LʼAmi retrouvé Ou lʼamitié malmenée par lʼHistoire · Harold Pinter (né le 10 octobre 1930...

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L’Ami retrouvé Ou l’amitié malmenée par l’Histoire Dossier pédagogique de Marie- Anne LIEB Docteur en Etudes Cinématographiques Janvier 2011

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L’Ami retrouvé

Ou l ’amitié malmenée par l ’Histoire

Dossier pédagogique de Marie-

Anne LIEB Docteur en Etudes

Cinématographiques

Janvier 2011

Synopsis

New York, 1988. Un vieil homme part pour l’Allemagne, prétextant un voyage d’affaires. Il est en réalité sur les traces de son passé. Un passé lointain et torturant puisqu’en 1932, ce fils d’un médecin juif assiste à la montée du nazisme. Il a alors seize ans et lie une profonde amitié avec un jeune aristocrate fortuné, dont les parents sont nazis. Hans Strauss va chercher à savoir ce qu’est devenu son ami d’enfance, Konrad Von Lorenbourg.

Autopsie d’un roman

Le film intitulé L’Ami retrouvé (dont le titre original anglais est Reunion) est une adaptation du livre éponyme de Fred Uhlman, paru en 1971. Celle-ci fut réalisée par le réalisateur Jerry Schatzberg et le dramaturge Harold Pinter. Fred Uhlman, né le 19 janvier 1901 à Stuttgart en Allemagne, mort à Londres en avril 1985, était un écrivain ainsi qu’un peintre britannique d'origine allemande. Si ce roman n’est pas au sens strict du terme autobiographique, nous y retrouvons néanmoins de nombreuses corrélations romancées avec la vie de son auteur. Fred Uhlman fréquente le collège de Stuttgart et ses matières de prédilection étaient les mathématiques et l’histoire à l’instar de son héros, le jeune Hans Schwarz. Il devient avocat après des études de droit commencées en 1927 à l’université de Tübingen, puis à Fribourg et Munich. Le premier plan nous présente Henry dans son bureau d’avocat new-yorkais. Par ailleurs, Uhlman eut à s’adapter comme Hans à un nouveau pays, à une nouvelle culture dès 1936. Il rencontre son épouse (Diana Page Croft) en Espagne aux prémices de la guerre civile et s’embarque en sa compagnie pour l’Angleterre en 1938. Il y installe le Comité des Artistes réfugiés un centre clairement anti-nazi pour les réfugiés et les combattants espagnols. Prisonnier en 1940 à l’île de Man pour suspicion de trahison en raison de ses origines allemandes, il fut ensuite enfermé au camp d’Hutchinson. Les internés passaient leur temps à peindre et à écouter des conférences, aussi il devient plus familier de la langue anglaise et pratiquer ses passions artistiques. Ce livre fut rédigé dès 1960 en anglais pour deux raisons qui font directement écho au personnage de Hans (onze ans furent nécessaires pour l’éditer). Fred Uhlman ne veut plus parler allemand et renie son pays d’origine. Il pense par ailleurs que son livre aura plus d’impact. La pertinence de son livre réside dans la description du mécanisme insidieux d’exclusion d’une partie de la population (juifs, étrangers, handicapés…). Au sortir de la guerre, l’auteur refuse inconditionnellement de retourner vivre là-bas. On ne peut parler ni de roman, ni de nouvelle non plus car il manque le volume, l’ampleur et la qualité panoramique caractéristique d’un roman ; il est par ailleurs trop dense pour n’être qu’une nouvelle. Ce livre est un pont entre ces deux rives que chaque scène, chaque détail aide à bâtir un système cohérent alors que les souvenirs autobiographiques évoquent le plus souvent pêle-mêle actes et paroles sans lien de causalité apparent.

Portraits du réalisateur et du scénariste

Jerry Schatzberg est un scénariste et réalisateur américain né le 26 juin 1927 à New York. Il a remporté le Grand Prix au Festival de Cannes 1973 avec le film L'Épouvantail. Il est l'époux de la comédienne franco-américaine Maureen Kerwin. Parallèlement au cinéma, il a présenté au public des oeuvres photographiques personnelles, après avoir été dans les années 1960 un photographe de mode estimé.

Harold Pinter (né le 10 octobre 1930 et mort le 24 décembre 2008 à Londres) est un écrivain, dramaturge et metteur en scène britannique. Il a écrit pour le théâtre, la radio, la télévision et pour le cinéma. Pinter est né dans une famille d'origine russe et de religion juive du faubourg populaire d'Hockney à Londres. Durant sa jeunesse, l'auteur a été confronté au chômage, à la misère, au racisme et aux relents antisémites qui sévissaient au Royaume-Uni à l'aube de la Seconde Guerre mondiale. A Londres, il entre à la Hockney Downs Grammar School puis intègre ensuite brièvement la Royal Academy of Dramatic Art en 1948. En 1951, Pinter est admis à l'École Centrale des Arts de la Scène. La même année, il est engagé dans la troupe théâtrale ambulante irlandaise d'Anew McMaster spécialisée dans Shakespeare qui lui met le pied à l'étrier. Survient le grand succès de The Caretaker (Le Gardien) en 1960 : la pièce est rejouée et reçoit un accueil triomphal. L'auteur est rapproché de la génération des « Jeunes gens en colère », comme ses collègues John Osborne, Arnold Wesker et Edward Bond. L’œuvre de Pinter a dès le début été marquée par l’influence du théâtre de l'absurde et de Samuel Beckett. Pinter se veut l'illustrateur de l'absurdité et de l'horreur cachée du monde moderne tel qu'il apparaît après la Seconde Guerre mondiale. À partir des années 1980 et 1990, l'auteur trouve un nouveau souffle grâce à la contestation politique, se livrant à de virulentes critiques à propos de l'ère Thatcher, de l'invasion de l'Afghanistan, du libéralisme, ainsi que de la guerre du Golfe, de la dictature de Pinochet et plus tard du blairisme.

Autant de précisions sur cet homme afin de comprendre son intérêt à s’engager aux côtés de Jerry Schatzberg pour ce long-métrage. Le premier scénario de Pinter, The Servant, est écrit en 1962 d'après le roman de Robin Maugham. Pinter écrit aussi le scénario de La Maîtresse du lieutenant français (The French Lieutenant's Woman), d'après le roman de John Fowles, et publie, à la demande de Joseph Losey, un script basé sur le roman de Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, qui ne sera jamais porté à l'écran. Plusieurs des pièces de Pinter furent également adaptées pour le cinéma : The Caretaker (1963), The Birthday Party (1968), The Homecoming (1973) et Betrayal (1983) ou Reunion/ L’Ami retrouvé (1987).

Adaptation

Jerry Schatzberg et Harold Pinter proposent une adaptation qui met de côté l’œuvre originale et donc les allusions à la littérature :

-Quand on demande à Jerry Schatzberg ce qui l’a poussé à tourner L’Ami retrouvé en Europe plutôt qu’aux Etats-Unis, dont il est originaire, il répond : « … C’est un film qui parle de relations humaines. J’ai été très touché par le livre de Fred Uhlman. Quand vous devez traiter un sujet aussi universel que celui-là, il importe peu de savoir où. L’impact reste le même…1 »

Le point de départ du film est un flash-back autour duquel les séquences du passé et du présent immédiat s’articulent. Plusieurs thèmes créent des correspondances d’une temporalité à l’autre comme la coupe de la moustache (celle du père de Hans jeune, celle de Henry/ Hans vieux imitant son père) ou bien celle en petite brosse du professeur de gymnastique raide et tyrannique qui est un écho parfait à celle d’Hitler. Jerry Schatzberg montre peu de choses de l’Allemagne de 1987, entre autres parce que l’action du récit se déroule essentiellement durant l’année 1932 mais aussi parce que les quelques lieux entrevus au présent immédiat ne sont nécessaires qu’en miroir avec le passé. Véritable puzzle, la narration de ce film joue à recomposer progressivement la topologie de cette année de l’amitié trouvée et par la suite éprouvée. « Les années 30 sont traitées dans le style rétro de la souriante

mélancolie et cette douceur trompeuse crée un climat de déséquilibre et d’ambiguïté qui colle au propos (…) Un beau film, en vérité, qui allie le sens de l’évocation historique à l’influence de l’Histoire sur les destinées individuelles2. »

L’introduction du film est constituée d’images du présent aux Etats-Unis, ainsi que de scènes en noir et blanc, d’images d’archives ou bien encore deux extraits du film L’Ange Bleu de Sternberg. Ces éléments produisent cette sensation de souvenirs éparpillés que le spectateur comme le narrateur se doit de reconstituer pour pénétrer le passé de cette amitié entre Hans et Konrad.

