L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

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L’activite decisionnelle en situation dynamique et collaborative

Application a la contre-attaque au football

These

presentee devant

l’Universite de Bretagne Occidentale

pour obtenir le grade de :

Docteur de l’Universite Europeenne de Bretagne

Mention Sciences et Techniques des Activites Physiques et Sportives

par

Cyril Bossard

Equipe d’accueil 3883 :

Laboratoire d’Informatique des Systemes Complexes (LISyC/UBO-ENIB)

Centre Europeen de Realite Virtuelle (CERV)

Soutenue le 21 octobre 2008 devant la commission d’examen :

Carole Seve Professeure, UFR STAPS, Nantes RapporteureBernard Thon Professeur, LAPMA-UFR STAPS, Toulouse RapporteurBruno Arnaldi Professeur, INRIA, Rennes ExaminateurThierry Morineau Maıtre de Conferences, UBS, Vannes ExaminateurGilles Kermarrec Maıtre de Conferences, UBO, Brest EncadrantJacques Tisseau Professeur, ENIB, Brest Directeur

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L’activite decisionnelle en situation dynamique

et collaborative

Application a la contre-attaque au football.

These de doctorat

Cyril Bossard

— Version definitive —

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L’activite decisionnelle en situation dynamique et collaborative

EcoleNation

ale d’Ingenie

urs de Brest

Centre Europ

eende Realit

e Virtuelle

25 rue Claude Chappe

F-29280 Plouzane

tel : +33 (0)298 05 89 89

fax : +33 (0)298 05 89 79

courriel: con

tact@cer

v.fr

internet : http ://w

ww.cerv.

fr

Laboratoire

d’Informatiqu

e desSyste

mes Complexes

EA 3883UBO-ENIB

Bossard Cyril

tel : +33 (0)298 05 89 45

fax : +33 (0)298 05 89 79

courriel: bos

sard@eni

b.fr

4 Cyril Bossard

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L’activite decisionnelle en situation dynamique et collaborative

A Anne et Regis

Cyril Bossard 5

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L’activite decisionnelle en situation dynamique et collaborative

6 Cyril Bossard

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Remerciements

La conduite d’un travail doctoral est une aventure longue et laborieuse, i.e. une succession

de situations plus ou moins dynamiques et collaboratives... Je tiens a temoigner ici que cette

these n’aurait jamais aboutit si elle n’avait pas beneficie de multiples collaborations. Mes

remerciements vont donc en premier lieu a ceux qui ont apporte la contribution la plus

concrete a ce travail, et avec qui j’ai eu grand plaisir a collaborer dans un esprit dynamique,

constructif, passione et toujours amical.

Un grand merci a tous les participants qui ont bien voulu donner leur « comportement » a

mon analyse, au risque de laisser deviner une partie de leur « esprit ».

Je remercie Carole Seve et Bernard Thon, pour avoir accepte de rapporter ces travaux

de these ainsi que pour la qualite de leurs critiques.

Je remercie Bruno Arnaldi, pour avoir preside mon jury. Merci d’avoir tout mis en œuvre

pour le bon deroulement de la soutenance.

Je remercie Thierry Morineau pour avoir accepte de participer au jury de ma soutenance

de these et pour la qualite de ses questions et remarques.

Je remercie Jacques Tisseau pour m’avoir accueilli au sein de son equipe de recherche,

pour m’avoir toujours soutenu, et surtout pour son encadrement scientifique et les conditions

de travail auxquelles il m’a permis d’acceder.

Je remercie Gilles Kermarrec pour ses precieux conseils, sa disponibilite et pour son

investissement dans mon encadrement depuis plusieurs annees deja. Merci pour tout Gilles.

Je remercie la societe Nexter qui a permis le financement de cette these.

Cyril Bossard 7

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Remerciements

Je remercie « mes » collegues Romain Benard et Pierre de Loor pour leur ouverture

d’esprit et sans qui le projet CoPeFoot n’aurait jamais vu le jour.

Je remercie les collegues du Centre Europeen de Realite Virtuelle, tout d’abord pour

avoir eu la patience de repondre a mes innombrables questions, notamment d’ordre « infor-

matique », pour les aides multiples dont j’ai beneficie, mais surtout pour la sympathie et la

bonne humeur qu’ils y font regner. Merci a Jeremy, Denis, Champion, Gobi, Gireg, Patoch,

Becy, Cedric, les Mat(t)hieu, Fabrice, Nicole, Fred, etc.

Enfin, je tiens a remercier mes parents, ma famille et mes amis de toujours, Pierro, Flo,

Lolo, Ingo et les « pelicans » pour leur presence et leur soutien inconditionnel.

Merci a toi surtout Cloo, pour avoir supporte et partage mes humeurs, mes tracas et

surtout mes absences parfois meme lorsque j’etais la.

8 Cyril Bossard

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Table des matieres

Remerciements 7

Table des matieres 9

Table des figures 15

Liste des tableaux 17

Introduction 21

1 Les variables cognitives et perceptives de la decision tactique en sports

collectifs 29

1.1 Bases de connaissances et sports collectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

1.1.1 Principes et methodes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

1.1.2 Les connaissances sollicitees en contexte de sports collectifs . . . . . . 32

1.1.3 L’adaptation a la pression temporelle des sports collectifs . . . . . . . 33

1.1.4 L’adaptation a la complexite des contextes en sports collectifs . . . . . 34

1.1.5 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

1.2 Le fonctionnement mnemonique en sports collectifs . . . . . . . . . . . . . . . 36

1.2.1 Principes et methodes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

1.2.2 Les differences experts/novices aux tests de memoire . . . . . . . . . . 38

Cyril Bossard 9

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Table des matieres

1.2.3 L’adaptation a la pression temporelle et le « traitement perceptif » . . 38

1.2.4 L’adaptation a la complexite des contextes en sports collectifs . . . . . 40

1.2.5 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

1.3 La competence perceptive en sports collectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

1.3.1 Principes et methodes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

1.3.2 Les differences experts-novices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

1.3.3 L’adaptation de l’activite perceptive a la pression temporelle . . . . . 46

1.3.4 L’adaptation de l’activite perceptive a la complexite du contexte . . . 46

1.3.5 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

2 Une approche contextualisee de la decision 53

2.1 Le modele RPD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

2.1.1 Concepts et Methodes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

2.1.2 Une etude en situation de travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

2.1.3 Modele RPD et Sports Collectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60

2.2 La Conscience de la Situation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

2.2.1 Concepts et Methodes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

2.2.2 Des etudes en situation de travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

2.2.3 Conscience de la Situation et sports collectifs . . . . . . . . . . . . . . 68

2.3 La theorie des schemas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70

2.3.1 Concepts et Methodes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71

2.3.2 Une etude en situation de travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

2.3.3 Le role des schemas en situation dynamique . . . . . . . . . . . . . . . 74

2.4 Les principaux apports de la NDM pour l’etude de l’activite individuelle . . . 75

2.4.1 Un cadre theorique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75

2.4.2 Un cadre methodologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

2.4.3 Des pistes de recherches novatrices pour les sports collectifs . . . . . . 77

10 Cyril Bossard

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Table des matieres

3 Des approches pour l’analyse de l’activite collective 79

3.1 L’approche TNDM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

3.1.1 Objectifs, Concepts et Methodes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

3.1.2 Une etude typique des MMP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84

3.1.3 Limites et Discussion de l’approche TNDM . . . . . . . . . . . . . . . 85

3.2 Une approche holistique de l’activite de l’equipe . . . . . . . . . . . . . . . . 89

3.2.1 Une extension de la cognition partagee a la cognition distribuee . . . . 91

3.2.2 L’approche ecologique et l’approche des systemes dynamiques pour

l’etude des comportements collectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93

3.3 Cognition situee et activite collective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

3.4 Prolongement et implications pour l’etude de l’activite decisionnelle dans les

sports collectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99

3.4.1 Les MMP ou connaissances partagees dans les sports collectifs . . . . 99

3.4.2 Des formes typiques d’articulation des activites individuelles en sport

duel ou collectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100

L’activite decisionnelle en SiDyColl 103

4 Etude de l’activite decisionnelle individuelle 107

4.1 Methode . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110

4.1.1 Participants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110

4.1.2 Contexte de l’etude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111

4.1.3 Recueil des donnees . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113

4.2 Analyse des donnees . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

4.2.1 La retranscription des donnees d’observation et d’autoconfrontation . 115

4.2.2 La selection et le codage des unites significatives : les elements du schema117

4.2.3 Le decoupage du deroulement de l’activite en situations vecues . . . . 119

4.2.4 Le regroupement des situations vecues et l’identification a posteriori

des schemas typiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121

4.2.5 Validite de l’analyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121

4.3 Resultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122

Cyril Bossard 11

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Table des matieres

4.3.1 Les donnees verbales et comportementales retenues . . . . . . . . . . . 122

4.3.2 Les elements constitutifs des schemas . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123

4.3.3 Le decoupage du cours d’action en situations vecues et l’identification

des « schemas typiques » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129

4.3.4 La modelisation de l’activite decisionnelle contextualisee . . . . . . . . 131

4.4 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134

4.4.1 Decider vite et bien dans les activites humaines complexes et fluctuantes134

4.4.2 Des decisions tactiques contextualisees en sports collectifs ? . . . . . . 141

4.4.3 Bilan provisoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146

5 Etude de l’activite collective 149

5.1 Methode . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152

5.1.1 Preparation d’un protocole en vis-a-vis . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153

5.1.2 Le codage des donnees . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153

5.1.3 La description quantitative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157

5.1.4 L’identification des formes locales de coordination . . . . . . . . . . . 157

5.1.5 Le regroupement des formes locales de coordination et l’identification

a posteriori des formes « typiques » de coordination . . . . . . . . . . 162

5.1.6 Validite de l’analyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162

5.2 Resultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162

5.2.1 Les influences interindividuelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163

5.2.2 Les informations partagees . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166

5.2.3 Les differentes relations entre les buts . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167

5.2.4 Les formes « locales » de coordination des activites . . . . . . . . . . . 169

5.2.5 Les formes « typiques » de coordination ou d’articulation des activites 169

5.3 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177

5.3.1 Les formes « locales » de coordination . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177

5.3.2 Les formes « typiques » de coordination . . . . . . . . . . . . . . . . . 182

5.3.3 Les conditions d’emergence des formes typiques de coordination . . . . 183

12 Cyril Bossard

Page 13: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Table des matieres

6 Conception et Evaluation d’un Environnement Virtuel : CoPeFoot 187

6.1 Des analogies simplifiees entre modeles informatiques et modeles de l’activite

humaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190

6.2 La validation de la credibilite comportementale de CoPeFoot par la simulation

participative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192

6.2.1 Objectifs, Problematique et Hypotheses . . . . . . . . . . . . . . . . . 193

6.2.2 Methode . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194

6.2.3 Resultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199

6.2.4 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203

Discussion generale 207

Bibliographie 215

A Etude de l’activite decisionnelle individuelle 235

A.1 Repartition des U.S avant triangulation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235

A.2 Les modelisations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236

A.2.1 La modelisation generale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236

A.2.2 Les modelisations par equipe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237

A.2.3 Les modelisations par joueur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239

A.3 Les 16 schemas typiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243

A.4 Documents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 260

B Etude de l’activite collective 265

B.1 Les variantes aux formes typiques de coordination . . . . . . . . . . . . . . . 265

C Evaluation de CoPeFoot 267

Resume Long 269

Resume 275

Abstract 277

Cyril Bossard 13

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Table des matieres

14 Cyril Bossard

Page 15: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Table des figures

2.1 Le modele RPD (Klein, 1997) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

2.2 Niveau de Conscience de la Situation (Endsley et al., 2003) . . . . . . . . . . 62

2.3 Modele de la Conscience de la Situation d’apres Endsley (1995) . . . . . . . . 64

2.4 C.S et prise de decision (Endsley, 1995), traduit par Bailly (2004) . . . . . . . 67

3.1 Approche cognitiviste de l’activite collective d’apres Cooke et al. (2007) . . . 88

3.2 Approche THEDA de l’activite collective d’apres Cooke et al. (2007) . . . . . 90

3.3 Varietes des connaissances partagees d’apres Cooke et al. (2007) . . . . . . . 92

3.4 Synthese des points de vue sur l’activite collective . . . . . . . . . . . . . . . 98

4.1 Modelisation 3D de la situation d’etude favorisant les contre-attaques . . . . 113

4.2 Entretien d’autoconfrontation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114

4.3 Distribution du nombre d’U.S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128

4.4 Modelisation des schemas typiques actives pour 7 contre-attaques reussies . . 132

4.5 Modelisation des schemas typiques actives par Benoıt en contre-attaque . . . 133

5.1 Representation des trois types d’influences interindividuelles . . . . . . . . . . 155

5.2 Modelisation locale des influences (Equipe rouge) - Situation 1. . . . . . . . . 164

5.3 Modelisation locale des influences (Equipe rouge) - Situation 2. . . . . . . . . 165

5.4 Modelisation locale des influences (Equipe rouge) - Situation 3. . . . . . . . . 165

5.5 Proportion d’informations partagees par les sujets . . . . . . . . . . . . . . . 166

Cyril Bossard 15

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Table des figures

6.1 Raisonnement a partir du contexte dans CoPeFoot . . . . . . . . . . . . . . 191

6.2 Capture d’ecran de la situation d’etude (milieu) . . . . . . . . . . . . . . . . . 195

6.3 Point de vue du participant a l’experimentation . . . . . . . . . . . . . . . . . 196

6.4 Manette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197

6.5 Repartition des postes « joueur » pour l’experimentation . . . . . . . . . . . . 197

6.6 Evolution des novices et des experts au cours des trois mesures . . . . . . . . 203

6.7 Schema de la demarche de modelisation des agents virtuels . . . . . . . . . . 211

6.8 ExpeCoPeFoot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214

A.1 Modelisation des schemas typiques actives pour l’ensemble des contre-attaques 236

A.2 Modelisation des schemas typiques actives pour l’equipe jaune . . . . . . . . . 237

A.3 Modelisation des schemas typiques actives pour l’equipe rouge . . . . . . . . 237

A.4 Modelisation des schemas typiques actives pour l’equipe verte . . . . . . . . . 238

A.5 Modelisation des schemas typiques actives pour l’equipe violette . . . . . . . 238

A.6 Modelisation des schemas typiques actives par Bastien . . . . . . . . . . . . . 239

A.7 Modelisation des schemas typiques actives par Benjamin . . . . . . . . . . . . 239

A.8 Modelisation des schemas typiques actives par Charles . . . . . . . . . . . . . 240

A.9 Modelisation des schemas typiques actives par Flavien . . . . . . . . . . . . . 240

A.10 Modelisation des schemas typiques actives par Gaetan . . . . . . . . . . . . . 240

A.11 Modelisation des schemas typiques actives par Gautier . . . . . . . . . . . . . 241

A.12 Modelisation des schemas typiques actives par Jordan . . . . . . . . . . . . . 241

A.13 Modelisation des schemas typiques actives par Kevin . . . . . . . . . . . . . . 241

A.14 Modelisation des schemas typiques actives par Michel . . . . . . . . . . . . . 242

A.15 Modelisation des schemas typiques actives par Paul . . . . . . . . . . . . . . . 242

A.16 Modelisation des schemas typiques actives par Thibault . . . . . . . . . . . . 242

A.17 Lettre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261

A.18 Formulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262

A.19 Formulaire (suite) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263

16 Cyril Bossard

Page 17: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Liste des tableaux

1.1 Methodologies de recueil des donnees . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

1.2 Les etudes liees au fonctionnement mnemonique des experts en sports collectifs 37

1.3 Les travaux lies a l’activite perceptive des experts en sports collectifs . . . . . 45

4.1 Caracteristiques generales des participants. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111

4.2 Exemple de tableau a trois volets (Benoıt) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116

4.3 Selection des Unites Significatives (U.S) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118

4.4 Regroupement des U.S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120

4.5 Liste des informations significatives utilisees pour la decision tactique en

situation de contre-attaque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126

4.6 Liste des informations significatives utilisees pour la decision tactique en

situation de contre-attaque (suite) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127

4.7 Repartition des US en fonction des sujets et des categories theoriques . . . . 128

4.8 Enchaınement entre les differents schemas typiques pour l’ensemble des parti-

cipants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132

5.1 Illustration du protocole en vis-a-vis : articulation et synchronisation des

situations vecues par les membres d’une equipe . . . . . . . . . . . . . . . . . 154

5.2 Illustration du codage des informations significatives (specifiques, communes

ou partagees) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156

5.3 Illustration des modelisations locales du jeu des influences . . . . . . . . . . . 158

5.4 Illustration des informations partagees . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160

Cyril Bossard 17

Page 18: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Liste des tableaux

5.5 Illustration des relations entre les buts individuels . . . . . . . . . . . . . . . 161

5.6 Liste et nombre d’occurrence des informations partagees . . . . . . . . . . . . 168

5.7 Nombre d’occurrence des relations entre les buts . . . . . . . . . . . . . . . . 169

5.8 Illustration d’une forme locale de coordination (Equipe violette, CA3) . . . . 170

5.9 Synthese forme typique de coordination 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171

5.10 Synthese forme typique de coordination 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172

5.11 Synthese forme typique de coordination 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173

5.12 Synthese forme typique de coordination 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174

5.13 Synthese forme typique de coordination 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176

6.1 Exemple de tableau de recueil des donnees . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198

6.2 Repartition des reponses des sujets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199

6.3 Test de conformite du χ2 pour l’ensemble des reponses . . . . . . . . . . . . . 200

6.4 Test de conformite du χ2 pour chaque mesure . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200

6.5 Resultats test t pour echantillons independants pour les 3 mesures . . . . . . 201

6.6 Resultats test t pour echantillons apparies pour l’ensemble des participants . 202

6.7 Resultats test t pour echantillons apparies pour les novices . . . . . . . . . . 202

6.8 Resultats test t pour echantillons apparies pour les experts . . . . . . . . . . 202

A.1 Repartition des US en fonction des sujets et des categories theoriques (avant

triangulation) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235

A.2 Schema n°1 : Intercepter le ballon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 244

A.3 Schema n°2 : Observer, analyser, anticiper l’evolution de la situation . . . . . 245

A.4 Schema n°3 : S’engager vite vers l’avant pour profiter de la recuperation du

ballon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 246

A.5 Schema n°4 : Aller vite vers l’avant avec le ballon tout en etant attentif au jeu 247

A.6 Schema n°5 : Proposer son aide a un partenaire pour conserver le ballon . . . 248

A.7 Schema n°6 : Creer de l’espace pour permettre a des partenaires de s’engager

vers l’avant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249

A.8 Schema n°7 : Se deplacer par rapport a ses partenaires dans l’espace de jeu

pour proposer une solution de progression vers la cible . . . . . . . . . . . . . 250

18 Cyril Bossard

Page 19: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Liste des tableaux

A.9 Schema n°8 : Choisir une solution de passe pour assurer la continuite du jeu . 251

A.10 Schema n°9 : Attendre le soutien des partenaires . . . . . . . . . . . . . . . . 252

A.11 Schema n°10 : Se deplacer par rapport au hors-jeu, a l’adversaire et rechercher

la rupture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253

A.12 Schema n°11 : Eliminer en dribblant pour progresser vers la cible . . . . . . . 254

A.13 Schema n°12 : Fixer-passer pour progresser vers la cible . . . . . . . . . . . . 255

A.14 Schema n°13 : Se placer ou se deplacer pour recevoir un centre ou une passe

decisive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 256

A.15 Schema n°14 : Passer pour mettre le partenaire en situation favorable de frappe257

A.16 Schema n°15 : Suivre l’action du partenaire pour une reprise . . . . . . . . . . 258

A.17 Schema n°16 : Chercher a tirer/frapper au but . . . . . . . . . . . . . . . . . 259

B.1 Synthese forme typique de coordination 4b . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265

B.2 Synthese forme typique de coordination 5b . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 266

B.3 Synthese forme typique de coordination 5c . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 266

C.1 Repartition des reponses des sujets experts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267

C.2 Repartition des reponses des sujets novices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 268

Cyril Bossard 19

Page 20: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Liste des tableaux

20 Cyril Bossard

Page 21: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Introduction

L’objectif general de cette these est de contribuer a la comprehension de l’activite

decisionnelle en situation dynamique et collaborative. Ces travaux sont effectues au Centre

Europeen de Realite Virtuelle (CERV) dans le cadre de recherches sur l’introduction de

l’activite humaine dans des boucles de conception et d’usage de simulations participatives

en realite vituelle (equipe SARA1). Bien que le travail que nous presentons se situe dans le

champ des Sciences et Techniques des Activites Physiques et Sportives (STAPS), la demarche

de recherche a necessite des articulations avec le champ des sciences de l’informatique. Dans

cette perspective, nous avons developpe, en collaboration avec un doctorant en sciences de

l’informatique (Romain Benard), un environnement virtuel simulant des situations de jeu

au football : CoPeFoot (Collective Perception Football).

Notre projet est double. D’une part, il vise a definir un corpus de connaissances qui

permet de decrire et d’expliquer l’activite decisionnelle en situation dynamique collaborative.

D’autre part, il cherche a fournir une aide a la conception d’un environnement virtuel fonde

sur l’autonomie des agents virtuels.

Modeliser la complexite

Au sein du LISyC (Laboratoire d’Informatique des Systemes Complexes), l’orientation

scientifique du CERV est tournee vers la modelisation et la simulation de systemes complexes

par la realite virtuelle. La complexite de ces systemes provient essentiellement de la diversite

des composants, de la diversite des structures, et de la diversite des interactions mises en jeu

(Tisseau, 2001).

Ce travail de modelisation devient particulierement problematique quand il necessite

1 Simulation, Apprentissage, Representations, Actions

Cyril Bossard 21

Page 22: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Introduction

d’introduire l’activite humaine au cœur du dispositif de realite virtuelle. Les modeles de

l’humain presents dans la simulation doivent etre capables de percevoir et d’adapter leurs

comportements au cours de l’action. La simulation implique alors la notion d’autonomie

(Tisseau, 2001). Cette autonomie des modeles est d’autant plus necessaire quand l’homme

est present dans le systeme par l’intermediaire de son avatar2 ou il provoque des modifications

imprevisibles. L’autonomie des modeles doit pouvoir contribuer a peupler les environnements

virtuels d’une vie artificielle mais avec une impression de realite. Autrement dit, chaque

entite virtuelle doit etre capable de faire des choix selon son histoire, son etat, ses possibilites

d’actions et ses perceptions de sorte qu’elle paraisse credible aux yeux de l’utilisateur.

Cependant, la credibilite des environnements virtuels est mise a mal quand la tache

de modelisation de l’activite est laissee a la seule appreciation du concepteur informaticien

(Tchounikine et al., 2004). Pour remedier a cet ecueil, notre travail de these nourrit l’ambition

de decrire et de modeliser la complexite de l’activite decisionnelle humaine en situation

naturelle (reelle), afin de proposer une aide a la conception d’un environnement virtuel.

Jusqu’a present, les travaux sur les simulations participatives se focalisent sur la mise en

place d’environnements virtuels pour l’apprentissage de procedures (Querrec, 2002; Buche,

2005). Generic Virtual Training (GVT), par exemple, est un environnement qui produit des

situations d’apprentissage en contraignant l’activite individuelle afin de favoriser l’acquisition

de procedures de maintenance de char (Gerbaud et al., 2008). Cet environnement permet,

pour l’instant, de former des mecaniciens individuellement et dans un contexte standardise.

Or le travail de maintenance d’un char necessite egalement de travailler en equipe et sous

contraintes temporelles (en situation d’urgence et critique). Notre etude des situations

dynamiques et collaboratives reelles s’accompagne donc d’un enjeu technologique important :

contribuer a l’elargissement des environnements virtuels pour l’apprentissage humain en

relevant le defi de leur evolution par la simulation credible de situations dynamiques et

collaboratives virtuelles. Plus particulierement, nous defendons la these que le choix des

modeles informatiques necessite, en amont, une reflexion theorique qui tienne compte de

l’activite humaine dans toute sa globalite (complexe, autonome, interactive, contextualisee).

Le champ de l’ergonomie cognitive est particulierement fecond en theories et modeles qui

permettent justement d’apprehender la complexite humaine pour la decrire, l’expliquer, et in

fine la modeliser. Cependant, si les modeles obtenus permettent d’envisager en consequence

des axes de formation, peu d’entre eux ont ete mis a l’epreuve de la simulation en realite

virtuelle. Dans notre demarche, nous chercherons a posteriori a tester la resistance du modele

implemente.

Notre travail de recherche est applique a l’etude de l’activite decisionnelle de joueurs

en sports collectifs. Le choix de ce type d’activite sportive comme terrain d’investigation

2 Avatar, du Sanskrit avatara designe les multiples incarnations du dieu Vishnou dans la religion hindoue.Le terme a ete ensuite repris dans le domaine des jeux et en informatique pour designer la representationapparente d’un utilisateur dans un monde virtuel (Burkhardt, 2007).

22 Cyril Bossard

Page 23: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Introduction

est particulierement interessant car ce dernier constitue un « catalyseur » de la complexite

humaine. L’activite qui y est deployee, et plus particulierement l’activite decisionnelle, est

singulierement dynamique et collaborative.

Une situation dynamique et collaborative (SiDyColl) est une situation ou : a)

le probleme et les buts sont mal definis, decales ou competitifs ; b) l’environnement est

dynamique, c’est-a-dire incertain et sous fortes contraintes temporelles ; c) les enjeux sont

forts ; d) se constitue une boucle ininterrompue entre action et retour sur l’action ; f) les

multiples acteurs sont en interaction ; g) l’influence des buts et des normes organisationnelles

persiste (Cannon-Bowers et al., 1996; Lipshitz et al., 2001). Elle se caracterise ainsi par

leur evolutivite, l’incertitude et la pression temporelle (Hoc, 2001; Tiberghien, 2002) qu’elle

impose a un groupe de sujets qui interagissent en vue d’atteindre un objectif commun identifie

(Gutwin et Greenberg, 2004).

Le parallele entre les situations sociales, professionnelles ou de formation repondant a

ces criteres et les situations de sports collectifs a deja ete realise (Fiore et Salas, 2006; Ward

et Eccles, 2006). Les situations de sports collectifs sont des SiDyColl par excellence. Dans une

equipe, les roles sont evolutifs notamment dans les situations telles que les contre-attaques qui

imposent a l’humain de prendre des decisions pertinentes sous fortes contraintes temporelles.

L’incertitude de ces situations est renforcee car il s’agit de prendre des decisions avec/contre

des partenaires et des adversaires. Les sports collectifs comme le football constituent ainsi

un bon prototype des SiDyColl.

Un phenomene complexe : la decision tactique en

sports collectifs

L’activite decisionnelle dans le cadre des sports collectifs est un objet d’etude d’actualite.

Dans la litterature consacree dans le champ des STAPS, les conduites decisionnelles des

joueurs de sports collectifs sont souvent repertoriees soit sous la notion de « decision

tactique » (Mouchet et Bouthier, 2006), soit sous la notion de decision strategique (Garbarino

et al., 2001).

La notion de decision tactique met en avant le fait que le joueur decide en action, dans

un contexte « fluctuant a evolution rapide » (Garbarino et al., 2001). En sports collectifs, la

notion de decision tactique se differencie de la notion de decision strategique, realisee en

dehors de l’action (preparation du match), ou lors de phases de jeu peu contraignantes

temporellement (remise en jeu, phase arretee, coup-franc, etc.). La pertinence de cette

distinction professionnelle ou empirique (le vocabulaire des entraıneurs) a ete confirmee

scientifiquement (Vom Hofe, 1991; Poplu et al., 2003).

Cyril Bossard 23

Page 24: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Introduction

Pour etudier la prise de decision, la majorite des etudes en psychologie du sport se sont

focalisees sur les variables individuelles, cognitives et perceptives, de l’expertise (Tenenbaum

et Bar-Eli, 1993). Les avancees de la recherche en sciences du sport sont nombreuses et variees

mais la decision tactique reste un objet d’etude difficile a apprehender, notamment en sports

collectifs car les joueurs sont confrontes a des contextes a la fois complexes et a forte pression

temporelle.

La decision tactique en sport collectif est non seulement une decision rapide, mais encore

une decision sous influences : les joueurs recoivent des informations (ou des leurres) de leurs

partenaires et de leurs adversaires, et doivent prendre en compte leur propres capacites

d’action (McMorris et MacGillivary, 1988), pour prendre des decisions dont l’efficacite se

mesure instantanement (perte de balle, score...). La prise en compte des effets du contexte

(Rulence-Paques et al., 2005a) est necessaire si l’on veut apprehender la complexite de la

decision tactique en sport collectif. Parmi ces effets, l’influence des partenaires ne devrait pas

etre negligee : les decisions au sein d’une equipe ne peuvent se reduire a une juxtaposition

de decisions individuelles. Une equipe experte n’est pas la somme de joueurs experts

(Eccles et Tenenbaum, 2004). Or l’equipe a souvent ete consideree en psychologie du sport

comme une simple variable sociale environnementale intervenant sur l’activite individuelle.

Nous proposons de la considerer plutot comme une variable de premier ordre. L’activite

decisionnelle necessite la prise en compte du contexte que constitue l’equipe.

Si la comprehension de la decision tactique des experts en sports collectifs a interesse et

interesse de nombreux chercheurs, cet objectif reste egalement pertinent pour les praticiens

(McPherson et Kernodle, 2003). En effet, pour preparer une equipe aux decisions strategiques,

le formateur ou l’entraıneur peut proposer un plan de jeu, « un referentiel commun » (Gre-

haigne et al., 2001) en fonction duquel les joueurs decident et agissent. Ainsi, les decisions

sont pre-etablies, les roles et les actions definis a l’avance. Le jeu ainsi « programme » peut

etre repete systematiquement a l’entraınement pour augmenter la performance en match. Par

contre, le developpement des capacites des joueurs de sports collectifs a decider vite et bien

en cours d’action (decision tactique) est plus problematique (Vickers et al., 2004).

Problematique de recherche

Si l’on souhaite considerer l’activite humaine dans sa complexite (i.e. point de vue

epistemologique privilegie au laboratoire), la decision tactique en sports collectifs peut etre

abordee d’une part comme une articulation de variables perceptives et cognitives, d’autre

part comme particulierement dependante des contraintes contextuelles (pression temporelle,

multiplicite des informations, fluctuation ou evolution rapide de la situation). Parmi les

contraintes contextuelles, la dimension collective de l’activite ne peut etre negligee. Au

contraire, si par hypothese, la decision tactique en situation collective ne se reduit pas a la

24 Cyril Bossard

Page 25: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Introduction

juxtaposition ou a la succession de decisions individuelles (i.e. definition de l’activite collec-

tive, (Salas et al., 2006), les coordinations d’actions entre partenaires doivent pouvoir

etre choisies comme un objet d’etude privilegie.

La prise en compte des aspects collectifs de l’activite decisionnelle est une question

de recherche qui suscite actuellement un regain d’interet. La psychologie ergonomique, tout

comme la psychologie du sport, s’est longtemps interessee aux activites d’individus consideres

de facon isolee. Cependant, dans de nombreuses situations comme dans les sports collectifs,

la prise de decision est realisee au sein d’une equipe et s’appuie sur des interactions entre

plusieurs personnes. Pour comprendre l’implication de la dimension collective du contexte

dans l’activite decisionnelle des joueurs en sports collectifs, la decision tactique doit etre

abordee a la fois comme une variable cognitive mais aussi sociale, c’est-a-dire co-construite

dans la relation a autrui. Nous chercherons ainsi a decrire et expliquer comment s’articulent

activite collective et activites individuelles afin de realiser une performance optimale.

Complementairement, dans l’analyse de l’activite collective, ce qui est prioritaire pour

expliquer l’enchaınement des actions au sein d’une equipe fait particulierement debat (Salem-

bier et Zouinar, 2006). Les coordinations entre les membres de l’equipe peuvent s’expliquer

soit par des elements cognitifs identifies chez les differents joueurs engages dans une meme

action (notion de buts ou de connaissances partagees, (Cooke et al., 2007)), soit par

des elements contextuels percus, consideres comme significatifs par ces joueurs (notion de

contexte partage, (Salembier et Zouinar, 2006)).

Nous considerons l’equipe comme un systeme complexe (Arrow, 2000) dans lequel les

coordinations d’actions emergent des interactions entre les membres (i.e. des influences).

Nous souhaitons donc identifier des formes d’articulation typiques entre activite

collective et activites individuelles, des regularites qui apparaıtraient dans le jeu

des influences entre partenaires. Pour expliquer ces formes typiques d’articulation,

nous chercherons aussi a repondre a la question, centrale dans la litterature, relative a ce qui

est partage entre les membres d’une equipe. Nous souhaitons identifier les elements partages

en cours d’action par les joueurs d’une meme equipe qu’ils soient de l’ordre des connaissances

ou des informations contextuelles.

Ce travail de recherche s’appuie sur une demarche qui releve de la psychologie cognitive

ergonomique. La production de connaissances sur la decision tactique en sports collectifs

(objectif en STAPS) se prolongera, s’articulera avec un travail de conception d’aide a l’analyse

ou a la formation par la simulation (objectif du CERV). Bien que nous ayons choisi de

l’aborder et de la simuler dans le cadre des sports collectifs, l’ensemble de la demarche que

nous soutenons a pour objectif d’etre suffisamment generique pour s’appliquer a d’autres

domaines. L’analyse empirique de l’activite humaine, la modelisation de cette activite, la

Cyril Bossard 25

Page 26: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Introduction

conception de l’environnement virtuel, la simulation et l’evaluation constituent les quatre

grandes phases de notre demarche. Pour un approfondissement des questions relatives aux

sciences informatiques, nous renvoyons le lecteur au manuscrit de these de Romain Benard

(Benard, 2007).

Planification

Le memoire de these presentant ces travaux est organise en 6 chapitres.

Dans un premier chapitre, nous effectuons une recension des travaux menes sur l’activite

decisionnelle dans les sports collectifs. Nous montrerons plus particulierement que l’evolution

de ces recherches permet de mettre en avant leurs apports, leurs limites, mais aussi la necessite

de considerer la relation entre les variables perceptives, cognitives et le contexte pour mieux

comprendre la decision tactique en sports collectifs.

Dans un second chapitre, nous presentons un courant theorique qui permet d’aborder

la decision tactique en la considerant comme une articulation de variables perceptives et

cognitives, et comme un phenomene contextualise : l’approche NDM (pour Naturalistic

Decision Making, (Klein, 1993). L’analyse des objectifs de recherche, des methodes, et des

principaux resultats nous conduira a demontrer pourquoi cette approche ergonomique nous

semble particulierement heuristique pour apprehender les decisions tactiques des joueurs de

football.

Le chapitre 3 prolongera notre analyse de cette approche theorique dans la perspective

d’etudier les influences entre les membres d’une equipe. Comme peu de travaux sont

disponibles dans le champ des STAPS, nous nous appuierons sur l’etude de l’activite collective

dans les situations de travail. Au terme de cette revue de la litterature, nous constaterons

que l’activite collective necessite souvent une etude prealable de l’activite individuelle ce qui

nous conduira a formuler deux niveaux d’hypotheses relatives a l’activite individuelle et a

l’activite collective dans les SiDyColl.

Les chapitres 4 et 5 sont dedies a l’etude de l’activite decisionnelle de joueurs de

football en situation de contre-attaque. Au cours d’une situation d’etude privilegiee, nous

nous interesserons a une equipe de football composee de joueurs experts issus du centre de

formation d’un club de football professionnel partageant des experiences communes. Nous

nous centrerons sur l’analyse de l’activite decisionnelle d’equipes de trois joueurs, en utilisant

une methodologie combinant des entretiens d’auto-confrontation et des observations. Lors du

quatrieme chapitre, nous presentons cette analyse dans sa dimension individuelle. Le chapitre

5 presente l’articulation entre activite collective et activites individuelles.

Le chapitre 6 presentera la conception et la validation d’un environnement virtuel :

CoPeFoot (Bossard et Benard, 2006). Ce chapitre explicite la collaboration avec Romain

26 Cyril Bossard

Page 27: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Introduction

Benard. Nous presenterons un protocole experimental original, inspire du Test de Turing

(Turing, 1950), ainsi que les resultats obtenus aupres de 24 novices et 24 experts de l’activite

football.

Nous terminerons par une discussion generale qui nous donnera l’occasion de dresser un

bilan des travaux effectues et en conclusion de degager quelques axes prospectifs pour de

futures recherches.

Cyril Bossard 27

Page 28: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Introduction

28 Cyril Bossard

Page 29: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 1

Les variables cognitives et perceptivesde la decision tactique en sports

collectifs

Resume – L’objectif de ce premier chapitre est de contribuer a la comprehension de

la decision tactique dans les sports collectifs. Dans le cadre d’une revue de la litterature en

psychologie du sport, nous nous focalisons sur les variables cognitives et perceptives mobilisees

par les experts. Nous presentons les principaux modeles theoriques ainsi que les methodes

d’investigation utilisees pour l’etude de ces variables. Les travaux recenses peuvent expliquer la

superiorite des experts a partir du contenu et de l’organisation de leur base de connaissances,

de leur fonctionnement mnemonique ou de leurs habiletes perceptives. A travers l’evolution

de ces recherches (leurs apports et leurs limites), ce chapitre montre la necessite de considerer

les relations entre les variables perceptives, cognitives et le contexte, pour mieux comprendre

la decision tactique en sports collectifs.

Cyril Bossard 29

Page 30: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 1 – Les variables cognitives et perceptives de la decision tactique en sports collectifs

Introduction

L’objectif de ce chapitre est de contribuer a la comprehension de la decision tactique

dans les sports collectifs. Pour etudier la prise de decision, la majorite des etudes en

psychologie du sport se sont focalisees sur les variables individuelles, cognitives et perceptives,

de l’expertise (Tenenbaum et Bar-Eli, 1993). Les avancees de la recherche sont nombreuses

et variees (108 etudes recensees entre 1980 et 2000 par Starkes et al. (2001)), mais la decision

tactique reste un objet d’etude difficile a apprehender, car les joueurs de sports collectifs

sont souvent confrontes a des contextes a la fois complexes et a forte pression temporelle

(McMorris et Graydon, 1997). La notion de decision tactique met en avant le fait que

le joueur decide en action, dans un contexte « fluctuant a evolution rapide » (Garbarino

et al., 2001). En sports collectifs, la notion de decision tactique se differencie de la notion de

decision strategique, realisee en dehors de l’action (preparation du match), ou lors de phases

de jeu peu contraignantes temporellement (remise en jeu, phase arretee, coup-franc, etc.). La

pertinence de cette distinction professionnelle ou empirique (le vocabulaire des entraıneurs)

a ete confirmee scientifiquement (Vom Hofe, 1991; Poplu et al., 2003).

La comprehension de la decision tactique en sports collectifs est un objectif pertinent

pour les praticiens (McPherson et Kernodle, 2003). En effet, pour preparer une equipe aux

decisions strategiques, le formateur ou l’entraıneur peut proposer un plan de jeu, « un

referentiel commun » (Grehaigne et al., 2001) en fonction duquel les joueurs decident et

agissent. Ainsi, les decisions sont pre-etablies, les roles et les actions definis a l’avance. Le

« jeu programme » peut etre repete systematiquement a l’entraınement pour augmenter la

performance en match. En revanche, la decision tactique, le « jeu en lecture », necessite

le developpement de capacites a decider vite et bien, en cours d’action, et serait plus

problematique (Vickers et al., 2004).

La decision tactique en sports collectifs constitue un objet d’etude complexe, et l’iden-

tification des structures et des processus psychologiques mis en jeu constitue un indeniable

enjeu scientifique. La decision peut etre consideree, soit comme un processus de traitement

de l’information, reposant sur la mobilisation de bases de connaissances pour mieux identifier

et interpreter les indices pertinents dans l’environnement (Schmidt et Lee, 2005), soit comme

un processus d’adaptation au contexte, reposant sur un couplage entre des contraintes contex-

tuelles et des structures d’arriere-plan (Ross et al., 2006). L’etude de la decision tactique sera

donc particulierement dependante du point de vue theorique adopte, c’est-a-dire de la place

accordee au contexte dans l’etude et la comprehension de ce phenomene. De plus, dans le

cadre des sports collectifs, les joueurs subissent l’influence des partenaires et des adversaires

(McMorris et MacGillivary, 1988). Si on considere que le developpement de l’expertise de

l’equipe ne se reduit pas a la somme de l’expertise des joueurs (Tenenbaum et Bar-Eli, 1993),

alors la dimension collective de la decision tactique devient determinante.

30 Cyril Bossard

Page 31: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Bases de connaissances et sports collectifs

Comment les joueurs developpent leurs capacites a repondre vite et bien, s’adaptent et

se coordonnent dans un contexte de sport collectif ? Pour tenter de repondre a cette question,

on recense en psychologie du sport une grande diversite d’objets de recherche et une grande

heterogeneite des variables etudiees. Cette revue de question souhaite montrer que l’evolution

de ces recherches permet de mettre en avant leurs apports, leurs limites, mais aussi la necessite

de considerer les relations entre les variables perceptives, cognitives et le contexte

pour mieux comprendre la decision tactique en sports collectifs.

Ce chapitre nous donne l’occasion de reprendre les contributions classiques des approches

cognitives de la prise de decision, en mettant en evidence l’effort de trois objets de

recherche pour prendre en compte le contexte des sports collectifs. Ces travaux expliquent la

superiorite des experts en sports collectifs a partir du contenu et de l’organisation de leur base

de connaissances (French et McPherson, 1999), de leur fonctionnement mnemonique

(Zoudji et al., 2002), ou de leurs capacites perceptives (Williams et al., 2004). Dans

ces etudes « individu-centrees », les variables perceptives et cognitives restent centrales :

le contexte est une variable manipulee, controlee pour mieux en mesurer les effets sur la

decision du joueur.

1.1 Bases de connaissances et sports collectifs

Historiquement, l’activite decisionnelle en sport a ete etudiee au sein du paradigme cogni-

tiviste. Dans cette perspective theorique, la prise de decision est consideree comme un proces-

sus individuel, symbolique et rationnel de traitement de l’information. Les informations sont

prelevees dans l’environnement par l’individu et sont interpretees grace a differents systemes

mnemoniques (Schmidt et Lee, 2005). Rappelons qu’en psychologie cognitive, il est habituel

de distinguer la memoire a long terme (MLT), lieu de stockage permanent d’informations,

et la memoire de travail (MT), espace transitoire de traitement des informations maintenues

sous le focus attentionnel. Plus precisement, la memoire a long terme declarative contient des

informations accessibles au langage, notamment des connaissances abstraites, des regles ou

des concepts (memoire semantique). Une premiere approche de la prise de decision en psy-

chologie du sport consiste a identifier ces bases de connaissances mobilisees pour categoriser,

analyser les situations et choisir une action a realiser : Quel est l’effet de l’expertise sur

le developpement des connaissances des joueurs en sports collectifs ?

1.1.1 Principes et methodes

Les bases de connaissances renvoient aux informations accumulees par l’experience, qui

s’affinent et s’organisent au cours du developpement des sportifs. Les experts developpent

une base de connaissances qui recouvre des connaissances declaratives (savoir quoi faire) et

Cyril Bossard 31

Page 32: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 1 – Les variables cognitives et perceptives de la decision tactique en sports collectifs

des connaissances procedurales (savoir comment faire), specifiques a leur domaine (Ericsson,

1996). Par hypothese, ces informations influencent la decision tactique en sports collectifs

(McPherson, 1993). Dans ce cadre, trois questions principales sous-tendent le lien entre base

de connaissances et decision :

1. Quelle est la nature des connaissances sollicitees pour prendre des decisions tactiques

en sports collectifs ?

2. Comment utiliser ces connaissances pour ameliorer l’adaptation a la pression temporelle

en sports collectifs ?

3. Comment les connaissances des experts leur permettent-ils d’integrer la grande quantite

d’informations issues du contexte en sport collectif ?

Pour identifier les connaissances declaratives des sportifs, les etudes utilisent des

questionnaires fermes (Vom Hofe, 1991; Christensen et Glencross, 1993) : connaissances

reglementaires, vocabulaire technique, principes de jeu generaux, etc. Quand l’objectif est

de determiner les connaissances procedurales des sujets, c’est-a-dire les connaissances qui

leur sont directement utiles pour decider, les etudes proposent soit des questionnaires, soit

des protocoles de recueil de verbalisations en situation reelle (McPherson, 1993), soit des

situations amenagees a des fins d’etude (McPherson et Vickers, 2004). Pour determiner une

correlation entre connaissances procedurales et niveau de performance, des investigations a

partir de questionnaires ont ete utilisees en basket-ball (Del Villar et al., 2004) et en floorball

(Contreras Jordan et al., 2005). Enfin, quand l’objectif est d’examiner comment les joueurs

experts mobilisent ces connaissances pour etablir un jugement sur le contexte, les chercheurs

peuvent avoir recours a des methodes experimentales (Rulence-Paques et al., 2005a,b). Le ta-

bleau 1.1 (p 33) regroupe les etudes menees au sein du paradigme des bases de connaissances

en fonction des methodologies employees dans les sports collectifs.

Il apparaıt donc qu’a cote des etudes « classiques », decontextualisees (questionnaires),

des protocoles permettent de prendre en compte la relation decision tactique et contexte.

Les principaux resultats sont presentes en prenant appui sur des etudes qui nous semblent

caracteristiques de cette evolution methodologique.

1.1.2 Les connaissances sollicitees en contexte de sports col-lectifs

McPherson (1993) a developpe un protocole structure a partir d’entretiens permettant

de recueillir et d’analyser systematiquement les donnees verbales d’experts en situations

sportives. Par hypothese, les protocoles verbaux de rappel stimule permettent d’obtenir des

informations concernant les connaissances et les concepts actives en MLT durant l’execution

de la tache.

32 Cyril Bossard

Page 33: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Bases de connaissances et sports collectifs

Sport Methodologies de recueil des donneescollectif Auteurs et etudes Questionnaires Entretiens Observations

French et al. (1996) ✓ ✓Base-ball McPherson (1993) ✓ ✓

Nevett et French (1997) ✓ ✓French et Thomas (1987) ✓ ✓ ✓

Basket-ball Yaaron et al. (1997) ✓ ✓Del Villar et al. (2004) ✓

Vom Hofe (1991) ✓Football Grehaigne et al. (2001) ✓Floorball Contreras Jordan et al. (2005) ✓

Hockey surgazon

Christensen et Glencross (1993) ✓ ✓ ✓

Volley-ball McPherson et Vickers (2004) ✓ ✓

Tableau 1.1 – Methodologies de recueil des donnees

Le systeme de codage des verbalisations recueillies (organise autour de 5 concepts : but,

conditions, action, operation, et regulation), mis en evidence par McPherson (1993), a permis

de categoriser ces formes verbales typiques des connaissances des experts dans d’autres sports

collectifs : le base-ball (French et al., 1996; Nevett et French, 1997), le basket-ball (French et

Thomas, 1987; Yaaron et al., 1997), et le hockey sur gazon (Christensen et Glencross, 1993).

D’une maniere generale, les verbalisations recueillies attestent que les bases de connais-

sances des experts sont plus etendues, plus affinees et specifiques en sports collectifs. Par

comparaison avec les novices, les resultats montrent que les experts possedent des structures

de connaissances plus sophistiquees, c’est-a-dire un reseau plus etendu de concepts et un plus

grand nombre de liens entre connaissances procedurales et declaratives. Ces connaissances

permettent de construire la representation initiale du probleme et de guider l’interpretation

des informations rentrantes et la retention d’informations pertinentes et necessaires comme

des solutions pour repondre a la situation. Ce processus de decision decrit un « premier niveau

de traitement » des informations issues du contexte.

1.1.3 L’adaptation a la pression temporelle des sports collec-tifs

McPherson et Vickers (2004) ont mis a l’epreuve l’hypothese d’un « second niveau de

traitement » des informations contextuelles grace aux bases de connaissances. Les informa-

tions sur la situation courante et sur des evenements passes pourraient etre utilisees pour

planifier les futures actions a entreprendre et anticiper les futurs evenements de jeu. Les au-

teurs ont recueilli les verbalisations de 5 joueurs experts a differents moments d’une situation

de reception de service et de passe au volley-ball. L’objectif de la tache consistait a la fois a

Cyril Bossard 33

Page 34: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 1 – Les variables cognitives et perceptives de la decision tactique en sports collectifs

receptionner un service et a produire une passe precise. Le recueil des donnees verbales s’ef-

fectue a partir d’entretiens menes en deux temps : avant la tache et pendant la tache (entre

les series d’essais). Les questions servant de guide aux entretiens concernaient les strategies

visuelles (ou regardes-tu ?), les pensees pendant un service (a quoi penses-tu ?), et les pensees

entre une serie de services (maintenant, a quoi penses-tu ?). Chaque moment d’entretien est

complete par un questionnement permettant d’acceder « plus profondement » aux bases de

decision tactique (Pourquoi ?) et d’assurer des reponses completes (Rien d’autre ?). La per-

formance des joueurs est mesuree en fonction de la zone d’arrivee de la balle (5 zones notees

de 0 a 4, considerant qu’une zone proche du filet permet d’obtenir un score plus eleve).

