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La représentation cartographique des phénomènes continus dans l'espace géographique Eliane LETERRIER* Françoise PIROT * Thierry SAINT -GERAND** RESUME Les problèmes soulevés par la representation des phénomènes continus sont analysés à travers l'exemple de la densité de population de l'Ile-de-France. Selon les méthodes cartographiques, la perception de la compartimentation spatiale du phénomène traduite par une variation d'intensité est privilé- giée (carte choroplèthe). Ce peut être aussi la gradation schématique dans l'espace des états du phénomène (carte en isolignes), ou la morpholo- gie des surfaces définies par les isarithmies spatiales (bloc-diagramme). " DISCRETISATION " ISARITHMIE " MODELE NUMERIQUE " PHENOMENES CONTINUS " THEORIE DES GRAPHES ABSTRACT The problems raised by the representation of continuous phenomena are analysed through the example of population density of ile-de-France. According to the cartographic methods, the per- ception of spatial partition of the phenomenon rendered by a variation of intensity has priority (choropleth map). It may also be the oversimpli- fied gradation into space of the states of phenomenon (contour map), or the morphology of areas defined by spatial isarithmies (block-diagram). " CONTINUOUS PHENOMEN A " DIGITAL PROCESSING MODEL " DISCRETISATION " ISARITHMY " THEORY OF GRAPHS RESUMEN Los problemas plantea- dos por la representación de los fenómenos continuos se anali- zan a través del ejemplo de la densi- dad de población de Ile-de-France. Según los métodos cartográficos tiene prioridad la percepción de la partición espacial del fenómeno que se traduce por una variación de intensidad (mapa coropleta). También puede tenerla la gradación esquemática en el espacio de los estados del fenómeno (mapa en isolíneas), o la morfología de las áreas determinadas por las isaritmias espaciales (bloque-diagrama). " FENOMENOS CONTINUOS " DISCRETIZACION " ISARITMIA " MODELO NUMERIC O " TEORIA DE LOS GRAFOS Quel que soit leur type d'existence dans l'espace (ponctuel, linéaire ou aréal), les phénomènes géographiques quantifiables peuvent pour la plupart être assimilés, soit directement soit après transformation adéquate, à des phénomènes continus. Cet article se propose d'amorcer, à travers une réflexion métho- dologique illustrée par un exemple concret, une évaluation des avantages et des inconvénients des conceptions cartographiques pouvant être appliquées à leur représentation. On s'interrogera sur l'efficacité des traitements et des visualisations principalement employés aujourd'hui, en insistant sur leur plus ou moins grande aptitude à rendre perceptible de façon fidèle et intelligible les caractéristiques de l'existence spatiale des phénomènes continus (intensité, disparité, propagation, etc.). A la base, le problème envisagé ici sous l'angle cartographique n'est autre qu'un problème général que tente depuis toujours de résoudre la géographie: comment appréhender, traiter et représenter la continuité des phénomènes existant à la surface de la Terre, afin de mieux les comprendre. Ne pouvant saisir directement l'infinie continuité du monde, la perception géographique isole des phéno- mènes qu'elle résume et dissèque au moyen des trois questions classiques: «Quoi?» (recouvrant «comment?» et «combien?»), «Où?» et «Quand?» (souvent implicite) (E. Leterrier, F. Pirot, Th. Saint-Gérand, 1988). Cette perception décrit chaque phénomène par des informations géographiques construites selon un processus de fragmentation qui, si fin et si nuancé soit-il, transforme par prin- cipe son caractère continu en caractère discontinu. Ainsi ce passage inévitable du phénomène spatial continu par sa discrétisation en n éléments d'information géographique revient, en fait, à assimiler la continuité de sa variation dans l'espace à la contiguïté dans l'espace de ses n états ou occurrences, et à la traiter par ce biais. Deux options s'offrent alors au cartographe, qui expriment chacune de façon différente le phénomène géographique. La première consiste à représenter l'existence du phénomène sous l'angle de sa compartimentation spatiale dans un espace plan à deux dimensions. La seconde repose sur la constitution d'un mailla- ge serré sur l'ensemble de la surface considérée permettant une visualisation en trois dimensions. Par ailleurs, le choix d'un type de carte plutôt qu'un autre est directement subordonné au niveau de mesure des données relatant le phénomène à représenter. La cartographie reconnaît quatre niveaux de mesure: " l'échelle nominale, ou classificatoire, ne permet que des diffé- renciations entre objets dont la seule propriété formelle est l'équ i valence; " l'échelle ordinale identifie non seulement des objets mais expri- me aussi leur relation d'ordre (plus grand que ou plus petit que); " l'échelle d'intervalles, le rapport entre deux points quel- conques dépend de l'unité de mesure; " l'échelle de rapports, le rapport entre deux points quel- conques est indépendant de l'unité de mesure (opérations statis- tiques). Ces deux dernières échelles, les plus élevées des niveaux de mesure, ont trois propriétés formelles en commun: l'équivalence, l'ordre, la connaissance du rapport de deux intervalles quelconques. La plupart des informations géographiques, telles que celles qui traduisent la variation quantitative d'un phénomène continu dans l'espace, relèvent de l'échelle de rapports, seul niveau de mesure * IMAGEO-C.N.R. S ** Université de Paris I.

