Langages: Parlons jeune!

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Langages: Parlons jeune! UN « AUTRE » FRANÇAIS Habituellement, dans les cours de langues, c'est la belle langue française, grammaticalement correcte et scrupuleusement fonctionnelle, que nous devons enseigner et apprendre. C'est ce qu'on appelle le langage courant ou standard. Mais on ne peut pas ignorer qu'il existe un « autre » français : J'suis fauché ! T'as une clope ? J'aime pas sa tronche, t'as vu son pif ? Allez, viens, on se casse. J'ai la pêche ! Alberto, le protagoniste de notre histoire initiale, qui a un bon niveau de français, a pourtant des problèmes pour comprendre ce type d'expressions. C'est un registre de langue plus familier, quotidien, indispensable pour entrer en contact avec des francophones ou pour comprendre le cinéma et les chansons. Dans cette leçon nous allons étudier les différents registres de langue pour compléter notre vision de la richesse de la langue française. Image 1. © Maisonneuve & Larose 2001.

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Langages: Parlons jeune!

UN « AUTRE » FRANÇAIS

Habituellement, dans les cours de langues, c'est la bellelangue française, grammaticalement correcte etscrupuleusement fonctionnelle, que nous devonsenseigner et apprendre. C'est ce qu'on appelle le langagecourant ou standard.

Mais on ne peut pas ignorer qu'il existe un « autre »français :

J'suis fauché !T'as une clope ?

J'aime pas sa tronche, t'as vu son pif ?Allez, viens, on se casse.

J'ai la pêche !

Alberto, le protagoniste de notre histoire initiale, qui a unbon niveau de français, a pourtant des problèmes pourcomprendre ce type d'expressions. C'est un registre delangue plus familier, quotidien, indispensable pour entreren contact avec des francophones ou pour comprendre lecinéma et les chansons.

Dans cette leçon nous allons étudier les différentsregistres de langue pour compléter notre vision de larichesse de la langue française.

Image 1. © Maisonneuve & Larose2001.

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1. À L'ORAL

LE LANGUAJE FAMILIER

Nous ne parlons pas toujours de la même façon ; nous essayons d'adapter notre manière de nous exprimeraux circonstances.

Cette adaptation se réalise avec plus ou moins de souplesse et de succès selon l'âge, l'expérience,l'instruction, le niveau professionnel et la diversité des milieux dans lesquels on évolue. Certains choix,inacceptables à l'écrit, peuvent être tolérés à l'oral.

Nous devrons nous rapprocher du langage familier pour bien comprendre, par exemple, les paroles deschansons contemporaines. Regardez ces expressions:

J'vous écris une petite bafouillePour pas qu'vous fassiez d'mouronIci on est aux p'tits oignonsJ'ai que huit ans mais je m'débrouilleJ'tousse un peu à cause qu'on avale

Hier, j'ai glissé de sur une chaiseEn f'sant pipi dans le lavaboJ'ai le menton en guidon d'vélo

Vidéo 1. Source: youtube.com

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1.1. Le "lexik" des cités

JE SUIS ALCATRAZ

Comprenez-vous le sens de cette expression ?

Toutes les langues disposent de diverses possibilités d'expression pour formuler une même idée. Nousn'allons pas utiliser, par exemple, les mêmes expressions dans le langage écrit ou dans la conversation :des structures de la langue écrite sembleront sophistiquées dans la langue parlée, tandis que destournures familières sembleront déplacées ou même grossières dans un registre plus soutenu.

Être Alcatraz , dans le langage des cités, signifie être privé de sortie par ses parents, par référence à lacélèbre prison américaine au large de San Francisco. C'est un exemple du fonctionnement du langagepopulaire.

Ces trois vidéos nous montrent des exemples des différents registres de la langue française. Écoutez-lesattentivement.

Soutenu Courant Familier

Vidéos 2 , 3 , 4 . Source : youtube.com .

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Avez-vous reconnu les différences ? Lequel des trois documents vous semble plus facile à comprendre ?Lequel correspond au niveau de langue que nous avons étudié ?

LES NIVEAUX DE LANGUE

On distingue habituellement trois niveaux de langue :

REGISTRESOUTENU

J'ignore ce qu'il estadvenu.

REGISTRE COURANT

Je ne sais pas ce qu'ils'est passé.

REGISTRE FAMILIER

J'sais pas c'qu'y a eu.

Le registre soutenuest surtout employéà l'écrit, notamment

Le registre courant estemployé avec uninterlocuteur que l'on ne

Le registre des jeunes estemployé avec des proches,des intimes. Le vocabulaire

Actividad

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et dans le textelittéraire. Levocabulaire estrecherché et lesrègles prescritesparla grammairenormative sontparfaitementrespectées.

connaît pas intimement,avec lequel on a unecertaine distance. Levocabulaire est usuel etles règles prescrites parla grammaire normativesont habituellementrespectées.

est relâché, il peut êtreabrégé. Toutes les syllabesne sont pas nécessairementprononcées. Les règles de lagrammaire normative nesont pas systématiquementrespectées.

Source: wikipedia.org

LE LEXIK DES CITÉS

Regardez maintenant ce reportage:

Vidéo 5. Source: youtube.com .

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RÉPONSES

1. Le Lexik des cités est un dictionnaire du langage de labanlieue.

2. Cédric a participé au projet en tant qu'illustrateur.

ACTIVITÉ DE COMPRÉHENSION

Après avoir écouté le reportage, dites si c'est vrai (V) ou faux (F):

AV - Actividad de Espacios en Blanco

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4. Ce registre de langue utilise des métaphores, comme lalangue littéraire.

5. Le langage des cités n'est pas uniforme.

6. Il a fallu plus de 5 ans pour compiler plus de 240définitions.

7. Quand on ne comprend pas une expression, nous avonsparfois tendance à l'interpréter comme violente.

Enviar

Regardez ces deux vidéos de la campagne publicitaire du Lexik des cités .

Vidéos 6 et 7 . Source : youtube.com .Licence Creative Commons

Objetivos

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1.2. Le verlan

LE CÉFRAN CHANMÉ

Le verlan est une forme d'argot français qui consiste à inverserles syllabes d'un mot, parfois accompagnée d' élision, un typed'apocope, afin d'éviter certaines impossibilités phonologiques.

Le terme de verlan a été créé précisément en inversant lessyllabes de la locution adverbiale (à) l'envers.

Regardez ce reportage qui nous parle des origines du verlan.

Vidéo 8. Source: youtube.com .

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Image 2. Source: flickr.com .

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RÉPONSES

ACTIVITÉ DE COMPRÉHENSION

Dites si c'est vrai (V) ou faux (F):

AV - Actividad de Espacios en Blanco

Page 7: Langages: Parlons jeune!

2. Les groupes de rap des années 70 font du verlan une deleurs cartes d'identité.

3. Il existe des exemples de mots de verlan dans la littératurefrançaise du Moyen Âge.

4. Les détenus utilisaient le verlan pour attirer l'attention desgardiens.

5. Le français actuel utilise fréquemment des mots de verlan.

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LAISSE BÉTON

La présentatrice de l'émission nous a parlé de Renaud, l'un des chanteurs les plus populaires en France.

Il utilise souvent un langage populaire dans ses paroles.

Nous allons écouter la chanson Laisse béton , verlan de Laisse tomber . Lisez les paroles en même tempsque vous écoutez la chanson.

Vidéo 9. Source: youtube.com .

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Laisse Béton

J'étais tranquille j'étaispeinard

Accoudé au flipperLe type est entré dans lebarA commandé un jambonbeurreEt y s'est approché de moiEt y m'a regardé commeça :

" T'as des bottesMon poteElles me bottent

J'parie qu'c'est dessantiagsViens faire un tour dansl'terrain vagueJ'vais t'apprendre un jeurigoloA grands coups de chaînesde véloJ'te fais tes bottes à labaston "

Moi j'lui dis : " laisse béton"

Y m'a filé une beigne

peinard: tranquille

mon pote: mon ami

elles me bottent: elles meplaisent

une beigne, une torgnolle, unechâtaigne: un coup

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J'lui ai filé une torgnolleY m'a filé une châtaigneJ'lui ai filé mes groles

J'étais tranquille j'étaispeinardAccoudé au comptoirLe type est entré dans lebarA commandé un café noirPis y m'a tapé sur l'épaulePuis y m'a r'gardé d'un airdrôle :

" T'as un blousonMecton

L'est pas bidonMoi j'me les gèle sur monscooter

Avec ça j's'rai un vrairockerViens faire un tour dans laruelleJ'te montrerai mon OpinelJ'te chourav'rai tonblouson "

Moi j'lui dis : " Laisse béton"

Y m'a filé une beigneJ'lui ai filé un marronY m'a filé une châtaigneJ'lui ai filé mon blouson.

J'étais tranquille j'étaispénardJe réparais ma mobyletteLe type a surgi surl'boul'vardSur sa grosse moto superchouetteS'est arrêté l'long dutrottoirEt m'a regardé d'un airbête :

" T'as l'même blue jeanQue James DeanT'arrêtes ta frimeJ'parie qu' c'est un vraiLévis StraussIl est carrément pascraignos

mes groles: mes bottes

pis: puis

mecton: mec, type

l'est pas bidon: c'est vrai

j'me les gèle: j'ai froid

j'te chourav'rai: je te volerai

pas craignos: pas mal

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Viens faire un tour derrièrel'égliseHistoire que je te dévaliseA grands coups deceinturon "

Moi j'lui dis : "Laisse béton"

Y m'a filé une beigneJ'lui ai filé une mandaleY m'a filé une châtaigneJ'lui ai filé mon futal.

