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25 L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE, UN CHAMP DE RECHERCHE POUR L'AGRONOMIE ? par Philippe GIRARDIN* * INRA, Station de recherches Grandes Cultures - Laboratoire d'Agronomie 28 , rue de Herrlisheim - BP 504 - 68021 COLMAR. I. L'agriculture biologique aujourd'hui 3000 agriculteurs, adhérents à 12 organismes, ont accepté, fin 1988, de suivre un des cahiers des charges homologués par le Ministère de l'Agriculture leur permettant de se prévaloir du label "agriculture biologique" pour les produits agricoles obtenus selon des règles définies (figure 1). C'est en ces termes que l'on pourrait présenter l'agriculture biologique française aujourd'hui. Mais ce serait négliger l'impact sur l'opinion publique de ce nouveau type de production et la force d'un lobbying de plus en plus efficace. Ce serait oublier également des systèmes de cultures originaux et des techniques culturales particulières, qui permettent de produire différemment, dans un objectif de respect de l'environnement, et d'obtenir, selon les tenants de cette agriculture, des produits de meilleure qualité, que les consommateurs sont prêts à payer plus cher. C'est au niveau de cette "qualité" que la recherche peut intervenir, en se posant deux questions : en quoi consiste une meilleure qualité ? comment, le cas échéant, est-elle obtenue ? L'intérêt scientifique de ces questions mérite que le chercheur dépasse l'image un peu stéréotypée qui lui vient à l'esprit dès que l'on parle d'agriculture biologique. Ce type d'agriculture parvient à obtenir, avec moins d'intrants et un souci de respect de l'environnement, des produits quelquefois "meilleurs", vendus plus cher, même si cela ne va pas sans entraîner des problèmes agronomiques et un surcroît de travail. Cette option peut tout à fait rester en accord avec les objectifs que la Direction Générale de l'Institut donnait en 1987 pour l'agriculture de demain, qui restent d'ailleurs d'actualité, et que l'on peut rappeler brièvement : - produire pour vendre, - produire pour moins acheter, - produire avec un maximum de valeur ajoutée, - produire différemment, - produire en préservant les ressources naturelles, - apprendre aux autres à produire. Il est clair que l'action des mouvements écologistes et des promoteurs de l'agriculture biologique a joué depuis les années 70 un rôle important dans l'apparition des notions de qualité, de diversité et de préservation de l'environnement. II. L'agriculture biologique et la recherche Les tentatives pour créer un institut de recherche spécialisé en agriculture biologique ont fait long feu (mise en place avortée de l'IRAAB, en 1980). Par la suite, en matière de recherche, les ambitions sont restées limitées; les tenants de l'agriculture biologique ont en effet rapidement pris conscience qu'ils n'avaient pas les moyens de mener seuls une recherche spécifique. En revanche, ils ont éprouvé, et ce depuis longtemps, un besoin pressant de mises au point techniques : c'est ce qui a motivé la création de l'ITAB (Institut Technique d'Agriculture Biologique) qui, pour des raisons politiques et de structure même du mouvement agrobiologique français, reste encore sans réels moyens. courrier de la cellule environnement n°l 2 problématiques et débats - octobre 1990

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L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE, UN CHAMP DE RECHERCHEPOUR L'AGRONOMIE ?

par Philippe GIRARDIN*

* INRA, Station de recherches Grandes Cultures - Laboratoire d'Agronomie28 , rue de Herrlisheim - BP 504 - 68021 COLMAR.

I. L'agriculture biologique aujourd'hui

3000 agriculteurs, adhérents à 12 organismes, ont accepté, fin 1988, de suivre un des cahiersdes charges homologués par le Ministère de l'Agriculture leur permettant de se prévaloir du label"agriculture biologique" pour les produits agricoles obtenus selon des règles définies (figure 1).C'est en ces termes que l'on pourrait présenter l'agriculture biologique française aujourd'hui.Mais ce serait négliger l'impact sur l'opinion publique de ce nouveau type de production et laforce d'un lobbying de plus en plus efficace. Ce serait oublier également des systèmes decultures originaux et des techniques culturales particulières, qui permettent de produiredifféremment, dans un objectif de respect de l'environnement, et d'obtenir, selon les tenants decette agriculture, des produits de meilleure qualité, que les consommateurs sont prêts à payerplus cher.

