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DOSSIER L’ESSENTIEL SUR LE LUPUS SYSTÉMIQUE (1 re partie) Coordonné par le Pr Yannick Allanore Editorial � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � p� 112 Pr Yannick Allanore (Paris) 1 Manifestations dermatologiques des lupus Pour un diagnostic précis � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � p� 113 Pr Camille Francès (Paris) 2 Atteintes ostéo-articulaires Quelles particularités dans le lupus ? Quels traitements ? � � � � p� 119 Pr Yannick Allanore (Paris) AU MOIS DE MAI, RETROUVEZ LA DEUXIÈME PARTIE DU DOSSIER : 4 Les auto-anticorps du lupus systémique : quels sont ceux utiles pour le clinicien ? Pr Olivier Meyer (Paris) 5 La néphropathie lupique : que retenir pour le rhumatologue ? Dr Alexandre Karras (Paris) 6 Le risque cardiovasculaire : comment l’évaluer et le prendre en charge ? Pr Yannick allanore (Paris) © crédit

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DOSSIER

L’essentieL sur Le Lupus systémique (1re partie)

Coordonné par le pr yannick Allanore

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Pr Yannick Allanore (Paris)

1 manifestations dermatologiques des lupus

pour un diagnostic précis � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � p� 113

Pr Camille Francès (Paris)

2 Atteintes ostéo-articulaires

quelles particularités dans le lupus ? quels traitements ? � � � � p� 119

Pr Yannick Allanore (Paris)

Au mois de mAi, retrouvez LA deuxième pArtie du dossier :

4 Les auto-anticorps du lupus systémique : quels sont ceux utiles pour le clinicien ? Pr Olivier Meyer (Paris)

5 La néphropathie lupique : que retenir pour le rhumatologue ? Dr Alexandre Karras (Paris)

6 Le risque cardiovasculaire : comment l’évaluer et le prendre en charge ? Pr Yannick allanore (Paris)

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Le lupus systémique est une maladie auto-immune qui prédomine chez la femme et qui débute classiquement à un âge jeune,

en période d’activité génitale. L’évolution cli-nique est difficile à prévoir, elle est marquée par des phases de rémission et de poussée, mais les lésions cumulées peuvent conduire à des compli-cations d’organe graves et grèvent la qualité de vie.

Les dernières données épidémiologiques amé-ricaines à partir du système de santé MEDI-CAID montrent une prévalence du lupus sys-témique de 144/100 000 habitants avec 21,5 % des malades ayant une atteinte néphrologique (prévalence : 301/100 000). Les incidences sont de 23/100 000 personnes-année pour la mala-die et de 7/100 000 personnes-année pour la néphrite. La prévalence est 6 fois plus élevée chez les femmes et environ le double chez tous les groupes ethniques comparés aux Blancs (1). De nombreux tissus peuvent être touchés de façon concomitante ou consécutive. L’atteinte dermatologique est au premier plan et pèse for-tement sur l’identification de la maladie comme en attestent les critères de classification.

Dans une première partie ce mois-ci, le Pr Fran-cès nous éclaire sur les lésions spécifiques, leurs subtilités sémiologiques et leur évolution. Seule une classification rigoureuse aidée parfois d’une biopsie cutanée permettra un traitement adapté.

L’appareil locomoteur est souvent touché et va constituer une entité cutanéo-articulaire rela-tivement fréquente de patients suivis en rhu-matologie. Des données d’imagerie ont changé un peu la vision de l’atteinte articulaire, les ostéonécroses parfois sévères prédominent le tableau osseux. Ces éléments sont ici détaillés dans un chapitre spécifique.

Au mois de mai prochain, vous pourrez retrou-ver la seconde partie de notre dossier. Vous pourrez y lire que le lupus systémique est consi-déré comme le prototype des maladies auto-immunes et que c’est l’une des rares avec une démonstration aussi franche notamment pour la pathogénicité des auto-anticorps produits. Ces tests immunologiques sont aussi très utiles pour classer les patients et tenter d’estimer la sévérité et l’activité de la maladie. Le Pr Meyer fera le point sur ces 2 aspects indépendants mais très importants dans un chapitre dédié.

Quoique franchement amélioré par les progrès de prise en charge et d’utilisation graduée des immunosuppresseurs, le pronostic reste par-fois sombre et le pronostic vital peut être mis en jeu. La forme floride et active expose surtout au risque rénal avec atteinte glomérulaire qu’il faut toujours penser à dépister. Le Dr Karras nous présentera les avancées dans la compré-hension de cette atteinte, les outils d’évaluation et surtout clarifie les approches thérapeutiques.

L’autre risque important est infectieux, mais les formes plus chroniques exposent à un autre risque particulièrement étudié dans cette ma-ladie qui est l’athérome accéléré. Ces résultats bouleversent la prise en charge car ils obligent à prendre en compte le risque vasculaire, ses facteurs de risque tout au long de la maladie et lors des choix thérapeutiques. Les principaux facteurs de risque, leur prise en charge et les particularités du risque cardiovasculaire seront détaillés dans un chapitre spécifique. n

*Université Paris Descartes, Hôpital Cochin (Rhumatologie A) et INSERM U1016, Paris

éditoriALpr yannick Allanore*

1. Feldman CH, Hiraki LT, Liu J et al. Epidemiology and socio-demographics of systemic lupus erythematosus and lupus nephritis among U.S. adults with medicaid coverage, 2000-2004. Arthritis Rheum 2012. doi: 10.1002/art.37795.