Dans un premier temps, la categorisation theorique autour des 5 concepts proposee par

McPherson (1993) est confirmee. Ensuite, les resultats montrent que les volleyeurs experts

etablissent des plans d’actions et envisagent des scenarios de jeu possibles avant de realiser

la tache. Les plans d’actions sont ainsi constitues de regles typiques stockees en MLT et

utilisees pour correspondre a certaines conditions courantes de la situation. Ils permettent

de guider les strategies visuelles, puis l’execution motrice durant la situation en fonction du

contexte (position du joueur ou de la balle). Les scenarios envisages constituent des profils

types de situations stockes en MLT prets a etre actives ou mis a jour quand le besoin surgit.

Ainsi, ils permettent d’une part d’augmenter la rapidite de reponse, et d’autre part d’adapter

la decision tactique en guidant la construction dynamique des concepts et leur modification

durant la situation de jeu. Par exemple, un joueur de volley-ball expert peut acceder a un profil

type de situation de service concernant son adversaire (base sur des competitions passees),

utiliser ce profil en situation pour anticiper, etre en attente d’une trajectoire probable et

prendre rapidement une decision quant au retour a effectuer.

1.1.4 L’adaptation a la complexite des contextes en sportscollectifs

La complexite du contexte des sports collectifs repose, en partie, sur la grande quantite

d’informations a traiter par le joueur. Pour comprendre comment les joueurs peuvent integrer

cette grande quantite d’informations contextuelles, Rulence-Paques et al. (2005b) ont etudie

la decision tactique de joueurs de football en fonction de differents scenarios de match. Par

hypothese, la decision tactique resulterait du degre d’organisation des connaissances au sein

de « schemas de prise de decision ». Les auteurs ont mesure l’effet de variables contextuelles

telles que le statut numerique, le temps restant, le score et l’importance du match, pour

decider d’une remise en jeu rapide en fin de match. La methode utilisee consistait a presenter

36 scenarios presentes sur des cartes a des joueurs experts. Ces scenarios etaient etablis par

combinaison des quatre variables contextuelles citees ci-dessus (par exemple : notre equipe

mene d’un but, il reste dix minutes a jouer, c’est un match de championnat, nous avons un

34 Cyril Bossard

Page 35: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Bases de connaissances et sports collectifs

joueur de plus que l’equipe adverse). Le sujet est ensuite invite a considerer chaque carte

et a reporter son choix sur une echelle continue allant de « je suis completement sur que je

deciderais d’une remise en jeu rapide » a « je suis completement sur que je ne deciderais pas

d’une remise en jeu rapide ».

Les resultats montrent que la decision tactique prend bien en compte la complexite du

contexte. Le joueur prend notamment en compte le score et le statut numerique de l’equipe

adverse. Ce sont ces deux facteurs qui influencent le plus la decision tactique : « jouer une

remise en jeu rapide ». Les informations concernant l’importance du match et le temps restant

a jouer sont des moderateurs importants du facteur « score ». En effet, plus le match est

important et le temps restant a jouer est faible, plus le score a un effet sur la decision

tactique. Les informations concernant le score et le statut numerique de l’equipe interagissent

de maniere plus complexe. Le statut numerique joue un role important seulement dans le cas

d’un score nul. Ces resultats ont obtenu une validation empirique dans des situations de

basket-ball et de handball (Rulence-Paques et al., 2005a) et sur des joueurs de football de

differentes classes d’age (Rulence-Paques et al., 2005b).

1.1.5 Discussion

Les investigations menees au sein du courant des bases de connaissances permettent de

determiner la nature, le contenu et l’organisation des connaissances utilisees en situation de

sports collectifs (McPherson, 1993). La decision tactique est aujourd’hui concue comme un

produit cognitif complexe qui requiert de multiples informations sur la situation en cours

et des evenements passes (McPherson et Vickers, 2004). L’adaptation des joueurs de sports

collectifs face a la pression temporelle et la complexite des contextes rencontres est favorisee

par l’exploitation de deux niveaux de traitement de l’information : niveau macro (schemas,

plan d’actions et scenarios) et micro (regles liant condition-action-but). Les connaissances

sont donc organisees de maniere fonctionnelle pour traiter economiquement l’information

contextuelle, et l’expert peut integrer un grand nombre d’informations pour selectionner une

reponse appropriee (Rulence-Paques et al., 2005b,a).

D’un point de vue methodologique, l’utilisation des protocoles verbaux permet d’ouvrir

une « fenetre » sur les processus cognitifs a l’œuvre dans la relation sujet-contexte. Des lors,

il ne faut pas perdre de vue que le chercheur accede uniquement a une partie des bases de

connaissances mobilisees. En effet, de nombreuses connaissances procedurales sont utilisees

de facon implicite par les experts et rendent leurs acces difficile au champ de la conscience.

La technique de codage des verbalisations mise en place par McPherson (1993) a montre son

interet dans de nombreuses situations sportives individuelles et collectives (pour une revue

complete voir (French et McPherson, 1999, 2004)).

La critique classique faite au modele des bases de connaissances repose sur l’incompa-

Cyril Bossard 35

Page 36: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 1 – Les variables cognitives et perceptives de la decision tactique en sports collectifs

tibilite entre le cout temporel du processus sequentiel mobilise et la pression temporelle liee

aux situations de decision tactique. Les defenseurs de cette approche repondent par la possi-

bilite, avec la pratique, de proceduraliser et d’automatiser les regles specifiques qui lient les

differentes informations de la base de connaissances aux diverses situations (Grehaigne et al.,

2001), ou par la possibilite d’organiser les connaissances sous forme de schemas typiques, de

scenarios specifiques a des situations de jeu (McPherson et Vickers, 2004).

L’etude des modes d’activation des bases de connaissances est une autre voie de reponse

a la problematique de la pression temporelle. L’objet de recherche privilegie devient alors

l’etude du fonctionnement mnemonique.

1.2 Le fonctionnement mnemonique en sports col-

lectifs

La decision tactique en sports collectifs a egalement ete etudiee a l’aune des travaux

relatifs au fonctionnement mnemonique. Comment les etudes relatives au fonctionne-

ment de la memoire permettent-elles d’expliquer la decision tactique en sports

collectifs ? Pour repondre a cette question, les chercheurs tentent de montrer les relations

entre les modalites d’activation des bases de connaissances (structures specifiques au domaine

d’expertise) et les contraintes contextuelles imposees par les sports collectifs.

1.2.1 Principes et methodes

Les etudes sur les processus mnemoniques reposent principalement sur deux hypotheses.

1) Les performances des experts s’expliquent par une capacite mnemonique accrue, ils peuvent

identifier, integrer et recuperer une quantite d’informations plus importante que les novices. 2)

Cette difference s’explique par la double nature des processus impliques : les experts seraient

capables d’activer leurs connaissances, soit directement et de maniere implicite en MLT, soit

indirectement et de maniere explicite en passant par la memoire de travail (MT).

L’objectif des etudes sur le fonctionnement mnemonique est alors de decrire les processus

que les experts sollicitent pour prendre des decisions face a des situations de jeu simulees

(schemas, diapositives). Soit la decision tactique recourt a un processus de « bas niveau »,

automatique et base sur l’extraction des caracteristiques physiques des situations de jeu.

Soit la decision tactique sollicite un processus de « haut niveau » et depend de l’analyse

semantique des relations entre les elements de la situation de jeu (Gobet et Simon, 1996).

Dans le premier cas, la decision depend de la recuperation d’informations en memoire a partir

d’indices perceptuels (une solution appropriee est directement associee avec la configuration

de jeu reconnue). Dans le second cas, la decision depend de la recuperation d’informations

36 Cyril Bossard

Page 37: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Le fonctionnement mnemonique en sports collectifs

Sport Tests de memoire explicites Tests de memoirecollectif Tache de Tache de implicites

rappel reconnaissance

Burroughs (1984)Base-ball Fadde (2006)

Allard et al. (1980) Allard et al. (1980)Basket-ball Allard (1982) Garland et Barry (1991)

Allard et Burnett (1985) Didierjean et Marmeche (2005) Ripoll et al. (2001)Millslagle (1988)

Starkes et al. (1994) Laurent et al. (2006)

Garland et Barry (1991)Football McMorris et Beazeley (1997) Williams et al. (1993) Poplu et al. (2003)

Vom Hofe (1984) Williams et Davids (1995) Zoudji et Thon (2003)Williams et Davids (1995) Williams et al. (2006)

Williams et al. (1993)Hockey Starkes (1987)

sur gazon Starkes et Deakin (1984)Handball Tenenbaum et al. (1994) Johnson et Raab (2003)Rugby Nakagawa (1982)

Volley-ball Borgeaud et Abernethy (1987)

Tableau 1.2 – Les etudes liees au fonctionnement mnemonique des experts en sports collectifs

en memoire a partir d’indices conceptuels (la solution est contenue dans une categorie

semantique).

Pour evaluer cette « habilete mnemonique » dans le domaine des sports collectifs, les

chercheurs ont mis en place des methodes experimentales permettant d’identifier des processus

mnesiques specifiquement utilises en fonction des differentes memoires permanentes (MLT

semantique et/ou procedurale) ou transitoire (MT) mobilisees et des variables contextuelles

(pour une revue complete voir (Zoudji et al., 2002)).

Deux types de tests sur le fonctionnement mnemonique sont utilises par les chercheurs :

les tests explicites et implicites. Ces tests se distinguent par un critere d’intentionnalite (Poplu

et al., 2003). Dans le premier cas, le sujet est averti par l’experimentateur que l’on evalue sa

memoire (taches de rappel ou de reconnaissance) contrairement au second. Dans les taches

de rappel, la performance des sportifs est mesuree a travers la quantite, les relations, et

la pertinence des informations rappelees. Dans les taches de reconnaissance ainsi que les

tests implicites, les chercheurs etablissent des correlations entre la pertinence et le temps

de reponse. Le tableau 1.2 (p 37) distingue les differentes methodes utilisees pour etudier le

fonctionnement mnemonique dans les sports collectifs.

Dans l’un ou l’autre des tests, les variables independantes generalement examinees

renvoient a deux types de caracteristiques : individuelles (comparaison experts/novices)

et contextuelles. Plus precisement, pour etudier la relation decision tactique-contexte, on

retrouve la volonte d’etudier l’effet de la pression temporelle par le calcul du temps de reponse

Cyril Bossard 37

Page 38: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 1 – Les variables cognitives et perceptives de la decision tactique en sports collectifs

ou en manipulant le temps de presentation des informations. La complexite du contexte

des sports collectifs est, quant a elle, etudiee au travers de sa structuration. Trois types de

questions concernant le fonctionnement mnemonique sont alors abordes :

1. Quel est l’effet de l’expertise ?

2. Quel est l’effet de la pression temporelle ?

3. Quel est l’effet de la complexite du contexte (etudie ici a travers sa structuration) ?

1.2.2 Les differences experts/novices aux tests de memoire

Pour tester l’effet de l’expertise, Garland et Barry (1991) par exemple, utilisent une tache

de rappel avec des diapositives presentant des situations de jeu au basket-ball a des joueurs

de niveaux differents. La presentation des diapositives est repetee jusqu’a ce que le sujet les

rappelle correctement. Les resultats aux taches de rappel montrent ainsi que les experts ont

besoin d’un faible nombre de presentations pour les rappeler correctement (Garland et Barry,

1991; Vom Hofe, 1991).

Dans la meme perspective, Vom Hofe (1991) soumet des joueurs de football experts

a une tache de resolution de probleme tactique, presentee sur ecran. Deux conditions sont

analysees, en fonction des consignes donnees aux sujets : « identifier une bonne reponse

le plus rapidement possible », ou « identifier un maximum de bonnes reponses en 20

secondes ». L’originalite de la recherche consiste a mettre en relation les resultats obtenus

avec une batterie d’autres tests : un questionnaire base sur les regles du jeu (connaissances

declaratives), un test de perception spatiale, un test de rotation mentale, un test de style

cognitif, et un test d’intelligence. Les resultats, dans la premiere condition, sont bien expliques

par la competence experte dans une tache de rotation mentale, faisant appel a la rapidite

d’encodage, de comparaison et de rotation de stimuli. Dans la seconde condition, le niveau

d’intelligence generale et la qualite des connaissances declaratives liees a l’activite constituent

les meilleurs predicteurs.

1.2.3 L’adaptation a la pression temporelle et le « traitementperceptif »

Pour leur part, Zoudji et Thon (2003) ont examine le fonctionnement mnemonique a

differents niveaux d’expertise, en mesurant la performance des sujets dans une tache de

memoire implicite (paradigme d’amorcage par repetition). Le protocole experimental consiste

a presenter deux fois des situations offensives de football a 12 novices et 24 experts (12

entraineurs, 12 joueurs). Le sujet devant decider quelle action appropriee devrait effectuer

le joueur en possession du ballon pour chacune d’elles (garder, passer ou tirer). Dans la

38 Cyril Bossard

Page 39: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Le fonctionnement mnemonique en sports collectifs

seconde presentation, les configurations de jeu sont soit identiques soit differentes (inversion

en miroir). Les variables analysees sont la pertinence, le temps, et la coherence de la reponse

entre les deux situations.

Ils observent aussi une correlation entre la vitesse, la pertinence des reponses et le niveau

de pratique. Les decisions des experts sont toujours plus pertinentes que celles des novices.

Si le temps de reponse est peu differencie lors de la premiere presentation, ce dernier baisse

sensiblement lors de la seconde presentation (quand les situations de jeu sont identiques)

pour les experts. Enfin, la coherence de la reponse est plus forte chez les experts que chez

les novices entre les deux situations. Cette coherence est d’autant plus forte que la seconde

presentation est identique a la premiere. Ces resultats suggerent que les novices adoptent le

meme fonctionnement mnemonique lors de la presentation initiale et lors du test de memoire

implicite (meme quand l’image a deja ete presentee). A l’inverse, les experts memorisent

les situations rencontrees et se basent sur cette memorisation pour decider vite et bien lors

de la seconde presentation. Les experts s’appuient donc davantage que les novices sur leurs

traces mnesiques pour prendre des decisions. Cette etude montre ainsi que la superiorite

des experts repose sur l’efficience des processus mnesiques. Les experts en sports collectifs

reconnaissent ou rappellent plus rapidement et avec plus de pertinence les situations de jeu

deja rencontrees : « effet d’amorcage ». De plus, les auteurs suggerent que l’effet d’amorcage

est perceptif.

Pour expliquer l’adaptation mnemonique a la pression temporelle, Poplu et al. (2003) ont

mis a l’epreuve l’hypothese d’un traitement semantique des informations (faisant intervenir

la memoire declarative) par opposition a un traitement strictement perceptif reposant sur

les caracteristiques physiques du percept (et faisant prioritairement intervenir la memoire

procedurale). Dans le cadre du basketball, ils ont propose une extension a la methodologie

utilisee par Zoudji et Thon (2003). Dans un premier temps, les auteurs ont reproduit la meme

experience (choisir rapidement une action pertinente sur 3 possibles : passe, dribble, tir). Dans

une seconde experience, ils ont demande aux sujets de planifier une sequence de 3 actions

consecutives a partir de la situation presentee sur ecran. Les variables analysees sont toujours

la pertinence, le temps, et la coherence de la reponse entre les deux presentations sur ecran

(structuree ou non). Les mesures prelevees entre la premiere et la seconde experimentation

sont ensuite comparees.

Les resultats montrent que les sujets experts appliquent un raisonnement semantique

uniquement face a des situations « strategiques », ou de resolution de probleme complexe

(par exemple, prevoir trois actions a partir d’une situation actuelle). Mais, quand on exige du

sujet une decision tactique, comme choisir rapidement une action pertinente sur 3 possibilites

(passe, dribble, tir), le sujet fait intervenir prioritairement un traitement perceptif.

Les processus mis en jeu, face a une configuration identique de stimuli, semblent donc

differents selon que l’on se situe dans le cadre d’une consigne de « decision tactique » (contexte

Cyril Bossard 39

Page 40: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 1 – Les variables cognitives et perceptives de la decision tactique en sports collectifs

dynamique a forte pression temporelle), ou d’une consigne « d’analyse strategique » (contexte

statique a faible pression temporelle). Des lors, pour Poplu et al. (2003), le traitement

perceptif intervient dans les situations d’urgence (forte contrainte temporelle), alors que

le traitement semantique intervient dans la construction du jeu ou en situation de confort

temporel. Cependant, cette efficacite est valable uniquement quand les situations presentees

sont coherentes par rapport a la pratique du sport collectif etudie (situations considerees

comme credibles ou structurees). Une question corollaire est alors de savoir si la structuration

du contexte a une influence sur la nature du traitement mobilise par les experts en sports

collectifs.

1.2.4 L’adaptation a la complexite des contextes en sportscollectifs

L’adaptation du fonctionnement mnemonique a la complexite peut s’expliquer par la

« structuration du contexte ». Les resultats aux tests implicites et explicites montrent la

capacite des experts a s’adapter plus vite que les novices a differentes situations complexes a

condition qu’elles soient « structurees ».

Ripoll et al. (2001) ont utilise une tache de reconnaissance avec des basketteurs experts.

L’experience consiste a proposer dans un premier temps (4 secondes) des configurations

schematiques de jeu, structurees ou non. Apres 2 secondes, ces memes configurations sont

representees a l’identique ou apres avoir subi une rotation de 90° (mais conservant les memes

relations semantiques). Des mesures sur le taux de reponses correctes et le temps de reponse

(pression temporelle) sont prelevees. Les resultats de Ripoll et al. (2001) confirment egalement

la superiorite des experts sur les novices aux taches de reconnaissance de configurations

schematiques de jeu. Les experts repondent plus rapidement dans toutes les conditions, sauf

lorsque la presentation des deux situations est identique et structuree. Dans la condition de

rotation a 90 degres, le temps de reponse des deux groupes est altere, meme si les experts

conservent toujours un temps d’avance.

Pour l’ensemble des travaux menes face a des situations de sports collectifs, les experts

font moins d’erreurs de rappel que les novices quand la situation presentee est structuree

(Allard et al., 1980; Allard et Burnett, 1985; Garland et Barry, 1991; Williams et al., 1993).

Dans l’etude de Ripoll et al. (2001), la situation de la seconde presentation subit une

rotation a 90°. Ainsi, la situation presentee conserve la structure des relations entre les

elements mais les caracteristiques de surface changent. Si les experts sollicitent un traitement

semantique alors les effets de la rotation devraient etre plus faibles chez les experts que chez

les novices. Les resultats montrent au contraire que les experts appliquent prioritairement un

traitement perceptif des situations proposees.

40 Cyril Bossard

Page 41: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Le fonctionnement mnemonique en sports collectifs

L’etude de Zoudji et Thon (2003) a partir d’un test de memoire implicite aboutit a

des conclusions similaires. Les experts n’obtiennent pas de meilleures performances dans

la seconde presentation des situations inversees en miroir. L’effet d’amorcage est selon les

auteurs, de nature perceptive.

Ces resultats suggerent que les experts mobilisent prioritairement la modalite perceptive

pour repondre aux situations proposees. Cependant, dans l’etude de Zoudji et Thon (2003)

les situations presentees aux sujets etaient des situations mettant en scene des joueurs

proches du but. Ainsi, la contrainte temporelle de la tache (temps de reponse) associee a la

proximite du but dans la scene presentee, pousse les sujets a repondre rapidement. Ensuite, les

configurations de jeu presentees (schemas ou images) font intervenir prioritairement l’habilete

perceptive du sujet. La nature du materiel presente influence la nature du processus sollicite.

Que ce soit pour les taches de rappel, de reconnaissance ou le test de memoire implicite,

les resultats attestent finalement que le traitement des situations depend de la nature des

contraintes proposees par l’environnement (Williams et al., 1993). La particularite du contexte

des etudes presentees (Ripoll et al., 2001; Zoudji et Thon, 2003) oriente en quelque sorte la

nature perceptive du processus.

1.2.5 Discussion

L’ensemble de ces travaux corrobore donc l’idee que l’activite decisionnelle est fortement

influencee par des contraintes contextuelles. Plus particulierement, la pression temporelle et la

structuration de l’environnement semblent etre des facteurs determinants du fonctionnement

mnemoniques des experts. L’expertise dans la decision tactique vs decision strategique peut

etre expliquee au travers de la mobilisation prioritaire de structures mnemoniques specifiques,

memoire semantique declarative vs memoire procedurale, en fonction des contraintes contex-

tuelles. Ces etudes sur le fonctionnement mnemonique permettent donc de valider la distinc-

tion empirique entre decision strategique et tactique en sports collectifs. Dans des situations

de decision tactique, l’expertise s’explique par l’activation directe de la memoire procedurale

par le contexte.

D’un point de vue methodologique, les tests de rappel et de reconnaissance presentent une

limite commune. En effet, reconnaıtre ou rappeler des informations initialement presentees

lorsque le sujet sait qu’il s’agit d’une epreuve de memorisation oriente ce dernier vers

un effort de restitution impliquant la memoire de travail. Des lors, ces tests orientent

fortement la modalite d’acces aux contenus mnemoniques et donc, n’etudie qu’une partie du

fonctionnement mnemonique. Les tests de memoire implicite permettent de pallier cet ecueil

puisqu’ils introduisent une consigne non-intentionnelle. Cependant, meme si l’evolution du

materiel de presentation des situations semble se rapprocher des situations reelles de sports

collectifs, les tests de memoire implicite s’effectuent toujours a partir de situations statiques

Cyril Bossard 41

Page 42: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 1 – Les variables cognitives et perceptives de la decision tactique en sports collectifs

(schemas ou diapositives). Inevitablement, les situations presentees adoptent un point de vue

exocentre de la situation de sports collectifs.

Enfin, si l’ensemble de ces tests permet de confirmer la superiorite des experts quant

a leur habilete mnesique, ils ne renseignent pas precisement quelles sont les informations

contextuelles utilisees par les sujets experts en situation. Or ces derniers ont developpe des

habiletes perceptives permettant de repondre aux exigences rencontrees en sports collectifs.

L’expertise perceptive a egalement ete l’objet de nombreuses recherches appliquees aux sports

collectifs.

1.3 La competence perceptive en sports collectifs

Le champ d’investigation des habiletes perceptives est extremement bien fourni dans le

domaine du sport. La particularite des experts consiste a orienter leur activite visuelle sur

les informations importantes qui precedent et determinent la decision tactique (Williams et

Ward, 2003). Nous nous demanderons ici, dans quelle mesure les habiletes perceptives

des experts permettent-elles d’expliquer leur superiorite dans les situations de

decision tactique en sports collectifs ? Pour repondre a cette question, les etudes sur les

variables perceptives dans le domaine du sport examinent trois types de problemes :

• les differences experts-novices dans les situations de sports collectifs,

• la nature des informations visuelles impliquees dans la decision tactique,

• la maniere dont ces informations sont extraites de l’environnement.

1.3.1 Principes et methodes

D’apres Williams et al. (2004) (p 304), le principal modele theorique qui sous-tend

les etudes sur l’activite perceptive dans le domaine des sports collectifs est le modele de

l’attention visuelle. Dans cette perspective cognitiviste, les comportements de recherche

visuelle sont determines conjointement par les caracteristiques du contexte et par l’experience

individuelle (ou la familiarite du sujet avec les situations rencontrees). Concretement, le

sujet percoit une image ou une scene sportive qui est ensuite integree et comparee avec les

connaissances en MLT. Une fois que le type de situation est identifie, elle permet de diriger

rapidement l’attention et de generer un comportement de recherche visuelle efficace sur les

zones pertinentes.

Dans les etudes sur l’activite perceptive, les chercheurs effectuent generalement une

analyse contrastante, dans laquelle un petit nombre d’experts est compare aux non experts

d’une discipline. Cette comparaison porte sur la nature du processus de prise d’informations

visuelles dans des situations qui requierent une decision tactique. Dans cette perspective, deux

42 Cyril Bossard

Page 43: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La competence perceptive en sports collectifs

principales orientations methodologiques peuvent etre distinguees : les techniques d’occlusion

et l’enregistrement des mouvements oculaires. Les techniques d’occlusion temporelle et

spatiale permettent d’acceder aux types d’informations utilises par l’expert pour faciliter

la prise de decision (Williams et Ericsson, 2005). L’enregistrement des mouvements oculaires

(ou de prospection visuelle) permet de determiner comment les joueurs experts recherchent

et selectionnent les informations dans le dispositif de presentation ou la situation, et d’en

deduire les regles de fonctionnement de la decision tactique (Henderson, 2003). Le tableau

1.3 (p 45) recense les travaux lies a l’activite perceptive des experts en sports collectifs qui

utilisent ces deux types de methodes.

Une premiere methode consiste a utiliser les techniques d’occlusion temporelle ou

spatiale. Les travaux de Savelsbergh et al. (2002) et de Starkes et al. (1995), respectivement

sur le penalty au football et le service au volley-ball, sont caracteristiques des etudes qui

utilisent les techniques d’occlusion temporelle. L’etude de Williams et al. (2006) quant a

elle, constitue un bon exemple d’utilisation des techniques d’occlusion spatiale. L’occlusion

temporelle consiste a filmer une tache particuliere (penalty au football) du point de vue

du joueur que l’on veut interroger (gardien). On decoupe ensuite le film en differentes

sequences ce qui permet de cacher temporairement une information (comme masquer la

sequence du contact pied-ballon par exemple). Le film modifie est ensuite presente aux

participants qui doivent predire le resultat de la sequence manquante (type de frappe et

direction). Cette methode donne des indications sur le moment ou l’information est extraite

par le sujet. Pour determiner a la fois le temps et la nature de l’information extraite, la

technique d’occlusion spatiale ou evenementielle est egalement utilisee. Ici, les chercheurs

masquent une caracteristique specifique sur l’image presentee au sujet (comme retirer 2

joueurs defenseurs de l’image). Par hypothese, si on observe une baisse de la performance

lors de la presentation modifiee en comparaison avec l’image initiale, la source d’information

cachee est importante. Le temps d’occlusion d’une caracteristique peut egalement etre

manipule pour savoir quelle source d’information est importante a differentes etapes de

l’action. Ces techniques d’occlusion temporelle ont ete utilisees en situation experimentale

(Savelsbergh et al., 2002) ou reelle (Starkes et al., 1995). Plus recemment, Williams et al.

(2006) ont manipule les caracteristiques de surface d’un film en remplacant les joueurs par

des points lumineux pour tester l’hypothese que la decision tactique face a une configuration

de jeu chez les experts au football depend de la relation entre les informations. Les auteurs

ont egalement retire du film certains joueurs (deux attaquants et deux defenseurs) pour tester

leur importance sur la decision tactique.

Une seconde methode consiste a recueillir des donnees sur les mouvements oculaires

des experts pour determiner les strategies visuelles utilisees (pour une revue complete

sur les etudes relatives aux mouvements oculaires, voir Williams et al. (1999); Williams

(2002); Williams et al. (2004)). Cette perspective methodologique apporte un eclairage sur

l’orientation du regard des pratiquants, le nombre et la duree de leurs fixations oculaires

Cyril Bossard 43

Page 44: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 1 – Les variables cognitives et perceptives de la decision tactique en sports collectifs

(Williams et al., 2004). La localisation de chaque point de fixation permet d’inferer la zone

d’interet du sujet. Le nombre et la duree des fixations sont censes refleter l’importance relative

(quantite d’informations traitees) ou la complexite de la zone fixee par le sujet. Ces differents

indicateurs devoilent la strategie de recherche visuelle utilisee par le sujet pour extraire des

informations dans son environnement. Ces investigations peuvent avoir lieu en situations

experimentales ou en situations sportives reelles. Dans les situations experimentales, les

auteurs ont souvent utilise des films pour recreer la dynamique des situations de sports

collectifs. Par exemple, Williams et al. (1994) et Williams et Davids (1998) ont presente des

sequences de jeu au football sur un grand ecran puis ont demande aux sujets (des defenseurs)

de predire la direction de la passe de l’adversaire. Les situations presentees aux sujets ont

ete differenciees : un contre un, trois contre trois et onze contre onze. D’autres etudes sur les

strategies visuelles presentent egalement des situations de jeu ou le sujet doit prendre une

decision appropriee (frapper, passer ou dribbler) face a un film (Helsen et Pauwels, 1993a;

Helsen et Starkes, 1999).

Les resultats des differentes etudes en sports collectifs permettent de caracteriser

l’activite perceptive des experts par comparaison avec celle des novices. Ces etudes fournissent

egalement des indications pour expliquer comment les experts s’adaptent a la pression

temporelle et la complexite des contextes en sports collectifs.

1.3.2 Les differences experts-novices

Les principaux resultats de l’ensemble des etudes sur la perception en sports collectifs

suggerent que les experts ont developpe une habilete perceptive specifique a leur activite. Ces

travaux mettent en evidence la competence des experts a extraire des informations pertinentes

plus tot, plus vite et avec plus de precision que les novices (Williams et Ward, 2003).

Les resultats obtenus avec l’une ou l’autre des methodes d’investigation mettent en

avant l’idee que les experts percoivent directement les informations pertinentes, i.e. utiles

pour decider. Les resultats obtenus a l’aide des techniques d’occlusion spatiale et temporelle

montrent par exemple que les experts extraient des informations precises plus tot et plus

rapidement que les novices (Savelsbergh et al., 2002). Les resultats obtenus a partir de

l’analyse des mouvements oculaires montrent que les experts utilisent des strategies visuelles

optimales (ou patterns de recherche visuelle), c’est-a-dire plus appropries et plus efficaces que

les novices en sports collectifs (Williams et Davids, 1998). Des les premieres etudes, Bard et

Fleury (1976) ont montre que les experts faisaient moins de fixations de longue duree que les

novices en situation de jeu au basket-ball. Les resultats montrent egalement une difference

qualitative. Les fixations des experts sont dirigees vers les zones potentiellement plus riches

en informations. Ces resultats ont ete confirmes par des etudes plus recentes dans differents

sports collectifs (Williams et al., 1994; Williams et Davids, 1998; Williams et al., 2004; Helsen

44 Cyril Bossard

Page 45: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La competence perceptive en sports collectifs

Sport Methodescollectif Techniques d’occlusion Analyse des mouvements oculaires

Burroughs (1984)Glencross et Paull (1993)

Base Ball Paull et Fitzgerald (1993) Shank et Haywood (1987)Paull et Glencross (1997)Fadde (2006)

Bard et Fleury (1981)Bard et al. (1987)

BasketBall Ripoll et al. (2001) Helsen et al. (1986a)Helsen et al. (1986b)Laurent et al. (2006)

McMorris et al. (1993)Helsen et Pauwels (1990, 1991,1993a,b,c)

Football Williams et Burwitz (1993) Helsen et Starkes (1999)Savelsbergh et al. (2002) Williams et Davids (1995)

Williams et al. (2006)Williams et al. (1993, 1994);Williams et Davids (1998)

Hockeysur gazon

Starkes (1987) Lyle et Cook (1984)

Handball Derrider (1985)

Bard (1982)Hockeysur glace

Bard et Fleury (1980, 1981)

Bard et al. (1987)

Kioumourtzoglou et al. (1998) Ripoll (1988)Volley ball Wright et al. (1990) McPherson et Vickers (2004)

Starkes et al. (1995)

Tableau 1.3 – Les travaux lies a l’activite perceptive des experts en sports collectifs

Cyril Bossard 45

Page 46: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 1 – Les variables cognitives et perceptives de la decision tactique en sports collectifs

et Starkes, 1999).

1.3.3 L’adaptation de l’activite perceptive a la pression tem-porelle

Si les experts reconnaissent les indices associes a leur activite sportive plus tot, plus vite

et repondent avec plus de precision, c’est qu’ils ont developpe une capacite d’anticipation

importante (Williams et Ward, 2003). Le developpement de cette habilete permet d’expliquer

comment les joueurs s’adaptent a la pression temporelle exercee dans le contexte des sports

collectifs. Les experts montrent, par exemple, des attentes plus precises sur les probabilites

d’apparition d’un evenement en situation (Starkes et al., 1995) ou encore une anticipation plus

accrue pour des informations visuelles specifiques comme la posture de l’adversaire (Williams

et al., 1994).

Par exemple, Savelsbergh et al. (2002) ont montre que les gardiens de but au football

prenaient moins d’informations que les novices pour de meilleures performances d’anticipa-

tion. Plus precisement, ils arrivaient a mieux prevoir la direction et le type de frappe a partir

d’informations precoces. Les points de fixation oculaire avant la frappe concernaient le bassin,

la position du pied et l’epaule cote oppose au pied frappeur. Cette focalisation sur des indices

precis permet ainsi de fournir des informations significatives sur les intentions et les actions

de l’adversaire.

Ces resultats ont egalement ete confirmes en situations reelles de service au volley-ball

(Starkes et al., 1995). En effet, les chercheurs ont masque des portions du service et demande

au receptionneur de predire la zone d’arrivee de la balle. Les resultats montrent egalement

la capacite des volleyeurs experts a extraire une plus grande quantite d’informations a partir

d’indices visuels precoces, et a predire la zone de reception de la balle. Ces resultats donnent

des indications sur le moment et la nature des informations prelevees par les experts dans

des taches « fermees » et specifiques en sports collectifs (service, penalty) qui necessitent une

decision tactique simple. Quand il s’agit d’anticiper la direction de la passe d’un adversaire,

les defenseurs au football confirment egalement ces resultats (Williams et al., 1994). L’expert

anticipe mieux la passe en extrayant des informations plus pertinentes de la posture du

passeur grace a des fixations en vision centrale, tout en utilisant la vision peripherique pour

confirmer les informations au regard des mouvements des non-porteurs.

1.3.4 L’adaptation de l’activite perceptive a la complexite du

contexte

La competence perceptive des experts s’explique egalement par leur capacite d’adapta-

tion a la complexite du contexte. Les resultats montrent ainsi que l’habilete perceptive des

46 Cyril Bossard

Page 47: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La competence perceptive en sports collectifs

joueurs de sports collectifs s’adapte, evolue en fonction des configurations de jeu qui leurs

sont presentees.

Une etude de Williams et al. (2006) montre que les experts sont capables de prendre des

decisions tactiques plus rapides et plus precises que les novices au regard de configurations

de jeu presentees sur video ou les joueurs sont remplaces par des points lumineux. Il semble

donc que les positions des joueurs sur le terrain et plus particulierement la relation entre

ces positions soit suffisante pour prendre des decisions tactiques. Par contre, les auteurs

observent une baisse de la performance des experts quand on retire les deux attaquants et

les deux defenseurs associes de la configuration de jeu presentee. Les auteurs concluent que

les positions et les deplacements de ces joueurs, ou les mouvements entre ces joueurs et leurs

adversaires, sont des informations importantes pour la prise de decision tactique des joueurs

experts au football. On retrouve ici l’effet « structuration » du contexte revele par les etudes

sur le fonctionnement mnemonique des experts en sports collectifs. La complexite du contexte

est egalement un facteur important de l’activite perceptive.

L’analyse des strategies visuelles des experts en sports collectifs montre egalement une

importante variation en fonction de la complexite du contexte d’etude. En situation duelle

(1 contre 1), la decision est egalement plus rapide et plus precise, avec un plus grand nombre

de fixations de courte duree, localisees de maniere alternative sur les hanches et le ballon.

Ensuite, en situations de 11 contre 11, les auteurs montrent que les joueurs se centrent

davantage sur les positions et deplacements des attaquants adverses que sur le porteur de

balle et le ballon, avec des fixations moins nombreuses et plus longues, par aller-retour entre

des informations sur le ballon et les autres sources. En somme, les experts adoptent une

strategie de recherche plus large, avec des informations prises sur le ballon, sur leur propre

position dans l’espace de jeu, sur les positions des partenaires et sur les deplacements des

adversaires. Si les defenseurs experts au football ont des performances plus elevees que les

novices dans la tache d’anticipation en situation de 1 contre 1, les auteurs n’observent pas de

differences significatives dans les deux autres conditions (3 contre 3 et 11 contre 11). Ensuite,

les joueurs utilisent typiquement moins de fixations de longue duree en situation de 3 contre

3 qu’en situation de 11 contre 11. La duree des fixations oculaires chez les joueurs de football

augmente donc a mesure que la tache presentee se complexifie. Les strategies de prospection

visuelle semblent donc gouvernees ou dependantes des contraintes imposees par la tache lors

de l’experimentation (Williams et al., 2004; Williams et Davids, 1998).

Les resultats de Helsen et Pauwels (1993c) montrent egalement des differences signi-

ficatives en fonction de la nature du probleme a resoudre. Par exemple, les situations de

frappe sont resolues plus rapidement, avec plus de precision et necessitent moins de fixa-

tions de longue duree que les situations de passe et de dribble. Les auteurs concluent que les

experts sont capables de prendre des decisions tactiques pertinentes et rapides, necessitant

une simple fixation ou des fixations plus courtes. Une autre etude (Helsen et Starkes, 1999)

Cyril Bossard 47

Page 48: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 1 – Les variables cognitives et perceptives de la decision tactique en sports collectifs

montre egalement des differences dans l’utilisation des strategies visuelles en fonction de la

nature defensive ou offensive de la decision tactique a adopter. Ces dernieres varient selon

le role et les intentions du joueur. Par exemple, les attaquants utilisent des strategies moins

exhaustives que les defenseurs face a une situation de nature defensive.

1.3.5 Discussion

Les paradigmes perceptifs sont tres riches, et beaucoup de travaux leur sont consacres.

Les etudes ayant recours aux techniques d’occlusion temporelle et spatiale sont interessantes

pour identifier precisement les indices qui permettent de prendre des decisions dans une

situation particuliere. L’analyse des mouvements oculaires donne quant a elle des indications

sur la maniere dont ces informations sont prises en compte par les experts ; elle permet de

fournir une image dynamique des strategies de recherche visuelle a mesure que l’action se

deroule (Williams et al., 2004).

Une litterature importante montre ainsi que les experts dans les sports collectifs

recherchent dans l’environnement les informations d’une maniere plus systematique et plus

efficiente que les novices (Williams et al., 1999; Williams, 2002). Les strategies perceptives

et les capacites d’anticipation des experts peuvent expliquer leur superiorite dans la vitesse

et la pertinence des reponses lors des situations tactiques. L’ensemble des resultats presentes

atteste l’idee que la superiorite des joueurs en sports collectifs ne s’explique pas tant par

une quantite importante d’indices preleves mais plutot sur la pertinence de ces indices au

regard de la situation presente. A ce titre, l’etude de Williams et al. (2006) montre bien

que c’est la relation entre les informations qui est preponderante pour prendre des decisions

tactiques en sports collectifs. Les relations entretenues entre plusieurs informations (comme

la position et le deplacement des partenaires) constituent ainsi des indices pertinents sur

lesquelles l’attention des experts est portee. Les strategies visuelles employees par les experts

permettent d’expliquer, en partie, leur superiorite dans les situations de decision tactique.

Les experts en sports collectifs mobilisent une attention selective en analysant les sources

d’informations pertinentes (et en eliminant les informations inutiles) en nombre restreint

pour decider.

L’activite perceptive des experts s’adapte a la complexite des situations en sports

collectifs. Les travaux que nous avons mis en exergue montrent ainsi que les strategies visuelles

des experts en sports collectifs varient principalement en fonction de la tache utilisee lors

de l’experimentation (Williams et Davids, 1998; Williams et al., 2006) ou de la decision

tactique a adopter (Helsen et Pauwels, 1993a; Helsen et Starkes, 1999). Elles se differencient

egalement en fonction du role attribue (attaquant ou defenseur) et de l’intention du sujet

(Helsen et Starkes, 1999). L’activite perceptive ne serait ainsi pas uniquement dependante

des informations qui s’imposent au sujet dans un environnement predefini. Les contraintes

48 Cyril Bossard

Page 49: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La competence perceptive en sports collectifs

propres au sujet (Williams et al., 2004) constituent en quelque sorte un aspect du contexte

pris en compte dans la decision tactique.

Les approches « ecologiques » etudient justement l’activite perceptive a partir des

contraintes d’actions du sujet au sein de l’environnement (Kelso, 1995). L’activite perceptive

est ici consideree comme un phenomene qui emerge a partir de la convergence des contraintes

de l’organisme (dimensions physique, physiologique, cognitive et emotionnelle) et de l’en-

vironnement. Les caracteristiques propres du sujet dans son ensemble agissent comme des

pressions qui canalisent la maniere dont l’activite perceptive du sujet s’organise. Des revues

recentes insistent sur les retombees potentielles d’une telle perspective dans le contexte des

sports collectifs (Araujo et al., 2004; Beek et al., 2004; Huys et al., 2004) et devraient apporter

des reponses complementaires a l’etude des habiletes perceptives pour expliquer la superiorite

des experts en situations de decision tactique.

Malgre la proliferation des resultats en faveur des differences experts-novices dans

les comportements de recherche visuelle, des controverses subsistent (Williams et Davids,

1998). L’enregistrement des mouvements oculaires fournit une information uniquement sur

l’orientation de la fovea (le regard) alors que dans les sports collectifs, les situations

requierent l’integration d’informations egalement issues de la zone para-foveale et de la retine

peripherique (Williams et Davids, 1998). En sport collectif, l’expert utilise des strategies

visuelles egalement pour tromper ses adversaires (ex : feinte du regard). Il existe une difference

fondamentale entre l’orientation du regard et l’information percue, c’est-a-dire significative

pour agir. A l’instar de McPherson (1993), nous pouvons donc nuancer l’importance des

paradigmes perceptifs, en expliquant que les differences perceptives (comme les strategies

oculaires) ne constituent pas systematiquement une variable pertinente pour comprendre la

decision tactique en sport collectif.

Enfin, on peut egalement regretter que ces etudes s’effectuent principalement a partir

d’images ou de films representant un point de vue exterieur a l’action. L’usage de diapositives

ou de films lors des experimentations impose au sujet de se projeter a la place du joueur.

On demande alors au sujet ce qu’il ferait dans la situation presente (Williams et Davids,

1995). Toutefois, le sujet n’est pas directement implique dans l’action. De plus, ces situations

experimentales reduisent (par definition) la complexite du contexte des sports collectifs. Le

decalage entre ce qui est percu, vecu en situation experimentale et ce qui est percu, vecu

en situation naturelle conduit certains chercheurs a etudier comment des sujets peuvent

s’adapter a la complexite des situations de sports collectifs. On observe aujourd’hui une

volonte de prendre en compte le contexte reel de decision tactique du joueur, par exemple en

confrontant lors d’un entretien les joueurs au film de leur activite reelle (Mouchet et Bouthier,

2006; Macquet, 2001). Ces etudes se preoccupent de mettre a jour conjointement le role de

variables perceptives et cognitives.

Cyril Bossard 49

Page 50: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 1 – Les variables cognitives et perceptives de la decision tactique en sports collectifs

Conclusion

L’objectif de ce chapitre etait de contribuer a une meilleure comprehension de la decision

tactique en sports collectifs, a partir d’une presentation de l’evolution des recherches en

psychologie du sport. Dans cette revue de questions, nous avons repris les contributions

classiques des approches cognitives sur la decision tactique en sports collectifs en trois points.

Plus particulierement, nous les avons questionnees sous l’angle de la relation contexte-joueur

en sports collectifs.

La premiere reponse est apportee par l’etude des bases de connaissances. Les experts en

sports collectifs disposent d’un nombre important de connaissances specifiques liees a leur

domaine. Une organisation rationnelle et hierarchisee de ces connaissances en MLT permet

d’assurer, en partie, la pertinence de l’activite decisionnelle quand la pression temporelle est

faible. De facon complementaire, les etudes sur le fonctionnement mnemonique permettent

de preciser les modalites d’activation de ces bases de connaissances face aux contraintes

contextuelles imposees par les sports collectifs. La notion de pre-activation directe (sans

traitement de l’information en memoire de travail) apporte ainsi une seconde reponse sur

la capacite des joueurs a repondre rapidement aux situations sportives. Les etudes ont

principalement mis en evidence la capacite des experts a activer des connaissances, soit de

maniere implicite en MLT, soit de maniere explicite en passant par la memoire de travail

(MT). Cette double modalite d’activation serait dependante de la structuration du contexte

et des contraintes temporelles. Enfin, une derniere reponse est apportee par les etudes sur

les habiletes perceptives des experts en sports collectifs. Les strategies d’anticipation et

de preparation des experts permettent d’expliquer la rapidite des decisions tactiques. Ces

derniers percoivent les indices pertinents dans leur environnement plus tot, plus vite et

de facon plus precise. Les etudes revelent egalement des strategies visuelles differenciees en

fonction du contexte de l’experimentation (i.e. le type de tache utilise).

L’ensemble de ces travaux concourt a la modelisation de l’expertise au regard de variables

(ici, perceptive, cognitive, ou mnemonique) identifiees, isolees et etudiees dans des conditions

standardisees. Le contexte correspond la plupart du temps au contexte de l’experimentation

(schemas, diapositives, films), de sorte qu’il apparaıt d’une part banalise ou manipule a

des fins d’etudes (Macquet et Fleurance, 2006) et d’autre part plus ou moins eloigne des

situations reelles de sports collectifs. En consequence, chaque type de recherche apporte une

reponse singuliere, mais partielle a l’objet d’etude choisi. L’activite du sujet est consideree

de maniere morcelee, au regard de la composante etudiee, et non dans sa globalite. D’un

point de vue theorique, cette approche cognitiviste valorise la representation d’un monde

exterieur predefini et independant de l’individu agissant. Le modele du systeme de traitement

de l’information considere la decision comme une etape du processus, situee entre l’extraction,

l’integration des informations et l’action. La decision adoptee est le resultat de traitements

50 Cyril Bossard

Page 51: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La competence perceptive en sports collectifs

(a differents niveaux) effectues en reference aux bases de connaissances et en fonction

d’habiletes mnemoniques ou perceptives. Assez recemment, certains auteurs (Seve et al., 2002;

Mouchet et Bouthier, 2006; Macquet et Fleurance, 2006), refutent l’utilisation predominante

ou exclusive du « modele du traitement de l’information » pour analyser l’activite decisionnelle

des sportifs de haut niveau. La complexite des sports collectifs conduit ces auteurs a mobiliser

des modeles issus de l’ergonomie cognitive pour etudier le couplage entre ressources cognitives

et contraintes contextuelles.

L’ensemble des etudes recensees jusqu’a present permet de caracteriser l’activite de-

cisionnelle au regard de l’adaptation individuelle au contexte des sports collectifs. Ces

approches peuvent ainsi etre qualifiees « d’individu-centrees ». Cependant, la complexite du

contexte des sports collectifs necessite egalement d’apprehender sa dimension collective. La

prise en compte du caractere collectif de la decision, dans une perspective cognitive, est un

objet d’etude qui suscite actuellement un regain d’interet en psychologie du sport (Eccles et

Tenenbaum, 2004; Fiore et Salas, 2006; Ward et Eccles, 2006). En effet, les etudes se sont

longtemps interessees aux activites des individus consideres isolement. Or, dans de nom-

breuses situations dynamiques et collaboratives comme dans les sports collectifs, la decision

est realisee au sein d’un collectif et s’appuie sur des interactions entre plusieurs personnes.

Comprendre l’implication de l’activite collective dans la decision tactique des joueurs de

sports collectifs revient a comprendre comment les individus parviennent a coordonner ou

articuler leurs activites face aux contraintes contextuelles, afin de realiser une performance

optimale.

La question initiale mettait en avant la rapidite et la pertinence des choix des joueurs en

sports collectifs meme quand la situation conjugue complexite et pression temporelle. Cette

revue de questions des travaux en psychologie du sport montre une grande diversite d’objets

de recherche susceptibles de repondre a cette question. Plus particulierement, nous avons

mis en avant les reponses (partielles et complementaires) qu’elles apportent a notre objet.

Les presupposes theoriques, les methodes utilisees et les resultats temoignent de l’interet

et des limites d’une « approche cognitiviste » du probleme pose par l’analyse de l’activite

decisionnelle. La complexite de l’activite decisionnelle necessite d’interroger les modeles qui

prennent en compte le couplage entre ressources perceptives et cognitives, et contraintes

contextuelles.

Dans un second chapitre, nous mettons en perspective le cadre conceptuel de la

« Naturalistic Decision Making » (Klein, 1997) habituellement exploite dans les situations de

travail. Cette approche ergonomique cherche justement a apprehender l’activite decisionnelle

dans toute sa complexite en situation naturelle.

