L’IMPACT DE LA CONSIGNE SUR LA CREATIVITE EN ARTS VISUELS€¦ · mes interrogations sur...

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1 IUFM DE BOURGOGNE Concours de recrutement : Professeur des écoles. L’IMPACT DE LA CONSIGNE SUR LA CREATIVITE EN ARTS VISUELS MOINE Lucie Année 2003-2004 Directeur de mémoire : M.GUICHARD N°Dossier :03STA00145

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IUFM DE BOURGOGNE

Concours de recrutement : Professeur des écoles.

L’IMPACT DE LACONSIGNE SURLA CREATIVITE

EN ARTSVISUELS

MOINE Lucie

Année 2003-2004

Directeur de mémoire : M.GUICHARD

N°Dossier :03STA00145

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SOMMAIRE

Introduction p.1

I.Quelle place accorde t-on aux arts visuels ?p.2

1.Dans les Instructions Officielles ? p.2

1.1 Place de la discipline. 1.2 Importance dans les apprentissages transversaux.

2. Les actions proposées par le ministère : p.4

2.1 Les grands projets.2.2 Qu’en est-il aujourd’hui ?

3. Les projets de classe : p.7

3.1 La classe à PAC.3.2 Le musée d’école, l’artothèque.

II. Quelles activités mener pour favoriser la créativité ? p.10

1. Des situations d’imprégnation : p.10

1.1 Intérêts de la démarche.1.2 Activités proposées.

2. Des situations inductrices : p.14

2.1 Intérêts de la démarche.2.2 Activités proposées.

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3. Des situations de découverte : p.16

3.1 Intérêts de la démarche.3.2 Activités proposées.

III. La consigne a-t-elle été « moteur » ou « réducteur » dans les activités menées ? p.20

1.Quels constats faire des activités menées en classe ? p.20

1.1 Dans les situations d’imprégnation.1.2 Dans les situations inductrices.1.3 Dans les situations de découverte.

2. Impact de la consigne : p.25

2.1A-t-elle favorisé la créativité ?2.2Comment la moduler ?

Conclusion p.27

Bibliographie

Annexes

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INTRODUCTION

Je me suis posée en début d’année beaucoup de questions sur le thème que je pourrai

aborder dans le cadre du mémoire professionnel.

En m’appuyant sur mon expérience de pré-recrutée, je me suis questionnée sur ce qui

m’avait posé le plus de problèmes. Formuler une consigne m’est apparu comme le souci

majeur et ce dans toutes les disciplines. Je me suis axée plus particulièrement sur son impact

en arts visuels puisqu’elle me semblait jouer, dans ce domaine, un rôle moteur ou réducteur

sur la créativité des enfants. D’où la problématique de ce dossier : La consigne a-t-elle un

impact sur la créativité ?

Souvent marginalisée, la pratique des arts visuels figure parmi les domaines

obligatoires à l’école. Elle s’inscrit dans le souci de la formation et de l’épanouissement de

l’enfant. L’école a en effet un rôle culturel à jouer : elle doit être l’un des acteurs de la mise en

place d’une culture artistique. Il appartient donc à l’enseignant de privilégier l’expression et la

création. Mais comment faire ?

Je me souviens d’une de mes jeunes élèves de CE2 qui, l’an passé, terminait son

travail très rapidement et bien avant les autres. Elle avait bien respecté mes consignes mais

dans ses productions tout était figé, elle ne pouvait pousser plus loin, bloquée dans sa

créativité. Cette situation était peut-être due aux activités que je proposais, aux consignes que

je donnais. En effet, je me suis beaucoup appuyée cette année là sur des activités qu’on

pourrait qualifier de directives. Mes séquences laissaient peu de marge à la créativité. D’où

mes interrogations sur l’impact des consignes.

J’essaierai donc de voir quelles activités on peut mettre en place pour favoriser la

créativité et quel rôle joue alors la consigne. Je m’attacherai dans un premier temps à la place

qu’on accorde aux arts visuels dans les textes officiels, comme sur le terrain, puis j’exposerai

les situations que j’ai mises en place au cours de mes stages, pour enfin en faire un bilan et un

tirer des conclusions par rapport à mon questionnement personnel.

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I. Quelle place accorde-t-on aux arts visuels ?

1. Dans les Instructions Officielles :

1.1 Place de la discipline dans les programmes :

Les programmes étant le référent premier de l’enseignant c’est là que j’ai cherché à

savoir quelle place était faite aux arts visuels par rapport aux autres disciplines.

On constate tout d’abord que, d’un point de vue horaire, cette discipline peut sembler

secondaire. Elle s’inscrit sous la rubrique Education Artistique et partage avec l’éducation

musicale trois heures d’enseignement hebdomadaire en élémentaire, soit une heure et demi

par semaine. A taux horaire équivalent, l’importance des arts visuels semble plus grande en

maternelle, car avec l’organisation en ateliers l’enfant pratique tous les jours.

Le créneau horaire peut donc paraître faible surtout si on le met en correspondance

avec les compétences visées qui elles, sont nombreuses. Là encore, en maternelle, les

compétences sont plus détaillées et plus variées. Il y a dans les programmes une volonté de

continuité, la maternelle pose les jalons d’un enseignement riche, encourage la créativité et

l’élémentaire poursuit ce travail.

L’enseignement des arts visuels s’oriente autour de quatre axes en élémentaire et cinq

en maternelle. On retrouve dessin et compositions plastiques, on peut mettre sur le même plan

images (élémentaire) et observation/transformation d’images (maternelle) ainsi qu’œuvres

d’art et collections et musées. Ce qui est à noter, c’est le cinquième axe en maternelle qui

s’intitule Activités de création et langage oral. L’accent est mis sur la créativité, les

programmes parlent d’une « expérience créative concrètement vécue » où les enfants sont

essentiellement dans l’action, on favorise le « plaisir de la découverte » sans pour autant

s’éloigner d’un contact avec des œuvres et des artistes. En élémentaire l’éducation artistique

« permet de mieux équilibrer les formes diverses d’intelligence et de sensibilité ».

Les Instructions officielles invitent à un travail qui vise l’accès à une culture artistique.

Ainsi, il est proposé pour le cycle 1 d’offrir « un milieu ouvert à des démarches et à des

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références culturelles », au cycle 2 de mettre en relation les productions des élèves « avec des

œuvres et des démarches artistiques » et au cycle 3 « une rencontre avec les œuvres dans

laquelle l’élève est conduit à découvrir des réalisations relevant du patrimoine ».

Si d’un point de vue horaire les arts visuels semblaient avoir une place restreinte dans les

enseignements, on s’aperçoit avec le contenu des programmes que cette matière est aussi

primordiale que les autres car elle met en œuvre des démarches utiles dans toutes les

disciplines.

1.2. Importance dans les apprentissages transversaux :

L’éducation artistique « cultive des manières de penser et d’agir devenues

indispensables pour s’orienter dans les sociétés contemporaines. Les démarches

d’enseignement artistique valorisent les liens interdisciplinaires et, en retour, elles donnent

accès aux formes symboliques élaborées qui sont la clé de nombreux savoirs étudiés à

l’école ». (Programmes officiels)

En maternelle, les situations mises en place visent à faire acquérir des compétences

fondamentales comme par exemple ajuster son geste en fonction d’une intention. Le dessin,

qui est un des axes d’enseignement, est une activité graphique à part entière.