C'est au niveau de cette "qualité" que la recherche peut intervenir, en se posant deux questions :en quoi consiste une meilleure qualité ? comment, le cas échéant, est-elleobtenue ? L'intérêt scientifique de ces questions mérite que le chercheur dépasse l'image unpeu stéréotypée qui lui vient à l'esprit dès que l'on parle d'agriculture biologique.

Ce type d'agriculture parvient à obtenir, avec moins d'intrants et un souci de respect del'environnement, des produits quelquefois "meilleurs", vendus plus cher, même si cela ne vapas sans entraîner des problèmes agronomiques et un surcroît de travail. Cette option peut tout àfait rester en accord avec les objectifs que la Direction Générale de l'Institut donnait en 1987pour l'agriculture de demain, qui restent d'ailleurs d'actualité, et que l'on peut rappelerbrièvement :- produire pour vendre,- produire pour moins acheter,- produire avec un maximum de valeur ajoutée,- produire différemment,- produire en préservant les ressources naturelles,- apprendre aux autres à produire.

Il est clair que l'action des mouvements écologistes et des promoteurs de l'agriculture biologiquea joué depuis les années 70 un rôle important dans l'apparition des notions de qualité, dediversité et de préservation de l'environnement.

II. L'agriculture biologique et la recherche

Les tentatives pour créer un institut de recherche spécialisé en agriculture biologique ont fait longfeu (mise en place avortée de l 'IRAAB, en 1980). Par la suite, en matière de recherche, lesambitions sont restées limitées; les tenants de l'agriculture biologique ont en effet rapidementpris conscience qu'ils n'avaient pas les moyens de mener seuls une recherche spécifique. Enrevanche, ils ont éprouvé, et ce depuis longtemps, un besoin pressant de mises au pointtechniques : c'est ce qui a motivé la création de l 'ITAB (Institut Technique d'AgricultureBiologique) qui, pour des raisons politiques et de structure même du mouvement agrobiologiquefrançais, reste encore sans réels moyens.

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A l'évidence, l'agriculture biologique ne pourra progresser que si elle investit dans la rechercheet si la recherche s'y investit. C'est ainsi qu'en 1988, le groupe Carnot, nouvellement implantédans le secteur de l'agriculture biologique, a attribué des prix et des allocations à des étudiantstravaillant sur des thèmes intéressant ce domaine. Ce genre d'action (malheureusement isolée etsans lendemain) souligne l'attitude résolument ouverte de certaines "écoles" d'agriculturebiologique vis-à-vis de la recherche, alors que la majorité des efforts des dirigeants a été jusqu'àprésent d'investir au niveau politique (partis, lobbying auprès de la CEE).

Les relations entre l'agriculture biologique et la recherche institutionnelle n'ont jamais étésimples. De l'expérience des dix dernières années, on peut tirer plusieurs enseignements :

1. la sensibilité aux problèmes soulevés par l'agriculture biologique est très différente selon lessecteurs scientifiques. Les économistes, sociologues et zoologistes ont beaucoup plus travaillédans des domaines intéressant l'agriculture biologique que les agronomes, les zootechniciens oules microbiologistes du sol. C'est donc le phénomène "agriculture biologique" plutôt que lespratiques qu'elle promeut, qui a jusqu'à présent été privilégié;

2. l'agriculture biologique n'a pas su utiliser, par manque de structuration de son activité, lesrésultats de la recherche traditionnelle néanmoins susceptibles de l'intéresser;

3. l'agriculture biologique n'a pas su formuler ses questions aux chercheurs;

4. on remarque un décalage entre les principes affichés et la pratique de l'agriculture biologiqueainsi qu'une forte hétérogénéité dans les objectifs et les moyens au niveau des agriculteurs qui lapratiquent;

5. l'agriculture biologique a tendance à faire de ses objectifs de véritables dogmes, ce qui nefacilite pas le dialogue avec les chercheurs, tenus eux à une discipline toute rationnelle.

