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Laurent FURST Député du Bas-Rhin Compte-rendu d’activité parlementaire du 20 novembre 2016 au 1 er septembre 2017 Madame, Monsieur, Vous trouverez ci-joint mon compte-rendu d’activité parlementaire qui couvre la fin du mandat de François Hollande et le début du mandat d’Emmanuel Macron. - conformément à ce que j’ai dit, durant la campagne électorale, je me suis abstenu sur le vote de confiance au Gouvernement. Voter pour, c’est appartenir à la majorité. Voter contre, c’est dire non d’entrée de jeu, c’est être fermé avant même que le nouveau Gouvernement n’ait pu travailler. J’ai plaidé au sein de mon groupe pour l’abstention, nous avons été très majoritaires à prendre cette option. - je suis favorable au projet de loi intitulé « renforcement du dialogue social », projet qui va dans le bon sens même s’il manque parfois d’ambition. - le Gouvernement a décidé de reconduire l’état d’urgence. J’y ai été favorable car on ne mégote pas avec la sécurité de nos citoyens. - en ce qui concerne la loi de moralisation de la vie publique, j’y suis opposé car elle est un ensemble de mesures sans portée qui ciblent les parlementaires et protègent abusivement la haute fonction publique, notamment le pantouflage dont le Président de la République et le Premier ministre ont été de grands pratiquants. À l’avenir, je continuerai à soutenir tout ce qui va à mes yeux dans le bon sens et à dire non aux « coups de com » ou aux mesures inappropriées. Le groupe Les Républicains auquel j’appartiens a posé pour principe la liberté de vote de ses membres. Il est, me semble-il, le seul groupe à l’avoir fait. J’en suis à titre personnel particulièrement heureux. Laurent FURST Pour en savoir plus sur mon activité : Site internet : www.laurentfurst.fr Lettre électronique mensuelle : http://www.laurentfurst.fr/481 Facebook : Laurent Furst

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Laurent FURST Député du Bas-Rhin

Compte-rendu d’activité parlementaire du 20 novembre 2016 au 1er septembre 2017

Madame, Monsieur, Vous trouverez ci-joint mon compte-rendu d’activité parlementaire qui couvre la fin du mandat de François Hollande et le début du mandat d’Emmanuel Macron.

- conformément à ce que j’ai dit, durant la campagne électorale, je me suis abstenu sur le vote de confiance au Gouvernement. Voter pour, c’est appartenir à la majorité. Voter contre, c’est dire non d’entrée de jeu, c’est être fermé avant même que le nouveau Gouvernement n’ait pu travailler. J’ai plaidé au sein de mon groupe pour l’abstention, nous avons été très majoritaires à prendre cette option.

- je suis favorable au projet de loi intitulé « renforcement du dialogue social », projet qui va dans le bon sens même s’il manque parfois d’ambition.

- le Gouvernement a décidé de reconduire l’état d’urgence. J’y ai été favorable car on ne mégote pas avec la sécurité de nos citoyens.

- en ce qui concerne la loi de moralisation de la vie publique, j’y suis opposé car elle est

un ensemble de mesures sans portée qui ciblent les parlementaires et protègent abusivement la haute fonction publique, notamment le pantouflage dont le Président de la République et le Premier ministre ont été de grands pratiquants.

À l’avenir, je continuerai à soutenir tout ce qui va à mes yeux dans le bon sens et à dire non aux « coups de com » ou aux mesures inappropriées. Le groupe Les Républicains auquel j’appartiens a posé pour principe la liberté de vote de ses membres. Il est, me semble-il, le seul groupe à l’avoir fait. J’en suis à titre personnel particulièrement heureux.

Laurent FURST

Pour en savoir plus sur mon activité :

• Site internet : www.laurentfurst.fr

• Lettre électronique mensuelle : http://www.laurentfurst.fr/481

• Facebook : Laurent Furst

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Note aux élus de la circonscription : novembre 2016 – septembre 2017 Dimanche 20 novembre 2016 J’y suis à 8 heures. Les premières primaires de la droite sont organisées, le succès populaire est évident, la participation au bureau de vote sympathique. Depuis plusieurs jours, je sens physiquement, sans pouvoir le mesurer, le basculement de l’opinion publique en faveur de François Fillon. Copé pour qui j’ai signé est inexistant, Le Maire a disparu des conversations, et pour sa part Nicolas Sarkozy garde des partisans mais reste bien souvent la cible des propos de nos concitoyens. Le soir, je ne serai pas étonné du succès de Fillon, mais de l’ampleur de celui-ci : avec 44%, il écrase le premier tour.

Mardi 22 novembre 2016 Je viens à l’Assemblée Nationale. Cet après-midi, nous votons le budget. Je voterai contre, bien sûr.

Mercredi 23 novembre 2016 Grand moment de bonheur. Je réunis le groupe d’étude Arctique, Antarctique et TAAF en auditionnant des responsables du ministère de l’environnement sur le potentiel énergétique des îles françaises du canal du Mozambique. C’est passionnant. Après les questions au Gouvernement, je repars pour l’Alsace, ayant jeudi matin un rendez-vous important en mairie.

Jeudi 24 novembre 2016 Je reprends le train de 12h27, arrivée à Paris à 14h19, ce qui me laisse deux heures pour préparer mes dix minutes d’intervention à la tribune sur la proposition de loi visant à donner un statut juridique à l’île de Clipperton. Je suis l’intervenant du groupe, j’ai bien travaillé le sujet. Une fois de plus, je trouve du bonheur dans ces interstices du droit français qui permettent à de nombreux députés d’avoir une petite spécialité loin des grandes thématiques qui font la une de l’actualité. Le soir, je reprendrai le train de 20h44, arrivée à Molsheim après 23h. Nous ne sommes que jeudi, j’ai déjà deux allers-retours sur Paris, un conseil municipal qui s’est tenu lundi soir, une réunion du Groupe d’études Arctique, Antarctique et TAAF ainsi qu’une intervention longue à la tribune dans les mollets. Et je tousse à cracher mes poumons. Encore une bronchite qui s’annonce.

Dimanche 27 novembre 2016 Cet entre-deux tours de primaire aura été étonnant. Fillon déroule sereinement, Juppé a décidé de ne pas renverser la table. Le résultat semble écrit d’avance. Ce sera au final 66,5% contre 33,5%, soit une très large victoire. Celle-ci était totalement inattendue. Jusqu’à dix-huit jours du scrutin, Fillon plafonnait à 10% avant que Le Maire et Juppé ne s’effondrent, lui permettant de récupérer nombre de voix de ces candidats. S’il y a une petite leçon à tirer de cela, c’est qu’en politique, tout est possible et rien n’est écrit d’avance. La réussite même de Fillon, qu’il a d’ailleurs longuement construite par un calme et une constance remarquables ne garantit rien quant au résultat de la présidentielle qui pourrait être bien plus difficile qu’on ne l’imagine.

Mardi 29 novembre 2016 Pour la première fois, la salle de groupe est presque complète. J’y entre avec un léger retard. Tout le monde est assis, Christian Jacob ouvre la séance. La première personne que je vois est Bruno Le Maire, je ne saurais dire s’il est studieux ou simplement marqué. La rumeur dit que son sort gouvernemental serait déjà assuré. Jean-Frédéric Poisson est à l’aise, Nathalie Kosciusko-Morizet me semble un peu perdue. Les jeunes fillonistes ont l’air d’être en extase, un certain nombre de députés font visiblement la tête. La parole est donnée à François Fillon qui s’exprime avec calme. Il souligne avec intelligence que nul ne peut se voir reprocher d’avoir fait un autre choix que le sien et déclare avoir l’obligation de rassembler la famille mais souligne aussi par cohérence qu’il ne fera pas de concessions sur son programme. J’avoue que si l’homme ne me pose pas de problème, son projet comporte de nombreux points qui ne sont pas sans m’interroger profondément.

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À la fin de son intervention, je suis surpris par la mollesse des applaudissements. Cela dit, je souris de voir des collègues faire des photos avec François Fillon : cela fera très bien sur leurs plaquettes électorales si ce dernier devient Président de la République. Que des fillonistes le fassent avec un grand sourire, c’est bien normal mais je vois quelques collègues qui avaient la dent bien dure se livrer à cet exercice : ainsi va la vie. La dernière intervention avant que la séance soit levée est celle de Jean-François Copé. Il dit que malgré les différends passés, il sera loyal dans la campagne et qu’il sera disponible. Si le propos est élégant, il fait un peu sourire au regard du score plus que modeste qu’il a obtenu. Il termine heureusement son intervention par une formule très drôle. Il y aura la semaine prochaine un pot à la questure pour créer de la convivialité autour du candidat. Jean-François Copé se propose d’en assurer l’animation musicale puisqu’il est pianiste, disponible et très peu cher. Quand tu as tout perdu ou presque, il reste l’humour…

Jeudi 1er décembre 2016 Ce soir, François Hollande annonce qu’il ne se représentera pas à la prochaine échéance présidentielle. J’ai vu toutes les mesures qui ont été prises depuis des mois pour organiser une petite relance économique, satisfaire des électorats bien ciblés, nettoyer les chiffres du chômage. Tout a été fait pour que Hollande puisse se représenter mais malheureusement pour lui, ce matin un sondage lui donnait 7% d’intentions de vote et depuis 15 jours, son Premier Ministre Manuel Valls lui met une pression considérable. C’est un Président en bout de course ayant à peu près tout raté qui annonce son retrait. Pourtant dans son intervention, il dresse un bilan élogieux de son action. S’il a tout réussi, pourquoi n’est-il pas candidat ?

Mardi 6 décembre 2016 J’arrive à l’Assemblée Nationale à 9 heures plein d’incertitudes. Aujourd’hui, Manuel Valls doit démissionner. Lors de la réunion de mon groupe, j’interviens contre l’idée de déposer une motion de censure à l’encontre du futur Gouvernement. J’essaie d’expliquer que nos concitoyens se moquent de toutes nos attitudes prises dans le « bocal Assemblée Nationale » où parfois nous tournons comme des poissons rouges, certains diraient des piranhas. Je souligne aussi que je trouve certains de mes collègues un peu trop en lévitation depuis la victoire de François Fillon et qu’il conviendrait d’être prudents car rien n’est gagné à ce jour. Enfin, je me permets de souligner que notre électorat découvre aujourd’hui des éléments de son programme et que cela n’est pas sans inquiéter, y compris des proches. Très tôt, nous savons que Cazeneuve remplacera Valls qui s’est déclaré candidat pour les primaires de gauche. L’homme est profondément respectable, il a fait le job pendant les attentats, même s’il s’est refusé à prendre des mesures que nous appelons de nos vœux pour assurer la sécurité des Français. Mis à part quelques emportements et quelques comportements démagogiques pendant la séance des Questions au Gouvernement, l’homme a tout à fait le niveau de la fonction. Cela dit, il assurera celle-ci pour cinq mois, soit le délai le plus court de la Cinquième République. Par tradition, je souhaite toujours bonne chance à nos nouveaux gouvernements, car il ne faut jamais spéculer sur un échec dont toute la communauté payerait le prix. En cet instant, je ne peux que souligner le fait que Cazeneuve est le troisième Premier Ministre de François Hollande en cinq ans, soit une espérance de vie gouvernementale proche de la Quatrième République. Le Gouvernement Sarkozy-Fillon aura pendant cinq ans tenu une ligne, y compris dans la tempête financière. François Hollande aura zigzagué, slalomé, et au final échoué, ce qui ne serait pas très grave si tout le pays n’en était pas affecté.

19h : maire de Molsheim, je suis toujours présenté comme celui de la ville de Bugatti. Ce soir, c’est le pot de fin d’année de la section sport automobile de l’Association Sportive et Culturelle de l’Assemblée Nationale. J’ai fait l’objet d’intenses sollicitations pour passer quelques instants, ce que je fais bien volontiers.

A 19h45, je monte d’un étage gagner la Questure où François Fillon est accueilli par les groupes Les Républicains de l’Assemblée et du Sénat. Son propos est plus doux, plus consensuel, la primaire s’éloigne. Le jeu de séduction de quelques-uns qui veulent devenir ministres est intense : ils font la roue, ils font le paon, quelques-uns gagneront à ce jeu. Je n’aime pas cet instant de fausse réconciliation et reste en retrait, j’échange quelques mots avec Jean-François Copé, avec d’autres

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collègues sympathiques que j’apprécie. Les anciens qui ont décidé de ne pas se représenter vivent ces instants de manière bien plus intense car ils sont au crépuscule de l’engagement d’une vie. Tout d’un coup, une main se pose sur mon épaule : je me retourne, c’est François Fillon. Il m’adresse quelques mots sans à mon avis savoir qui je suis sinon un collègue de l’hémicycle. Très rapidement, je quitte ce lieu avec mon collègue Gérard Cherpion, député des Vosges et homme très sage. Ensemble, nous discuterons de la période que nous venons de vivre, des mois à venir, de la grande région. Nous évoquons aussi le sujet de la primaire en cherchant des raisons sans fard au résultat médiocre de Jean-François Copé pour lequel il a, lui aussi, voté.

Mardi 13 décembre 2016 Tout le week-end, j’ai sillonné la circonscription. J’ai notamment joué au bourgmestre de Molsheim dans ma tenue médiévale et ce devant des milliers de personnes. Au fond de moi, j’adore ces moments de complicité avec les concitoyens. Hier soir, nous avions conseil municipal, moment convivial, sympathique. Nous avons adopté un budget difficile et pris des décisions qui devraient permettre au dossier du passage à niveau d’avancer.

Ce matin, retour à la mairie puis départ de la gare de Strasbourg à 12h18. Sandwich, café, j’arriverai à l’Assemblée juste à temps pour le discours de politique générale du nouveau premier ministre Bernard Cazeneuve. Son discours est vraiment médiocre : le bilan de François Hollande présenté sous son meilleur jour. Pourquoi ne se représente-t-il pas ? Et quelques grandes déclarations assez vides de sens destinées à recréer une unité à gauche avant les élections. Après les interventions des présidents de groupes, le premier ministre reprend la parole. À cet instant, il est plutôt très bon, peut-être moins stressé. Assis au premier rang, je n’arrête pas d’interpeller le premier ministre lors de son discours, notamment quand il prononce le mot « respect ». Je suis ulcéré lorsqu’il évoque les migrants : c’est tout à fait par hasard que j’ai découvert que onze migrants avaient été placés à Molsheim sans que la municipalité n’ait été mise au courant. J’ai appris peu après que la situation était la même à Mutzig, à Saverne et dans d’autres communes, ce qui est simplement révoltant. Cazeneuve nous parle de respect et traite les maires comme des serpillères. C’est lamentable.

Dans les couloirs de l’Assemblée, je discute avec mon collègue de gauche, ancien écologiste, François de Rugy. Nous avions sympathisé lors du débat sur la fusion des régions. Nous partageons un point de vue : les sondages d’aujourd’hui ne seront peut-être pas les vérités de demain. Je croise Bruno Le Roux, nouveau ministre de l’Intérieur. Chaleureusement, je lui tends la main et le félicite pour sa nomination. Pendant quatre ans et demi, il aura été le « porte-flingue » loyal de François Hollande à l’Assemblée. Je ne sais pas si sa nomination sera utile au pays, mais personnellement pour l’homme, elle est méritée.

