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L’éTAT DU DIALOGUE SOCIAL EN FRANCE DIALOGUE SOCIAL ET DéVELOPPEMENT éCONOMIQUE

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L’état du diaLogue sociaL en France

Dialogue social et Développement économique

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_ Remerciements

Les groupes Humanis et Apicil tiennent à remercier particulièrement les personnes suivantes pour leur contribution précieuse à ce rapport.

Tout d’abord, nous tenons à remercier l’ensemble des représentants syndicaux et DRH qui ont pris le temps nécessaire pour répondre à notre enquête anonyme.

Nous tenons à remercier particulièrement les personnalités qui ont répondu positivement aux demandes d’interview qui illustrent ce rapport : • François Asselin, Président de la CGPME• Laurent Berger, Secrétaire Général de la CFDT• Jean-Paul Charlez, Président de l’ANDRH• Carole Couvert, Présidente confédérale CFE-CGC• Pierre Gattaz, Président du Medef• Philippe Louis, Président confédéral CFTC• Jean-Claude Mailly, Secrétaire Général de FO• Philippe Martinez, Secrétaire Général CGT

Enfin nous remercions Marc Ferracci pour son implication dans ce travail ainsi que toutes les personnes qui ont participé, à ses côtés, à son élaboration.

_ sommaire

03 pRéfaces _ Préfaces d’Humanis _ Préfaces d’apicil _ ce qu’il faut retenir _ notions et chiffres clés

14 intRoDuction

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l’état Du Dialogue social en fRance

30

Dialogue social et Développement économique

42 conclusion

43 Pour aller plus loin

l’année socialeLes grands événements

du dialogue social

Les éléments de ce rapport sont téléchargeables sur www.humanis.com et www.apicil.com

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

“ Un dialogue social riche et confiant est un atout essentiel pour notre développement”

Le groupe Humanis a souhaité mettre en lumière le rôle et la richesse du dia-logue social en France en publiant ce premier rapport. Il s’agit d’une démarche inédite qui a vocation à rendre régulièrement compte des évo-lutions constatées dans ce domaine au cœur de l’actualité. Ce portrait du dialogue social, qui sera établi chaque année, a été réalisé sous la direction de Marc Ferracci, professeur à l’Université Panthéon Assas.

En tant que groupe de protection sociale issu du paritarisme, Humanis souhaite apporter sa contribution au débat public sur ce thème qui concerne des millions de salariés et les entre-prises de notre pays. Dans un contexte de profonde transformation de notre économie, un dialogue social riche et confiant est, pour les salariés, les par-tenaires sociaux et les entreprises, un atout essentiel pour notre progrès social et notre développement écono-mique durable.

Cette année, nous avons choisi non seulement de dresser un portrait le plus fidèle possible de l’état du dialogue social en France en 2015, mais aussi de traiter des relations entre dialogue social et développement économique des entreprises qui nous semble par-ticulièrement d’actualité pour relever les défis économiques d’aujourd’hui.

Frédéric AgenetPrésident

du groupe Humanis

Pierre SteffVice-Président

du groupe Humanis

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

“ Les groupes de protection sociale sont nés du dialogue social”

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

Jean-Pierre Menanteau directeur général du groupe Humanis

On reproche souvent à notre pays de s’enfermer dans des clivages : patrons contre salariés, public contre privé, etc. Pourtant, les groupes de protection sociale constituent un exemple vivant et dynamique de dépassement de ces oppositions au service de dizaines de millions de personnes protégées. Les groupes paritaires sont nés du dia-logue social à la fin du XIXème siècle. Ils ont accompagné le progrès économique et social au sein des entreprises et des branches professionnelles. Ainsi, en matière de retraite complémentaire, de santé, de prévoyance, d’action sociale, de dépendance ou encore d’épargne salariale, ils accompagnent les entre-prises et les partenaires sociaux dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs accords issus du dialogue social.

Humanis contribue à construire des solutions d’avenir pour notre société et nos entreprises. Il améliore ainsi la protection sociale des salariés et favo-rise le développement économique de nos entreprises dont le socle est la confiance partagée.

L’état concret du dialogue social, tel qu’il est présenté dans ce rapport, nous ren-seigne à la fois sur les relations sociales au sein des entreprises, des branches ou au niveau national. Il nous donne aussi des orientations pour améliorer leur qualité et leurs résultats.

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

Benoît SouryPrésident

d’apicil

Roberto PiccoliVice-Président

d’apicil

En 1938, sous l’impulsion du patronat lyonnais de l’industrie de la métallur-gie, Georges Villiers crée l’Association Métallurgique de Prévoyance. L’AMP avait pour but d’offrir un régime de pré-voyance pour les cadres de l’industrie métallurgique qui, dans un contexte affecté par d’importantes hausses de prix, étaient confrontés à des difficultés croissantes pour protéger leur famille. Soixante-dix-huit ans plus tard, cette initiative, portée par les valeurs d’hu-manisme, de solidarité, d’innovation et la volonté de travailler ensemble à construire des modèles vertueux, forme toujours le socle des actions d’Apicil aujourd’hui.La décision de soutenir cette étude trouve ainsi son terreau dans cette conviction originelle portée par les fon-dateurs du groupe Apicil : le dialogue social constitue un des leviers fonda-mentaux de la performance et de la pérennité des entreprises.

Aujourd’hui, face à la crise écono-mique et aux mutations du travail, les succès entrepreneuriaux démontrent que cette performance, au cœur de la stratégie des entreprises, ne peut se limiter à la seule sphère économique mais doit aussi investir le lien qui unit salariés et employeurs.

Au contraire des idées reçues, le por-trait qui se dessine au fil de ce rapport nous dresse un tableau moins sombre de ces relations et des pistes pour les revivifier encore.

“ Le dialogue social constitue un des leviers essentiel de la performance et de la pérennité des entreprises”

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

Philippe Barretdélégué général

d’apicil

Le dialogue social est devenu un préa-lable légal dans de nombreux domaines de la vie professionnelle du salarié. En tant que groupe de protection so-ciale, nous sommes ainsi particulière-ment concernés par l’ANI du 11 janvier 2013, puis la loi de juin 2013, qui rend l’accès à une couverture complémen-taire des frais de santé par un contrat collectif obligatoire pour tous les sa-lariés. Nous sommes ainsi les témoins et acteurs privilégiés d’un mouvement dans lequel la loi laisse libre une bonne partie du champ de discussion aux par-tenaires sociaux, afin qu’ils définissent les règles applicables dans un cadre préalablement défini.Acteurs, car notre mode de gouvernance paritaire et mutualiste, nous permet de partager directement nos décisions stratégiques avec nos clients : les par-tenaires sociaux et les assurés eux-mêmes. Ce principe de gestion basé sur le dialogue et l’écoute nous aide à concevoir des offres collectives et indi-viduelles qui répondent au plus près des

nouveaux besoins des entreprises, des salariés et des retraités.Partenaires d’Humanis depuis 2012 au sein d’Adéis, le premier Groupement Paritaire de Prévoyance (GPP) dédié au développement de la protection sociale des branches professionnelles, nous nous positionnons comme un véritable expert en matière d’accompagnement et d’équipement des branches profes-sionnelles pour l’ensemble de leurs besoins en protection sociale : pré-voyance, santé, épargne retraite et sa-lariale, dépendance.Groupe de protection sociale à taille hu-maine et acteur essentiel de l’économie réelle, nous sommes ainsi directement connectés aux réalités économiques et sociales auxquelles doivent faire face les entreprises. Cette connaissance très fine de l’économie « de terrain », des organisations syndicales et patro-nales, trouve pour nous un écho parti-culier dans le remarquable travail réalisé par l’équipe de Marc Ferracci, un éclai-rage que nous avons souhaité partager.

“ Cette connaissance très fine de l’économie « de terrain », des organisations syndicales et patronales, trouve pour nous un écho particulier dans le remarquable travail réalisé par l’équipe de Marc Ferracci…”

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

le modèle français de dialogue social• En France en 2013, le taux de participation

aux élections professionnelles étaient de 42,8 % alors que les syndicats de salariés représentent seulement 7,7 % de l’ensemble des salariés contre une moyenne de 16,9 % pour les pays de l’OCDE.

• Les partenaires sociaux jouent toutefois un rôle très important en matière de droit du travail par le biais des négociations interprofessionnelles qui en font des « prélégislateurs ».

• En outre, le taux de couverture des accords collectifs en France est très élevé : en 2013, 98 % des salariés sont ainsi couverts par un accord de branche ou d’entreprise (en raison du mécanisme d’extension des accords dans les branches professionnelles).

• En matière de dynamique du dialogue social, les taux de signature au niveau des branches se situent à 75 % en moyenne tandis qu’au niveau des entreprises, les taux de signature dépassent 80 % pour toutes les organisations syndicales. Cela témoigne du rôle de la proximité dans l’aboutissement du dialogue social.

• Par ailleurs, en France, le dialogue social informel et les relations avec le management sont également spécifiques :

— 55 % des salariés considèrent qu’ils ont des relations de confiance avec leur encadrement, mais les enquêtes internationales montrent aussi que les échanges entre les salariés et leur encadrement direct sont, en France, à la fois moins fréquents et plus conflictuels que dans les autres pays industrialisés.

— Pour autant, 63 % des salariés estiment que le dialogue social est bon dans leur entreprise et 58 % considèrent qu’il leur permet de résoudre leurs problèmes et d’améliorer leur vie au travail.

le tableau de bord du dialogue social en france• Au niveau interprofessionnel, les

accords sont moins nombreux, mais restent très structurants : nouvelle convention d’assurance chômage (14 mai 2014), accord sur le contrat de sécurisation professionnelle (8 décembre 2014) et accord sur l’avenir des régimes de retraite complémentaire (30 octobre 2015).

• Au niveau des branches, le nombre des accords est stable (951 accords), mais on observe un recul des accords sur les salaires (-12 %) et une hausse importante des accords relatifs à la formation professionnelle (+6 %), à l’égalité professionnelle homme-femme (+10 %) et surtout à la protection sociale complémentaire (+14 %).

• Au niveau des entreprises, le nombre d’accord est en diminution (-9 % avec 36 500 accords). En raison du contexte économique et des évolutions législatives, certains thèmes de négociation sont en recul comme l’emploi (-30 %) tandis que de nouveaux thèmes de négociation se développent fortement autour de la protection sociale complémentaire (+40 %).

les mouvements et les conflits sociaux• Sur longue période, en France comme

dans les autres pays industrialisés, on constate une forte diminution de la conflictualité.

• En 2013, le niveau de conflictualité moyen est que 1,2 % des entreprises ont connu au moins une grève. Toutefois, ce niveau est disparate : 0,2 % des entreprises de 10 à 49 salariés et 29 % des entreprises de plus de 500 salariés ont connu au moins une grève.

• L’intensité des grèves s’est toutefois accrue avec des grèves plus longues et/ou ayant concerné davantage de salariés : la conflictualité passe de 19 jours en 2012 à 79 jours pour 1 000 salariés en 2014.

• Cette conflictualité se concentre autour des thèmes relatifs aux rémunérations (-10 %, mais pèse 45 % des journées) et à l’emploi (+12 % et pèse pour 34 % des journées) ainsi que sur certains secteurs (commerce et transports).

LE BAROMÈTRE : LE DIALOGUE SOCIAL EN FRANCE

ce qu’iL Faut retenir

Synthèse de la partie I

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un impact sur les salaires certain, mais plus faible en france qu’ailleurs dans le monde• La négociation collective mènerait à des

salaires plus élevés et à une réduction des inégalités salariales. Le surcroît de salaire observé dans des entreprises où les syndicats sont présents se situerait dans une fourchette comprise entre 10 et 15 %.

• MAIS dans le cas français, l’étude de Thomas Breda(1) montre que la « prime salariale » liée à la présence d’un syndicat dans l’entreprise est plus faible que celle estimée ailleurs, de l’ordre de 2 à 3 % . Ceci s’explique selon lui par le fait que les syndicats sont présents dans un grand nombre d’entreprises, mais disposent en revanche d’un pouvoir de négociation limité par leur faible représentativité.

le dialogue social, réducteur des inégalités en matière de salaire• Un niveau élevé de syndicalisation

permettrait de contenir les inégalités de salaire entre qualifiés et non-qualifiés, et entre hommes et femmes.

• EN EFFET, des études(2) montrent que le déclin de la syndicalisation expliquerait entre 15 et 20 % de la hausse des inégalités salariales aux États-Unis entre 1973 et 1993.

les effets ambigus de la syndicalisation sur la productivité• Les entreprises dans lesquelles

la présence syndicale favorise la négociation collective seraient également plus productives.

• MAIS dans la pratique, cette efficacité apparaît comme la conséquence d’une stratégie d’entreprise claire

1/ t. Breda “Firms’ rents, workers’ bargaining power and the union wage premium in France”. À paraître dans l’economic Journal.

2/ card, david. the effect of unions on wage inequality in the us labor market. industrial and Labor relations review, 2001, p. 296-315.

3/ Pour une vision plus détaillée des effets économiques du dialogue social, voir M. Ferracci et F. guyot, « Dialogue social et performance économique, Éditions Presses de Sciences Po, 2014 » dares, Premières synthèses, avril 2013.

4/ alejandro donado & Klaus Wälde, 2012. “How trade unions increase welfare” economic Journal, royal economic society, vol. 122(563), pages 990-1009, 09.

LA BOUSSOLE : DIALOGUE SOCIAL ET DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES ENTREPRISES

autant que de la qualité des relations sociales au sein de l’entreprise(3).

l’importance du dialogue social infor-mel et de la circulation de l’information• Un effet important du dialogue social

est de faciliter les échanges au sein de l’entreprise et ainsi de réduire les sujets de mécontentement.

• EN EFFET, l’impact de la négociation collective au niveau de l’entreprise semble dépendre de la nature des échanges entre les institutions représentatives du personnel, les salariés et l’encadrement. La circulation de l’information au sein de l’entreprise apparaît à la fois comme une condition et une conséquence d’un dialogue social de qualité.

un effet positif sur la formation professionnelle, favorable au développement économique des entreprises• La présence syndicale, qu’elle s’exprime

à travers un fort taux de syndicalisation ou par une fréquence importante de la négociation, aurait pour effet d’accroître le volume de formation dispensé par les entreprises.

le dialogue social peut contribuer à réduire la conflictualité• La négociation collective dans le

cadre d’un dialogue social de qualité peut en outre contribuer à limiter la conflictualité.