BiBliographie

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Les Lésions LupiquesIl n’existe pas de définition précise des lésions lupiques. Le diagnostic de lésion cutanée lupique repose en fait sur un faisceau d’arguments prenant en compte l’aspect clinique des lésions dermatologiques, leur topographie, leur évolution, une histologie compatible, le contexte clinique et immunologique. On dis-tingue les lésions aiguës, souvent contemporaines d’une poussée de lupus systémique, les lésions subai-guës et chroniques dont l’évolution est complètement dissociée d’un éventuel lupus systémique associé. Toutes ces lésions peuvent être associées concomitamment ou successivement chez un même malade.

Lupus érythémateux aigu (Lea)Il est caractérisé cliniquement par un aspect érythémateux, plus ou moins œdémateux ou squameux. Dans la forme localisée, il est situé principalement sur les joues et le nez, en loup, respectant relati-vement les sillons naso-géniens, s’étendant souvent sur le front, les

orbites, le cou dans la zone du dé-colleté. L’œdème, parfois impor-tant, peut gêner l’ouverture des yeux. La topographie en loup n’est pas synonyme de lupus érythéma-teux aigu car les lupus érythéma-teux subaigus et chroniques ont également un tropisme pour cette localisation.

Dans la forme diffuse, il prédo-mine généralement sur les zones photoexposées, réalisant une éruption plus ou moins diffuse. Sur le dos des mains, les lésions

lupiques atteignent surtout les zones interarticulaires à l’opposé des lésions cutanées de la derma-tomyosite qui prédominent en regard des articulations.

Les lésions buccales de lupus aigu sont érosives, tantôt bien suppor-tées, tantôt très douloureuses, gênant l’alimentation. Elles sont souvent associées à une atteinte rénale.

Figure 2 - Lésion annulaire de lupus

érythémateux subaigu.

Figure 1 - erythème œdémateux en loup

de lupus érythémateux aigu.

1 Manifestations dermatologiques des lupus

Pour un diagnostic précis

n Les manifestations dermatologiques observées dans le lupus systémique sont variées, souvent

d’une grande aide diagnostique. Aussi est-il fondamental d’en faire un diagnostic précis. Schéma-

tiquement, ces manifestations peuvent être classées en trois groupes : les lésions lupiques, les

lésions vasculaires, les manifestations non-lupiques et non-vasculaires.� Pr Camille Francès*

*Service de Dermatologie-Allergologie, Hôpital Tenon, Paris

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Toutes ces lésions régressent rapi-dement sans cicatrice avec le trai-tement du lupus systémique.

Lupus érythemateux subaigu (Les)Cliniquement, le LES se mani-feste initialement par des lésions érythémateuses évoluant soit vers une forme annulaire soit vers une forme psoriasiforme. Dans la forme annulaire, les lésions ont des contours polycycliques à bor-dure érythémato-squameuse ou vésiculo-croûteuse avec un centre hypopigmenté grisâtre parfois couvert de télangiectasies. Dans la forme psoriasiforme, les lésions ressemblent à un psoriasis car rouges, recouvertes de squames épaisses. Les deux formes peuvent être associées chez un même ma-lade. Quelle que soit la forme, les lésions cutanées ont une topogra-phie évocatrice du fait d’une distri-bution prédominant dans la moitié supérieure du corps, surtout sur les zones photoexposées avec une atteinte grossièrement symétrique du visage, du cou, du décolleté, des épaules, de la face d’extension des bras, du dos des mains. L’exten-sion sur le tronc est possible avec

respect fréquent de la face interne des membres supérieurs, des ais-selles et des flancs. L’atteinte des membres inférieurs est rare. La régression des lésions est plus ou moins rapide, sans cicatrice no-table  ; des troubles pigmentaires (hypo- ou hyperpigmentation) peuvent persister cependant une année. Ce type de lupus cutané est associé significativement à la pré-sence d’un type particulier d’anti-corps anti-noyaux appelé anti-corps anti-Ro ou anti-SSA.

Lupus érythémateux chronique (Lec)Il regroupe le lupus discoïde, le lupus tumidus, le lupus à type d’engelures, le lupus profond ou panniculite lupique.

❚ Lupus discoïdeDans sa forme classique, le lupus discoïde réalise des plaques bien limitées associant 3 lésions élé-mentaires : 1) Erythème ou rougeur de type congestif surtout net en bordure, parcouru de fines télangiectasies ; 2) Squames plus ou moins épaisses s’enfonçant en clou dans les orifices folliculaires pouvant donner un aspect de piqueté blanc, râpeux au toucher ;3) Atrophie cicatricielle prédo-

minant au centre des lésions sou-vent dépigmenté, parfois tatoué de télangiectasies et de tâches pig-mentées.

Les lésions, souvent multiples et symétriques, sont surtout locali-sées sur les zones photoexposées, notamment au visage sur l’arête du nez, les pommettes, les régions temporales et l’ourlet des oreilles. Les zones non-exposées sont en fait souvent atteintes, en particu-lier les sourcils, les paupières, le conduit auditif ou le cuir chevelu. Ainsi, des plaques du cuir chevelu existent-elles dans 60  % des cas, isolées dans 10  %, laissant après guérison une alopécie cicatricielle définitive.