« On reconnaît une séquence du film de Josef von Sternberg au moment où les deux amis vont au cinéma ; or on avait aperçu plus tôt un passage si bref qu’il n’était guère identifiable ; on comprend alors que cette image de tendresse mensongère suggérait l’amitié trahie3 ».

Jerry Schatzberg explique l’utilisation des différentes nuances de couleurs, l’intervention du noir et blanc pour les archives ou les tout premiers souvenirs de Henry/ Hans mais il précise aussi que le montage dans le récit au passé est de facture classique. En effet, peu de mouvements de caméra, peu de coupes brusques ou de désynchronisation temporelle. La volonté est de coller à une époque révolue et aux avancées esthétiques très récentes sans omettre le point de vue du héros qui doit être cohérent.

Les éléments du décor sont rares, à l’exception bien sûr du bureau du père de Henry/ Hans et de quelques objets (paire de ciseaux, stéthoscope, portrait de famille…) en réponse au caractère sélectif de la mémoire de tout un chacun, en l’occurrence ici de Hans. Empruntons les propos de Michel Ciment pour résumer le récit ainsi :

« En un sens c’est l’histoire d’une blessure de cinquante ans. Bien qu’il soit encore en colère, son voyage est une sorte de catharsis 4».

De quelle manière cette amitié advient ? Comment se vit-elle ? Et surtout comment l’Histoire entrave-t-elle l’amitié ? Autant de pistes de réflexion que le récit se charge de traiter habilement. Par avant, notons le seul plan que le spectateur peine à comprendre lors de la première séquence du récit. Il s’agit d’un extrait télévisé en noir et blanc sur un homme éructant un discours face caméra tel Hitler en son temps. Nous comprendrons bien plus tard que ce plan est le seul à ne pas appartenir aux souvenirs de Henry mais qu’il est le « témoin » discret et annonciateur du destin de Konrad après l’exil forcé de Hans. Cet homme est le procureur nazi Freisler que les Allemands identifient parfaitement contrairement à Henry. Toutefois relevons les propos du réalisateur qui caractérisent un des enjeux du récit :

« En fait, Henry [il] comprend ce que dit Freisler puisque nous découvrons à la fin du film qu’il parle allemand. Il est attiré par cette émission, mais en même temps c’est un cauchemar pour lui de voir ça à son retour en Allemagne, et il éteint la télévision5 ».

On peut en quelques lignes ouvrir la question de l’adaptation au sens strict du terme. Citons un ouvrage de référence quant à ce film qui permet de poursuivre de manière exhaustive cette question. Il s’agit de Parcours de lecture-L’ami retrouvé de F. Uhlman par Viviane Buhler aux éditions Bertrand Lacoste (1990). Les deux objets (livre et film) servent bien sûr un propos identique même si parfois la forme change. Ne serait-ce que la phrase introductive du livre :

« Il entra dans ma vie en février 1932 pour n’en jamais sortir. Plus d’un quart de siècle a passé depuis lors…Je puis me rappeler le jour et l’heure… »

Le film propose un bref plan muet, en noir et blanc, sur un jeune garçon entrant dans une salle de classe dès les premières secondes du récit pour répondre à cette phrase. Le flash-back s’ouvre quelques minutes plus tard à la fin de l’inventaire fait par Henry par ce même plan sur le jeune garçon mais cette fois-ci en couleurs.

Une lecture approfondie du texte permet de noter que le personnage de Konrad ne s’interpose jamais pour défendre Hans, qu’il est lâche comme s’il fallait ternir la haute société à laquelle il appartenait. Dans le film, Konrad est timide mais ose cependant interpeller Bollacher qui traite Hans de « youpin » et lui conseille de retourner « en Palestine ». Ainsi le cinéma adoucit légèrement ce personnage aristocratique.

4 Michel Ciment, Interview de Jerry Schatzberg, Positif, N°339, 1989. 5 Jerry Schatzberg, Positif, N°339, 1989.

Enfin, précisons que le traitement de Hans dans le livre est assez singulier et impossible à transposer au cinéma. Il est « sans visage » dans le texte de Uhlman, en ce sens que les descriptions d’ordre physiques et esthétiques ne s’attachent qu’à décrire le personnage de Konrad. Les attributs de Hans sont ses traits de caractère (goût pour les arts, la culture classique, collection de pièces anciennes…) et son identité : Schwarz Hans, le patronyme révèle sa judéité tandis que son prénom le germanise (Henry l’américanisera). Jerry Schatzberg décide de montrer un premier plan de son visage rêveur et ses mains tâchées d’encre noire comme pour insister sur leur différence de classe, au sens figuré (la tenue) comme au sens propre (la classe sociale). Le livre comme le film sert cependant le même propos, à savoir : la compréhension du monde contemporain au travers des classes sociales, des persécutions, du racisme, de l’intégration des minorités et des régionalismes.

Analyse de l ’ouverture

Cette analyse prend comme appui possible et non exhaustif la forme circulaire pour décliner les thématiques, l’esthétique et le contexte de ce film. Forme qui rend compte à la fois de la souricière qui se referme insidieusement sur les protagonistes du récit, ainsi que sur l’Histoire ; du regard introspectif d’Henry au travers de sa réminiscence inconsciente ; du retour sur la naissance d’une idéologie et de ses fondements eux-mêmes empreints de l’idée de « retour aux origines » ou bien encore le traitement de l’amitié au travers de nombreuses scènes récurrentes pour arriver à la reconnaissance des lieux par Henry dans Stuttgart cinquante cinq ans après son exil.

Ouverture : 15 minutes.

1. Si les ouvertures des films sont capitales, celle-ci est extrêmement riche en détails visuels, sonores et historiques. Le générique sur fond noir est accompagné par le son de pas sur un sol caillouteux et humide. Quelques noms apparaissent encore sur fond noir puis une coupe franche dans le découpage révèle un plan en noir et blanc très légèrement sépia. Des hommes au torse nu sont poussés à l’intérieur d’une vieille bâtisse, montent sur une estrade tandis qu’un soldat nazi pend le premier de la file. Le bruit de la corde accompagné de l’image du corps se balançant d’avant en arrière est relayé brusquement par un plan toujours en noir et blanc, d’une petite fille sur une balançoire poussée par un homme. Même mouvement, même cadence et même son. Enfin, à l’insert bref sur la balançoire s’ajoute un plan toujours en noir et blanc et sans son sur un jeune homme arrivant dans une salle de classe. Ce premier « précipité » au sens scientifique du terme, est comme la trace sédimentaire de souvenirs enfouis sans que le spectateur ne soit sûr de leur provenance par la suite, ni même de leur nature. Ils portent cependant en eux le déroulement du drame à venir, d’une période historique donnée et d’un possible récit au passé qui tarde à s’ouvrir.

