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était que plus aisée, les jésuites traînant toujours derrière eux leur légende noire 8 . Dans quelle mesure l’éducation dans ce collège allait-elle nourrir sinon fonder le séparatisme libanais et le particularisme des chrétiens? La réponse n’est pas aisée d’autant plus que la question de l’instruction à l’européenne que dispensaient les écoles étrangères en terre d’Orient s’inscrit dans le cadre d’une querelle plus large entre authenticité (asala) et modernité (hadatha), entre tradition et occidentalisation (tafarnuj), entre irrédentisme national et interventionnisme européen, une querelle dont l’issue est toujours incertaine dans le monde islamo-arabe. La prise du pouvoir et les trophées La France s’installe au Liban à la fin de la Première Guerre mondiale. Divine surprise ou non, la puissance mandataire trouve dans la population libanaise ce qu’elle n’avait pas trouvé dans les autres régions de son Empire, à savoir les cadres qu’il faut pour la conduite des affaires. Ces cadres s’expriment en français, sont imprégnés de la culture du Mandataire et s’offrent à collaborer avec “l’occupant” étranger, à l’opposé de ce qui fut généralement le cas des élites syriennes et plus générale- ment musulmanes. Les autorités du Mandat n’avaient qu’à puiser dans ces contingents formés pendant des années dans l’adulation de la France. Mais c’est le Collège Secondaire qui allait emporter la palme d’or; les anciens des pères jésuites allaient rafler la mise, du moins au niveau des hautes sphères de la politique, et ce jusqu’à l’aube de l’indépendance. La Constitution est promulguée en 1926; sur les sept personnages qui se sont succédé à la tête de l’état libanais jusqu’en 1952, six sont des anciens du Collège Secondaire: 1 Charles Debbas, grec-orthodoxe, élève de 1894 à 1899, président de la République de 1926 à 1934. Il fut également président de l’Assemblée Nationale en 1934. 2 Habib al-Saad, maronite, élève de 1875 à 1877, président de la République de 1934 à 1936. Il fut président de l’Assemblée Nationale (1922-3) et président du Conseil (1928-9). 3 Emile Eddé, maronite, élève de 1892 à 1902, président de la République de 1936 à 1941. Il fut président de l’Assemblée Nationale (1924-5) et président du Conseil (1929-30). 4 Alfred Naccache, maronite, élève de 1895 à 1904, chef de l’état puis président de la République (1941-1943). 5 Petro Trad, grec-orthodoxe, élève de 1890 à 1894, chef de l’état 63 ARCHAEOLOGY & HISTORY IN THE LEBANON ISSUE TWENTY TWO: AUTUMN 2005, PP . 62-83. Jamal pacha, gouverneur de la Syrie pendant la première guerre mondi- ale, fulmine, dans un ouvrage publié en 1916, contre Yessouiyé 2 (sic), une des «écoles de Beyrouth qui a le plus contribué à effacer le sentiment d’attachement à la patrie chez les habitants de cette ville» et où «la prin- cipale tâche des professeurs est de détourner l’esprit des élèves en leur inculquant des idées hostiles au gouvernement ottoman» 3 . Dans sa dia- tribe, le pacha ottoman nous rapporte les faits suivants: «Au cours de sa leçon du jour, le professeur parla de la guerre de Morée entre l’Empire Ottoman et la Grèce; après avoir raconté l’épisode de Navarin où furent coulées les flottes turque et égyptienne, le professeur ordonna aux élèves d’acclamer cet événement historique et leur fit répéter à trois reprises leurs applaudissements» 4 . Plus tard sous le Mandat Français comme dans le Liban indépendant, Antun Sa’ada, fondateur et za’im du Parti Populaire Syrien, se révèle tout aussi virulent dans sa critique de l’éducation dans les écoles congréga- nistes françaises que dans sa condamnation de l’action des jésuites dans le pays; pour lui l’instruction donnée dans ces collèges formait des agents de l’impérialisme français, créant ainsi un «parti de l’étranger», adepte d’un Liban détaché de l’hinterland et hostile à la renaissance syrienne 5 . Dès la fin des années quarante, l’American University of Beirut passait pour être la citadelle de l’arabisme alors que les institutions éducatives des jésuites étaient considérés comme le bastion du nationalisme libanais autrement dit de l’«exception chrétienne» et de l’ «isolationnisme maronite» 6 . C’est probablement à ces générations acculturées qu’une femme de lettres comme Salma Sa’igh pensait en disant que les orientaux connaissaient mieux l’histoire et la géographie des pays d’Europe que ceux de leur propre pays 7 . Dans quelles sortes d’établissements étaient donc formées ces «généra- tions perdues»? Quels étaient donc ces collèges qui constituaient un foyer d’aliénation pour les jeunes et qui mettaient sur pied les «cinquièmes colonnes» au service des intérêts étrangers? Le Collège Secondaire de l’Université Saint-Joseph est l’une de ces écoles congréganistes françaises (Lazaristes, Frères des écoles chrétiennes etc., pour ne citer que les congrégations masculines) qui ont été prises à par- tie par les courants d’opinion prônant l’unité arabe ou syrienne, comme par les divers courants laïcistes. Ce collège, le plus prestigieux, puisque tenu par les jésuites, et dont la continuité était assurée au niveau universi- taire par l’établissement des facultés, était le point de mire de tous les pourfendeurs de l’impérialisme français et de ses suppôts. La tâche n’en H YOUSSEF HAMID MOUAWAD L’ENFANCE DES CHEFS: L’EDUCATION AU COLLEGE SECONDAIRE DES PERES JESUITES A BEYROUTH (1875-1914) Le Collège Notre- Dame de Jamhour n’est pas une école laïque. Il n’est pas “neutre”. 1

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était que plus aisée, les jésuites traînant toujours derrière eux leur légendenoire 8.

Dans quelle mesure l’éducation dans ce collège allait-elle nourrir sinonfonder le séparatisme libanais et le particularisme des chrétiens? Laréponse n’est pas aisée d’autant plus que la question de l’instruction àl’européenne que dispensaient les écoles étrangères en terre d’Orients’inscrit dans le cadre d’une querelle plus large entre authenticité (asala)et modernité (hadatha), entre tradition et occidentalisation (tafarnuj),entre irrédentisme national et interventionnisme européen, une querelledont l’issue est toujours incertaine dans le monde islamo-arabe.

La prise du pouvoir et les trophées

La France s’installe au Liban à la fin de la Première Guerre mondiale. Divinesurprise ou non, la puissance mandataire trouve dans la populationlibanaise ce qu’elle n’avait pas trouvé dans les autres régions de sonEmpire, à savoir les cadres qu’il faut pour la conduite des affaires. Cescadres s’expriment en français, sont imprégnés de la culture duMandataire et s’offrent à collaborer avec “l’occupant” étranger, à l’opposéde ce qui fut généralement le cas des élites syriennes et plus générale-ment musulmanes. Les autorités du Mandat n’avaient qu’à puiser dans cescontingents formés pendant des années dans l’adulation de la France.Mais c’est le Collège Secondaire qui allait emporter la palme d’or; lesanciens des pères jésuites allaient rafler la mise, du moins au niveau deshautes sphères de la politique, et ce jusqu’à l’aube de l’indépendance.La Constitution est promulguée en 1926; sur les sept personnages qui sesont succédé à la tête de l’état libanais jusqu’en 1952, six sont desanciens du Collège Secondaire:

1 Charles Debbas, grec-orthodoxe, élève de 1894 à 1899, présidentde la République de 1926 à 1934. Il fut également président de l’Assemblée Nationale en 1934.

2 Habib al-Saad, maronite, élève de 1875 à 1877, président de la République de 1934 à 1936. Il fut président de l’Assemblée Nationale (1922-3) et président du Conseil (1928-9).

3 Emile Eddé, maronite, élève de 1892 à 1902, président de la République de 1936 à 1941. Il fut président de l’Assemblée Nationale (1924-5) et président du Conseil (1929-30).

4 Alfred Naccache, maronite, élève de 1895 à 1904, chef de l’état puis président de la République (1941-1943).

5 Petro Trad, grec-orthodoxe, élève de 1890 à 1894, chef de l’état

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ARCHAEOLOGY & HISTORY IN THE

LEBANON ISSUE TWENTY TWO:AUTUMN 2005, PP. 62-83.

Jamal pacha, gouverneur de la Syrie pendant la première guerre mondi-ale, fulmine, dans un ouvrage publié en 1916, contre Yessouiyé 2 (sic),une des «écoles de Beyrouth qui a le plus contribué à effacer le sentimentd’attachement à la patrie chez les habitants de cette ville» et où «la prin-cipale tâche des professeurs est de détourner l’esprit des élèves en leurinculquant des idées hostiles au gouvernement ottoman»3. Dans sa dia-tribe, le pacha ottoman nous rapporte les faits suivants: «Au cours de saleçon du jour, le professeur parla de la guerre de Morée entre l’EmpireOttoman et la Grèce; après avoir raconté l’épisode de Navarin où furentcoulées les flottes turque et égyptienne, le professeur ordonna aux élèvesd’acclamer cet événement historique et leur fit répéter à trois reprisesleurs applaudissements»4.

