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SOMMAIRE

Numéro de la page + titre01. LA RENAISSANCE XVe-XVe siècle00. La renaissance italienne00. Les précurseurs et Florence

Giotto / Florence / La sculpture florentine00. Rome

Léonard de Vinci / Michel-Ange / Raphaël00. Venise

Giorgione / Titien / Tintoret / Véronèse / Palladio00. Le maniérisme

Pontormo / Le Parmesan / Bronzino / Arcimboldo / Le Greco00 .La renaissance dans le nord

La crise de l’Église et la Réforme protestante 00. La Flandre

Peindre ce que l’on voit : Jan Van Eyck / Rogier Van der WeydenL’Enfer terrestre : Jérôme Bosch / Pieter Bruegel

00. L’AllemagneAlbrecht Dürer / Matthias Grünewald / Hans Holbein / Albrecht Altdorfer

00. La FranceJean FouquetLes châteauxL’influence italienne : L’École de Fontainebleau / la sculpture

00. LE BAROQUE XVIIe siècle00. L’Italie

La Contre-Réforme, répression et nouvel élan religieuxL’illusionnismeL’architecture jésuite et le style baroque – éblouir pour persuaderLe caravagisme

00. La FranceL’idéal classique La renaissance religieuseNicolas Poussin / Claude Le LorrainL’art sous Louis XIX : VersaillesLes hôtels particuliers

00. La FlandreRubens

00. L’EspagneVélasquez

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00. La HollandeLe naturalisme hollandaisRembrandt / Hals / Vermeer / Van RuysdaëlLa nature morte

00. LE ROCOCO XVIIIe siècle00. La France

Antoine Watteau / François Boucher / Honoré FragonardLe Siècle des Lumières / L’EncyclopédieUne dénonciation de l’absolutisme / La diffusion des idées des LumièresChardin et GreuzeL’académie de peinture et de sculpture, 1648Les SalonsLes portraitistes : Largillière / Rigaud / Maurice Quentin de La TourLe sculpteur HondonArchitecture et mobilier : Gabriel / Perrault / BoffrandLa Place Stanislas de Nancy

00. L’AngleterreL’École des portraitistes : Hogarth / Reynolds / GainsboroughL’architecture : Jones / Wren / le Palladianisme

00. L’ItalieTiepolo / Canaletto / Guardi

00. L’Allemagne et l’AutricheL’architecture

00. LE NÉOCLASSICISMEWinckelmann / archéologie et moraleLa peinture : David / Gros / IngresLa sculpture : Chinard / CanovaL’architecture : les utopistes / le style empireL’architecture après 1830 : le néogothique / l’éclectisme

00. LE ROMANTISMEGoya, le précurseur

00. L’AllemagneFriedrich

00. La FranceGéricault / Delacroix

00. L’AngleterreBlake / Constable / Turner

LES TEXTES COLORÉS RENVOIENT AU LIVRE :CHRONOLOGIE DE L’HISTOIRE DE L’ART, DE LA RENAISSANCE À NOS JOURS – BESCHERELLE. EDITION HATIER

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LA RENAISSANCE XV°-XVI°Mouvement culturel qui anima l’Europe, marqué par un retour aux valeurs de l’Antiquité.INTRODUCTION ET FRISE CHRONOLOGIQUE – 11

A. La renaissance italienneLa Renaissance, née en Italie, se diffuse dans toute l’Europe. C’est un mouvement artistique qui redécouvre l’art de l’Antiquité gréco-romaine dont la perfection doit être imitée. Les artistes, aidés par des mécènes, veulent rompre avec le modèle de l’art médiéval qui est qualifié de “gothique”, c’est-à-dire barbare.Le terme de Renaissance est l'équivalent français de l'italien rinascimento, ou rinascita : le renouveau des arts européens, lequel prend sa source, au XV°siècle, en Italie, où il est associé à la redécouverte de la littérature, de la philosophie et des sciences de l'Antiquité ainsi qu'à l'évolution des méthodes empirique (qui s’appuie sur l’expérience et non sur la théorie) utilisées pour l'étude de ces disciplines. Mais la Renaissance, au-delà de la l’éclosion artistique et culturelle qui lui vaut son nom, est une période capitale pour l'Europe, qui avec les Grandes Découvertes va se lancer à la conquête du monde.

L’humanisme, une nouvelle vision de l’homme et du mondeL’humanisme est un mouvement qui se développe en Europe à partir de la Renaissance. Il donne une place nouvelle à l’homme, tout en s’intéressant à tous les domaines de l’activité humaine, et se diffuse grâce à des progrès techniques.Les humanistes [Pétrarque, Boccace, Rabelais, Montaigne, Érasme] pensent que l’homme est capable, grâce à son intelligence d’appréhender tous les domaines de la connaissance. Pour développer ses capacités, les humanistes sont très attentifs à l’éducation qui non seulement doit permettre d’épanouir son esprit mais aussi son corps.Ils traduisent des textes de l’Antiquité gréco-latine dont on retrouve les manuscrits, comme ceux du philosophe grec Platon.Copernic révolutionne la vision du monde en affirmant que c’est la Terre qui tourne autour du Soleil et non l’inverse. La médecine, l’anatomie, bien qu’interdites progressent.Vers 1450, à Mayence, Gutenberg invente l’imprimerie ; il utilise des caractères mobiles. Les imprimeries seront de plus en plus nombreuses, les livres moins chers seront vendus dans toute l’Europe à de multiples exemplaires.

1. Les précurseurs et Florence

GIOTTOÉtroitement attaché à la culture byzantine [Ravenne], le christianisme italien n’a jamais perdu la tradition de la peinture à fresque et des tableaux à la détrempe (pigment + eau + colle). C’est à la fin du XIII°siècle que ce renouveau débute à Florence avec CIMABUE, à Sienne avec DUCCIO. Mais c’est le florentin GIOTTO qui créé, dans les premières années du XIV°siècle, l’ensemble de fresques qui marquent la rénovation de cet art. Ses compositions sur la vie de Saint-François, à Florence et à Assise, et surtout sa vie de la Vierge et du Christ à Padoue montrent, au sortir du sommeil byzantin, comment la peinture peut émouvoir par le pathétique et charmer par la beauté. Giotto est le père de la peinture

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moderne parce qu’il a repensé des formules devenues machinales et retrouvé la vie qui dormait en des formes inertes. [Fresques de la chapelle Scrovegni à Padoue].

Florence

Les villes d’Italie sont autonomes [Florence, Padoue, Sienne, Arezzo...] ; leurs commerçants en font des centres de rayonnement culturel et intellectuel. C’est une période de prospérité.Dans cette émulation des cités, c’est Florence qui, durant le XV°siècle, domine nettement.BRUNELLESCHI élève sur le chœur de la cathédrale la prodigieuse coupole dont il a pris l’idée au Panthéon de Rome, et bientôt il élève des églises qui ne sont plus voûtées à la manière ogivale, mais plafonnées à la manière des basiliques latines. Puis, les architectes florentins appliquent sur les façades de leurs palais des ordres antiques. ( Palais Ruccelai d’Alberti).Filippo Brunelleschi façonne l’identité architecturale de Florence – 18

À Florence, au début du XV°siècle, l’architecte BRUNELLESCHI ouvre la voie à une nouvelle représentation du monde ; il est l’inventeur de la perspective, codifiée par le “De pictura” d'ALBERTI (1436). Michelozzo dresse les plans du premier palais privé de style Renaissance - 36

C'est MASACCIO qui, parmi les premiers, utilise cette nouvelle vision dans la fresque de La Trinité. Pendant plus de quatre siècles (jusqu'à l'impressionnisme), la nouvelle méthode de représentation de l'espace marque l'art pictural occidental.Masaccio décore la chapelle Brancacci à Florence - 22

Les peintures d’UCCELLO sont puissantes. Elles révèlent un souci de bien poser les figures dans l’espace et de les appuyer fortement sur le sol ; et les claires couleurs des successeurs de Giotto s’éteignent dans des oppositions parfois brutales d’ombres et de lumières. [La Bataille de San Romano]Le moine peintre FRA ANGELICO réalise ce miracle d’unir le génie d’un peintre à l’âme d’un saint. Il n’ignore rien du naturalisme de son temps, et son imagination est illuminée de visions célestes. Il peint des formes très pures et vraies avec une couleur qui est de la flamme, de l’azur ou de l’or, et la matière chez lui, devient de la lumière. [L’Annonciation]MANTEGNA développe à un degré spectaculaire les effets de perspective. Son style est sec, savant, parfois obsédé par les détails. [Oculus du plafond de la Chambre des Époux]

Dans la seconde moitié du XV° siècle, la peinture florentine achève son évolution dans l’œuvre de BOTTICELLI. Il est un dessinateur d’une grande sensibilité dont le dessin sinueux enferme des Vénus mélancoliques. [Le Printemps].Sandro Botticelli invente l’allégorie mythologique – 50À Florence comme à l’échelle européenne, cette année marque le temps des révolutions - 56

La sculpture florentine

Le génie florentin est sculptural. Les figures de marbre, de bronze sont vivantes.Le génial DONATELLO, au génie fort et divers, puise à toutes les sources de la Renaissance, la nature accentuée, tourmentée jusqu’au pathétique, et l’antique à la beauté sereine. Son Gattamelata équestre ressuscite la majesté du Marc-Aurèle antique.Donatello sculpte le David, l’un des premiers grands nus modernes – 32

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GHIBERTI, le triomphateur du concours pour les Portes du Baptistère, est un ciseleur de formes élégantes ; il modèle des tableaux de bronze avec des draperies souples et flottantes comme celles de Phidias et des paysages profonds.Les Florentins lancent un concours pour les portes du baptistère San Giovanni – 16

2. Rome

Les artistes de la Renaissance sont au service des Médicis à Florence, mais aussi des papes à Rome [Jules II et Léon X notamment] ou des princes des autres cités italiennes. L’art glorifie ces mécènes qui contrôlent très strictement leurs commandes. Les grands noms de l’art italien des XV°et XVI°siècles maîtrisent aussi bien la peinture que l’architecture ou la sculpture. INTRODUCTION ET FRISE CHRONOLOGIQUE – 65

Léonard DE VINCI incarne le peintre humaniste qui s’intéresse à tous les domaines des sciences. MICHEL-ANGE sculpte le colossal David et peint le plafond de la chapelle Sixtine. RAPHAËL exploite la veine antique avec son École d’Athènes.BRAMANTE commence l’église Saint-Pierre, la plus grande église du monde, dont la coupole fut terminée par Michel-Ange. Elle superpose le dôme du Panthéon aux voûtes de la basilique romaine de l’empereur Constantin.Les artistes savent créer de l’espace, de la couleur, du volume, de la lumière et du mouvement. C’est l’époque des grandes œuvres dans le contenu comme dans la forme, puis des tensions qui annoncent le maniérisme.

