HANDBALL

L'apprentissage des sports collectifs par le jeu PAR J. MARIOT, R-E. LANAUD

Le «jeu du toucher» ouvre à lui seul de multiples possibilités d'apprentissage en sport collectif. Il peut être adapté tout au long du cursus scolaire par l'utilisation de différentes variables imposant des contraintes temporelles et spatiales de plus en plus fortes.

Force est de constater que dans la plupart des cycles de sports collectifs au collège ou au lycée, l'en­seignant dispose de

situations d'apprentissage, de jeux présportifs collectifs ou de systèmes de jeu souvent emprun­

tés aux pratiques fédérales. Nous proposons une complète rupture avec ces procédures d'en­seignement praticable dès le CM1 ou CM2, en suggérant et en adaptant, tout au long de la scola­rité, un unique et simple jeu appelé «jeu du toucher».

LE «JEU DU TOUCHER» Organisation 3 équipes de 4 joueurs et 1 gar­dien (dessin 1). Les équipes sont hétérogènes dans la constitution (mixité entre gar­çons et filles) et homogènes dans

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Le principe: toucher le porteur de balle

leur opposition (niveau de jeu). Lorsque le joueur porteur de balle (PB) est touché par la main d'un adversaire sur toutes les parties du corps, sauf la tête, il rend la balle à l'équipe adverse. La première des deux équipes présentes sur le terrain qui marque 3 buts élimine l'autre.

Constats Les contraintes réglementaires spécifiques au jeu du toucher engagent une importante mobilité des joueurs attaquants et défen­seurs. Choisir le « bon » porteur de balle Cela signifie pour le PB choisir celui qui est le mieux démarqué, qui aura le temps disponible le plus important. En sports collec­tifs, ce sont les non porteur de balle (NPB) qui, démarqués et mobiles, créent et facilitent l'acti­vité décisionnelle du PB. Les actions réalisées par le NPB (créateur de l'échange), sont déterminantes pour augmenter

son temps disponible (1) en tant que futur PB et ainsi celui de ses partenaires. Il cherche par écarte -ment (largeur) et étagement du jeu (longueur) à occuper dans sa totalité l'espace de jeu effectif offensif (EJEO) mis à sa disposi­tion (800m2). Récupérer ensemble la balle par un pressing * L'adversaire direct du PB doit dans un premier temps le repérer puis le gêner pour finalement le presser et chercher à le toucher pour récupérer la balle pour son équipe. * L'adversaire du NPB (parte­naire du PB) effectue une défense individualisée (marquage). Son champ d'action l'invite à dissua­der, intercepter et aider (changer avec son coéquipier éventuelle­ment débordé).

LES 20 VARIABLES DU JEU DU TOUCHER En préalable, nous conseillons de ne jamais autoriser la relance du

gardien de but dans la moitié de terrain adverse afin d'obliger tous les défenseurs à repérer leur adversaire direct et mettre en place un pressing collectif. 1. Faciliter l'activité perceptive et décisionnelle du PB Pour cela, nous pouvons augmen­ter les contraintes pour les défen­seurs en faisant varier la façon de toucher. • Toucher à 2 mains (sur toutes les parties du corps autorisées) permet d'augmenter le TD (1) du PB en augmentant le TR du défenseur. • Toucher à 2 mains le torse du PB contraint le défenseur à se placer entre le PB et la cible à défendre. • Toucher le PB en tenant un bal­lon à deux mains. 2. Augmenter la difficulté per­ceptive et décisionnelle du PB • Augmenter le nombre de joueurs (exemple: 8 contre 8, 12 contre 12), les espaces diminuent de même que le temps disponible du PB pour lire et choisir le crédit d'action pertinent: - dribbler et /ou tirer. - éviter, - échanger avec un de ses parte­naires (le mieux démarqué) ou - combiner. • Supprimer un ou deux crédits d'actions (dribble ou évitement par exemple) au PB, et ainsi lui imposer des contraintes de choix (échanges et combinaisons exclu­sivement). • Imposer un échange à 2 mains : contrainte biomécanique avec contrainte de temps qui augmente en parallèle. • Interdire les balles à terre sauf le dribble, l'échange à rebond volontaire et le tir à rebond.