• CONTRAIREMENT AUX IDÉES REÇUES, les résultats des études économiques(3) montrent en effet que la présence syndicale n’est pas systématiquement associée à un accroissement de la

conflictualité. Ce résultat se comprend en réalité, si l’on considère que dans certains pays le dialogue social s’est justement développé pour limiter la conflictualité au niveau de l’entreprise.

la syndicalisation accroît la stabilité de l’emploi mais n’a pas d’effet significatif sur son niveau• Avec un dialogue social de qualité,

les salariés sont généralement moins tentés de quitter l’entreprise. La rotation des emplois diminuerait donc avec l’intensité du dialogue social, ce qui contribue à réduire pour l’entreprise les coûts associés aux séparations.

• MAIS l’effet de la présence syndicale sur le niveau de l’emploi est en revanche moins clair, car il dépend des objectifs poursuivis par les parties prenantes de la négociation collective. L’augmentation des salaires peut ainsi être contradictoire avec le maintien de l’emploi, dès lors que la productivité au sein de l’entreprise reste inchangée(3).

l’effet positif du dialogue social sur les conditions de travail et la protection sociale• Le dialogue social permet l’instauration

de meilleurs standards d’hygiène et de sécurité(4). Ceci a un coût pour l’entreprise, mais il serait compensé par une meilleure productivité du fait de l’amélioration des conditions de travail.

• Les résultats du sondage Humanis réalisé pour ce rapport confirment que l’amélioration des conditions de travail est une préoccupation essentielle pour les salariés. 50 % d’entre eux souhaitent ainsi que cette question soit davantage abordée par la négociation collective en entreprise, ce qui en fait le deuxième thème le plus cité après les salaires.

Synthèse de la partie II

pour cette année, la partie thématique du rapport est consacrée à l’impact du dialogue social sur le développement économique des entreprises. marc ferracci a retracé l’ensemble des analyses académiques et des expertises sur cette question.

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Les notions essentielles

notions et cHiFFres cLés

accord national interprofessionnel (ani)

un accord national interprofessionnel est le fruit d’une négociation entre partenaires sociaux au niveau national qui couvre l’ensemble des secteurs d’activité.

négociation annuelle obligatoire (nao)

dans toute entreprise comprenant une section syndicale d’organisation représentative, les délégués syndicaux doivent être réunis chaque année afin de négocier les salaires, la durée et l’organisation du temps de travail ou encore la réduction des écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes. cette négociation est également l’occasion d’examiner l’évolution de la situation de l’emploi dans l’entreprise.

convention collective nationale (ccn)

un accord entre les organisations représentant les employeurs et les organisations représentant les salariés sur les conditions d’emploi, de formation professionnelle, de travail et de garanties sociales sur un secteur donné ; son champs d’application est variable (national, régional, départemental : interprofessionnel, en branche, en entreprise). elle s’impose à tous les employeurs et aux salariés.

extension de la négociation collective

une convention collective est dite « étendue » lorsqu’elle a fait l’objet d’un arrêté ministériel d’extension publié au Journal officiel. Le texte s’impose alors à tous les employeurs entrant dans son champ d’application. A contrario, lorsque la convention collective ne fait pas l’objet d’une extension, elle ne s’impose qu’aux seuls employeurs adhérant aux organisations patronales signataires du texte (on parle alors de « convention collective ordinaire »).

institutions représentatives du personnel (iRp)

Les institutions représentatives du personnel sont destinées à assurer la représentation et l’information des salariés dans le cadre général de la gestion de l’entreprise. elles regroupent les délégués syndicaux (ds), les délégués du personnel (dP), les élus au comité d’entreprise et/ou d’établissement (ce) et les représentants du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (cHsct).

les branches professionnelles

une branche professionnelle regroupe les entreprises d’un même secteur d’activité et relevant d’un accord ou d’une convention collective. La branche est une notion qui peut recouvrir la notion de secteur d’activité mais aussi inversement pour produire des statistiques. La branche est un espace de dialogue social.

Les acteurs du dialogue social

5 organisations syndicales sont représentatives au niveau interprofessionnel : CGT, CFDT, CGT-FO, CFE-CGC, CFTC

3 organisations patronales sont représentatives au niveau interprofessionnel : CGPME, Medef, UPA

700 branches professionnelles :

•57 branches comptent plus de 50 000 salariés comme la métallurgie par exemple

•160 branches comptent moins de 1 000 salariés

Taux d’adhésion syndicale

7,7 %Taux de couverture des accords collectifs

98 %

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

Les fruits du dialogue social

28 accords interprofessionnels ont été signés en 2014

61 000 textes ont été signés et enregistrés en 2014

60 %des textes signés sont des accords signés

22,7 %des textes signés sont des décisions unilatérales de l’employeur

18,7 %sont des referendums de salariés

193 accords de branche ont été signés sur la protection sociale complémentaire

36 500 accords ont été signés en entreprises en 2014

29 %des accords d’entreprises

portent sur les salaires et les primes en 2014

3 261 accords d’entreprise relatifs à la protection sociale complémentaire

951 accords de branches ont été signés en 2014

31 %des accords de branches

portent sur les salaires et les primes en 2014

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Mouvements et conflits sociaux

60 % des entreprises ayant connu au moins une grève déclarent avoir connu des arrêts collectifs de travail portant sur les rémunérations

34 % des entreprises ayant connu au moins une grève déclarent avoir connu des arrêts collectifs de travail portant sur l’emploi (hausse de 12 % sur un an)

10 % des entreprises ayant connu au moins une grève déclarent avoir connu des arrêts collectifs de travail portant sur le temps de travail

1,2 % des entreprises ont connu une grève en 2013

0,2 %

dans les entreprises de 10 à 49 salariés

29 %

dans les entreprises employant au moins 500 salariés

79 journées individuelles non travaillées (Jint) pour fait de grève pour 1000 salariés en 2014

•Danslesentreprisesayantconnuaumoins une grève, passage de 250 à 322 Jint pour 1 000 salariés en un an

•Danslecommerce,passagede78 à 131 Jint pour 1 000 salariés en un an

•Danslaconstruction,8 Jint pour 1 000 salariés en 2013

notions et cHiFFres cLés

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

Dialogue social et climat social

74 % des salariés se déclarent épanouis au travail

63 % des salariés considèrent le dialogue social comme bon pour leur entreprise

58 % des salariés estiment que le dialogue social permet de réduire les problèmes et d’améliorer la vie au travail

53 % des salariés estiment que le dialogue social va en se dégradant dans leur entreprise

60 % des salariés font confiance aux institutions représentatives du personnel et

55 % des salariés affirment être dans une relation de confiance avec la direction de l’entreprise

(sondage Humanis odoxa de septembre 2015)

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

Ce rapport entend à la fois retracer une image fidèle du dialogue social en France et apporter un éclairage original au travers de la question de ses relations avec le déve-loppement économique des entreprises. Cette première édition est ainsi composée de deux parties, l’une s’apparente à un baro-mètre qui nous donne la météo du dialogue social pour l’année écoulée, l’autre se veut une boussole qui nous donne le sens autour d’une question d’actualité.

Ainsi, la première partie permet de caractériser le modèle français de dia-logue social et d’établir un tableau de bord avec les principaux résultats des négociations et les grandes tendances du dialogue social. Pour cela, nous avons ras-semblé des données internationales de l’OCDE, des travaux de recherche empi-rique, des données statistiques nationales (notamment de la Dares), des entretiens qualitatifs réalisés avec les acteurs du dia-logue social et un sondage exclusif pro-duit pour Humanis(5). Enfin, pour incarner le dialogue social au niveau national, sont publiées des interviews des principaux représentants nationaux des partenaires sociaux.

On trouve en particulier les données clés du dialogue social : nombre, signataires, thématiques des accords au niveau natio-nal, au niveau des branches et au niveau des entreprises. Enfin, parce que c’est par-fois la poursuite du dialogue social sous d’autres formes, sont présentés les prin-cipaux mouvements et conflits sociaux, les statistiques et les tendances qui per-mettent de les comprendre au-delà du seul traitement médiatique.

Nous avons également ajouté une rétros-pective des événements marquants de l’année en matière de dialogue social, de réformes, de mouvements sociaux ainsi que des faits politiques qui ont concerné les par-tenaires sociaux. C’est notre vision de l’An-née sociale.

L’ensemble de ces données forme une série de capteurs qui nous donne une image du dialogue social en France, du climat qui en résulte ainsi que des nuages ou des éclair-cies qui s’annoncent.

Le “baromètre” et la “boussole” du dialogue social

Alexandre Siné secrétaire général du groupe Humanis

introduction

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

La seconde partie « boussole » est, pour cette année, consacrée aux relations com-plexes entre dialogue social et développe-ment économique des entreprises : quel est son impact sur les salaires, l’emploi, la formation professionnelle, la conflictua-lité, la productivité et la performance des entreprises ? Pour répondre à ces ques-tions, cette partie se fonde sur une série d’entretiens et sur une large revue des résultats de la recherche en matière de rela-tions sociales dans les entreprises qu’elles relèvent du dialogue social formel ou du dia-logue social informel.

Ce rapport a été réalisé sous la direction de Marc Ferracci, Spécialiste de l’écono-mie du travail et des relations sociales, pro-fesseur d’économie à l’université Panthéon Assas et à Sciences Po Paris. Il a apporté toute son expertise sur la question du dia-logue social ainsi que sa connaissance des résultats de la recherche dans la produc-tion de ce premier rapport. Nous tenons à l’en remercier particulièrement.

Au total, cette première édition de l’état du dialogue social en France incite à l’optimisme. Même si, majoritairement, les salariés considèrent que ce dialogue va plu-tôt en se dégradant, on constate qu’il est globalement intense, constructif et pro-ductif, qu’il permet de conduire des trans-formations importantes au niveau national comme au niveau des entreprises, qu’il est en prise avec les enjeux économiques et sociaux (salaires, temps de travail, emploi, protection sociale…), qu’il s’inscrit dans une tendance structurelle de diminution de la

conflictualité et que les salariés et les par-tenaires sociaux font confiance au dialogue social pour relever les défis de l’entreprise.

Dit autrement, l’investissement dans le dia-logue social et la construction de relations de confiance entre les partenaires sociaux se révèlent être un investissement d’ave-nir pour les entreprises et toutes leurs par-ties prenantes.

Marc Ferraccispécialiste de l’économie du travail et des relations sociales, professeur d’économie à l’université Panthéon assas et à sciences Po Paris.

5/ Le sondage exclusif réalisé pour Humanis par odoxa s’est déroulé du 16 au 29 septembre 2015 auprès d’un échantillon de 999 personnes représentatives de la population des chefs d’entreprise et d’un autre échantillon représentatif de 1 002 salariés. Par ailleurs, les entretiens qualitatifs semi directifs et anonymisés sont fondés sur un questionnaire standardisé et ont été réalisés avec des drH, des représentants syndicaux et des salariés de grandes et moyennes entreprises issus de divers secteurs d’activité. Les questions portaient à la fois sur leur perception du dialogue social dans leur entreprise et sur leur vision du lien entre « Dialogue social et développement économique ».

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L’état du dialogue social en France

Partie i

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

Quel est le modèle français

de dialogue social ?

Comment caractériser

le dialogue social au niveau

international ?

La conflictualité, poursuite

du dialogue social sous

d’autres formes ?

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

e dialogue social affiche en France une certaine singu-larité. Le nombre de salariés couverts par la négociation

collective est très élevé dans l’hexagone, tandis que le taux d’ad-hésion syndicale y est parmi les plus faibles de l’OCDE. À ce para-doxe apparent s’ajoute le fait que la qualité du dialogue social in-formel en France est moins bonne qu’à l’étranger lorsque celle-ci fait l’objet de comparaisons par le biais d’enquêtes internationales.

Ceci ne signifie pas que le dialogue social soit perçu comme mau-vais dans l’absolu. Le sondage Humanis-Odoxa réalisé pour ce rapport montre ainsi que 63 % des salariés et 93 % des chefs d’entreprise estiment que le dialogue social est bon ou très bon sur leur lieu de travail. En outre, 58 % des salariés consi-dèrent que le dialogue social au sein de leur entreprise leur per-met de résoudre leurs problèmes et d’améliorer leur vie au travail. Néanmoins, une majorité de salariés (53 %) jugent que la qualité du dialogue social va en se dégradant.

Par-delà ces constats, relativement stables dans le temps, les chiffres publiés par la Dares confirment l’intensité du dialogue so-cial en France(6). Au niveau interprofessionnel 28 accords nationaux ont été signés en 2014, un chiffre en légère baisse par rapport à 2013. Certains de ces accords, comme celui initiant la loi du 5 mars 2014, ont néanmoins réformé en profondeur le cadre de la démo-cratie sociale, en créant pour la première fois un cadre juridique pour la représentativité patronale, et en modifiant les conditions de financement des organisations syndicales.

Du côté de l’activité conventionnelle de branche, le nombre d’ac-cords signés est globalement stable par rapport à 2013, avec 951 accords signés. Alors que la négociation conventionnelle de branche est amenée à prendre de plus en plus d’ampleur dans les années à venir, le paysage conventionnel apparaît encore dispersé. Plusieurs centaines de branches coexistent, dont certaines ont une activité très faible, voire inexistante. Pour cette raison, un chantier a été lancé en septembre 2014 par le Ministère du Travail, visant à ré-duire le nombre de branches pour accroître l’efficacité de la négo-ciation collective et la portée des accords signés.

Dans les entreprises, enfin, le nombre d’accords entre em-ployeurs et représentants du personnel demeure élevé, bien qu’en légère diminution (36 500 accords, soit 9 % de moins qu’en 2013), ce qui peut s’expliquer notamment par le ralentis-sement de l’activité de négociation traitant du contrat de géné-ration, dont le pic a eu lieu en 2013.

La hiérarchie des thèmes de négociation est similaire à celle des années précédentes, mais des évolutions se font jour dans le contenu des accords. Si le thème des salaires apparaît toujours au premier rang des accords signés, d’autres thèmes progressent néanmoins, comme la retraite complémentaire et la prévoyance, les éléments du contrat de travail, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la durée du temps de travail. Enfin, les taux de signature des accords et les indicateurs de conflictua-lité connaissent une certaine stabilité, même si les modalités des conflits sociaux en entreprise tendent à se renouveler.