Léonard DE VINCIC’est un génie universel, à la fois le savant qui analyse la nature et l’artiste qui la reconstitue. Le miracle de ces figures peintes est obtenu par “l’infini” du modelé et le mystère des ombres transparentes. Ce modelé par larges ombres, l’emploi du sfumato [technique picturale qui dissout les contours au profit de transitions chromatiques], est resté une des conquêtes définitives de la peinture. C’est cet usage du clair-obscur qui marque la principale différence technique entre les “primitifs” et les modernes.Léonard de Vinci quitte Milan, après deux décennies passées au service de Ludovic le More - 62

MICHEL-ANGEIl est d’abord un sculpteur, un tailleur de marbre, même s’il se donne à la peinture à fresque. Toute sa vie, avec le crayon ou le ciseau, il modèle les muscles qui se contractent. Son imagination s’est formée dans la contemplation du Laocoon ou du torse du Belvédère. Ses figures sculptées ou peintes expriment une énergie surhumaine. Son Moïse est une figure colossale, signe du pouvoir, de la sagesse et du jugement. Dans ses fresques de la Sixtine, comme dans ses tombeaux de Médicis à Florence, ce peintre-sculpteur a ainsi donné les expressions les plus puissantes de l’énergie mais aussi du désespoir (Terribilità). Michel-Ange sculpte sa Pietà pour Saint-Pierre du Vatican – 60Le groupe du Laocoon est découvert sur l’Esquilin – 78Michel-Ange réalise en virtuose la voûte de la Sixtine - 80

RAPHAËLOn l’oppose au génie indomptable et sauvage de Michel-Ange. Il était d’une nature accueillante et ployable à toutes les influences. Ses premières peintures sont de frêles Madones ; son École d’Athènes révèle un génie dans l’art de disposer harmonieusement des groupes vivants. Il sait assimiler toutes les

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conquêtes de la Renaissance. Son œuvre résume l’effort de plusieurs générations, dans une beauté aimable et parfaite.Raphaël décore les Stanze du Vatican et restaure la grandeur romaine - 82

Peintre, architecte et écrivain italien, Giorgio VASARI est l’auteur du premier recueil d'histoire de l'Art : Les Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes, édité une première fois en 1550.Il y parle de la maniera, du style de chaque artiste.Giorgio Vasari publie les Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes – 108

3. Venise

Pourtant, l’art italien du XVI°siècle ne gravite pas tout entier dans l’orbite de Rome. Dans le Nord, Venise aussi est une capitale. La Renaissance y est totale ; des architectes comme SANSOVINO et PALLADIO réutilisent les ordres classiques avec un aspect précieux.Mais le grand art vénitien, c’est la peinture. L’art de la couleur y trouve une force d’expression toute nouvelle.

Les peintres de Venise ne sont pas, comme les Florentins, des fresquistes, mais plutôt, comme les Flamands, des peintres à l’huile. Leur grand mérite est d’unir l’éclat et la vérité de la technique flamande à l’ampleur décorative de la fresque florentine. La peinture à l’huile a été inventée (par Van Eyck) pour couvrir des panneaux de bois étroits ; les maîtres italiens en font une peinture murale grandiose.

GIORGIONE est un révolutionnaire, il renouvelle les thèmes traités, en particulier le paysage et le nu féminin. Tandis que les scènes d’extérieur s’inspirent du répertoire biblique, classique ou allégorique, seule La Tempête apparaît comme une œuvre imaginaire, qui ne fait pas appel à ces répertoires habituels.

Dans l’œuvre de TITIEN, la peinture prend toute son ampleur, atteint à une force d’expression et à une harmonie d’une intensité inouïe. Il est le peintre de la vie physique, un portraitiste merveilleux.Titien peint une « femme nue », la Vénus d’Urbino – 100Titien devient le peintre attitré des Habsbourg - 106

TINTORET est un continuateur de Titien, mais il en brise le rythme, compromet sa couleur harmonieuse en de violents contrastes de clartés blanchâtres et d’ombres opaques. Il veut unir le dessin de Michel-Ange à la couleur de Titien. Il créé un univers pathétique, orageux, aux éclairages sinistres, aux figures exaltées.

La peinture de VÉRONÈSE est un décor magnifique et souriant. Il rassemble des seigneurs barbus et leurs femmes rayonnantes dans des architectures de Palladio. Dans les Noces de Cana, le prétexte est un banquet et ce banquet est un épisode de l’Évangile. Étrange imagination qui fait de la vie de Jésus une succession de festivités ! Mais ces festins ne sont que des occasions à étaler le luxe vénitien, celui des costumes et des architectures.

L’architecture de PALLADIOIl étude les ruines romaines ; approfondit sa connaissance des célèbres traités de Vitruve [architecte romain, I°siècle av.J.-C. qui a codifié les principes de l’architecture antique]. Le fruit de ces études se concrétise en un ouvrage, les “Antiquités de Rome” (1554), principal guide des ruines romaines pour les deux siècles qui suivront.

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Maîtrisant ainsi parfaitement le langage classique, il l'utilise toujours avec une grande originalité. Il manifeste également un intérêt, propre à la Renaissance, pour l'harmonie des proportions dont témoignent ses façades d'une austère simplicité.Il dote Vicence d’édifices publics et privés ; il est le créateur d’innombrables villas dans toute la Vénétie. De plan centré, inspirée du Panthéon de Rome (en particulier en ce qui concerne son fronton et sa coupole), la Rotonda est pourvue de quatre façades conçues en forme de temple.Andrea Palladio publie un traité d’architecture à la fortune européenne - 116

4. Le maniérisme

Phénomène italien puis européen, le maniérisme affecte, entre 1520 et le début du XVII° siècle, l'ensemble des pratiques artistiques, les affranchissant pour un temps des règles de l'humanisme classique et leur conférant une préciosité souvent chargée d'érotisme, une liberté d'invention qui annonce le baroque et le rococo.

À Rome, la papauté est fragile, corrompue par le luxe et l’ambition. À partir de 1517, la Réforme protestante brise l’unité catholique. En 1527, Rome est mise à sac par les troupes de l’Empereur Charles Quint.

Le maniérisme se présente comme la somme d’expériences individuelles conduites par des créateurs isolés, travaillant pour des personnes initiées. C’est un art complexe, ambigu, anti-naturaliste.C’est l’époque des grands traités théoriques et de la naissance de l’histoire de l’art avec VASARI. Il est peintre, érudit italien et l’auteur du précieux recueil des “Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes”. Pour lui, la « maniera » est le trait caractéristique de l’expression d’un artiste. Le maniérisme est surtout une réaction contre l’harmonie, l’ordre et la perfection. On utilise des couleurs vives, acidulées, on exagère les formes, on étire les corps, les mouvements sont souvent dramatiques.PONTORMO utilise des poses contorsionnées, des perspectives audacieuses et des couleurs acidulées, non naturelles. LE PARMESAN propose une œuvre étrange jouant sur des déformations. BRONZINO insuffle un nouveau style à l’art du portrait. Il applique sa touche picturale en couches lisses et éclatantes. ARCIMBOLDO, peintre de la cour des Habsbourg à Prague nous montre des portraits, uniquement composés d’une juxtaposition de fruits, de fleurs et d’animaux, … lui conférant une place particulière dans l’histoire de l’art. Rodolphe II devient le mécène d’une « école de Prague » - 124

Le peintre crétois maniériste LE GRECO fait son apprentissage en Italie puis se fixe en Espagne. Ses formes sont émaciées et ses couleurs corrompues. Le maître spirituel de Vélasquez, oublié jusqu'au XIX° siècle qui le ressuscite, montre de longues figures étirées et tordues sans souci de vérité au gré de ses visions agitées.Greco quitte l’Italie pour Tolède – 120

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La renaissance dans le nordLa crise de l’Église et la Réforme protestanteÀ la fin du XV°siècle, l’Église est de plus en plus critiquée. Cette contestation donne naissance à des mouvements réformateurs qui rejettent l’autorité du pape. Luther en Allemagne et Calvin en Suisse fondent de nouvelles Églises chrétiennes.On accuse des prêtres d’immoralité, d’ignorance, de non respect de la règle de leur ordre, de goût pour le luxe. Pour financer la fin des travaux de la basilique Saint-Pierre de Rome, le pape Léon X décide de vendre des indulgences : l’accès au paradis devient une affaire d’argent. L’Église ne parvient plus à répondre à l’inquiétude des fidèles sur la question du salut après la mort.Martin LUTHER, un moine allemand, offre une réponse à ces attentes. Il affirme qu’aucune action ne peut remplacer la foi pour obtenir le salut. En 1517, il dénonce les indulgences. Le pape l’excommunie. Luther traduit alors la Bible en allemand pour en populariser la lecture. La Réforme de Luther supprime le clergé et organise le culte de l’Église réformée. Il ne conserve que deux sacrements : le baptême [rite ou un sacrement marquant l'entrée d'une personne dans une Église chrétienne] et l’eucharistie [communion]. Il condamne le culte des saints et de la Vierge. La Réforme, qui connaît un succès immédiat en Allemagne, gagne les pays scandinaves et la France.La Réforme lancée par Luther redéfinit le rôle de l’art - 88

5. La Flandre

La Flandre est une province du duché de Bourgogne, une des régions les plus riches d’Europe avec Florence. Une culture urbaine s’y développe, influencée par la bourgeoisie. Le courant gracieux également dit du “gothique international” est un style qui prône un idéal luxueux et chevaleresque.

