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L a loi sur la transition énergétique votée en août 2015 impose de mettre à profit l’exé- cution de certains travaux importants, notamment les travaux de ravalement et de réfection de toiture, pour isoler les immeubles. Le décret du 30 mai 2016 précise les modalités d’ap- plication de cette obligation que beaucoup de proprié- taires perçoivent encore comme une contrainte financière importante et dont la mise en œuvre est complexe. Nous sommes tous pénétrés de la nécessité impérieuse d’éco- nomiser l’énergie et même si la fibre écologique de certains n’est pas trop développée, les factures des divers fournisseurs d’énergie les aident considérablement à s’en persuader. Le bruit court que ce décret devrait faire prochainement l’objet de modifications importantes avant son entrée en vigueur, notamment suite aux remarques formulées par les architectes pour prévoir des dérogations concernant nos belles façades haussmanniennes en pierre auxquelles s’ap- pliquait stricto sensu cette obligation d’isoler. Difficile, en effet, d’imaginer d’enfermer moulures, consoles, modillons et corniches de ces extraordinaires façades que le monde entier nous envie sous une forte épaisseur d’isolant… Grâce soit rendue au législateur d’avoir, dans sa grande sagesse, prévu des dérogations concernant les monuments historiques : Notre-Dame de Paris isolée manquerait singulièrement de spiritualité et la Tour Eiffel de transparence, sans parler de sa prise au vent… Quoi qu’il en soit, cette obligation d’isoler sera sans aucun doute maintenue pour une grande majorité des immeubles, notamment en ce qui concerne les façades sur cours et pignons d’une architecture souvent plus ordinaire. Cette obligation entre en application au 1 er janvier 2017 et il est indispensable et urgent de se préoccuper dès maintenant du problème afin d’être en mesure de prendre les mesures qui s’imposent en dehors de toute précipitation qui est générale- ment synonyme de surcoûts et d’approximations techniques qui nuisent à la réussite d’une opération. Alors comment isoler, à quel coût, sur la base de quelle réglementation, et surtout comment éviter de commettre les erreurs qui conduisent fréquemment à une aggravation notable de la situation qui prévalait avant l’exécution des travaux ? Voilà le défi que professionnels du bâtiment et propriétaires vont devoir relever dans les années, voire les décennies à venir. Alors autant s’y préparer ! Pour être complet sur le sujet, notons qu’un second décret publié le 14 juin 2016 impose de procéder à une isolation phonique des immeubles très exposés aux bruits routiers et ferroviaires et/ou situés à proximité des aéroports. CHAMP DAPPLICATION DU DÉCRET Le décret du 30 mai 2016 précise que l’obligation d’isoler s’applique lorsque les travaux de ravalement des façades d’un immeuble, à savoir les parois de locaux chauffés donnant sur l’extérieur, concernent au moins 50 % des façades. Cette obligation s’étend également aux travaux de réfec- tion des toitures lorsque ceux-ci concernent au moins 50 % de leur surface. Il en est de même lorsque l’on procède à l’aménagement des combles, garages, ou autres pièces non habitables d’une surface d’au moins 5 m 2 lorsque le projet a pour but de les rendre habitables. Notons enfin que cette obligation d’isoler les façades et les toitures s’applique aussi bien aux bâtiments d’habitation qu’aux immeubles de bureaux, commerces et hôtels. ISOLATION INTÉRIEURE OU EXTÉRIEURE ? Dans la plupart des cas, c’est vers une solution d’isolation des façades par l’extérieur que se dirigent les propriétaires ou copropriétaires, notamment dans le cas d’un ravalement et ceci afin de bénéficier de la présence des échafaudages. Isoler par l’extérieur présente l’avantage notable de s’affran- chir des ponts thermiques générés par les dalles de plancher et murs de refend (mur porteur intérieur) et d’obtenir ainsi une bien meilleure isolation que celle qui serait obtenue par une isolation intérieure. Isoler par l’extérieur permet également de ne pas diminuer la surface des appartements, diminution importante avec des isolants pouvant parfois atteindre une épaisseur de 150 milli- mètres, et de ne pas être contraint de procéder à la réfection du parement intérieur des murs de façade de ces appartements. BONNES PRATIQUES ISOLATION Le décret n° 2016-711 du 30 mai 2016 relatif aux travaux d’isolation en cas de travaux de ravalement de façade, de réfection de toiture ou d’aménagement de locaux en vue de les rendre habitables, entrera en vigueur à partir du 1 er janvier 2017. Explication par Pascal COMPÉRAT, architecte DPLG et consultant bénévole à la Chambre Nationale des Propriétaires. L’isolation thermique des immeubles 28 Revue de l’Habitat - Décembre/Janvier 2017 - N°624 Pascal COMPÉRAT Architecte Consultant bénévole à la Chambre Nationale des Propriétaires

