L'anti-déclin ou Les mutations technologiques...

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L'ANTI-DÉCLIN

OU

LES MUTATIONS TECHNOLOGIQUES

MAÎTRISÉES

CHEZ LE MÊME ÉDITEUR

L'ANALYSE DE LA VALEUR Méthodes, mise en œuvre, applications Claude Jouineau

ANAL YSE DE LA VALEUR STIMULANT DES RESSOURCES HUMAINES Bernard Adam

LES CERCLES DE QUALITÉ FRANÇAIS Le manuel de mise en place Gilbert Raveleau avec la collaboration de Françoise Marinier

DÉCIDER FACE À LA COMPLEXITÉ Une approche multicritère d'aide à la décision Thomas L. Saaty

L'ENTREPRISE FACE AU CHANGEMENT Hubert Landier

L'ENTREPRISE POL YCELL ULAIRE Pour penser l'entreprise de demain Hubert Landier

LA MAÎTRISE DE LA QUALITÉ Techniques et méthodes. Tome 1 Christian Doucet

LE MARKETING INTÉGRÉ Clé de la compétitivité industrielle Camille Vert

MOBILISER L'INTELLIGENCE DE L'ENTREPRISE Cercles de qualité, cercles de pilotage Hervé Serieyx

MUTA TION DU MANAGEMENT Pour une dynamique du redéploiement Gérard Biolley et l'équipe du CRC

LA VOLONTÉ STRA TÉGIQUE DE L'ENTREPRISE Pour un management conquérant Jacques Giroire

Catalogue complet sur demande

Rober t LE DUFF

Professeur à l'Université de Caen

A n d r é MAÏSSEU Docteur ès Sciences

Docteur en Gestion des Entreprises

L'ANTI-DÉCLIN ou

LES MUTATIONS TECHNOLOGIQUES MAÎTRISÉES

Préface de Pierre CHAUNU, de l'Institut

ENTREPRISE MODERNE D'ÉDITION 17, rue Viète, 75017 PARIS

DES MÊMES AUTEURS

Chez le même éditeur

Le Management de l'Innovention

En préparation

© Éditions ESF, Paris 1988 ISBN 2-7101-0673-6

La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article, d'une part, que les «copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective», et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, «toute reproduc- tion intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droits ou ayants cause, est illicite» (alinéa 1 de l'article 40).

Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

Glossaire

Algorithme : Suite de raisonnements ou d'opérations qui four- nissent la solution de certains problèmes (Dictionnaire Larousse).

* Analogie : Similitude ou ressemblance reconnaissables de forme ou de fonction mais sans enchaînement logique ou équiva- lence.

* Analytique (modèle) : Modèle dans lequel les résultats opéra- tionnels sont prédits à partir de lois fondamentales ou de principes de base.

* Découverte : Élément d'information ou phénomène naturel inconnus auparavant (par opposition avec invention).

* Diffusion d'une nouvelle technologie : Processus évolutif de remplacement d'une technologie ancienne par une plus récente pour résoudre des problèmes similaires ou accomplir des objectifs simi- laires.

* Endogène (variable) : Variable dont l'évolution dynamique est impliquée, rendue compréhensible, probablement dérivable d'un modèle ou d'un paradigme, ou d'une discipline spécifique.

Entropie : Grandeur qui, en thermodynamique, permet d'évaluer la dégradation de l'énergie d'un système. Dans la théorie de l'infor- mation, nombre qui mesure l'incertitude de la nature d'un message donné à partir de celui qui le précède (Dictionnaire Larousse).

* Exogène (variable) : Variable dont l'allure n'est pas explicable en termes d'un modèle donné.

Hétérarchie : Organisation d'un ensemble dans lequel le classe- ment de chaque élément n'est pas fonction de son état de subordina- tion (par opposition à hiérarchie).

Heuristique (démarche) : Démarche explorative mettant en jeu un degré de compréhension plus grand que celui d'une simple extra- polation, se développant en une suite d'étapes dont l'enchaînement est infralogique, pour un objectif défini a posteriori (par opposition à normative).

Hiérarchie : Organisation d'un ensemble dans lequel chaque élé- ment est classé selon un rapport de subordination et d'importance respectives (Dictionnaire Larousse).

* D'après R.U. AYRES, Prévision technologique et planification à long terme, Éditions Hommes et techniques, Paris, 1972.

* Innovation : Introduction ou application d'une idée nouvelle ou d'une invention.

Innovention : Acte économique continu, intégrant à l'innovation sa genèse technique.

* Invention : Nouveau dispositif, mécanisme, procédé ou pro- duit conçu par l'esprit humain (par opposition à découverte).

Métatechnologie : Ensemble des technologies mises en oeuvre pour l'élaboration d'une famille de produits.

* Modèle : Construction intellectuelle amenant une relation avec la réalité et qui peut être discutée et analysée.

Normative (démarche) : Démarche déductive se fondant sur un enchaînement logique de règles ou de préceptes pour un objectif pré- déterminé (par opposition à heuristique).

* Ontologie : Point de vue selon lequel les procédés du change- ment technologique sont interprétés comme autogénérateurs ou intra- dirigés (par opposition avec téléologie).

Stochastique : Se dit d'un processus qui n'est soumis qu'au hasard (Dictionnaire Larousse).

Technologie clé : Technologie nécessaire à l'atteinte du niveau qualitatif ou du prix de revient de fabrication d'un produit tels que déterminés par l'entreprise et qui n'est détenue que par un nombre restreint d'entreprises.

Technologie-verrou : Technologie dont la maîtrise est indispen- sable à l'obtention d'un rapport qualité/prix compétitif et dont la détention par un tiers peut mettre en péril la pérennité même du pro- duit.

Paradigme : Ensemble structuré de concepts, de relations, de comportements et de règles.

* Téléologie : Point de vue selon lequel le changement technolo- gique serait interprété comme une réponse à des stimuli externes (besoins, demandes, buts, objectifs...), c'est-à-dire animé extérieure- ment (par opposition à ontologie).

* Transfert de technologie : Application de la technologie dans un domaine en dehors de celui pour lequel elle a été développée ou auquel elle a été d'abord appliquée.

Avertissement

Seul, aucun de nous deux n 'aurai t osé écrire ce livre. L 'un et

l 'autre, nous saurons comment partager les critiques. L 'un craignait

l'ésotérisme des technologies, l 'autre les méandres de l 'académisme...

Une foi commune nous anime : l ' inquiétude émerveillée du déve-

loppement du savoir qui se moque bien des disciplines, des chapelles,

des castes, qui est essentiellement œcuménique.

Ce livre veut en porter témoignage et mobiliser tous ceux qui

pensent qu'il suffit de savoir pour pouvoir.

Les auteurs

Préface

Les savants les plus incontestés et les managers les plus efficaces sont, par essence, gens raisonnables. Ils peuvent néanmoins être saisis parfois par un grain de folie. Il en faut pour conduire une entreprise dans la mer démontée par l 'explosion technologique la plus fabuleuse de toute l'histoire. Robert LE DUFF et André MAÏSSEU, l 'économiste et l'ingénieur, m 'on t compté au nombre des tout premiers lecteurs de «L'Anti-Déclin ou les Mutations Technologiques maîtrisées» qui devrait faire un malheur s'il y avait quelque justice dans la communi- cation et quelque désir de survivre dans «notre Royaume de Dane- mark». Ils ont pris le risque d'indisposer les lecteurs sérieux de ce livre savant en me demandant les quelques lignes d 'une préface bien inutile qui retardera, sans profit, votre plaisir.