La morale de cette pauvrehistoireC'est qu'quand t'estranquille et peinardFaut pas trop traîner dansles barsA moins d'être fringué encostardQuand à la fin d'unechansonTu t'retrouves à poil sanstes bottesFaut avoir d'l'imaginationPour trouver une chuterigolote.

une mandale: un coup

mon futal: mon pantalon

fringué: habillé

costard: costaud, robuste

Image 3. Source: flickr.com .

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Voulez-vous en savoir plus sur le verlan ?

Allez faire un tour sur le site de l'encyclopédieWikipédia .

Objetivos

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2. PAR ÉCRIT

LE LANGAGE DES JEUNES

Pourquoi est-il important, dans un cours de langue, de connaître lelangage des jeunes ?

Certains scientifiques ou personnalités considèrent que ce langageest l'avenir de la langue française.

D'autres, par contre, pensent qu'il nuit à la pureté de cette langue.Marc Wilmet, dans Tu parles !? Le Français dans tous ses étatsaffirme : « Le jour où le français se repliera définitivement sur desstructures figées, renoncera aux innovation lexicales,morphologiques, syntaxiques..., il ne sera plus loin d'une languemorte ».

Pensez que, déjà au 19e siècle, Victor Hugo et d'autres écrivains sesont appropriés l'argot, langue des voleurs à l'origine, pour plus deréalisme dans leurs œuvres littéraires. Mal accepté au départ, cetargot apparaît aujourd'hui dans tous les dictionnaires nonargotiques.

Que penser alors ?

Image 4

Source: wikimedia.org .Licence Creative Commons

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2.1. Le " parler jeune " des banlieues

ARRÊTE TON BAD-TRIP !

Image 5. Source:flickr.com .

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Le « langage des cités », affirme Jean-François Dortier, amuse, fascineet inquiète en même temps.

Certains linguistes remarquent que le « parler jeune » est justementpropre à une génération et que, devenus adultes, les adolescents vont,en général, l'abandonner.

Mais d'autres s'inquiètent parce qu'ils considèrent qu'à cause de sagrande diffusion dans les cités, certains n'arrivent pas à maîtriser lefrançais « correct ».

Pas facile de savoir à quoi s'en tenir.

« Tu flippes ta race, bâtard ! » Sur le langage des citésJean-François Dortier

Le «parler jeune des banlieues» n'est pas un langage dégradé du français qui aurait vocation àse généraliser à toute la société. Il relève d'un code interne à un milieu destiné à marquer

provisoirement sa différence.

« Ma meuf, quand j'lui dis que j'sors avec des potes, elle bad-trippe grave. » Traduction : « Ma copine,quand je lui dis que je sors avec les copains, elle s'inquiète beaucoup. »

Tout le monde connaît désormais l'usage des mots « meuf » (femme, fille), « keuf » (flic), « keum » (mec),ou même les « remps » (parents). De même le superlatif « grave », qui peut signifier beaucoup, très («Putain, tu me prends grave la tête ! »), mais peut aussi s'employer pour désigner une personne étrange ou

bizarre, plutôt « zarbi » (« Il est grave ! »). Moins connue est l'expression « bad-tripper » qui signifie «flipper », c'est-à-dire angoisser (« Arrête ton bad-trip ! » qui veut dire « T'inquiète pas ! »).

Le « langage des cités » amuse, fascine et inquiète. Il amuse et fascine par son inventivité, sa drôlerie.Témoin : « Il est trop mystique le prof de français, il vient à l'école en vélo ! », le mot « mystique »désignant ici une personne au comportement étrange, différent, atypique (synonyme aussi de space,déjanté...). Cet attrait pour l'exotisme du « parler jeune » explique le succès des dictionnaires de la cité,leur introduction folklorisante dans les émissions de télévision, leur usage décalé dans d'autres milieux (« Ilest zarbi ce gars ! » entendu dans une salle de rédaction d'une revue de sciences humaines...). Il y auraitmême certains linguistes qui idéaliseraient leur objet d'étude, comme le font parfois les ethnologues àl'égard des populations étudiées.

Mais le langage des cités inquiète aussi. On se soucie notamment de la pauvreté et de l'agressivité duvocabulaire employé (« Putain, y m'bat les couilles, ce bâtard », qui choque dans la bouche d'uneadolescente de 13 ans). Certains défenseurs de la langue craignent que celle des cités n'en vienne àcontaminer la langue française au point de l'appauvrir (les « Ça l'fait ! », « C'est ouf ! », « Putain ! » sesont largement diffusés et entrent peu à peu dans les dictionnaires). Enfin, certains craignent qu'une partiede la jeunesse en vienne à s'enfermer dans un ghetto linguistique. Qu'en est-il vraiment ?

La plupart des spécialistes s'accordent à penser que le parler jeune n'est pas simplement un langagedéformé et dévoyé du français ordinaire. Il fonctionne à la fois comme un code secret et une marqueidentitaire. Code secret : dans Les Céfrans parlent aux Français , deux jeunes enseignants de collège

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avaient proposé à leurs élèves de rédiger un dictionnaire des mots de la cité. Première réaction d'une élève: « Mais alors, nos parents, ils vont comprendre tout ce qu'on dit ? » La collégienne révélait ainsi que leparler jeune fonctionnait comme un code interne destiné à protéger certains secrets. Ce fut naguère le casde l'argot, langue de marginaux qui cherchaient à se dissimuler. Le parler jeune permet de parler entre soi,à l'insu des parents, des professeurs, des policiers. Il permet de se moquer de quelqu'un dans le métro sansqu'il comprenne. C'est un jeu très pratiqué par les enfants dans les cours de récréation.

Il est aussi un marqueur identitaire : il vise à se distinguer. Au même titre que la façon de s'habiller, lafaçon de parler est une marque de distinction. De ce fait, lorsque certaines expressions se diffusentlargement et deviennent courantes, elles sont remplacées par d'autres.

Source: scienceshumaines.com

ACTIVITÉ DE COMPRÉHENSION

Dites si c'est vrai ou faux. Justifiez votre réponse avec une phrase du texte.

1. Selon l'auteur de cet article, le « parler jeune » des banlieues est une dégradationdu français ordinaire.

2. L'auteur critique l'introduction du langage des cités dans les émissions de télévisionet dans d'autres milieux professionnels.

3. Certains linguistes considèrent que les jeunes utilisent un vocabulaire très restreint.

4. La plupart des parents et des professeurs comprennent le « parler jeune » des cités.

5. Le langage permet aux jeunes de se différencier des adultes.

LANGAGE JEUNE

Image 6. Source : flickr.com.

Licence Creative Commons

Visitez ce site pour vous introduire dans le langage des jeunes et le verlan .

Objetivos

AV - Actividad de Espacios en Blanco

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1

Ça sent très mauvais.

Ça pue.

Quelle odeurincommodante !

5

Il est plein de fric.

Il a des sous.

Il a une fortune considérable.

2

Il roule à fond lacaisse.

Il conduit comme unfou.

Il conduitimprudemment.

6

Vous vous nourrissez mal.

Votre alimentation n'est pas trèséquilibrée.

Vous bouffez mal.

3

Il a une mauvaise vue.

Il voit mal.

Il est bigleux.

7

On se téléphone, on se fait unebouffe.

Je vous téléphone et on dîneensemble.

J'aimerais vous inviter à dîner, jevous téléphonerai.

4

Cette soirée étaitdivine.

On a fait une de cesfoires.

On s'est fendu lapêche.

8

Il a rien dans le ciboulot.

Il n'est pas très intelligent.

C'est un imbécile.

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Indiquez le registre de langue employé : soutenu (S), courant (C), familier (F) :

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2.2. Kamo, l’agence Babel

FRANÇAIS-ARGOT, ARGOT-FRANÇAIS

Kamo, l'agence Babel est un livre pour enfants de Daniel Pennac, célèbre écrivain français né en 1944.

Voici un petit résumé du début de l'histoire : Kamo est nul en anglais et sa mère n'arrive pas à garder sontravail. Alors ils font un pari : Kamo doit apprendre l'anglais en 3 mois et de son côté sa mère doit réussir àgarder le même travail pendant tout ce temps. Pour réussir ce prodige, Kamo va commencer à correspondreavec une anglaise.

Voici la première lettre que Kamo écrit à Cathy, sa correspondante anglaise :

Image 7

© Éditions Gallimard Jeunesse, 1997

Dear Cathy, chère beef,

C'est comme ça qu'on vous appelle ici, en France, lesAnglais: les Rosfeefs! Paraît que vous êtes des mecs trèsimportants, que la moitié de la planète jacte votre foutuelangue. Moi, je trouve que c'est pas une langue: danschaque phrase on bouffe la moitié des mots, dans chaquemot les trois quarts des syllabes, et dans chaque syllabe lesquatre cinquièmes des lettres. Reste juste de quoi cracherun télégramme.