❚ Dans le lupus discoïde disséminéLes lésions sont plus diffuses at-teignant le tronc et les membres. Sur les membres, les lésions sont observées préférentiellement sur les zones traumatisées comme les coudes ou sur les extrémités. L’at-teinte périunguéale ou pulpaire est souvent confondue avec une vas-cularite, parfois à l’origine de dys-trophies unguéales pseudo-liché-niennes. Elle est très invalidante. Les lésions buccales sont générale-ment blanches, simulant un lichen.

Figure 3 - Lésion érythémateuse et atro-

phique de lupus discoïde.

Figure 4 - Livédo ramifié d’un syndrome antiphospholipide associé au lupus.

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❚ Le lupus tumidus Le lupus tumidus réalise un ou plusieurs placards nettement saillants, pouvant ressembler à de l’urticaire, de teinte un peu plus foncée, rouge-violacée, à bords nets comme tracés au compas, de consistance œdémateuse. Cer-taines lésions sont déprimées en leur centre et peuvent prendre un aspect annulaire. Les lésions sont principalement localisées au visage, et à la partie supérieure du tronc avec une distribution pré-dominant sur les zones photoex-posées, témoignant d’une grande photosensibilité. Elles dispa-raissent sans cicatrice.

❚ Le lupus à type d’engelures Il est caractérisé par sa localisa-tion (extrémités des doigts et or-teils, oreilles, nez, mollets, talons, coudes, genoux), et son aspect clinique simulant des engelures. Il doit être évoqué devant des en-gelures persistant en dehors de la saison froide.

❚ La panniculite lupiqueLa panniculite lupique ou lupus érythémateux profond se ma-nifeste par des nodules ou des plaques infiltrées de taille variable, parfois douloureuses. La peau en regard est normale ou rouge, par-fois siège de lésions de lupus dis-coïde. L’évolution se fait vers une lipoatrophie cicatricielle permet-tant un diagnostic rétrospectif. Les lésions siègent préférentiel-lement sur le tiers supérieur des bras (face postéro-interne), les joues ou les cuisses.

Diagnostic Des Lupus érythémateux cutanésEvoqué sur la clinique, le diagnos-tic de lupus érythémateux cutané peut être confirmé par l’examen anatomopathologique d’une biop-sie cutanée en peau lésée. Il existe

des lésions épidermiques et der-miques avec hyperkératose, atro-phie du corps muqueux, lésions de dégénérescence des kératino-cytes basaux, épaississement de la membrane basale et infiltrat lymphocytaire dermique composé essentiellement de lymphocytes CD4. Des variations importantes existent suivant chaque forme de lupus.

❚ Les différentes variantes• Dans le LES, les lésions de dégé-nérescence des kératinocytes sont parfois très intenses et non limi-tées à la couche basale. Le carac-tère haut situé des nécroses kéra-tinocytaires explique le diagnostic de toxidermie, parfois porté par l’anatomopathologiste en dehors du contexte clinique. L’hyperké-ratose est discrète. L’infiltrat est peu abondant, périvasculaire et périannexiel. • Dans le lupus discoïde, l’hy-perkératose est marquée, de type orthokératosique, formant des bouchons cornés dans les orifices folliculaires  ; l’infiltrat dermique est plus important, périannexiel pouvant s’étendre dans le derme profond d’où l’évolution cicatri-cielle. • Dans le lupus tumidus, l’épi-derme est souvent normal sans dermite d’interface. L’infiltrat dermique lymphocytaire est su-perficiel et profond, de disposition périvasculaire et périannexiel avec des dépôts interstitiels de mucine. • L’aspect histologique du lupus à type d’engelures est proche de celui du lupus discoïde avec une hy-perkératose moins importante. Il diffère de celui des engelures du fait de l’absence de spongiose, d’œdème dermique important et de localisa-tion périeccrine de l’infiltrat. • Au cours de la panniculite existe inconstamment un aspect de lupus discoïde dans le derme

et l’épiderme. Plus en profondeur, dans l’hypoderme, est noté un in-filtrat lobulaire composé de lym-phocytes, de plasmocytes et d’his-tiocytes, des débris nucléaires, des dépôts fibrinoïdes, une nécrose hyaline des adipocytes, une hya-linisation des septa. Des foyers de calcification sont parfois présents.

❚ etude en immunofluorescenceL’étude en immunofluorescence directe d’une lésion lupique met en évidence des dépôts d’immu-noglobulines (IgG, A ou M) et/ou de complément (C1q, C3) à la jonction dermo-épidermique dans 80  à 90  % des cas de lupus dis-coïde, 70 % des cas de panniculite lupique et 60  % des cas de LES. Ces dépôts ne sont pas spécifiques de la maladie lupique ; ils peuvent être observés dans certaines rosa-cées, les dermatomyosites et chez 20 % des sujets normaux en peau saine exposée. L’immunofluo-rescence cutanée directe en peau saine n’a aucun intérêt pour le dia-gnostic d’une atteinte systémique lorsqu’existe une atteinte derma-tologique.

association au Lupus systémique (Ls)Tous les types de lupus cutanés peuvent être associés à un LS. Tou-tefois la fréquence de cette asso-ciation est très variable selon le type de lupus. Ainsi plus de 90  % des malades avec un LEA ont ou auront un LS. Environ la moitié des malades avec des lésions de LES ont ou auront un LS, géné-ralement sans atteinte viscérale sévère. Seulement 10 à 20  % des malades avec un LEC ont ou au-ront un LS. Il n’existe pas de cri-tère prédictif formel du risque évolutif vers un lupus systémique ; ce risque est plus élevé en cas de lupus discoïde disséminé. La présence isolée d’anticorps anti-

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noyaux, fréquente dans toutes ces formes, est insuffisante pour par-ler de lupus systémique.

traitement Des Lupus cutanés (1, 2)Le traitement des lupus cutanés varie en fonction du type. Les LEA, le plus souvent associés à une forme systémique, ne justi-fient d’aucun traitement particu-lier. Les LES et LEC justifient d’un traitement spécifique qui est une urgence esthétique en cas de lupus discoïde du fait du risque de cica-trice et d’alopécie définitive.