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La loi sur la transition énergétique votée en août 2015 impose

de mettre à profit l’exé-cution de certains travaux importants, notamment les travaux de ravalement et de réfection de toiture, pour isoler les immeubles.Le décret du 30 mai 2016 précise les modalités d’ap-plication de cette obligation que beaucoup de proprié-taires perçoivent encore comme une contrainte

financière importante et dont la mise en œuvre est complexe.Nous sommes tous pénétrés de la nécessité impérieuse d’éco-nomiser l’énergie et même si la fibre écologique de certains n’est pas trop développée, les factures des divers fournisseurs d’énergie les aident considérablement à s’en persuader.Le bruit court que ce décret devrait faire prochainement l’objet de modifications importantes avant son entrée en vigueur, notamment suite aux remarques formulées par les architectes pour prévoir des dérogations concernant nos belles façades haussmanniennes en pierre auxquelles s’ap-pliquait stricto sensu cette obligation d’isoler. Difficile, en effet, d’imaginer d’enfermer moulures, consoles, modillons et corniches de ces extraordinaires façades que le monde entier nous envie sous une forte épaisseur d’isolant… Grâce soit rendue au législateur d’avoir, dans sa grande sagesse, prévu des dérogations concernant les monuments historiques : Notre-Dame de Paris isolée manquerait singulièrement de spiritualité et la Tour Eiffel de transparence, sans parler de sa prise au vent…Quoi qu’il en soit, cette obligation d’isoler sera sans aucun doute maintenue pour une grande majorité des immeubles, notamment en ce qui concerne les façades sur cours et pignons d’une architecture souvent plus ordinaire. Cette obligation entre en application au 1er janvier 2017 et il est indispensable et urgent de se préoccuper dès maintenant du problème afin d’être en mesure de prendre les mesures qui s’imposent en dehors de toute précipitation qui est générale-ment synonyme de surcoûts et d’approximations techniques qui nuisent à la réussite d’une opération.Alors comment isoler, à quel coût, sur la base de quelle

réglementation, et surtout comment éviter de commettre les erreurs qui conduisent fréquemment à une aggravation notable de la situation qui prévalait avant l’exécution des travaux ? Voilà le défi que professionnels du bâtiment et propriétaires vont devoir relever dans les années, voire les décennies à venir. Alors autant s’y préparer !Pour être complet sur le sujet, notons qu’un second décret publié le 14 juin 2016 impose de procéder à une isolation phonique des immeubles très exposés aux bruits routiers et ferroviaires et/ou situés à proximité des aéroports.

champ d’application du décret

Le décret du 30 mai 2016 précise que l’obligation d’isoler s’applique lorsque les travaux de ravalement des façades d’un immeuble, à savoir les parois de locaux chauffés donnant surl’extérieur, concernent au moins 50 % des façades. Cette obligation s’étend également aux travaux de réfec-tion des toitures lorsque ceux-ci concernent au moins 50 % de leur surface. Il en est de même lorsque l’on procède à l’aménagement des combles, garages, ou autres pièces non habitables d’une surface d’au moins 5 m2 lorsque le projet a pour but de les rendre habitables.Notons enfin que cette obligation d’isoler les façades et les toitures s’applique aussi bien aux bâtiments d’habitation qu’aux immeubles de bureaux, commerces et hôtels.

isolation intérieure ou extérieure ?

Dans la plupart des cas, c’est vers une solution d’isolation des façades par l’extérieur que se dirigent les propriétaires ou copropriétaires, notamment dans le cas d’un ravalement et ceci afin de bénéficier de la présence des échafaudages.Isoler par l’extérieur présente l’avantage notable de s’affran-chir des ponts thermiques générés par les dalles de plancher et murs de refend (mur porteur intérieur) et d’obtenir ainsi une bien meilleure isolation que celle qui serait obtenue par une isolation intérieure.Isoler par l’extérieur permet également de ne pas diminuer la surface des appartements, diminution importante avec des isolants pouvant parfois atteindre une épaisseur de 150 milli-mètres, et de ne pas être contraint de procéder à la réfection du parement intérieur des murs de façade de ces appartements.