Votre plaisir est celui que procure l'intelligence de ces deux regards croisés sur ce qui se passe au cœur du cœur, dans l 'entre- prise, noyau dur des sociétés industrielles, dans un court terme aux yeux de l 'historien que j 'hésite un peu à délimiter, le court terme du «mal dans notre peau» qui nous démange. Dois-je écrire: après 1968, après 1974 ou peut-être simplement après 1971? Si je cherche une date — l'historien ne peut renoncer aux repères, même s'il les sait arbitraires, dans le flux du temps qui s'écoule — je n 'a i que l 'em- barras du choix parce que rien ne commence vraiment et que rien ne s'achève totalement. 1964, point d'inflexion de la fécondité dans la quasi-totalité des pays industriels, 1968, le «vague à l ' âme» estudian- tin, la tétanisation de nos appareils éducatifs, la mise aux orties des dernières valeurs ascétiques, éliminées par les filtres médiatiques, à l'échelle de l 'ensemble industriel (la vague était partie des campus américains, elle porte la victoire communiste dans le Sud-Est asiati- que, indirectement donc le génocide cambodgien sous Pol Pot et l 'exode des Boat People); 1974, parce que c'est tout ensemble la fin de la croissance facile par duplication, le passage de l'ensemble du monde industriel en dessous des 2,1 enfants par femme, donc la plon- gée implacable en dessous du seuil minimal incontournable du simple remplacement de la vie par la vie, dans la succession désormais com- promise à l'échelle planétaire des générations. Ajoutez, pour marquer la fin des «Trente glorieuses», les cymbales du fameux rapport du M . I . T . et la cabale du Club de Rome: elles plaident en faveur de l'efficacité du détournement de sens médiatique proche du «damné

1. Massachusetts Institute of Technology.

mensonge» dans l'échelle de Richter du Mensonge proposé par Aldous HUXLEY.

J'hésitais hier encore entre 1964, 1968, 1973-1974; désormais, je sais où je placerai l'aiguille du manomètre, avec LE DUFF et MAÏS- SEU; je retiendrai 1971, séduit comme eux par le sourire ambigu du premier microprocesseur.

J 'a ime que l 'on se mette à deux pour faire un livre. C'est une expérience difficile, je l'ai éprouvée, mais gratifiante dans la mesure où la parole efficace est celle qui jaillit du dialogue, où il y a plus de cervelle dans deux crânes que sous un bonnet, et je vous assure qu'il y a beaucoup d ' information, d'intelligence, d'expérience, un gros grain de sagesse et un vrai talent dans ces deux têtes-là. Entre ces deux hommes (1930 et 1942), s'insère une demi-génération, l 'épaisseur d 'un cycle scolaire, Robert LE DUFF, le grand frère, a enseigné à André MAÏSSEU l'économie politique et la gestion, il lui a même fait passer une thèse en gestion. Puis l'élève a fait son che- min. Il a conduit ces nouvelles technologies chez Renault. Quand il diversifie Renault, ou quand il effectue ses travaux de recherche de chimie du solide dans le laboratoire où naîtront les supraconducteurs, amorce d 'une révolution technologique qui reste à naître, MAÏSSEU ne quitte l 'a tome que pour l'électron et demain le photon, il est tou- jours à la pointe de la supernova de cette troisième Révolution indus- trielle (au sens doublement étymologique), de bouleversement, d'explosion, et d'industrieux puisque cette révolution est celle de l 'entrée dans l'immatériel. Après avoir brassé les choses, arraché du sous-sol la matière de tant de terrils et de crachins, LE DUFF et MAÏSSEU vous conduisent au cœur même de la fulgurante promotion de l'esprit. La cosmologie du XIX siècle, celle qui a inspiré MARX, curieux compromis entre la vision d'Héraclite et celle de Parménide, ne voyait que la matière inusable, éternelle, sans commencement ni fin. De cette matière, Alexandre KOYRE disait joliment qu 'au début du XIX siècle, elle avait fini par se vêtir de tous les attributs ontolo- giques de Dieu, hormis la personne. Cette matière, par mariage avec HEGEL, devenue dialectique de MARX, est contemporaine des gros- ses machines aux énormes courroies baladeuses, suantes et soufflan- tes des filatures d'ENGELS dans le Lancashire, de la première révolu- tion industrielle.

Aujourd 'hui , nous ne voyons plus l'univers que comme informa- tion. Il arrive même qu 'au niveau de l'intelligence, le long de ce grand axe néguentropique de la vie qui fait un pied de nez à l'axe entropique du deuxième principe de la thermodynamique, il n 'y ait

plus guère que de l ' information de plus en plus dégagée, indépen- dante de tout support matériel.

Il existe entre les systèmes cosmologiques et le fonctionnement de nos sociétés de troublantes similitudes. La première révolution industrielle et la seconde — dans le prolongement des sociétés agrico- les et commerciales complexes contemporaines du désenclavement planétaire (des XV et XVI siècles), de l 'affermissement des États ter- ritoriaux qui furent des États de droit, et de la nature, depuis le début du X V I I que l 'on se plaît à découvrir de plus en plus écrite en langage «géométrique» — ont été des révolutions de croissance tangibles, matérielles, même si on n 'en a pas pris conscience immé- diatement, par duplication, donc évidentes.

A la lueur de ce qui a été somptueusement démontré par LE DUFF et MAÏSSEU, je comprends mieux désormais ce que j 'avais entrevu sans parvenir à me convaincre, partant à convaincre. Le gong de 1974 sonne encore à nos oreilles abasourdies, le gong de la fin des «Trente glorieuses». Nous nous étions habitués à manger du pain blanc et à cracher dans la soupe. Ceux que l 'on paie pour prévoir et qui voient rarement au-delà du bout de leur nez et de la conservation de leur voiture de fonction aiment à expliquer les choses qui leur échappent avec des mots. On a donc vu en 1974 ce qui ne portait pas à conséquence, le passage d 'un KONDRATIEFF de derrière les fagots, le KONDRATIEFF des «Trente glorieuses», à un KONDRATIEFF sévère de moindre croissance. Certains l 'ont célébré après l 'avoir appelé de leurs vœux. Il me semble que L'Anti-Déclin conduit aujourd 'hui à une autre lecture de cette histoire très et, sans doute, trop contempo- raine pour que nous puissions la lire froidement et impunément.

Peut-être l'avez-vous deviné, entre LE DUFF, MAÏSSEU et moi, existe une profonde complicité. Nous n'avons à tout prendre, chacun d'entre nous, que peu de choses à dire. Le choix n ' a jamais été qu'entre ceux qui ont peu à dire et ceux qui n 'on t rien à dire. La dif- férence vient de cela: ce peu, nous l 'exprimons différemment à tra- vers une culture qui est propre à chacun de nous.

Robert LE DUFF et André MAÏSSEU ont croisé leurs cultures

pour vous offrir cette analyse profonde, comme jamais FREUD n 'en a réussi sur son divan et moins encore ses disciples, une analyse de l'entreprise et de son rôle en cette époque d'explosion cachée, d'explosion discrète. Nous étions habitués à la grosse caisse, il faut depuis le milieu des années 1970 que notre oreille se fasse à la flûte.

Toute l'histoire est mutation et continuité. Dans la mesure où la

mémoire culturelle — chez l 'homme, elle se superpose à la mémoire simplement génétique de la vie — est un linéaire cumulatif, il est presque fatal que lorsque cette mémoire fixe et retient, tout explose dans une forme de croissance toujours perçue comme une folle crois- sance.

Le néolithique fut une fantastique explosion des hommes et des moyens. Par rapport à tout ce qui précède, plus encore les X I X siè- cles successifs jusqu 'au deuxième tiers du X X Et infiniment plus encore, même si elle ne se mesure pas avec le même décamètre d 'arpenteur, la mutation des intelligences artificielles qui est au cœur de L'Anti-Déclin. Ils disent prothèses, j 'avais risqué orthèses du cer- veau.