Douce Cathy, chère rosbeef, j'ai une grande ambition: être leseul à ne jamais parler l'anglais! Alors, tu me diras, pourquoicette bafouille? A cause de ma mère. Un marché que j'aipassé avec elle. Je me suis fait avoir. Je suis obligé derespecter le contrat. Et puis mes affaires de famille ne teregardent pas, occupe-toi de tes oignons.

Salut, chère correspondante. Au cas où t'aurais l'intentiond'apprendre le français avec mézigue, achète un gros dico.Le plus gros. Et t'accroche pas trop à la grammaire.

Kamo

P.S: Tu voudrais peut-être savoir pourquoi je t'ai choisie,toi? L'agence a refilé à ma mère une liste de quinze blases.J'y ai lancé mon compas en fermant les mirettes, il s'estplanté sur le tien: Earnshaw. En plein dans le E majuscule.T'as rien senti?

Source : Daniel Pennac, Kamo, l'agence Babel , Éditions Gallimard Jeunesse, 1997

Page 15: Langages: Parlons jeune!

ACTIVITÉ DE COMPRÉHENSION

Répondez aux questions suivantes. Travaillez sur votre cahier.

1. Quel est le ton général de cette lettre ?

2. Comment expliquer cette attitude de la part de Kamo ?

3. Du point de vue lexical, comment pourrait-on définir le type de langage utilisé dansla lettre ?

4. Quel est le sens de la dernière phrase de la lettre : « Et t'accroche pas trop à lagrammaire » ?

LES CARACTÉRISTIQUES DE LA LANGUE FAMILIÈRE

Vous avez remarqué que Kamo utilise dans sa lettre un registre de langue très familier.

Voici les procédés qui caractérisent ce registre de langue dans la lettre de Kamo:

Du point de vue lexical :

Utilisation de mots d'argot, populaires et familiers : Jacter (pop.) : parler,bavarder ; foutue (pop.) : mauvaise ; bouffer (fam.) : manger ; bafouille(arg.) : lettre ; mézigue (arg.) : moi ; dico (fam.) : dictionnaire ; blase (arg.): nom de personne ; mirettes (pop.) : yeux.

Du point de vue morphosyntaxique :

Absence du sujet : Paraît que... ; Reste...

Suppression de la négation ne : C'est pas ; T'accroche pas...

Élision du pronom personnel tu : T'aurais ; T'as rien senti ?

ACTIVITÉ DE PRODUCTION

LA RÉPONSE DE CATHY

Imaginez que vous êtes Cathy, la correspondante anglaise de Kamo.

Répondez à la lettre de Kamo. Choisissez le ton de votre réponse.

Actividad

Page 16: Langages: Parlons jeune!

Nous vous recommandons vivement la lecture de cette série de livres pour enfants de DanielPennac dont le protagoniste est Kamo.

Images 8, 9, 10 et 11. © Éditions Gallimard Jeunesse, 1997

Objetivos

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3. OUTILS

LES REGISTRES DE LANGUE

LE FRANÇAIS ÉCRIT ET ORAL

UN PEU DE PHONÉTIQUE

Page 18: Langages: Parlons jeune!

3.1. Les registres de langue

FAMILIER, STANDARD, SOUTENU

En français, il existe trois niveaux de langue qu'on utilise selon la personne à qui on s'adresse et selon lasituation de communication.

1. LE LANGAGE FAMILIER (OU POPULAIRE)

Le langage familier est caractérisé par des mots très simples et parfois vulgaires. Il s'agit fondamentalementdu vocabulaire de la vie quotidienne ; il utilise des termes familiers, parfois argotiques.

La syntaxe présente des ruptures de constructions, des répétitions, des ellipses ; on supprimehabituellement le ne dans la négation.

Il est habituel entre amis ou copains mais aussi lorsqu'une personne est en colère.

Dans le dictionnaire, les mots familiers sont indiqués fam . ou pop .

Tu crèches dans une super baraque.

Il est méga chouette et il pige tout.

Observez ces phrases en argot avec leur signifié en niveau standard:

Je suis dans la dèche / fauché , je n'ai même pas desous pour m'acheter des clopes . Peux-tu me prêter un peude fric ?

La dèche : manqued'argent

Etre fauché : ne plusavoir d'argentDes sous : de l'argent

Une clope : cigarette (àl'origine: mégot decigarette)Le fric / le pognon / le

blé : l'argent

Tiens donc, tu en as des fringues ! Regarde cette jupe etce jean ! Elles sont belles ces godasses , c'est quelle pointure? 38, tu me les prêtes ?

Des fringues : desvêtements

Une godasse : unechaussure

Cool , tu changeras de look, ce sera en tout cas moinsringard que ce que tu as sur le dos !

Cool : agréable, détendu,chouette

Ringard : démodé oumédiocre

T'as vu le mec , là-bas avec sa tignasse rouge, il estmignon !

Un mec : un homme, unindividu, un type

Une tignasse : chevelure,cheveux

Ah non, je n'aime pas sa tronche , t'as pas vu son pif ? Enplus il a une nana , je peux pas la sentir.

La tronche : la tête,l'aspect

Un pif : un nez

Une nana : une fille, unegonzesse

Écoute, le gosse est malade, il faudrait appeler le toubib .Un gosse / un môme :

un enfant

Un toubib : un médecin

Hé, les potes , on va prendre une chope au bar ?Non, je crève de faim, je veux bouffer d'abord.Alors, on va au « Café du sport », la bouffe est bonne et Jeany fait la plonge .

Un pote : un ami, uncopain

Une chope : une bière

Bouffer : mangerFaire la plonge : faire la

vaisselle

Page 19: Langages: Parlons jeune!

Source: www.vub.ac.be

2. LE LANGAGE STANDARD (OU COURANT)

Le langage standard est un langage plus soigné et beaucoup mieux accepté. On l'utilise avec des personnesque l'on connaît peu ou pas.

Il est caractérisé par des phrases bien construites, mais sans recherche stylistique. L'enchaînement desphrases est soigné. Il présente un vocabulaire usuel, avec absence de termes recherchés ou spécialisés.

Quant à la syntaxe, les règles de la grammaire sont respectées et on remarque l'utilisation des tempssimples de l'indicatif, passé composé, plus-que-parfait, subjonctif présent.

Tu vis dans une très belle maison.

Il est très sympathique et il comprend tout.

3. LE LANGAGE SOUTENU (OU LITTÉRAIRE)

Le langage soutenu est une manière de parler avec des mots rares et savants. On le lit dans les texteslittéraires, on l'entend dans des discours (modèle écrit), on l'utilise quand on s'adresse à une personne à quion accorde beaucoup d'importance et par politesse du locuteur.

Pour la syntaxe, les règles sont respectées, les phrases sont complexes et la concordance des temps estrespectée.

Dans le dictionnaire, les mots soutenus sont indiqués litt .

Tu résides dans une magnifique demeure.

Il est fort aimable et il saisit tout.

Page 20: Langages: Parlons jeune!

À partir du vocabulaire argotique que vous venez de découvrir, retrouvez l'équivalent desmots soulignés en langage standard.

Attention ! Certains ne sont pas sur la liste ci-dessus, amusez-vous à retrouvez leur signifié.

1. J'ai acheté une nouvelle bagnole .

2. Ma mère profite des soldes pour m'acheter des fringues .

3. Il a marché dans la boue et ses godasses sont sales.

4. Grouillez - vous ! Vous êtes les derniers !

5. Arrête de me faire rigoler , nous allons être punis !

6. Tu veux venir bouffer avec moi ?

7. On entend les gosses crier dans leur chambre.

8. Je n'ai jamais de veine aux jeux de hasard.

9. Tu connais cette nana ?

10. La moto de mon cousin fait trop de boucan .

Continuez à vous exercer dans ce site web. Travaillez la section Niveaux de Langue .

Objetivos

Page 21: Langages: Parlons jeune!

3.2. Le français écrit et oral

LES PARTICULARITÉS DU LANGAGE ÉCRIT ET DU LANGAGE ORAL

Le langage parlé peut être traduit par l'écriture, au moyen de signes ou caractères appelés lettres.

Il faut éviter de confondre les lettres avec les sons, auxquels elles correspondent en français de façon fortapproximative. Par exemple, dans le mot eaux il y a quatre lettres, mais un seul son, [o]. Les six lettres dumot oiseau ne correspondent que d'une manière tout à fait conventionnelle aux quatre sons qu'elles sontchargées de représenter [wazo].

Lorsque nous souhaitons communiquer en français, nous faisons le choix entre langage écrit et langage oral.Ceci dépendra de la situation de communication. Cependant, nous ne devons pas oublier que ces deuxlangages ont des caractéristiques propres qui les différencient.

Nous allons présenter par la suite les particularités du langage écrit et du langage oral.

LE LANGAGE ÉCRIT

On constate plusieurs caractéristiques du langage écrit, parmi lesquelles:

On n'y retrouve pas de marques suprasegmentales qui contribuent à la compréhension dumessage oral (éléments prosodiques, d'intonation, d'accentuation ou d'insistance).

Le temps d'élaboration est plus grand, plus libre et on repère plusieurs retours sur le message(reprises, de réflexion, de corrections).

Le récepteur n'est pas là, tout au moment de l'énonciation du message.

La réception est différée, foncièrement, on repère du code écrit une forme d'asynchronismeassociée.