Peindre ce que l’on voit

L’enluminure reste limitée dans des moyens et formats. C’est dans la peinture de panneaux de bois que le naturalisme va développer toutes ses conséquences. Les industrieuses et opulentes cités de Flandre, Gand, Bruges, Bruxelles et Anvers notamment, sont les centres les plus actifs de cet art. On attribue aux frères Hubert et Jan VAN EYCK la mise au point de la peinture à l’huile. Dans L’Agneau Mystique, ils désignent, et pour longtemps, le but de la peinture du Nord de l’Europe : donner un portrait condensé et éclatant du monde ; fixer les petites images qui brillent sur un miroir convexe. Au XV°S apparut un nouvel art, la peinture sur panneaux de bois. À la perspective linéaire mise au point par les Italiens pour structurer l'espace selon des principes mathématiques, les artistes flamands préférent l'analyse empirique et s'attachent à représenter le monde visible dans tous ses aspects : dès les années 1420, la peinture à l'huile leur permet de rendre les détails les plus infimes des objets et des portraits, ainsi que d'utiliser des effets de lumière sur les formes et les textures. Appliquée en couches transparentes superposées, la peinture à l'huile prend des couleurs riches et brillantes, qui sont la marque distinctive de la peinture flamande et que l'on retrouve, par exemple, dans Les époux Arnolfini [1434], de Jan VAN EYCK.Il est le premier peintre flamand à signer ses tableaux, calmes et exceptionnels par leur traitement de la lumière et du détail.Jan van Eyck élabore un nouveau type de portrait - 24Jan van Eyck combine peinture du réel et symbolisme - 28

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Rogier VAN DER WEYDEN, quant à lui, est plus intéressé par le rendu des émotions humaines. [La descente de croix, Le Jugement Dernier].

L’Enfer terrestre

Jérôme BOSCH traite des thèmes moraux, comme les pêchés capitaux qui sont traduits de manière incisive et marquent les esprits. Une iconographie fantastique, souvent horrible, peuple ses représentations de l’Enfer et les tentations des saints. Ses thèmes moralisants du monde et de l’état du monde [période de mutations économiques, de guerres, d’épidémies de peste, de famines ; les hommes les craignent comme un signe de la colère divine] livrent souvent une vision pessimiste, voire satirique. Bosch ne montre pas l’âme humaine, mais la façon d’agir de l’homme. [Le Jardin des Délices].Jérôme Bosch livre son visionnaire Jardin des délices - 72

Pour être pittoresques, les œuvres de Pieter BRUEGEL n'en sont pas moins rigoureusement structurées. Cet artiste est encore ancré dans le Moyen-âge par son goût des motifs abondants, mais l'équilibre de ses compositions le place déjà dans l'esprit de la Renaissance. Il est le premier dans un genre qui fera fortune en Flandre et en Hollande, la paysannerie. Tantôt animé d'un souci de réalisme, tantôt visionnaire jusqu'au fantastique, il résiste à toute tentative de classification dans une catégorie stylistique de l'histoire de l'art. [La Tour de Babel, Une noce campagnarde].Avec la série des Mois, Pieter Bruegel représente le monde rural - 114

6. L’Allemagne

Les écoles d’Allemagne, qui ont été à l’origine de véritables colonies de l’art flamand, s’orientent, comme toute l’Europe, vers l’Italie. Nuremberg est encore une ville médiévale et gothique ; mais Augsbourg est déjà tournée vers la mode italienne.Albrecht DÜRER, de Nuremberg, le plus puissant artiste humaniste de l’Allemagne passe deux fois les Alpes sans que sa technique ne soit attendrie dans la volupté de Venise. C’est un graveur et un peintre. Il grave sur le bois et sur le cuivre des scènes de l’Évangile ou des visions de l’Apocalypse qui sont d’une imagination puissante et semblent observées d’après nature. Son pinceau a le mordant du burin ; ses portraits sont fins et intelligents, ils retiennent l’attention et s’impriment dans la mémoire.Le Moyen-âge a tardé à figurer le Christ en croix, parce qu’on préférait donner l’image d’un dieu glorieux plutôt que celle d’un homme souffrant. Peu à peu, les artistes osent représenter sa douleur.Albrecht Dürer peint un étonnant Autoportrait à la fourrure - 70

Matthias GRÜNEWALD est lui, obsédé par la mort : chair lacérée, sanguinolente, verdâtre, tête affaissée, torse crispé par l’asphyxie. Ses œuvres sont d’un réalisme impitoyable. [Le Retable d’Issenheim de Colmar].Matthias Grünewald réalise à Issenheim un retable « halluciné » - 84

En revanche, Hans HOLBEIN concilie la précision germanique à une élégance de ligne qui paraît apprise à l’école des Florentins. Ses portraits sont des merveilles, par la pureté incisive du trait et la légèreté du modelé. Dans son Christ mort de Bâle, la beauté du dessin fait admirer la laideur d’un cadavre rigide. [Les Ambassadeurs (portraits avec anamorphose)].Hans Holbein le Jeune est nommé peintre du roi Henry VIII - 98

Albrecht ALTDORFER est lui, le représentant le plus important de l’École du Danube. Il est le créateur d’un nouveau type de paysage qui renonce aux personnages et à leur rôle décoratif.

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Mais ces peintres qui sont de la même génération remplissent à peine la première moitié du XVI° siècle et, après eux, il n’y a rien. L’épanouissement de la Renaissance en Europe semble avoir tué l’art allemand. Est-ce incompatibilité entre le classicisme latin et l’esprit germanique ? La Réforme et les désordres civils sont-ils seuls responsables ? Quoiqu’il en soit, après avoir révélé quelques personnalités de génie, l’Allemagne disparaît pour un temps de l’histoire des arts plastiques.

7. La France

Au XV°siècle, en France, les principaux foyers sont la Bourgogne, la Provence et la Touraine. À Dijon, les ducs de Bourgogne attirent les maîtres flamands dont ils sont les seigneurs. Dans la vallée de la Loire, Jean FOUQUET poursuit à sa manière l’œuvre des enlumineurs de la cour de Bourgogne. Il connaît la perspective par les œuvres de Fra Angelico et Piero della Francesca, il les rencontra en Italie. [Vierge à l’Enfant].

Mais comment la France des cathédrales et des châteaux forts est-elle devenue la France du Louvre et de Versailles ? Un art a remplacé l’autre comme Louis XIV a succédé à Saint-Louis. Deux grandes causes sont à l’origine de cette révolution.

1. Les châteaux de la Renaissance

La première révolution est politique. La royauté, pour faire l’unité française, doit briser la féodalité, et l’art qui tient à cette forme de civilisation disparaît. L’architecture féodale, à la fin du XV° siècle, n’a plus raison d’être quand le roi peut canonner les châteaux-forts. Ils cessent donc d’être des forteresses pour devenir des palais de plaisance. Ils conservent leurs tours, leurs créneaux, leurs mâchicoulis, parce qu’on s’est habitué à cette architecture pittoresque, mais tout ce qui est organe de défense devient motif d’agrément. Les murs épais s’ouvrent de larges fenêtres. Les châteaux descendent de leurs sommets dans la plaine, au bord d’une eau qui réfléchit leurs tourelles. Et comme, chassée par l’invasion anglaise vers le centre de la France, la monarchie s’est acclimatée dans les paysages aimables de la vallée de La Loire. C’est là que la noblesse et la riche bourgeoisie font aménager leurs demeures à la mode nouvelle. Blois, Amboise, Chenonceau, Azay-le-Rideau, Chambord et combien d’autres châteaux expriment l’allégresse d’une société libérée, qui jouit de la nature, ivre de lumière, à la sortie de la prison féodale. Le château de Chambord est érigé selon les principes de la Renaissance italienne – 90François Ier invite les artistes italiens à Fontainebleau - 96

2. L’influence italienne

Bientôt cette société fait le voyage d’Italie, et alors commence une seconde renaissance, à l’imitation de Rome et de Florence. Les architectes bâtissent des palais réguliers comme le Louvre de Pierre LESCOT et les Tuileries de Philibert DELORME, où les ordres antiques, finement travaillés, encadrent les baies des façades et superposent le dorique, le ionique et le corinthien. Cette décoration remplace, sur les hôtels et les palais, les nervures des façades gothiques. Le roi de France donne l’exemple et le Louvre de François Ier se construit sur les ruines du vieux Louvre de Charles V.

L’École de FontainebleauL’art gothique a tué la peinture murale. Les châteaux forts préférent à la fresque la tapisserie qui meuble et qui tient chaud. Mais, la mode des palais à l’italienne appelle celle de la peinture murale . Et comme la main d’œuvre manque, François Ier et Henri II installent à Fontainebleau des artistes

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italiens, ROSSO et PRIMATICE. Ils forment des élèves auxquels ils enseignent l’art de peindre des des nus dans de nobles draperies.Avec Rosso Fiorentino et Pontormo, une nouvelle génération de peintres émerge à Florence – 86La sculptureLa France est un pays de sculpteurs. Les tailleurs d’images ou “imagiers” parcourent le royaume pour sculpter des Vierges et des tombeaux. Le naturalisme parfois brutal du XV°siècle s’atténue et tend vers la beauté ; les dernières Vierges du Moyen-Âge sont des jeunes filles gracieuses.Quand l’élégance raffinée des déesses d’Italie leur est révélée, les sculpteurs s’empressent de l’imiter. Les styles provinciaux disparaissent au profit d’une uniformité inspirée de l’Italie.Jean GOUJON sculpte dans le marbre des nymphes longues et souples comme celles de PRIMATICE. Ces figures qui, chez l’Italien, ressentent la fatigue d’une existence déjà longue, retrouvent fraîcheur et jeunesse chez le sculpteur français.[Diane d’Anet, La Fontaine des Innocents].