Vers 7 heures en regagnant mon bureau, je discute avec Pierre-Yves Le Borgn’, député socialiste des Français d’Allemagne, de la dernière réunion de notre groupe d’études sur l’Arctique, l’Antarctique et les Terres Australes qui a eu pour thème : la feuille de route Arctique de la France. Arrive l’ancien ministre des transports et député-maire de Boulogne Frédéric Cuvillier. Nous réabordons le problème des migrants. En tant que maire, il trouve aussi scandaleux qu’en Alsace nous n’ayons pas été prévenus de l’installation de migrants dans nos communes. Evidemment, il ne le dira pas publiquement. J’ai connu l’homme du temps où il était ministre des transports, ayant suivi la réforme ferroviaire. Le type est resté simple et plutôt sympa.

Ce retour à l’Assemblée est aussi l’occasion d’aborder les élections : Frédéric Reiss et Patrick Hetzel me demandent si j’accepterais de coordonner le soutien à François Fillon dans ma circonscription : j’y consens bien évidemment, rappelant simplement une chose : que si l’homme est notre candidat indiscutable, le projet mérite encore d’être affiné et discuté, ayant à titre personnel la conviction que ce dernier présente de trop importantes aspérités. J’apprends que ce matin en groupe, François Fillon a adouci sa position sur la réforme de la sécurité sociale, ce qui me rassure car j’ai beaucoup entendu parler de ce sujet lors de mes déplacements dans les communes de notre circonscription.

21h30 : Pour la cinquième fois, nous votons cette nuit la reconduction de l’état d’urgence. Discours du ministre, le premier vrai discours de Bruno Le Roux, plutôt brillant. Discours du rapporteur. Puis motion de rejet et motion de renvoi en commission présentées par les écologistes. Une heure de

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perdue. Enfin deux heures de discussion générale : chaque groupe s’est vu attribuer un temps de parole au prorata du nombre de députés rattachés, temps de parole qu’ils partagent entre ceux de leurs membres qui ont souhaité s’exprimer. C’est donc en pleine nuit que commence la lecture des articles. Comme toujours la gauche est fermée à tous nos amendements, se drapant du voile de la protection des libertés. Très vite après le vote unanime des députés socialistes en faveur de Cazeneuve, nous voyons les déchirures se reformer. Au final, comme les quatre fois précédentes, nous votons le texte car on ne badine pas avec la sécurité des Français. En revenant vers mon bureau où je dors toujours sur mon petit canapé-lit, je me dis que nous aurions pu, en modernisant le travail du Parlement, gagner en temps et en qualité.

Conséquence de l’actualité de cette semaine : je devais ce jeudi être orateur de mon groupe sur un texte sur l’énergie. Celui-ci est déplacé à la semaine prochaine, le 21 décembre juste avant Noël...

Mercredi 21 décembre 2016 Après une journée de travail au bureau, j’entreprends une deuxième journée scotché sur ma chaise. Je règle mille choses et prépare principalement une intervention à la tribune pour cet après-midi où j’évoquerai les questions énergétiques.

A 15 heures, Questions au Gouvernement : c’est la dernière séance de l’année. Peu de députés sont présents, nous nous regroupons à six Alsaciens aux premier et deuxième rangs. L’ambiance est franchement badine, nous sourions. Les ministres à nos côtés, Le Foll, Matthias Fekl, Patrick Kanner (ministre de la jeunesse) n’hésitent pas à sourire avec nous pendant les échanges. Il y a bien sûr eu hier durant la première séance un hommage aux victimes de l’atroce attentat de Berlin. Cet attentat est à nouveau évoqué et quand c’est le cas, le calme revient. Nous devons du respect aux familles, aux victimes, à ce grand pays ami qu’est l’Allemagne.

Après la séance, je fonce rue de Lille vers la résidence de l’Ambassadeur d’Allemagne en France pour signer le registre des condoléances. Arlette Grosskost, députée de Mulhouse, l’a fait juste avant moi. Le député Eric Straumann le fait juste après moi. De nombreux parlementaires ont décidé de manifester ainsi leur solidarité vis-à-vis de l’Allemagne, dont presque tous les Alsaciens. Cela est plus que normal, Nous avons reçu tant de gestes d’amitié d’Allemagne lorsque la France a été cruellement touchée. L’Europe déçoit parfois mais elle est devenue une autre réalité que technocratique : une réalité de peuples solidaires, et cela est rassurant.

Ce soir, j’essaierai de prendre le dernier train car avant de partir, j’interviens à la tribune pour mon groupe sur la ratification de deux ordonnances relatives à l’autoconsommation électrique et aux énergies renouvelables. 10 minutes de temps de parole pour lesquelles j’ai bien préparé mon texte. Par contre, ma voix s’éraille, ma voix s’égare. J’espère qu’elle ne me lâchera pas. C’est ainsi que se terminera l’année parlementaire 2016, une année assez médiocre pour la France, une année où elle a été dirigée par des personnes qui n’avaient probablement ni la dimension ni le charisme pour affronter une charge aussi grande dans la tempête de notre époque.

Mardi 17 janvier 2017 Je reviens à l’Assemblée Nationale, ayant séché la première semaine pour avancer dans mon travail à la mairie. Si je devais quitter celle-ci, je voudrais régler un maximum de problèmes avant : nous terminons le Plan Local d’Urbanisme, je veux arrêter le Plan de Prévention des Risques d’Inondation. Mais surtout, nous venons d’avoir le feu vert pour lancer dans deux mois le chantier de la dénivellation du passage à niveau, dossier que j’ai engagé voilà 17 ans. N’ayant pas lancé d’expropriation, le top départ ne pouvait être donné que si les acquisitions se réglaient de gré à gré, ce qui est désormais le cas. Nous allons donc couper la ville en deux, juste avant les élections. Qui plus est, les gens auront dans la tête que je vais partir, sacré challenge. Au-delà du passage à niveau, je travaille aussi depuis deux mois sur de magnifiques dossiers de développement économique chez Merck, chez Mercedes, chez Safran ou pour l’installation de différentes PME. Ces dossiers représenteront 150 créations d’emplois à court terme et près de 400 si tout se passe comme prévu.

Je démarre aussi cette année parlementaire après un temps de Noël difficile, l’hospitalisation de mon unique oncle, le passage à la maison de ma filleule qui rencontre dans sa vie de nombreux problèmes,

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l’hospitalisation de mon frère opéré en urgence après un accident de tronçonneuse. Finalement, je n’aurai eu que 48 heures de vrai repos pour passer Noël à Angers dans sa famille.

Ce mois de janvier est aussi celui des vœux. Sur 79 communes, 52 organisent des cérémonies de vœux, je pourrai assister à 32 d’entre elles ainsi qu’à celle du 44ème régiment de transmissions. Le mois de janvier est également celui des repas des anciens, des galettes des rois, d’un certain nombre d’assemblées générales. Au total, j’aurai bien participé à une soixantaine de manifestations publiques, ce qui constitue une vraie débauche d’énergie.

En ce jour de reprise, je pose dans l’hémicycle une question orale sans débat sur le comportement des centrales d’achat qui aujourd’hui mettent en danger les entreprises industrielles qui n’arrivent plus à couvrir leurs charges au regard des prix d’achat. C’est la situation de l’entreprise Delpierre à Wisches qui a inspiré cette question. Mais en la posant, je sais que nombre d’autres entreprises de la circonscription connaissent des difficultés identiques. Le problème posé est plus que majeur, la réponse du Gouvernement est sibylline.

Depuis quelques jours, nous avons appris que le Gouvernement avait inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée le vote d’un accord de cogestion sur l’ilot de Tromelin et ses 285 000 km² de zone économique exclusive. La France représente 0,45% des terres mondiales, 0,91% de la population mondiale, mais 3% des eaux de mer et 8,23% des zones économiques exclusives mondiales. Nos ZEE sont plus grandes que la Chine et la Mongolie réunies : elles sont une vraie richesse que notre administration ne comprend pas. En nous mobilisant avec un député UDI et un député socialiste, nous avions réussi en 2013 à faire repousser ce vote. Le Gouvernement a choisi sans prévenir de ressortir ce dossier. En une semaine, nous avons lancé une pétition, chaque député a saisi les parlementaires de son groupe. Les médias se sont emparés du sujet. Et là, pour la deuxième fois, le Gouvernement recule et retire le texte de l’ordre du jour. J’en suis heureux car c’est une vraie victoire. Mais en même temps, j’ai bossé dimanche soir entre 11 heures et 2 heures du matin pour préparer mon intervention à l’Assemblée, intervention qui ne servira jamais. Cela dit, le matin en groupe, je suis le premier orateur : ayant travaillé le sujet, cela me permettra de faire une intervention appréciée.

17 heures : nous nous réunissons pour la première fois à l’Assemblée entre députés et sénateurs pour évoquer l’avenir de l’Alsace. La tension est très vive. André Schneider est revenu exprès de Bruxelles et porte une fois de plus des propos blessants qui me semblent téléguidés par le cabinet de Philippe Richert. L’ambiance n’est clairement pas bonne : les Fillonistes sont les maîtres du monde, donnant des leçons et campant sur des positions dures. À chaque jour sa part de vérité. On me fait beaucoup reproche d’avoir créé : « Rendez-nous l’Alsace », certains sont en porte-à-faux entre leurs postures et les attentes de leur électorat, ce qui les rend parfois agressifs. Au sortir, je propose de nous retrouver 4 heures d’affilée pour discuter de l’avenir de l’Alsace. Une date est prise, je crois au temps long qui permet de se dire les choses et de passer à autre chose.

Le soir, je passe rapidement au pot du cluster de la mer qui se réunit à l’Assemblée nationale et qui souhaitait que soit évoqué le dossier de Tromelin. J’y rencontre un conseiller d’Etat avec lequel nous finirons par aller diner. De retour au bureau, et n’étant pas gagné par le sommeil, je me mets à ranger et à vider celui-ci. Dans un mois, la session sera terminée. Il faudra en rendre les clés. Après deux heures de travail, j’ai bien progressé. Vers minuit, j’ouvre enfin ma banquette-lit. Caramba… les draps ont été retirés pour être lavés, je trouve des draps frais dans l’armoire. Il me faut encore faire le lit avant d’aller enfin me coucher. La journée fut longue et passionnante.

Mercredi 18 janvier 2017 Le fait de dormir dans son bureau permet une vraie convivialité avec les deux ou trois collègues qui font de même. Les autres députés dorment à l’hôtel ou ont un logement privé à Paris. Nous nous croisons à la douche. Le matin, les portes des bureaux sont ouvertes. C’est en peignoir que je rencontre mon collègue champenois Jean-Claude Mathis que j’apprécie pour sa simplicité et son bon

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sens. Il est amusant de voir que son enthousiasme pour la grande région s’est déjà largement estompé. J’espère que nous aurons l’occasion de nous retrouver après les législatives.

Je passe au kiosque pour acheter le Canard Enchainé et le quotidien La Croix et décide d’aller boire un café à la buvette. Je discute d’abord longuement avec Christian Assaf, député socialiste de Montpellier avec qui nous échangeons régulièrement. Puis je rejoins Gérald Darmanin, ancien proche de Sarkozy ayant rejoint l’équipe de Fillon, ainsi que Benoit Apparu, ancien ministre du logement, maire de Châlons-en-Champagne. Immédiatement, il me dit que je dois être satisfait du projet de Fillon voulant fusionner dans des régions plus petites départements et régions. Lui qui avait plaidé pour la grande région ne semble plus très enthousiaste et accepte l’idée que l’Alsace retrouve son identité. Je suis sidéré de voir que nous marquons tant de points à l’extérieur mais que la sauvegarde de quelques carrières nous empêche d’avancer à l’intérieur.

Sur la route des salles de commission où nous auditionnons Louis Schweitzer, ancien PDG de Renault et commissaire général à l’investissement, je tombe sur Laurent Wauquiez. Je lui fais part de mes doutes sur le programme assez tatchérien de Fillon et sur le comportement un peu nouveau maître du monde de certains dans ses équipes. Il me dit partager la même crainte et ne cesser de tirer la sonnette d’alarme sans jamais être entendu. Il y a six mois, je disais qu’il était impossible de perdre cette élection. Je crains désormais que cela ne rentre dans le champ des possibles.

À midi, François Fillon réunit ses troupes au siège de campagne. Je décide de m’y rendre. Malheureusement, je vais au siège des Républicains et je reviens penaud de m’être trompé d’adresse.

À 14h, je retrouve mes deux confrères socialiste et UDI avec lesquels nous avons mené la fronde pour l’îlot de Tromelin. La rencontre est chaleureuse, conviviale, nous sommes heureux. Je découvre dans le Figaro une pleine page sur notre combat avec comme titre : « L’île Tromelin restera française : Devant l’opposition d’un trio de parlementaires qui dénonçait le bradage de la souveraineté nationale, le Gouvernement a renoncé à faire ratifier un traité signé avec l’île Maurice partageant la gestion de la petite île Tromelin ». Je suis fier d’avoir pu contribuer à cela : ce sont de petites choses mais qui auront à long terme, j’en suis convaincu, des conséquences positives pour le pays.

Avant d’entrer dans l’hémicycle, passage au petit coin où nous discutons civilement avec mon voisin Jean-Marc Ayrault, actuellement ministre des Affaires étrangères et ancien premier ministre. En sortant quelques instants plus tard, j’ai une longue discussion avec Patrick Hetzel et lui fais une proposition raisonnable pour l’avenir de l’Alsace. J’ai désormais deux schémas en tête, l’heure n’est pas à mollir. Je pars heureux mais j’ai constaté une chose : il y a cette semaine énormément de militaires autour de l’Assemblée Nationale. Pourquoi ?

Vendredi 20 janvier 2017 Je déjeune à midi avec Agnès Ledig, désormais onzième auteur le plus vendu en France et approchant les deux millions d’exemplaires vendus pour ses quatre romans. Je trouve son succès largement mérité, j’ai lu tous ses livres avec beaucoup de bonheur. J’avais d’ailleurs offert un exemplaire d’un titre à Jean-François Copé et à Nicolas Sarkozy. Madame Ledig et son mari ont choisi de rester vivre à Urmatt malgré le succès alors que Paris, la ville lumière, leur ouvrait grand les bras. Je trouve cela remarquable.

Samedi 21 janvier 2017 Je participe le matin à une réunion préparatoire du jubilé des 1 300 ans du Mont Sainte Odile. J’aime profondément ce lieu si paisible et qui offre de partout des vues sur la montagne ou la plaine d’Alsace incroyables. J’ai une petite discussion avec Joseph Daul qui évoque l’idée de la venue d’Angela Merkel au Mont. Nous évoquons la candidature de Fillon, nous partageons quelques inquiétudes sur la perception qu’ont les Français de certains éléments de son programme. Il me demande de lui rédiger une petite note, il en parlera à François Fillon parce qu’il le voit en tête à tête tous les mois.