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La représentation cartographiquedes phénomènes continus dans l'espacegéographiqueEliane LETERRIER*

Françoise PIROT*Thierry SAINT-GERAND**

RESUME Les problèmes soulevéspar la representation des

phénomènes continus sont analysés àtravers l'exemple de la densité depopulation de l'Ile-de-France. Selonles méthodes cartographiques, laperception de la compartimentationspatiale du phénomène traduite parune variation d'intensité est privilé-giée (cartechoroplèthe). Ce peut êtreaussi la gradation schématique dansl'espace des états du phénomène(carte en isolignes), ou la morpholo-gie des surfaces définies par les isarithmies

spatiales (bloc-diagramme).

" DISCRETISATION" ISARITHMIE" MODELE NUMERIQUE" PHENOMENES CONTINUS" THEORIE DES GRAPHES

ABSTRACT The problems raised bythe representation of

continuous phenomena are analysedthrough the example of populationdensity of ile-de-France. Accordingto the cartographic methods, the per-ception of spatial partition of thephenomenon rendered by a variationof intensity has priority (choroplethmap). It may also be the oversimpli-fied gradation into space of the statesof phenomenon (contour map), orthe morphology of areas defined byspatial isarithmies (block-diagram).

"CONTINUOUSPHENOMEN A" DIGITAL PROCESSING MODEL" DISCRETISATION" ISARITHMY" THEORY OF GRAPHS

RESUMEN Los problemas plantea-dos por la representación

de los fenómenos continuos se anali-zan a través del ejemplo de la densi-dad de población de Ile-de-France.Según los métodos cartográficostiene prioridad la percepción de lapartición espacial del fenómeno quese traduce por una variación deintensidad (mapa coropleta).También puede tenerla la gradaciónesquemática en el espacio de losestados del fenómeno (mapa enisolíneas), o la morfología de lasáreas determinadas por las isaritmiasespaciales (bloque-diagrama).

" FENOMENOS CONTINUOS" DISCRETIZACION" ISARITMIA"MODELONUMERIC O" TEORIA DE LOS GRAFOS

Quel que soit leur type d'existence dans l'espace (ponctuel,linéaire ou aréal), les phénomènes géographiques quantifiablespeuvent pour la plupart être assimilés, soit directement soit aprèstransformation adéquate, à des phénomènes continus.