LE LANGAGE ORAL

Les caractéristiques les plus importantes du langage oral sont :

L'emploi d'interjections est abondant: Tiens, bon, et alors.., tu vois !

Les procédés de mises en relief, reprise nominale par exemple, ou procédés qui permettentd'insister sur un point, sont souvent présents : « La neige, elle tombe du ciel ».

Dans l'énonciation, les temps du discours sont, essentiellement, le présent et le passé composé.

La syntaxe est caractérisée par phrases courtes, reprises, pauses...

L'emploi des déictiques (présentatif, pronom démonstratif) est nécessaire car l'oral se réalise ensituation : « il y a », « c'est ».

On peut remarquer l'emploi du « on ».

La simplification dans l'oral, l'élision, est très commune: « y'a » au lieu de « il y a ».

Dans la négation, ne n'est pas souvent utilisé.

On retrouve des marques suprasegmentales, ainsi, l'interrogation se trouve dans l'intonation : «tu viens ? » ou formulée avec « est-ce que ..? »

Les répétitions de termes et de structures est plus grande.

Page 22: Langages: Parlons jeune!

Transformez les phrases suivantes du langage parlé au langage écrit.

1. Faut pas arriver en retard.

2. Il mange pas.

3. J't'avais pas entendu.

4. Il l'a rangée, papa, la voiture?

5. Où t'étais passé?

6. Y a rien à manger.

7. T'es où?

8. Tu m' reconnais pas?

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3.3. Un peu de phonétique

ESPAGNOL VS FRANÇAIS

Avant d'aborder cette section, nous vous conseillons de consulter l' Alphabet Phonétique International pouravoir certaines notions nécessaires à l'interprétation des signes qui apparaissent ci-dessous.

Nous vous présentons ensuite les fautes typiques commises par les apprenants hispanophones de français.Et ceci dans de différents niveaux: phonétique, lecture et oral. Nous vous proposons aussi certains sons àtravailler particulièrement.

PHONÉTIQUE

Type d'erreurExemple d'erreur

Prononciation [o] ouvert au lieu de [o]fermé

Le son [y] Prononcé comme [i] ou [u]

L'archiphonème [OE] Prononcé comme [O] ou [E]

Les voyelles nasales Articulées comme une voyelle + n

La semi-voyelle [j]Confondue avec la consonne "y" ou "ll" del'espagnol

Le son [v] Confondu avec [b]

Le son [z] Confondu avec [s]

Le son "ch" [ʃ] Confondu avec le "ch" espagnol

Le son [ʒ] Confondu avec [z] ou [ʃ]

Le son [R] Confondu avec [g]

Sons à travailler particulièrement

Type d'erreurExemple d'erreur Construction correcte

[y] [tu] [ti] [ty]

[z] [waso] [wazo]

Sons nasaux (tous)

LECTURE

Type d'erreurExemple d'erreur Construction correcte

Liaison avec le -h aspiré Le -z haricots Les haricots

Liaison avec -et Toi et-elle Toi et elle

Les mots avec -y Pays (avec -a) Pays (avec -e)

Difficultés avec le rythme

et l'intonation du français

Page 24: Langages: Parlons jeune!

ERREURS TYPIQUES DE L'ORAL

Type d'erreurExemple d'erreur

Constructioncorrecte

Absence de -pas Je ne suis d'accord Je ne suis pas d'accord

Utilisation de -oui par -si à la formenégative

-Tu ne viens pas ?-Oui

-Tu ne viens pas ? -Si

Source: www.edufle.net

Exercez-vous à la lecture. Lisez à voix haute. Faites attention aux fautes indiquées ci-dessus.

En 1815, M. Charles-François-Bienvenu Myriel était évêque de Digne. C'était un vieillardd'environ soixante-quinze ans ; il occupait le siége de Digne depuis 1806.

Quoique ce détail ne touche en aucune manière au fond même de ce que nous avons àraconter, il n'est peut-être pas inutile, ne fût-ce que pour être exact en tout, d'indiquer ici lesbruits et les propos qui avaient couru sur son compte au moment où il était arrivé dans lediocèse. Vrai ou faux, ce qu'on dit des hommes tient souvent autant de place dans leur vie etsouvent dans leur destinée que ce qu'ils font. M. Myriel était fils d'un conseiller au parlementd'Aix ; noblesse de robe. On contait que son père, le réservant pour hériter de sa charge,l'avait marié de fort bonne heure, à dix-huit ou vingt ans, suivant un usage assez répandudans les familles parlementaires. Charles Myriel, nonobstant ce mariage, avait, disait-on,beaucoup fait parler de lui. Il était bien fait de sa personne, quoique d'assez petite taille,élégant, gracieux, spirituel ; toute la première partie de sa vie avait été donnée au monde etaux galanteries.

La révolution survint, les événements se précipitèrent ; les familles parlementaires,décimées, chassées, traquées, se dispersèrent. M. Charles Myriel, dès les premiers jours de larévolution, émigra en Italie. Sa femme y mourut d'une maladie de poitrine dont elle étaitatteinte depuis longtemps. Ils n'avaient point d'enfants. Que se passa-t-il ensuite dans ladestinée de M. Myriel ? L'écroulement de l'ancienne société française, la chute de sa proprefamille, les tragiques spectacles de 93, plus effrayants encore peut-être pour les émigrés quiles voyaient de loin avec le grossissement de l'épouvante, firent-ils germer en lui des idées derenoncement et de solitude ? Fut-il, au milieu d'une de ces distractions et de ces affectionsqui occupaient sa vie, subitement atteint d'un de ces coups mystérieux et terribles quiviennent quelquefois renverser, en le frappant au cœur, l'homme que les catastrophespubliques n'ébranleraient pas en le frappant dans son existence et dans sa fortune ? Nuln'aurait pu le dire ; tout ce qu'on savait, c'est que, lorsqu'il revint d'Italie, il était prêtre.

En 1804, M. Myriel était curé de B. (Brignolles). Il était déjà vieux, et vivait dans une retraiteprofonde.

Vers l'époque du couronnement, une petite affaire de sa cure, on ne sait plus trop quoi,l'amena à Paris. Entre autres personnes puissantes, il allait solliciter pour ses paroissiens M.le cardinal Fesch. Un jour que l'empereur était venu faire sa visite à son oncle, le digne curé,qui attendait dans l'antichambre, se trouva sur le passage de sa majesté. Napoléon, se voyantregarder avec une certaine curiosité par ce vieillard, se retourna, et dit brusquement:

- Quel est ce bonhomme qui me regarde?

- Sire, dit M. Myriel, vous regardez un bonhomme, et moi je regarde un grand homme.Chacun de nous peut profiter.

L'empereur, le soir même, demanda au cardinal le nom de ce curé, et quelque temps après M.Myriel fut tout surpris d'apprendre qu'il était nommé évêque de Digne.

Qu'y avait-il de vrai, du reste, dans les récits qu'on faisait sur la première partie de la vie deM. Myriel ? Personne ne le savait. Peu de familles avaient connu la famille Myriel avant larévolution.

Page 25: Langages: Parlons jeune!

et parce qu'il était évêque. Mais, après tout, les propos auxquels on mêlait son nom n'étaientpeut-être que des propos ; du bruit, des mots, des paroles, moins que des paroles, despalabres, comme dit l'énergique langue du midi.

Quoi qu'il en fût, après neuf ans d'épiscopat et de résidence à Digne, tous ces racontages,sujets de conversation qui occupent dans le premier moment les petites villes et les petitesgens, étaient tombés dans un oubli profond. Personne n'eût osé en parler, personne n'eût osés'en souvenir.

M. Myriel était arrivé à Digne accompagné d'une vieille fille, mademoiselle Baptistine, quiétait sa sœur et qui avait dix ans de moins que lui.

Ils avaient pour tout domestique une servante du même âge que mademoiselle Baptistine, etappelée madame Magloire, laquelle, après avoir été la servante de M. le curé, prenaitmaintenant le double titre de femme de chambre de mademoiselle et femme de charge demonseigneur.

Mademoiselle Baptistine était une personne longue, pâle, mince, douce ; elle réalisait l'idéalde ce qu'exprime le mot « respectable » ; car il semble qu'il soit nécessaire qu'une femmesoit mère pour être vénérable. Elle n'avait jamais été jolie ; toute sa vie, qui n'avait étéqu'une suite de saintes œuvres, avait fini par mettre sur elle une sorte de blancheur et declarté, et, en vieillissant, elle avait gagné ce qu'on pourrait appeler la beauté de la bonté. Cequi avait été de la maigreur dans sa jeunesse était devenu, dans sa maturité, de latransparence ; et cette diaphanéité laissait voir l'ange. C'était une âme plus encore que cen'était une vierge. Sa personne semblait faite d'ombre ; à peine assez de corps pour qu'il yeût là un sexe ; un peu de matière contenant une lueur ; de grands yeux toujours baissés ;un prétexte pour qu'une âme reste sur la terre.

Madame Magloire était une petite vieille, blanche, grasse, replète, affairée, toujourshaletante, à cause de son activité d'abord, ensuite à cause d'un asthme.

À son arrivée, on installa M. Myriel en son palais épiscopal avec les honneurs voulus par lesdécrets impériaux qui classent l'évêque immédiatement après le maréchal de camp. Le maireet le président lui firent la première visite, et lui de son côté fit la première visite au généralet au préfet.