Plus tard sous le Mandat Français comme dans le Liban indépendant,Antun Sa’ada, fondateur et za’im du Parti Populaire Syrien, se révèle toutaussi virulent dans sa critique de l’éducation dans les écoles congréga-nistes françaises que dans sa condamnation de l’action des jésuites dansle pays; pour lui l’instruction donnée dans ces collèges formait des agentsde l’impérialisme français, créant ainsi un «parti de l’étranger», adepted’un Liban détaché de l’hinterland et hostile à la renaissance syrienne 5.Dès la fin des années quarante, l’American University of Beirut passait pourêtre la citadelle de l’arabisme alors que les institutions éducatives desjésuites étaient considérés comme le bastion du nationalisme libanaisautrement dit de l’«exception chrétienne» et de l’ «isolationnismemaronite»6. C’est probablement à ces générations acculturées qu’unefemme de lettres comme Salma Sa’igh pensait en disant que les orientauxconnaissaient mieux l’histoire et la géographie des pays d’Europe queceux de leur propre pays 7.

Dans quelles sortes d’établissements étaient donc formées ces «généra-tions perdues»? Quels étaient donc ces collèges qui constituaient unfoyer d’aliénation pour les jeunes et qui mettaient sur pied les«cinquièmes colonnes» au service des intérêts étrangers?

Le Collège Secondaire de l’Université Saint-Joseph est l’une de ces écolescongréganistes françaises (Lazaristes, Frères des écoles chrétiennes etc.,pour ne citer que les congrégations masculines) qui ont été prises à par-tie par les courants d’opinion prônant l’unité arabe ou syrienne, commepar les divers courants laïcistes. Ce collège, le plus prestigieux, puisquetenu par les jésuites, et dont la continuité était assurée au niveau universi-taire par l’établissement des facultés, était le point de mire de tous lespourfendeurs de l’impérialisme français et de ses suppôts. La tâche n’en

H YOUSSEF HAMIDMOUAWAD

L’ENFANCE DES CHEFS:L’EDUCATION AU COLLEGE SECONDAIRE DES PERES JESUITESA BEYROUTH (1875-1914)

Le CollègeNotre- Dame de Jamhourn’est pas uneécole laïque. Iln’est pas “neutre”. 1

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la diversité des communautés libanaises d’aujourd’hui. Ainsi, pour l’annéescolaire 1904-1905 et de la classe de huitième à la classe de Philosophieen passant par les classes d’Humanités et de Rhétorique, on compte 465élèves dont 196 maronites, 77 grecs-catholiques, 83 grecs-orthodoxes,23 musulmans, 2 druzes et 18 juifs, etc. Les Maronites et les Grecs-catholiques, qui rassemblaient l’essentiel des scolarisés appartenant auxcommunautés uniates, faisaient à eux seuls 58 à 59% pour cent del’ensemble des élèves. C’était le gros des troupes que ces jeunes gensdont la formation était l’objectif primordial, même si non-déclaré, d’unordre jésuite dont le zèle tridentin et missionnaire n’avait certainementpas reculé tout au long des siècles.

Une journée de Yusuf al-Sawda12

Les jésuites ne se sont pas installés en Orient ni ailleurs, pour rendreuniquement des services éducatifs ou caritatifs. Ils sont arrivés en mission-naires pour propager ou réaffirmer leur foi chrétienne. Au bout de sonenquête, Maurice Barrès nous le confirme en ces termes: «Le prêtrecatholique n’est pas en Orient pour enseigner la langue française. Cetenseignement est le moyen et non le but. Le prêtre est en Orient pour fairel’union des Eglises …»13. Il va jouir en l’espèce du «double prestige duprêtre et de l’éducateur»14. Un coup d’œil sur l’ordre général des exerci-ces des pensionnaires nous confirme que la vie quotidienne se passaitsous le signe de la dévotion et que les prières rythmaient le cours de lajournée:«5h Lever5h.20 Prière, Lecture de piété.5h.40 Etude.7h. Déjeuner, Récréation.7h1/2 Sainte Messe, pendant laquelle on récite deux dizaines de

chapelet.8h. Classe.10h1/2 Récréation.10h 45 Etude - Classe pour les cours accessoires, le lundi et le vendredi.12h. Dîner, Récréation.1h.1/2 Etude.2h. Classe arabe ou anglaise.3h1/2 Récréation.3h3/4 Classe Française (Mathématiques ou Histoire et Géographie.)4h1/2 goûter, Récréation5h Chapelet. Lecture spirituelle. (Cette lecture est omise les jours ou

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en 1943. Il fut deux fois président de l’Assemblée nationale dansles années trente.

6 Bishara al-Khuri, maronite, élève de 1902 à 1909, président de 1943 à 1952. Il fut trois fois président du Conseil dans les annéesvingt.

Et qui plus est, la vie politique libanaise allait se jouer dans les annéestrente et quarante entre les deux pôles que constituaient deux fortes per-sonnalités ci-dessus citées, à savoir, Bishara al-Khuri et sa Kutla al-Dusturiyya (plus tard, al-hizb al-dusturi) d’une part, et d’autre part, EmileEddé et sa Kutla al-Wataniyya.

Un autre trophée: la photo du premier cabinet de la Première Républiqueen 192610 où cinq personnages sur huit, dont le président de laRépublique et le président du Conseil, sont des anciens du Collège 11.Faut-il ajouter que le Collège Secondaire abrita trois autres présidents duConseil, à savoir un chrétien Auguste Adib, et deux sunnites Ryad al-Solhet Abdalla al-Yafi? Dans la liste des anciens, on peut également citerSubhy Barakat, chef d’Etat syrien, et Ahmad Ziwar pasha président duconseil égyptien. Last but not least, des anciens du collège se sacrifièrentpour un Liban libéré de la tutelle ottomane: Yusuf al-Hani, Farid et Philippeal-Khazin finirent sur le gibet lors du premier conflit mondial en raison deleurs accointances françaises.

La première période du Mandat fut tellement marquée par le Collègequ’en 1929 le parlement libanais suspendait, en signe de deuil, sa séancependant cinq minutes lors des obsèques du père Louis Cattin s.j; l’élogefunéraire du défunt fut prononcé en présence du président de laRépublique qu’était Charles Debbas, un ancien cité plus haut.

L’appartenance confessionnelle des élèves

Qui fréquentait le Collège Secondaire entre 1875 et 1914? Il y avait desFrançais ou plus généralement des Européens, fils d’expatriés. Il y avaitégalement des levantins, fils de ces frangi qui s’étaient installés depuisplusieurs générations en Orient : les Catafago, les Camilleri, les Catzeflis,les Abela etc; c’était, si l’on veut, une catégorie intermédiaire qui faisait lelien entre un Occident démiurgique11 et un monde arabe se ressaisissantou sortant de sa léthargie. Le Collège recevait également des Alépins, desDamascains, des élèves originaires de Mésopotamie, des Turcs, desEgyptiens… Mais la majorité était constituée de jeunes du Mont-Liban etde la wilaya de Beyrouth. On retrouvait dans ce collège catholique toute

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du temps au collège de Beyrouth, il ne semble pas que la formationphysique ait grandement concerné les responsables. Certes, les pension-naires avaient droit à cinq récréations par jour, mais elles étaient très cour-tes, deux d’entre elles étaient fixées à quinze minutes. Après tout, nousne sommes pas dans une public school anglaise. Aussi faut-il se résoudreà admettre que l’attention des pères se portait essentiellement sur lesétudes et sur la formation chrétienne.