BONNES PRATIQUESISOLATION

Le décret n° 2016-711 du 30 mai 2016 relatif aux travaux d’isolation en cas de travaux de ravalement de façade, de réfection de toiture ou d’aménagement de locaux en vue de les rendre habitables, entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2017. Explication par Pascal COMPÉRAT, architecte DPLG et consultant bénévole à la Chambre Nationale des Propriétaires.

L’isolation thermique des immeubles

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Pascal COMPÉRATArchitecteConsultant bénévole à laChambre Nationale des Propriétaires

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Néanmoins, isoler par l’extérieur peut parfois présenter l’inconvénient, pour certains appartements, de diminuer la profondeur des balcons. En effet, un balcon parisien d’une profondeur de 90 centimètres devient difficilement utilisable lorsque sa profondeur est diminuée de 15 centimètres...Notons également qu’un résultat satis-faisant ne sera pas obtenu concernant une isolation thermique extérieure sans procéder au remplacement complet des fenêtres, la plupart du temps vétustes et à simple vitrage, par des fenêtres performantes équipées de double-vi-trages isolant à faible émissivité de dernière génération. Ce dernier point sera très certainement pris en considé-ration lorsque nos lecteurs sauront que dans une pièce classique d’un apparte-ment (chambre ou salon) une fenêtre classique génère autant de déperditions que la totalité de la surface des parois, planchers et plafonds… Concernant les toitures traditionnelles, c’est généralement la mise en place d’une isolation thermique sur le plan-cher des combles qui prévaut lorsque ces combles ne sont pas aménagés pour des raisons de commodité et d’effica-cité, le volume d’air des combles n’ayant pas dans ce cas à être chauffé.Dans les immeubles parisiens dont les toitures sont composées de brisis et de terrassons (voir à ce sujet les articles

parus dans les numéros 622 d’octobre 2016 et 623 de novembre 2016 de la Revue de l’Habitat), c’est en général une solution mixte qui est mise en œuvre compte tenu de l’occupation du volume de la toiture par des chambres de service ou des appartements résultant de la réunion de plusieurs chambres de service. On isole, dans ce cas, le plan-cher des combles situé à la ligne de bris, souvent en y déroulant de la laine de roche ou de la laine de verre et on isole les rampants de la toiture par la mise en place d’une isolation thermique sur la face intérieure de ce rampant, à l’in-térieur des chambres de service ou des appartements.Notons que la configuration des toitures parisiennes ne permet générale-ment pas de procéder à la mise en place d’une épaisseur d’isolant permettant de respecter les normes d’isolation en vigueur et bénéficier des diverses aides et crédits d’impôt attachés à ce type de travaux.La mise en place d’une isolation exté-rieure à la toiture n’est pas toujours envisageable car elle entraîne l’obliga-tion, pour des isolants pouvant parfois atteindre 250 millimètres, de procéder à un rehaussement de la toiture ne permettant plus l’écoulement de l’eau dans les chéneaux et gouttières implantés en égout, l’eau passant alors devant ces chéneaux et gouttières et

ruisselant le long des façades.Rappelons que la mise en place d’une isolation à l’intérieur d’un rampant de toiture entraîne l’obligation de main-tenir une lame d’air ventilée de 30 milli-mètres au minimum afin de remédier à la formation inéluctable de conden-sation entraînant à brève échéance le pourrissement des bois de couverture et des bois de charpente. (voir les articles parus dans les numéros 622 d’octobre 2016 et 623 de novembre 2016 de la Revue de l’Habitat).Concernant les toitures terrasses, c’est toujours à la mise en place d’une isola-tion thermique sous la membrane d’étan-chéité qu’il est procédé afin de garantir le maintien de la siccité de l’isolant qui est une garantie du maintien et de la péren-nité de ses caractéristiques d’isolation.