En effet, les compétences perceptives, motrices et visuelles facilitent la maîtrise des

tracés de l’écriture. Pour les plus petits les premiers gribouillages accompagnent « la

maturation de l’activité visuo-motrice ». Le langage est partout présent dans les activités en

maternelle. En arts visuels, les moments d’échanges donnent l’occasion d’évoquer les

procédés utilisés, de constater les effets produits, d’exprimer des sensations éprouvées. Ils

permettent à l’enfant d’enrichir son vocabulaire, d’exercer sa faculté d’observer, de préciser sa

démarche et d’écouter d’autres manières de faire et de voir.

En élémentaire, le dessin entre en relation avec les autres formes d’expression parfois

pour les anticiper : croquis, schémas, plan de fabrication… Au cycle 3 plus particulièrement

l’élève est amené à préciser et structurer ses connaissances sur les œuvres et à les mettre en

relation avec d’autres disciplines en particulier la littérature, l’histoire ou la géographie. En

effet, étudier une peinture en arts visuels concourt à développer le regard et permet une

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meilleure approche d’œuvres historiques. Les manuels d’histoire foisonnent de références

picturales incontournables. Il est mentionné dans les programmes que les arts visuels

permettent à l’élève « d’affiner la perception de son environnement en particulier dans sa

dimension paysagère et architecturale, l’aidant à mieux comprendre la démarche

géographique également fondée sur l’approche du paysage ». De même en littérature, il est

courant de trouver dans les manuels de lecture des découpages en types de texte où une part

est laissée aux œuvres, souvent accompagnées de biographies.

De manière plus générale, les arts plastiques contribuent à développer presque toutes

les compétences transversales. A savoir, l’acquisition de l’autonomie, observer, interroger,

s’exprimer par la parole, argumenter pour justifier un avis, fixer son attention, se concentrer

sur une tâche, rechercher le soin et la qualité de son travail, élaborer un projet individuel et le

mener à terme…

2. Les actions proposées par le ministère :

2.1 Les grands projets :

Avant les années soixante-dix, l’idée d’une action culturelle en milieu scolaire n’allait

pas de soi. Après l’école maternelle, précurseur dans ce domaine, rien n’était prévu pour

l’éveil artistique.

En 1968, le colloque d’Amiens « Pour une école nouvelle » jette les bases d’une

nouvelle pédagogie où la formation culturelle et l’éducation artistique seraient intégrées à la

formation générale. Pour les participants à ce colloque « l’enfant est naturellement créateur

et l’éducation doit maintenir en vie et développer cette créativité ».

En 1971, le dialogue s’instaure entre le ministère de l’Education et le ministère de la

Culture. Il y a, à cette époque, création d’un tiers temps pédagogique (1/3 du temps scolaire

est consacré aux activités d’éveil). Ce n’est qu’avec Jacques Duhamel, ministre de la culture

de 1971 à 1973 qu’un véritable projet culturel global sera proposé. La priorité du plan est de

« réduire les inégalités d’accès à la culture ». On crée alors des postes de conseillers

pédagogiques en musique et en arts plastiques. On met en place le FIC (fonds d’interventions

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culturelles). Deux programmes font alors date : « Les jeunes français à la découverte de leurs

musées » (1978) et « L’enfant téléspectateur actif » (1979).

La loi Haby insiste sur la place qui doit être faite à la sensibilité artistique et à la

créativité dans la formation primaire.

Dès 76, on crée une délégation générale aux enseignements artistiques et à la

formation. Le rapport du groupe « Culture » recommande : « la création d’ateliers artistiques

ainsi que le contact plus fréquent avec les œuvres et les artistes ».

En 1979, on lance des projets d’activités éducatives et culturelles (PACTE). Les

activités éducatives doivent être en prise directe avec les contenus d’enseignement qu’elles

permettent d’enrichir. On crée dans chaque Académie une commission d’action culturelle

chargée de favoriser le dialogue entre les personnels de l’enseignement et le monde de la

création. Un chargé de mission culturel est mis en place dans chaque rectorat.

En 1983, un protocole d’accord est signé entre le ministère de l’éducation et celui de la

culture.

Trois objectifs prioritaires orientent la politique conjointe des deux ministères :

- « renforcer l’importance de l’éducation artistique à l’école dans le cadre de la

rénovation pédagogique.

- encourager l’expression artistique à l’école pour faire des établissements scolaires

des lieux de vie artistique et culturelle.

- développer le jumelage entre les établissements scolaires et les établissements

culturels. »

A cette époque les futurs maîtres ne reçoivent que cinquante heures de formation en musique

et arts plastiques pour mille quatre cent heures de cours.

En 1984, les classes du patrimoine sont étendues au domaine des arts plastiques :

création des classes « Arc en ciel ». Toujours en 1984 on institue une épreuve obligatoire pour

les arts plastiques et la musique au concours d’entrée de l’école normale.

2.2 Qu’en est-il aujourd’hui ?

De 1986 à 1988, les enseignements artistiques restent au cœur des préoccupations du

ministère de la Culture confié à François Léotard. La loi du 6 janvier 1988 relative aux

enseignements artistiques préconise l’ouverture des établissements aux personnes justifiant

d’une compétence professionnelle.

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En 1988, Lionel Jospin confie à Pierre Baqué la rédaction d’un rapport sur les

enseignements et activités artistiques. Le second septennat de François Mitterand marque un

renforcement du partenariat entre les deux ministères.

Le 2 avril 1992, le ministère de l’Education et de la Culture est confié à Jack Lang. Le

rapprochement des deux ministères est une étape décisive.

Jack Lang et Catherine Tasca, ministre de la Culture et de la Communication, annoncent le 14

décembre 2000, lors d’une conférence de presse donnée au Louvre, un plan sur cinq ans de

développement des arts et de la culture à l’école.

Il s’agit pour le ministre de l’Education Nationale d’affirmer une volonté forte de ne

plus considérer l’art comme une matière sacrifiée aux savoirs fondamentaux, mais de

l’inscrire aux programmes et d’assurer la généralisation des pratiques. Jack Lang dit alors

que : « Il n’y a pas d’autre lieu que l’école pour organiser la rencontre de tous avec l’art, il

n’y a pas d’autre lieu que l’école pour instaurer de manière précoce le contact avec les

œuvres. Il n’y a pas enfin d’autre lieu que l’école pour réduire les inégalités d’accès à l’art

et à la culture ».

La priorité est donnée à l’enseignement primaire, écoles maternelles et élémentaires,

où il s’agit d’améliorer les enseignements obligatoires –musique, chant et arts plastiques- et

de les enrichir par les arts du spectacle et une éducation à l’image. Cela passe forcément par

l’accroissement du partenariat avec les artistes et les structures culturelles ainsi que la

formation des maîtres (prise en compte des compétences artistiques pour le recrutement et

formations artistiques renforcées dans les IUFM) et des intervenants.