Si vous retenez la date de 1971, comme la réflexion de nos auteurs le suggère, l'émergence en un mot du premier microproces- seur, vous tenez dans votre trousseau une clé supplémentaire du changement de climat de 1974, l'entrée dans une période glaciaire. Finie la croissance facile, évidente, par simple duplication à la Her- mann KAHN, cette croissance que brocardaient sans grand mérite les petits prophètes de Rome et les têtes d ' œ u f bien peignées et pensantes du fameux rapport du M.I .T. qui porta sur les fonts baptismaux le trop fameux slogan Halte à la croissance, dans l 'ordre de l 'insane presque aussi glorieux que le vagissement (dans l 'Internationale) «du passé, faisons table rase». Oui, nous avons au moins, entre nous trois, cette commune détestation de la morale de la sieste, des bras cassés et de la peur de la migraine.

Je me garde bien de confondre le message et la transmission du message. Peut-être parce que je suis rompu à l'exégèse biblique, je n'oublie jamais la distance qui sépare la parole dite de la parole entendue. Je sais trop, depuis 1968, en outre, qu'il ne suffit pas de dire pour être écouté et je sais aussi le chemin entre le «ce que j 'ai di t» et ce que l 'on me fait dire. Ce que Boston et Rome disaient allait tellement de soi, le message était tellement tautologique, qu 'on aura pu douter que des personnalités aussi éminentes s'étaient réunies pour proférer de telles lapalissades. Que disaient en somme à travers leurs équations ces sages, ressuscités de la Grèce? Que la croissance par duplication ne serait plus longtemps facile ni possible, en un mot, qu 'on ne multiplierait pas à l'infini les puits de pétrole et le chrome des pare-chocs sur des Cadillac plus nombreuses, plus lourdes et plus encombrantes? Pour cela, certains penseront qu'il n 'y avait pas besoin de faire tourner nuit et jour pendant des mois des ordinateurs

du qu'un coup d'œil circulaire et deux onces trois quarts de bon sens suffisaient. Et comme le bon peuple sans malice ne pouvait prêter d'aussi triviales pensées à un aussi illustre aréopage, il en a déduit qu'on lui avait caché quelques vérités profondes, qu'il était urgent de ne rien faire, que la galette était enfin cuite à point, qu'il fallait veiller à ne plus admettre un seul convive supplémentaire autour de la table, que l'avenir était à Disneyland et dans les clubs de troisième âge. L'openness en morale, à la place de toutes les anciennes valeurs, la vieille notion de droit effacée devant celle de l'ouverture, l'exaltation de la lâcheté comme sommet du courage der- rière les banderoles des Peace corps, tout cela, sans parler des chiens en ville à la place des enfants et de la nature de parc de banlieue à tout crin de phraséologie écologique, constituait le background cultu- rel dont le Halte à la croissance n'est que la composante économique. Ce Halte à la croissance, en dépit de ses relents passéistes, était tout autant un non à la tradition, le retour en force de la rente au détri- ment du capital, du travail, de la décision d'entreprise et de la projec- tion dans l'avenir de l'investissement prioritaire en Recherche et Développement. En un mot, au moment où nous allions négocier le virage le plus dangereux d'une longue histoire, des chauffards cares- saient la pédale du frein, alors que, de toute évidence, il fallait écra- ser l'accélérateur.

Tout cela, m'objecterez-vous, vous l'avez déjà écrit en prose, laissant en plan vos chantiers d'historien, auxquels on vous a renvoyé fort sagement, dans une bonne douzaine d'essais qui n'eurent que le médiocre succès mérité. De L'Histoire à la prospective au Refus de la vie, du Futur sans avenir (Calmann-Lévy) à Histoire et imagina- tion (PUF) et quelques Peste Blanche (Gallimard) et autres. Allez- vous par vos mauvaises pensées, vouer à l'échec ce magnifique tra- vail? Plût au Ciel, il n'en sera rien. Car ce que je disais si mal en prose sans serrer la chaîne des raisonnements, LE DUFF et MAÏSSEU vous l'assènent avec tout l'appareil mathématique qui entraîne la conviction de la matière la plus irréfutable.

Ces hommes tranquilles sont des tueurs qui se livrent à un vérita- ble carnage d'idées reçues. Avec des ruses de Sioux, ils mobilisent les bons auteurs et ils les saisissent au saut du lit dans leurs moments de lucidité. Qui mettra en doute Wassili LEONTIEFF quand il réduit à néant la plus accablante des contre-vérités ? Le chômage ne vient pas de la mutation technologique; non du trop mais du pas assez, en un mot de l'incapacité à la réaliser assez vite. C'est pourquoi le Japon court en tête et de la mutation et du quasi plein emploi. Il faut être exceptionnellement fermé à toute intelligence de la réalité économi-

que , sociale et cul turel le , p o u r a f f i rmer , d a n s u n d i scours t r i s t ement

célèbre en 1982, c o m m e P ie r re MAUROY qui o c c u p a m ê m e , — qui s ' e n s o u v i e n d r a ? —, les fonc t ions de P r e m i e r min is t re dans no t r e

pays , q u e le c h ô m a g e étai t d û à ce que les F rança i s ava ien t fait t r o p d ' e n f a n t s au l e n d e m a i n de la guerre . P . MAUROY est, en fait ,

s y m b o l i q u e de la pensée socialiste de la «ga l e t t e au f o u r » . Il ne lui

a j a m a i s t r aversé l ' e sp r i t que la r ichesse étai t le f rui t d u t rava i l et de

l ' in te l l igence h u m a i n e . C ' é t a i e n t là des expér iences et des pensées qui

lui é ta ien t p r o f o n d é m e n t é t rangères . Si la r ichesse est u n e galet te , il

f a u t veiller à ce que la « p a r t du c h â t e a u » n ' e m p i è t e pas sur celle « d e s c h a u m i è r e s » ; il f au t s u r t o u t é l iminer le m a x i m u m d ' e n f a n t s à

na î t re . Le m a l t h u s i a n i s m e qui dé t ru i t les h o m m e s et les r ichesses n ' e s t

pas le m o n o p o l e exclusif , m ê m e s ' i ls y excellent , des penseurs socia-

listes. Ce n ' e s t p a s le t r o p d ' h o m m e s q u i crée le s o u s - e m p l o i m a i s le

t r o p p e u d ' h o m m e s intel l igents, ap t e s à créer, mul t ip l i e r e t ma î t r i se r

les nouve l l e s technologies . C o n t r e le c h ô m a g e , donc , n e p a r t e z p a s en

g u e r r e avec la han t i s e d u t rop , m a i s ayez la c la i re consc ience d u seu l

vér i tab le ennemi , le t r o p l e n t e m e n t et le t r o p p e u .

A q u o i b o n vous p r o p o s e r u n condensé des r a i s o n n e m e n t s j u m e -

lés, croisés et é tayés d u ges t ionna i r e et de l ' i n g é n i e u r ? Le p la idoyer

est p a r f a i t e m e n t encha îné , a u c u n e pièce ne m a n q u e , r ien en m o i n s et

r ien de t r o p . V o u s irez d o n c a u texte , il vous p r e n d r a à la gorge , vous

ne le qu i t t e rez plus et d ' u n seul t ra i t , c o m m e moi , vous serez

c o n v a i n c u , p a r c e que 2 et 2, m ê m e après t a n t d ' expér iences socialis-

tes, c o n t i n u e n t à fa i re g é n é r a l e m e n t 4, et q u e l ' év idence est l 'évi- dence .