L’après-midi à Saint-Nabor, je participe à ma trente-deuxième cérémonie des vœux. Il n’en restera plus qu’une, celle du 44ème régiment de transmissions. Je sors complètement épuisé de ces deux mois de période de fêtes de Noël/janvier, les vœux, les repas des seniors, les galettes des rois : plus de soixante manifestations auxquelles j’ai participé. J’aime les cérémonies de vœux parce qu’on peut y

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mesurer toute l’envie de faire et de bien faire des maires et des équipes municipales au service de leurs communes et de leurs concitoyens. Partout j’ai appris quelque chose et je suis plus convaincu que jamais qu’il faut défendre la vitalité de nos communes de France. J’ai été touché au cours de ces cérémonies par l’expression digne de la famille Lorang dont la maison a entièrement brûlé à Oberhaslach. J’ai aussi été touché par l’émotion du maire de Saint-Nabor qui avec son collègue d’Ottrott a intelligemment conduit la fermeture des carrières, tirant un trait sur un siècle d’histoire. Tant que je serai élu, je participerai aux vœux parce que c’est la vie qui s’y exprime.

Dimanche 22 janvier 2017 Le matin, je travaille chez moi et écris quelques notes tant pour l’Assemblée que pour la mairie. L’après-midi, je me rends au théâtre à Dinsheim. Le soir en rentrant, je retrouve du cacao que j’avais rapporté de Bali il y a trois ans. Le sachet est étanche, bien fermé. Ce sympathique cacao me vaudra une intoxication alimentaire de première classe, un malaise vagal en pleine nuit au cours duquel je me casserai la figure au milieu de ma salle de bain, me laissant un genou endolori et surtout un gros orteil totalement violet.

Lundi 23 janvier 2017 À 14h, la nouvelle sous-préfète dépose sa gerbe au monument aux morts. Totalement épuisé et malgré un froid de canard et quelques os douloureux, je m’y rends, rencontrant pour la première fois Madame Clara Thomas. La tenue de la sous-préfète n’étant pas très chaude, je la vois lutter contre le froid avec beaucoup d’énergie.

À 15h15, j’ai organisé avec les services de l’Etat la première réunion du Plan de Prévention des Risques d’Inondations de Molsheim. L’enjeu est vraiment très important, impossible de rater cette réunion même si j’ai l’impression d’être totalement en vrac. Après quelques signatures dans mon bureau, je vais à la salle du conseil saluer les premiers arrivants. Je reviens vers mon bureau en courant. Pour la première fois, j’apprécie vraiment que ma poubelle soit équipée d’un sac plastique étanche. Je retournerai à la réunion, participerai à celle-ci. Elle posera les premières bases d’un PPRI intelligent et paisiblement discuté avec les services de l’Etat. Mais à force de tirer sur la corde, on finit par franchir des limites. Le soir, j’annulerai la réunion hebdomadaire du bureau maire/adjoints, je n’irai pas à l’assemblée générale des commerçants de Molsheim. Je resterai bien au chaud me reposer. Cela dit, sans trop d’espoir d’une grasse matinée réparatrice. Je me lèverai à 5h45 le matin pour aller à Paris.

Mardi 24 janvier 2017 En arrivant à l’Assemblée Nationale, je me décide à aller au cabinet médical de l’Assemblée pour montrer mon gros orteil gauche. Celui-ci est complètement violet, un vrai petit cervelas. J’ai droit à un magnifique pansement. Le soir, je reçois un concitoyen pour lui faire découvrir l’Assemblée. Je me couche dans mon bureau vers minuit. Une fois de plus, j’ai l’impression que mon ventre danse la gigue. Je ne fermerai quasiment pas l’œil de la nuit, me relevant à 5 heures du matin car nous inaugurons à 9h30 un nouveau bâtiment chez Merck Millipore qui vient de terminer un cycle de 12 millions d’euros d’investissements.

Mercredi 25 janvier 2017 En arrivant à Strasbourg à bord de l’ICE allemand, je ramasse mes affaires mais oublierai ma casquette à bord du train, ce que je me reprocherai longtemps. Chez Merck, je participe au coupé de ruban, je fais mon petit discours. Mais je sens que la fatigue est la plus forte, je préviens la mairie d’annuler mes engagements : je rentre chez moi pour dormir. Je dormirai 15 heures d’affilée.

Jeudi 26 janvier 2017 C’est avec une pêche d’enfer que je vais au bureau, que je rencontre les cheminots retraités, que je vais à Bourgheim visiter Endival, la plus grosse exploitation d’endives d’Alsace. C’est avec la même pêche que nous inaugurons un caisson de formation pour pompiers conçu par les professeurs et les

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élèves du lycée « Louis Marchal » et que le soir, je me rendrai à Colmar pour débattre avec Frédéric Bierry et Eric Straumann de l’avenir de l’Alsace.

Vendredi 27 janvier 2017 Dès 8h30, rendez-vous avec la SNCF pour la dénivellation du passage à niveau. À 11h30, j’aurais dû me rendre à Rothau pour l’inauguration du « Jardin des Droits de l’Homme ». Mais voilà qu’à nouveau mon système digestif me pose problème. L’heure est venue d’aller voir mon docteur, ce que je fais avec soulagement.

Samedi 28 janvier 2017 7h30 : prise de sang. Si j’ai peur de l’aiguille du don du sang, je n’ai jamais eu peur de celle du vaccin contre la grippe ni de celle des prises de sang. Je souris franchement lorsque je découvre que c’est une ancienne de l’Hôpital de Molsheim avec qui j’ai travaillé lorsque j’étais jeune directeur qui va me prélever. Il est agréable de commencer la journée avec un sourire amical.

De 8h à midi, bureau de la communauté de communes. Les 6 vice-présidents et le DG sont là : pendant quatre heures, nous évoquons un à un tous les dossiers de la communauté de communes et du territoire. L’ambiance est sympathique, décontractée et notre travail enrichissant.

Mais ce week-end, c’est surtout l’affaire Fillon qui fait la une des médias et est sur toutes les lèvres. Sa société de conseil 2F avait déjà fait la une de l’actualité. Madame Fillon aurait été salariée d’abord d’un petit journal, La Revue des deux Mondes, puis de son mari en tant qu’attachée parlementaire pour des sommes substantielles. Je suis abasourdi par ces révélations successives. Je n’ai jamais été filloniste, j’ai émis des doutes sur son projet. Mais il a été démocratiquement choisi pour représenter notre famille et je sais que le sentiment du « Tous pourris » va encore rejaillir sur chacune et chacun d’entre nous.

Mardi 31 janvier 2017 Ce matin, nous organisons un truc amusant à la communauté de communes. L’Etat, pour l’élaboration du Plan de Prévention du Risque d’Inondations de la vallée de la Bruche, avait mandaté un bureau d’études. Face à une situation un peu tendue, la communauté de communes a mandaté un bureau d’études concurrent et toutes les données ne sont pas concordantes. Ce matin, nous auditionnons les deux bureaux d’études en présence de la direction des territoires de l’Etat et des élus de la communauté de communes. Impossible pour moi de ne pas être présent. Cela dit, à 14h30 a lieu à Paris une réunion des députés bas-rhinois pour préparer le lancement de la campagne présidentielle. Je quitte donc la communauté de communes à 11h19 pour prendre le train de 12h19 à Strasbourg. Arrivé à 14h05 à Paris puis taxi. Je serai à 14h30 présent à la rencontre, et ne serai de loin pas le dernier à rejoindre mes collègues. L’ambiance aujourd’hui est très lourde. Les affaires ne cessent de plomber Fillon. Ce matin, au groupe, la posture était : « Tous derrière le candidat, unis et solidaires. » Les fillonistes parlent de boules puantes et ne supportent pas les doutes de nombreux autres députés. Entouré de fillonistes, je me vois reprocher de ne pas avoir été au meeting de début de campagne du grand homme à Paris. Je trouve que le clan souffre d’aveuglement, ils ont tant investi dans la victoire de cet homme. Cette victoire leur a donné le pouvoir et un sentiment d’autorité. Certains ont tutoyé des postes ministériels, tout semble s’effondrer. En aparté, le sentiment chez les députés non fillonistes est unanime : c’est mort. Nos électeurs grondent et il semblerait que de nouvelles révélations soient sur le point d’être faites. Tout est possible, tout cela serait risible si le destin de notre pays n’était pas en jeu. La situation est d’autant plus difficile que François Fillon a gagné sur le thème de la moralité, de la droiture, et qu’il incarne désormais l’image de celui qui a abusé.

18h : Nous nous retrouvons ce soir pour parler d’Alsace. Nous sommes étonnamment nombreux, tous les députés de droite et du centre sont là. Le climat créé par les affaires Fillon rend l’ambiance beaucoup plus sereine. Le fait que Philippe Richert ait annoncé son retrait de la vie publique en 2021 détend aussi quelque peu l’atmosphère, même s’il continue d’affirmer qu’on ne reviendra jamais sur le Grand Est. J’ai posé par écrit deux propositions :

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- Soit la création du Conseil unique d’Alsace en 2021 au terme du mandat actuel des élus départementaux et régionaux ;

- Soit une proposition de repli : fusion des deux départements avec transfert de compétences de la Région, notamment l’économie et les lycées.

Nous restons ensemble plus de deux heures et demie. La discussion entre tous est désormais possible. Cela dit, je note que mon ami Eric Straumann, subissant la pression du maire de Colmar qui recommence à jouer sur les registres toxiques (« Colmar va perdre la préfecture en cas de fusion des départements ») est beaucoup plus prudent, presque en retrait. Frédéric Bierry et moi tenons la même ligne. Mais le bonheur est d’entendre des affirmations de plus en plus fortes sur la peur pour l’Alsace, le manque d’Alsace. Intellectuellement, les lignes bougent. Nous convenons d’organiser une prochaine réunion avec Philippe Richert. Au cours de la rencontre, je sors le nouveau manuel d’Histoire-Géographie pour élèves de troisième que m’a procuré Philippe Meyer : dans l’Atlas, seule la région Grand Est apparaît, le périmètre de l’Alsace, le mot Alsace ont disparu. Je dis avec douceur mais sincèrement que notre génération d’élus a une responsabilité historique. Serons-nous celle qui éteindra la lumière… Pendant la réunion, je suis assis face à la porte vitrée qui donne sur le hall. En levant la tête, je vois tout d’un coup Benoît Hamon, dont le bureau est dans notre bâtiment, grand vainqueur de la primaire socialiste, qui discute avec un inconnu. L’homme est courtois mais n’a jamais fait le moindre cadeau à ses meilleurs ennemis du Gouvernement Valls. Son projet de revenu universel est dingue, infinançable et mettrait le pays à bas. Il s’en moque, il a gagné. Est-ce cela la politique ? Au terme de la réunion, nous sommes six députés, deux sénateurs et le président du conseil départemental du Bas-Rhin à nous rendre au restaurant de l’Assemblée pour partager un vrai moment de convivialité et de décontraction. Nous sommes entre amis, ça fait du bien.

Mercredi 1er février 2017 La journée commence à 8h15 par un café, quelques chouquettes et un peu de travail avec Eric, l’attaché parisien.

9h15 : rendez-vous dans l’hémicycle avec un photographe de l’assemblée pour faire quelques photos qui seront bien utiles pendant la campagne électorale.

9h35 : commission des affaires économiques.

11h15 : nous auditionnons dans mon groupe d’études mission sur l’Arctique, l’Antarctique et les TAAF Monsieur Degeorges qui concentre son intervention sur le Groënland, territoire d’un peu plus de 50 000 habitants rattaché à la couronne du Danemark. L’audition est passionnante et me donne l’envie de me rendre dans ce territoire vaste comme quatre fois la France.

15h : Questions au Gouvernement. Ce matin, le Canard Enchaîné nous a appris que l’argent pris par la famille Fillon est bien plus important que ce qui avait été annoncé et pour la première fois, un sondage ne donne même plus notre candidat présent au second tour alors que notre famille avait tout gagné : municipales, départementales, régionales et sénatoriales. Il y a quelques mois à peine je disais que cette élection était imperdable. Quand on perd son honneur, mérite-t-on encore de gagner les élections ? En cet instant, je suis convaincu que François Fillon devrait annoncer son retrait de la compétition. À la fin des questions au Gouvernement, je discute avec Alain Chrétien, député-maire de Vesoul et très proche soutien de Bruno Le Maire. Nous sommes 100% d’accord, le problème est moins juridique que moral, l’entêtement de Fillon à vouloir rester candidat peut nous mener à la catastrophe. Nous tombons sur Jean-Louis Costes qui est un intime d’Alain Juppé. Il l’a appelé ce matin pour lui demander d’être candidat, ce dernier n’en avait pas très envie. Alain et moi partageons la même idée. Notre candidat ne peut pas être un des « jeunes » sinon tous les autres lui feraient la guerre car leur carrière en serait profondément affectée. Il nous faut un ancien, un sage : Alain Juppé a toute légitimité parce qu’il était finaliste de la primaire. Dans ce schéma, c’est à lui de refaire l’unité entre toutes les sensibilités : sarkozistes, fillonistes, copéistes, lemairistes et centristes. Juppé candidat de l’Union sacrée, pourquoi pas ? Notre collègue, suite à notre conversation, dont nous partageons à trois chacun des mots, s’isole pour appeler à nouveau Alain Juppé.

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En sortant de l’hémicycle, je tombe sur Jean-Frédéric Poisson qui fait un vrai blocage sur Juppé, partage l’idée d’une candidature de substitution mais préférerait largement celle du président du Sénat Gérard Larcher… Chose amusante, depuis deux ans nous plaignions les députés socialistes qui allaient de catastrophe en catastrophe. En nous voyant, ils retrouvent le sourire. C’est déjà ça et je ne peux même pas leur en vouloir tellement nous sommes ridicules.

16h30 : je me retrouve coincé à la commission mixte paritaire (moitié Sénat, moitié Assemblée) sur le projet de loi ratifiant deux ordonnances sur l’autoconsommation électrique et l’énergie renouvelable. Je prendrai le train de retour à 18h55 et arriverai à Strasbourg à 20h41. J’essaierai de rattraper l’assemblée générale d’une association de Molsheim à laquelle j’assiste tous les ans par respect et amitié pour les adhérents.

Vers 22h15, lorsque j’arrive à la maison, je reçois un SMS : acceptez-vous de signer un texte commun de soutien à François Fillon. Ma réponse est en trois lettres : non. Quelques instants plus tard, mon téléphone sonne : mon collègue Antoine Herth essaie de me convaincre de signer le texte de soutien. Notre discussion est paisible, mais je suis clair. Ma réponse est non.

Mardi 7 février 2017 Hier, François Fillon a fait une conférence de presse, s’excusant devant les Français. Mais sur le fond, il n’a pas réussi à justifier ce qui ne peut l’être. Il reçoit aujourd’hui tous les députés à son QG où il va réaffirmer sa détermination, ce qui fera plaisir aux fillonistes qui se damneraient pour lui et mettra une fois de plus dans l’embarras beaucoup d’autres. Je n’irai pas à cette réunion, ayant pris un rendez-vous depuis très longtemps au Centre National de Gestion, un organisme situé près de l’Hôpital Georges Pompidou qui gère la carrière des directeurs d’hôpitaux comme des médecins hospitaliers. Je suis reçu par deux dames d’une grande courtoisie qui m’expliquent l’évolution de ma carrière, la rémunération que j’aurai, qui serait d’ailleurs significativement supérieure à celle que je perçois en tant que député-maire. J’étudie les modalités d’un retour dans mon corps professionnel et les possibilités d’évolution vers d’autres corps : magistrat à la chambre des comptes, juge au tribunal administratif, ou sous-préfet. C’est parce que je dispose d’une double sécurité, celle d’être député et maire – président de communauté de communes d’un côté, mais aussi celle de pouvoir retrouver une vie professionnelle valorisante que je n’hésite pas à m’engager très fort lorsque cela est nécessaire. Beaucoup de mes collègues qui perdraient leur mandat de député perdraient tout, j’ai la chance de ne pas être dans cette situation et j’en suis heureux.