L'installation terminée, la ville attendit son évêque à l'œuvre.

Victor Hugo, Les Misérables

Source: Wikisource

Page 26: Langages: Parlons jeune!

Langages: Parlons jeune!

UN « AUTRE » FRANÇAIS

Habituellement, dans les cours de langues, c'est la bellelangue française, grammaticalement correcte etscrupuleusement fonctionnelle, que nous devonsenseigner et apprendre. C'est ce qu'on appelle le langagecourant ou standard.

Mais on ne peut pas ignorer qu'il existe un « autre »français :

J'suis fauché !T'as une clope ?

J'aime pas sa tronche, t'as vu son pif ?Allez, viens, on se casse.

J'ai la pêche !

Alberto, le protagoniste de notre histoire initiale, qui a unbon niveau de français, a pourtant des problèmes pourcomprendre ce type d'expressions. C'est un registre delangue plus familier, quotidien, indispensable pour entreren contact avec des francophones ou pour comprendre lecinéma et les chansons.

Dans cette leçon nous allons étudier les différentsregistres de langue pour compléter notre vision de larichesse de la langue française.

Image 1. © Maisonneuve & Larose2001.

Page 27: Langages: Parlons jeune!

1. À L'ORAL

LE LANGUAJE FAMILIER

Nous ne parlons pas toujours de la même façon ; nous essayons d'adapter notre manière de nous exprimeraux circonstances.

Cette adaptation se réalise avec plus ou moins de souplesse et de succès selon l'âge, l'expérience,l'instruction, le niveau professionnel et la diversité des milieux dans lesquels on évolue. Certains choix,inacceptables à l'écrit, peuvent être tolérés à l'oral.

Nous devrons nous rapprocher du langage familier pour bien comprendre, par exemple, les paroles deschansons contemporaines. Regardez ces expressions:

J'vous écris une petite bafouillePour pas qu'vous fassiez d'mouronIci on est aux p'tits oignonsJ'ai que huit ans mais je m'débrouilleJ'tousse un peu à cause qu'on avale

Hier, j'ai glissé de sur une chaiseEn f'sant pipi dans le lavaboJ'ai le menton en guidon d'vélo

Vidéo 1. Source: youtube.com

Licence Creative Commons

Page 28: Langages: Parlons jeune!

1.1. Le "lexik" des cités

JE SUIS ALCATRAZ

Comprenez-vous le sens de cette expression ?

Toutes les langues disposent de diverses possibilités d'expression pour formuler une même idée. Nousn'allons pas utiliser, par exemple, les mêmes expressions dans le langage écrit ou dans la conversation :des structures de la langue écrite sembleront sophistiquées dans la langue parlée, tandis que destournures familières sembleront déplacées ou même grossières dans un registre plus soutenu.

Être Alcatraz , dans le langage des cités, signifie être privé de sortie par ses parents, par référence à lacélèbre prison américaine au large de San Francisco. C'est un exemple du fonctionnement du langagepopulaire.

Ces trois vidéos nous montrent des exemples des différents registres de la langue française. Écoutez-lesattentivement.

Soutenu Courant Familier

Vidéos 2 , 3 , 4 . Source : youtube.com .

Licence Creative Commons

Avez-vous reconnu les différences ? Lequel des trois documents vous semble plus facile à comprendre ?Lequel correspond au niveau de langue que nous avons étudié ?

LES NIVEAUX DE LANGUE

On distingue habituellement trois niveaux de langue :

REGISTRESOUTENU

J'ignore ce qu'il estadvenu.

REGISTRE COURANT

Je ne sais pas ce qu'ils'est passé.

REGISTRE FAMILIER

J'sais pas c'qu'y a eu.

Le registre soutenuest surtout employéà l'écrit, notamment

Le registre courant estemployé avec uninterlocuteur que l'on ne

Le registre des jeunes estemployé avec des proches,des intimes. Le vocabulaire

Actividad

Page 29: Langages: Parlons jeune!

et dans le textelittéraire. Levocabulaire estrecherché et lesrègles prescritesparla grammairenormative sontparfaitementrespectées.

connaît pas intimement,avec lequel on a unecertaine distance. Levocabulaire est usuel etles règles prescrites parla grammaire normativesont habituellementrespectées.

est relâché, il peut êtreabrégé. Toutes les syllabesne sont pas nécessairementprononcées. Les règles de lagrammaire normative nesont pas systématiquementrespectées.

Source: wikipedia.org

LE LEXIK DES CITÉS

Regardez maintenant ce reportage:

Vidéo 5. Source: youtube.com .

Licence Creative Commons

RÉPONSES

1. Le Lexik des cités est un dictionnaire du langage de labanlieue.

2. Cédric a participé au projet en tant qu'illustrateur.

ACTIVITÉ DE COMPRÉHENSION

Après avoir écouté le reportage, dites si c'est vrai (V) ou faux (F):

AV - Actividad de Espacios en Blanco

Page 30: Langages: Parlons jeune!

4. Ce registre de langue utilise des métaphores, comme lalangue littéraire.

5. Le langage des cités n'est pas uniforme.

6. Il a fallu plus de 5 ans pour compiler plus de 240définitions.

7. Quand on ne comprend pas une expression, nous avonsparfois tendance à l'interpréter comme violente.

Enviar

Regardez ces deux vidéos de la campagne publicitaire du Lexik des cités .

Vidéos 6 et 7 . Source : youtube.com .Licence Creative Commons

Objetivos

Page 31: Langages: Parlons jeune!

1.2. Le verlan

LE CÉFRAN CHANMÉ

Le verlan est une forme d'argot français qui consiste à inverserles syllabes d'un mot, parfois accompagnée d' élision, un typed'apocope, afin d'éviter certaines impossibilités phonologiques.

Le terme de verlan a été créé précisément en inversant lessyllabes de la locution adverbiale (à) l'envers.

Regardez ce reportage qui nous parle des origines du verlan.

Vidéo 8. Source: youtube.com .

Licence Creative Commons

Image 2. Source: flickr.com .

Licence Creative Commons

RÉPONSES

ACTIVITÉ DE COMPRÉHENSION

Dites si c'est vrai (V) ou faux (F):

AV - Actividad de Espacios en Blanco

Page 32: Langages: Parlons jeune!

2. Les groupes de rap des années 70 font du verlan une deleurs cartes d'identité.

3. Il existe des exemples de mots de verlan dans la littératurefrançaise du Moyen Âge.

4. Les détenus utilisaient le verlan pour attirer l'attention desgardiens.

5. Le français actuel utilise fréquemment des mots de verlan.

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LAISSE BÉTON

La présentatrice de l'émission nous a parlé de Renaud, l'un des chanteurs les plus populaires en France.

Il utilise souvent un langage populaire dans ses paroles.

Nous allons écouter la chanson Laisse béton , verlan de Laisse tomber . Lisez les paroles en même tempsque vous écoutez la chanson.

Vidéo 9. Source: youtube.com .

Licence Creative Commons

Laisse Béton

J'étais tranquille j'étaispeinard

Accoudé au flipperLe type est entré dans lebarA commandé un jambonbeurreEt y s'est approché de moiEt y m'a regardé commeça :

" T'as des bottesMon poteElles me bottent

J'parie qu'c'est dessantiagsViens faire un tour dansl'terrain vagueJ'vais t'apprendre un jeurigoloA grands coups de chaînesde véloJ'te fais tes bottes à labaston "

Moi j'lui dis : " laisse béton"

Y m'a filé une beigne

peinard: tranquille

mon pote: mon ami

elles me bottent: elles meplaisent

une beigne, une torgnolle, unechâtaigne: un coup

Page 33: Langages: Parlons jeune!

J'lui ai filé une torgnolleY m'a filé une châtaigneJ'lui ai filé mes groles

J'étais tranquille j'étaispeinardAccoudé au comptoirLe type est entré dans lebarA commandé un café noirPis y m'a tapé sur l'épaulePuis y m'a r'gardé d'un airdrôle :

" T'as un blousonMecton

L'est pas bidonMoi j'me les gèle sur monscooter

Avec ça j's'rai un vrairockerViens faire un tour dans laruelleJ'te montrerai mon OpinelJ'te chourav'rai tonblouson "

Moi j'lui dis : " Laisse béton"

Y m'a filé une beigneJ'lui ai filé un marronY m'a filé une châtaigneJ'lui ai filé mon blouson.

J'étais tranquille j'étaispénardJe réparais ma mobyletteLe type a surgi surl'boul'vardSur sa grosse moto superchouetteS'est arrêté l'long dutrottoirEt m'a regardé d'un airbête :

" T'as l'même blue jeanQue James DeanT'arrêtes ta frimeJ'parie qu' c'est un vraiLévis StraussIl est carrément pascraignos

mes groles: mes bottes

pis: puis

mecton: mec, type

l'est pas bidon: c'est vrai

j'me les gèle: j'ai froid

j'te chourav'rai: je te volerai

pas craignos: pas mal

Page 34: Langages: Parlons jeune!

Viens faire un tour derrièrel'égliseHistoire que je te dévaliseA grands coups deceinturon "

Moi j'lui dis : "Laisse béton"

Y m'a filé une beigneJ'lui ai filé une mandaleY m'a filé une châtaigneJ'lui ai filé mon futal.