L ' é v i d e n c e est que l ' é c o n o m i e est la s o m m e des ent repr ises de

t ou t e s tailles, q u e s m a l l est a l t e rna t i vemen t , ici et là su ivant l ' âge et

l ' e m b o î t e m e n t des mé ta t echno log ies , b e a u t i f u l o u i n a d é q u a t . E t

c o m m e tous les é léments d u m é t a s y s t è m e ne son t pas d u m ê m e âge,

il est d o n c c o n v e n a b l e que vous ayez des ent repr ises de t ou t e s tailles,

de t ous âges et de t ou t e s s t ruc tu res . L ' év idence , c 'es t aussi que si

l ' en t r ep r i se de la b a n d e des h o m i n e s hab i les chas san t ensemble dans

la g r a n d e savane es t -a f r ica ine o u la f a b r i q u e d 'ENGELS ou la cha îne

tay lor i sée des « T » no i res d ' H e n r y FORD, f a b r i q u a i t p r e sque exclusi-

v e m e n t u n p r o d u i t , de la gazelle p rê t e à être m a n g é e à la F o r d t o u t t e r r a in d u fe rmie r du M i d d l e West, la m ê m e ent repr i se a depuis vingt

ans l ' ob l i ga t i on , de plus en p lus p r io r i t a i r e et q u a s i m e n t ma jo r i t a i r e ,

d ' a j o u t e r un savoi r .

L ' h i s t o r i e n , b ien sûr , ne peu t l ' i gnore r . T o u t e l 'h i s to i re , et pas

seu lemen t depu i s la cybe rné t ique app l iquée et les mic roprocesseurs ,

est portée, dans la plus longue durée, sur l'axe du temps par l ' inno- vation, mais l ' innovation longtemps a cheminé lentement comme un mince filet sous la roche.

Seulement voilà, l ' innovation depuis les deux révolutions qui longtemps ont compté dans l'histoire, celle du néolithique, il y a dix mille ans, et celle que l 'on dit industrielle, il y a un siècle et demi, avait soulevé des masses et des tas, ajoutez des milliards de tonnes aux millions de tonnes et aux centaines de setiers, jarres, fanègues, tonnels et quintaux de cent livres puis de cent kilos. A tel point que les étourdis de Rome se sont émus. Ces milliards de tonnes allaient nous ensevelir, comme ils allaient empoisonner la mer, et irradier nos descendants. Nous n'avions plus qu 'à ranger nos silex, ces dangereu- ses machines à faire du feu, dans un coin d 'une bonne grotte suin- tante, sur la mousse humide, pour nos ébats stériles.

Ils n'avaient pas vu, ces petits prophètes, aussi bien que LE DUFF et MAÏSSEU, que la révolution actuelle ne se mesurait plus en millions de tonnes de plans quinquennaux, comme l'acier p o u r la rouille des statistiques soviétiques. De la machine de Watt (allez la voir à Londres au Musée des machines, elle occupe une grande pièce et produit le travail d 'un moteur de 2 CV Citroën) à la pièce électro- nique, le support matériel se volatilise; au pire, il tiendra dans votre poche. Personne n ' a savamment tiré les conséquences de ces éviden- ces troublantes et pour l'essentiel encore mal perçues comme les auteurs de L'Anti-Déclin. La demande de ce nouveau système est claire. Claire, mais est-ce si simple ?

Vous avez fait venir par cargaisons, recouverts de bonnes inten- tions, des O.S. des Tiers-Mondes. TAYLOR et FORD qui les faisaient venir de la ferme ou des latifundia de Sicile les formaient en vingt- quatre heures. Remplacez ces robots de muscles, de fatigues, de rage rentrée et d 'ennui par des ingénieurs que vous formerez en vingt- vingt-cinq ans, recyclez jusqu 'à une retraite — comme on le fait par- tout, en Suède, aux États-Unis sauf en Utopie rétroaliénante — que tout l 'intérêt de l'individu et de la collectivité vous conseille de retar-

der. A la place d 'un O.S., deux ingénieurs dont la vie entière sera faite d'études et d'ajustements aux exigences d 'une technologie qui ne peut pas, par nature, atteindre un point d'équilibre. La recette découle de la longue série d 'équations: elle dit déréglementer, allon- ger le temps de travail, retarder l 'âge de la retraite. Le travail de tous dépend de la création du petit nombre. Vous n'avez que faire des babacools et des cours de rattrapage pour attardés, il vous faut casser la tirelire pour les écoles de formation, de protection et d'épanouisse-

ment des surdoués, qui sont le charbon de la Troisième Révolution. Tout donc dans la Recherche et le Développement. C'est autour de la Recherche-Développement que vous êtes en train de centrer l'entre- prise. C'est en fonction de cette exigence que vous construirez une politique industrielle.

Vous voyez bien que nos amis ont commis une erreur en me confiant le soin de les introduire. Je fais fuir les gens sérieux sans nécessairement attirer le chaland. Ce que ces savants ont démontré, ce qu'ils ont calculé avec précision, je le délaye dans la langue de tous les jours et dans celle toujours hésitante de l'histoire.

La science économique est née avant-hier, à la fin du XVIII à l'époque du progrès, mais avant la croissance, avant que la crois- sance ne soit vraiment évidente à tous et à chacun. C'est pourquoi elle a toujours été hantée jusque dans nos concours d'agrégation d'économie politique par le mythe grec de l'équilibre. Née au centre, elle est mythifiée à gauche par MARX. MARX qui marie curieusement RICARDO et HEGEL dans une noce qui, comme celle de l'âne et de la jument, ne produit que des chimères. MARX qui ne retient du tra- vail créateur, — et qui a condamné post mortem ses nombreux enfants à le suivre — que la force qui déplace les poids, très exacte- ment ce que la mutation technologique de son temps et mille fois plus celle de nos jours éliminent. Il n'est pas étonnant que la science éco- nomique classique, celle de la main droite ou celle de la main gauche, ait eu tant de mal à traduire un mode de production qui se confond de plus en plus avec la création de l'immatériel et l'acheminement vers un futur, non prévisible ou très incomplètement, et pour le meil- leur, imprévisible.

La Troisième Révolution technologique des logiciels, des cellules domestiquées pour un engineering biologique (un métanéolithique donc), la troisième révolution, la vraie, requiert encore plus d'efforts, plus d'abstraction, plus de risque. L'économie des poids et haltères s'essouffle. P. MAUROY la pleurait. Après tout, la nostalgie est son droit, et notre droit. L'économie de l'intelligence et de la volonté s'imposera là où elle trouvera un bon gisement éducationnel dans un monde où l'usine se distingue de moins en moins du laboratoire.

Robert LE DUFF et André MAÏSSEU, vous le verrez, sont des optimistes; l'espèce se perd, profitez-en. Ou, ce qui revient au même, dans la qualité supérieure, des pessimistes actifs. Pessimiste, brico- leur, actif, c'est l'appellation que j'aimerais retenir pour moi. Avis à ceux qui voudront me faire plaisir sur ma tombe.

Je ne vous cacherai pas toutefois mon angoisse afin d'être mieux à même de l'exorciser. Certes, nos compagnons de L'Anti-Déclin ont raison, ils ont même mille fois raison et c'est pourquoi je suis mille fois inquiet de l'avenir qui se dessine.

Ce n'est pas au Zaïre ni en Bolivie, pas même au centre de l'Inde ou dans la partie de la Chine non effleurée par le bouleversement démographique follement provoqué par des fous à Pékin, que se ren- contrent innovateurs et managers. Ils viennent tous des couches les plus éduquées des pays les plus développés.