Autre fait marquant et récent, le changement de dénomination de la discipline : les arts

plastiques deviennent arts visuels. Ainsi, dans le plan pour les arts et la culture à l’Ecole, édité

conjointement au CNDP par la Direction de l’Enseignement scolaire et par la mission de

l’Education artistique et de l’action culturelle, en janvier 2002, on lit : « Donner une nouvelle

dénomination aux arts plastiques, de la maternelle au lycée, qui doivent être étendus au

sens de la diversité des pratiques, des supports et des médias. Ils prennent donc le nom

d’arts visuels (…) il apparaît aujourd’hui légitime d’ouvrir l’enseignement des arts

plastiques à l’histoire de l’art et au patrimoine, à la photographie, au cinéma, à

l’architecture, au design, aux arts numériques… »

Cette diversification s’exprime en terme d’ouverture et d’apprentissage de l’image

compris comme apprentissage d’un langage visuel.

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3. Les projets de classe :

3.1 La classe à PAC :

D’abord appelées « classe à thème » puis « classes à temps artistiques et culturels »

puis « classes à PACTE » (projet artistique et culturel dans le temps de l’enseignement), la

désinence est tombée pour donner naissance aux « classes à PAC » : classes à projet artistique

et culturel.

La classe à PAC donne l’initiative au maître, sur un concept qu’il propose et dont il

assure la mise en œuvre en partenariat avec un artiste ou un responsable culturel. Il s’agit

d’une rencontre entre une classe et un artiste.

La classe à PAC oppose en quelque sorte la pédagogie de projet à la pédagogie

traditionnelle de la connaissance disciplinaire et des programmes.

Le maître commence par définir le concept avec le concours de l’artiste, il le valide en

faisant appel aux experts, sollicite ensuite le visa de sa hiérarchie qui déclenche le

financement et enfin il passe à la production. L’enseignant crée ainsi une démarche innovante

autour des comportements et des pratiques proposées par l’artiste à la classe.

La classe à PAC s’axe autour de six grands principes :

- une rencontre avec les artistes,

- une approche d’une pratique artistique et d’un domaine de culture mêlant une dimension

contemporaine et une référence patrimoniale,

- une approche critique,

- une trace tangible qui prend la forme d’une réalisation individuelle ou collective,

- un réinvestissement pédagogique par le croisement avec toutes les disciplines enseignées,

- une priorité donnée à l’expression des élèves et aux démarches actives.

Les classes à PAC sont aujourd’hui très répandues et montrent une réelle envie des

enseignants d’ancrer leurs pratiques dans un projet motivant pour eux et pour les enfants.

Au cours de mon année de PE2, j’ai eu l’occasion de faire mes stages dans deux écoles

qui avaient un projet artistique et culturel. En GS à l’école des Rosoirs où les enfants créent

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des fontaines dans le but d’aménager les espaces verts du quartier. En PS à l’école Marie

Noëlle où la classe travaille en collaboration avec une plasticienne.

3.2 Le musée d’école, l’artothèque :

Plusieurs projets peuvent être menés au sein même de la classe pour développer la

curiosité et l’envie des enfants.

Le musée de classe ou d’école consiste en une collection d’objets d’art (lithographie,

sculptures…) ou de reproductions sous formes de cartes postales, affiches, etc. auxquels

peuvent s’ajouter toutes sortes d’objets curieux ou agréables à regarder, à toucher (un joli

caillou, un coquillage…), trouvailles des enfants qui veulent partager un plaisir.

Tout comme la bibliothèque, le musée nécessite une installation matérielle et des

règles de fonctionnement qui incitent au calme et permettent soit une fréquentation

individuelle libre soit des activités collectives ou de petits groupes.

Les objets rassemblés peuvent être utilisés de différentes manières :

- exposition de reproductions dans un lieu accessible à toute l’école et régulièrement

renouvelée avec la participation des enfants.

- mise en valeur dans un emplacement réservé de la classe d’une ou plusieurs œuvres choisies

en relation avec un travail en cours.

- présentation d’objets apportés par l’un ou par l’autre et qu’il remportera chez lui le soir.

- mise à disposition d’objets à toucher.

- installation d’objets à déplacer pour obtenir une composition qu’on peut modifier.

Pour que le musée fonctionne et soit attrayant on doit renouveler fréquemment les

affiches et les objets qui ne doivent pas être trop nombreux. Les objets doivent garder leur

fonction de séduction et d’invitation au rêve.

L’artothèque, moins répandue, consiste en une collection d’œuvres qui font l’objet

d’un prêt à domicile. Chaque enfant choisit l’œuvre qu’il souhaite introduire chez lui, dans

l’espace intime de sa vie quotidienne. L’objet acquiert un statut qui n’est plus purement

scolaire et peut devenir le support d’échanges avec les parents, peut-être même l’occasion

d’une émotion partagée. Tout comme la bibliothèque de prêt, l’artothèque est également un

moyen pour l’enseignant de sensibiliser les parents au travail fait en classe.

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Dans les différents projets de classe, ce qui doit être prédominant, c’est le plaisir

ressentit par l’élève qui doit trouver dans ces rencontres avec l’art un réel attrait. Rien ne doit

être imposé, l’enfant doit vouloir s’investir d’où l’importance de mettre sur pied des situations

motivantes où l’enfant se sent engagé personnellement.

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II. Quelles activités mener pour favoriser la créativité ?

Il me semble important au préalable d’essayer de définir le concept de créativité.

Etymologiquement, si le mot désigne tout à la fois l’acte de créer et son résultat, celui de

créativité met l’accent sur le processus, le mouvement créateur.

On note l’émergence du concept de créativité après la seconde guerre mondiale avec

les recherches de GUILFORD qui montrent qu’il existe deux formes d’intelligence

complémentaire : la pensée convergente (qui se situe dans le domaine des déductions

logiques) et la pensée divergente (ce serait l’opération la plus caractéristique et la plus

représentative de la créativité car elle permet de réussir des tâches pour lesquelles les

solutions sont multiples).

Hubert JAOUI dans La créativité note qu’ « aujourd’hui commence à s’établir un

consensus sur la nécessité de considérer la divergence comme le complément indispensable

de la convergence pour accomplir un acte véritablement créatif ».

Il est clair que la créativité de l’enfant est favorisée par une action pédagogique

cohérente dans tous les domaines d’apprentissage et dans toutes les situations de vie à l’école.

Elle ne se limite donc pas aux activités plastiques même si ce domaine s’y prête

particulièrement.

1. Des situations d’imprégnation :

1.1 Intérêts de la démarche :

Ce genre d’activité cherche à agir aussi bien sur la production plastique des enfants

que sur leur réception des images ou encore sur leur comportement.

Dans les Instructions officielles, il est proposé pour le cycle 1 d’offrir « un milieu

ouvert à des démarches et à des références culturelles », au cycle 2 de mettre en relation les

productions des élèves « avec des œuvres et des démarches artistiques », au cycle 3 « une

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rencontre avec les œuvres dans laquelle l’élève est conduit à découvrir des réalisations

relevant du patrimoine ».

Dans l’ouvrage La créativité Dossiers CEPEC de Lyon, on note que l’observation des

référents culturels sert de point d’appui pour la créativité des enfants parce qu’elle permet : «

de prendre conscience de problématiques et de notions plastiques travaillées et traduites

par des œuvres et des artistes ; d’expliciter des démarches qu’ils pourront s’approprier lors

de productions ultérieures ; d’identifier des repères qui permettent de faire des choix

pertinents en réponse aux propositions de l’enseignant et, d’exprimer des sentiments,

sensations et opinions en les argumentant ».