Cyril Bossard 51

Page 52: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 1 – Les variables cognitives et perceptives de la decision tactique en sports collectifs

52 Cyril Bossard

Page 53: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 2

Une approche contextualisee de ladecision

Le cadre theorique de la Naturalistic Decision Making

Resume – Ce second chapitre presente le cadre conceptuel de la Naturalistic Decision

Making (Klein, 1997) habituellement exploite dans l’analyse des situations de travail indivi-

duelles. Cette approche considere l’activite decisionnelle sous un rapport etroit entre le sujet et

la situation. Ce changement de paradigme permet, selon nous, d’apprehender la complexite de

l’activite decisionnelle sans renoncer a l’etudier dans son contexte naturel. Nous examinerons

successivement les modeles et concepts qui ont ete proposes : 1) Le modele RPD (decision

fondee sur la reconnaissance : « Recognition-Primed Decision ») propose par Klein (1993,

1997) ; 2) Le modele de la Conscience de la Situation (« Situation Awareness ») developpe

par Endsley (1995) ; 3) La theorie des schemas mobilisee par (Lipshitz et Shaul, 1997). L’ana-

lyse des objectifs, des methodes et des principaux resultats nous conduit a demontrer pourquoi

cette approche nous semble heuristique pour apprehender l’activite decisionnelle individuelle

en sports collectifs.

Cyril Bossard 53

Page 54: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 2 – Une approche contextualisee de la decision

Introduction

Au cours du chapitre precedent, nous avons rappele les variables cognitives et percep-

tives habituellement convoquees pour caracteriser la decision tactique en sports collectifs.

L’ensemble de ces travaux concourt a la modelisation de l’expertise au regard de variables

(ici, perceptives, mnemoniques et cognitives) identifiees, isolees et etudiees dans des condi-

tions standardisees. Les resultats montrent l’influence de ces variables sur la performance

et/ou l’apprentissage. D’un point de vue methodologique, les taches experimentales utilisees

sont souvent eloignees des situations reelles de sports collectifs. Les principes theoriques qui

guident ces etudes considerent l’activite du sujet de maniere morcelee, au regard de la com-

posante etudiee (perceptive, ou cognitive, ou mnemonique), et non dans sa globalite.

Nous considerons que ces travaux n’eclairent, chacun a leur tour et a leur mesure, qu’un

aspect de la decision tactique en sports collectifs. La decision tactique en sports collectifs ne

peut ni se reduire a la mobilisation d’habiletes perceptives, puis de connaissances, ni s’etudier

a partir de l’analyse des caracteristiques objectives d’une tache. Une importante evolution

en sciences humaines conduit au contraire de nombreux chercheurs a apprehender l’activite

humaine dans toute sa complexite, sans renoncer a l’etudier au sein du contexte social et

culturel ou elle se produit. La complexite des situations vecues en sports collectifs necessite

d’interroger les modeles qui prennent en compte le couplage entre ressources perceptives,

cognitives et contraintes contextuelles.

La psychologie cognitive ergonomique s’interesse a « toutes les situations complexes

qui sont vecues par l’operateur humain dans la totalite de ses fonctions » (Hoc et Darses,

2004). Afin d’apprehender la decision tactique de joueurs experts en sports collectifs, nous

mobilisons ce champ d’investigation pour trois raisons principales : (1) la psychologie cognitive

ergonomique est centree sur l’etude des activites humaines finalisees, ce qui la conduit a

accorder une attention particuliere a la comprehension de la performance ; (2) bon nombre de

travaux portent sur l’activite des experts dans leur domaine de predilection ; (3) la prise de

decision en situation dynamique est un objet d’etude particulierement developpe dans cette

approche disciplinaire. L’activite decisionnelle est par consequent largement documentee dans

de nombreuses situations professionnelles individuelles et/ou collectives.

Plus particulierement, l’activite decisionnelle en situation dynamique peut etre

consideree comme un objet de recherche central pour le courant de recherche ou paradigme

« NDM ». Le courant NDM pour « Naturalistic Decision Making » est ne aux Etats-Unis

autour de Zsambok et Klein (1997) et s’est donne comme objectif d’ameliorer les systemes

d’aide a la decision dans le domaine militaire mais aussi dans l’industrie nucleaire et le secteur

de l’aviation civile. Il etudie la facon dont des experts, travaillant seuls ou en groupe dans

des environnements dynamiques et incertains, identifient et evaluent des situations, prennent

54 Cyril Bossard

Page 55: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Le modele RPD

des decisions et executent des actions dont les consequences sont significatives pour eux et

pour leur environnement (Lipshitz et al., 2001).

Au cours de ce second chapitre, nous presenterons le courant NDM. Nous interroge-

rons les concepts et les modeles developpes au sein de ce courant au regard de notre objet

d’etude. L’analyse des objectifs de recherche, des methodes et des principaux resultats, nous

conduira a demontrer pourquoi cette approche nous semble particulierement heuristique pour

apprehender les decisions tactiques des joueurs de football.

Ce chapitre est organise en quatre points. Les trois premiers points concernent les etudes

de la prise de decision individuelle en situation de travail. Nous examinerons successivement

les modeles et concepts qui ont ete proposes : 1) Le modele RPD (decision fondee sur la

reconnaissance : « Recognition-Primed Decision ») propose par Klein (1993, 1997) ; 2) Le

modele de la Conscience de la Situation (« Situation Awareness ») developpe par Endsley

(1995) ; 3) La theorie des schemas mobilisee par (Lipshitz et Shaul, 1997). L’ensemble de

ces modeles et concepts nous semblent particulierement interessants pour apprehender la

decision tactique de joueurs experts en football. Le quatrieme point examinera l’implication

de l’approche NDM pour l’etude de l’activite decisionnelle individuelle en sports collectifs.

2.1 Le modele RPD

2.1.1 Concepts et Methodes

Le modele RPD (Cf. Figure 2.1) constitue une alternative au paradigme cognitiviste,

jusqu’a present dominant en sciences cognitives, pour expliquer les decisions d’experts prises

sous pression temporelle et impregnees d’enjeux forts (Hoffman et Lintern, 2006). Klein

et Brezovic (1986) refute l’idee que les individus confrontes aux situations dynamiques

fondent leurs choix sur la base d’un calcul rationnel ou d’une analyse exhaustive des

utilites (theorie des jeux ou theorie formelle de la decision). Pour Ross et al. (2006),

les experts font principalement appel a leur experience pour prendre des decisions sous

pression. Un expert confronte a une situation dynamique est capable de reconnaıtre la

typicalite de la situation et d’y associer une reponse type. A ce titre, les auteurs parlent

de « l’instanciation d’un prototype ». Ce prototype constitue un veritable « package cognitif

nourri de significativite » (Ross et al., 2006)(p 406). En effet, ce « package » inclue des

informations sur la situation courante type, c’est-a-dire sur les attentes qui en decoulent,

sur les buts appropries, sur les cours d’action typiques et sur les indices pertinents associes.

Quand l’expert reconnaıt une situation comme prototypique, l’ensemble de ces informations

(le package) lui permet de faire face a la situation et surtout d’agir sans avoir recours a

Cyril Bossard 55

Page 56: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 2 – Une approche contextualisee de la decision

une analyse exhaustive et elaboree de la situation. Le processus de reconnaissance de la

situation etant lie a un cours d’action, il mene directement a l’action suivante sans necessite

de comparaison avec d’autres options possibles. Ainsi, l’expert est capable de se satisfaire

et de mettre en œuvre ce qui fonctionne habituellement plus que de rechercher une solution

optimale.

Ce processus de reconnaissance est particulierement interessant pour expliquer la rapidite

des decisions tactiques observees dans les sports collectifs. La premiere modalite ou strategie

du modele propose par Klein (1997) peut etre qualifiee de reactive (Chalandon, 2003).

L’auteur considere que la reconnaissance implicite de patterns significatifs pour l’action est

une solution optimale au probleme du couplage (ou synchronisation) activite-environnement.

La situation s’impose ainsi a l’individu qui la « decouvre » et dont l’expertise se traduit par

une reconnaissance finalisee de cette situation. Ce « coup d’œil » de l’expert qui l’oriente en

cours d’action, consiste en une correspondance implicite entre les informations contextuelles

percues et les structures fonctionnelles disponibles en memoire. Klein (1997) est assez prudent

sur la notion de representation et insiste sur le role de la perception pour guider la cognition,

se rapprochant ainsi de la notion d’affordance developpee par Gibson (1979).

Parfois la reconnaissance d’une situation type n’est pas suffisante (ex : la situation n’est

pas claire ou incongrue). L’expert va relier les informations percues, a differentes situations

deja vecues, ou construire, se representer une nouvelle situation a partir de souvenirs

stockes en MLT. Cette seconde modalite du modele RDP rejoint les processus cognitifs et

mnemoniques habituellement decrits par les approches cognitives. S’il presente un interet

dans des situations a faible pression temporelle, ou dans des situations accidentelles (ou la

dynamique de l’activite va etre interrompue), il paraıt peu approprie dans les situations de

contre-attaque au football. Enfin, une troisieme modalite presente un processus ou l’expert

peut evaluer le cours de l’action mais toujours sans comparaison entre les differentes options

possibles. Cette evaluation repose sur une simulation mentale du cours d’action et de ses

consequences. Il peut egalement simuler mentalement les evenements au regard des proprietes

de la situation pour adapter sa reponse (Kaempf et al., 1996). Ces deux dernieres modalites

montrent ainsi qu’en cas de « resistance du reel », le processus decisionnel devient alors plus

explicite car il necessite une evaluation (i.e. une comprehension) de la situation.

Ce modele devrait permettre d’apprehender la diversite des contextes rencontres par des

individus en sports collectifs. Dans le cadre du football par exemple, la pression temporelle

exercee en contre-attaque contraindrait a mobiliser prioritairement la premiere modalite du

modele RPD. La reconnaissance de la situation suffirait alors a activer une action ou une

sequence d’actions appropriees. En situation d’attaque placee ou lors d’arrets de jeu, la

pression temporelle est moindre. Des joueurs mobiliseraient plutot la seconde ou troisieme

modalite. Notre objet d’etude etant l’analyse des decisions tactiques de joueurs experts en

situation de fortes contraintes temporelles, la premiere modalite decrite par Klein (1997)

56 Cyril Bossard

Page 57: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Le modele RPD

retiendra toute notre attention.

Figure 2.1 – Le modele RPD (Klein, 1997)

Les trois modalites presentees sont fortement dependantes du niveau d’expertise de l’ac-

teur. Dans la premiere, l’expertise permet de reconnaıtre la « typicalite » de la situation pour

y repondre rapidement. Dans la seconde, l’expertise permet de construire un modele mental

adequat. Enfin, dans la derniere, l’expertise se definit comme l’habilete a simuler mentale-

ment un cours d’action dans une situation et a anticiper ses consequences. Le point commun

des trois strategies concerne la reconnaissance de typicalite. Cette reconnaissance s’effectue

a partir de 4 types de variables : les attentes de resultats ou resultats (« expectancies »),

les indices pertinents (« relevant cue »), les cours d’actions typiques (« typical action »), et

les buts plausibles (« plausible goals »). Plus recemment, Lipshitz et al. (2001) ont propose

d’integrer ces variables au sein d’une meme structure fonctionnelle et ont repris le concept de

schema. Nous reviendrons plus loin (voir 2.3, p 70) sur l’integration de la theorie des schemas

a l’approche NDM.

Pour resumer, le modele RPD (Klein, 1997) repose sur trois hypotheses fondamentales :

1. Les experts generent et evaluent des options de facon sequentielle (Evaluation holistique

du potentiel au cours de l’action) et non pas concurrente de sorte que la premiere option

prise en consideration est, d’emblee, une option plausible (Lipshitz et al., 2001).

Cyril Bossard 57

Page 58: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 2 – Une approche contextualisee de la decision

2. Les experts utilisent la reconnaissance de configurations spatio-temporelles au cours

de l’action pour pallier l’incidence de la pression temporelle (Klein et Calderwood,

1991). Cette reconnaissance est basee a la fois sur l’experience (situations anterieures

semblables) et sur des affordances (suggestions automatiques d’actions).

3. Les experts choisissent une option sans comparer toutes les options possibles (notion

de suffisance ou de satisfaction, (Klein et al., 1995)). Si une option doit etre envisagee,

l’evaluation repose sur une simulation mentale de ses consequences. Du cote de l’er-

gonomie cognitive de tradition francaise, ce point peut etre rapproche du modele de

la « suffisance cognitive » developpe par Amalberti (2001) et prolonge aux situations

sportives collectives par Macquet (2001).

Bien qu’aujourd’hui, l’approche NDM utilise des methodes d’investigations diverses et

variees, Klein et Brezovic (1986) ont des l’origine etabli une methode permettant d’investiguer

specifiquement les decisions des experts dans leur contexte naturel. La methode

d’analyse des decisions critiques (« critical decision method ») consiste en une technique

de retrospection par le rappel d’un cas precedemment vecu. Ici, le sujet expert est guide

par le chercheur dans le rappel d’evenements critiques. Differents types de medias (videos,

enregistrement audio, scenario sur papier) peuvent egalement participer au rappel. Cette

methode repose sur l’idee selon laquelle les experts d’un domaine retiennent en memoire

les details de situations vecues. Cette « trace mnemonique » s’accentue encore pour les

situations qui revetent un caractere inhabituel, competitif, complexe ou difficile, c’est-a-

dire qui impliquent des « decisions critiques » (Hoffman et Lintern, 2006) (p. 209). La

CDM evite les questions generiques comme « dites moi ce que vous savez sur X » ou

« pouvez vous me decrire cette procedure ? ». Elle cherche plutot a fournir les informations

singulieres significatives du point de vue du sujet interroge. Pour le chercheur, il s’agit donc

d’accompagner l’expert a travers l’utilisation de questions specifiques sur les decisions prises

dans l’action (Que fais-tu ?) et sur les informations prises en consideration (Que regardes-

tu ?). L’avantage de cette methode reside dans l’analyse fine des decisions prises sur le terrain.

Elle permet d’obtenir de riches indications sur les cas etudies, de retrouver la dynamique de

l’activite telle qu’elle s’est deroulee dans le temps en fonction du scenario (evenements). Cette

methode donne ainsi acces a la succession des decisions (types de decisions, observations,

actions, options, etc.) engagees par le sujet en contexte naturel. Elle met en avant les

conditions responsables de la decision de l’expert a travers les indices percus comme pertinents

dans la situation, i.e. les informations contextuelles significatives.

La methode CDM est la methode de recueil de donnees la plus couramment utilisee

dans les etudes en situation de travail. Etant donnee sa focalisation sur la prise de decision,

58 Cyril Bossard

Page 59: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Le modele RPD

l’interet de la CDM reside dans son utilisation pour la modelisation des decisions en situation

naturelle. Plus particulierement, cette methode apparaıt d’une grande fiabilite pour extraire

les connaissances specifiques des experts et pour determiner les modalites de prise de decision

en situation naturelle ou simulee (Hoffman et Lintern, 2006). Des presentations detaillees de

cette methode et des resumes d’etudes illustrant son utilisation peuvent etre trouvees dans

Crandall et al. (2006) et Hoffman et al. (1998). Une illustration du protocole a deux volets

permettant de traiter les donnees est egalement disponible (Hoffman et Lintern, 2006).

2.1.2 Une etude en situation de travail

Initialement, le modele RPD (Klein et Brezovic, 1986) a ete developpe pour modeliser

les decisions des officiers sapeurs-pompiers au cours de la gestion d’incidents graves dans un

centre de controle. L’objectif de cette etude etait de proposer une investigation descriptive

permettant de comprendre la gestion de l’incertitude et de la pression temporelle par ces

officiers sur le terrain. L’hypothese principale etait que, sous pression temporelle, les officiers

n’avaient pas la possibilite de generer un large ensemble d’options mais effectuaient une simple

reconnaissance de situation compatible avec une option favorite.

A partir d’entretiens menes aupres de 26 officiers sapeurs-pompiers (d’une experience de

23,2 ans en moyenne), les auteurs ont analyse les decisions prises au cours de 32 interventions

critiques par le recueil de donnees verbales et comportementales. La retranscription des

donnees verbales et comportementales est organisee dans un tableau a deux volets.

Concretement, les evenements suivant le decours temporel de la situation etudiee sont

places dans une colonne a gauche. Les donnees verbales et comportementales retenues sont

disposees en vis-a-vis dans la colonne de droite. Dans cette etude, les auteurs effectuent une

categorisation empirique. Les categories sont determinees a posteriori en se laissant guider

par les donnees. Comme dans la plupart des protocoles utilisant un codage empirique, un

processus de triangulation entre plusieurs codeurs est utilise et atteste de la fiabilite des

categories obtenues.

L’analyse des donnees montre que 80% des decisions des officiers etaient basees sur un

processus de reconnaissance de situations types. Les officiers ne comparaient pas plusieurs op-

tions mais executaient typiquement le premier cours d’action associe a la situation reconnue.

Plus precisement, l’analyse du contenu a permis d’identifier pour chaque situation reconnue

un « package cognitif » autour de 4 categories types : les attentes de resultats (« ex-

pectancies »), les indices pertinents (« relevant cues »), les actions typiques (« typical

action »), et les buts plausibles (« plausible goals »). Les officiers experts percevaient ainsi

les situations comme des « cas typiques » auxquelles ils associaient certains types d’actions

(ou sequence) appropries, et habituellement utilises avec succes.

Le modele RPD ainsi que la methode d’analyse des decisions critiques (CDM) ont ete

Cyril Bossard 59

Page 60: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 2 – Une approche contextualisee de la decision

mis a l’epreuve de diverses situations dynamiques issues du domaine du travail (notamment

militaire). Des etudes ont ete menees par des equipes de recherche differentes avec des officiers

de l’armee de terre (Pascual et Henderson, 1997), des conducteurs de tanks (Brezovic et al.,

1987), des infirmieres en soins intensifs neo-natals (Crandall et Calderwood, 1989), des joueurs

d’echecs (Klein et al., 1995), des ingenieurs en conception (Klein et Brezovic, 1986) ou encore

des directeurs d’installation de forage en mer (Flin et al., 1996). L’ensemble de ces travaux

confirme les resultats obtenus par l’etude pionniere de Klein et Brezovic (1986). Dans 80-95%

des cas, les decisions sont decrites en conformite avec le modele RPD. Quand les sujets sont

inexperimentes, cette proportion est reduite a 50% des cas. L’ensemble de ces etudes et leurs

resultats sont disponibles dans des revues de litterature plus exhaustives (voir (Klein, 1997;

Ross et al., 2006).

2.1.3 Modele RPD et Sports Collectifs

Une etude dans le domaine des sports collectifs confirme la validite du modele RPD

pour expliquer la rapidite des decisions tactiques de joueurs experts. A partir d’une situation

experimentale, Johnson et Raab (2003) ont presente des videos de sequence de jeu de Handball

a un panel de joueurs de niveaux varies. Apres une presentation du film de 10 secondes,

les sujets devaient nommer le plus rapidement possible la premiere decision qui leur venait

intuitivement a l’esprit en se mettant a la place du joueur porteur de balle. Dans un second

temps, ils donnaient le maximum d’options qu’ils pouvaient imaginer face a cette meme

situation. Enfin, parmi l’ensemble des reponses donnees, les sujets etaient invites a evaluer

la meilleure d’entre elles pour cette situation. Les resultats confirment que les experts au

Handball prennent des decisions pertinentes des le premier cours d’action considere. De plus,

quand les experts abandonnent leur premiere intuition en faveur d’une autre decision generee

a la suite (seconde modalite du modele RPD), la qualite du cours d’action subsequent etait

plus faible que le premier naturellement considere. Ainsi, pour des experts en sports collectifs

confrontes a des situations sous contraintes temporelles, la premiere decision est souvent la

meilleure. Ces resultats suggerent egalement que la premiere modalite decrite dans le modele

RPD est d’autant plus sollicitee que la pression temporelle est forte sur le sujet.

Ces travaux confortent ainsi l’interet et la validite du modele RPD pour l’analyse de

l’activite decisionnelle d’experts en situations de sports collectifs. Il permet de decrire un

processus d’adaptation au contexte des sports collectifs qui repose sur la reconnaissance de

situations typiques. De ce point de vue, les etudes effectuees en reference au modele RPD se

differencient de celles classiquement recensees dans le domaine du sport (voir Chapitre 1, p

29). En effet, l’accent est ici porte sur l’activite decisionnelle, comprise comme englobante et

complexe, « macro-cognitive », articulant des variables cognitives et perceptives (Ross et al.,

2006). De plus, la decision n’est pas un processus cognitif « statique », il s’agit bien d’une

activite dynamique dont on cherche a decrire l’evolution au gre des situations vecues.

60 Cyril Bossard

Page 61: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La Conscience de la Situation

Cependant, meme s’il propose une explication du processus a l’œuvre dans le couplage

sujet-situation, le modele RPD insiste tout de meme davantage sur le « package cognitif » ac-

tive par le sujet que sur la dynamique situationnelle. Rappelons qu’a partir de la reconnais-

sance de la situation, l’expert est en mesure d’activer un ensemble de 4 variables : buts,

actions, attentes et indices pertinents. Dans les sports collectifs, les situations evoluent tres

rapidement et peuvent etre tres variables. La prise en compte de cette dynamique externe

nous semble etre minoree dans le modele RPD.

Une autre limite du modele renvoie a la dynamique interne de l’activite. En effet, le

modele n’explique pas comment le package cognitif « s’actualise » au gre des situations

vecues. Les joueurs en sports collectifs possedent probablement la capacite de modifier on

lineleurs structures cognitives en fonction des contraintes situationnelles de facon a opti-

miser la performance (Johnson, 2006). Le modele RPD reste, selon nous, encore insuffisant

pour decrire cette flexibilite de l’expert. Il permet de decrire ce qui se passe a un instant

t de la situation (dimension synchronique) mais ne renseigne pas sur l’evolution du « pa-

ckage cognitif » au travers des situations successivement eprouvees (dimension diachronique).

La methode experimentale utilisee par (Johnson et Raab, 2003) peut difficilement rendre

compte de ces dynamiques internes et externes contrairement aux methodes de type « CDM ».

L’approche NDM propose d’autres modeles et concepts qui permettent d’etudier l’acti-

vite decisionnelle. D’une part, le modele de la « Conscience de la Situation » (Endsley, 2006)

constituera un prolongement interessant car il insiste sur la prise en compte de la dynamique

externe de l’activite : la conscience de la situation resulte du couplage entre le contexte et

le package cognitif de l’individu (decrit par le modele RPD). D’autre part, plusieurs auteurs

(Flin et al., 1996; Randel et al., 1996; Piegorsch et al., 2006) ont mis en evidence que la

reconnaissance d’une situation, peut resulter de l’activation de schemas et/ou de scripts.

Nous etudierons donc dans quelle mesure le concept de schema apporte une contribution a

la comprehension de la dynamique interne des structures cognitives decrites par le modele

RPD.

2.2 La Conscience de la Situation

Une extension du modele RPD a ete proposee pour mettre l’accent sur le processus de

reconnaissance de la situation en cours : le modele de la « Situation Awareness » (Conscience

de la Situation1). Depuis une vingtaine d’annees, la communaute americaine de la psychologie

aeronautique presente le concept comme un element cle des processus cognitifs en situation

1 Ce terme est souvent traduit en francais par Conscience de la Situation mais en anglais, il se definit aussipar « l’etat d’etre informe, d’etre au fait de... »

Cyril Bossard 61

Page 62: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 2 – Une approche contextualisee de la decision

dynamique. D’apres Chalandon (2003), un fort consensus se degage dans la litterature sur les

principales fonctions associees a la Conscience de la Situation (CS) : donner coherence aux

elements contextuels externes, creer des attentes et orienter la perception, servir d’ancrage

aux decisions et actions ulterieures, permettre l’anticipation des evolutions de la situation et

des effets d’actions (Endsley, 1995). Le modele de reference de Conscience de la Situation est

celui propose initialement par Endsley (1995).

Plus precisement, Endsley (1995) definit la CS comme le produit de trois activites

hierarchiquement et temporellement organisees : « La perception d’elements de l’environ-

nement a l’interieur d’un volume spatio-temporel, la comprehension de leur signification et

la projection de leur statut dans un futur proche » (The perception of the elements in the

environment within a volume of time and space, the comprehension of their meaning, and the

projection of their status in the near future).

La conscience de la situation est ainsi decrite comme l’etat instantane des connaissances

que l’expert a de son environnement en cours d’action. Cet etat constitue le principal

precurseur de la prise de decision. En d’autres termes, la conscience de la situation, c’est

donner du sens a ce qu’il se passe et ce qu’il se passera autour de nous a un instant t.

Pour Endsley (1995), ce processus se situe a un niveau symbolique ou sub-symbolique du

traitement : ses composants sont conscients ou du moins accessibles a la conscience, c’est-a-

dire « conscientisables ».

Figure 2.2 – Niveau de Conscience de la Situation (Endsley et al., 2003)

Dans le modele reference de la CS (Figure 2.2), le premier niveau constitue le socle fonde

sur la perception des elements pertinents de la situation. Au second niveau, ces elements sont

relies entre eux pour permettre de comprendre la situation. Enfin, c’est sur la base de cette

comprehension que des projections (i.e. anticipation) peuvent etre effectuees sur l’evolution

future de la situation (niveau 3).

62 Cyril Bossard

Page 63: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La Conscience de la Situation

Dans un premier temps, nous presenterons le modele initial defini par Endsley (1995,

2000, 2006). Nous illustrerons cette perspective theorique, dans un second point, par une

etude caracteristique de la CS. Enfin, le dernier point nous permettra de discuter de son

interet pour l’etude de l’activite decisionnelle en sports collectifs.

Comme l’explique Chalandon (2003), meme si Endsley (1995) considere les trois niveaux

comme fortement dependants, le modele renvoie a une approche essentiellement « lineaire ».

Des divergences sensibles apparaissent dans la litterature sur la definition de la CS et sur

les processus cognitifs impliques. Parfois la CS est envisagee dans une perspective que

nous qualifierons de « molle » car essentiellement centree sur la perception immediate de

la situation, mais parfois le concept de CS embrasse de maniere plus globale l’ensemble des

processus cognitifs en situation dynamique. A travers une presentation du concept de CS et

de son utilisation en situation dynamique, nous chercherons alors a nous positionner.

2.2.1 Concepts et Methodes

La proposition de Endsley (2006) peut etre envisagee comme complementaire du modele

RPD de Klein (1993). En outre, l’interet du modele consiste a replacer le processus de prise

de decision dans une approche generale du fonctionnement cognitif. L’une des avancees fon-

damentales du modele de la Conscience de la Situation par rapport au modele RPD consiste

dans la proposition d’une articulation entre le fonctionnement cognitif presente (processus)

et le role des structures cognitives mobilisees (Memoires). En effet, le modele permet de

replacer et de decrire le role joue par chaque structure cognitive dans l’elaboration de la CS

(Figure 2.3). Nous proposons de decrire des a present cette articulation processus-structures.

Tout d’abord, pour Endsley (2000), la conscience de la situation est liee aux buts

poursuivis par la personne au cours de la situation. Deux types de processus sont alors

envisages pour les atteindre. L’auteur renvoie a la distinction classique (Richard, 1990)

entre processus descendants (controle interne dirige par les connaissances) et ascendants

(controle externe dirige par les donnees contextuelles). Dans le premier, les buts poursuivis par

l’individu permettent d’activer les structures de connaissances a partir desquelles les elements

de la situation sont juges pertinents. Dans le second, des donnees de l’environnement sont

identifiees ce qui permet d’actualiser les structures de connaissance aux vues des objectifs

vises ou bien de modifier ces dernieres. L’alternance de ces deux types de processus permet

le reajustement permanent des buts au cours de la situation dynamique par l’allocation de

processus attentionnels differents.

Le modele de la CS considere le processus attentionnel selon deux niveaux : un

traitement pre-attentif et l’attention en elle-meme. Le traitement pre-attentif intervient en

premier lieu sur les caracteristiques saillantes de l’environnement (modalite de traitement

Cyril Bossard 63

Page 64: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 2 – Une approche contextualisee de la decision

Figure 2.3 – Modele de la Conscience de la Situation d’apres Endsley (1995)

ascendant et en parallele). Certaines proprietes comme la proximite spatiale, le mouvement,

le deplacement d’objets ou d’autres personnes dans l’environnement (comme un partenaire au

football) sont directement detectees : elles s’imposent au sujet (notion d’affordances, (Gibson,

1979). Ce traitement constitue le premier niveau (perceptif) dans le modele de la Conscience

de la Situation. L’attention proprement dite, consiste pour le sujet a focaliser sur des elements

de l’environnement directement en lien avec les buts et connaissances correspondant a la

situation en cours. Autrement dit, l’expert developpe des strategies mettant en œuvre la MLT

pour pallier les difficultes rencontrees : il se focalise sur des points pertinents de maniere plus

ou moins automatique.

Dans le modele de la Conscience de la Situation, la perception de l’information peut

donc etre dirigee par la memoire de travail, en fonction du contenu de la memoire a long terme.

En effet, l’experience repetee des acteurs dans un environnement dynamique developpe des

« attentes » d’informations specifiques a ce dernier. Plus particulierement, les experts d’un

domaine sont en mesure de presupposer les caracteristiques, les localisations, et la nature

des elements de la situation. La perception est guidee par les structures de connaissances

stockees au cours de l’experience en memoire a long terme. La perception est consideree ici

comme une recherche active des indices pertinents que l’individu s’attend a percevoir. Les

perceptions anterieures constituent donc un contexte permettant au sujet de connaıtre la

probabilite d’occurrence de tel ou tel evenement grace aux experiences passees des contextes

et d’evenements semblables.

Endsley (2000) se refere a une conception de la Memoire de Travail selon Cowan

(1988). Dans cette perspective, la MT se definit comme les elements actives consciemment

64 Cyril Bossard

Page 65: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La Conscience de la Situation

en MLT. Des lors, la MT n’est pas a proprement parle une structure, mais elle est envisagee

comme le produit du continuum d’activation allant de la MLT jusqu’au focus attentionnel.

De ce point de vue, les informations percues peuvent etre maintenues en memoire a long

terme de travail (MLTW) pour etre associees aux connaissances du sujet en MLT. C’est cette

association qui permet de se forger une image de la situation en cours (niveau 2). Enfin,

les informations maintenues actives, sous le focus attentionnel, permettent de generer des

projections futures et des decisions adequates (niveau 3).

Dans ce continuum d’activation (attention, perception, MT, MLT, decision), le role et

le contenu de la Memoire a Long Terme apparaıt central. Pour l’auteur, les categories

de connaissances stockees en memoire a long terme permettent de contourner les limites

attentionnelles, et les limites de la memoire de travail. L’organisation en MLT d’informations

associees par l’experience constitue « un package » directement utilisable pour agir. Dans

le point suivant, nous mettrons l’accent sur la theorie des schemas pour expliquer le role

de l’organisation des informations en MLT dans la prise decision en situation dynamique

(Figure 2.4).

Pour mesurer la conscience de la situation, les chercheurs utilisent un large eventail de

methodes. Dans une revue de litterature consacree aux techniques de mesure de la conscience

de la situation, Salmon et al. (2006) comptabilisent ainsi 30 techniques differentes utilisees

dans les 20 dernieres annees (p 229). Les auteurs regroupent l’ensemble de ces techniques en

7 grandes categories : 1) les techniques d’analyse des conditions de la CS (questionnaires, en-

tretiens libres et techniques d’analyse de la tache) ; 2) les techniques « d’arret sur image » lors

d’une simulation ; 3) les techniques en « temps reel » (questionnement durant l’execution de

la tache) ; 4) les techniques a posteriori (principalement des questionnaires) ; 5) les techniques

d’observation sur le terrain ; 6) les mesures de performance ; 7) les techniques d’identifica-

tion de processus (les enregistrements oculaires et les techniques de pensee a voix haute).

Chacune de ces techniques possede des avantages et des limites que les auteurs ont scrupu-

leusement detaillees. Nous renvoyons le lecteur a la publication de Salmon et al. (2006) pour

un developpement plus important de chaque technique. Notons egalement que la plupart des

etudes sur la CS combinent deux ou plusieurs de ces differentes techniques.

Enfin, nous pouvons egalement souligner l’originalite des protocoles de recherche utilises

par les chercheurs. Le concept de Conscience de la Situation etant apparu principalement

dans le secteur aeronautique (Bellet et al., 2006), les travaux ont largement exploite les

simulateurs de vol. Ces outils ont conduit les chercheurs a developper des techniques de

recueil de donnees particulieres. La technique la plus couramment utilisee est la methode

SAGAT (Endsley, 2006) pour Situation Awareness Global Assessment Technique (technique

d’evaluation globale de la conscience de la situation). Cette technique consiste a arreter la

simulation a chaque point critique d’un scenario simule et de questionner le sujet pour mesurer

Cyril Bossard 65

Page 66: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 2 – Une approche contextualisee de la decision

avec precision sa conscience de la situation. Aujourd’hui cette methode a ete etendue a de

nombreux domaines et differents auteurs lui accordent un haut degre de validite (Endsley,

2006; Jones et Kaber, 2004). Nous retrouvons ainsi de nombreuses etudes sur la conscience

de la situation menees a partir de simulateurs dans le domaine de la conduite automobile

(Walker et al., 2008; Bailly, 2004), de l’aviation civile (Chalandon, 2003), des centres de

controle divers comme ceux des appels d’urgences (Blandford et William Wong, 2004) et du

domaine militaire (Strater et al., 2001).

2.2.2 Des etudes en situation de travail

Les etudes qui mobilisent le modele de la CS, s’inscrivent dans une perspective assez tra-

ditionnelle de l’ergonomie cognitive. L’elaboration de la CS est consideree comme etant sous

l’influence de facteurs lies aux caracteristiques de la tache a realiser et aux caracteristiques

propres du sujet (structures disponibles en memoire).

La CS a plus particulierement ete mise a l’epreuve de situations dynamiques dans trois

domaines d’expertise distincts : le pilotage d’avion, la gestion de missions par des officiers de

l’armee de terre et la conduite automobile (pour une revue complete voir Endsley (2006)).

Classiquement, ces etudes se sont attachees a determiner les differences entre experts et

novices quant a la construction d’une conscience de la situation face a des simulations

(methode SAGAT).

De maniere synthetique, les experts montrent, pour chaque domaine etudie, une capacite

superieure a regrouper differentes informations contextuelles. Ces derniers demontrent aussi

une habilete a saisir rapidement la signification des informations percues et a se projeter

sur l’evolution de la situation. Cette habilete specifique leur permettrait d’etre « a la bonne

place et au bon moment » sur le champ de bataille, a avoir des solutions pretes a l’emploi

dans le cockpit ou encore a eviter les routes hasardeuses en conduite automobile (Endsley,

2006). Pour l’ensemble de ces etudes, les resultats suggerent ainsi que la conscience de la

situation depend principalement de l’experience de l’operateur et/ou de son role

dans la situation.

Les etudes en reference au modele de la CS se sont surtout attachees soit a manipuler des

facteurs externes pour identifier leurs influences sur la CS des individus, soit a identifier les

differences entre experts et novices quant au niveau de CS dans une activite donnee (Endsley,

2006). Ce dernier point est illustre dans le travail mene par Randel et al. (1996).

Dans une etude sur des operateurs de la marine US, Randel et al. (1996) ont examine

la prise de decision et les differences de conscience de la situation entre experts et novices

engages dans une situation de travail simulee. 28 techniciens (9 experts, 13 intermediaires et

6 novices) sont confrontes au meme scenario de bataille navale. Place face a un ecran radar

qui represente la zone de combat, l’operateur doit determiner l’identite exacte des differents

66 Cyril Bossard

Page 67: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La Conscience de la Situation

Figure 2.4 – C.S et prise de decision (Endsley, 1995), traduit par Bailly (2004)

emetteurs de signaux (origine militaire ou commerciale). Il utilise un casque pour ecouter

les sons emis par les navires et reste en contact radio avec les autres operateurs de la flotte

et avec ses superieurs. L’ordinateur peut fournir des aides a l’operateur en suggerant une ou

plusieurs possibilites d’identification pour un signal particulier. L’operateur doit donc decider

sur la base des informations fournies par l’environnement informatique, de ses connaissances

de la situation et de son experience, de donner les informations sur l’identite des signaux

(navires hostiles, missiles, etc.) aux officiers superieurs.

L’ecran et l’operateur sont filmes, un logiciel permet d’extraire les interactions avec

l’ordinateur, et les communications avec les officiers sont integralement enregistrees. Les

chercheurs utilisent trois types de mesure de la conscience de la situation. La premiere

mesure consiste a demander au sujet de dessiner ce qui apparaıt a l’ecran. Elle vise a

solliciter la memoire « visuelle » du sujet par la reconnaissance des relations entre les elements

(configurations spatiales). La seconde mesure est plus subjective, le chercheur interroge le

sujet sur les informations contextuelles significatives autres que spatiales. Ces deux types

de mesure sont effectues lors d’une pause au milieu du scenario et a la fin du scenario. La

derniere mesure de la conscience de la situation est obtenue lors d’un entretien. A la suite de

l’experience, le chercheur mene un entretien sur la base de la methode CDM ((Klein,

1993) ; voir 2.1.1, p 55) avec l’ensemble des sujets en suivant le decours temporel des

scenarios. Selon les auteurs, l’entretien permet egalement de documenter la conscience de la

Cyril Bossard 67

Page 68: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 2 – Une approche contextualisee de la decision

situation du sujet en obtenant des donnees sur les informations contextuelles (ce qu’il a vu et

entendu) qui conduisent a choisir une action particuliere pour chaque situation vecue. Durant

cet entretien, le sujet renseigne egalement sur le niveau de pression temporelle ressentie pour

chaque decision sur une echelle de 1 (tres faible pression) a 4 (tres forte pression).

La « mesure visuelle » de la conscience de la situation montre que les experts sont

meilleurs pour reconnaıtre les signaux emetteurs hostiles que les novices et les intermediaires.

La mesure subjective montre que les experts disposent de connaissances specifiques sur la

nature des emetteurs hostiles. Ils identifient de maniere precise l’emetteur (i.e. les plateformes

ennemies). Les verbalisations obtenues par l’entretien indiquent que les experts reconnaissent

les situations et y associent une decision rapidement. Ils verbalisent les informations en

plus grand nombre et prennent en compte plus de forces adverses. Ces derniers ressentent

egalement moins de pression que les novices.

L’ensemble de ces resultats suggerent que les experts concentrent leur attention sur

l’evaluation de la nature de la situation alors que les novices cherchent l’action pertinente

a accomplir. Les auteurs expliquent egalement que les strategies de reconnaissance de la

situation sont conformes au modele RPD (Klein, 1997) : 93% des decisions sont basees sur

la reconnaissance de situation. Les experts ne font pas un gros effort pour decider face a

la situation, la solution s’impose d’elle-meme. L’analyse des verbalisations montre que les

experts sont capables de fournir des descriptions tres precises sur des elements du contexte

tels que la force ou la direction du vent. Les auteurs concluent que les experts ont developpe

un plus grand nombre de structures complexes en memoire, ce qui leur permet d’avoir une

conscience de la situation plus elaboree que les novices.

L’ensemble des travaux menes a partir du modele de la Conscience de la Situation

concluent que l’experience accumulee par les experts leur permet d’acceder plus rapidement

aux elements contextuels pertinents de la situation. De nombreux auteurs mettent en avant

l’existence de structures specifiques en memoire a long terme facilitant la conscience de la

situation : les scripts et les schemas (Cf. 2.3, p 70).

2.2.3 Conscience de la Situation et sports collectifs

Si le concept de « Conscience de la Situation » trouve un echo favorable dans le champ

de la psychologie cognitive ergonomique, le modele defini par Endsley (1995) a aussi ete

la cible de nombreuses critiques. Dans la mesure ou il n’existe pas a notre connaissance de

travaux qui mobilisent le modele de la CS pour etudier les situations sportives, nous abordons

ici l’interet et les principales limites du modele propose par rapport a notre objet d’etude :

l’activite decisionnelle en SiDyColl.

68 Cyril Bossard

Page 69: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La Conscience de la Situation

Dans un premier temps, nous pouvons regretter que les principaux auteurs abordent la

CS comme un systeme de traitement de l’information. Cette demarche comporte le risque

de considerer la CS comme une « boıte » supplementaire dans la perspective classique du

traitement de l’information, situee entre l’attention et la prise de decision (Flach, 1995).

Selon Chalandon (2003), cette approche de la CS peut etre qualifiee de « contemplative ». La

CS intervient de facon serielle en amont de la prise de decision et n’integre pas les possibilites

d’actions. Ainsi les limites cognitives classiques qui s’imposent a l’elaboration de la CS sont

les limites attentionnelles et les limites de la memoire de travail, peu compatibles avec la

rapidite des decisions prises en situation dynamique et collaborative comme c’est le cas des

joueurs de football.

Ensuite, le modele de Endsley (1995) limite la conscience de la situation aux connais-

sances de l’individu sur l’etat de l’environnement dynamique. Cette position theorique

considere alors la CS a partir de l’evaluation normative des connaissances de l’individu. Ce

point de vue apparaıt egalement restrictif dans le sens ou il considere le contexte significatif

comme externe a l’individu (Hoc, 2001). Or, nous pouvons considerer que la conscience de

la situation renvoie a « tous les elements qui sont significatifs du point de vue du sujet im-

plique dans cette situation ». Dans le cadre des sports collectifs, la conscience de ce qui se

passe autour du joueur varie selon le degre d’implication du joueur dans l’activite. Rappelons

qu’au football, les joueurs doivent s’adapter a un contexte fluctuant, changeant, et evolutif.

Certains evenements peuvent etre intelligibles ou significatifs d’un point de vue exterieur

(pour l’observateur, l’entraineur, le partenaire), mais le joueur absorbe par sa propre activite

peut momentanement etre incapable de les percevoir, i.e. d’en avoir une certaine conscience.

L’approche « classique » de la CS apparaıt bien paradoxale car si le sujet est place au centre

des preoccupations du chercheur, tout se passe comme si ce dernier evacuait l’autonomie de

l’acteur en situation.

Le concept de CS peut ainsi etre revisite en imposant un changement de paradigme

passant de la cognition centree sur le sujet a l’etude du couplage dynamique

entre l’individu et la situation. L’approche de la CS defendu par Flach (1995) definit

la CS comme « la manifestation d’un couplage cognitif dynamique entre un acteur et une

situation ». Refusant d’identifier la CS a un produit ou a une etape des processus cognitifs,

la CS est identifiee comme une enveloppe qui structure la connaissance et le comportement

permettant de repondre aux exigences de la situation (Flach, 1995). Cette approche est tres

differente de l’approche lineaire et prescriptive de Endsley (1995) car elle ne cherche pas a nier

l’autonomie de l’individu mais a « l’eclairer » en explicitant les contraintes de l’environnement

necessaires a l’action efficace (Flach et Rasmussen, 2000). Les auteurs soulignent ici, que la

CS permet a l’individu de « reduire la situation vecue aux possibilites d’agir ». La

situation vecue exprime alors les informations contextuelles rencontrees ou anticipees par le

sujet dans la realisation de l’action au regard d’un but poursuivi.

Cyril Bossard 69

Page 70: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 2 – Une approche contextualisee de la decision

Dans cette perspective, nous pouvons considerer que la situation telle qu’elle est vecue

constitue la manifestation d’un couplage cognitif dynamique entre un acteur et une situation

(Flach, 1995). Les situations vecues, racontees au travers des informations dont le sujet

a conscience (CS) permettent de rendre compte, en partie, de l’evolution de l’activite du

sujet face au contexte. La conscience de la situation (ou la situation vecue) met en avant la

capacite du sujet a prendre en consideration les caracteristiques changeantes de la situation, a

absorber de facon dynamique les informations contextuelles. Parmi les multiples informations

contextuelles, nous pouvons faire l’hypothese (Flach et Rasmussen, 2000) que l’expert en sport

collectif reconnaıt des invariants contextuels (configurations de jeu) auxquels il associe une

reponse, une decision tactique.

Ainsi, si le concept de CS retient notre attention, nous l’envisagerons, non pas dans le

sens initial d’un etat representationnel de l’evolution d’un environnement externe, mais dans

une acceptation plus ouverte : la CS doit pouvoir se concevoir comme un etat du couplage

sujet-situation. Malgre les nuances theoriques apportees au modele de la Conscience de

la Situation, nous considerons le concept de CS comme particulierement interessant pour

l’analyse de l’activite decisionnelle en situation de contre-attaque au football. Finalement,

pour nous, le concept de Conscience de la Situation « represente l’ensemble des elements

contextuels percus et participant a la construction d’une signification pour le

joueur a un moment donne et dans un contexte particulier ». L’activite du joueur

peut alors etre racontee, decrite a partir d’une succession de situations vecues qui

traduisent l’evolution du contexte.

Nous adoptons ainsi le point de vue defendu par Flach (1995), en donnant la priorite

a l’interaction entre l’homme et l’environnement. En ce sens, le modele de la CS (Flach,

1995) est complementaire du modele RPD uniquement centre sur la prise de decision. Si le

modele RPD met en avant l’activation d’un « package cognitif » pour decider vite et bien face

a des situations dynamiques typiques, le concept de CS propose un lien entre l’individu et

le contexte, en permettant de considerer son evolutivite par la succession des situations

vecues (ou CS). Pour choisir la bonne action a realiser, la principale condition necessaire

est alors la mise en correspondance entre certains invariants contextuels de la situation vecue

et des invariants fonctionnels d’arriere-plan qui permettent d’agir : les schemas.

2.3 La theorie des schemas

Le modele RPD et le concept de Conscience de la Situation permettent d’envisager

l’activite decisionnelle des experts comme un couplage sujet-situation. Dans cette perspective,

l’activite decisionnelle en situation dynamique collaborative, ou decision tactique rapide,

passe prioritairement par un processus de reconnaissance de la situation. La conscience de la

situation designe l’ensemble des elements contextuels percus et participant a la construction

70 Cyril Bossard

Page 71: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La theorie des schemas

dynamique d’une signification de la situation vecue. Cette posture theorique peut etre

completee par la theorie des schemas. Cette derniere met en avant le role et l’adaptation

des structures cognitives d’arriere-plan, c’est-a-dire l’activation et la reconstruction

permanente de structures types (schemas) en fonction du contexte.

2.3.1 Concepts et Methodes

Bien que le courant de la NDM propose differents modeles pour expliquer les prises

de decisions en situation dynamique et collaborative, tous s’accordent pour considerer le

processus de reconnaissance de la situation comme central dans la prise de decision. Ce

processus consiste a mettre en correspondance les patterns connus (configurations de jeu)

avec des structures existantes en MLT. Ces dernieres permettent d’interpreter, de donner

du sens et de prevoir les evenements a venir en situation dynamique. Ces structures sont

regroupees sous le concept de schema. Pour de nombreux auteurs se reclamant de l’approche

NDM (Lipshitz et al., 2001; Ross et al., 2006; Endsley, 2006), l’activation de schemas permet

aux experts de prendre des decisions rapides et pertinentes en situation dynamique.

Reprenant l’idee princeps que les individus organisent et accumulent inconsciemment les

informations d’experiences passees sous une forme abstraite (Bartlett, 1932; Minsky, 1975;

Schank et Abelson, 1977; Rumelhart, 1984), les schemas sont consideres comme des ressources

pour l’action, car ils orientent la perception et permettent de donner du sens a des groupes

d’informations contextuelles (comme des configurations spatio-temporelles de jeu au football).

Les schemas permettent a l’acteur de categoriser de maniere efficace les situations dans leur

globalite (Frederico, 1995). L’individu est ensuite en mesure d’activer et de reutiliser ces

schemas pour interpreter et repondre a de nouvelles situations (Rumelhart, 1984).

Le modele RPD et le modele de la Conscience de la Situation leur attribuent ainsi une

place importante. Pour Klein (1993), les schemas permettent de reconnaıtre la « typicalite » de

la situation actuelle. Pour Endsley (2006), les schemas jouent aussi un role important dans

l’elaboration de la CS. Les deux modeles font egalement reference aux « scripts » (Schank

et Abelson, 1977). Les scripts sont des schemas appliques aux activites sociales dans le

sens ou ils permettent de decrire des sequences appropriees a un evenement dans

un contexte particulier. De plus, pour Endsley (2006), les liens entre les schemas et les

scripts facilitent la conscience de la situation. En effet, en cours d’action l’individu n’a

pas a rechercher activement l’action a executer, car elle est automatiquement issue d’un

enchaınement de schemas au sein du script active. Dans le cadre du football, les scripts

pourraient decrire des sequences d’actions appropriees a une situation courante typique.

En situation de contre-attaque, par exemple, un joueur de football expert serait en mesure

d’activer automatiquement le schema d’actions « se deplacer pour recevoir un centre » a la

suite du schema « passer le ballon dans la course d’un partenaire pour deborder ». Ces deux

Cyril Bossard 71

Page 72: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 2 – Une approche contextualisee de la decision

schemas seraient associes au sein du meme script « desequilibrer la defense adverse en passant

par le cote ».

