation au musée. Il conviendrait d’analyser l’usage du numérique par les

museomixeurs et comment cette interaction produit de la valeur au musée. Il est intéressant de

voir la manière dont cet événement a réussi à mélanger un travail sur les contenus, les

expériences des visiteurs et sur les nouvelles technologies.

L’intérêt, pour ce mémoire, est d’entretenir des rencontres avec les partenaires de Museomix

et de savoir les raisons pour lesquels ils ont accepté de soutenir l’événement. Pour quelles

raisons les professionnels ouvrent les portes de leurs structures pour accueillir cet

événement ? Qu’est-ce que Museomix apporte au musée et aux professionnels ? Quelles

conclusions peut-on tirer de ces types de projets collaboratifs « open source » ?

Le Centre d’histoire de Montréal

Le Centre d’histoire de Montréal (CHM) est une institution muséale municipale qui a pour

mission de transmettre une meilleure compréhension de Montréal, de sa diversité culturelle et

de ses patrimoines matériels et immatériels. L’idée est de traiter de la même façon toutes les

périodes historiques connues de la Ville jusqu’à aujourd’hui. L’exposition doit aussi restituer

la réalité du vivre à Montréal. Par des clefs de compréhension de la Ville en elle-même, elle

doit inciter à repérer des traces de l’histoire et de l’évolution de la Ville dans les rues et

arrondissements couramment fréquentés. La particularité du musée est que les expositions se

basent sur l’histoire orale avec un discours centré sur les témoignages récoltés des habitants

de la ville. Le CHM s’engage dans un projet d’ouverture des données par le développement

d’une encyclopédie en ligne de l’histoire montréalaise. Ce mémoire s’intéressera à l'analyse

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du contenu qui sera mis en ligne et à la connaissance de la collaboration du public consultant

les données. L’intérêt est d’étudier le développement numérique de ce musée et de

comprendre comment il utilise le numérique. Il serait intéressant d’avoir un point de vue de

professionnels d’un musée qui est en train de s’agrandir, de se développer et de voir la place

qu’il accordera au numérique dans l’avenir.

Chapitre 2 : Analyse d’enquête

Contexte et objectif de l’enquête

Au commencement de cette enquête, j’ai voulu m’intéresser seulement à l’événement

Museomix. En effet, il m’a semblé que cet événement offre une remarquable diversité, tant

chez les professionnels qui y participent, que dans leur programmation, ou simplement dans

leur méthode de travail. Museomix présente aussi l’avantage d’être particulièrement récent.

Créé en 2011 cet événement revendique sa manière de « remixer » les musées. Il m’a donc

paru intéressant d’y rencontrer les professionnels favorables aux changements dans les

musées par l’usage du numérique. Finalement, j’ai décidé d’utiliser également le Centre

d’histoire de Montréal me permettant de voir de plus près un musée en constante progression

cherchant à développer le numérique au sein de leur structure.

Si, comme on l’a dit, cette enquête se développera autour d’une analyse des réponses

formulées par les professionnels des musées lors d’entretiens semi-directifs, on s’attachera en

contre partie à distinguer les intentions de ces professionnels pour favoriser le numérique au

musée, notamment lors de rencontres comme le forum, les musées à l’ère du numérique.

Il nous faudra donc examiner la correspondance entre les déclarations des professionnels et

les véritables stratégies numériques développées dans les musées. C’est pourquoi, on veillera

à analyser les déclarations des personnes rencontrées avec les problèmes que rencontrent les

musées aujourd’hui par rapport à l’usage du numérique.

La problématique de ce mémoire ouvre de multiples interrogations pouvant traiter différents

sujets à la fois. Je me propose donc d’employer ce mémoire pour faire une analyse non

exhaustive de l’usage du numérique au musée par les professionnels de musée et du

numérique.

L’hypothèse serait de comprendre le point de vue des professionnels sur les représentations et

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les modifications du numérique au musée. Ce travail préliminaire doit nous permettre

désormais de regarder les attentes des professionnels du musée vis à vis du numérique et de

regarder les attentes en terme de services que des professionnels du numérique ont à offrir et

les raisons de leur intérêt pour les musées. Les attentes sont-elles les mêmes ? Utilisent-ils le

numérique dans le même but ? Comment conçoivent-ils l’usage du numérique au musée ?

Les démarches d’une analyse thématique

Le choix d’une analyse thématique semble le plus pertinent pour tirer un meilleur résultat de

l’enquête. Le travail et le découpage des entretiens permettent de regrouper des propos au sein

d'un même thème avec une approche déductive tout en catégorisant les thématiques. Axé sur

une analyse de contenu, cette enquête cherchera à faire ressortir « les principaux thèmes, leur

récurrence, leur association (…) dans les différents contextes d’énonciation. L’objectif est

alors de segmenter le texte et d’interpréter sociologiquement des catégories constituées à

partir du découpage des entretiens. »39

Afin de mieux comprendre les différents usages du numérique au musée par les

professionnels, il serait intéressant d’explorer quatre domaines distincts allant des

connaissances numériques du professionnel aux méthodes de travail de celui-ci.

Le premier thème traite de la question du numérique en général et de la vision que se font les

professionnels du numérique et des musées sur le numérique. Ont-ils la même vision ?

Le deuxième thème aborde les questions du rapport existant entre le numérique et l’espace

muséal, l’objectif étant de savoir si le musée et le dispositif numérique sont complémentaires.

L'analyse porte également sur la présence du numérique à la fois en ligne et in situ.

Le troisième thème se réfère à la connaissance du numérique ainsi qu'aux compétences et

aux formations des professionnels en matière de numérique. Le musée dispose-t-il une

stratégie numérique et si oui de quelle nature? Quels types de dispositifs proposent les

professionnels du numérique ? Quelles sont les raisons de l’usage du numérique ? Les

professionnels du numérique disposent-ils des compétences numériques de base ? Quels types

de compétences ?

Le quatrième thème regroupe les questions relatives à l’open data et au domaine de la

réutilisation des données. Il s’agit de déterminer si l’ouverture des données apporte un

changement dans la manière de travailler des professionnels. On interroge également les

raisons de ce choix. Les professionnels du numérique et des musées favorisent-ils l’open

39 BRECHON (Pierre), Enquêtes qualitatives, enquêtes quantitatives, Presses universitaires de Grenoble, 2011, p 65

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data ? Partagent-ils le même type de données ? Faut-il tout partager pour tout réutiliser ? Pour

quelles raisons la réutilisation des données favorise-t-elle de nouvelles manières de travailler ?

Traitement des entretiens

La méthode de recueil d’informations s’est faite en deux temps :

- Par une retranscription des propos des personnes interviewées et par la mise en forme

du corpus. L’objectif étant de comprendre les attentes des professionnels et leur point

de vue sur l’usage du numérique au musée.

- Par une méthode d’observation et de prise de notes lors des rencontres entre

professionnels. L’objectif étant d’analyser les retours d’expériences des professionnels

ayant utilisé le numérique et notamment les retombées et influences sur les autres

professionnels.

Une fois cette étape terminée, l’analyse se poursuit sur le logiciel Nvivo 10 pour faciliter

l’accès au contenu des différents entretiens en même temps et ainsi croiser les réponses et

trouver les similitudes entre les personnes interrogées.

L’objectif de cette enquête permet de catégoriser les thématiques et d’en ressortir les grandes

tendances. Pour cela, l’analyse cherche à répondre à deux types de problématiques :

- comprendre les représentations et les attentes du numérique au musée par les

professionnels.

- évaluer les modifications potentielles qu’apportent le numérique dans le travail des

professionnels.

Au total nous interrogerons 10 professionnels.

Chapitre 3 : Résultats

Présentation des profils interviewés

Afin de mener à bien cette enquête, nous avons jugé pertinent de sélectionner des

professionnels avec des profils variés. Il s’agit d’avoir une meilleure idée de l’usage du

numérique à destination des musées par différents professionnels. Ils ne travaillent pas tous

pour des musées mais ils ont déjà collaboré avec ces structures. Il nous a jugé alors intéressant

de se pencher sur une diversité de profils ciblés sur les musées et le numérique et de voir

comment ils s’approprient l’usage du numérique.

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Cette diversité de profil met l’accent sur l’importance d’analyser toutes les compétences

jugées nécessaires pour mieux comprendre l’usage du numérique au musée.

Il en découle ce tableau ci-dessous :

Nom Fonction Entreprise / Institution Lieu

Josée LefebreResponsable des publics au Centre

d'histoire de Montréalmusée d'histoire Montréal

Eve-lyne Cayouette

Ashby

Professionnel de recherche en sciences

humaines à l'université ConcordiaUniversité Concordia Montréal

Gérald Dulac Directeur et fondateur d'Eolasagence web spécialisée en

webmarketingGrenoble

Jean-François

LeclercDirecteur du Centre d'histoire de Montréalmusée d'histoire Montréa

Juliette Giraud

Coordinatrice Museomix Rhône-Alpes

2013 et consultante indépendante en

développement de projet culturelle

marathon créatif Grenoble

Laurent Chicoineau Directeur du CCSTI centre de culture scientifique Grenoble

Samuel BaussonWebmaster à Les Champs Libres et

fondateur de Museomix

équipement de la communauté

d'agglomération de RennesRennes

Stéphanie Mondor Responsable des Collections / Techniques Musée d’histoire Montréal

Tanguy Sélo Directeur d'Imaginovpôle de compétitivité de la filière

numériquesGrenoble

Yannick Gosselin Chef de projet à Simbiozproduction multimédia et

technologies interactivesMontréal

Le professionnel de musée

Le premier type de profil est le professionnel de musée. Parmi les personnes interrogées, on

distingue quatre types de profils :

les directeurs d'institutions culturelles engagés dans l'apport du numérique dans leur

institution

Laurent Chicoineau est directeur du CCSTI (Centre de Culture Scientifique, Technique et

Industrielle) appelé aussi « la Casemate » de Grenoble. En étroite collaboration avec les

collectivités locales, les universités et principaux organismes de recherche grenoblois et des

entreprises, il travaille au développement du CCSTI comme centre d’interprétation et

d’appropriation de l’innovation scientifique et industrielle du territoire métropolitain. C’est

dans cette optique qu’il a décidé d’être partenaire avec Museomix 2013.

« On connait bien Museomix parce qu’on a beaucoup participé depuis le début. A chaque

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fois, il y a des gens de l’équipe qui ont participé à Paris ou à Lyon. Ce qui nous intéresse

nous, en ce moment, on travaille beaucoup sur la question de l’innovation culturelle et la

question du nouveau rapport au public, donc en terme de médiation culturelle que ce soit

pour le patrimoine, la science, l’innovation technologique etc…

Et du coup Museomix c’est une action innovante qui vise justement à faire un peu bouger

les pratiques dans les musées. »

Jean-François Leclerc est directeur du Centre d’histoire de Montréal. D’une formation

d’historien, Jean-François est muséologue mais également artiste peintre. Il contribue à

recueillir les récits des montréalais et leurs objets. Il s’intéresse particulièrement à l’histoire

orale qu'il cherche à développer au sein du musée. Il cherche également à faire partager les

archives et contenus du CHM à profit du public. Pour cela, il se tourne vers l’usage de l’open

data.

