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Prise de position de Caritas L’Agenda 2030 engage la Suisse « La Suisse a décidé de contribuer à la réalisation des Objectifs de développe- ment durable (ODD). Il faut maintenant établir un plan de mise en œuvre. » Hugo Fasel, directeur de Caritas Suisse

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C’est sous ce titre que Caritas a publié une prise de position par laquelle elle invite la Confédération à mettre en œuvre avec cohérence les Objectifs de développement durable. Ces objectifs de l’Agenda 2030 sont valables aussi bien pour les pays du Nord que pour les pays du Sud. La politique climatique et la politique du développement notamment doivent être menées de front. Il faut également accorder une place particulière à la politique de lutte contre la pauvreté. www.caritas.ch/agenda-2030

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Prise de position de Caritas

L’Agenda 2030 engagela Suisse

« La Suisse a décidé de contribuer à la réalisation des Objectifs de développe­ment durable (ODD). Il faut maintenant établir un plan de mise en œuvre. »

Hugo Fasel, directeur de Caritas Suisse

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La voie de l’Agenda 2030 : les défis de notre temps

En bref : La Suisse prend fait et cause en fa­veur du développement durable. Elle a donné son accord à « l’Agenda 2030 pour le développement durable » qui a été adopté par l’Assemblée géné­rale des Nations Unies en septembre 2015. Elle s’est donc engagée à mettre en œuvre au plan national les « Objectifs de développement durable » qui en font partie, et à contribuer à ce qu’ils soient at­teints dans les pays en développement. L’Agenda 2030 s’attaque aux défis et crises globaux et veut modeler le monde de demain.Pour la Suisse, le oui à l’Agenda 2030 est un oui à un engagement politique cohérent : elle s’est engagée à développer son action politique de manière consé­quente pour venir à bout de la pauvreté et favoriser des conditions de vie dignes pour tous, promouvoir la paix et la justice sociale et gérer durablement les ressources naturelles. Cet engagement concerne d’une part ses relations internationales : elle pro­meut la justice sociale, la suppression des inéga­lités et une croissance économique durable dans tous les champs politiques qui forment ses rela­tions dans les pays en développement. Cet engage­ment concerne d’autre part sa politique intérieure, puisqu’en adoptant l’Agenda 2030, la Suisse s’est engagée à combattre la pauvreté et les inégalités sociales en Suisse et à mettre en place une exploi­tation responsable des ressources naturelles.Cette prise de position se concentre sur les aspects de l’Agenda 2030 qui concernent la politique inté­rieure et montre, sur la base des domaines poli­tiques concernés, ce que représente concrètement la mise en œuvre des « Objectifs de développement durable ». Caritas Suisse invite également les po­litiques et l’administration à créer les conditions financières, politiques, structurelles et institution­nelles qui permettront de mettre en œuvre l’Agenda 2030 pour un développement durable.

Le 25 septembre 2015, les membres de l’Assemblée géné-rale de l’ONU réunis à New York ont approuvé l’Agenda 2030 de développement durable pour « transformer notre monde ». Les 17 « Objectifs de développement durable » (ODD) que les nations du monde s’engagent à atteindre d’ici 2030, forment le cœur de l’Agenda. Ils constituent le cadre politique per-mettant de maîtriser les défis globaux au niveau national et international, et dessinent les voies du monde de demain.L’Agenda 2030 résulte d’un processus de négociations in-tenses dans lequel la Suisse a joué un rôle actif. Ce processus avait été lancé voilà trois ans, en juin 2012, à Rio de Janeiro, lors de la conférence de l’ONU sur le développement durable « Rio+20 ». La conférence visait à donner une nouvelle vie au concept de développement durable, défini ainsi : « Le déve-loppement durable, c’est s’efforcer de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité de satisfaire ceux des générations futures ». En 1992 déjà, lors du Sommet de Rio (conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement), le concept avait fait son entrée sur la scène politique, sans toutefois trouver beaucoup de résonnance auprès des gouvernements nationaux.La Conférence Rio+20 avait donc pour ambition de remettre en lumière les nombreux défis globaux, de relancer l’enga-gement politique pour le développement durable, de définir les nouveaux défis et de repréciser ceux qui se posent déjà. Il s’agissait de rappeler les liens étroits existant entre les trois dimensions de la durabilité — la productivité économique, la responsabilité sociale et la compatibilité écologique. Il fut décidé d’élaborer jusqu’en 2015 des objectifs de développe-ment durable valables pour toute la planète ; en outre, la ré-flexion internationale se pencha également sur la question de savoir comment donner suite aux Objectifs du Millénaire pour le développement qui arrivaient à leur terme en 2015. Les deux processus furent donc réunis en un seul programme, l’Agenda  2030 de développement durable, dessinant les contours de ce qu’il fallait faire pour assurer un avenir viable à la Terre à partir de 2015.La Conférence Rio+20 avait été mise sur pied parce que le temps pressait : les problèmes globaux avaient atteint un seuil critique qui ne permettait plus à la communauté internationale de tergiverser encore. D’abord, les pays industrialisés ont voulu mettre la nécessité d’une « économie verte » au centre des préoccupations de la conférence. Mais lors des travaux préparatoires, il devint très vite évident que les pays en dé-veloppement et la société civile internationale n’accepteraient pas cette façon de voir, trop étroite à leurs yeux. Et le docu-ment final de la Conférence, « L’avenir que nous voulons », a abordé toute la palette des défis les plus urgents, notamment la faim et la pauvreté, le chômage, les formes de travail pré-caires, le changement climatique et ses conséquences, la pression exercée sur l’environnement, l’augmentation des

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inégalités dans les pays et entre eux, l’évolution démogra-phique, les violations des droits de l’homme et de la dignité humaine, les conflits armés et les migrations forcées, écono-miques ou climatiques. Chacun des défis cités nécessite des stratégies et des plans d’action spécifiques qui sont élaborés lors des conférences mondiales portant sur différents thèmes, par exemple le cli-mat, la formation, le travail, la santé, ou encore l’urbanisation.

