L'athéisme ou le refus de la croyance

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CONFÉRENCE PHILOSOPHIQUE “Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.” Voltaire L’ATHÉISME OU LE REFUS DE LA CROYANCE CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN Association ALDÉRAN Toulouse pour la promotion de la Philosophie MAISON DE LA PHILOSOPHIE 29 rue de la digue, 31300 Toulouse Tél : 05.61.42.14.40 Email : [email protected] Site : www.alderan-philo.org conférence N°1600-035

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L’ATHÉISME OU LE REFUS DE LA CROYANCEconférence d’Éric Lowen donnée le 3 octobre 2015 à Rodez à l'invitation de la Libre pensée de l'Aveyron.

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!!CONFÉRENCE PHILOSOPHIQUE !

“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.” Voltaire !!!!

L’ATHÉISME OU LE REFUS DE LA CROYANCE !!

CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN !!!

!

!!!!

Association ALDÉRAN Toulouse pour la promotion de la Philosophie !!MAISON DE LA PHILOSOPHIE 29 rue de la digue, 31300 Toulouse Tél : 05.61.42.14.40 Email : [email protected] Site : www.alderan-philo.org conférence N°1600-035

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! !!!L’ATHÉISME OU LE REFUS DE LA CROYANCE !conférence d’Éric Lowen donnée le 18/12//2014

à la Maison de la philosophie à Toulouse !!Avant d’être une réfutation de l’existence de dieu, l’athéisme est d’abord le refus de croire, c’est-à-dire le fait d’admettre pour vrai une chose sans réflexion, sans élément de confirmation objectif et rationnel. Il est donc avant tout une attitude de l’esprit, une exigence de rigueur avant d’être une réfutation ou une conviction. L’athéisme ne peut donc pas se réduire à la contradiction ou à la négation des déités. Il est d’abord une affirmation des pouvoirs de l’esprit humain, refusant de se démettre de la seule faculté qui le distingue de l’animal : la pensée rationnelle. L’athéisme comme donc par le refus de toute forme de croyance, et qui s’applique aussi aux athées dans leur manière de penser l’athéisme. !

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L’ATHÉISME OU LE REFUS DE LA CROYANCE !PLAN DE LA CONFÉRENCE !!

Pour rechercher la vérité, la meilleure méthode consiste peut-être à commencer par soumettre à la critique nos croyances les plus chères.

Karl Popper (1902-1994) Des sources de la connaissance et de l'ignorance !!!!

I PRÉSENTATION ! 1 - Un sujet d’explication des principes de l’athéisme 2 - Un sujet qui s’adresse en premier aux athées, pour améliorer leur athéisme 3 - Un sujet qui s’adresse en second aux croyants, dans le fait de croire 4 - Un sujet à la fois pour préciser l’athéisme mais aussi pour en élargir l’esprit et la portée !!!II PETITES PRÉCISIONS SUR CE QUE N’EST PAS L’ATHÉISME ! 1 - Comprend-on vraiment l’esprit de l’athéisme ? 2 - La confusion entre l’athéisme et l’anti-cléricalisme 3 - La confusion entre l’athéisme et l’anti-religionnisme 4 - La confusion entre l’athéisme et l‘agnosticisme 5 - La confusion entre l’athéisme et une croyance contre-théiste 6 - La confusion entre l’athéisme et une révolte anti-théiste (Don Juan) 7 - La confusion entre l’athéisme et une révolte prométhéenne 8 - La confusion entre athéisme et nihilisme 9 - Dans ces cas, l’athéisme est encore largement pensée en fonction de ... la religion ! !!!III L’ATHÉISME OU LE REFUS DE LA CROYANCE ! 1 - L’athéisme n’est pas une cause, il est une conséquence 2 - L’athéisme n’est pas une position de principe, mais un aboutissement spirituel 3 - L’athéisme est en premier fondé sur le refus de la croyance 4 - Ce n’est pas le seul principe qui le définit mais le premier, c’est une posture fondatrice 5 - L’athéisme est donc une attitude de l’esprit avant d’être une réfutation et un principe 6 - Etre athée ne peut donc pas se réduire à la négation des croyances théistes 7 - Il est une recherche du bien penser avant de penser à quoi que ce soit (ou contre quoi que ce soit) 8 - L’athéisme commence par une prise de conscience des exigences de la pensée rationnelle et de ses obstacles, tels que la croyance 9 - L’athéisme commence donc nécessairement par la compréhension de ce qu’est une croyance 10 - L’athéisme est donc la conséquence du penser par soi-même, de l’usage de la raison et du doute méthodologique 11 - C’est pour cela que l’athéisme est né de la philosophie 12 - Et cela explique comment l’athéisme a pu naitre dans des cultures théistes religieuses 13 - Dans sa réfutation des religions, l’athéisme conteste d’abord leur créantialité, leur infondation rationnelle 14 - Puis ensuite, leur appel à la démission-suppression des facultés «spirituelles» de l’être humain !!!IV L’ATHÉISME, UNE AFFIRMATION DES POUVOIRS DE L’ESPRIT HUMAIN ! 1 - L’athéisme avant d’être une négation est donc une affirmation 2 - L’athéisme est affirmation des pouvoirs de l’esprit humain : pensée par soi-même et pensée rationnelle 3 - Il en est de fait le défenseur face à toutes les attitudes opposées 4 - En cela, l’athéisme est un humanisme méthodologique 5 - De ce fait, l’athéisme n’est donc nullement un nihilisme 6 - L’athéisme est structurellement porteur de valeurs : celles de l’esprit humain et de son libre exercice !