3. Écarter et étager la montée de balle : jeu intérieur-exté­rieur-intérieur-extérieur Les lignes extérieures du terrain de tennis délimitent 3 couloirs: 1 couloir intérieur et 2 couloirs extérieurs (dessin 2). La balle doit systématiquement changer de couloir à chaque passe: de l'intérieur vers l'exté­rieur (ou vice versa) mais égale­ment d'un couloir extérieur à l'autre. Cette contrainte permet une mon­tée de balle étagée en Z, avec un écartement optimal. L'augmenta­tion de l'EJEO par démarquage augmente le temps disponible de chacun des NPB. futurs porteurs de balle potentiels.

4. Continuité du jeu Les joueurs doivent être en mou­vement pour lancer, recevoir la balle et tirer (interdiction de rece­voir ou lancer à l'arrêt).

5. Activité et enchaînement permanents du PB La balle et le PB changent de cou­loir (dissocier la trajectoire de balle de celle du joueur). • PB dans le couloir central : lance à droite et part à gauche et vice versa. • PB dans un couloir extérieur: lance au centre et part dans le couloir opposé ou lance dans le couloir opposé et part au centre (dessin 3 ci-contre).

6. Lire le jeu: «jeu silencieux» Les joueurs doivent rester silen­cieux et n'effectuer aucun appel verbal (les débutants et les élèves de 6 e-5 e font généralement de nombreux appels verbaux). L'intérêt est de contraindre les élèves à effectuer une lecture du jeu (prédominance de l'aspect visuel) pour ensuite choisir un crédit d'action pertinent: par exemple, échanger avec le NPB créateur de l'échange, qui se démarque et se manifeste par le mouvement.

7. Augmenter la complexité de la lecture 4 équipes de 4 se rencontrent simultanément sur le même ter­rain avec 2 arbitres et 2 gardiens de but (photo p.51). Exemple d'organisation: jaunes contre bleus/verts contre rouges.

8. Apprendre à «voir sans regarder» Demander au PB de ne pas regar-

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Deux matches en même temps: jaunes contre bleus et verts contre rouges. Échanger en suspension avec un partenaire démarqué

der le NPB réceptionneur au moment de la passe. Il s'agit pour le PB de privilégier sa vision périphérique pour échanger au détriment de la vision centrale (ou fovéale).

9. Échanger avec un appui démarqué Pour jouer toujours vers l'avant et donc progresser en perma­

nence, le PB doit échanger exclu­sivement avec un partenaire créa­teur de l'échange (NPB), en appui (en avant du PB) (dessin 4).

10. Dribbler pour avancer, avec un soutien démarqué Échanger exclusivement avec un partenaire créateur de l'échange (NPB), cette fois en soutien (en arrière du PB) (dessin 5, p.52).

Progresser en dribble vers l'avant à chaque réception de la balle (sinon recul de toute l'équipe). Seul le gardien de but lance à un partenaire libre en appui.

11. Réceptionner, échanger et tirer à deux mains (passes courtes) Le temps requis pour le PB aug­mente car le temps d'armé (ou

chemin de lancement du ballon) est plus long en temps et en espace.

12. Réceptionner, échanger, dribbler, tirer mauvaise main Exemple : un droitier réalise l'en­semble de ses actions uniquement avec la main gauche (comme « amputé » du bras droit).

13. Échanger en suspension (variable contradictoire) Intérêt : le PB a davantage de temps disponible pour traiter l'in­formation (lire + choisir) et agir dans son temps de suspension (photo ci-dessus). Inconvénient: l'adversaire direct a plus de temps pour toucher le PB.

14. Réceptionner, échanger, tirer sur 1 appui Augmenter la vitesse du jeu. Diminuer le temps de lecture et de choix pour le PB (caractéris­tique du haut niveau). Varier le tir: tir en suspension, tir sur appel inversé, à l'amble (en appui), dans la foulée, avec appel deux pieds, en appuis simultanés, en costal (face à un adversaire direct), en désaxé (face à un adversaire direct), tir en roucou-lette. chabala, lobe, etc.

