L'Antiquité romaine. Des origines à la chute de l'Empire · renversent la monarchie et installent...

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l'Antiquité romaine des origines

à la chute de l'Empire

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l'Antiquité romaine

des origines à la chute de l'Empire

Catherine Salles maître de conférences

à l'université de Paris-X-Nanterre

17, RUE DU MONTPARNASSE - 75298 PARIS CEDEX 06

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Responsable de collection Emmanuel de Waresquiel

Responsable d'ouvrage Bethsabée Blumel

Correction-révision Jacques Barbaut

Mise en page Gudrun Fricke

Couverture Gérard Fritsch

Fabrication Michel Paré

© Larousse, 1993.

Toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, de la nomenclature conte- nue dans le présent ouvrage et qui est la propriété de l'Éditeur, est strictement

interdite.

Distributeur exclusif au Canada : les Éditions françaises Inc.

ISBN 2-03-720071-4

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Avertissement

Les mots suivis d'un astérisque sont expliqués brièvement, à la fin de l'ouvrage dans un glossaire.

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I

DE LA CABANE DE ROMULUS À LA DOMINATION DU MONDE

1 — Le mythe des origines de Rome

Un esprit prosaïque voit dans une ville un assemblage de rues, de maisons et de monuments, mais, pour les Anciens, une cité est comparable à un organisme vivant, elle naît, elle grandit, elle vieillit et elle meurt. Dans l'imaginaire de ses habitants, Rome a été une femme, une déesse, une souveraine, dont la vie reste exemplaire pour chacun d'entre eux. Mais sa naissance est présentée de façon complexe, puisque les Romains considèrent comme tradition histo- rique un corpus de légendes d'origine grecque mêlé à des éléments typiquement latins. À l'heure actuelle, on tente de reconstituer la réalité historique (en particulier grâce aux découvertes archéolo- giques) tout en justifiant l'ensemble des traditions légendaires qui pèsent tout au long des siècles sur l'inconscient collectif de la ville.

Les origines légendaires

Cicéron, Tite-Live, Virgile ou Plutarque, parmi d'autres, ont raconté chacun à sa manière la merveilleuse histoire du Troyen Énée, fils de Vénus, déesse de l'Amour, et lointain ancêtre du peuple romain. Cette tradition n'est pas une invention de l'époque augus- téenne car une terre cuite du vie siècle av. J.-C. représente Enée s'enfuyant de Troie, portant son père Anchise sur son dos. L'histoire de la ville de Rome prend donc racine dans la guerre de Troie, ce qui donne à ses habitants un arbre généalogique aussi ancien que celui des Grecs, satisfaction d'amour-propre non négligeable pour ce peuple qui a souffert d'un « complexe d'infériorité » à l'égard de la

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brillante civilisation grecque. Lors de l'incendie de Troie par les Grecs, le prince Énée parvient à s'enfuir de la ville, accompagné de son père Anchise, de son fils Ascagne-Iule et d'un certain nombre de ses compatriotes. Après de multiples pérégrinations dans tout le bas- sin méditerranéen, les Troyens fugitifs parviennent enfin dans le Latium et font alliance avec le roi de l'endroit, Latinus. Alliance scel- lée par l'union d'Énée et de la princesse Lavinia, qui donne son nom à la première cité fondée par les Troyens sur le sol italien, Lavinium. Trente ans plus tard, Ascagne, fils d'Énée, fonde à son tour une autre ville dans le Latium, Albe la Longue, et ses descendants, pendant quatre siècles, règnent sur cette région du Latium.

C'est à la fin de cette période archaïque que les traditions grecque et latine se rejoignent. Au VIII siècle av. J.-C., deux frères ennemis, Numitor et Amulius, se disputent le trône. Amulius chasse Numitor, s'empare du pouvoir et, lorsque sa nièce Rhéa Silvia, enceinte des oeuvres du dieu Mars, met au monde des jumeaux, il ordonne que les nourrissons Romulus et Rémus soient abandonnés dans le lit du fleuve Tibre. La future Rome a trouvé son emblème, puisqu'une louve, attirée par les vagissements des bébés, les recueille et les nour- rit dans la grotte du Lupercal, au pied du Palatin. Louve dont plus tard l'impressionnante effigie symbolisera dans le monde entier l'impérialisme romain.