1/ EN FRANCE, UN DIALOgUE SOCIAL SINgULIER

Le système français de relations sociales est, à certains égards, paradoxal. En dépit de leur faible taux d’adhésion, les organi-sations syndicales apparaissent largement présentes sur le terrain, au sein des entreprises et des branches. De surcroît les accords qu’elles signent couvrent une très large majorité de salariés.

la faiblesse du taux d’adhésion a conduit à renouveler les critères de la représentativitéEn matière de dialogue social la France occupe depuis plusieurs dé-cennies une place à part au sein des pays développés. En 2013, les syndicats de salariés représentaient 7,7 % de l’ensemble des sala-riés, et seulement 5 % des salariés du secteur privé, soit le taux de syndicalisation le plus faible des pays de l’OCDE, à l’exception de la Turquie, alors que la moyenne de l’OCDE est de 16,9 %. Comme la plupart des pays industrialisés, la France connaît en outre une forte érosion de l’adhésion syndicale depuis plusieurs décennies, puisque ce taux d’adhésion était encore de 23 % en 1973.

Dans ce contexte de faible adhésion, la loi du 20 août 2008 a fixé de nouveaux critères pour la représentativité syndicale. Cette re-présentativité est désormais mesurée à l’aune des résultats aux élections professionnelles, dont le taux de participation était, en 2013, de 42,8  %. Sont déclarées représentatives les organisa-tions syndicales ayant réalisé plus de 10 % des voix au niveau de l’entreprise, et plus de 8 % au niveau de la branche ou au niveau

“ en Matière de diaLogue sociaL La France occuPe dePuis PLusieurs décennies une PLace À Part au sein des Pays déVeLoPPés.”

L

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19

Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

interprofessionnel. Suite aux élections professionnelles de 2013 ont ainsi été déclarées représentatives au niveau interprofession-nel cinq organisations ayant atteint la barre des 8 %(7). Les consé-quences de la représentativité sont importantes puisque seules les organisations représentatives sont habilitées à siéger dans les instances paritaires, et à signer des accords collectifs. Du côté du patronat, la loi du 5 mars 2014 a établi pour la première fois une règle de mesure de la représentativité, assise sur les adhésions, qui entrera en vigueur à partir de 2017. Parallèlement, une plus grande légitimité est conférée par cette loi aux accords collectifs, avec le renforcement du principe majoritaire et l’instauration d’un droit d’opposition à 50 %.

Outre l’importance des accords de branche et d’entreprise, les parte-naires sociaux influent sur la législation en matière de droit du travail par le biais des négociations interprofessionnelles. Conformément à la loi Larcher du 31 janvier 2007 qui a modifié l’article premier du Code du travail, le Gouvernement doit, préalablement à la prépara-tion d’une loi intéressant le droit du travail, appeler les partenaires sociaux à se concerter sur les sujets concernés et éventuellement, s’ils le souhaitent, à négocier un accord dont le contenu alimente-ra le projet soumis au Parlement. Concrètement, les partenaires sociaux jouent ainsi le rôle de « prélégislateurs ». Cette pré-rogative s’est traduite dans un nombre important de textes lé-gislatifs au cours des dernières années, touchant à la réforme du marché du travail(8), à la formation professionnelle(9), ou bien à la représentativité syndicale elle-même(10).

une présence syndicale forte mais hétérogène, et un taux de couverture des accords collectifs très élevéLe questionnement récurrent sur leur représentativité ne doit pas faire oublier que les organisations syndicales sont largement pré-sentes dans les entreprises et administrations publiques. Selon les derniers chiffres disponibles de la Dares(11), plus de 40 % des salariés déclaraient en 2008 qu’un syndicat était présent sur leur lieu de travail.

L’implantation syndicale est comparable dans le secteur public et dans les grands établissements du secteur privé. Les syndicats sont en revanche plus rarement présents dans les petits établis-sements du secteur privé : dans ce secteur, seulement 15 % des salariés des établissements de moins de 100 salariés en disposent, contre 70 % dans les établissements de plus de 100 salariés.

6/ cette partie s’appuie largement sur les chiffres du rapport annuel de la dares, « La négociation collective en 2014 ».

7/ Les organisations représentatives au niveau interprofessionnel sont les suivantes : cgt : 26,77 % des voix aux élections professionnelles de 2013 ; cFdt : 26 % ; cgt-Fo : 15,94 % ; cFe-cgc : 9,43 % ; cFtc : 9,3 %. Le taux de participations aux élections professionnelles s’établissait en 2013 à 42,8 %.

8/ Loi du 14 juin 2013.9/ Loi du 5 mars 2014.10/ Loi du 20 août 2008.11/ dares (2008), « Le paradoxe du syndicalisme français : un faible nombre

d’adhérents, mais des syndicats bien implantés », Premières synthèses.

Espagne

73,16

17,5

85

36,9

61,05

17,7

84,28

17,6

98

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67,7

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13,3

4,565

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28,9

12,5

31,2

25,4

85

66,8

France

Norvège

Royaume-Uni

13,6

13,1

10

17,8

16

10,8

28,79

27,2Canada

HORS EUROPE

USA

Japon

Mexique

Pologne

Italie

Grèce

Turquie

Allemagne

Suède

Pays-Bas

Danemark

Finlande

Taux de couverture des accords collectifs

Légende

Taux d’adhésionsyndicale

Source : infographiesd’après les données2013 de l’OCDE

Espagne

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France

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HORS EUROPE

USA

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Pays-Bas

Danemark

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Taux de couverture des accords collectifs

Légende

Taux d’adhésionsyndicale

Source : infographiesd’après les données2013 de l’OCDE

Taux d’adhésion syndicale et de couverture des accords

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

Mais le poids des organisations représentatives est surtout per-ceptible au travers du taux de couverture des accords collectifs, qui est en France très important. En 2013, 98 % des salariés sont ainsi couverts par un accord de branche ou d’entreprise.

Ceci est la conséquence du mécanisme d’extension des accords dans les branches professionnelles. Depuis la loi du 24 juin 1936, un texte conventionnel a vocation à être « étendu » par le ministère dont il dépend. Il s’impose alors à toutes les entreprises de son champ d’application. De surcroît, les accords signés s’ap-pliquent à l’ensemble des salariés de l’entreprise ou de la branche, que ces salariés soient ou non adhérents aux organisations signa-taires de l’accord. Cette extension automatique des accords ré-duit fortement l’intérêt de l’adhésion syndicale. Elle explique en grande partie l’écart existant en France entre le taux d’adhésion et le taux de couverture des accords, un écart qui n’a pas d’équi-valent dans les pays industrialisés.

les limites du dialogue social informelDe prime abord la qualité des relations sociales est perçue comme bonne dans le rapport Humanis-Odoxa réalisé en octobre 2015, même si des différences de perception subsistent entre les sala-riés et leur encadrement. Ainsi, alors que 87 % des chefs d’entre-prise estiment être dans une relation de confiance avec leurs sa-lariés, cette proportion n’est que de 55 % lorsque l’on interroge les salariés eux-mêmes.

Ces chiffres absolus ne doivent cependant pas masquer la faible qualité du dialogue social informel au sein des entre-prises lorsque l’on compare la France aux autres pays in-dustrialisés. Les études internationales montrent ainsi que les échanges entre les salariés et leur encadrement direct sont en France à la fois moins fréquents et plus conflictuels qu’ail-leurs. Selon l’International Social Survey Program (ISSP)(12), la France apparaît comme le pays le plus mal classé de l’ensemble des pays pour ce qui concerne les relations entre employeurs et employés.

Dans le détail, environ 15 % des salariés français estiment que les relations avec le management sont assez mauvaises ou très mau-vaises, et cette fraction est moitié moindre dans le reste des pays de l’enquête ISSP, très légèrement au-dessus de 7 %. Ces chiffres sont corroborés par l’European Working Conditions Survey (EWCS) . En exploitant les chiffres de cette étude pour 2005, Étienne Wasmer(13)

montre par exemple que, en moyenne, les salariés français sont beaucoup moins souvent que les autres susceptibles d’obtenir de l’aide de la part de leur encadrement.

Ce constat masque néanmoins des disparités suivant la taille de l’entreprise. Les écarts sont en effet moins importants dans les grandes en-treprises françaises, qui sont également assez proches de la moyenne européenne en ce qui concerne la possibilité pour les salariés d’avoir des discussions « franches » avec l’encadre-ment. Au cours des 12 derniers mois, 59 % des

salariés de ces entreprises déclaraient ainsi avoir eu « une discus-sion franche avec leur chef », contre 60 % en Europe. L’écart est en revanche très net pour les salariés des petites entreprises (9 points) et surtout des entreprises moyennes (16 points) où le dia-logue « franc » est largement moins fréquent qu’ailleurs en Europe.

2/ LA NÉgOCIATION INTERPROFESSIONNELLE : DES ACCORDS NOUvEAUX PEU NOMBREUX, MAIS STRUCTURANTS

En 2014, deux accords interprofessionnels ont été signés au ni-veau national (cinq en 2013, six en 2012). La nouvelle convention d’assurance-chômage a été conclue le 14 mai 2014 et signée par le MEDEF, la CGPME et l’UPA côté patronal, et par la CFDT, la CFTC et la CGT-FO côté syndical. Elle intègre les dispositions de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 22 mars 2014 relatif à l’in-demnisation des demandeurs d’emploi. Cette négociation est dans la continuité de l’ANI du 11 janvier 2013 relatif à la compétitivité des entreprises et à la sécurisation de l’emploi qui a acté le prin-cipe d’un dispositif de droits rechargeables à l’assurance chômage.

Le second accord national interprofessionnel concerne le contrat de sécurisation professionnelle et a été signé côté patronal par le MEDEF, la CGPME et l’UPA, et par l’ensemble des organisations syndicales de salariés. Conclu le 8 décembre 2014 pour deux ans, il reconduit et aménage le dispositif mis en place en 2011 pour accompagner les licenciés économiques dans les entreprises de moins de 1 000 salariés et les sociétés en liquidation ou redres-sement judiciaire. Par ailleurs, 24 avenants à des accords inter-professionnels antérieurs ont été conclus en 2014 (contre 36 en 2013 et 21 en 2012), notamment sur les retraites complémen-taires des cadres et des non-cadres, l’activité partielle de longue durée, le contrat de sécurisation professionnelle ou encore l’in-demnisation du chômage.

Un accord important sur les retraites complémentaires a par ail-leurs été signé le 30 octobre 2015 par la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC d’une part ; le MEDEF, la CGPME et l’UPA d’autre part. Cet ac-cord assure la pérennité des régimes grâce à des mesures de re-tour à l’équilibre. L’accord annonce également la création d’un nou-veau régime unifié AGIRC-ARRCO pour 2019.

Ces avancées conventionnelles de portée nationale ont été accompagnées en 2015 par la loi Rebsamen du 17 août re-lative au dialogue social et à l’emploi, qui vient compléter ces mesures en simplifiant l’exercice du dialogue social au niveau de l’entreprise afin de le rendre plus efficace. Le sys-tème français de représentation du personnel se distingue en effet par sa complexité, tout en couvrant assez mal les plus pe-tites entreprises. Les nouvelles mesures visent à améliorer la re-

présentation des personnels dans les TPE et donnent la possibilité aux plus grandes entre-prises, en accord avec les partenaires sociaux, de simplifier les instances représentatives du personnel (IRP). Il simplifie également le cadre des négociations collectives en regroupant les obligations d’information et de consultation des partenaires sociaux, et les négociations obliga-toires en trois thèmes. Leur rythme pourra éga-lement être adapté au niveau de l’entreprise.

« La loi Rebsamen a permis de fluidifier le dialogue social, mais le travail des représentants du personnel reste complexe car il y a beaucoup de niveaux qui se chevauchent. » (DRH)

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

3/ STABILITÉ gLOBALE DU NOMBRE D’ACCORDS DE BRANCHE EN 2014, MAIS ÉvOLUTION DU CONTENU DES ACCORDS

la baisse de la négociation salariale de brancheLe nombre d’accords de branche signés en 2014 apparaît globale-ment stable (951 textes et avenants signés, contre 916 en 2013), mais les thèmes de négociation connaissent une certaine évolu-tion. Si le salaire reste le thème le plus abordé, la négociation sa-lariale de branche a connu une baisse significative. Ainsi, 386 ave-nants salariaux ont été signés en 2014, contre 441 en 2013, soit une baisse de 12 %. Cette évolution s’explique d’une part par le dynamisme de la négociation salariale en 2011 et 2012, années marquées par plusieurs revalorisations du SMIC. Ceci entraîne mé-caniquement une relance de la négociation de branche, afin d’ab-sorber l’impact de la hausse du SMIC sur le bas de l’échelle des sa-laires. D’autre part, le contexte de faible inflation et de croissance ralentie en France comme dans la zone euro a probablement été peu propice à une négociation salariale dynamique.

Concernant le niveau géographique de la négociation de branche, une large majorité de textes sont conclus au niveau national (70 %),

près de deux sur dix au niveau régional (18 %) et un sur dix au ni-veau local (11 %). Il est intéressant de noter que les thèmes de la négociation varient suivant le niveau géographique de cette der-nière. Lorsque celle-ci se déroule dans le cadre régional ou local, elle porte prioritairement sur les conditions de rémunération, plus proches des conditions locales. On constate en effet que si les avenants salariaux représentent un quart des avenants na-tionaux conclus en 2014, plus des deux tiers des avenants in-franationaux portent sur les salaires et les primes. De fait, à peu près la moitié des avenants salariaux sont conclus au niveau territorial depuis plusieurs années. Alors que certaines réflexions récentes ont mis en avant l’idée d’une modulation du SMIC sur la base de critères géographiques régionaux, cet élément rappelle que les accords collectifs permettent déjà dans une certaine me-sure aux acteurs de tenir compte du contexte local dans la négo-ciation salariale.

Comment avez-vous perçu la vitalité du dialogue social en 2015?

A noter que le dialogue social existe au niveau des entreprises, des branches professionnelles et des interprofessions. On parle peu des dizaines de milliers d’accords signés chaque année. Seul est mis en avant ce qui ne fonctionne pas. Les relations entre le chef d’entreprise et les salariés sont naturelles, directes et franches, nul besoin d’intermédiaire. Imaginer que des Commissions Régionales Interprofessionnelles vont redynamiser le dialogue social dans les TPE traduit une véritable méconnaissance de la réalité de nos entreprises.

Avez-vous le sentiment que plus de dialogue social, c’est plus de développement économique?

Bien évidemment. Aucune entreprise ne peut bien fonctionner sans un dialogue social serein. Économie et social sont étroitement liés. Ce n’est pas un hasard si la devise de la CGPME est, « Notre Valeur Ajoutée, c’est l’Homme ». Le dialogue social est un accélérateur économique non un frein. Certaines règles, comme les seuils sociaux, se révèlent des embûches à la croissance de l’entreprise.

Qu’attendez-vous du dialogue social en 2016?