2. À ce bref prologue (1 minute et demie tout au plus), suit un plan d’une petite fille criant « Alex », effrayée par un berger allemand qui semble courir après elle. Un vieil homme court pour la protéger. Les images sont désormais en couleurs. Courte ellipse temporelle puis un nouveau plan montre le même vieil homme assis à son bureau dévoilant à son interlocuteur téléphonique qu’il part en Allemagne (insert sur le billet pour Stuttgart). À cet instant, le vieil homme lève les yeux devant lui, ce qui « entraîne » l’apparition d’un insert en noir et blanc sur un garçon aux barres parallèles. Nouvelle ellipse, une femme fait face au restaurant à ce vieil homme puis nous le retrouvons chez lui prêt à partir regardant un portrait de famille. Le bruit de réacteurs d’un avion depuis le hall de l’aéroport introduit un insert muet en noir et blanc sur un nazi avec un berger allemand ainsi qu’un homme en uniforme de Uhlan. Dans l’avion, un insert toujours sans son de L’Ange bleu de Sternberg rompt la rêverie du vieil homme. Arrivé à son hôtel, Laurence Olivier incarne Hamlet que la télévision allemande retransmet. Le vieil homme sourit, coupe sa moustache devant le miroir de la salle de bain puis est tiré de ses pensées par la suite de l’émission. Freisler, procureur nazi, éructe face caméra. Le vieil homme visiblement gêné voire effrayé, ferme le poste de télévision. Les inserts (barres parallèles ; berger allemand et soldat nazi ; film) de cette séquence appartiennent à la mémoire du vieil homme. L’image des barres parallèles revient au moment où il doit aller récupérer ses biens à Stuttgart, aussi ce voyage fait remonter à la surface quelques images fugaces qu’il se sera forcé d’oublier, en vain. En effet, si ces plans ne sont pas encore clairement identifiables, le chien qui a effrayé Alex aura amené le souvenir de celui-ci dans l’insert. Pour le spectateur cela reste néanmoins des hypothèses narratives. 3. Enfin, un troisième temps clôt cette séquence introductive riche. Face à l’opéra de

Stuttgart, le vieil homme se promène et demande si l’école « Karl Alexander Gymnasium » existe encore (« Kaput » lui répond un passant). Un plan révèle enfin son nom et donne un nouvel indice de sa présence dans ce pays (« là-bas » comme il le nomme le plus souvent lui-même). « Strauss » dit d’un ton sec un homme face à lui ; il est conduit dans les sous-sols d’une administration. Il doit marcher dans un très long couloir semblable à un tunnel illuminé de rouge, avant de descendre en ascenseur et d’arriver à un box. Un vieux monsieur à l’accent yiddish le laisse faire l’inventaire de ses biens. Strauss découvre un canapé (il sourit) puis une caisse en bois. En voyant les pièces de collection contenues dedans, il en empoche une en particulier. Cette pièce ouvre le flash-back sur son passé en nous montrant pour la seconde fois le plan sur le jeune homme entrant dans une salle de classe mais cette fois-ci en couleurs.

Traitement et disposit i f :

Le spectateur retrouvera durant tout le reste du récit et, telles les pièces d’un puzzle, toutes les images en noir et blanc disséminées ici et là dès la première minute du film. Ce vieil homme en est le narrateur. Tous les détails ont une fonction dramatique. Ainsi, sur le bureau de Strauss trône un portrait de famille que nous reverrons dans le tout premier plan qui nous présente son père.

De même que la paire de ciseaux dans le tiroir du meuble lors de l’inventaire entre en résonance avec celle du père qui se taille la moustache. Nous notons au passage la répétition de ces mêmes gestes par Strauss à son hôtel. Si le « précipité » du prologue reste confus encore un temps, l’image sur le Uhlan s’éclaire cependant un peu lorsque Strauss trouve la croix de fer et l’épée dans la caisse. Mais c’est la suite de la séquence qui donne les indices les plus compréhensibles. Nous avons évoqué brièvement la différence de traitement de l’arrivée du récit au passé entre le livre et le film, il faut s’attarder sur la forme de celui-ci. Dès l’aéroport, un lien s’établit de façon ténue mais certaine entre l’image du jeune homme entrant dans la classe, de la petite fille à la balançoire et le soldat avec le berger allemand ou celle du pendu. Tout indique que ce qui relève du bonheur (fillette, élève…) a été menacé ou balayé. Ensuite, lors de la descente dans les sous-sols de l’administration allemande, le vieil homme amorce indubitablement un voyage dans le temps que le couloir en forme de tunnel symbolise. Il est angoissant (rouge, long, lumière à peine visible au bout) ; d’ailleurs Strauss se retourne hésitant et repart. La musique l’accompagne (nous retrouverons le thème choisi pour les deux amis) lui donnant du courage pour traverser ce « boyau » de la mémoire. L’ascenseur l’entraîne encore plus loin, au cœur de lui-même. Véritable introspection, chaque palier semble représenter une décennie mais aussi un degré dans sa douleur et son histoire personnelle (plus tard il dira qu’il n’est pas revenu en Allemagne depuis 55 ans !). Le son est un outil fondamental durant tout le récit. Cette ouverture le prouve aisément et apporte une dimension résolument cinématographique à cette adaptation. Le son des pas qui fonde le suspens de la scène, puis le son de la corde du pendu relié à celui de la balançoire comme pour signifier un lien de causalité encore obscur. Est-ce que le rire et l’insouciance de cette petite fille auraient été menacés par l’homme que l’on pend ? Mais il manque des éléments de compréhension. Ce qui est intéressant c’est que le son est déclencheur de l’action, du plan, du souvenir. Il participe pleinement au récit et n’est pas uniquement ornemental ou dû aux dialogues. De même que l’absence de son du plan sur le berger allemand et le soldat nazi, le film de Sternberg ou le jeune homme aux barres parallèles est intrigant. Ce n’est qu’à la toute fin du récit que nous est dévoilé cette explication. Strauss a refusé toutes ces années de parler sa langue maternelle, de la lire, de l’écouter aussi ces images venues d’Allemagne ne peuvent être en allemand à ce moment du récit. Le plan sur Freisler le prouve. Strauss ne supporte pas la langue comme il ne peut soutenir cet homme. Cette séquence est la première illustration de la circularité énoncée. Pris dans le tourbillon sournois de ses souvenirs datant de 55 ans, Strauss est obligé de revivre ce temps et il nous en livre le récit. Si le titre anglais est Reunion, on comprend déjà qu’il sera question de fermer la boucle, le cercle en allant à la rencontre du jeune homme qu’il fut. Retour sur soi, sur son amitié qu’il pensait indestructible et qui ne sera « lavée » de l’ignominie nazie qu’au tout dernier plan du film. Narrateur du récit sans voix-off, le point de vue sur cette amitié est par conséquent pris en charge par lui. C’est sa vision du monde, de l’Allemagne, de cette amitié et des évènements historiques dont il est ici question.