Nous avons deux profils : un qui contribue au développement du numérique au musée et

l’autre qui est ouvert aux opportunités pour l’usage du numérique.

les professionnels qui proposent des solutions numériques au musée

Il s’agit de deux personnes ayant le même type de profil. Elles sont toutes les deux

coordinatrices de l’événement Museomix.

Juliette Giraud est le type de profil qui possède les stratégies nécessaires pour favoriser le

développement du numérique dans les institutions culturelles. C’est dans cette perspective

qu’elle a coordonné l’événement Museomix à Lyon en 2012 et à Grenoble en 2013.

« Je suis Juliette Giraud et je coordonne Museomix Rhônes Alpes. Je coordonne l’activité,

l’association, les gens, son développement euh… et donc le gros événement de Museomix

en collaboration avec le musée et toute l’équipe. »

« Je suis consultante indépendante en développement de projet culturel et j’accompagne

des collectivités, des institutions, des lieux à développer leur projet culturel et notamment

plus particulièrement sur la rencontre avec leur public. »

le fondateur et novateur qui cherche à dynamiser les musées

Samuel Bausson s’intéresse aux cultures et à leurs langages par les communications actuelles

avec les médias. Il est webmaster et co-fondateur de Museomix. Pour lui, cet événement est

une alternative pour expérimenter des idées et des projets difficilement réalisables dans la

structure par le fonctionnement habituel des institutions muséales. Il s’intéresse notamment à

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la notion de participatif et aux communautés de partages qui se développent de plus en plus

depuis quelques années.

« Je suis Samuel Bausson et je travaille en ce moment aux Champs Libres à Rennes qui

est une structure qui réunit trois entités : bibliothèque, musée d’histoire et un espace de

sciences et il y a aussi en tenant à ça, une quantité numérique. Mon rôle est de faire du

lien entre ces entités autour de projet participatif en lien avec les communautés etc…

donc je suis arrivé là il y a 6 mois donc c’est nouveau pour moi. Avant, je travaillais au

Museum de Toulouse ou j’y ai travaillé pendant 7 ans. Et c’est là où j’ai pu initié pas

mal de choses autour des réseaux sociaux quand c’était le début. Et sinon, je suis co-

fondateur de Museomix. »

les muséologues responsables des publics et des collections qui s'intéressent plus au

contenu et à la collection qu'au numérique

Josée Lefèbre est responsable des publics au Centre d’histoire de Montréal. Elle s’intéresse à

la mise en place d’expositions mettant en valeur l’histoire orale. Ce sont les témoignages et

leurs contenus (oraux et textuels) qui l’amènent à utiliser le numérique. Elle gère également le

site internet et les projets éducatifs notamment Vous faites partie de l’histoire !40.

Stéphanie Mondor est responsable des collections et du technique au Centre d’histoire de

Montréal. Elle est chargée de la numérisation et de la gestion de la collection du musée.

Il s’agit de deux profils qui se ressemblent mais qui utilisent le numérique de différentes

manières. L’une à destination du public et l’autre afin de conserver le patrimoine du musée.

Le professionnel du numérique

Le second type de profil est le professionnel du numérique. Parmi les personnes interrogées

on distingue trois types de profils :

les directeurs qui proposent de nouveaux usages numériques

Tanguy Sélo a été partenaire de Museomix 2013 à Grenoble. Il s’intéresse à lier le numérique

et la culture en proposant des outils numériques.

40 L’objectif du programme Vous faites partie de l’histoire! est de faire découvrir aux élèves issus des communautés culturelles l’histoire de Montréal, leur ville d’adoption, en leur parlant entre autres d’immigration et de l’importance de leur patrimoine familial. Au cœur du projet : la recherche et le partage d’un trésor de famille, afin que chaque élève sente que son histoire fait partie de l’histoire de la ville.

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"Je m’appelle Tanguy Sélo, je dirige un pôle de compétitivité dédié aux contenus et

usages numériques basé en Rhones-Alpes qui s’appelle Imaginov. C’est une structure où

il y a à la fois des entreprises, des laboratoires de recherches et des instituts de

formations supérieures et l’univers c’est la production audiovisuelle, la vidéo, le

multimédia, le web, tout ce qui est contenu pour les lieux culturels."

Gérald Dulac a été partenaire de Muséomix 2013 à Grenoble. Durant cet événement, il s’est

penché sur la manière dont les museomixeurs ont usé de sa plate forme de partage de contenu

libre pour développer leur prototype.

"Je m’appelle Gérald Dulac. Je suis le fondateur d’une société qui s’appelle Eolas et qui

est partenaire de cet événement Dans le cadre de ce partenariat est testé une première

plate-forme open data en mettant à disposition des données du patrimoine qui ont été

fournis par le Conseil Général dans le cadre de Muséomix. Donc on est dans une chose

assez innovante, dans un moment spécial avec une façon de faire un peu « pas

classique»."

Il s’agit de deux professionnels dont l’intérêt commun est de proposer leurs compétences

numériques au service des musées même si leurs entreprises ne sont pas spécialisées dans le

secteur muséal. On constate qu’ils proposent à la fois du matériel, des données et une main

d’œuvre numérique afin de faciliter l’usage du numérique.

le professionnel qui propose la meilleure solution numérique aux musées

Yannick Gosselin est un chargé de projet à Simbioz, une agence de production multimédia et

technologies interactives dont la spécialité est le musée. Il travaille avec son équipe à proposer

les meilleures dispositifs numériques à développer pour les musées durant les expositions.

« En fait je m'occupe de tout le côté hardware ou matériel chez Simbioz, tout ce qui est

les installations interactives, aller installer chez le client, faire le suivi ou le support, des

choses comme ça. Puis je m'occupe aussi des clients dans les premières étapes, dans les

premières rencontres avec les clients surtout avec les musées. C'est quoi leurs besoins,

quels sont les besoins comme application interactive comme solution interactive donc

on développe un peu le scénario de base puis ensuite c’est au tour des codeurs, qui, eux,

vont faire vraiment la solution et la développer. »

« C'est surtout des programmeurs qu'on a besoin en fait la moitié de l'équipe c'est des

programmeurs qui vont vraiment faire soit des applications mobiles soit des applications

interactives donc on a besoin de programmeurs qui soient capables autant de

programmer, c'est ce qu'on appelle le back in donc c'est vraiment du code qu'on ne voit

pas, tout ce qu'il y a derrière mais aussi qui sont capables de programmer des interfaces

qui ont le souci du design d'être capable de faire quelque chose de beau si on peut dire

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« je sais pas programmer l'interface utilisateur » ou donc avoir ce souci là de

fonctionnalité puis d'ergonomie, de navigation des applications. »

Le chercheur

Le second type de profil est le chercheur à l’université qui s'intéresse de près au secteur

culturel et numérique.

le chercheur qui s'intéresse plus au résultat et au contenu qu'au numérique

Eve-lyne Cayouette-Ashbee est la directrice adjointe du Centre d’histoire oral et de récits

numérisés de l’Université Concordia et la directrice de la recherche et de la mise en valeur de

l’histoire orale pour la Chaire de recherche du Canada en histoire orale. Elle s’intéresse à la

transmission de la mémoire et du patrimoine culturel ainsi qu’à l’(auto)représentation des

groupes minorisés par la mise en exposition et l’utilisation des médias numériques. Ses

recherches ont porté sur la représentation de la diversité culturelle dans les musées d'histoire

de Montréal.

« Je suis professionnelle de recherche en fait. Donc là en ce moment mon poste je suis

directrice adjointe du centre d'histoire orale. »

« Quand le centre a été crée en 2006, il y avait vraiment deux laboratoires qui

coexistaient, qui cohabitaient dans le même centre de recherche donc il y avait un

laboratoire d'histoire orale spécifiquement puis un laboratoire d'histoire numérique. Puis

les deux étaient dirigés par deux co-directeurs et puis au départ, ils voyaient un peu leur

discipline comme un peu séparément. Puis avec les années, ils se sont aperçus que

finalement bon l'histoire orale utilisait l'histoire numérique, et le numérique s'intéressait

aussi à l'histoire orale donc tout ça s'est un peu fusionné depuis les six sept plus que ça

presque les dix dernières années (rires). »

Constats

Parmi ces 10 professionnels, nous avons :

6 professionnels de musées dont :

- 2 directeurs d’institutions culturelles

- 1 webmaster de musée

- 1 chargée de projet culturel

- 1 muséologue et responsable de public

- 1 responsable des collections / techniques

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3 professionnels du numérique dont :

- 2 directeurs d’entreprises

- 1 chargé de projet ingénieur multimédia

1 chercheur dont :

- 1 professionnel de recherche en histoire orale

RubriquesSous-

RubriquesThèmes Profils

1- Profils de professionnels

1.1 le professionnel

de musée

1.1.1 les directeurs d'institutions culturelles curieux de l'apport du numérique dans leur

institution

Laurent Chicoineau

Jean-François Leclerc

1.1.2 le fondateur et novateur qui cherche à dynamiser les musées

Samuel Bausson

1.1.3 les créatrices qui proposent des solutions numériques au musée

Juliette Giraud

1.1.4 la responsable des publics qui s'intéresse plus au contenu qu'au numérique

1.1.5 la responsable des collections qui s’intéresse au numérique

Josée Lefèbre

Stéphanie Mondor

1.2 le professionnel du numérique

1.2.1 les directeurs qui proposent de nouveaux usages numériques

Tanguy Sélo

Gérald Dulac

1.2.2 le professionnel qui propose la meilleure solution numérique aux musées

Yannick Gosselin

1.3 le chercheur

1.3.1 le chercheur qui s'intéresse plus au résultat et au contenu qu'au numérique

Eve-lyne Cayouette-Ashbee

Il s’agit donc de profils assez divers dont les attentes du numérique au musée peuvent varier

selon le secteur de travail. Ont-ils le même point de vue ? Proposent-ils les mêmes solutions

numériques ? Ont-ils les mêmes attentes ? Les attentes sont-elles les mêmes entre un

professionnel de musée, un chercheur et un professionnel du numérique ? Quelles sont les

retombées sur les musées ?

La vision du numérique en général

Cette partie vise à comprendre comment les professionnels perçoivent le numérique en

général. Trois grandes thématiques s'en déclinent :

Le numérique c’est quoi ?

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Les différents entretiens ont permis de constater que deux professionnels se sont intéressés à

la définition du terme numérique.

« Je le définis par opposition à l’analogie c'est à dire c'est un mode d'enregistrement puis de

diffusion qui utilise un code binaire (rires). »

Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale

« Pour nous le numérique c'est beaucoup d'interactif parce que c'est là-dedans qu'on travaille

tous les jours. Pour nous le numérique c'est les ordinateurs, c'est des moniteurs qui sont

interactifs ou non. C'est l'internet avec tout ce qui est aujourd'hui et puis toute l'information qui

peut être accessible de n'importe où. Donc pour des musées qui veulent modifier l'information

dans une borne interactive, dans plusieurs bornes interactives dans leur musée, ils peuvent

accéder de chez eux ou d'un musée. »

Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz

Ainsi si l’un considère le numérique comme opposé à l’analogie, l’autre l’assimile à son

environnement de travail et le définit d’interactif. Il est probablement plus difficile au

professionnel du numérique de donner une définition générale du terme qu’au chercheur qui

le définit comme une grande majorité de personnes41.

Le numérique comme outil

Parmi tous les entretiens, une personne a qualifié, à plusieurs reprises, le numérique comme

étant un outil de travail dans sa recherche. Puisque celui-ci s’est développé dans nos

pratiques, il est donc naturel de s’en servir.