Les CLOUETLa mode des portraits règne à la cour élégante des Valois. Ce sont les CLOUET qui, venus de Flandre, forment cette école de portraitistes précieux auxquels nous devons les effigies des courtisans et dames de la cour.

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LE BAROQUE – XVII°SCe terme qualifie un style architectural et décoratif en réaction contre celui de la Renaissance. On utilise la ligne courbe, le mouvement, l’expression décorative et pathétique. C’est une vision à la fois inquiète et esthète (qui apprécie ce qui est beau) de la vie qui réduit l'art à l'artifice et fait du monde un vaste théâtre. C’est l’art de la Contre-Réforme.On appelle ce style baroque, du nom de “barroco”, nom portugais qui désigne les perles irrégulières ; et de baroque dérivera rocaille et rococo (style du XVIII°S).INTRODUCTION ET FRISE CHRONOLOGIQUE - 129

1. L’ItalieLa Contre-Réforme, répression et nouvel élan religieuxMenacée par le succès de la Réforme protestante, l’Église catholique réagit en organisant un mouvement de répression. Le Concile de Trente [ville d’Italie], réaffirme les règles contestées, notamment le culte des saints et des sacrements pour l’obtention du salut, et pose les principes de la reconquête catholique. Le Concile rappelle l’autorité du pape.La crise religieuse coupe l’Europe en deux. Le Nord rompt avec le pape. En Allemagne on peut choisir entre catholicisme et protestantisme. En Angleterre, le roi Henri VII, excommunié par le pape pour avoir divorcé et s’être remarié, se proclame chef d’une nouvelle Eglise : l’Église anglicane.Le nouvel élan catholique s’illustre par les activités de l’ordre des jésuites qui se mettent au service de la papauté. Issus de la Compagnie de Jésus, fondée en 1532 par Ignace de LOYOLA, les jésuites diffusent leur enseignement dans de nombreux collèges qu’ils créent. Fidèles aux principes du Concile de Trente, ils placent l’image au centre de la dévotion.L’esthétique baroque exprime ce nouvel élan religieux. Dès la fin du XVI°S et surtout au XVII°S, les églises se remplissent d’ornements. Comme les lumières ou la musique, ceux-ci doivent capter l’attention du fidèle et le pousser à la contemplation de Dieu.Le concile de Trente organise une réponse à la Réforme protestante - 104

L’illusionnisme

Dans sa volonté de toucher le sentiment des foules, le baroque possède le goût du faste et du spectaculaire. Les dignitaires de l’Église misent sur la force émotionnelle du Beau pour regagner les âmes au catholicisme.Les tableaux monumentaux sont emprunts de ferveur religieuse et montrent une unité entre l’univers terrestre et l’univers céleste. Les thèmes : vision des saints, vie des martyres, culte de la Vierge Marie [thèmes contestés par le Protestantisme] sont présentés aux fidèles dans des jeux d’éclairage, de truquages et de machineries complexes.Les peintres privilégient des jeux de perspective, les raccourcis et les effets de contre-plongée. La technique du trompe-l’œil connaît un important développement.C’est une vision verticale qui montre le ciel, c’est le Ciel sur Terre . [Les illusionnistes : POZZO, GAULLI].

L’architecture jésuite et le style baroque - éblouir pour persuader.

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L’architecture religieuse dérive de l’immense Saint-Pierre de Bramante et de Michel-Ange. Autour de la coupole géante, les coupoles se multiplient dans la ville pontificale et se répandent dans la chrétienté. Elles surmontent des nefs richement décorées, qui adoptent des ordres antiques. Le plus grand artiste de cette époque est LE BERNIN, architecte et sculpteur, c’est à lui que l’on doit à Rome ses fontaines, ses statues agitées et son immense Colonnade de la place Saint-Pierre. Il est un admirable continuateur de Michel-Ange, chez lequel le génie indomptable du maître a fait place à une étourdissante virtuosité. La fantaisie exubérante de la décoration romaine s’est répandue dans toute l’Europe.Le plan de l’église du Gesù à Rome, combine le plan centré et le plan longitudinal. L'unique et large nef qui permet le sermon devant une nombreuse assemblée est coupée du chœur par un transept très étroit ; l'ensemble vise à solenniser la liturgie et à attirer l'attention des fidèles, nettement séparés des prêtres, vers l'autel. Il n’y a plus de bas-côté ; les chapelles latérales sont soit consacrées à des saints, soit vendues à des familles de particuliers. Sa façade est faite d’éléments d’architecture antique : colonnes, pilastres, frontons, mais l’architecte s’applique à éviter toute répétition et toute monotonie grâce à l’interpénétration de ces frontons et à l’utilisation de volutes, courbes et contre-courbes qui contribuent à la cohérence et à l’unité.Le Bernin taille dans le marbre la vision mystique de Thérèse d’Avila - 154

Le Caravagisme

On a donné le nom de caravagisme à un courant pictural qui, inspiré de l'œuvre du CARAVAGE, privilégie les violents effets de clair-obscur et le réalisme des compositions. [Thomas l’Incrédule].Le Caravage est le théoricien et praticien du pur naturalisme ; il peint d’après nature et sacrifie la noblesse du style à la vérité brutale. Il rejette la tradition des représentations religieuses. Il se distancie de l’illusionnisme pour adopter un réalisme d’une expressivité inconnue jusque-là. C’est une approche nouvelle de la réalité, plus immédiate, plus brutale.Le réalisme radical de Caravage choque l’Église – 136Autour de Caravage : une peinture « caravagesque » ? - 138

Georges de LA TOUR, [peintre lorrain] sera fortement influencé par le clair-obscur dramatique du Caravage et par le réalisme de la représentation, qui recourt fréquemment aux types populaires. La lumière a un sens plus profond, car elle vise à rendre sensible l'essence des êtres comme le sens de leur destin. Dans les scènes diurnes, elle définit les hommes et les femmes dans leur vérité brute, immédiate, en révèle les passions les plus primaires [Le Tricheur à l’as de carreau] ; dans les scènes nocturnes, elle se concentre sur ce qui seul importe : l'objet de la méditation. [Joseph le Charpentier].

2. La FranceL’idéal classique

L’art classique qui s’impose en France au XVII°S se démarque nettement du courant baroque . La création artistique se veut simple et ordonnée. L’artiste entend exprimer ses sentiments avec modération et retenue. Le CHÂTEAU de VERSAILLES illustre ce courant où la symétrie renforce l’impression d’ordre et où la ligne droite est privilégiée. Les jardins sont dessinés eux aussi selon des lignes géométriques, “à la française” (André LE NÔTRE). Les peintres choisissent leurs sujets dans l’Antiquité, la composition des tableaux est simple et les couleurs dominantes plutôt froides.Les Plaisirs de l’Île enchantée imposent Versailles comme lieu de réjouissance - 162

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À l’Académie royale, les coloristes affrontent les défenseurs du dessin – 172André-Charles Boulle reçoit de Louis XIV le brevet d’ébéniste – 174Charles Le Brun dévoile le plafond de la galerie des Glaces – 176Jules Hardouin-Mansart est nommé surintendant des Bâtiments du roi - 178La renaissance religieuse

Les ordres religieux raffermissent le catholicisme. C’est alors que sont construites la plupart des églises de Paris et que l’on voit se dresser les coupoles du Val-de-Grâce, de la Sorbonne et des Invalides. Cette dernière génération d’églises, petites-filles de Saint-Pierre de Rome, correspond à une nouvelle forme de foi : le catholicisme philosophique, en face du christianisme médiéval. Elles abritent des tombeaux où l’on retrouve le naturalisme des sculpteurs français et des tableaux de “saintetés” où l’on reconnaît l’enseignement des maîtres italiens.

Nicolas POUSSIN travaille à Rome et enferme sa “pensée” en de petits drames brefs, joué par des personnages de l’antiquité. Il y met autant de vérité morale que d’harmonie plastique.La nature qu’il peint conserve une atmosphère héroïque, une âme mythologique. Les classiques contemplent ces “paysages historiques”, ils goûtent, dans l’art de Poussin, une évocation de l’antiquité et une analyse morale. Il est le maître de toute l’école classique.Nicolas Poussin pare la peinture de dévotion des attraits de la poésie - 148

En même temps que lui, vit à Rome Claude Gelée, dit LE LORRAIN, qui est le peintre du ciel italien. Avec des architectures, de la mer, quelques nuages légers, et le soleil, il rend l’immensité et donne l’impression de l’éblouissement. Ses paysages sont “idéaux”.Établi à Rome, Claude Lorrain consacre l’art du paysage idéal - 146

Les hôtels particuliers

La bourgeoisie riche s’installe dans des hôtels. La monarchie est naturellement en tête de ce mouvement, avec son Luxembourg et son Louvre. Les châteaux à tourelles, de souvenir féodal, font place à des hôtels de style urbain. Ces hôtels se parent de sculptures influencées de l’antiquité, de peintures mythologiques.Henri IV métamorphose l’urbanisme parisien – 126Avec l’hôtel Lambert, Louis Le Vau crée un nouveau type d’habitat urbain parisien - 152

L’art sous Louis XIV – VERSAILLES

Au milieu du XVII°S, quand le jeune Louis XIV prend en main le gouvernement, secondé par de jeunes ministres, les artistes français sont appelés au service du roi.À cette époque, le surintendant des Finances, Nicolas Fouquet fait construite le château de Vaux-le-Vicomte près de Paris. Fouquet avait appelé auprès de lui trois grands artistes : Louis LE VAU, architecte ; Charles LE BRUN, décorateur, et André LE NÔTRE, dessinateur de jardin. En 1661, Fouquet offre une fête à Louis XIV. La réception est splendide, le repas de Vatel, le maître d'hôtel de Fouquet, est d'un raffinement total, et les divertissements somptueux dans les jardins aux mille deux cent jets d'eau et cascades. Ce sont ballets champêtres, concerts, joutes sur l'eau, loteries dont tous les numéros sont gagnants. Le roi est blessé dans son orgueil par tant de faste et, quelques jours plus tard, le surintendant Fouquet est emprisonné et ses biens sont confisqués.