Vous aviez craint hier de manquer de pétrole, d'air et d'eau. Vous aviez tort de craindre ce qui n'était pas à craindre. Ce n'est pas le pétrole, le charbon, l'uranium, pas même l'air et l'eau qui man- quent mais, avant peu, la couche mutante des innovateurs potentiels. Elle est doublement rongée: elle risque de fondre comme neige au soleil et morceau de sucre dans la tasse par l'effondrement de la fécondité des capables très en dessous du seuil de la survie, et, plus subtilement, par la désagrégation de la prime éducation, celle qui vient de l'école et surtout des familles, qui est elle-même la consé- quence imparable de la non-transmission, adaptation, reprogramma- tion des valeurs ascétiques et cérébralisantes du sacrifice de l'instant au profit de l'avenir, d'un avenir qui ne peut être sereinement, massi- vement et socialement envisagé sans une possibilité de dépassement d'un temps, en un mot, sans la transmission de ces valeurs pagano- judéo-chrétiennes, réinterprétées suivant les modalités des Lumières, suivant l'éthique wébérienne, ou suivant tout autre mode que vous voudrez totalement et très rapidement inventer.

En 1902, Gustave LEBON, dans sa Psychologie de l'éducation qui eut de 1902 à 1914 en France et en Europe un franc succès dénon- çait la médiocrité de notre système d'éducation. Mais son diagnostic était corrigé par deux implicites ; la défaillance du secondaire français laissait intacte la merveilleuse école primaire de Jules FERRY et ses collègues des pays voisins.

La France de Gustave LEBON n'était que le membre souffreteux de la famille européenne, alors débordante de vie et de vouloir. Le moment venu, elle trouvait en elle, à quel prix (!), le moyen de faire face. Le cri d'alarme de ce génie solitaire était simple requête d'ali- gnement sur un meilleur à notre portée. A la limite, nous pouvions prendre le bateau au Havre, apprendre l'anglais et réclamer les cent soixante acres disponibles du Homested Act.

Désormais, il n 'y a plus d'ailleurs. Nous ne pouvons plus recu- ler. Il ne sert à rien de gagner le port, les vaisseaux qui flottent encore sont calcinés, l 'entrée d 'un éventuel repli dans les cavernes de nos proches ancêtres est mieux murée que, par les parpaings, le por- tail de l'église Saint-Louis à Port-Marly. Vous ne le ferez pas sauter d 'un coup d'épaule. Il faut forcer l'allure pour doubler le cap des tempêtes. Avez-vous mesuré la révolution requise dans l 'ordre de l'éducation ?

Vous avez eu une école qui a appris à ne pas apprendre ou désappris d 'apprendre. La révolution requise n'est pas celle de la quantité mais de la qualité.

En un mot, comme il n'existe nulle part dans un continent oublié, sur la Troisième Planète du système solaire, de gisements de valeurs de substitution, la révolution à laquelle ce grand livre implici- tement vous convie est une révolution en ressourcement, une révolu- tion en remontée des racines, une révolution, risquerai-je le mot, réactionnaire.

Du passé, vous ne ferez pas table rase. L'éthique est la seule chose qu'aucune statistique des comportements, qu 'aucun rapport KINSEY ne vous enseignera. C'est par un pèlerinage aux sources pérennes que passe le chemin de l'avenir qui, pourvu que nous sachions saisir au vol la chance des nouvelles techniques, est le che- min de la liberté.

Pierre CHAUNU de l'Institut

Introduction

« L a technique n'est qu 'un instrument et l 'homme ne sait pas toujours s 'en servir. »

F. BRAUDEL

Un certain désarroi a marqué la société depuis le milieu des années mille neuf cent soixante-dix. Ce désarroi est à la fois celui de

la réflexion économique et celui des décisions, aussi bien des hommes politiques en charge de affaires des États que des entrepreneurs. Il y avait crise. Elle existait et sa durée paraissait bien incertaine. Elle frappait la société alors que l 'on croyait connaître les conditions nécessaires à un équilibre général, que l 'on croyait posséder les moyens et recettes nécessaires pour atteindre cet équilibre, que l 'on croyait définitivement acquise cette démonstration générale de stabi- lité de nos économies. Habitués à dissocier deux situations classiques qui semblaient des scénarios obligatoires: ou bien un certain chô- mage qui permettait une certaine stabilité des prix ou bien un certain taux de croissance qui risquait de provoquer une certaine inflation, les décideurs connurent un grand désappointement lorsqu'il leur fallut expliquer et essayer de vaincre inflation et chômage. Ils vont devoir de nouveau forger de nouveaux outils pour expliquer et essayer de vaincre décélération de l ' inflation et augmentation du chômage.

Parmi les causes du chômage, l 'une des plus anciennes reste vivace: la machine qui remplace l 'homme, les innovations capital intensif et labour saving. Face aux mutations technologiques qui n 'appartiennent même plus à la prospective mais à l 'avenir immédiat, comment se présente ce problème du chômage ?

1 - M u t a t i o n s t e c h n o l o g i q u e s e t c h ô m a g e

D e s exper ts a u x avis p a r t a g é s

Pour certains experts, l ' introduction de la robotique et de l ' informatique va entraîner inéluctablement des diminutions d 'em-

plois dans les industries traditionnelles, sans compensation suffisante par des créations d'emplois dans les secteurs portés par les nouvelles technologies.

Ces diminutions nettes d'emplois pourraient dépasser, au dire de ces experts, deux à trois millions de postes pour l'Europe occidentale.

Par contre, d'autres experts, tout aussi compétents, prévoient au contraire un solde net de créations d'emplois très important, dépas- sant le million pour les États-Unis (John W. KENDRICK). Pour démontrer que le progrès technique n'est pas synonyme de chômage, ils prennent comme référence le taux de chômage au Japon, pays le plus avancé dans l'introduction de ces nouvelles technologies: 2,6% de la population active, taux le plus bas de tous les pays industriali- sés, Suisse exceptée, contre 7,1% aux États-Unis, 13,4% en Grande- Bretagne, 10,4% en France, 7,8% en Allemagne (Temps Forts, n° 33, avril 1985).

A côté des exemples de créations d'emplois par les nouvelles industries, les exemples de réduction importante d'effectifs liés, par exemple, à l'introduction des robots ne manquent pas: vingt-cinq personnes peuvent ainsi en remplacer cent vingt-cinq sur une chaîne de soudure dans l'industrie automobile; onze personnes en rempla- cent deux cent quarante dans une ligne de fabrication de postes de télévision, tout en augmentant la qualité des produits finals et en diminuant le taux de rebut. Dans les services, où il devrait y avoir création d'emplois si l'on en croit certaines prévisions, des réductions d'emplois ont au contraire lieu: dans tel département de dactylogra- phie devenu unité de traitement de texte, le nombre d'employés est passé de quarante-quatre à vingt-deux, avec cependant une réduction du turn over qui se trouve être passé pendant cette même période de 30% à 0%. A l'accroissement de la qualité des services, à la réduc- tion des effectifs, correspond une amélioration de la qualité de la vie !

Des exemples inverses des conséquences indirectes sur l'emploi ne manquent pas. Ainsi l'introduction du microprocesseur dans les procédés de fabrication traditionnels, en entraînant une réduction des coûts par suppression d'une partie de la main-d'œuvre, a permis le rapatriement d'industries traditionnelles (textile, cuir et peau, etc.) des pays en voie de développement vers nos pays anciennement industrialisés. L'avantage des premiers sur les seconds en termes de coûts salariaux plus attractifs s'estompe et peut même s'inverser grâce à l'introduction de la robotique dans les chaînes de fabrication. La productivité de l'intensité marginale du capital liée aux investisse-

ments d 'automation est plus forte que la productivité marginale d 'une main-d'œuvre peu qualifiée. On estime, globalement, que l ' introduction d 'un robot est économiquement avantageuse, lorsque

son prix n'excède pas trois fois le total des salaires annuels des postes concernés.