Si dans l’approche NDM les schemas sont evoques de maniere theorique par de nombreux

auteurs (Lipshitz et al., 2001; Ross et al., 2006; Endsley, 2006), une seule etude a notre

connaissance s’est employee a les identifier en situation naturelle (Piegorsch et al., 2006). En

consequence, peu de recommandations methodologiques sont disponibles dans la litterature

consacree a l’approche NDM. Dans la presentation qui suit, nous serons particulierement

attentifs aux aspects methodologiques.

2.3.2 Une etude en situation de travail

L’etude recente de Piegorsch et al. (2006) est la premiere qui illustre la specificite des

schemas actives par des experts en situation dynamique dans la perspective de l’approche

NDM. Les auteurs proposent une analyse de l’activite decisionnelle d’ergonomes experts

lors d’interventions en milieu industriel dont l’objectif est de fournir des recommandations

pour prevenir et controler les troubles musculo-squelettiques au travail. L’etude porte sur la

comparaison de deux groupes d’ergonomes experts mais issus d’une formation differente (12

ingenieurs industriels et 9 psychotherapeutes).

En utilisant la methode d’analyse des incidents critiques (CDM, voir 2.1.1, p 55),

les chercheurs ont recueillies des donnees verbales sur les situations d’intervention. Plus

precisement, les entretiens sont menes a partir des evenements critiques. Le sujet est guide

par le chercheur dans le rappel de ces evenements mais peut egalement intervenir a tout

moment pour clarifier et commenter ce qui est significatif de son point de vue. Cette methode

donne ainsi acces a l’evolution du processus de decision du sujet en contexte naturel. Elle

favorise la verbalisation des conditions responsables de la decision selon l’expert a travers les

indices percus comme pertinents dans la situation.

Reprenant les principes de la theorisation ancree, les donnees obtenues sont codees en

utilisant une analyse qualitative inductive (Strauss et Corbin, 1998). L’analyse du contenu des

discours permet de reveler des categories conceptuelles qui sont figees a partir du moment

ou les donnees « saturent ». Ce point de saturation est defini comme le moment ou dans

l’etude, l’analyse des verbalisations ne permet plus la creation de nouveaux concepts. Ce

critere indique au chercheur que le recueil des donnees est complet (Piegorsch et al., 2006)

(p 589). Dans cette etude, les auteurs evoquent la creation d’un « codebook », une liste de

codes associes aux categories de donnees et definie a posteriori. Un concept (i.e. une categorie

empirique) doit etre pertinent pour l’ensemble des sujets et l’ensemble des situations. Pour

s’assurer de la fiabilite et de la validite des donnees selectionnees et codees, le « codebook » est

examine par un chercheur exterieur a l’etude.

L’analyse fait apparaıtre que les decisions sont prises a partir d’une articulation singuliere

72 Cyril Bossard

Page 73: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La theorie des schemas

entre les contraintes de la situation et les ressources du sujet. Les resultats suggerent que le

schema instancie surgit de l’interaction entre le praticien et les contraintes de la situation ce

qui permet de guider le praticien dans ses decisions. Le schema instancie est decrit comme

un ensemble de variables contextuelles (issues de la situation) et internes (liees au trait de

personnalite de l’ergonome) articulees entre-elles au cours du continuum de l’activite. Ces

informations variees et reliees entre-elles renvoient a des elements contextuels, des buts, des

connaissances, et des attentes. Le regroupement des variables identifiees en contexte montre

egalement que les ergonomes activent des schemas specifiques similaires dans differentes

situations qui presentent les memes caracteristiques (« situations stereotypees »). Enfin, les

resultats ne montrent pas de differences significatives entre les deux groupes d’ergonomes.

Les auteurs concluent que l’homogeneite des decisions des ergonomes en situation dynamique

s’explique davantage par leur experience que par leur formation initiale.

Les travaux de Piegorsch et al. (2006) demontrent ainsi l’interet du concept de schema

pour decrire l’activite decisionnelle d’experts au travers du couplage sujet-situation. L’arti-

culation de variables issues de la situation vecue et des variables propres a l’expert permet

de decrire un schema specifique. Ce schema specifique a la situation courante sert de filtre

a l’expert pour prendre des decisions adaptees en situation dynamique. D’un point de vue

methodologique, l’approche par categorisation empirique est tres interessante. Cette derniere

permet de mettre a jour les structures types (les schemas) activees par des experts en situa-

tion naturelle. L’etude de Piegorsch et al. (2006) montre bien que ces structures types ne

sont pas des structures « prescrites » par la formation des sujets (puisqu’ils sont ingenieur ou

psychotherapeute) mais bien des structures qui evoluent et emergent dans l’interaction entre

l’expert et la situation. Les schemas constituent donc des structures d’arriere-plan permettant

de donner du sens aux composants d’un systeme complexe.

Dans le domaine de la NDM, meme si les chercheurs concluent generalement que l’activite

decisionnelle en situation reelle est fortement orientee par des schemas (Lipshitz et al., 2001;

Ross et al., 2006; Endsley, 2006), peu d’etudes se sont attachees a leur identification en

situation naturelle. L’etude de Piegorsch et al. (2006) est ainsi la premiere etude a identifier

les schemas actives par les experts en situation naturelle. Cette validation empirique constitue

selon nous une evolution importante de l’approche NDM qu’il conviendrait de poursuivre.

Aucune etude n’etant actuellement disponible dans le domaine des sports collectifs, cette

voie nous semble interessante pour decrire et comprendre l’activite decisionnelle dans les

contextes fortement contraints (pression temporelle, complexite, evolutivite, fluctuation) des

sports collectifs.

Cyril Bossard 73

Page 74: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 2 – Une approche contextualisee de la decision

2.3.3 Le role des schemas en situation dynamique

Les scripts et les schemas ont rencontre un certain nombre d’oppositions quand ils etaient

consideres comme des structures rigides d’informations ou de connaissances en MLT. D’autres

auteurs ont montre depuis leur flexibilite : celle-ci tient de l’experience du sujet (expertise)

et du contexte dans lequel le schema est active (Piegorsch et al., 2006).

Ainsi, dans le modele de la Conscience de la Situation, la clef indispensable a l’utilisation

d’un schema, reside dans la capacite individuelle a reconnaıtre les elements pertinents du

contexte. Ces informations contextuelles significatives sont reliees aux caracteristiques du

schema participant ainsi a l’elaboration de la conscience de la situation. Par ailleurs, il n’est

pas necessaire que la situation vecue soit exactement la meme que celle decrite par un schema.

En effet, quelques elements contextuels typiques suffisent a instancier un schema specifique.

Le schema evoque est celui qui correspond le mieux aux caracteristiques principales de la

situation courante. L’avantage de cette evocation est que meme si certaines informations ne

sont pas disponibles dans la situation reelle, un schema peut tout de meme etre active sur la

base de quelques informations contextuelles typiques.

En somme, l’approche NDM considere que le processus de reconnaissance de la situation

est facilite par l’evocation de schemas et de scripts (Lipshitz et al., 2001; Ross et al.,

2006; Endsley, 2006). Les experts procedent rarement par raisonnement. Les schemas sont

directement actives en fonction de la situation rencontree. Les informations contenues dans

les schemas sont organisees de maniere plus fonctionnelle que semantique. C’est-a-dire qu’elles

sont organisees par les contextes dans lesquels elles trouvent leur pertinence (Bastien, 1997)

(p 38). Les schemas guident l’activite adaptative de l’expert et permettent des reponses plus

rapides, plus adequates et plus performantes.

Dans cette perspective, Adams et al. (1995) montrent un rapport reciproque entre schema

et conscience de la situation. En effet les auteurs, en reference a une approche perception-

action, proposent que la CS en tant que produit corresponde a l’etat du schema

actuellement active. Cette conscience de la situation est dynamique dans le sens ou elle est

mise a jour sans interruption. Elle est alimentee en continu par des informations contextuelles

issues de la situation et les informations contenues dans le schema (buts, connaissances,

attentes, actions) (Munduteguy et Darses, 2007).

Cette perspective theorique montre bien l’evolution du concept de schema. Ce dernier

n’est plus aujourd’hui considere uniquement comme un ensemble organise de connaissances.

Il doit etre considere comme une structure fonctionnelle et dynamique qui s’actualise dans

le couplage sujet-situation. Dans le cadre du football par exemple, le schema permet de

decrire des classes de situations. Les experts d’un domaine disposeraient ainsi d’une variete

de schemas. Des lors, ils sont plus sensibles au contexte que les novices qui agissent souvent

sur la base de connaissances logiques et de regles generales.

74 Cyril Bossard

Page 75: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Les principaux apports de la NDM pour l’etude de l’activite individuelle

2.4 Les principaux apports de la NDM pour l’etude

de l’activite individuelle

Au cours des 20 dernieres annees, les modeles et concepts issus de l’approche de la

decision naturelle ont acquis une certaine influence comme methode d’explication de l’activite

decisionnelle dans de nombreuses situations complexes. Ce courant de travaux a accumule des

observations dans la plupart des grandes situations a risques (pilotage, situations militaires,

nucleaire, urgences medicales, etc.). Les auteurs montrent que la plupart des biais denonces

dans les theories classiques de la decision humaine sont en fait sans reelle importance, ni

pertinence en situation naturelle complexe et dynamique. L’activite decisionnelle est un

processus continu, couplee a un environnement. Ce processus passe par des decisions partielles,

plus ou moins pertinentes, mais qui dans le flot finissent en general par conduire a des resultats

acceptables, compte tenu des marges des situations reelles. Dans bien des cas, la decision en

contexte est pre-activee par des schemas. Ces structures d’arriere-plan guident la perception

des elements contextuels significatifs dans les situations vecues elaborant ainsi une conscience

de la situation. Un processus de reconnaissance permet d’actualiser en continu le schema et

d’ajuster le comportement decisionnel a la pression temporelle et la complexite des situations

dynamiques collaboratives.

2.4.1 Un cadre theorique

L’approche NDM fournit un cadre theorique qui nous paraıt interessant a exploiter pour

etudier les decisions tactiques des joueurs en sports collectifs. De maniere synthetique, celle-ci

permet d’aborder l’activite decisionnelle en situation dynamique collaborative a partir des 3

principes suivant :

1. Contrairement au modele du traitement de l’information (entree-sortie), les modeles

issus de l’approche NDM ne cherchent pas a predire toutes les options possibles. Ces

derniers cherchent a decrire l’activite decisionnelle des sujets experts en tant que pro-

cessus finalise (« process orientation »). Pour etre valides, les modeles NDM doivent

rendre compte des informations pertinentes de la situation pour l’expert (conscience de

la situation), et exprimer la facon dont il les utilise pour decider au cours de l’action.

2. Pour l’approche NDM, les decisions sont prises a partir d’un processus de correspon-

dance dans le couplage situation-action (« situation-action matching decision ») qui

repose sur 3 aspects : (a) les options sont evaluees en une fois (evaluation holistique

du potentiel au cours de l’action) ; (b) les options sont adoptees ou rejetees au regard

de leur compatibilite avec la situation ; (c) Les experts utilisent la reconnaissance de

configurations spatio-temporelles (mise en correspondance de patterns) au cours de

Cyril Bossard 75

Page 76: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 2 – Une approche contextualisee de la decision

l’action pour pallier l’incidence de la pression temporelle.

3. Cette reconnaissance est basee a la fois sur l’experience (situations anterieures sem-

blables) et sur les informations issues du contexte. Les schemas sont des structures

d’arriere-plans qui sont issues de l’experience. Ils sont specifiquement relies a un do-

maine d’expertise et sensibles aux variations contextuelles (« context-bound informal

modeling »). Comme nous l’avons vu, l’experience permet de reconnaıtre et donc de

memoriser (de facon analogique et par forcement de facon logique) des structures pro-

fondes communes a plusieurs situations (notion de types chez Theureau (2004)). Ces

structures d’arriere-plan seront pour nous des schemas typiques. Ces derniers consti-

tuent des blocs d’informations en memoire a long terme qui une fois couplees au contexte

permettent d’identifier une situation. L’explicitation de cette situation par l’acteur, ce

qui est significatif pour lui, exprime la conscience de la situation (i.e. la situation vecue)

a un moment donne du cours d’action. La conscience de la situation evolue, et l’activite

peut etre consideree comme une succession de situations vecues.

2.4.2 Un cadre methodologique

L’approche NDM preconise, d’un point de vue methodologique, l’etude de l’acti-

vite decisionnelle des experts en situation naturelle. Ainsi, la comprehension de l’activite

decisionnelle en situation dynamique collaborative requiert des methodes permettant de

mettre en lumiere les connaissances, les processus cognitifs et perceptifs en situation reelle.

La plupart des recherches dans le domaine de la NDM utilisent des methodes inspirees de

l’anthropologie, de l’ethnographie, des sciences cognitives et de l’analyse du discours (Lipshitz

et al., 2001). L’effort est porte en premier lieu sur la description du phenomene sans prejuger

de ce qui est ou devrait etre important a etudier. Ce type d’approche descriptive autorise

le chercheur a examiner le phenomene dans son contexte naturel. Bien que les methodes in

situ dominent le champ de la NDM, d’autres methodes comme la simulation peuvent etre

utilisees.

Les observations menees sur le terrain sont cruciales dans les recherches NDM puisque les

decisions sont encapsulees dans la situation et contribuent a sa construction. Les contraintes

de l’environnement, les informations contextuelles percues, le type de connaissance et d’ha-

bilete necessaires pour repondre a cet environnement sont autant de variables a prendre en

consideration. Les methodes utilisees pour obtenir les connaissances des experts incluent des

entretiens directifs ou libres (Cohen et al., 1996; Klein et al., 1989), des analyses a poste-

riori d’incidents critiques (Lipshitz et Strauss, 1997), des protocoles de pensee a voix haute

(Xiao et al., 1997) ou des entretiens d’autoconfrontation face a la video (Omodei et al., 1997;

Macquet et Fleurance, 2007). Certaines observations en temps reel impliquent des techniques

76 Cyril Bossard

Page 77: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Les principaux apports de la NDM pour l’etude de l’activite individuelle

ethnographiques (Dibello, 1997) telles que l’observation participante.

Aujourd’hui, quelques etudes dans le domaine des sports collectifs investissent egalement

les situations naturelles pour etudier l’activite decisionnelle des joueurs. Elles prennent pour

hypothese que seuls les elements percus comme significatifs pour le sujet affecteraient sa

decision tactique.

2.4.3 Des pistes de recherches novatrices pour les sports col-lectifs

Quelques travaux recents nous semblent proches ou compatibles avec l’approche NDM.

Macquet (2001) a ainsi etudie les decisions des experts en Volley-ball en situation competitive.

L’auteur analyse les donnees comportementales et verbales obtenues a partir d’entretiens

d’autoconfrontation. Dans le meme ordre d’idee, Mouchet et Bouthier (2006) analysent la

subjectivite des decisions tactiques au rugby en situation competitive. L’originalite de cette

recherche reside dans l’articulation de differents paradigmes scientifiques ainsi qu’un metissage

interessant de methodes : analyse video, entretien semi directif, et un bref rappel stimule suivi

d’un entretien d’explicitation.

Dans les sports collectifs, les resultats de ces etudes contextualisees permettent de decrire

une activite decisionnelle complexe, singuliere et subjective. Macquet (2001) montre ainsi que

les joueurs ne peuvent pas tout comprendre, ils se satisfont d’une comprehension suffisante

pour decider et agir. L’activite decisionnelle fonctionne selon un mode planifie avec des

adaptations en ligne, c’est-a-dire en action. L’activite decisionnelle du joueur et sa maıtrise

des situations sont fonction de la pression temporelle et de l’incertitude spatio-temporelle

percue. Mouchet et Bouthier (2006) observent egalement ce caractere flexible de la decision

chez les experts au rugby. Les joueurs envisagent une possibilite englobante, ouverte, qui est

ensuite specifiee au regard d’indices significatifs qui s’imposent au sujet. L’auteur parle ainsi

d’une « adaptation relative aux circonstances » (Mouchet et Bouthier, 2006).

Ces travaux confortent l’idee selon laquelle, en sports collectifs, l’activite decisionnelle

des experts repose sur l’activation de structures cognitives, les schemas, permettant a la fois

d’associer une classe de situation et un choix typique (« en superiorite numerique, progresser

vite ») et de specifier ce choix en fonction d’elements perceptifs specifiques a chaque situation

(« passe ou dribble en fonction de la distance a la cible »). De plus, ces resultats montrent

une possible alternance entre une decision deliberee, en reference a une rationalite commune

(plan de jeu ou culture commune) quand le temps le permet, et une decision emergente ou

on line (Johnson, 2006) sous pression temporelle.

Finalement, l’ensemble de ces travaux conforte l’interet d’etudier l’activite decisionnelle

en situation dynamique et collaborative en prenant en compte le couplage sujet-situation.

Cyril Bossard 77

Page 78: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 2 – Une approche contextualisee de la decision

Les travaux issus de l’approche NDM a travers le modele RPD, le concept de Conscience

de la Situation et la theorie des schemas, proposent un cadre theorique et methodologique

interessant pour etudier l’activite decisionnelle de l’expert dans son contexte naturel. Du

point de vue individuel, nous defendrons ainsi l’idee que l’activite decisionnelle experte resulte

de l’activation de schemas typiques par les elements contextuels percus et significatifs pour

le joueur en situation de contre-attaque.

L’approche NDM a egalement investi l’analyse de l’activite decisionnelle en equipe. Dans

le chapitre suivant, nous presenterons le prolongement du cadre conceptuel de la « Naturalistic

Decision Making » reformule simplement par les auteurs : « Team Naturalistic Decision

Making ».

78 Cyril Bossard

Page 79: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 3

Des approches pour l’analyse del’activite collective

L’approche TNDM, evolution, et interets pour la recherche dansles sports collectifs

Resume – Ce troisieme chapitre presente un prolongement du cadre conceptuel de la

« NDM » a l’equipe (« Team » NDM). L’approche TNDM considere que l’activite collective

repose sur un processus de coordination des activites individuelles. Pour expliquer les coor-

dinations entre les membres d’une meme equipe, les auteurs ont longtemps etudie l’activite

individuelle de chacun des membres du collectif. Aujourd’hui, ce point de vue tend a etre

abandonne au profit de perspectives qui abordent la relation entre l’individu et le contexte

collectif. Ces perspectives recentes prennent pour unite d’analyse, soit le comportement glo-

bal de l’equipe, soit l’articulation des activites individuelles. Ces propositions theoriques et

methodologiques constituent des ressources pour apprehender l’etude de l’activite collective

en situations sportives. Apres avoir discute de leur pertinence face a l’exigence des situa-

tions sportives collectives, ce chapitre aboutit a nos principales hypotheses de recherche pour

l’analyse de l’activite decisionnelle en situation dynamique collaborative.

Cyril Bossard 79

Page 80: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 3 – Des approches pour l’analyse de l’activite collective

Introduction

Les etudes recensees jusqu’a present permet de caracteriser l’activite decisionnelle comme

une adaptation individuelle au contexte (Chapitres 1 et 2). Plus particulierement, nous avons

souligne la capacite des experts a repondre rapidement a la pression temporelle tout en

s’adaptant a la complexite des contextes. Cependant, cette complexite contextuelle inherente

aux situations dynamiques et collaboratives tient egalement a sa dimension collective.

La decision tactique en sports collectifs est non seulement une decision rapide, mais

encore une decision sous influences : les joueurs recoivent des informations (ou des leurres)

de leurs partenaires et de leurs adversaires. Ce constat amene a considerer comme centrale la

dimension collective de la decision tactique en sports collectifs. Cette dimension collective a

surtout ete abordee, dans le domaine du sport, a travers l’etude des groupes dans une approche

psychosociale (pour une revue complete voir Buton et al. (2006)). Plus precisement, c’est la

relation entre le niveau de cohesion et la performance de l’equipe qui constitue le « catalyseur

de toutes les recherches » (Buton et al., 2006).

La prise en compte du caractere collectif de la decision, dans une perspective ergo-

nomique, est un objet d’etude qui suscite actuellement un regain d’interet en psychologie du

sport (Eccles et Tenenbaum, 2004; Fiore et Salas, 2006; Ward et Eccles, 2006) meme si a ce

jour, peu de travaux empiriques sont disponibles (Rentsch et Davenport, 2006). Cette absence

de travaux empiriques nous amene a prendre appui sur des etudes issues d’un domaine de

recherche connexe, celui de la psychologie du travail.

Dans l’analyse des situations de travail en equipe, l’activite collective est abordee a partir

de l’etude du processus de coordination des activites individuelles (Bourbousson et al., 2008).

Ainsi, dans la continuite du cadre theorique de la NDM, l’approche TNDM (Salas et al., 2006)

apprehende ainsi la coordination des membres de l’equipe. Le point de vue adopte par cette

approche conduit a etudier l’activite collective a partir de l’analyse des activites des individus.

La presentation de cette approche TNDM nous conduira a montrer que ses propositions

sont insuffisantes pour apprehender la dimension collective de la decision tactique. Nous

interrogerons alors d’autre points de vue developpes dans l’analyse de l’activite collective en

situation de travail. Nous examinerons chacun d’eux en portant une attention particuliere

a la facon dont ils abordent la relation entre l’equipe et le contexte. Nous chercherons plus

particulierement a identifier comment ils ont etudie les coordinations d’actions au sein d’une

equipe et comment ils les expliquent. Ce chapitre est organise en cinq points.

Dans un premier temps, nous presentons le cadre conceptuel de la « Team Naturalistic

Decision Making » habituellement exploite pour analyser des equipes de travail en ergonomie

cognitive (Cannon-Bowers et al., 1998). Dans un second point nous examinerons une approche

80 Cyril Bossard

Page 81: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

L’approche TNDM

holistique de l’activite collective (Cooke et al., 2007). Dans un troisieme temps, nous

convoquerons un troisieme point de vue sur l’activite collective a travers les propositions

de l’approche de la cognition situee (Jeffroy et al., 2006). Dans un quatrieme point, nous

proposerons les implications de ces trois points de vue pour l’etude des sports collectifs,

illustrees par quelques etudes. Enfin, l’analyse de cette evolution recente de la recherche sur

la decision dans les situations dynamiques collaboratives nous conduira dans un dernier point

a la formulation de nos hypotheses de recherche concernant deux niveaux d’analyse : l’activite

individuelle et l’activite collective dans les SiDyColl.

3.1 L’approche TNDM

3.1.1 Objectifs, Concepts et Methodes

L’approche TNDM vise la comprehension de l’efficacite des equipes expertes (pour

une revue recente, voir Salas et al. (2006)). L’equipe experte est definie comme un en-

semble d’individus interdependants. Chacun des membres de l’equipe est considere comme

un composant singulier qui se caracterise par un certain niveau d’expertise dans son domaine

(connaissances, habiletes, experience). Les membres de l’equipe s’adaptent, se coordonnent

et cooperent, ce qui leur permet d’assurer un fonctionnement collectif durable (viable) et de

produire de maniere repetitive des performances de haut niveau (Salas et al., 2006).

Pour etudier les coordinations d’actions au sein d’une equipe experte, l’approche TNDM

suggere d’analyser l’activite de chaque membre de l’equipe. Le point de vue defendu

ici est que les ressources cognitives individuelles permettent de coordonner les actions des

membres de l’equipe. La comprehension des coordinations s’effectue alors au travers des

connaissances, des representations, des modeles communs a chacun des individus.

D’un point de vue theorique, l’approche TNDM considere que chaque individu construit

sa propre representation de la situation collective. Cette representation est nourrie d’elements

concernant son propre fonctionnement mais aussi celui de l’equipe, de chaque partenaire et

eventuellement d’un systeme technique mediateur (ecrans de controle, etc.). L’hypothese

principale soutenue ici est que cette representation fonctionnelle peut etre suffisamment

partagee par les membres de l’equipe pour conduire a des coordinations d’actions opportunes,

efficaces et fluides. Cette notion de partage est au cœur des nombreux modeles et concepts

avances par la TNDM pour expliquer l’activite collective : modele mental partage, cognition

partagee, conscience partagee de la situation, schemas partages par les membres de l’equipe.

Bien que ces concepts puissent etre differencies du point de vue de leurs origines theoriques,

tous les auteurs les definissent comme des structures cognitives. Le contenu de ces structures

(connaissances, informations, buts) varie egalement en fonction du concept mobilise. Les

Cyril Bossard 81

Page 82: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 3 – Des approches pour l’analyse de l’activite collective

chercheurs du courant TNDM visent en general l’identification de la part de ce contenu

commune aux membres d’une equipe.

Le concept de « modele mental partage » (MMP), par exemple, a fait l’objet de nombreux

developpements dans la litterature sur l’activite collective. Il constitue une extension du

concept de « modele mental » de l’individu, a l’equipe. A l’origine, propose par Cannon-

Bowers et al. (1996) pour decrire les structures cognitives individuelles, les modeles mentaux

sont des structures de connaissances organisees qui permettent de decrire, d’expliquer, et

de predire des comportements. Les informations contenues dans le modele mental donnent

acces a un ensemble de connaissances (et/ou de croyances) ainsi qu’aux relations entre ces

connaissances. En outre, comme le modele mental d’un individu reflete sa perception et sa

comprehension de la realite, il varie sensiblement en termes de precision et de coherence d’un

individu a l’autre.

Quand les membres d’une equipe organisent leurs connaissances liees a la tache, aux

differents equipements a disposition, aux roles, aux buts, et aux habiletes de la meme maniere,

ils partagent des modeles mentaux. Ces modeles mentaux partages (MMP) permettent, par la

suite, aux membres de l’equipe d’anticiper les actions des autres membres, de repondre a leurs

besoins, et par consequent de coordonner implicitement leurs comportements pour assurer

l’efficacite de l’equipe. La litterature sur les modeles mentaux partages (ou d’equipe) distingue

classiquement deux types de modeles mentaux susceptibles de reguler les coordinations

d’actions entre membres d’une equipe : les modeles mentaux sur la tache a accomplir et

les modeles mentaux sur le travail d’equipe (Cooke et al., 2004).

D’une part, les MMP sur le travail d’equipe (« teamwork mental models ») permettent

donc d’ameliorer la comprehension du fonctionnement de l’equipe. Les membres d’une

equipe disposent de connaissances generales sur leurs partenaires : leurs connaissances, leurs

croyances, leurs habitudes, leurs preferences, leurs habiletes, leurs attitudes, leurs forces

et faiblesses. Ils utilisent et memorisent aussi des connaissances sur les interactions entre

membres de l’equipe : les buts, les roles et les responsabilites de chacun dans le fonctionnement

de l’equipe. D’autre part, les membres d’une equipe doivent egalement assurer une bonne

comprehension de la tache qu’ils ont a accomplir (« taskwork mental model »). Le

contenu de ce modele mental decrit et organise les connaissances sur la maniere d’accomplir

la tache collective. Le contenu partage entre les membres de l’equipe renvoie aux procedures

collectives a engager, aux strategies liees a la tache, aux problemes pouvant survenir, et aux

conditions environnementales. Les MMP mobilisent aussi des connaissances sur la technologie

(ou l’equipement) avec laquelle ils interagissent.

L’approche TNDM suggere que ces deux types de structures cognitives (modeles mentaux

de l’equipe et de la tache) jouent un role primordial dans la coordination des actions efficaces

et regulieres en situation dynamique collaborative. Les membres de l’equipe utilisent alors

le contenu de ces modeles mentaux (i.e. les connaissances preexistantes) pour coordonner

82 Cyril Bossard

Page 83: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

L’approche TNDM

leurs comportements en situation de travail collectif. L’efficacite de l’activite collective est

susceptible d’etre expliquee par le degre de similarite des modeles mentaux (de la tache ou du

fonctionnement de l’equipe) des differents membres d’une equipe. Plus particulierement, c’est

la similarite du contenu (les connaissances generales et/ou specifiques) et de la structure

(relations entre ces connaissances) des modeles mentaux qui constitue l’objet de recherche

(Cannon-Bowers et al., 1998). La precision des modeles mentaux partages influencerait

egalement l’efficacite des equipes en situation collective. En effet, deux membres d’une equipe

peuvent avoir une vision similaire de la tache a accomplir mais plus ou moins precise dans la

maniere d’aboutir a l’objectif. Ceci peut conduire a des dissonances dans la coordination des

actions de chacun d’eux.

En consequence, l’activite en situation collective est principalement etudiee

du point de vue des activites cognitives individuelles. Le courant de la TNDM a

accumule un important volume de travaux sur la comprehension de l’efficacite des equipes

expertes (Mathieu et al., 2000; Lim et Klein, 2006; Cooke et al., 2007). D’un point de vue

methodologique, les chercheurs ont principalement utilise des protocoles de recueil de donnees

des activites individuelles (pour une revue voir Cooke (1999); Cooke et al. (2004, 2007). En

continuite avec les travaux sur les « bases de connaissances », des methodes qualitatives

d’analyse de contenus permettent d’extraire les connaissances d’un expert (ou d’une equipe

experte) confronte a une tache representative de son domaine (simulation, situation reelle).

On recueille des donnees verbales (parfois completees par des donnees d’observation) par les

differentes formes d’entretiens (libres, diriges, semi-diriges), les questionnaires, les methodes

de tracage de processus (recueil de verbalisations concomitantes ou consecutives), ou encore

des methodes dites « conceptuelles » (representation des concepts d’un domaine et de leurs

relations). Cette derniere reste la methode la plus courante pour identifier la structure et le

contenu d’un modele mental. Elle consiste a presenter une liste de concepts (qui representent

des connaissances) a chaque membre d’une equipe puis a demander aux sujets de decrire les

relations (i.e. les liens de parente) entre ces concepts (Stout et al., 1999; Mathieu et al., 2000;

Marks et al., 2002). De cette maniere, le sujet restitue un reseau de relations entre differentes

connaissances : un modele mental. La comparaison des reseaux de chaque membre de l’equipe

permet de restituer le modele mental partage au sein de l’equipe. Une analyse quantitative

complete alors l’analyse qualitative. Il est possible de comptabiliser les relations entre deux

connaissances pour l’ensemble des sujets afin de determiner le poids (ici, numerique) de cette

relation. La particularite de l’analyse en situation collective (versus analyse de l’activite en

situation individuelle) est alors principalement une particularite methodologique qui tient

aux mesures et aux traitements statistiques des donnees individuelles recueillies pour mettre

a jour la dimension partagee des modeles mentaux a partir d’une procedure essentiellement

« additive » (Cooke et al., 2007).

A l’aide de l’une ou l’autre de ces methodes, les etudes issues de l’approche TNDM

ont teste les effets des modeles mentaux partages sur la performance des equipes

Cyril Bossard 83

Page 84: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 3 – Des approches pour l’analyse de l’activite collective

expertes. Dans un premier temps, les etudes ont surtout documente les effets des modeles

mentaux lies au fonctionnement de l’equipe (Smith-Jentsch et al., 2001; Levesque et al.,

2001). Aujourd’hui, on constate une evolution des preoccupations avec la volonte d’etudier

de concert les connaissances partagees en rapport avec le fonctionnement de l’equipe et en

rapport avec la tache de travail (Rentsch et Klimoski, 2001; Cooke et al., 2003; Lim et Klein,

2006). L’etude de Lim et Klein (2006) constitue un exemple typique d’etude des modeles

mentaux partages en situation collective.

3.1.2 Une etude typique des MMP

Lim et Klein (2006) ont examine la relation entre la similarite et la precision des

modeles mentaux partages et la performance d’equipes en situation naturelle. 71 equipes

militaires (de 4 a 8 membres) des forces armees de Singapour ont participe a l’etude. Le

recueil des donnees est effectue en deux temps.

Dans un premier temps, apres une formation identique de 10 semaines, les auteurs

collectent des donnees concernant les modeles mentaux lies a la tache et lies a l’equipe,

chez 548 membres d’equipe et chez 3 sujets experts. Pour evaluer le modele mental de chaque

membre d’une equipe, on demande au sujet de juger le lien de parente entre 14 concepts

correspondant a la tache et 14 concepts correspondant au fonctionnement de l’equipe. Le

sujet estime ainsi le lien de parente de 2×91 paires de concepts en utilisant une echelle de

reponse allant de 1 (completement independant) a 7 (fortement relie). Cette procedure est

egalement utilisee avec les 3 sujets experts afin de definir avec precision les modeles mentaux

« experts » de la tache et de l’equipe. La precision des liens de parente est determinee a

partir des moyennes obtenues par le classement des experts. Dans un second temps, trois

semaines apres la premiere collecte, les equipes participent a une evaluation ou 24 officiers

superieurs evaluent la performance au combat de chaque equipe a partir de 6 taches militaires.

Pour etablir les modeles mentaux de la tache et de l’equipe pour chaque sujet, les auteurs

utilisent une technique d’evaluation structurelle appelee Pathfinder (Schvaneveldt, 1990).

Cette technique permet de representer graphiquement le reseau de parente entre les

14 concepts a partir des reponses du sujet. Un nœud represente un concept et l’arc represente

la relation entre deux concepts. Pathfinder permet egalement d’avoir une representation de

la proximite entre deux concepts a partir du poids (numerique) de leur relation.

Pour obtenir la similarite du modele mental d’un membre de l’equipe, on calcule la

proportion de liens communs avec les autres membres de l’equipe sur la totalite des liens

existants. A partir des scores de similarite de chaque membre de l’equipe, on calcule la

moyenne des similarites des modeles mentaux des membres de l’equipe. La meme procedure

est employee pour determiner le score de similarite des modeles mentaux de la tache et

de l’equipe. Pour obtenir la precision des modeles mentaux partages par les membres

84 Cyril Bossard

Page 85: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

L’approche TNDM

de l’equipe, on compare la moyenne du modele mental des trois experts avec la moyenne

du modele mental de chaque membre. Cette comparaison permet d’obtenir un indice de

precision. En moyennant les indices des membres de l’equipe, on obtient le score de precision

de l’equipe. Pour tester leurs hypotheses, les auteurs menent une serie d’analyses statistiques

de correlation et de regression hierarchique.

Les resultats montrent principalement que les equipes dont les membres structurent et

organisent leurs connaissances de la meme maniere ont plus de facilite a coordonner leurs

activites. La similarite des modeles mentaux relatifs a la tache ou relatifs a l’equipe est bien

predictrice de la performance collective. Ainsi, quand les membres de l’equipe sont d’accord

sur les priorites et les strategies a adopter (modele mental partage au sein de l’equipe), l’equipe

est plus performante durant la tache. Les resultats suggerent egalement que la precision du

modele mental a une influence sur la performance de l’equipe. Les equipes dont la moyenne

des modeles mentaux etait la plus proche de celle des modeles mentaux des experts avaient des

performances plus elevees que les equipes dont la moyenne etait plus eloignee. Les auteurs

avancent que les equipes dont les modeles mentaux (equipe et tache) etaient plus precis,

utilisent des strategies plus efficaces que les autres. Cette etude montre ainsi que les membres

d’une equipe experte partagent des connaissances similaires et precises. Ces connaissances

partagees permettent de coordonner les actions des membres de l’equipe durant la tache

collective.

Les resultats obtenus par Lim et Klein (2006) sur la precision et la similarite des modeles

mentaux confirment ceux obtenus anterieurement en situation de simulation de maintenance

de char (Minionis et al., 1995), de combats aeriens (Mathieu et al., 2000) ou encore de

missions en helicoptere (Marks et al., 2002).

3.1.3 Limites et Discussion de l’approche TNDM

La perspective theorique TNDM permet de decrire une forme d’activite collective que

nous qualifierons de « prescriptive » entre les membres de l’equipe.

La coordination des membres de l’equipe s’explique principalement par une organisation

commune et en amont des roles et responsabilites de chacun des membres de l’equipe (modele

mental partage du travail d’equipe et de la tache). Cette structuration des connaissances

sous forme de modele mental permet de produire des attentes mutuelles entre les individus

en situation. La coordination des activites individuelles est regulee sur la base de predictions

sur les comportements et besoins (attentes) du ou des partenaires, a partir du contenu (les

connaissances) de ces modeles mentaux. L’approche TNDM prolonge ainsi a l’echelle du

collectif l’approche des bases de connaissances individuelles. Les modeles mentaux consti-

tuent une base de connaissances partagees. Cette base de connaissance est repartie dans les

Cyril Bossard 85

Page 86: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 3 – Des approches pour l’analyse de l’activite collective

composants du collectif (chaque individu) de la meme facon que les connaissances indivi-

duelles sont reparties dans differentes structures en Memoire a Long Terme. En situation

collective, les individus se referent a un modele mental construit collectivement et disponible.

Ce modele permet de donner rapidement du sens aux actions des autres membres de l’equipe.

Bien que le courant de la TNDM soit abondamment exploite dans l’etude des situations

de travail en equipe, cinq principales limites methodologiques et theoriques peuvent

etre soulevees.

D’un point de vue methodologique, les mesures utilisees visent l’acces a cette part

collective des bases de connaissances et peuvent etre qualifiees « d’agregatives » (Cooke

et al., 2007). La plupart d’entre-elles agregent les resultats sur les connaissances partagees

entre les membres d’une equipe a partir d’un questionnement individuel. Cette orientation

methodologique (i.e. processus d’agregation des cognitions individuelles) peut etre remise en

question sur deux points : les mesures utilisees et le protocole de recueil des donnees.

La premiere limite que nous souhaitons mettre en exergue releve de la procedure

d’agregation des donnees. Cette derniere assume implicitement a travers les tests statistiques

(nombre et moyenne des liens communs) que tous les membres de l’equipe disposent de

structures et de connaissances semblables. En d’autres termes, l’equipe est ici consideree

comme une composition d’elements homogenes. Selon nous, cette notion d’homogeneite des

activites individuelles dans les equipes doit etre nuancee. Dans le cadre des sports collectifs,

les membres de l’equipe occupent des roles differents, ce qui implique des connaissances,

des habiletes et des attitudes specifiques. A l’instar de Mouchet et Bouthier (2006), nous

considerons plutot les individus, par nature, dans leur heterogeneite bien qu’ils puissent

se retrouver en partie dans une activite commune. Les elements significatifs pour un joueur,

a un moment donne dans la situation en cours, peuvent s’etudier a differents niveaux, et

l’activite decisionnelle combine sans doute des elements subjectifs a la fois personnels et

partages. En d’autres termes, l’heterogeneite des membres d’une equipe n’exclut pas une

certaine homogeneite au niveau de l’activite collective deployee (les coordinations d’actions).

Ce que nous souhaitons souligner ici, c’est que la coordination des actions en situation

collective peut recourir a une complementarite dans les connaissances specifiques mobilisees

par chacun des membres d’une equipe. Les methodes jusqu’a present utilisees par la TNDM

ne permettent pas de rendre compte de la complementarite des connaissances mobilisees

au cours de la situation. La comprehension des coordinations d’actions des membres d’une

equipe necessite d’interroger a la fois les caracteres heterogene et homogene des activites in-

dividuelles a travers, par exemple, les connaissances mobilisees. Finalement, cette dialectique

heterogeneite/homogeneite n’est-elle pas une contradiction essentielle a resoudre en situation

collective ?

86 Cyril Bossard

Page 87: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

L’approche TNDM

Une seconde limite renvoie aux statistiques associees aux representations graphiques

obtenues a l’aide de logiciels tels que « Pathfinder » (Lim et Klein, 2006). Ce type de procedure

statistique ne permet pas d’evaluer le rapport de causes a effets percu de maniere implicite

dans les modeles mentaux des sujets. Les liens entre les nœuds dans le reseau Pathfinder

sont bases sur des estimations de parente (i.e. de similarite) et non de causalite. Des lors,

ils ne permettent pas d’expliquer les conditions qui unissent les concepts. Or c’est bien la

relation entre les informations mobilisees par les membres de l’equipe qui permet d’expliquer

la comprehension partagee d’une situation entre les membres d’une equipe.

Bien que la notion de modele mental d’equipe ou partage ait domine la recherche sur

l’activite collective, de nombreux auteurs reconnaissent aujourd’hui que les modeles mentaux

de l’equipe sont plus complexes (Gorman et al., 2006). Les membres de l’equipe n’ont pas

necessairement des structures de connaissances isomorphes (identiques), mais possedent cer-

tainement une part d’informations partagees et une autre part d’informations contextualisees

et individualisees ou specifiques (basees sur leurs roles distinctifs) au sein des structures cog-

nitives actives (Kozlowski et Ilgen, 2006).

La troisieme limite renvoie aux methodes conceptuelles comme celles utilisees dans

notre exemple typique (Lim et Klein, 2006) pour etablir les modeles mentaux des membres

d’equipe militaire. Ces methodes sont limitees pour mettre a jour les connaissances effective-

ment mobilisees. La liste des concepts a relier est definie a priori par les chercheurs (ou par

des experts du domaine) a l’aide de questionnaires par exemple. Il s’agit donc d’un point

de vue externe predetermine et independant de l’equipe agissante. Nous reiterons ici, au

niveau de l’equipe, les limites du point de vue epistemologique adopte par une approche

cognitiviste individuelle (Chapitre 1, p 29). De notre point de vue, il n’existe pas de monde

objectif, predefini et commun a des individus ou des equipes. Plusieurs auteurs ont deja

caracterise cette premiere approche TNDM de l’activite collective comme fondamentalement

« cognitiviste » (Theureau, 2006; Salembier et Zouinar, 2006; Cooke et al., 2007).

La quatrieme limite que nous avons identifiee est du meme ordre d’idee. L’approche

TNDM offre, selon nous, une vision statique des connaissances sur l’etat du systeme, no-

tamment parce que les protocoles utilises interrogent les membres de l’equipe en dehors de

l’action. Les modeles mentaux identifies et les connaissances qui les composent sont obtenus

en dehors de la situation meme si les sujets sont questionnes dans leur contexte d’evolution

(sur le terrain). Les connaissances extraites apparaissent alors generales, ce qui engendre

un doute sur leur mobilisation effective en situation collective reelle. Nous avons deja signale

que les situations dynamiques et collaboratives se caracterisent par une forte dynamique

(qualifiee d’externe), c’est-a-dire qu’elles produisent des etats d’environnement dynamiques

auxquels les connaissances statiques et generales (modeles mentaux) ne peuvent repondre.

Cyril Bossard 87

Page 88: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 3 – Des approches pour l’analyse de l’activite collective

D’un point de vue individuel, l’approche NDM fait etat de la reconstruction permanente

des structures d’arriere-plan (schemas) face aux situations dynamiques et collaboratives

(voir 2.3, p 70). On peut regretter que ce point de vue qui met en avant la construction

de connaissances a partir de la complexite du contexte ne soit pas prolonge au niveau de

l’activite collective.

Enfin, le dernier ecueil concerne la maniere d’aborder l’objet d’etude. Cette approche

semble perdre de vue l’essence de l’activite collective. Si l’on considere l’activite collective

comme un phenomene emergent, c’est-a-dire comme le resultat des coordinations entre

membres de l’equipe, les mesures additives apparaissent rapidement insatisfaisantes. Ces

dernieres minorent la part d’adaptation issue des interactions entre membres de l’equipe. La

coordination des activites individuelles n’est pas etudiee pour elle-meme, en tant que proces-

sus. Les etudes TNDM l’envisagent comme « le resultat » du partage des connaissances entre

membres de l’equipe (Lim et Klein, 2006). La notion de coordination est assimilee a celle de

performance. Par consequent, ces etudes ne peuvent rendre compte d’eventuelles formes de

coordinations differenciees ou typiques au sein d’une meme equipe.

Figure 3.1 – Approche cognitiviste de l’activite collective d’apres Cooke et al. (2007)

Sur la base de ce cadre theorique, largement developpe en psychologie cognitive ergo-

nomique et complete par des supports empiriques nombreux, nous concluons que l’approche

TNDM (a travers le concept de modele mental partage) permet principalement de capturer la

88 Cyril Bossard

Page 89: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Une approche holistique de l’activite de l’equipe

structure des relations entre les connaissances generales de l’equipe (relatives a la tache et au

fonctionnement de l’equipe). Finalement, cet aspect de l’activite collective en situation de tra-

vail se rapproche de la dimension strategique associee aux sports collectifs (voir Chapitre

1, p 29). Nous considerons cet aspect comme interessant (dans sa dimension predictive, plus

que prescriptive) mais insuffisant pour eclairer le processus de coordination des actions mis en

jeu lors des situations naturelles. Nous retiendrons de ces etudes que les modeles mentaux par-

tages peuvent constituer des structures d’arriere-plan qui influencent la coordination des

membres d’une equipe en situation. Cependant, cette approche minore l’incertitude inherente

aux situations dynamiques collaboratives et a leur evolutivite. Elle ne peut rendre compte

d’un ajustement de la base de connaissances partagees lors des situations dynamiques et col-

laboratives. Ces principales limites renvoient a une prise en compte restreinte du contexte

et de la dynamique de realisation de l’activite collective. Cette derniere s’explique principa-

lement par la somme des activites individuelles sur fond de comprehension partagee de la

situation (Gorman et al., 2006; Cooke et Gorman, 2006; Cooke et al., 2007).

Finalement, l’approche TNDM est une approche « individu-centree » qui s’interesse

a l’equipe. Le comportement collectif comme objet d’etude n’est qu’une consequence ou la

synthese de l’activite des differents individus (3.1, p 88). Recemment, des chercheurs ont initie

une evolution de cette perspective theorique (approche THEDA) les conduisant a changer de

point de vue sur l’activite collective (Cooke et al., 2007).

3.2 Une approche holistique de l’activite de

l’equipe

Considerant les limites theoriques et methodologiques de l’approche « cognitiviste » de

l’activite collective (TNDM), une nouvelle approche a recemment ete proposee pour l’etude

des situations dynamiques et collaboratives : l’approche THEDA (pour « Team Holistic

Ecology and Dynamic Activity », (Cooke et al., 2007)).

L’approche THEDA vise a decrire et expliquer les coordinations entre les agents de

maniere globale ou « holistique ». On peut identifier les influences de trois paradigmes ou

modeles theoriques a l’origine de ce changement de point de vue : la cognition distribuee

(Hutchins, 1995), la psychologie ecologique (Reed, 1996), et la theorie des systemes dyna-

miques (Alligood et al., 1996). Ces trois perspectives theoriques considerent en effet l’activite

collective comme emergente par opposition a une approche agregative. Les etudes se focalisent

sur les interactions dynamiques entre membres de l’equipe plutot que sur les structures de

connaissances individuelles (ex : modeles mentaux). Ce sont les mecanismes du collectif par

lesquels l’equipe dans son ensemble est structuree qui constituent l’objet d’etude. La figure

3.2 (p 90) schematise ce point de vue sur l’activite collective.

Cyril Bossard 89

Page 90: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 3 – Des approches pour l’analyse de l’activite collective

Figure 3.2 – Approche THEDA de l’activite collective d’apres Cooke et al. (2007)

Cette evolution des preoccupations peut etre caracterisee par le passage d’une vision

centree sur les connaissances a une vision centree sur les processus (Cooke et al., 2007).

Comme l’expliquent Gorman et al. (2006), les regles et mesures agregatives deviennent

inappropriees pour l’analyse de l’activite collective ou s’opere une distribution heterogene

des connaissances et des habiletes a travers les membres de l’equipe. L’activite collective

necessite aujourd’hui de considerer ce phenomene et son fonctionnement de maniere unitaire

et dynamique. Plus precisement, d’apres Cooke et al. (2004), l’effort de recherche doit etre

porte conjointement sur un plan theorique et methodologique. D’un point de vue theorique,

l’etude holistique de l’activite decisionnelle pour les situations de travail en equipe doit :

prendre en compte la dialectique homogeneite/heterogeneite, integrer le caractere dynamique

et fugace de la construction des connaissances en situation par opposition a des connaissances

statiques et generales, acceder aux types de connaissances effectivement mobilisees et les

identifier, et enfin, souligner la dimension incarnee de la cognition en contexte collectif. Sur

un plan methodologique, ces orientations doivent s’accompagner : d’un developpement des

mesures holistiques plus qu’additives, de methodes permettant l’identification des processus et

des connaissances a l’œuvre en situation naturelle, d’une reflexion sur la validite des mesures

utilisees (repetition des taches collectives, criteres de performance).

L’ensemble de ces principes enonces par les auteurs a l’origine de l’approche THEDA

(Cooke et al., 2007) traduit, selon nous, un veritable changement de point de vue sur

l’activite collective en situation dynamique et collaborative. Cette evolution theorique et

methodologique s’opere en deux mouvements. Le premier mouvement consiste a etendre le

concept de cognition partagee a celui de cognition distribuee en reference aux travaux effectues

90 Cyril Bossard

Page 91: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Une approche holistique de l’activite de l’equipe

par Hutchins (1995). Le second mouvement met l’accent sur le processus de coordination des

activites individuelles, considere dorenavant de facon unitaire et dynamique a partir des

principes de l’approche ecologique (Reed, 1996) et des systemes dynamiques (Alligood et al.,

1996).