Narration et esthétique classiques : un jeu de recomposit ion

L’ouverture est très travaillée (inserts, son, archives) et présente un exemple de flash-back intéressant. Quant au reste du récit, dès l’apparition du passé retrouvé, il est relativement classique. Les plans pour la plupart sont fixes et cadrent les jeunes gens en plan rapproché ou en plan d’ensemble. Les gros plans sont réservés à quelques objets et ne viennent pas dramatiser à outrance la représentation des personnages. Exception faite à la scène du regard de Hans qui, représenté par un zoom avant, ne peut se détacher des lèvres du nouveau professeur d’histoire et de sa diction heurtée. C’est comme s’il ne croyait pas ce qu’il entendait ou qu’il ne voulait pas comprendre ; il en reste abasourdi. Pour le passé, la caméra n’opère que très peu de mouvements tandis qu’au présent le sens du cadre est moins pesant et les mouvements plus fluides. La pièce de monnaie empochée ouvre donc le passé ; allégorie des pièces (inserts, archives, meubles…) du prologue et de la vérité qui a éloigné si longtemps Hans de la réconciliation. Retrouvons leur place au cours du récit : le premier plan revu est celui de Konrad puisqu’il est l’ami en question et que son entrée a fait forte impression sur la classe entière et plus encore sur Hans. Le second plan de Hans aux agrès intervient peu de temps après car il veut épater Konrad dans l’espoir de gagner son admiration. Alors que leur amitié se scelle, Hans amène Konrad chez lui et nous voyons la petite fille sur la balançoire qui est sa voisine. Les deux amis iront au cinéma et y découvriront L’Ange bleu de Sternberg (1930). Plus loin dans le récit la situation se dégrade, Hans se fait insulter de « Youpin » à l’école et le père défend son identité et sa place de citoyen juif allemand en portant l’uniforme de Uhlan ; il est surveillé par un nazi avec un berger allemand gueulant. On comprend mieux l’angoisse d’Henry au parc avec Alex et le trauma de cette scène. Le flash-back se clôt sur un cauchemar de Henry dans lequel apparaît Freisler vu à la télévision à Stuttgart et enfin, ayant appris la vérité sur Konrad le dernier plan montre le lieu d’exécution de ceux qui ont comploté contre Hitler. Boucle refermée en effet par ce cauchemar assemblant le cri d’Alex (vue au présent aux Etats-Unis apeurée par le chien), la supplication de la femme du restaurant (Lisa, sa fille) et le visage déformé et nimbé de rouge comme la lumière du couloir, du procureur Freisler. La narration s’est bien déroulée sur deux jours (Henry part mercredi et sera de retour jeudi). Le suicide des parents corrompt les souvenirs et se mute en cauchemar. Le flash-back sur son amitié aura commencé dès sa soirée à Stuttgart puis se sera poursuivi durant ses rêves à l’esthétique réaliste à l’inverse du cauchemar. Le lendemain il cherchera les réponses en allant sur la tombe de ses parents et en cherchant la vérité sur Konrad Von Lohenburg. Le cercle narratif se referme par le plan sur la bâtisse avec le pendu qui sera resté longtemps incompréhensible car sans lien apparent. En effet, le lieu d’exécution n’a pu être expliqué ni par le flash-back, ni par aucune image ou référence dialoguée. Dès qu’Henry approche de la vérité, le puzzle offre ces dernières explications ; arrivé dans l’ancienne maison de son ami, le premier insert en noir et blanc sur une salle de tribunal apparaît. Souvenons-nous, Henry reconnaît les lieux et ouvre la porte qui fut celle de la chambre des parents de Konrad. Il y avait vu le portrait d’Hitler.

Boîte de Pandore, la maison lui livre des clefs mais qui ne sont pas ses souvenirs, juste des inserts informatifs appartenant au récit lui-même (et à la fin de Konrad). Le second insert succède à la visite de l’exposition sur les corps alors qu’Henry prend le prospectus sur Karl Alexander Gymnasium. En taxi, il se fait conduire non sans mal à sa maison natale ; le chauffeur l’insulte. Henry se défend en lui répondant pour la 1ère

fois en allemand. Suit le troisième insert sur Freisler éructant. Le lien se fait par le fait d’avoir parlé en allemand. Couché sur la tombe de ses parents, le dernier insert sur Freisler ponctue la scène. Henry arrivé au KAG s’informe du destin de certains camarades durant la seconde guerre mondiale. Il apprend le rôle inattendu de son ami, ainsi que son exécution. Le film se clôt logiquement sur le lieu d’exécution vu avec ces condamnés (Freisler orchestrait le procès !). Ainsi, ce prologue obscur et confus pour le spectateur, ayant saisi avec le flash-back que l’explication ne pouvait être donnée par Henry, comprend enfin que l’enjeu du récit est bien Konrad et l’amitié retrouvée 55 ans après. Les inserts et plans issus de la mémoire de Hans rendent compte d’un jeu de recomposition que la nature même des images du film complète. Traitement classique en variant les tonalités et leur fonction, toutes les images sont identifiables. Nous avons donc cinq sortes d’images : celles du présent en couleurs (Strauss vieux aux Etats-Unis puis à Stuttgart), celles du passé en couleurs mais légèrement altérées (plus marron ; Hans et Konrad amis), celles des souvenirs en noir et blanc légèrement sépia parfois, avec ou sans son (Strauss vieux ; en accord avec le noir et blanc et sépia de la photographie de ces années et instruisant de la temporalité du souvenir), celles des archives inventées en noir et blanc (pendaison qui ouvre le film et ce même lieux vide à la toute fin ; nous n’avons pas les images de l’exécution des comploteurs) et enfin celles des archives réelles (Laurence Olivier puisqu’il s’agit du film de David Lean en 1948 mais surtout de Freisler dans son tribunal, les vacances de l’été 1932 et les discours de Hitler durant ces mêmes mois d’été, toutes en noir et blanc). Classicisme également dans une étrange séquence très révélatrice de l’époque et particulièrement de l’année 1932, lorsque le réalisateur décide de faire un montage parallèle einsteinien. Images d’archives des vacances 32 représentant la plage, les jeux, les bals, les spectacles de cabaret alternées avec les archives des répressions de grèves, de Rosa Luxembourg, de la montée du nazisme et d’Hitler en Allemagne. Le réalisateur arrive à conjuguer habilement le sentiment d’insouciance d’une partie du peuple allemand alors que politiquement le pays est en train de basculer. Cela révèle aussi la légèreté avec laquelle cette partie privilégiée de la population, soit celle qui peut partir en vacances, entendait le discours populiste d’Hitler rassurant celle-ci de ce qu’elle vit comme une trahison depuis la fin de la première guerre mondiale. Le rythme de cette séquence est très rapide, très enlevé et le jeu de rimes visuelles stupéfiant. La queue leu leu des danseuses enchaînée aux troupes défilant puis aux pas des danseurs. On retient la façon dont sont « orchestrés » tant la narration du film que le basculement progressif de l’Allemagne. Notons enfin le raccord entre le lever de drapeau nazi par les jeunesses hitlériennes (filles) et celui du collège à Stuttgart de retour des grandes vacances.