À 12h10, j’arrive avec mon attaché parlementaire à la Maison des Spiritains, située près du Panthéon. J’y retrouve le père Kihm que j’avais rencontré quand il s’occupait de la Maison des Spiritains à Wolxheim. Nous déjeunons avec la communauté au réfectoire, à la table du supérieur provincial de France, originaire de Sarreguemines qui connaît bien Molsheim et Obernai. L’économe est d’ailleurs originaire d’Obernai, ce qui fait que je ne me retrouve pas en terre inconnue. Après le repas, nous visitons un lieu magnifique, véritable havre de paix en plein Paris pour une communauté qui décline doucement en ne perdant rien de son idéal.

15 heures : questions au Gouvernement. Clairement, le cœur n’y est plus. Il n’y est plus à gauche, il n’y est plus à droite. Nous sommes à 15 jours de la fin d’une session dans un climat irréel où personne ne sait où l’on va. Les révélations se sont multipliées ces derniers jours sur François Fillon qui pour toute défense prend des postures martiales et parle de complot. Pourtant, c’est le fond qui choque et notamment l’importance des sommes pour quelqu’un qui s’est toujours présenté comme l’incarnation de la droiture en politique. À la sortie de l’hémicycle, un collègue évoque devant le petit groupe que nous formons un problème de logement parisien de François Fillon : c’est la deuxième fois que j’entends cette affaire pas encore sortie dans la presse et pour laquelle on peut encore attendre un coup de Trafalgar.

16h15 : nous sommes en salle de la commission des affaires économiques pour émettre un avis sur la nomination du nouveau président de la Commission de Régulation de l’Energie. Sur ma tablette, j’ai reçu au moins une trentaine de mails, quelques-uns défendent Fillon victime d’un acharnement médiatique. Mais l’immense majorité traduit le désarroi de nos militants comme de nos électeurs. Cela

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fait plusieurs jours que je réponds à presque tous les mails et pour la première fois, désabusé, j’y renonce. Ecoutant d’une oreille distraite l’exposé de notre orateur, je vois sur ma tablette une nouvelle alerte info : Pénélope Fillon aurait touché 45 000 € d’indemnités chômage pour un emploi si peu occupé. Cela fait plus de trois ans de salaire pour une personne payée au SMIC. C’est la sixième ou septième affaire concernant les Fillon, je n’en peux plus, je n’en veux plus. Je ferme ma tablette désespéré de tout cela. Mais je suis encore plus désespéré par notre incapacité collective à dire notre colère, ce qu’aimeraient entendre tant de Français. Je suis désespéré de la faiblesse dont font preuve tant de collègues qui suivent la tête dans le sac, le cœur froissé et qui espère juste des temps meilleurs.

Urgence. Le groupe a la possibilité de me donner un temps de parole demain pour une question au Gouvernement. Avec toute cette actualité, je n’ai rien préparé. Je prends la question, je ferai au mieux ce soir. Mais avant, je pars passer un bon moment avec mes collègues qui étaient proches de Jean-François Copé qui nous invite à dîner dans un petit restaurant du quartier. Nous médirons probablement plus que de raison…

Mardi 14 février 2017 Me voilà de retour à l’Assemblée Nationale. Je suis marqué depuis quelques jours par les mails et les réactions à la candidature Fillon. À Gresswiller, en pleine prise de parole, un concitoyen m’a interpellé par un : « Parlez-nous de Fillon ! ». Samedi, à Wasselonne, en quittant une belle manifestation, un monsieur d’un certain âge, très élégant, me toise et me dit : « Vous êtes payé comme Fillon ? ». En montant dans ma voiture, un sentiment de rage m’a gagné : non je ne fais pas ça pour l’argent, oui j’ai toujours essayé d’être droit. Je bosse comme un malade, et je me fais insulter. Pour la première fois, j’ai un haut-le-cœur, un sentiment de révolte, un vrai ras-le-bol. Je rejoins la salle du groupe parlementaire où siègent à la table notre président Christian Jacob, ainsi que les vice-présidents et François Fillon. Quelques courageux, avec beaucoup de prévention, décrivent les réactions du public à François Fillon. Pendant près de deux heures, ce dernier est stoïque, ne sortant de sa réserve que pour dénoncer Pierre Lellouche qui évoque son système de défense. S’il y a quelques courageux, on sent aussi les affidés, les affiliés, les racolés qui évoquent le courage du candidat ou la posture qu’il doit prendre. Si l’on parle parfois de droit, on ne parle jamais d’éthique. Pourtant, toute cette affaire est avant tout une affaire de morale bafouée.

Vers 13 heures, je prends le métro pour rejoindre Bernard Accoyer et six députés pour l’un de ces traditionnels repas de débriefing faits par les dirigeants successifs de notre parti. Je suis placé en bout de table et choisis de me taire. Surpris, Bernard Accoyer me demande au bout d’un temps mon opinion. Je lui dis que je suis choqué, que je pense que François Fillon peut gagner l’élection présidentielle mais que je ne vois pas comment il pourra gouverner et appliquer son programme. Je souligne que 40 ans après, on parle encore des diamants de Giscard ou plus récemment du Fouquet’s de Sarkozy. Je me permets de dire que nous sommes collectivement dans une situation de faute morale car je pense que la prochaine mandature est la dernière avant l’accès du Front National au pouvoir et que cette affaire renforce le sentiment d’une classe politique corrompue, indigne. Je suis persuadé que nous traînerons les conséquences de cette affaire pendant de nombreuses années. J’explique enfin que nous sommes dans une société de délation et de communication dématérialisée, que toute affaire a vocation à sortir et que la seule manière de ne pas en subir, c’est de ne pas en créer. Il est inutile de savoir d’où vient le coup, pourquoi cela sort aujourd’hui. S’il y a du fond, cela se saura toujours au pire moment.

Au retour, nous sommes quatre à monter dans une voiture avec chauffeur, chacun a tenu autour de la table des propos extrêmement modérés. Dans la voiture, les collègues se lâchent, un de mes collègues pourtant toujours pondéré nous dit sans ambages au sujet de Fillon : « Ce mec se fout de notre g… ».

Arrivés à l’Assemblée, nous allons aux Questions au Gouvernement. L’ambiance est morose, tant à gauche qu’à droite. Je suis à côté d’Arlette Grosskost et de Jean-Luc Reitzer avec qui nous discutons paisiblement. Derrière moi, Jean-François Lamour, ancien champion olympique de sabre mais désormais responsable des investitures pour les législatives, est particulièrement sollicité. Je lui demande un temps de discussion à la sortie des questions : nous prendrons un bon quart d’heure dans le salon devant l’hémicycle. Le sujet est simple. À Strasbourg, mon collègue Jean-Philippe Maurer a été investi par la commission nationale d’investiture puis confirmé lors du dernier conseil national

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comme candidat aux législatives. Ancien député de la circonscription, il a continué après sa défaite à travailler et sillonner cette dernière. Mais l’UDI revendique l’investiture pour Pascale Jurdant-Pfeiffer, mon ancienne collègue du conseil général. Jean-François Lamour m’affirme que rien n’est fait mais qu’on allait vraisemblablement dans cette direction, ce qui induira vraisemblablement un premier tour entre l’UDI et Jean-Philippe et permettra probablement une réélection du candidat socialiste. Il me confirme aussi que l’UDI profite de l’affaiblissement politique de Fillon pour être plus exigeant sur le nombre de circonscriptions qu’elle revendique. Encore une fois, cette conversation me confirme à quel point la politique peut être cruelle et à quel point les destins peuvent être facilement balayés. Jean-Philippe est un ami, je suis écoeuré.

Mardi 21 février 2017 Ce matin, le voyage pour Paris n’est pas tout à fait comme les autres. Je viens pour la dernière semaine de la session parlementaire et de la mandature. Ce soir, je dormirai pour la dernière fois du mandat dans mon bureau en espérant en avoir un plus confortable en cas de réélection.

À 11h15, nous avons réunion de groupe. Bien qu’à son terme se fasse la photo de famille, je refuse de m’y rendre, préférant travailler à mon bureau. J’ai été très choqué la semaine passée de la déclaration de François Fillon selon laquelle, même mis en examen, il sera candidat à l’élection présidentielle, lui qui avait dit de Nicolas Sarkozy : « Imagine-t-on le Général de Gaulle mis en examen ? » Dimanche soir, j’ai pris deux heures pour lire les articles de presse et naviguer sur le net pour mesurer les affaires Fillon. Je persiste à penser qu’il peut être élu, mais je persiste aussi à penser que nous commettons une faute morale inexcusable car nous donnons et donnerons pour longtemps le sentiment d’une classe politique pourrie qui aidera le Front National à briser son plafond de verre. François Fillon s’obstine, probablement parce que c’est le rêve de sa vie, peut-être aussi pour échapper à la justice. Nombre de mes collègues acceptent des entorses à la morale car leur plan de carrière leur permet d’avoir des rêves nouveaux. J’avoue être plus que mal à l’aise dans cette situation.

La séance de questions au Gouvernement sent véritablement la fin de session : les bavardages y sont nombreux, le niveau sonore élevé. Le soir, le président Bartolone a invité tous les députés à un pot de fin de mandat dans la magnifique galerie des fêtes. L’ambiance est sympathique, ceux qui ne se représentent pas sont détendus. Je discute avec des amis, mais aussi avec le président Bartolone auquel je raconte la lettre d’avertissement qu’il m’avait envoyée pour excès sonore au cours d’une séance à laquelle je n’étais pas présent, les huissiers me confondant souvent avec Eric Straumann. L’anecdote le fera rire aux éclats. Au cours de ce mandat, j’ai souvent discuté avec le jeune député Olivier Faure qui vient d’être élu président du groupe socialiste. Le gars est sympa dès qu’on dépasse les postures partisanes.

Après cette partie formelle et gastronomique, je rentre à mon bureau où je termine l’action rangement.

Mercredi 22 février 2017 Je me lève à 7 heures, direction la douche au sous-sol. Cette nuit, lors d’une halte pipi, j’ai rencontré dans le couloir Jean Lassalle qui comme moi dort dans son bureau. Il m’affirme avoir 480 signatures de maires et m’entreprend longuement afin que je signe pour lui. S’il dit vrai, il est en passe de réussir l’exploit d’être candidat à l’élection présidentielle.

À 8 heures et quart, je prends un petit-déjeuner à l’extérieur avant de me rendre en commission des affaires économiques où dans mon intervention, je remercie et la présidente Madame Massat et mon premier président de la commission du développement durable Monsieur Chanteguet, qui auront été des présidents tolérants et extrêmement respectueux de la parole de l’opposition. J’ai souligné à quel point le travail en commission aura été si différent de la vie chahutée et parfois violente de l’hémicycle.

12h45 : c’est mon dernier jour et pour la première fois, je réponds à une des très nombreuses invitations à déjeuner dans les excellentes tables de Paris, adressée par un groupe, une entreprise ou un lobby. J’ai jusqu’à présent toujours refusé de pratiquer ce genre de sport qui pourtant fait les délices de nombre de mes collègues de tous bords. Mais nous sommes le dernier jour, il s’agit du patron de

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Canal +, mais surtout il s’agit du restaurant Laurent près de l’Elysée, une des tables que j’ai envie de découvrir depuis longtemps. 15h : avant les questions au Gouvernement, je suis interrogé par la chaîne C8 sur la réforme territoriale. Depuis quelques semaines, plusieurs médias ont cherché à me contacter : France Inter et Europe 1 par exemple pour l’affaire Fillon, auxquels j’ai refusé de répondre. Là, il s’agit de la réforme territoriale, un de mes sujets de prédilection.

Après l’interview, je propose à l’équipe de télé de me suivre dans mon bureau. Je leur montre la pile de documents envoyés par des administrations et que nous collectons pieusement depuis un an. La pile fait 80 centimètres de haut et pèse 36 kilos. Si chacun des 577 députés et 348 sénateurs reçoit les mêmes documents, cela représente l’équivalent du poids de six éléphants d’Asie ou de la taille de la tour la plus haute du monde : la Burj Khalifa à Dubaï, soit 750 mètres. Tout cela est payé par le contribuable, imprimé, envoyé par la poste pour la notoriété des administrations et de leurs ministres. Le temps passe très vite et je rate la dernière séance de questions au Gouvernement. C’est un peu dommage, je manquerai aussi la photo de groupe prise par mes collègues bas-rhinois. Je pars sur les chapeaux de roues, chargé comme un mulet vers la gare à 16h55. J’arriverai à Molsheim avant 20 heures. Encore une heure et demie pour préparer les budgets du SIVOM et de la communauté de communes avant de m’effondrer dans mon canapé devant un improbable programme télévisé.

Je me battrai pour revenir à Paris, mais pour l’heure, je suis heureux d’être en Alsace et plus que jamais, j’ai la conviction qu’il faut lutter pour la défense des valeurs et d’abord pour une forme de morale dans la vie publique.

Lundi 19 juin 2017 Hier soir, j’ai été réélu député de la sixième circonscription du Bas-Rhin. Après un premier tour décevant à 36%, je fais 62,6% au second tour. Quel soulagement. Au premier tour, seul l’électorat Macron a voté. Au deuxième tour, dans sa sagesse, l’électorat a souhaité qu’une opposition puisse s’exprimer à l’Assemblée Nationale.

Entre les deux tours, nous avons énormément travaillé. Des dizaines et des dizaines de personnes ont distribué mes documents. Je ne les connais pas toutes et de loin pas. Presque tous les maires m’ont manifesté leur solidarité comme les conseillers départementaux, Frédéric Bierry le président du département ou Marie-Reine Fischer, conseillère régionale. À vrai dire, nous avons « bossé comme des fous ». Si je n’ai pas senti le stress avant le premier tour, j’étais anxieux entre les deux tours et ce pour la première fois depuis longtemps.

Ce matin, dans le train, épuisé par quatre nuits où j’ai dormi au maximum deux heures, je repense à ce qui nous est arrivé. Après les primaires, nous avions la certitude de ne pouvoir perdre ces élections. Notre candidat allait gagner et dans la foulée, un raz de marée bleu envahirait l’Assemblée Nationale. Mais voilà, le programme perçu comme trop brutal de François Fillon et l’addition de toutes les affaires nous ont fait perdre pied. Notre famille a fait 36% aux départementales, 32% aux régionales, 20% aux présidentielles, 21,5% aux législatives, signe que notre électorat n’a pas encore pardonné les aléas récents. Epuisé, je m’endors vite dans le train en direction de Paris où je vais m’inscrire dès lundi matin. Il y a cinq ans, j’étais le seul député de la droite et du centre élu au premier tour. Les caméras télés m’accompagnaient, je passais dans l’émission « C’dans l’air ». Aujourd’hui, je viens dans l’indifférence, élu survivant d’une droite et d’un centre balayés après la grande catastrophe de l’élection présidentielle.