La morale de cette pauvrehistoireC'est qu'quand t'estranquille et peinardFaut pas trop traîner dansles barsA moins d'être fringué encostardQuand à la fin d'unechansonTu t'retrouves à poil sanstes bottesFaut avoir d'l'imaginationPour trouver une chuterigolote.

une mandale: un coup

mon futal: mon pantalon

fringué: habillé

costard: costaud, robuste

Image 3. Source: flickr.com .

Licence Creative Commons

Voulez-vous en savoir plus sur le verlan ?

Allez faire un tour sur le site de l'encyclopédieWikipédia .

Objetivos

Page 35: Langages: Parlons jeune!

2. PAR ÉCRIT

LE LANGAGE DES JEUNES

Pourquoi est-il important, dans un cours de langue, de connaître lelangage des jeunes ?

Certains scientifiques ou personnalités considèrent que ce langageest l'avenir de la langue française.

D'autres, par contre, pensent qu'il nuit à la pureté de cette langue.Marc Wilmet, dans Tu parles !? Le Français dans tous ses étatsaffirme : « Le jour où le français se repliera définitivement sur desstructures figées, renoncera aux innovation lexicales,morphologiques, syntaxiques..., il ne sera plus loin d'une languemorte ».

Pensez que, déjà au 19e siècle, Victor Hugo et d'autres écrivains sesont appropriés l'argot, langue des voleurs à l'origine, pour plus deréalisme dans leurs œuvres littéraires. Mal accepté au départ, cetargot apparaît aujourd'hui dans tous les dictionnaires nonargotiques.

Que penser alors ?

Image 4

Source: wikimedia.org .Licence Creative Commons

Page 36: Langages: Parlons jeune!

2.1. Le " parler jeune " des banlieues

ARRÊTE TON BAD-TRIP !

Image 5. Source:flickr.com .

Licence CreativeCommons

Le « langage des cités », affirme Jean-François Dortier, amuse, fascineet inquiète en même temps.

Certains linguistes remarquent que le « parler jeune » est justementpropre à une génération et que, devenus adultes, les adolescents vont,en général, l'abandonner.

Mais d'autres s'inquiètent parce qu'ils considèrent qu'à cause de sagrande diffusion dans les cités, certains n'arrivent pas à maîtriser lefrançais « correct ».

Pas facile de savoir à quoi s'en tenir.

« Tu flippes ta race, bâtard ! » Sur le langage des citésJean-François Dortier

Le «parler jeune des banlieues» n'est pas un langage dégradé du français qui aurait vocation àse généraliser à toute la société. Il relève d'un code interne à un milieu destiné à marquer

provisoirement sa différence.

« Ma meuf, quand j'lui dis que j'sors avec des potes, elle bad-trippe grave. » Traduction : « Ma copine,quand je lui dis que je sors avec les copains, elle s'inquiète beaucoup. »

Tout le monde connaît désormais l'usage des mots « meuf » (femme, fille), « keuf » (flic), « keum » (mec),ou même les « remps » (parents). De même le superlatif « grave », qui peut signifier beaucoup, très («Putain, tu me prends grave la tête ! »), mais peut aussi s'employer pour désigner une personne étrange ou

bizarre, plutôt « zarbi » (« Il est grave ! »). Moins connue est l'expression « bad-tripper » qui signifie «flipper », c'est-à-dire angoisser (« Arrête ton bad-trip ! » qui veut dire « T'inquiète pas ! »).

Le « langage des cités » amuse, fascine et inquiète. Il amuse et fascine par son inventivité, sa drôlerie.Témoin : « Il est trop mystique le prof de français, il vient à l'école en vélo ! », le mot « mystique »désignant ici une personne au comportement étrange, différent, atypique (synonyme aussi de space,déjanté...). Cet attrait pour l'exotisme du « parler jeune » explique le succès des dictionnaires de la cité,leur introduction folklorisante dans les émissions de télévision, leur usage décalé dans d'autres milieux (« Ilest zarbi ce gars ! » entendu dans une salle de rédaction d'une revue de sciences humaines...). Il y auraitmême certains linguistes qui idéaliseraient leur objet d'étude, comme le font parfois les ethnologues àl'égard des populations étudiées.

Mais le langage des cités inquiète aussi. On se soucie notamment de la pauvreté et de l'agressivité duvocabulaire employé (« Putain, y m'bat les couilles, ce bâtard », qui choque dans la bouche d'uneadolescente de 13 ans). Certains défenseurs de la langue craignent que celle des cités n'en vienne àcontaminer la langue française au point de l'appauvrir (les « Ça l'fait ! », « C'est ouf ! », « Putain ! » sesont largement diffusés et entrent peu à peu dans les dictionnaires). Enfin, certains craignent qu'une partiede la jeunesse en vienne à s'enfermer dans un ghetto linguistique. Qu'en est-il vraiment ?

La plupart des spécialistes s'accordent à penser que le parler jeune n'est pas simplement un langagedéformé et dévoyé du français ordinaire. Il fonctionne à la fois comme un code secret et une marqueidentitaire. Code secret : dans Les Céfrans parlent aux Français , deux jeunes enseignants de collège

Page 37: Langages: Parlons jeune!

avaient proposé à leurs élèves de rédiger un dictionnaire des mots de la cité. Première réaction d'une élève: « Mais alors, nos parents, ils vont comprendre tout ce qu'on dit ? » La collégienne révélait ainsi que leparler jeune fonctionnait comme un code interne destiné à protéger certains secrets. Ce fut naguère le casde l'argot, langue de marginaux qui cherchaient à se dissimuler. Le parler jeune permet de parler entre soi,à l'insu des parents, des professeurs, des policiers. Il permet de se moquer de quelqu'un dans le métro sansqu'il comprenne. C'est un jeu très pratiqué par les enfants dans les cours de récréation.

Il est aussi un marqueur identitaire : il vise à se distinguer. Au même titre que la façon de s'habiller, lafaçon de parler est une marque de distinction. De ce fait, lorsque certaines expressions se diffusentlargement et deviennent courantes, elles sont remplacées par d'autres.

Source: scienceshumaines.com

ACTIVITÉ DE COMPRÉHENSION

Dites si c'est vrai ou faux. Justifiez votre réponse avec une phrase du texte.

1. Selon l'auteur de cet article, le « parler jeune » des banlieues est une dégradationdu français ordinaire.

2. L'auteur critique l'introduction du langage des cités dans les émissions de télévisionet dans d'autres milieux professionnels.

3. Certains linguistes considèrent que les jeunes utilisent un vocabulaire très restreint.

4. La plupart des parents et des professeurs comprennent le « parler jeune » des cités.

5. Le langage permet aux jeunes de se différencier des adultes.

LANGAGE JEUNE

Image 6. Source : flickr.com.

Licence Creative Commons

Visitez ce site pour vous introduire dans le langage des jeunes et le verlan .

Objetivos

AV - Actividad de Espacios en Blanco

Page 38: Langages: Parlons jeune!

1

Ça sent très mauvais.

Ça pue.

Quelle odeurincommodante !

5

Il est plein de fric.

Il a des sous.

Il a une fortune considérable.

2

Il roule à fond lacaisse.

Il conduit comme unfou.

Il conduitimprudemment.

6

Vous vous nourrissez mal.

Votre alimentation n'est pas trèséquilibrée.

Vous bouffez mal.

3

Il a une mauvaise vue.

Il voit mal.

Il est bigleux.

7

On se téléphone, on se fait unebouffe.

Je vous téléphone et on dîneensemble.

J'aimerais vous inviter à dîner, jevous téléphonerai.

4

Cette soirée étaitdivine.

On a fait une de cesfoires.

On s'est fendu lapêche.

8

Il a rien dans le ciboulot.

Il n'est pas très intelligent.

C'est un imbécile.

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Indiquez le registre de langue employé : soutenu (S), courant (C), familier (F) :

Page 39: Langages: Parlons jeune!

2.2. Kamo, l’agence Babel

FRANÇAIS-ARGOT, ARGOT-FRANÇAIS

Kamo, l'agence Babel est un livre pour enfants de Daniel Pennac, célèbre écrivain français né en 1944.

Voici un petit résumé du début de l'histoire : Kamo est nul en anglais et sa mère n'arrive pas à garder sontravail. Alors ils font un pari : Kamo doit apprendre l'anglais en 3 mois et de son côté sa mère doit réussir àgarder le même travail pendant tout ce temps. Pour réussir ce prodige, Kamo va commencer à correspondreavec une anglaise.

Voici la première lettre que Kamo écrit à Cathy, sa correspondante anglaise :

Image 7

© Éditions Gallimard Jeunesse, 1997

Dear Cathy, chère beef,

C'est comme ça qu'on vous appelle ici, en France, lesAnglais: les Rosfeefs! Paraît que vous êtes des mecs trèsimportants, que la moitié de la planète jacte votre foutuelangue. Moi, je trouve que c'est pas une langue: danschaque phrase on bouffe la moitié des mots, dans chaquemot les trois quarts des syllabes, et dans chaque syllabe lesquatre cinquièmes des lettres. Reste juste de quoi cracherun télégramme.