Les situations d’imprégnation sont destinées, en ce qui concerne les élèves, à les

familiariser avec des éléments ou des pratiques qui ne leur sont pas coutumiers et plus

particulièrement avec des images qui ne font pas partie de leur environnement ; à les inciter à

ne pas refuser ce qui peut avoir un caractère nouveau ou inhabituel ; à les inciter à remettre en

cause des habitudes.

Pour le maître, elles sont destinées à lui permettre de faire apprécier des éléments ou

des secteurs du domaine des activités plastiques qui sont nouveaux pour les enfants.

On ne crée pas à partir de rien. L’imaginaire a besoin d’être nourri en abondance et sollicité

pour faire émerger de nouvelles images.

Certes l’enfant vit dans un monde d’images, entre télévision, publicité, et dans le meilleur des

cas, ses livres. Cependant l’école doit apporter d’autres images prises dans le patrimoine

culturel qui, sans elle, ne seraient jamais connues de l’enfant.

Cet apport culturel fondamental indispensable permettra d’établir des comparaisons, de faire

des choix, de formuler le goût.

Les situations d’imprégnation sont un travail sur le long terme. Elles ouvrent des

possibilités de ressources pour des travaux futurs, font référence à des techniques réutilisables,

d’où la nécessité d’une continuité dans le travail au niveau des cycles.

Elles vont de pair, me semble t-il, avec la création d’un musée de classe, d’une artothèque, le

but étant dans chacun des cas de familiariser les élèves à l’art, contemporain ou classique, de

manière agréable et motivante.

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Il n’est hélas pas rare de rencontrer des enfants qui n’ont jamais mis les pieds dans un musée

(pour des raisons sociales : milieux défavorisés ? un manque de connaissance : quelles

expositions allez voir ? des raisons géographiques : où se rendre ?…). Il me semble donc

important de mettre l’art à leur portée en le faisant notamment entrer dans le cadre de la

classe.

Exposer des reproductions d’artistes donne par-là même un intérêt à l’exposition de leurs

propres travaux, permet des comparaisons sur des thèmes communs, des techniques… Les

enfants ont alors des repères qui sont utiles pour avancer dans leurs travaux.

Le plaisir des yeux est également primordial, les enfants sont curieux de nouveautés, ils

peuvent être très critiques mais aussi en extase devant l’œuvre qu’on leur aura présenté et qui

fera naître chez eux des sentiments intenses. Le langage tient alors un rôle primordial. Il faut

laisser les enfants s’exprimer, justifier leurs choix, leur ressenti.

1.2 Activité proposée :

Il semble important d’imprégner les enfants dans l’art d’où le choix fait de présenter de

manière rituelle des reproductions d’œuvres d’art.

J’ai mis en place ce travail durant mon deuxième stage en responsabilité au cycle 1.

Je souhaitais présenter au moment du regroupement des reproductions tournant autour d’un

même thème chaque semaine.

Ayant comme public une classe de Très Petite Section j’ai énormément douté de

l’impact que pourrait avoir ma démarche sur de si jeunes enfants.

L’enjeu me paraissait cependant très intéressant puisque l’école où j’étais était située en ZEP

avec une majorité d’enfants étrangers et que l’accès à la culture ne se fait pas forcément

facilement dans ce contexte social particulier.

Durant mes trois semaines de stage, je voulais aborder chaque semaine un thème

(simple, proche des enfants pour être susceptible de faire naître des remarques spontanées) en

présentant chaque jour une reproduction sur ce thème au moment du premier regroupement et

des rituels.

Mon objectif était d’amener ces très jeunes enfants à dire ce qu’ils voyaient, ce qu’ils

ressentaient, ce qu’ils pensaient des œuvres présentées. Un travail de langage à partir d’un

ancrage culturel.

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J’ai très vite été obligée de revoir mes objectifs à la baisse : nouvelle maîtresse,

nouveau mode de travail, enfants très jeunes et parlant peu… Je n’ai donc finalement présenté

que cinq reproductions ce qui était déjà bien suffisant !

J’ai choisi de travailler sur les trois thèmes suivants : la couleur, la matière et les

formes, ce en parallèle avec des travaux en arts visuels qui tournaient également autour de ces

thèmes.

Le premier poster que j’ai exposé était une reproduction du tableau Composition avec

rouge, jaune, bleu de Mondrian. (Annexe1)

Les enfants sont restés perplexes, ils ont tout d’abord observé.

J’ai dû amorcer le dialogue en leur expliquant ce que j’avais apporté (une peinture) et je leur

ai demandé : « Qu’est-ce qu’on voit sur cette peinture ? ». Le thème de la couleur avait été

choisi car les enfants travaillaient en mathématiques sur le tri de couleurs. Ils connaissaient

donc déjà, pour la majorité, le nom des couleurs primaires, ce qui était plus aisé pour aborder

la notion de mélange.

Ils sont donc partis spontanément sur ce thème et m’ont nommé les couleurs présentes dans le

tableau (Lisa : « Je vois du rouge », Samy « C’est bleu »…).

L’envie de venir toucher, montrer, suivre du doigt les lignes horizontales et verticales (un

travail de graphisme sur la ligne avait été amorcé par l’enseignante titulaire), est très vite

apparue, ce qui semble normal pour des enfants de cet âge. Il m’a donc fallu les questionner

(« Qu’est-ce que tu me montres ? ») pour faire avancer le dialogue, qui une fois les couleurs

identifiées est très vite tombé à plat.

L’intérêt semblait être passé et il m’a paru préférable de stopper là l’observation, mon objectif

étant avant tout l’imprégnation.

La deuxième œuvre était Les nymphéas de Monet. (Annexe 2)

Un petit garçon, Mehdi, m’a dit dès l’affichage du poster « Oh ! c’est du feu » et il s’est levé

pour me montrer ce qu’il qualifiait être des flammes.

Partis sur ce thème, la majorité des enfants voyaient là « le feu », ce qui a conduit une petite

fille à me dire « Ça fait peur ça » en désignant la reproduction.

J’ai laissé les enfants s’exprimer sur ce que leur semblait représenter ce tableau, pour enfin

leur expliquer ce que le peintre avait voulu représenter. Ils sont restés dubitatifs. L’œuvre

choisie n’était peut-être pas assez figurative pour des enfants de cet âge.

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La deuxième semaine nous avons observé un tableau de Klee (Annexe3). L’échange

ayant été fructueux sur le tableau de Monet sans mon intervention, j’ai décidé d’afficher le

tableau sans faire de commentaires.

Ce manque « d’encadrement » s’est avéré être une mauvaise idée avec des enfants si jeunes !

Les élèves en effet se sont prêtés à d’autre discours qui n’avaient rien à voir avec l’affiche

présentée.

J’ai donc repris le même fonctionnement que la semaine précédente : un questionnement sur

ce qu’on voyait (identification des éléments du tableau, des couleurs…) et sur leur ressenti qui

s’est essentiellement exprimé par un constat (j’aime/je n'aime pas ; c’est beau).

L’échange était encore pauvre mais l’intérêt visuel des enfants encourageant.