Arrivé à l’Assemblée, je vais m’inscrire au groupe, puis fais la photo officielle maquillé et poudré comme une star du cinéma. Très peu de collègues sont là, je vois Christian Jacob qui salue les nouveaux et les revenants du groupe. En allant au petit coin, je croise Ségolène Royal qui erre seule dans les couloirs déserts de cette grande maison.

À peine les formalités faites, je reprends le train puis la voiture afin d’être à 18h30 à Molsheim pour le conseil municipal. Bien sûr, le débat de ma succession comme maire est évoqué par chacune et

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chacun, jamais devant moi mais je sais bien, et c’est bien naturel, que ce sujet préoccupe ou passionne tout le monde.

Guy Salomon a été très déçu de n’être pas élu député, il y croyait sincèrement. Il arrive avec un peu de retard ce qui lui évitera mes propos de remerciements forcément douloureux pour lui. Cela dit, 24 heures à peine après le 2ème tour des législatives, nous renouons ensemble, paisiblement.

Mardi 20 juin 2017 Si le conseil s’est tenu à 18h30, c’est parce que nous faisons le repas annuel de l’assemblée à 20 heures. L’ambiance fut bonne, les délibérations adoptées à l’unanimité et le repas à la ferme-auberge Kaes excellent. Encore une fois je me couche à près d’une heure du matin pour me lever à 7 heures. J’ai insisté pour que le conseil au complet soit présent pour la photo de la dernière fermeture du passage à niveau de Molsheim. Depuis 153 ans, des barrières s’ouvraient et se fermaient, bloquant la circulation. Désormais, elles vont être démontées pour que ce chantier de 25 millions d’euros puisse entrer dans sa phase la plus décisive. Il aura fallu 17-18 ans pour en arriver là et franchir beaucoup d’obstacles. Mais c’est à Paris, en tant que député, que j’ai pu débloquer ce dossier, notamment en m’investissant dans la réforme ferroviaire. J’en ai la conviction : sans cumul des mandats, ce chantier aurait été beaucoup plus difficile à obtenir. Nous ne boudons pas notre plaisir, la photo est historique.

Mercredi 21 juin 2017 À 5 heures, le réveil sonne. Je prends le train de 6h47 à Strasbourg. A bord du convoi, trois citoyens de la circonscription viennent spontanément me féliciter et papoter un peu avec moi. Le contact est agréable, sympathique.

À 10 heures, nous votons pour le président de groupe : Christian Jacob, président sortant fait face à Damien Abad, seul député handicapé de l’Assemblée. Même si tout ne fonctionne pas comme je le souhaiterais au sein du groupe, même si le discours de Christian me semble parfois un peu trop cogneur, je vote pour lui par amitié et parce qu’il m’a toujours témoigné respect et confiance.

Vers 11h30, je vais avec Eric Straumann et Raphaël Schellenberger, nouveau député du Haut-Rhin de 27 ans, boire un panaché à la buvette. Nous finirons par déjeuner avec quelques collègues dans les jardins, petit lieu paradisiaque au cœur de Paris. Nous voyons quelques nouveaux députés marcheurs qui nous font sourire tant ils ont à apprendre. Marine Le Pen et sa nièce Marion Maréchal traversent la cour comme deux stars que chacun regarde. À notre table, nous sommes cinq députés heureux de débattre de notre sort. Nous parlons beaucoup de nos collègues balayés par une tempête à laquelle ils n’ont pu résister. À la table juste à côté, réunion des dirigeants centristes de l’UDI et ceux de la douzaine de députés républicains contre lesquels Emmanuel Macron n’avait pas jugé bon de présenter un candidat, plus deux ou trois d’entre nous qui par un effet de mode ont décidé de les rejoindre. Ensemble, ils créent un groupe : « Les Constructifs ». Je connais l’ambition de chacun d’entre eux, rien dans leur démarche n’est gratuit. Tout est ambition, calcul personnel. Ils se drapent dans la modernité et n’incarnent que la plus désuète manière de faire de la politique. 12h30 : première réunion du groupe. Nous sommes une centaine alors que nous étions 199 avant. Une poignée de députés sont partis chez les Constructifs, d’autres se sont arrêtés, beaucoup ont été battus. Nous avons tous le cœur un peu lourd. Christian Jacob et Damien Abad s’expriment simplement et avec justesse. François Baroin, qui a mené la campagne au niveau national, nous félicite les uns et les autres. La démission du Gouvernement de Marielle de Sarnez et de François Bayrou fait évidemment grand bruit et est largement commentée. Je suis l’un des six députés à prendre la parole pour dire trois choses : 1) en voyant la trahison et la félonie, l’échec d’amis proches, j’ai envie de crier. 2) mais les Français n’attendent pas de nous entendre crier. Ils veulent que nous soyons justes, soutenant ce qui va dans le bon sens et nous opposant au reste. 3) je rappelle que le temps est notre allié. Pendant un an, nous serons inaudibles, temps pendant lequel il nous faudra être patients et non sectaires.

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Je termine en disant qu’en ce jour de canicule, nous sommes dans notre hiver politique, mais quoi qu’il arrive, notre printemps reviendra. À nous de savoir attendre.

Après cette petite référence aux saisons très appréciée par mes collègues, je retourne au bureau pour faire un petit mot à ceux de droite et de gauche battus lors des élections et que j’appréciais personnellement. J’ai notamment écrit un petit mot à deux députés communistes, plusieurs socialistes car la politique n’est pas la guerre et j’en suis persuadé, nombre de ces collègues ont donné le meilleur d’eux-mêmes et doivent avoir en ces jours besoin d’un mot d’amitié face à la part d’amertume qui doit être la leur. Mon bureau ne ressemble plus à grand-chose. Par précaution, j’avais fait le tri de toutes mes affaires avant la fin de la session. Désormais, ce qui doit être déménagé est dans de grands cartons bien empilés au cœur de la pièce. Mon drapeau alsacien recouvre le tout. Après chaque renouvellement, l’ensemble des députés change de crèmerie. Jusqu’à la semaine prochaine, nous allons nous rattacher à un groupe. Au-delà, la conférence des présidents partagera les bureaux dans chaque bâtiment en fonction du poids politique de chaque groupe. Une fois ces bureaux connus, c’est le groupe qui affectera à chacun le sien. Evidemment, ils ne se ressemblent pas tous : il y en a des grands, il y en a des petits, il y en a avec douche, WC, d’autres avec rien. Comme je dors dans mon bureau, j’aimerais avoir un lieu qui m’offre plus de confort logistique car pour l’heure, je n’ai pas de point d’eau, le WC est à l’étage et les douches au sous-sol.

16h : départ de l’Assemblée. Ce soir, c’est fête de la musique et s’il le faut, je payerai des tournées pour célébrer mon élection.

Mardi 27 juin 2017 À la sortie du train à Paris, je retrouve mon ami Eric Straumann qui me signale de belles taches sur ma chemise blanche. Je ne sais pas comment j’ai commis cet exploit mais visiblement, je n’ai pas bu la totalité de mon café. Je changerai donc de chemise dès mon arrivée à l’Assemblée.

11 heures : au groupe, vote pour les vice-présidents et secrétaires du groupe ainsi que les membres du bureau. Je vote alsacien, je vote aussi pour celles et ceux pour qui j’ai toujours eu de la sympathie.

À midi, grâce au nouveau député de Cernay Raphaël Schellenberger qui entre à l’Assemblée Nationale à 27 ans, un véritable miraculé du suffrage universel, je retrouve mon vieux complice du couscous Michel Sordi. Michel a arrêté volontairement mais visiblement est ému de ne plus être avec nous. Avant la séance, la presse locale a réuni l’ensemble des députés alsaciens pour une photo commune. L’ambiance est sympathique, potache. On sent toutefois Antoine Herth gêné, élu sans éclat alors qu’il n’avait pas de candidat En Marche contre lui. Il a quitté le groupe pour rejoindre ceux qui rendent la monnaie de la pièce de leur faiblesse. Antoine n’est pas à l’aise avec les Républicains, pas vraiment non plus avec les Marcheurs. J’aime beaucoup l’homme, mais au fond de moi j’ai de la peine face à la route qu’il a suivie. Un peu plus loin, je vois Jean-Luc Warsmann, l’homme de toutes les compromissions, qui rêve de devenir président de la grande région. Il a quitté le groupe, la rumeur dit qu’il voulait la présidence de la commission des lois en contrepartie. Il aura peut-être une voiture, un chauffeur, mais aura-t-il encore un peu d’honneur ?

Nous sommes appelés à siéger à 15 heures. Dans les salons, nous découvrons toutes ces nouvelles têtes, élus En Marche. En les voyant, on se rend compte tout de suite qu’il y a des gens de grande valeur. On voit aussi des zozos et des opportunistes. Je m’amuse d’une chose, c’est de voir que le code vestimentaire de l’Assemblée n’est pas respecté. Mélenchon n’a pas de cravate, le mathématicien Cédric Villani porte une lavallière, le cinéaste Ruffin est en chemise sans veste. Je trouve tout cela plutôt sympathique. Je me souviens que pour une séance de nuit, l’accès à l’hémicycle m’avait été interdit par les huissiers parce que je portais un gilet et non une veste sur ma chemise et cravate… Avant de siéger, je m’assois dans les vastes fauteuils de la salle des conférences. François de Rugy passe devant moi, le plus que probable futur président de l’Assemblée Nationale. Ecologiste, il a saisi la bouée de sauvetage du mouvement de Macron et va être propulsé président de l’Assemblée Nationale. J’en suis heureux pour lui car le gars a toujours été sympa : régionaliste convaincu, il défend le rattachement de la Loire Atlantique à la Bretagne et avec constance le point de vue alsacien.

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François fait un détour pour venir me saluer avec gentillesse et sourire. J’espère qu’au-delà des brillantes fonctions qu’il va occuper, il restera toujours ce garçon simple et sympa.

Dans l’hémicycle, nous sommes appelés individuellement les uns après les autres pour voter pour le président de l’Assemblée Nationale après le discours du doyen d’âge, l’ancien maire de Cannes Bernard Brochand (79 ans). Pendant près d’une heure et quart, chaque député ira déposer son enveloppe dans une vaste jarre sous le regard des six benjamins de l’Assemblée Nationale. Ce temps relativement ennuyeux me permet de discuter avec un vice-président d’université de Saint Etienne, professeur de chimie et élu LREM. De toute évidence, voilà un homme qui apportera quelque chose à l’institution.

Mercredi 28 juin 2017 Hier soir nous avons partagé avec Eric Straumann notre premier couscous de la saison. Nous étions cinq et nous avons fait une balade nocturne sur l’île de la Cité : moment vraiment très agréable.

Arrivé à mon bureau rempli de cartons, prêt pour le déménagement, je déploie mon canapé et je fais mon lit pour la dernière fois avec des draps propres fournis par l’Assemblée. Dans mon couloir, il y a 14 bureaux. Les députés battus et ceux qui ne se représentaient pas les ont déjà vidés, les réélus sont dans l’attente de leur nouvelle affectation. Après chaque élection, l’assemblée est prise d’un tournis : on trie, on classe, on jette, mais surtout on déménage. Sur les 14 bureaux du couloir, seul Frédéric Reiss dort cette nuit dans le sien. Nous sommes donc deux à attendre. Au petit matin, je descends au sous-sol pour prendre ma douche. Et là malheur, mon badge ne me permet plus d’ouvrir la porte d’accès aux douches. Je remonte dans mon bureau un peu désespéré, me tourne vers Frédéric qui revient de la douche frais comme un gardon. C’est donc que le sien doit encore fonctionner. Il aura la gentillesse de me prêter son précieux sésame.

Ce matin, je suis de bonne humeur. Hier, on m’a signalé que j’aurai le double bureau dont je rêve. Qui plus est, hier soir, j’ai appris par SMS que j’obtenais la place que je convoitais en commission de la défense. Il me reste à réobtenir la présidence du groupe d’études Arctique, Antarctique et Terres australes, et je serai pleinement satisfait. Ce matin, nous votons en interne pour les candidats du groupe Les Républicains à la questure et la vice-présidence de l’Assemblée et pour les postes de vice-présidents et de secrétaires de chacune de nos huit commissions. Malgré nombre de sollicitations, je vote alsacien : Hetzel à la vice-présidence (il fait un très beau score), Straumann à la questure (qui ne dépasse pas les seules voix alsaciennes).

Cet après-midi, séance. Normalement, tout devrait se passer sans difficultés. Depuis 50 ans, la répartition des vice-présidents de l’Assemblée est fonction du poids de chaque groupe, depuis 50 ans, sur les trois questures qui gèrent l’Assemblée Nationale, une est systématiquement donnée au premier groupe d’opposition afin qu’elle puisse contrôler les chiffres et la gestion de la maison. En 1993, alors qu’il n’y avait plus que 57 députés socialistes, la droite a veillé à ce que, premier groupe d’opposition, il dispose d’une questure. Stupéfaction en séance. Alors que la présidence avait indiqué le nombre de postes auxquels nous aurions droit, l’un des onze députés issus de nos rangs mais ayant été élu avec l’investiture de Macron et s’étant déclaré de la majorité, pose sa candidature. D’une manière incroyable, ils ont déclaré son groupe d’opposition et de manière plus incroyable encore, les députés En Marche votent pour lui. Contrairement d’ailleurs aux députés du Modem. La tradition républicaine, les droits de l’opposition sont totalement bafoués. La majorité s’arroge tous les postes, ne respecte rien. C’est minable, totalement minable.

A ma plus grande surprise, mon nom avait été tiré au sort comme assesseur pour suivre le scrutin. Le vote a lieu dans les salons de l’hémicycle, notre mission est de suivre en cortège les urnes portées par les huissiers jusqu’à la salle de dépouillement. Chacun des quatre assesseurs contrôle le dépouillement d’une urne sur une table. Ensemble, nous signons le procès-verbal de dépouillement et attestons de la sincérité du scrutin.

La séance dure jusque tard dans la soirée. Nous sommes stupéfaits par tant de mépris. Le président du groupe socialiste fera une intervention très juste, faisant part de son effarement. Mais c’est André Chassaigne, président du groupe communiste, qui trouve les mots justes et forts face à cette situation

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ubuesque. Dans l’hémicycle, nous sommes encore placés de manière alphabétique, je suis entouré de députés En Marche, totalement novices, qui ne comprennent rien à ce qui se passe et qui me semblent, pour ce qui concerne mes voisins, être des gens très bien. J’ai devant moi Ferrand, le ministre démissionné pour avoir eu un peu trop d’affaires, et qui est président du groupe En Marche. L’homme est roublard, n’a clairement pas le niveau de la fonction. Je rejoins mon bureau totalement écœuré. Moi qui avais tant d’espoirs pour une rénovation de la démocratie, je dois dire que même en cinq ans sous une majorité socialiste écrasante, je n’ai pas vu ça.