3.2.1 Une extension de la cognition partagee a la cognitiondistribuee

Le courant de la cognition distribuee (Hutchins, 1995) s’interesse a la construction

continue des structures et des connaissances en situation collective. Il se demarque de

l’approche cognitiviste en ce que l’objet d’etude ne se situe plus uniquement « dans la

tete des sujets » mais dans les interactions entre les individus. Plus particulierement, la

cognition distribuee apprehende l’activite collective a partir du couplage entre les membres

de l’equipe et le systeme socio-technique de l’environnement de travail (les « artefacts

cognitifs »). D’inspiration ethnomethodologique, cette perspective theorique met l’accent sur

le caractere culturel, social et distribue (entre acteurs et elements de la situation) de l’activite

cognitive. Dans cette perspective, la connaissance apparaıt co-determinee par la distribution

des informations dans l’environnement (les membres de l’equipe et l’ensemble du materiel

technique utilise). Cette co-determination organise le collectif, i.e. les coordinations d’actions

efficaces. Cette approche a permis d’engager une premiere evolution dans l’etude de l’activite

collective. Les connaissances partagees sont considerees comme distribuees.

Pour illustrer ce passage de la cognition partagee a la cognition distribuee, nous

presentons une etude aupres de 36 equipes face a la simulation de missions de secours en

helicoptere de l’U.S Navy (Cooke et al., 2003). L’objectif de l’etude etait de mesurer les

connaissances partagees par les membres d’equipes heterogenes (un role different pour chacun

des membres). Les auteurs reproduisent la methodologie classique utilisee pour identifier les

modeles mentaux de l’equipe relatifs a l’equipe et a la tache (Lim et Klein, 2006). Les resultats

montrent que les equipes les plus performantes sont celles ou les membres de l’equipe ont

des connaissances precises de la tache concernant leur propre role et differentes des

connaissances des autres membres. En situation, les chercheurs observent une distribution

implicite des buts entre les membres d’equipes expertes. Ces dernieres sont celles qui

disposent de connaissances complementaires. Pour les auteurs, ces resultats suggerent que

la notion de connaissances partagees renvoie egalement a une division des responsabilites en

fonction des roles, par opposition a une connaissance partagee en termes de similarite.

Nous retiendrons que cette evolution de la recherche en psychologie ergonomique apporte

trois principales idees en relation avec l’objet etudie : l’activite en situation collective.

Tout d’abord, la connaissance en situation collective est co-construite par l’in-

teraction entre les acteurs impliques dans la situation. Les coordinations d’actions necessitent

Cyril Bossard 91

Page 92: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 3 – Des approches pour l’analyse de l’activite collective

la prise en compte du contexte social et culturel, de l’histoire des interactions entre les in-

dividus, et du role organisateur de l’environnement dans le contexte du travail en equipe.

Dans cette perspective, les acteurs impliques dans l’activite collective constituent a la fois

des sources d’influences et a la fois des elements organisateurs du contexte. Dans un meme

mouvement, ils permettent d’organiser l’action a venir et transforment le fonctionnement du

systeme cognitif entier (i.e. le collectif). Dans le cadre des sports collectifs, nous retiendrons

donc plus particulierement le role determinant mais variable des membres de l’equipe dans

la coordination des activites et des connaissances. Nous retiendrons egalement pour notre

propre demarche le role structurant du contexte puisque les informations significatives y sont

eparpillees.

Ensuite, ce courant theorique permet d’etendre la notion de « connaissance partagee » a

la notion de « connaissance distribuee » (Cooke et al., 2003). Dans l’approche classique

TNDM, les connaissances partagees renvoient a des savoirs ou a des croyances identiques aux

membres de l’equipe (Lim et Klein, 2006). Ici, la notion de partage peut egalement etre

definie comme une division d’un tout en plusieurs parts. Les parts n’etant pas necessairement

equitables ou identiques (ni meme complementaires) pour chaque individu concerne.

Enfin, la connaissance est dependante du contexte et indissociable de sa

dimension sociale et culturelle, elle ne se determine que pour et par une communaute

de pratique. Dans cette perspective, une equipe sportive experte constitue une communaute

de pratique « locale » et possede certainement des connaissances communes, fondees sur le

partage d’experiences multiples et d’une histoire d’equipe. Comme l’expliquent Cooke et al.

(2007), le partage peut prendre des formes diverses (Cf. figure 3.3, p 92) et les membres d’une

equipe ont recours a une variete de connaissances partagees impliquees dans la coordination

des activites en situation dynamique collaborative.

Figure 3.3 – Varietes des connaissances partagees d’apres Cooke et al. (2007)

92 Cyril Bossard

Page 93: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Une approche holistique de l’activite de l’equipe

3.2.2 L’approche ecologique et l’approche des systemes dyna-

miques pour l’etude des comportements collectifs

Le second mouvement integre a la perspective THEDA emprunte des concepts issus

de l’approche ecologique (Reed, 1996) et de l’approche des systemes dynamiques (Alligood

et al., 1996). Cette seconde evolution est plus radicale car elle marque une veritable rupture

dans le point de vue adopte pour etudier l’activite collective : c’est le comportement collectif

lui-meme qui constitue l’objet d’etude.

La psychologie ecologique suggere que la perception et l’action sont contextuellement

co-determinees (Reed, 1996). L’equipe peut alors etre consideree comme un ensemble de

systemes perception-action qui se coordonnent directement a partir d’un stimulus global.

De cette maniere, l’equipe peut etre consideree comme un organisme qui reagit, s’adapte aux

contraintes de l’environnement a partir de la coordination des systemes perception-action (les

membres) qui le composent. Cette perspective theorique etait deja presente dans le courant

NDM pour l’analyse de l’activite decisionnelle individuelle (Cf. 2.1.2, p 59).

La theorie des systemes dynamiques suggere quant a elle que le comportement d’une

equipe est une propriete emergente de l’auto-organisation d’un systeme compose des

comportements individuels (Alligood et al., 1996). Au contraire des theories cognitivistes de

l’activite collective ou la regression est utilisee pour predire les comportements de l’equipe

a un moment donne, cette perspective considere l’evolution dynamique d’un systeme que

represente l’equipe. Elle permet d’envisager l’equipe comme une structure de coordination

dynamique qui evolue continuellement afin de s’adapter, dans un rapport de circularite, au

flux continu d’informations (complexite contextuelle).

Ces evolutions theoriques se traduisent egalement par des avancees methodologiques de

l’approche THEDA pour etudier les coordinations entre membres de l’equipe en situation

naturelle (Gorman et al., 2006; Cooke et al., 2007). Plus particulierement, Cooke et al.

(2004) ont propose une approche methodologique pour analyser l’activite collective a partir

des donnees issues des communications entre les membres d’une equipe travaillant dans un

centre de controle. Dans ce type de situation de travail, les individus etant physiquement

separes, les communications constituent les principales interactions entre les membres

de l’equipe. Les auteurs considerent ainsi que ces communications entre partenaires offrent

un moyen d’acces privilegie a l’activite collective (i.e. la cognition d’equipe). De la meme

maniere que les protocoles de « pensee a voix haute » sont utilises pour acceder aux processus

individuels (Ericsson et Lehmann, 1996), les communications inherentes a la situation de

travail permettent d’acceder a l’activite collective de maniere holistique. De plus, le processus

de coordination des activites n’est pas interrompu contrairement aux protocoles usant de la

technique de pensee a voix haute. La communication constitue deja dans un certain sens, une

pensee a voix haute. L’analyse des communications des membres de l’equipe ouvre alors une

Cyril Bossard 93

Page 94: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 3 – Des approches pour l’analyse de l’activite collective

fenetre sur l’activite collective. A mesure que les interactions evoluent, cette methode permet

de rendre compte des changements dynamiques de l’activite collective comme le resultat

naturel des interactions entre les membres de l’equipe. Ce type de protocole permet d’obtenir

des donnees volumineuses et contextuellement riches.

Une etude nous semble particulierement typique de l’evolution des travaux sur l’activite

collective et peut etre consideree comme typique de l’approche THEDA. Dans un centre

de controle de vehicules aeriens inhabites (drones), Cooke et al. (2004) ont enregistre

les communications entre les membres de plusieurs equipes de travail face a une tache

representative de leur domaine. A partir d’une analyse du contenu des communications

entre les agents, les auteurs ont identifie pour chacun d’eux, le flux des communications (a

qui est-elle adressee ? quand ?), la structure et le contenu des discours. Ces actes langagiers

entre les membres de l’equipe ont ensuite ete analyses qualitativement et quantitativement. A

partir d’une synchronisation des sequences de discours de chacun des membres de

l’equipe, l’analyse permet de determiner la co-occurrence des evenements du discours dans

le deroulement temporel de la situation et les changements dans la structure du discours.

Les resultats montrent que les equipes les plus performantes sont celles qui possedent des

structures de communication stables. De plus, ces equipes expertes demontrent une

forte homogeneite a travers le temps sur le contenu (consistance de ce qu’ils disent) et le flux

des communications (a qui ils le disent et quand). Cette etude montre ainsi que le flux et

la consistance des structures de communication sont des predicteurs de la performance en

situation de travail en equipe.

Finalement, ce second point de vue sur l’activite collective apporte des indications

importantes a notre objet d’etude. Les trois courants presentes (cognition sociale distribuee,

approche ecologique et systeme dynamique) visent a decrire les proprietes du systeme (le

groupe ou l’equipe) dans son ensemble. Dans ce point de vue, l’equipe est consideree a

partir de ses proprietes intrinseques. La place accordee au contexte est importante, elle

permet d’expliquer les coordinations d’actions. Dans la cognition distribuee, c’est le contexte

social, culturel et le role des membres du groupe qui permettent de structurer l’equipe. Dans

l’approche ecologique et celle des systemes dynamiques, ce sont les elements contextuels qui

jouent un role perturbateur et provoquent les changements dans la configuration du groupe.

Ces approches, parce qu’elles adoptent le point de vue de l’analyse collective, peuvent

etre qualifiees de « collectivistes » (Theureau, 2006). Elles minorent l’autonomie de l’activite

individuelle des acteurs engages dans la situation dynamique collaborative. Il faut noter

cependant, une divergence importante dans la place accordee a la cognition entre les deux

mouvements. Dans les travaux de Hutchins (1995), la cognition est repartie dans l’ensemble

des elements qui composent le systeme (y compris les dispositifs technologiques) alors que

pour l’approche ecologique et des systemes dynamiques, la cognition est tout simplement

ignoree. D’autres auteurs (Theureau, 2006; Salembier et Zouinar, 2006) ont deja evoque les

94 Cyril Bossard

Page 95: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Cognition situee et activite collective

risques d’un « collectivisme radical » a se concentrer uniquement sur les proprietes globales

d’un systeme. Cette position neglige necessairement la part d’autonomie individuelle, et

par consequent ne peut rendre compte des relations entre l’activite individuelle et l’activite

collective.

Un troisieme point de vue sur les situations de travail en equipe accorde justement une

place importante a la notion d’autonomie et vise a etudier l’articulation entre activite

individuelle et activite collective.

3.3 Cognition situee et activite collective

Dans cette perspective theorique, la comprehension de l’activite (qu’elle soit individuelle

ou collective) ne peut etre envisagee en dehors de sa realisation en contexte. L’activite est tout

autant sociale et individuelle qu’individuelle et sociale. Une partie des travaux de Suchman

(1987, 1996) repris plus tard par Salembier et Zouinar (2004, 2006) s’attache a apprehender

les modes d’articulation des activites individuelles dans les situations collectives.

Ce troisieme point de vue adopte par les recherches sur les situations de travail en

equipe vise ainsi a considerer conjointement l’activite individuelle et l’activite collective

(Bourbousson et al., 2008). Plus precisement, l’approche situee vise a decrire la dynamique

d’articulation entre l’activite individuelle et l’activite collective (Jeffroy et al., 2006). Pour ces

auteurs, l’interaction entre les individus repose sur un acces mutuel aux ressources disponibles

dans le contexte. La notion « d’intelligibilite mutuelle » est avancee pour designer un

processus de co-construction de significations entre les acteurs au sein du contexte. L’individu

au sein du collectif recherche les disponibilites de ses partenaires pour les utiliser comme

ressources (Suchman, 1996). Cette recherche repose ainsi sur differentes informations comme

les communications verbales, les gestes et les indices comme la posture. Ces informations a

propos des actions de ses partenaires sont partagees de facon incidente ou implicite (Salembier

et Zouinar, 2006). Elles sont percues au meme moment par l’ensemble des membres d’une

equipe parce qu’elles sont accessibles par tous. Dans les situations sportives, les joueurs

rendent deliberement publique leur activite a leurs partenaires. Ils cherchent a les informer

d’un element pertinent pour eux (Heath et Luff, 1992). Ils peuvent aussi chercher a masquer

des informations au partenaire ou a livrer des informations erronees (leurres) aux adversaires

(Seve et al., 2002).

Salembier et Zouinar (2006) ont ainsi developpe une approche du partage d’informations

contextuelles qui prend en compte cette reciprocite des activites individuelles. Cette approche

s’appuie sur la notion de « manifestete mutuelle ». Un fait mutuellement manifeste est

un fait qui a la caracteristique d’etre potentiellement perceptible ou inferable par plusieurs

membres d’un collectif a un instant donne. La notion de manifestete mutuelle exprime ainsi

Cyril Bossard 95

Page 96: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 3 – Des approches pour l’analyse de l’activite collective

l’idee que chaque individu agit pour rendre manifeste son activite aux autres. Cependant,

la manifestete mutuelle n’est pas exploitable en l’etat dans l’analyse de l’activite. Comment

savoir ce qui est pertinent (ou pas) pour tous les membres impliques dans une situation

dynamique et collaborative reelle ?

Pour repondre a cette contrainte, les auteurs delimitent leur objet de recherche a la

notion de « contexte partage ». Ce dernier correspond a l’ensemble des informations mu-

tuellement significatives pour l’ensemble des acteurs, a un instant t dans une situation donnee,

compte tenu de leurs capacites perceptives et cognitives, des taches qu’ils doivent realiser,

et de leur activite en cours (Salembier et Zouinar, 2006). Les informations contextuelles cor-

respondent alors a l’ensemble des informations au cours de l’activite qui sont pertinentes ou

peuvent l’etre du point de vue des acteurs consideres.

Cette definition du partage d’informations est differente de celle proposee par l’approche

TNDM « classique ». Rappelons que dans cette perspective, partager des informations

correspond a disposer de structures de connaissances communes (i.e. des modeles mentaux

partages). L’activite collective repose alors essentiellement sur les connaissances partagees

entre les membres d’une equipe. Comme l’expliquent Salembier et Zouinar (2006), cette

conception de l’activite collective pose un probleme d’emboıtement a l’infini des connaissances

auxquelles les capacites cognitives humaines ne peuvent repondre. Pour ces auteurs, le partage

des informations en situation dynamique et collaborative doit etre considere, a priori, comme

une hypothese. Le courant de la cognition situee considere plutot que l’activite collective

repose sur une adaptation au contexte dont certains elements peuvent etre partages

par les membres de l’equipe (i.e. significatifs du point de vue des acteurs).

D’un point de vue methodologique, l’analyse des donnees est particulierement orientee

vers l’evolution du contexte partage et des elements qui influencent ou/et contraignent cette

evolution. Les auteurs proposent une demarche d’analyse et de modelisation du contexte

partage a partir d’observations en situation reelle et d’entretiens d’autoconfron-

tations. Ils preconisent egalement d’incorporer l’analyse des coordinations et du contexte

partage a celle plus large de l’activite. A partir d’une mise en correspondance des acti-

vites individuelles de chaque membre de l’equipe, il devient alors possible de reperer

les informations qui sont significativement partagees ou non par ceux-ci. Cette mise en ten-

sion des activites individuelles permet d’acceder au contexte partage de maniere implicite

par opposition a des entretiens diriges ou des questionnaires orientes. Cette methode garantit

ainsi une validite ecologique importante.

D’un point de vue epistemologique, cette conception de l’activite collective rompt avec

une vision deterministe de la cognition humaine. La notion de manifestete mutuelle permet

d’envisager les informations partagees en fonction des significations de la situation pour le

sujet. Elle permet ainsi de depasser le caractere predefini et objectif du contexte quand il est

impose par l’experimentateur.

96 Cyril Bossard

Page 97: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Cognition situee et activite collective

Nous retiendrons de ce point de vue sur l’activite collective le caractere mutuel ou

reciproque des activites individuelles en situation collective a travers la notion de « ma-

nifestete mutuelle ». En effet, dans les sports collectifs, le partenaire ne represente pas

uniquement une information contextuelle supplementaire. Ce dernier rend deliberement pu-

blique son activite aux autres. En ce sens, il tente d’exercer une influence sur l’activite

de ses partenaires. Etudier l’activite collective consiste alors a decrire les ajuste-

ments, les interactions, les influences entre individus en fonction de l’evolution

du contexte. La particularite d’une situation dynamique et collaborative reside bien dans

sa dimension imprevisible et evolutive. Les informations qui sont partagees par les membres

d’une equipe dependent ainsi des circonstances « locales ». L’approche situee de l’activite

collective s’interesse justement a la prise en compte des modifications de l’environnement

pour envisager leur impact sur l’activite collective a travers les activites individuelles. En ce

sens, elle fournit une source d’inspiration complementaire des differentes approches que nous

avons presentees jusqu’a present.

Finalement, par rapport aux deux autres points de vue presentes en amont, le courant

de la cognition situee propose une voie mediane entre le role des acteurs et la place accordee

au contexte. L’autonomie individuelle est prise en consideration a partir du couplage entre

les structures cognitives et le contexte. Ici, au sein du contexte, les membres de l’equipe sont

consideres comme des elements particulierement significatifs, particulierement importants

pour decider. L’objet de recherche devient alors les influences entre individus et leurs effets

sur l’activite individuelle. L’etude du couplage devient l’etude du jeu des influences comme

des elements susceptibles d’expliquer l’articulation de l’activite des individus en contexte

collaboratif. Les auteurs issus de l’approche THEDA ont deja evoque des pistes de reflexion

pour integrer les concepts de l’approche situee (Cooke et al., 2004; Gorman et al., 2006;

Cooke et al., 2007). Nous pensons egalement que ce cadre conceptuel gagnerait a adopter

le point de vue defendu par l’approche situee pour ameliorer la comprehension de l’activite

decisionnelle en situation dynamique collaborative. Sans renier ces fondements theoriques,

l’etude de l’activite collective consisterait alors a analyser l’articulation des activites indivi-

duelles.

Au terme de cette presentation de l’evolution des points de vue adoptes pour l’analyse

de l’activite collective en situation dynamique collaborative, nous pouvons presenter une

synthese des differentes approches theoriques mobilisees (Cf. Figure 3.4, p 98). Toutes

les approches que nous avons presentees semblent partager l’idee que l’activite collective

repose sur un processus de coordination des activites individuelles. Pour chacune d’elles, les

coordinations d’actions au sein d’une equipe constituent un objet d’etude central. Dans le

cadre de l’ergonomie cognitive, nous pouvons ainsi identifier (avec Bourbousson et al. (2008))

trois points de vue ou manieres d’aborder l’activite collective.

Cyril Bossard 97

Page 98: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 3 – Des approches pour l’analyse de l’activite collective

Le premier point de vue apprehende la coordination des actions a partir de la description

et de l’analyse des activites des individus en situation collective. Pour l’approche TNDM,

l’activite collective correspond a la somme des activites individuelles (AC =∑

des AI).

Le second point de vue opere un changement d’echelle dans l’analyse de l’activite

collective. Il vise a decrire et expliquer de maniere holistique les interactions entre les agents

en considerant le collectif comme une unite d’analyse. Pour l’approche THEDA ou l’approche

des sytemes dynamiques, l’activite collective correspond ainsi au comportement du collectif

en lui-meme (AC = AC).

Enfin, le troisieme point de vue cherche a rendre compte de l’activite collective en

analysant l’articulation des activites individuelles. Ce point de vue pourrait etre qualifie

« d’entre-deux ». Pour l’approche situee, l’activite collective correspond a l’articulation entre

activite individuelle et activite collective (AC = AC ↔ AI).

Tout en mobilisant des concepts et des modeles theoriques distincts, ces trois points de

vue participent chacun a leur mesure a une meilleure comprehension des activites collectives

en situations de travail.

Figure 3.4 – Synthese des points de vue sur l’activite collective

98 Cyril Bossard

Page 99: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Prolongement et implications pour l’etude de l’activite decisionnelle dans les sports collectifs

3.4 Prolongement et implications pour l’etude de

l’activite decisionnelle dans les sports collectifs

Les differentes etudes sur les situations de travail en equipe montrent une evolution

des preoccupations guidee par la necessite d’une comprehension fine de l’activite collective

reellement mise en œuvre. Dans les sports collectifs, les actions effectuees par les joueurs de

l’equipe doivent egalement etre coordonnees pour etre efficaces. En ce sens, la coordination

des actions constitue un objet d’etude commun aux situations de travail et aux situations

sportives collectives. Nous presenterons, dans cette derniere partie, les quelques etudes qui se

sont precisement penchees sur cet objet.

L’activite collective dans les sports d’equipe a ete abordee a l’aune des trois grands points

de vue que nous avons presentes pour les situations de travail. Notons cependant que cet objet

est encore tres recent dans le domaine sportif et qu’il repose sur peu d’etudes empiriques. Plus

precisement, le premier point de vue (TNDM ; AC =∑

des AI) n’a pour l’instant fait l’objet

que d’un questionnement theorique et methodologique (Eccles et Tenenbaum, 2004; Fiore

et Salas, 2006; Ward et Eccles, 2006). Les principales limites de son application aux sports

collectifs ont ete abordees dans ce manuscrit (voir 3.1.3, p 85). Nous presenterons une etude

effectuee avec des joueurs de rugby qui fait reference a la notion de connaissances partagees

et que l’on peut rapprocher de ce premier point de vue sur l’etude de l’activite collective

(Mouchet et Bouthier, 2006). Bien que le second point de vue qualifie de « collectiviste » (AC

= AC) ait ete interroge au regard des sports collectifs (McGarry et al., 2002), il n’a pas non

plus ete mobilisee a notre connaissance dans l’etude de joueurs de sports collectifs. Enfin,

le troisieme point de vue (AC = AC ↔ AI) est celui qui a ete le plus exploite dans le

domaine sportif a partir du cadre theorique et methodologique du cours d’action (Saury

et Testevuide, 2004; Poizat et al., 2006; Bourbousson et al., 2008). Nous en presentons les

principaux resultats.

3.4.1 Les MMP ou connaissances partagees dans les sportscollectifs

Mouchet et Bouthier (2006) ont analyse la subjectivite des decisions tactiques des joueurs

de rugby en situation competitive. L’originalite de cette recherche reside dans la volonte

d’etudier l’activite collective a travers l’etude de l’activite des differents joueurs d’une

meme equipe. Un metissage interessant de methodes est exploite : un entretien semi-

directif et un bref rappel stimule face a la video suivi d’un entretien d’explicitation. Des

entretiens semi-directifs ont permis de recueillir des donnees sur les conceptions du jeu des

joueurs membres d’une meme equipe, devoilant ainsi les strategies collectives, ou encore les

connaissances sur le fonctionnement de l’equipe. Cette premiere etape a permis d’extraire

Cyril Bossard 99

Page 100: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 3 – Des approches pour l’analyse de l’activite collective

les connaissances generales des joueurs en dehors de l’action. A la suite, les entretiens

d’explicitation face a la video ont permis d’evaluer le vecu subjectif des differents joueurs

en situation competitive reelle. Cette seconde etape a donne l’occasion de mesurer l’impact

des connaissances generales partagees sur l’activite individuelle reelle.

Les resultats de cette etude contextualisee permettent de decrire une activite

decisionnelle a la fois complexe, singuliere, et subjective. La decision reposerait sur l’activa-

tion d’une structure d’arriere plan en partie commune. Les joueurs envisagent une possibilite

d’action englobante, ouverte a partir de la mobilisation de savoirs partages (ou referentiel

commun). Cet arriere plan est constitue de connaissances relatives au projet de jeu, aux

strategies ainsi que des objectifs communs et des croyances collectives. Ensuite, c’est la com-

binaison, le couplage entre des indices significatifs construits en situation, et la mobilisation

de cet arriere-plan (savoirs communs) qui contribuent a l’emergence des reperes communs

necessaires a la coordination des decisions individuelles. Autrement dit, l’auteur montre

que l’activite decisionnelle individuelle s’explique egalement par la mobilisation de savoirs

partages au sein de l’equipe. De plus, ces savoirs partages sont en permanence reconstruits

en situation.

Ces travaux confortent l’idee selon laquelle, en sports collectifs, l’activite decisionnelle

des experts reposerait sur des connaissances communes ou partagees qui sont dynamiques,

co-construites en situation. A l’instar de Mouchet et Bouthier (2006) nous retiendrons ici

qu’il n’y a pas de contradiction essentielle entre une elaboration prealable et conjointe de

reperes communs et leurs reconstructions fugaces, ephemeres et circonstanciees en situation.

3.4.2 Des formes typiques d’articulation des activites indivi-

duelles en sport duel ou collectif

Le paradigme de la cognition situee propose d’etudier l’activite collective a partir de

l’articulation entre l’activite collective et l’activite individuelle. Trois etudes temoignent de

ce point de vue sur l’activite collective dans le domaine sportif. Saury et Testevuide (2004)

ont analyse l’articulation dynamique d’activites individuelles au sein d’un equipage de voile.

Poizat et al. (2006) ont etudie l’activite du pongiste visant a influencer les perceptions

de son adversaire. Bourbousson et al. (2008) ont caracterise les modes de coordination

interpersonnelle d’une equipe de basket-ball. Ces etudes recueillent des donnees a partir

d’observations de type ethnographique, d’enregistrement video lors de situations competitives

et des donnees de verbalisation lors d’un entretien d’autoconfrontation a posteriori. L’analyse

des donnees est effectuee ensuite a partir du cadre d’analyse semiologique du cours d’action.

Dans la premiere etude (Saury et Testevuide, 2004), les resultats montrent qu’il existe

deux formes typiques d’articulation des activites individuelles dans un duo en voile. La

premiere est caracterisee par des attentes convergentes des partenaires, et la seconde est

100 Cyril Bossard

Page 101: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Prolongement et implications pour l’etude de l’activite decisionnelle dans les sports collectifs

caracterisee par des moments de divergences entre les attentes respectives des partenaires.

Ces deux formes de collaboration sont respectivement liees a des contextes, a des mo-

ments de « fonctionnement optimal » et a des moments de « dysfonctionnement ». Ces modes

de coordinations n’etaient pas predefinis a l’avance en fonction des roles et des actions de

chacun des partenaires. La coordination des actions du duo emerge a partir d’informations

contextuelles.

La deuxieme etude realisee en tennis de table (Poizat et al., 2006) montre que les pon-

gistes consacrent une part de leur activite, lors des matchs, a tenter d’influencer les jugements

de l’adversaire. Cette recherche d’influence est « circonstancielle » c’est-a-dire qu’elle depend

du contexte, i.e. de la situation vecue. La recherche d’influence sur l’adversaire est par-

ticulierement exacerbee a trois moments : quand la situation est percue comme importante ;

quand l’adversaire est en confiance ; quand le pongiste se sent en difficulte. Cette activite

s’exprime principalement a travers des communications pouvant etre des coups techniques et

des comportements non directement lies au jeu (strategies d’intimidation, exageration). La

recherche d’influence s’actualise egalement en fonction de l’adversaire, de son vecu emotionnel

et sa perception du rapport de force. La coordination des activites individuelles resulte ainsi

d’un processus de co-construction entre les acteurs durant la situation competitive.

La troisieme etude recensee nous semble particulierement interessante pour notre propre

travail. L’analyse de l’activite en situation collective est effectuee a partir de l’etude de

l’articulation de l’activite des partenaires d’une equipe de basket-ball. Bourbousson et al.

(2008) ont examine la maniere dont les joueurs prennent mutuellement en compte leurs

activites respectives.

En accord avec le cadre methodologique du cours d’action, les joueurs participent a un

entretien d’autoconfrontation individuel. Le recueil des donnees s’effectue donc a partir des

activites individuelles de l’ensemble des membres de l’equipe impliques dans une situation

collective (un match de basket-ball). L’analyse des donnees est scindee en deux moments.

Dans un premier temps, les donnees sont analysees au regard de la methode de decoupage et

de documentation « classique » du cours d’action. Cependant, afin d’analyser les donnees

en prenant en compte les interactions entre les joueurs, la particularite de la demarche

consiste a synchroniser les activites de chacun des membres dans le decours temporel de

la situation. Dans un second temps de l’analyse, cet agencement des activites individuelles

permet d’identifier, a partir du contenu des verbalisations, le ou les partenaires pris en compte

a chaque instant du cours de l’activite (i.e. le contenu faisant reference a autrui). Les auteurs

identifient ainsi le reseau de relations de l’equipe, c’est-a-dire les inter-influences entre tous les

membres de l’equipe a chaque instant. Ensuite, pour chaque joueur, le nombre de partenaires

evoques est comptabilise pour reveler « le degre de connectivite » allant de 0 a 4. Ce chiffre

Cyril Bossard 101

Page 102: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 3 – Des approches pour l’analyse de l’activite collective

permet d’identifier les situations typiques correspondantes. Enfin, pour chaque joueur, le

nombre d’interactions ou d’absence d’interaction avec chacun de ses partenaires est calcule.

Les resultats montrent que l’activite collective de l’equipe de basket-ball repose princi-

palement sur l’articulation de « coordinations dyadiques ». Ces coordinations peuvent

etre directes (interactions entre deux personnes qui se prennent en compte pour agir) ou

indirectes (deux joueurs prennent en compte l’activite du troisieme). Concernant les coordi-

nations directes, l’etude revele deux modes de coordination : soit l’influence des joueurs est

mutuelle, soit l’influence des joueurs est unidirectionnelle. Sur la base de ces coordinations

entre deux joueurs, les auteurs identifient de facon holistique 4 formes globales de coordina-

tion pour l’equipe : par juxtaposition d’une coordination locale avec une ou plusieurs activites

individuelles, par imbrication en chaıne, par juxtaposition de deux coordinations locales et

par juxtaposition de cinq activites individuelles.

Pour les auteurs, l’activite collective est caracterisee par des ajustements locaux (co-

ordinations entre deux joueurs) qui se constituent dans et par l’action. Les coordinations

d’actions sont particulierement evolutives, elles se font et se defont en permanence au gre des

circonstances locales. Ces resultats remettent ainsi en cause la pregnance d’un plan collectif

partage et preetabli qui permettrait de federer les activites individuelles.

Cette etude offre des perspectives interessantes pour etudier la dimension collective

de la decision tactique dans les contextes complexes, dynamiques, et fluctuants des sports

collectifs. Comme l’expliquent les auteurs, cette etude « reste essentiellement descriptive et

peu explicative » (p 35) (Bourbousson et al., 2008). Deux pistes de travail sont evoquees

pour affiner la comprehension de l’activite collective. La premiere renvoie au niveau de

partage des interpretations faites par les joueurs en situation, c’est-a-dire les informations

qui sont effectivement partagees au moment ou emerge une forme de coordination collective

particuliere (qu’est-ce qui est partage ? avec qui ? quand ?). La seconde piste de reflexion

concerne l’identification des elements contextuels determinants pour orienter la forme de

coordination adaptee pour l’equipe (les partenaires ?, les adversaires ?).

102 Cyril Bossard

Page 103: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

L’activite decisionnelle en SiDyColl

A l’issue de ce developpement theorique (Chapitre 1, Chapitre 2, Chapitre 3), nous

souhaitons rappeler la particularite de notre travail de recherche. Nous revenons dans un

premier temps sur les objectifs assignes a notre travail et la problematique qui nous anime.

Enfin, nous aboutissons a la formulation de nos hypotheses de recherche relatives a l’analyse de

l’activite decisonnelle dans une situation dynamique collaborative typique : la contre-attaque

au football.

Objectifs

L’objectif general de cette these est de contribuer a la comprehension de l’activite

decisionnelle en situation dynamique collaborative. Il s’agit de comprendre un phenomene

complexe que nous analyserons dans sa globalite, en tenant compte de son caractere evolutif.

Realise dans une perspective ergonomique, ce travail implique un double objectif : 1) une

description et une tentative d’explication du phenomene etudie ; 2) une proposition de

transformation du reel (par l’aide a la conception d’un environnement virtuel).

Dans un premier temps, notre travail de these vise la production de connaissances

dans le champ des Sciences et Techniques des Activites Physiques et Sportives,

et dans le champ de l’Ergonomie cognitive. L’analyse de l’activite collective permet

d’etudier ce qui est significatif du point de vue des acteurs engages dans la situation d’etude

(Loiselet et Hoc, 2001). Le niveau d’analyse choisi est local, contextualise, « tactique » pour

reprendre une terminologie sportive. Il ne pretend pas rendre compte de l’ensemble des

niveaux d’organisation de l’activite collective (par exemple : il ne decrit pas les processus

de planification, mobilises en amont et en aval de la situation etudiee, par exemple lors

du debriefing par l’entraıneur, et que l’on pourrait qualifier de niveau strategique). Plus

modestement, notre objectif consiste a proposer une description symbolique acceptable

Cyril Bossard 103

Page 104: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

L’activite decisionnelle en SiDyColl

(Varela, 1989) de la dynamique du couplage structurel des joueurs entre eux et avec le

contexte. La description de l’activite des experts en sports collectifs participe a la production

de connaissances sur une situation typique essentielle pour la performance : la contre-attaque

(STAPS). Cette description abstraite de l’activite des individus doit egalement permettre

d’expliquer et de produire des inferences sur les structures et les processus perceptifs et

cognitifs mobilises en situation dynamique collaborative (Ergonomie cognitive).

Sur la base de cette analyse de l’activite collective en situation dynamique et collabo-

rative, notre second objectif vise a proposer des pistes de reflexion pour la transformation

du reel par l’aide a la conception d’un dispositif de formation (Lipshitz et al., 2001). L’ori-

ginalite de cette demarche de type ergonomique est quelle est tournee vers la conception

d’un environnement virtuel pour l’apprentissage humain. Notre travail se deroule alors selon

une demarche en quatre etapes : analyse empirique de l’activite humaine, modelisation de

l’activite humaine, conception d’un environnement virtuel, simulation et evaluation.

Problematique

L’examen de la litterature en psychologie du sport montre que l’activite decisionnelle

en sports collectifs a surtout ete abordee au regard de variables perceptives ou cognitives,

etudiees de facon isolees et dans des conditions standardisees. Les etudes recensees en sports

collectifs (voir Chapitre 1, p 29) se sont principalement centrees sur l’individu, relayant en

second plan la dimension collective de l’activite.

Or, si l’on souhaite considerer l’activite humaine dans sa complexite (i.e. point de vue

epistemologique privilegie au laboratoire), la decision tactique en sports collectifs doit etre

abordee d’une part comme une articulation de variables, d’autre part comme particulierement

dependante des contraintes contextuelles (pression temporelle, multiplicite des informations,

fluctuation ou evolution rapide de la situation). Parmi les contraintes contextuelles, la

dimension collective de l’activite ne peut etre negligee. Au contraire, si par hypothese la

decision tactique en situation collective ne se reduit pas a la juxtaposition ou a la succession

de decisions individuelles (i.e. definition de l’activite collective d’apres Salas et al. (2006)),

les coordinations entre individus (partenaires, adversaires) doivent pouvoir etre choisies

comme un objet d’etude privilegie.

La diversite des approches theoriques, des methodes, et des points de vue recenses (Cha-

pitre 3), temoignent des problemes poses par l’analyse de l’activite collective, qui constitue

un objet d’etude encore recent en psychologie ou en ergonomie cognitive. L’activite collective

(au travail, en sport) peut se decrire soit a partir de l’etude de l’activite individuelle (et

des elements identifies comme communs entre chaque individu), soit a partir de l’etude de

l’activite du groupe concu comme un systeme (le comportement du systeme, les commu-

nications au sein du groupe), soit a partir de l’etude de l’articulation entre l’activite des

104 Cyril Bossard

Page 105: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

L’activite decisionnelle en SiDyColl

individus et l’activite de l’equipe (interactions, influences entre les individus, et formes

typiques de coordination). De plus, et quel que soit le point de vue adopte pour etudier

l’activite collective, ce qui est prioritaire pour expliquer l’enchaınement des actions au sein

d’une equipe fait particulierement debat. Les coordinations entre les membres de l’equipe

peuvent s’expliquer soit par des elements cognitifs identifies chez les differents joueurs en-

gages dans une meme action (notion de buts ou de connaissances partagees), soit par

des elements contextuels percus, consideres comme significatifs par ces joueurs (notion de

contexte partage).

Pour contribuer a apporter des reponses a ce probleme complexe, nous avons progres-

sivement adopte le cadre conceptuel de la « Naturalistic Decision Making » (NDM). Habi-

tuellement exploite dans les situations de travail individuelles et collectives, il s’interesse au

couplage entre les ressources du sujet (perceptives et cognitives) et les contraintes

contextuelles. La decision est consideree comme un processus contextualise, encapsule dans

la situation. La complexite de l’activite decisionnelle et plus particulierement sa dimension

collective, a deja ete abordee au travers de l’etude des coordinations d’actions entre les

membres d’une equipe. Pour nous, comprendre l’implication des membres de l’equipe

dans l’activite decisionnelle en sports collectifs revient a comprendre comment les joueurs

collaborent et parviennent a articuler leurs activites face aux contraintes contextuelles, afin

de realiser une performance optimale.

L’interet des chercheurs pour ce processus de coordination se retrouve dans la litterature

recente portant sur l’analyse de l’activite collective en situation de travail (Lim et Klein, 2006;

Salembier et Zouinar, 2006; Cooke et al., 2007). Par notre analyse de la litterature nous avons

souhaite montrer l’interet de decrire l’articulation de l’activite des individus et de l’equipe, a

partir du « jeu des influences » en cours d’action (AC = AC ↔ AI).

Cette analyse de l’activite en situation dynamique collaborative necessitera donc l’etude

de l’activite individuelle, comme un prealable a l’etude de l’activite collective. Ce

positionnement theorique nous conduira a etudier d’une part l’activite des

individus, pour mettre a jour les schemas typiques actives en cours d’action

(Chapitre 4, p 107), d’autre part l’articulation de l’activite de ces individus,

pour identifier des formes typiques, des regularites qui apparaıtraient dans le

jeu des influences entre partenaires (Chapitre 5, p 149). Pour expliquer ces formes

typiques d’articulation, nous chercherons aussi a repondre a la question, centrale dans la

litterature, relative a ce qui est partage entre les membres d’une equipe. Nous souhaitons

identifier les elements partages en cours d’action par les joueurs d’une meme equipe qu’ils

soient de l’ordre des connaissances ou des informations contextuelles.

Cyril Bossard 105

Page 106: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

L’activite decisionnelle en SiDyColl

Des hypotheses pour l’analyse de l’activite decisionnelle en

situation dynamique collaborative

A l’aune du cadre theorique de la NDM, nous postulons dans un premier temps que

l’activite decisionnelle en situation dynamique collaborative se caracterise par l’activation de

schemas typiques au cours de l’action. Un schema permet de donner du sens a la situation

vecue et de prendre des decisions tactiques contextualisees. Les deux premieres hypotheses

que nous avons formulees peuvent s’appliquer a l’ensemble des activites humaines complexes

en situation dynamique, notamment les situations de travail dites « critiques » (Lipshitz et al.,

2001).

D’une part, nous faisons l’hypothese que l’activite decisionnelle peut etre exprimee du

point de vue du sujet a partir des informations qu’il considere significatives (Flach, 1995) ;

ces elements expriment a un moment et dans un lieu, « la conscience de la situation », i.e. la

situation vecue par le sujet. L’activite du sujet en situation dynamique peut alors se decrire

de facon diachronique a partir d’une succession de situations vecues lors du deroulement

(au cours) de son experience. D’autre part, ces differentes situations vecues par le sujet

en situation dynamique collaborative sont la manifestation de differents schemas typiques

actives par le contexte. Le concept de schema designe un reseau, une forme d’organisation

des informations en MLT issues des experiences (Piegorsch et al., 2006). Ces informations

peuvent etre regroupees pour l’ensemble des sujets selon 5 categories theoriques : action,

resultat, information contextuelle et connaissance (indices pertinents) et but (Klein, 1997).

Du point de vue de l’analyse collective, nous chercherons a identifier des formes typiques

d’articulation des activites individuelles, a partir de la description du jeu des influences entre

partenaires. Plus precisement, les influences entre deux partenaires pourront etre mutuelles

ou unidirectionnelles (Bourbousson et al., 2008). La seconde hypothese relative a l’activite

collective est plus explicative. Les formes typiques d’articulations des activites en situation

dynamique collaborative s’expliquent par le partage d’informations entre partenaires. Cette

seconde hypothese generale se decline en deux hypotheses specifiques.

La singularite des activites individuelles met en doute un partage total des informations

entre partenaires (Mouchet et Bouthier, 2006; Munduteguy et Darses, 2007). Nous supposons

alors que les formes typiques d’articulation s’expliquent egalement par le niveau de partage

des informations au sein d’une equipe. Des travaux recents ont pointe le manque d’etudes

sur le contenu de ce qui est partage entre les membres d’un collectif (Salembier et

Zouinar, 2006; Bourbousson et al., 2008). Nous postulons que la description du contenu

des informations partagees entre les membres de l’equipe permet d’expliquer les conditions

d’emergence des formes typiques de coordination. Repondre a la question du contenu de ce

qui est partage contribuera alors a discuter du role respectif des connaissances et du contexte

dans les activites collectives.

106 Cyril Bossard

Page 107: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4

Etude de l’activite decisionnelleindividuelle

Les schemas typiques et ses constituants

Resume – Ce chapitre presente une premiere etude de l’activite decisionnelle en

situation dynamique et collaborative. En reference au cadre theorique de la NDM, le modele

RPD (Klein, 1997), le concept de Consience de la Situation et le concept de schema sont

mis a l’epreuve d’une situation de contre-attaque au football. Des donnees comportementales

sont enregistrees aupres de 12 joueurs de football de niveau national (categorie 16 ans)

et completees par des donnees verbales recueillies lors d’un entretien d’autoconfrontation.

L’analyse de l’activite decisionnelle permet de decrire l’activation et les enchaınements

preferentiels (scripts) de 16 schemas typiques chez des experts en situation de forte contrainte

temporelle. Ces schemas constituent des structures d’arriere-plans types qui articulent des

variables perceptives et cognitives et permettent la reconnaissance rapide d’une situation. Ce

fonctionnement economique apparaıt necessaire pour prendre des decisions tactiques dans un

contexte dynamique (sous pression temporelle, fluctuant et incertain). Ces resultats eclairent

en partie la complexite de l’activite decisionnelle en situation dynamique collaborative, et nous

invitent a interroger plus precisement le role des partenaires comme un element privilegie du

contexte.

Cyril Bossard 107

Page 108: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

Introduction

Au cours de notre revue de question (Chapitre 1, p 29) nous avons rappele les variables

cognitives et perceptives habituellement convoquees pour caracteriser la decision tactique en

sports collectifs. Les resultats ont contribue a expliquer la superiorite de l’expert. Ces derniers

disposent d’un nombre important de connaissances specifiques liees a leur domaine. Une

organisation rationnelle en reseau semantique de ces connaissances en MLT permet d’assurer,

en partie, la pertinence de la decision tactique quand la pression temporelle est faible. La

double modalite de fonctionnement mnemonique des individus (activation indirecte deliberee

vs activation directe automatique) apporte des reponses sur la capacite des joueurs experts

a repondre rapidement en sports collectifs. La rapidite necessaire a la decision tactique (i.e.

au cours de l’action et sous pression temporelle pour notre objet d’etude) est aussi favorisee

par une habilete perceptive accrue : les experts sont capables de prelever et de traiter les

informations essentielles et pertinentes pour decider en sports collectifs.

L’ensemble de ces travaux concourt a la modelisation de l’expertise au regard de variables

(ici, perceptives et cognitives) identifiees, isolees et etudiees dans des conditions standardisees.

Les resultats montrent l’influence de ces variables sur la performance et/ou l’apprentissage

(strategie anticipatoire, regroupement perceptif). D’un point de vue methodologique, les

taches experimentales utilisees sont souvent eloignees des situations reelles de sports collectifs.

Les principes theoriques qui guident ces etudes considerent l’activite du sujet de maniere

morcelee, au regard de la composante etudiee (perceptive, cognitive, ou mnemonique), et non

dans sa globalite.

Une importante evolution en sciences humaines conduit aujourd’hui de nombreux cher-

cheurs a apprehender l’activite humaine en cherchant a conserver sa complexite. Plus par-

ticulierement, l’approche NDM propose d’analyser l’activite decisionnelle en situation dy-

namique a travers l’etude du couplage sujet-situation. Cette approche considere la prise de

decision comme un processus encapsule dans la situation. Au cours du chapitre consacre a ce

cadre theorique et methodologique (Chapitre 2, p 53), nous avons releve plusieurs modeles

et concepts qui nous semblent particulierement heuristiques pour apprehender notre objet

d’etude : « le modele RPD, le modele Situation Awareness, et le concept de schema ».

Le projet de ce chapitre est de contribuer a la validation empirique de cette approche

dans le cadre des sports collectifs, et par sa mise a l’epreuve face a l’exigence d’une des

situations dynamiques et collaboratives typiques des sports collectifs : la contre-attaque en

football.

108 Cyril Bossard

Page 109: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

Objectifs

L’objectif principal de cette premiere etude est de proposer une analyse de l’activite

de joueurs experts en situation de contre-attaque au football. Rappelons que dans notre

demarche de recherche, l’analyse et la modelisation de l’activite individuelle de l’expert

constitue conjointement : 1) un prealable a l’analyse de l’activite collaborative et 2) un

pre-requis necessaire au developpement d’un outil, d’un environnement virtuel simulant des

situations de jeu au football.

Pour notre part, l’analyse de l’activite part de ce qui est significatif du point de vue

de l’acteur engage dans la situation (Zsambok et Klein, 1997). Ainsi, le niveau d’analyse

choisi est local, contextualise, « tactique » pour reprendre la terminologie sportive. En outre,

il ne pretend pas rendre compte de l’ensemble des niveaux d’organisation de l’activite

(par exemple, il ne decrit pas les processus de controle moteur ou de pre-planification de

l’activite : decision strategique). Notre objectif consiste a proposer une description symbolique

acceptable (Varela, 1989) de la dynamique du couplage structurel du joueur avec la situation.

Plus particulierement, nous souhaitons rendre compte a la fois de la dimension diachronique et

synchronique des decisions tactiques engagees par les joueurs experts en situation de contre-

attaque.

Problematique et Hypotheses

Le positionnement theorique de la NDM nous conduit a etudier l’activite decisonnelle en

prenant en compte sa complexite. La decision tactique en sports collectifs sera abordee de

facon holistique comme le resultat d’une articulation de variables cognitives et perceptives.

Plus precisement, l’etude du couplage entre le sujet et le contexte, devrait nous permettre

d’identifier une succession de situations vecues (« situation awareness ») au cours de l’action

par les joueurs. Par hypothese, l’activite de chaque individu, les differentes situations vecues

permettront d’identifier des structures cognitives d’arriere-plan types, i.e. des schemas

typiques. Un schema donne du sens a la situation vecue et permet de prendre des decisions

tactiques contextualisees.

En reference au cadre theorique de la NDM, quatre hypotheses peuvent etre formulees.

Les deux premieres s’appliquent a l’ensemble des activites humaines complexes en situation

dynamique, notamment les situations de travail dites « critiques » (Lipshitz et al., 2001). Les

deux suivantes sont plus liees a l’analyse de l’activite decisionnelle en situations de contre-

attaque au football.

Notre premiere hypothese concerne l’activite decisionnelle en situation dynamique. Nous

postulons que celle-ci peut etre exprimee du point de vue du sujet a partir des informations

qu’il considere significatives. La « conscience de la situation » designe une enveloppe spatio-

Cyril Bossard 109

Page 110: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

temporelle qui permet d’analyser l’activite decisionnelle du sujet. L’ensemble des informations

« enfermees » dans cette enveloppe renvoie a un etat du couplage cognitif entre le sujet et

la situation (Flach, 1995). Ces informations significatives expriment ainsi la situation telle

quelle est vecue par le sujet. L’activite du sujet en situation dynamique peut alors se decrire

de facon diachronique a partir d’une succession de situations vecues en cours d’action.