Cet article se propose d'amorcer, à travers une réflexion métho-dologique illustrée par un exemple concret, une évaluation desavantages et des inconvénients des conceptions cartographiquespouvant être appliquées à leur représentation. On s'interrogera surl'efficacité des traitements et des visualisations principalementemployés aujourd'hui, en insistant sur leur plus ou moins grandeaptitude à rendre perceptible de façon fidèle et intelligible lescaractéristiques de l'existence spatiale des phénomènes continus(intensité, disparité, propagation, etc.).

A la base, le problème envisagé ici sous l'angle cartographiquen'est autre qu'un problème général que tente depuis toujours derésoudre la géographie: comment appréhender, traiter et représenterla continuité des phénomènes existant à la surface de la Terre, afinde mieux les comprendre. Ne pouvant saisir directement l'infiniecontinuité du monde, la perception géographique isole des phéno-mènes qu'elle résume et dissèque au moyen des trois questionsclassiques: «Quoi?» (recouvrant «comment?» et «combien?»),«Où?» et «Quand?» (souvent implicite) (E. Leterrier, F. Pirot, Th.Saint-Gérand, 1988). Cette perception décrit chaque phénomènepar des informations géographiques construites selon un processusde fragmentation qui, si fin et si nuancé soit-il, transforme par prin-cipe son caractère continu en caractère discontinu. Ainsi ce passageinévitable du phénomène spatial continu par sa discrétisation en néléments d'information géographique revient, en fait, à assimiler lacontinuité de sa variation dans l'espace à la contiguïté dans l'espace

de ses n états ou occurrences, et à la traiter par ce biais. Deuxoptions s'offrent alors au cartographe, qui expriment chacune defaçon différente le phénomène géographique.

La première consiste à représenter l'existence du phénomènesous l'angle de sa compartimentation spatiale dans un espace plan àdeux dimensions. La seconde repose sur la constitution d'un mailla-ge serré sur l'ensemble de la surface considérée permettant unevisualisation en trois dimensions.

Par ailleurs, le choix d'un type de carte plutôt qu'un autre estdirectement subordonné au niveau de mesure des données relatantle phénomène à représenter. La cartographie reconnaît quatreniveaux de mesure:

" l'échelle nominale, ou classificatoire, ne permet que des diffé-renciations entre objets dont la seule propriété formelle est l'équivalence;

" l'échelle ordinale identifie non seulement des objets mais expri-me aussi leur relation d'ordre (plus grand que ou plus petit que);

" l'échelle d'intervalles, où le rapport entre deux points quel-conques dépend de l'unité de mesure;

" l'échelle de rapports, où le rapport entre deux points quel-conques est indépendant de l'unité de mesure (opérations statis-tiques).Ces deux dernières échelles, les plus élevées des niveaux de

mesure, ont trois propriétés formelles en commun: l'équivalence,l'ordre, la connaissance du rapport de deux intervalles quelconques.La plupart des informations géographiques, telles que celles quitraduisent la variation quantitative d'un phénomène continu dansl'espace, relèvent de l'échelle de rapports, seul niveau de mesure

* IMAGEO-C.N.R.S** Université de Paris I.

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dans lequel on connaît le rapport de deux valeurs quelconques del'échelle. Les données traitées ici s'inscrivent à ce dernier niveau.

La densité de population, variable de géographie humaine surlaquelle va être testé l'apport des différentes méthodes cartogra-phiques, a été choisie dans deux buts:

comparer les conceptions et visualisations en deux et troisdimensions dans la représentation de phénomènes continus nonphysiques;

rechercher l'existence éventuelle de cas ou de familles de phé-nomènes continus ayant un comportement spatial particulier(notamment des «contrastes géostatistiques»), susceptible d'exi-ger un mode de représentation spécifique. Le travail présenté icis'appuie sur certains principes de la théorie des graphes, appli-cables à la géographie. La carte des communes utilisée commefond est considérée comme un graphe planaire topologique sansisthmes (Berge, 1973), surface sur laquelle s'inscrit l'existence(concentration, propagation) de la densité de population. Le semisde points (irrégulier) défini par la localisation des chefs-lieux decommune détermine le graphe dual du graphe des communes(E. Leterrier, F. Pirot, Th. Saint-Gérand, 1988).