La dernière semaine, j’ai présenté une reproduction de Braque, Le violon, qui n’a pas

eu beaucoup de succès. (Annexe 4)

Les enfants ont bien voulu répondre à mes questions mais ils ne semblaient pas intéressés ce

jour là.

J’ai également présenté une reproduction de Kandinsky (Annexe 5). J’ai tout de suite pu

m’apercevoir que le choix du poster n’était pas judicieux puisque les enfants m’ont demandé

« C’est quoi ? ». J’ai donc du, dans un premier temps, expliquer que la peinture ne représente

pas toujours quelque chose de réel, chose peu aisée pour moi car il fallait trouver un

vocabulaire assez simple pour que les enfants comprennent.

Aurais-je du choisir des œuvres plus figuratives pour éviter cet écueil ? J’avais fait le choix de

présenter des œuvres plutôt abstraites mais très colorées pour attirer l’attention des enfants,

peut-être que ce choix serait à revoir pour la poursuite de cette activité.

2. Des situations inductrices :

2.1 Intérêts de la démarche :

Si on se réfère au petit Larousse, induire signifie : « conduire, mener quelqu’un à une

action, un comportement ». Par situations inductrices j’entends des activités assez ouvertes

pour laisser libre court à l’imagination des enfants mais où demeurent des contraintes.

La consigne me semble donner un cadre limitatif à une action donnée, elle oriente, guide

l’exécution par l’élève d’une tâche attendue. Elle peut-être restrictive au sens où elle appelle

la même réponse pour tous. Les contraintes sont, elles, des obstacles à franchir.

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Chaque enfant peut choisir sa méthode de résolution, les contraintes amènent à une situation

de recherche.

L’enfant doit faire des choix et est obligé d’utiliser de façon autonome différentes techniques,

concepts, matériaux. La contrainte peut représenter un défi qui oblige les élèves à

problématiser, à se questionner.

L’intérêt de cette démarche, pour moi, était de laisser les enfants s’exprimer librement

sur un thème, une piste de travail que je leur aurai lancé. Mettre face à eux des contraintes

pour qu’ils se sentent « accompagnés », c’est à dire qu’ils sentent que l’enseignant est là pour

les guider s’ils le désirent, mais qu’ils puissent travailler de manière autonome en suivant

leurs envies, leurs idées. Je voulais surtout que les enfants se surprennent par leurs

possibilités et qu’ils ne se sentent pas freinés dans leur élan créatif.

2.2 Activité proposée :

Mon projet était de travailler sur les effets que l’on peut obtenir en changeant d’outils

et de matériaux.

J’ai profité de mon stage en cycle 3 dans une classe de CE1 / CE2 près d’Auxerre pour

lancer mon activité. Cette classe me semblait idéale car elle possédait de nombreuses

ressources matérielles et organisationnelles. La classe étant très grande l’enseignante titulaire

avait instauré un coin arts visuels : une très grande table au fond de la classe avec tout le

matériel à portée de main. J’ai donc eu envie de lancer un travail dans lequel les enfants

choisiraient les outils, le matériel qu’ils souhaitaient pour réaliser leur projet.

Nous avons travaillé sur le thème « horizontal / vertical » avec dans un premier temps

une recherche sur ce thème, la consigne étant : « Que pouvons-nous faire ? ». Très vite, les

élèves se sont lancés dans du quadrillage à main levée ou à la règle, avec des traits plus ou

moins serrés.

Lors de la deuxième séance, j’ai mis à leur disposition des carrés et des rectangles de

couleurs (rouge, jaune, bleu, blanc) laissant libre court aux enfants sur leurs réalisations, qui

devaient toujours tenir compte du thème « horizontal / vertical ». Mon objectif pour cette

séance était d’être capable de choisir, manipuler et combiner des matériaux pour réaliser une

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production individuelle. Les productions se sont avérées très semblables les unes aux autres,

ce que j’essaierai d’analyser dans ma troisième partie.

La troisième séance avait pour objectif d’établir des relations entre les démarches et les

procédés repérés dans une œuvre et sa propre production. J’ai alors introduit un poster et deux

livres sur Mondrian laissant les élèves observer et découvrir les peintures de cet artiste. Dans

un deuxième temps, j’ai laissé les enfants échanger entre eux. Je suis volontairement restée en

retrait de cet échange, mon objectif n’étant pas de faire un cours sur Mondrian, sa vie, son

œuvre.

La quatrième séance a consisté à réaliser une production individuelle en choisissant

son support, ses outils… J’ai mis à leur disposition : feutres, crayons de couleur, craies

grasses, encres, gouache, papier Canson, feuille d’imprimante, pinceaux de toutes sortes,

brosses, rouleaux… ma contrainte était dans la restriction des couleurs et bien sûr dans le

thème fixé au départ. Je tenterai de tirer les conclusions de cette expérience en présentant

différents travaux d’élèves dans ma troisième partie.

Au niveau des apprentissages, mes objectifs pour cette séquence étaient de faire

acquérir aux élèves une certaine autonomie. Il s’agissait pour eux d’exprimer leurs

préférences et de les justifier (Pourquoi avoir choisi tel outil plutôt qu’un autre ?) et de

développer leur perception esthétique : découvrir dans les choses les agencements de formes,

de couleurs, le rapport des valeurs, les qualités sensorielles…

3. Des situations de découverte :

3.1 Intérêts de la démarche :

Cette démarche consiste pour l’enseignant à faire découvrir des modes d’expression

plastique aux enfants. D’une manière générale elle consiste à favoriser l’apparition de

comportements tels que la curiosité, notamment à l’égard des modes d’expression nouveaux, à

susciter leur intérêt pour des données d’ordre plastique : la forme, la couleur… pour un

secteur de possibilités : représenter, s’exprimer… à susciter le désir de réinvestir des

découvertes faites dans leurs productions.

Les situations de découverte semblent être incontournables car comment demander

aux élèves de travailler avec un outil ou un matériau dont ils ne connaissent pas toutes les

ressources ? Cette démarche semble particulièrement propice en maternelle puisque les

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enfants sont neufs de toute expérience, et curieux de tout découvrir. Chez les jeunes enfants,

tout passe par la manipulation, le désir : comment mettre un pinceau entre les mains d’un

enfant de trois ans alors qu’il n’a qu’une envie c’est de mettre les mains dans la peinture et

barbouiller sa feuille ! C’est là une belle situation de découverte qu’il faut, il me semble,

favoriser et encourager.

L’enfant doit découvrir lui-même les ressources expressives de ce que lui présentera

l’enseignant pour pouvoir ensuite produire un travail en connaissance de cause.

3.2 Activité proposée :

Les activités que je vais maintenant présenter ont été mises en place lors de mon stage

tutelle en Petite Section et lors de mon deuxième stage en responsabilité en Très Petite

Section.

Ces niveaux me semblant, comme je l’ai dit précédemment, convenir particulièrement bien

aux situations de découverte. Je ne ferai ici qu’une présentation de ces activités, mes

conclusions se feront dans un troisième temps.

J’ai effectué un travail autour de la couleur, mes objectifs étaient de découvrir les

avantages de l’utilisation de couleurs pures, d’inventer et comparer différents modes de

production de mélange en changeant les couleurs, les outils et de découvrir les lois du

mélange.