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7 - Principes qui nous construisent et nous affirment dans notre humanité, qui nous humanisent 8 - Alors que les principes portés par la croyance en général et la religion en particulier nous maintiennent dans une éthologie immature ou régressive !!!V CONCLUSION ! 1 - L’athéisme est une culture de l’esprit critique avant d’être une critique créantielle ou religieuse 2 - Etre athée exige de refuser toute forme de croyances, même les croyances athéistes !

ORA ET LABORA !!!!!!

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Document 1 : La critique rationaliste de la religion a commencé dès l’antiquité grecque en portant sur les pratiques religieuses populaires, marquées par les superstitions et les charlataneries en tout genre. C’est ainsi que de Platon à Ciceron, de Sénèque à Epicure, c’est généralisée une critique de la crédulité et des croyances superstitieuses des religions antiques. Le texte suivant de Catherine Salles évoque le foisonnement religieux dans le cadre de la Rome antique, qui, s’il n’invite pas forcément à l’athéisme, avait de quoi pousser un esprit philosophique à être plus que sceptique face à toutes les affirmations humaines en matière de religions, de prophètes, de prodiges, d’oracles... !!!

Les plus astucieux parmi les vagabonds, les crève-la-faim qui traînent dans les rues de Rome, prennent le déguisement de la religion ou de la philosophie pour mystifier les badauds. Ce n'est guère difficile de prétendre savoir lire l'avenir dans les sorts, tirer un horoscope 1. Vieilles sibylles, détentrices de secrets immémoriaux, mages, astrologues qui se prétendent tous chaldéens ou babyloniens, ils harcèlent les passants et affirment tous connaître les secrets de l'avenir. La superstition native des Romains leur facilite la tâche. Déjà, pendant la Seconde Guerre Punique, les autorités durent prendre des mesures sévères pour chasser de Rome devins, astrologues et diseurs de bonne aventure : profitant de la panique que provoquèrent chez les Romains les défaites infligées à leurs troupes par Hannibal, tous ces charlatans se sont installés sur le Forum et, tout en prédisant le désastre, offrent les moyens de s'en préserver ! Des hommes dangereux, parce qu'ils compromettent le respect dû par les citoyens à la religion officielle. C'est pourquoi ils sont régulièrement l'objet de mesures d'expulsion. !Il y a plus imposteurs que les diseurs de bonne aventure, ce sont ceux qui se prétendent les prêtres d'une de ces divinités orientales familières aux Romains depuis le IIe siècle av. J.-C. : Cybèle, Isis, la grande déesse syrienne servent de « paravent » à des hommes, à des femmes, qui, au nom de la divinité, tirent des profits substantiels de la crédulité et de l'ébahissement des badauds. Tous ces faux prêtres se servent des mêmes artifices : démonstrations bruyantes, hululements, vociférations, danses extatiques, mutilations sanglantes, déguisements spectaculaires, tout est fait pour impressionner les passants : !