« Le nom du centre de recherche c'est : « Centre d'histoire orale et de récits numérisés » qui est

la version française du nom. Euh le numérique c'est un outil. Maintenant pour dans la recherche

en sciences humaines en général c'est une palette d'outils si on veut qui sont de plus en plus

utilisés. (…) Je pense qu'ici à Concordia ou dans notre centre de recherches on le voit vraiment

comme une gamme d'outils (…). »

Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale

« Est ce qu'on met de l'avant ? Je sais pas, comment je dirais ça, je ne pense pas qu'on ait un a

priori favorable ou défavorable au numérique c'est juste un outil, une gamme d'outils comme

les autres qui, parfois sont pertinents ou non à utiliser pour les objectifs qu'on veut atteindre. »

41 Rapport d’enquête de publics pendant l’événement Museomix , Musée dauphinois de Grenoble, 2013

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Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale

« Oui c'est complètement intégré dans notre pratique à tous les niveaux donc j'ai pas tellement

de recul sur ça mais je le vois vraiment comme un outil et pour moi ça n'a pas d'autres... un

outil de communication, d'échanges, de documentation, de création aussi évidemment,

d'éducation. »

Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale

Le numérique comme ressource

On entend par ressource un moyen permettant d’améliorer l’accès au contenu. Dans le cas

présent, le numérique est une ressource favorable et un élément en plus pour mettre en valeur

l’histoire orale. Une personne a déterminé le numérique comme étant une ressource parmi

d’autres tout en restant probablement l’une des meilleures ressources.

« Avant les chercheurs faisaient des entrevues sur cassette audio en général (…) Avec l'audio où

le passage de l'oral au texte c'était, j'imagine, plus pratique à l'époque sauf qu'en même temps on

perdait beaucoup d'informations tout ce qui était l'accent, les émotions, la gestuelle, l'ambiance,

tout l'engagement verbal qu'on peut voir dans un texte même si on essaie de transcrire les détails

et tout on perd toujours ouais et puis on interprète forcément aussi en transcrivant. Donc tout ça

pour dire que quand les outils numériques se sont un peu démocratisés (…) il y a plusieurs

chercheurs, en tout cas une majorité de personnes, qui se sont intéressés aux outils parce que ça

permet de rechercher puis de diffuser plus facilement. »

Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale

« C'est surtout ce qui tourne autour de l'enregistrement des récits donc par l'audio, par la vidéo et

puis après donc c'est l'enregistrement, le traitement, l'archivage puis la diffusion. Ces trois

étapes-là utilisent des outils numériques. »

Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale

« La question ne se pose pas à l'étape de l'enregistrement parce que, je veux dire l'enregistrement

analogique, on recueille des témoignages, c'est du numérique, c'est tout. Il ne faut pas se poser la

question. »

Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale

Ainsi le numérique n’est probablement pas une référence d’usage mais il reste utile. Cette

utilité fait du numérique un outil dont on peut faire appel pour faciliter l’accès au contenu.

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Constats

Parmi les 10 professionnels, deux ont parlé du numérique en général concernant :

- la définition du numérique

- l’usage du numérique comme outil et comme ressource

Un professionnel de recherche s’est intéressé à la question du numérique comme usage dans

nos pratiques en donnant l’exemple de son cas.

Du fait du manque de contenu important pour cette partie, nous supposons que les

professionnels ont acquis cette vision du numérique comme étant une logique dans un usage

quotidien. En effet, pour chaque question en rapport au numérique en général, le professionnel

répondait directement en ciblant sur le numérique au musée. Cela est probablement dû au fait

qu’ils étaient à l’avance avertis du fait que nous aborderons la thématique du numérique au

musée et aussi du fait que leur milieu de travail concerne les institutions culturelles.

L’usage du numérique au musée

Cette partie cherche à comprendre les attentes des professionnels quant à l’usage du

numérique au musée. Il en découle trois grandes thématiques :

Des musées en développement à l’ère du numérique

Les musées se développent de plus en plus en adoptant des dispositifs numériques à l’usage

du public. On constate que les personnes interviewées dans cette partie sont des partenaires ou

organisateurs de l’événement Museomix. Il en découle deux thématiques :

Des musées en marge mais ouverts aux opportunités

Quatre professionnels ont abordé la question du numérique au musée en constatant qu’il y a

un besoin pour les musées en marge.

Les trois premiers témoignages abordent le numérique au musée par un constat en évoquant

un besoin de changer le musée par le numérique. Les termes utilisés sont : « changer des

choses », « frustration », « un peu en marge », « on reste sur des habitudes de

fonctionnement », « pas intégré », « un fort besoin d’évolution », « réinventer ».

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L’idée serait que les musées auraient besoin de modifier leur approche culturelle par l’usage

du numérique. Le numérique permettrait au musée de ne plus être en marge.

« La vision qu’apporte Museomix. En tout cas, ce n’est pas la vision mais la proposition qui est

faite. C’est l’expérience qui m’intéresse voila. Qu’on puisse expérimenter des choses. Euh…

changer des choses, faire des choses en tout cas qu’un musée n’aurait pas mené de cette

manière-là et j’aime bien cette rencontre de fonctionnement de cultures différentes. »

Juliette Giraud, organisatrice de Museomix 2013 Grenoble

« L’idée de Museomix est née à plusieurs têtes. Un peu de moi parce que la première impulsion

c’était ma part parce qu’en fait c’est venu d’une frustration. Moi, j’ai plus partagé un constat et

puis une connaissance de ce qui marche ou plutôt de ce qui ne marche pas dans les musées. »

Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix

« Euh et donc du coup, je suis venu avec ça et puis je travaille dans des musées depuis 14 ans et

en tant que webmaster on se confronte à des difficultés en internet, à faire avancer le projet, à

travailler avec les collègues parce que ça reste toujours un peu en marge et qu’on reste sur

des habitudes de fonctionnement qui centrent le musée autour de l’exposition, qui lui donnent

son rythme, qui lui donnent sa raison d’être finalement et le numérique et le service web est

souvent un peu collé à ça en marge. Et donc c’est pour ça qu’on a souvent des bornes à la fin des

expositions parce que c’est à la fin des projets qu’on se dit : bah mince on n'a pas pensé au

numérique donc on fait une borne. Et donc souvent ce n’est pas articulé, ce n’est pas intégré dans

le propos, ce n’est pas intégré encore moins dans l’expérience du visiteur. Donc tout ça crée un

petit peu de difficulté quand on travaille en interne et quand on conserve ces enjeux là. »

Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix

« On avait identifié le besoin, un fort besoin d’évolution des lieux culturels d’une façon

générale. Il y a un vrai besoin, une réelle volonté de réinventer ces lieux culturels et notamment

les musées. Et nous sommes persuadés au sein d’Imaginov car avec nos entreprises à la fois de

contenu et de techno au service de contenu, on a une vraie valeur ajoutée enfin les entreprises ont

une vraie valeur ajoutée avoir. Il y en a quelques unes qui sont présentes aujourd’hui. Et c’est

dans cet esprit-là qu’on suit l’évolution de Museomix. »

Tanguy Sélo, directeur d’Imaginov, partenaire de Museomix

Deux professionnels abordent la question des formations numériques des professionnels de

musées. Il s’agit probablement d'une des raisons pour laquelle les musées seraient en marge.

« Les professionnels de musées n’ont pas forcément la formation. Alors en terme de nouveau

contenu, ils voient des choses, c’est des gens très curieux. C’est pour ça que ça les intéresse

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d’avoir des dispositifs-là. Je crois que c’est vraiment intéressant pour l’évolution des musées.

C’est complètement évident. »

Tanguy Sélo, directeur d’Imaginov, partenaire de Museomix

« Non les professionnels de musées ne sont pas formés, de plus en plus, les nouvelles

générations, les jeunes le sont mais sinon on offre un service pour les aider, on peut se

connecter à distance sur leur borne puis leur montrer à distance comment faire, ça reste quand

même assez facile mais c’est vrai que souvent les musées, une fois qu’ils ont fait leur exposition

par exemple qui ont installé leur borne même s’ils savent qu’on a la possibilité d’aller changer

les choses souvent ça va rester comme ça pendant plusieurs années parce que des fois, il y en a

qui ont peur de changer ou qui sont débordés puis ils n’ont pas le temps de le faire puis une fois

qu’ils sont habitués et ben il n’y a pas de raison non plus de trop changer les choses. »

Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz

Le numérique au musée reste toutefois favorable puisque qu’il y a une réelle volonté de la

part des professionnels de l’utiliser.

« En plus, c’était super intéressant cette démarche parce que là on n'avait que deux musées. Le

musée de la Houille Blanche à Villard Bonnot, un tout petit musée, je crois que c’est 25 000

visiteurs par an et à côté c’était à Turin, c’était La Venaria Reale, c’est en gros l’équivalent du

Louvre quoi. C’est une sorte de Louvre turinois. C’était intéressant parce que quand on a fait la

restitution finale des dispositifs et de l’évaluation qui n’était pas aussi poussée que va être celle

d’aujourd’hui. Mais c’était vraiment intéressant et les conservateurs disaient “bah oui c’est

évident qu’on a besoin du numérique”. »

Tanguy Sélo, directeur d’Imaginov, partenaire de Museomix

« Oui et je pense qu’il y a une vraie curiosité. Il y a un peu une peur en fait de ça, de ces

dispositifs parce que ça va un peu dénaturer les œuvres. Il y a aussi toute cette approche-là. Donc

il faudrait arriver à faire plusieurs Muséomix, je dirais, pour arriver à prendre conscience à plus

de conservateurs possible qu’effectivement ça ne dénaturalise pas les œuvres. Bien au

contraire, ça peut permettre de les mettre en valeur différemment. »

Tanguy Sélo, directeur d’Imaginov, partenaire de Museomix

Des musées avec des stratégies numériques développées

Certains musées disposent déjà de dispositifs numériques avec une stratégie développée. Les

musées veulent utiliser le numérique, ce n’est pas un rejet de la part des professionnels.

Si l’on prend l’exemple de Museomix, pour les professionnels, il s’agit d’un événement qui

favorise l’intégration du numérique au musée en parlant « d’action innovante », « faire bouger

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les pratiques dans les musées ».

« On connaît bien Museomix parce qu’on a beaucoup participé depuis le début. A chaque fois il

y a des gens de l’équipe qui ont participé à Paris ou à Lyon. Ce qui nous intéresse nous, en ce

moment on travaille beaucoup sur la question de l’innovation culturelle et la question du

nouveau rapport au public, donc en terme de médiation culturelle que ce soit pour le

patrimoine, la science, l’innovation technologique etc.. »

« Et du coup Museomix c’est une action innovante qui vise justement à faire un peu bouger

les pratiques dans les musées. Et donc ça nous intéressait de travailler avec le Musée

dauphinois sur ce projet. Et puis en plus comme on a un fablab à la Casmate juste à côté du

Musée dauphinois ça permettait aussi d’avoir très concrètement des moyens techniques et une

équipe pour travailler en partenariat là-dessus. »

Laurent Chicoineau, directeur du CCSTI

« Comme j'ai dit tous les musées pratiquement maintenant veulent du numérique, il y a de

moins en moins de personnes qui disent que le numérique n'a pas sa place. Pour nous c'est

plus l'interactif. L'interactif reprend sa place dans les musées du fait que c'est un peu toutes

les sortes de musées. »

Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz

Oui pour l’usage du numérique… mais pourquoi ?