Parvenus à l'âge adulte, Romulus et Rémus reviennent à Albe, rétablissent sur son trône leur grand-père Numitor et décident d'aller fonder une ville, en 753 av. J.-C. La légende veut que, en sou- venir de leur petite enfance, ils choisissent le site où la louve les avait nourris. Cicéron, sceptique devant cette motivation trop roma- nesque, estime que c'est la commodité du site de la future Rome, peu éloigné de la mer et au confluent de plusieurs voies de com- munication, qui explique le choix des fondateurs.

Le récit même de la fondation de Rome, tout imprégné de légende qu'il soit, correspond cependant fidèlement aux rites religieux obser- vés par les Italiens et les Étrusques. Il faut tout d'abord déterminer l'emplacement précis en prenant l'avis des dieux par les auspices mais les jumeaux se querellent pour savoir à qui reviendra l'honneur de tracer l'enceinte de la nouvelle cité. Le choix n'est pas simple, car, d'après le récit de Tite-Live, il y a contestation entre la priorité (Rémus est le premier à voir dans le ciel six vautours, oiseaux de Jupiter) et le nombre, puisque Romulus voit douze vautours. Romu- lus, décidant que les auspices sont pour lui, détermine le « pomœ- rium » ou enceinte sacrée : à l'aide d'une charrue attelée d'une vache et d'un taureau blancs, il trace un sillon en soulevant l'attelage à l'emplacement des futures portes. Ce sillon, en communication

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avec les puissances infernales, est doté d'une valeur religieuse excep- tionnelle : à l'époque républicaine, il est interdit de faire pénétrer à l'intérieur du pomœrium* hommes en armes et divinités étrangères, et d'y procéder à des inhumations.

Mais Rémus, furieux de l'initiative de Romulus, saute par-dessus le fossé du pomœrium, et, pour punition de cette provocation sacri- lège, est tué par son frère. Pour Tite-Live et Plutarque, la mort de Rémus est de nature accidentelle, consécutive à une bagarre ayant mal tourné. Mais pour Florus, abréviateur de Tite-Live, l'assassinat de Rémus aurait eu une valeur rituelle, car le sang du jeune homme aurait consacré religieusement les fortifications de la nouvelle ville. Quelle que soit la signification que l'on ait voulu donner à cet épi- sode légendaire, le meurtre de Rémus prendra à l'époque augus- téenne un relief particulier, car il sera présenté comme une sorte de péché originel justifiant la colère des dieux et les catastrophes de la fin de la République.

Seul maître du site de Rome, Romulus décide que la nouvelle ville sera un « asyle », c'est-à-dire un refuge pour tous les exilés ou les malfaiteurs chassés de leur patrie, curieuse conception d'une ville dont les premiers habitants auraient été des délinquants ! Mais l'ave- nir de Rome est tributaire de la naissance d'enfants qui assumeront l'héritage des fondateurs. Aussi les compagnons de Romulus enlèvent-ils les filles de leurs voisins sabins pour en faire leurs épouses. La guerre entre Romains et Sabins se termine grâce à l'intervention des femmes sabines s'interposant entre leurs pères et leurs maris, et Romulus désormais partage le pouvoir avec le roi sabin Titus Tatius. Le rapt des Sabines, outre qu'il explique l'alliance entre Latins et Sabins, justifie certains rites obscurs de la cérémonie de mariage à Rome (en particulier le simulacre d'enlèvement de la jeune épousée). Romulus a donc donné à la jeune cité ce qui est nécessaire à sa croissance : détermination de son territoire, assu- rance de son avenir par le mariage de ses compagnons avec les Sabines et ébauche d'un système politique par la création d'un sénat, assemblée dirigeante de la nouvelle communauté. Une fois son œuvre accomplie, Romulus disparaît de façon mystérieuse, enlevé au ciel selon une pieuse légende dont sauront se souvenir plus tard les empereurs de Rome, ou, selon une explication plus brutale, assassiné secrètement par les sénateurs !