L’Agenda 2030 fixe un cadre qui recouvre et réunit tous ces thèmes et pose les jalons d’approches communes. Car tous ces thèmes sont étroitement liés entre eux et chaque stra-tégie et plan d’action doit s’harmoniser avec les ODD pour éviter des conflits d’intérêts entre les différents objectifs. Une compréhension de politique intérieure à l’échelle planétaire telle que formulée dans l’Agenda 2030 est seule à même d’engendrer une société mondiale intégrée.

L’Agenda 2030L’Agenda 2030 est « un plan d’action pour l’humanité, la pla-nète et la prospérité. Il vise aussi à renforcer la paix partout dans le monde dans le cadre d’une liberté plus grande ». Il définit aussi que « l’élimination de la pauvreté sous toutes ses formes et dans toutes ses dimensions, y compris l’extrême pauvreté, constitue le plus grand défi auquel l’humanité doive faire face, et qu’il s’agit d’une condition indispensable au dé-veloppement durable » (Projet de document final du Sommet des Nations Unies consacré à l’adoption du programme de développement pour l’après-2015 : préambule). L’Agenda ré-pertorie 17 objectifs de développement durable et 169 cibles fixant des mesures dans tous les domaines déterminants pour l’humanité et la planète : L’Agenda veut•éliminer la pauvreté et la faim, sous toutes leurs formes et

dans toutes leurs dimensions, et faire en sorte que tous les êtres humains puissent réaliser leur potentiel dans des conditions de dignité et d’égalité et dans un environnement sain ;

• lutter contre la dégradation de la planète, en recourant à des modes de consommation et de production durables, en assurant la gestion durable de ses ressources naturelles et en prenant d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques, afin qu’elle puisse répondre aux besoins des générations actuelles et futures ;

• faire en sorte que tous les êtres humains aient une vie pro-spère et épanouissante et que le progrès économique, so-cial et technologique se fasse en harmonie avec la nature ;

• favoriser l’avènement de sociétés pacifiques, justes et in-clusives, libérées de la peur et de la violence. En effet, il ne peut y avoir de développement durable sans paix ni de paix sans développement durable ;

•mobiliser les moyens nécessaires à la mise en œuvre de ce programme grâce à un partenariat mondial revitalisé pour le développement durable, qui sera mu par un esprit de solidarité renforcé, où l’accent sera mis sur les besoins des plus démunis et des plus vulnérables, et auquel parti-ciperont tous les pays, toutes les parties prenantes et tous les peuples.

L’Agenda 2030 avec ses 17 ODD résulte d’un intense travail de négociation qui a permis aux pays industrialisés, aux pays émergents et aux pays en développement de se mettre d’ac-cord sur un cadre commun de développement durable en dépit de quelques désaccords de principe. Deux points vont particulièrement déterminer le succès de la mise en œuvre des ODD ces prochaines années :

Validité universelle : L’Agenda engage tous les États. Cha-cun des membres de l’Organisation des Nations Unies doit contribuer dans la mesure de ses moyens à la mise en œuvre de l’Agenda 2030, aussi bien au plan national qu’internatio-nal. Les pays industrialisés doivent aussi revisiter leurs poli-tiques nationales dans l’optique de leur durabilité et combler peu à peu leurs lacunes. Parallèlement, ils doivent prendre leurs responsabilités au niveau international, car au vu du fossé entre pays concernant les richesses et l’utilisation des ressources, le fait d’atteindre les objectifs fixés dépendra en grande partie des pays industrialisés.

Cohérence politique : l’Agenda n’est réalisable que si tous les pays orientent leurs politiques dans le but d’atteindre les Objectifs de développement durable. Cette obligation de cohérence est valable aussi bien pour leurs politiques inté-rieures que leurs politiques extérieures. Pour ce qui concerne la Suisse et sa politique intérieure, cela signifie notamment que les mesures politiques prises ne doivent pas renforcer la pauvreté et les inégalités sociales ou une augmentation du gaspillage des ressources. Au plan international, il s’agit d’être cohérent dans l’exigence de limiter les inégalités entre les pays et cela concerne tous les champs politiques qui ont un effet direct ou indirect dans les relations que nous entre-tenons avec les pays en développement.

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Les 17 Objectifs de développement durable (ODD)

Objectif 1 : Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le mondeObjectif 2 : Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durableObjectif 3 : Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âgeObjectif 4 : Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vieObjectif 5 : Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les fillesObjectif 6 : Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assai-nissement et assurer une gestion durable des ressources en eauObjectif 7 : Garantir l’accès de tous à des services énergé-tiques fiables, durables et modernes, à un coût abordableObjectif 8 : Promouvoir une croissance économique sou-tenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tousObjectif 9 : Bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation

Objectif 10 : Réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autreObjectif 11 : Faire en sorte que les villes et les établisse-ments humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durablesObjectif 12 : Établir des modes de consommation et de production durablesObjectif 13 : Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussionsObjectif 14 : Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durableObjectif 15 : Préserver et restaurer les écosystèmes ter-restresObjectif 16 : Promouvoir l’avènement de sociétés paci-fiques et ouvertes aux fins du développement durable, as-surer à tous l’accès à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertesObjectif 17 : Renforcer les moyens de mettre en œuvre le Partenariat mondial pour le développement durable et le revitaliser.