Le besoin d'utiliser le numérique est donc présent. Chaque professionnel affirme l’importance

de son usage. La question n’est pas de savoir s’il faut oui ou non utiliser le numérique au

musée. La réponse de la part des professionnels est affirmative. La question serait de savoir

comment on utilise le numérique au musée. Doit-on l’utiliser parce que tout le monde l’utilise

dans ses pratiques quotidiennes ? Doit-on l’utiliser parce que les autres musées l’utilisent ?

Doit-on l’utiliser comme complément d’informations ? Doit-on l’utiliser pour faciliter l’accès

aux contenus et aux œuvres ?

Pour faciliter l'accès au contenu

La première raison pouvant justifier l'utilisation du numérique au musée serait de faciliter le

contenu au public. Les professionnels parlent de « mettre en valeur différemment » les œuvres

tout en évoquant la problématique de l’apprentissage de la manipulation du dispositif.

« C'est pas tant pour le volet technique c'est plutôt pour la méthodologie en histoire orale qui

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nous intéresse. Donc c'est ça, pour nous le numérique c'est la matière première, c'est pas comme

si on avait une collection d'artefacts à mettre en valeur ou autre chose. C'est surtout le récit en

fait plutôt que le numérique.»

Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale

« Pour arriver à prendre conscience à plus de conservateurs possibles qu’effectivement ça ne

dénaturalise pas les œuvres. Bien au contraire, ça peut permettre de les mettre en valeur

différemment. Peut-être de créer des musées hors les murs. C’est aussi intéressant parce

qu’aujourd’hui avec le numérique on peut créer des plates-formes des sites un peu évolué, on

peut permettre de donner envie de venir dans les murs. Et ce n’est pas seulement un discours

intellectuel, je crois que c’est une vraie possibilité qu’on peut avoir. »

Tanguy Sélo, directeur d’Imaginov, partenaire de Museomix

« Avant il faut trouver de belles applications c’est cool à voir, c’est fun mais après ça il faut que

ça serve aussi dans un musée, il faut que ce soit robuste, il faut que ça fonctionne bien, il faut

que la courbe d’apprentissage soit très rapide. Donc quelqu’un qui arrive devant le dispositif,

il ne faut pas qu’il prenne cinq minutes à comprendre comment ça fonctionne. Des fois c’est un

petit peu le problème des nouvelles technologies. »

Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz

Pour un contenu qui prime sur la technologie numérique

La deuxième raison pouvant expliquer l’usage du numérique au musée serait d’avoir un

contenu de qualité au sein du dispositif numérique. Le contenu devient alors plus important

que le dispositif numérique. Cela sous entend qu’il ne faut pas utiliser du numérique pour du

numérique mais bien utiliser le numérique pour apporter un contenu utile et de qualité.

« La logique derrière c'est plutôt dans l'autre sens que ça se fait. Pour nous la question c'est pas

on va faire une exposition puis on va intégrer de l'audiovisuel ou du numérique c'est plutôt

l'inverse. On a ces ressources-là, ces archives-là qui sont numériques puis on veut les mettre en

valeur potentiellement dans une exposition mais ça peut être montré d'une autre façon. Puis donc

on les met en valeur dans une exposition il faut qu'on réfléchisse à comment on présente des

récits qui sont enregistrés sur format numérique. « Nous sommes ici » c'était l'exposition finale

d'un projet très long, d'une durée de 7 ans, l'histoire de vie de Montréal qui a commencé en 2005

qui s'est terminée en 2012 puis l'idée c'était ça, c'est qu'on interviewait 500 personnes avec leur

expérience de déplacement, de la guerre, de violence, de génocide. Puis donc on avait toutes ces

archives puis à la fin on voulait les présenter au public (…). »

« Ben tu vois récemment on a crée un parcours audio guidé autour du canal Lachine ; c'est une

marche d'une heure avec une bande son, avec des extraits d'entrevues tout ça. Au début on nous

demandait souvent pourquoi vous faites pas une application avec positionnement GPS, téléphone

intelligent. C'est bien beau tout ça mais en gros nous c'est des anciens ouvriers, des anciens

résidents de secteurs qui ont été interviewés. On veut qu'ils puissent faire le parcours avec l'état

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audio numérique le plus de base qui existe sans connexion internet, sans manipulation ou quoi

que ce soit donc oui le numérique c'est bien mais le numérique à tout prix, outil et

technologie à tout prix, si ça desserre l'objectif non. »

« Je pense qu'il y a une grande naïveté autour des communautés virtuelles. Je veux dire, le Musée

de la Personne42 c'était un bon exemple, sur le site web il y avait un formulaire, il y avait une

section genre "partager votre histoire" quelque chose comme ça et puis c'était un formulaire de

textes. Les gens pouvaient écrire leur histoire et jamais personne jamais, peut-être que c'est

arrivé une fois que quelqu'un prenne trois heures de sa vie devant son écran à écrire son histoire

sur le formulaire texte. Jamais alors que quand on approchait les gens pour leur demander on

veut passer du temps avec vous, on va vous écouter, on va prendre un café, on va enregistrer ben

je pense que les contacts humains peuvent être aidés, encouragés par le numérique mais de tout

laisser reposer sur, de se fier là-dessus pour créer des interactions, je pense que ça marche pour

une certaine clientèle mais pas pour toutes et puis il y a toutes les questions d'accès. »

Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale

La question de l’apprentissage est également d’actualité. Le contenu doit être facilement

accessible à tous et rapidement. La difficulté serait notamment présente pour des personnes

qui n’ont pas l’habitude d’utiliser les dispositifs numériques dans leur quotidien.

« Avant de pouvoir bien utiliser on a une certaine courbe d’apprentissage puis dans les

musées les personnes passent 5 minutes ou 2 minutes devant la borne interactive ou le système

interactif mais il faut qu’en quelques secondes elle soit capable de l’utiliser comme elle va

utiliser par exemple son téléphone intelligent. Le visiteur s’attend à ce que ça fonctionne tout de

suite comme son téléphone ou comme son ordinateur. »

Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz et partenaire de MuseomixMtl

« Pour l’instant les iPods, la plupart des gens ont leur téléphone. Et ceux qui empruntent les

iPods, c’est en général toutes les personnes âgées qui ne comprennent pas grand chose. Puis ça

met ½ heure à expliquer comment fonctionne l’appareil. Puis de l’autre côté on a celui qui

est très habitué et qui utilise son propre appareil. Ça aussi il faudra comparer et voir le degré

de personnes et le temps d’adaptation à l’appareil. »

Stéphanie Mondor, responsable des collections / techniques

au Centre d’histoire de Montréal

Pour le rapport avec le public

42 Le Musée de la Personne était un site internet dont l’origine est à l’initiative du Centre d'histoire de Montréal. Les citoyens sont invités à déposer leur témoignage en ligne et ainsi, préserver et partager leur histoire tout en créant «leur musée». Toute personne peut donc individuellement ou collectivement, à titre d'acteur de l'histoire, enrichir la collection virtuelle vouée à la mise en valeur du patrimoine immatériel.Toutefois, cette initiative de 2006, n’a pas abouti sur du long terme, Eve-lyne Cayouette-Ashbee nous en explique les raisons dans son entretien.

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On constate que les professionnels interviewés s’intéressent particulièrement au rapport avec

le public par l’usage du numérique. On pourrait dire que le numérique permet de donner le

choix au visiteur et de ne plus lui imposer un contenu. Grâce au numérique, il dispose d’une

multitude de contenus qu'il peut exploiter à sa guise. Les professionnels évoquent des termes

tels que « interactivité », « participatif », « dimension sociale » et « expérience muséale».

« Et je suis allé en disant : bah voilà, moi j’ai envie de faire des choses où les publics sont un

peu plus acteurs où ils ont une présence plus importante. En tout cas, la possibilité de

déterminer la présence qu’ils veulent avoir et que ça soit pas uniquement une assignation de ce

qu’il faut faire, de ce qui est beau, de ce qu'il faut retenir, de ce qu'il faut apprendre. »

Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix

« Il faut offrir toutes les possibilités au visiteur, c'est pas de simplement appuyer sur play sur

une borne interactive mais c'est de lui offrir aussi par exemple des onglets dans un contenu on a

plein d'avantages sur la vidéo sur des galeries d'images des choses comme ça donc c'est de lui

offrir un contenu complexe, c'est lui qui va consulter ce qu'il veut quand il veut et puis comme il

le veut. (…) C’est peut être de pouvoir montrer des choses maintenant qu’on pouvait pas montrer

avant, montrer d’une façon un peu plus participative. »

Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz et partenaire de MuseomixMtl

« Nous on pense que l’interactivité est vraiment une valeur ajoutée dans l’expérience du

musée, ça prouve un petit aussi du parcours standard dans un musée où est ce qu’on voit des

objets, on lit le panneau qu’il y a à côté puis ça se limite souvent à ça dans un musée. Nous on

va faire participer un peu plus le visiteur en lui donnant des options puis en le faisant bouger un

petit peu puis c’est lui maintenant qui décide de consulter ce qu’il veut consulter dans l’ordre

qu’il veut le consulter. C’est aussi un moyen je pense d’attirer un peu plus la clientèle jeune

dans les musées ; mettre le numérique, ils sont beaucoup plus attirés vers ça puis pour le musée

pour lui c’est une façon de facilement pouvoir mettre à jour ses contenus interactifs dans les

musées. »

Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz et partenaire de MuseomixMtl

Le numérique serait un moyen de créer des liens entre les personnes. Toutefois, Laurent

Chicoineau s’interroge sur « le paradoxe de l’interactivité qui n’est pas pensé collectivement

mais pensé pour une seule personne ». Cette phrase porte à réflexion puisque de manière

générale le dispositif est habituellement utilisé par une seule personne à la fois. Grâce au

numérique, la dimension participative est présente mais assez peu collectivement.

« Je trouve que la réalité augmentée avec les sous-vêtements43 c’est amusant parce que le visiteur

43 Les dessous menteurs : Il s’agit d’un prototype Museomix 2013 installé dans l’exposition « Les Dessous de l’Isère » au Musée dauphinois de Grenoble. Dans ce dispositif, le visiteur peut essayer des sous-vêtements de

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s’amuse avec le patrimoine en fait, avec les images. C’est pas des objets, c’est que des images.

Donc ça c’est assez marrant. Le fait que les autres puissent regarder aussi. Il y a une dimension

sociale dans cette manipulation qui est intéressante. (…) C’est quand même aussi un des

handicaps de ces dispositifs interactifs. Finalement ça fonctionne quand il y a peu de monde. Ce

qui est assez curieux de la part des musées de soutenir des dispositifs pour peu de visiteurs. Il y a

un paradoxe dans l’interactivité qui n’est pas pensé collectivement mais pensé pour une

seule personne. Et c’est ce que j’aime bien dans les sous-vêtements augmentés c’est que ce n’est

pas juste pour soi pour rigoler dans une cabine mais tout le monde peut le regarder. Du coup là

c’est plus collectif. »

Laurent Chicoineau, directeur du CCSTI

L’usage de dispositifs variés… Lesquels choisir ?