L'International Metalworkers Federation a effectué une série de

travaux quant aux retombées de l ' introduction de la microélectroni- que sur l'emploi. La structure de l 'emploi en Allemagne a ainsi été examinée en détail. Les conclusions de ce travail ne mettent pas en évidence de changement vraiment appréciable dans le volume total de l'emploi. En revanche, la structure des emplois est profondément modifiée.

Cette évolution répond aux raisons majeures suivantes:

— réduire les coûts par réduction de la main-d 'œuvre nécessaire;

— pallier les limitations de l 'accroissement des volumes de pro- duction venant d 'une main-d 'œuvre plus soucieuse de réduction d'horaire que de productivité;

— pallier les limitations d 'une qualification inappropriée de la main-d 'œuvre;

— augmenter la qualité des produits, diminuer le taux de rebut;

— exécution des travaux qui présentent des conditions de pénibi- lité importante ou dans des environnements interdisant toute inter- vention humaine.

L ' a n a l y s e de LEONTIEFF

W. LEONTIEFF, dans des travaux dont il a publié récemment les premiers résultats, conclut, provisoirement, d 'une façon analogue. W. LEONTIEFF part de la composition, de la structure et de la nature

de l'emploi aux États-Unis depuis 1963 jusqu 'en 1978, puis effectue une projection jusqu'en 1990 et 2000, suivant quatre scénarios, en utilisant la méthode matricielle d'analyse des flux d 'entrée/sort ie dont il est le père. Il mesure l ' impact de l 'automation sur l 'emploi en analysant quatre-vingt-neuf secteurs productifs et en focalisant son

analyse sur quatre grands domaines de l'activité économique: pro- ductique, bureautique, enseignement et santé (plus un: la distribu- tion).

Le premier scénario, SI, correspond à la simple projection sur la période 1980-1990-2000 de la période 1963-1978. Les scénarios S2 et S3 partent des mêmes bases, tout en introduisant comme hypo- thèse supplémentaire une intégration et une adoption plus rapide des possibilités technologiques disponibles essentiellement en informati- que et automatisme (robot, machine outil à commande numérique, etc.). Le scénario S3 se distingue du scénario S2 par l 'adoption totale des produits d 'un progrès technique évoluant alors plus rapidement. Il est ainsi prévu dans S3 qu ' à partir de 1985, la production de machines à écrire électriques conventionnelles est arrêtée au profit des machines à traitement de texte.

Le scénario S4 se distingue de S3 par une hypothèse plus faible concernant la demande finale, celle-ci étant identique dans les trois premiers scénarios.

Pour ce qui se rapporte à l 'emploi, les premiers résultats de LEONTIEFF sont les suivants quant aux effets d 'une utilisation accrue de l ' informatique et de l 'automation. Dans le cas du maintien du taux d'équipement à son niveau actuel, les effectifs productifs néces- saires passeraient de 89,2 millions en 1978 à 135,5 millions d'emplois en 1990, et à 176,8 millions en 2000. En utilisant le potentiel techno- logique à son maximum, et en modifiant le taux d'équipement en conséquence, l 'évolution des effectifs productifs nécessaires serait la suivante: 89,2 millions en 1978, 124,1 millions en 1990 (soit un écart de moins 11 millions avec SI), puis finalement 154,6 millions d'emplois en 2000 (écart de moins 20 millions avec SI).

L'écart du taux de croissance annuel moyen de la main-d'œuvre nécessaire liée à une utilisation accrue de l ' informatique sous tous ses aspects, serait donc de 0,6% entre 1980 et 2000 (3,2% contre 2,6%).

Les effets escomptés sur la répartition et la composition par catégories socio-professionnelles correspondent à ce qui a été prévu, décrit et constaté largement par ailleurs. On assisterait à une diminu- tion de la main-d 'œuvre peu qualifiée, au profit d 'une main-d'œuvre de plus en plus qualifiée, avec cependant une particularité: les emplois administratifs seraient les plus touchés.

En revanche, les effets d 'une introduction massive de l ' informa- tique dans la production influeraient peu sur la variation relative de la masse de main-d 'œuvre totale nécessaire, l'accroissement de la main-d 'œuvre liée à un production accrue des biens d'équipement entraînant des effets compensateurs suffisants. Pour une demande finale identique, ce qui est retenue comme hypothèse de départ pour

les trois premiers scénarios, une demande et une production accrues de biens d'investissements suivant les scénarios 1, 2 et 3 permettraient par effets compensatoires de maintenir le niveau de l'emploi à des niveaux comparables.

L'évolution prévisible entre 1978 et 2000 de l'investissement brut est bien différent suivant que l'on décrit l'un ou l'autre des trois scé- narios. Entre 1980 et 1990, l'investissement brut passerait de 2 milliards de US dollars à 3,5 milliards (SI) ou 4,1 milliards (S3). En l'an 2000, l'investissement brut cumulé par décade atteindrait 4,1 milliards de US dollars contre 6,2 milliards de US dollars (S3), chiffres à dollar constant (1978). Le scénario S3 correspondrait donc à un total cumulé par décade d'investissements bruts supérieur de 50% en l'an 2000 de celui du scénario SI. Dans le cas de S3, 20% de ces investissements bruts seraient affectés à des ordinateurs, contre 2% dans le cas du scénario SI.

L'écart du taux de croissance annuel moyen entre l'année 1980 et l'année 2000 des investissements bruts des deux scénarios SI et S3 serait de 1,4% (2,0% contre 3,4%).

En l'an 1990, le taux de chômage ajusté aux différentes hypothè- ses retenues pour le niveau de la population totale serait de 4% dans le cas de S3. Mais en l'an 2000, l'offre d'emplois serait supérieure au total de main-d'œuvre disponible (cas de S3).

Dans un quatrième scénario S4, LEONTIEFF évalue les consé- quences d'une demande finale plus faible. L'écart entre S3 et S4 ne devient sensible qu'à partir de l'an 1990. Pour S4, la demande de main-d'œuvre productive ne serait que de 128 millions d'emplois (contre 156 millions pour S3).

LEONTIEFF conclut en estimant qu'il n'est pas possible dans l'état actuel de ces travaux de porter une appréciation finale sur les effets du progrès technique sur l'emploi. Il lui paraît nécessaire de devoir tenir compte également des autres grandes mutations technolo- giques qui marquent notre époque (matériaux nouveaux, agriculture, etc.), ainsi que de toute nouvelle rupture technologique radicale telles la reconnaissance de la parole, la vision artificielle à trois dimensions, etc., dont on peut être assuré qu'elles se produiront d'ici l'an 2000.

Pour LEONTIEFF, il est ainsi fort probable que le chômage sera beaucoup plus frictionnel que structurel, la cause principale étant l'inadéquation entre le niveau de compétence requis et le niveau de compétence possédé par le demandeur d'emploi. Une des réponses au

problème du chômage passerait alors par un effort accru et adapté d'enseignement et de formation.

Une étude récente du BIPE arrive à des conclusions quelque peu similaires, conclusions qualifiées d'optimistes par le Journal Les Échos. L'introduction des nouvelles technologies dans l'entreprise ne serait pas toujours synonyme de suppression d'emplois.

«L'enquête du BIPE a été réalisée auprès d'un échantillon de 353 établissements de tailles diverses. Environ 94% d'entre eux utili- saient l'informatique, et plus de 30% la bureautique. Si 57% des entreprises affirment avoir vu leurs effectifs régresser depuis 1980, c'est, note le BIPE, le contexte économique maussade qui l'explique d'abord. De fait, malgré celà, 60% des entreprises ont embauché des cadres sur des postes de travail directement liés au développement de la productique. L'automatisation de l'atelier a donc globalement bénéficié à l'emploi des cadres.»