❚ protection solaireQuel que soit le type de lupus cuta-né, une protection solaire est in-dispensable. Aussi l’utilisation de la photoprotection externe doit-elle être large et systématique. La meilleure protection est vesti-mentaire ; cependant du fait de la nécessité psychologique de mener une vie la plus normale possible, le recours aux écrans solaires est pratiquement systématique. Les écrans avec indices les plus élevés contre les spectres les plus larges (UVB, UVA et visible) sont à utili-ser de préférence en cas de lupus cutané. Ces indices ne prennent pas en compte le maintien de la protection après immersion ou su-dation d’où la nécessité de répéter régulièrement les applications au cours de la journée. Le maquillage, (fond de teint et poudre) qui peut être appliqué sur l’écran solaire augmente la protection, plus facile à conseiller chez la femme.

❚ DermocorticoïdesLes lupus cutanés de taille limi-tée sans aucune manifestation de lupus systémique peuvent être traités localement. Les dermocor-ticoïdes sont alors le traitement de première intention  ; ils sont à éviter sur le visage en applications

prolongées du fait d’un risque atrophique important. Le tacro-limus topique (Protopic®) à 0,1  % 2 fois par jour n’a pas cet inconvé-nient ; il serait surtout efficace sur les lupus tumidus et subaigus.

❚ antipaludéens

Chloroquine et hydroxycholoriquineDès que les lésions cutanées de lu-pus sont plus étendues, un traite-ment systémique est souhaitable ; les antipaludéens de synthèse (APS) sont le traitement de pre-mière intention, essentiellement l’hydroxychloroquine (HCQ) et la chloroquine (CQ) aux doses de 6,5  mg/kg/j pour l’HCQ et de 4 mg/kg/j pour la CQ. L’HCQ est souvent préféré à la CQ du fait d’une toxicité oculaire discrète-ment inférieure. Il faut attendre 3 mois avant d’affirmer son ineffi-cacité. Les intolérances digestives sont améliorées par l’absorption des comprimés au milieu des re-pas ; les toxidermies (exanthèmes maculo-papuleux, pustulose exan-thématique, vascularites, DRESS, Lyell…) sont rares ; elles justifient une exploration allergologique en centre spécialisé. En cas d’inef-ficacité, il est indispensable de contrôler les taux sanguins d’HCQ pour s’assurer de la bonne obser-vance du traitement ; en effet 10 % des patients souffrant d’un lupus cutané ont des taux sanguins très bas incompatibles avec une prise régulière (3). Dans une étude sur 300 cas, l’efficacité du traitement était statistiquement corrélé avec le taux sanguin d’HCQ. L’intérêt d’augmenter la dose quotidienne d’HCQ en cas de taux sanguins relativement bas (≤ 750 ng/ml) est en cours d’évaluation. Un pour-centage similaire de non-obser-vance a été retrouvé dans les lupus systémiques avec un risque accru

de poussées lupiques chez les su-jets ayant un taux bas d’hydroxy-chloroquine (4, 5).

En cas d’inefficacité, le rempla-cement de l’HCQ par la CQ peut permettre de contrôler les lésions cutanées dans environ 7 à 10  % des cas. En cas d’inefficacité de la chloroquine, l’attitude thérapeu-tique dépend du pays, du choix du malade et des habitudes de pres-cription du médecin.

QuinacrineAux Etats-Unis et dans de nom-breux pays européens, l’insuffi-sance de réponse des lupus cuta-nés à la CQ ou à l’HCQ conduit à associer la quinacrine (100 mg/j) à la CQ ou à l’HCQ. La quinacrine n’a théoriquement pas de toxicité oculaire mais une toxicité hémato-logique avec risque d’anémie cen-trale ; elle donne un teint jaunâtre souvent mal toléré.

❚ thalidomideEn France, du fait d’une indispo-nibilité de la quinacrine, le traite-ment systémique de 2e intention après les APS est généralement le thalidomide du fait d’une effi-cacité remarquable, malgré ses nombreux effets secondaires. Il ne s’agit le plus souvent que d’un traitement suspensif d’où la né-cessité d’un traitement d’entre-tien à la dose minimale efficace. Rappelons qu’il est plus prudent de maintenir l’HCQ du fait de son rôle antiagrégant et d’associer sys-tématiquement 100 mg d’aspirine pour le risque thrombotique (6), important chez les fumeurs du fait de l’athérosclérose sous-jacente.

❚ méthotrexateEn cas de lupus cutané résistant aux antipaludéens, après échec ou contre-indication ou intolérance du thalidomide, le traitement est

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totalement empirique. Le mé-thotrexate est utilisé souvent en 2e ligne dans les autres pays euro-péens et anglosaxons. En France, ce médicament nous semble beau-coup moins efficace sur les lésions cutanées de lupus que le thalido-mide. Il est utilisé en 3e ligne thé-rapeutique après les APS et le tha-lidomide.