Le soir, lors du scrutin pour le vice-président, au regard de la confusion qui règnera, je démissionnerai de ma « lourde » charge d’assesseur, ce qui sera porté au procès-verbal de la séance.

Jeudi 29 juin 2017 Après la soirée catastrophique d’hier soir dans l’hémicycle, la radio ce matin apporte des explications embrouillées mais il ressort néanmoins une idée : La République en Marche a voulu s’approprier tous les postes pour eux au détriment de la tradition républicaine qui fixe pour base le respect de l’opposition.

Ce matin, première réunion de commission. Je suis heureux d’être à la commission de la défense qui se réunit dans un bâtiment annexe de l’Assemblée, un hôtel particulier assez luxueux. Je vois les nouveaux députés de La République en Marche, assez pâteux après la première soirée vécue dans l’hémicycle. Un peu avant, j’ai longuement discuté avec un ancien député socialiste élu sous l’égide de l’étiquette Macron. Il me dit sans ambiguïté avoir honte de ce qui s’est passé et m’indique clairement que cela était dû au bricolage et à l’inexpérience qui règnent dans leur groupe. Nous élisons comme président de commission un ancien député socialiste lui aussi reconverti en macroniste. Soucieux de l’ambiance de travail dans la commission, il ouvre intelligemment la porte à l’opposition républicaine. Nous soutenons et arrivons à faire élire vice-président un député socialiste connu pour la qualité de son travail parlementaire sur les questions de défense. Pour les assesseurs, outre un marcheur et une républicaine, nous soutenons un Modem et un communiste élu Outre-Mer afin qu’une diversité des expressions soit possible. Cela me fait d’autant plus plaisir que les groupes GDR (communistes), socialiste et Modem ont été très correct dans le débat qui nous opposait à l’hégémonisme triomphant du groupe majoritaire.

À 12 heures, je prends le taxi dans la précipitation. Ce soir, je présiderai pour la dernière fois une séance ordinaire de la communauté de communes de Molsheim-Mutzig, dix-huit ans après l’avoir fondée avec quelques collègues. Ce soir marquera le début de la fin de ma vie d’élu local.

Lundi 3 juillet 2017 J’arrive vers 12h10 à la gare de l’Est, achète un de ces nombreux sandwichs qui me servent de repas tout au long de l’année : jambon-fromage et évidement une petite tarte au flan en dessert, on ne se refait pas. La petite demi-heure de taxi pour rejoindre l’Assemblée Nationale me sert souvent à passer des coups de fil à celles et ceux qui ont besoin que je les rappelle. Arrivé à l’Assemblée, je dépose mes affaires dans mon bureau, toujours rempli de grands cartons, prêts à être déménagés vers mes nouveaux locaux. Je vais directement vers le point de départ des bus qui nous amèneront pour le Congrès à Versailles pour écouter le Président de la République. Je discute longuement avec mon voisin, un avocat de 44 ans qui soutenait Juppé, a postulé sur Internet et qui, en connaissant finalement peu de choses de son mouvement, s’est retrouvé député En Marche. L’homme me paraît sympathique…

Arrivé au Congrès, nous faisons les mêmes photos qu’il y a quelques mois. La salle est magnifique et impressionnante, les lieux chargés d’Histoire, le Président parlera pendant une heure et demie. Il s’exprime de manière paisible mais le discours est désespérément vide. Rarement je me suis autant ennuyé. Bien sûr les médias continueront à encenser le grand homme. Nous sommes pour quelques mois encore dans la période du « On lèche » de la célèbre trilogie politique : « On lèche, on lâche, on lynche. » Je suis heureux qu’après ce discours, mon groupe ait choisi pour s’exprimer Virginie Duby-Muller, jeune députée de 37 ans élue de la Haute-Savoie. Virginie fait un discours juste, clair et paisible. Je la

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félicite et lui dit qu’elle a donné une belle image de notre famille politique. Le discours passé, je décide de prendre l’un des premiers bus qui rentre vers l’Assemblée. Nous sommes une majorité de députés Républicains a-priori, ceux d’En Marche ont décidé de vivre leur bonheur aux côtés de leurs héros et c’est bien leur droit. Les communistes et le front de gauche ne sont pas venus. C’est dommage car il faut respecter les institutions et la personne du Président de la République.

Dès le départ du bus, nous sommes accompagnés de deux motards de la police nationale qui nous ouvrent un chemin protégé tout le long par des policiers armés. Pour des raisons de sécurité, ces bus remplis de députés et de sénateurs ne doivent pas s’arrêter aux feux rouges. Nos deux motards sont de vrais voltigeurs et notre chauffeur de bus est un artiste du volant. Nous prenons des files à contre-sens, zigzaguons au milieu des carrefours. Je ne suis pas certain que nos concitoyens bloqués dans les embarras de la circulation apprécient beaucoup mais je dois avouer que pour nous, ce retour en bus assez sportif est franchement rigolo. À notre arrivée, nous félicitons tous le chauffeur. Je vais voir les deux policiers pour leur demander s’ils ont trouvé du bonheur dans leur mission. La réponse est clairement oui, chapeau les artistes.

19 heures. Je pars en métro avec Straumann et Cattin, nouveau député de Kaysersberg vers la butte Montmartre. L’ancien député Jean-Louis Christ y avait beaucoup de connaissances dont il a transmis la liste à Straumann. En arrivant, nous rencontrons un couple de Molsheimiens tout sourire, attablé à une terrasse. Le monde est décidément bien petit ! Nous avons décidé d’aller dans un restaurant tenu par un Egyptien, mais au milieu de la foule, le responsable d’un bistrot reconnaît Straumann. Nous rentrons dans son petit établissement. Immédiatement, il prévient le pharmacien d’à côté qui vient prendre l’apéro avec nous. L’ambiance est détendue, le rosé excellent. Peut-être en abuserons-nous un peu.

Mardi 4 juillet 2017 J’ai dormi comme un loir. Couché à 23h15, je me lève à 7 heures du matin en forme olympique. Certes, comme j’ai oublié de mettre sur ma porte le petit écriteau « Ne pas déranger », vers 6 heures une femme de ménage d’origine africaine m’a trouvé ronflant dans mon canapé-lit. Au moment de la douche, je descends les trois étages avec Jean Lassalle, tous les deux en peignoir. Je m’enferme dans ma cabine, me rase, commence à me doucher. Puis tout d’un coup j’entends que l’on frappe à la porte. C’est la voix rocailleuse de Jean Lassalle qui a oublié son shampoing et me demande si je peux lui prêter le mien. J’ouvre la porte une serviette autour du ventre, lui tend mon shampoing. Le grand Jean est là, en caleçon et tout sourire. Il me rendra le flacon un peu plus tard avec la gentillesse qui le caractérise. Ce matin, j’ai un petit-déjeuner avec un ami ancien citoyen de Molsheim. Je me rends dans les locaux du groupe les Républicains pour vérifier le bureau qui me sera attribué. C’est du bonheur ! J’aurai enfin un double-bureau avec une douche où je pourrai prendre mes aises pendant cinq ans. Dans l’hémicycle, on me confirme ma place. J’étais au dernier rang dans la mandature précédente, je suis désormais au deuxième rang. Là-encore, c’est une bonne nouvelle. Arrive le grand moment, celui du discours de politique générale du Premier Ministre Edouard Philippe. Sincèrement, je suis d’accord avec 85% de ce qu’il dit. Mis à part la politique sur le tabac et l’équilibre des comptes publics, beaucoup de choses me semblent aller dans le bon sens. Sur ce point je note toutefois une immense contradiction entre l’objectif de réduire les déficits et la litanie des dépenses nouvelles, mise en œuvre des promesses d’Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle. Edouard Philippe n’est pas à l’aise, il n’est pas brillant, mais réalise une performance tout à fait honnête. Je me souviens de la deuxième déclaration d’investiture de Manuel Valls : démagogique à mes yeux, mais brillante et pleine de souffle. On en est loin aujourd’hui, mais il faut espérer des résultats plus que de l’emphase. Christian Jacob répondra au nom du groupe Les Républicains. Il fera particulièrement mouche lorsqu’il demandera à Edouard Philippe s’il a la conscience tranquille en pensant à la centaine de députés de notre groupe battus aux élections législatives, notamment à cause du trouble jeté par le comportement opportuniste de trois d’entre nous. Touché à cet instant, le premier ministre sera bien meilleur lorsqu’il répondra avant le vote, notamment sur les ordonnances. Parmi les autres interventions, je note celle d’Olivier Faure, président du groupe socialiste, qui porte désormais le nom de « Nouvelle Gauche » qui trouvera plusieurs formules efficaces rappelant

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notamment la dimension formidablement opportuniste qui constitue le socle de la constitution du Gouvernement, et de l’élection de très nombreux députés. Cette semaine, le PS, après s’être séparé de Manuel Valls et de son aile droite, a perdu Benoît Hamon et les frondeurs. Ce parti très affaibli retrouve désormais une cohérence idéologique. Je suis de ceux qui pense que le PS n’est pas mort, loin s’en faut. À la tribune, le débat est l’occasion de la première grande intervention de Jean-Luc Mélenchon. C’est avec gourmandise que je suis resté à ma place pour l’écouter. Rien de ce qu’il dit sur le fond ne m’agrée, mais l’homme est un tribun extraordinaire et la qualité littéraire de son début de discours est simplement remarquable. Pour dire les choses de manière triviale, que de bêtises exprimées avec tant de talent. Je ne peux m’empêcher d’avoir une part d’admiration pour le bonhomme.

Le soir, nous nous retrouvons à dix-sept députés et sénateurs alsaciens pour parler de l’Alsace. Mon Dieu… Nous sommes une tripotée d’individualistes là où nous devrions être une meute solidaire, certains étant encore soumis à Philippe Richert. Le discours est beau : « Il faut retrouver l’Alsace ! » Mais surtout ne pas contrarier le plan de carrière de l’un, l’ambition de l’autre. Je suis surpris par les leçons de morale que nous donne Antoine Herth qui a pris l’investiture Les Républicains et dès le lendemain de son élection, sans concurrent de la République en marche est parti du côté de ceux qui ont abandonné leur famille politique. Au moment du Congrès, Fabienne Keller est allée saluer les ministres sortant de leurs berlines. Elle aussi court après un poste : la présidence de la RATP semble-t-il. Philippe Richert a paraît-il été candidat au poste d’ambassadeur des pôles, finalement dévolu à Ségolène Royal. J’avoue que tout cela ne me met pas très à l’aise. Ces gens ont été élus grâce à notre mouvement, au soutien de nos militants. Aujourd’hui, ils se sentent affranchis et montrent qu’ils ont pour nous une part de mépris.

Mercredi 5 juillet 2017 J’ai une fois de plus très bien dormi dans mon petit canapé-lit. La pièce est climatisée, la rue n’est pas bruyante. Cette nuit fut la dernière dans mon bureau au milieu des cartons de déménagement. Hier soir, j’ai fait un calcul. J’ai dû dormir à peu près 300 nuits dans mon bureau, j’ai ainsi permis à l’Assemblée d’économiser 70 000 euros de frais d’hôtel. À 7 heures, je vais à la douche au sous-sol. Tout d’un coup, on tambourine à la porte. C’est Eric Straumann qui dit bonjour en passant. Je quitte les lieux dans mon peignoir qui a désormais du mal à fermer. Je regarde une dernière fois ce lieu où théoriquement je ne reviendrai plus. Ce matin, Eric, mon attaché à Paris est venu avec sa voiture. Après deux heures de travail, nous déménagerons les cartons nous-mêmes d’un bureau à l’autre pour gagner du temps.

10h30. La réunion des questeurs vient de se terminer, la répartition des bureaux pour les 577 députés est désormais effective. J’ai le droit d’aller vers un nouvel espace avec deux bureaux, une douche et un WC. L’espace est beaucoup plus prestigieux, je fais désormais partie des privilégiés de mon groupe. Mon bureau est équipé d’un lit placard, j’ai la ferme intention de ne pas aller à l’hôtel et de continuer à dormir sur place. Après une opération homérique de déménagement, le reste du matériel suivra dès demain, notamment les équipements informatiques. Pour l’heure, on pédale encore dans la choucroute mais dès la semaine prochaine, tout sera rentré dans l’ordre.

14 heures : dans une petite salle, nous nous réunissons à quelques-uns pour parler de l’Alsace. Nous sommes quatre élus LR et 3 nouveaux élus En Marche alsaciens. On sent qu’ils apprennent, le contact est sympathique, j’ai le sentiment que leur souhait profond est de faire et bien faire… Tant mieux !

15 heures : première séance de questions au Gouvernement. Le climat est paisible, le ministre de l’éducation nationale est brillant, d’autres le sont moins. Rien de particulier à signaler, sinon que nous avons une approche particulière vis-à-vis des quatre parlementaires LR qui ont franchi le Rubicon. Le Premier Ministre ne souhaite pas entrer en confrontation avec nous, on sent une part de gêne. Bruno le Maire nous toise avec ce que je crois être de l’arrogance, Gérald Darmanin, ancien porte-parole de Nicolas Sarkozy puis de François Fillon, se moque de nous, trop heureux de voir sa carrière tutoyer les sommets.

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Le soir, j’ai le plaisir d’accueillir un ancien ingénieur du conseil général qui a beaucoup œuvré pour le contournement de Molsheim, et son épouse. Après nous être quittés, je dors pour la première fois dans mon nouveau bureau équipé d’une climatisation, d’une douche, d’un WC. Je suis heureux de pouvoir enfin disposer de ce confort.

Lundi 10 juillet 2017 Conséquence de mon élection, je dois quitter la mairie et la présidence de la communauté de communes. Ce soir j’organise les primaires au sein du groupe majoritaire : 26 personnes sont censées prendre part au vote, elles le feront toutes. Depuis le début de l’année, je n’ai pas encore pris une seule journée de congé, aucun week-end, j’ai travaillé 7 jours sur 7, y compris le week-end de Pâques. Je me sens fatigué, totalement vidé. À cela s’ajoute cette réunion qui inscrit pour la première fois en moi le fait qu’après 22 ans de présence, je vais quitter la mairie de Molsheim. Pour la première fois, je me sens mal. Pourtant, la réunion avec les collègues du groupe se déroule bien. Les deux adjoints, Chantal Jeanpert et Jean-Michel Weber présentent chacun leur candidature, ainsi qu’un conseiller municipal que j’aime beaucoup, Vincent Chatte. Chacun s’exprime dans le cadre d’interventions de qualité. Tous ont des mots aimables pour moi, pour mon travail. Ce travail que j’aimerais tant pouvoir continuer. J’en veux à Hollande qui a voulu flatter l’opinion publique sans rien mesurer des conséquences désastreuses de cette décision stupide du non-cumul des mandats. Le résultat est sans appel : Jean-Michel Weber l’emporte très largement devant Chantal et Vincent. Je n’ai fait campagne pour aucun d’entre eux, longtemps je m’étais juré de voter blanc. Finalement, j’ai voté Weber, car samedi Chantal est venue me voir dans mon bureau : notre échange fut plus qu’orageux et j’avoue avoir été assez peiné d’entendre certains propos. Depuis longtemps, je savais ce qui allait se passer au conseil municipal et au final, je suis assez heureux. Chantal a toujours été loyale et fidèle depuis 22 ans, elle est conseillère départementale et adjointe. Jean-Michel a été mon concurrent en 1995, mais nous avons eu l’intelligence de nous unir en 2001 et je n’ai jamais regretté ce choix depuis. Je suis heureux qu’il ait sa chance en tant que maire et je l’espère demain en tant que vice-président de la communauté de communes. En réalité, je n’ai eu qu’une seule crainte, c’est qu’au-delà des mots d’apaisement du début, leur relation ne se dégrade. J’espère qu’ils comprendront qu’une part de leur destin est liée, ils grandiront ensemble ou disparaîtront ensemble.