Le rapport Combrexelle a clairement posé les bases d’une réforme à nos yeux impérative. Alléger les règles et redonner plus de place à la négociation à l’intérieur des entreprises, voilà ce que nous attendons en 2016. Mais une telle réforme exige de tenir compte de la réalité des petites entreprises. Les TPE/PME ont besoin de souplesse et de flexibilité. Salariés et chefs d’entreprises veulent décider plus librement de leur quotidien. L’avenir est là. La nouvelle économie exige de repenser notre modèle de dialogue social.

François Asselin Président de la CgPME

3 questions À

12/ Pour plus de précisions sur ce sujet, voir l’étude d’étienne Wasmer, qui développe les résultats de l’issP ainsi que d’autres études similaires : « Insatisfaction au travail : sortir de l’exception française. » institut Montaigne, 2012.

13/ Wasmer, 2012, op-cit.

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

la progression d’autres thèmes de négociationLa formation professionnelle a fait l’objet d’une activité conventionnelle soutenue en 2014, puisque cette année là 196 accords de branche ont été conclus en 2014 dans ce domaine (+6 % par rapport à 2013). Ces accords touchent à un nombre varié de thèmes, tels que l’apprentissage, la certification des qualifications professionnelles, ou encore la constitution et le financement d’observatoires des métiers et des qualifications, outils nécessaires aux branches pour établir un diagnostic précis sur leurs besoins en main-d’œuvre. Concernant le financement de la formation, la loi du 5 mars 2014 a réduit le niveau des obligations légales des entreprises et un certain nombre d’accords de branche ont fixé des contributions conventionnelles qui viennent s’ajouter à ces contributions légales afin d’assurer le développement de la formation professionnelle continue.

L’année 2014 a par ailleurs été très riche pour la protection sociale complémentaire, qui se situe au troisième rang de la hiérarchie des thèmes, après les salaires et les conditions de conclusion des ac-cords. Le nombre d’accords portant sur la prévoyance et la retraite complémentaire est ainsi en hausse de 14 %, avec 193 accords signés. Parallèlement, on assiste à une augmen-tation significative des accords de branche relatifs à la maladie (+34 % d’accords signés). Ceci est principalement la conséquence d’évolutions législatives et réglementaires qui ont stimulé l’acti-vité conventionnelle tout au long de l’année. On peut notamment citer le décret relatif aux garanties d’assurance complémentaire santé des salariés, le décret sur la définition des garanties présen-tant un degré élevé de solidarité et le décret sur la procédure de mise en concurrence préalable en cas de clause de recommanda-tion. Par ailleurs, le décret du 9 janvier 2012 modifié en 2014, rela-tif au caractère collectif et obligatoire des garanties de protection sociale complémentaire, est également entré en vigueur au cours de l’année écoulée. L’année 2014 a enfin été marquée par l’entrée en vigueur de l’article L.911-8 du code de la sécurité sociale, résul-tant de l’accord national interprofessionnel de janvier 2013, relatif à la portabilité en matière de couverture complémentaire santé.

Par ailleurs, l’activité de négociation en matière de prévoyance connaît un dynamisme soute-nu. Entre 2006 et 2013, plus de 120 accords de branche ou avenants ont été soumis à l’ex-tension, en moyenne par an, ces accords étant le plus souvent accompagnés de la création de nouveaux dispositifs. Cette activité s’est confir-mée en 2014, la commission des accords de re-traite et de prévoyance (COMAREP) ayant exa-miné 143 accords (contre 112 en 2013 et 153 en 2012). La COMAREP a par ailleurs examiné 13 nouveaux régimes au cours de l’année 2014 : six branches ont créé des garanties de frais de

santé (régimes à caractère obligatoire) ; sept branches ont mis en place des garanties de prévoyance (incapacité de travail, invalidi-té, décès) à caractère obligatoire.

L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est un autre thème en hausse, avec 140 accords signés (+10 %). Sur ce dernier thème, le rapport de la Dares(14) sur l’état du dia-logue social en 2014 souligne l’amélioration du contenu des ac-cords, qui vont plus loin que le rappel de la loi, en proposant des ac-tions concrètes. Ainsi, la majorité des branches s’engage à mettre en place des actions de promotion des femmes à des postes d’en-cadrement et à responsabilités. À titre d’exemples, la branche du Crédit mutuel encourage ainsi les entreprises à détecter et à ac-compagner les parcours de « potentiels » féminins afin de faciliter un équilibre entre les candidatures de femmes et d’hommes sur les postes à responsabilités. Les partenaires sociaux de la branche des Entreprises d’architecture se donnent quant à eux comme perspec-tive d’équilibrer la proportion des femmes et des hommes dans la population cadre et se fixent pour objectif intermédiaire de par-venir à un taux minimal de 40 % de femmes dans l’effectif total des cadres d’ici à fin 2016. Toutefois, et alors que les écarts sa-lariaux entre hommes et femmes restent très significatifs, le rapport pointe également les difficultés rencontrées par certaines branches pour poser et communiquer un diagnos-tic sur ces écarts, ainsi que pour inscrire dans la durée des mesures concrètes visant à leur résorption. Parmi ces mesures concrètes, favoriser la promotion interne des femmes en utilisant le levier de la formation professionnelle constitue la démarche

« La formation professionnelle joue fortement sur les performances des salariés. Ses effets sont évalués à travers la relation managériale. Le management joue un rôle fondamental dans la formation car il oriente la structuration de la formation et les besoins des salariés. » (DRH)

31 % 13 % 11 % 10 % 9 % 8 % 6 % 5 % 5 % 3 %

salaires et primes conditions de négociation retraite complémentaire et prévoyance Formation professionnelle/apprentissage éléments du contrat de travail

égalité professionnelle entre les femmes et les hommes temps de travail conditions de travail, hygiène et sécurité Maladie droit syndical

Principaux thèmes des accords de branches en 2014

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

privilégiée par certaines branches. D’autres mettent l’accent sur l’aménagement des horaires de travail dans le but de concilier vie professionnelle et vie familiale. En matière d’égalité profession-nelle comme dans d’autres domaines, les représentants des sala-riés pointent cependant parfois, de façon très concrète, la difficul-té d’appliquer les accords au sein de l’entreprise.

S’il représente un nombre relativement faible d’accords signés, le thème du temps de travail apparaît en nette hausse en 2014 (+79 %), du fait principalement des négociations portant sur le temps partiel. Ainsi, 44 % des 3,23 millions de salariés à temps partiel recensés en France, soit plus d’1,4 million de salariés, sont désormais couverts par un accord de branche. Sur ce thème la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a établi un équilibre fondé sur deux piliers : d’une part, la définition des règles essentielles destinées à protéger la santé et la sécurité des salariés (durées maximales,

repos, congés) reste, au nom de l’ordre public social, du domaine de la loi et du règlement dans le strict respect des exigences com-munautaires en la matière. D’autre part, les éléments de la durée du travail touchant à l’organisation du travail relèvent quant à eux de la négociation collective, au plus près des besoins et donc en premier lieu au niveau de l’entreprise. C’est au regard de cet équi-libre que doit être appréciée l’activité conventionnelle sur la durée du travail. Il convient notamment d’apprécier dans leur ensemble, négociations de branche et d’entreprise, ce dernier niveau étant privilégié en la matière. On constate à cet égard que si le nombre d’accords de branche représente une part relativement modeste des accords conclus dans l’année, les accords d’entreprise sur ce thème sont beaucoup plus fréquents.

En dépit de la baisse du nombre d’accords et avenants salariaux signés en 2014, les questions de rémunération restent le principal thème de la négociation de branche. Quels ont donc été les résultats de ces négociations en 2014 ? Il apparaît tout d’abord que les effectifs salariés concernés par des accords sont en diminution. En effet, 60 % des effectifs des branches comportant plus de 5 000 salariés (soit près de 8,5 millions de salariés) ont bénéficié d’un accord ou d’une recommandation patronale en 2014 contre 68 % (près de 9,8 millions de salariés) en 2013.

De façon logique, le nombre de salariés concernés par un relèvement salarial est également en nette baisse et s’établit un peu au-dessus de 8,5 millions de salariés dans les branches représentant chacune plus de 5 000 salariés (soit 61 % des effectifs de l’échantillon, tous secteurs confondus) contre plus de 12 millions en 2013 (84 % des effectifs de l’échantillon).

une négociation salariale de branche moins dynamique en 2014

Les montants des relèvements salariaux sont eux aussi affectés par ce moindre dynamisme de la négociation de branche. Après avoir connu une hausse sensible en 2011 et surtout en 2012, le niveau des augmentations de salaires prévues par les accords de branche et les recommandations patronales a amorcé dès 2013 une baisse qui s’amplifie en 2014. Le contexte de croissance ralentie et d’inflation négative sur l’année (-0,1 %) a conduit une majorité de branches à accorder des pourcentages d’augmentation des salaires minima inférieurs à ceux de l’année précédente. Ces augmentations restent voisines de l’augmentation du SMIC au premier janvier 2014, soit +1,1 %.

Ainsi, parmi les branches qui couvrent un effectif élevé et dont les salariés n’ont bénéficié d’aucun relèvement des salaires minima en 2014, contrairement à 2013, on peut citer le commerce à prédominance alimentaire (660 000 salariés), les transports routiers (655 000 salariés) et les restaurants de collectivités (95 000 salariés) où le dernier relèvement a pris effet en 2013 et résultait d’un accord conclu fin 2012, ainsi que quelques branches citées précédemment qui ne sont pas parvenues à conclure un accord en 2014 (banques, bureaux d’études techniques, commerce de gros) auxquelles on peut ajouter par exemple les prestataires de services du secteur tertiaire (125 000 salariés). Ces sept branches couvrent, à elles seules, près de 3 millions de salariés.

Parallèlement, les hausses comprises entre 2 % et 3 % qui étaient déjà en nette diminution en 2013 sont encore moins nombreuses. 87,4 % des augmentations de salaires par accords de branche sont inférieures à 2 % en 2014. On peut citer ainsi par exemple les grands magasins et magasins populaires, les détaillants de la chocolaterie et confiserie, l’enseignement privé hors contrat, le sport, les produis du sol et engrais ainsi que certaines conventions de la métallurgie (Manche, Côtes-d’Armor) ou du bâtiment (pour les ouvriers des régions Alsace et Auvergne).

14/ dares (2014), op-cit.

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

4/ BAISSE DU NOMBRE D’ACCORDS D’ENTREPRISE MAIS PROgRESSION DE NOUvEAUX THèMES DE NÉgOCIATION

En 2014, 36 500 accords entre employeurs et représentants du personnel ont été signés (-9 % par rapport à 2013). Les accords relatifs aux salaires et primes arrivent en tête (10 283 accords si-gnés) mais sont en baisse de 3 % par rapport à 2013. Comme men-tionné précédemment pour les négociations de branche, l’aboutis-sement des négociations annuelles obligatoires sur les salaires a pu être contrarié en 2014 par une conjoncture économique dégradée. Dans le même mouvement, les accords relatifs au temps de travail (-5 %), à l’emploi (-30 %) ou à l’égali-té professionnelle (-17 %) connaissent une di-minution significative. Les accords sur la péni-bilité au travail ou sur le contrat de génération apparaissent également moins nombreux qu’en 2013, année marquée par une forte intensité de la négociation sur ces thèmes.

Il convient de noter que ces évolutions ne traduisent pas né-cessairement un mouvement spontané des entreprises vers de nouveaux thèmes de négociations, car elles s’expliquent principalement par les évolutions du cadre législatif. Les in-citations à négocier sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur la prévention de la pénibilité du travail ins-taurées par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des re-traites s’étaient traduites par le dépôt de nombreux textes sur

ces thèmes en 2012 et, dans une moindre me-sure, en 2013. Les accords sur le contrat de gé-nération, comptabilisés dans la rubrique « em-ploi » sont quant à eux presque trois fois moins nombreux en 2014 qu’en 2013 pour des rai-sons similaires (un peu plus de 1 000 textes, contre près de 3 000 en 2013). De façon géné-rale les entreprises qui, conformément au ca-lendrier établi par la loi, ont respecté dès 2013 leur obligation de signer un accord ou d’établir un plan d’action n’ont pas eu à le faire en 2014.

« C’est un des temps forts de l’année au sein de l’entreprise. La négociation salariale annuelle peut se traduire par une augmentation au mérite, une augmentation collective, en fonction des résultats économiques au premier semestre. » (DRH)

29 % 18 % 12 % 11 % 9 % 8 % 7 % 2% 1%1%

salaires et primes temps de travail Participation, intéressement, épargne emploi Prévention collective, complémentaire santé, retraite

égalité professionnelle droit syndical, irP, expression des salariés conditions de travail, hygiène et sécurité Formation professionnelle classification

Principaux thèmes des accords d’entreprises en 2014

Répartition des conventions collectives selon l’augmentation des salaires hiérarchiques

sources : rapport dares 2015. Lecture : 87,4 % des conventions collectives signées en 2014 prévoient une augmentation inférieure à 2 % des salaires minima hiérarchiques

60%

50

40

30

20

10

0

87,4 % inférieur à 2 %

d’augmentation 2014

< à 1 % 1 à 2 % 2 à 3 % 3 à 4 % 4 à 5 % > à 5 %

2014

2013

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

À l’opposé, on constate une forte augmentation du nombre d’accords d’entreprise relatifs à la protection sociale complé-mentaire, qui inclut la prévoyance collective, la complémentaire santé et la retraite supplémentaire (3 261 accords, en hausse de 40 %). Les accords relatifs au droit syn-dical, aux institutions représentatives du personnel et à l’expression des sa-lariés sont également en nette aug-mentation (+20 %, pour 2 540 textes signés). Là encore, il convient toute-fois de noter que le nombre des ac-cords d’entreprise dépend fortement de l’évolution du cadre législatif et réglementaire.

La loi du 14 juin 2013 comporte ainsi des dispositions affectant la négociation collective sur la protection sociale complémentaire. Elle prévoit, au 1er janvier 2016, la généralisation à l’ensemble des salariés de la couverture complémentaire santé collective. Cette

généralisation doit s’opérer en premier lieu par la négociation entre les parte-naires sociaux au niveau des branches professionnelles mais, les entreprises relevant d’une branche qui ne dispose pas d’une couverture complémentaire santé au moins équivalente à un socle minimal défini légalement ont l’obliga-tion d’engager des négociations sur cette thématique.

« Pour moi, à partir des années 1980, la protection sociale a constitué un véritable levier pour améliorer le pouvoir d’achat des salariés. C’est dans ce contexte, que l’on a entamé avec la DRH une réforme de la complémentaire santé. Nous sommes passés d’une adhésion optionnelle à une adhésion obligatoire, il fallait donc que la direction participe aux frais. » (représentant des salariés)

Laurent Berger secrétaire général de la CFDT

Comment avez-vous perçu la vitalité du dialogue social en 2015 ?