❚ autres traitementsEn cas d’échec du méthotrexate, les rétinoïdes peuvent être prescrits dans les formes hypertrophiques de lupus discoïde, les lupus subai-gus réfractaires et les formes de lupus cutanés chroniques asso-ciées à des lésions lichéniennes. La dapsone est recommandée en cas de panniculite, de lupus subaigus avec ulcérations buccales. Dans les formes multirésistantes, les immu-nosuppresseurs de type myco-phénolate mofétyl ou le myco-phénolate de sodium peuvent être essayés. Les indications du lénalidomide, de l’ustékinumab, des immunoglobulines intravei-neuses, de la photochimiothé-rapie extracorporelle relèvent encore de la recherche clinique. Il n’est pas recommandé de traiter les lupus subaigus par la salazopyrine du fait de la fréquence des effets se-condaires ; ce médicament ne peut être tenté que chez des malades avec lupus discoïde sans atteinte systémique ayant le phénotype acétyleur rapide.

Quel que soit le traitement choisi, dès la rémission clinique obtenue, il est souhaitable de le diminuer pour maintenir la dose minimale efficace qui per-met d’éviter la récidive.

Lésions vascuLairesEn dehors des acrosyndromes et des œdèmes angioneurotiques,

elles sont secondaires à une at-teinte inflammatoire (vascularite) ou thrombotique des vaisseaux cutanés. Un diagnostic précis est indispensable étant donné les conséquences thérapeutiques totalement opposées d’où le re-cours fréquent à la biopsie cuta-née. Celle-ci permettra également d’éliminer un lupus discoïde des doigts, souvent interprété clini-quement comme une vascularite. La mise en évidence d’une throm-bose impose la recherche d’anti-corps antiphospholipides.

LivéDoAutrefois considéré comme une manifestation de vascularite lu-pique, le livédo est en fait statisti-quement associé au cours du lupus à des manifestations thrombo-tiques, notamment ischémiques cérébrales et à la présence d’anti-corps antiphospholipides. Ce livé-do est habituellement diffus, non infiltré, à mailles fines non fer-mées formant des cercles incom-plets (livedo racemosa ou livédo ramifié), localisé sur les membres et surtout le tronc.

uLcères De jambes Des ulcères de jambes sont obser-vés chez 3 % environ des malades ayant un lupus systémique. Ils imposent de pratiquer un doppler artériel et veineux des membres inférieurs ainsi qu’une biopsie des bords pour en comprendre le mécanisme, vascularite ou plus souvent thrombose profonde ou superficielle. Leur fréquence est en effet incontestablement plus élevée en présence d’anticorps antiphospholipides allant de 5 à 39 %.

urticaire et œDème De quinckeDes lésions d’urticaire ou d’œdème de Quincke sont notées dans 4 à

13  % des grandes séries de lupus systémique, correspondant in-constamment histologiquement à une vascularite. La présence d’an-ticorps anti-C1q est fréquente sans être constante ni spécifique.

nécroses cutanées extensivesLeur début est volontiers bru-tal avec un purpura nécrotique laissant rapidement place à une plaque noire bordée d’un liseré rouge foncé témoignant de leur évolutivité. Elles sont localisées sur les membres, le visage ( joues, nez, oreilles) ou les fesses. La biop-sie de la bordure objective aisé-ment des thromboses multiples.

autres Lésions vascuLairesD’autres lésions vasculaires peuvent survenir au cours d’un LEAD. Certaines sont de méca-nisme incertain car non-biop-siées. Il en est ainsi de l’érythème palmaire et des télangiectasies périunguéales, observés chez 10 à 15 % des malades avec lupus systé-mique.

Les lésions purpuriques (rouge-foncé), infiltrées plus ou moins né-crotiques peuvent correspondre à une vascularite ou à des throm-boses.

ManiFestations non Lupiques non vascuLairesLes manifestations non lupiques non vasculaires forment un groupe hétéroclite de manifesta-tions dermatologiques préféren-tiellement observées au cours des lupus. Certaines sont fréquentes telle l’alopécie alors que d’autres sont rares comme le lupus bulleux.

aLopécieDans le lupus systémique, il ne

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s’agit pas d’une alopécie cicatri-cielle secondaire à des lésions lupiques mais d’une chute diffuse des cheveux (effluvium télogène) contemporaine des poussées ou survenant 3 mois après, pouvant donner un cuir chevelu clairsemé, disparaissant progressivement après traitement. Ailleurs, les che-veux sont fins et fragiles, facile-ment cassés. Il peut exister alors une bande de cheveux d’un demi-centimètre de longueur (cheveux lupiques) en bordure du cuir che-velu (front, tempes).Cette alopécie régresse complète-ment avec le traitement.

maLaDie buLLeuse auto-immuneEncore appelée lupus bulleux,

cette affection se manifeste clini-quement par des bulles de petite taille, parfois regroupées en bou-quets, apparaissant en peau saine sur les zones exposées et non exposées, disparaissant sans cica-trice et sans grain de milium. La biopsie cutanée permet de faire le diagnostic. Les lésions bulleuses disparaissent habituellement avec la dapsone.

anetoDermieLes lésions d’anétodermie res-semblent à une peau de raisin, vi-dée de son contenu. Sur la biopsie cutanée, le tissu élastique a disparu. Le nombre et la taille des lésions sont excessivement variables. Elles sont surtout localisées sur le cou et la moitié supérieure du tronc et des

bras. Au cours du lupus, ces lésions sont constamment associées à la présence d’anticorps antiphospho-lipides.