Le français, langue privilégiée et langue des privilégiés

Le Collège Secondaire assurait une formation en français; mais est-ce àdire que l’enseignement de l’arabe y était négligé? Ce n’était pas exacte-ment cela, mais les préjugés sont tenaces, et au fait, toutes les écoles con-gréganistes françaises (celle des Lazaristes à Antoura comme celles desFrères des Ecoles Chrétiennes à Tripoli et à Beyrouth) ont pâti de cetteréputation; elles ont toujours été considérées comme privilégiant l’en-seignement du français et dénigrant l’arabe, cette langue d’indigènes quine pouvait ouvrir la voir du progrès. Certes, dans certaines congrégationsféminines, l’enseignement de l’arabe était à peine reconnu. Etre recalé enarabe était sujet de plaisanterie; on pouvait s’en gausser ou s’en vanter carcela ne portait pas à conséquence. Maud Fargeallah, élève des Sœurs deBesançon à Beyrouth, raconte qu’au lendemain du premier conflit mon-dial, son école n’accordait à l’enseignement de l’arabe qu’une demi-heure par semaine19. Vital Cuinet constate qu’à la fin du XIXème siècledans les écoles primaires dirigées par la «Société de Jésus» à Saida etdans ses environs, «le programme est le même que celui des écoles pri-maires de France, plus les langues arabe et turque»20.Il est évident que l’intérêt qu’on prêtait à l’arabe n’égalait pas celui qu’onportait au français, langue exclusive d’éducation. Pour l’enseignement del’arabe, le Collège Secondaire ne pouvait soutenir la comparaison avec leCollège de la Sagesse (Madrasat al-Hikma); cet établissement dépendantde l’Archevêché maronite de Beyrouth, s’était révélé une véritablepépinière d’écrivains et d’orateurs d’expression arabe et s’en orgueillissaità juste titre. D’où la question de savoir si la langue arabe était enseignée chez lespères jésuites comme une simple langue étrangère? Voici ce qu’en ditune brochure présentant le Collège: «Les élèves ont le choix entre cesdeux langues (l’arabe et l’anglais). L’enseignement de l’arabe, langue dupays, occupe, comme le français, une place à part. Il est donné en arabe,sous la direction d’un préfet des études spéciales. Il se propose de for-mer des jeunes gens capables de s’exprimer et d’écrire avec élégance encette langue»21. Ainsi l’enseignement de l’arabe était donné en arabe. Cela

Rev. and Mrs. EliSmith; Rev. and Mrs.J. L. Lyons; H. H.Jessup, 1910, Fifty-Three Years in Syria,London & Edinburgh

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il y a Salut, Sermon ou Confessions.)5h.20 Etude.7h1/2 Souper, Prière, Coucher. (Après la prière du soir Etude jusqu’à 9 h.

pour les élèves de la 1re division qui ont obtenu une permission spéciale) – Depuis le 1erJuin le soir à 7h, Récréation. – 7h.?, Souper»15.

Les cours démarraient début octobre et s’achevaient à la mi-juillet. A partles jeudis et les dimanches où la rigueur du programme était quelque peuatténuée (calligraphie, dessin) et les cinq jours de congé à Pâques, il fautavouer que le régime était contraignant. Il tendait à former les scolarisés.Dès la messe du matin, le claquoir rappelait la discipline qu’il fallait s’im-poser tout au long de la journée. Chaque classe commençait par un Ave.Tous les élèves chrétiens étaient astreints à la règle, à quelque commu-nauté qu’ils appartinssent (catholiques, orthodoxes, protestants etc.).Seuls les musulmans et les juifs en étaient dispensés; pendant les offices,ces derniers se retrouvaient dans une salle d’étude, que leurs camaradeschrétiens appelaient ironiquement «la mosquée». Cette dispense ne sem-ble pas avoir toujours été accordée dans le collège des Lazaristes àAntoura16. Il n’en reste pas moins que tous les élèves, sans exception,assistaient à la classe de catéchisme, pratique qui s’est perpétuée jusqu’àdernièrement dans certaines écoles religieuses du Liban. Pour Fernand Butel17, ancien d’un collège breton, les méthodes d’éduca-tion jésuite s’appliquaient à trois niveaux; elles prenaient en charge lecorps (la formation physique, les activités ludiques), l’esprit (la formationintellectuelle) et le cœur (la formation religieuse et morale) 18.Vu l’emploi

Imprimerie del'Université Saint-Joseph de Beyrouth,P. Chopin, 1901,France et Syrie, sou-venirs de Ghazir et deBeyrouth, Tours.

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Or gardons à l’esprit qu’une langue ne peut être neutre ; elle véhicule uneculture, une idéologie, des schèmes propres, des structures mentales,une mémoire collective. Une langue plaide pour un espace culturelexclusif; elle est nécessairement hégémonique. Cela vaut pour l’arabecomme pour le français. Le Collège Secondaire n’était pas «neutre» quantau choix de la langue, pas plus que n’étaient neutres les conséquencesde ce choix.

Le recrutement social et le «moule» jésuite

La liste des élèves ayant fréquenté l’établissement entre 1875 et 1914 27

nous donne une idée de l’appartenance sociale des scolarisés. A côtédes fils des familles patriciennes comme celles des émirs Shihab etArslan, et des cheikhs Jumblatt et Khazin, ou des fils de la hautebougeoisie de Beyrouth comme les Trad, les Bustros et les Sursoq, il yavait des jeunes dont l’ascendance roturière ou plébéienne était évi-dente. Le Collège Secondaire était également l’expression d’un change-ment social, qu’illustrait l’ascension d’une nouvelle bourgeoisie qui, d’unegénération à l’autre, allait s’affirmant. De jeunes Rastignac en perspectivequi allaient évoluer pour la plupart dans un Beyrouth en pleine mutation 28.

Cependant nous sommes au Liban où, comme partout ailleurs au MoyenOrient, le lien clanique, les loyautés verticales et les passe-droits préva-lent. Dans cette région du monde, nous n’avons pas affaire à une sociétéde citoyens mais à une «société de cousins»29. L’Etat y est encore faible ousymbolique et la vie de chaque particulier dépend des «solidarités col-lectives et de chefferies qui jouent le rôle de protection»30. Le dressagescolaire se doit de briser cette mentalité tribale qui peut transcenderjusqu’au lien confessionnel. D’où la nécessité d’instituer des «classesd’âges homogènes», et de mettre «entre parenthèses les liens familiaux etmême les inégalités sociales»; «compétition, surveillance constante etdélation encouragée» concourent pour briser la solidarité entre les élèveset «n’établir qu’un lien vertical entre chaque élève et le maître»31, cesmaîtres qu’étaient le recteur et les préfets des études.

La chose allait être d’autant plus aisée que «l’encadrement va se déroulerdans un lieu séparé et clos placé sous l’autorité exclusive d’une petiteéquipe cohérente de spécialistes adultes… une discipline totale et detous les instants… une pédagogie moderne, une efficacité des méthodes »32.Donc rupture profonde avec le monde extérieur, surtout pour lesinternes33. Même un élève aussi peu rebelle que Bishara al-Khuri n’hésitaitpas, à la fin de sa vie, à se plaindre du régime du pensionnat 34. Neuf mois

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peut sembler insolite mais c’était accorder à cette langue un statutsupérieur à l’anglais, par exemple, qui était enseigné en français. Parailleurs, il y avait cette institution abusive appelée «le signal», ce petitcarré de bois qu’un élève passait à son camarade, surtout pendant lesrécréations, s’il le surprenait en train de s’exprimer en arabe. C’était unemanière d’obliger les scolarisés à ne parler que le français, même durantles brèves périodes de relâche. Un élève en possession du petit carré debois devait s’en débarrasser à tout prix, en épiant ses camarades, quittemême à leur tendre des pièges, une sanction l’attendant autrement en finde journée ou de semaine. Dans les faits, l’arabe était banni de la conver-sation quotidienne.Hind al-Khazin nous apprend que son époux Farid, élève de 1878 à 1887,avait dû suivre des cours d’arabe dans une école de la montagnelibanaise à sa sortie du Collège Secondaire, son expression arabe étant sidéfectueuse qu’elle provoquait la risée générale 22. Anecdote, exagéra-tion, il y a certainement une part de vérité dans tout cela. Mais est-ce àdire qu’il y avait une volonté délibérée des Pères de négliger l’arabe etd’en détourner leurs élèves? Dans ses mémoires, le président Bishara al-Khuri n’avait pas manqué de soulever cette question que se posaient biendes esprits. Pour lui, l’éducation jésuite ne sous-estimait guère la languedu pays. Certes, dit-il, l’attention qu’elle portait au français dépassait cellequ’elle portait à l’arabe; cependant il s’empresse d’ajouter que si jamaisles Pères décelaient l’intérêt pour l’arabe chez un élève, ils mettaient touten œuvre pour développer ses talents, ce qui a été vrai dans son proprecas23. D’ailleurs, pour l’arabe comme pour le français, s’étaient constituéesau collège des «académies de grammaire et de littérature», qui réunis-saient les meilleurs élèves des classes supérieures24. Michel al-Khuri, fils duprésident Bishara al-Khuri et lui-même ancien du collège, a résumé la si-tuation en disant que si les élèves étaient généralement mauvais en arabe,c’est qu’ils ne faisaient pas l’effort qui s’imposait; et que si son père étaitdevenu un maître de cette langue, c’est qu’il l’a bien voulu 25. Bref, lamaîtrise de la langue arabe n’était pas le souci majeur des scolarisés ducollège, mais il serait injuste de mettre la seule faute sur les élèves,appâtés qu’ils étaient par la distinction que pouvait procurer une langueétrangère ou saisis par un certain snobisme. On peut légitimement con-sidérer que les maîtres étaient censés corriger le manque de discerne-ment des jeunes dont ils avaient la responsabilité. Le président CharlesHélou, élève de 1919 à 1929, nous rapporte que si les études d’arabeétaient généralement médiocres, c’est que «l’atmosphère générale étaiten faveur du français»26 Quand les élèves se désintéressaient de l’arabe,les Pères ne devaient pas intervenir avec la même rigueur et la même vi-gilance que s’il s’était agi du français ou, plus simplement, de moralité.