Responsabilité sociale

Performance économique

Participation politique

Compatibilité écologique

Agenda 2030Développement

durable

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Devoir de cohérence et responsabilité en matière climatiqueLa Suisse s’est illustrée à New York par sa détermination à accorder sa politique au programme de l’Agenda 2030, à s’orienter vers la création d’une justice globale et de condi-tions de vie dignes et à tenir compte des limites de l’éco-système global. Deux objectifs de l’Agenda engagent parti-culièrement la politique intérieure et extérieure de la Suisse : la cohérence politique et la politique climatique. La Suisse possède un champ d’action pour chacun de ces deux do-maines.

ODD 17 : Renforcer les moyens de mettre en œuvre le Partenariat mondial pour le développement durable et le revitaliser

Le comité d’aide au développement de l’Organisation de coo-pération et de développement économiques (OCDE) critique depuis des années la Suisse pour son manque de cohé-rence en matière de politique du développement. La Suisse en effet fournit une coopération au développement de qualité, mais dans beaucoup de domaines de sa politique extérieure, elle agit contre les intérêts des pays en développement. L’Agenda  2030 vise explicitement la cohérence politique des pays industrialisés : « Renforcer la stabilité macroéco-nomique mondiale, notamment en favorisant la coordination et la cohérence des politiques ; renforcer la cohérence des politiques de développement durable ; respecter la marge de manœuvre et l’autorité de chaque pays en ce qui concerne l’élaboration et l’application des politiques d’élimination de la pauvreté et de développement durable » (ODD 17, cibles 13 à 15). Le Conseil fédéral lui-même s’est prononcé en faveur de cette cohérence lors de sa prise de position sur l’Agenda en juin 2013 : « […] axer sur le développement durable toutes les politiques qui contribuent à la réalisation des objectifs mondiaux, notamment les politiques agricoles, financières ou commerciales [...] ». Les paroles doivent être suivies d’actes. Il s’agit d’installer une cohérence dans tous les domaines politiques, politique extérieure, d’investissement, commerciale, financière, envi-ronnementale, climatique, de promotion de la paix et des droits de l’homme, de la santé, agricole ou sociale. Par exemple, pour la Suisse, cela signifie signer des accords de libre-échange qui soient conformes aux ODD, mettre un terme aux flux financiers illégaux qui sapent le fonctionne-ment du système fiscal des pays en développement, endi-guer les transferts de bénéfices des grandes multinationales, prendre des mesures juridiques pour amener les grandes entreprises suisses actives au plan international, et particuliè-rement celles du secteur des matières premières, à endosser leurs responsabilités en matière de droits de l’homme, de conditions de travail et de standards environnementaux. Le

Conseil fédéral doit mieux sensibiliser et mieux intégrer les directions et offices concernés aux questions de cohérence ; au moyen d’une banque de données en ligne et sous forme d’un rapport annuel sur la cohérence, il doit rendre compte auprès du Parlement et de l’opinion publique des mesures qu’il prend pour améliorer cette dernière dans tous les do-maines politiques concernés.

ODD 13 : Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions

L’accord sur le climat conclu en 2015 à Paris lors de la COP 21 a réaffirmé la responsabilité particulière que doivent prendre les pays industrialisés pour endiguer le réchauffement clima-tique. Jusqu’en 1990, 80 % des gaz à effet de serre étaient émis par ces pays. A contrario, les populations des pays en développement, qui ont contribué marginalement à ce même réchauffement climatique, sont les premiers à en subir les conséquences désastreuses, aujourd’hui déjà. Pour réussir à limiter le réchauffement climatique à un maximum de 1,5 à 2 degrés, il faudrait maintenir la concentration maximale de gaz à effet de serre en dessous d’une valeur donnée. Or, cette valeur est déjà épuisée aux deux tiers, notamment à cause de la combustion d’énergies fossiles, de déboisement et d’agriculture intensive. Si l’on répartissait équitablement entre tous les humains le dernier tiers d’émissions jusqu’en 2050, cela représenterait au maximum 2,5 tonnes de CO2 par personne et par année. Or, en Suisse, nous sommes aujourd’hui responsables de l’émission de 12 à 13 tonnes par personne et par année, dont la moitié est due aux émissions en Suisse même, ainsi qu’à la production à l’étranger des biens d’importation. La Suisse fait donc partie des pays responsables du change-ment climatique, et elle doit prendre ses responsabilités au niveau international pour rétablir une certaine justice clima-tique. Elle doit contribuer financièrement aux coûts globaux engendrés par les efforts visant à réduire les conséquences du réchauffement climatique dans les pays en développe-ment, et à s’y adapter. En même temps, elle doit soutenir ces pays pour qu’ils puissent atteindre un approvisionnement en énergie durable et renouvelable dans toute la mesure du possible. En effet, les mesures indispensables et urgentes de protection du climat ne peuvent pas se faire aux dépens du développement durable des populations pauvres et dé-favorisées.La Suisse doit également réduire significativement ses émis-sions de gaz à effet de serre dans ses frontières. Au niveau mondial, pour pouvoir tenir l’engagement d’une augmenta-tion de 1,5 à 2 degrés, il faudrait réduire les émissions de CO2