concLusionL’analyse rigoureuse des lésions dermatologiques observées au cours des lupus au besoin complé-tée par une biopsie cutanée permet un diagnostic précis indispensable avant de proposer un traitement adapté. Les lésions des mains sont plus souvent d’origine lupique que liées à une vascularite. n

1. Kuhn A, Ruland V, Bonsmann G. Cutaneous lupus erythematosus : update of therapeutic options. Part 1. J Am Acad Dermatol 2011 ; 65 : e179-93.2. Kuhn A, Ruland V, Bonsmann G. Cutaneous lupus erythematosus : update of therapeutic options. Part II. J Am Acad Dermatol 2011 ; 65 : e195-213.3. Frances C, Cosnes A, Duhaut P et al. Low blood concentration of hy-droxychloroquine in patients with refractory cutaneous lupus: a French multicenter prospective study. Arch Dermatol 2012 ; 148 : 479-84.4. Costedoat-Chalumeau N, Amoura Z et al. Low blood concentration

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BiBliographie

mots-clés : Lupus, Lésions dermatologiques,

Diagnostic, traitements

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Atteintes ArticulAires

Fréquence et présentationLa fréquence des arthrites au cours du lupus varie au cours des séries mais elle toujours élevée, de l’ordre de 70 à 95  %. Il s’agit souvent d’une manifestation inau-gurale, les douleurs sont souvent vives. Contrairement à d’autres aspects de la maladie, il ne semble pas y avoir d’influence de l’ethnie sur la présence d’arthrite (1).

La présentation habituelle en cas de poussée est une polyarthrite symétrique touchant plutôt les pe-tites articulations dont les mains (MCP, IPP et IPD  ; Fig. 1) même si l’atteinte peut être diffuse. La dou-leur est constante mais les gonfle-ments sont habituellement moins marqués que dans la polyarthrite rhumatoïde. Par contre, une com-posante locale érythémateuse est

classique ainsi qu’un dérouillage matinal. Classiquement, les arth-rites du lupus sont non défor-mantes et non érosives.

Des tendinites (environ 10 % selon les séries), ténosynovites voire exceptionnellement des ruptures tendineuses ont été rapportées. Les tendons d’Achille, péri-patellaires et des mains semblent les plus ex-

posés mais des épicondylites et fas-ciites plantaires sont aussi rappor-tées. Il est parfois difficile de savoir si cette atteinte est réellement liée à une poussée inflammatoire de la maladie ou à des phénomènes liés par exemple aux corticothérapies qui sont parfois données à fortes doses dans cette affection et il faut toujours évoquer également le risque infectieux (1).

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

2 Atteintes ostéo-articulairesQuelles particularités dans le lupus ?

Quels traitements ?

n Les arthrites sont une manifestation classique du lupus systémique, faisant partie tant des cri-

tères de classification de la maladie que des critères d’activité. Toutes les articulations peuvent

être touchées même si les mains et les genoux sont les atteintes électives. Les structures

tendineuses péri-articulaires peuvent également être le siège d’une inflammation. Les ostéoné-

croses peuvent également être source de douleurs articulaires et de handicap locomoteur. Les

traitements sont basés sur des stratégies anti-inflammatoires et immunosuppressives.

� Pr Yannick Allanore*

*Université Paris Descartes, Hôpital Cochin (Rhumatologie A) et INSERM U1016, Paris

Figure 1 - Polyarthrite distale bilatérale et symétrique avec réaction érythémateuse.

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Les déFormationsAlors que les atteintes articulaires sont habituellement non érosives au cours du lupus, il est toutefois classique de pouvoir observer des déformations articulaires des mains sous la forme de mains de Jaccoud, qui résultent d’une laxité capsulaire et ligamentaire avec sub-luxation articulaire (2) (Fig. 2 et 3). L’évolution est classique-ment lentement progressive. Les lésions peuvent impliquer des dé-viations ulnaires mais aussi des cols de cygne et des pouces en Z. La prin-cipale particularité sémiologique est la réductibilité de la déformation ce qui l’oppose au coup de vent cubi-tal de la polyarthrite rhumatoïde. L’atteinte est également décrite aux pieds. La fréquence serait de l’ordre de 5  % selon les séries et certains travaux ont suggéré une fréquence plus élevée en cas de syndrome de chevauchement et en présence des anticorps anti-RNP, mais aussi de syndrome de Sjögren associé et également une prévalence qui aug-mente avec la durée de la maladie.

erosions et positivité des anti-ccpCertains patients développent toutefois des érosions et le terme “rhupus” a été proposé pour les malades qui répondraient aux définitions à la fois de lupus systé-mique et de polyarthrite rhuma-toïde (2). La présentation articu-laire avec des synovites marquées (clinique ou en imagerie) et des déformations est au premier plan ; habituellement, il y a moins de complications systémiques du lupus, donc moins d’atteinte ré-nale. Un autre trait distinctif est l’existence habituelle d’un syn-drome inflammatoire biologique incluant une CRP élevée, ce qui est inhabituel au cours du lupus classique. Sur le plan immuno-logique, la présence des auto-

anticorps anti-CCP est un autre élément de différenciation et une positivité doit guider vers une analyse articulaire détaillée. Les tests immunologiques classiques qui permettent de détecter les anti-CCP sont basés notamment sur une réactivité anti-citrulline mais il existe des anti-CCP qui n’ont pas cette dépendance. Une série de 335 malades lupiques a permis de montrer que 17  % étaient positifs pour les anti-CCP. Toutefois, les formes avec

déformations ou érosions étaient associées à des titres plus élevés des anti-CCP “classiques” ou à des anti-CCP ayant une dépen-dance antigénique vis-à-vis de la citrulline alors que les malades lupiques sans atteinte “structu-rale” avaient plutôt des anti-CCP indépendants de la citrulline. Ce type de tests déjà développés par exemple dans les hépatites auto-immunes pourraient aider à iden-tifier précocement les malades à risque structural.