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Au delà des limites tracées par les maîtres, l’esprit des élèves ne s’aven-turait pas, d’où la réaction d’un contrôleur officiel français qui parlait debourrage de crâne plutôt que d’ouverture d’esprit dans les établisse-ments congréganistes41. Imitation, mimétisme42. A ces jeunes indigènes,les Pères proposaient une rupture avec leur propre milieu, à travers uneformation rationalisée qui allait les conditionner. Personnages modèles oumodèles d’écriture. Arrivé au terme de ses études, le futur présidentBishara al-Khuri se vit offrir par le père Cattin «l’Imitation de Jésus Christ»,ouvrage qu’il gardera sur lui sa vie durant 43.

Ceux qui voulaient réussir devaient en quelque sorte «plaire» et coller aumodèle proposé, à l’image que l’on attendait d’eux. Une surveillanceomniprésente incarnée par une autorité concrète ou diffuse maintenait latension. La vigilance était tout aussi assurée par la propre conscience dusujet, une conscience exacerbée par la pratique de la confession et autresexercices de piété comme les retraites spirituelles, qui laissaient l’individudans une situation de tension extrême qui pouvait confiner à l’obsession.Piété et assiduité: un univers qui se suffit à lui-même dans la règle de l’ef-fort soutenu. Un monde fermé certes mais autrement plus égalitaire etplus démocratique que le Mont-Liban des castes ou que le Beyrouth dela fortune et des belles manières importées. Et au bout le succès quicouronnait les efforts de ceux qui voulaient se faire une place au soleil etun nom. Bishara al-Khuri n’avait-il pas démarré sa carrière politique surrecommandation d’un père jésuite; c’est ainsi que le général Gouraud,Haut-Commissaire, le nomma en 1920 secrétaire général au gouvernementdu Mont-Liban44.

Le climat idéologique

En 1915, le père Delore s.j., qui avait consacré vingt trois ans à l’éducationdes Libanais, tenait ce discours à Lyon: «Notre France, c’est la France deClovis, de Charlemagne et de Saint-Louis; la France de Geneviève et deJeanne d’Arc; La France des zouaves pontificaux, du Pape. La France duSacré-cœur, de Paray-le-Monial et de Montmartre. Voilà la France, et cetteFrance est priante, agissante, plus vivante que jamais»45. Ces propos n’é-taient ni singuliers ni isolés. En effet, les jésuites du XIXème siècle s’affir-maient comme une «force de blocage, sinon de refoulement, un verrou,une milice vouée à la répression de l’esprit du temps, choisissant en finde compte Veuillot contre Lacordaire, les zouaves pontificaux contre leRisorgimento et le Syllabus contre les droits de l’homme»46. Les Pèresavaient partie liée avec la contre-révolution et œuvraient pour une restau-ration monarchique et catholique 47.

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et demi de collège par an; un lieu «sanctuarisé» où, d’après le règlement,«on est prié de n’apporter aux élèves ni livres ni comestibles»35 et où lesvisites aux élèves ont «lieu au parloir, tous les dimanches de 9h.30 à10h.25, ou bien de midi 40 à 1h.25»36. Au fait les élèves ne pouvaient êtreappelés qu’une seule de ces deux fois, et ces visites ne pouvaient se «prolonger ni pendant l’Etude, ni pendant la Promenade, et encore moinspendant la Classe»37.

C’est dans ce cadre que le dressage a lieu. Les élèves vont être façonnéssuivant un certain moule 38, du moins ceux qui restent car l’éliminationfauche dans les rangs des scolarisés, de même que retraits et abandonssont nombreux. Pas de place pour les récalcitrants; ils doivent se plier àla règle ou autrement plier bagage. Au bout du parcours, «les impressionsproduites pendant plusieurs années dans l’âme de l’enfant par l’enseigne-ment du maître catholique et français s’y impriment profondément»39.

Mais ce modelage ne se limitait pas à assurer le salut des «jeunes âmes»,pas plus qu’il ne se cantonnait dans une préparation à une carrière pro-fessionnelle. Il était porteur, sournoisement peut-être, d’un mouvementplus large, d’une occidentalisation des mœurs, ne serait-ce qu’au niveaudes modes vestimentaires, des manières de table, des règles d’hygiène etdu style général de comportement. L’empreinte du collège allait êtred’autant plus indélébile qu’elle tendait à «désorientaliser» la personne, sil’on peut se permettre ce néologisme. Aussi, le jeune oriental allait-il êtrerepris en main jusqu’au niveau de la piété par l’introduction d’une nou-velle sensibilité religieuse latine 40. Enfin, promotion d’une nouvelle socia-bilité, dont l’Association Amicale des Anciens Elèves était l’expression laplus concrète. Ainsi, pour couronner la fin des études, les meilleursélèves de la classe de Philosophie concouraient sur un sujet d’intérêtgénéral, et le prix d’honneur était décerné par l’Association des AnciensElèves. Le nom des primés était publié dans la «Distribution Solennelledes Prix», où l’on retrouve certains de ceux qui, un jour, allaient acquérirla notoriété, comme le futur président Bishara al-Khuri, l’homme d’EtatYusuf al-Sawda, l’essayiste Michel Chiha, et le poète Charles Corm. Parailleurs, des réseaux s’étaient noués entre les anciens des collèges despères jésuites d’Alexandrie, de Beyrouth et du Caire pour constituerl’ABC, une organisation regroupant ceux qui étaient passés dans ces troisétablissements. A titre d’illustration, rappelons que c’est au Collège desJésuites d’Alexandrie qu’allait être formé Georges Naccache, maronitelibanais qui allait s’illustrer comme éditorialiste du prestigieux quotidienfrancophone, L’Orient, organe inconditionnel de la spécificité libanaise etdes liens privilégiés avec la France.

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leurs établissements (ceux des jésuites) de France ont été fermés. Cettemesure a permis aux supérieurs d’envoyer à l’étranger un plus grand nom-bre de professeurs. Beyrouth en a reçu et, parmi eux, de supérieurs»51.Il s’agissait en l’espèce d’une confrontation frontale entre l’Etat français etl’Eglise. La querelle n’allait pas tarder à éclater à Beyrouth même, lorsqu’en1906, le Collège Secondaire refusa son accès à un fonctionnaire en mis-sion d’inspection des établissements scolaires français d’Orient; lamesure de rétorsion ne se fit pas attendre, la subvention au collège futsupprimée 52.Refoulés de leur propre pays, beaucoup de pères et de novices allaienttrouver à Beyrouth, à Alexandrie et ailleurs, des maisons de refuge.Malmenés, humiliés, ils avaient une revanche à prendre. Ils n’étaient pasles seuls. Le Collège Secondaire allait servir également de maison derefuge aux élèves, chrétiens dans leur majorité, et constituer pour eux uneprotection, au physique comme au moral, au lendemain des évènementssanglants de 1860 dont le souvenir était encore vivace dans les mémoires.Le traumatisme causé par le conflit qui s’était étendu du Mont-Liban àDamas, avait rappelé aux chrétiens la précarité de leur sort en Orient. Ledébarquement des troupes françaises à Beyrouth, sur l’ordre deNapoléon III, fut ressenti par eux comme un juste retour du balancier, unerevanche sur leurs oppresseurs et l’expression d’une solidarité de leurscoreligionnaires d’au-delà des mers. Le Collège Secondaire pouvait pas-ser pour une terre française en quelque sorte, bénéficiant quasiment dustatut d’“extraterritorialité”, et par conséquent, d’une certaine immunité encet Orient périlleux, un havre où ces êtres menacés pouvaient désormaiscélébrer sans entrave leurs rites identitaires et exprimer librement leursopinions. On n’insistera jamais sur ce fait: même occultée “l’année terri-ble“ 1860 allait encore longtemps hanter et troubler les esprits. Dans sonouvrage sur la Syrie, le père Henri Lammens s.j.53, lui même, ne perd pasde vue ces événements sanglants dont il fait d’ailleurs assumer la respon-sabilité à un empire ottoman arriéré qui, d’après lui, n’a pas su faire la dif-férence entre un Liban chrétien et son environnement musulman, unempire qui n’était pas arrivé à assumer la transition vers la modernité 54.Aux troubles de 1860, il faudra plus tard ajouter les horreurs de la faminelors du premier conflit mondial au cours duquel la population chrétiennedu Liban fut décimée suite, entre autre, au blocus alimentaire imposé parJamal pacha 55. Cette insécurité endémique des Chrétiens pourrait expli-quer cette recherche de protection étrangère dont le collège pouvaitdonner, bien avant le mandat français, un avant-goût.