Cette partie vise à comprendre quels types de dispositifs numériques les professionnels

mettent en place auprès des visiteurs. Quels types de dispositifs sont les plus utilisés ? Pour

quelles raisons ?

Favoriser l'accès au contenu par des tablettes / bornes interactives

D’après les professionnels interviewés, nous pouvons déduire que les dispositifs les plus

utilisés sont les Smartphones, les tablettes et les bornes interactives. Il s’agit probablement des

dispositifs les plus faciles à manipuler pour le visiteur puisque celui-ci peut posséder une

tablette ou un Smartphone dans ses pratiques quotidiennes. L’idée serait de rendre accessible

le contenu par des dispositifs que le visiteur a l’habitude d’utiliser pour que la manipulation

soit facile et rapide pour lui.

« C'est comme notre audioguide. Chaque fois qu'on le fait c'est le plus simple possible : il y a

un bouton clé lecture, pause, avancer, reculer et puis même ça les personnes âgées il faut leur

expliquer : le bouton qui est là c'est pour le volume… »

Evelyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale

Aussi les professionnels du numérique développent de plus en plus d’applications pour

faciliter l’accès au contenu du professionnel de musée par une interface qu’il pourra lui même

manipuler. Le professionnel du numérique cherche à rendre autonome et à former le

diverses époques. Face à un miroir sans tain, le visiteur se sait observer ou peut-être l’oublie-t-il en vivant l’expérience de l’essayage qui lui est proposé. Il se confronte alors à l’évolution du corps de la femme et à celle de son image, modelés tous deux par les dessous féminins.Une tablette tactile, présentant un “catalogue” de sous-vêtements classés par époque (4 époques, des codes du trousseau fin 19ème siècle au Wonderbra fin 20ème siècle, en passant par les silhouettes garçonnes de l’entre-deux-guerres et les pin’up des 50′s) se trouve sur sa droite. Il sélectionne le sous-vêtements qu’il souhaite “essayer”, 3 ou 4 par période – corset, cache-corset, fond de robe, soutien-gorge en obus, cœur croisé…) : l’image du sous-vêtement est projetée dans son dos, donnant au visiteur qui se regarde dans le miroir l’impression qu’il est habillé. Le sous-vêtement peut être ajusté sur la tablette à sa morphologie. Le visiteur juge de l’attrait de ces sous-vêtements anciens ou très récents sur lui-même, tandis que la projection et l’éclairage dessinent son corps en ombre chinoise sur le voilage de la cabine pour les visiteurs à l’extérieur.

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professionnel du musée. Ce qui est le cas de MuzéUs proposant un CMS44 déjà tout fait

(équivalent au Wordpress sur le web par exemple).

« Donc nous on fait tout ce qui est application interactive que ce soit des applications sur un

kiosque interactif par exemple sur un PC avec un moniteur tactile et tous les formats. Ça peut

aller d'une petite télévision de 17 pouces jusqu'à un mur vidéo interactif au complet. Puis on

fait aussi des applications mobiles tablettes, téléphones intelligents. On a aussi développé un

produit pour les musées qui s'appelle MuzéUs donc ça c'est une solution d'audioguide

interactif. Les musées, plutôt que développer leur propre audioguide, développent une

application sur mesure. Ils peuvent utiliser MuzéUs. Ils se créent un compte sur le site de

MuzéUs puis peuvent accéder à un CMS sur lequel ils peuvent construire facilement leur

audioguide en mettant des images, des textes, des vidéos donc ils construisent leur audioguide

comme ça (…).

Comme je disais souvent les musées où les clients ne savent pas exactement ce qu’ils veulent,

ils veulent l’interactif donc la meilleure façon de leur donner des idées ou d’en arriver à des

premiers scénarios ou des maquettes, c’est de leur montrer déjà un peu ce qu’on a fait donc eux

vont piger les idées à gauche à droite de projets antérieurs qu’on a fait. Ils voient ce qu’ils

aiment, ils voient ce qu’ils n’aiment pas puis c’est avec ça qu’on est capable de mieux

comprendre puis d’aller dans une direction mais souvent ça reste ou dans le tactile ou dans

l’application mobile. »

Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz et partenaire de MuseomixMtl

L’exploitation du web

Le web est une plate-forme énormément exploitée par les musées. Sites internet, réseaux

sociaux ou expositions virtuelles, tous les musées y participent permettant ainsi de se faire une

identité numérique. De plus en plus de professionnels s’intéressent au web participatif et de la

manière dont le public peut participer à la vie du musée.

« Et ça vient des principes même de ce que a permis le web. C’est à dire, le web et l’architecture

du web plutôt de pair à pair, en réseaux horizontaux, le web qui est basé sur le principe du read-

write, donc on peut lire mais aussi écrire : donc ça c’est la notion de participation. Et donc le web

qui est par défaut jusqu’à aujourd’hui en tout cas et ça pose des questions aujourd’hui,

ouvertes. »

Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix

Certains musées exploitent les réseaux sociaux dans leur stratégie. Il s’agirait d’un moyen de

fidéliser le public et de communiquer avec. Toutefois, l’intérêt serait de cibler les réseaux

sociaux et d’être présent dans les réseaux les plus stratégiques et favorables au musée et non

d’être partout car il faut prendre le temps d’animer ces médias sociaux.

44 CMS : Content Management System ou Système de Gestion de Contenu une famille de logiciels destinés à la conception et à la mise à jour dynamique de site web ou d'applications multimédias.

65

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« Il y a le musée du Quai Branly qui a plusieurs comptes Facebook. T’imagines ça ! Et même

Twitter ! Selon les projets. Enfin là, ce qui pourrait être intéressant dans notre cas, c’est d’en

avoir un pour Vous faites partie de l’histoire !, parce que là, les jeunes ne vont pas devenir amis

avec le CHM mais s’il y a un Facebook du projet ça peut les retenir pendant un certain temps

avec un dialogue qui s’établit. Ça veut que ça prenne quelqu’un qui est vraiment à plein temps

aussi. »

Josée Lefèbre, responsable des publics

au Centre d’histoire de Montréal

« Tu sais je regarde ma jeune et elle communique beaucoup par Facebook. Tu sais ils n’utilisent

plus beaucoup le téléphone et vont s’écrire des messages sur Facebook. C’est plus une façon de

communiquer. Ils vont quand même regarder les nouvelles mais vont moins commenter et

intervenir sur les publications. Après ça ne sert à rien non plus d’être partout dans les

réseaux sociaux. Puis de ne pas avoir le temps d’animer. Enfin il faut bien choisir qu’est-ce

qui est utile au musée. Il y a Instagram ou je m’étais posé la question parce que je vois qu'il est

de plus en plus utilisé par les musées mais je ne connais pas trop. Mais tu vois Flickr ça

fonctionne bien on le voit surtout avec les photos du concours photo et ça a été énormément vu

par les internautes. Puis après on a pas mal de personnes qui nous suivent. Ça rejoint. Pour

Twitter, on avait choisi de le fermer parce que justement ça nous en faisait trop et qu’on

n’arrivait pas à l’alimenter puis on a constaté qu’il y avait pas mal de personnes sur ce réseau

social. Donc au final on a refait un compte. Ça marche bien même si on ne l’alimente pas aussi

souvent que Facebook. »

Jean-François Leclerc, historien et directeur au Centre d’histoire de Montréal

Les musées s’inspireraient d’autres musées pour trouver des idées à exploiter dans les médias

sociaux. Ils s’intéresseraient également à la manière dont l’internaute exploitent lui-même le

réseau social et s’adapteraient en fonction de son utilisation. Enfin, animer les réseaux sociaux

demande du temps et des moyens humains conséquents.

La question du budget

La question du budget reste primordiale dans l’usage du numérique au musée. Il s’agit de

l’une des principales raisons pour lesquels les musées n’exploitent pas le numérique.

Pour les professionnels du numérique, il s’agit de proposer des dispositifs avec un coût

raisonnable notamment pour les petites structures qui n’ont pas les moyens.

« Avant on faisait beaucoup moins de mobiles on faisait plus les écrits interactifs avec PC puis à

force d'assister à des conférences (…) on parle avec beaucoup beaucoup de musées. Puis on s'est

aperçu qu'il y avait beaucoup de musées mais très peu de gros musées avec des moyens. Il y a

une tonne de petits musées qui n'ont pas vraiment de moyens puis eux, se payer une

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application mobile je sais pas 25000 dollars, ils n'ont pas les moyens mais tous les musées

veulent maintenant du numérique, veulent de l'interactif dans leur musée donc souvent on

rencontre des clients qui nous disent ben nous on veut de l'interactif mais on sait pas ce

qu'on veut (…). Donc la plupart des musées veulent une application mobile. On s’est dit

qu’on pourrait construire une application interactive, une application mobile que tous les musées

pourraient utiliser plutôt que développer pratiquement la même application interactive pour tous

les musées on en développe une puis on y va sur des forfaits mensuels par exemple que les

musées peuvent s'inscrire et faire parti de MuzéUs. »

Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz et partenaire de MuseomixMtl

Pour les professionnels des musées, c’est un facteur qu’il faut prendre en compte surtout s’il

s’agit d’une petite structure. L’usage du numérique est toutefois présent mais exploité

différemment.

« A part les grands musées comme le Musée de la Civilisation qui ont une équipe, cinq personnes

spécialisées dans le numérique sinon les autres musées sont comme nous autres. Souvent les gens

vont avoir une subvention pour faire quelque chose pour mettre en place un méga truc mais après

ça il vont rouler avec ça pendant des années puis après comment le mettre à jour quand on a

plus le budget. C’est pour ça que nous il faut penser vraiment à l’échelle du CHM. Dans un

but qui peut être développé mais qui on est capable de le gérer tant qu’on n’a pas atteint notre

idéal. »

Josée Lefèbre, responsable des publics au Centre d’histoire de Montréal

Constats

Tous les musées souhaiteraient utiliser le numérique mais pour certains facteurs, tous ne

peuvent pas l’exploiter dans sa totalité.

Il existerait ainsi deux types de musées :

- le musée en marge présent en général dans les petites structures

- le musée à la pointe de la technologie présent en général dans les grandes institutions

Les professionnels affirmeraient la nécessité de l’usage du numérique au musée pour deux

raisons :

- Afin de faciliter l’accès au contenu : il s’agirait de favoriser le contenu sur la

technologie.

- Afin de créer une relation de proximité avec le public : le numérique est utilisé dans

les pratiques quotidiennes donc l’accès au contenu serait adapté aux pratiques du

public. Toutefois, le problème de la difficulté d’accès au contenu est présent par la

familiarisation de l’objet numérique qui n’est pas toujours facile à manipuler.

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Ces deux types de musées utiliseraient le numérique mais à échelles différentes. L’usage du

numérique varie selon les institutions et selon les moyens. On trouve alors deux types

d’usages :

- l’accès par les tablettes, bornes interactives et téléphones intelligents : il s’agirait

d’une pratique de plus en plus présente dans les institutions. Même les petites

structures peuvent y trouver un moyen de développer une application mobile.

- L’exploitation du web permettrait de se donner une identité virtuelle et de se

positionner dans la toile. Le site internet et les réseaux sociaux seraient les plus

favorables aux musées. Certains développeraient de plus en plus d’expositions

virtuelles.

La question du budget reste assez présente. Les moyens humains seraient généralement

insuffisants pour les petites structures afin de consacrer une section numérique dans leur

travail et de l’alimenter. Aussi il serait difficile pour certains d’établir des dispositifs

numériques sur du long terme.