« Quand un individu secoue un sistre..., quand un cabotin se taillade les muscles des bras et des épaules..., quand une femme glapit en rampant sur les genoux au milieu de la rue..., quand un vieillard vêtu de lin agite une branche de laurier et une lanterne en plein jour en criant qu'un dieu est irrité, vous vous précipitez tous ensemble 2. » !

La plupart de ces « dévots » ne sont en fait que des charlatans, profitant de la crédulité populaire pour s'enrichir. Ils impressionnent le bon peuple par leurs oripeaux voyants, leur maquillage outrancier : !

« Vêtus de tuniques bariolées, ils se barbouillent hideusement le visage d'un fard plâtreux et cernent leurs yeux d'un trait de crayon charbonneux. Ils sortent accoutrés de turbans, de robes jaune safran et de voiles de soie ou de lin très fin. Certains ont des tuniques blanches, peintes en tous sens de motifs triangulaires de couleur pourpre et resserrées dans une large ceinture. Ils portent aux pieds des chaussures jaunes 3. » !

Le spectacle commence et les amateurs d'impressions fortes sont alors servis : danse frénétique propre à faire tourner la tête des spectateurs, automutilations sanglantes, flagellations, tout est destiné à provoquer dans la foule des sentiments d'admiration, où l'horreur se mêle au sadisme : !

« Après avoir placé sur mon des la déesse revêtue d'un manteau de soie, ils dénudent leurs bras jusqu'à l'épaule et, brandissant d'énormes épées et des haches, ils se mettent à bondir comme des possédés et le son de la flûte les entraîne comme des forcenés... En poussant des hurlements discordants, ils s'élancent de façon démente et, tête baissée, tordent en tous sens leur nuque en faisant tournoyer leur longue chevelure. Parfois ils se mordent eux-mêmes et en arrivent à se taillader les bras avec les armes qu'ils portent. « Entre-temps, l'un d'eux se démène plus violemment que les autres et, tirant de sa poitrine des halètements précipités, il feint d'être saisi par l'esprit divin et simule une épuisante frénésie... Il commence à prophétiser d'un ton plaintif et se met à s'invectiver lui-même en s'accusant d'avoir transgressé les règles de sa religion; il réclame pour ses péchés une juste pénitence. Alors il saisit un fouet, l'attribut par excellence de ces eunuques, un fouet formé de lanières de peau et de laine tressées, terminées par de longues !

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mèches et parsemées de nombreux osselets de mouton. Il se donne, avec ces lanières noueuses, de grands coups et fait preuve d'une endurance étonnante sous la douleur. On pouvait voir le sang immonde de ces efféminés couler sous les coupures des épées et sous les coups de fouet. » !

Un spectacle qui se termine, comme il se doit, par une quête parmi les spectateurs. Marques de dévotion, ou d'admiration pour une exhibition bien organisée, il est difficile de savoir pourquoi les badauds donnent à ces charlatans-mendiants : !

« Lorsqu'enfin fatigués ou, en tout cas, rassasiés de se mutiler, ils arrêtèrent cette boucherie, ce fut à qui leur donnerait des piécettes de cuivre ou même d'argent qu'ils enfouissaient dans les vastes plis de leurs robes. On leur offrait aussi soit une jarre de vin, soit du lait, ou du fromage, un peu de farine ou du froment. Eux, ils raflaient tout avidement et en bourraient des sacs confectionnés exprès pour ce genre de quête, puis en chargeaient mon dos.

Catherine Salles Les bas-fonds de l’Antiquité, 1982 !!