Après Romulus se succèdent trois rois latino-sabins, puis trois rois étrusques, chacun apportant sa pierre à l'édifice de Rome. Le Sabin Numa Pompilius, conseillé par la sage nymphe Égérie, met en place l'organisation religieuse de la cité : il fixe l'indispensable calendrier religieux, crée les différents sacerdoces nécessaires au culte de

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chaque dieu et fait édifier les premiers sanctuaires. Son successeur, le guerrier Tullus Hostilius, constitue le collège des prêtres fétiaux chargés de déclarer les guerres et de conclure les traités de paix. C'est sous le règne de Tullus Hostilius, au cours d'un conflit sans merci contre Albe, que s'illustrent les champions des deux villes, les trois Curiaces albains et les trois Horaces romains. Grâce à la vic- toire définitive du dernier Horace, la paix est conclue entre les deux peuples et les Albains font désormais partie de la population de Rome. Le petit-fils de Numa, le roi Ancus Martius, se préoccupe plus particulièrement des problèmes de ravitaillement de la cité en fon- dant le port d'Ostie à l'embouchure du Tibre.

La royauté latino-sabine s'achève à la fin du VII siècle pour laisser place à la monarchie étrusque. Les Romains racontent qu'un émigré appelé Lucumon, originaire de la ville étrusque de Tarquinia, s'ins- talle à Rome et est élu roi sous le nom de Tarquin l'Ancien. Il entre- prend de grands travaux de construction et on lui attribue en parti- culier l'édification des murs d'enceinte et la création de la Cloaca Maxima, grand égout collecteur de la ville. Son successeur, Servius Tullius, est considéré comme le fondateur du système social romain, puisque la « constitution servienne », répartissant les citoyens en cinq classes selon leur fortune, est la base de l'organisation militaire et politique des siècles suivants. La royauté étrusque se termine tra- giquement, avec le tyran odieux Tarquin le Superbe. Un de ses neveux, en violant Lucrèce, épouse irréprochable du noble Collati- nus, provoque la révolte des Romains : dirigés par Brutus, en 510, ils renversent la monarchie et installent une nouvelle forme de gouver- nement, la République.

Le cadre primitif de cette Rome royale est constitué par les Gentes, ou clans de tous ceux qui se rattachent à un même ancêtre et ont en commun le sang, le nom, la religion, ainsi que l'assistance des clientèles qui dépendent d'eux. Les trois organes du pouvoir sont le roi, le sénat et l'assemblée des curies.

Le roi cumule les fonctions judiciaires, religieuses, politiques et militaires. Sa puissance est symbolisée dans l'imperium , pouvoir à caractère magico-religieux, lié à l'auspicium ou autorisation privilé- giée de consulter les dieux pour connaître leur volonté dans les domaines politiques et religieux.

Ces attributions royales subsisteront à l'époque républicaine dans les prérogatives des magistrats supérieurs. Tous les insignes de la royauté témoignent du caractère politico-religieux de la fonction : le roi demeure dans la Regia, maison près du foyer religieux de Rome, le temple de Vesta * il porte des insignes distinctifs, bâton d'ivoire à la main, chaise curule, toge prétexte et escorte de licteurs, autant

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d'éléments d'origine étrusque qui demeureront l'apanage des magis- trats républicains.

Créé par Romulus d'après la tradition, le sénat représente l'assem- blée des chefs des Gentes, les Patres, à l'origine cent, puis trois cents à l'époque étrusque. Quelles sont les compétences de ce sénat? Est-il déjà une assemblée souveraine (ce qu'il sera à l'époque républicaine) ou n'a-t-il en fait aucune autorité ? Il semble que les sénateurs n'aient guère eu qu'un pouvoir consultatif et que le roi n'était pas obligé de suivre leurs avis.

Troisième élément de cette ébauche d'organisation politique, l'assemblée curiate Toujours d'après la tradition, Romulus aurait réparti le peuple de sa ville en trois tribus les Ramnes (Latins) habitant le Palatin, les Luceres (Étrusques) installés sur le mont Coelius et les Tities (Sabins) sur le Capitole ou l'Esquilin. Ces trois tribus sont divisées chacune en dix curies, sans doute d'origine religieuse, puis devenues l'unité de base de l'organisation militaire et politique.

Elles auraient procédé à l'élection du roi, au vote des lois, à la prise des décisions relatives aux guerres et auraient disposé d'attri- butions judiciaires. En fait les documents prouvent que l'assemblée curiate n'a aucun pouvoir législatif, électoral ou judiciaire, et se contente simplement d'approuver les décisions du roi.

Cette organisation de la Rome royale forme un tout relativement cohérent et il est à peu près évident que les trois organes de gouver- nement distingués par la tradition ont existé. Cependant leurs attri- butions véritables relèvent de la légende et, selon un processus ana- chronique fréquent dans l'historiographie romaine, on a calqué leurs attributions sur celles qui ont existé bien plus tard à l'époque répu- blicaine.