Ainsi, il s’agirait de petites structures avec peu de moyens qui se trouveraient dans ce cas. On

pourrait alors constater un écart pouvant se créer entre petites et grandes institutions. La

médiation numérique est quasi absente dans les petits musées tandis que dans les grands

musées elle se développerait constamment.

Concernant les professionnels du numérique, ils prendraient conscience de cet écart et

proposeraient des solutions adaptées aux petites institutions.

Le numérique comme outil de travail

Nous nous intéresserons à comprendre et à évaluer les modifications potentielles qu’apportent

le numérique dans le travail des professionnels. Il en ressort trois grandes thématiques :

- les professionnels qui sont en faveur ou en défaveur de l’open data

- les professionnels qui s’intéressent au travail collaboratif

- les professionnels qui proposent des méthodes de partages de contenus variés

Pour ou contre l’ouverture des données ?

La question de savoir si l’ouverture des données est favorable au musée a suscité plusieurs

sous thématiques.

Toutes les personnes interviewées sont favorables à l’open data. Certains professionnels

partagent leurs données et les réutilisent, tandis que d’autres professionnels ne partagent pas

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leurs contenus mais réutilisent les données partagées.

Pour l’open data

Les professionnels qualifient l’open data comme étant « un bien commun » permettant la

création de « communauté ».

D’un côté, il y a le fait de partager un logiciel et de l’autre, le fait de partager une méthode de

travail permettant aux personnes de s’en inspirer.

« Oui mais pourquoi on proposerait ce logiciel45 à la vente, je pense que le but c'est au contraire,

de créer une communauté autour du Centre évidemment mais autour d'un logiciel aussi puis de

continuer à le faire évoluer nous même et à le voir évoluer aussi pour d'autres utilisations, pour

d'autres besoins (…). Pour créer quelque chose, il y a de la recherche qui se fait autour puis après

d'essayer de le partager ou de le diffuser et que ça reste ici parce que personne ne veut

l'acheter, personne n'a les moyens, tu sais on est pas dans une logique mercantile (…). Nous, tout

ce qu'on fait nous, on est dans la transparence totale, dans le partage en permanence. »

Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale

« Et donc le web (…) on peut voir le code source, on peut voir ce qu’il a construit et on peut

le reprendre et en refaire une version à soi. C’est comment on peut transformer et malaxer le

musée et le patrimoine sous cette même optique-là. Avec toutes les difficultés, on ne peut pas le

transposer, on ne peut pas le copier-coller sinon ça serait faire de l’internet centrisme. Mais on

essaie de voir qu’est-ce qui fait que ça fonctionne et comment on peut s’en inspirer pour le

transcrire et sortir de l’inertie, sortir de la difficulté à être plus agile dans le musée. »

« Les hackatons sont souvent organisés par des grosses boîtes ; et souvent les résultats sont

privatisés et ré exploités. Et nous on ne veut pas faire ça. On veut créer du bien commun. Et

on voudrait que les musées créent du bien commun. Et pour faire ça, il faut que les choses

restent libres, ouvertes, en circulation, en flux, que n’importe qui d’autre puisse le

récupérer et en refaire le sien tant qu’il le reverse. (…) Quand tu privatises, tu gardes pour toi,

t’es dans une logique de canal. Alors qu’avec du bien commun tu exploites mieux la logique

de réseau. Et on voit bien Museomix en soi essaie de mettre en œuvre ça. En passant par un

Museomix les uns après les autres. Là, on aide des gens à faire eux-mêmes leur communauté.

Et on n’aurait jamais pu le faire nous tout seul. C’est parce que c’est ouvert. Parce que la

recette, le code source de Museomix est ouvert que d’autres peuvent se l’approprier. »

Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix

Ne pas tout partager

Si tous les professionnels sont favorables à l’open data, un professionnel du numérique

45 Eve-lyne Cayouette-Ashbee parle du logiciel open source d’histoire orale qui s’appelle Stories Matter développé par l’université Concordia et libre d’accès.

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s’interroge sur le fait de devoir tout partager ou non.

« Si on pratique l’open data… oui et non en fait ça c’est peut être un plus pour les musées qui

vont des fois partager leurs collections. Nous c’est sûr que le travail qu’on fait c’est des

applications interactives, une fois qu’on l’a fait, on essaye plus de la vendre que de la

partager avec le reste de la communauté. Ben après, les musées c’est plus le partage des

collections après ça, ils peuvent pas vraiment partager ce qu’on leur livre parce que nous c’est

livré sous les licences justement pour empêcher les musées de revendre ou de donner ce

qu’on leur a livré. »

Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz

et partenaire de MuseomixMtl

L’objectif de l’open data entre un musée et une entreprise n’est pas le même puisque le musée

partage le plus souvent le contenu de ses collections.

Le travail collaboratif

Le travail collaboratif est nécessaire pour le bon fonctionnement d’un projet. Les

professionnels interviewés se sont notamment intéressés aux raisons qui nous poussent à

collaborer. Il en découle quatre thématiques :

un investissement commun

Le travail collaboratif permet à chacun d’y apporter sa contribution et d’en apprendre sur le

travail des autres. L’exemple de Museomix est la thématique principale. Les personnes ont été

interviewées durant cet événement. Chacun a défini les attentes de Museomix.

« Museomix c’est le fait de participer à quelque chose. Dans ce que j’ai compris, il fallait

qu’il y ait un ensemble de ressources et ces ressources étaient à disposition aux gens des

projets. »

Gérald Dulac, directeur d’Eolas, partenaire de Museomix

« Nos attentes de Museomix c’est à la fois de la curiosité, l’idée de voir ce que ces équipes

Museomix qui ont été constituées pour l’événement vont produire. Donc qu’est-ce qui va

sortir de tout ça ? Donc, il y a quand même une attente sur les résultats puisque le processus on

le connaît bien maintenant et c’est un processus qui est intéressant, stimulant, qui travaille sur

la transversalité, sur la pluridisciplinarité des équipes donc ça c’est bien. En un temps réduit

aussi, c’est le côté sprint qui est intéressant. Le côté aussi du prototypage rapide, puisqu’il

ne suffit pas seulement d'avoir des idées et des scénarios mais c’est aussi de les mettre en œuvre

jusqu’à la mise en public avec le regard par le public, le test avec le public et l’innovation par

le public. Donc toute cette démarche nous intéresse beaucoup.»

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Laurent Chicoineau, directeur du CCSTI

« Pendant ce week-end il y a 140 personnes qui travaillent, entre les museomixeurs,

l’organisation, les partenaires et tout ça. Donc c’est intéressant et on sait bien qu’un dispositif

comme celui-là ne se vend pas tout seul. A partir du moment où on avait décidé de s’y engager,

on pouvait s’y engager avec des ressources humaines et éventuellement donner un petit

coup de pouce financier si ça pouvait aider à l’organisation. »

« Nos attentes c’est vraiment de voir un peu les… moi j’attends aussi beaucoup de la partie

évaluation qui est faite. (…) Nous croyons beaucoup en ça parce que dans cette évaluation y

aura l’approche des museomixeurs, pourquoi ils se sont investis? Pourquoi ils étaient là?

Pourquoi ils sont venus trois jours? Même gratuitement. Quelles étaient leurs logiques par

rapport au lieu? Comment ils voulaient le réhabiliter? Toute cette approche là. Il y a tout un

intérêt de l’évaluation des partenaires, des organisateurs, de voir tout ça. Est-ce qu’il y a des

choses à optimiser? Quels peuvent être les apports des uns des autres? Nous misons beaucoup là-

dessus. ça nous intéresse beaucoup. »

Tanguy Sélo, directeur d’Imaginov, partenaire de Museomix

l'importance de personnes venant de divers horizons

Quatre professionnels ont insisté sur l’importance de travailler avec des personnes aux

compétences variées. Le contexte d’entretien (pendant Museomix, lors du forum Les musées

à l’ère du numérique et pendant une prise de rendez-vous) et les profils des professionnels

sont assez divers. Tous ont été favorables à un travail collaboratif réunissant des personnes

venant de divers horizons.

« On va bientôt changer notre texte officiel d’instruction de gouvernance justement pour éliminer

cette distinction46 là qui n'est plus du tout réelle. Puis au centre de recherche, on accueille 150 à

160 affiliés. (…) C'est une majorité d'individus qui sont soit des chercheurs académiques, soit

des étudiants mais aussi des gens de la communauté : des artistes, des éducateurs, des activistes

(…). Il y a certains projets ou certains affiliés ont vraiment (…) qui s'intéressent plus aux

technologies numériques alors qu'il y en a d'autres qui travaillent de façon plus traditionnelle

sans s'investir nécessairement dans ces méthodes là. Donc on a une variété de pratiques et puis

de projets. »

Cette collaboration entre deux domaines de compétences a permis la création d’un logiciel

open source accessible à tous depuis internet :

« Pour le logiciel Stories Matter, on s'est dit pourquoi pas en développer un avec des historiens

46Eve-lyne Cayouette-Ashbee parle de la distinction dans le nom du centre de recherche « Centre

d’histoire orale et de récits numérisés ».

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spécialisés en histoire orale qui connaissent les besoins du milieu et des informaticiens qui

savent comment programmer puis créer un logiciel donc ils se sont mis ensembles, ils ont

travaillé pendant deux ans là-dessus, il y a eu plusieurs versions du logiciel qui ont été créées

puis ils continuent à se développer avec le temps. »

Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheuse en histoire orale

Museomix est cité comme étant un exemple de référence en matière de travail collaboratif aux

multiples compétences :

« Par exemple, cette année47, on avait des gens qui sont partenaires en art sciences qui nous ont

proposé deux metteurs en scène. On n’avait pas vraiment imaginé d’exploiter cette ressource-là

et ça a été vraiment quelque chose d’important, toutes les équipes l’ont utilisé comme

ressources. »

Juliette Giraud, organisatrice de Museomix 2013 Grenoble

« Est-ce que ça a changé leurs méthode de travail? Est ce qu’il y a un avant ou un après

Museomix ? Par exemple, je pense au premier Museomix au musée des Arts déco à Paris. Euh…

changer c’est difficile… disons qu’il y a cette idée mais je pense que les gens s’ils viennent

participer à Muséomix c’est parce qu’ils sont aussi convaincus que c’est important de

travailler en transversalité, avec d’autres disciplines, de ne pas être dans une approche plus

scientifique qui va ensuite être vulgarisé par les réalisateurs techniques etc… Donc je pense que

c’est une dynamique. Muséomix c’est un moment qui vient à la fois le confirmer puis le

développer, lui donner de la visibilité, cette dynamique. »

Laurent Chicoineau, directeur du CCSTI

« Donc l’idée c’était de dire comment on fait pour faire autrement. Moi, j’avais pas du tout

la réponse, j’avais plutôt les problèmes. Et donc je suis allé voir des gens avec qui j’avais

une forte affinité, avec qui je m’entendais bien, qui était Julien Doras, qui était Nod-A, une

agence qui faisait des choses autour de la co-création dans le domaine du design notamment.