Soit un grapheplanaireG,connexeetsanssommetisolé(graphedescommunes,onluifaitcorrespondre un graphe planaste G* de la façon suivante: à l'intérieur de toute face s deG(commune) on place un sommet x* de G* (chef-lieu), à toute arête I (limite de commune)on fait correspondre une arête 1* de 0* qui reliera les sommets x* et y correspondant auxfaces sett(communes)quisetrouventdepartetd'autredel'arêteI.LegrapheG*ainsidéfi-ni est planaire, connexe et n'a pas de sommet isolé: on l'appelle le graphe dual de G.

Méthodologie d'une représentation cartographique en trois

dimensions

La cartographie d'un phénomène continu dans l'espace consisteà représenter la contiguïté des états de la variable Z dans l'espacegéographique connu en X (longitude) et en Y (latitude).L'ensemble constitue un espace tridimensionnel X, Y, Z qu'il fautvisualiser sur le plan bidimensionnel d'un support papier (docu-ment final).

La représentation d'un phénomène en trois dimensions sur unespace à deux dimensions doit répondre simultanément à plu-sieurs impératifs: il lui faut être le plus possible suggestive, préci-se (afin de permettre des mesures) et économique. Ce faisant, ellevisualise de façon pertinente et intelligible la distribution du lieudes points d'égale valeur pour le phénomène étudié. En d'autrestermes, elle réalise «la topographie de toutes les surfaces définiespar des isarithmes» (Haggett, 1973).

Pour la visualisation cartographique, la troisième dimensionpeut être présentée différemment selon qu'elle est destinée à êtretraduite graphiquement dans un espace à deux dimensions ou àtrois dimensions. Dans le cas d'un espace à deux dimensions, onprojette la variable Z (phénomène de surface) sur le plan X, Y;on obtient alors des isolignes dont on peut ne conserver que letracé au trait, ou souligner la progression des valeurs à l'aide decouleurs intercalaires, ou encore combiner les deux procédés.Dans le cas d'un espace à trois dimensions, la variation du phéno-mène continu est visualisée selon la troisième composante de l'es-pace: on obtient un volume. Il s'agit d'un bloc-diagramme oumodèle numérique.

Quelle que soit leur origine (document déjà existant, terrain ...)les données initiales constituent un semis de points régulier ouirrégulier. Dans le cas de données topographiques, il n'est pasnécessaire de «filer» les courbes. La seule contrainte méthodolo-gique est de relever plus de points en terrain plat qu'en terrainaccidenté et de matérialiser, quand cela est possible, les crêtes, lesfonds de vallon et les lignes de plus grande pente. Dans le cas dedonnées non topographiques, il convient de densifier davantageles relevés dans les zones à forte variation du phénomène quedans les zones à faible variation. Ce semis de points est à la basede la matrice régulière, encore appelée modèle numérique, qu'ils'agit maintenant de construire. Les points manquants sont calcu-lés par une technique d'interpolation (polynomiale ou statistique)à partir de ces points connus. La matrice régulière réunit donc lespoints connus et ceux reconstitués par calcul en x, y, z. Elle estcomposée de mailles (unités élémentaires) dont la taille corres-pond à la résolution du document initial. Elle est définie en fonc-tion de l'échelle de numérisation (cas d'un document existant), enfonction des critères retenus au moment des sondages (cas dedonnées de terrain), ou en fonction de la discrétisation de l'espacegéographique. C'est à partir de cette matrice régulière que l'oncréera les isolignes et les blocs-diagrammes.

Rappelons ici qu'en mathématique une isoligne est le lieu despoints ayant tous la même valeur (z). C'est une fonction f de l'es-pace telle que l'on a: z = f (x.y). Ainsi es! définie une surfacethéorique qui ajuste «au mieux' la surface déterminée par lesdonnées de départ.