Ainsi, en ce qui concerne le premier point, peut-on citer quelques problématiques de recherchemenées à l'INRA depuis 15 ans sur des thèmes intéressant l'agriculture biologique, engagéesparfois à l'instar du Ministère de la Recherche :- diversification des modèles de développement rural (groupe DMDR);- liaisons entre les pratiques agricoles, le paysage et l'environnement (département SystèmesAgraires et Développement);- socio-économie des exploitations en agriculture biologique (Economie et Sociologie Rurale);- lutte biologique (Zoologie);- engrais verts (Agronomie).

Pour tirer parti des acquis de l'INRA et pour poser à la Recherche les questions permettantd'établir un dialogue fructueux, il serait nécessaire aujourd'hui que l'agriculture biologiques'organise nationalement et qu'elle dispose de responsables capables d'établir et de poursuivreun contact avec les chercheurs. Enfin, il faut qu'elle n'esquive pas les questions difficiles; cetteattitude est particulièrement importante lorsqu'on veut introduire la confiance au sein de lacommunauté des chercheurs. Or, deux de ces "questions difficiles" semblent dès maintenantimpossibles à éluder.

Qualité : mythe ou réalité ?

La première question porte sur la qualité des produits. En ce qui concerne lescaractéristiques qualitatives (bactériologiques, organoleptiques, physiques, chimiques,biologiques), quelles sont celles d'un produit issu de l'agriculture biologique comparé au mêmetype de produit issu de l'agriculture traditionnelle? Autrement dit, l'agriculture biologiqueaccepte-t-elle d'objectiver la notion de qualité et consent-t-elle à ce que, dans l'avenir, sesproduits soient éventuellement payés en fonction de critères de qualité? Il faut bien dire que tousles travaux menés jusqu'à présent n'ont en rien permis d'acquérir de certitude.

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Le péché de l'engrais de synthèse

La seconde question est celle du refus des produits chimiques de synthèse, à l'inversedes intrants d'origine "naturelle". Pourquoi en effet maintenir le dogme de la non-utilisation deproduits chimiques de synthèse alors que l'utilisation limitée d'engrais azotés, par exemple,pourrait ne pas altérer la qualité des produits sans être nuisible à l'environnement ? Accepter dediscuter de cette question paraît indispensable à l'établissement d'un dialogue en profondeur. Onne peut en effet discuter que sur la base minimale d'une confiance réciproque. Je me fais ici leporte-parole de la grande majorité de mes collègues chercheurs de l'INRA en souhaitant pouvoirtravailler avec un mouvement organisé et des interlocuteurs responsables et sans a priori. UnInstitut technique d'agriculture biologique serait, pour la Recherche, un interlocuteur privilégiéindispensable.

Accepter, comme le fait le chercheur, de se remettre périodiquement en question, c'est pourl'agriculture biologique la meilleure façon de convaincre les sceptiques. Ce n'est qu'à cettecondition que la coopération sera possible sur un certain nombre de thèmes. A titre d'exemple,on peut en retenir quatre.

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1. La lutte biologique

Le cas de la lutte biologique en arboriculture fruitière et en cultures protégées est exemplaire. II amontré l'impossibilité pour les structures de l'agriculture biologique de s'associer à l'INRApour reprendre et diffuser les travaux des chercheurs dans un domaine qui pourtant les intéresseau premier chef, et cela faute d'une organisation efficace. Pourtant l'INRA avait, dans cedomaine, investi beaucoup et joué un rôle de pionnier. Et l'utilisation de cette méthode de lutteest en passe de se généraliser en Europe, aussi serait-il regrettable que les agriculteursbiologiques ne soient pas parmi les premiers à employer les techniques de lutte biologique surmaïs, vigne, tomate, chou, voire châtaigner d'ici quelques années. Il est réconfortant de voir queles viticulteurs biologiques coopèrent, depuis deux ans, avec les chercheurs pour la mise aupoint de la lutte biologique contre le ver de la grappe par l'emploi du Trychogramme.