Douce Cathy, chère rosbeef, j'ai une grande ambition: être leseul à ne jamais parler l'anglais! Alors, tu me diras, pourquoicette bafouille? A cause de ma mère. Un marché que j'aipassé avec elle. Je me suis fait avoir. Je suis obligé derespecter le contrat. Et puis mes affaires de famille ne teregardent pas, occupe-toi de tes oignons.

Salut, chère correspondante. Au cas où t'aurais l'intentiond'apprendre le français avec mézigue, achète un gros dico.Le plus gros. Et t'accroche pas trop à la grammaire.

Kamo

P.S: Tu voudrais peut-être savoir pourquoi je t'ai choisie,toi? L'agence a refilé à ma mère une liste de quinze blases.J'y ai lancé mon compas en fermant les mirettes, il s'estplanté sur le tien: Earnshaw. En plein dans le E majuscule.T'as rien senti?

Source : Daniel Pennac, Kamo, l'agence Babel , Éditions Gallimard Jeunesse, 1997

Page 40: Langages: Parlons jeune!

ACTIVITÉ DE COMPRÉHENSION

Répondez aux questions suivantes. Travaillez sur votre cahier.

1. Quel est le ton général de cette lettre ?

2. Comment expliquer cette attitude de la part de Kamo ?

3. Du point de vue lexical, comment pourrait-on définir le type de langage utilisé dansla lettre ?

4. Quel est le sens de la dernière phrase de la lettre : « Et t'accroche pas trop à lagrammaire » ?

LES CARACTÉRISTIQUES DE LA LANGUE FAMILIÈRE

Vous avez remarqué que Kamo utilise dans sa lettre un registre de langue très familier.

Voici les procédés qui caractérisent ce registre de langue dans la lettre de Kamo:

Du point de vue lexical :

Utilisation de mots d'argot, populaires et familiers : Jacter (pop.) : parler,bavarder ; foutue (pop.) : mauvaise ; bouffer (fam.) : manger ; bafouille(arg.) : lettre ; mézigue (arg.) : moi ; dico (fam.) : dictionnaire ; blase (arg.): nom de personne ; mirettes (pop.) : yeux.

Du point de vue morphosyntaxique :

Absence du sujet : Paraît que... ; Reste...

Suppression de la négation ne : C'est pas ; T'accroche pas...

Élision du pronom personnel tu : T'aurais ; T'as rien senti ?

ACTIVITÉ DE PRODUCTION

LA RÉPONSE DE CATHY

Imaginez que vous êtes Cathy, la correspondante anglaise de Kamo.

Répondez à la lettre de Kamo. Choisissez le ton de votre réponse.

Actividad

Page 41: Langages: Parlons jeune!

Nous vous recommandons vivement la lecture de cette série de livres pour enfants de DanielPennac dont le protagoniste est Kamo.

Images 8, 9, 10 et 11. © Éditions Gallimard Jeunesse, 1997

Objetivos

Page 42: Langages: Parlons jeune!

3. OUTILS

LES REGISTRES DE LANGUE

LE FRANÇAIS ÉCRIT ET ORAL

UN PEU DE PHONÉTIQUE

Page 43: Langages: Parlons jeune!

3.1. Les registres de langue

FAMILIER, STANDARD, SOUTENU

En français, il existe trois niveaux de langue qu'on utilise selon la personne à qui on s'adresse et selon lasituation de communication.

1. LE LANGAGE FAMILIER (OU POPULAIRE)

Le langage familier est caractérisé par des mots très simples et parfois vulgaires. Il s'agit fondamentalementdu vocabulaire de la vie quotidienne ; il utilise des termes familiers, parfois argotiques.

La syntaxe présente des ruptures de constructions, des répétitions, des ellipses ; on supprimehabituellement le ne dans la négation.

Il est habituel entre amis ou copains mais aussi lorsqu'une personne est en colère.

Dans le dictionnaire, les mots familiers sont indiqués fam . ou pop .

Tu crèches dans une super baraque.

Il est méga chouette et il pige tout.

Observez ces phrases en argot avec leur signifié en niveau standard:

Je suis dans la dèche / fauché , je n'ai même pas desous pour m'acheter des clopes . Peux-tu me prêter un peude fric ?

La dèche : manqued'argent

Etre fauché : ne plusavoir d'argentDes sous : de l'argent

Une clope : cigarette (àl'origine: mégot decigarette)Le fric / le pognon / le

blé : l'argent

Tiens donc, tu en as des fringues ! Regarde cette jupe etce jean ! Elles sont belles ces godasses , c'est quelle pointure? 38, tu me les prêtes ?

Des fringues : desvêtements

Une godasse : unechaussure

Cool , tu changeras de look, ce sera en tout cas moinsringard que ce que tu as sur le dos !

Cool : agréable, détendu,chouette

Ringard : démodé oumédiocre

T'as vu le mec , là-bas avec sa tignasse rouge, il estmignon !

Un mec : un homme, unindividu, un type

Une tignasse : chevelure,cheveux

Ah non, je n'aime pas sa tronche , t'as pas vu son pif ? Enplus il a une nana , je peux pas la sentir.

La tronche : la tête,l'aspect

Un pif : un nez

Une nana : une fille, unegonzesse

Écoute, le gosse est malade, il faudrait appeler le toubib .Un gosse / un môme :

un enfant

Un toubib : un médecin

Hé, les potes , on va prendre une chope au bar ?Non, je crève de faim, je veux bouffer d'abord.Alors, on va au « Café du sport », la bouffe est bonne et Jeany fait la plonge .

Un pote : un ami, uncopain

Une chope : une bière

Bouffer : mangerFaire la plonge : faire la

vaisselle

Page 44: Langages: Parlons jeune!

Source: www.vub.ac.be

2. LE LANGAGE STANDARD (OU COURANT)

Le langage standard est un langage plus soigné et beaucoup mieux accepté. On l'utilise avec des personnesque l'on connaît peu ou pas.

Il est caractérisé par des phrases bien construites, mais sans recherche stylistique. L'enchaînement desphrases est soigné. Il présente un vocabulaire usuel, avec absence de termes recherchés ou spécialisés.

Quant à la syntaxe, les règles de la grammaire sont respectées et on remarque l'utilisation des tempssimples de l'indicatif, passé composé, plus-que-parfait, subjonctif présent.

Tu vis dans une très belle maison.

Il est très sympathique et il comprend tout.

3. LE LANGAGE SOUTENU (OU LITTÉRAIRE)

Le langage soutenu est une manière de parler avec des mots rares et savants. On le lit dans les texteslittéraires, on l'entend dans des discours (modèle écrit), on l'utilise quand on s'adresse à une personne à quion accorde beaucoup d'importance et par politesse du locuteur.

Pour la syntaxe, les règles sont respectées, les phrases sont complexes et la concordance des temps estrespectée.

Dans le dictionnaire, les mots soutenus sont indiqués litt .

Tu résides dans une magnifique demeure.

Il est fort aimable et il saisit tout.

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À partir du vocabulaire argotique que vous venez de découvrir, retrouvez l'équivalent desmots soulignés en langage standard.

Attention ! Certains ne sont pas sur la liste ci-dessus, amusez-vous à retrouvez leur signifié.

1. J'ai acheté une nouvelle bagnole .

2. Ma mère profite des soldes pour m'acheter des fringues .

3. Il a marché dans la boue et ses godasses sont sales.

4. Grouillez - vous ! Vous êtes les derniers !

5. Arrête de me faire rigoler , nous allons être punis !

6. Tu veux venir bouffer avec moi ?

7. On entend les gosses crier dans leur chambre.

8. Je n'ai jamais de veine aux jeux de hasard.

9. Tu connais cette nana ?

10. La moto de mon cousin fait trop de boucan .

Continuez à vous exercer dans ce site web. Travaillez la section Niveaux de Langue .

Objetivos

Page 46: Langages: Parlons jeune!

3.2. Le français écrit et oral

LES PARTICULARITÉS DU LANGAGE ÉCRIT ET DU LANGAGE ORAL

Le langage parlé peut être traduit par l'écriture, au moyen de signes ou caractères appelés lettres.

Il faut éviter de confondre les lettres avec les sons, auxquels elles correspondent en français de façon fortapproximative. Par exemple, dans le mot eaux il y a quatre lettres, mais un seul son, [o]. Les six lettres dumot oiseau ne correspondent que d'une manière tout à fait conventionnelle aux quatre sons qu'elles sontchargées de représenter [wazo].

Lorsque nous souhaitons communiquer en français, nous faisons le choix entre langage écrit et langage oral.Ceci dépendra de la situation de communication. Cependant, nous ne devons pas oublier que ces deuxlangages ont des caractéristiques propres qui les différencient.

Nous allons présenter par la suite les particularités du langage écrit et du langage oral.

LE LANGAGE ÉCRIT

On constate plusieurs caractéristiques du langage écrit, parmi lesquelles:

On n'y retrouve pas de marques suprasegmentales qui contribuent à la compréhension dumessage oral (éléments prosodiques, d'intonation, d'accentuation ou d'insistance).

Le temps d'élaboration est plus grand, plus libre et on repère plusieurs retours sur le message(reprises, de réflexion, de corrections).

Le récepteur n'est pas là, tout au moment de l'énonciation du message.

La réception est différée, foncièrement, on repère du code écrit une forme d'asynchronismeassociée.

LE LANGAGE ORAL

Les caractéristiques les plus importantes du langage oral sont :

L'emploi d'interjections est abondant: Tiens, bon, et alors.., tu vois !