L'intérêt des techniques d'interpolation est qu'elles conserventdans la matrice-résultat les valeurs des points connus au départ.

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Voici quelques principes de base utilisés lors de la mise en oeuvredes techniques d'interpolation polynomiale.

" Principe du plus proche voisinage: le calcul de chaque nou-veau point se fait à partir de n points connus environnants.

" Détermination d'une triangulation analogue à la triangulationgéodésique: à l'intérieur de chaque triangle les points estimés sontle résultat d'un double calcul de dérivées en x, y, z d'un polynômede degré 5, dérivées partielles secondes (calcul de la pente), puisdérivées partielles premières (altitude = valeurs estimées).

" Principe des surfaces mobiles: la matrice est découpée ensurfaces élementaires. L'interpolation des points est faite à l'inté-rieur de chaque surface élémentaire à partir d'un polynôme de

degré n.

Plus le degré du polynôme est élevé, plus les points estiméssont proches de la «réalité». L'interpolation des points de lamatrice régulière doit tenir compte des ruptures éventuelles dansla distribution de la variable Zdans l'espace (failles, limites tern-tonales). Faute de quoi, il ne serait pas possible de visualiser, parexemple, la discontinuité des isolignes de part et d'autre de la

ligne de rupture.

Une fois la matrice constituée, on doit procéder à des manipu-lations d'images. L'écrêtage du modèle numérique est réalisé parlissage et l'on ne conserve que la zone significative étudiée, enéliminant, à l'aide de masques, la marge périphérique dont lesvaleurs sont faussées par les «effets de bordure».

Présentation des données

Rappelons ici que le but de ce travail n'est pas une étude de la

population de l'Ile-de-France, en elle-même, mais l'exposé d'une

approche cartographique d'un phénomène de géographie humai-ne. La densité de population au km2parcommune est extraite duRecensement Général de la Population de 1982 de la région Ile-de-France (cf. le fascicule n°11 de l'INSEE: Population légale et

statistiques communales complémentaires Ile-de-France).

La variable à cartographier présente les caractéristiques sui-vantes:

" C'est une variable Z (troisième dimension) rapportée à uneunité de base (la commune, représentant les deux dimensions de

l'espace), dont la superficie varie considérablement: entre

0,09km2 à Vaudherland (Val-d'Oise) et 172,05km2 àFontainebleau (Seine-et-Marne) (s =9,377, a = 8,19).

" La variable Z varie de façon importante puisque son mini-

mum est de 2 hab./km2 à Gambaiseuil (Yvelines) et son maxi-mum de 22 445 hab./km2 à Vincennes (Val-de-Marne) (z = 1 142198, Gz

= 270 036). Cette variation peut s'observer sur une dis-

tance infime telle que celle séparant les chefs-lieux de commune

de Fontainebleau (172,05 km2 et 91 hab./km2) et d'Avon (3,83km2et 3 858 hab.fkm2).

" La discrétisation de la variable Z a été faite en fonction del'allure de l'histogramme des fréquences (détermination des inter-valles).

Le fond communal utilisé pour la réalisation de la carte choroplèteest un extrait du fond communal numérisé au 1/500 000par

l'IGN. Le semis de points irrégulier servant de base à la créationde la carte en isolignes et des blocs-diagrammes, est constitué parles 1 281 chefs-lieux de communes de l'Ile-de-France.

La méthode retenue pour l'interpolation des points est cellebasée sur la triangulation. La taille de la maille élémentaire a étédéfinie en fonction de la superficie de la plus petite commune:1mm x 1mm. La matrice-résultat est constituée de 54 800 mailles(200 x 274).

Nos programmes, qui ont permis les réalisations cartogra-phiques (carte choroplèthe, carte en isolignes et blocs-dia-

grammes) sont écrits en FORTRAN 77 et font appel aux primi-tives du logiciel UNIRAS implanté au Centre de calcul duC.N.R.S à Orsay (CIRCE), de même que les deux fichiers

séquentiels contenant le fond communal numérisé et les chefs-lieux des communes.