Ces differentes situations vecues correspondraient a la manifestation de differents

schemas actives par le contexte (Hypothese 2). Le schema represente l’ensemble des informa-

tions significatives enfermees dans la situation vecue et se decrit comme un package cognitif

comportant des actions, des resultats, des informations contextuelles, des connais-

sances et des buts (Klein, 1997).

En situation de contre-attaque au football, l’expertise des joueurs devrait entrainer

une forte homogeneite des schemas actives (Hypothese 3). Cette homogeneite s’exprime a

travers des similitudes dans les situations vecues, dans les informations significatives prises

en compte et dans les decisions tactiques adoptees. Des lors, la recurrence et l’homogeneite

des informations significatives relevees pour l’ensemble des sujets devraient permettre de

proposer une description synchronique des « schemas typiques » actives lors de situations

de contre-attaque en football par des sujets experts.

De facon complementaire, le deroulement ou la prise en compte de l’evolution dyna-

mique du contexte devrait permettre une description diachronique des schemas typiques ac-

tives (Hypothese 4). Nous entendons par description diachronique l’identification des « en-

chaınements preferentiels » (scenarii typiques) chez des experts en situation de

contre-attaque.

Nous chercherons a valider nos hypotheses dans le cadre d’un protocole de recherche

precis. Dans la partie suivante, nous presentons la methode mobilisee pour l’etude de

l’activite decisonnelle individuelle en situation dynamique collaborative. Dans un souci de

concretisation de nos propos, nous illustrerons la presentation de la methode par des exemples

precis de donnees et de resultats.

4.1 Methode

4.1.1 Participants

L’etude a ete menee en collaboration avec 12 joueurs de football volontaires, de niveau

national pour leur categorie (16 ans), appartenant au centre de formation du club de football

Stade Brestois 29. Le groupe a ete choisi sur indications du responsable du centre de

formation : il est constitue pour moitie de joueurs a vocation offensive, et pour moitie de

joueurs a vocation defensive (Cf. postes habituels dans Tableau 4.1).

110 Cyril Bossard

Page 111: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Methode

Nombre Nombre NombreSujet Age d’annees d’annees d’annees Poste(s) Equipe

de pratique dans le dans la habituel(s)du football club categorie

Gautier 16 11 5 2 DDBastien 16 9 2 2 MC rougeGaetan 16 11 5 2 MC

Charles 16 10 2 2 DGJordan 16 11 2 2 DD jauneKevin 16 11 3 2 MC Df-Of

Flavien 15 8 3 2 AC-MDBenoıt 16 8 1 2 MG Of-A violetteMichel 16 10 1 2 MD

Benjamin 15 10 2 1 DCThibault 16 11 6 2 DC vertePaul 16 11 5 2 DC

D (defenseur), M (milieu), A (attaquant), Df (defensif), D (droit), G (gauche), C (centre), Of (offensif).

Tableau 4.1 – Caracteristiques generales des participants.

La moyenne d’age des joueurs selectionnes est de 15,8 ans (ecart type : 0,38). La moyenne

des annees de pratique du football atteint les 10 ans respectant ainsi les preconisations de

Ericsson (2005) pour des etudes sur l’expertise. Un contrat moral concernant leur anonymat

a ete passe dans le cadre de cette etude (Cf. Demande d’autorisation et Formulaire de

consentement en annexe A, p 260). Afin de garantir cette relative confidentialite, les joueurs

sont nommes a l’aide d’un pseudonyme : Gautier, Bastien, Gaetan, Charles, Jordan, Kevin,

Flavien, Benoıt, Michel, Benjamin, Paul, Thibault.

La composition des triplettes a ete realisee par l’entraıneur de l’equipe. Ce dernier les

a organisees en cherchant a reunir des joueurs habitues a evoluer regulierement ensemble

(entraınements et matchs).

4.1.2 Contexte de l’etude

Notre etude a ete realisee dans le contexte d’un entraınement hebdomadaire (le mardi)

de fin de saison (juin) et a un horaire habituel pour les joueurs (17h-19h). Les joueurs de

ce groupe d’entraınement ne connaissaient pas encore leur avenir au sein de la structure.

La decision de poursuivre ou non dans le club avait lieu le lendemain de l’entraınement.

L’entraıneur a rappele cette information aux joueurs avant la seance afin que les joueurs

s’impliquent serieusement dans les situations proposees.

Le choix d’un entraınement de football comme contexte d’etude est interessant pour

modeliser l’activite decisionnelle dans la mesure ou nous considererons l’activite cognitive

Cyril Bossard 111

Page 112: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

comme :

• Incarnee : en football, comme dans de nombreuses situations sportives, l’activite cog-

nitive est indissociable de l’action, et l’objectif est de mobiliser des « competences en

actes » plus que des connaissances.

• Partagee, significative culturellement, car le football vehicule un systeme complexe de

regles (sportives) et de normes (equipe, club).

• Impregnee d’emotions : car agir dans un contexte de visibilite sociale, de competition,

et de production de performance induit une pression emotionnelle particulierement

forte chez l’adolescent. De plus cette pression emotionnelle peut egalement etre af-

fectee par la dynamique de groupe (affinites, rivalites, etc.).

• Sociale et interactive car elle prend place dans un monde ou existent d’autres acteurs.

L’ensemble des joueurs participent a cette activite. L’activite n’est pas seulement

individuelle, elle est aussi sociale, collective.

Dans ce contexte d’entraınement, nous avons etudie l’activite des sujets dans une

situation favorisant l’emergence de contre-attaque (Figure 4.1). La situation d’etude que

nous avons proposee doit etre consideree comme une situation d’etude privilegiee (Grison

et al., 2000). Cette situation possede l’avantage d’etre reconduite a plusieurs reprises afin de

consolider le recueil de donnees.

Le choix de la situation d’etude favorisant les contre-attaques s’est construit en colla-

boration avec l’entraıneur. Elle a ete testee 2 fois par un groupe et un entraıneur different.

Cette exploration a permis de questionner des pratiquants et des entraıneurs sur la credibilite

de la situation au regard des contre-attaques vecues lors de competitions. Des allers-retours

entre pratiquants, entraıneurs, et chercheurs ont permis d’affiner les consignes a donner aux

participants, ou encore d’ajuster certaines caracteristiques de la situation (distance des plots,

taille des zones, regles supplementaires). Par exemple, nous avions imagine uniquement une

zone centrale comme point de depart des contre-attaques. Or les entraıneurs ont tous insiste

sur le fait que les contre-attaques se declenchent egalement a partir d’une recuperation sur

l’un ou l’autre des cotes. Des lors, nous avons varie la zone de depart de la situation (droite,

gauche et centre). Ensuite, les entraıneurs ont egalement insiste sur la necessite de mettre en

place des conditions qui permettent aux joueurs d’organiser la recuperation du ballon puis

de contre-attaquer. Ainsi, les joueurs impliques dans la contre-attaque sont d’abord places

dans un role defensif. Au depart de la situation d’etude, c’est l’equipe adverse qui dispose du

ballon. Finalement, les triplettes de joueurs ont toutes effectue 5 passages dans la situation

d’etude.

112 Cyril Bossard

Page 113: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Methode

A la suite de Rogalski (2003), il est possible de considerer ce contexte d’entraınement

et cette situation d’etude privilegiee comme un environnement fluctuant et incertain, donc

dynamique (Hoc, 2001).

Figure 4.1 – Modelisation 3D de la situation d’etude favorisant les contre-attaques

4.1.3 Recueil des donnees

La procedure de recueil des donnees est inspiree des methodes presentees dans le chapitre

2 (CDM). Deux types de donnees sont recueillis : des donnees d’observation relatives a

l’activite des joueurs en situations de contre-attaque et des verbalisations provoquees lors

d’un entretien d’autoconfrontation consecutif a la seance d’entraınement.

Les donnees d’observation sont recueillies grace a l’enregistrement audiovisuel des

comportements lors des 5 repetitions de la situation d’etude pour chaque triplette. Les

situations sont filmees a l’aide d’une camera video numerique placee a hauteur d’homme

dans le rond central. Nous optons pour un plan fixe, large, cadrant le 1/2 terrain ou se

deroule la situation d’etude privilegiee. Ce dispositif permet d’enregistrer en continu les

actions de l’ensemble des joueurs s’affrontant au cours d’une situation de contre-attaque.

Le positionnement et l’angle de vue se rapprochent de la vision des joueurs pour faciliter

l’entretien d’autoconfrontation.

Les donnees de verbalisation sont recueillies au cours d’entretiens d’autoconfrontation

menes a posteriori. Cette forme d’entretien consiste a confronter un acteur aux traces

audiovisuelles d’une periode de son activite (Von Cranach et Harre, 1982; Theureau, 1992),

presentees pour favoriser le rappel des informations effectivement mobilisees lors des situations

choisies pour l’etude (Figure 4.2). Le chercheur tente de placer l’acteur dans une posture et

un etat mental favorables a l’explicitation de son activite grace a des relances portant sur les

Cyril Bossard 113

Page 114: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

sensations (comment te sens-tu a ce moment ?), les perceptions (qu’est-ce que tu regardes ?),

les focalisations (a quoi fais-tu attention ?), les preoccupations (qu’est-ce que tu cherches a

faire ?), les emotions (qu’est-ce que tu ressens ?) et les pensees (qu’est-ce que tu penses ?).

Figure 4.2 – Entretien d’autoconfrontation

L’entretien d’autoconfrontation reprend certains principes de l’entretien d’explicitation

developpe par Vermersch (1994) mais s’en distingue par deux points essentiels : (a) le rappel de

l’activite est facilite par des traces (des enregistrements audio-visuels bien souvent) et non par

une « mise en evocation » (Vermersch, 1994) ; (b) les relances de l’interviewer accompagnent,

et respectent la chronologie de l’activite ; elles insistent sur des descriptions spontanees de

l’acteur pour les preciser, mais ne visent pas a deconstruire pas a pas un moment particulier

de l’activite.

Les entretiens d’autoconfrontation ont eu lieu a la suite de la seance d’entraınement

et le lendemain pour les 12 acteurs impliques. Pour eviter d’eventuels biais, l’entraıneur a

accepte de ne pas commenter les situations avec les joueurs avant les entretiens. Lors de

ces entretiens, le chercheur et le joueur visionnent ensemble la cassette video de la situation

d’etude (Figure 4.2). Le joueur est invite a decrire et a commenter son activite au cours des

sequences etudiees et choisies. Le joueur ou le chercheur peuvent arreter le defilement de

la bande et revenir en arriere. Les relances portent essentiellement sur les actions qui sont

significatives (et par consequent decrites et explicitees) par les joueurs au cours des situations

et sur des evenements a propos desquels le chercheur souhaite obtenir des informations

complementaires. Les entretiens sont integralement enregistres a l’aide d’un magnetophone.

114 Cyril Bossard

Page 115: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Analyse des donnees

Tous les entretiens sont realises par le meme chercheur qui a deja realise de tels

entretiens au cours de precedentes etudes. Le partage d’une culture sportive commune entre

le chercheur et les joueurs facilite la comprehension des propos des joueurs et evitent les

relances conduisant a un registre explicatif. Le fait que le chercheur ne soit pas implique dans

l’entraınement et la selection des athletes favorise la sincerite des propos des athletes. Ce type

d’entretien repose sur un veritable contrat de collaboration entre les joueurs, leur entraıneur

et le chercheur.

4.2 Analyse des donnees

Chaque film video a ete visionne de facon a repertorier les actions des protagonistes

engages dans la situation d’etude privilegiee. Nous cherchons a rendre compte le plus

precisement possible des actions des joueurs d’une facon neutre, c’est-a-dire sans inference

relative a leurs intentions. Le vocabulaire employe pour decrire les actions des joueurs reprend

pour partie les conventions du langage technique utilise par les entraıneurs et les joueurs de

football. Les communications verbales des joueurs et du chercheur au cours des entretiens ont

ete integralement retranscrites.

L’analyse des donnees reprend des procedures presentees dans le chapitre 2. Compte

tenu que nous nous situons dans la continuite des travaux de Piegorsch et al. (2006), nous

opterons pour une categorisation theorique pour coder les unites significatives en respectant

5 etapes1 :

1. la retranscription des donnees,

2. la selection et l’identification des unites significatives,

3. le decoupage du deroulement de l’activite en situations vecues,

4. le regroupement des situations vecues pour identifier des schemas typiques,

5. la validite de l’analyse.

4.2.1 La retranscription des donnees d’observation et d’auto-confrontation

L’ensemble des donnees recueillies a ete prepare en vue des analyses de contenu

successives. Plus precisement, le theme general « activite decisionnelle » sert de guide pour

selectionner les portions de discours et les comportements. Pour chaque sujet, des protocoles

1 L’integralite de l’analyse des donnees de l’activite individuelle est disponible a l’adresse internet suivante :http ://www.enib.fr/∼bossard/

Cyril Bossard 115

Page 116: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

Volet 1Situationsd’etude

Volet 2Contexte objectif

Comportements observes

Volet 3Situations vecues

Verbalisations

3eme passageTripletteviolette

Au pressing, recupere laballe, se retourne, leve latete, longue passe pour

Benoıt dans l’axe, continuesa course sur le cote droit,repique dans l’axe, recupere

le ballon, rentre dans lasurface, pique le ballon avec

exterieur du pied droit,marque un but

Je recupere la balle, je leve la teteet je regarde directement ou sont

mes partenaires, je regarde les 2, jeconduis la balle et je la donne a

Benoıt comme il a libere de l’espaceen embarquant le defenseur avec

lui, je lui mets la balle enprofondeur. La, apres je vais au

deuxieme poteau, parce que j’ai vuFlavien revenir dans ma zone aucentre, j’attends que Benoıt me

fasse la passe mais le defenseur quirevient la touche du bout du pied,je la recupere quand meme, je me

mets dans la position de frapper, ledefenseur me tacle, je l’evite et jemets une pichenette par-dessus legardien. La j’ai vu que le gardiens’avance vers moi et se couche, ducoup je pique la balle et ca rentre

Tableau 4.2 – Exemple de tableau a trois volets (Benoıt)

a trois volets ont ete realises en respectant le decours temporel de la situation d’etude (Cf.

Tableau 4.2, p 116).

La premiere colonne reference la situation etudiee afin de faciliter l’analyse pour le

chercheur. Dans une deuxieme colonne, le contexte objectif est decrit par le chercheur

au travers des changements de roles du joueur et d’une description des evenements. Elle

presente une description comportementale de l’activite du joueur a l’aide d’un verbe d’action

eventuellement suivi d’un complement (regarde vers un partenaire, court, s’arrete) et en

evitant toute interpretation. Dans une troisieme colonne, les verbalisations obtenues lors

des autoconfrontations sont retranscrites. Cet aspect de la methode se rapproche de la

methodologie d’analyse de la NDM (Lipshitz et al., 2001) et de celle de l’analyse semiologique

du cours d’action (Theureau, 2004), actuellement utilisee dans de nombreuses recherches dans

le domaine de l’enseignement (Guerin et al., 2005) et de l’entraınement sportif (Seve et al.,

2002).

116 Cyril Bossard

Page 117: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Analyse des donnees

4.2.2 La selection et le codage des unites significatives : les

elements du schema

A partir d’une presentation du protocole a trois volets, cette etape consiste en une

categorisation theorique de donnees recueillies. Dans un premier temps nous selectionnons les

donnees qui se rapportent a notre objet d’etude : l’activite decisionnelle. Nous utilisons ensuite

pour coder les unites significatives selectionnees un systeme de categories donne (Bardin,

1998), des categories definies a priori a partir de notre cadre theorique (Chapitre 2, p 53).

4.2.2.1 Selection des unites significatives

Il s’agit ici de decouper les donnees brutes en unites significatives, c’est a dire certains

comportements, mots ou passages de l’entretien qui decrivent l’activite effective du joueur

en situation. Dans cette etude, on utilise une analyse thematique (Bardin, 1998), c’est-a-

dire que les unites significatives se degagent du texte en fonction de l’objet d’etude (activite

decisionnelle) qui guide la lecture.

Nous utilisons successivement deux criteres pour selectionner les unites significatives au

cours de l’analyse de contenu :

• la verbalisation est compatible avec le comportement decrit en vis-a-vis dans le volet

1 ;

• la verbalisation designe l’activite en relation directe avec la situation, c’est-a-dire

qu’elle renseigne sur ce que le sujet fait, percoit, ressent, ou pense effectivement

dans la situation.

4.2.2.2 Codage des unites significatives

Dans un second temps, l’analyse du contenu se poursuit en reference aux hypotheses

theoriques. On utilise un systeme de codage en reference a l’approche theorique de la NDM

(Ross et al., 2006). Par hypothese, la perception du contexte par un sujet a un moment donne

s’effectue au travers d’un schema. Son discours, relatif a ses buts successifs, ses connaissances,

ses actions et a divers elements du contexte percu, doit permettre d’identifier par inference

les structures cognitives actives, les schemas mobilises, au cours de la situation etudiee.

Ici, a chaque unite significative on attribue un code (en lettre majuscule) qui renvoie aux

differents constituants du schema : des buts (B), des actions (A), des connaissances (C), des

elements contextuels percus comme significatifs par le sujet (I), et des resultats ou attentes

de resultats (R) (Cf. Tableau 4.3, p 118).

La transcription des donnees selon les trois volets permet la confrontation entre le

Cyril Bossard 117

Page 118: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapit

re

4–

Etude

de

l’activ

ite

decis

ionnelle

indiv

iduelle

Volet 1Situations d’etude

Volet 2Contexte objectif

Comportements observes

Volet 3Situations vecues

VerbalisationsSelection des U.S

3eme passageTriplette violette

Au pressing, recupere laballe, se retourne, leve la tete,

longue passe pour Benoıtdans l’axe, continue sa course

sur le cote droit, repiquedans l’axe, recupere le ballon,rentre dans la surface, piquele ballon avec exterieur dupied droit, marque un but

Je recupere la balle, je leve la teteet je regarde directement ou sont

mes partenaires, je regarde les 2, jeconduis la balle et je la donne a

Benoıt comme il a libere de l’espaceen embarquant le defenseur avec

lui, je lui mets la balle enprofondeur. La, apres je vais au

deuxieme poteau, parce que j’ai vuFlavien revenir dans ma zone aucentre, j’attends que Benoıt me

fasse la passe mais le defenseur quirevient la touche du bout du pied,je la recupere quand meme, je me

mets dans la position de frapper, ledefenseur me tacle, je l’evite et jemets une pichenette par-dessus legardien. La j’ai vu que le gardiens’avance vers moi et se couche, ducoup je pique la balle et ca rentre

Je recupere la balle (A), je leve latete (A) je regarde directement ou

sont mes 2 partenaires (A), jeconduis la balle (A) je la donne a

Benoıt (A) il a libere de l’espace enembarquant le defenseur avec lui

(I), je lui mets la balle enprofondeur (A). je vais au

deuxieme poteau (A), j’ai vuFlavien revenir dans ma zone au

centre (I), j’attends que Benoıt mefasse la passe (R) le defenseur quirevient la touche du bout du pied(I), je la recupere (R), je me metsdans la position de frapper (A), ledefenseur me tacle (I), je l’evite

(A) je mets une pichenettepar-dessus le gardien (S), j’ai vu

que le gardien s’avance vers moi (I)et se couche (I), je pique la balle

(S) ca rentre (R).(B) But, (A) Action, (C) Connaissance, (I) Information contextuelle, (R) Resultat ou attente, (S) Specification.

Tableau 4.3 – Selection des Unites Significatives (U.S)

118

Cyril

Bossard

Page 119: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Analyse des donnees

contexte objectif, les donnees comportementales et les donnees verbales, ce qui favorise la

verification de la validite ecologique des unites significatives selectionnees.

4.2.3 Le decoupage du deroulement de l’activite en situationsvecues

Le concept de « Situation Awareness » (Flach, 1995) constitue un cadre d’analyse

complementaire. La conscience de la situation renvoie a la situation telle qu’elle est vecue par

l’acteur au travers des verbalisations rapportees et des comportements produits. D’un point

de vue theorique, la CS comprend a la fois l’etat de perception immediate de la situation et

la construction de cet etat. Ici, nous decoupons le flux de l’activite du sujet pour identifier et

distinguer les situations telles qu’elles ont ete vecues. Nous utilisons un critere de fond (les

unites significatives) et un critere de forme (les mots de liaison) pour decouper le deroulement

de l’activite en situations vecues successivement (Tableau 4.4, p 120).

4.2.3.1 Un critere de fond : les unites significatives

Par hypothese, les differentes situations vecues par le sujet sont la manifestation d’un

couplage entre le contexte et les differents schemas actives. Chaque situation vecue constitue

en quelque sorte une « enveloppe » pour analyser l’evolution de l’activite des sujets. La

dynamique de l’activite se traduit par un processus d’ouverture et de fermeture de cette

enveloppe, ce qui nous permet de deceler un etat initial et un etat final a travers les

verbalisations et comportements du sujet. Par hypothese, la preoccupation du sujet (le but

recherche) ou la premiere action entreprise constitue un indice de l’ouverture de la situation,

et le resultat ou l’attente de resultat pouvant indiquer sa cloture. Le codage initial des unites

significatives est donc essentiel pour effectuer le decoupage de l’activite.

Le deroulement temporel de la situation sert de fil conducteur pour examiner l’activite

du sujet et identifier les ruptures, les changements de buts et les resultats delimitant chaque

situation vecue (CS). Les evenements contextuels objectifs (recuperation du ballon) et les

comportements du joueur (tire au but) sont egalement des indicateurs precieux.

4.2.3.2 Un critere de forme : les mots de liaison

Parfois, le sujet ne verbalise pas le but recherche ou le resultat attendu, ou le compor-

tement produit ne permet pas d’inferer l’etat initial et final. Des lors, un critere de forme

complete l’analyse semantique pour permettre le decoupage des situations vecues par le cher-

cheur. Au cœur du discours, certains mots (la, maintenant, apres...) sont la manifestation de

ruptures dans le deroulement de l’action, et peuvent constituer des indices pour le passage a

une nouvelle situation.

Cyril Bossard 119

Page 120: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapit

re

4–

Etude

de

l’activ

ite

decis

ionnelle

indiv

iduelle

Volet 1Situations d’etude

Volet 2Contexte objectif

Comportements observes

Volet 3Situations vecues

VerbalisationsDecoupage des situations

3eme passageTriplette violette

Au pressing, recupere laballe, se retourne, leve la tete,

longue passe pour Benoıtdans l’axe, continue sa course

sur le cote droit, repiquedans l’axe, recupere le ballon,rentre dans la surface, piquele ballon avec exterieur dupied droit, marque un but

Je recupere la balle, je leve latete et je regarde directement ou

sont mes partenaires, je regarde les2, je conduis la balle et je la donne

a Benoıt comme il a libere del’espace en embarquant le

defenseur avec lui, je lui mets laballe en profondeur. La, apres jevais au deuxieme poteau, parce que

j’ai vu Flavien revenir dans mazone au centre, j’attends que

Benoıt me fasse la passe mais ledefenseur qui revient la touche du

bout du pied, je la recuperequand meme, je me mets dans laposition de frapper, le defenseurme tacle, je l’evite et je mets unepichenette par-dessus le gardien.La j’ai vu que le gardien s’avancevers moi et se couche, du coup je

pique la balle et ca rentre

Je recupere la balle (A), je levela tete (A) je regarde directementou sont mes 2 partenaires (A), jeconduis la balle (A) je la donne a

Benoıt (A) il a libere de l’espace enembarquant le defenseur avec lui

(I), je lui mets la balle enprofondeur (A)

je vais au deuxieme poteau(A), j’ai vu Flavien revenir dansma zone au centre (I), j’attends

que Benoıt me fasse la passe (R) ledefenseur qui revient la touche dubout du pied (I), je la recupere

(R)

je me mets dans la position defrapper (A), le defenseur me tacle

(I), je l’evite (A) je mets unepichenette par-dessus le gardien

(S). j’ai vu que le gardien s’avancevers moi (I) et se couche (I), je

pique la balle (S) ca rentre (R).(B) But, (A) Action, (C) Connaissance, (I) Information contextuelle, (R) Resultat ou attente, (S) Specification.

Tableau 4.4 – Regroupement des U.S

120

Cyril

Bossard

Page 121: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Analyse des donnees

Les ruptures successives (identifiees a partir du fond et de la forme du discours) dans le

deroulement temporel de l’activite du sujet permettent consecutivement de decouper l’activite

du sujet en situations vecues. Par hypothese, la situation vecue par le joueur renvoie au

contexte percu par lui comme significatif au travers d’un schema active. En regroupant

par similitudes l’ensemble des situations vecues, l’analyse devrait permettre d’identifier les

schemas typiques actives par les experts en situation de contre-attaque.

4.2.4 Le regroupement des situations vecues et l’identificationa posteriori des schemas typiques

Quand les membres d’un groupe partage des experiences communes, ils construisent des

schemas similaires, ce qui leur permet de repondre de facon similaire dans les situations

(Piegorsch et al., 2006). Ceci est plus particulierement le cas quand les sujets sont experts

dans leur domaine (Svenson, 1999).

Dans l’etape precedente d’analyse des donnees, nous avons utilise une categorisation

thematique des unites significatives a partir de concepts theoriques existants (les constituants

du schema). Ici nous utilisons une autre forme de categorisation, utilisee dans l’analyse

d’activites sportives (Macquet, 2001; Macquet et Fleurance, 2007) ou de situations de travail

en milieu hospitalier (Strauss et Corbin, 1998) et qui consiste a operer une categorisation

empirique. Nous procedons ici, a des regroupements par associations d’unites d’analyse (ici les

differentes situations vecues par nos sujets). Par approximations successives, nous procedons

au regroupement de differentes situations vecues de la meme facon par differents sujets.

Parfois, l’identification d’un moment precis de la contre-attaque (debut ou fin de la situation

d’etude privilegiee) peut nous aider a regrouper plusieurs situations vecues par differents

joueurs.

Le titre conceptuel n’est defini qu’en fin d’analyse (Bardin, 1998). Selon notre hypothese,

un schema typique est obtenu puis nomme apres le regroupement des situations vecues. Il

s’agit bien de « faire emerger la theorie a partir de donnees » (Dumas, 2000).

4.2.5 Validite de l’analyse

A l’instant ou toutes les donnees de nouveaux sujets peuvent etre assimilees, associees aux

donnees precedentes, sans necessiter la creation d’une nouvelle categorie au sein du modele

(phenomene de saturation d’apres Piegorsch et al. (2006)), alors nous considerons que le

modele elabore traduit bien la diversite du phenomene, la diversite des schemas typiques

actives en situation de contre-attaque. Trois autres principes sont appliques pour conferer a

l’analyse une bonne validite. Selon le principe d’exclusivite mutuelle, les unites d’analyses

(situations vecues) ne peuvent appartenir qu’a une seule categorie a la fois. Toutes les

Cyril Bossard 121

Page 122: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

unites d’analyse doivent egalement pouvoir etre classees dans une meme categorie (principe

d’exhaustivite). Enfin, le regroupement propose doit etre univoque (principe de fidelite).

Ce regroupement empirique est valide par d’autres chercheurs a partir d’une procedure de

« triangulation ».

La validite de l’analyse des donnees et la categorisation proposee repose sur une procedure

de « triangulation » entre trois chercheurs (l’auteur, Kermarrec, G. et Cormier, J.). Le premier

etudie l’activite decisionnelle des experts en sports collectifs (football), le deuxieme etudie

l’activite significative des apprenants en situation scolaire (EPS), et le troisieme etudie

l’activite decisionnelle des experts en hockey sur glace. Les categories sont proposees par

le premier chercheur, les deux autres effectuent individuellement une relecture attentive. En

cas de desaccord, les trois chercheurs tentent de construire une proposition commune.

Cette methodologie nous semble particulierement adaptee a l’etude des schemas actives

en situation de contre-attaque par les joueurs experts au football. En effet, si les recherches

dans le courant de la NDM concluent generalement que la decision experte est guidee par

l’evocation de schemas, une seule etude a notre connaissance, a tente d’obtenir une validation

empirique de leur activation en situation naturelle (Piegorsch et al., 2006) et aucune n’est

disponible dans le domaine des activites sportives.

4.3 Resultats

Pour cette etude, nous avons pris en compte 5 situations de contre-attaque par triplette.

A partir des 12 entretiens d’auto-confrontation menes avec chacun des sujets, nous obtenons

des comportements et des verbalisations sur 60 contre-attaques realisees dans une situation

d’etude privilegiee en football.

Les resultats obtenus sont presentes en respectant les etapes de la methode d’analyse des

donnees precedemment decrite : la selection et le codage des unites significatives, le decoupage

du deroulement de l’activite en situations vecues, le regroupement des situations vecues par

similitudes, et l’identification des schemas typiques.

4.3.1 Les donnees verbales et comportementales retenues

L’ensemble des donnees recueillies a ete prepare en vue des analyses de contenu

successives (voir 4.2.2, p 117). Plus precisement, nous travaillons a partir des donnees

selectionnees en relation avec le theme general « activite decisionnelle ».

Certaines propositions peuvent etre recodees : « on presse sur les deux joueurs adverses »,

« on va vite la » designent des actions realisees en groupe pour atteindre l’objectif de la

situation. Nous considerons que le sujet decrit son activite en assimilant « je » et « on ».

122 Cyril Bossard

Page 123: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resultats

Ce recodage doit etre limite a une description precise, associee a une occurrence particuliere

(« la, on/je presse le joueur adverse »).

A partir de ce travail d’identification et de codage des US, nous conservons une liste

chronologique de comportements et de verbalisations. Ces unites constituent une description

acceptable de l’activite decisionnelle du sujet en situation de contre-attaque. Ce travail etant

effectue pour les 12 sujets, nous obtenons une liste de 1 290 unites significatives.

4.3.2 Les elements constitutifs des schemas

Nous avons identifie dans les protocoles verbaux et comportementaux toutes les informa-

tions significatives du point de vue des sujets pour prendre des decisions tactiques. L’analyse

des donnees par categorisation theorique fait apparaıtre que ces unites se repartissent en

fonction des 5 concepts theoriques attendus : action (A), but (B), connaissances

(C), informations contextuelles (I), et resultats ou attentes de resultats (R) ; et

un nouveau : specifications (S). Au sein de certaines de ces categories, des sous-categories

sont egalement identifiees. Ces differents elements permettent de classer l’ensemble des 1290

unites significatives selectionnees. Dans les paragraphes suivants, nous analysons en detail

ces differentes categories, ces elements constitutifs des schemas.

La categorie But comprend 159 unites significatives. Ces unites expriment le but re-

cherche par le sujet en situation : « Je veux aller vite devant pour frapper » ; « mon idee

c’est de l’eliminer » ; « je pense que a foncer sur le defenseur pour le provoquer, pour le

fixer dans l’axe » ; « je pense juste a etre en soutien » ; « mon idee c’est de partir sur le cote

droit ». Toutes les unites de cette categorie traduisent la preoccupation principale du sujet,

c’est-a-dire « ce qu’il cherche a accomplir a un instant t de la situation ».

La categorie Connaissances reunit 132 unites significatives. La quantite importante de

donnees nous conduit a proposer des regroupements en fonction de 2 sous themes. Ainsi, les

unites renvoient soit a des connaissances declaratives soit a des connaissances procedurales.

Les connaissances declaratives sont des connaissances generales et permettent d’expliquer

les choix. Dans notre etude, elles concernent principalement les adversaires (« je sais qu’il va

vite le defenseur, qu’il court plus vite que moi »), les partenaires (« techniquement il est

meilleur, Paul voit mieux le jeu que moi »), la situation de contre-attaque (« il faut aller

vite »), la conception du jeu au football (« c’est plus joli si Gaetan finit l’action », « c’est plus

collectif »),ou encore les regles du jeu (« je peux pas aller loin, sinon je suis hors-jeu »).

Les connaissances procedurales renvoient a des regles d’actions individuelles et collectives.

Les unites comme « je suis trop statique, je n’ai pas d’elan pour bien la taper » ou « j’attends

Cyril Bossard 123

Page 124: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

une distance qui permet de donner la balle sans que le defenseur la prenne » concernent

la dimension individuelle. Les unites qui renvoient a la dimension collective correspondent

souvent a des regles d’actions qui regissent le deplacement des joueurs : « si il choisit le cote

droit, je vais a gauche et l’inverse » ; « soit il me suit et il laisse l’axe libre derriere lui, soit il

va sur le porteur est c’est moi qui est libre ».

La categorie Actions reunit 378 unites significatives. Ces unites renvoient aux habiletes

motrices et perceptivo-cognitives mobilisees par le sujet en situation. Certaines d’entre-elles

sont verbalisees directement par le sujet tandis que d’autres sont codees au regard des com-

portements observes (Cf. partie precedente). Ces unites traduisent « ce que fait le sujet en

situation » : « je me releve, je leve la tete, je donne la balle a Gaetan a l’interieur » ; « je fais un

crochet, je regarde ou sont les autres, je temporise, je lui donne, je fais un appel a droite » ; « je

lui propose une solution en soutien, je l’appelle avec la voix pour lui dire que je suis derriere ».

La categorie Resultats ou attentes de resultats regroupe 153 unites significatives. Ces

unites traduisent le plus souvent le resultat de l’action entreprise ou du but recherche : « je

la recupere » ; « ils perdent la balle » ; « il frappe au but » ; « je rate mon centre » ; « je me

retrouve seul ». Certaines d’entre-elles traduisent egalement des attentes relatives a l’action

en cours : « je me dis qu’il va me la mettre » ; « j’attends une passe du porteur » ; « je pense

qu’il va me la mettre sans essayer de dribbler ».

La categorie Informations contextuelles comprend 451 unites significatives. Ces

unites renvoient a toutes les informations percues par le sujet en situation. Ici, la quantite

d’unites significatives permet de constituer par similitudes des sous-categories. Ces dernieres

revelent des informations de natures differentes. Ainsi, certaines informations contextuelles

renvoient specifiquement aux partenaires (« je vois que Paul prend la balle » ; « Jordan se

decale vers la gauche » ; « il me la remet »), d’autres aux adversaires (« je vois que le gardien

s’avance » ; « je sens que un defenseur me suit » ; « je vois le defenseur entre les 2 »), et enfin

au sujet lui-meme (« je suis demarque » ; « je suis bien place » ; « je suis seul » ; « je sens la

fatigue »).

Enfin, une derniere categorie permet de regrouper 17 unites significatives dans une

categorie que nous nommons Specifications. Nous avions precise que le codage des unites

significatives restait ouvert a de nouvelles propositions. Ainsi, certaines unites ne pouvaient

etre classees dans les categories initiales. Apres analyse, leur regroupement nous a semble

possible au sein d’une meme categorie « S » (Specification). Ces US mettent en avant le

caractere adaptable du schema. En effet, les joueurs adaptent les schemas actives au cours de

l’action, en fonction de circonstances contextuelles particulieres. Les unites les plus typiques

124 Cyril Bossard

Page 125: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resultats

concernent les changements de direction : « du coup je pars en dedoublement dans le dos de

mon partenaire » ; « je change de direction pour aller vers la droite » ; « je repars de l’autre

cote ». Les joueurs peuvent aussi verbaliser une autre possibilite d’action de leurs partenaires

qui participe de la meme preoccupation : « il aurait pu fixer et me la mettre apres, temporiser

un peu fixer et la donner » ; « c’est aussi possible d’aller directement sur le defenseur au lieu

de la mettre comme j’etais derriere » ; « il aurait pu mettre dans l’intervalle plus vite ». Ces

unites montrent que pour un meme but, au sein d’un meme schema sont associees plusieurs

actions potentielles. Les specifications sont aussi des actions mais elles sont « secondaires » au

sein des schemas. Dans l’extrait suivant : « je vais a fond dans l’espace libre (A), il arrive

(I), je change de direction plus a droite (S) », la specification precise et montre l’adaptation

locale de l’action.

Finalement, nous obtenons une liste d’unites significatives dont le classement nous paraıt

univoque. Ce classement est confirme par deux autres chercheurs. Les tableaux 4.5 (p 126)

et 4.6 (p 127) rappellent les 6 categories identifiees et fournissent quelques exemples d’U.S.

Nous comptabilisons le nombre d’unites significatives en fonction de leur appartenance

aux categories theoriques pour l’ensemble des sujets. La repartition quantitative de l’ensemble

des unites significatives selectionnees puis codees est presente dans le tableau 4.7 (p 128).

Cette repartition des U.S par sujet et par categorie theorique est valide lors d’une

procedure de triangulation entre trois chercheurs. Cette derniere est d’une grande utilite.

Elle a permis de reduire le nombre des unites significatives selectionnees de 1372 a 1290 US.

Ensuite, elle a grandement participe au respect des principes d’exhaustivite et de fidelite de

chaque categorie theorique. Par exemple, la categorie But est passee de 170 a 159 US, et les

Informations Contextuelles de 529 a 451 US. Enfin, la triangulation a egalement permis de

raffiner la categorisation theorique, c’est-a-dire de dissocier certaines categories (ou themes)

en sous-themes. La categorie « Informations contextuelles », par exemple, a ete divise en trois

sous-categories distinctes renvoyant aux informations sur les partenaires, sur les adversaires

et sur soi-meme. En annexe A (p 235), la repartition des US par sujet et par categorie avant

la triangulation est presentee sous forme de tableau.

Les resultats rapportes sur la figure 4.3 (p 128) montrent que les informations significa-

tives identifiees par chaque sujet et classees dans les 6 categories varient de maniere relative-

ment importante. Ils montrent la predominance des informations significatives se rapportant

au contexte et aux actions.

Les deux etapes suivantes de notre analyse de contenu consiste a decouper le deroulement

des differentes contre-attaques en situations vecues successivement par les joueurs, puis a

regrouper les situations pour obtenir les schemas typiques. Par hypothese, chaque situation

resulte du couplage entre le contexte et un schema active en MLT.

Cyril Bossard 125

Page 126: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapit

re

4–

Etude

de

l’activ

ite

decis

ionnelle

indiv

iduelle

Categories et sous-categories :Les elements du schema

Exemples

Buts (B) « Je veux aller vite devant pour frapper »

« mon idee c’est de l’eliminer »

« je pense qu’a foncer sur le defenseur pour le provoquer, pour le fixer dans l’axe »

« je pense juste a etre en soutien »

« mon idee c’est de partir sur le cote droit »

Actions (A) « je me releve, je leve la tete, je donne la balle a Gaetan a l’interieur »

« je fais un crochet, je regarde ou sont les autres, je temporise, je lui donne, je fais unappel a droite »

« je lui propose une solution en soutien, je l’appelle avec la voix pour lui dire que je suisderriere »

Connaissances (C) :

- declaratives « je sais qu’il va vite le defenseur, qu’il court plus vite que moi »

« techniquement il est meilleur, Paul voit mieux le jeu que moi »

« c’est plus joli si Gaetan fini l’action »

« c’est plus collectif »

« je peux pas aller loin, sinon je suis hors-jeu »

« c’est a moi d’ecarter et a lui de rentrer dans l’axe »

- procedurales « je suis trop statique, je n’ai pas d’elan pour bien la taper »

« j’attends une distance qui permet de donner la balle sans que le defenseur la prenne »

« si il choisit le cote droit, je vais a gauche et l’inverse »

« soit il me suit et il laisse l’axe libre derriere lui, soit il va sur le porteur et c’est moi quisuis libre »

Tableau 4.5 – Liste des informations significatives utilisees pour la decision tactique en situation de contre-attaque

126

Cyril

Bossard

Page 127: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Result

ats

Categories et sous-categories :Les elements du schema

Exemples

Informations contex-tuelles (I) :

- sur le(s) partenaire(s) « je vois que Paul prend la balle »

« Jordan se decale vers la gauche »

« il me la remet »

« je vois que le gardien s’avance »

- sur soi « je suis demarque »

« je suis bien place »

« je suis seul »

« je sens la fatigue »

- sur le(s) adversaire(s) « je vois que le gardien s’avance »

« je sens que un defenseur me suit »

Attentes ou Resultats (R) « je la recupere »

« ils perdent la balle »

« il frappe au but »

« je rate mon centre »

« je me retrouve seul »

« je me dis qu’il va me la mettre »

« j’attends une passe du porteur »

« je pense qu’il va me la mettre sans essayer de dribbler »

Specifications (S) « du coup je pars en dedoublement dans le dos de mon partenaire »

« je change de direction pour aller vers la droite »

« je repars de l’autre cote »

« il aurait pu fixer et me la mettre apres, temporiser un peu, fixer et la donner »

« aller directement sur le defenseur au lieu de la mettre comme j’etais derriere »

« il aurait pu mettre dans l’intervalle plus vite »

Tableau 4.6 – Liste des informations significatives utilisees pour la decision tactique en situation de contre-attaque (suite)

Cyril

Bossard

127

Page 128: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

AttentesSujets Buts Connais- Informations Actions Specifi- ou Total

sances contextuelles cations Resultats

Gautier 8 22 62 43 1 21 157

Bastien 11 9 36 36 2 18 112

Gaetan 15 14 67 36 2 11 145

Charles 12 7 32 31 3 10 95

Jordan 15 10 40 34 1 6 106

Kevin 18 7 35 28 3 10 101

Flavien 14 14 20 29 1 12 90

Benoıt 17 19 57 29 0 22 144

Michel 8 6 27 28 2 9 80

Benjamin 14 4 29 29 0 16 92

Thibault 19 18 23 30 2 11 103

Paul 8 2 23 25 0 7 65

Total 159 132 451 378 17 153 1290

% 12,3 10,2 34,9 29,3 1,3 11,9 100

Tableau 4.7 – Repartition des US en fonction des sujets et des categories theoriques

Figure 4.3 – Distribution du nombre d’U.S

128 Cyril Bossard

Page 129: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resultats

4.3.3 Le decoupage du cours d’action en situations vecues et

l’identification des « schemas typiques »

En decoupant le deroulement de l’activite de chaque joueur lors des 60 contre-attaques,

nous avons identifie 180 situations vecues pour l’ensemble des 12 sujets. Dans un second

temps, par categorisation empirique, nous avons regroupe en fonction de leurs similitudes ces

differentes situations vecues en 16 categories empiriques. On peut alors considerer que ce

regroupement permet d’identifier 16 « schemas typiques » utilises par des joueurs de

football experts en situation de contre-attaque :

1. « Intercepter le ballon »

2. « Observer, analyser, anticiper l’evolution de la situation »

3. « S’engager vite vers l’avant pour profiter de la recuperation du ballon »

4. « Aller vite vers l’avant avec le ballon tout en etant attentif au jeu »

5. « Proposer son aide a un partenaire pour conserver le ballon »

6. « Creer de l’espace pour permettre a des partenaires de s’engager vers l’avant »

7. « Se deplacer par rapport a ses partenaires dans l’espace de jeu pour proposer une

solution de progression vers la cible »

8. « Choisir une solution de passe pour assurer la continuite du jeu »

9. « Attendre le soutien des partenaires »

10. « Se deplacer par rapport au hors-jeu, a l’adversaire et rechercher la rupture »

11. « Eliminer en dribblant pour progresser vers la cible »

12. « Fixer-passer pour progresser vers la cible »

13. « Se placer ou se deplacer pour recevoir un centre ou une passe decisive »

14. « Passer pour mettre le partenaire en situation favorable de frappe »

15. « Suivre l’action du partenaire pour une reprise »

16. « Chercher a tirer/frapper au but »

Les informations significatives types qui composent ces schemas sont presentees de

maniere detaillee en annexe (Cf. Annexe A, p 243 a 259). Afin de preciser le contenu et les

conditions d’apparition de ces schemas, nous detaillons 3 exemples de schema typique.

Le schema n°1 : « Intercepter le ballon » correspond au depart de la situation de

contre-attaque pour les deux joueurs positionnes dans le rectangle en pointille (Cf. Figure

4.1, p 113). Ici, le joueur cherche a contrer l’adversaire, a l’empecher de progresser (Kevin

CAJ 3 : « l’empecher de faire une passe entre nous deux »). Les informations contextuelles

Cyril Bossard 129

Page 130: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

qui sont prises en compte concernent le partenaire proche (Gaetan CAR 5 : « je suis avec

Bastien, Bastien attaque le porteur ») et l’action des adversaires (Gautier CAR 4 : « il la

passe a son partenaire, le mec il est statique »). Les actions qui permettent d’atteindre le

but sont diverses : « presser, anticiper, bloquer, marquer, prendre le ballon ». La decision

de recuperer le ballon est influencee conjointement par l’activite du partenaire proche et des

adversaires directes. Ce schema a ete active a 17 reprises.

Le schema n°7 : « Se deplacer par rapport a ses partenaires dans l’espace de jeu pour

proposer une solution de progression vers la cible » est evoque a 20 reprises. Les buts formules

concernent les deplacements que le joueur cherche a effectuer (Michel CAVi 4 : « je me dis

qu’il faut aller sur le cote gauche »). Les informations contextuelles relevees permettent de

caracteriser un contexte favorable a la continuite de la contre-attaque. Les informations sur

soi se rapportent a sa position par rapport aux partenaires dans l’espace de jeu (Bastien

CAR 5 : « je suis completement a gauche, je suis disponible sur le cote si jamais Gaetan a

besoin »). Les informations sur les partenaires concernent leurs statuts (Porteur du Ballon ou

Non Porteur du Ballon), leurs positions et leurs deplacements (Paul CAVe 2 : « c’est Thibault

qui recupere le ballon, je vois que l’autre attaquant part vers la droite »). Les informations

sur les adversaires renvoient egalement a leur position et deplacements (Bastien CAR 4 : « le

defenseur reste dans l’axe »). Cet ensemble d’informations amene le joueur a considerer la

situation comme favorable. Les actions engagees renvoient aux deplacements dans l’espace

et a la surveillance du Porteur de Balle (Jordan CAJ 3 : « je m’ecarte vers la droite, par

devant, je regarde ce qui se passe tout en courant, je regarde ses jambes et le ballon »). Au

sein du schema, des circonstances contextuelles particulieres amenent le sujet a adapter son

activite tout en restant preoccupe par le meme but. Ainsi, des specifications sont envisagees

au cours du deplacement si l’espace vient a etre occupe (Charles CAJ 2 : « du coup, je pars en

dedoublement dans le dos de mon partenaire, je change de direction »). Le resultat attendu

concerne la passe du partenaire (Benjamin CAVe 4 : « je pensais qu’il allait me mettre une

transversale »), mais le resultat effectif peut etre different (Paul CAVe 2 : « Thibault decide

de continuer seul dans l’axe et de frapper au but sans nous attendre »).

Le schema n°16 : « Chercher a tirer/frapper au but » est evoque 16 fois. L’intention

du joueur est ici d’atteindre l’objectif de la situation d’etude, celui de marquer un but

(Charles CAJ 1 : « je pense a aller frapper au but »). Les informations contextuelles prises

en consideration permettent de reconnaıtre la situation comme favorable a la frappe. Elles

concernent principalement la position proche de la cible (Jordan CAJ 2 : « je suis pres des

18m »), les partenaires (Paul CAVe 4 : « mes partenaires sont marques ») et le gardien de

but (Kevin CAJ 5 : « le gardien est decale de son but »). Les actions entreprises concernent

la frappe de balle (Kevin CAJ 5 : « je me mets sur mon pied droit, je frappe au but »).

Les specifications renvoient aux types de frappes adoptees face au gardien (Michel CAVi 3 :

130 Cyril Bossard

Page 131: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resultats

« finalement, je mets une pichenette par-dessus le gardien, au dernier moment je pique la

balle »). Le resultat attendu renvoie a la reussite du tir (Michel CAVi 3 : « ca rentre »).

Le schema fait egalement apparaıtre des connaissances procedurales sur la frappe de balle

(Gaetan CAR 5 : « je suis trop statique, j’ai pas d’elan pour bien la taper »).

4.3.4 La modelisation de l’activite decisionnelle contextua-lisee

Les schemas typiques identifies chez les joueurs peuvent etre organises afin de rendre

compte de la dynamique de l’activite decisionnelle en situation de contre-attaque. En effet,

nous observons que certains schemas sont souvent associes, l’un apres l’autre, alors que

d’autres ne sont jamais enchaınes. Nous avons donc cherche a modeliser l’enchaınement des

schemas pour chaque sujet et pour chaque contre-attaque, afin de mettre a jour les « scenarii

privilegies » par les joueurs.

Dans un tableau a double entree (Tableau 4.8), nous avons indique dans un premier

temps, les relations existantes entre les schemas typiques et le poids de cette relation pour

les 5 contre-attaques etudiees : par exemple pour 2 schemas qui ont ete enchaınes 8 fois

(quels que soient les sujets), le poids est 8. Cette relation peut etre etablie par sujet, par

triplette, pour l’ensemble des participants, pour l’ensemble des contre-attaques, et pour les

contre-attaques efficaces.