Louis XIV prend à son service ceux qui ont édifié Vaux-le-Vicomte, afin de construire Versailles. Fouquet est condamné au bannissement puis à la prison perpétuelle par le roi.

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Louis XIV rêve du plus beau palais du monde et il l’obtient. On construit le château et son parc, on le peuple de statues, on le décore de peintures, on le meuble durant vingt ans. Dans les allées du parc, GIRARDON, COYSEVOX et d’autres dressent des divinités de marbre sur les murs de feuillage où ils étendent des nymphes de bronze autour des bassins.Le palais devient le type de la demeure royale ; il est imité par tous les princes qui veulent faire figure de monarques.

3. La FlandreRUBENSIl est presque à lui seul toute une école, l’école d’Anvers. Il possède mieux qu’aucun ce don de la couleur vraie et éclatante, cet art de nous éblouir avec des images exactes. Il passe dix ans en Italie, pendant lesquels il assimile le meilleur de la Renaissance : les harmonies colorées de Venise, la volupté de Corrège, l’énergie forcenée de Michel-Ange. Sa peinture est joie de vivre. Elle est peuplée de blondes aux chairs opulentes et nacrées. Dans les scènes de la Passion et de martyres, on entend des cris et des sanglots. Sa lumière illuminera la peinture du XVII siècle. [Les filles de Leucippe].Pierre Paul Rubens retrace la vie de Marie de Médicis - 142

L’atelier Rubens

Cette œuvre n’est pas celle d’un homme, mais d’un atelier important, admirablement discipliné. Sa pensée dirige toutes les mains, son génie anime tous ses élèves qui deviennent des maîtres. Parmi eux, Antoon VAN DYCK, qui quitte bientôt Anvers pour habiter la cour de Charles I° d’Angleterre ; il utilise la brillante palette anversoise dans les effigies royales et les modèles aristocratiques.

4. L’EspagneLa peinture se dégage des illusionnistes italiens, elle est marquée par un fort réalisme et de très nets contrastes lumineux inspirés du Caravage.

VELASQUEZSon habileté est exclusivement au service du roi Philippe IV ; il l’a peint bien des fois, à pied ou à cheval, ainsi que les reines, les infants, les infantes et leurs ménines, les ministres et les fous. Il couvre ses grandes toiles d’une couleur légère, appliquée avec un pinceau souple, sinueux, dont la virtuosité semble du laisser-aller. Sa touche visible et comme humide nous fait croire que nous assistons au travail du peintre. [Les Ménines].À la cour d’Espagne, Diego Velázquez triomphe face aux tenants de l’art italien - 144

MURILLO est surtout le peintre langoureux des extases et des visions célestes. Sa Vierge est une brune et souriante Sévillane d’où rayonne un halo d’or mêlé de chérubins. Il est peut-être celui qui a le mieux réussi ce “merveilleux chrétien” qui fut une des inventions de l’art jésuite.

5. La HollandeLe naturalisme hollandais

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En 1648, les provinces hollandaises, déjà séparées des Flandres par la différence de religion, conquièrent leur indépendance. Les Provinces unies du nord, restées protestantes se détachent des Flandres catholiques et espagnoles. Le protestantisme interdit aux Hollandais la peinture d’église ; les circonstances politiques empêchent le traditionnel pèlerinage en Italie. Seule de toutes les nations d’Europe, la Hollande se met à l’écart du foyer classique. Plus d’Évangile ni d’Olympe, c’est leur pain quotidien qu’on retire aux peintres.

REMBRANDTPortraits psychologiques

Il est naturaliste et sa peinture est à base de portrait. Durant sa longue carrière, il a toujours peint avec un modèle sous les yeux, ses amis, ses deux femmes successives, lui-même [nombreux autoportraits]. Mais ses portraits dépassent la simple ressemblance physique, ce sont des portraits psychologiques, un discours sur l’humanité. Il est aussi peintre de corporations ; dans ses portraits de confréries, médecins, arquebusiers, drapiers, il a fait sentir une âme collective et animé des êtres d’un même sentiment. Le personnage principal, dans son œuvre, est la lumière, le clair-obscur. Ce drame du jour absorbé par la nuit a déjà une valeur pathétique qui pénètre d’émotion les images les plus simples. Il peint le rayonnement de l’âme. [La ronde de nuit ; Le syndicat des drapiers].Ses admirables eaux-fortes [gravure sur une plaque de cuivre à l’acide] traduisent ces effets aussi bien que sa peinture. Son imagination transforme le réel, elle se nourrit, vers la fin de sa vie, d’un livre unique : la Bible. Cette Bible de Rembrandt est une œuvre pleine d’humanité. [La bénédiction de Jacob].Rembrandt Harmenszoon van Rijn renouvelle le portrait de groupe hollandais – 150

Frans HALSPris sur le vif

Ce portraitiste est un des maîtres les plus doués dans le maniement de la brosse. Par sa vivacité amusée, il donne de l’esprit et de l’attrait à ce qui, chez d’autres, est un peu morne : les détails du costume, les accessoires d’un festin. Ses images ont l’animation de la vie et son pinceau alerte esquisse des rires instantanés. C’est la peinture de la spontanéité de l’instant. [La bohémienne].

VERMEERVisions d’intérieurs bourgeois

Vermeer de Delft peint la vie de tous les jours. Il impose son génie en donnant à l’intimité bourgeoise ses lettres de noblesse, et en conférant aux scènes de genre un caractère à la fois familier, allégorique et poétique.Sa recherche inlassable sur la lumière, la perspective, sur les illusions optiques qui permettent à la peinture de rendre des effets de matière ou de profondeur, apporte à ses personnages une présence physique et une puissance émotionnelle encore jamais atteintes en peinture. [La laitière ; L’atelier].Balthasar de Monconys visite l’atelier de Johannes Vermeer à Delft - 160

VAN RUYSDAËLDes paysages exclusivement

Jacob van Ruysdaël peint la plaine plate, l’horizon bas, le ciel immense de la Hollande. Quelle que soit l’étendue de ce morceau de terre offerte au spectateur, elle est comme absorbée par le ciel. Il peint cet

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instant fugitif où le soleil se glisse entre deux nuages. Malgré la présence d’éléments humains, d’ailleurs conventionnels, il se dégage de cette vision un sentiment de poignante solitude. Avec lui, le paysage se charge d’une tension psychologique nouvelle, il a déjà l’âme orageuse d’un romantique.[Le coup de soleil].LA NATURE MORTEDes vanités… ou pasQu'elle soit ou non assortie d'une dimension spirituelle ou symbolique, la nature morte, représentation de toutes sortes d'objets inanimés, ustensiles domestiques, instruments scientifiques ou de musique, fleurs, fruits ou animaux morts, est le moyen pour l'artiste de susciter l'émotion devant la beauté des objets et de leur assemblage.Souvent, ce sont des vanités : peintures symbolisant le caractère éphémère de tout ce qui est sensuel et beau en ce bas monde. [DE HEEM, CLAESZ].

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LE ROCOCO – XVIII°SStyle caractérisé par une profusion d’ornements, de rocaille et par une grâce maniériste.Au début du XVIII° S, en France, puis en Allemagne, et enfin dans le reste de l'Europe, le baroque donne naissance au style rococo. D'abord utilisé dans un sens péjoratif, comme «baroque», le terme «rococo» vient du mot «rocaille», employé pour qualifier un aspect du style Louis  XV, qui utilise des motifs à base de rochers et de coquillages.INTRODUCTION ET FRISE CHRONOLOGIQUE - 181

1. La France2.Bien qu’il en soit la suite naturelle, l’art français du XVIII°S diffère de l’art antérieur. Tandis que les artistes du temps de Louis XIV travaillaient pour le roi, les artistes sous LOUIS XV, travaillent pour le “monde”. La résidence royale est transférée de Versailles à Paris ; la vie de la capitale s’anime : théâtres, bals, soirées privées, salons. Des hôtels particuliers sont construits, le format des œuvres diminue pour s’adapter aux pièces plus réduites.

WATTEAU, BOUCHER, FRAGONARD

La peinture baroque, pathétique, solennelle fait place à la grâce, à l’intime, au plaisant, au décoratif, au sentiment, au frivole. Sous le règne de louis XV (1715-1774), la peinture française cherche avant tout à plaire, dans un mélange de grâce et d’ardeur où le bonheur domine.

Antoine WATTEAU est le peintre-poète de la Régence [gouvernement de Philippe, duc d’Orléans durant la minorité de Louis XV, de 1715 à 1723], le peintre des fêtes galantes, le peintre de la société, car c’est à l’Opéra [créé au XVII°S par l’Italien Monteverdi], à la Comédie italienne, au Luxembourg et aux Tuileries qu’il emprunte ses compositions et ses personnages. Il fait vivre un monde fictif, ironique et tendre, gai et satiné qui est à l’image de son génie. Son Embarquement pour Cythère résume son œuvre, comme il prélude l’art du XVIII°S. Avec lui, la peinture se mêla, comme le faisaient depuis longtemps la musique et la poésie, à la grande préoccupation mondaine qui est l’amour.Antoine Watteau remet à l’Académie une « fête galante » - 188

François BOUCHER peint la société galante, d’un pinceau aimable et enlevé . Il garni les appartements de Cupidons et de Vénus potelés. Il est le peintre favori de Madame de Pompadour et travaille pour les demeures royales. Il nous documente sur la façon de vivre, de s’habiller ou de se meubler sans pour autant négliger ses qualités de peintre coloriste et sensible. [Odalisque].François Boucher consacre l’art rocaille - 198

Pour répondre au désir des amateurs, Honoré FRAGONARD son talent passionné à des scènes galantes traitées dans une facture souple : langage lyrique, baroque, coloré, où les touches accusées déroulent les spirales et les tourbillons d'une vie turbulente.Ses huiles, gouaches et aquarelles exécutées d'un pinceau alerte et voluptueux, d'un chromatisme brillant, célèbrent l'amour, la joie de vivre, la passion. Peintre des plaisirs, Fragonard sait aussi exalter les vertus familiales, le monde de l'enfance et les joies rustiques. [L’Escarpolette].