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de 2,5 à 3 % par année. Les émissions devraient diminuer de 40 % au moins d’ici 2020 par rapport à 1990, et de 60 % au moins d’ici 2030. Elles devraient être de zéro en 2050. Les objectifs du Conseil fédéral sont complètement insuffisants, puisqu’il propose une réduction de 30 % d’ici 2030. Sans modifier la base légale actuelle, il pourrait pourtant prendre l’initiative de décider d’une réduction allant jusqu’à 40 % d’ici

2020. Dans la révision de la loi sur la réduction des émissions de CO2 , il faudrait étendre la taxe d’incitation sur les carbu-rants et augmenter la taxe sur les combustibles. Couplée au programme Bâtiments, cette dernière mesure permettrait d’accélérer l’assainissement énergétique dans le domaine de la construction.

L’importance de l’Agenda 2030 en termes de politique intérieurePar son adhésion à l’Agenda 2030, la Suisse s’est engagée à évaluer les champs politiques concernés par les ODD au niveau fédéral, cantonal et communal, à identifier les déficits et à fixer des possibilités d’action. Sur la base de ses expé-riences, Caritas Suisse montre ce que cela signifie concrète-ment s’agissant de certains des ODD.

ODD 1 : Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde

Quelque 530 000 personnes sont touchées par la pauvreté en Suisse. Elles manquent de ressources financières, vivent dans des logements inadaptés, travaillent dans des condi-tions précaires, ont des problèmes de santé et des lacunes dans leurs qualifications. Leurs perspectives d’action et leurs chances dans la vie sont restreintes. Ces dernières années, la Confédération a fait un premier pas vers une reconnaissance et une visibilité du problème en Suisse, notamment en intro-duisant une statistique nationale de la pauvreté et en mettant sur pied le Programme national de prévention et de lutte contre la pauvreté. La Confédération et les cantons doivent toutefois intensifier leur engagement ces prochaines années : •Les cantons doivent élaborer des stratégies de lutte con-

tre la pauvreté dotées d’objectifs et de mesures clairs, les mettre en œuvre et évaluer leurs effets sur la base des rapports sur la pauvreté et d’analyses de situation fondées. Aujourd’hui, à peine la moitié des cantons établissent un rapport sur la pauvreté ou prévoient de le faire.

•La Confédération doit institutionnaliser le champ d’action de la politique de lutte contre la pauvreté et endosser plus de responsabilités en ce qui concerne la garantie du mini-mum vital. Laisser cela à la seule compétence des cantons revient à cautionner des réglementations différentes en-gendrant des inégalités de traitement pour les personnes touchées par la pauvreté selon leur lieu de domicile.

•Une politique suisse efficace doit s’appuyer sur un monito-ring national de la pauvreté offrant la possibilité à la Con-fédération, aux cantons et à la société civile de s’accorder sur des objectifs contraignants et mesurables, de fixer des mesures et de procéder à des évaluations régulières.

ODD 3 : Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien­être de tous à tout âge

En Suisse, le système de soins est en général très bon, même s’il y a un potentiel d’amélioration, notamment en ce qui concerne les coûts de l’assurance-maladie et l’accès aux prestations médicales.Ces 20 dernières années, les primes d’assurance-maladie ont plus que doublé. Aujourd’hui, la prime mensuelle d’un adulte est de 400 francs en moyenne, et ce coût pèse de plus en plus lourd sur le budget des ménages à bas revenu. Parallèle-ment, la Confédération et les cantons font des économies sur le système de réduction individuelle des primes : les cantons ont réduit leurs dépenses de 170 millions de francs ces cinq dernières années. Le Conseil fédéral veut également réduire sa contribution, dans le cadre du programme de stabilisa-tion 2017–2019. Ces mesures d’économie engendrent des situations très difficiles pour les familles dont le revenu se situe juste au-dessus du seuil de pauvreté. Conséquence : leur accès aux soins se péjore. Aujourd’hui déjà, 11 % de la population renonce à aller chez le médecin pour une raison financière. Les coûts de dentiste sont également probléma-tiques. Les caisses maladie ne les prennent pas en charge, et les personnes touchées par la pauvreté renoncent autant que possible à leur visite chez le dentiste, ce qui entraîne des problèmes de santé non négligeables. Ces dernières années, dans quelques cantons de Suisse alémanique, un certain nombre de personnes qui ne paient pas leurs primes d’assurance-maladie ont été inscrites sur une liste noire. L’ac-cès aux soins se limite pour ces personnes aux traitements d’urgence.

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« Permettre à tous de vivre en bonne santé à tout âge », cela signifie concrètement pour la Confédération et les cantons garantir la réduction individuelle de prime pour les personnes à faible revenu et démanteler la liste noire des compagnies d’assurance. Parallèlement, il faudrait introduire une assu-rance obligatoire pour les soins dentaires qui permettrait d’offrir une meilleure protection aux personnes à faible re-venu. Au début des années 90, le Conseil fédéral, dans son message sur la révision de la loi sur l’assurance-maladie, s’était fixé pour objectif que les coûts d’assurance-maladie ne devaient pas dépasser 8 % du revenu imposable des mé-nages. Il faut se tenir à cet objectif.