autorisations administratives

Les travaux de ravalement et de réfec-tion des toitures, y compris pour une réfection à l’identique, sont soumis à Paris au dépôt en mairie d’un dossier de déclaration préalable dans le cadre duquel l’Architecte des Bâtiments de France est consulté.Le dossier à déposer en mairie en cas d’isolation thermique extérieure est nettement plus important et complexe qu’un simple dossier de ravalement.Comme rien n’est simple en matière d’urbanisme, malgré le programme de simplification administrative qui a, a contrario, entraîné un alourdissement considérable des dossiers au cours des dernières années…, la mise en place d’une isolation thermique extérieure est considérée au regard de la législation comme une modification de façade. Il faut de ce fait fournir des élévations et coupes de façades avant et après travaux que seul un géomètre est généralement en mesure de dresser, d’où un renché-rissement des dossiers pour les proprié-taires et les copropriétés.Rappelons également que les Archi-tectes des Bâtiments de France sont consultés pour tous les projets, du plus modeste au plus important, concer-nant Paris intra muros, à savoir dans les quartiers internes au boulevard Isoler par l’extérieur permet de ne pas diminuer la surface des appartements.

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BONNES PRATIQUES

périphérique, et que c’est toujours l’avis positif ou négatif de ces architectes du Ministère de la Culture qui est enté-riné par les services municipaux de l’urbanisme.Rappelons également qu’il s’agit d’une disposition particulière à Paris et qui ne concerne en province que les zones situées à proximité ou dans le champ de visibilité d’un monument historique.Rappelons enfin que ce principe de décision bicéphale est très souvent à l’origine de contradictions, notamment lorsque les Architectes des Bâtiments de France refusent, pour des raisons qui leur sont propres et qu’ils n’ont pas à justifier, la modification d’une façade qu’entraîne son isolation par l’extérieur.Encore une fois, ce qui est imposé par la loi peut être refusé par les personnes chargées de veiller au respect de la loi…

autorisation des tiers

Nous abordons là le point particulière-ment délicat de cette obligation d’isoler pour lequel rien n’a été prévu par le législateur, malgré sa grande sagesse…, et qui sera immanquablement à l’ori-gine de nombreux contentieux dans les années à venir.La réalisation d’une isolation extérieure sur des façades ou des pignons impliqueobligatoirement la mise en place d’une épaisseur minimum d’isolant de 150 millimètres, même si cette épais-seur peut être diminuée à 120 milli-mètres en cas d’emploi d’un isolant en polystyrène à performances élevées dénommé dalmatien du fait de leur couleur noire et blanche (sic…). La mise en place de cette surépaisseur ne pose pas de problèmes particuliers en ce qui concerne une façade sur rue. Attention néanmoins à la dégradation de l’isolant accessible aux passants mal intentionnés… ou en façade orientée sur la cour d’un immeuble.Mais qu’en est il lorsque la façade ou le pignon sont implantés en limite sépara-tive, ce qui est généralement le cas des pignons des immeubles parisiens dans une ville à la forte densité urbaine ? Au mieux le pignon surplombe la toiture

de l’immeuble voisin, au pire il est situé en limite de la parcelle. Dans les deux cas, la mise en place de l’isolation ther-mique entraîne un débord de 120 à 150 millimètres sur le terrain voisin.L’autorisation du propriétaire voisin ou de la copropriété voisine, le cas le plus fréquemment rencontré à Paris, est bien entendu impérative et c’est là que les choses commencent à se gâter sérieusement…Dans le meilleur des cas - jamais rencontré par l’auteur du présent rapport tout au long de sa carrière - le propriétaire ou la copropriété voisine abandonnent gracieusement la surface de terrain correspondant à l’épais-seur de l’isolation thermique. Ce qui au prix du foncier parisien représente un véritable cadeau. Généralement, la cession se fait à un prix pouvant aller d’un euro symbolique au prix de la surface du terrain voisin concerné qui peut représenter plusieurs mètres carrés lorsque l’on doit, par exemple, acquérir une bande de 15 centimètres sur une profondeur de 20 mètres.Nous attirons particulièrement l’at-tention de nos lecteurs sur les risques extrêmement importants que présente le fait de procéder à la mise en place d’une isolation extérieure en débord sur une propriété voisine sans avoir obtenu l’accord de son propriétaire. La mise devant le fait accompli se traduit géné-ralement par une obligation de déposer cette isolation et de revenir à la situation antérieure. Notons également que toute cession de terrain, même gracieuse, devra impérativement faire l’objet d’un acte, un accord tacite n’ayant aucune valeur juridique et n’ayant aucune vali-dité en cas de conflit.Par ailleurs, les textes officiels ne prévoient pas à ce jour la situation dans laquelle un propriétaire ou une copro-priété seraient obligés de procéder à l’isolation de leur façades alors que la mise en place de cette isolation est refusée par le propriétaire ou la copro-priété du terrain voisin. Il ne resterait alors comme solution que celle consis-tant à isoler ces façades et pignons par l’intérieur. Or, cette solution ne permet pas, la plupart du temps, d’obtenir les