Julien qui organise les dorkbot à Paris donc beaucoup autour de la créativité numérique, plutôt

les codeurs et puis avec le centre ERASME que je connaissais aussi depuis très longtemps qui

est un espace muséographique d’expérimentation à Lyon et Diane, qui nous a quitté depuis et qui

a ouvert un des tout premiers blogues qui parlait autour de la communication 2.0 comme on

disait à l’époque dans les musées. Elle est aussi une amie avec qui on a organisé toutes nos

conférences en France sur les musées et le web 2.0 justement. »

Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix

« Oui c’est important le fait qu’ils viennent de différents horizons. Parce qu’on voit bien…

par exemple, aujourd’hui on est dans une conférence48 et il y a que des gens de musées et c’est

très bien mais on ne peut pas sortir de notre bocal si on fait ça. Je pense qu’il faut bien se

connaître d’abord, c’est sûr. Il faut faire de l’entre soi, ça ne l’exclut pas mais il faut un

47 Juliette Giraud parle de l’événement Museomix Rhône-Alpes 2013 au Musée dauphinois de Grenoble48 Samuel Bausson fait référence au Forum Les musées à l’ère du numérique organisé par la SMQ les 11 et 12

juin 2014 à Montréal

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moment aussi être bousculer et sortir de sa zone de confort et ça, ça se fait en allant se

frotter à d’autres univers avec des gens qui parlent différemment, qui nous énervent parce

qu’ils ne nous comprennent pas et réciproquement pour arriver à quelque chose de plus

riche. C’est ce qui permet la richesse des propositions. Je suis de musée et on était avec

d’autres qui sont d’autres horizons et c’est ça qui a créé Museomix. Nod-A n’aurait pas créer

Museomix sans moi parce qu’il n’aurait pas eu connaissance des fonctionnements des problèmes

de l’univers des musées. Et moi je ne l’aurais pas fait sans eux et sans Julien et sans le centre

ERASME parce que je n’avais pas une approche, une méthodo, voilà. »

Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix

une communauté

Le travail collaboratif crée des liens et amène à développer une communauté. Chacun apprend

de l’autre en donnant et en recevant. Museomix est cité comme exemple pour la création de

communauté.

« Oui oui bien sûr ça m’apporte des rencontres, des contacts professionnels et puis ça

m’apporte… j’apprends des fonctionnements de travail. Euh… j’apprends même au-delà

de ça une expérience humaine et donc ça c’est très enrichissant. »

Juliette Giraud, organisatrice de Museomix 2013 Grenoble

« Donc on se connaissait bien, ça a permis de se créer un noyau où il y avait une confiance

qui permet de lancer ce type de projet où les choses ne sont pas trop cadrés comme ça peut

être comme dans des projets plus classiques où il y a un postulat au départ, une envie, quelques

principes. On a formalisé assez vite les principes de base de Museomix qui étaient de dire "on

rend le musée plus ouvert, on rend le musée plus connecté et on rend le musée plus

participatif." Ce qui m’intéresse c’est fondamentalement qu’est ce qui fait que des gens

arrivent à s’associer pour faire des choses créatives ensemble. Là, on aide des gens à faire

eux-mêmes leur communauté. Et on n’aurait jamais pu le faire nous tout seul. C’est parce

que c’est ouvert. Parce que la recette, le code source de Museomix est ouvert que d’autres

peuvent se l’approprier. »

Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix

une complicité

Cette communauté de travail collaboratif permet de se créer des liens forts entre

professionnels. On parle alors de Museomix et de la manière dont ça a développé une

« relation humaine », une « complicité » et une « relation encore plus forte » entre la

communauté Muséomix.

« (…) il se trouve que je connais assez bien Jean Guibal et à une occasion grenobloise je le

rencontre et je lui dis : "Tu sais on fait un truc sur les open data super bien et il faudrait qu’on

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t’en parle". Et donc on a invité l’entreprise et on lui en a parlé. Et il m’a dit : "Mais ça c’est

génial pour Museomix on en a besoin." »

Gérald Dulac, directeur d’Eolas, partenaire de Museomix

« Humainement ça a été très fort car il y a beaucoup de gens qui se sont impliqués, des gens

curieux, des gens ouverts. Voilà, donc les partenaires nous proposent aussi des choses qu’on

n’avait pas envisagé pour Museomix. Et puis je dis collaboration et je dis complicité. Et on a

vu qu’il y avait plein de partenaires qui, au départ, nous ont dit : “Bon Bah je vous prête une

techno, ou un objet ou un outil et puis, qui, finalement sont passés nous voir le samedi et n’ont

pas pu repartir et sont restés jusqu’à dimanche parce qu’ils sont rentrés dans l’aventure. C’est

au-delà de la collaboration c’est de la complicité, c’est le partage de valeur et d’envie.

J’apprends même au-delà de ça une expérience humaine et donc ça c’est très

enrichissant. »

Juliette Giraud, organisatrice de Museomix 2013 Grenoble

« Après ce que l’on attend aussi concrètement c’est d’avoir une nouvelle… enfin c’est une

relation encore plus forte avec le Musée dauphinois mais qui existe déjà. On a déjà des tas de

projets en parallèle donc ça fait partie de la dynamique locale. »

Laurent Chicoineau, directeur du CCSTI

« Des gens disent qu’on est un hackaton mais en fait on n’en est pas un. On préfère appeler ça un

marathon créatif. On joue sur les mots peut être mais en fait la difficulté c’est qu’on ne voudrait

pas être associé justement à un hackaton parce que souvent il y a l’esprit de compétition

qui n’est pas du tout le cas dans Museomix. Même s’il y a une émulation mais c’est plutôt

une compétition joyeuse. Ça c’est important, le sens de la fête aussi. Jouer et prendre du

plaisir au musée c’est quand même en soi déjà pour moi important donc si on commence à

être en compétition on risque de rentrer dans des logiques productivistes et des choses

comme ça et on ne veut pas ça. »

Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix

Des méthodes de partages variées

Plusieurs professionnels parlent de leur expérience dans la manière dont ils ont partagé leurs

données. Il en découle 3 thématiques :

le Fork

Un professionnel a évoqué la possibilité de réutiliser les données afin de les réutiliser à sa

guise pour pouvoir créer ou améliorer de nouveaux contenus.

« Que d’autres d’ailleurs ont fait dans leur développement la fork, traduit en français ça rend

fourchette. C’est quand un logiciel ne te plaît pas et que plutôt que de contribuer à un

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logiciel qui ne te plaît pas, bah tu prends le code source et tu refais ta propre version. Il y

a des gens qui ont fait le fork de Museomix dans les bibliothèques. Là c’est pas parce que

ça ne leur plaît pas mais c’est pour les réadapter. Il y a des Biblioremix maintenant. »

Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix

partager du contenu et le réutiliser

Les professionnels parlent de réutilisation de données et de la manière dont les autres se les

réapproprient. C’est le cas du programme de recherche Datalise ou de Museomix.

« Dans le cadre de ce partenariat, est testé une première plate-forme open data en mettant à

disposition des données du patrimoine qui ont été fournies par le Conseil Général dans le

cadre de Museomix. Donc on est dans une chose assez innovante, dans un moment spécial

avec une façon de faire un peu pas classique. Il se trouve que, dans ma fonction actuelle, je

dirige un programme de recherche qui s’appelle Datalise qui porte sur le traitement des Big

data et dans ce traitement de big data on piste un certain nombre de sujets dont l’open

data. Et dans le cadre de ce programme d’investissement à venir, il y a un plan de travail sur

une plate-forme open data à disposition des collectivités territoriales mais aussi des

entreprises. Et là on est dans le prototype.

Gérald Dulac, directeur d’Eolas, partenaire de Museomix

« Je pense que ça inspire maintenant d’autres. Mais ça permet en fait de faciliter et de

libérer la diffusion et la réappropriation du code ouvert ou le fonctionnement ouvert on

va dire. »

Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix

« Là, il y a peut être des dispositifs, des outils technologiques, enfin des dispositifs

numériques qui vont être réutiliser. Donc c’est pour ça que tout ça c’est intéressant. Il y a

énormément de choses à faire. Surtout qu’on en est tout au début. »

Tanguy Sélo, directeur d’Imaginov, partenaire de Museomix

Pour les musées, il s’agirait de partager leur collection et leur contenu. L’idée serait de « faire participer le public » également dans cette quête de partage de données.

« On se dit « muséologie citoyenne ». On l’est. Et c’est peut être notre façon de se différencier des autres musées d’histoire de Montréal. Faire participer le public et lui demander de l’aide pour identifier un artefact par exemple ou pour avoir son témoignage. En fait, ça serait recueillir toutes les informations que nous fournissent le public. »

Jean François Leclerc, historien et directeur au Centre d’histoire de Montréal

Ainsi le partage des données serait favorable dans la mesure où l’intérêt est utile pour les deux : celui qui partage et celui qui reçoit pour les réutiliser. Mais le problème de droits est toujours présent.

« A partir du moment où on aura notre contenu historique en ligne c’est sûr que ça va servir à

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alimenter les réseaux sociaux. Si on a 4 à 5 articles par mois. Il faut montrer qu’on a une expertise basée sur des connaissances et il faut que ça apparaisse à quelque part et le numérique peut permettre ça.On a aussi un centre de documentation a disposition de tous sur rendez-vous pour consultation. L’idéal serait que notre catalogue soit disponible en ligne et même partager dans les bibliothèques de la ville. Puis on peut se montrer comme référence concernant l’histoire de la ville de Montréal. Mais le problème c’est qu’on a des articles, des dossiers documentaires ou des ouvrages d’autres auteurs. On n'a pas numériser ça puis c’est toujours une question de droits. Bon on a quand pas mal de contenus faits par la ville donc là, j’imagine qu’on a moins de problèmes. C’est pas évident. »

Stéphanie Mondor, responsable des collections au Centre d’histoire de Montréal

Le musée chercherait alors une autre alternative pour diffuser le contenu. L’objectif est donc présent : il y aurait une véritable envie de partager le contenu du musée gratuitement et accessible à tous en ligne. Le musée serait alors au service du public en lui donnant les ressources nécessaires qu’il souhaite en plus de la visite d’une exposition.

« On pourrait être des relais. Plutôt que de dire que c’est notre contenu, on renvoie à des choses extraordinaires mais il faut que tu connaisses un peu l’histoire pour le savoir. Et c’est ça notre rôle d’interprétation. Nous on n'a pas vraiment d’archives Centre d’histoire. On a des ouvrages publiés ailleurs et le dire au public. On pourrait être le relais et des conseillers. Par exemple, trouver un contenu qu’on nous demande, trouver l’adresse d’un endroit précis. Les gens nous contacte parce qu’on s’appelle le Centre d’histoire de Montréal et veulent par exemple savoir ce qui s’est passé avec leur maison. On ne le sait pas mais on a le contenu pour le savoir. Alors ça pourrait être ça. On cherche l’information et on pourrait faire un article et le mettre en ligne. »

Jean François Leclerc, historien et directeur au Centre d’histoire de Montréal

des bases de données et logiciels

Certains professionnels offrent des bases de données ou des logiciels afin de les rendre

accessibles à tous. On peut citer des exemples de partages de logiciels comme Stories Matter

ou de l’open source.