ODD 4 : Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie

Le manque de formation est l’une des causes principales de la pauvreté, en Suisse aussi. Cet état de fait est particu-lièrement visible dans trois domaines bien précis : d’abord, l’origine sociale détermine en grande partie les chances de formation et donc le risque de pauvreté ; les jardins d’enfants et l’école n’ont pas les moyens à eux seuls de compenser les différences de conditions de départ des enfants selon leur origine. C’est pourquoi l’encouragement précoce a une telle importance. Les autorités publiques sont tenues de revalori-ser les prises en charge extrafamiliales des enfants, d’étendre l’offre et de la rendre financièrement abordable et d’intégrer la formation des parents.Deuxièmement, la formation est un facteur-clef pour les per-sonnes qui travaillent. Les personnes actives sans formation professionnelle sont davantage menacées par le chômage de longue durée, l’exclusion sociale et le glissement dans la pauvreté. En revanche, la formation continue permet aux personnes d’acquérir des compétences évoluant en même temps que les exigences du marché du travail. Les entre-prises devraient donc être tenues de proposer régulièrement à leurs employés des formations continues ciblées.Troisièmement, une formation de rattrapage qualifiante pour-rait permettre aux personnes sans formation de sortir durable-ment de la pauvreté. Toutes les personnes qui s’occupent de la question – assurance-chômage, assurance-invalidité, aide sociale – doivent pouvoir proposer aux personnes concer-nées des formations de rattrapage qualifiantes et participer largement à leur financement.

ODD 5 : Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles

En Suisse aujourd’hui, les femmes sont plus souvent tou-chées par la pauvreté que les hommes. A l’âge de la retraite, un homme sur onze fait appel aux prestations complémen-taires, et une femme sur sept. Les raisons de cette inégalité sont multiples : les femmes sont encore et toujours plus nom-breuses à travailler sans être rémunérées dans le domaine des soins et de la prise en charge de proches (travail de care non rémunéré) et les possibilités d’harmoniser la vie de famille et la vie professionnelle sont encore très insuffisantes. Souvent, les femmes travaillent donc à temps partiel. Lors-qu’elles sont actives dans les secteurs de bas salaire, elles n’arrivent pas à gagner le minimum vital et sont donc exclues de la prévoyance professionnelle, ce qui engendre souvent une vieillesse dans la pauvreté.Pour réduire le risque de pauvreté des femmes, il faut veiller à établir un meilleur équilibre entre les sexes pour le travail bénévole. Cela nécessite d’adapter les conditions de tra-vail des femmes et des hommes, pour permettre une vie de famille et mieux concilier la prise en charge des enfants ou des proches avec les horaires de travail : les pères aussi de-vraient pouvoir mieux participer au travail de prise en charge. Dans ce contexte, l’introduction d’un congé parental repré-senterait une avancée. Il faudrait notamment multiplier les possibilités de prises en charge extrafamiliales des enfants financièrement abordables et mieux adaptées aux besoins des parents. Ces possibilités doivent être mieux subvention-nées par les pouvoirs publics et les employeurs. La Confé-dération et les cantons doivent donner l’exemple et imaginer des modèles innovants, par exemple l’introduction de projets pilotes, comme des congés sabbatiques lors des périodes particulièrement intensives de la prise en charge des proches.

ODD 8 : Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous

Pour s’adapter à la globalisation, la Suisse a opéré un chan-gement structurel qui va s’accentuer au vu de la quatrième révolution industrielle imminente. Conséquence, des places de travail disparaissent pour les personnes peu qualifiées et les conditions de travail asymétriques se multiplient, comme le travail à l’appel ou les contrats de durée limitée. Aujourd’hui déjà, il est très fréquent que des personnes âgées de plus de 45 ans n’arrivent plus à retrouver un emploi après avoir perdu leur travail. Depuis 2008, le nombre de personnes en fin de droit a presque doublé et atteignait l’an passé un pic, avec 36 000 femmes et hommes en fin de droit. Le taux de personnes sous-employées, en temps partiel non désiré, a lui aussi augmenté ces dernières années. Les trois quarts des personnes en sous-emploi sont des femmes. Les mères de familles monoparentales en sous-emploi sont deux fois

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plus nombreuses que l’entier de la population, ce qui a pour conséquence que les parents de familles monoparentales sont quatre fois plus nombreux que les autres parmi les wor-king poors. Au total, plus de 120 000 hommes et femmes vivent au-dessous du seuil de pauvreté en dépit du fait qu’ils occupent un emploi.Mais le travail rémunéré digne et apte à assurer l’existence continue de jouer un rôle central dans notre société. L’emploi est souvent le lieu des contacts sociaux, de la participation à la société ou même seulement la structure qui permet aux personnes plus vulnérables d’être intégrées et soutenues. Les employeurs sont donc tenus de garantir des conditions de travail équitables. Cela signifie des salaires permettant d’assurer son existence, des possibilités de formations conti-nues, des modèles de travail permettant de concilier l’emploi et le travail non rémunéré de prise en charge des proches. La Confédération et les cantons, en tant qu’employeurs, peuvent et doivent donner le bon exemple. Ils doivent également s’en-gager à ce que les jeunes adultes terminent une formation, et se ménagent ainsi les conditions nécessaires leur permet-tant d’acquérir un revenu apte à assurer leur existence. Dans ce contexte, il faut aussi mentionner l’approche « bourses d’études plutôt qu’aide sociale » qui devrait être introduite dans toute la Suisse.