Les attaques contre le dialogue social font osciller les sondages d’opinion mais n’affectent pas sa vitalité dans les entreprises.Au niveau national, c’est bien le dialogue social entre partenaires qui permet aujourd’hui d’adopter, sur les retraites complémentaires, les mesures responsables qui préserveront notre régime solidaire par répartition.2015 restera donc une année marquante dans l’histoire du dialogue social.

Avez-vous le sentiment que plus de dialogue social, c’est plus de développement économique ?

Le dialogue social ne suffit pas, mais c’est un facteur essentiel. Sans lui, une entreprise est amputée de la meilleure part de ses capacités d’innovation. Elle peut fonctionner dans le cadre des relations de subordination mais seul un dialogue social de qualité permet d’intégrer les intérêts de chacun dans la construction de son développement. Et c’est la condition pour que tous tendent vers le même but, avec l’assurance d’une contrepartie juste en récompense des efforts consentis. Le même raisonnement vaut pour les branches ou le pays :

c’est la différence entre technocratie et démocratie.

Qu’attendez-vous du dialogue social en 2016 ?

De la responsabilité et de l’efficacité pour continuer de régler les problèmes immédiats, comme la renégociation de l’assurance chômage, dans l’intérêt des travailleurs. Mais aussi pour inventer les conditions du dialogue social efficace de demain, sur les sujets d’avenir. Une feuille de route a été fixée à l’issue de la Conférence sociale. La CFDT est prête à faire valoir ses idées et trouver les meilleurs compromis dans le dialogue qui va s’engager.

3 questions À

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5/ DES TAUX DE SIgNATURE DES ACCORDS gLOBALEMENT STABLES, ET UNE PROPENSION ÉLEvÉE à SIgNER LES ACCORDS D’ENTREPRISE

Les taux de signature des accords collectifs constituent un indica-teur de la dynamique du dialogue social formel, c’est-à-dire institu-tionnalisé par la négociation. S’agissant des accords de branche, les taux de signature sont voisins de 75 %, à l’exception de la CGT qui se singularise par un faible taux de signature (30,2 % en 2014). Les taux de signature sont en baisse pour l’ensemble des organisations syndicales représentatives, à l’exception de la CFDT qui voit son taux de signature augmenter de deux points, de 83 à 85 %. Pour les autres organisations, la baisse des taux de signature est tou-tefois limitée (de 32,2 % à 30,2 % pour la CGT ; de 73,5 % à 71 % pour la CGT-FO, de 76,3 % à 72,7 % pour la CFTC et de 73,2 % à 72,7 % pour la CFE-CGC). Sur une décennie, le taux de signature des accords de branche pour chaque organisation ne connaît pas véritablement d’évolution notable.

Il apparaît que la propension à signer(15) les accords d’entreprise est uniformément élevée, puisqu’elle se situe en 2014 entre 84 % pour la CGT — soit une propension bien plus élevée qu’au niveau de la branche pour cette organisation — et 94 % pour la CFDT. Ces chiffres élevés témoignent du dynamisme de la négociation d’entreprise, qui apparaît moins conflictuelle que la descrip-tion qui en est souvent faite.

À cet égard, il faut toutefois noter qu’existent en entreprise d’autres modalités de dialogue social que la négociation avec les représen-tants du personnel. Ainsi les accords signés par ces derniers re-présentent moins de 60 % du total des textes signés et enregis-trés en 2014. Dans le même temps, 22,7 % des textes font l’objet d’une décision unilatérale de l’employeur, tandis que 18,7 % sont ratifiés par référendum des salariés (à la majorité des deux tiers pour l’essentiel). Au total, ce sont donc près de 61 000 textes qui ont été signés et enregistrés en 2014.

note : à partir des données 2008, la pondération de l’enquête a été revue, d’où une rupture de série. Lecture : en 2013, 1,2 % des entreprises ont connu au moins une grève dans l’entreprise ou l’un des établissements et le nombre de journées non travaillées pour fait de grève rapporté aux effectifs salariés équivaut à 79 jours pour 1000 salariés.champ : entreprises de 10 salariés ou plus du secteur marchand non agricole.

source : dares, enquête aceMo «  Dialogue social en entreprise ».

Entreprises ayant déclaré au moins une grève et nombre de jours de grève pour 1 000 salariés de 2005 à 2013

en joursen % d’entreprises

201320122011201020092008200720062005

3503,5

3,0

2,5

2,0

1,5

1,0

300

250

200

150

100

50

0

164

117

128100

136

7760

79

318

1,9

2,7

1,8

2,12,2

3,3

1,8

1,31,2

2,7

Propension à signer des accords en 2014 (en %, selon les organisations)

source : rapport dares 2015

100%

90

80

60

70

40

50

20

30

0

10

CFDT CFTC CFE-CGC CGT-FO CGT

d’entreprisede branche

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

15/ Pour neutraliser l’effet de l’implantation des organisations syndicales sur le taux de signature, on peut calculer des propensions à signer, c’est-à-dire des taux de signature calculés, pour chaque organisation, uniquement à partir des accords qu’elles sont susceptibles d’avoir négocié du fait de leur présence dans l’entreprise via un délégué syndical.

6/ STABILITÉ DE LA CONFLICTUALITÉ EN 2013, MAIS HAUSSE DE SON INTENSITÉ ET ÉvOLUTION DES MODALITÉS DE CONFLIT SOCIAL

De la grève des contrôleurs aériens en juin 2014 à celle des méde-cins libéraux en décembre de la même année, ou des transporteurs routiers en janvier 2015, certains conflits sociaux ont eu ces der-niers mois un impact immédiat sur la vie des Français, et ont bé-néficié à ce titre d’un fort retentissement médiatique.Pour autant, il existe un écart entre la perception de ces conflits par l’opinion et la réalité de la conflictualité en France, qui dimi-nue sur la longue période, comme le montre le graphique ci-contre. L’analyse de la conflictualité repose traditionnellement sur l’obser-vation du nombre de jours de grève, ou journées individuelles non travaillées (JINT). Les derniers chiffres disponibles en la matière portent sur l’année 2013.

Ils indiquent que l’incidence de la conflictualité en entreprise est stable, et relativement faible : 1,2 % des entreprises ont déclaré au moins une grève en 2013, quelle que soit leur durée (contre 1,3 % en 2012).

La part d’entreprises ayant connu une grève se maintient à son niveau le plus faible depuis le début de la crise de 2008. Cette proportion varie toutefois fortement selon la taille des en-treprises : de 0,2 % dans les entreprises de 10 à 49 salariés à 29 % dans celles employant au moins 500 salariés.

Jean-Claude Charlez Président de L’ANDRH

Comment avez-vous perçu la vitalité du dialogue social en 2015 ?

Pour moi, il n’y a pas de mauvaise année pour le dialogue social. Parce que le dialogue social est consubstantiel à la vie des entreprises. Cependant, certains évènements viennent noircir l’image du dialogue social de façon excessive. Le dialogue social, ce n’est pas ce qui s’est passé chez Air France il y a quelque temps, et qui est d’ailleurs évidemment condamnable. Aujourd’hui, un certain nombre de syndicats sont dans la négociation et font avancer les dossiers ; d’autres se bloquent assez souvent sur des postures, sans nécessairement afficher une volonté d’aboutir.

Avez-vous le sentiment que plus de dialogue social c’est plus de développement économique ?

Je dirais qu’une entreprise ne peut être performante que si ses salariés ont envie d’y être. Ces salariés sont représentés par des syndicats et des instances. Le bon fonctionnement de la relation avec ces syndicats doit être basé sur la confiance afin d’accompagner au mieux la performance. Quant à savoir si le dialogue social fonde le développement économique, la réponse est certainement non, mais je pense qu’il l’accompagne de façon importante et très utile ; les mutations d’une entreprise ne peuvent pas se faire sans dialogue social.

Qu’attendez-vous du dialogue social en 2016 ?

J’espère en 2016 que les ajustements qui sont en train de se faire sur la répartition des sujets entre le dialogue social d’entreprises et de branches et ce qui relève de la loi ou du règlement soient clairs. Je pense que plus un sujet est traité près de l’endroit où le problème se pose, plus la réponse est adaptée. La tendance à reporter des négociations vers les entreprises va dans le bon sens. Quand on pose le problème du travail du dimanche dans une entreprise, on le règle ; quand on le pose au niveau national, il devient très difficile à résoudre.

3 questions À

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La stabilité de la proportion des entreprises ayant connu au moins une grève se combine avec une hausse de l’intensité de la conflic-tualité, mesurée à partir du nombre moyen de journées individuelles non travaillées (JINT) pour fait de grève pour 1 000 salariés. Ce nombre moyen progresse de 19 jours par rapport à 2012 en se si-tuant à 79 JINT pour 1 000 salariés. Là où il y a eu des grèves, elles ont été plus longues et/ou ont concerné plus de salariés : dans les seules entreprises ayant connu au moins une grève, le nombre de JINT pour 1 000 salariés est passé de 250 à 322 jours, retrouvant un niveau assez proche de celui de 2011.

Carole Couvert Présidente confédérale de la CFE-CgC

Comment avez-vous perçu la vitalité du dialogue social en 2015 ?

Au niveau de l’entreprise, il y a eu beaucoup de plans de sauvegarde de l’emploi. Nous nous sommes battus pour préserver le maximum d’emplois tout en conservant la compétitivité des entreprises. À côté de cela, certaines entreprises ont fait le pari de valoriser le capital humain en leur sein. Pour nous, ce sont ces entreprises qui disposeront du modèle économique le plus robuste dans les années à venir. Au niveau interprofessionnel, l’année a commencé avec de nombreux blocages, mais elle se termine par un accord sur les retraites. C’est une démonstration que le dialogue social a de l’avenir. C’est le signe qu’un bloc réformiste s’est reformé avec la

CFDT, la CFTC et la CFE-CGC, après des divergences. Je trouve que c’est un très beau signal pour l’avenir, pour l’intérêt général.

Avez-vous le sentiment que plus de dialogue social, c’est plus de développement économique ?

Le dialogue social ne rime jamais avec dépense. C’est un véritable investissement, et pour qu’il fonctionne, il faut qu’il y ait un retour sur investissement. Pour cela, il faut que les dirigeants disposent d’un certain nombre de qualités : l’exemplarité, l’humilité, la transparence et une capacité à créer de l’adhésion autour du projet d’entreprise. Lorsque ces qualités sont réunies, le dialogue social est un vrai levier de performance.

Qu’attendez-vous du dialogue social en 2016 ?

Ne soyons pas dans la surenchère des réformes ! Les partenaires sociaux n’ont pas et ne répondent pas à un calendrier politique. Il faut qu’il y ait un accompagnement au changement et pas de précipitation. Je souhaite que nous passions d’un syndicalisme de posture à un syndicalisme d’action. C’est-à-dire ne pas tout attendre du gouvernement, ni du patronat, mais être nous-même acteurs du changement. L’idée est de passer d’une position de consommateurs à celle de consom’acteurs en restant toujours fidèles aux aspirations du terrain. En ce sens, nous avons lancé l’application mobile « Made in emplois », que je vous invite à découvrir.

La conflictualité est en outre très variable d’un secteur à l’autre. La forte hausse des JINT dans le commerce (78 JINT pour 1 000 sala-riés en 2012, 131 JINT pour 1 000 salariés en 2013), explique en grande partie la hausse globale, tandis que la conflictualité est à un niveau bien plus faible dans la construction (seulement 8 JINT pour 1 000 salariés en 2013).

Par ailleurs, les motivations des grèves au cours des dernières an-nées ont souvent reposé sur des mots d’ordre extérieurs à l’entre-prise. Autrement dit, la mobilisation suit autant les grandes problé-matiques sociétales que les sujets plus spécifiques à l’entreprise. À titre d’exemple, le pic de jours de grève dans les années récentes a ainsi été atteint en 2010, avec le sujet des retraites. Ainsi, en 2013, près de la moitié (47 %) des entreprises ont été concernées par une ou des grèves à l’appel de mots d’ordre nationaux et inter-professionnels, une proportion encore plus importante (64 %) dé-clare avoir connu au moins une grève relevant de motifs qui leur sont spécifiques.Les mots d’ordre sectoriels sont quant à eux plus rares (12 % des entreprises en font état). Ces proportions restent très stables par rapport à 2012.

3 questions À

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16/ « Les relations professionnelles au début des années 2010 : entre changements institutionnels, crise et évolutions sectorielles », dares, Premières synthèses, avril 2013.

Concernant les motifs de déclenchements des grèves, les rémunérations demeurent le pre-mier thème de conflit, même si en 2013 la part des grèves motivées par ce sujet diminue sensiblement par rapport à 2012 (- 10 points). Près de 45 % des entreprises ayant connu au moins une grève déclarent ainsi avoir connu des arrêts collectifs de travail portant sur les rémunérations.

Par ailleurs, dans un contexte marqué par la hausse continue du chômage, les grèves liées à l’emploi progressent sensiblement en 2013 et concernent plus d’un tiers des entreprises ayant connu une grève (34 % soit 12 points de plus par rapport à 2012). Le recours accru aux plans de sauve-garde de l’emploi (PSE) et aux licenciements économiques peut avoir suscité davantage d’arrêts collectifs de travail pour la dé-fense de l’emploi. À l’inverse, les grèves motivées par des revendi-cations liées aux conditions de travail sont en baisse, et représen-taient 15 % des entreprises concernées par un arrêt de travail en 2013. Enfin le temps de travail a motivé environ 10 % des grèves en 2013, une proportion stable par rapport à 2012.

Il serait toutefois réducteur de limiter l’analyse de la conflictuali-té à l’indicateur des jours de grèves. Depuis quelques années, se sont développées de nouvelles formes de conflits : grève du zèle, rupture des négociations collectives, développement des conten-tieux individuels et collectifs en matière de droit du licenciement, etc. L’enquête REPONSE menée par le Ministère du Travail donne un éclairage sur ces nouvelles modalités (16).

Ainsi, entre 2008 et 2010, un peu moins d’un quart des établissements de 11 salariés ou plus déclarent avoir connu au moins un conflit col-lectif, avec ou sans arrêt de travail. La proba-bilité d’avoir connu des conflits collectifs aug-mente avec la taille des entreprises.