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Le Collège Secondaire devait, peu ou prou, évoluer dans ce climat nos-talgique de l’ordre ancien sinon de l’ancien régime. Et qui plus est, leCollège relevait de la Province de Lyon et les pères du Midi se «rassem-blaient dans une commune résistante» aux pères de Paris qui professaientplus ou moins des idées modernes 48. Et pour cause, Rome retira la revueEtudes aux «Parisiens» pour l’installer dans les années 1870 à Lyon, sur lacolline de Fourvière, où des pères du Midi allaient en faire un «bulletin depropagande intégriste et légitimiste» 49. Et c’est tout dire sur les convic-tions politiques de ceux qui avaient pris et qui allaient prendre en chargel’éducation dans les établissements jésuites du Liban.

Le revanchisme des pères… et celui des fils

Quelques années après 1875, date d’ouverture du Collège Secondaire àBeyrouth, les jésuites de France entrent dans une période de grave ten-sion avec la République. Rappelons la décision d’enlèvement des cruci-fix dans les écoles parisiennes en 1879 50, le décret de Jules Ferry de 1880ordonnant aux jésuites de se dissoudre, la loi 1901 soumettant désormaisles congrégations au contrôle de l’Etat. La loi de séparation de l’Eglise etde l’Etat en 1905 n’allait pas arranger les relations entre les autoritésfrançaises qui voulaient s’assurer le contrôle de l’éducation dans le pays,et un ordre religieux qui, de retraite en retraite, avait finalement évacuéson domaine de prédilection, à savoir la formation de la jeunesse. Les col-lèges congréganistes français de Beyrouth et du Mont-Liban allaient béné-ficier de la situation; le consul général de France à Beyrouth le constate ences termes: «Le niveau des études tend à s’élever, surtout depuis que

Université Saint-Joseph de Beyrouth,P. Chopin, 1901,France et Syrie, sou-venirs de Ghazir et deBeyrouth, Tours.

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de Maurice Barrès allait être plus tardive; son ouvrage, “La CollineInspirée“, de 1913, et sa sacralisation du sol allaient trouver disciples etémules dans la période de l’après-guerre auprès des anciens 63 aussi bienqu’auprès des générations suivantes.Par extrapolation, l’idéologie de la droite française allait créer chez cer-tains le souhait d’un Liban chrétien, également attaché à la France (pour letemporel) et à Rome (pour le spirituel). Le vœu de reconquête, le revan-chisme des pères allait passer aux fils qui s’étaient mis à rêver et à croireen un Liban élargi, détaché de l’hinterland, dont le caractère chrétienserait encore bien plus prononcé, et qui constituerait refuge des persé-cutés et relais de l’Occident. Ce Liban serait une petite France sur la riveEst de la Méditerranée, un pays qui concrétiserait les rêves de leurenfance, l’enfance des chefs. Ainsi, Joseph Gemayel, un ancien, déclaraiten 1911 dans un discours adressé à Auguste Boppe: «Ces liens inébran-lables qui nous unissent à la France constituent pour nous un précieuxhéritage transmis par nos aïeux et nous y restons attachés avec une fidé-lité intransigeante et jalouse»64. De même, Michel Chiha, pour les Fêtes duCinquantenaire nous tient ces propos: «Lorsqu’au printemps de 1914,Maurice Barrès débarqua à Beyrouth, il se trouva en pays conquis. Lepassé glorieux de la France sur les rivages orientaux de la Méditerranées’incarnait en lui… les pages admirables consacrées à notre sol et à nossites ne pouvaient pas nous faire oublier l’hommage de Barrès auxhommes qui établiront et perpétueront en nous comme en nos pères,l’amour raisonné, l’amour passionné de la France»65.

Une modernité de rupture

Cette éducation en faisait-elle des hommes libres? Oui et non car touteéducation conditionne, la laïque comme la congréganiste 66; l’unesacralise le rationalisme et la liberté, l’autre le transcendant immuable et larévélation67. Posons la question autrement: l’éducation dispensée dans leCollège Secondaire s’inscrivait-elle dans le courant plus large de lamodernité? A cet égard, on peut, pour les besoins de la cause, distinguerl’outillage intellectuel du contenu idéologique. Au premier niveau, il estindéniable que les études (mathématiques, géographie, chimie, langues,etc.) étaient l’instrument d’un changement en direction d’une plus granderationalité, d’une avancée, d’une incursion dans le domaine scientifique,celui de l’exclusivité occidentale. Au niveau idéologique, par contre, lesélèves avaient été instruits dans le Syllabus; ils avaient été éduqués dansla haine d’une certaine modernité telle que prise à partie par l’encycliquepapale «Quanta Cura». Ainsi, ils allaient être des vecteurs de modernité

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Une passion française

Cependant l’universalisme des jésuites et leur contentieux avec l’Etatfrançais allaient-ils émousser le zèle patriotique qu’ils étaient censés com-muniquer à leurs élèves? Une comparaison entre les collèges jésuite deBeyrouth et lazariste de Antoura est éclairante; ainsi, d’après le consulatde France, «si la Compagnie de Jésus revêt un caractère international, (…)l’ordre des Lazaristes est purement français, et même chauvin. Aussi lesélèves d’Antoura se ressentent-ils des sentiments de leurs maîtres à l’é-gard de la France»56. D’ailleurs Maurice Barrès, poursuivant son enquête,n’a pas hésité à poser en 1914 la question qui s’imposait: «Ainsi, vous lesjésuites, vous êtes un ordre international. Pourquoi vous dévouer à laFrance?- Nous agissons par province. L’œuvre de Beyrouth c’est l’œuvre de notreprovince de Lyon, qui tout naturellement, parce que française, travaillepour la France» 57. Certes les Pères n’allaient pas mettre l’accent sur laRévolution, encore moins glorifier la Convention 58; il leur restait quandmême des siècles d’ancien régime, et un âge d’or classique sur lesquelsils pouvaient élaborer. Et puis la France était-elle définitivement damnéepour autant? L’idée de reconquête du terrain perdu, a-t-elle jamais aban-donné les Pères? 59.

Vivant les mythes et une vision de l’histoire de France transmis par leurséducateurs, les élèves allaient associer leurs rêves à ceux de leurs maîtres:une France monarchique, chrétienne depuis Clovis et fille aînée del’Eglise, une France dévoyée qui n’a pas été “fidèle aux promesses de sonbaptême“, mais la France quand même. Maurice Barrès relève pertinem-ment que les jésuites «préfèrent travailler pour la France. Ils la jugent de lamême manière que font les Maronites, c’est-à-dire comme la catégorie del’idéal»60.On ne peut évaluer avec précision l’impact dans certains cercles del’Action Française, devenu quotidien à partir de mars 1908. Mais FuadAfram al-Bustani, un ancien, nous assure que ce journal était lu jusquedans la bourgade de Dayr al-Qamar 61. Charles Maurras a certainement euautant d’influence sur les élèves que sur les maîtres, lui qui prônait l’éta-blissement d’une monarchie traditionnelle, autoritaire, antiparlementaire,et respectueuse de l’Eglise. La déclaration du Grand Liban par le généralGouraud en 1920, imposant à Beyrouth, ville majoritairement sunnite, lasymbolique de la Montagne62, fut perçue par bien des cercles chrétienscomme la récompense de l’attachement des leurs à une France «éternelle»,une France «réactionnaire», qu’appelait Maurras de ses vœux. L’influence

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dèle européen. L’adoption de la langue et des manières des maîtresdevait nécessairement entraîner le «dénigrement des valeurs indigènes auprofit des valeurs métropolitaines»72. Y avait-il pour autant dépersonnali-sation? Frantz Fanon, dans un autre contexte mais combien similaire, avaitcompris «que la question de la langue était l’un des symptômes du prob-lème de l’assimilation»73. Or cette assimilation allait toujours être refuséeaux élèves libanais! Ils allaient vivre dans les limbes entre deux mondes,entre paradis rêvé et réalité quotidienne. Cette éducation allait leurapprendre à s’identifier à une société dont ils étaient exclus 74. Sous leMandat, les représentants de la France de l’autorité, et à tous les échelons,allaient le leur faire sentir.Ces acculturés, on les comparerait volontiers aux afrancesados, cesEspagnols du début du XIXème siècle, qui singeaient les manières desFrançais et adoptaient leurs convictions politiques, allant jusqu’à se battreaux côtés des troupes napoléoniennes contre leurs propres compatriotesibériques.