1. Les sorts, très utilisés par les devins et sorcières, sont de petites tablettes sur lesquelles sont écrites des prédictions, généralement rédigées en termes sibyllins. Le consultant tire au sort une de ces tablettes et connaît ainsi son avenir. !

2. Sénèque, De la vie heureuse, 26, 8. Le second personnage évoqué par Sénèque est sans doute un Galle, prêtre eunuque de Cybèle. Les trois autres se réclament apparemment de leur dévotion à Isis. !

3. Apulée, Les Métamorphoses, VIII, 27 (ainsi que les deux extraits suivants). Ces prêtres se réclament de la Déesse syrienne, Atargatis, dont le culte est assez semblable à celui de Cybèle. Le « personnage » qui raconte la scène est l'âne, héros du livre, sur le dos duquel les charlatans vont poser la statue de la déesse. !!!!

Document 2 : Une des premières applications de cet esprit rationaliste fut, avant de l’appliquer aux dogmes théologiques et à l’existence de dieu lui-même, sur les reliques, martyrs et miracles qui foisonnent dans la religion chrétienne. Avant même le développement du cartésianisme au 17ème, les guerres de religions catholico-protestantes du 16ème siècle donnèrent lieu à un intéressant jeu de dénonciation des miracles et prodiges que chaque camp enrôlait dans sa cause. Avant de contester le principe même des miracles, ils commencèrent à contester rationnellement la validité de telle ou telle affirmation miraculeuse, de telle ou telle relique. Il faudra attendre plus de temps pour que la critique anti-créantielle porte directement sur le principe des miracles, oracles et prophéties diverses. !!

Un exemple remarquablement complet des prétendus miracles de saint François Xavier, l'ami d'Ignace de Loyolla, le premier et le plus éminent des missionnaires jésuites en Orient. Saint François Xavier passa de longues années en Inde, en Chine et au Japon, et mourut en 1552. Ses compagnons et lui-même écrivirent beaucoup de longues lettres, qui ont été conservées, et où ils rendent compte de leurs labeurs, mais aucune de ces lettres écrites de son vivant ne contient la moindre prétention à des pouvoirs miraculeux. Joseph Acosta, ce même Jésuite qui était si embarrassé par les animaux du Pérou, affirme expressément que ces missionnaires ne furent pas aidés par des miracles dans leurs efforts pour convertir les païens. Mais, peu après la mort de Xavier, des histoires de miracles se mirent à fleurir. On raconta qu'il avait le don des langues, bien que ses lettres soient remplies d'allusions aux difficultés de la langue japonaise à la rareté des bons interprètes. On raconta qu'une fois, ses compagnons ayant eu soif en mer, il avait transformé l'eau salée en eau douce. Quand il avait jeté le crucifix à la mer, un crabe le lui avait rapporté. Selon une version plus tardive, il avait jeté le crucifix par dessus-bord pour apaiser une tempête. En 1622, quand il fut canonisé, il fallut prouver, à la satisfaction des autorités du Vatican, qu'il avait accompli des miracles, car, sans une telle preuve, nul ne peut devenir un saint. Le pape donna sa garantie officielle au don des langues, et fut particulièrement impressionné par le fait que Xavier avait fait brûler des lampes avec de l'eau bénite au lieu d'huile. C'est ce même pape, Urbain VIII, qui refusait de croire aux dires de Galilée. La légende continua à s'embellir : une biographie publiée en 1682 par le Père Bonhours nous apprend que le saint, au cours de son existence, avait ressuscité quatorze personnes. Les écrivains catholiques lui attribuent toujours le !

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don des miracles : c'est ainsi que le Père Coleridge, de la Société de Jésus, réaffirme le don des langues dans une biographie publiée en 1872. Cet exemple montre le peu de confiance qu'on peut accorder aux récits de miracles datant d'époques où les documents sont moins nombreux que dans le cas de saint François Xavier.

Bertrand Russell (1872-1970) Science et religion, 1957 !!!