ODD 10 : Réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre

En Suisse, la fortune et le revenu sont répartis de manière très inégalitaire. Les 10 % de la population avec le revenu le plus élevé se partagent plus d’un tiers du total des revenus, et les 10 % de la population avec le revenu le moins élevé se partagent seulement 3 % de ce même total de revenu. Si l’on considère la répartition de la fortune, l’inégalité se creuse encore. Les 2 % de la population possèdent plus de la moitié de la richesse. L’évolution de ces dernières années montre en outre à quel point le segment le plus pauvre ne bénéficie pas de la croissance économique. Leurs revenus ont stagné ou même diminué, tandis que la richesse des plus riches a beaucoup augmenté. Il y aurait suffisamment de raisons de mettre un frein à cette évolution :D’abord, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le Fonds monétaire international (FMI) ont récemment publié des études montrant que les grandes inégalités freinent la croissance économique et ont des effets négatifs sur l’ensemble de la société. Dans les sociétés inégalitaires notamment, les personnes à bas revenu n’ont pas accès aux formations de qualité, ce qui fait perdre à l’économie un énorme potentiel.Ensuite, la concentration des richesses en Suisse engendre une situation dans laquelle ce n’est plus la performance ou la prise de risque personnelle qui engendre l’aisance, mais l’origine sociale qui détermine la position dans la société. L’ascension sociale est rendue plus difficile et l’égalité des chances est de moins en moins garantie.

Troisièmement, le pouvoir politique se concentre en même temps que l’inégalité. Les super riches peuvent influencer fortement la politique au moyen d’une partie relativement mo-deste de leur fortune. La cohésion sociale souffre de cette concentration du pouvoir ; l’élite politique financièrement forte accorde de moins en moins de visibilité aux revendications et nécessités des personnes touchées par la pauvreté et les structures sociales sont fragilisées. Pour éviter de mettre en danger les structures sociales, et fa-voriser une croissance économique durable, la Confédération et les cantons doivent réguler la situation. Il faut en principe atteindre enfin l’égalité de salaire entre hommes et femmes. Il faut des mesures favorisant la répartition des richesses : une possibilité de contrer cette évolution de l’inégalité serait par exemple d’instituer une imposition plus progressive des revenus les plus élevés ou un droit de succession harmonisé dans tout le pays.

ODD 11 : Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables

La question du logement est centrale pour la qualité de vie et le bien-être personnel. 84 % des ménages touchés par la pauvreté vivent cependant dans des logements inadéquats. La concurrence sur le marché du logement est telle que cette population est de plus en plus marginalisée et vit dans des conditions de plus en plus précaires, essentiellement à cause de la cherté des loyers, d’une part, parce que la construc-tion de logements à prix raisonnable n’est pratiquement pas encouragée en Suisse, et d’autre part, parce que la politique de sous-enchère fiscale des cantons pousse les loyers à la hausse dans de nombreuses régions. On oublie, ce faisant, que le fait d’investir dans la construction de logements à prix abordable s’avère très payante à plusieurs niveaux. Les logements à prix modéré permettent d’alléger le budget du ménage, favorisent l’intégration des personnes concernées et leur permettent de surmonter durablement une situation de précarité.Il faudrait donc que la Confédération prenne en charge un encouragement cohérent de la construction de logements d’utilité publique. En outre, les cantons devraient renforcer leur engagement et, dans le cadre de leur stratégie de lutte contre la pauvreté, ils devraient veiller à ce que l’offre de loge-ments à prix modéré qualitativement adéquats soit plus éten-due, assurée à long terme et disponible pour les personnes touchées par la pauvreté. Dans ce contexte, la rénovation de logements anciens bon marché pour les rendre plus adéquats d’un point de vue énergétique ne devrait pas systématique-ment déboucher sur une augmentation de loyer qui les rend inabordables pour les familles touchées par la pauvreté.

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ODD 12 : Établir des modes de consommation et de production durables

Avec son modèle de consommation, la Suisse est un pays où l’on pratique un gaspillage parfois exorbitant. Pour ne citer qu’un seul exemple, presque un tiers des denrées alimen-taires produites en Suisse est jeté à un moment ou un autre de la chaîne de production, de livraison et de consommation. Cela représente plus de deux millions de tonnes de nourri-ture gaspillée chaque année. Les acteurs de ce gaspillage sont aussi bien les ménages privés que la branche de la restauration, l’industrie et l’agriculture. Près de la moitié des denrées jetées le sont par les ménages privés et la branche de la restauration : cela représente 320 grammes de nourri-ture en parfait état jetée chaque jour par personne. Ce gas-pillage est un scandale quand on sait que dans le monde, plus de 800 millions de personnes souffrent chroniquement de la faim. En Suisse aujourd’hui, de plus en plus de personnes n’ont d’autre recours que de fréquenter les commerces d’alimenta-tion à prix réduit, comme le montre l’augmentation constante de la demande dans les commerces à prix réduit comme les Épiceries Caritas. La Confédération doit inciter les différents responsables du gaspillage alimentaire à adopter un compor-tement plus raisonnable et plus respectueux en termes de ressources en réalisant systématiquement des campagnes d’information et de sensibilisation ainsi qu’en adoptant des réglementations dans ce domaine.