J’avais quatre groupes d’enfants qui avaient des outils et des couleurs différentes : le

premier n’avait que les mains et de la gouache bleue et jaune, le second avait des comptes

gouttes et de la gouache rouge et jaune, le troisième des rouleaux mousse et de la gouache

rouge et bleue et enfin, le dernier, avait des bâtons d’esquimaux et les trois couleurs primaires.

Après une phase d’action, les productions ont été affichées au tableau et un moment de mise

en commun a été fait où les enfants devaient raconter ce qu’ils avaient fait et essayer

d’identifier les couleurs qu’ils avaient fabriquées.

J’ai cherché à amener les enfants à voir que le mélange des trois couleurs est noirâtre pour

qu’ils prennent conscience que plus on mélange plus on enlève de la lumière (mélange

soustractif). L’échange a eu à leurs yeux peu d’intérêt, l’action étant primordiale.

J’ai effectué un travail sur la matière, mes objectifs était d’associer une sensation avec

des matériaux et de réaliser une composition en plan selon un désir.

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Le travail a eu lieu au sein d’un petit groupe (quatre enfants). Trois matières ont été

préalablement cachées dans des sacs.

Elles avaient comme propriétés d’être douce, de gratter, d’être lisse.

Les enfants devaient dans un premier temps toucher, à l’aveugle, ces matières et s’exprimer

sur ce qu’ils ressentaient. J’ai ensuite disposé sur la table de nombreux matériaux (coton,

laine, tissu, moquette, éponge, papier de verre, écorce d’arbre, linoléum, toile cirée,

plastique…) et les enfants devaient choisir les matériaux qui leur rappelaient la sensation d’un

des sacs.

Il fallait, dans un troisième temps, coller sur une feuille toutes les matières ainsi choisies et ce,

en occupant l’espace de la manière qu’ils souhaitaient.

L’activité à quelque peu évoluée lors de sa mise en pratique.

Les enfants parlant peu mais ressentant les choses, ont vite pris le parti de faire un tri des

différents matériaux présentés. De plus les choses douces étaient plus nombreuses, cela a

orienté leur réalisation de collage. En annexe, je joins quelques exemples de productions qui

ont été réalisées sur le doux. (Annexes 6 et 7)

J’ai également travaillé sur la réalisation d’empreintes et leurs différents effets. Dans la

classe de Petite Section, il s’agissait d’un travail qui faisait suite à une visite au jardin de

Laborde et qui s’inscrivait dans des ateliers autour du thème des légumes.

Les compétences visées étaient d’être capable d’adapter son geste à la contrainte d’un outil et

de tirer parti des ressources d’un matériau.

Les objectifs étant d’animer une surface en réalisant des empreintes.

Les enfants avaient à leur disposition une feuille A3 et de l’encre ainsi que des moitiés de

légumes (carotte, pomme de terre, oignon, poivron). Ils étaient libres de choisir les légumes

qu’ils voulaient et beaucoup n’ont réalisé leur travail qu’avec ce qui leur semblait être le plus

représentatif.

Ainsi un enfant a travaillé essentiellement avec le poivron qui laissait des empreintes très

nettes et facilement identifiables, un autre a trouvé un intérêt à l’oignon qui laissait voir avec

son empreinte la multitude des couches (Annexes 8 et 9).

Dans la classe de Très Petite Section le travail sur les empreintes s’est d’abord axé sur

le toucher.

Il y avait à l’intérieur de la classe un bac à sable ce qui m’a permis d’aborder mon travail de

façon très ludique.

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Les enfants devaient réaliser des empreintes dans le sable. Nous avons ensuite continué le

travail sur les empreintes mais cette fois-ci sur feuille.

Les enfants disposaient de formes géométriques (rond, carré, triangle) découpées dans divers

matériaux (carton ondulé, set de table, papier de verre). Ils devaient animer l’espace feuille en

réalisant des empreintes. Le but pour moi était de leur faire tirer parti des ressources

expressives de ce procédé, objectif « atteint » puisque le papier de verre ne réalisant que très

mal les empreintes a été abandonné par tous.

Les productions de certains élèves montrent une recherche d’organisation et d’effets, ils sont

présentés en annexe et seront analysés dans ma troisième partie (Annexes 10, 11 et 12).

Après l’exposé des différentes activités menées et l’observation des productions d’élève, nous

allons voir quels ont été les impacts de la consigne.

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III. La consigne a-t-elle joué un rôle « moteur » ou « réducteur » dans les

activités menées ?

1.Quels constats faire des activités menées lors des stages ?

1.1 Dans les situations d’imprégnation ?

En me référant aux Instructions officielles qui invitent, au cycle 1, à offrir « un milieu

ouvert à des démarches et à des références culturelles », j’ai donc présenté des reproductions

d’œuvres d’artistes aux enfants.

Le premier constat que je pourrai faire est que les enfants de cet âge ont besoin que les

actions menées soient théâtralisées et que dans ma façon d’aborder les œuvres cet aspect a

manqué.

J’aurai sans doute dû me servir d’un médiateur (une marotte ?) qui aurait permis de faire

parler les enfants de façon plus ludique.

J’aurai également dû valoriser les œuvres que je présentais (chevalet, cadre ?) pour que le lien

entre l’art et ce que je leur présentais soit plus clair. En effet, je ne suis pas sûre que les

enfants aient saisi qu’il s’agissait de reproductions et que ces œuvres existent « en vrai » dans

des musées.

Mon second constat est que le langage a été un véritable obstacle dans l’action menée.

Les enfants étaient sans doute trop jeunes et l’expression de leur ressenti ne pouvait passer

par un échange verbal (manque de vocabulaire, difficulté d’élocution…). De plus de

nombreux enfants de cette classe avaient des parents d’origine étrangère qui ne parlaient pas

français à la maison, ce qui était un frein de plus dans l’acquisition du langage.

Le dernier constat est lui plutôt positif car si mes objectifs n’ont pas été pleinement

atteints, l’intérêt des enfants était lui bien réel.

En effet, j’ai pu constater au cours de mes stages en maternelle que lorsque des enfants, d’à

peine trois ans ou trois ans, n’ont pas envie de faire quelque chose l’enseignant le ressent

immédiatement : fuite des élèves vers une autre activité, dispersement, énervement pour

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certains… L’activité menée sous cette forme n’était peut-être pas adaptée à une classe de Très

Petite Section, mais elle n’est pas à exclure.

Il me semble important, si j’avais à poursuivre cette action, que mon choix des œuvres

soit différent et plus adapté à des enfants de cet âge : peut-être plus figuratif, en tout cas plus

varié, plus proche de leurs centres d’intérêts.

D’autre part, je ne la mènerais pas de façon décrochée comme une activité en tant que telle au

moment du regroupement, mais je la raccrocherais aux activités d’arts visuels, moment où les

enfants sont dans l’action.

L’œuvre d’art n’est pas un objet de contemplation béate.

Le fait de pouvoir retrouver dans l’image quelque chose que l’on connaisse déjà de par son

vécu, de par le souvenir, offre une première entrée dans l’observation d’une reproduction. Or

qu’attendre de si jeunes enfants ?

Je pense que les situations d’imprégnation seront plus riches et plus profitables avec des

élèves plus vieux avec qui on pourra aller plus loin. Il sera alors concevable de parler de

techniques.