2. La microbiologie des sols

Jusqu'à maintenant la qualité du sol est surtout appréciée en fonction de critères chimiques(teneur en phosphore, potassium) ou physico-chimiques. L'agriculture biologique utilise, deplus, la notion de "qualité biologique d'un sol". La multitude des techniques permettant del'apprécier montre que ce critère est aujourd'hui encore très mal cerné. La recherche aurait intérêtà bien définir cette notion, pour la rendre réellement opérationnelle. Il en va de même du conceptde "fatigue des sols" pour lequel la détermination des parasites vrais et des parasites de"faiblesse" pourrait être utile.

3. La fertilisation raisonnée

"Ne pas apporter d'engrais chimiques", cette règle, que l'agriculture biologique refuseaujourd'hui de remettre en question, est acceptée avec d'autant plus d'enthousiasme parl'opinion publique, que le mot "nitrate" est devenu depuis peu synonyme de pollution. C'est unperpétuel sujet de discorde avec les agronomes pour qui les nitrates provenant de laminéralisation de la matière organique ne sont pas différents de ceux qu'introduit la fertilisationazotée. Cette question divise même les "écoles" d'agriculture biologique.

La réduction des intrants (en particulier des engrais azotés) a été depuis 15 ans l'un des soucismajeurs des agronomes. Ils ont tenté durant de nombreuses années de faire admettre auxagriculteurs la notion de fertilisation raisonnée. Contrairement à une opinion assez répandue, laRecherche agronomique en France ne s'est pas seulement préoccupée de l'augmentationinconditionnelle des rendements.

On peut cependant remarquer que le radicalisme qui consiste à refuser l'utilisation des engrais etdes pesticides de synthèse a incité certains agriculteurs à trouver des solutions de remplacementparfois originales et efficaces. Celles-ci posent aux chercheurs d'intéressantes questions(importance des associations et des successions de cultures, de la disponibilité du sol en azote,rôle des populations d'adventices maintenues dans certaines limites, prise en compte d'effetsallélopathiques, etc.).

4. La caractérisation de la qualité

Du champ à l'assiette, il reste à caractériser un produit sur tout la chaîne. La lourdeur descaractérisations biochimiques, chimiques, bactériologiques, morphologiques ouorganoleptiques, ainsi que le caractère non systématique des réponses aux tests de comparaisondes produits issus de l'agriculture traditionnelle et de l'agriculture biologique ont conduitl'administration et les producteurs biologiques à définir à travers un cahier des charges le produitpar la façon dont il est cultivé. Si elle a l'avantage d'être simple et pratique, cette façon deprocéder ne satisfait pas le chercheur et ne devrait pas satisfaire le consommateur, car "produireautrement" ne signifie pas forcément "produire mieux". Par ailleurs le contrôle du respect de cecahier des charges est très difficile à assurer et pour l'instant, il est effectué par la professionelle-même.

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L'INRA, qui vient de créer un Département de nutrition humaine (Nutrition, Alimentation etSécurité alimentaire) et qui investit beaucoup actuellement dans l'étude de la qualité, desrelations facteurs du milieu-qualité et génotype-qualité, pourrait peut-être associer desreprésentants de l'agriculture biologique dans ses groupes de travail sur la caractérisation descritères de qualité. A terme, l'agriculture biologique ne peut que se crédibiliser par l'analyse decette qualité. L'étape suivante, qui concerne la santé du consommateur, pourrait être étudiée encollaboration avec les chercheurs de l'INSERM. Mais ne faut-il pas relativiser l'importance de lanotion de qualité en faisant prendre conscience aux consommateurs que la qualité del'alimentation est une question tout aussi importante que celle de la qualité des aliments ?

I I I . Propositions

L'agriculture biologique a ceci de très positif qu'elle nous rappelle que nous ne pouvons resteren "état de veille" dans des secteurs tels que la lutte intégrée, la disponibilité en azote du sol, lemaintien de la fertilité des sols, les compétitions intraparcellaires, la qualité des produits, etc., etque les efforts entrepris dans ces domaines doivent être poursuivis. L'agriculture biologiqueutilise en grande quantité les matières organiques d'origine animale (lisiers, fumiers) et il estimportant d'engager à ce niveau une réflexion et une recherche sur les pratiques agricolesutilisées en élevage biologique. Ces thèmes s'inscrivent dans des problématiques de recherchequi dépassent largement le cadre de l'agriculture biologique. C'est ainsi que la Recherche devrainvestir dans la compréhension des phénomènes qui interviennent dans la conduite des systèmesde culture intégrés, comme ont su le faire depuis près de 10 ans les chercheurs néerlandais,allemands et suisses.