ODD 16 : Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes aux fins du développement durable, assurer à tous l’accès à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes

En Suisse, le statut de séjour et la situation juridique qui lui est liée jouent un rôle déterminant dans le fait qu’un certain nombre de personnes vivent dans des conditions plus que précaires et sont empêchées de s’intégrer à la société. C’est notamment le cas des requérants d’asile et des personnes admises à titre provisoire, dont le statut ne reflète aucune-ment la réalité puisqu’une très grande partie d’entre eux restent longtemps en Suisse parce que les conditions dans leur pays restent instables et violentes. C’est aussi le cas des personnes sans papier. De plus, la Suisse est l’un des pays d’Europe les plus restrictifs dans sa pratique d’obtention de la citoyenneté, et son taux de naturalisations est l’un des plus bas d’Europe. Du point de vue de la démocratie, c’est inquiétant. Pour que la Suisse soit réellement une société in-tégrative, il faudrait que toutes les personnes qui vivent dans le pays puissent nouer des liens et des contacts dans le pays et ne pas rester dans des conditions d’existence précaires et excluantes. Il faut donc leur garantir plus de droits.

Avec l’accélération des procédures, il est indispensable que les requérants d’asile bénéficient d’un conseil et d’un accom-pagnement juridique gratuit. Les requérants doivent pouvoir travailler dès leur arrivée et ils doivent pouvoir prendre part à des mesures d’intégration au lieu d’être complètement dé-pendants de l’aide sociale. Il faut mettre en place un nouveau statut de protection remplaçant le statut de personne admise à titre provisoire et garantissant aux personnes concernées les mêmes droits que ceux des réfugiés reconnus. Ce statut devrait déboucher sur une autorisation de séjour régulière après trois ans au maximum pour les cas où un retour dans la patrie d’origine n’est pas possible.En Suisse, près de 300 000 personnes vivent en situation irrégulière. Même si ces dernières années, ces personnes ont bénéficié de quelques facilités (accès aux caisses maladie, accès à l’école pour les enfants, dans certains cas, accès à l’apprentissage), il faut absolument améliorer encore leur si-tuation juridique, soit en se montrant beaucoup plus généreux dans l’examen des cas particuliers, soit en procédant à une régularisation collective. Enfin, il faut consentir de nouveaux efforts en matière de nationalisation facilitée, notamment en ce qui concerne les enfants nés en Suisse.La Suisse, pour devenir une société intégrative, doit com-mencer par abandonner l’idée profondément ancrée que des groupes entiers de la population ne sont pas capables de s’intégrer. Une situation juridique plus favorable et l’intégra-tion de toutes les personnes vivant en Suisse présentent des avantages pour la société tout entière.

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Tenir les promesses : les revendications de Caritas Suisse Pour que l’Agenda 2030 soit un succès, la Suisse doit travail-ler systématiquement à la réalisation des Objectifs de déve-loppement durable. Il est de la responsabilité des décideurs au plan fédéral, cantonal et communal d’esquisser des plans d’application et de les mettre en œuvre. Pour ce faire, il faut accorder une large place à la société civile, au secteur privé et à la science.Les défis qui se posent pour atteindre les objectifs au plan intérieur montrent bien que le premier pas est de créer les conditions financières, politiques, structurelles et institution-nelles qui permettront d’inscrire les ODD dans l’agenda du monde politique, civil et administratif du pays. À cet effet, Caritas Suisse a lancé en novembre 2015 l’appel « Tenir les promesses ! », qui contient huit recommandations au Conseil fédéral suite à son approbation de l’Agenda 2030 à New York :

1. Faire connaître les Objectifs de développement durable

L’Agenda  2030 est largement méconnu, aussi bien de la population suisse que de la plupart des acteurs nationaux de la politique sociale, économique, environnementale ou de la politique de l’instruction publique. La première tâche du Conseil fédéral consiste donc à informer sur cet agenda et à expliquer son importance pour la Suisse. Il s’agit de mettre tout particulièrement l’accent sur la formation. C’est seulement par une vaste campagne d’information qu’on peut ancrer les ODD au sein de la population et dans les offices communaux, cantonaux et fédéraux.

2. Appliquer les Objectifs de développement durable de façon contraignante

En signant l’Agenda 2030, le Conseil fédéral s’est engagé à contribuer à la réalisation des ODD non seulement sur le plan international, mais dorénavant aussi en Suisse. Pour ce faire, il doit établir au plus vite un programme précis de mise en œuvre des ODD qui les rend contraignants pour les divers domaines politiques : ainsi, il faut impérativement axer la stra-tégie 2016–2019 de développement durable sur la réalisation des ODD. Tous les services impliqués doivent être tenus de citer les mesures précises par lesquelles ils contribuent à la réalisation des objectifs. Les divers acteurs aussi bien de la

société civile que du secteur privé et les institutions scienti-fiques doivent être associés avec une totale transparence à l’élaboration du programme de mise en œuvre et, par la suite, au contrôle régulier de l’état d’avancement.

3. Ajuster les Objectifs de dévelop­pement durable et le programme de législature du Conseil fédéral

Le programme de législature  2016–2019 de janvier 2016 se réfère à la stratégie nationale en ce qui concerne le dé-veloppement durable. Il doit donc être compatible avec l’Agenda  2030. Il en va de même avec les objectifs an-nuels 2016 du Conseil fédéral qui n’a pas pris l’Agenda 2030 comme point de départ, mais a simplement classé ses ob-jectifs en fonction des ODD. Dès 2017, les objectifs annuels doivent être combinés de sorte à éviter les conflits d’objectifs, afin que le programme corresponde dans son ensemble à la direction générale de l’Agenda 2030. Concrètement, le Conseil fédéral doit donc s’engager à sensibiliser davantage, dans son programme de législature, tous les offices concer-nés, de même que les cantons et les communes, aux ques-tions de cohérence et à les associer.