Cette période de la royauté (753-510), telle qu'elle est restée dans la tradition historique romaine, doit évidemment être reconsidérée de façon plus scientifique. Cependant, elle rend compte à travers des épisodes plus ou moins mythiques de la construction des structures de la Rome classique. Le partage de la royauté entre les Sabino- Latins et les Étrusques permet d'expliquer la juxtaposition d'élé- ments hétérogènes dans la civilisation, la vie privée, politique et militaire. L'extension géographique de la ville naissante s'accompagne d'une extension ethnique, justification des origines cosmopolites des Romains. Chaque roi dispose d'un domaine d'action nettement délimité et, de règne en règne, se mettent en place tous les éléments constitutifs de la République. Enfin l'inconscient collectif des Romains s'est nourri de ces épisodes d'une époque archaïque où abondent les récits hauts en couleur : la louve

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nourrissant Romulus et Rémus, l'enlèvement des Sabines, le combat héroïque des Horaces et des Curiaces, le viol de la chaste Lucrèce sont devenus emblématiques de la mentalité de tout le peuple à tra- vers son histoire.

La confrontation entre la légende et l'histoire

Jusqu'au XIX siècle, les données antiques sur la période royale que nous venons d'évoquer ont été dans l'ensemble acceptées comme historiques. Cependant, à la fin du XIX siècle, l'école historique « hypercritique », dont le représentant le plus célèbre fut Ettore Pais, rejette en bloc dans le domaine purement légendaire toutes les tradi- tions relatives à la fondation de la ville et à son enfance. Au XX siè- cle, les positions se font plus nuancées : il est indéniable que le mythe tient une large place dans les récits consacrés à la royauté, cependant ces histoires traduisent de façon plus ou moins codée des réalités confirmées par les découvertes archéologiques récentes; d'autre part, la linguistique, puis la mythologie comparée per- mettent d'expliquer en partie le contenu des légendes. C'est ainsi que, par les travaux des écoles archéologiques, linguistiques et mythologiques, se reconstituent petit à petit les origines historiques de la ville de Romulus.

Au milieu du II millénaire av. J.-C., des peuples indo-européens arrivent en Italie, ce qui correspond grosso modo à l'histoire de l'occupation du Latium par Énée. Entre le IX et le VII siècle av. J.-C., la civilisation latiale prend naissance dans les monts Albains et sur les collines de la future Rome. Comme au pied des collines se trouvent encore des marécages, ces peuples de pasteurs s'installent sur les hauteurs : il y aurait eu trois villages sur le Palatin, puis trois sur l'Esquilin et enfin un sur le Coelius. Cette installation est confir- mée par l'archéologie, grâce à la découverte des cabanes du Germai sur le Palatin (dites « cabane de Romulus »).

Au VII siècle, ces villages s'unissent pour former une coalition, la Ligue septimontiale. Ce n'est pas encore une cité à proprement par- ler, mais les villages entretiennent entre eux des liens religieux, consacrés par une fête commune, sacrifice offert le 11 décembre par chaque village en l'honneur des Montes. Cette Ligue septimontiale laisse de côté le Capitole, le Quirinal et le Viminal, des Colles occupés sans doute par les Sabins. Montes et Colles, dualisme lexical qui traduit cette différence entre la Ligue septimontiale et les grou- pements sabins.

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Tout change lorsque, aux VII siècles, la péninsule italienne est occupée en partie par les Étrusques, peuple non indo-européen aux origines controversées. Les villages des ligues, latine et sabine, se trouvent sur le Tibre, tête de pont à proximité des deux grandes villes étrusques de Véies et de Fidènes, ce qui donne au site de la future Rome un intérêt stratégique incontestable. C'est probable- ment au VII siècle que les Étrusques investissent ce site et réunissent les villages des deux ligues en fondant une ville. Ils placent cette cité sous la direction d'un lucumon, c'est-à-dire un chef, ce que les Romains interpréteront plus tard comme un nom propre, celui du premier roi étrusque. La légende de fondation de la ville par Romu- lus, telle que nous l'avons évoquée plus haut, répond au rite étrusque, ritu etrusco. La ville de Rome est donc une fondation étrusque intégrant des peuples sabino-latins déjà installés sur le site. Les Romains n'ont d'ailleurs jamais nié la domination étrusque, mais ils l'ont fait entrer dans le cadre d'une ville déjà fondée et constituée, affirmant ainsi leur priorité vis-à-vis de leurs domina- teurs. Quant au nom même de la ville que les Romains aiment pré- senter comme l'anagramme du mot Amor (amour), il est probable- ment en fait d'origine étrusque.