«A cet effet quantitatif s'ajoutent des transformations qualitati- ves. Le rapport note que plus des deux tiers des entreprises ont été amenées à réorganiser les tâches de différents services du fait de la mise en œuvre des nouvelles technologies. Dans la plupart des cas, on observe soit une réorganisation complète des ateliers, soit la créa- tion de nouvelles fonctions liées à l'organisation industrielle, la ges- tion de la qualité et la gestion de production. » (Les Échos 13-08-1986).

Des travaux de Babbage à l'analyse de Sauvy

Avant ces travaux, seul BABBAGE, en plein XIX siècle, le pré- curseur de l'informatique, avait effectué la première recherche quan- tifiée sur l'effet de l'introduction des nouvelles technologies dans l'industrie textile (examen de l'évolution de 65 filatures anglaises entre 1822 et 1832). BABBAGE met en évidence que, si le nombre des artisans tisserands s'est réduit des deux tiers, parallèlement, le nom- bre des ouvriers tisserands a été multiplié par cinq, le taux de produc- tion ayant quadruplé. Les offres d'emplois totales ont augmenté de 20%. BABBAGE note cependant que les salariés qui ont perdu leur travail ne sont pas les mêmes que ceux qui en ont obtenu un, leur niveau de compétence n'étant pas adapté à ces nouvelles tâches.

Partant d'appréciations vagues et faites avant tout d'apriorismes pour beaucoup, mutations technologiques, inventions, innovations sont synonymes de pertes d'emplois, de chômage, de mise à la retraite anticipée. Le progrès technique est vécu, par une grande par- tie de la population active, comme étant un mal nécessaire, à l 'ori- gine de réductions d'emplois drastiques: vécu plus vif aujourd 'hui que lors de la première révolution industrielle.

Combien de fois les hommes n'ont-ils pas brisé des machines qu'ils accusaient vouloir leur voler leurs emplois et dans lesquelles jadis on vit le diable!

Pour ajouter à cette confusion, maints experts avancent des chif- fres contradictoires. Quand l 'un parlera de création d'emplois, l 'autre démontrera qu'il faut s 'attendre, pour la France, à un chô- mage encore accru.

«L 'opinion publique manifeste aujourd 'hui à nouveau ses crain- tes de voir le changement technique et, en particulier, le progrès de l 'automation et des technologies de l ' information, la fameuse révolu- tion microélectronique, provoquer un chômage structurel accru» (OCDE — La microélectronique, la robotique et l'emploi, Paris, 1982).

De telles attitudes ne sont pas nouvelles. A. SAUVY relate dans son ouvrage La machine et le c h ô m a g e que pour justifier son refus d 'une nouvelle machine qu 'un ingénieur lui présentait, l 'empereur Dioclétien déclarait: «Laisse-moi nourrir le petit peuple.».

D e u x g r a n d s c o u r a n t s d ' a n a l y s e f o n d a m e n t a l e m e n t o p p o s é s

Deux grandes écoles de pensée se sont ainsi toujours affrontées. Les uns, pessimistes, pour lesquels le progrès technique, c'est-à-dire l 'exploitation accrue des connaissances disponibles, entraînerait des vagues de chômage. Les autres, optimistes, pour lesquels cette utilisa- tion accrue provoquerait toujours à terme une augmentation des revenus disponibles et des créations d'emplois. Au sein d 'une même tendance, pessimiste ou optimiste, les uns et les autres appartenaient et appartiennent à des écoles de pensée parfois en opposition totale.

1. Bordas, Paris 1980.

Pour MARX, et pour un très grand nombre d'économistes appartenant à des familles diverses mais se rejoignant dans une vision pessimiste, le progrès technique entraîne une utilisation accrue de capital. Seule, une croissance vigoureuse permettrait d'éviter un accroissement du chômage, ce qui n'enlève rien au «biais» du pro- grès technique en faveur du capital.

Le changement technique est alors défini comme une modifica- tion plus ou moins profonde des combinaisons productives liant le facteur travail au facteur capital. Cette modification s'effectue, pour ces économistes, en faveur d'une économie de main-d'œuvre.

Pour répondre à ces théories attribuant au progrès technique ce rôle de dévoreur d'emplois, une autre école (HARROD, HICKS,...), dite optimiste, a tenté de démontrer le caractère créateur d'emplois du progrès technique, en distinguant les innovations économisant le travail (labour saving), les innovations économisant le capital (capital saving) et les innovations neutres.

Quelles que soient les définitions retenues, et rejoignant ainsi les théories énoncées par J.-B. SAY, on peut cependant toujours mon- trer qu'une innovation «labour saving» c'est-à-dire créatrice du chô- mage au premier degré, peut avoir pour retombées une hausse impor- tante et concomitante de l'offre et de la demande et, par suite, un emploi accru, suivant les valeurs comparées des élasticités respectives demande/prix des différents biens concernés.

S'il y a de bons arguments pour affirmer que le progrès techni- que est plutôt «labour saving», il y en a tout autant quant à l'affir- mation inverse. L'examen de l'évolution du coefficient de capital, qui tendrait à aller dans le sens de la seconde thèse, est à faire avec pré- caution, tant les estimations qui en ont été faites sont divergentes (DOMAR, GOLDSMITH, KUZNETS,...). La montée de l'industrie des services rend de plus en plus difficiles ces appréciations.

Hormis sans doute les récents travaux de LEONTIEFF et ceux de l'OCDE, on ne peut malheureusement que constater une certaine lacune quant à la mesure de ces phénomènes. De plus, les indicateurs utilisés ne sont pas pleinement satisfaisants.

Dans la plupart des analyses économiques traitant du progrès technique, celui-ci a été réduit à une dimension unique : celle permet- tant l'amélioration ou l'introduction d'un processus de fabrication ayant pour objet principal l'accroissement du profit de l'entrepre- neur, par abaissement des coûts. Cet objectif serait atteint, le plus souvent, par investissement, c'est-à-dire par un accroissement de la

part du capital dans la combinaison productive. Il y a alors économie de main-d'œuvre. Les innovations de type social, relatives par exem- ple à la ré-organisation des méthodes de production (taylorisme, for- disme) ne se traduiraient, elles aussi, que par une économie de main- d'œuvre, dans des conditions de travail aliénantes.

Il n'est pas surprenant que, dans de tels schémas, le progrès technique ait été essentiellement perçu comme «dévoreur d'emplois».

Les analyses attribuant au progrès technique un effet positif sur l'emploi ne le font que par le détour de la croissance économique. Les accroissements de productivité attribués au progrès technique auraient un effet largement positif sur la croissance économique et stimuleraient la demande.

L'augmentation de celle-ci serait telle que l'accroissement margi- nal de productivité lié au progrès technique ne serait pas suffisant pour la satisfaire. Seule, une augmentation de la force de travail directe permettrait alors d'y répondre. La première question à laquelle il y aurait alors lieu de répondre serait: le volume d'emplois ainsi générés par ces effets induits est-il ou non supérieur au volume des emplois supprimés?

Des approches classiques aux approches marxistes

Une approche moins réductrice de ce problème important a été effectuée au cours des années passées, sans, semble-t-il, que les mes- sages ainsi lancés aient été entendus correctement par, notamment, une partie du monde politique.

J.-F. MELON fut sans doute l'un des premiers économistes à envisager ce problème avec une vue moins réductrice. Il perçoit, par exemple, déjà correctement le caractère entropique, c'est-à-dire auto- cumulatif de l'exploitation du savoir: «Le progrès de l'industrie n'a point de bornes; il est à présumer qu'il augmentera toujours et que, toujours, il se présentera des besoins nouveaux sur lesquels une industrie nouvelle pourra s'exercer. »

Mais c'est à J.-B. SAY que revient le mérite de poser correcte- ment le vrai problème : « Le dernier mot de la machine est de rendre l'homme le plus riche possible avec le moins de travail.»