Document 3 : Un des premiers grands philosophes à appliquer ces principes rationalistes à la religion en tant que telle fut Fontenelle, un philosophe de la première génération des Lumières. Un des passages parmi les plus connus de ses oeuvres qui évoque cela est celui de la «Dent d’Or», qu’il présente à la fois comme une leçon générale et une méthode universelle face à toutes les affirmations « extraordinaires » des religions. !!

Assurons-nous bien du fait, avant de nous inquiéter de la cause. Il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait ; mais enfin nous éviterons le ridicule d'avoir trouvé la cause de ce qui n'est point. Ce malheur arriva si plaisamment sur la fin du siècle passé à quelques savants d'Allemagne, que je ne puis m'empêcher d'en parler ici. En 1593, le bruit courut que, les dents étant tombées à un enfant de Silésie(1) âgé de sept ans, il lui en était venu une d'or à la place d'une de ses grosses dents. Horstius, professeur en médecine dans l'université de Helmstad, écrivit en 1595 l'histoire de cette dent, et prétendit qu'elle était en partie naturelle, en partie miraculeuse, et qu'elle avait été envoyée de Dieu à cet enfant pour consoler les chrétiens affligés par les Turcs ! Figurez-vous quelle consolation, et quel rapport de cette dent aux chrétiens ni aux Turcs ! En la même année, afin que cette dent d'or ne manquât pas d'historiens, Rullendus en écrit encore l'histoire. Deux ans après, Ingolsteterus, autre savant, écrit contre le sentiment(2) que Rullandus avait de la dent d'or, et Rullandus fait aussitôt une belle et docte réplique. Un autre grand homme, nommé Libavius, ramasse tout ce qui avait été dit de la dent, et y ajoute son sentiment particulier. Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, sinon qu'il fût vrai que la dent était d'or. Quand un orfèvre l'eut examinée, il se trouva que c'était une feuille d'or appliquée à la dent, avec beaucoup d'adresse : mais on commença par faire des livres, et puis on consulta l'orfèvre. Rien n'est plus naturel que d'en faire autant sur toutes sortes de matières. Je ne suis pas si convaincu de notre ignorance par les choses qui sont, et dont la raison nous est inconnue, que par celles qui ne sont point, et dont nous trouvons la raison. Cela veut dire que, non seulement nous n'avons pas les principes qui mènent au vrai, mais que nous en avons d'autres qui s'accommodent très bien avec le faux.

Fontenelle(1657-1757) Histoire des oracles, 1687 !!!

Document 4 : C’est en raison de ce développement de la pensée cartésienne et du rationalisme dans les sciences au 17ème siècle que l’église catholique commença à s’inquiéter du rationaliste, qui désormais osait appliquer la raison aux principes de la religion en lieu et place de la foi (ce qui expliquera d’ailleurs la réaction pascalienne et janséniste). Le texte suivant de Bossuet atteste de cette prise de conscience du danger du développement du rationalisme pour les croyances religieuses. ! !

Je vois un grand combat se préparer contre l'Église, sous le nom de philosophie cartésienne. Je vois naître en son sein et de ses principes, à mon avis mal entendus, plus d'une hérésie, et je prévois que les conséquences qu'on en tire contre les dogmes que nos pères ont tenus, la vont rendre odieuse et faire perdre à I'Église tout le fruit qu'elle en pouvait espérer pour établir dans l'esprit des philosophes la divinité et l'immortalité de l'âme. De ces mêmes principes mal entendus, un autre inconvénient terrible gagne sensiblement les esprits, car sous prétexte qu'il ne faut admettre que ce qu'on entend clairement, ce qui réduit à de certaines bornes est très véritable, chacun se donne la liberté de dire « J'entends ceci et je n'entends pas cela », et sur ce seul fondement, on approuve ou on rejette tout ce qu'on veut. Il s'introduit sous ce prétexte une liberté de juger qui fait que, sans égard à la tradition, on avance témérairement tout ce qu'on pense.

Bossuet (1627-1704) Lettre au Marquis d’Allemans - 21 mai 1687 !! !