Nous avons ensuite utilise un logiciel de representation graphique hierarchique et orientee

(Graph Visualization Software version 2.16.12) permettant de rendre compte des relations

entre les schemas. Ainsi, les schemas sont representes par des nœuds et la relation entre

deux schemas par un arc. Le poids donne a la relation entre deux schemas est represente par

la distance (longueur de l’arc) entre deux schemas. Le logiciel restitue ensuite un graphe

dont l’agencement tient compte de l’ensemble de ces parametres. Cette approche de la

representation graphique est proche de la plupart des programmes de graphes hierarchiques,

basee sur les travaux de Sugiyama et al. (1981). Nous renvoyons le lecteur a Gansner et al.

(1993) pour une explication plus poussee des algorithmes sous-jacents a la modelisation.

Cette procedure de modelisation a ete repetee pour l’ensemble des contre-attaques et

des participants (modelisation generale), puis pour les 7 contre-attaques reussies (Cf. Figure

4.4), par triplette (modelisation par equipe), et enfin pour chacun des 12 sujets (modelisation

individuelle ; Cf. Figure 4.5). La totalite de ces modelisations est presentee en annexe A (p

236 a 242).

2 http ://rpmfind.net/linux/RPM/fedora/devel/ppc64/graphviz-doc-2.16.1-0.6.fc10.ppc64.html

Cyril Bossard 131

Page 132: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

Schemas 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16typiques

1 6 11 2 1 12 5 1 2 1

2 2 2 9 4 2 1

3 1 1 1 1 1 2 1

4 2 1 6 2 3

5 1 1 1 1 1

6 1 4 4

7 1 1 1 2 1 4 3 1 3

8 1 2 5

9 1 1

10 1 2 2 2 1

11 2 2

12 3 1 1

13 2 7

14 1 1

15 2

16

Tableau 4.8 – Enchaınement entre les differents schemas typiques pour l’ensemble des participants

Figure 4.4 – Modelisation des schemas typiques actives pour 7 contre-attaquesreussies

132 Cyril Bossard

Page 133: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resultats

4.3.4.1 Un exemple : Benoıt

La modelisation suivante presente un exemple de representation graphique des differents

schemas typiques actives par un sujet (Benoıt) en situation de contre-attaque (Figure 4.5).

Figure 4.5 – Modelisation des schemas typiques actives par Benoıt en contre-attaque

L’analyse des graphes permet de revenir sur les elements responsables de l’articulation

des schemas au cours de l’action. Dans notre exemple, les elements qui font basculer Benoıt du

schema n°1 « Intercepter le ballon » au schema n°7 « Se deplacer par rapport a ses partenaires

dans l’espace de jeu pour proposer une solution de progression vers la cible », renvoient au

contexte de la situation (en gras dans l’extrait).

Extrait : « (...) Flavien recupere la balle (I), il s’est tout de suite dirige vers la

gauche vers le but (I), moi je me suis directement decale vers la droite (A), pour offrir

une solution sur la droite, et pour ecarter le jeu au maximum (B) (...) ».

(Sujet Benoıt CAVi 1)

De la meme maniere, la bascule du schema n°7 au schema n°13 « Se placer ou se deplacer

pour recevoir un centre ou une passe decisive », s’effectue encore en fonction du contexte (en

gras dans l’extrait).

Extrait : « (...) je vois qu’il decale sur la gauche sur Kevin (I) je pense a comment

me placer pour offrir une bonne solution pour marquer le but (B), pour qu’il me la passe dans

de bonnes conditions (B) (...) j’etais deja parti vers le centre, vers la surface de reparation

(R) pour etre direct face au gardien (B) (...) ».

(Sujet Benoıt CAVi 1).

Cyril Bossard 133

Page 134: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

Nous observons ce phenomene pour la plupart des schemas actives en situation de contre-

attaque par les joueurs experts. L’agencement des nœuds et des arcs dans la representation

graphique des contre-attaques reussies (rapides, fluides et qui aboutissent a une frappe cadree)

est particulierement interessant (Cf. Figure 4.4, p 132). En effet, le logiciel Graphviz permet

de visualiser 2 « scenarii » particuliers selon le deroulement temporel de la contre-attaque

(axe X) et l’evolution du statut du joueur au cours de la contre-attaque (axe Y). Ainsi,

les schemas sont disposes de gauche a droite et suivent 4 « phases » de la contre-attaque :

Transition (passer de la defense a l’attaque) : depart de la situation d’etude (schemas 1 et

2), assurer la continuite (schemas de 3 a 9), rechercher la rupture (schemas de 10 a 14) et

finition (atteindre la cible) (schemas 15 et 16). Sur l’axe Y, on retrouve une disposition des

schemas en fonction du role du joueur : porteur de balle (PB) ou non porteur de balle (NPB).

Ainsi les schemas 1, 4, 8, 9, 12, 14, et 16 representent le joueur en possession de la balle. Les

schemas 2, 3, 6, 7, 10, 13, et 15 representent le joueur qui evolue sans ballon.

4.4 Discussion

L’objectif principal de cette etude etait de proposer une analyse de l’activite decision-

nelle de joueurs experts en situation de contre-attaque au football. Plus particulierement, le

projet de cette premiere etude etait de contribuer a la validation empirique de l’approche

NDM dans le cadre des sports collectifs, et de sa mise a l’epreuve face a l’exigence d’une

situation dynamique et typique des sports collectifs : la contre-attaque.

Dans un premier temps, nous montrons en quoi nos resultats confortent l’approche NDM

pour l’analyse de l’activite decisionnelle en situation dynamique et collaborative. Dans un

second temps, nous questionnons les contributions de notre premiere etude au regard de la

description et de la comprehension des sports collectifs.

4.4.1 Decider vite et bien dans les activites humaines com-plexes et fluctuantes

Dans ce premier point, nous discutons nos resultats au regard des deux premieres

hypotheses generales formulees. Nous postulions que l’activite decisionnelle s’exprime du

point de vue du sujet a partir des informations qu’il considere significatives (Flach, 1995).

Nous supposions alors que l’activite du sujet en situation dynamique pouvait se decrire de

facon diachronique a partir d’une succession de situations vecues en cours d’action (Hypothese

generale 1). Nous faisions ensuite l’hypothese que les differentes situations vecues par le sujet

etaient la manifestation de differents schemas actives par le contexte (Hypothese generale

2). Les informations significatives pouvaient alors etre regroupees pour l’ensemble des sujets

selon 5 categories theoriques : action, resultat, information contextuelle, connaissance et but

134 Cyril Bossard

Page 135: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion

(Klein, 1997).

4.4.1.1 La « conscience de la situation » : un couplage cognitif dynamiqueentre le sujet et la situation

Nous avons pris comme presuppose que le sujet puisse exprimer, de son propre point de

vue (et au sein d’un protocole de recherche), l’activite decisionnelle a partir des informations

qu’il considere significatives et qu’il utilise en cours d’action. Nous postulions dans un premier

temps que ces elements expriment a un moment et dans un lieu, la situation telle quelle est

vecue par le joueur, i.e. la « conscience de la situation » (Flach, 1995).

Nos resultats suggerent effectivement que la situation telle qu’elle est vecue constitue

bien la manifestation d’un couplage cognitif dynamique entre un acteur et une situation

(Flach, 1995). Les situations vecues recueillies montrent la capacite du sujet a prendre en

consideration les caracteristiques changeantes de la situation (i.e. les informations contex-

tuelles). Le concept de Conscience de la Situation (au sens de Flach (1995)) permet de rendre

compte de l’evolution dynamique de la situation et de la prise en compte par le sujet de

ces evolutions pour adapter son activite decisionnelle. Les changements dans l’environnement

sont rapidement identifies et integres de maniere continue par les sujets pendant l’action.

Ils changent tres rapidement la focalisation de leur attention vers des informations contex-

tuelles qui sont pertinentes ou significatives pour l’activite dans laquelle ils sont engages. En

consequence, les situations vecues se succedent tres rapidement (3 ou 4 situations vecues en

15-20 secondes). Cette vitesse de fluctuation du contexte pour le sujet necessite un processus

de reconnaissance de situation tres rapide.

Les situations vecues, racontees au travers des informations dont le sujet a conscience

(CS) permettent de rendre compte de l’evolution de l’activite du sujet a partir de l’articulation

entre des connaissances (locales ou generales), des informations contextuelles, des actions

potentielles, des attentes, des specifications et un but. Ces elements permettent de reperer

l’ouverture et la fermeture des « situations vecues successivement ». Notons que

l’identification de cette ouverture-fermeture des situations vecues peut etre difficile quand le

but ou le resultat ne sont pas verbalises. Le contexte objectif est alors une aide precieuse.

4.4.1.2 Le schema : une construction par l’articulation fine de donneescontextuelles et de donnees d’arriere-plan

L’analyse du contenu des differentes situations vecues devoile que les decisions sur-

viennent (emergent) a partir d’une articulation d’informations significatives, et non pas a

partir de l’analyse, de l’interpretation de l’une ou l’autre d’entre-elles. Autrement dit, c’est

la combinaison de ces informations, qui permet d’expliquer la rapidite des decisions en si-

tuation dynamique. Conformement a notre seconde hypothese, les informations significatives

Cyril Bossard 135

Page 136: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

retenues sont regroupees pour l’ensemble des sujets selon 6 categories theoriques types : but,

informations contextuelles, action, specification, resultat, et connaissances.

Ces donnees prelevees par les sujets en situation dynamique sont prioritairement des

informations contextuelles (34,9 %). Nous observons egalement une certaine regularite dans

les sources d’informations mobilisees a differents moments. Ces dernieres concernent princi-

palement et de maniere recurrente l’activite d’autrui (ici, les partenaires et les adversaires),

ainsi que sa propre activite dans un volume spatio-temporel particulier. Ces informations ne

sont jamais percues de maniere isolee et/ou statique, comme par exemple la simple position

locale des autres protagonistes. Au contraire, la decision est souvent une reconnaissance d’une

configuration du contexte (Klein, 1997). Par exemple, Benoıt ne dit pas « Flavien est a gauche

du terrain et mon autre partenaire est au centre », mais il dit : « Flavien recupere la balle, il

s’est tout de suite dirige vers la gauche vers le but, je vois que celui qui est en appui se decale

vers la gauche » (CAVi 1).

La reconnaissance de configurations spatio-temporelles en tant que telle ne suffit pas

a prendre des decisions rapides et pertinentes en situation dynamique. Les configurations

d’informations contextuelles sont egalement mises en rapport avec des donnees d’arriere-

plan (donnees attendues types) pour reconnaitre la situation actuelle. Ces donnees d’arriere-

plan concentrent des informations significatives qui renvoient a des connaissances generales

(procedurales ou declaratives), des informations contextuelles et a des attentes sur l’evolution

de la situation conformement au « package cognitif » decrit par Ross et al. (2006).

Les connaissances « locales » sont re-construites a partir d’informations contextuelles

et des circonstances de la situation, c’est-a-dire a partir des interactions. Cette reconstruction

peut amener a une specification du schema active. Plus precisement, les resultats suggerent

que le sens que le sujet donne au contexte est issu de l’articulation entre des connaissances

et des informations contextuelles relatives aux comportements des differents protagonistes et

aux resultats de leurs interactions :

Extrait : « (...) Jordan il va fixer le defenseur dans l’axe (I) moi je demande la balle

a droite (A), comme le defenseur ne m’a pas suivi (I), je me retrouve seul (R), Comme je

vais a droite (A), le defenseur n’a pas suivi (I), du coup il va directement sur Jordan (I), le

defenseur il ne sait pas quoi faire entre nous deux car il y a deux solutions (C)

et Jordan choisit d’aller tout droit au but (I) (...) ».

(Sujet Kevin, CAJ 2)

Quel est le sens de la situation vecue ici pour Kevin ? La configuration a deux contre

un, avec une certaine distance entre les deux partenaires (Jordan dans l’axe, moi a droite), et

l’adversaire (qui se deplace vers Jordan) est combinee avec une certaine dynamique temporelle

(fixer, demander, suivre, se retrouver, aller). De plus, cette configuration dynamique est

136 Cyril Bossard

Page 137: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion

articulee avec la connaissance que « quand il y a deux solutions, le defenseur ne sait pas

quoi faire », dont la formulation est ici « locale ». Cette articulation de donnees conduit

Kevin a percevoir, ressentir, considerer que la situation vecue est favorable pour la rupture,

le desequilibre de l’adversaire. La decision d’aller a droite peut etre consideree comme une

emergence, un couplage dynamique entre un schema et un contexte en vue de creer ou de

maintenir ce desequilibre potentiel. L’organisation des informations contenues dans le schema

est bien plus fonctionnelle que semantique ce qui conforte l’interet des schemas pour decrire

l’aspect dynamique de l’activite decisionnelle par rapport a une description classique des

bases de connaissances.

Meme si dans cette premiere etude, c’est l’activite individuelle, et le role des schemas qui

nous preoccupe, cette situation suggere egalement toute l’importance de l’articulation de

l’activite de deux individus partenaires dans la decision (l’importance du partenaire

est ici uniquement rendue du point de vue d’un joueur : Kevin). Le chapitre 5 nous permettra,

en confrontant les points de vue des joueurs partenaires, d’etudier plus particulierement cette

articulation, i.e. ces influences entre partenaires.

L’arriere-plan qui permet au contexte de faire sens peut aussi concerner des connais-

sances « generales », des reperes lies a l’experience personnelle de l’individu. L’extrait

d’une situation vecue par Gaetan illustre cet aspect :

Extrait : « (...) Bastien recupere le ballon (I), mon idee c’est de suivre l’action derriere

(B), ils sont a 2 contre 1 (I), ils sont meilleurs devant le but que moi (C), je suis un

vrai defenseur moi (C), je fais pas un gros effort (A). Gautier redonne la balle a Bastien

(I), je suis juste derriere en soutien (I), il perd la balle de suite (R). (...) ».

(Sujet Gaetan, CAR 1)

Dans cette situation vecue, Gaetan identifie bien une configuration a deux contre un qui

evolue par des interactions entre les deux autres partenaires (ici, des passes). Cette dynamique

situationnelle associee a des connaissances « generales » sur soi (ici, le role habituellement

occupe : « je suis un vrai defenseur moi ») et ses partenaires (« ils sont meilleurs devant

le but que moi ») conduit Gaetan a considerer que la situation vecue ne le concerne pas

directement meme s’il participe en suivant l’action. Cette situation illustre bien le lien entre

les informations contextuelles, les connaissances generales et la decision adoptee.

Si parfois les connaissances (generales ou locales) du sujet semblent orienter la decision,

a d’autres occasions, c’est plutot le contexte qui devient prioritaire dans la co-definition du

sens de la situation :

Extrait : « (...) je pars tout de suite dans l’autre direction (A), je vois que le defenseur

colle Gautier (I), il laisse un grand espace derriere lui (I), je me dis tout de suite qu’il faut

aller la-bas (B), il n’y a personne (I), l’autre defenseur reste dans l’axe (I) (...) ».

Cyril Bossard 137

Page 138: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

(Sujet Gaetan, CAR 3)

Lorsqu’un schema est active, il peut egalement etre particularise par le sujet au regard

du contexte. Ces effets de contexte engendrent ou necessitent alors une adaptation on

line(reconstruction dynamique) des schemas (Johnson, 2006). Cette specification permet a

l’expert de prendre des decisions rapides et pertinentes face au caractere evolutif et dynamique

des situations rencontrees.

Extrait : « (...) je me mets dans la position de frapper (A), le defenseur me tacle (I), je

l’evite (A) je mets une pichenette par-dessus le gardien (S), j’ai vu que le gardien s’avance

vers moi (I) et se couche (I), je pique la balle (S) ca rentre (R)(...) ».

(Sujet Michel, CAVi 3)

Enfin, les schemas actives ne produisent pas toujours une « reponse immediate » au

contexte, sous forme d’une action manifeste. Ceux-ci peuvent aussi constituer une structure

d’attentes pour s’adapter a l’evolution de la situation, aux futures possibilites qui

devraient etre offertes. C’est le cas lors de la decision de se deplacer dans l’espace de jeu pour

le joueur sans ballon :

Extrait : « (...) je suis devant (I), je me dis que si c’est Jordan qui recupere la balle quel

appel je vais faire ? (B) si Jordan recupere la balle, je vais aller plus vers la gauche,

pour liberer l’espace pour Charles qui va passer dans mon dos, parce que le

defenseur va me suivre, si c’est Charles qui recupere c’est l’inverse (Co. Locales).

En fonction de l’endroit ou la balle est recuperee je pense a liberer l’espace pour

un partenaire (Co. Generales), je ne pense pas a avoir la balle (B). J’attends (A), c’est

Jordan qui recupere le ballon (I), je libere l’espace en allant vers la droite (A) (...) ».

(Sujet Kevin, CAJ 2)

Cet extrait de la situation vecue par Kevin montre bien que des connaissances generales,

specifiees localement, sous forme ici d’une alternative, constituent une structure d’attente

(but et sous-buts), pour agir en fonction du contexte. Les schemas constituent ainsi des

structures d’attentes qui peuvent s’activer en fonction de l’evolution de la situation et du

niveau d’incertitude ressenti.

Par exemple, une information explicitement formulee par le sujet (Bastien CA4) evoque

une regle selon laquelle « si il choisit le cote droit, je vais a gauche et l’inverse ». Ici,

le partenaire evoque va s’elancer sur la gauche. Pour le sujet (Bastien), les informations

formulees dans la situation vecue suivante montrent que cette attente a ete validee : « je vois

qu’il prend gauche, je fais un appel a droite ». A l’inverse, meme si certaines informations

formulees devoilent clairement les attentes du sujet : (Jordan CA5) « la franchement je pense

138 Cyril Bossard

Page 139: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion

qu’il peut me la mettre en retrait, j’attends la balle, un defenseur sur Charles, un defenseur

devant Kevin, moi je suis tout seul » ; celles-ci peuvent etre invalidees : « il choisit de frapper

au but direct ».

La lecture attentive des differentes situations vecues a permis d’identifier des redon-

dances, des similitudes entre elles. Meme si toutes les informations significatives ne font pas

explicitement reference a des attentes, on en deduit que la plupart des situations vecues sont

connues et repertoriees par les experts. A ces situations correspondent des evolutions atten-

dues. Ces evolutions sont decrites dans des schemas qui caracterisent la situation et orientent

l’action en consequence (Lipshitz et al., 2001).

4.4.1.3 Activation des schemas par les connaissances vs par le contexte

L’analyse qualitative des situations vecues par le sujet fait apparaıtre que la capacite

a donne du sens au contexte, en action, repose sur un ensemble d’informations significa-

tives pour le sujet. En fonction des situations evoquees, certaines informations semblent

prioritaires : les connaissances locales ou generales, les informations contextuelles, ou les at-

tentes sur l’evolution de la situation. Par hypothese, ces elements prioritaires sont associes

en memoire a d’autres informations au sein d’un schema. Le role prioritaire accorde a telle

ou telle information peut etre interprete comme la manifestation de deux sources d’instan-

ciation du schema : une activation par les connaissances ou une activation par le contexte.

La repartition des informations significatives en fonction des categories theoriques milite en

faveur d’une activation par le contexte. En effet, nos resultats montrent que les informations

contextuelles representent 34,9% de l’ensemble des unites significatives selectionnees alors que

les connaissances n’en representent que 10,2%. La repartition des autres unites significatives

est la suivante : buts (12,3%), actions (29,3%), specifications (1,3%) et attentes ou resultats

(11,9%).Ces resultats peuvent etre discutes au regard des modalites de decision definies par

le modele RPD (Klein, 1997), des conditions de la situation d’etude proposee aux sujets et

de notre methodologie.

Dans un premier temps, les resultats obtenus suggerent une predominance de la

premiere modalite du modele de la decision basee sur la reconnaissance (Klein, 1997). Plus

particulierement, comme nous l’avions evoque lors du chapitre 1, les decisions adoptees par les

experts sous fortes contraintes temporelles mobilisent principalement la premiere modalite.

La reconnaissance implicite de configurations spatio-temporelles dynamiques suffit a prendre

une decision en situation dynamique. Le coup d’œil de l’expert lui permet de s’orienter di-

rectement vers une action appropriee. Cette premiere modalite est « reactive » (Chalandon,

2003) dans le sens ou la correspondance entre des informations contextuelles et un schema

est particulierement implicite. Nos resultats montrent que pour chaque situation vecue, les

experts prennent uniquement une decision correspondant a une action ou une sequence d’ac-

tions. Comme l’explique Klein (1997), cette reconnaissance implicite de patterns significatifs

Cyril Bossard 139

Page 140: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

pour l’action est une solution optimale au probleme du couplage entre l’activite du sujet et

l’environnement dans les situations dynamiques. Cette evaluation « holistique du cours de

l’action » (Lipshitz et al., 2001) est aussi concordante avec les resultats d’etudes en situation

de travail (Klein et al., 1989) ou en sports collectifs (Johnson et Raab, 2003) quand les sujets

sont soumis a une forte pression temporelle.

L’activite decisionnelle des experts en situation dynamique semble egalement se baser

sur la seconde modalite du modele RPD (Klein, 1997). Nous observons ainsi une plus

grande verbalisation de connaissances et d’attentes dans les situations vecues ou la pression

temporelle ressentie est plus faible (ici, quand les joueurs ne possedent pas le ballon ou quand

ils sont passifs). Complementairement, et dans le prolongement de la discussion relative aux

conditions d’activation des schemas (par le contexte ou les connaissances), les situations ne

sont pas toutes vecues de la meme maniere par les sujets selon leur caractere routinier ou

atypique (Munduteguy et Darses, 2007). Les situations vecues de facon routiniere (ici, pour

des attaquants) rendent difficile la verbalisation de connaissances ou d’attentes. A l’inverse,

les situations vecues comme atypiques (peu claires, inconnues ou difficiles pour des defenseurs)

engagent un traitement descendant, favorisant la verbalisation d’un plus grand nombre de

connaissances et d’un plus faible nombre d’informations contextuelles.

Enfin, la troisieme modalite du modele RPD (Klein, 1997) n’apparait pas au regard

des resultats de notre protocole de recherche.

Nos resultats eclairent plus particulierement le role de la perception dans l’activite

decisionnelle d’experts en situation dynamique. Les informations contextuelles percues par

l’expert pour chaque situation vecue peuvent etre rapprochees de la notion d’affordance

(Gibson, 1979). Comme l’explique Morineau (2005) l’affordance est reliee au deroulement de

l’action. L’activite decisionnelle de l’individu en situation dynamique peut s’expliquer par

la simple relation fonctionnelle entre ses propres caracteristiques, son besoin adaptatif a un

moment donne et les proprietes de l’environnement immediat. Dans ce sens, les informations

contextuelles significatives pour le sujet en situation dynamique constituent des invariants qui

contraignent sa propre activite. Les informations contextuelles suggerent alors directement

une action ou des sequences d’actions a l’expert engage dans la situation dynamique. Dans

notre cas, la proximite d’un partenaire ou d’un adversaire contraint le champ des possibles

pour l’expert dans la decision a adopter. Le fort pourcentage cumule (64,2%) des categories

informations contextuelles et actions peut ainsi s’expliquer a l’aune du concept d’affordance.

Ces resultats peuvent aussi s’expliquer au regard des conditions de la situation

d’etude que nous avons proposee aux sujets. En effet, la situation d’etude choisie est une

situation qui impose de fortes contraintes temporelles au sujet. Cette pression temporelle in-

fluence le processus sollicite en reference aux resultats de travaux en situations experimentales

140 Cyril Bossard

Page 141: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion

(Zoudji et Thon, 2003; Poplu et al., 2003). La decision en situation dynamique s’explique

egalement par la mobilisation d’un traitement perceptif faisant intervenir prioritairement la

memoire procedurale.

Enfin, la methodologie utilisee ne permet pas d’apprecier la part de planification

dans la decision tactique en situation dynamique. En effet, les entretiens d’autoconfrontation

menes avec les sujets permettent de faire revivre la situation mais ne sont pas orientes vers

un questionnement en amont de l’action. D’autres etudes complementaires montrent qu’un

entretien semi-dirige avant l’action permet de renseigner la dimension planificatrice de la

decision tactique en sports collectifs (McPherson et Vickers, 2004; Mouchet et Bouthier,

2006). Ces etudes insistent d’ailleurs sur l’alternance des processus descendant et ascen-

dant qui permet le reajustement constant des schemas au cours de l’activite en situation

dynamique. Pour notre part, l’identification des schemas actives constitue une description

symbolique acceptable de la dynamique du couplage structurel du sujet avec la situation

(Varela, 1989). Parfois cette dynamique revele la predominance des connaissances sur les

informations contextuelles, mais le plus souvent, c’est l’inverse qui se produit.

Ces premiers resultats montrent que les donnees recueillies aupres des joueurs de

football experts en situation de contre-attaque supportent le modele RPD (Klein, 1997).

Les resultats obtenus sont en concordance avec les principales avancees de l’approche NDM.

Une situation vecue constitue bien la manifestation consciente d’un schema active. L’ensemble

des informations significatives encapsulees a cet instant constitue une forme d’organisation

contextualisee, un schema. Les joueurs reconnaissent la situation et operent une mise en

correspondance entre la configuration spatio-temporelle dynamique percue et les schemas dont

ils disposent (Klein et Calderwood, 1991). La decision tactique est directement adoptee sans

comparaison avec d’autres options possibles (Lipshitz et al., 2001). La reconnaissance d’une

situation type correspond a l’activation d’un veritable « package cognitif » (Ross et al., 2006)

represente pour nous, par le concept de schema. Les informations significatives recueillies

aupres des joueurs de football experts sont composees de donnees relatives a la situation en

cours (percues) et de donnees puisees dans les schemas actives (donnees attendues « types »)

par le joueur.

4.4.2 Des decisions tactiques contextualisees en sports collec-tifs ?

L’analyse des elements significatifs dans la situation vecue a conforte l’interet de

l’approche NDM, et de trois modeles complementaires (CS, RPD, Schemas) pour decrire

et expliquer la decision dans un contexte complexe et a evolution rapide, la contre-attaque

Cyril Bossard 141

Page 142: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

en football. Au regard de ce contexte singulier, quelles connaissances notre etude apporte a

l’analyse de la decision tactique en sports collectifs ? Dans la contre-attaque en football, quels

sont les elements significatifs pris en compte par des joueurs experts ?

L’analyse des differentes situations vecues montre que les sujets prennent des decisions

tactiques sur la base d’une articulation d’informations significatives. Nous avons identifie

la combinaison de ces informations significatives a un instant t de la situation d’etude

pour mettre a jour les schemas actives par chaque joueur. La question est maintenant de

savoir si l’on observe des regularites sur les informations significatives qui composent les

schemas actives par l’ensemble des sujets en situation de contre-attaque (Hypothese 3). Nous

supposions egalement que des regularites s’observent dans les enchaınements des schemas

typiques identifies, conduisant a reveler des « scenarii preferentiels ou typiques » en situation

de contre-attaque au football (Hypothese 4).

4.4.2.1 Une activite decisionnelle experte basee sur 16 schemas typiques

Au terme de notre analyse des donnees, les resultats de notre premiere etude montrent

que les decisions tactiques de joueurs experts au football en situation de contre-attaque

reposent sur la reconnaissance de situations a l’aide de 16 schemas typiques.

Les similitudes dans les informations significatives constituant l’enveloppe de la situation

vecue nous ont permis de les regrouper. Pour chaque groupe de situations vecues, nous avons

ensuite deceler les regularites dans les informations significatives. Nous avons ainsi mis a jour

la typicalite des informations pour des situations vecues de maniere similaire. Ce resultat

valide notre troisieme hypothese : une situation vecue de la meme maniere par differents

sujets releve d’un meme « schema typique ».

Ces regularites observees constituent bien des points communs entre les joueurs experts,

revelant ainsi la competence caracteristique de l’expertise de joueurs de football en contre-

attaque. Ces regularites concernent le couplage cognitif dynamique entre un joueur et une

situation. Les relations qui unissent le joueur a une situation apparaissent recurrentes

pour l’ensemble des joueurs experts. Les situations vecues par les joueurs presentent bien

des caracteristiques communes concernant principalement les buts poursuivis, les actions

et les informations contextuelles percues, et dans une moindre mesure les attentes et les

connaissances. Les experts, face a une situation vecue de la meme maniere, aboutissent a

une meme decision tactique, i.e. a l’activation d’un meme schema que nous qualifions de

« typique ». Ce n’est pas seulement une information qui est typique d’une situation mais

bien une articulation d’informations significatives combinant des variables perceptives et

cognitives.

Nous reperons tout de meme, des informations significatives qui sont singulieres a

l’activite d’un sujet. Cette singularite s’exprime par exemple dans les connaissances des

142 Cyril Bossard

Page 143: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion

joueurs. C’est le cas des connaissances sur les qualites et les defauts des autres joueurs

partenaires ou adversaires. L’extrait suivant illustre l’influence de la connaissance des qualites

de l’adversaire sur la decision tactique adoptee :

Extrait : « (...)je temporise un peu (A) le defenseur va trop vite pour moi (I), il revient

a ma hauteur (I), je vois bien que je peux pas l’effacer (I), techniquement il est meilleur

(C), je donne en retrait a Paul (A) il est seul (I), et il voit mieux le jeu que moi (C), il

frappe (R) (...) ».

(Sujet Thibault, CAVe 5)

C’est egalement le cas des connaissances qui renvoient aux conceptions ou aux gouts du

sujet pour le jeu :

Extrait : « (...)je vois le gardien qui sort vite des buts vers moi (I), il veut anticiper en

fait (C), je le fixe (A), il se couche au sol (I), moi je suis debout (I), je sais que Gaetan est

seul dans l’axe (C), je lui mets en retrait, tranquille (A), il y a plus de gardien (I), il est par

terre (I), j’aurai pu mettre une pichenette sur le gardien (S) mais bon, c’est plus joli si

Gaetan finit l’action (C), c’est plus collectif (C). (...) ».

(Sujet Gautier, CAR 3)

Des circonstances particulieres exprimees par des informations contextuelles significatives

peuvent egalement influencer la decision tactique en situation. Ces informations soudaines

necessitent ou provoquent une reconstruction dynamique du schema typique :

Extrait : « (...)il me fait une passe haute (I), je controle de la poitrine (A), je vois que

le defenseur arrive vite sur moi (I), donc au dernier moment je joue en retrait

sur l’autre attaquant (S), il arrive trop vite (I), je suis en angle ferme (I), je fais

la passe a Jordan (A) il a plus de chance de marquer que moi (I), Jordan il a oublie de

s’avancer (R)(...) ».

(Sujet Charles, CAJ 3)

Dans cet extrait d’une situation vecue, Charles active dans un premier temps le schema

typique n°16 « frapper au but » mais l’arrivee soudaine d’un adversaire le contraint a adapter

son activite, a activer un autre schema. D’autres extraits soulignent la flexibilite ou la

reconstruction permanente des schemas au cours de l’action. Mouchet et Bouthier (2006)

observent egalement ce caractere flexible de la decision chez les experts au rugby. Les joueurs

envisagent une possibilite englobante, ouverte, qui est ensuite specifiee au regard d’indices

significatifs qui s’imposent au sujet. L’auteur parle ainsi d’une « adaptation relative aux

circonstances ».

Cyril Bossard 143

Page 144: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

Nos resultats confortent l’idee selon laquelle, en sports collectifs, l’activite decisionnelle

des experts reposerait sur l’activation de structures cognitives types, des schemas, permettant

a la fois d’associer une situation et un choix typique (« en superiorite numerique, progresser

vite ») et de specifier ce choix en fonction d’elements perceptifs specifiques a chaque situation

(« passe ou dribble en fonction de la distance a la cible »).

Cet aspect nous paraıt important car les resultats sont en grande partie convergents avec

des travaux anterieurs effectues avec d’autres cadres scientifiques et d’autres methodologies

(Macquet, 2001; Mouchet et Bouthier, 2006). Les resultats de ces etudes contextualisees

permettent de decrire une activite decisionnelle complexe, singuliere et subjective. Macquet

(2001) montre ainsi que les joueurs ne peuvent pas tout comprendre, ils se satisfont d’une

comprehension suffisante pour decider et agir. L’activite decisionnelle fonctionne selon un

mode planifie avec des adaptations en ligne, c’est-a-dire en action. L’activite decisionnelle du

joueur et sa maıtrise des situations sont fonction de la pression temporelle et de l’incertitude

spatio-temporelle percues.

De plus, en reference au modele de la suffisance cognitive (Amalberti, 2001), ces resultats

montrent une possible alternance entre une decision deliberee, en reference a une rationalite

commune (plan de jeu ou culture commune) quand le temps le permet, et une decision

emergente ou on line (Johnson, 2006) sous pression temporelle. Dans une perspective

ergonomique, l’entraınement tactique ne peut alors se reduire a une repetition des 16 schemas

preetablis. S’entraıner a la specification est une necessite.

En relation avec la troisieme hypothese formulee, nous avons donc pu mettre en

evidence que l’expertise des joueurs entraine bien une forte homogeneite des schemas actives

en situation de contre-attaque. Cette recurrence et cette homogeneite des informations

significatives pour l’ensemble des sujets a permis d’identifier 16 « schemas typiques » actives

en situation de contre-attaque. Ces donnees caracterisent la dimension synchronique des

decisions tactiques d’experts en situation de contre-attaque au football. La question est

desormais de savoir si l’on peut caracteriser la dynamique d’engendrement de ces schemas

typiques (Hypothese 4).

Enfin, nous souhaitons egalement souligner l’originalite des connaissances produites sur

l’activite sportive et dans notre cas, sur les situations de contre-attaque au football. Cette

originalite tient surtout a la prise en compte du point de vue du sujet en situation et

non du point de vue de l’entraineur contrairement a la plupart des typologies d’actions

habituellement proposees (Mombaerts, 1999). La modelisation que nous proposons met ainsi

en relief l’activite decisionnelle effectivement deployee par le sujet. Ce point de vue a la

premiere personne permet, selon nous, de mieux rendre compte de l’aspect dynamique des

configurations par opposition aux protocoles qui proposent et evaluent la reconnaissance de

configurations « objectives » presentees sur un ecran.

A la suite de ces etudes, des propositions ont ete faites pour la formation des joueurs de

144 Cyril Bossard

Page 145: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion

football a l’aide de configurations de jeu presentees sur papier, sur diapositives ou sur video.

Ces configurations sont regulierement presentees a partir d’un point de vue aerien et plat,

elles sont selectionnees par le formateur (point de vue exterieur), et ne necessitent pas la mise

en action des joueurs. Ce type de formation peut paraıtre rapidement decontextualise pour

le joueur.

Aujourd’hui, les dispositifs de realite virtuelle permettent d’immerger un apprenant

dans un environnement dynamique tout en gardant le point de vue a la premiere personne.

Le joueur peut egalement agir sur la situation simulee et ainsi construire des competences

(dans notre cas decisionnelles) en actes (Rogalski, 2003). Cependant pour etre credibles, les

environnements virtuels doivent proposer des simulations ou les agents possedent une certaine

autonomie. Dans cette perspective, les connaissances produites dans notre etude, a partir du

point de vue intrinseque du joueur, peuvent servir a documenter le modele des agents virtuels

autonomes. Notre projet de recherche nourrit cette ambition, nous y reviendrons dans le

chapitre 6 (p 187).

4.4.2.2 Une activite decisionnelle encapsulee dans la dynamique situation-nelle

Les resultats obtenus a l’aide du logiciel de representation graphique Graphviz per-

mettent de restituer le deroulement de la contre-attaque telle qu’elle est vecue par les joueurs

de football. Les modelisations obtenues permettent une description diachronique de l’acti-

vite decisionnelle, c’est-a-dire une description des « enchaınements preferentiels de schemas

typiques » (scenarii typiques) pour des joueurs experts en situation de contre-attaque au

football.

Nous avions observe dans la partie resultats que les elements responsables de la bascule

d’un schema a l’autre au cours de l’action etaient issus du contexte. Ce constat valide

notre quatrieme hypothese. L’analyse des graphes permet de revenir sur l’enchaınement des

differentes situations vecues (et des schemas associes) par les experts. Les informations issues

du contexte expliquent l’enchaınement dynamique des schemas actives par les joueurs experts

au cours de la situation de contre-attaque, i.e. l’enchaınement dynamique des decisions

tactiques adoptees.

L’enchaınement des schemas apparaıt ainsi etre dependant de deux dimensions en

situation de contre-attaque. Dans une premiere dimension, ces schemas typiques semblent

ainsi distribues de facon implicite en fonction du role du joueur (porteur de ballon ou non

porteur) dans la situation. Dans une seconde dimension, les schemas typiques sont actives

et dependants d’une phase de jeu. La performance de l’equipe, a travers l’enchaınement

des decisions, semble ainsi pour partie dependante d’une construction, d’une articulation

particuliere de l’activite decisionnelle de chacun des membres de l’equipe en fonction de leur

role et de la dynamique situationnelle. L’analyse de l’articulation des activites individuelles

Cyril Bossard 145

Page 146: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

que nous presenterons dans un cinquieme chapitre devrait apporter des elements de reponse

complementaires a ces hypotheses.

Cependant, les schemas typiques, associes au sein de scenarii typiques, presentent la

dynamique situationnelle de facon simpliste. Pour rendre compte de la complexite de l’activite

decisionnelle, il faut admettre des superpositions, des enchevetrements dans la dynamique

situationnelle. Meme si les verbalisations rendent compte a un moment et pour un contexte

d’une situation vecue, il est probable que plusieurs schemas puissent etre actives en meme

temps. Il apparaıt egalement possible qu’un schema se superpose a un autre deja active. Les

circonstances locales peuvent constituer des contraintes momentanees dans la situation qui,

une fois dissipees, reengagent le joueur dans le schema precedemment ecarte.

4.4.3 Bilan provisoire

Finalement, l’approche NDM fournit un cadre d’analyse qui permet une description

symbolique acceptable de la dynamique du couplage structurel du joueur avec la situation

(Varela, 1989). L’interet de l’analyse de l’activite decisionnelle selon l’approche NDM est

surtout d’apporter des precisions sur :

• La nature des informations significatives pour prendre des decisions tactiques en si-

tuation de contre-attaque au football. Dans cette perspective, notons que l’entretien

d’autoconfrontation nous a permis d’obtenir une granularite fine dans la description

des informations significatives pour les joueurs experts au football.

• L’articulation de donnees d’arriere-plan ou schemas (buts, attentes, connaissances

generales et locales, actions, specifications) et d’informations contextuelles mobilisees

pour prendre des decisions tactiques rapides et pertinentes in situ.

• La reconnaissance de configurations spatio-temporelles dynamiques, par une activite

consciente combinant souvent plusieurs informations contextuelles percues.

• Les informations significatives qui constituent des regularites dans l’activite

decisionnelle de joueurs experts. Nous considerons que la finesse et la quantite des

informations regroupees au sein de schemas typiques constituent des manifestations

de l’expertise du joueur en situation de contre-attaque au football.

Nous avons pu ainsi eclairer en partie la dynamique du couplage entre l’acteur et la

situation, en documentant les categories theoriques definies par le modele RPD (Klein, 1997).

L’apport original de cette etude consiste a notre avis, dans le fait d’avoir pu documenter ces

donnees a propos de situations reelles de contre-attaque, et ceci en valorisant le point de vue

146 Cyril Bossard

Page 147: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion

de l’acteur principal qui est le joueur. Nous estimons eclairer en partie la complexite de la

decision tactique en football qui constitue un enjeu important dans la pratique de haut niveau.

Les resultats de notre analyse de l’activite decisionnelle individuelle montrent que la decision

tactique des experts en contre-attaque au football est fortement contextualisee. Les decisions

sont prises sous forte pression temporelle, ce qui impose au sujet de repondre rapidement

aux situations, tout en s’adaptant a la complexite des contextes. Plus particulierement, notre

etude montre l’importance des informations contextuelles significatives qui portent sur

les autres joueurs et notamment les partenaires. Ces premiers resultats laissent presager

que la decision tactique n’est pas une decision individuelle, isolee, mais bien une decision a

plusieurs, ou encore sous influence(s). Cette complexite necessite a present d’aborder la

problematique de l’articulation des activites individuelles.

Dans le chapitre 5, nous proposons une etude des articulations entre les activites

individuelles de partenaires, pour mettre a jour le jeu des influences entre joueurs d’une

meme equipe lors de situations dynamiques et collaboratives.

Cyril Bossard 147

Page 148: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 4 – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

148 Cyril Bossard

Page 149: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 5

Etude de l’activite collectiveFormes typiques de coordination, influences interindividuelles etinformations partagees dans des situations de contre-attaque en

football

Resume – Ce chapitre presente une seconde etude de l’activite decisionnelle en situation

dynamique et collaborative. Cette etude s’est attachee a analyser l’articulation entre les

activites individuelles et l’activite de l’equipe. Nous nous sommes interesses successivement

au jeu des influences entre partenaires, aux informations partagees, et a la relation entre

les buts de trois membres d’une meme equipe au cours de situations de contre-attaque.

Des donnees comportementales sont enregistrees aupres de 12 joueurs de football repartis

en quatre equipes et completees par des donnees verbales recueillies lors d’un entretien

d’autoconfrontation individuel. L’analyse de l’articulation des activites individuelles au sein

de l’equipe permet de caracteriser 5 formes typiques de coordination des activites. Notre etude

montre ainsi comment les membres de l’equipe se coordonnent et s’adaptent collectivement de

facon economique en situation de fortes contraintes temporelles. Les regularites observees au

sein d’une meme equipe ou a travers des equipes differentes peuvent etre associees au niveau

de partage des informations contextuelles. Le contenu de ce qui est partage prioritairement

au meme instant pour les membres de l’equipe explique egalement les differentes formes de

coordination.

Cyril Bossard 149

Page 150: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 5 – Etude de l’activite collective

Introduction

Le chapitre 4 constituait un prealable a l’analyse de la dimension collective de l’activite

decisionnelle en situation dynamique et collaborative. Les resultats ont mis en exergue

l’importance de l’activite d’autrui, exprime d’un point de vue individuel comme des elements

contextuels particulierement significatifs. Ces premiers resultats nous incitent a poursuivre

les investigations sur l’influence des partenaires dans l’activite decisionnelle pour eclairer un

peu plus la complexite de notre objet d’etude.

Dans ce cinquieme chapitre, nous presentons une seconde etude relative a l’analyse

de l’activite collective en situation dynamique et collaborative. Rappelons que lors du

chapitre 3, nous avons presente l’evolution des points de vue adoptes pour l’analyse de

l’activite collective en situation dynamique collaborative (Cf. Synthese 3.4, p 98). Malgre

des divergences theoriques et methodologiques, chacune de ces propositions considere comme

essentiel le processus de coordination des activites au sein d’une equipe. Le premier point de

vue (approche TNDM) apprehende la coordination des actions a partir de la description et

de l’analyse des activites des individus en situation collective (AC =∑

des AI). Le second

point de vue (THEDA ou l’approche des systemes dynamiques) vise a decrire et a expliquer

de maniere holistique les interactions entre les agents en considerant le collectif comme une

unite d’analyse (AC = AC). Enfin, le troisieme point de vue (l’approche situee) cherche a

rendre compte de l’articulation entre activite individuelle et activite collective en analysant

les influences entre les individus (AC = AC ↔ AI).

L’analyse de ces differentes approches theoriques et methodologiques, nous a conduits

a adopter le troisieme point de vue pour decrire l’articulation de l’activite des individus et

de l’equipe dans une situation dynamique et collaborative typique des sports collectifs : la

contre-attaque en football.

Objectifs

L’objectif principal de notre travail de recherche est de decrire et d’expliquer la coordi-

nation d’actions de plusieurs joueurs au sein d’une situation dynamique collaborative. Pour

cela nous avons choisi d’effectuer une analyse de l’articulation entre activite collective et acti-

vites individuelles pour des joueurs experts, en situation de contre-attaque au football. Cette

analyse doit deboucher sur :

1. l’identification des influences interindividuelles au sein de l’equipe,

2. la description des formes « typiques » de coordination des activites individuelles au

cours d’une contre-attaque,

150 Cyril Bossard

Page 151: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 5 – Etude de l’activite collective

3. la definition de conditions favorables a l’emergence de ces formes typiques de coordina-

tion en interrogeant « ce qui est partage » entre les joueurs (connaissances vs contexte).

Rappelons que dans notre demarche de recherche, l’analyse et la modelisation de la

dimension collective des decisions tactiques de l’expert constitue une etape supplementaire

(et complementaire de l’analyse individuelle) dans la perspective du developpement d’un

outil, d’un environnement virtuel simulant des situations de jeu au football.

Problematique et hypotheses

Si la dimension collective de l’activite decisionnelle a deja ete abordee au travers de

l’etude des coordinations d’actions entre les membres d’une equipe, peu d’etudes

se sont attachees a decrire et a expliquer comment les joueurs collaborent et parviennent

effectivement a articuler leurs activites en situation dynamique et collaborative. De plus,

la problematique de l’activite collective est une question de recherche d’actualite. Les debats

semblent aujourd’hui se cristalliser autour d’une question relative a la notion de partage.

L’enchaınement des actions au sein d’une equipe s’explique, dans la litterature, soit en

reference a des elements cognitifs communs chez les differents joueurs engages dans une

meme action (notion de buts ou connaissances partagees), soit en reference a des elements

contextuels significatifs pour ces joueurs (notion de contexte partage).

Du point de vue de l’analyse collective, nous chercherons donc a identifier des

formes typiques de coordination, des regularites qui apparaıtraient dans le jeu

des influences entre partenaires. Pour expliquer ces formes typiques de coordination,

nous chercherons aussi a repondre a la question, centrale dans la litterature, relative a ce

qui est partage entre les membres d’une equipe. Nous souhaitons identifier les elements

partages en cours d’action par les joueurs d’une meme equipe qu’ils soient de l’ordre des

connaissances ou des informations contextuelles. Dans cette perspective nous avons formule

plusieurs hypotheses que nous rappelons ici.

Les formes typiques de coordination des activites individuelles apparaissent a partir de la

description du jeu des influences entre partenaires, des informations partagees et des relations

entre les buts des differents membres de l’equipe. Pour etablir le jeu des influences a chaque

instant du cours d’action, nous supposons que les influences entre deux partenaires seront

mutuelles ou unidirectionnelles (Bourbousson et al., 2008). Nous supposons egalement que

chaque forme de coordination se caracterise par des informations partagees typiques et des

relations types entre les buts de chacun des membres.

Dans le cadre particulier des situations de contre-attaque au football, si les formes

typiques de coordinations reposent sur un partage d’informations entre joueurs d’une meme

equipe, nous pouvons formuler deux autres hypotheses complementaires.

Cyril Bossard 151

Page 152: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 5 – Etude de l’activite collective

D’une part, la description du contenu precis des informations partagees entre les

membres de l’equipe permettra d’expliquer les conditions d’emergence des formes typiques

de coordination. Nous contribuerons ainsi a combler le manque de donnees sur le contenu

precis de ce qui est partage entre les membres d’un collectif pointe dans des travaux recents

(Salembier et Zouinar, 2006; Bourbousson et al., 2008). Nous supposons plus particulierement

que le type d’informations partagees en situation de contre-attaque concerne les adversaires.

D’autre part, nous supposons que les formes typiques de coordination se differencient en

fonction du niveau de partage des informations entre partenaires. D’autres travaux ont en

effet mis en doute un partage total des informations entre partenaires (Munduteguy et Darses,

2007). Cette hypothese se justifie egalement par la singularite des activites individuelles

(Chapitre 4). Nous postulons dans ce cadre que l’efficacite d’une coordination typique en

situation de contre-attaque au football s’explique par un niveau eleve d’informations partages.

La partie suivante presente la methode mobilisee pour l’etude de l’activite collective

en situation dynamique collaborative. Comme pour l’analyse de l’activite individuelle, nous

illustrerons la presentation de la methode par des exemples concrets de donnees et de resultats.

5.1 Methode

L’etude de l’activite decisionnelle individuelle constituait un prealable a l’analyse de

l’articulation entre activites individuelles et activite collective. La methode reprend ici les

principales etapes decrites et mises en œuvre lors de l’etude de l’activite decisionnelle

individuelle. La presentation des participants, le contexte d’etude, et le recueil des donnees

sont identiques a ceux effectues pour l’etude de l’activite decisionnelle individuelle (voir 4.1,

p 110).

L’analyse des donnees reprend egalement pour partie les etapes de l’analyse presentee

lors du chapitre precedent : a) la retranscription des donnees, b) la selection et l’identification

des unites significatives, c) le decoupage du deroulement de l’activite en situations vecues.

Puis, nous preparons les donnees pour l’analyse individuelle-collective en constituant un

protocole en vis-a-vis en deux volets : le contexte objectif (comportements) et les situations

vecues par les membres de l’equipe (Joueur 1, Joueur 2, Joueur 3).