CONCLUSIONLe dialogue social en France apparaît à la fois dynamique et perfectible. Les chiffres in-diquent que la négociation collective est dense et concerne la grande majorité des salariés. La

conflictualité est quant à elle en baisse tendancielle. Mais pour utiles et éclairantes qu’elles soient, les statistiques ne disent pas tout sur la qualité du dialogue social et sur les bénéfices que l’on peut en attendre. Le nombre d’accords signés donne par exemple peu d’information sur le contenu des textes et leur portée.

À l’inverse de nouvelles formes de conflit, moins visibles, peuvent émerger. Il est donc utile de compléter l’analyse en examinant les conditions d’efficacité du dialogue social formel, c’est-à-dire de la négociation collective. De ce point de vue, une question clé est celle de la confiance entre les parties prenantes. Améliorer cette confiance peut conduire à des accords plus ambitieux et un climat social apaisé. Les conséquences pour le développement écono-mique et social des entreprises sont potentiellement nombreuses, comme nous allons le voir à présent.

« En 20 ans, j’ai pu observer qu’il y a eu moins de passages en force et moins de conflits. La grève reste un moyen d’action, cependant, j’observe que la qualité du dialogue social a augmenté y compris en termes de champs d’action : handicap, égalité femme / homme, etc. » (responsable syndical)

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Dialogue social etdéveloppement économique

Partie ii

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

Dialogue social etdéveloppement économique

Que peut-on attendre d’un

dialogue social de qualité ?

Quel en est l’impact sur

les salaires, l’emploi et

la productivité ?

Le dynamisme de la négociation

collective est-il synonyme

d’efficacité économique ?

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esurer l’impact du dialogue social est un exercice com-plexe, car cet impact peut transiter par de multiples

canaux. Une meilleure circulation de l’information au sein de l’en-treprise, des négociations salariales qui incitent à la performance ou encore un développement de la formation professionnelle par le biais des accords collectifs sont des exemples, non limitatifs, de ces canaux. Cette partie se propose ainsi de comprendre les méca-nismes fondamentaux du dialogue social. Elle présente les princi-paux résultats issus des travaux académiques qui ont analysé les liens entre négociation collective et développement économique.

Centrés sur le niveau de l’entreprise, ces travaux sont articulés avec des témoignages issus d’entretiens menés auprès d’acteurs de terrain et par un sondage réalisé auprès de chefs d’entreprises et de salariés.

La principale conclusion est que le dialogue social est plutôt favo-rable au développement économique et social au travers de la né-gociation collective, mais aussi par le biais d’échanges plus infor-mels qui peuvent concourir à améliorer les relations sociales ou au contraire à les dégrader. L’enjeu est donc de construire la confiance entre les parties prenantes.

1/ COMMENT ÉvALUER L’IMPACT DU DIALOgUE SOCIAL SUR LE DÉvELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ?

Comment mesurer l’effet de la négociation collective sur la per-formance économique et sociale ? Les salaires sont-ils plus éle-vés dans les entreprises disposant de représentants syndicaux ? La productivité augmente-t-elle lorsque des accords collectifs sont signés ?

Pour répondre à ces questions, l’évaluation doit tenir compte d’un possible biais de sélection : les entreprises dans lesquelles le dia-logue social fonctionne ont généralement des caractéristiques dif-férentes de celles où il est peu dynamique. Une négociation col-lective intense, ou une forte présence syndicale, peuvent ainsi être la conséquence et non la cause des performances de l’entreprise. Le principe de l’évaluation repose donc sur la com-paraison d’entreprises aux caractéristiques similaires, mais au sein desquelles la présence syndicale et l’intensité de la négociation collective varient. La littérature économique a développé dans les dernières décennies nombre de méthodes permettant de mesu-rer cet effet causal de la syndicalisation, en raisonnant « toutes choses égales par ailleurs ». Les résultats qui suivent sont issus de cette littérature(17).

« La négociation sur les salaires est l’élément clé du dialogue social. Réussir cet épisode de la négociation salariale est extrêmement important. La reconnaissance professionnelle passe par la reconnaissance du travail. Or, la rémunération est un élément clé de la reconnaissance du travail effectué. » (responsable syndical)

M

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2/ LA NÉgOCIATION COLLECTIvE MèNE à DES SALAIRES PLUS ÉLEvÉS ET à UNE RÉDUCTION DES INÉgALITÉS SALARIALES ?

Des salaires plus élevés…La plupart des travaux existants cherchent à mesurer l’impact de la présence syndicale sur différents indicateurs, tels que les sa-laires, la productivité ou l’emploi. En règle générale, cette présence est en effet la condition d’une négociation collective formelle. S’agissant des salaires, les résultats, principalement issus de tra-vaux anglo-saxons, indiquent que la « prime syndicale », soit le surcroît de salaire observé dans des entreprises où les syndicats sont présents, est significative, se situant dans une fourchette comprise entre 10 et 15 %. Ceci n’est guère surprenant si l’on considère que les questions de salaires constituent le thème privilégié de la négociation collec-tive et l’objectif principal des syndicats, comme en témoignent les chiffres sur l’état du dialogue social en France présentés plus haut dans ce rapport.

Une difficulté tient toutefois à la prise en compte des différences de contextes nationaux dans l’évaluation de cet impact salarial. Les premiers travaux de recherches ont été menés aux États-Unis, où les négociations sont largement décentralisées au niveau de l’entreprise, et où le fait d’être couvert par les accords signés dé-pend de l’adhésion à un syndicat. En revanche, dans les pays où le taux d’adhésion et le taux de couverture sont peu corrélés, mesu-rer la syndicalisation au travers de l’adhésion syndicale est moins pertinent(18). C’est particulièrement le cas dans les pays d’Europe continentale tels quel la Belgique, la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et les pays Scandinaves, où la grande majorité des sa-lariés sont couverts par des accords collectifs, qu’ils soient adhé-rents ou non à un syndicat.

Ceci a des conséquences importantes sur l’ampleur de la prime sa-lariale associée aux accords collectifs. Ainsi, dans le cas français, l’étude de Thomas Breda(19) montre que la « prime salariale » liée à la présence d’un syndicat dans l’entreprise est bien plus faible que celle estimée ailleurs, de l’ordre de 2 à 3 % seulement. Ceci s’explique selon lui par le fait que les syndicats sont présents dans un grand nombre d’entreprises, mais disposent en revanche d’un pouvoir de négociation limité par leur faible représentativité. Il note cependant que l’enjeu de la négociation salariale dépasse cependant la seule question des salaires, dans la mesure où les accords signés peuvent contribuer à un meilleur climat social au sein de l’entreprise.

17/ Pour une vision plus détaillée des effets économiques du dialogue social, voir M. Ferracci et F. guyot, « Dialogue social et performance économique, Éditions Presses de Sciences Po, 2014 » dares, Premières synthèses, avril 2013.

18/ andrews et al., 1998.19/ t. Breda “Firms’ rents, workers’ bargaining power and

the union wage premium in France ”. À paraître dans l’economic Journal.

« Le dialogue social sans une stratégie d’entreprise viable ne sert pas forcément à grand-chose. Une entreprise qui réussit n’est pas forcément une entreprise qui fait beaucoup de dialogue social, mais une entreprise qui a une bonne stratégie et qui la partage notamment grâce au dialogue social. C’est ainsi que la productivité d’une entreprise augmente, qu’elle se développe économiquement. » (responsable patronal)

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

… et des inégalités salariales réduites par la négociation collective

Au-delà du niveau absolu des salaires, la né-gociation collective a des effets sur les inéga-lités salariales. Des taux de syndicalisation et le taux de couverture des accords collectifs éle-vés semblent généralement favorables à une réduction des inégalités. Un certain nombre d’études macroéconomiques portant sur les pays de l’OCDE trouvent ainsi des corrélations négatives entre ces indicateurs et les indica-teurs d’inégalités salariales(20).

David Blanchflower et Robert Freeman(21) étu-dient quant à eux les effets du mouvement de désyndicalisation impulsé sous le gouverne-ment de Margaret Thatcher dans les années 1980. Ils parviennent à la conclusion que les lois adoptées du-rant cette période ont atteint leur but, à savoir réduire le pouvoir de négociation des syndicats, mais avec pour conséquence un ac-croissement important des inégalités de revenus. Ceci confirme a contrario qu’un niveau élevé de syndicalisation permet de conte-nir les inégalités de salaire.

Ce résultat rejoint celui d’autres études comme celle de David Card(22), qui montre que le déclin de la syndicalisation explique entre 15 et 20 % de la hausse des inégalités salariales aux États-Unis entre 1973 et 1993.

De façon générale, les études empiriques montrent donc des effets significatifs de la syndicalisation sur le niveau des salaires, mais aussi sur la réduction des inégalités entre qualifiés et non-qualifiés, et entre hommes et femmes. Ceci suggère que la négociation collective peut aussi avoir un impact sur le niveau de l’emploi, et sur la performance économique des entreprises.

3/ LA RELATION ENTRE DIALOgUE SOCIAL ET PRODUCTIvITÉ DÉPEND NOTAMMENT DE LA QUALITÉ DU DIALOgUE SOCIAL INFORMEL

les effets ambigus de la syndicalisation sur la productivitéLes études économiques montrent que la présence syndicale et la négociation collective en entreprise peuvent aussi bien accroître que réduire la productivité.

Au sein de l’entreprise, les syndicats ont en effet un rôle de « voix collective » (Hirschman, 1970). Cette idée signifie que l’expression des besoins et des dysfonctionnements du collec-tif de travail peut contribuer à améliorer son efficacité. De fait, un certain nombre de tra-vaux montrent que, toutes choses égales par ailleurs, les entreprises dans lesquelles la présence syndicale favorise la négociation collective sont plus productives. Cependant ce surcroît de productivité n’est pas de la même ampleur que la « prime salariale » décrite plus haut.

La méta-analyse de Doucouliagos et Laroche(23) montre ainsi, sur la base d’un grand nombre d’articles principalement anglo-saxons, que le

gain en termes de productivité associée à la présence syndicale est de 1 % en moyenne. Toutefois, ce chiffre moyen cache une grande hétérogénéité : suivant les études et les contextes natio-naux, les effets de la syndicalisation peuvent être aussi bien po-sitifs que négatifs. Des conditions doivent ainsi être réunies pour que le dialogue social soit pleinement efficace. Dans la pratique, cette efficacité apparaît comme la conséquence d’une stratégie claire, et de la qualité des relations sociales au sein de l’entreprise.

Cette idée est illustrée par l’article d’Alan Krueger et Alexandre Mas, qui étudient une crise sociale majeure chez le fabricant de pneus Brigestone-Firestone(24). En 1994, une usine de ce fabricant de pneus a tenté d’imposer une augmentation du temps de travail de 8h à 12h, et une réduction de 30 % des salaires pour les nou-velles embauches. Il s’en est suivi deux années de grèves pendant lesquelles la direction a embauché des remplaçants. Durant cette période, la qualité des pneus produits fut particuliè-rement mauvaise, causant non seulement des rappels, mais aussi une quarantaine de morts sur la route. L’étude montre que la mau-vaise qualité des pneus n’était pas due à une fatigue du fait de l’al-longement du temps de travail, ni à l’embauche de remplaçants non expérimentés, mais bien à la dégradation du climat social : dans les mois précédents la grève, les conflits avaient démarré, et la qua-lité des pneus s’était déjà dégradée.

Ce travail démontre bien que les gains de productivité ne sont pas une conséquence mécanique de la présence syndicale : la qualité des relations sociales est un adjuvant nécessaire, et elle suppose souvent d’améliorer l’information et la compréhension par les sa-lariés du contexte économique de l’entreprise.

« Lorsque les négociations salariales se déroulent bien il s’ensuit un climat plus serein avec moins de tensions, moins de rancœur. Lorsque les négociations se passent mal, il peut y avoir des arrêts inopinés ou des blocages partiels de la production. Les facteurs de conflictualité, mais également d’apaisement peuvent alors être liés à l’attitude et la posture du management sur le dialogue. » (DRH)

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« Une mauvaise communication économique interne peut avoir des effets très négatifs sur la productivité des salariés. Dans le cadre des problèmes financiers que rencontre actuellement l’entreprise, les mauvais résultats financiers ont des effets désastreux sur la motivation des salariés. […] Il y a eu des difficultés de circulation de l’information entre les différentes strates. Comme vous pouvez l’imaginer, les annonces ont fait diminuer la productivité et le travail car les salariés sont inquiets pour l’avenir de leur emploi. » (responsable syndical)

20/ BLau, Francine et KaHn, Lawrence. “International Differences in Male Wage Inequality: Institutions versus Market Forces.” Journal of Political economy, 1996, vol. 104, no 4, p. 791-836.

21/ BLancHFLoWer, david g. et FreeMan, richard B. “Did the Thatcher reforms change British labour performance? ” national Bureau of economic research, 2003.

22/ card, david. “The effect of unions on wage inequality in the US labor market. Industrial and Labor Relations Review ” 2001, p. 296-315.

23/ doucouliagos, c. and Laroche, P. (2003), What do unions do to productivity? a meta-analysis, Industrial Relations, vol 42, pp. 650.691

24/ Krueger, alan B. et Mas, alexandre strikes, scabs, and tread separations: Labor strife and the Production of defective Bridgestone/Firestone tires, Journal of Political Economy, 2004, vol. 112, n°2,p.253.

Pierre gattaz Président du MEDEF

Comment avez-vous perçu la vitalité du dialogue social en 2015 ?

Contrairement à ce qu’on imagine, la France est un des pays qui recourt le plus au dialogue social pour créer de la norme, à côté de la loi. Que ce soit au niveau des entreprises, des branches ou au niveau national interprofessionnel, la négociation collective aboutit ainsi à un grand nombre d’accords signés.On peut néanmoins regretter qu’une grande partie de ces négociations soit obligatoire, parfois même sous peine de sanction !

Avez-vous le sentiment que plus de dialogue social, c’est plus de développement économique ?

Le dialogue social est indéniablement un levier de performance de l’entreprise.Nos entreprises, sur lesquelles repose pour une grande part la production de richesse nationale, doivent aujourd’hui avoir les moyens de s’aligner dans la compétition mondialisée, et pour cela, elles ont besoin de souplesse, d’agilité, pour pouvoir s’adapter en temps réel à leur environnement.Ce qui implique de leur laisser la liberté de se doter des règles les plus adaptées à leur secteur, à leur marché, à leur structure, etc.

Qu’attendez-vous du dialogue social en 2016 ?