Les désarrois de l’élève Sawda et la patrie de substitution

Le Collège Secondaire n’était pas «neutre» quant au choix de la langue niquant aux convictions religieuses, encore moins quant aux convictionspolitiques. On ne l’a que trop répété: «fortifié par la pratique de la reli-gion, mais aussi gagné à l’amour de la France, l’enfant devenu hommereste ordinairement fidèle aux convictions que lui a transmises l’école»75.Si en France la querelle entre républicains et cléricaux ne portait en réa-lité ni sur la conviction religieuse ni sur le projet éducatif, mais constituaitplutôt un affrontement entre deux interprétations de l’histoire et princi-palement celle de l’histoire de la Révolution française76, on peut direqu’un autre conflit se préparait à Beyrouth et au Mont-Liban dans lesécoles congréganistes françaises. Pour ces jeunes scolarisés qui avaientsuivi Jeanne d’Arc et Bayard dans leurs aventures, le modèle de l’hommed’Etat était désormais Richelieu alors que pour les élèves des Maqasidislamiques c’était naturellement Mua’wiya. Pour l’habileté politique, lesparties en présence allaient citer Mazarin ou ‘Amru ibn al-A’s, suivantqu’ils avaient été éduqués dans tel établissement ou dans tel autre; il està rappeler que quelques centaines de mètres pouvaient séparer un éta-blissement de l’autre. Godefroy de Bouillon ou Saladin, Charles Martel ouTariq bin Ziyad, Napoléon ou Khalid ibn al-Walid. Références ou pointsde repère, ces personnages historiques allaient cristalliser les différences.Bishara al-Khuri nous dit que les Pères n’affectionnaient pas particulière-ment l’empire ottoman; la culture qu’ils inculquèrent aux élèves amenaceux-ci à se lier à la France. Cependant, les jésuites, ajoute-t-il, consid-

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tout en professant l’anti-modernisme de leurs maîtres. Mais les anciensdes Pères n’en étaient pas à une contradiction près. Par ailleurs, le faitpour ces jeunes gens de s’inscrire en porte-à-faux dans le mondeottoman et d’exiger le changement de l’ordre qui prévalait, sinon son ren-versement, allait constituer le levain d’une nouvelle pâte. La modernitéentraîne nécessairement une déstabilisation et une remise en question del’état des choses. L’enseignement tel qu’il fut assuré a certainement ali-menté le mécontentement de ces groupes de Maronites épaulés deGrecs-catholiques et d’autres minoritaires chrétiens, ceux là même quiallaient constituer l’armature humaine et intellectuelle du Grand-Liban de1920. C’est dans cet humus que certains allaient s’exprimer, soutenusqu’ils étaient par une idéologie naissante et revendicatrice. Hector Klat 68,poète francophone, grec-orthodoxe, originaire de «Tripoli de Syrie» pou-vait désormais se distancer de cette même Syrie dans des termes aussinets que les suivants:«O Syrie, O sœur,Songe à la douceurDe vivre ainsi côte à côte ;De vivre, distinctChacun son destin,Le cœur serein, l’âme haute,Je suis le LibanSois Syrienne – et me connais Le droit d’être Libanais.Te tournant vers l’Est,Laisse-moi l’OuestEt sa Méditerranée»69.

Diffuseurs d’un modèle levantin ou promoteurs d’un ghetto parti-culariste !?

Ayant jaugé cette éducation dispensée par les écoles congréganistesfrançaises, Maurice Barrès s’est demandé: «Peut-on créer une civilisationfranco-orientale? Doit-on juger qu’il y a chez les Orientaux de précieusesaptitudes spéciales à ménager et à sauver? Quel dosage souhaiterd’Orient et d’Occident?»70 Cette éducation allait donner aux «basanés»les moyens d’accès à la «blancheur» européenne71. Cependant, n’y avait-il pas là un rapport truqué ou tronqué entre les maîtres blancs et les élèvesà la peau brune? La langue française et la culture qu’elle véhicule étaientla marque de la classe élevée, et par conséquent dominante. L’élite sedevait de soigner ses propos, éviter de trop rouler les «r» et de faire desfautes de français. L’élève candidat à la modernité devait singer le mo-

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Certes le nationalisme libanais, le particularisme de la Montagne ou le«maronitisme politique» n’étaient pas uniquement affaire de nostalgie!Dès la seconde moitié du XIXème siècle, des idées s’étaient développéesen ce sens et avaient constitué le terreau fertile où des esprits structurés àl’occidentale allait pouvoir s’exprimer, esprits dotés d’un outillage mo-derne et influencés par les thèses nationalistes ou du moins patriotiquesqui avaient cours en Europe.

Il n’en reste pas moins qu’il faut relever quelques similitudes. Le Liban«reformé» que réclamaient dans leurs écrits certains anciens comme Yusufal- Sawda 79, Michel Chiha 80, Bishara al-Khuri 81, Charles Corm 82 et d’autresencore, n’était-il pas sur le modèle d’un phalanstère utopique ou d’une«République des Guaranis»? Et ces écrits, ces discours, ces interventionsdont ils furent les auteurs, ces essais qui furent autant de projets poli-tiques qui visaient à libérer le Mont Liban de sa gangue ottomane, n’é-taient-ils pas un remake de ces dissertations de fin d’études où concou-raient les meilleurs des élèves sous l’œil bienveillant et sévère des bonsPères? 83.

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éraient que le Liban était digne d’intérêt, et ils établirent des rapports avecses gouvernants, dans l’idée d’y affermir l’influence française qui d’aprèseux était une garantie de l’autonomie libanaise 77.Formés à l’européenne, c’est à dire dans l’idée d’une patrie nationale biendéfinie avec ses héros, ses frontières, ses mythes, ses rancœurs et sesemballements, ces élèves se sont trouvés sans objet d’exaltation, sans fêtenationale ni drapeau propre 78, sans souveraineté territoriale bien nette,doutant du sérieux de leur forme de gouvernement. La Mutassarifiyya, cepetit espace pouvait constituer, au mieux, une principauté d’opérette auxyeux de ceux qui, sur les bancs de l’école, avaient été éblouis par lesfastes de Versailles. Pris dans l’histoire de France, dans ses remous et sespassions, ils ne pouvaient s’accommoder de la réalité de leur petiteprovince; mais au fait, étaient-ils libanais, syriens, arabes ou ottomans?Certains allaient remonter le cours des siècles et se trouver des originesphéniciennes, manière habile d’escamoter des siècles de pouvoir islamo-arabe, d’autres allaient rêver d’un avenir radieux et d’un Liban élargi, neserait-ce qu’à la dimension d’un département français. Certains et beau-coup même allaient vivre simultanément cette remontée dans le passé etcette projection dans l’avenir. En attendant, ils firent de la France unepatrie d’emprunt ou de substitution de même qu’un pays de cocagne.Au Collège Secondaire comme dans d’autres établissements congréga-nistes, l’élève chrétien n’avait plus le sentiment d’être noyé dans un vasteensemble arabo-ottoman. Il vivait dans un enclos peut-être, étroit par laforce des choses, mais autrement plus sécurisant que le monde extérieur.Et qui plus est, c’était un domaine où la loi était chrétienne et l’exceptionmusulmane. Revanche ou non, l’affranchissement de ces jeunes chrétiensétait dû aux Pères. La sujétion qui s’imposait durant les années d’étudepouvait se présenter à l’esprit de certains comme une étape nécessaireprécédant le changement de la condition antérieure, comme le prixd’une accession à l’occidentalisation, et de ce fait, comme la clé d’unelibération ou même d’une délivrance. Aussi, peut-on se demander si les champions du nationalisme libanaisissus du Collège n’allaient pas tout naturellement chercher à reproduire auniveau du Liban ces règles mêmes qui régissaient l’établissement scolairede leur enfance et de leur jeunesse? Et au fait, n’y avaient-ils pas été réu-nis «en réduction» comme ces indigènes du Paraguay dans une sorte decommunauté théocratique sous la direction des Pères? L’idéologie deceux qui réclamaient l’établissement d’un Liban à prédominance chréti-enne, ne trouvait-elle pas son idée-force dans le monde du collège?

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42 Y. MOUAWAD, «Troishommes et un Siècle», in HistoireSociétés et Pouvoir aux Proche etMoyen Orients, tome I, LibrairieOrientaliste Paul Geuthner, Paris2002, pp. 137-156.

43 B. KHURI (al), op.cit., p. 47.

44 K. SALIBI, Histoire duLiban du XVIIème siècle à nos

jours, Nawfal, 2ème édition, Paris,1992, p. 266.