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Jean-Honoré Fragonard renouvelle la peinture d’histoire avec Corésus et Callirhoé - 216

LE SIECLE DES LUMIERES

Le XVIII°S voit le triomphe de la raison, chère à DESCARTES. Alors que les scientifiques progressent dans la compréhension du monde, des philosophes, au nom de la raison, critiquent le pouvoir absolu des princes et aspirent à une société qui garantisse les droits naturels des individus. C’est ce mouvement que l’on appelle les Lumières.

L’Encyclopédie

Pour DIDEROT et d’ALEMBERT, si les nouvelles découvertes expliquent le monde, il est sans doute possible de l’améliorer. Ils se lancent alors dans l’aventure de L’Encyclopédie. Il s’agit de rassembler dans un dictionnaire l’ensemble des connaissances de leur temps. Pour cela ils sollicitent la collaboration de savants et d’écrivains pour rédiger les différents articles.Denis DIDEROT, dans l’article “autorité publique” remet en cause la monarchie de droit divin. Selon lui, le roi ne peut gouverner qu’avec le consentement du peuple, qui lui donne sa légitimité. C’est l’affirmation de la souveraineté populaire.

Une dénonciation de l’absolutisme

Les philosophes affirment l’égalité de tous devant la loi et revendiquent pour l’homme un certain nombre de libertés : liberté individuelle, liberté religieuse, liberté d’expression.VOLTAIRE lutte contre l’intolérance ; ROUSSEAU est celui qui va le plus loin. Dans “Du contrat social”, il décrit un État démocratique, fondé sur le libre consentement du peuple. Il sera l’inspirateur de la “Déclaration des droits de l’homme et du citoyen” en 1789.

La diffusion des idées des Lumières

Ces idées nouvelles sont discutées et commentées par des élites dans de multiples lieux de rencontre, les salons littéraires, les cafés à la mode ou les clubs anglais. Des hommes cultivés, rassemblés dans des académies, organisent des concours, qui permettent à des philosophes d’exposer leurs idées. Les Lumières se propagent aussi grâce à la presse naissante et au français, qui s’impose comme la langue littéraire de toute l’Europe. Mais l’influence des Lumières se limite à la haute société, car le coût élevé du livre le rend inaccessible aux gens du peuple, malgré la création de bibliothèques. D’autre part, l’analphabétisme reste encore très répandu, même s’il recule à la fin du XVIII° siècle.Regarder l’Antiquité au siècle des Lumières – 208Denis Diderot transfigure, par l’écriture, les paysages de Joseph Vernet – 218Le portrait au siècle des Lumières - 222

CHARDIN et GREUZE

L'œuvre de CHARDIN, et tout spécialement ses natures mortes, témoigne d'une quête patiente de la perfection. Il traite inlassablement un petit nombre de sujets : accessoires de cuisine, fruits, volailles et pièces de viande, objets usuels exempts de ce luxe alors à la mode dans la nature morte, empruntés à la réalité de tous les jours ; il y adjoignit la servante, la maîtresse, les enfants. [La pourvoyeuse].La Raie de Jean-Siméon Chardin enthousiasme amateurs et académiciens - 192

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GREUZE, qui selon le mot de Diderot « a fait de la morale en peinture », est en vogue. Son œuvre reflète le goût de l'époque pour la sensibilité, et même la sensiblerie, qui se manifeste également dans la littérature et dans les mœurs, en réaction contre le libertinage de la première partie du siècle. La gravité émouvante, la religiosité et la timidité sont élevées au rang d’idéal dans des scènes simples et sentimentales.Nous sommes avec eux dans “le Siècle des Lumières”. [Le fils ingrat].

L’Académie de peinture et de sculpture

Fondée en 1648, l’Académie de peinture et de sculpture est encore au XVIII°S une institution essentielle de la vie artistique. Placée sous l’autorité du surintendant des Bâtiments royaux qui dépend directement du monarque, elle est ouverte à tous les artistes dont les œuvres sont jugées dignes d’intérêt par leurs confrères ; elle recrute ses membres par cooptation [élection d’un nouveau membre d’une assemblée, d’une société, par les membres eux-mêmes]. Les nouveaux admis doivent s’illustrer dans un « morceau de réception » qui détermine la classe à laquelle ils appartiennent en fonction de la hiérarchie des genres.Watteau sera admis à cette Académie avec L’Embarquement pour Cythère.Une Académie royale de peinture et de sculpture voit le jour à Paris – 156

Les Salons

Instituées sous le règne de Louis XIV et placées sous l’autorité de l’Académie, ces expositions parisiennes de peinture durent jusqu’à la Révolution, selon un rythme régulier, annuel. Elles se tiennent dans le Salon carré du Louvre et présentent les œuvres des peintres affiliés à l’Académie. Chardin sera durant dix-neuf ans responsable de la disposition des toiles.C’est une véritable vitrine de l’art français. Les comptes rendus du Salon publiés dans les gazettes contribuent à fonder un nouveau genre littéraire, celui de la critique d’art, qui connaîtra des développements décisifs au XIX°S.

Les portraitistes

LARGILLÈRE et RIGAUD conservent jusque sous Louis XV la majesté du grand siècle.Le pastelliste Maurice QUENTIN de LA TOUR fixe des caractères : le monde de la ville et de la cour, depuis le roi et la Pompadour jusqu’aux danseuses de l’Opéra, en passant par la finance, la littérature et les arts posent devant lui. Nous retrouvons dans ses pastels le “Tout Paris” du temps de Louis XV. Il en a fixé la vivacité spirituelle par l’animation du regard et l’arc ironique des lèvres.La vogue du pastel, connu dès la fin du XV°S, se répand. Cette technique de coloriage à sec, d’une grande rapidité d’exécution, facilite la saisie de l’expression et évite les longues séances de pose, d’autant qu’elle permet les reprises.INTRODUCTION ET FRISE CHRONOLOGIQUE - 181

Le sculpteur HOUDON

Ce modeleur capte la vie et la fixe dans des formes d’une pureté impeccable. Dans la série de ses bustes survit la société de son temps ; galerie dont chaque visage parle ou réfléchit. Il nous présente un Voltaire aussi grimaçant que nature et cependant d’une noblesse incomparable. La subtilité de son ciseau rend compte du moindre sourire, de la plus fine ride, de la plus secrète palpitation, avec un sens aigu de la vérité psychologique (portraits de Rousseau et de Mirabeau). Dans le marbre ou l’argile, le regard de

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ces portraits sculptés semble étonnamment animé : les pupilles, vrillées dans l'argile ou dans la pierre, ont l'air de briller.

Architecture et mobilier

Même l’architecture, qui pourtant ne peut pas s’assouplir à toutes les fantaisies de la mode, a reçu l’empreinte du goût mondain.Le grand artiste GABRIEL construit des palais, comme ceux de la place de la Concorde, qui reprennent les majestueuses colonnades de PERRAULT, mais son Petit Trianon affine gracieusement la noblesse de Le Vau. Les architectes mêlent à la régularité des ordres antiques les fantaisies de la rocaille. À l’intérieur, les appartements sont aménagés avec plus de confort qu’autrefois et se chargent de décors fantaisistes, sinueux, dorés et pastels.

Germain BOFFRAND travaille pour Léopold de Lorraine [château de Lunéville et la Malgrange], puis à Paris où il est l’auteur d’édifices d’inspiration classique. Dans l’Hôtel Soubise (Paris), du grand salon qui occupe la place d’honneur aux cabinets particuliers où l’on soupe en tête à tête, les murs se couvrent de lambris dorés, de couleurs pastel. De minces baguettes de bois doré s’assouplissent en courbes et en contre-courbes, dessinant d’élégants panneaux.

La Place Stanislas de Nancy

La célèbre place qui date du XVIIIe siècle est réalisée à la demande du roi de Pologne Stanislas Leszczynski qui, possédant alors le duché de Lorraine, embellit la ville de Nancy. Trois grands noms dominent l'œuvre, celui d'Emmanuel HÉRÉ, architecte, de Jean LAMOUR, auteur des grilles rehaussées d’or et de Barthélémy GUIBAL, auteur des sculptures de bronze.Roi déchu, il est autorisé par le Régent à s'installer en France ; il verra sa situation matérielle s'améliorer après le mariage de sa fille Marie avec Louis XV. Duc de Lorraine, Stanislas est particulièrement aimé de ses sujets et surnommé «le Bienfaisant». Il diminue les impôts, fonde des collèges, des hôpitaux, une académie, une bibliothèque, tient une cour brillante à Lunéville et à Nancy, qu'il embellit considérablement. Il correspond avec plusieurs souverains ainsi qu'avec Voltaire, Rousseau et Montesquieu, et laisse quelques œuvres de philosophie, de morale et de politique.

3. L’AngleterreL’école des portraitistes

William HOGARTH est un peintre de mœurs, un moraliste satirique violent. Ses tableaux sont des sermons qui se présentent en série d’épisodes qui se terminent par le châtiment des méchants. Les tableaux de genre ne sont par nécessairement de bonnes peintures ; mais ils sont toujours fort populaires et ils expriment bien l’âme d’un peuple. [Le Mariage à la mode, La carrière du Libertin].

Sir Joshua REYNOLDS est, au contraire, un peintre pur, sans préoccupations historiques ou morales et qui se consacre exclusivement au portrait. Il traduit la fraîcheur des belles Anglaises de l’aristocratie. Ses peintures de femmes et d’enfants accompagnés souvent de leur animal de compagnie sont des nouveautés dans l’art par l’éclat du teint et la transparence de l’épiderme. [Portrait de Miss Bowles avec son chien].Le triomphe des genres mineurs - 194

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Son rival, GAINSBOROUGH, donne aux figures un charme plus sentimental. Sa peinture est plus tendre ; ses modèles d’une élégance moins altière rêvent au fond des parcs que Van Dyck peignait déjà, mais qui n’étaient pas encore teintés de mélancolie. Il est un bon paysagiste qui sait parer ses héroïnes de toutes les finesses de couleurs et de lumières. [Mr & Mme Andrews].