Nous attendons qu’un véritable espace de liberté et de créativité soit laissé au dialogue social.Il ne s’agit évidemment pas de permettre tout et n’importe quoi, et nous travaillons auprès du gouvernement à l’élaboration d’un ordre public social et de grands principes fondamentaux.Mais en dehors des domaines qui relèvent de ces grands principes, la plus grande liberté doit être laissée aux entreprises pour se doter des règles qui leur conviennent. Cette régulation sociale sur-mesure sera certainement plus propice à la création d’emplois puisque concentrée sur le développement de l’entreprise.

3 questions À

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l’importance du dialogue social informel et de la circulation de l’informationUne étude de Morris Kleiner, Jonathan Leonard et Adam Pilarski dans le secteur aérien approfondit ce constat(25). Leur démarche consiste à analyser l’impact sur la productivité de l’action des diri-geants et des responsables syndicaux, lors des différents épisodes de conflits. En disposant de données sur une période de 18 ans, l’étude permet de comprendre la dynamique des relations sociales et leur impact sur la productivité. Elle montre que les grèves sont corrélées à la présence de certains leaders syndicaux plus déter-minés que d’autres, et ont un impact négatif sur la productivité. Mais ces impacts sont de court terme et l’entreprise revient tou-jours à ses niveaux antérieurs de productivité en quelques mois.

Ceci confirme l’importance des relations sociales et interperson-nelles dans l’analyse des effets de la syndicalisation. Dès lors, les pratiques du management, l’explication et la co-construction des réformes au sein des organisations peuvent avoir un impact sur la productivité. En exploitant une enquête qualitative sur le niveau d’éducation de la main-d’œuvre, Sandra Black et Lisa Lynch montrent de leur côté(26) que parmi les établissements où des pratiques de codécision ont été adoptées, ceux où un syndicat est présent se révèlent plus productifs que ceux sans syndicat. En revanche, les établissements ayant gardé une approche plus traditionnelle du management sont plus productifs lorsqu’il n’y a pas de syndicat.

De façon plus large, l’impact de la négociation collective au niveau de l’entreprise semble donc dépendre de la nature des échanges entre les institutions représentatives du personnel, les salariés et l’encadrement. Richard Freeman et James Medoff concluaient leur célèbre ouvrage sur le dialogue social en remarquant que « les syndicats ne sont ni un plus ni un moins pour la productivité. Ce qui compte, c’est la manière dont les syndicats et le management interagissent sur le lieu de travail »(27). À cet égard, la circulation de l’information au sein de l’entreprise apparaît à la fois comme une condition et la conséquence d’un dialogue social de qualité.

Philippe Louis Président de la CFTC

Comment avez-vous perçu la vitalité du dialogue social en 2015 ?

Dans certains domaines, l’année 2015 a révélé que les voies de passages sont de plus en plus étroites pour aboutir à des accords interprofessionnels à l’échelon national. En témoigne la négociation sur la réforme du dialogue social qui n’a pas abouti faute de majorité ; nous le regrettons, mais le travail accompli n’a pas été inutile. Il ne faut pas en déduire l’échec du dialogue social, cela signifie que ses acteurs sont plus exigeants. Dans d’autres domaines, comme la négociation sur la nouvelle convention du contrat de sécurisation professionnel,

nous sommes parvenus à un consensus. Enfin, l’année s’est terminée par l’accord sur les retraites complémentaires que la CFTC a signé avec pour souci premier de protéger les salariés.

Avez-vous le sentiment que plus de dialogue social c’est plus de développement économique ?

C’est une évidence pour la CFTC. L’ANI de 2013 sur le maintien dans l’emploi et le pacte de responsabilité et de solidarité la même année portent sur le volet économique de l’entreprise. En contrepartie du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (première étape

de ce pacte) et de souplesses accordées aux entreprises, des négociations se sont ouvertes dans des branches et dans des entreprises avec pour objectif de créer des emplois, d’améliorer les conditions de travail ou de promouvoir la formation, donc l’activité économique.

Qu’attendez-vous du dialogue social en 2016 ?

Nous attendons de la négociation, qui s’ouvrira en 2016 sur le compte personnel d’activité, la concrétisation des droits attachés à la personne, une priorité pour la CFTC.

3 questions À

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« Je pense que les accords de rémunération passés sont un véritable gain de productivité. Le dialogue social est pour moi un outil de gestion concurrentiel. Regardez l’accord d’intéressement. Cela permet de favoriser l’investissement voire le surinvestissement des salariés. Cette implication plus forte des salariés ne passe selon moi que par du dialogue social contractualisé qui permet de conserver les équilibres entre les parties prenantes. » (responsable syndical)

« Lorsque la DRH a un projet d’accord sur la qualité de vie au travail, la prévoyance, etc., elle rencontre par sa branche relations sociales les organisations syndicales en réunion bilatérale. Dans ces relations, la transparence et la confiance entre la DRH et les OS est la clé de la réussite du travail. Les accords de prévoyance permettent véritablement d’apaiser les salariés après des périodes de craintes et de pertes des avantages mutuels. » (responsable syndical)

4/ LE DIALOgUE SOCIAL AgIT SUR LA PERFORMANCE ÉCONOMIQUE PAR DE MULTIPLES CANAUX

Les mécanismes par lesquels un dialogue social abouti peut in-fluencer la performance des entreprises sont potentiellement nombreux. Le développement qui suit en donne un aperçu, sans prétention à l’exhaustivité toutefois(28).

l’effet motivationnel des accords collectifsDes incitations financières négociées collectivement peuvent nour-rir l’implication et l’engagement des salariés dans un projet collectif. Un grand nombre de travaux académiques montrent que le niveau et la structure des rémunérations ont des effets sur la productivité des salariés. La théorie du « salaire d’efficience » développée par le prix Nobel Joseph Stiglitz repose sur ce principe(29), et se trouve confirmée au plus près du terrain.

À l’inverse un climat social dégradé peut constituer un facteur de stress pour les salariés, et nuire tant à leur bien-être qu’à leur pro-ductivité. C’est la conclusion de l’étude d’Étienne Wasmer(30), qui exploite de façon méthodique les résultats d’enquêtes interna-tionales décrivant la qualité des relations sociales et le niveau de confiance entre les parties prenantes. Les accords collectifs peuvent de ce point de vue jouer un rôle d’apaisement pour le climat social.

le lien entre dialogue social et formation professionnelleLa relation entre formation professionnelle et négociation collective constitue un autre canal favorable à la productivité. Les études em-piriques montrent en effet que la présence syndicale, qu’elle s’ex-prime à travers un fort taux de syndicalisation ou par une fréquence importante de la négociation, a pour effet d’accroître le volume de formation dispensé par les entreprises(31). Ces résultats sont toute-fois issus d’études étrangères, et certains signes suggèrent qu’en France le dialogue social autour des enjeux de formation profession-nelle est encore largement perfectible, comme l’illustre la part rela-tivement faible des accords collectifs signés sur ce thème(32). Établir un diagnostic partagé entre représentants syndicaux et encadre-ment sur la stratégie de formation apparaît encore souvent difficile.

25/ Kleiner, M., Leonard, J. and Pilarski, a. (2002) “How Industrial Relations Affect Plant Performance: the Case of Commercial Aircraft Manufacturing” industrial and Labor relations review, 55(2), January, pp.195-219.

26/ sandra e. Black & Lisa M. Lynch, 2001. “How To Compete: The Impact Of Workplace Practices And Information Technology On Productivity ” the review of economics and statistics, Mit Press, vol. 83(3), pages 434-445, august.

27/ Freeman, r. and Medoff, J. (1984), “What do Unions do? ” new-york, Basic book.28/ Pour une vision plus détaillée des effets économiques du dialogue social,

voir M. Ferracci et F. guyot, op-cit.

29/ cette idée a notamment été formalisée par la notion de « salaire d’efficience » développée par J. stiglitz. (1976). “The efficiency wage hypothesis, surplus labour, and the distribution of income in LDCs ”. oxford economic papers, 185-207.

30/ e. Wasmer (2012), op-cit.31/ Ferracci M. (2003) « Évaluer la Formation Professionnelle ».

ed. Presses de sciences Po. collection sécuriser l’emploi.32/ Voir sur ce point la première partie de ce rapport consacrée aux indicateurs

du dialogue social en France en 2014.

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le dialogue social peut contribuer à réduire la conflictualitéLa négociation collective dans le cadre d’un dialogue social de qualité peut en outre contribuer à limiter la conflictualité. Contrairement à l’intuition, les résultats des études économiques montrent en effet que la présence syndicale n’est pas systématiquement associée à un accroissement de la conflictualité(33). Ce résultat se comprend en réalité aisément, si l’on considère que dans certains pays le dialogue social s’est justement développé pour limiter la conflictualité au niveau de l’entreprise. Ainsi, aux États-Unis, la loi Wagner de 1935 renouvelant le cadre du dialogue social et de la représentation syndicale, visait explicitement à prévenir la sur-venance et favoriser la résolution des conflits individuels du tra-vail. Jusqu’alors, il était possible pour un employeur de discriminer et de licencier sans autre motif un ouvrier, syndiqué ou non, et les conflits autour de la représentation syndicale étaient vifs et fré-quents. En signant la loi Wagner, le Président Roosevelt déclara qu’il s’agissait « d’un pas important vers la paix industrielle »(34).

Si la relation entre syndicalisation et conflictualité n’est donc pas univoque, certains travaux ont en revanche pointé le rôle du multi-syndicalisme sur le lieu de négociation comme un facteur augmen-tant l’incidence de grèves. Selon une étude menée dans sept pays européens à partir de données couvrant les années 1990-2006, ceci proviendrait de la compétition et du manque de coordination qui peut résulter de la présence de plusieurs syndicats, plutôt que d’une éventuelle surenchère des revendications pour attirer des adhérents(35). Il convient toutefois de rester prudent quant au lien entre syndicalisme et conflictualité. Tous les pays n’affichent pas un lien clair entre multi-syndicalisme et occurrence des grèves(36).

la syndicalisation accroît la stabilité de l’emploi mais n’a pas d’effet significatif sur son niveauComme on l’a vu, un effet important du dialogue social est de faci-liter les échanges au sein de l’entreprise et ainsi de réduire les sujets de mécontentement. En conséquence, les salariés seraient moins tentés de quitter l’entreprise. On peut donc s’attendre à ce que la rotation des emplois diminue avec l’intensité du dialogue social, ce qui contribue-rait à réduire pour l’entreprise les coûts asso-ciés aux séparations. Ceci fait écho à certaines expériences d’entreprise dans lesquelles des

efforts sur le cadre de vie, l’autonomie et le dia-logue ont pu permettre d’augmenter la durée et la qualité des relations de travail.

Plusieurs travaux semblent confirmer ce lien entre syndicalisme et rotation des emplois. Pierre Cahuc et Francis Kramarz exploitent un panel d’entreprises françaises en combinant

ces données avec des informations sur un échantillon représen-tatif des employés de ces entreprises(37). Cahuc et Kramarz éta-blissent une relation de causalité entre la négociation collective et la rotation des emplois. Ils montrent ainsi que les entreprises où un accord collectif a été signé ont une durée moyenne de l’emploi plus longue. D’autres études tendent à confirmer ce lien : Delery et. Al. montrent ainsi sur des données britanniques que la pré-sence de syndicats est corrélée négativement avec le niveau de rotation des emplois(38).

L’effet de la présence syndicale sur le niveau de l’emploi est en revanche moins clair, car il dépend des objectifs poursui-vis par les parties prenantes de la négociation collective. L’augmentation des salaires peut ainsi être contradictoire avec le maintien de l’emploi, dès lors que la productivité au sein de l’entreprise reste inchangée. Mais il est également pos-sible, comme on l’a vu, que le dialogue social conduise à améliorer la productivité, conjointement au niveau des salaires, de sorte que l’effet de la syndicalisation sur l’emploi est potentiellement ambi-gu. Rares sont les études qui établissent de manière convaincante une relation de causalité entre présence syndicale et niveau de l’emploi dans l’entreprise. Les résultats tendent à montrer que la syndicalisation a peu d’effet sur le niveau de l’emploi(39).

l’effet positif du dialogue social sur les conditions de travail et la protection socialeUn certain nombre de travaux mettent enfin en évidence un champ d’actions syndicales bien plus étendu que les mécanismes précé-

dents ne le suggèrent. Ces interventions se situent à la frontière de la performance éco-nomique et de l’amélioration des conditions de vie des travailleurs. En matière de condi-tions de travail, l’étude d’Alejandro Donado et Klaus Wälde montre ainsi que les syndicats permettent l’instauration de meilleurs standards d’hygiène et de sécurité(40). Ceci a un coût pour l’entreprise, mais qui est

« Le conflit social, ce n’est pas forcément un drame. Le dialogue social n’a pas vocation à éviter à tout prix tous les conflits. La peur du conflit a tendance à tétaniser le dialogue social. Il est préférable d’avoir une entreprise avec des conflits utiles que pas de conflit du tout et une situation sociale qui se détériore. » (responsable patronal)

« Je pense qu’il faut élever la conscience économique des salariés pour améliorer encore le dialogue social. Cela peut passer par des formations ad hoc ou une communication interne. » (DRH)

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Jean-Claude MAILLY secrétaire général de CgT-FO

Comment avez-vous perçu la vitalité du dialogue social en 2015 ?

La formule de dialogue social est une formule vague qui recouvre consultation, concertation et négociation. S’agissant de la négociation interprofessionnelle, elle ne doit pas se mesurer seulement au regard du nombre d’accords nationaux mais de leur qualité. De ce point de vue l’année s’est mal terminée avec l’accord sur les retraites complémentaires que nous jugeons injuste, très pénalisant pour les salariés et retraités et politiquement dangereux.

Avez-vous le sentiment que plus de dialogue social c’est plus de développement économique ?

Sur le principe oui, un dialogue social de qualité assure un développement économique sur le moyen et long terme. Cela se prouve d’ailleurs dans certaines entreprises où se sont instaurées des relations sociales de confiance et de respect.Mais trop souvent dans le contexte actuel de politique économique et de crise, le social a tendance à être considéré comme une variable d’ajustement d’objectif économique présenté à tort comme incontournable.

Qu’attendez-vous du dialogue social en 2016 ?

Nous venons de fixer l’agenda social paritaire 2016 qui sera notamment une année de négociation en matière d’assurance chômage.Il faut que tout le monde prenne conscience que les logiques d’austérité sont socialement économiquement et démocratiquement suicidaires.FO est très attachée à la négociation, c’est dans notre ADN. Mais la négociation n’est pas un accompagnement mais un compromis.