Amitié malmenée et retrouvée…

Les différences caractérisent essentiellement les deux amis ; en effet tout semble les opposer et pourtant l’espace d’une année scolaire, ils apprendront à se connaître, à se découvrir des passions communes et à dépasser ce qui pourrait faire obstacle à leur amitié. L’arrivée de Konrad en classe est très importante : il est très bien habillé, les cheveux gominés, a un maintien élégant et dispose une pochette de cuir, contenant de très beaux stylos sur son pupitre. Viviane Buhler parle d’un « personnage de légende » tant cet inconnu fait impression. Son patronyme -Konrad Von Lohenburg au lieu de K. Von Hohenfels dans le texte initial, est autant admiré qu’envié, voire craint par Hans qui se sent insignifiant à ses côtés (« on est pas amis » dit-il à son père). Konrad est issu de la plus haute aristocratie protestante faisant partie de l’Histoire alors que Hans incarne la petite bourgeoisie dont les ancêtres s’occupaient des bêtes. Hans Strauss (au lieu de Schwarz dans le livre) est quant à lui désigné comme étant moitié allemand et moitié juif. Le réalisateur choisit de représenter Hans avec les cheveux en bataille, un visage moins fin, un costume relativement commun et surtout des tâches d’encre sur les mains. Bien sûr, les maisons des deux jeunes garçons sont figurées avec soin par J. Schatzberg. Au fond d’une allée, on aperçoit un terrain sur la droite puis une maison. Konrad interroge son ami mais celui-ci lui répond : « non c’est au fond ». Hans à l’inverse est pétrifié devant les griffons de la grille de fer et aussi par l’allée sans fin qui ne laisse pas apparaître tout de suite la maison de Konrad. Dès qu’il pénètre dans le domaine des Lohenburg, il prend conscience du prestige de la famille. Longue allée, parc, escalier bordé de végétaux et maison immense autour de laquelle des domestiques s’affairent. Cependant le système de cette relation ne repose pas uniquement sur un jeu d’opposition. Konrad qui après avoir eu des précepteurs (père ambassadeur) peut aller à l’école. C’est ainsi qu’il rencontre Hans, et s’intéresse en particulier à sa collection de pièces. L’amitié entre les deux amis est temporalisée et représentée par des trajets dans la ville (fontaine, boulangerie, marché…) ; la récurrence et leur fréquence répondent à celle qui montrait auparavant Hans traversant le marché. Une fois réunis en haut de cet escalier, de multiples plans sur Hans et Konrad vont souligner leur point de rendez-vous (la demeure de K). Tel un cercle parfait, six plans identiques sont nécessaires à Hans pour inviter son ami à venir chez lui. On note aussi les montées et descentes d’escaliers en extérieur ou en intérieur comme un trait d’élévation, de progression, d’ascension ou bien de chute au niveau social, amical et personnel des deux héros. D’ailleurs Henry finit au sommet d’un gratte-ciel newyorkais tandis que Konrad « remonte » dans son estime. Ce traitement elliptique suggère que le temps passant les jeunes garçons bâtissent une réelle amitié. Les week-ends à la campagne accentuent la notion de durée et donc d’inséparabilité. Par ailleurs, le thème musical entendu dès l’ouverture du récit dans le couloir résonne à chaque grande séquence et est assimilé tout au long du récit aux deux jeunes gens. Analyse-chap. « irréconciliable différence » : 10 minutes. A noter l’alternance et la nature des plans dans l’opéra : les uns sur Hans surveillant la salle et le balcon de la famille Lohenburg et les autres en caméra subjective relayant son regard sur Konrad et sa famille.

Cela manifeste à la fois son intérêt pour son ami, son appréhension de la rencontre mais cela symbolise également la différence sociale (lui est au poulailler ou presque) tandis que les Lohenburg ont leur loge privée.

Déni évident de Konrad que Hans ne comprend pas et qui le pousse à ignorer son ami le lendemain à l’école. Hans en a fait un cauchemar, il est fébrile tant le sens lui échappe. Explication avec Konrad dans le gymnase. Lieu significatif car il est celui du cours aux agrès, les barres parallèles précisément (lorsque H cherche à épater K) et surtout qui souligne formellement et métaphoriquement les deux destins, les deux familles, les deux compréhensions et les deux amis dont les vies ne semblent plus pouvoir se rencontrer. Par l’évocation du « problème juif » est saisissant. Hans ne comprend pas mais Konrad laisse entendre un autre discours ; pas celui des adieux mais tout de même une réflexion qui s’entache. Son père lui ayant avoué que « le problème juif sera résolu tôt ou tard ». Konrad bien que choqué et se battant pour rester ami avec Hans (« je me suis corrompu pour toi ») car sa mère lui voue une haine aveugle relayant le discours ambiant à l’égard des juifs, est en train de s’obscurcir. Ce face à face est intéressant car outre le clivage (champs/ contre-champs systématique à ce moment de la discussion), la réalité à laquelle fait référence Konrad est incarnée par lui-même ; lui qui est héritier de la grande Allemagne, lui qui est d’une famille « avalée » par l’hitlérisme. Ils se promettent de rester amis et de se revoir après les vacances.

La nature et le passé occupent une grande place dans leur amitié. En résonance avec les gravures du romantisme allemand, nous voyons les jeunes garçons surplomber la plaine depuis un rocher brumeux telle l’œuvre de Caspar David Friedrich -Voyageur contemplant la mer de nuages(1818, Kunsthalle, Hambourg).

On ne peut pas parler au sens strict du terme de mélancolie mais d’une forme de nostalgie. Ce plan répond parfaitement au texte de Uhlman :

« Il n’y avait pas dans ma classe un seul garçon qui répondît à mon romanesque idéal de l’amitié, pas un seul que j’admirais réellement, pour qui j’aurais volontiers donné ma vie et qui eût compris mon exigence d’une confiance, d’une abnégation et d’un loyalisme absolus ». Cette attention à la nature est aussi la représentation de la passion de Uhlman et de

Hans pour le Wurtemberg entouré par l’Alsace, la Suisse et l’Autriche. Par ailleurs, cette relation a trait à l’adolescence. Un temps de passions, de grand sentiments, d’idéaux et leurs échanges sont aussi basés sur les principes, les croyances que l’Histoire vient d’autant plus mettre à l’épreuve. Alors qu’Hans apparaît au début comme un jeune homme moins mâture que Konrad, la veille de son départ son ami lui dit : « Tu m’as appris à réfléchir. Hitler saura faire le tri entre les bons et les mauvais éléments juifs…». Courant à perdre haleine, Hans rejette (il est littéralement malade) ces dernières paroles qui montrent que le discours, la propagande et l’environnement familial ont eu raison de la réflexion de Konrad. Il faudra 55 ans pour qu’Hans s’avoue son déni envers les jeunes allemands des années 80 qui n’ont rien à voir avec les nazis de 1932. La fuite de la réalité de Hans ne s’arrête qu’avec la vérité sur Konrad.

Tant d’années après Hans devenu Henry, refait donc le trajet, reprend les mêmes rues, revoit certains monuments (tel l’opéra) ; il marche dans ses propres pas et redonne la perfection perdue au cercle amical brisé par un malentendu, par l’Histoire en marche, par la violence involontaire d’un ami trop jeune et issu d’une famille envoûtée par Hitler. La « réunion » apporte la vérité sur Konrad, la paix au vieil homme (qu’est désormais Henry) ainsi qu’une version un peu différente de ce que la plupart des fictions (françaises) sur cette période proposent jusqu’alors. Konrad, en devenant un acteur du complot avec d’autres allemands, a compris que la soif d’un pays nouveau n’était qu’un prétexte à perpétrer cette folie inhumaine et, qui ne répondait en rien à certaines de leurs attentes initiales. Aussi peut-on avancer que ce livre n’est pas un procès absolu de l’Allemagne d’alors retranscrit au travers d’un seul point de vue convenu sur le sujet. Uhlman décide de ne pas laisser cet ami du côté des pires acteurs de la machine nazie. L’auteur « sauve» cet ami imaginaire, cette Allemagne connue jadis ainsi qu’une partie de lui-même qui est inexorablement liée à ce pays. I l redonne du sens à ce qui en avait perdu.

Mise en scène du nazisme : images, discours, références historiques

Le réalisateur fait un travail sonore et visuel relatif à l’embrigadement, à la montée de l’idéologie nazie, au changement politico social important d’une région de l’Allemagne. Véritable souricière qui se referme progressivement sur sa population, les écoliers sont les premiers visés. Aussi nous entendons timidement depuis la classe le bruit des camions des Jeunesses Hitlériennes, leurs chants puis nous les voyons passer devant l’établissement (quelques écoliers les saluent). Leur présence est de plus en plus oppressante comme si quelqu’un s’ingéniait à pousser les murs d’enceinte de la ville pour l’asphyxier.