performances énergétiques éligibles à l’obtention des diverses aides et crédits d’impôt ! Voilà sans nul doute du bon grain à moudre dans les années à venir pour nos juristes et avocats !

et après

Nous sommes dans la dernière ligne droite de cette course d’obstacle. Nous avons obtenu les autorisations administratives après le dépôt en un nombre important en Mairie de Paris des dossiers modificatifs dont l’ad-ministration est si friande (mais que font-ils donc de tous ces dossiers ?...). L’Architecte des Bâtiments de France a demandé que la teinte blanc cassé soit remplacée par une teinte « ton pierre », sans préciser d’ailleurs de quelle pierre il s’agit… Le voisin a donné son accord contre quelques monnaies sonnantes et trébuchantes. Nous voici donc au pied du mur, au sens propre du terme…Nous avons bénéficié du DPE, (Diagnostic de Performance Éner-gétique), imposé par la législation en vigueur et établi dans le cadre de la vente ou de la mise en location de quelques appartements, et nous avons éventuelle-ment confié à un bureau d’études l’éva-luation des déperditions thermiques de l’immeuble concerné par les travaux.Nous avons bien entendu fait appel aux services d’un architecte pour établir le cahier des charges de ces travaux, consulter les entreprises, diriger les travaux et en prononcer la réception. Le cahier des charges cité précédem-ment comporte des spécifications tech-niques d’un abord difficile pour un profane, qui ne sont pas uniquement destinées à en rendre la compréhension impossible par leur client, mais qui sont surtout destinées à obtenir un résultat parfaitement conforme aux Règles de l’Art et aux normes en vigueur.

le budget

Concernant les façades, nous nous limi-terons à évoquer ici la mise en place d’une isolation extérieure compte-tenu

ISOLATION

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du fait que cette technique concerne très certainement la grande majo-rité des travaux d’isolation qui seront exécutés dans les années à venir.Concernant le budget à consacrer à l’isolation thermique d’un bâtiment, il est précisé que, si isoler les façades d’un immeuble implique bien entendu un montant supérieur à celui d’un simple ravalement, il n’est néanmoins pas aussi important que ce qui est souvent imaginé par le client. En effet, la mise en place d’une isolation ther-mique extérieure dispense générale-ment l’entreprise de procéder, dans la majeure partie des cas, aux piochages et reprises des maçonneries du pare-ment des façades dont l’exécution est obligatoire dans le cadre d’un rava-lement traditionnel. La suppression du coût de ces travaux préparatoires ajoutée aux économies de chauffage et à l’obtention de diverses aides et crédits d’impôts dont peut bénéficier sous certaines conditions un proprié-taire ou une copropriété, permet en général de rapprocher le coût d’un ravalement avec mise en place d’une isolation thermique du coût d’un rava-lement classique.Par contre, concernant les toitures et les toitures terrasses, le surcoût que présente une isolation ne peut être compensé par aucune suppression de prestation et il ne sera amortissable qu’au fil des années au titre des subs-tantielles économies de chauffage réali-sées, auxquelles devront bien entendu être ajoutées les aides et crédits d’im-pôts dont il est fait mention au para-graphe précédent.

isoler c’est bien, bien isoler c’est mieux

Il ne semble pas inutile, compte-tenu de la complexité de ce type de travaux, de présenter de manière synthétique et non exhaustive au sein de cet article les différentes techniques d’isolation des toitures et des façades, qui doivent être retenues en fonction de la typologie de l’immeuble, du cadre administratif et légal de l’opération et du budget qu’il est prévu d’y consacrer.

Le choix de la méthode retenue devra en tout premier lieu être arrêté en fonction des performances physiques de l’isolant permettant d’obtenir les aides et crédits d’impôts consentis par l’État au titre des économies d’énergie.