Mardi 11 juillet 2017 Après la réunion de groupe, je déjeune avec sept autres députés du groupe dont un seul est un ancien. Les 6 nouveaux députés, chaleureux, sympathiques, ont de l’énergie à revendre. Je m’aperçois qu’à 52 ans, je ne suis pas encore un vieux mais certainement plus un jeune. Avant le repas, j’ai passé un coup de fil à Gilbert Roth, maire de Dorlisheim, premier vice-président de notre communauté de communes. Je lui annonce que je voterai pour lui et ce pour deux raisons : d’abord parce qu’il a été exemplaire lorsque nous avons fait le contournement qui passe sur le ban de Dorlisheim. Ensuite, parce qu’il aura été un premier vice-président efficace et solidaire pendant toutes nos années de travail en commun. Le concurrent de Gilbert est le maire de Mutzig, Jean-Luc Schickele, que j’apprécie énormément humainement et à qui je dois aussi un soutien efficace pendant la campagne électorale. Faire le choix de Gilbert est totalement évident pour Gilbert mais me coûte beaucoup par rapport à Jean-Luc. Je vais m’en expliquer avec lui, je lui dois cela. Dans l’après-midi, je me rends à la salle de la commission de défense, dans l’annexe de l’Assemblée Nationale rue Saint Dominique. Après la réunion, le président nous autorise à visiter son bureau immense et luxueux. Bien sûr, il ne fait que l’emprunter pour un temps, mais les fastes de la République sont parfois troublants. Après la réunion, je vais au Franprix d’à-côté acheter du shampoing qui me semblait manquer, puis je rentre à mon bureau vers 19h30. M’étant levé tôt, j’ouvre mon lit pour me reposer quinze minutes. Je m’endors comme une masse pour ne me réveiller que vers 22h30.

Dans l’hémicycle, on débat de la loi habilitant le Gouvernement à réformer le code du travail. Je suis favorable à ce texte, je le voterai le moment venu. Vers 22h30, je vais à la buvette. Le service vient de s’arrêter. Cela dit, il est encore possible de manger une assiette de saumon. Les agents étant sympas,

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ils me ressortent une assiette de fromage et une grande assiette de saucissons. Je dîne à l’extérieur dans le très discret petit parc de la buvette. À huit mètres de moi, pointe vers le ciel la première des colonnades de l’Assemblée, éclairée dans la nuit. Elle donne un sentiment de puissance dans ce lieu si calme et pourtant si proche de la Concorde. Tout d’un coup, une suspension de séance est annoncée et la buvette se remplit. Mes collègues En Marche de Haguenau et du nord de Strasbourg viennent me rejoindre. Nous discuterons longuement ensemble, très amicalement. Mon collègue de Haguenau Vincent Thiébaut me dit qu’il a habité à Ernolsheim, qu’il a travaillé dans sa jeunesse à Obernai chez Hager puis à Wasselonne, qu’il connaît particulièrement bien notre territoire. Il me félicite pour le développement économique de celui-ci, j’ai la faiblesse de ne pas être insensible aux mots agréables qui concernent le travail que nous avons pu faire.

Mercredi 12 juillet 2017 Après la ministre de la défense, nous auditionnons ce matin le Général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées. L’homme est brillant, passionnant, cash. L’ensemble des commissaires (car c’est comme cela que l’on nous appelle en commission) applaudit le Général, tous groupes confondus. Macron a été élu en disant qu’il augmenterait le budget de la défense. Sa première décision est de baisser les crédits de 850 millions d’euros. Lors de son audition, le général de Villiers a été très clair, il a même dit à un moment : « Je ne me ferai pas baiser. », ce qui avait déclenché une hilarité générale. Nous quittons tous la commission avec de l’admiration pour cet homme hors pair. Deux jours après, Macron le recadrera publiquement pour ses propos, il le fera avec maladresse, donnant l’image d’un autoritarisme que je sens chaque jour un peu plus fort. J’ai vu mes collègues En Marche applaudir puissamment le général. J’aurais bien aimé savoir ce qu’ils ont pensé lorsque Macron l’a bêtement humilié.

Mardi 18 juillet 2017 Ce matin, réunion du groupe LR. Les débats sont amicaux, je prends la parole comme presque chaque semaine. Une chose me frappe : nous sommes 100 députés et il n’y a plus aucune star dans notre groupe. C’est d’ailleurs le cas pour l’Assemblée Nationale en règle générale, beaucoup de grands élus ont choisi de ne pas se représenter, quelques-uns ont été battus, celles et ceux qui géraient de grandes collectivités ont choisi leur région, leur département ou leur ville. Ce que je craignais est désormais réalité : certains se plaisent à parler de renouvellement, mais clairement le niveau a baissé. Chaque jour, la haute fonction publique se renforce et l’autorité de la classe politique fond comme neige au soleil.

17 heures : le groupe m’a propulsé membre de la délégation parlementaire aux outre-mer. L’Assemblée compte 27 parlementaires des départements et territoires d’Outre-Mer. Je travaillerai presque toutes les semaines dans cette délégation où j’ai accepté d’être présent car j’aime les sujets nouveaux. Ma vis-à-vis pendant cette longue réunion est députée de Tahiti. Nous parlons de ses déplacements : plus de 24 heures pour venir de chez elle à l’Assemblée. Elle en a assez de dormir soit à l’hôtel, soit dans son bureau et aimerait bien pouvoir disposer d’un petit studio à Paris. Elle m’expose aussi avoir un vrai problème financier pour payer ses voyages sur la soixantaine d’îles habitées dont elle est la députée. Discussions passionnantes, sur d’autres réalités, avec une collègue qui visiblement ne partage pas les mêmes idées politiques mais avec qui l’échange est sympathique. Une fois de plus, la réunion dure, le groupe majoritaire ayant décidé seul du fonctionnement et de la répartition des postes. Le président, député des Antilles, fait preuve d’un petit excès d’autoritarisme, pas totalement apprécié dans l’assemblée.

Peu après, je fonce vers une autre salle de réunion du bâtiment où se trouvait mon ancien bureau rue Aristide Briand pour une réunion de travail commune aux parlementaires alsaciens. Finalement, la situation est simple. Tous considèrent que le conseil d’Alsace, c’est-à-dire la fusion des départements et de la région en une seule collectivité serait la meilleure solution. Les loyalistes à Richert pensent qu’une fusion des deux départements pourrait être une solution d’attente, même si l’eurométropole pourrait sortir demain de ce dispositif. Nous décidons de nous revoir à la rentrée pour établir un projet sur lequel nous irions voir le président de la République. Si ce dossier n’aboutit pas, alors nous envisagerons une solution d’attente. Les députés En Marche présents contribuent au débat et me semblent assez positifs sur le sujet.

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Mercredi 19 juillet 2017 À midi, après les deux réunions de la commission de défense du matin, je retrouverai mon ancien voisin de bureau Alain Marc, devenu sénateur, et Christelle, ma première attachée parlementaire qui travaille avec lui. Hier soir, en rentrant, il faisait une chaleur accablante. J’ai réglé la climatisation de mon bureau sur 25° et ai dormi comme un nouveau-né. Cela dit, avant de dormir, j’ai réfléchi et j’ai pris conscience que je serai un mauvais député.

Pourquoi serai-je un mauvais député ? D’abord parce qu’à la commission de la défense, les auditions ne sont pas enregistrées en vidéo et les comptes rendus épurés pour des raisons évidentes de sécurité. Mes prises de parole n’y compteront pas pour l’évolution de mon activité parlementaire. C’est exactement la même chose pour la délégation aux outre-mer comme pour le groupe d’études Arctique, Antarctique et Terres australes. Je vais travailler et probablement beaucoup travailler, mais quoique je fasse, pour les statistiques d’activité parlementaire, alors que j’étais dans le premier tiers sur le mandat écoulé, je serai nul dans le mandat présent. C’est juste stupide, mais c’est comme ça.

Lundi 24 juillet 2017 Après une réunion à l’eurométropole sur l’avenir du canal de la Bruche, je prends le train pour Paris. Désormais, je sais… vendredi, le conseil constitutionnel a nettoyé les trois recours nationaux faits contre l’élection des 577 nouveaux députés. 30 jours après le 21 juillet, à savoir, le 20 août, je quitterai officiellement la mairie de Molsheim et la communauté de communes de Molsheim-Mutzig et environs. Mon esprit n’y est pas encore, je crois que je ne réalise pas la chose… Si je suis dans le train, c’est parce que cette semaine est examinée à l’Assemblée la loi sur la confiance dans la vie publique. Je rencontre dans le train un conseiller régional socialiste haut-rhinois que je connais depuis plusieurs années et mon nouveau collègue En Marche d’Haguenau avec qui je prendrai le taxi ainsi qu’un responsable agricole bas-rhinois qui m’explique avoir été présent aux assises sur l’alimentation qui ont semble-t-il fait preuve d’une grande part d’amateurisme. Après le pataquès avec le chef d’état-major des armées et après le pataquès lié à la baisse de 5 euros des APL, ce dernier me dit que le syndrome de l’échec est déjà là. Deux mois après leur arrivée au pouvoir, c’est la première fois que j’entends ça et ce n’est pas très rassurant. Je suis content de partir de Molsheim ce matin car hier, 150 caravanes se sont installées sur des prés du ban communal. Coup de fil avec l’adjointe, avec les gendarmes, avec deux agriculteurs qui ont mon numéro : toujours la même chanson, toujours la même histoire, jamais de réponse. Ce week-end, un jeune toxicomane est mort, son corps a été trouvé en décomposition trois jours après son décès. Ceux qui pensent que la fonction de maire se résume aux honneurs et à du kouglof n’imaginent pas l’océan de contraintes que cela peut représenter.

Arrivé à l’Assemblée, première déception : j’ai préparé 12 amendements, 4 d’entre eux ont été déclarés irrecevables par la commission des finances. Un député a le droit de déposer des propositions de lois, mais pas d’amendements engageant des dépenses nouvelles. J’ai ainsi proposé que les hauts fonctionnaires soient soumis aux mêmes règles et aux mêmes contrôles que les parlementaires. L’amendement a été rejeté car pour assurer ce contrôle, il aurait fallu mettre en place des moyens complémentaires. Ridicule. Le Parlement français est probablement une des institutions législatives qui coûte le plus cher au monde et qui a le moins de pouvoir. La France est une vraie démocratie de parole et d’opinion, mais avons-nous la possibilité de peser sur le cours des choses ? Je n’en suis pas certain.

Mardi 25 juillet 2017 La journée du mardi est une journée d’hémicycle consacrée au très mauvais texte sur la moralisation de la vie publique. Les parlementaires se font flinguer sur leurs moyens. On supprime la réserve parlementaire qui permet d’aider les petites communes et les associations, on s’auto-flagelle mais on ne touche en rien aux hauts fonctionnaires qui ont dix fois plus de pouvoir que nous.

À midi, un bus nous emmène vers le siège des Républicains. N’ayant plus de questure, nous n’avons plus que le siège pour nous retrouver avec les Sénateurs. Je mesure en voyant un seul bus l’ampleur de

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notre défaite aux dernières élections législatives. Au siège, nous écoutons un discours convenu de Bernard Accoyer qui dirige le parti jusqu’en novembre, date des prochaines élections. Je suis de mauvaise humeur, le buffet froid est sans intérêt et il n’y a ni café ni dessert. Le fait de voir pérorer des fillonistes qui ont soutenu jusqu’à la mort, souvent par intérêt personnel, leur champion et nous ont amenés là où nous sommes me donne envie de partir en courant.

Je passerai toute l’après-midi et la nuit jusqu’à une heure du matin dans l’hémicycle. Nous présentons de nombreux amendements comme les trois groupes de gauche d’ailleurs. Un seul depuis le début a été accepté par la majorité, qui vote comme un seul homme. En fermant toutes les écluses de la réflexion, de la tolérance, un rouleau compresseur est en marche, l’illusion Macron s’effondre dans les travées de l’hémicycle. Je discute beaucoup avec mes voisins Modem. Un de leurs députés est totalement excité, plusieurs autres sont des voisins adorables qui veulent simplement le bien pour leur pays. La séance est longue et s’emballe parfois. Au cours de l’après-midi, la vice-présidente qui préside s’emmêle complètement les pinceaux, appliquant un règlement de séance qu’elle ne connaît pas, faisant preuve aussi d’un caractère trop partisan. L’hémicycle entre en ébullition, le président de groupe La République En Marche est appelé en urgence. Après plusieurs interruptions de séance, c’est le Président de l’Assemblée Nationale qui reprend les rênes. Rapidement, les débats redeviendront sereins. J’interviens à trois reprises sur plusieurs amendements qui me tiennent à cœur. Mais à chaque fois, le rouleau compresseur compresse. Il y a peu d’orateurs de qualité. Parmi eux, le communiste Chassaigne, et force est de constater que trois ou quatre députés France Insoumise m’impressionnent assez. Cela dit, parfois ils en font trop, ils jouent, ils indisposent en théâtralisant leurs propos. Durant la séance, deux personnes jouent un rôle éminent : la ministre Garde des Sceaux qui présente la loi au nom du Gouvernement Nicole Belloubet et émet un avis sur chaque amendement, la Garde des Sceaux maîtrise parfaitement son sujet, elle est apaisante et mérite franchement un coup de chapeau même si la loi est assez humiliante pour les députés et protège de manière honteuse la très haute fonction publique incarnée par le Président de la République et le Premier Ministre. La rapporteure de la commission des lois Yaël Braun-Pivet a défrayé la chronique il y a quelques semaines car elle ne voulait pas réunir sa commission le mercredi matin, jour de tennis avec ses enfants. Le Canard enchaîné avait évoqué comme solution de changer la date de réunion du conseil des ministres… Le comportement de la présidente n’est pas méprisant, il est juste aléatoire car ne maîtrisant pas assez son sujet. Pour tout dire, le niveau est faible et avec des élus comme cela, le pays sera plus que jamais dans les mains de la seule haute fonction publique.

À une heure du matin, la séance est levée. Hier soir, à la même heure, après des heures et des heures dans l’hémicycle, nous sommes allés boire une chartreuse à la buvette, offerte par un collègue. Ce soir, c’est un panaché léger qui clôturera la journée. Couché vers 2 heures du matin comme hier soir, lever à 7h15 car à 8h30 arrive l’attaché parlementaire. Il faut qu’à cette heure, j’aie pris ma douche, je sois rasé, que le lit soit fait, le bureau aéré, la valise rangée. C’est donc un peu épuisé que je me lèverai.