Ils sont sur les camions défilant dans les rues ou le long du chemin qui conduit Hans et Konrad chez la cousine de ce dernier ; dans un jardin public où ils s’attaquent à un juif ou un opposant, longeant un étang après avoir frappé Hans ; passant devant l’opéra le soir de l’humiliation de Hans par Konrad… Recrutement que craint le premier professeur d’histoire lorsqu’il reprend Hans : « Cessez de rêver Strauss. Concentrez-vous ». Il comprend la menace que ces groupes représentent. Dans le même temps, les murs se couvrent de plus en plus d’aff iches de propagande, d’incitations à la grève et de politique (murs de l’usine Eyacher dont on voit l’aryanisation, murs de la gare ou dans la ville). Le portrait du führer est entraperçu par Hans dans la chambre de la mère de Konrad. La radio annonce depuis la chambre de Hans la décision de Hindenburg de se présenter à l'élection présidentielle. Puis, avant la soirée à l’opéra, le NSDAP d’Hitler l'emporte lors des élections régionales en Prusse, en Bavière, au Wurtemberg et Hambourg. Il obtiendra 230 sièges au Reichstag (13 732 000 voix) aux élections du 31 juillet.

Analyse‒ chap. « Gertrud » : 6 minutes. Après leur arrivée à la gare (affiches de propagande), Konrad, Hans et Gertrud partent en charrette en suivant le même trajet en parallèle (à nouveau ! agrès) avec la voie ferrée. Ils rencontrent à nouveau les jeunesses hitlériennes et cela permet de noter l’évolution du discours et de la pensée de Konrad (déjà évoqué dans la scène de l’opéra). S’il arrive à soutenir à sa cousine Gertrud que les nazis et les JH « sont boiteux de la tête » comme il l’affirme au parc à Hans (« ils n’ont pas des idées neuves »), il termine son parcours en disant lors de son adieu à Hans qu’il a « vu Hitler cet été à Munich et qu’il [je] le trouve très convaincant ». D’ailleurs à cet ultime aveu, le son d’un orchestre désaccordé couvre la course éperdue de Hans.

Ici, le discours est encore nuancé comme lorsqu’il défend Hans des allusions de sa cousine à propos des vacances en Suisse : « vous n’avez pas l’air juif ». Confrontation de Hans avec cette identité qui lui échappe mais que la maison brûlée des Bauer à son retour de cette journée précise de façon moins ambiguë. Les enfants (dont la fillette sur la balançoire) sont morts et Hans est choqué. Ce moment renvoie à la perte de croyance religieuse (« Comment Dieu a-t-il pu laissé faire ça ? Dieu n’existe pas ») mais paradoxalement à la volonté d’avoir « d’une autorité qui fixe les règles » selon Hans. On pense à Hitler et le fascisme qui use et abuse des règles !

Donc, si les premières apparitions sont absorbées par le paysage, les suivantes deviennent plus visibles et pesantes. Durant leur séjour en Bavière, les deux jeunes gens s’amusent à la table d’une taverne et rient d’un nazi qui peine à se rhabiller mais dans le plan ci-dessus, la présence des JH est accompagnée du discours partisan de Gertrud. Le réalisateur représente progressivement l’aliénation des populations et leur revirement. Si personne ne s’étonne que les familles de Gertrud et Konrad soient proches de cette idéologie, on est frappé par l’absence de réaction des allemands dans le jardin public. D’ailleurs, Hans lavant le sang après la bagarre et à la vue des JH défilant de l’autre côté de l’étang dit : « Ça commence à me faire peur ». Une fillette fait le salut nazi à Hans comme si cela était devenu « naturel » et de bon ton. Enfin, si Jerry Schatzberg ne s’attarde pas la configuration de Stuttgart en 1987, il donne néanmoins quelques aperçus intéressants. Le spectateur refait le chemin avec Henry (opéra, rues, maison natale…) et remarque la destruction de l’école, la transformation de la demeure de Konrad ; faits du passage des années et de l’Histoire.

Plus qu’une anecdote, l’utilisation de la pièce Hamlet de Shakespeare est pertinente à plusieurs niveaux. On peut tout d’abord comprendre le sourire de Henry face à l’extrait vu à la télévision comme celui du rôle du prince proposé par le « caviar » de la classe à Konrad qui refusa de le jouer. Ou bien encore l’interpréter comme le souvenir de son exposé en classe ; il y dépeint Hamlet comme un « cas de schizophrénie aigue » que « le grand Freud » ne démentirait pas. Son professeur reconnaît l’intérêt de cette analyse et nous laisse entendre qu’un parallèle peut se faire entre cette tragédie de la vengeance et ce qui se trame en Allemagne en 1932. On sait qu’Hitler et ses partisans ont fondé en grande partie leur mouvement sur la défaite de 1918, soit « une soif de vengeance ». Par ailleurs, l’émission appose à cet extrait du film de Lean, le discours de Freisler : « Vous êtes le mensonge…Vous n’avez aucun remords… ». Tandis que le présentateur commente en demandant si c’est un « acteur » ou si Freisler est réel ? Il suffit de rester avec Henry dans la salle de bain et de tendre l’oreille dans un premier temps. L’élocution se transforme vite en éructation du verbe, de la langue. Orateur mais il s’agit ici d’entrevoir à la fois la langue du pouvoir (le prince Hamlet face à la cour et le procureur qui règne sur le tribunal) et le pouvoir de la langue (Hitler, Freisler….).

Ce procureur à l’instar d’Hitler imite, non Laurence Olivier mais l’acteur brillant qu’il est. Il endosse un personnage et « aboie » à la face des prévenus offrant un spectacle et non un jugement objectif et mesuré. Il suffit de voir quelques extraits de procès pour comprendre la force et le pouvoir de la langue comme il suffit de revoir Le Dictateur de Chaplin (1940) pour entendre ce « parler hitlérien » qui fait pencher le micro lors d’un discours public. C’est également une accusation faite aux « pseudo-intellectuels » comme si Henry endossait ce rôle tant d’années après avoir été dans le déni.

Pour conclure, quelques lignes sur le nouveau professeur d’histoire. Si celui de sport est une caricature d’Hitler et se pose dans la lignée du culte du corps sain que filmera Léni Riefenstahl en 1936 lors des jeux Olympiques de Berlin (Les Dieux du stade), il est néanmoins peu agressif et peu inquiétant. Par contre, le discours inaugural du professeur d’histoire est de l’ordre de l’embrigadement des consciences. Il véhicule très clairement l’idéologie du 3ème Reich, fondée sur la conspiration internationale « supposée et due » aux juifs et aux communistes. Il conseillera à Strauss d’aller en Palestine au lieu de le défendre suite à l’insulte faite par Bollacher. Il veut de l’ordre, le faire régner et cela passe par le saccage de l’éducation faite jusqu’alors. Il termine son cours ainsi :

« N’est-il pas plus que probable que c’est le sang germanique qui fertilisa les terres italiennes, stériles depuis la chute de Rome ? »

Si l’antisémitisme est présent dès le début du récit (« Freud est juif » dit Bollacher), le problème de l’intégration l’est en conséquence. Le père met à la porte un homme qui l’invite à partir en Palestine alors que lui se sent juif allemand. Le récit insiste régulièrement sur les ascendants des familles (marchands de bestiaux pour Hans, noble faisant partie de la cour du roi pour Konrad). Pourtant, en parallèle du « fleurissement » d’affiches nazies ici ou là, l’incendie de la maison des Bauer reste suspect. « Il ne faut accuser personne » déclare la mère de Hans effondrée mais le doute est bien présent. Cela montre aussi le manque (compréhensible ?) de clairvoyance de certains juifs allemands (et de toute l’Europe par la suite). Aussi l’intégration est vaine et illusoire lorsque l’Histoire s’emballe. Hans n’aura de cesse de demander à Konrad : « c’est quoi être juif ?/ J’ai l’air juif ?/ C’est quoi le problème juif ? ». Il n’en a aucune conscience puisque sa famille vit ici depuis des siècles et pratique peu leur religion. La question de l’identité est pour lui une affaire entendue. Les relents nazis que Konrad lui dit la veille de son départ, ne peuvent qu’être insupportables parce qu’incompréhensibles pour lui. 55 ans plus tard, au travers de l’inventaire de ses biens, l’Histoire se referme sur les exactions, les privations, les discriminations et le génocide juif.