Les performances des isolants

Nous rappellerons ici quelques notions de base de physique qui donnerons certainement à nombre d’entre nous la nostalgie de ces délicieux assoupis-sements au fond de la classe, le long du radiateur et à côté d’Oscar le squelette.La transmission de chaleur se fait sous trois formes : le rayonnement, la convection et la conduction.Le rayonnement correspond à un déplacement d’énergie par onde et radiation, le meilleur exemple en est la chaleur procurée par le soleil et le radiateur du fond de la classe…La convection désigne les mouvements qui animent un fluide dont les parti-cules sont en déplacement. Citons le flux de chaleur produit par un convec-teur électrique ou un sèche-cheveux.La conduction correspond au transfert thermique provoqué par la différence de température entre deux milieux en contact. La brûlure provoquée par les plaques électriques et la porte du four de la cuisine ou la chaleur de la joue lorsque l’on s’endormait contre le radiateur du fond de la classe… en sont des exemples.Les performances d’un isolant sont exprimées par la valeur de sa résis-tance thermique dénommée R et qui est exprimée en m2.K/W (mètre carré kelvin par watt), qui exprime la résis-tance d’un matériau au passage d’un flux de conduction thermique. Plus la valeur de la résistance thermique d’un matériau est élevée, plus le matériau en question est isolant.Les valeurs minimales de la résistance thermique des matériaux d’isolation définies au sein de l’arrêté du 3 mai 2007, Réglementation Thermique sur l’Existant et permettant d’obtenir un crédit d’impôt sont les suivantes :• Planchers R ≤ 3.00 m2.K/W• Murs de façade R ≤ 3.70 m2.K/W

• Toitures terrasses R ≤ 4.50 m2.K/W• Combles aménagés R ≤ 6.00 m2.K/W• Combles perdus R ≤ 7.00 m2.K/W

L’obtention du crédit d’impôt est également assujettie à l’exécution des travaux dans une résidence principale - comme si isoler une résidence secon-daire étant généralement le palais des courants d’air, ne permettait pas d’éco-nomiser de l’énergie - par une entre-prise unique et étant qualifiée RGE (Reconnue Garante de l’Environne-ment), qualification dont bénéficie la quasi-totalité des entreprises de rava-lement, de couverture et d’étanchéité compte-tenu des parts de marchés très importantes que constituent les travaux d’isolation thermique.Notons également que le strict respect de ces différentes prescriptions et obli-gations permet actuellement d’obtenir l’application d’un taux réduit de TVA particulièrement attractif de 5,5 % sur les travaux d’isolation thermique et les travaux induits par la mise en œuvre de cette isolation.

Concernant les techniques d’isolation, nous nous limiterons ici à l’exposé de quelques principes généraux afin d’éviter de compliquer inutilement la lecture de cet article à nos lecteurs.

L’isolation des façades

L’isolation des façades est principale-ment réalisée par la mise en place de polystyrène expansé de haute perfor-mance fixé sur ces façades par des plots de colle et par fixation mécanique avec profilés métalliques selon des normes très précises. Ce polystyrène est ensuite revêtu d’une trame armurale, un gril-lage en matière synthétique, sur lequel seront appliqués différents types de matériaux pelliculaires de ravalement, tels que revêtements plastiques épais ou enduits hydrauliques de faible épaisseur.Il existe également des procédés avec finition par une vêture, un vêtage ou un bardage, la différence entre ces diffé-rentes finitions étant leur composition, leur mode de fixation mécanique au

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mur de façade et le maintien ou non d’une lame d’air ventilée entre l’isolant et sa protection.L’emploi d’un isolant en laine minérale permet de concilier dans les sites parti-culièrement exposés à des nuisances sonores, les avantages de l’isolation phonique à ceux de l’isolation ther-mique. Bien entendu, l’exécution de ces travaux s’accompagne de dispositions particulières - bavette, couvertines et bandeaux - destinées à s’affranchir des risques de pénétration d’eau dans l’isolant.