Mercredi 26 juillet 2017 Après deux longues auditions en commission de la défense, une réunion de groupe sur les questions budgétaires et les questions au Gouvernement, nous rendons hommage debout et dans le silence absolu à une ancienne députée socialiste candidate La République En Marche, Corinne Erhel. Elle est morte le 5 mai 2017 d’une crise cardiaque à l’âge de cinquante ans. Nous avons siégé ensemble en commission de l’économie, je ne la connaissais pas plus que ça mais elle était plutôt sympathique, elle avait l’air en forme. Personne ne mérite de partir trop tôt. J’espère que là où elle est, elle a trouvé la sérénité. Je pense à sa famille et ses enfants qui en cet instant vivent un moment difficile. Pendant l’hommage, je suis à quatre mètres des bancs du Gouvernement et je vois le regard de Christophe Castaner, porte-parole du Gouvernement. Il a l’air très affecté et fait tout son possible pour retenir ses larmes. La politique a aussi sa part d’humanité. Pour la séance des questions, j’avais soumis à mon groupe un projet que j’avais rédigé sur les problématiques budgétaires et l’investissement public. Au vu des demandes et de l’actualité, ma demande n’a pas été retenue, j’en ferai une autre à la rentrée.

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À la sortie de l’hémicycle, je tombe sur Bruno Le Maire qui me tend une main franche : « Salut Laurent, comment tu vas ? », il ne s’attarde pas. Le temps de la séduction est bien terminé, désormais je ne suis plus dans son logiciel des gens utiles. Je vais à la buvette et là, hasard, je me retrouve avec le ministre des comptes publics Gérald Darmanin. Nous nous connaissons bien, j’ai même été dans sa circonscription. Il est sympa avec moi, amical, mais très vite absorbé par sa nouvelle vie de star auprès des parlementaires de La République En Marche. En sortant de la buvette, je tombe pile poil sur un troisième ministre, Jean-Baptiste Lemoyne, finalement celui que je connaissais le mieux, puisqu’il travaillait avant au groupe UMP avant d’être élu sénateur franc-tireur. Il est le premier parlementaire de droite à avoir rejoint très tôt Macron. Sa démarche est personnelle, sans préjudice pour autrui. J’ai une vraie discussion avec lui, courtoise, sympa. Il n’a pas pris la grosse tête, tant mieux. Trois ministres d’un coup, il ne me reste plus qu’à rencontrer Edouard Philippe, le premier d’entre eux.

Après cette séquence hommage et émotion, nous reprenons les travaux sur la loi de moralisation de la vie publique. Ce soir, je pars avec le dernier train à 20h10 pour l’Alsace car j’ai une réunion à 8 heures demain à la communauté de communes. Après celle-ci, je reprendrai le train à 13 heures pour être dans l’hémicycle vers 16 heures et faire la séance de nuit. Je reviendrai avec le train de vendredi matin, à 6h35 pour être vers 9 heures à Molsheim.

J’arrive donc à 22h45 à Molsheim, direction la mairie où en une heure bien tassée, j’arrive à écraser le boulot qui m’attendait sagement sur mon bureau. Vers minuit, je quitte ce lieu que j’aime tant mais qui est un peu glauque à l’heure de Cendrillon. J’ai déjà le sentiment d’être le fantôme de l’Hôtel de ville. Arrivé à minuit à la maison, je me pose une heure dans mon canapé en fumant mon cigare du soir. Je ne fume jamais à Paris. Au bout de trois jours, j’apprécie d’autant plus ce moment de sérénité.

Jeudi 27 juillet 2017 8h15 : réunion à la communauté de communes avec le petit groupe avec lequel nous finalisons un livre sur notre intercommunalité. Discussions rapides avec le DG puis avec Jean Biehler, l’attaché parlementaire qui me rejoint pour traiter le courrier du cabinet parlementaire. 12h20, départ pour la gare. Actuellement, le TGV n’est plein qu’à un tiers, nous sommes fin juillet : la France sent bon les vacances. A bord du train, je relis et corrige ce document, je me trouve de plus en plus bavard. Le contrôleur me reconnaît et m’interpelle sur l’Alsace : « Monsieur Furst, est-ce que votre pétition va porter ses fruits ? » Il me dit son amertume face à la région Grand Est et face à la classe politique et garde l’espoir d’un retour à l’Alsace, mais la douleur est vive.

Arrivé à l’Assemblée, je découvre qu’un de mes amendements que je n’ai pu défendre la nuit dernière a fait florès. Les parlementaires font des déclarations de patrimoine auprès de la haute autorité pour la transparence de la vie publique composée de 9 membres. Ces derniers font eux-mêmes une déclaration mais qui n’est vérifiée par personne. Je propose qu’elle soit contrôlée par les présidents du Sénat, de l’Assemblée et du Conseil supérieur de la magistrature. Mon amendement, défendu par un collègue, est repris par le président de mon groupe. Visiblement, la ministre et son équipe n’ont pas vu venir le coup et n’ont pas de réponse. La présidente de commission est complètement ailleurs. Le groupe majoritaire rejettera cet amendement sans aucune explication rationnelle, juste par solidarité. Le sujet n’est pas de grande ampleur, mais la situation est amusante.

Vendredi 28 juillet 2017 Je me suis couché à 2h45 du matin. Mon train est à 6h25, je souhaitais prendre le taxi 45 minutes avant. Mais, Eric, dans la précipitation, s’est trompé, et a commandé le taxi à 5h20. Après une traversée de Paris au petit matin, j’arrive à la gare une heure avant le départ du train. Si je m’assois, je dors, il faut donc rester debout et marcher, d’autant plus qu’aucun commerce n’est ouvert, pas l’once d’un café à l’horizon.

Mercredi matin je partirai en vacances pour deux petites semaines. Que retenir de ce début de mandat ? Des scandales que l’opinion pardonne encore, de l’amateurisme finalement compréhensible à l’Assemblée, un bon texte sur la loi travail, un mauvais sur la confiance publique, une alternance de bons projets à venir et de vraies bêtises. Une chose nous soulage, le contexte économique international est bon et depuis dix/douze mois, les indicateurs économiques du pays s’améliorent nettement. Au

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final, Hollande aura tout raté, ne bénéficiant même pas des premiers effets de son virage en faveur de la politique de l’offre.

Pour ce qui me concerne, j’ai beaucoup trop travaillé. J’ai tout donné pour la ville qui me fait confiance depuis 22 ans et qui a encore voté pour moi à 75%. J’ai encore travaillé pour la communauté de communes, j’ai fait campagne, j’ai été élu pour la 10ème fois : quatre fois maire, deux fois conseiller général, deux fois suppléant d’Alain Ferry, deux fois député. J’ai toujours la foi du charbonnier : l’envie de faire, d’oeuvrer est intacte mais là je suis à bout, lessivé, j’ai besoin de dormir, de lire… de dormir.

Mercredi 16 Août Pour la première fois j’ai pris deux semaines de vacances dans le sud sans emporter le moindre dossier. Je me suis formidablement reposé, et j’ai beaucoup lu. En ce jour je rentre en voiture depuis l’arrière pays entre Béziers et Narbonne. Je sais qu’une fois de retour une lourde tâche m’attend celle de transmettre le flambeau à la Mairie et à la Communauté de communes.

Jeudi 24 Août Chose promise chose due j’invite mon concurrent aux législatives Guy Salomon à dîner. Guy est un collègue du Conseil Municipal que j’ai toujours beaucoup estimé, bien sûr j’ai moins apprécié sa candidature mais il faut savoir tourner la page… Le repas est très agréable, la discussion chaleureuse, Guy a envie de faire de la politique et croit en son destin, nous échangeons quelques secrets de campagne et partageons nos espoirs, nos stress, nos déceptions, nos bonheurs respectifs. Nous nous quittons en très bons termes.

Samedi 26 Août. 22 heures : Après avoir participé à diverses manifestations j’arrive à la Mairie pour poursuivre une action difficile celle de vider mon bureau. Ce bureau fut ma tour de contrôle pendant des années j’y venais longtemps 7 jours sur 7, parfois à minuit une heure du matin, rarement très tôt. Pendant toutes ces années les souvenirs se sont sédimentés, et des dizaines de kilos de documents, de bibelots, se sont accumulés dans les tiroirs, dans les armoires, sur les armoires, dans les coins et recoins. À la Communauté de Communes, j’ai vidé mon bureau beaucoup plus facilement, mais à la Mairie tout est là, j’ai envie de tout garder, de ne rien jeter, mais il faut trier avec à chaque instant des souvenirs qui sautent au visage. En venant au bureau ce soir, je suis bien décidé à être efficace mais à peine cinq minutes après mon arrivée on frappe à la porte, un de nos policiers municipaux a vu de la lumière et est venu me saluer. Il me raconte des souvenirs, son recrutement, les bons moments que nous avons partagés, il y met du cœur et cela est très chaleureux. À 23 heures, je n’ai pas avancé d’un pouce et je quitte les lieux, certes heureux de cette discussion, mais déçu de mon inefficacité.

Dimanche 27 Août Après un passage à Griesheim, à Marlenheim et à Bischoffsheim je n’ai plus le choix il faut finir de ranger ce satané bureau. Je trie, je classe, je jette, je range, le couteau sous la gorge, demain soir on élit le nouveau Maire.

Lundi 28 Août 14 heures : J’ai demandé à deux agents de la Mairie et à deux personnels de la Communauté de Communes de me rapporter les cartons, les classeurs, les caisses que j’ai décidé de garder chez moi. Instantanément, ma cave si bien rangée se transforme en un vaste vide grenier d’élu local. Cette semaine sera une semaine difficile, ce soir nous élirons le nouveau Maire, jeudi soir le nouveau Président de la Communauté de Communes.

Cet après midi j’ai préparé le texte que je lirai en séance, mon bureau est sinistre vide mais pas encore nettoyé pour accueillir mon successeur. Clarisse, fidèle parmi les fidèles, secrétaire qui me suit depuis 20 ans met rapidement mon texte en forme. Dire qu’il y a de l’émotion est peu dire. Vers 18H30 je rentre chez moi pour enfiler un costume, mais avant j’ai besoin d’un remontant, à chacun sa dépendance, moi c’est le chocolat, rapide passage au Huit à Huit en face de la Mairie. Je reviens à la

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Mairie à 20h tapantes la Salle du Conseil est bondée, je lis mon texte très ému, la salle se lève, applaudissements chaleureux, c’est fini. La doyenne d’âge prend le relais nous élisons Jean-Michel WEBER, mon successeur à qui j’adresse du fond du cœur tous mes vœux de réussite. Election des adjoints puis ce sera une soirée au foyer paroissial où les Conseillers Municipaux ont la gentillesse de m’offrir une excellente bouteille de whisky, de magnifiques cigares ainsi qu’un énorme pot de Nutella que nous aurons le plaisir de partager lors d’une prochaine commission réunie.

Jeudi 31 Août Deuxième étape élection du Président de la Communauté de communes. Au début de la séance je lis un texte que j’ai préparé dans lequel je dis mon émotion de quitter cette structure que j’ai eu le bonheur de créer. Certains délégués avaient pour habitude de dire que c’était mon « bébé », le bébé a près de 20 ans et l’heure est venue de s’émanciper.

Les très longs applaudissements d’une salle debout me réchauffent le cœur. Après les mots très chaleureux de la doyenne d’âge, Gilbert Roth est élu Président dans d’excellentes conditions. Je suis heureux pour Gilbert qui aura été pendant 16 ans mon Vice-Président. Son accession à la Présidence a semblé légitime à toute notre assemblée, moi le premier. Jean-Luc Schickele est élu 1er Vice-Président, il avait souhaité être candidat à la Présidence, l’homme est très apprécié compétent et agréable, toutefois clairement dans l’esprit de mes collègues c’était l’heure de Gilbert et Jean-Luc l’a compris, ce qui est tout à son honneur. Martin Pacou et Gérard Adolph sont réélus Vice Présidents sans difficulté, Jean-Michel Weber nouveau Maire de Molsheim est lui aussi élu dans d’excellentes conditions. Marie-Reine Fischer et Jean-Luc Ruch Vice-Présidents sortants ont été concurrencés respectivement par Sandrine Himbert et Adrien Kiffel. C’est d’une courte tête que Marie-Reine sera réélue et d’une courte tête que Jean-Luc sera battu.

Je suis bien sûr heureux pour les deux gagnants que j’apprécie beaucoup, mais j’ai de la peine, notamment pour Jean-Luc qui n’a pas fait campagne affecté dans la semaine écoulée par des soucis de santé de plusieurs de ses proches. Sa peine me fait peine, j’essaye de le réconforter. Pour ma part j’ai voté par amitié et par fidélité pour l’ensemble des Vice-Présidents avec lesquels j’ai travaillé, je l’ai dit au nouveau Vice-Président, Maire de Wolxheim, qui avec beaucoup d’élégance me dit comprendre cela. Pour sa part Sandrine Himbert avec qui nous avons beaucoup travaillé ces dernières semaines pour la rédaction de l’ouvrage sur la Communauté de Communes, m’exprimera sa déception avec l’énergie qui est la sienne. Je comprends que passer si près de la réussite entraîne une part de déception.

Vendredi 1er Septembre Après toutes les émotions de lundi et de jeudi, je pars ce matin vers le cabinet parlementaire, je me trompe de route, par habitude je prends le chemin de la Mairie. Mais mon pauvre Laurent tu n’es plus Maire, il est venu le temps de s’habituer, le temps de passer à autre chose.

Cette semaine j’ai 26 rendez-vous ou manifestations en tant que Député, pas de quoi m’ennuyer mais clairement une page est tournée, j’ai un successeur à la Mairie, un à la Communauté de communes sans oublier Jean-Luc Schickele qui a été élu Président du SIVOM.

La veille, en allant à la Communauté de Communes je me suis dit 3 choses :

1. J’ai fait un choix, celui de rester Député, certes la loi annoncée sur les trois mandats successifs et l’absence de statut d’élu local a rendu mon choix quasiment impératif, mais néanmoins j’ai fait un choix et je dois l’assumer.

2. Pendant 5 ans j’ai été Maire d’une ville moyenne, Président d’une communauté de communes de 40 000 habitants et Député. Pendant cette période j’ai travaillé comme un fou, ne m’accordant comme temps de repos que le dimanche de 8 heures du soir à 8 heures le lendemain matin. Tout le reste était pour la cause et au-delà de la passion cela ne pouvait pas continuer ainsi.

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3. J’ai vu tant d’élus faire le combat de trop ou être battus injustement. En partant de la Mairie après 22 ans, je pars honoré, salué, et même un peu regretté ce qui fait toujours du bien à l’ego. Finalement, dans ces fonctions où l’ingratitude est parfois la norme je me dois d’être heureux qu’il en soit ainsi.

Et puis cette semaine j’ai acquis une conviction : certes je pourrais retourner vers mon monde professionnel avec un salaire plus confortable et bien plus de tranquillité. Mais je vais faire le job, mon job de Député, dans la circonscription comme à Paris et si la santé me le permet je vivrai d’autres aventures. Après deux semaines de repos j’ai une pêche d’enfer et envie d’enfoncer de nouvelles portes…