4. Instituer un bureau responsable de l’Agenda 2030

Un groupe de travail placé sous la direction de l’Office fédé-ral du développement territorial (ARE) pour le plan national et de la Direction du développement et de la coopération (DDC) pour l’aspect international est compétent pour l’an-crage de l’Agenda 2030 dans les processus administratifs et politiques. Mais la mise en œuvre de l’Agenda 2030 doit être centralisée et non pas déléguée aux divers départements. Le Conseil fédéral doit donc instituer un bureau responsable de l’Agenda 2030. Ses missions principales incluent d’une part l’information, la planification et la coordination de la mise en œuvre des ODD par la Suisse, d’autre part la surveillance et le compte rendu des objectifs atteints à l’aide d’indicateurs précis. Ce bureau se charge par ailleurs de collecter des don-nées en continu et de façon détaillée. Enfin, il doit procéder à des examens de compatibilité avec les ODD, conformément à la revendication 8. Il doit disposer de suffisamment de res-sources pour assumer ses tâches.

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5. Nommer une commission permanente « Agenda 2030 »

Le bureau ODD doit être assisté par une commission ODD permanente extraparlementaire. Nommée par le Conseil fé-déral, cette dernière sert de plateforme suisse et de plaque tournante des discussions relatives aux ODD. Des repré-sentants de l’administration fédérale, ainsi que des adminis-trations cantonales et communales, de la société civile, du secteur privé et du monde scientifique doivent être désignés pour en faire partie. La commission cultive l’échange avec le bureau ODD, observe la mise en application nationale et inter-nationale des ODD par la Suisse, s’exprime publiquement à ce sujet et émet ses propres recommandations. Elle dispose d’un secrétariat qui assume les diverses tâches en continu.

6. Assurer le financement, mettre à disposition plus de moyens

Pour pouvoir mettre en œuvre avec succès l’Agenda 2030, la communauté internationale doit mettre à disposition des moyens suffisants. Dans les pays en développement, les me-sures d’encouragement économique et de mobilisation des ressources intérieures ne suffisent pas. Il est nécessaire que l’économie privée fasse des investissements, mais en soi, ces derniers ne sont pas non plus durables ni ne contribuent à réduire la pauvreté. Il faut qu’ils remplissent des standards écologiques, sociaux et relatifs aux droits de l’homme qui soient contraignants et contribuent au développement du-rable.L’administration et le Parlement doivent garantir les fonds nécessaires à l’engagement de la Suisse envers les ODD au plan national et international et les mettre à disposition selon le plan de mise en œuvre. Le Conseil fédéral présente à cet effet une stratégie de financement contraignante en précisant les sources de financement. Au plan intérieur, le programme de stabilisation 2016-2019 doit être adapté en fonction de l’Agenda 2030. La Confédération et les cantons doivent re-noncer aux réductions dans les champs politiques concer-nant la pauvreté, notamment dans l’aide sociale, la formation ou le système de réduction des primes maladie. Ils doivent également investir, par exemple dans l’encouragement pré-coce et la construction de logements d’utilité publique.Le financement ne doit en aucun cas se limiter au cré-dit-cadre 2017–2020 pour la coopération internationale. Il faut une stratégie de financement spécifique en particulier pour l’ODD 13 qui préconise de « prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions ». Mais comme la contribution de la Suisse à la mise en œuvre des ODD dans les pays en déve-loppement relèvera en grande partie de la compétence des acteurs de la coopération internationale, les moyens alloués par les pouvoirs publics à l’aide au développement doivent être progressivement portés à 1 % du produit intérieur brut.

Le Conseil fédéral et le Parlement doivent donc s’élever avec fermeté contre les propositions irresponsables des cercles bourgeois qui veulent réduire les moyens à disposition de la coopération internationale.

7. Associer les cantons et les communes

Comme on le voit dans les points mentionnés ci-dessus, la mise en application nationale des ODD relève en grande partie de la compétence et de la responsabilité des can-tons et des communes. Le Conseil fédéral est donc invité à les associer d’emblée aux discussions de mise en œuvre de l’Agenda 2030, à la mise en œuvre de ses ODD, et de manière générale, à veiller à la cohérence politique avec l’Agenda 2030. Le bureau ODD doit être en étroit contact avec les services cantonaux et communaux responsables. Cantons et communes doivent en outre être représentés au sein de la commission ODD.

8. Introduire une évaluation de compatibilité avec les ODD

Pour améliorer la cohérence politique, le Conseil fédéral doit confier à une institution spécialisée externe le mandat d’éla-borer une procédure de vérification de compatibilité avec les ODD. Cet instrument destiné à améliorer la cohérence po-litique doit être déclaré contraignant, en particulier pour les affaires stratégiques du Conseil fédéral et du Parlement. Si cet examen devait révéler une incompatibilité, c’est-à-dire une entrave au projet d’atteindre les ODD, il faudrait adapter l’affaire en conséquence.

L’Agenda 2030 et ses Objectifs de développement durable ouvrent de nouvelles chances pour un monde durable. La Suisse ne peut pas rester à l’écart. Elle doit adapter son action politique de façon conséquente à cet Agenda.

Juin 2016

Auteurs : Geert van Dok, Service politique de développement, Bettina Fredrich, Service politique sociale, Marianne Hochuli, responsable du Secteur Études

Traduction : Nicolas Couchepin

Cette prise de position peut être téléchargée sur le site de Caritas Suisse, www.caritas.ch/prises-de-position

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