L’isolation des toitures

L’isolation des toitures est principa-lement réalisée par la mise en place sur le plancher des combles ou en sous-face des rampants de couverture d’une isolation en laine minérale. Cette dernière doit obligatoirement être munie sur son parement intérieur d’un pare-vapeur destiné à s’opposer à la pénétration dans l’isolant de l’humidité produite par l’activité humaine.Il est rappelé que la mise en œuvre des isolants minces doit faire preuve de la plus grande méfiance, compte-tenu des performances particulièrement sujettes à caution de ces isolants dont la plupart se sont vus retirer leur agré-ment par le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment), du fait du non respect des performances annon-cées par leurs fabricants.Rappelons également que la confi-guration des toitures traditionnelles parisiennes ne permet pas toujours de procéder à la mise en place d’une épaisseur suffisante d’isolant pour obtenir la résistance thermique des matériaux d’isolation définie au sein de l’arrêté du 3 mai 2007, Réglementation Thermique sur l’Existant, et permet-tant d’obtenir un crédit d’impôt.

L’isolation des toitures terrasses

L’isolation des toitures terrasses est, de nos jours, quasiment exclusivement réalisée par la mise en place sur le

pare-vapeur de la dalle de la terrasse d’une isolation en mousse de polyu-réthane de forte densité et d’épais-seur compris entre 100 et 120 milli-mètres conjuguant les avantages de hautes performances d’isolation à ceux d’une très bonne stabilité dimension-nelle et d’une très forte résistance à l’écrasement.La mise en œuvre d’une isolation en laine minérale est très peu fréquente dans les immeubles d’habitation et elle concerne principalement les immeubles tertiaires et/ou les immeubles devant répondre à des normes très particu-lières de sécurité incendie.

Nouveaux matériaux d’isolation

Les matériaux les plus fréquemment mis en œuvre en isolation (laines miné-rales et mousses de polyuréthane ou de polystyrène) présentent l’inconvénient notable pour les tenants de l’ortho-doxie écologique de présenter un bilan carbone catastrophique du fait de leur principe de fabrication. Apparaissent de ce fait régulièrement, au gré des différents courants de pensée et des modes qui agitent nos sociétés occidentales, des matériaux miracles comme le chanvre, la paille de céréales diverses et variées (bien entendu toutes issues de l’agriculture responsable) ou encore les plumes de volatiles et palmipèdes divers, élevés en plein air et particulièrement heureux de contribuer à notre confort…Loin de nous l’idée de négliger tota-lement ces nouveaux matériaux qui font souvent preuve d’excellentes qualités d’isolation tout en évitant le développement de nombreuses aller-gies respiratoires et cutanées qui sont imputables aux procédés chimiques de fabrication et qui devraient finir, selon les prévisions de l’OMS, par affecter une grande majorité de la population des pays développés. Notons simple-ment que nous manquons actuelle-ment de retour sur leur pérennité et sur le maintien de leurs caractéristiques au fil des années. En outre, il faudra beau-

coup de canards pour isoler tous nos immeubles…

La ventilation

Nos lecteurs se demanderont très certainement ce que vient faire un paragraphe sur la ventilation dans un article consacré à l’isolation thermique ! Ne serait-il pas antinomique de se préoccuper d’extraire les calories que l’on a eu tant de mal à conserver à l’in-térieur des appartements ?

Nos lecteurs seront très certainement surpris d’apprendre qu’il faut deux fois plus de calories pour chauffer de l’air humide que pour chauffer de l’air sec…Alors isoler certes, mais ventiler impérativement pour éviter de trans-former l’appartement en bain turc ou en cocotte-minute, notamment en présence de fenêtres en PVC à l’étan-chéité redoutable !La ventilation doit être assurée par une extraction de l’air dans les pièces humides (cuisines, salles de bains et toilettes) et par des entrées d’air dans les pièces sèches (chambres et salon).Elle peut être assurée selon un principe statique, à l’efficacité particulièrement sujette à caution dans l’habitat ancien, ou par une ventilation mécanique contrôlée à l’efficacité incomparable à celle d’une ventilation statique.Notons que dans le cas d’une ventila-tion mécanique contrôlée, l’installation doit être compatible avec la présence d’installations de gaz et que dans tous les cas, le volume d’air neuf doit être au moins égal au volume d’air extrait, extraire 150 m3/heure ne servant pas à grand chose si l’apport d’air neuf est limité à 50 m3/heure…

Nous espérons au travers de cet article avoir apporté à nos lecteurs quelques éclaircissement sur un sujet qui préoc-cupe beaucoup de nos adhérents et qui va représenter une part très importante des travaux qu’ils seront contraints de faire exécuter dans les années à venir.

BONNES PRATIQUESISOLATION

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