Critique des résultats et conclusion

Le traitement mathématique d'un phénomène continu dans l'es-

pace implique l'hypothèse que sa continuité relève de la familledes fonctions: Z = (x,y). Pour respecter cette hypothèse, il s'estavéré indispensable de ne pas retenir comme valeurs Z les effec-tifs bruts recensés en chacun des points du semis irrégulierconstitué par les chefs-lieux, mais de les transformer en densitéau kilomètre carré, calculées pour chaque commune. Ce procédéintroduit un certain biais dans la représentation du phénomène,car les densités sont rapportées à une unité de surface variable, lacommune, correspondant à une distribution de l'espace préétablie(découpage administratif) et non élaborée spécifiquement en vued'une visualisation en trois dimensions.

Représentation cartographique en deux dimensions: démarche

typologique

Elle repose sur une discrétisation relativement grossière de l'es-pace géographique en portions de surface (appelées «unités») etdes données thématiques en classes de valeurs. La discrétisationde l'espace est matérialisée par le graphe des communes. Chaquecommune ou face du graphe est caractérisée par une donnée thé-matique: la variable densité (Z) traduite par une gamme de cou-leurs ou un dégradé de valeurs dans une même couleur.

Cette démarche aboutit à la production de la carte choroplèthe(fig. 1) en deux dimensions. Elle privilégie la représentation del'existence du phénomène densité sous l'angle de sa compartimentation

spatiale. Elle résume sa variation d'intensité dans l'espaceen en estompant les transitions et schématise ainsi la structure desa répartition. D'inspiration typologique, sa compréhension récla-me l'étape intermédiaire que constitue l'assimilation du langagede ses couleurs.

Représentation cartographique dans un espace à trois dimen-sions: la matrice de l'espace

La discrétisation s'opère de façon plus fine en établissant, àpartir du semis de points-échantillons dont les valeurs géogra-phiques et thématiques (X, Y, Z) sont connues au départ etconservées en tant que telles, un maillage serré sur l'ensemble dela surface étudiée. Cette trame, du point de vue mathématique,peut être considérée comme la matrice de l'espace. La discrétisation

de l'espace est matérialisée par les chefs-lieux de communes.Cette perception permet, si l'on pose comme hypothèse que lephénomène est continu dans l'espace géographique, de calculerpar interpolation les données faisant défaut entre les mailles dontles valeurs sont connues (les 1281 valeurs des chefs-lieux de l'Ile-

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ILE DE FRANCEDENSITE DE POPULATIONPAR COMMUNE EN 1982

ILE DE FRANCEDENSITE DE POPULATIONPAR COMMUNE EN 1982.

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de-France). La représentation cartographique de la matrice ainsiconçue recrée une continuité visuelle capable de traduire l'exis-tence spatiale du phénomène continu dans son caractère de transition progressive et omnidirectionnelle.

Cene démarche aboutit à la production d'une carte en isoligneset de blocs-diagrammes qui expriment, chacun à leur manière, lamorphologie de propagation des phénomènes continus.

La carte en isolignes

Cette conception cartographique repose également sur leregroupement des valeurs Z en classes, mais il s'agit cette fois devaleurs interpolées figurant dans la matrice calculée, et non plusdes valeurs brutes. La carte en isolignes (fig. 2) cherche à expri-mer, de façon schématique, la gradation dans l'espace des états duphénomène continu.

Contrairement à la carte choroplèthe, elle ne traduit pas le phé-nomène continu par le biais du découpage de l'espace en unitésplus ou moins proches et plus ou moins contrastées, mais renfor-ce la perception des nuances principales de sa répartition à traversla forme et l'étendue de ses isarithmes. L'expérience montre que,sur un même jeu de données, la forme des isolignes peut variersensiblement selon le type d'interpolation retenu. Pour cette rai-son, il est prudent, avant d'interpréter une carte en isolignes, devérifier la validité des contours isarithmiques par des points decontrôle choisis dans le semis de points connus initialement.Comme pour la carte choroplèthe enfin, la compréhension duphénomène passe par l'assimilation de la légende des couleurs.