L'agriculture intégrée va mettre en place des systèmes de culture intégrés (voir figure 2). Elleapparaît comme l'étape intermédiaire entre une agriculture biologique, radicale dans sesprincipes, et une agriculture traditionnelle surtout soucieuse jusqu'à aujourd'hui de rendementsélevés. Si les méthodes de l'agriculture intégrée sont appliquées en arboriculture et enmaraîchage depuis quelques années, elles ne sont pas encore utilisées en grandes cultures.Néanmoins, le Ministère fédéral de l'Agriculture vient de prendre des dispositions pourgénéraliser, en Suisse, l'utilisation de cultures intégrées et renforcer la recherche dans cedomaine.

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Des actions concertées, notamment de la part des départements Systèmes Agraires etDéveloppement, d'Agronomie, de Sciences du Sol, de Zoologie, de Phytopathologie, deMalherbologie, de Phytopharmacie, d'Economie et Sociologie rurale ainsi que des laboratoiresextérieurs (CEMAGREF, INSERM, universités) devraient permettre de tirer le meilleur partid'expérimentations sur les systèmes de culture intégrés.

Il est actuellement question de mettre en place sur le territoire français deux ou troisexpérimentations en grandes cultures afin de mettre au point, comparer et mettre en évidence lafaisabilité de systèmes de culture intégrés. Un traitement "agriculture biologique" pourrait êtreinclus dans l'une de ces expérimentations gérées par les Instituts techniques où des équipespluridisciplinaires de chercheurs pourraient s'investir, à l'image de ce que font certaines équipesnéerlandaises de Wageningen ou allemandes à l'Université de Stuttgart-Hohenheim.

De telles études posent des difficultés méthodologiques : les dispositifs factoriels classiquesnécessitent des répétitions sur de nombreuses petites parcelles expérimentales; les essais longuedurée, qui auraient l'avantage de mettre en évidence des effets cumulatifs, sont inopérants, carce type de dispositif implique, par exemple, des rotations identiques au cours du temps, alorsque, par nature même, les systèmes de culture intégrés sont évolutifs et adaptatifs (possibilitéd'adapter les techniques, d'effectuer le choix des cultures en fonction des conditions de milieu,etc.)

On comprend dans ces conditions que les chercheurs aient du mal à s'investir dans desexpérimentations longues, coûteuses en temps, en main-d'œuvre et en terrain, et ceci d'autantplus que de nouvelles méthodes restent à mettre au point. Il est, en effet, difficile de mener unedémarche analytique sur ce thème du fait du grand nombre de variables à prendre en compte etde leurs interactions.

Néanmoins, de telles expérimentations devraient jouer le rôle de "révélateurs" permettant demettre en évidence "in situ" des problèmes dont la Recherche pourrait ensuite reprendrel'analyse au moyen de dispositifs plus classiques. Cette démarche devrait conduire, à moyenterme, à formuler des propositions concrètes et à proposer aux agriculteurs des alternativescrédibles aux systèmes de culture dominants.

Loin de prendre ombrage du développement de l'agriculture intégrée, l'agriculture biologiquedevrait s'en réjouir, pour deux raisons au moins. La première, c'est de voir implicitementreconnus et appliqués par une partie de l'agriculture traditionnelle quelques uns de ses principesde base (respect de l'environnement, prise en compte du sol en tant que milieu vivant, recherchede produits de "qualité"). La seconde, c'est que le développement de l'agriculture intégrée passepar la mise au point de techniques et matériels alternatifs, la connaissance du fonctionnement denouveaux systèmes de culture, nécessitant des recherches et des expérimentations nouvellesdont les résultats seront très utiles aux agriculteurs biologiques. •

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