L’architecture

La cathédrale Saint-Paul de style gothique, dotée d'un portique palladien par Inigo JONES, est détruite lors du grand incendie de 1666. Chargé de sa reconstruction, sir Christopher WREN, astronome, mathématicien et ingénieur, conçoit un édifice sur un plan en croix latine, à la croisée surmontée d'une coupole : malgré deux clochers empreints d'un certain baroque, il s'agit d'un chef-d'œuvre de l'architecture classique anglaise, dont Wren contribua à définir les caractéristiques sur les chantiers de la reconstruction de la City.

Le Palladianisme

Les écrits du grand architecte PALLADIO [XVI°siècle/Venise] ont largement contribué à répandre ses idées et à soutenir les tendances architecturales qui, au cours des XVII° et XVIII°S, s'opposent aux excès du baroque. Variation sur le thème de la Rotonda, Chiswick House, bâtie par Richard BOYLE, est la plus pure expression du palladianisme. William KENT, architecte, décorateur et peintre anglais invente le jardin « paysager », à l’anglaise, pour en entourer ces villas palladiennes ; il s'éloigne du concept géométrique baroque pour se rapprocher de la nature.Aux États-Unis, le palladianisme trouve un défenseur en la personne du président Thomas JEFFERSON, qui est l'architecte de sa propre maison à Monticello.À Chiswick, Lord Burlington réinvente l’architecture palladienne – 190Les jardins de Kew déploient un cabinet de curiosités à ciel ouvert - 212

4. L’Italie

L’expression forte du baroque rend difficile la diffusion du Rococo. Mais un nouvel âge d’or place la peinture de Venise à la pointe du goût et des modes.TIEPOLO retrouve la lumière éclatante de Véronèse, dans de très grands décors qu’admire toute l’Europe. [Le festin de Cléopâtre].Giovanni Battista Tiepolo achève la spectaculaire fresque de Würzburg – 204

CANALETTO et GUARDI s’appliquent à des paysages urbains, les vedute [ou vues] d’un genre inédit, dont l’implacable netteté fait école. Mais les difficultés économiques et politiques s’aggravent…. La ruine est inéluctable. Quelques artistes découvrent dans les fêtes continuelles de la République et dans les travestissements de son carnaval le motif d’une ultime dérision : Venise disparaît sous le masque…

5. L’Allemagne et L’Autriche

Dans ces pays où le style baroque s'est épanoui plus librement qu'en France, de légers ajustements stylistiques suffisent à faire glisser les formes décoratives du baroque au rococo. Celui-ci se répand tant

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dans les châteaux que dans les églises, comme celle de la Wies, en Allemagne, construite par Dominikus ZIMMERMANN, et ornée de stucs et d'une voûte peinte en trompe l'œil par son frère Johann Baptist. Voûtes, plafonds et murs des édifices sont décorés grâce aux peintres et aux stucateurs.À Vienne, HILDEBRANDT construit le palais haut du Belvédère, dont il couvre la façade de sculptures et les appartements de fresques et de stucs, comme pour affirmer la puissance du pouvoir politique par son opulence. Le palais impérial de Vienne et le palais d'été de Schönbrunn, de Fischer VON ERLACH, rivalisent de somptuosité avec le Versailles de Louis XIV. On retrouve la même exubérance dans des monastères autrichiens, telle l'abbaye de Melk, de Jakob PRANDTAUER.

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LE NÉO-CLASSICISME - 1770-1830Mouvement artistique qui préconise un retour à l’idéal de beauté grec.Au milieu u XVIII°S, du fait notamment du rationalisme prôné par le Siècle des Lumières, le style de la Régence et celui du règne de Louis XV, considérés comme trop gracieux, passent de mode au profit d’un style nouveau. Ce style, classique, mais différent de celui du règne de Louis XIV, s’appuie cette fois sur l’archéologie.Grandeur, force, “art romain”, héroïsme, patriotisme, valeur de la raison, sont les maîtres mots qui définissent cette période.L’instigateur de ce courant est un archéologue allemand, WINCKELMANN. Il préconise l’imitation de l’art antique dans son livre Histoire de l’Art chez les anciens.Johann Joachim Winckelmann fonde l’histoire moderne de l’art - 214

Archéologie et morale

La Révolution de 1789 a précipité la réaction contre l’art de Boucher ; il tombe avec l’aristocratie corrompue que l’on vient d’écraser. L’art révolutionnaire est moralisateur ; il est aussi archéologique ; les hommes de ce temps croient revivre la Rome antique ; les républicains imitent Brutus. La petite ville de Pompéi exhumée des cendres du Vésuve apporte non seulement des œuvres d’art, mais le cadre de la vie gréco-romaine. Les artistes trouvent dans ce tombeau ouvert toutes ces “antiquités” qu’ils cherchent depuis la Renaissance. Ce n’est pas seulement l’architecture et la statuaire, c’est le mobilier et le costume qui ressuscitent Rome et la Grèce.La Fête de la Fédération met en scène l’unité nationale - 230

La peinture

Elle se caractérise par une volonté de “retour à l’antique”, le goût des sujets sérieux, d’un style simple et sobre, et le rêve d’inventer le “beau idéal”. Le néoclassicisme caractérise le goût d’une nouvelle classe de collectionneurs, les bourgeois enrichis par la révolution industrielle en Grande-Bretagne ou qui profitent de la révolution politique en France. On est dans la nostalgie d’une époque de grandeur ancienne que l’on regarde comme un idéal.Jacques Louis DAVID domine l’art de cette époque. Il est déjà célèbre quand la Révolution commence. Il en devient le peintre officiel avant d’être celui de l’Empereur Napoléon. Il ressent de façon forte les passions de son temps [Le Marat assassiné].Il peint des scènes antiques avant de « travailler » pour Napoléon ; ses plus fortes compositions résument le régime impérial [Le Sacre]. Avec ses qualités et ses défauts, il exprime bien la génération qui a fait la Révolution et l’Empire.Jacques-Louis David consacre l’intransigeance républicaine de Brutus – 228Jacques-Louis David présente Le Sacre à Napoléon Ier - 244

Il a de nombreux élèves dont GROS, grand admirateur de Rubens et peintre de l’épopée impériale. Sa peinture n’est pas d’un artiste qui a regardé les soldats aux revues du Carrousel. Il a vu la guerre, et ses batailles ne sont pas seulement des panoramas décoratifs à la gloire d’un général. Dans Les Pestiférés de Jaffa et surtout dans la Bataille d’Eylau, il se dégage une noble émotion de ce spectacle mêlé de souffrance humaine et de gloire militaire.

Pour INGRES, rien ne compte si ce n’est la perfection de l’œuvre d’art, la pureté d’une ligne, une courbe tracée d’une main sûre. Chez lui, le souci de la belle silhouette domine celui du modelé. Sa peinture est caractérisée par des formes rondes et lisses, par une grande rigueur. [La Grande

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Odalisque]. Bien qu’il n’ait jamais effectué de voyage en Orient, il est l’un des plus grands représentants de l’orientalisme.Jean-Auguste-Dominique Ingres peint le portrait d’un patron de presse - 260

La sculpture

En Europe, la sculpture a été profondément influencée par les formes classiques depuis la Renaissance, aussi l'impact révolutionnaire des principes néo-classiques y est moins prononcé que sur les autres arts. En règle générale, les sculpteurs néo-classiques évitent de représenter des personnages aux attitudes théâtrales et d'utiliser le marbre coloré qui étaient des caractéristiques de la sculpture baroque et rococo. Ils préfèrent des contours précis, une noble immobilité et affectionnent tout particulièrement le travail du marbre blanc. CHINARD, CANOVA.Antonio Canova se mesure à l’art des Anciens - 232

L’architecture néoclassique

Bientôt, l’Europe et l’Amérique se couvrent de monuments doriques et ce déferlement touche particulièrement l’Allemagne où, à Munich, l’architecte Leo VON KLENZE construit un ensemble architectural pastichant sans ambiguïté l’Antiquité. [La Walhalla].

Les utopistes

À la fin du XVIII°S, l’architecture néoclassique évolue vers une aspiration romantique pour donner naissance à un art étrange et symbolique. L’architecture de Claude Nicolas LEDOUX et les projets aussi géniaux que modernes d’Étienne BOULLÉE [Le Cénotaphe de Newton] en sont les meilleurs exemples.LEDOUX est un cas d’école ; il est à l’origine de conceptions architecturales révolutionnaires et débouchant sur le futur. À la fois féru de classicisme et novateur dans l’urbanisme, il réussit un chef-d’œuvre avec ses salines d’Arc-et-Senans. Les divers bâtiments des salines se distribuent autour d’un hémicycle théâtral respectant le modèle classique. À travers leur architecture néoclassique sévère, les différents bâtiments évoquent clairement la division du travail en ce lieu.Claude-Nicolas Ledoux élève l’architecture industrielle au rang d’œuvre symbolique - 220

Le style Empire

L'ambition de Jacques-Germain SOUFFLOT est de rivaliser avec Saint-Pierre de Rome comme avec la cathédrale Saint-Paul à Londres. Le péristyle monumental s'inspire du Panthéon de Rome. L’église Sainte-Geneviève, dont la construction de type néo-classique a été décidée en 1744 par Louis XV, est sa grande œuvre. Le monument devient Panthéon, lieu laïque dédié au culte des grands hommes en 1806.  Les édifices rêvés par l’Empereur Napoléon Ier ne seront souvent exécutés qu’après sa chute. L’Arc du Carrousel de PERCIER et FONTAINE a vu défiler les armées impériales, mais l’Arc de l’Etoile de CHALGRIN ne fut achevé que pour le retour des cendres de Sainte-Hélène. Comme la colonne Vendôme, ils sont des imitations de la Rome impériale.La Madeleine de VIGNON affecte également des allures de temple antique. Le mobilier dit Empire, dessiné par des architectes archéologues, résulte aussi d’un effort de reconstitution d’après l’antique. On y retrouve des emprunts à Rome, à la Grèce et à l’Égypte. On est bien loin de la futilité des styles de l’ancien régime. Après la Révolution française, les villes se parent de nouveaux bâtiments renouant avec le style antiquisant mis à l’honneur sous le règne de Louis XVI. Néanmoins, le néoclassicisme tempéré

