L'aurore des hypolipidémiants dans l'insuffisance rénale

1

Click here to load reader

description

L’insuffisance rénale chronique est considérée dans la plupart des recommandations comme une situation à haut risque cardiovasculaire

Transcript of L'aurore des hypolipidémiants dans l'insuffisance rénale

Page 1: L'aurore des hypolipidémiants dans l'insuffisance rénale

19/09/2011

L’AURORE DES HYPOLIPIDEMIANTS DANS L’INSUFFISANCE RENALE

L’insuffisance rénale chronique est considérée dans la plupart des recommandations comme une situation à haut risque cardiovasculaire. Dans les grands essais thérapeutiques qui ont été menés avec les statines, les patients porteurs d’une insuffisance rénale chronique à l’inclusion bénéficient du traitement hypolipidémiant sur le plan du pronostic. Pourtant, deux grandes études menées dans l’insuffisance rénale chronique hémodialysée n’ont pas apporté de résultats probants. C’est le cas de l’étude 4D réalisée avec l’atorvastatine (1) et de l’étude AURORA menée avec la rosuvastatine (2). On avait donc conclu que l’insuffisance rénale chronique avancée comportait des anomalies vasculaires spécifiques caractérisées par des calcifications diffuses et une atteinte cardiaque sévère à haut risque de troubles du rythme ventriculaire ou comportant une insuffisance cardiaque terminale. Malgré cette ambiance assez morose, des auteurs de l’université d’Oxford ont publié récemment l’étude SHARP dont les résultats sont positifs (3).

L’étude SHARP est une méga-étude ayant inclus 9270 patients porteurs d’une insuffisance rénale et suivis pendant 4,9 ans. Parmi ces patients, 3023 étaient en dialyse alors que les autres patients présentaient une insuffisance rénale chronique avancée puisque plus de 60 % avaient une clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/min pour 1,73 m². Il s’agissait cependant de patients jeunes (62 ans), avec un profil biologique lipidique caractérisé par une très modeste élévation du LDL-cholestérol et des triglycérides légèrement élevés. Ces sujets ne devaient pas être éligibles à un traitement classique par statines. Donc, la plupart des patients porteurs d’une affection athéroscléreuse avérée ont été exclus de ce travail. Le traitement a consisté à comparer

l’association simvastatine 20 mg/ézétimibe 10 mg à un placebo. L’association thérapeutique hypolipidémiante prescrite a permis de diminuer le LDL-cholestérol d’environ 0,85 mmole/l. La thérapeutique était évaluée selon un critère composite défini comme tout événement majeur lié à l’athérosclérose. Ce critère comportait les événements coronaires, les accidents vasculaires cérébraux non hémorragiques et les procédures de revascularisation. A l’issue de l’étude, on a assisté à une diminution significative de 17 % de ces événements athéroscléreux dans le groupe traité par simvastatine/ézétimibe par rapport au placebo. Les auteurs ont réalisé de nombreuses analyses en sous-groupes ne permettant pas de mettre en évidence d’effet différentiel majeur de la thérapeutique selon les sous-groupes. En particulier, il n’y avait pas de différence d’effet de l’association hypolipidémiante selon que le patient soit dialysé ou non. Les auteurs ont évalué l’impact de cet hypolipidémiant sur la mortalité. On observe une baisse non significative de la mortalité vasculaire et une augmentation non significative de la mortalité non vasculaire. La mortalité totale est identique dans les deux groupes. Enfin, il n’y a pas eu d’émergence de nouveaux cas de cancer dans le groupe traité et il n’y a pas eu non plus d’effets indésirables significatifs dans le groupe traité par l’association simvastatine/ézétimibe. Ainsi, les auteurs ont calculé qu’il fallait traiter 1000 patients pendant 5 ans pour éviter 30 à 40 événements majeurs liés à l’athérosclérose. Dans le contexte ambiant plutôt morose, l’étude SHARP amène un petit peu d’oxygène.

Sur le plan pratique, l’étude SHARP nous rassure quant à la prescription des hypolipidémiants dans l’insuffisance rénale chronique, situation considérée à haut risque d’effets indésirables. Par ailleurs, l’étude SHARP confirme que l’insuffisance rénale chronique est bien une situation à haut risque cardiovasculaire et que le traitement hypolipidémiant se justifie dans cette situation. Cependant, le traitement hypolipidémiant n’a pas d’impact sur la fonction rénale chez ces patients ce qui plaide pour un traitement précoce chez les sujets à haut risque. Enfin, l’étude SHARP est un plaidoyer pour des études de grande envergure où la puissance est la clé pour mettre en évidence des différences cliniquement et statistiquement significatives. Progressivement, le chapitre de la baisse du LDL-cholestérol et du risque cardiovasculaire se ferme et le débat médico-économique portant sur la meilleure stratégie hypolipidémiante à utiliser s’ouvre à peine.

Pr Jean FERRIERES,

Toulouse

Bibliographie : 1) Wanner C, Krane V, März W, et al. German Diabetes and Dialysis Study Investigators. Atorvastatin in patients with type 2 diabetes mellitus undergoing hemodialysis. N Engl J Med 2005;353(3):238-48. 2) Fellström BC, Jardine AG, Schmieder RE, et al. AURORA Study Group. Rosuvastatin and cardiovascular events in patients undergoing hemodialysis. N Engl J Med 2009;360(14):1395-407. 3) Baigent C, Landray M J, Reith C, on behalf of the SHARP Investigators*. The effects of lowering LDL cholesterol with simvastatin plus ezetimibe in patients with chronic kidney disease (Study of Heart and Renal Protection): a randomised placebo-controlled trial. Lancet Published Online June 9, 2011 DOI:10.1016/S0140-6736(11)60739-3.