Figure 2 - Aspect de mains de Jaccoud.

Figure 3 - Aspect de main de Jaccoud à gauche sans lésion structurale et aspect de

coup de vent cubital avec érosions multiples dans le cadre d’une polyarthrite rhuma-

toïde à droite.

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intérêt de L’échographie et de L’irm dans L’évaLuationL’échographie, comme dans la poly-arthrite rhumatoïde, apporte beau-coup pour apprécier finement l’état articulaire et péri-articulaire. Une série récente à partir de 108 malades consécutifs a montré : 42/108 (39 %) atteintes articulaires et 44/108 (41  %) atteintes tendineuses (les 2  concomitantes, 22/108  ; 20  %) (5). Le sous-groupe de 8 malades avec Rhupus, avait, comme attendu, beaucoup de lésions inflammatoires (87 %) et d’érosions (87 %), alors que les malades avec déformations de type Jaccoud (n = 6) avaient moins fréquemment des signes inflamma-toires (50  %) et d’érosions (17  %), et étaient proches des malades qui ne correspondaient à aucun de ces 2 sous-types (n = 94 ; 37 % avec si-gnaux inflammatoires et 21 % d’éro-sions). Ces résultats confortent la classification entre forme érosive de type Rhupus, forme déformante de type Jaccoud et forme ne répondant pas à ces 2 sous-types. Le Doppler était plus souvent positif chez les malades classés actifs selon le score d’activité BILAG et le signal était plus marqué sur les articulations que sur les tendons. Quelques tra-vaux en IRM tendent à conforter ces données avec l’observation plutôt de capsulite et de ténosynovite œdé-mateuse au cours du Jaccoud mais sans érosion osseuse (6). Les cas avec érosions étaient plutôt associés à d’authentiques synovites évoca-trices de Rhupus.

existence d’une sacro-iLiite Lupique ?Quelques travaux ont suggéré qu’une sacro-iliite pourrait être associée au lupus. Des données plus récentes tendent à infirmer cette hypothèse. Par exemple, dans une série non-contrôlée de 192 malades (89 % de femmes, âge moyen de 36 ans et durée moyenne

de la maladie de 10 ans), si 10 % disaient souffrir de rachialgies d’al-lure inflammatoire, une sacro-iliite de grade III ou plus était observée chez 6 % des cas (IC 95 % : 3-9 %) et des signes d’ostéite pubienne chez 6 % (IC 95 % : 3-10 %) (7). Le carac-tère non contrôlé ne permet pas de trancher mais ces données tendent à écarter une composante axiale inflammatoire au cours du lupus systémique.

queL traitement adopter ?Le traitement des atteintes arti-culaires a pour but principal de diminuer les douleurs, l’inflam-mation, de préserver la fonction locomotrice et ainsi la qualité de vie. L’absence de lésions struc-turales dans la grande majorité des cas conduit à une approche diffé-rente de celle appliquée dans la polyarthrite rhumatoïde.

❚ antalgiques et anti-inflammatoiresAinsi les antalgiques, anti-inflam-matoires non stéroïdiens et gestes locaux par infiltration de corti-coïdes sont privilégiés.

❚ corticoïdesDans les formes récidivantes, il est classique d’utiliser de faibles doses de corticoïdes (≤ 10 mg/j d’équiva-lent prednisone) si possible tem-porairement (8).

❚ hydroxychloroquineDans ces dernières formes, un traitement de fond est en général institué et il est basé en premier lieu sur l’hydroxychloroquine qui est assez efficace sur l’atteinte arti-culaire et très efficace sur les ma-nifestations cutanées qui peuvent être concomitantes.

❚ méthotrexate et immunosuppresseursDans les cas avec arthralgies ou

arthrites marquées, récidivantes, justifiant des traitements anti-inflammatoires rapprochés, le méthotrexate est une option qui a démontré son efficacité pour réduire le nombre de poussées et l’utilisation des corticoïdes (9). Les autres immunosuppresseurs tels le mycophénolate mofétyl ou l’azathioprine semblent avoir une efficacité articulaire mais sont utilisés dans cette indication pour d’autres complications. Le rituximab n’a pas montré son efficacité dans des essais randomi-sés évaluant des cas de lupus avec ou sans atteinte rénale (10) ce qui contraste avec les nombreuses sé-ries ouvertes, mais limite actuelle-ment son utilisation. L’abatacept a été étudié dans le lupus non rénal mais n’a pas démontré son effica-cité et exposait à certains effets in-désirables  ; il faut toutefois noter que le sous-groupe avec arthrite tendait à s’améliorer en analyse secondaire (11). Le bélimumab quant à lui a obtenu récemment une indication avec rembourse-ment dans le lupus actif avec auto-anticorps positifs. Le sous-groupe ayant une meilleure réponse reste toutefois à définir et l’effet sur les scores musculo-squelettiques in-clus dans l’analyse globale n’était positif que sur certains indices, sans démonstration franche et univoque d’efficacité (12).