Par ailleurs, la mythologie comparée, à l'initiative de Georges Dumézil, donne une explication partielle sur les récits relatifs à l'époque pré-étrusque, dont beaucoup ont été démentis par l'archéo- logie. Pour Dumézil, les Romains ont transposé en événements his- toriques les légendes et les mythes légués par les Indo-Européens. Les différents aspects de la tripartition fonctionnelle de la société indo-européenne (prêtres-rois, guerriers, producteurs) sont repré- sentés par les rois de Rome : les deux aspects complémentaires de la souveraineté, politique et religieux, se retrouvent dans les récits rela- tifs à Romulus et à Numa Pompilius.

La puissance guerrière est illustrée par le règne de Tullus Hosti- lius. Le domaine de la production économique correspond aux règnes de Titus Tatius et d'Ancus Martius. De plus, certains épisodes historiques très célèbres de l'histoire archaïque de Rome ont leurs correspondants dans des mythes d'autres civilisations indo-euro- péennes : les exploits des Horaces et des Curiaces ont des affinités avec ceux du héros irlandais Cuchûlain et du dieu guerrier Indra ; les soldats romains Horatius Coclès et Mucius Scaevola, qui combattent courageusement les ennemis en perdant le premier son œil et le second son bras, rappellent le couple divin nordique, Tyr le Man- chot et Odin le Borgne. Tandis que les archéologues et les historiens retrouvent les traces de la véritable histoire des débuts de Rome dans des documents incontestables, la « mythologie comparée » permet

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d'expliquer l'origine de ces actions d'éclat que les Romains attri- buent à leurs lointains ancêtres et qui leur ont servi de références au cours des siècles.

2 — La croissance de la République

Les Romains font de l'année 509 av. J.-C. le point de départ de la liberté démocratique, puisque, en destituant le roi Tarquin le Superbe et en abolissant la royauté, Brutus est resté le symbole du libérateur de leur cité.

En fait la tradition historique romaine a très probablement anti- cipé la date du renversement de la monarchie. Les travaux de Raymond Bloch arrivent à cette conclusion en s'appuyant en parti- culier sur la date de la dédicace du grand temple du Capitole, fixée au 13 septembre 509. Il n'y a aucun doute possible sur l'exactitude de la date, en effet le rite annuel de plantation d'un clou dans la paroi de l'édifice permet d'établir sans erreur la chronologie. Il est très improbable que ce soit un consul romain qui ait consacré ce temple dont la construction est typiquement étrusque. Mais le sanc- tuaire capitolin étant un des endroits les plus sacrés de Rome, il était psychologiquement indispensable que sa dédicace soit romaine, et c'est ainsi que le départ des Étrusques a été anticipé avant cette der- nière. La tradition annalistique, tout en truquant la chronologie, rend cependant compte du déclin des Étrusques à la fin du VI siècle en Italie et de la prise de pouvoir à Rome par les grandes familles patriciennes

La difficile victoire de la démocratie (V-III siècle av. J.-C.)

Le premier siècle de la République romaine (V siècle av. J.-C.) est marqué par l'affrontement des deux groupes des habitants de Rome : les patriciens et les plébéiens Il est difficile de déterminer le caractère précis de cette opposition, car cette période n'est connue que par des historiens très postérieurs, tels Tite-Live ou Plutarque. Or ils ont tendance à donner de ces luttes une vision anachronique en se référant à des situations qui leur sont contemporaines (c'est ainsi que bien des revendications plébéiennes du V siècle av. J.-C. sont vues à travers le prisme déformant du programme des Gracques et de leurs successeurs du I siècle av. J.-C.). Ces luttes du V siècle,

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qui ont peut-être des causes ethniques et religieuses, sont générale- ment interprétées par les historiens anciens comme étant de nature politique, ce qui fausse évidemment la perspective.