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!Document 5 : Le développement de l’athéisme ne s’est pas fait voulu comme athéisme au départ, il prend ses origines dans la pensée rationnelle et le rationalisme. Il a donc commencé à réfuter les croyances les plus visibles dans les affirmations religieuses. Ce qui explique l’étape que constitua le déisme au 18ème siècle, qui pour son époque avait accordé ses conceptions métaphysiques avec les connaissances scientifiques (notamment la révolution newtonienne). Le déisme incarne au 18ème/19ème siècle, au niveau du développement historique de la pensée, cette exigence croissante de rationalité dans les productions de l’esprit humain. C’est le prolongement des connaissances scientifiques sur le monde, la vie, l’homme et les religions elles-mêmes, qui obligera ensuite à dépasser le déisme et amènera au constat de l’athéisme. !!

La pente naturelle de mon esprit me poussait du côté des sciences [...]. J'achetai une paire de globes dès que j'en eus les moyens, et je suivis les conférences philosophiques de Martin et Ferguson, avant de faire la connaissance du Dr. Bevis, excellent astronome et membre de ce qu'on appelle la société royale. [...] Lorsque j'eus appris l'usage des globes et du planétaire; lorsque je me fus fait une idée de l'infini et de l'éternelle divisibilité de la matière; lorsqu'en un mot j'eus acquis au moins une connaissance générale de ce qu'on nomme la physique, j'entrepris de comparer ou, comme je l'ai dit plus haut, de confronter les preuves impérissables qui émanent de ces objets avec le système du christianisme.

Thomas Paine (1737-1809) Le siècle de la Raison, I, 67 !!!

Document 6 : Une des raisons paradoxales de l’émergence de l’athéisme en Occident fut la mise en avant de la rationalité dans le cadre de la pensée chrétienne à partir du 13ème siècle. En essayant de démontrer par la raison ses croyances, elle a cultivé pendant longtemps les principes de la pensée rationnelle et critique, jusqu’au jour où cette exigence de raison fut aussi appliquée aux dogmes religieux au 17ème siècle. Le texte suivant de Saint-Exupéry évoque la confrontation inéluctable qui en a résulté à partir principalement du 19ème siècle. !!

Père Sertillanges comment prétendez-vous nous séduire en nous injuriant ? Comment prétendez-vous nous convaincre en nous traitant d'emblée comme des enfants que l'on morigène ? Du haut de votre orgueil vous taxez d'orgueil ce qui établit notre dignité, d'orgueil et de désir de « stupre ». Ignorez-vous donc que les conditions de nos connaissances depuis le Moyen Âge ont bien changé ? Ignorez-vous donc que nous considérons comme un lâche dans la démarche scientifique quiconque pour sauver une théorie qui lui est chère refuse de la soumettre à une critique serrée des faits et de l'histoire ? Nous savons être probes même s'il en coûte à notre paix. Nous avons accepté pour discipline de toujours distinguer le légendaire de l'authentique et le document de l'hypothèse. Les adversaires de Pasteur, vous les avez reniés avec nous. Et brusquement dans l'ordre des choses qui touche non seulement les commodités de notre vie mais son sens même, qui engagera tous nos actes et presque nos mouvements les plus intimes, vous tonnez contre nous lorsque nous hésitons, gênés au seuil de votre Église, désireux à la fois de servir encore la vérité et de rester enchantés par les fables. (...) Il eût fallu, puisque vous accordez à la révélation tant d'importance, nous dire pourquoi vous n'en accordez plus aucune aux témoignages qui seuls nous l'ont transmise. Pourquoi il faut croire à la résurrection sur des documents dont les auteurs sont inconnus et dont pas un n'a vécu du vivant du Christ. Pourquoi, quand votre Église insiste tant sur l'histoire sans importance de Jacob, elle insiste si peu sur la genèse des Évangiles, le choix qui a présidé à leur sélection, les mobiles de certains refus. Puisque cette authenticité même est la clef de voûte de votre Église. Il eût fallu nous dire pourquoi la « pétition de principe » que partout ailleurs nous considérons comme indigne d'un homme qui respecte la pensée et qui vous indigne autant que nous quand vous la démasquez chez vos adversaires, devient dans votre Église, si brusquement une qualité faite d'humilité et d'obéissance ? Le choix des évangiles est certain, parce que les conciles qui y présidèrent étaient infaillibles. Ils étaient infaillibles parce que parlant au nom du dieu des évangiles. Mais ce dieu-là n'est démontré qu'autant que ce choix fut certain. Et que faites-vous des contradictions ? (visitation, résurrection, etc.) qui tout au moins entachent de faiblesses humaines un document d'ordre divin. Et que faites-vous des citations de mauvaise foi et destinées à faire cadrer après-coup le Christ avec celui qu'annonçaient les prophètes ? Et que faites-vous des positions de repli et des changements de ton successifs de l'Église ? (...)

Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944) !Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-035 : “L’athéisme ou le refus de la croyance” - 18/12/2014 - page � 8

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Carnets, 2, 20, 1953

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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS !! !!

- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen - !!Conférences sur l’athéisme en relation avec ce sujet !

- Qu’est-ce que l’athéisme ? 1600-064 - De l’athéisme à l’athéologie 1600-254 - Pour des philosophies post-théistes 1600-188 - Le défi de Monaghan 1600-226 - Pour une éthique sans dieu(x), introduction aux éthiques post-théiste 1600-099 - L’athéisme religieux, l’athéisme comme alter-religiosité 1600-117 - L’émancipation humaine 1600-334 - La conquête des libertés 1600-167 !!

Conférences sur la pensée religieuse !- La pensée magique, pensée primaire de l’Être Humain 1600-023 - Croyance et foi, ou de l’aveuglement volontaire 1600-019 - Croyance, superstition et obscurantisme 1600-165 !!

Conférences sur la démarche de la pensée athée !- La libre pensée, penser par soi-même ! 1600-153 - Éloge de la raison 1600-152 - L’art du doute 1600-154 - L’Esprit critique, l'exigence de la pensée rigoureuse 1600-155 - La pensée philosophique 1600-285 - De la raison au rationalisme 1600-222 ! !

Conférences sur la critique de la religion !- La critique des religions 1600-192 - La déchristinatisation du fait religieux 1600-195 - L’origine de la religion 1600-044 - L’invention de dieu, présentation de la théogenèse 1600-127 - L’obsolescence de dieu, le dépassement de l’idée de dieu 1600-015 - L’infondation des religions 1600-193 - La relativité des religions 1600-194 - Pourquoi la religion aujourd’hui ? 1600-186 - Le paradoxe de Clarke 1600-228 - L’effet paravent de dieu : Dieu n’explique rien 1600-227 - L’imposture des religions 1600-177 - L’amoralité des religions 1600-196 - La nuisibilité des religions 1600-197 - Croyance et foi, ou de l’aveuglement volontaire 1600-019 - Les religions sont-elles des sectes qui ont réussi ? 1600-184 - Les religions sont-elles les ennemies de la vérité ? 1600-087 - De l’irreligiosité des religions 1600-088 - La religion est-elle un obstacle à la spiritualité ? 1600-149 !!

Quelques livres sur le sujet !- Les croyances collectives selon Raymond Bourdon, par Nicolas Journet, in Sciences Humaines, Mars

2010, N°213 - L'esprit de l'athéisme - Introduction à une spiritualité sans dieu, André Comte-Sponville, Albin Michel, 2006 - L'individualisme est un humanisme, François de Singly, Éditions de L'aube, 2005 - Le sens de la philosophie, Marcel Conche, Encre Marine, 2003 - Histoire de l’athéisme, Georges Minos, Fayard, 1998 - Dossier spécial “Les mécanismes de la croyances”, in Sciences humaines, N°53, aout-septembre 1995 - Science et religion, Russell Bertrand, Folio essais, 1990 !

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Page 11: L'athéisme ou le refus de la croyance

- Histoire des oracles, Fontenelle, 1687 - Discours de la méthode, René Descartes, 1637 !

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