Atteintes osseusesLe tissu osseux peut être touché au cours du lupus, principalement sous la forme d’ostéonécroses mais également d’une ostéopathie fragilisante.

ostéonécrosesLes ostéonécroses touchent sur-tout les pièces osseuses épiphy-saires des fémurs et des humérus (Fig. 4) avec des atteintes des têtes

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fémorales et humérales mais aussi des condyles fémoraux et humé-raux, des plateaux tibiaux, des os du carpe (Fig. 5), voire de l’astragale. Elles peuvent être asymptoma-tiques, découvertes systématique-ment lors d’une IRM faite parfois pour une autre raison. Sinon, elles engendrent une douleur essen-tiellement articulaire en raison de leur localisation. La douleur est souvent aiguë, d’aggravation rapide et plutôt mécanique, un retard diagnostique de quelques mois est classique. Les fréquences varient beaucoup entre les séries mais les formes symptomatiques semblent de l’ordre de 10  % dans les cohortes les plus grandes. Une étude en IRM systématique de formes sévères toutes traitées par corticoïdes à fortes doses a mon-tré des nécroses chez 32 malades (44 %), avec une distribution sou-vent multifocale et une prédomi-nance aux genoux (13). Une étude nationale au Japon a permis de recenser 1 502 cas de nécrose des têtes fémorales : une corticothéra-pie générale (51 %) et l’alcoolisme (31 %) étaient les 2 facteurs les plus associés. Le lupus était cependant la maladie la plus associée parmi les cas liés à une corticothérapie  : 31  % des cas, viennent ensuite le syndrome néphrotique (6  %), les myopathies inflammatoires, le purpura thrombopénique idiopa-thique, l’asthme, les maladies in-flammatoires ophtalmologiques  ; la polyarthrite rhumatoïde était rare (1 %) (14).

des Formes pédiatriques pLus à risqueLa forme pédiatrique a été iden-tifiée par certains comme très à risque. Une étude prospective de 302 malades avec rhumatismes inflammatoires (dont 173 avec lupus) recevant une corticothéra-pie a porté sur un suivi en IRM des

hanches et genoux à 1 an. L’inci-dence est plus élevée au cours du lupus en comparaison des autres maladies (37 vs 21  %, P = 0,001). Les adolescents et adultes ainsi que les hommes avaient un risque plus élevé, de même que les ma-lades recevant une dose de plus de 40 mg/j (15). Une étude de préva-lence en IRM portant sur 169 ma-lades, tous traités par corticoïdes, a montré des signes de nécrose en imagerie sur 260 des 676 articula-tions (38  %). En stratifiant selon l’âge et séparant les groupes pé-diatriques (< 15 ans), adolescents (15-20 ans) et adultes (> 20 ans), les prévalences étaient respective-

ment de 6 %, 49 % et 41 % des arti-culations (16).

Des cas sont rapportés en dehors de toute corticothérapie. Globa-lement, des atteintes vasculaires, des perturbations lipidiques, de l’hémostase, une thrombophilie avec ou sans anti-phospholipides semblent être des situations aug-mentant le risque. Cependant, ces situations reflètent souvent une activité forte de la maladie qui peut alors appeler une corticothé-rapie, et il est ainsi difficile de faire la part des choses entre activité de la maladie, facteurs de risque et corticothérapie.

Figure 4 - ostéonécroses évoluées des têtes fémorales et humérales conduisant à des

arthroplasties.

Figures 5 - ostéonécrose du semi-lunaire.

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des traitements préventiFs possibLes ?Aucun traitement préventif n’a démontré son efficacité, les bis-phosphonates et les anti-coa-gulants ont fait l’objet d’études préliminaires. Une fois la nécrose identifiée, une mise en décharge est recommandée pour limiter les contraintes mécaniques et essayer de préserver les surfaces articu-laires. Des antalgiques simples sont en général suffisants. Des stratégies de traitement local avec forage et plus ou moins injections de moelle osseuse ou ostéo-induc-teurs ont été rapportées sans dé-monstration à ce jour. Les formes évoluées conduisent à des arthro-plasties (Fig. 4) discutées selon le handicap, sans pronostic différent des arthroplasties réalisées dans d’autres contextes.

Quelques travaux ont rapporté un sur-risque d’ostéoporose, parfois

fracturaire. Plusieurs facteurs de risque ont été objectivés ou sont suspectés  : la corticothérapie, la carence en vitamine D possible-ment favorisée par les précautions vis-à-vis du soleil, la réduction d’activité physique, la ménopause précoce induite par certains im-munosuppresseurs, l’inflamma-tion chronique et les atteintes d’organe signant une maladie sévère (17). Il n’y a pas de recom-mandations spécifiques concer-nant les traitements préventifs et curatifs mais l’âge et le statut hor-monal seront des éléments clés à prendre en compte pour toute décision thérapeutique.

conclusionLes atteintes articulaires sont fré-quentes au cours du lupus. Elles s’expriment souvent en cas de poussées générales de la maladie. Il faudra précisément évaluer les

manifestations concomitantes pour décider du traitement car il faut toujours viser une la dose la plus juste de corticoïdes et ce trai-tement par voie générale doit être limité dans les formes purement cutanéo-articulaires. Des traite-ments épargneurs en corticoïdes sont également disponibles. Les corticoïdes sont aussi impliqués dans le risque osseux dont les os-téonécroses des têtes fémorales ou humérales sont l’expression classique. n

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articulaires, traitements