Quels sont les deux groupes en présence? Il y a tout d'abord les patriciens membres des Gentes, qui possèdent tous les droits juri- diques et religieux. Les Pères, à la fois chefs et prêtres de chaque gens, disposent du droit d'auspices nécessaire à tout acte privé et public, ce qui leur donne la possibilité de tout contrôler dans la cité. Les membres des gentes ont le monopole des magistratures, des pouvoirs militaires, des actes religieux, du sénat, du mariage et dis- posent d'une juridiction interne à leur gens. Face aux patriciens se trouve la plèbe, dont il est bien difficile de déterminer les origines (peut-être des différences ethniques). Elle est inorganisée et ne pos- sède aucun droit. Comme on le voit, Rome n'est pas une cité pour- vue d'institutions communes à tous ses habitants, mais se présente alors comme un assemblage de clans se gouvernant par eux-mêmes et excluant de leurs privilèges les hommes extérieurs à leurs groupes.

La première manifestation commune connue de la plèbe est de nature religieuse. En effet elle installe en 496 ( ?) sur le mont Aventin un culte qui lui est exclusif. Un temple est édifié pour une triade chtonienne de divinités de la Fécondité, Cérès qui préside à la crois- sance végétale, et le couple Liber-Libera protégeant les fonctions de reproduction. L'Aventin devient ainsi le centre de l'activité reli- gieuse et commerciale des plébéiens (il le sera d'ailleurs presque jusqu'à la fin de la République).

C'est en 494 ou 493 qu'a lieu la première sécession de la plèbe. D'après l'annalistique, les plébéiens de l'armée se retirent sur le mont Sacré (ou sur le mont Aventin) pour se séparer définitivement des patriciens et fonder leur propre ville. Pour les convaincre de renoncer à leur projet, le consul Ménénius Agrippa leur raconte la célèbre fable des « Membres et de l'Estomac », qui prouve qu'à l'intérieur d'un corps humain comme d'une cité aucun élément ne peut vivre indépendamment des autres. Les plébéiens reviennent donc sur leur décision et obtiennent la création des « tribuns de la plèbe », représentants et défenseurs des plébéiens qui pourront exprimer leur volonté en votant des « plébiscites ».

La réalité historique est là encore déformée. Les tribuns de la plèbe ont été créés plus tardivement que ne le veut la tradition, et ceci grâce à une initiative privée et révolutionnaire des plébéiens, non reconnue par les patriciens. Et le combat des plébéiens au V siè- cle consiste en fait à faire reconnaître officiellement par les patri- ciens le caractère légal des tribuns de la plèbe et des plébiscites (lois valables d'abord pour la plèbe seulement).

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Une des autres grandes innovations décisives du V siècle concerne le droit. Au début de la République, les lois sont secrètes et connues uniquement des pontifes * et des magistrats patriciens, d'où les récla- mations véhémentes des plébéiens demandant la publication du droit. C'est ainsi que sont organisées deux commissions successives de décemvirs patriciens qui exercent le pouvoir de 451 à 445 et publient un corpus juridique, la loi des Douze Tables, un des premiers textes rédigés en latin dont nous possédons encore des fragments. Cependant ces lois, qui sont présentées généralement comme une étape décisive pour l'égalité des droits entre patriciens et plé- béiens sont plus qu'ambiguës. À bien les examiner, elles corro- borent les prérogatives des patriciens dans la possession des terres, l'accès aux magistratures et leur droit exclusif au mariage.

C'est encore par une belle histoire romanesque que la mémoire collective explique la chute des décemvirs. Un d'entre eux, Appius Claudius, amoureux de Virginie, une adolescente plébéienne, pour assouvir sa passion la « revendique » comme étant en sa possession. Ce qui entraîne une nouvelle sécession de la plèbe sur l'Aventin, puis la démission des décemvirs, et enfin la reconnaissance officielle des tribuns de la plèbe dont les pouvoirs sont cependant limités.

Autre source de conflit, le droit de mariage. En 445, le tribun C. Canuleius réclame la possibilité de mariages « mixtes » entre familles patriciennes et plébéiennes. Les aristocrates protestent vio- lemment, dénonçant la souillure de faire ainsi participer les plé- béiens aux cultes traditionnels, apanage de chaque gens, et la conta- mination du sang de celle-ci. La loi Canuleia est cependant votée, ce qui est d'une importance capitale pour la suite de l'évolution de la République. En effet la riche élite plébéienne, en s'alliant par mariage aux grandes familles patriciennes, exige maintenant l'accès aux charges politiques de la cité.