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est alors remplacé par un style plus prononcé : on voit apparaître des arcades, des frises, des bossages ; ces éléments renouent avec l’architecture de Palladio

L’architecture après 1830

Le néogothique

Combat contre le classicisme, le mouvement néogothique [1840-1890], à la suite de l’école romantique et de son élan en faveur du Moyen-âge, veut faire renaître les formes gothiques, ne conservant guère que les détails les plus significatifs dans des architectures de pastiche.C’est une invention anglaise, engendrée par le goût des maisons de campagne pittoresques et des jardins paysagers, mais aussi par le classicisme, alors à court d’inspiration. Avec une connaissance parfaite du vocabulaire gothique, les architectes anglais savent retrouver la verticalité très accentuée propre à ce style.On répertorie et on étudie les bâtiments gothiques comme on l’a fait précédemment pour l’architecture classique. C’est en s’appuyant sur ce qu’il pense être une conception rationaliste de l’art médiéval que VIOLLET-LE-DUC restaura de nombreux bâtiments [la ville fortifiée de Carcassonne, la basilique de Vézelay, Notre-Dame de Paris, le château de Pierrefonds...].[+Strawberry Hill par WALPOLE, Le Parlement de Londres par BARRY et PUGIN]Eugène Viollet-le-Duc entreprend la restauration de Notre-Dame de Paris - 264

L’éclectisme

Au XIX°siècle, une myriade de styles inspirés du passé remplace l’ordonnance rationnelle du Siècle des Lumières. L’éclectisme [1830-1870] est un style empruntant ses éléments constitutifs à divers styles.Il débute en fait réellement avec le style néogrec mis à la mode dès la fin du XVIII°siècle ; celui-ci veut recréer le décor des demeures exhumées de Pompéi et d’Herculanum.Suivant les caprices de la mode, les grands bâtiments [églises, opéras, bibliothèques, musées...] peuvent être construits dans les styles gothique, grec, roman, baroque ou byzantin.[Chiswick house par BOYLE, Le Pavillon Royal de Brighton par NASH, Le Théâtre de Berlin par SCHINKEL].

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LE ROMANTISME - 1800 – 1830Vaste mouvement qui marque l’Europe littéraire, artistique et philosophique. Une nostalgie inquiète hante l’âme romantique, qui aspire à un monde nouveau, sorte de paradis perdu, désiré et indéfini à la fois ; Baudelaire l’appellera “spleen”.

En clamant la liberté de pensée et d’expression de l’individu et des peuples, la Révolution française favorise l’élan romantique. Le romantisme est une révolution morale qui transforme la sensibilité de l’Europe et qui s’observe en Allemagne puis en France entre la fin de l’Empire et la Révolution de 1848. Il se manifeste en littérature et en art, surtout en peinture.L’insatisfaction du présent et la quête d’autre chose devaient conduire au romantisme. Comme les peintres baroques, les peintres romantiques aspirent à la volupté et à la souffrance.Le romantisme contre le classicismeCe romantisme se manifeste par des aspects bien différents selon les individualités, car il est de son essence d’accentuer l’originalité personnelle. Tandis que les classiques croient à une beauté idéale, valable pour tous, dominant les écoles et les individus, le romantisme fonde son esthétique sur la sensibilité individuelle et juge qu’une œuvre est d’autant plus belle qu’elle est plus sincère, plus originale et qu’elle répond mieux au génie intime de celui qui la crée. Le classique fonde son art sur la raison et se défie des caprices de la sensibilité et de l’imagination ; le romantique, au contraire, se laisse entraîner par sa sensibilité et craint que le raisonnement et la réflexion ne viennent tuer en lui l’émotion et la fougue. Le classique a le culte de l’antiquité et le mépris du Moyen-âge ; le romantique est las de la longue domination gréco-latine et sa rêverie revient volontiers vers les temps obscurs des siècles gothiques. Le classique se montre puriste en matière de dessin, il recherche la ligne sans défaut et le rythme de la composition ; le romantique aime les déformations expressives, il rejette le trait au profit du pictural.

Prédominance de la sensibilité et de l’imagination sur la raison, passion, intuition, sensibilité tourmentée, lyrisme, rejet du trait au profit du pictural, voilà les mots forts qui définissent ce mouvement.

GOYA, le précurseur

Il est l’exact contemporain de David. Plutôt que d’exalter la guerre, il met en scène ses atrocités avec la brutalité du constat. Il ne peint pas une allégorie de l’héroïsme, mais l’image symbolique de la fatalité. Goya est le premier à dénoncer les horreurs de la guerre. L’étonnante spontanéité de sa peinture, sa liberté de facture, l’acuité du regard qu’il porte sur l’humanité et l’audace de son langage plastique font du peintre l’un des plus grands représentants du romantisme. La vigueur abrupte et simplificatrice de sa touche annonce l’expressionnisme au XX° siècle.[Les fusillades du 3 mai 1808 ; Le Colosse].Francisco de Goya achève le cycle des « peintures noires » - 254

1. En Allemagne

Caspar David FRIEDRICH

Paysagiste extraordinaire, la nature qu’il représente, qu’elle soit tourmentée ou sereine, est toujours spirituelle : des effets d’éclairage, de contre-jour, viennent manifester une présence.

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Il est le peintre des abîmes intérieurs de l’homme ; il s’astreint à la solitude afin d’imprimer l’angoisse et la mélancolie dans ses paysages hostiles. Ses paysages tourmentés aux atmosphères indécises sont souvent habités de cimetières ou de crucifix, éclairés par un lever de lune ou par l’incendie du ciel.“Dieu est partout, disait-il, dans le moindre grain de sable”. Ses œuvres nostalgiques hautement spirituelles invitent à la méditation. Il est le créateur d’un nouveau genre, le paysage tragique. [Moine au bord de la mer ; Le voyageur au-dessus de la mer de nuages].Caspar David Friedrich transcende la peinture de paysage - 246

2. En France

GÉRICAULT

Il y avait déjà du romantisme chez GROS et GIRODET, mais aucun ne songeait à rejeter le classicisme régnant. Il y en a encore chez le peintre GÉRICAULT, mais celui-ci meurt trop jeune pour avoir pu être le chef de file d’une école. C’est un peintre d’un naturalisme franc qui se fait admirer en plein règne de David par des images tumultueuses et brillantes de soldats au combat. Il peint plus tard son fameux Radeau de la Méduse, composition fougueuse, amoncellement de cadavres et de moribonds au-dessus desquels plusieurs corps, soulevés par l’espoir, font le geste d’appel et tendent la main vers le salut. La vigueur de la peinture rappelait plutôt le naturalisme de CARAVAGE que la peinture vernissée de DAVID.Théodore Géricault expose au Salon Le Radeau de la Méduse - 252

Eugène DELACROIX

Dans son œuvre fiévreuse, ce rival d’Ingres fait passer les exaltations et les fureurs de sa nature nerveuse et insoumise. Il jette sur sa toile ses couleurs harmonieuses ou discordantes par coups de pinceau violents. Il est un lyrique en peinture. L’univers où il se meut est tout entier sorti de son imagination. Les hommes et les choses, les animaux et les plantes y reflètent la tourmente de son âme et sa mélancolie. On y voit passer les émotions de son temps, ses exaltations de liseur romantique, les visions de Dante, les drames de Shakespeare ou de Goethe et de lord Byron ; on y rencontre l’actualité, la Guerre de l’indépendance grecque, les barricades de 1830 mais aussi le Moyen-Âge, les batailles de Nancy, Taillebourg, la prise de Constantinople, des scènes orientales, fantasias de cavaliers, harems somnolents, chasse aux grands fauves, souvenirs d’un voyage au Maroc en 1832.DELACROIX n’apporte pas seulement dans son art une poésie inconnue ; il montre dans la couleur des ressources ignorées qui vont peu à peu transformer le langage de la peinture et en faire une des formes les plus expressives de la sensibilité moderne. [Les massacres de Scio ; La mort de Sardanapale ; La Liberté guidant le peuple].Eugène Delacroix accomplit au Maroc un voyage initiatique - 262

3. En Angleterre

William BLAKE

C’est un artiste visionnaire ; il interprète les figures massives du Michel-Ange de la Sixtine et du Laocoon en pleine période révolutionnaire. Il préfère l’aquarelle à l’huile ; légère, translucide, elle lui paraît plus appropriée aux élans mystiques. Il ouvre la voie aux préraphaélites, ce courant symboliste de la deuxième moitié du XIX° siècle. [La création du monde].

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CONSTABLE

Ses paysages ne sont pas fantastiques mais bien réels, peints sur le motif, en plein air. Ses esquisses à l’huile saisissent l’émotion dans l’instant. Découvert par Géricault à Londres [Le Chariot de foin], il reçoit un accueil enthousiaste des romantiques français lors de son séjour parisien. Sa liberté d’exécution [taches, empâtements] et sa matière brillante vont influencer Delacroix et les peintres de Barbizon. Il ouvre la voie à l’Impressionnisme.

William TURNER

Lui aussi est un visionnaire ; il représente son émotion devant le conflit des éléments de la civilisation et de la nature. Il la traduit par des variations de mouvements et de lumière à couper le souffle.Fasciné par les tempêtes, il peint non plus en face d’un spectacle mais dedans. Il est le peintre des phénomènes lumineux, des effets atmosphériques. Chez lui, tout se mêle : la terre, l’eau, le feu, l’air. Dans son Pluie, vapeur et vitesse, la couleur traduit l’émotion du peintre devant le conflit violent de la nature et deux des plus grandes inventions technologiques, l’une ancienne, le viaduc, l’autre moderne, le chemin de fer. Contrairement aux impressionnistes qui restituent spontanément leurs perceptions, Turner donne un contenu expressif à son image. [Tempête de neige ; Pluie, vapeur et vitesse].Avec Joseph Mallord William Turner naît le paysage moderne - 266

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