C’est là que j’ai ressenti la limite de mon action : oui, je pouvais apporter un référent culturel

mais les manières de l’exploiter ne me sont pas apparues clairement. Ce travail doit être mené

dans l’action. L’œuvre peut introduire une situation mais peut également servir de tremplin à

de nouvelles recherches (dans ce cas, elle est source de documentation), elle peut être la

finalité d’un projet plastique : c’est aller « à la rencontre de… », vivre des activités en amont

qui préparent la découverte. C’est dans ce sens que mon approche serait à revoir.

« Situations d’imprégnation » signifient donc peut-être, pour des enfants de maternelle,

de leur présenter des choses nouvelles sans pour autant les questionner.

Faire un travail en lien avec leurs réactions et pas un travail pour susciter leurs réactions.

Laisser les enfants venir à l’art quand ils sont prêts.

Le contact avec de « vraies » œuvres semble essentiel pour que les enfants prennent bien

conscience de ce qu’est l’art.

1.2 Dans les situations inductrices ?

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Mon but était de proposer des situations assez libres pour que chaque élève produise

un travail qui réponde à ses envies. Il me semble que mon objectif n’a pas été atteint dans la

mesure où les productions finales étaient toutes très semblables (Annexes 13 et 14).

Les élèves ont été libres de choisir leurs outils et supports mais ont-ils utilisé cette

possibilité pour répondre à des effets recherchés ou pour faire plaisir à l’enseignant ? La

technique est un moyen au service de l’expression. Or dans l’activité menée, j’ai suivi deux

objectifs : explorer les possibilités d’un outil et réaliser une production en en exploitant les

résultats.

Je me rends compte qu’on ne peut pas viser tous les objectifs à la fois, il faut choisir et

privilégier tour à tour de développer les potentialités, de solliciter l’imaginaire, l’affectivité,

d’explorer un paramètre plastique particulier (le geste, la matière, la trace, la couleur…), de

préparer la découverte d’une œuvre, d’un artiste… Ayant joué sur deux choses à la fois, les

résultats m’ont un peu déçu.

Mes propositions me semblent, avec le recul, avoir influencé les enfants, ce qui était

l’opposé de ce que je recherchais.

En proposant le thème « horizontal / vertical » j’avais en effet déjà répertorié des artistes,

ayant travaillé de façon très géométrique, qui pourraient me servir de référence. Ma

progression était donc déjà faite, ce qui inconsciemment m’a fait influencer les élèves.

L’introduction des œuvres de Mondrian a accru cette influence, puisque dans les

productions on retrouve une copie du poster présenté. Une jeune élève, Johane, a en effet

reproduit l’œuvre : même couleurs au même endroit, même orientation de la feuille…

(Annexe 15). J’aurai sans doute dû faire intervenir cette étape en fin de séquence et non en

milieu.

J’ai amené un thème aux élèves et non une proposition (qui aurait pu être par exemple :

Imagine le pays bleu, Le noir c’est clair…) ce qui a rétréci leur champ d’action, leur

imagination.

Le constat que je peux donc faire à l’issue de cette activité est que l’enseignant doit bien

réfléchir à un thème et non à une démarche qui aboutirait à amener les enfants là où on le

souhaite.

Laisser libre court à l’imagination n’est pas aisé, il ne s’agit en aucun cas de dire « Faites ce

que vous voulez ! » mais de les conduire à réfléchir aux façons de s’exprimer plastiquement,

et cette action ne peut-être menée qu’à partir d’un thème assez défini mais interprétable par

chacun à sa façon.

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Ces situations inductrices ne vont-elles pas à l’encontre du contrat didactique passé

implicitement entre le maître et les élèves ? En effet, les enfants ont l’habitude de répondre

aux attentes de l’enseignant : une consigne, une réponse.

Lorsque l’on s’éloigne de cela certains sont déstabilisés. En arts visuels, les réponses aux

sollicitations de l’adulte ne sont pas comme en mathématiques soit justes, soit fausses. Elles

témoignent plus d’une façon de faire dont les résultats peuvent être très divers.

1.3 Dans les situations de découverte :

La classe de Très Petite Section étant la première année de scolarisation, est de fait la plus

appropriée aux situations de découverte.

Quel bilan faire des trois activités mises en place et présentées plus haut ?

En ce qui concerne la découverte du mélange des couleurs :

Cette notion est souvent découverte de façon inopinée lors des premières séances de peinture,

il me semblait important de réguler et d’encadrer ceci pour fixer certains apprentissages

(couleur primaire + couleur primaire = couleur secondaire qui varie selon les proportions de

départ).

La mise en commun a été le temps fort de cette activité, elle me semble être primordiale. Il ne

s’agit pas d’analyser tous les travaux mais d’inviter ces très jeunes enfants à les considérer

sous différents regards, en fonction de la nature même du travail proposé.

Les élèves n’ayant pas eu les mêmes outils et les mêmes couleurs, ils ont été intéressés par

l’échange, la mise en commun. Bien sûr cela aurait été plus riche avec des enfants plus

grands, mais je pense avoir fait avancer la prise de conscience des actions vécues et des effets

obtenus. C’est une petite amorce de l’apprentissage d’un regard critique et constructif qui

amènera à faire naître de nouveaux comportements face à l’image et à l’objet.

En ce qui concerne la matière :

Cette activité aurait pu être menée dans le cadre d’une séance de sciences ayant pour objectif :

être capable de reconnaître et classer des matières et leurs qualités.

Si j’ai choisi de l’inscrire dans un travail d’arts visuels c’était en vue de faire acquérir une

autre compétence.

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Ma priorité était donnée à l’exploration sensible comme principe de découverte et à

l’expression de l’imaginaire. Je souhaitais que la découverte et la manipulation des matières et

des matériaux amènent les enfants à en explorer des caractéristiques physiques et des

propriétés plastiques. Si on regarde les travaux des élèves on constate que les mêmes

matériaux sont réutilisés (coton, tissu) et les enfants ont justifié cela en disant « Ils sont tout

doux, tout doux » (= plus doux que les autres). Un groupe de trois enfants a décidé de faire un

côté « très doux » et un côté « doux ». On peut donc dire que derrière le collage les enfants

avaient des intentions. Peut-être que ce travail aurait pu être prolongé avec la réalisation d’un

album sur les sens : une composition plastique pour chaque sensation (le doux, le piquant, le

lisse…) où se serait les enfants qui auraient fait la chasse aux objets. Album accompagné de

phrases prises en dictée à l’adulte (« C’est doux comme… » « C’est lisse comme… »).

En ce qui concerne les empreintes :

Le travail avait été amorcé par l’utilisation de tampons en mousse lorsque nous avons travaillé

sur le thème du printemps. Il fallait associer une empreinte de fleur à chaque tige (voir annexe

16). Dans le travail fait ici avec les différents matériaux (set de table, carton ondulé, papier de

verre) les enfants étaient libres d’occuper l’espace comme ils le souhaitaient en utilisant les

formes qu’ils désiraient.