Lebloc-diagramme

Seul type de visualisation en 3 dimensions où l'intensité de lavaleur Z est représentée en élévation, le bloc-diagramme (fig. 3 et4) renferme un apport significatif fortement influencé par l'appli-cation d'un point de vue, créant un effet de perspective. Cette par-ticularité entraîne simultanément des avantages et des inconvénients.

Au titre des avantages, on retiendra surtout la traduction desintensités de Z en volume (éventuellement soulignée par unegamme de couleurs), bien plus immédiatement compréhensiblequ'une mise à plat colorée; et l'absence de compartimentationvisuelle surajoutée telle que contours d'isolignes, limites d'unités,ce qui renforce l'impression de continuum du phénomène cartographié.

Parmi les inconvénients, on notera l'inconstance de l'échelle de

représentation, liée à l'effet de perspective qui fait qu'un objetfigurant au premier plan est représenté à une échelle plus grandequ'un objet figurant à l'arrière-plan (difficultés de cartométrie); etl'existence de parties cachées, due à ce même effet de perspective.De toute évidence, elle crée une perte d'information concernantles secteurs non visibles. Toutefois, à condition de faire varier lespoints de vue lors de visualisations successives de la matrice, onpeut arriver à visualiser le même phénomène dans le même espa-ce, sous des angles mettant en lumière des aspects différents deson existence. Les blocs-diagrammes sont ainsi particulièrementaptes à traduire «l'espace perçu», par exemple, dans le cas traitéici, les différences de perception de l'Ile-de-France que peuventavoir un habitant de Seine-Saint-Denis et un habitant desYvelines.

Au total, le bloc-diagramme, utilisé de façon pertinente, paraîtêtre à la fois la représentation la plus suggestive et tirant lemeilleur parti de la matrice d'interpolation. Il préserve la percep-tion des ressemblances sans gommer les contrastes: il réalise lacartographie la plus complète de la morphologie des surfacesdéfinies par les isarithmies spatiales.

La représentation de phénomènes continus dans l'espace géo-graphique, présentant des contrastes géostatistiques notables,passe par une méthode cartographique permettant de mettre enrelief la structure spatiale du phénomène étudié, comme le montrel'exemple traité ci-dessus: qu'il s'agisse de la carte en isolignes oudes blocs-diagrammes, les représentations en trois dimensionsissues du calcul mathématique de la matrice finale font apparaîtreune répartition auréolaire du phénomène démographique, corres-pondant, sans conteste, à l'image de «couronnes» qui s'impose dèsque l'on aborde une étude de la région Ile-de-France.

La cartographie assistée par ordinateur bénéficie de la doubleexistence visuelle et virtuelle des cartes. Leur existence visuelle,en tant qu'images, permet de les interpréter par une analyse sensi-tive reposant sur les caractéristiques de la perception optique.Leur existence virtuelle, en tant que matrices, permet de contrô-ler, par des moyens mathématiques ou statistiques, la véracité etla pertinence de certaines caractéristiques de la structure spatialedes phénomènes. Dans certains cas, elle permet même de faireapparaître cene dernière. De toutes les méthodes cartographiquesapplicables à la visualisation de phénomènes spatiaux continus, lareprésentation en trois dimensions, de par son processus d'élabo-ration, paraît être la conception la plus apte à tirer le meilleurparti de cette double existence. Pour cette raison, elle s'inscritdans l'optique qui se développe, tendant à considérer la cartogra-phie comme un mode de recherche propre.

Références bibliographiques

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ILE DE FRANCEDENSITE DE POPULATIONPAR COMMUNE EN 1982