Les procédés de mises en relief, reprise nominale par exemple, ou procédés qui permettentd'insister sur un point, sont souvent présents : « La neige, elle tombe du ciel ».

Dans l'énonciation, les temps du discours sont, essentiellement, le présent et le passé composé.

La syntaxe est caractérisée par phrases courtes, reprises, pauses...

L'emploi des déictiques (présentatif, pronom démonstratif) est nécessaire car l'oral se réalise ensituation : « il y a », « c'est ».

On peut remarquer l'emploi du « on ».

La simplification dans l'oral, l'élision, est très commune: « y'a » au lieu de « il y a ».

Dans la négation, ne n'est pas souvent utilisé.

On retrouve des marques suprasegmentales, ainsi, l'interrogation se trouve dans l'intonation : «tu viens ? » ou formulée avec « est-ce que ..? »

Les répétitions de termes et de structures est plus grande.

Page 47: Langages: Parlons jeune!

Transformez les phrases suivantes du langage parlé au langage écrit.

1. Faut pas arriver en retard.

2. Il mange pas.

3. J't'avais pas entendu.

4. Il l'a rangée, papa, la voiture?

5. Où t'étais passé?

6. Y a rien à manger.

7. T'es où?

8. Tu m' reconnais pas?

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3.3. Un peu de phonétique

ESPAGNOL VS FRANÇAIS

Avant d'aborder cette section, nous vous conseillons de consulter l' Alphabet Phonétique International pouravoir certaines notions nécessaires à l'interprétation des signes qui apparaissent ci-dessous.

Nous vous présentons ensuite les fautes typiques commises par les apprenants hispanophones de français.Et ceci dans de différents niveaux: phonétique, lecture et oral. Nous vous proposons aussi certains sons àtravailler particulièrement.

PHONÉTIQUE

Type d'erreurExemple d'erreur

Prononciation [o] ouvert au lieu de [o]fermé

Le son [y] Prononcé comme [i] ou [u]

L'archiphonème [OE] Prononcé comme [O] ou [E]

Les voyelles nasales Articulées comme une voyelle + n

La semi-voyelle [j]Confondue avec la consonne "y" ou "ll" del'espagnol

Le son [v] Confondu avec [b]

Le son [z] Confondu avec [s]

Le son "ch" [ʃ] Confondu avec le "ch" espagnol

Le son [ʒ] Confondu avec [z] ou [ʃ]

Le son [R] Confondu avec [g]

Sons à travailler particulièrement

Type d'erreurExemple d'erreur Construction correcte

[y] [tu] [ti] [ty]

[z] [waso] [wazo]

Sons nasaux (tous)

LECTURE

Type d'erreurExemple d'erreur Construction correcte

Liaison avec le -h aspiré Le -z haricots Les haricots

Liaison avec -et Toi et-elle Toi et elle

Les mots avec -y Pays (avec -a) Pays (avec -e)

Difficultés avec le rythme

et l'intonation du français

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ERREURS TYPIQUES DE L'ORAL

Type d'erreurExemple d'erreur

Constructioncorrecte

Absence de -pas Je ne suis d'accord Je ne suis pas d'accord

Utilisation de -oui par -si à la formenégative

-Tu ne viens pas ?-Oui

-Tu ne viens pas ? -Si

Source: www.edufle.net

Exercez-vous à la lecture. Lisez à voix haute. Faites attention aux fautes indiquées ci-dessus.

En 1815, M. Charles-François-Bienvenu Myriel était évêque de Digne. C'était un vieillardd'environ soixante-quinze ans ; il occupait le siége de Digne depuis 1806.

Quoique ce détail ne touche en aucune manière au fond même de ce que nous avons àraconter, il n'est peut-être pas inutile, ne fût-ce que pour être exact en tout, d'indiquer ici lesbruits et les propos qui avaient couru sur son compte au moment où il était arrivé dans lediocèse. Vrai ou faux, ce qu'on dit des hommes tient souvent autant de place dans leur vie etsouvent dans leur destinée que ce qu'ils font. M. Myriel était fils d'un conseiller au parlementd'Aix ; noblesse de robe. On contait que son père, le réservant pour hériter de sa charge,l'avait marié de fort bonne heure, à dix-huit ou vingt ans, suivant un usage assez répandudans les familles parlementaires. Charles Myriel, nonobstant ce mariage, avait, disait-on,beaucoup fait parler de lui. Il était bien fait de sa personne, quoique d'assez petite taille,élégant, gracieux, spirituel ; toute la première partie de sa vie avait été donnée au monde etaux galanteries.

La révolution survint, les événements se précipitèrent ; les familles parlementaires,décimées, chassées, traquées, se dispersèrent. M. Charles Myriel, dès les premiers jours de larévolution, émigra en Italie. Sa femme y mourut d'une maladie de poitrine dont elle étaitatteinte depuis longtemps. Ils n'avaient point d'enfants. Que se passa-t-il ensuite dans ladestinée de M. Myriel ? L'écroulement de l'ancienne société française, la chute de sa proprefamille, les tragiques spectacles de 93, plus effrayants encore peut-être pour les émigrés quiles voyaient de loin avec le grossissement de l'épouvante, firent-ils germer en lui des idées derenoncement et de solitude ? Fut-il, au milieu d'une de ces distractions et de ces affectionsqui occupaient sa vie, subitement atteint d'un de ces coups mystérieux et terribles quiviennent quelquefois renverser, en le frappant au cœur, l'homme que les catastrophespubliques n'ébranleraient pas en le frappant dans son existence et dans sa fortune ? Nuln'aurait pu le dire ; tout ce qu'on savait, c'est que, lorsqu'il revint d'Italie, il était prêtre.

En 1804, M. Myriel était curé de B. (Brignolles). Il était déjà vieux, et vivait dans une retraiteprofonde.

Vers l'époque du couronnement, une petite affaire de sa cure, on ne sait plus trop quoi,l'amena à Paris. Entre autres personnes puissantes, il allait solliciter pour ses paroissiens M.le cardinal Fesch. Un jour que l'empereur était venu faire sa visite à son oncle, le digne curé,qui attendait dans l'antichambre, se trouva sur le passage de sa majesté. Napoléon, se voyantregarder avec une certaine curiosité par ce vieillard, se retourna, et dit brusquement:

- Quel est ce bonhomme qui me regarde?

- Sire, dit M. Myriel, vous regardez un bonhomme, et moi je regarde un grand homme.Chacun de nous peut profiter.

L'empereur, le soir même, demanda au cardinal le nom de ce curé, et quelque temps après M.Myriel fut tout surpris d'apprendre qu'il était nommé évêque de Digne.

Qu'y avait-il de vrai, du reste, dans les récits qu'on faisait sur la première partie de la vie deM. Myriel ? Personne ne le savait. Peu de familles avaient connu la famille Myriel avant larévolution.

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et parce qu'il était évêque. Mais, après tout, les propos auxquels on mêlait son nom n'étaientpeut-être que des propos ; du bruit, des mots, des paroles, moins que des paroles, despalabres, comme dit l'énergique langue du midi.

Quoi qu'il en fût, après neuf ans d'épiscopat et de résidence à Digne, tous ces racontages,sujets de conversation qui occupent dans le premier moment les petites villes et les petitesgens, étaient tombés dans un oubli profond. Personne n'eût osé en parler, personne n'eût osés'en souvenir.

M. Myriel était arrivé à Digne accompagné d'une vieille fille, mademoiselle Baptistine, quiétait sa sœur et qui avait dix ans de moins que lui.

Ils avaient pour tout domestique une servante du même âge que mademoiselle Baptistine, etappelée madame Magloire, laquelle, après avoir été la servante de M. le curé, prenaitmaintenant le double titre de femme de chambre de mademoiselle et femme de charge demonseigneur.

Mademoiselle Baptistine était une personne longue, pâle, mince, douce ; elle réalisait l'idéalde ce qu'exprime le mot « respectable » ; car il semble qu'il soit nécessaire qu'une femmesoit mère pour être vénérable. Elle n'avait jamais été jolie ; toute sa vie, qui n'avait étéqu'une suite de saintes œuvres, avait fini par mettre sur elle une sorte de blancheur et declarté, et, en vieillissant, elle avait gagné ce qu'on pourrait appeler la beauté de la bonté. Cequi avait été de la maigreur dans sa jeunesse était devenu, dans sa maturité, de latransparence ; et cette diaphanéité laissait voir l'ange. C'était une âme plus encore que cen'était une vierge. Sa personne semblait faite d'ombre ; à peine assez de corps pour qu'il yeût là un sexe ; un peu de matière contenant une lueur ; de grands yeux toujours baissés ;un prétexte pour qu'une âme reste sur la terre.

Madame Magloire était une petite vieille, blanche, grasse, replète, affairée, toujourshaletante, à cause de son activité d'abord, ensuite à cause d'un asthme.

À son arrivée, on installa M. Myriel en son palais épiscopal avec les honneurs voulus par lesdécrets impériaux qui classent l'évêque immédiatement après le maréchal de camp. Le maireet le président lui firent la première visite, et lui de son côté fit la première visite au généralet au préfet.

L'installation terminée, la ville attendit son évêque à l'œuvre.

Victor Hugo, Les Misérables

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