Repères historiques relatifs à la période de la montée du nazisme en Allemagne.

Le pays vit une crise polit ique majeure qui fait suite à la première guerre mondiale (19141918), à laquelle s’ensuit de graves crises économiques. En novembre 1918, la république dite « république de Weimar » est proclamée. Cependant, il y a une double opposition très virulente. D’un côté celle de l’extrême droite pour qui la république est un synonyme de trahison, d’humiliation et de l’autre côté celle de l’extrême gauche pour qui la république représente l’oppression capitaliste. Presque la moitié des Allemands déteste cette république et veulent sa destruction. Entre les deux extrêmes, les partis du gouvernement (Communiste, Socialistes démocrates, Libéraux et Catholiques) doivent former des alliances fragiles. Dans les années 20, il règne donc une atmosphère trouble et violente (combats entre milices, assassinats politiques…). Par ailleurs, l’Allemagne sort en partie ruinée de la Première Guerre mondiale (dévaluation du Mark, paiement des réparations imposées par le traité de Versailles). En 1923 l’Allemagne ne veut pas payer les réparations ce qui entraîne l’occupation de la Ruhr (importante région industrielle allemande) par les Français et donc l’effondrement de la monnaie allemande. S’ensuit la ruine des épargnants (les comptes en banque ne valent plus rien…), des commerçants ainsi qu’un profond traumatisme dans la tête des Allemands. Pour résoudre cette crise, les puissances alliées (la France, les Etats-Unis, la Russie et l’Angleterre) diminue le montant des réparations et les banques américaines placent de fortes sommes en Allemagne. Entre 1924 et 1929, la croissance ainsi que la prospérité reprennent, jusqu’au Crash de Wall Street qui entraîne le retrait des capitaux américains d’Allemagne et donc par la suite une nouvelle crise économique et sociale très forte et très profonde. En 1932 le point maximum de la crise est atteint. Il y a environ 6 millions de chômeurs (33% de la population) en Allemagne. De nombreuses petites entreprises font faillites. Les classes moyennes, la petite bourgeoisie sont une fois de plus touchées par une crise. Beaucoup de personnes sont sans revenu, sans logement. La production industrielle est stoppée donc la consommation aussi, les prêts ne sont pas remboursés aux banques.

Montée de l ’extrême droite

La population allemande cherche en conséquence un parti capable de la faire sortir de la crise, qui favorise le mouvement nazi (extrême droite) avec Hitler, alors appelé NSDAP. Celui-ci propose des « solutions toutes faites » telles qu’une politique de réarmement, une forte intervention de l’Etat dans les dépenses et un discours populiste. Le parti Nazi désigne en outre des boucs-émmissaires pour monter la population Allemande contre eux. D’un côté les coupables extérieurs : les Alliés dont la France qui ont imposés le « diktat » de Versailles et les Américains, responsable de la crise

économique ; de l’autre les coupables intérieurs : les Communistes (parti de l’U.R.S.S.) et les Juifs « soi-disant parasites » qui exploitent l’Allemagne à leur compte. Chaque crise entraîne une hausse des voix pour les nazis.

Le parti Nazi attire surtout les classes moyennes et la petite bourgeoisie, très touchées par les crises de 1923 et 1929 et très sensible aux discours sur la grandeur de l’Allemagne ainsi qu’aux discours anti-juifs. Hitler y cherche donc habilement l’appui de la grande bourgeoisie : patrons d’industries (famille Krupp…), notables, dirigeants république de Droites, chefs de l’armée comme Ludendorff ou Hindenburg (Président de la République élut en 1925 et réélut en 1932). Il passe un accord secret avec ces notables : Krupp et le grand patronat fournissent au parti Nazi de l’argent, leur soutien… En échange, Hitler leur promet de favoriser les intérêts de la grande bourgeoisie. Grâce à ces appuis et ces aides, l’influence de Hitler augmente. En 1932, il est au deuxième tour des élections présidentielles. Le 30 janvier 1933, il est nommé Chancelier du Reich par Hindenburg avec l’alliance de la droite et du Zentrum Catholique. Hit ler au pouvoir.

En mars 1933, lors des élections les Nazis profitent de l’incendie du Reichstag (Parlement Allemand) pour accuser les communistes d’avoir commis cet attentat et ainsi arrêter les dirigeants communistes afin de pouvoir être élus plus facilement. Malgré cela, les Nazis n’obtiennent que 44% des voix. Ils trouvent donc un nouveau stratagème : les députés communistes sont invalidés ce qui leurs donne la majorité. Ils votent les pleins pouvoirs et installent leur dictature. Il s’en suit l’arrestation des opposants ainsi que la censure des livres, des pièces de théâtre, l’interdiction des parties et des syndicats, le dévouement des soldats à Hitler (ils prêtent serment.)… A la mort de Hindenburg (le 2 août 1934), Hitler devient Président et Chancelier du Reich.

-élimination des S.A (Sections d’Assauts), massacres de leurs chefs et arrestation de Röhm, « grand chef des SA» et ami de Hitler à « La nuit des longs couteaux » le 30 juin 1934. -violence contre les opposants (certains Catholiques et Protestants, des Socialistes, des Communistes) notamment déportés dans les camps de travail (Dachau par exemple) -politique de censure contre les intellectuels (beaucoup s’exilent tels Einstein, Oppenheimer, Thomas et Heinrich Mann, B. Brecht, K. Weill. -contre les juifs, exclus et marginalisés…

En 1935, ils votent des lois (Lois de Nuremberg) qui interdisent aux juifs : les mariages mixtes, certains lieux (les parcs…), enlèvent des droits les plus fondamentaux et auparavant acquis de droit. Ils incitent aussi à boycotter les magasins juifs. En 1938, les Nazis confisquent une partie des biens des juifs (argent, mobiliers…). Dans la nuit du 9 novembre 1938, les Nazis pillent les magasins juifs, les maisons juives, brûlent les lieux de culte ainsi que les livres religieux…

C’est le « pogrom de la nuit de cristal ». En 1942, il y a la conférence de Wansee où est décidé la solution finale c’est à dire l’extermination des juifs (camps d’extermination, ghettos comme celui de Varsovie). Au total, il y eut environ plus de 6 millions de morts parmi les Juifs. Les Nazis ont aussi massacré les tziganes (250 000 morts environ.), les malades mentaux, les homosexuels.

Complot contre Hit ler

Le 20 juillet 1944, Hitler échappe à la bombe qui devait le tuer tandis qu'il examinait des cartes avec ses généraux au Grand Quartier Général de Rastenburg, en Prusse orientale, dans son repaire dit la Tanière du Loup («Wolfsschanze»). De son nom de code «Walkyrie», cet attentat est le deuxième auquel échappe le dictateur après celui du menuisier Georg Elser, à Munich, en 1939...Les conjurés de l'opération «Walkyrie» veulent tuer Hitler pour renverser le régime et établir à sa place une dictature conservatrice en rétablissant éventuellement la monarchie. Ils espèrent faire la paix avec les Anglo-Américains tout en continuant la guerre contre l'Union soviétique.