Deux problèmes, ainsi que le démontre magistralement A. SAUVY, ont ainsi été trop systématiquement traités de concert. Celui de l'accroissement des richesses et celui de leur répartition. Il est indéniable que la machine, le progrès technique, la connaissance, ont permis d'accroître considérablement le niveau des richesses dispo- nibles, d'abaisser le niveau de rareté de certains biens. Leurs réparti- tions correspondent à un problème complètement différent. La pro- duction des surplus créés ne doit pas être confondue avec leur répartition. Le premier problème est un problème économique. Le second problème est politique. Mais, en aucun cas, il ne faudrait ren- dre responsable d'une «mauvaise» répartition des surplus de produc- tivité l'acte ou l'agent générant cette productivité. C'est faire alors un procès, tout aussi inutile qu'à terme préjudiciable aux véritables objectifs que sont créer des emplois et accroître la richesse disponi- ble. C'est à la limite agir d'une façon anti-économique, la suppres- sion ou la limitation des degrés de liberté de l'entité créatrice des sur- plus allant à l'encontre du but recherché. Réussir à maintenir la situation présente ne correspond jamais à une stagnation, mais à une régression. En supprimant les surplus, il est bien évident qu'il n'est plus nécessaire de se préoccuper de leur répartition!

J.-B. SAY analyse également les effets d'une introduction trop brutale du progrès technique et décrit implicitement les effets poten- tiels d'une inadaptabilité potentielle du système social d'accueil. En reprenant l'analyse que Stuart MILL fait de la loi de SAY, on peut ainsi percevoir les effets d'une mécanisation trop lente ou trop rapide sur l'égalité existant entre dépense et production. Dans un cas, il y aura une surproduction des biens de consommation, aggravée par la non-réembauche immédiate des travailleurs libérés par une insuffi- sance des biens d'équipement additionnels. Dans l'autre cas, il y aura une augmentation trop importante des prix, entraînant ensuite un déclin des ventes.

J.-B. SAY souligne donc la nécessité d'une exploitation du savoir permettant la reconstitution du capital à la même cadence. MALTHUS, lorsqu'il affirme qu'une mécanisation trop brutale, en augmentant considérablement la production nationale brute, entraîne des déséquilibres profonds, tout comme RICARDO lorsqu'il affirme que la mise en service de nouvelles machines « diminue la quantité de production brute, même s'il y a une tendance boulimique à la consommation, la demande étant amoindrie en raison du manque de pouvoir d'achat», vont implicitement dans le sens des conclusions de J.-B. SAY, même s'ils s'en défendent et le critiquent très sévèrement.

FREEMAN (C.) 52, 59, 63, 80

FRIEDMANN (G.) 238, 313

FRUIT (R.) 47

FUNCK (P.) 74

FUST (J.) 153

GALBRAITH (J.K.) 241

GAUDIN (T.) 305

GELINIER (O.) 247

GEORGESCU-ROEGEN (N.) 123

G.E.S.T. 246, 303

GIARINI (O.) 169

GILLE (B.) 65, 81, 103, 154, 179, 192, 320, 321

GÖDEL (K.) 163

GOLDSMITH (R.W.) 30

GRILICHES (Z.) 108

GRMEK (M.D.) 80

GUTENBERG (J.) 106, 152, 153

HAHN (F.H.) 133

HAMBERG (D.) 209

HANSEN (A.H.) 190, 217

HARROD (R.F.) 30, 36, 47, 48, 50, 134, 135

HAYEK (F.) von 258

HEERTJE (A.) 42, 50

HETMAN (P.) 316

HICKS (J.R.) 30, 44, 47, 50, 134

HOFSTADTER (D.) 118, 164, 166

HORDONNEAU (A.) 174

JEVONS (W.S.) 44

JEWKES (J.) 144, 209, 218, 219

JUGLAR (C.) 190

KAHN (H.) 102

KALDOR (N.) 47

KALECKI (M.) 47, 48

KEIRSTAD (B.S.) 188

KENDRICK (J.W.) 24

KEYNES (J.M.) 39, 47, 64

KITCHIN (cycle de) 190

KOMZINE (B.) 43

KONDRATIEFF 45, 58, 61, 80, 87, 103, 188, 189, 191, 301

KUZNETS (S.) 30

LANDES (D.) 269

LE DUFF (R.) 119, 311

LE GOFF (J.) 126

LEONTIEFF (W.) 25, 26, 27, 30, 44, 48, 148

LEROI-GOURHAN (A.) 143, 239, 314

LEROY (E.) 162, 163

MAÏSSEU (A.) 138, 193, 201

MALDVOGEL (P.) 153

MALRAUX (A.) 57, 99

MALTHUS (T.) 32

MANDELBROT (B.) 109

MARCHETTI (C.) 190

MARCONI (G.) 261

MARX (K.) 30, 33, 39, 42, 43, 44, 48, 56, 60, 199, 219, 220, 229, 238

MASSE (P.) 204

MATTHEWS (R.W.) 133

MAUNOURY (J.-L.) 144, 178, 202, 213, 228

MAURICE (J.) 74

MELON (J.-F.) 31

MENSCH (G.) 189

MERCIER (P.A.) 92

MICHELET (G.) 129, 236

MILL (J.-S.) 32, 56

MOLES (A.) 110, 112, 113, 114, 158, 165, 198

MORENO (J.) 112

NAISBITT (J.) 91

NEUMANN (J.) von 39

NEUMEISTER (J.) 153

PACAULT (A.) 127

PARAYRE (J.) 248

PARENT (J.) 249

PARETO (V.) 303

PASINETTI (L.L.) 50, 51

PASTEUR (L.) 243

PERROUX (F.) 112, 186

PIGOU (A.C.) 44

PORTNOFF (A.Y.), 90, 91

PRIGOGINE (I.) 120

RAE (J.) 42, 43

RAVE AU (B.) 83

REYMOND (A.) 163, 164

RICARDO (D.) 32, 33, 40, 41, 42, 44

ROBINSON (J.) 44, 50

ROCARD (Y.) 127

ROSNAY (J.) de 83

ROSTOW (W.W.) 85, 93, 101

RUSSO (F.) 174

SAINT PAUL (R.) 48

SAMUELSON (P.) 56

SATO (R.) 140, 141

SAUVY (A.) 28, 29, 32, 34, 35, 39

SAY (J.-B.) 30, 31, 32, 34, 41, 44, 56, 60, 101, 214, 323

SCHMEDER (G.) 61, 107

SCHOEFFER (P.) 153

SCHUMPETER (J.) 44, 45, 60, 103, 106, 107, 147, 148, 149, 150, 152, 188, 189, 192, 195, 226

SHANNON (C.) 115, 118, 120

SHOCKLEY (W.B.) 182

SIMONDON (G.) 154

SMITH (A.) 42, 238

SOLOW (R.) 36, 133

SOULIE (D.) 154, 159

STEINDL (J.) 49

STIRKIN (G.) 35

STIRLING (formule de) 132

STIRRING 161

STRAFFA (P.) 108, 120

STRINER 200

TARONDEAU (J.-C.) 272

TAYLOR (F.-W.) 84, 98, 239, 317

THOM (R.) 317

TOFFLER (A.) 95

TOLEDANO (J.) 154

TRAPEZNIKOV (V.A.) 43, 135, 136, 137, 140

TRUONG TRONG PHI (A.) 83

ULMER (K.) 83

USHER (A.-P.) 45, 144, 149, 150

UZAWA (H.) 134

VALERY (P.) 164

VEILEX (R.) 90

VOGE (J.) 90

VUILLEUMIER (J.D.) 268

WALLON (A.) 103

WALRAS (L.) 39, 44

WATT (J.) 143

WEST (E.) 42

WICKSELL (K.) 51

WILLIAMS (B.R.) 235

ZIPF (G.-K.) 109