« On a aussi développer un logiciel qu'on a crée ici au centre avec des informaticiens parce

qu'on n’est pas des informaticiens. On a crée un logiciel qui s'appelle Stories Matter et que

tout le monde peut utiliser qui sert justement à traiter toutes les entrevues numériques

donc à voir l'entrevue, la séparer en clés, associer des mots clés, faire de la recherche entre les

entrevues et tout ça. Ça, c'est beaucoup utilisé autant par nous que par nos affiliés que d'autres

institutions (…). Ça permet donc de mettre toutes les entrevues d'un projet ou d'un organisme

ou peu importe dans un même environnement puis de faire des recherches transversales entre

les entrevues ou à l’intérieur d'une même entrevue. (…) Le centre d'histoire de Montréal utilise

notre logiciel depuis quelques années déjà. (…) C’est un logiciel gratuit pour tous, (..),

ouvert à tous donc on est dans le partage d'informations en permanence donc de se le

garder pour soi, ça sert à rien (…).

Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale

« Mais c’est sûr qu’on va souvent utiliser des logiciels ou des bouts de code qui sont en

open source49, qu’on peut utiliser (…). »

49 La désignation open source ou « code source ouvert », s'applique aux logiciels qui sont accessibles par tous

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Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz et partenaire de MuseomixMtl

partager une méthode de travail collaboratif

Certains professionnels partagent une méthode de travail collaboratif pour que les autres

puissent s’en inspirer. C’est le cas des professionnels qui travaillent pour Museomix.

« Parce qu’après il y a plusieurs niveaux de motivations à contribuer dans Museomix. (…) Moi

ce qui m’intéresse (…) c’est les modèles de fonctionnement en groupe. Pour un participant,

ça va être un prototype, donc le design, le code. Parce que là, nous on ne partage pas tellement

du code, on partage plutôt une méthodo. Sur le site c’est écrit comment fonctionne

Museomix, on l’a rédigé. D’autres peuvent s’en inspirer pour faire d’autres choses. L’idée

c’est, qu’au final, ce n’est pas que Museomix perdure en tant que tel, c’est son impact qui

soit le plus fort possible.

Et son impact c’est quoi ? C’est changer les musées profondément dans la façon dont ils

sont en relation avec le public et la façon dont ils travaillent en interne avec le public.

Justement pour dépasser ce travail interne – externe. »

Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix

Pour moi c’est complètement évident que Museomix peut changer les méthodes de travail.

Complètement évident que oui parce que (…) les conservateurs ont des équipes autour

d’eux qui n’ont pas forcément connaissance de tout ce que le numérique peut leur

apporter.

Tanguy Sélo, directeur d’Imaginov, partenaire de Museomix

Constat

En plus d’un dispositif à destination du public, le numérique serait perçu comme un

outil de travail pour les professionnels. Aussi, l’avis de l’ouverture des données reste

partagé :

- les professionnels de musée seraient favorables à l’ouverture des

données. Un musée reste au service du public et cherche à lui procurer le savoir

nécessaire.

- Les professionnels du numérique seraient favorables mais il ne faudrait

pas tout partager. Il s’agirait d’un autre type de partage pour eux. Certains

parlent d’open source : le fait de partager un code source et de le réutiliser. Ainsi

d’autres professionnels du numérique conçoivent des bases de données pour

stocker des données ouvertes.

L’ouverture des données reste acceptée par les professionnels mais avec une limite de

gratuitement. Les personnes peuvent alors récupérer le code source et le réutiliser et/ou le modifier librement.

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partage.

C’est pourquoi les méthodes de partages seraient variées :

- Les professionnels s’approprieraient l’open data en fonction de leur

besoin en l’adaptant par le fork.

- Le fait de partager du contenu servirait aux autres à le réutiliser.

- Certains professionnels développeraient des logiciels accessibles à tous

pour faciliter le partage de contenu.

- Le partage serait également une méthode de travail collaboratif. Ainsi

certains professionnels rendent accessible leur méthode de travail afin que

d’autres puissent les réutiliser.

Le numérique comme outil de travail serait développé également dans le travail

collaboratif entre professionnels :

- il s’agirait avant tout d’un investissement commun où chacun apprend

de l’autre et partage des compétences.

- Ces différentes compétences s’articulent autour de personnes venant de

différents horizons. Les professionnels accordent une grande importance à ce

mélange de personnes. Le travail collaboratif serait plus constructif.

- D’autres professionnels qualifient ce travail collaboratif comme une

communauté créant une complicité. Le numérique permettrait de créer des liens

sociaux grâce aux communautés virtuelles où les professionnels peuvent

travailler en collaboration.

- Ce qui permettrait ainsi de créer une complicité entre les personnes et

faciliterait le travail collaboratif.

Le travail entre professionnels se développe notamment par le partage et la réutilisation.

Ce serait également un moyen de partager un contenu au public et de créer une

proximité entre professionnels et public.

Conclusion

L’objectif de cette analyse a été de :

- comprendre les représentations et les attentes du numérique au musée par les

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professionnels.

- évaluer les modifications potentielles qu’apportent le numérique dans le travail des

professionnels.

Cette analyse a permis de faire ressortir deux grands axes de réflexions :

Axe 1 : L’usage du numérique est utile au musée si le contenu est de qualité. Il ne faut pas

mettre du numérique pour du numérique. Il s'agit davantage de contenu que de technologie

numérique.

Axe 2 : L’usage du numérique se développe à travers l’utilisation de l’open data dans le

travail des professionnels. Ce travail collaboratif est plus enrichissant lorsque les personnes

viennent de divers horizons. En effet, cela permet de tisser des liens entre les personnes.

Cette enquête a permis d’éclairer les deux grands objectifs de réflexion autour de ce mémoire.

Toutefois, cette conclusion offre principalement des pistes de réflexion qui pourraient être

exploitées, questionnées dans de nouvelles enquêtes.

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CONCLUSION

Dans la première partie de ce mémoire, nous avons expliqué que le numérique n’est pas seulement de l’ordre du technique. Nous avons ainsi révélé la dimension culturelle de ce terme par nos pratiques et usages quotidiens. Nous nous sommes par la suite interrogés sur les liens sociaux que peuvent permettre l’usage numérique notamment par la création de communautés dans un espace numérique. Milad Doueihi s’interroge sur cette question en qualifiant cette tendance « d’humanisme numérique » qui s’est développée dans nos pratiques quotidiennes par de nouveaux modes d’accès à l’information et aux contenus. Peut-on parler de révolution numérique ? Et qu’en est-il dans les musées ? Nous avons vu que cette révolution numérique n’est pas une révolution en terme de concept. C’est une nouvelle étape et une continuité dans la société. Le musée s’inscrit donc dans cette continuité. Dans cette approche, les professionnels de musée collaborent avec les professionnels du numérique afin de proposer des solutions pour développer un usage du numérique au musée.

« Ainsi près de 75% des musées français ont une identité virtuelle (site internet et réseaux sociaux) mais seulement 5 à 10% de ces institutions proposent une médiation utilisant un support numérique. » 50

Ces chiffres évoquent un intérêt pour les musées de se développer à l’ère du numérique, de se donner une identité dans la toile. On constate qu’il existe un fossé qui sépare l’identité virtuelle et la médiation numérique. Presque tous les musées ont adopté l’usage du numérique en ligne mais son usage in situ est très peu développé et reste présent seulement dans les plus grandes institutions. Il s’agit en grande majorité de petites institutions n’ayant pas les moyens financiers de développer ce genre de médiation. Alors, comment développer l’usage du numérique quand les moyens ne le permettent pas ? Ce mémoire a permis d’analyser cette problématique avec l’exemple du Centre d’histoire de Montréal qui a développé une stratégie numérique même s’il s’agit d’une petite institution. Certes, il va de soi que proposer une médiation numérique requiert un financement conséquent pour développer des dispositifs interactifs dans un musée. Mais l’usage du numérique ne se concentre pas seulement sur les dispositifs, il existe d’autres moyens.

« S’il y a bien un axe d’avenir, c’est celui de la contribution de tous. Et c’est pour cela que j’ai souhaité m’engager dans une politique d’ouverture des données, de sensibilisation aux licences libres ou au Web sémantique. »51 (Aurélie Filipetti, LaTribune.fr n°97, 2014)

50 La Tribune.fr n°97, Quand le musée se réinvente dans le numérique, numéro spécial, été 2014, p.351 La Tribune.fr n°97, 2014, Quand le musée se réinvente dans le numérique, numéro spécial, été 2014, p.9

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Une seconde partie de ce mémoire s’est centrée sur le travail collaboratif entre les professionnels. Ce travail collaboratif a probablement permis le développement de l’ouverture et de la réutilisation des données en ligne. Le web sémantique se présente alors comme l’une des solutions les plus favorables aux petites et grandes institutions dans l’usage du numérique au musée. Le numérique offre l’opportunité de valoriser le contenu des musées. Nancy Proctor, chargée de projet numérique au Baltimore Museum of Art, disait52 que le contenu devait primer sur le numérique. L’enquête de ce mémoire a pu confirmer son affirmation.

L’objectif de l’enquête était de comprendre les représentations et les attentes du numérique au musée par les professionnels et d’évaluer les modifications potentielles qu’apportent le numérique dans le travail des professionnels.

L’intérêt de ce mémoire est de se questionner sur l’usage du numérique au musée par les professionnels à travers une enquête. En outre, il est question de connaître les raisons de l’usage du numérique dans les musées et la manière dont il est utilisé. Nous avons vu que les musées utilisent tous les accès numériques pour mettre leur patrimoine au service du public qui reste constamment connecté au quotidien. Il s’agirait alors de proposer un service en continuité avec les usages d’un public habitué. Mais est-ce la seule raison permettant un usage numérique au musée ?

Les résultats de cette enquête sont pertinents. En premier lieu, l’enquête confirme que les professionnels affirment la primauté du contenu par rapport au numérique. Il en découlerait donc un usage présentant une certaine utilité qui ne se baserait pas seulement sur l'utilisation croissante et fréquente de cet outil par le public. Par ailleurs, l’enquête en a conclut que ce contenu se développe notamment à travers l’usage de l’open data. Le fait de rendre accessible son contenu, de le partager et de le réutiliser, engendre une relation de proximité entre institutions et entre le musée et le public. Cela pourrait amener à collaborer avec des personnes venant de divers horizons.L’exemple de Muséomix peut le prouver. En effet, il s’agit d’une expérience qui vise avant tout à faire collaborer plusieurs professionnels aux compétences diverses. L’objectif n’est pas de créer le meilleur prototype, mais bien de tisser des liens entre personnes tout en acquérant de nouvelles méthodes de travail.

Cette étude constitue ainsi une première piste de recherche sur l’usage du numérique au musée par les professionnels. Il serait alors jugé pertinent de développer cette analyse notamment sur la question de l’ouverture des données qui pourrait être, selon moi, une des clés de réussite pour les musées en terme de développement du numérique au sein de la structure. Une enquête sociologique approfondie permettrait de révéler plus précisément comment cette contribution de tous pour un accès au contenu gratuit démocratise l’accès à la culture sans empêcher sa disparition. Il s’agit seulement d’une complémentarité.

52 Intervention de Nancy Proctor au Forum les musées à l’ère du numérique à Montréal

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GoogleGlass4Lishttp://www.club-innovation-culture.fr/le-musee-egyptien-de-turin-propose-un-guide-visuel-pour-les-malentendants-utilisant-des-lunettes-google-glass/

Docent, le robot savanthttp://www.club-innovation-culture.fr/bientot-des-robots-pour-laccueil-et-la-mediation-dans-les-musees/

Google Art Projecthttps://www.google.com/culturalinstitute/project/art-project?hl=fr

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