L'ouverture des magistratures et plus particulièrement du consu- lat aux plébéiens ne se fait pas facilement. En effet les patriciens objectent qu'un plébéien ne peut être consul puisque cette charge implique le droit de prendre les auspices, une des prérogatives les plus sacrées des chefs des gentes. La seconde partie du V siècle est ainsi occupée par des péripéties assez obscures, qui traduisent cependant la complexité des problèmes posés par l'unification des deux « populations » de Rome.

À partir de 444, les consuls sont remplacés, d'abord par alter- nance, puis complètement (sans doute à partir de 426) par des tri- buns militaires à pouvoir consulaire, charge en théorie ouverte aux plébéiens, un moyen apparemment de contourner l'obstacle de la nomination d'un consul plébéien.

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Cette période se caractérise par une agitation extrême qui dure jusqu'aux premières décennies du IV siècle. Rome est déchirée par des conflits politiques, militaires et économiques, provoqués en par- ticulier par la question des dettes qui obèrent lourdement la plèbe. En 390, Rome est envahie et détruite par les Gaulois. Le vainqueur de ces derniers, Manlius Capitolinus, se pose en défenseur des plé- béiens endettés menacés d'esclavage, mais son intervention lui vaut d'être accusé par le sénat et d'être exécuté. Cette phase d'anarchie reste très confuse dans les sources historiques, mais cette violente crise est apparemment dénouée en 367 par le vote des « lois lici- niennes », présentées par deux tribuns de la plèbe, Licinius Stolo et Sextius Lateranus. Interprétées anachroniquement par les historiens ultérieurs, les trois lois liciniennes concernent probablement le règlement du problème des dettes, la mise en place d'un programme agraire, et surtout rétablissent le consulat qui devient désormais ouvert aux plébéiens. En 366, les Romains ont leur premier consul plébéien en la personne de Sextius Lateranus. De nouveaux magis- trats, les préteurs détenteurs d'une partie des fonctions judiciaires des consuls, et les deux édiles curules (d'origine patricienne), adjoints aux édiles plébéiens à l'origine gardiens du temple de la triade de l'Aventin, contribuent à spécialiser et à stabiliser les organes du gouvernement. Les plébéiens auront accès successive- ment à la dictature (356), à la censure (351), à la préture (337) et à l'édilité curule

Pendant cette période des V et IV siècles, à travers cahots et conflits, la cité progresse d'un pouvoir royal unique à un état répu- blicain bâti sur des charges partagées et de plus en plus spécialisées. Les plébéiens, par leurs luttes, par l'autorisation d'accéder aux droits politiques et civiques, sont intégrés dans la cité. Cependant seule une minorité bénéficie de cette ouverture politique. Les riches plé- béiens, en partageant les magistratures avec les patriciens et en s'alliant avec eux par des mariages légalisés, n'ont plus des intérêts différents de ceux des grandes familles aristocratiques. Alors que le clivage originel patriciens *-plébéiens * disparaît, une nouvelle fissure s'élargit entre ceux qui détiennent pouvoir et richesse (patriciens et plébéiens aisés) et le reste du peuple romain.

Le personnage le plus marquant de la fin de ces siècles détermi- nants de l'histoire de Rome est l'ambigu Appius Claudius, censeur de 312 à 308, grand réformateur pour les uns, habile démagogue pour les autres. Menant une politique de grands travaux (construc- tion du premier aqueduc de Rome et de la Via Appia reliant la cité au sud de l'Italie) destinée à répondre aux besoins d'une population toujours plus nombreuse, favorisant l'ouverture de la ville aux cou-

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Des dictionnaires ou des textes de synthèse sur des sujets larges qui prennent en compte tous les aspects de la recherche historique et offrent des possibilités de lecture multiple : commentaires de texte, glossaires, bibliographies, index.

l'Antiquité romaine des origines à la chute de l'Empire

Catherine Salles, maître de conférences à l'univer- sité de Paris-X-Nanterre, présente dans ce volume une synthèse du monde romain construite autour de plusieurs thèmes dont, notamment, l'organisa- tion politique et économique., le rôle de l'armée, la vie culturelle, religieuse et sociale... L'auteur brosse ainsi une histoire de Rome et du peuple romain, accessible aux étudiants et à tous les passionnés d'histoire, susceptible d'éclairer les modes de vie et de pensée actuels des pays occi- dentaux qui ont gardé vivante une grande partie de l'héritage romain.

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