3 questions À

33/ M.Ferracci et F.guyot (2014), op-cit.34/ new york times du 6 Juin 1936. 35/ akkerman, a. (2008). “Union Competition and Strikes:

The Need for Analysis at the Sector Level. Industrial and Labor Relations Review”, 61(4), 445-459. sur le fait que c’est la non-coordination entre syndicats qui peut conduire à ces effets, voir aussi stephen Machin, Mark stewart and John Van reenen (1993). “The Economic Effects of Multiple Unionism: Evidence from the 1984 Workplace Industrial Relations Survey ”. the scandinavian Journal of economics, Vol. 95, no. 3 (sep., 1993), pp. 279-296

36/ Jansen, g., (2014), “Effects of Union Organization on Strike Incidence in EU Companies”, industrial and Labor relations review, 67, issue 1, p. 60-85

37/ cahuc, Pierre & Kramarz, Francis, 1997. “Voice and Loyalty as a Delegation of Authority: A Model and a Test on Matched Worker-Firm Panels” Journal of Labor economics, university of chicago Press, vol. 15(4), pages 658-88, october.

38/ delery, John e., nina gupta, J. douglas shaw, J.r. Jenkins, and Margot L. ganster. “Unionization, Compensation, and Voice Effects on Quits and Retention” industrial relations 39 (october 2000): 625-45.

39/ Voir par exemple dinardo, John and david s. Lee. “Economic Impacts of New Unionization on U.S. Private Sector Employers: 1984-2001” quarterly Journal of economics 119,4(2004):1383-1442.

40/ alejandro donado & Klaus Wälde, 2012. “How trade unions increase welfare” economic Journal, royal economic society, vol. 122(563), pages 990-1009, 09.

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compensé, selon les auteurs, par une meilleure productivité du fait de l’amélioration des conditions de travail. Les résultats du sondage Humanis réalisé pour ce rapport confirment du reste que l’amélioration des conditions de travail est une préoccupation essentielle pour les salariés. Cinquante pour cent d’entre eux sou-haitent ainsi que cette question soit d’avantage abordée par la né-gociation collective en entreprise, ce qui en fait le deuxième thème le plus cité après les salaires. Les syndicats sont également des acteurs majeurs de la négociation de couverture d’assurance de

santé, en particulier aux États-Unis où jusqu’à récemment aucune couverture universelle n’existait(41). Sur des données britanniques, une étude montre également que les syndicats incitent les en-treprises à proposer à leurs salariés de meilleures conditions so-ciales, telles que les congés parentaux(42). On le voit, les effets de la présence syndicale et du dialogue social portent sur une mul-tiplicité d’indicateurs, et sont aussi très hétérogènes. Cette hé-térogénéité peut s’expliquer en partie par la diversité des cadres et des systèmes nationaux de relations sociales.

5/ IMPACT DU DIALOgUE SOCIAL ET CONTEXTE NATIONAL

Il est difficile de raisonner sur les syndicats en dehors du contexte institutionnel dans lequel les organisations fonctionnent. Ce contexte détermine l’organisation même du dialogue social : quel est l’écart entre le taux de couverture et le taux de syndicalisation ? Quel est le degré de centralisation des négociations ? Quelles sont

Philippe Martinez secrétaire général CgT

Comment avez-vous perçu la vitalité du dialogue social en 2015 ?

Il ne suffit pas d’évoquer la vitalité du dialogue social, il faut aussi se poser la question de son utilité. Qu’en est-il pour les salariés, en matière de développement économique et social ? De ce point de vue, nous sommes très critiques au regard des résultats produits. Alors même que la CGT souhaite promouvoir la négociation collective en tant que droit des salariés, le dialogue social est de plus en plus soumis au joug du dogme du soi-disant « coût du travail » et se fait quasiment uniquement sur la base de textes proposés par le patronat. L’année 2015 l’a montré en particulier au plan interprofessionnel (Négociation Dialogue social, Retraite complémentaire par exemple). C’est cela qu’il faut changer.

Avez-vous le sentiment que plus de dialogue social, c’est plus de vitalité économique ?

Cela devrait être le cas mais la réalité est toute autre ! Car il faudrait s’entendre avec le patronat sur le sens de la « vitalité économique ». Pour nous, cette vitalité ne se gagne que par la prise en compte de l’expertise qu’ont les salariés de leur travail et des exigences de qualité de celui-ci. Pour le Medef, la vitalité économique doit se traduire par la baisse des salaires, l’augmentation du temps de travail ou encore plus de flexibilité ce qui débouche sur moins d’efficacité économique et sociale.

Qu’attendez-vous du dialogue social en 2016 ?

Il faut que le dialogue social crée les conditions de sortie de crise en fixant quelques priorités. Engager une nouvelle Réduction du Temps de Travail porteuse de progrès social et économique, voilà ce que porte la CGT avec sa campagne pour les 32 heures. Il faut aussi traiter d’une augmentation générale des salaires : SMIC dans le privé, point d’indice dans la Fonction Publique mais aussi enjeu des grilles et des classifications. L’ordre du jour de la négociation sur le CPA doit être de bâtir une véritable sécurité sociale professionnelle avec des droits attachés à la personne, inscrits dans un cadre de garanties collectives larges et financés solidairement par les entreprises.

3 questions À

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les modalités de la négociation collective dans les entreprises ? Il est donc utile de dresser un panorama par pays des différents ré-sultats liant le dialogue social et la performance économique. Une large synthèse réalisée par David Metcalf regroupe les études sur la productivité, la rentabilité et l’investissement réalisées dans six pays : les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Japon et l’Australie(43).

Plusieurs points ressortent de cette analyse, qui confirme que la qualité du dialogue social est un facteur favorable à l’efficacité éco-nomique. Aux États-Unis, l’accent est mis sur la qualité du manage-ment et la capacité de mettre en place une gestion performante des ressources humaines. L’impact des syndicats sur la produc-tivité et la rentabilité est dès lors positif si un climat de coo-pération s’installe. La coopération est également clé au Japon où les syndicats semblent être associés à des durées de contrats plus longues, et donc plus d’investissements en capital humain et une productivité qui se voit légèrement tirée vers le haut. Cela ne suffit pas toutefois pour compenser un impact plutôt négatif sur les profits du fait d’une captation importante de la valeur ajoutée par les syndiqués. Au Royaume-Uni et dans une certaine mesure en Australie, c’est surtout le multi-syndicalisme qui semble par-

ticulièrement tirer vers le bas les performances des entreprises. Toutefois, l’incidence du multi-syndicalisme diminuant, les syndi-cats semblent avoir aujourd’hui un impact de plus en plus limité sur la productivité et les profits.

Le cas allemand est particulier du fait de l’organisation du dia-logue social dans ce pays en un système de « codétermination » (Mitbestimmung). C’est sans doute en Allemagne que la participa-tion des salariés à la vie de l’entreprise est la plus poussée, en vertu de ce principe de codétermination. La loi impose en effet à toutes les sociétés de plus de 500 salariés de se doter d’un conseil de sur-veillance dans lequel les représentants des salariés disposent d’un tiers des sièges dans les entreprises ayant moins de 2 000 salariés, et de la moitié au-delà. Les négociations salariales sont généra-lement effectuées au niveau d’un secteur et non de l’entre-prise par des structures représentatives, tandis que les comités d’entreprise ont en charge un rôle de coordination important au niveau de la firme. Ces comités d’entreprises sont, en principe, distincts des syndicats et ne peuvent pas appeler à la grève. La plu-part des études se concentrent sur l’impact de ces comités d’entre-prise sur les performances, et mettent en évidence leur impact plu-tôt positif sur la productivité.

41/ Buchmueller, t., dinardo, J. and Valletta, g. (2002) “Union Effects on Health Insurance Provision and Coverage in the United States”, industrial and Labor relations review, 55 (610).

42/ Budd, J. and Mumford, K. (2004) “Trade Unions and Family Friendly Policies in Great Britain”, industrial and Labor relations review, 57 (204).

43/ Metcalf d. (2003) “Unions and Productivity, Financial Performance and Investment: International Evidence.” in addison J. t., schnabel c. (2003). international Handbook of trade unions, ed. edward elgar.

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Humanis - Apicil • l’état du dialogue social en France • 2015

Conclusion

Les données statistiques, les enquêtes d’opinion, les travaux académiques et les témoignages de terrain convergent pour montrer que le dialogue social est un facteur de performance éco-

nomique, mais aussi de bien-être pour les sa-lariés, à condition qu’il repose sur la confiance mutuelle des partenaires sociaux.

Les résultats du sondage Humanis pour le présent rapport confirment cette de-mande pour un dialogue social apaisé et pour une meilleure information des salariés.

En effet, pour les salariés comme pour les chefs d’entreprises, le dialogue social idéal devrait être d’abord constructif (83 % des salariés et 77 % des chefs d’entreprise) plu-tôt que revendicatif ou conflictuel, mais la perception qu’ils en ont est autre. Si du côté des chefs d’entreprise, le dialogue social est avant tout perçu comme un dialogue social constructif (54 %), rarement revendicatif (5 %) ou conflictuel (4 %), les salariés sont en revanche beaucoup plus nombreux à le juger revendicatif (27 %) ou conflictuel (27 %).

D’autres indicateurs démontrent des at-tentes de la part des salariés : 39% des sa-lariés s’estiment mal informés sur la situa-tion économique de l’entreprise et 47 % sur les perspectives d’évolution au sein de celle-ci. Ce décalage entre les aspirations des sala-riés en matière de dialogue social et la réalité vécue sur le terrain fait écho au constat réali-sé dans les comparaisons internationales qui laissent souvent apparaître un certain défi-cit de confiance entre les parties prenantes.

La construction de la confiance est au cœur du dialogue social français. Au sein des entreprises, la qualité de la négociation collective dépend de la qualité des relations directes entre salariés, représentants du personnel et encadrement. Pour que le dialogue social soit favorable au développement économique et à la compé-titivité de notre économie, les partenaires sociaux ont un intérêt partagé à tisser les fils de la confiance.L’équilibre de notre modèle de relations so-ciales, mais également sa capacité à deve-nir un atout dans la compétition interna-tionale en dépendent.

construire la confiance pour un dialogue social favorable au développement économique

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Pour aller plus loin sur le dialogue social

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Bilan et rapports « la négociation collective en 2014 », juillet 2015. Ministère du travail, de l’emploi, de la Formation professionnelle et du dialogue social, direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques.> www.travail-emploi.gouv.fr

rapport au Premier ministre « la négociation collective, le travail et l’emploi », septembre 2015, Jean-denis combrexelle, France stratégie.> www.strategie.gouv.fr

rapport au Premier ministre « rapport sur la négociation collective et les branches professionnelles » mai 2009, Jean-Frédéric Poisson et Marc Biehler, la documentation française.> www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports publics

« osez le dialogue social dans l’entreprise : des exemples qui montrent que c’est possible », janvier 2010, Jean-Paul guillot, carmen rubia, éditions de l’atelier.> www.editionsatelier.com

Présentation du groupe Humanis, expert du dialogue social.> www.humanis.com

Ferracci, M., & guyot, F. (2015). dialogue social et performance économique. Presses de sciences Po.> www.pressesdesciencespo.fr

andolfatto, d., & Labbé, d. (2012). sociologie des syndicats. la découverte.> www.editionsladecouverte.fr

rapport de l’organisation internationale du travail, Perspectives pour l’emploi et le social dans le monde : tendances 2015, janvier 2015.> www.ilo.org

rapport de l’ocde, Perspectives de l’emploi de l’ocde 2015, septembre 2015.> www.ocde.org

Base de données de l’ocde sur la thématique « emploi ».> www.ocde.org

rapport du cese, aurelli P. et gautier J. (2006) consolider le dialogue social.> www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports publics

étude andrH – inergie pour entreprise et carrières « Baromètre défis rH 2015 », juin 2015.> www.andrh.fr

Le site de l’association réalités du dialogue social.> www.rds.asso.fr

Le site de l’association dialogue.> www.dialasso.seeyousay.me

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Humanis, acteur de référence dans le monde

de la protection sociale, occupe aujourd’hui une

place de premier plan sur les métiers de la retraite

complémentaire, de la prévoyance, de la santé et

de l’épargne. Paritaire et mutualiste, le groupe

Humanis est profondément ancré dans les valeurs

de l’économie sociale et entend toujours mieux

protéger ses clients, particuliers comme entreprises

de toutes tailles.

Humanis s’engage à leur apporter durablement des

solutions et des services de qualité, en privilégiant la

proximité, le conseil et l’écoute.

Humanis met également à disposition de ses

clients branches professionnelles, entreprises et

particuliers ses savoir-faire spécifiques en protection

sociale à l’international (expatriés – impatriés – outre-

mer – entreprises sans établissement en France

et personnels des ambassades) et services sous

marque blanche à des partenaires.

enfin, le groupe Humanis concrétise son

engagement auprès des personnes au travers d’une

politique d’action sociale dynamique axée sur des

enjeux de société (handicap, perte d’autonomie,

rupture sociale).

Le groupe Apicil est le 5e

groupe français de protection

sociale, leader en rhône-alpes,

avec 2 803,8 millions d’euros

d’encaissement de cotisations

en 2014 (retraite + assurances

de personnes).

Paritaire et mutualiste, le

groupe a été créé Par et Pour

les entreprises et les salariés.

gouverné par ses clients, le

groupe est, comme eux, ancré

dans la vie économique.

Apicil les connaît, partage et

comprend leurs enjeux, leurs

priorités et leurs contraintes.

ses 1 339 collaborateurs

accompagnent ainsi 1,5 million

de personnes et près de

50 000 entreprises clientes en

leur proposant des solutions

pérennes, performantes et

adaptées pour les protéger tout

au long de leur vie en santé,

prévoyance, épargne et retraite.

au cœur de ses missions

de conseil et d’assurance,

le groupe Apicil améliore

la performance globale des

entreprises en contribuant à la

santé et au bien-être de leurs

collaborateurs.

acteur engagé au sein de

la société, le groupe Apicil contribue au développement

économique des entreprises et

à l’équilibre social. il consacre

chaque année près de

14 millions d’euros à la mise en

œuvre d’actions de solidarité.

Humanis

apicil

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La Direction des relations extérieures et des relations européennes du groupe Humanis.

La Direction de la communication et du développement durable du groupe Humanis.

Conception et réalisation : éditions stratégiquesCrédits photographiques : Photothèques Humanis et Apicil, CGPME, CFDT, ANDRH, CFE-CGC, MEDEF, CFTC, FO et CGT.

Rapport réalisé sous la direction de marc feRRacci, professeur d’économie

alexandre siné, Secrétaire Général du groupe Humanis et agnès colonval, adjointe au Directeur des relations extérieures du groupe Humanis

Avec la contribution de fti consulting

CONTACTS RELATIONS PRESSEséverine [email protected] [email protected]

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