45 J. DELORE, «Lettre d’unmobilisé», Œuvre des Ecolesd’Orient, mai-juin 1915, no 325, p. 392-396.

46 J. LACOUTURE, Jésuites,2-Les Revenants, Paris, Seuil,1992, p. 158-9.

47 Ibid., dos de la couverture.

48 Ibid., p. 196.

49 Ibid., p. 200.

50 M. OZOUF, L’école,l’église et la République, 1871-1914, Editions Cana, Points, Paris,1982, p. 19.

51 J. RIFFIER, op.cit., p. 61.

52 L’incident est rapporté parRIFFIER, op.cit., p. 62.

53 H. LAMMENS, La Syrie,Précis historique, Beyrouth, 1921.

54 U. MAKDISSI, TheCulture of Sectarianism, Universityof California Press, 2000, p. 168.

55 L. SCHATKOWSKISCHILCHER, «The Famine of1915-1918 in Greater Syria», inProblems of the Modern MiddleEast in Historical Perspective,Essays in honour of Albert Hourani,J. P. SPAGNOLO (ed.), IthacaPress, Reading, 1992, p. 229s; Y.MOUAWAD, « Jamal Pacha, enune version libanaise, l’usage posi-tif d’une légende noire », in TheFirst World War as Remembered inthe Countries of the EasternMediterranean, in Beiruter Texteund Studien, sous presse.

56 J. RIFFIER, op.cit., p. 70.

57 M. BARRÈS, op.cit.,

p. 304.

58 M. OZOUF, op.cit., p. 117-8.

59 D. AVON et P. ROCHER,op.cit., p. 121-163.

60 M. BARRÈS, op.cit., p.309-310.

61 F.-A. BUSTANI (al), Al-Rawa’e, édition numérotée, tomeIX, Beyrouth, 1978, p. 280-290.

62 L’expression est emprun-tée à N. PICAUDOU, «La Décenniequi ébranla le Moyen-Orient, 1914-1923», Questions au XXe siècle,Editions Complexe, 1992, p. 128.

63 Le recueil de poèmes deC. CORM, «La Montagne Inspirée“ne donne t-il pas la réplique à “ LaColline Inspirée» de MauriceBARRÈS?

64 Cité in R.RISTELHUEBER, Traditionsfrançaises au Liban, Paris, 1918, p. 35.

65 Cité in Université Saint-Joseph, Fêtes du Cinquantenaire,1875-1925, Archives du CollègeNotre-Dame de Jamhour.

66 M. OZOUF, op.cit., p. 216-7.

67 Ibid., p. 7-8.

68 Hector Klat avait fait sesétudes dans un autre collège con-gréganiste français que celui desPères jésuites. Mais c’est probable-ment parce qu’il faisait partie dugroupe de la Revue Phénicienne,d’expression française, qu’il animaitavec trois anciens du CollègeSecondaire, à savoir Charles Corm,Elie Tyan, et Michel Chiha, que cetauteur a pu s’exprimer sansambages. Qu’ils aient été dans uncollège congréganiste français oudans un autre, les anciens, commu-niaient dans une même idéologie,et charriaient de ce fait un « patri-moine culturel » commun.

69 H. KLAT, “L’Invitation à laPaix”, cité in Liban Mémoire etAvenir, Paris, Editions Ad-Dairat,1985.

70 M. BARRÈS, op.cit., p. 309.

71 I. GENDZIER, FrantzFanon, Seuil, L’Histoire Immédiate,Paris, 1976, p. 55.

72 Ibid., p. 56.

73 Ibid., p. 58.

74 Ibid.

75 J. RIFFIER, op.cit., p. 66.

76 M. OZOUF, op.cit., p. 11.

77 B. KHURI (al), op. cit., p. 47.

78- Y. SAWDA (al), Fi sabil al-Istiqlal 1906-1922, Beyrouth, 1967,p. 11-14.

79 Prix d’honneur français en1905; Y. SAWDA (al), Fi SabilLubnan, Alexandrie, 1911; Cf. G.HAROUN, A’lam al-Qawmiyyah al-Lubnaniyyah 1, Yusuf al-Sawda,Kaslik, 1979.

80 Prix d’honneur français en1906; Cf. H. SAFI, La Conceptiondu Liban dans les écrits de MichelChiha, Beyrouth, 2000 ; F.TRABULSI, Silat bila Wasl, MichelShiha wa al-idiyologiyya al-Lubnaniyyah, Riad al-RayyesBooks Limited, Beyrouth, 1999.

81 Prix d’honneur français en1909.

82 Prix d’honneur français en1911.

83 On pourrait en dire autantde certains élèves du Collègelazariste de Antoura comme DawudAmmun, Negib Azoury (Le Réveilde la Nation Arabe, Paris, 1905), etM. Jouplain, alias Paul Noujaim,(La Question du Liban, Paris,1908).

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1 Projet Educatif, in le Livredes 125 Ans, Collège Notre-Damede Jamhour, p 11. En 1875, leCollège Secondaire s’installait àBeyrouth, au cœur de l’UniversitéSt-Joseph naissante. Il avait étéfondé et établi à Ghazir en 1849.En l’année 1953, le Collège se-condaire fut transféré de Beyrouthà Jamhour avec un nouveau nom :le Collège Notre-Dame deJamhour.

2 A savoir le CollègeSecondaire des Pères Jésuites àBeyrouth. Yessouiyé (en faityasui’ah vient de Yasu’ qui veut direJésus en arabe).

3 Commandement de laIVème Armée, La Vérité sur laQuestion Syrienne, ImprimerieTanine, Stamboul, 1916, p.136-137.

4 Ibid., p. 137.

5 ANTUN SA’ADA, Ra’y al-Nahda, «Al-Sha’ab al-lubnani wajam’iat al-jazuit», Al-Nahda,Beyrouth, no 112, 10 mars 1938, inAl-’Amal al-Kamilat, vol. 3, pp. 225-227; «Wa-l In’izaliyyah al-lub-naniyya aflasat», Kulu Shay’,Beyrouth, no 96, 28 janvier 1949, inAl-’Amal al-Kamilat, vol. 8, pp. 259-262.6- Cf. à cet égard, Khalidi &Farrukh, Al-Tabshir wa-l Isti’mar,Beyrouth,1953; T. ATRISI, Al-Baathat al-yasu’iya, Al-Wikala al-’alamiya lil-tawzi’, 1987.

7 S. SA’EGH, Mustaqbal al-aathar, Al-Nasamat, Beyrouth,1923, p. 122-123.

8 Cf. S. SULAYMAN, Atharal-Banna’in al-Ahrar fi al-adab al-Lubnani 1860-1950, Nawfal, 1ère

édition, Beyrouth, 1993, p. 188s; R.GIRARDET, Mythes et MythologiesPolitiques, Paris, Editions du Seuil,1986.

9 Ce que ne manque derappeler l’Association Amicale desAnciens Elèves de l’UniversitéSaint-Joseph dans son Livre d’Or,Beyrouth, 1949, p.35.

10 Pour la photo cf. Liban, lesiècle en images, Les Editions DarAn-Nahar, Beyrouth, 2001, p.81.

11 L’expression est d’HenryLAURENS, La Question dePalestine, Tome I, Fayard, 1999, p. 21.

12 Nom de l’élève qui s’illus-tra plus tard comme tribun ethomme politique, et qui avaitobtenu en 1905 le prix d’honneurdécerné par l’Association desAnciens Elèves. Sujet proposé : «La Philosophie est le couron-nement naturel d’une éducationcomplète». Université Saint-Joseph, Distribution Solennelle desPrix, Beyrouth, 1905, p.17.

13 M. BARRÈS, UneEnquête aux Pays du Levant, TomeI, Paris 1923, p.304.

14 Ibid., p.305.

15 Université Saint-Joseph,Ephémérides de l’Année scolaire1904-1905, Beyrouth, Imprimeriecatholique, p. 5-6.

16 Cf. J. RIFFIER, Lesœuvres françaises en Syrie (1860-1923), L’Harmattan, 2000, p. 69, p. 151.

17 F. BUTEL, L’Educationdes Jésuites, Autrefois etAujourd’hui, Paris, 1890.

18 Ibid., p. 373 s.

19 M. FARGEALLAH,Visages d’une époque, Cariscript,Paris, 1989, p.32.

20 V. CUINET, Syrie Liban etPalestine, Paris, 1896, p.73.

21 Cinquantenaire del’Université Saint-Joseph, 1875-1925, Souvenirs et Espérances,Imprimerie Catholique, Beyrouth,1925, p. 38-39.

22 Mufakkarat Hind, Harisa,1924, p.28.

23 B. K. KHURI (al), Haqa’iqLubnaniyya, Tome I, Manshuratawraq lubnaniya, 1960, p.46.

24 Cinquantenaire, op.cit.,p.39.

25 Entretien qu’il a accordé à

l’auteur, janvier 2002.