Parmi eux figurent plusieurs hauts gradés dont le général à la retraite Ludwig Beck et le général Hans Speidel, chef d'état-major du prestigieux maréchal Erwin Rommel, lequel est informé du complot mais ne s'y associe pas. L'un des plus actifs est le comte Claus von Stauffenberg (36 ans), qui a découvert en Russie, pendant l'hiver 1941/1942, la brutalité des SS. Bien que catholique fervent, opposé à la violence illégitime, il s'est alors convaincu de la nécessité d'assassiner Hitler. Il a combattu ensuite aux côtés du maréchal Rommel en Afrique, où il a perdu un oeil et une main.

Lorsque se produit l'explosion, les parois du chalet sont soufflées, ce qui amoindrit la puissance de l'explosion. Le Führer, protégé par le pied de la table, n'est en fin de compte que légèrement blessé. Stauffenberg a vu le chalet se volatiliser et des corps expulsés par les ouvertures. Il est convaincu qu'il ne reste plus personne de vivant à l'intérieur et, sans perdre une minute, se rend à Berlin dans l'intention de participer au soulèvement. À son arrivée à l'aéroport, trois heures plus tard, il téléphone aux autres conjurés et apprend, consterné, que ceux-ci n'ont pas osé déclencher le soulèvement faute de certitude sur le sort de Hitler.

À Berlin, le ministre de la propagande, Joseph Goebbels, reprend habilement la main. À 18h30, la radio annonce que Hitler vient d'échapper à un attentat. À Prague et Vienne, les généraux qui avaient entamé le soulèvement font machine arrière.

Le ministre de l'Intérieur, Heinrich Himmler, prend le commandement de l'armée de l'intérieur. Stauffenberg et d'autres chefs de la conjuration sont exécutés sur place. Le général Beck est contraint au suicide. À 1h du matin, Hitler lui-même s'exprime à la radio et annonce une sévère répression. Il tiendra parole. L'amiral Wilhelm Canaris, ancien chef de l'Abwehr (le service de renseignement), soupçonné de participation au complot, est envoyé au camp de concentration de Flössenburg où il sera étranglé avec une corde à piano le 9 avril 1945 ! Le 14 octobre, le maréchal Erwin Rommel sera sommé de se suicider. Eu égard à sa grande popularité, Hitler lui accordera des funérailles nationales. Au total, la Gestapo aurait procédé à 7.000 arrestations suite à l'attentat du 20 juillet et 5.000 personnes auraient payé de leur vie cette tentative tardive de se débarrasser du tyran et ainsi de laver l'honneur de l'Allemagne. Plus déterminé que jamais, Hitler entraînera l'Allemagne jusqu'au bout de sa folie. www.herodote.net/histoire/evenement.php

Roland Freisler (né le 30 octobre 1893 ‒ mort le 3 février 1945 à Berlin) était un juriste allemand. Il débuta sa carrière sous la République de Weimar, puis la continua sous le Troisième Reich. Il accéda en août 1942 à la présidence du Volksgerichtshof, la plus haute cour de l'État national-socialiste pour les affaires pénales politiques. Il est considéré comme étant le juge responsable de milliers de condamnations à mort prononcées dans les procès des trois dernières années du régime national-socialiste -des procès généralement publics dont les jugements étaient souvent établis d'avance et qu'il présidait ; il est aujourd'hui le juge pénal du Troisième Reich le plus connu de triste mémoire. Il est un exemple caractéristique des violations juridiques au temps du nazisme dans le cadre de la terreur nationale organisée par le régime, en particulier dans la poursuite des participants au complot contre Adolf Hitler, après l'attentat du 20 juillet 1944.

Jeunesses hit lériennes

Le premier groupe des Jeunesses hitlériennes (appelées Hitlerjugend en allemand, abréviation HJ), émanait de la ville de Munich. En 1923, l'organisation ne comptait pas plus d'un millier de membres. Avec le retour du parti nazi en 1925, le nombre de membres s'éleva à 5 000. Cinq ans plus tard, les Jeunesses hitlériennes dépassait les 25 000 sympathisants, et à l'arrivée des nazis au pouvoir en 1933, elles comptaient un effectif de 2 250 000 membres. Cette augmentation étant due en grande partie, aux membres des autres organisations de jeunesse avec lesquelles les Jeunesses hitlériennes avaient fusionné (avec plus ou moins de consentement), incluant l'importante evangelische Jugend (600 000 membres à l'époque), l'organisation de jeunesse de l'Église Évangélique en Allemagne.

En décembre 1936, l'effectif dépassa les 5 millions de membres. Le même mois, l'organisation devint une institution obligatoire, requise par la loi (Gesetz über die Hitlerjugend). Cette obligation fut confirmée en 1939 avec le Jugenddienstpflicht. L'appartenance pouvait même être proclamée contre l'avis des parents. À partir de là, la plupart des adolescents allemands furent incorporés dans les Jeunesses hitlériennes : dès 1940, l'organisation avait atteint un effectif de 8 millions de membres.

Plus tard, les statistiques de guerre sont difficiles à lire, dès le moment où l'on considère que la conscription obligatoire et l'appel à la lutte (chez des enfants à partir de 10 ans) signifie que pratiquement tous les jeunes allemands étaient, dans une certaine mesure, reliés aux Jeunesses hitlériennes. Le gros de la « génération des Hitlerjugend » était né entre les années 1920 et 1930. Ils formèrent la génération adulte de l'après-guerre et des années 1970 et 1980. Il n'était donc pas rare pour les anciens dirigeants de la République démocratique allemande et de l'Allemagne de l'Ouest d'avoir eu un passé chez les Jeunesses hitlériennes.

Du fait que l'organisation était devenue obligatoire dès 1938, il n'y eut pas de volonté de bannir les politiques qui avaient servi dans les Jeunesses hitlériennes, du moment où l'on considérait qu'ils n'avaient pas eu le choix. L'exemple le plus patent fut celui de Manfred Rommel, fils d'Erwin Rommel, qui devint maire de Stuttgart en dépit de son aveu d'avoir servi dans les Jeunesses hitlériennes.

Mais aussi, le Ministre allemand des Affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher, le philosophe Jürgen Habermas, et le Prince consort des Pays-Bas Claus von Amsberg. En outre, le 19 avril 2008, les médias annoncèrent que le pape de l'Église catholique romaine Benoît XVI (de son nom civil à la naissance Joseph Ratzinger) avait servi dans les Jeunesses hitlériennes à l'âge de 14 ans. Cette information suscita une polémique selon laquelle une personne qui avait été liée d'une manière ou d'une autre au nazisme ne devrait pas devenir pape. Références supplémentaires

• Hornberger, Jacob G. Comment Hitler est devenu un dictateur. 2004. http://www.fff.org/freedom/fd0403a.asp. • Le PROLOGUE de chronique d'holocauste : Racines de l'holocauste. 2002. http://www.holocaustchronicle.org/StaticPages/50.html. • Trotsky, Leon. L'élévation de Hitler et la destruction de l'Allemand sont parties. http://www.marxists.org/archive/trotsky/works/pdf/germany.pdfPdf. • secondeguerre.net/hisetpo/av/hp_transfoallemande.html/ Jean-Jacques Durand • http://resistanceallemande.online.fr/montee.htm

« C’est quoi être juif ? » demande Hans à Konrad ; Exposition de stigmatisation en Allemagne sur ce que les nazis estimaient relever de l’appartenance juive. Echo avec l’exposition sur le corps vue par Henry de retour à Stuttgart ; pas de visages, juste des postures corporelles singulières comme pour souligner que le corps peut appartenir à n’importe quelle personne. Echo aussi aux poings serrés de Hans pris de colère.