Dans la production de Lisa on constate un travail méthodique (Annexe 12) : elle utilise

chaque forme (rond, carré, triangle) de chaque matière et rajoute un dernier triangle pour

« boucher » un trou. Elle a occupé l’espace, s’est servie de tout ce qui était à sa disposition,

son travail est terminé, elle quitte la table. Il me semble qu’il n’y avait pas là d’intention

expressive.

Somia, élève très appliquée, teste toutes les formes, toutes les couleurs, met plus ou moins de

peinture sur le support puis me demande une nouvelle feuille (Annexe 17). Là, elle n’utilise

plus que la peinture jaune et quasiment que les triangles. La rangée du haut est effectuée d’un

seul coup comme si elle cherchait à obtenir une trace parfaite. On remarque que le

chevauchement des formes l’intéresse. Elle utilise pour l’essentiel de son travail le set de table

qui semble avoir le rendu le plus intéressant pour elle (Annexe 10). Ses rangées de triangles se

sont arrêtées lorsque Lisa s’est installée à côté d’elle. Je me demande si, sans cette intrusion,

sa composition n’aurait pas été constituée que de triangles.

En m’appuyant sur ces deux exemples je pense pouvoir dire que la consigne était assez

ouverte pour ne pas stopper ces jeunes enfants dans leurs désirs d’expression.

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2. Impact de la consigne :

2.1 A-t –elle favorisé la créativité ?

Je pourrai dans un premier temps répondre par l’affirmative ou la négative (« Oui la

consigne a favorisé… » « Non elle n’a pas favorisé… ») en reprenant les activités que j’ai

présenté mais le problème réside dans le paradoxe entre l’activité d’expression (ressentie

comme espace de liberté) et la nécessité de fournir des outils, de conduire des apprentissages

(la difficulté est la même en expression corporelle : entre la phase d’exploration et la

réalisation d’un spectacle où il n’est parfois qu’exécutant il est difficile de cerner la part de

création de l’enfant.).

Quelle consigne donner qui soit une contrainte structurante et ouverte à la fois ?

Une chose m’apparaît clairement : les exercices ponctuels ne permettent pas de développer

une capacité d’expression, il faut structurer son projet dans la durée. Les activités mises en

place auraient nécessité plus de temps pour pouvoir atteindre des résultats tangibles.

A ce stade, pourtant, je rejoins Philippe Meirieu qui dit que « Contre toute attente, ce qui

suscite l’imagination n’est pas la liberté mais la contrainte… formuler des consignes, c’est

donner des critères de réussite ». En proposant à l’enfant de créer sans donner de consigne ou

avec des consignes vagues et imprécises nous mettons dans l’embarras celui qui possède peu

d’images et qui ne sait les utiliser. Nous le conduisons vers une stérilisation des productions.

Ainsi, dans les situations d’imprégnation, l’absence de consigne a conduit à une simple

observation qui ne peut être satisfaisante ni pour l’élève ni pour l’enseignant, dans les

situations inductrices la consigne était fermée et cela a aboutit à des productions très

semblables, allant même jusqu’à la copie.

En ce qui concerne les situations de découverte, au vu des productions, c’est là que les

résultats semblent les plus probants, même si le travail aurait nécessité un ancrage dans la

durée.

2.2 Comment la moduler ?

L’origine latine du mot consigne (consignare) signifie proprement « sceller ». Les

consignes sont donc destinées à des individus qui doivent obéir, appliquer, exécuter un travail.

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M.Rossini dans Le petit dictionnaire de la pédagogie indique que la consigne est « une

instruction permettant la réalisation d’une tâche. La réussite des élèves est fonction de la

qualité de la formulation de consignes et de leur bonne compréhension par l’enfant ».

Si cette définition a retenu toute mon attention c’est parce qu’elle met le doigt sur l’essentiel :

une bonne consigne est une consigne bien formulée, en tant que telle elle n’est plus un frein à

la créativité mais un cadre rassurant pour des enfants habitués à répondre aux exigences du

maître.

Moduler la consigne consiste peut être à la faire évoluer au fur et à mesure de la démarche, à

la laisser ouverte et la réadapter, la reformuler en fonction des productions obtenues.

Une bonne consigne donne à l’enfant l’envie de réaliser un travail, mais aussi de le

commenter. Elle lui pose un problème, suscite une expérimentation et le confronte à la

matière.

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CONCLUSION

Pratiquer les arts visuels ce n’est pas seulement appliquer des techniques et des

procédés en vue d’un produit trop souvent préalablement défini par le maître et qui conduit à

trente productions identiques. Pratiquer les arts visuels c’est accepter la divergence, c’est

s’investir, c’est s’éprouver au contact des matériaux puis dépasser le stade de l’exécution et

parvenir à une expression personnelle.

Comment favoriser et nourrir une pratique créative en classe ? En expérimentant des

techniques, des outils, en se familiarisant avec différents types de représentation pour pouvoir

en tirer parti pour opérer des choix en vue d’une réalisation. Il nous faut, en tant

qu’enseignant, diversifier les situations, solliciter l’investigation, raisonner en terme de projet

pédagogique pour sensibiliser les enfants à des démarches artistiques.

La consigne ne peut pas être un frein à la créativité si elle est bien pensée, bien

formulée. Même si cela peut sembler évident c’est le bilan général que je peux faire. Sans

consigne l’enfant ne sait comment répondre à nos exigences. La spontanéité devient créativité

lorsqu’elle répond à un projet par la recherche des moyens d’expression les plus pertinents et

s’appuie sur une attitude réfléchie et volontaire. C’est en cela que la consigne peut jouer un

rôle moteur sur la créativité car elle fixe le cadre du projet. La confrontation des productions

des élèves entre elles et/ou avec des œuvres de maîtres, parce qu’ elle assure la prise de

conscience des réponses divergentes au problème posé, constitue un facteur indispensable du

développement de la créativité.

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Bibliographie

CNDP, Qu’apprend-on à l’école maternelle ?, XO Editions

CNDP, Qu’apprend-on à l’école élémentaire ?, XO Editions

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F.Barbe-Gall, Comment parler d’art aux enfants ? , Biro 2002

Tavernier, Les arts plastiques à l’école , Bordas 1996

MEN et de la culture, L’art à l’école , Hatier 1993

C.Reyt, Les activités plastiques , Armand Colin 1992

Revues :

JDI n°8 Avril 1996

Dossiers CEPEC de Lyon La créativité

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Page 32: L’IMPACT DE LA CONSIGNE SUR LA CREATIVITE EN ARTS VISUELS€¦ · mes interrogations sur l’impact des consignes. J’essaierai donc de voir quelles activités on peut mettre en

L’IMPACT DE LA CONSIGNE SUR LA

CREATIVITE EN ARTS VISUELS

Résumé :

Les arts visuels tiennent aujourd’hui une place prépondérante, tant à l’école maternelle

qu’élémentaire.

Les situations que j’ai mises en place au cours de mes stages concouraient à

développer la créativité des enfants.

La consigne s’est avérée jouer, dans les activités menées, un rôle moteur ou réducteur

sur la créativité selon sa formulation.

Laisser une trop grande liberté aux enfants semble les freiner par manque de repères.

Trop les diriger les amènent à faire des productions identiques les unes aux autres. Il faut donc

penser la consigne pour qu’elle soit à la fois structurante et ouverte pour que chacun trouve sa

propre inspiration.

Mots clés : créativité – consigne – art visuel

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