26 C. HÉLOU, Mémoires,Prime Jeunesse, Tome I, LibrairieAntoine, Beyrouth, s.d., p. 19-20.

27 Collège Notre-Damede Jamhour, Le Livre des 125 ans,Annuaire des élèves anciens duCollège Secondaire de l’USJ et duCollège Notre-Dame de Jamhour,1875-2000, Hazmieh, Liban.

28 J.-P. HANSSEN, Theeffect of Ottoman rule on Fin deSiècle Beirut, The province ofBeirut, 1888-1914, St-Anthony’sCollege, University of Oxford, thèsedactylographiée.

29 Y. MOUAWAD, «Civil so-ciety, God and Cousins», in ‘’A NewEuro-Mediterranean CulturalIdentity’’, Stefania Panebianco(ed.), Frank Cass, London, 2003.

30 P. ARIÈS, «Pour une his-toire de la vie privée», in Histoire dela Vie Privée 3, De la Renaissanceaux Lumières, Editions du Seuil,1985, 1999, p. 20.

31 M. AYMARD, «Amitié etConvivialité», in Histoire de la ViePrivée 3, op.cit., p. 480.

32 Ibid., p. 479.

33 Ibid., p. 478.

34 B. KHURI (al), op.cit., p. 45.

35 Ephémérides, op.cit., p. 10.

36 Ibid., p. 9.

37 Ibid., p. 9-10.

38 Ou du moins le dit-on ; Cf.B. KHURI (al), op.cit., p.46 ; Cf.également D. AVON et P.ROCHER, Les Jésuites et lasociété française, Editions Privat,Toulouse 2001, p. 94.

39 J. RIFFIER, op.cit., p. 66.

40 Cf. B. HEYBERGER, «Livres et pratique de la Lecturechez les Chrétiens (Syrie, Liban)XVIIe – XVIIIe siècles», in NuméroSpécial, Livres et Lecture dans lemonde ottoman, p. 209-223.

41- J. RIFFIER, op.cit., pp. 135-4.

NOTES 81

Page 11: L’ENFANCE DES CHEFS: A & H L I T L’EDUCATION AU … 22 - Autumn 2005...sont succédé à la tête de l’état libanais jusqu’en 1952, six sont des anciens du Collège Secondaire:

1- ARIÈS (Philippe), AYMARD(Maurice), « Pour une histoire de lavie privée » et « Amitié etConvivialité », in Histoire de la ViePrivée, 3, De la Renaissance auxLumières, Editions du Seuil, 1985,1999.2- ATRISI (TALAL), Al-Baathat al-yasu’iyat, Al-wikala al-’alamiyya lil-tawzi’, 1987.

3- AVON (Dominique) et ROCHER(Philippe), Les Jésuites et lasociété française, Editions Privat,Toulouse 2001.4- AZOURY (Negib), Le Réveil dela Nation Arabe, Paris, 1905.5- BARRÈS (Maurice), UneEnquête aux Pays du Levant, TomeI, Paris, 1923. 6- BUSTANI (Fuad Afram), Al-Rawa’e’, édition numérotée, tomeIX, Beyrouth, 1978.

7- BUTEL (Fernand), L’Educationdes Jésuites, Autrefois etAujourd’hui, Paris, 1890.8- CUINET (Vital), Syrie Liban etPalestine, Paris, 1896.9- DELORE (Joseph), « Lettre d’unmobilisé », Œuvre des Ecolesd’Orient, mai-juin 1915, no 325.10- FARGEALLAH (Maud), Visagesd’une époque, Cariscript, Paris,1989. 11- GENDZIER (Irène), FrantzFanon, Seuil, L’Histoire Immédiate,Paris, 1976.12- GIRARDET (Raoul), Mythes etMythologies Politiques, Paris,Editions du Seuil, 1986.13- HANSSEN (Jens-P.), The effectof Ottoman rule on Fin de SiècleBeirut, The province of Beirut,1888-1914, St-Anthony’s College,University of Oxford, thèse dactylo-graphiée.14- HAROUN (Georges), A’lam al-Qawmiyyah al-Lubnaniyyah 1,Yusuf al-Sawda, Kaslik, 1979.15- HEYBERGER (Bernard), « Livres et pratique de la Lecturechez les Chrétiens (Syrie, Liban)XVIIe – XVIIIe siècles », in NuméroSpécial, Livres et Lecture dans lemonde ottoman.16- HÉLOU (Charles), Mémoires,Prime Jeunesse, Tome I, LibrairieAntoine, Beyrouth, s.d.17- JOUPLAIN, (alias NOUJAIM

[Paul]), La Question du Liban,Paris, 1908,1961.18- KHALIDI (Mustafa) &FARRUKH (OMAR), Al-Tabshir wa-l Isti’mar, Beyrouth, 1953.19- KHURI (Bishara Khalil) Haqa’iqLubnaniyya, Tome I, Manshuratawraq lubnaniya, 1960.20- KLAT (Hector), “L’Invitation à laPaix”, cité in Liban Mémoire etAvenir, Paris, Editions Ad-Dairat,1985.21- LACOUTURE (Jean) Jésuites,2-Les Revenants, Paris, Seuil,1992.22- LAMMENS (Henri), La Syrie,Précis historique, Beyrouth, 1921.23- LAURENS (Henry), LaQuestion de Palestine, Tome I,Fayard, 1999.24- MAKDISI (Ussama), TheCulture of Sectarianism, Universityof California Press, 2000.25- MOUAWAD (Youssef), « Troishommes et un Siècle », in HistoireSociétés et Pouvoir aux Proche etMoyen Orients, tome I, LibrairieOrientaliste Paul Geuthner, Paris,2002.26-MOUAWAD (Youssef). “JamalPacha en une version libanaise,l’usage positif d’une légende noire ,in ‘’The First World War asRemembered in the Countries ofthe Eastern Mediterranean’’, inBeiruter Texte und Studien, souspresse.27- MOUAWAD (Youssef), « Civilsociety, God and Cousins », in “ANew Euro-Mediterranean CulturalIdentity”, Stefania Panebianco(ed.), Frank Cass, London, 2003.28- OZOUF (Mona), L’école,l’église et la République, 1871-1914, Editions Cana, Points, Paris,1982.29- PICAUDOU (Nadine), « LaDécennie qui ébranla le Moyen-Orient, 1914-1923 », Questions auXXe siècle, Editions Complexe,1992.30- RIFFIER (Jean), Les œuvresfrançaises en Syrie (1860-1923),L’Harmattan, Paris, Montréal, 2000.31- RISTELHUEBER (René),Traditions françaises au Liban,Paris, 1918.32- SA’ADA (Antun), Ra’y al-Nahda, « Al-Sha’ab al-Lubnani wajam’iyat al-jazuit », Al-Nahda,Beyrouth, no 112, 10 mars 1938, inAl-’Amal al-Kamilat, vol. 3. 33- SA’ADA (Antun),« Wa-lIn’izaliyyah al-lubnaniyya aflasat »,Kulu Shay’, Beyrouth, no 96, 28janvier 1949, in Al-’Amal al-Kamilat,vol. 8.

34- SAFI (Hani), La Conception duLiban dans les écrits de MichelChiha, Beyrouth, 2000.35- SALIBI (Kamal), Histoire duLiban du XVIIème siècle à nos

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39- SCHATKOWSKI SCHILCHER(Linda), « The Famine of 1915-1918 in Greater Syria », inProblems of the Modern MiddleEast in Historical Perspective,Essays in honour of Albert Hourani,J. SPAGNOLO (ed.), Ithaca Press,Reading, 1992. 40- SULAYMAN (Suhayl), Athar al-Banna’in al-Ahrar fil al-adab al-

Lubnani 1860-1950, Nawfal, 1ère

édition, Beyrouth, 1993.

41- TRABULSI (Fawaz), Silat bilaWasl, Michel Shiha wa al-idiy-ologiyya al-Lubnaniyyah, Riad al-Rayyes Books Limited, Beyrouth,1999.

42- Université Saint-Joseph,Ephémérides de l’Année scolaire1904-1905, Beyrouth, Imprimeriecatholique.43- Commandement de la IVèmeArmée, La Vérité sur la QuestionSyrienne, Imprimerie Tanine,Stamboul, 1916.44- Mufakkarat Hind, Harisa, 1924.

45- Cinquantenaire de l’UniversitéSaint-Joseph, 1875-1925,Souvenirs et Espérances,Imprimerie Catholique, Beyrouth,1925.46- Université Saint-Joseph, Fêtesdu Cinquantenaire, 1875-1925,Archives du Collège Notre-Damede Jamhour.

47- Association Amicale desAnciens Elèves de l’UniversitéSaint-Joseph, Livre d’Or, Beyrouth,1949.Le Livre des 125 ans

83BIBLIOGRAPHIE