15. Echanger et tirer à rebond Eviter les passes en cloche et rompre l'alignement (dessin 6. p.52). 16. Réceptionner la balle en dis­sociation segmentaire et en mouvement Ne pas recevoir dos tourné au but à attaquer. Orienter les pieds devant « dans le futur de la cible » et les mains derrières «dans le présent du ballon» (logique ter-

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Kung-fu simple: recevoir et tirer en suspension

naire : balle-cible-adversaire direct). 17. Assurer la réception : pas de balle à terre, qui «échappe des mains du receveur», sinon sanc­tion (= balle perdue).

18. Tirer sur kung-fu simple La balle est lancée à un joueur

qui saute au- dessus de la zone, l'attrape et tire (photo ci-dessus). Consignes : quand la balle arrive entre 6 et 9m, nous demandons

aux défenseurs de rester statiques et au gardien de but de se posi­tionner sur sa ligne de but.

19. Tirer sur kung-fu double 2 échanges au-dessus de la zone.

20. Tirer sur kung-fu triple 3 échanges au dessus de la zone. Kung-fu simple enchaîné (sans arrêt) et but = 1 pt. Kung-fu double enchaîné et but = 2pt. Kuns-fu triple, enchaîné et but = 3pt.

Les variables présentées peu­vent être retenues par l'ensei­

gnant de manière isolée ou com­binées, dans Tordre de son choix. Plus le nombre de variables est important plus les contraintes et notamment la pression tempo­relle sont fortes. Cette organisation de jeu peut être appliquée au football, au bas-ket-ball, ou au rugby sur les lignes arrières uniquement. Signalons qu'au football, le temps requis pour le porteur de balle est augmenté par la spécifi­cité du contrôle de balle au pied. Le jeu du toucher ne prend tout son sens que si. en parallèle, l'en­seignant se centre sur la probléma­tique de la lecture, la construction

d'un code de jeu objectif (logique integrative visuelle) qui permet, à partir des crédits d'action offen­sifs et défensifs. à chacun des élèves d'élaborer ensemble le pro­jet collectif d'attaque ou de défense. L'enseignant d'EPS se présente alors comme un constructeur de repères (extéroceptifs et proprio-ceptifs). guidant l'élève dans la construction de ses conduites motrices pertinentes (crédits d'action) et l'orientant vers le cheminement de tout apprentis­sage, à savoir son autonomie, et spécifiquement en EPS, l'autono­mie motric. •

Jacques Mariot Professeur agrégé EPS, UFR STAPS Besançon.

Pierre-Emmanuel Lanaud Etudiant en Licence 3

«Management du sport», UFR STAPS Besançon.

(1 ) Le PB. véritable décideur de l'échange, est confronté à la contrainte temporelle définie par le rapport TR.TD. TR : temps requis pour la tâche, c'est-à-dire pour lire, choisir, agir et donc échanger avec un non porteur de balle démarqué. TD: temps disponible avant la perte de la balle, c'est-à-dire avant d'être touché par son adversaire direct. Lorsque le TD est inférieur au TR. le por­teur de balle est en crise de temps. Le cal­cul de ce rapport est effectué « intuitive­ment» par opération cognitive.

Du même auteur: •MARIOT (J.). Handball. De l'école aux associations. Ed. Revue EP.S. 1992. •MARIOT (J.), «Handball: l"apprentis>age perceptif». Revue ERS n° 239. 1993. •MARIOT ( J).. « Sports collectifs: nouvelle approche didactique fonctionnelle». Re\ ue EP.Sn0 258. 1996. •MARIOT (J.). DELERCE( S.). «Sports col­lectifs: nouvelle approche didactique fonc­tionnelle. Revue EPS n3283, 2000. •DELERCE(S.). MARIOT (J.). « Handball : apprendre à se démarquer». Revue EP.S n°289.2O01. •MARIOT (J.), DELERCE (S.), PERRONNET (D.). «Sports collectifs: logique intégra-tive visuelle - Une illustration en handball », Revue EP.S n° 293.2002. •MARIOT (J.). DELERCE (S.), «Sports col­lectifs: l'enseignement en milieu sco­laire», Revue EP.S n° 302.2003.

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