La suite de l’analyse respecte 4 etapes1 :

1. Le codage des donnees (influences interindividuelles, informations significatives, buts),

2. L’identification de formes locales de coordination entre joueurs d’une meme equipe,

3. L’identification des formes typiques de coordination pour l’ensemble des participants,

1 L’integralite de l’analyse des donnees de l’activite collective est disponible a l’adresse internet suivante :http ://www.enib.fr/∼bossard/

152 Cyril Bossard

Page 153: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Methode

4. La validite de l’analyse.

5.1.1 Preparation d’un protocole en vis-a-vis

Pour chaque equipe, des protocoles a deux volets ont ete realises en respectant le decours

temporel de la situation d’etude (Cf. Tableau 5.1, p 154). Les situations vecues par chacun des

membres de l’equipe sont ainsi articulees et synchronisees selon la chronologie de la situation

d’etude dans un tableau a 5 colonnes.

Dans un premier volet, nous numerotons la situation etudiee (les contre-attaques) afin

de faciliter l’analyse pour le chercheur. Par exemple, la premiere contre-attaque de l’equipe

violette est referencee CAVi 1. Dans ce premier volet, nous integrons egalement le contexte

objectif decrit par le chercheur au travers des changements de roles du joueur et d’une

description des evenements. Une description comportementale de chaque joueur en evitant

toute interpretation est disponible. Dans le second volet nous reprenons les situations vecues

successivement par les 3 joueurs d’une meme equipe que nous disposons en trois colonnes

correspondant aux trois activites individuelles. Ces differentes situations vecues sont ensuite

synchronisees sur la base du deroulement temporel de la contre-attaque, du contexte objectif

et des indications donnees par les verbalisations de chacun des joueurs. Cette synchronisation

permet d’agencer les situations vecues par l’un et par l’autre de facon a restituer la dynamique

de la contre-attaque telle quelle s’est deroulee selon le point de vue des trois joueurs consideres.

5.1.2 Le codage des donnees

A partir de la constitution du protocole de mise en vis-a-vis, l’analyse du contenu des

verbalisations des trois joueurs se poursuit a travers le codage des donnees. Ce dernier repose

sur une analyse fine de l’articulation des activites des membres de l’equipe et permet de

definir, pas a pas, les differentes formes locales de coordination des activites individuelles.

Nous utilisons un triple codage qui repose sur l’identification des influences entre

les membres de l’equipe, sur les informations partagees par les membres, et enfin, sur les

relations entre les buts poursuivis par chacun d’eux. Chaque type de codage suit une

procedure particuliere que nous allons a present detailler.

5.1.2.1 Le codage des influences

Dans un premier temps, nous realisons une lecture attentive des tableaux, et nous

reperons de facon systematique les verbalisations d’un sujet qui font reference a un partenaire

(element qui est significatif de son point de vue). Nous representons cette influence par une

Cyril Bossard 153

Page 154: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapit

re

5–

Etude

de

l’activ

ite

collectiv

e

Volet 1Volet 2

Situations vecues

Situationd’etude

Contexte objectifComportements

observes

Joueur 1Michel

Joueur 2Benoıt

Joueur 3Flavien

3eme passageTripletteviolette

Michel et Benoıt aupressing, Flavien enappui, regarde le jeu

On presse sur les deux joueursadverses (A), il y a une

confusion entre eux (I) et ilsperdent la balle (R)

Les autres jouent (I), j’attends(A), je m’occupe du gars quime marque (B) il faut que

j’ecarte sur un cote (C), je saisdeja que je dois m’ecarter sur

un des deux cotes (C) jeregarde le jeu (A), ils

(adversaires) perdent le ballon(R)

Michel recupere leballon, leve la tete,avance dans l’axe.

Benoıt accelere versla gauche, Flavien sedeplace vers la droite

Je recupere la balle (A), je levela tete (A), je regarde

directement ou sont mes 2partenaires (A), je conduis laballe (A), je la donne a benoıt(A), il a libere de l’espace enembarquant le defenseur aveclui (I), je lui mets la balle en

profondeur (A)

Michel va la chercher tout desuite (I), je le regarde faire (A)

et directement je cours versl’avant et vers la gauche (A),

lui il va vers la droite (I), je medecale au maximum a gauchetout en restant pres du but

(A), pour recevoir la balle, etpour qu’il me voit aussi (B), ilme voit justement (I) et il opte

pour une passe dans laprofondeur (I) pour que

l’action aille quand meme vite(I)

J’ecarte directement sur le cote(A), pour laisser de la place aBenoıt (B) ca lui laisse de laplace pour aller au but (R)

Je regarde le placement dudefenseur (A), il est entre

Flavien qui est en appui et moi(I), pour ne pas etre hors jeusur l’appel, je me decale sur lagauche (A) pour que Michel mevoie, et que je recoive la balledans de bonnes conditions (B).Je recois la balle (R), elle est

un peu fuyante (R)

Benoıt recoit le ballon (I) je lerejoins dans l’axe (A), je

demande la balle en retrait(A), il la met a Michel (R)

Tableau 5.1 – Illustration du protocole en vis-a-vis : articulation et synchronisation des situations vecues par les membres d’une equipe

154

Cyril

Bossard

Page 155: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Methode

fleche bleue de l’element significatif (exemple : action d’un partenaire) vers le joueur qui

evoque cet element (influence). La fleche designe (code) le processus d’influence subi par un

joueur. L’influence peut aller de A vers B mais aussi reciproquement de B vers A (codage

fleche ou double fleche).

Ainsi, l’interaction entre deux joueurs peut etre caracterisee par une absence d’influence,

une influence mutuelle, ou une influence unidirectionnelle. Ces distinctions quant au codage

des influences interindividuelles se retrouvent chez Bourbousson et al. (2008). La figure 5.1

illustre ces trois types d’influences.

Figure 5.1 – Representation des trois types d’influences interindividuelles

5.1.2.2 Le codage des informations significatives

Le codage des informations significatives est effectue en reference aux travaux de Mun-

duteguy et Darses (2007). En situation d’interaction, 3 categories permettent de distinguer

les informations formulees par les differents acteurs impliques : les informations specifiques a

un sujet, les informations partiellement partagees (evoquees par une partie des sujets) et les

informations communes (evoquees par l’ensemble des sujets).

Pour coder les unites significatives qui sont communes aux trois joueurs, nous

appliquons une police de caractere en gras. Pour les unites significatives partiellement

partagees (entre deux joueurs), nous appliquons une police de caractere en italique. Les unites

significatives specifiques a l’activite d’un joueur sont laissees dans la police de caractere initiale

dans le tableau (Cf. 5.2, p 156).

5.1.2.3 Le codage des buts

Nous souhaitons identifier les relations entre les buts individuels des differents

membres d’une meme equipe. Cependant, les buts ne sont pas toujours declares par les

joueurs au cours des entretiens d’autoconfrontation. Pour identifier de maniere empirique les

relations entre les buts des joueurs, nous prenons principalement appui sur le codage effectue

lors de l’analyse de l’activite individuelle. Bien que l’identification des relations entre les buts

individuels soit basee sur une demarche de categorisation empirique, nous explicitons ici la

procedure utilisee. Dans un premier temps, nous avons reporte les buts tels qu’ils ont ete

formules par le sujet (unites significatives codees (B)). Ensuite, nous avons infere le but

recherche localementpar le(s) joueur(s) a partir des verbalisations, des comportements

Cyril Bossard 155

Page 156: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapit

re

5–

Etude

de

l’activ

ite

collectiv

e

Volet 1Volet 2

Situations vecues

Situationd’etude

Contexte objectifComportements

observes

Joueur 1Michel

Joueur 2Benoıt

Joueur 3Flavien

3eme passageTripletteviolette

Michel et Benoıt aupressing, Flavien enappui, regarde le jeu

On presse sur les deux joueursadverses (A), il y a une

confusion entre eux (I) et ilsperdent la balle (R)

Les autres jouent (I), j’attends(A), je m’occupe du gars quime marque (B) il faut que

j’ecarte sur un cote (C), je saisdeja que je dois m’ecarter sur

un des deux cotes (C) jeregarde le jeu (A), ils

(adversaires) perdent le ballon(R)

Michel recupere leballon, leve la tete,avance dans l’axe.

Benoıt accelere versla gauche, Flavien sedeplace vers la droite

Je recupere la balle (A), je levela tete (A) je regarde

directement ou sont mes 2partenaires (A), je conduis la

balle (A), je la donne aBenoıt (A), il a libere del’espace en embarquant le

defenseur avec lui (I), je luimets la balle en profondeur

(A)

Michel va la chercher tout desuite (I), je le regarde faire (A)

et directement je cours versl’avant et vers la gauche (A),

lui il va vers la droite (I), je medecale au maximum a gauchetout en restant pres du but

(A), pour recevoir la balle, etpour qu’il me voit aussi (B), il

me voit justement (I) et ilopte pour une passe dansla profondeur (I) pour quel’action aille quand meme vite

(I)

J’ecarte directement sur le cote(A), pour laisser de la place aBenoıt (B) ca lui laisse de laplace pour aller au but (R)

Je regarde le placement dudefenseur (A), il est entre

Flavien qui est en appui et moi(I), pour ne pas etre hors jeusur l’appel, je me decale sur lagauche (A) pour que Michel mevoie, et que je recoive la balledans de bonnes conditions (B).Je recois la balle (R), elle

est un peu fuyante (R)

Benoıt recoit le ballon (I),je le rejoins dans l’axe (A), jedemande la balle en retrait(A), il la met a Michel (R)

Tableau 5.2 – Illustration du codage des informations significatives (specifiques, communes ou partagees)

156

Cyril

Bossard

Page 157: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Methode

et du contexte. Enfin, dans un troisieme temps, les buts « typiques », a un moment

donne du cours d’action, sont reportes pour les trois joueurs a l’aide des resultats obtenus

lors de l’analyse individuelle (i.e. les schemas typiques des joueurs ; Chapitre 4, p 129).

Cette preparation des donnees concernant les buts des joueurs devrait permettre de faciliter

l’identification des relations entre les buts individuels.

5.1.3 La description quantitative

A la suite du codage des donnees, afin d’obtenir des donnees descriptives quantitatives,

nous avons comptabilise, pour l’ensemble des contre-attaques, le nombre d’influences unidi-

rectionnelles, d’influences mutuelles et d’absence d’influence entre deux joueurs.

Nous comptabilisons egalement le nombre d’informations significatives partagees

ou non par les membres de l’equipe en reference a nos categories theoriques (communes,

partiellement partagees, specifiques). Nous comptabilisons ainsi les informations qui sont

communes aux trois joueurs, celles qui sont partagees par deux joueurs et enfin celles qui

sont specifiques a l’activite d’un joueur pour l’ensemble des contre-attaques d’une meme

equipe.

5.1.4 L’identification des formes locales de coordination

La troisieme etape d’analyse des donnees consiste a identifier les formes locales de

coordination entre les membres de l’equipe a partir du jeu des influences, des informations

partagees et de l’articulation des buts individuels.

5.1.4.1 Le jeu des influences

Cette etape consiste a identifier le jeu des influences entre tous les joueurs

de l’equipe a chaque instant de la contre-attaque (Goffman, 1974). Le jeu des influences

correspond alors au regroupement de l’ensemble des influences dyadiques (entre deux joueurs)

a un moment donne de la situation de contre-attaque.

Cette etape permet de caracteriser les types d’influences qui unissent tous les joueurs a

chaque instant de la sequence de contre-attaque etudiee. En outre, elle permet de restituer

pas a pas et localement la dynamique d’articulation des situations vecues successivement par

les trois joueurs au cours d’une contre-attaque au football.

Nous obtenons une succession de « modelisations locales » ajoutee dans un troisieme volet

du tableau proposant une presentation en vis-a-vis de l’activite des 3 joueurs (Cf. Tableau

5.3, p 158).

Cyril Bossard 157

Page 158: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapit

re

5–

Etude

de

l’activ

ite

collectiv

e

Volet 1Volet 2

Situations vecues

Volet 3Modelisation

locale

Situationd’etude

Contexte objectifComportements

observes

Joueur 1Michel

Joueur 2Benoıt

Joueur 3Flavien

Jeu desinfluences

3emepassageTripletteviolette

Michel et Benoıtau pressing,

Flavien en appui,regarde le jeu

on presse sur les deuxjoueurs adverses (A), il y aune confusion entre eux (I)et ils perdent la balle (R)

les autres jouent (I),j’attends (A), je m’occupedu gars qui me marque (B)il faut que j’ecarte sur un

cote (C), je sais deja que jedois m’ecarter sur un des

deux cotes (C) je regarde lejeu (A), ils (adversaires)

perdent le ballon (R)

Michel recuperele ballon, leve latete, avance dans

l’axe. Benoıtaccelere vers lagauche, Flavien

se deplace vers ladroite

Je recupere la balle (A), jeleve la tete (A) je regardedirectement ou sont mes 2partenaires (A), je conduisla balle (A) je la donne abenoıt (A) il a libere de

l’espace en embarquant ledefenseur avec lui (I), je luimets la balle en profondeur

(A)

Michel va la chercher toutde suite (I), je le regarde

faire (A) et directement jecours vers l’avant et vers lagauche (A), lui il va vers ladroite (I), je me decale aumaximum a gauche tout en

restant pres du but (A),pour recevoir la balle, etpour qu’il me voit aussi

(B), il me voit justement (I)et il opte pour une passe

dans la profondeur (I) pourque l’action aille quand

meme vite (I)

j’ecarte directement sur lecote (A), pour laisser de laplace a Benoıt (B) ca lui

laisse de la place pour allerau but (R)

je regarde le placement dudefenseur (A), il est entreFlavien qui est en appui etmoi (I), pour ne pas etrehors jeu sur l’appel, je medecale sur la gauche (A)

pour que Michel me voie, etque je recoive la balle dansde bonnes conditions (B).Je recois la balle (R) elleest un peu fuyante (R)

Benoıt recoit le ballon (I),je le rejoins dans l’axe (A),

je demande la balle enretrait (A), il la met a

Michel (R)

Tableau 5.3 – Illustration des modelisations locales du jeu des influences

158

Cyril

Bossard

Page 159: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Methode

Cette etape nous permet bien de caracteriser la facon dont s’articule, a un meme instant,

l’activite des 3 joueurs de l’equipe.

5.1.4.2 Les informations partagees

Pour expliquer, etudier les conditions d’emergence de ces formes locales de coordinations

entre les joueurs, nous identifions quelles sont les informations partagees par les

membres de l’equipe.

Nous disposons d’un codage des informations significatives partagees a deux (italique)

ou trois (gras) joueurs. Nous rapportons ces indications dans une quatrieme volet ajoute au

tableau de mise en vis-a-vis (Cf. Tableau 5.4, p 160). Ainsi, les informations significatives

partiellement partagees par deux joueurs ou communes aux trois joueurs sont disposees en

vis-a-vis de la modelisation locale du jeu des influences correspondante.

5.1.4.3 L’articulation des buts individuels

Afin de poursuivre l’analyse des conditions d’emergence des formes locales de coordina-

tions entre les joueurs, nous avons egalement cherche a caracteriser la relation entre leurs

buts respectifs.

Nous disposons de donnees relatives aux buts des joueurs provenant de l’analyse de

l’activite individuelle. Nous utilisons a nouveau une analyse de contenu empirique ou les

relations entre les buts apparaissent progressivement, au cours de l’analyse.

Au terme de cette etape d’identification de l’articulation des buts entre les membres

d’une meme equipe, nous reportons le type de relation entre les buts individuels dans un

cinquieme et dernier volet du tableau avec les modelisations locales du jeu des influences et

les informations partagees correspondantes (Cf. Tableau 5.5, p 161).

A l’issue de cette troisieme etape de l’analyse des donnees, nous disposons d’un tableau

qui regroupe a chaque moment de la contre-attaque, une modelisation locale du jeu des

influences, des informations partagees entre les membres de l’equipe et des types de relation

entre les buts des joueurs. Des donnees chiffrees permettent egalement de caracteriser le

niveau de partage des informations entre joueurs pour chaque forme locale d’articulation.

L’ensemble de ces indications permet de caracteriser les formes locales de coordinations

des activites des membres d’une equipe, a chaque instant de la contre-attaque consideree.

L’etape suivante consiste a regrouper ces coordinations locales afin de mettre a jour des

formes « typiques » de coordination pour l’ensemble des participants a l’etude, consideres

comme des experts en football.

Cyril Bossard 159

Page 160: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapit

re

5–

Etude

de

l’activ

ite

collectiv

e

Volet 1Volet 2

Situations vecues

Volet 3Modelisation

locale

Volet 4Modelisation locale

Contexte objectifComportements

observes

Joueur 1Michel

Joueur 2Benoıt

Joueur 3Flavien

Jeu desinfluences

Informations partagees

Michel et Benoıtau pressing,

Flavien en appui,regarde le jeu

On presse sur les deuxjoueurs adverses (A), il y aune confusion entre eux (I)et ils perdent la balle (R)

Les autres jouent (I),j’attends (A), je m’occupedu gars qui me marque (B)il faut que j’ecarte sur un

cote (C), je sais deja que jedois m’ecarter sur un desdeux cotes (C), je regardele jeu (A), ils (adversaires)

perdent le ballon (R)

• Specifiques (8)• Partagees a 2 (0)• Communes (0)

Michel recuperele ballon, leve latete, avance dans

l’axe. Benoıtaccelere vers lagauche, Flavien

se deplace vers ladroite

Je recupere la balle (A), jeleve la tete (A), je regardedirectement ou sont mes 2partenaires (A), je conduisla balle (A), je la donne abenoıt (A) il a libere del’espace en embarquant le

defenseur avec lui (I), je luimets la balle en profondeur

(A)

Michel va la chercher toutde suite (I), je le regardefaire (A) et directement jecours vers l’avant et vers lagauche (A), lui il va vers ladroite (I), je me decale aumaximum a gauche tout en

restant pres du but (A),pour recevoir la balle, etpour qu’il me voit aussi

(B), il me voit justement (I)et il opte pour une passedans la profondeur (I)

pour que l’action aillequand meme vite (I)

J’ecarte directement sur lecote (A), pour laisser de laplace a Benoıt (B) ca lui

laisse de la place pour allerau but (R)

• Specifiques (18)• Partagees a 2 (3) : Entre

Benoıt et Flavien : « lesadversaires perdent laballe » ; Entre Benoıtet Michel : « Michelrecupere la balle » et « ilsse voient tous les deux »

• Communes (1) : Mi-chel passe a Benoıt

Je regarde le placement dudefenseur (A), il est entreFlavien qui est en appui etmoi (I), pour ne pas etrehors jeu sur l’appel, je medecale sur la gauche (A)

pour que Michel me voie, etque je recoive la balle dansde bonnes conditions (B).Je recois la balle (R), elleest un peu fuyante (R)

Benoıt recoit le ballon(I), je le rejoins dans l’axe(A), je demande la balle en

retrait (A), il la met aMichel (R)

Tableau 5.4 – Illustration des informations partagees

160

Cyril

Bossard

Page 161: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Methode

Volet 1Volet 2

Situations vecues

Volet 3Jeu des

influences

Volet 4Informations partagees

Volet 5Buts

Contexte objectifComportements

observes

Joueur 1Michel

Joueur 2Benoıt

Joueur 3Flavien

Modelisationlocale

Categorisation desinformations partagees

Relations entreles buts

individuels

Michel et Benoıtau pressing,

Flavien en appui,regarde le jeu

On presse sur (...) ilsperdent la balle (R)

Les autres jouent (I),j’attends (A), je

m’occupe du garsqui me marque

(B) (...) ils perdentle ballon (R)

• Specifiques (8)• Partagees a 2 (0)• Communes (0)

Convergents etpartages a 2(Michel etBenoıt)

Michel recuperele ballon, leve latete, avance dans

l’axe. Benoıtaccelere vers lagauche, Flavien

se deplace vers ladroite

Je recupere la balle(A),(...) je lui mets

la balle enprofondeur (A)

Michel va la cherchertout de suite (I), (...)

je me decale aumaximum a gauchetout en restant presdu but (A), pourrecevoir la balle,et pour qu’il mevoit aussi (B) (...)

J’ecarte directementsur le cote (A), pourlaisser de la placea Benoıt (B) ca lui

laisse de la placepour aller au but (R)

• Specifiques (18)• Partagees a 2 (3) :

Entre B et F : « lesadversaires perdent laballe » ; Entre B etM : « Michel recuperela balle » et « ils sevoient tous les deux »

• Commune (1) : Mi-chel passe a Benoıt

Convergents etspecifiques

Je regarde (...), jeme decale sur lagauche (A) pourque Michel mevoie, et que jerecoive la balledans de bonnes

conditions (B) (...)elle est un peufuyante (R)

Benoıt recoit leballon (I), je le

rejoins dans l’axe(A), je demande laballe en retrait (A),il la met a Michel

(R)

Tableau 5.5 – Illustration des relations entre les buts individuels

Cyril

Bossard

161

Page 162: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 5 – Etude de l’activite collective

5.1.5 Le regroupement des formes locales de coordination et

l’identification a posteriori des formes « typiques » decoordination

Cette quatrieme etape de l’analyse des donnees consiste a regrouper de maniere empirique

les differentes formes locales de coordination. Les principes d’une categorisation empirique

ont ete explicites dans le chapitre precedent (Cf. Chapitre 4, Le regroupement des situations

vecues, p 235). Nous reprenons ici, brievement les principales caracteristiques pour mieux

preciser notre demarche.

A partir des principes de la « theorie ancree » (Strauss et Corbin, 1998), nous procedons

a des regroupements par associations d’unites d’analyse (ici les differentes formes locales

de coordination). Par approximations successives a partir des similitudes, nous procedons

au regroupement des differentes formes locales de coordination pour l’ensemble des equipes.

L’objectif est de rendre compte de la recurrence de certaines formes d’articulation des activites

individuelles. Comme pour l’identification de schemas typiques, l’essentiel reste que la forme

typique de coordination collective obtenue soit nommee apres le regroupement. Le titre

conceptuel n’est defini qu’en fin d’analyse (Bardin, 1998). Il s’agit bien de « faire emerger la

theorie a partir des donnees » (Dumas, 2000).

Dans notre etude, les criteres successifs qui ont oriente le processus de categorisation

sont restitues a posteriori. Dans un ordre prioritaire, ces criteres etaient les suivant : 1) la

modelisation du jeu des influences, 2) les informations partagees, 3) les relations entre les

buts individuels.

5.1.6 Validite de l’analyse

La validite de l’analyse des donnees proposee repose sur une procedure de « triangula-

tion » entre trois chercheurs (l’auteur, Kermarrec, G. et Cormier, J.). Le regroupement des

formes locales de coordination et l’identification des formes typiques sont proposes par le

premier chercheur, les deux autres effectuent individuellement une relecture attentive. En cas

de desaccord, les trois chercheurs tentent de construire une proposition commune.

5.2 Resultats

Pour cette etude, nous avons pris en compte les 5 situations de contre-attaque de chacune

des 4 equipes. A partir des 12 entretiens d’auto-confrontation menes avec chacun des sujets,

nous obtenons des comportements et des verbalisations sur 20 contre-attaques realisees dans

une situation d’etude privilegiee en football.

162 Cyril Bossard

Page 163: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resultats

L’analyse qualitative des donnees individuelles avait permis de selectionner 1 286 unites

significatives (US). Nous avons reporte l’ensemble de ces donnees par equipe dans les tableaux

a deux volets. La repartition des US par equipe est la suivante : rouges (414 US), verts (260

US), violets (314 US), et jaunes (298 US).

Nos resultats sont presentes en respectant les cinq temps de la methode d’analyse des

donnees precedemment decrite :

1. les influences interindividuelles,

2. les informations partagees (niveau de partage et contenu des informations partagees),

3. la relation entre les buts,

4. les formes locales de coordination,

5. les formes typiques de coordination.

5.2.1 Les influences interindividuelles

L’analyse des donnees permet de caracteriser, d’identifier 216 situations d’influence entre

deux joueurs au fur et a mesure des contre-attaques pour l’ensemble des 4 equipes. Les

resultats pointent un faible nombre d’occurrences des situations ou on identifie une absence

d’influence entre deux joueurs (41), ce qui represente 18,9% de l’ensemble des influences entre

deux joueurs. L’influence unidirectionnelle d’un joueur sur un autre represente la plus grande

part des influences entre deux joueurs (46,7%). Enfin, les influences mutuelles representent

34,2% des influences interindividuelles.

L’analyse des donnees (les influences entre deux joueurs) permet ensuite de caracteriser

le jeu des influences entre les 3 membres de l’equipe a differents instants de la contre-attaque.

Le jeu des influences pour une equipe correspond alors au regroupement de l’ensemble des

influences dyadiques a un moment donne de la situation de contre-attaque. L’analyse quali-

tative transversale des contenus repartis au sein des deux volets pour les 20 contre-attaques

selectionnees permet d’identifier 72 formes « locales » d’influence au sein des equipes

de 3 joueurs. Au sein de ces formes locales, nous pouvons souligner le role important

du joueur porteur de balle (PB) dans le jeu des influences entre les membres de l’equipe.

L’extrait suivant (CAR 2) illustre l’identification de 3 formes locales, trois jeux d’influences

lors d’une meme sequence de contre-attaque.

- Premiere situation -

[Gautier] : « (...) on est tres proche tous les deux (I), il avance un peu (I), je reste a

cote (A), il me la donne (R) (...) ».

[Bastien] : « (...) direct a la recup je la mets a gauche a Gauthier (A), je vois qu’il m’a

suivi (I), on est proche tous les deux (I), je lui donne (A) (...) »

Cyril Bossard 163

Page 164: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 5 – Etude de l’activite collective

[Gaetan] : « (...) Bastien donne a Gautier (I) (...) »

Ici, on observe bien une influence mutuelle entre Gautier et Bastien correspondant a

une coordination d’actions (passe) entre les 2 joueurs. Leurs activites respectives ne sont pas

influencees par le troisieme membre de l’equipe, ils ne le prennent pas en compte. Gaetan

reste cependant sous l’influence de chacun d’eux (Figure 5.2).

Figure 5.2 – Modelisation locale des influences (Equipe rouge) -Situation 1.

- Deuxieme situation -

[Gautier] : « (...)les 2 defenseurs viennent sur nous (I), Bastien il fait le tour des 2

(I), je l’ai vu partir (I), je vois le trou entre les 2 (I), je lui donne la balle (A), il fait l’appel

(I), je sais qu’il veut la balle entre les 2 (C) (...) »

[Bastien] : « (...) les deux defenseurs sont juste devant nous (I), il avance un peu (I), je

me decale a droite (A), le defenseur met la pression sur Gauthier et le deuxieme est juste a

cote (I), je decide de passer derriere les deux defenseurs (A) pour lui proposer une solution

dans l’intervalle des deux (B), je fais un appel (A), il me voit passer entre les deux devant

lui (C), il me donne la balle (R) (...) »

[Gaetan] : « (...) je recule encore plus vers la gauche (A) pour ecarter le jeu (B), je suis

seul (I), les deux autres font pas attention a moi (I), ils jouent ensemble sans se preoccuper

de moi (I), je suis l’action de loin (A), je suis pas si loin mais pas dans le truc (I), je pense

juste a etre en soutien si il y a besoin (B) (...) »

Dans la continuite de la situation precedente, Gautier et Bastien s’influencent mutuelle-

ment pour franchir l’obstacle que representent les deux defenseurs. Leur activite collaborative

est entierement tournee vers ce but local. Gaetan n’intervient toujours pas dans cette acti-

vite, il « subit » l’interaction entre ses partenaires. Ce dernier par ailleurs est bien conscient

de son absence d’influence sur le jeu de ses partenaires. Il reste cependant sous l’influence

unidirectionnelle de chacun d’eux (Figure 5.3).

- Troisieme situation -

164 Cyril Bossard

Page 165: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resultats

Figure 5.3 – Modelisation locale des influences (Equipe rouge) -Situation 2.

[Gautier] : « (...) il part seul au but (I), il y en a un derriere lui qui le colle (I), je pars

vers la droite (A), je reste a son niveau (A), il est lance (I), je le regarde (A), il elimine le

gardien (I) il pousse trop loin la balle (I), il la perd (R) (...) »

[Bastien] : « (...) je me retrouve tout seul devant (I) je file au but (A), le defenseur qui

me suit de pres je l’ai meme pas senti venir dans mon dos (R), meme pas senti qu’il met

la pression (R), je fais un crochet (A) il anticipe bien (I), je l’ai pas vu arriver, et il me la

prend (R) (...) ».

[Gaetan] : « (...) Bastien perd la balle (R), c’est fini (R) (...) ».

Dans cette troisieme situation, l’analyse du contenu des trois extraits presentes en vis a

vis dans les tableaux d’analyse revele l’influence unidirectionnelle de Bastien (ici, Porteur du

Ballon) sur ces 2 partenaires sans que ces derniers ne soient pris en compte. L’organisation

collective depend exclusivement de l’activite d’un des membres de l’equipe (Bastien) (Figure

5.4).

Figure 5.4 – Modelisation locale des influences (Equipe rouge) -Situation 3.

Nos resultats montrent que le jeu des influences permet d’obtenir une description

symbolique de l’activite collective a partir d’une mise en evidence de la coordination des

activites individuelles. Pour poursuivre notre analyse des formes locales de coordination, nous

Cyril Bossard 165

Page 166: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 5 – Etude de l’activite collective

avons ensuite releve les informations significatives partagees par les membres de l’equipe a

chacun des moments caracterises par une forme locale d’articulation.

5.2.2 Les informations partagees

5.2.2.1 Le niveau de partage des informations

L’analyse des protocoles a trois volets confirme que l’ensemble des informations ver-

balisees (N = 941) par les sujets peuvent etre classees selon les trois categories theoriques

definies a priori en reference aux travaux de Munduteguy et Darses (2007) : les informations

specifiques a l’activite d’un joueur (n = 736), les informations partiellement partagees par

2 joueurs au sein de l’equipe (n = 126), et les informations communes aux trois joueurs de

l’equipe (n = 78).

Nous avons ensuite comptabilise le nombre d’informations significatives partagees ou

non par les membres de l’equipe en reference a cette categorisation. Les resultats permettent

de caracteriser le niveau de partage des informations significatives. La figure suivante

presente la distribution moyenne de ces trois classes pour l’ensemble des equipes et pour les

20 situations de contre-attaque selectionnees.

Figure 5.5 – Proportion d’informations partagees par les sujets

La grande majorite des informations sont significatives pour un seul des participants au

sein des trios (n = 736 ; 78,21 %). Seules 8,28 % (n = 78) des informations verbalisees sont

communes aux trois joueurs ; 13,39 % (n = 126) sont partagees par deux joueurs. Les activites

individuelles se caracterisent par un couplage sujet/situation au travers d’un ensemble

d’informations significatives. Nos resultats pointent que certaines de ces informations (21,67

% ; n = 204) sont partagees par deux ou l’ensemble des membres d’une meme equipe au

cours des contre-attaques. La question est desormais de savoir quelles sont precisement ces

166 Cyril Bossard

Page 167: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resultats

informations significatives partagees et par qui le sont-elles ?

5.2.2.2 Le contenu et la nature des informations partagees

Pour apporter des elements de reponse a cette derniere question, nous avons reporte

precisement l’ensemble des unites significatives partiellement partagees ou communes dans

un tableau et comptabilise leurs nombres d’occurrences. Les resultats mettent en evidence

39 informations partagees par au moins deux membres de l’equipe pour l’ensemble des

equipes et des contre-attaques. Dans notre etude, toutes ces informations designent des

elements contextuels.

Le tableau 5.6 (p 168) consigne precisement ces 39 informations et leur nombre d’occur-

rences.

Pour chaque forme de coordination locale, nous avons ainsi identifie la ou les informations

partagees par deux ou l’ensemble des membres de l’equipe. Une liste de 39 informations

partagees permet de decrire le contenu de ces informations pour l’ensemble des formes de

coordinations locales.

La suite de l’analyse consiste a proposer un regroupement de ces informations partagees.

Deux grandes categories emergent des donnees. Les informations partagees par les membres

d’une equipe renvoient soit aux comportements des partenaires (182 occurences), soit aux

comportements des adversaires (23 occurrences). Concernant les comportements des parte-

naires, 72 informations renvoient a leurs deplacements ou leurs placements, 76 informations

a leurs actions sur le ballon, et 33 informations aux passes.

Par la suite, les categories obtenues devraient apporter des indications complementaires

sur le « type » d’informations partagees en fonction des differentes formes typiques d’articu-

lation identifiees.

5.2.3 Les differentes relations entre les buts

L’analyse des donnees a un moment donne du cours d’action est ici destinee a caracteriser

la relation entre les buts des joueurs (individuels), d’une part selon un rapport dialectique de

convergence-divergence, d’autre part selon un rapport dialectique partage-specifique.

Par recoupement progressif, nous voyons apparaıtre 3 categories empiriques de relation

entre les buts individuels : 1) des buts divergents et specifiques ; 2) des buts convergents entre

les 3 joueurs, mais specifiques pour chacun d’entre eux (en fonction de leur role specifique a

ce moment du cours d’action) ; 3) des buts convergents au sein de l’equipe et partages par

deux membres de l’equipe.

A partir des 72 formes locales de coordination, nous avons etudie 72 relations entre les

Cyril Bossard 167

Page 168: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 5 – Etude de l’activite collective

Informations significatives partageesNombred’occur-rence

« le partenaire se deplace (avance, va) vers le but, vers l’axe, a droite, agauche »

44

« X passe a Y » 32

« un partenaire recupere, intercepte la balle, anticipe » 24

« un partenaire frappe au but » 11

« appel de balle d’un partenaire » 10

« le partenaire est bien ou mal place, seul, au centre, au deuxiemepoteau »

6

« le partenaire dribble » 6

« la passe est ratee » 5

« le partenaire va au deuxieme poteau » 4

« le partenaire vient vers l’autre partenaire, en soutien » 5

« le partenaire fixe le defenseur » 4

« la frappe est croisee, piquee » 3

« le partenaire pousse la balle » 3

« un partenaire marque un but » 2

« la frappe est contree, molle, ratee » 2

« le partenaire attend la balle » 2

« les partenaires se voient » 2

« le partenaire leve la tete » 2

« le partenaire est proche » 2

« le partenaire est trop statique » 1

« perte de balle » 1

« le partenaire s’arrache » 1

« le partenaire s’arrete » 1

« X veut donner a Y » 1

« le partenaire est ralenti par un adversaire » 1

« le partenaire reconnaıt l’appel » 1

« le partenaire se retourne » 1

« le partenaire est embete » 1

« le partenaire appel de la voix » 1

« le partenaire controle de la poitrine » 1

« l’adversaire suit, colle un partenaire, s’avance, sont devant » 9

« les defenseurs reviennent vite, pressent » 6

« l’adversaire touche la balle, contre » 2

« les adversaires se font une passe » 2

« le gardien sort de ses buts » 1

« pas de gardien » 1

« pas de pression » 1

« les adversaires perdent la balle » 1

Total 204

Tableau 5.6 – Liste et nombre d’occurrence des informations partagees

168 Cyril Bossard

Page 169: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resultats

buts individuels des joueurs membres d’une meme equipe (Cf. Tableau 5.7). Les resultats

pointent le tres faible nombre (3) de formes locales de coordination ou les buts des 3 joueurs

sont divergents et specifiques. Les 69 autres formes de coordination revelent que les buts

sont convergents entre les 3 membres de l’equipe. Pour 45 formes de coordination, les buts

individuels sont specifiques au role de chaque joueur. Pour 24 d’entre-elles, les buts sont

partages pour deux membres de l’equipe qui partagent donc le meme role (NPB).

Buts divergents Buts convergents Totalet specifiques Partages par 2 specifiques

membres

3 24 45 72

Tableau 5.7 – Nombre d’occurrence des relations entre les buts

Ces trois categories obtenues devraient nous permettre d’interroger les « conditions

d’apparition » des differentes formes typiques d’articulation identifiees.

5.2.4 Les formes « locales » de coordination des activites

L’ensemble des resultats nous conduit a proposer des modelisations de formes locales

de coordination (Cf. Tableau 5.8, p 170). Finalement, nous identifions 72 formes locales de

coordination caracterisees par le jeu des influences entre partenaires, par les informations

partagees, par le niveau de partage, et par l’articulation particuliere des buts de chacun

d’eux.

La question est maintenant de savoir si l’on peut regrouper ces formes locales de

coordinations pour identifier des formes « typiques » de coordinations en situation de contre-

attaque.

5.2.5 Les formes « typiques » de coordination ou d’articula-tion des activites

En analysant l’articulation des activites individuelles lors de 20 contre-attaques, nous

avons identifie 72 formes locales de coordination pour l’ensemble des 4 equipes. Une lecture

attentive des tableaux presentant l’ensemble de ces formes locales de coordination permet

d’identifier des redondances, des recurrences, des similitudes dans le jeu des influences, dans

les informations partagees et dans les relations entre les buts individuels.

Par categorisation empirique, nous avons donc regroupe progressivement ces differentes

formes locales de coordination. Trois criteres ont ete utilises pour reperer ces similitudes :

Cyril Bossard 169

Page 170: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 5 – Etude de l’activite collective

Forme locale de coordination des activitesInfluences

interindividuellesInformations significatives

partageesButs individuels

Niveau de partage• Specifiques : 18• Partagees a 2 : 3• Communes : 1

Relation entre les buts• Convergents et specifiques

Informationssignificatives

• Commune : Michel passe aBenoıt dans la profondeur

• Entre Benoıt et Flavien :« les adversaires perdent laballe »

• Entre Benoıt et Michel :« Michel recupere laballe » et « ils se voienttous les deux »

Buts typiques• Michel : « Choisir une solution

de passe pour assurer la conti-nuite du jeu »

• Benoıt : « Se deplacer par rap-port a ses partenaires dans l’es-pace de jeu pour proposer unesolution de progression vers lacible »

• Flavien : « Creer de l’es-pace pour permettre a despartenaires de s’engager versl’avant »

Tableau 5.8 – Illustration d’une forme locale de coordination (Equipe violette, CA3)

170 Cyril Bossard

Page 171: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resultats

la modelisation du jeu des influences, les informations significatives partagees, et la relation

entre les buts individuels. Nous avons regroupe ainsi les 72 formes locales en 5 categories

empiriques. On peut alors considere que ce regroupement permet de caracteriser 5 « formes

typiques de coordination des activites » d’une equipe de football experte en situation de

contre-attaque.

5.2.5.1 Forme 1 : La coordination par l’influence unidirectionnelle de deuxjoueurs sur un partenaire.

La premiere forme de coordination collective correspond a une activite collective qui

repose sur l’activite de deux membres qui influencent simultanement et de maniere unidirec-

tionnelle l’activite du troisieme partenaire (Cf. Tableau 5.9). Au cours des 20 contre-attaques

etudiees, cette forme typique de coordination est apparue 9 fois (soit 12,5 % de l’ensemble

des formes de coordination). Aucune information n’est partagee par les membres de l’equipe.

Les buts sont partages pour les deux joueurs qui influencent l’activite du troisieme.

Forme 1 : La coordination par l’influence unidirectionnelle de deux joueurssur un partenaire

Influencesinterindividuelles

Informations significativespartagees

Buts individuels

Niveau de partage• Specifiques : 0%,• Partagees a 2 : 0%,• Communes : 100%

Relation entre les buts• Convergents et partages a 2 (A

et B)

Informations typiques• aucune information par-

tagee

Buts typiques• A et B : « intercepter le bal-

lon » (18 occurrences)• C : « observer, analyser, an-

ticiper l’evolution de la situa-tion » (9)

Tableau 5.9 – Synthese forme typique de coordination 1

Les buts typiques des joueurs renvoient aux buts assignes par l’experimentateur pour

le depart de la situation d’etude. Pour les joueurs places a la recuperation, il s’agit bien

« d’intercepter le ballon ». Pour le joueur place en position offensive, la situation de contre-

attaque est declenchee a partir du moment ou les partenaires recuperent le ballon. En

attendant, l’activite de ce dernier est orientee par « l’observation, l’analyse, l’anticipation

de l’evolution de la situation ». La relation entre les buts est de type convergente, partagee

Cyril Bossard 171

Page 172: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 5 – Etude de l’activite collective

pour deux d’entre eux et specifique pour le troisieme. Nous discuterons de la validite de cette

forme de coordination dans la partie discussion.

5.2.5.2 Forme 2 : La coordination par l’influence unidirectionnelle d’unjoueur sur deux partenaires

La seconde forme typique de coordination correspond a une activite collective qui repose

sur l’activite d’un joueur (PB) qui influence de maniere unidirectionnelle l’activite de ses

deux partenaires (Cf. Tableau 5.10). Cette forme de coordination collective typique apparaıt

17 fois.

Forme 2 : La coordination par l’influence unidirectionnelle d’un joueur surdeux partenaires

Influencesinterindividuelles

Informations significativespartagees

Buts individuels

Niveau de partage• Specifiques : 79,8%,• Partagees a 2 : 8,2%,• Communes : 12%

Relation entre les buts• Convergents et partages a 2 (B

et C) (3)• Convergents et specifiques (11)• Divergents et specifiques (3)

Informations typiques• actions du partenaire PB

(27 occurrences)• deplacements et placements

du PB (9)

Buts typiques• A : « Rechercher a ti-

rer/frapper au but » (12)• B et C : « se placer ou

se deplacer pour recevoirun centre ou une passedecisive » (10) ou « suivrel’action du partenaire pourune reprise » (8)

Tableau 5.10 – Synthese forme typique de coordination 2

Les informations partagees par les membres de l’equipe concernent exclusivement le PB.

Plus precisement, le contenu des informations partagees renvoie aux actions et aux placements

et deplacements de ce dernier. Le niveau de partage (a 2 et 3 joueurs) des informations est

de 20,2% entre les membres de l’equipe.

Les relations entre les buts sont majoritairement de type convergent et specifique a

chacun des membres. C’est tout de meme la seule forme de coordination ou les buts individuels

peuvent etre divergents (a 3 reprises). L’activite du joueur porteur de balle est guidee par la

172 Cyril Bossard

Page 173: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resultats

recherche de frappe de but ou d’une passe permettant de mettre un partenaire en situation

favorable de frappe. Les deux autres partenaires cherchent, quand a eux, a « se placer ou se

deplacer pour recevoir un centre ou une passe decisive » ou « suivre l’action du partenaire

pour une reprise ».

Cette forme de coordination apparaıt essentiellement dans les situations de finition

de la contre-attaque (passe decisive ou frappe).

5.2.5.3 Forme 3 : La coordination mutuelle totale

La troisieme forme typique de coordination correspond a une activite collective qui repose

sur l’influence mutuelle de toutes les activites individuelles des membres de l’equipe (Cf.

Tableau 5.11). Cette forme typique de coordination est la moins frequente (apparaıt a 5

reprises).

Forme 3 : La coordination mutuelle totaleInfluences

interindividuellesInformations significatives

partageesButs individuels

Niveau de partage• Specifiques : 72,3%,• Partagees a 2 : 16,8%,• Communes : 10,8%

Relation entre les buts• Convergents et partages a 2 (2)• Convergents et specifiques (3)

Informations typiques• actions des partenaires (6)• deplacements et placements

des partenaires (11)• passe entre partenaires (4)

Buts typiques• A : « passer pour mettre le par-

tenaire en situation favorablede frappe » (12)

• B et C : « se placer ouse deplacer pour recevoirun centre ou une passedecisive » (10)

Tableau 5.11 – Synthese forme typique de coordination 3

Ici, les informations partagees renvoient aux actions et deplacements de tous les par-

tenaires et a des interactions precises entre partenaires (passes). Le niveau de partage des

informations est le plus important de toutes les formes de coordination (27, 6 %).

Les relations entre les buts sont de type convergent. Ils sont parfois specifiques (3) et

parfois partages entre deux joueurs (2). L’activite des joueurs est guidee par deux types de

but : « passer pour mettre le partenaire en situation favorable de frappe » et « se placer ou

Cyril Bossard 173

Page 174: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 5 – Etude de l’activite collective

se deplacer pour recevoir un centre ou une passe decisive ». Cette forme concerne donc des

situations ou des actions decisives, dites de desequilibre du rapport de force.

5.2.5.4 Forme 4 : La coordination mutuelle restreinte

La quatrieme forme typique de coordination correspond a une activite collective qui

repose sur l’influence mutuelle de l’activite d’un joueur (PB) avec l’activite de ses deux

partenaires (Cf. Tableau 5.12). La coordination mutuelle d’un joueur avec deux partenaires

a ete observee 17 fois.

Forme 4 : La coordination mutuelle reduite (ou a 2)Influences

interindividuellesInformations significatives

partageesButs individuels

Niveau de partage• Specifiques : 79,3%,• Partagees a 2 : 12,2%,• Communes : 8,4%

Relation entre les buts• Convergents et partages a 2 (2)• Convergents et specifiques (15)

Informations typiques• actions du partenaire PB

(25)• deplacements et placements

du partenaire PB (26)• interaction avec partenaire

PB (10)

Buts typiques• A : « Aller vite vers l’avant

avec le ballon tout en etantattentif au jeu » (7)

• B et C : « S’engager vitevers l’avant pour profiter dela recuperation du ballon » (4)ou « Se deplacer par rapporta ses partenaires dans l’espacede jeu pour proposer une so-lution de progression vers lacible » (12) ou « Creer de l’es-pace pour permettre a despartenaires de s’engager versl’avant » (4)

Tableau 5.12 – Synthese forme typique de coordination 4

Les informations partagees renvoient aux actions et deplacements des partenaires et a

des interactions precises avec le joueur PB. Le niveau de partage des informations est de

20,6%.

La relation entre les buts est principalement convergente et specifique (15) a chacun

des membres. Le but typique du joueur PB est « Aller vite vers l’avant avec le ballon tout

174 Cyril Bossard

Page 175: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resultats

en etant attentif au jeu ». L’activite des deux autres joueurs, est guidee par trois types de

but : « S’engager vite vers l’avant pour profiter de la recuperation du ballon », « Se deplacer

par rapport a ses partenaires dans l’espace de jeu pour proposer une solution de progression

vers la cible », et « Creer de l’espace pour permettre a des partenaires de s’engager vers

l’avant ». Cette forme concerne essentiellement la progression rapide vers la cible qui en

contre-attaque au football reposerait donc essentiellement sur l’articulation de l’activite du

PB avec deux partenaires potentiels.

Nous observons une variante a cette forme de coordination. En effet, meme si la

coordination collective repose sur l’activite du joueur PB, a 11 reprises un des joueurs NPB

influence l’autre joueur NPB (Forme 4b : la coordination mutuelle d’un joueur avec deux

partenaires dont l’un influence l’autre modelisee par la fleche en pointilles ; Cf. Annexe B.1,

p 265).

5.2.5.5 Forme 5 : la coordination par influence mutuelle reduite (a 2joueurs)

Enfin, la cinquieme forme typique de coordination est la plus frequente (24 occurrences).

Ici, l’activite collective repose principalement sur l’influence mutuelle entre deux joueurs et

sur l’influence unidirectionnelle de cette interaction sur l’activite du troisieme partenaire (Cf.

Tableau 5.13).

Les informations sont principalement partagees entre les deux joueurs en interaction

(18,7%). Ces informations concernent majoritairement les actions, les deplacements, et

les passes entre les deux partenaires concernes par l’interaction. C’est la seule forme de

coordination ou les actions et deplacements des adversaires sont partages par les membres de

l’equipe.

La relation entre les buts est de type convergent. Les buts sont parfois partages (9) entre

deux partenaires mais la plupart du temps, ils sont specifiques a l’activite des joueurs. Les

buts typiquement recherches par le joueur en possession du ballon concernent les passes :

« choisir une solution de passe pour assurer la continuite du jeu » et « Fixer-passer pour

progresser vers la cible ». L’activite des partenaires sans le ballon est orientee par des buts de

placement ou de deplacement dans l’espace de jeu : « Se deplacer par rapport a ses partenaires

dans l’espace de jeu pour proposer une solution de progression vers la cible » et « Se placer

ou se deplacer pour recevoir un centre ou une passe decisive » (9). Pour le joueur PB, il s’agit

d’un choix privilegie avec un partenaire NPB (influence mutuelle avec B) mais le second

NPB (C) maintient ou propose une alternative de choix en s’adaptant a l’interaction entre

A et B. Cette forme represente une situation d’alternative conserver-progresser ou

continuite-rupture.

Deux variantes sont rapportees a cette forme typique de coordination (representees par

Cyril Bossard 175

Page 176: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 5 – Etude de l’activite collective

Forme 5 : La coordination par influence mutuelle entre deux joueurs etl’influence unidirectionnelle des deux joueurs sur le troisieme

Influencesinterindividuelles

Informations significativespartagees

Buts individuels

Niveau de partage• Specifiques : 74,6%,• Partagees a 2 : 18,7%,• Communes : 6,7%

Relation entre les buts• Convergents et partages a 2 (8)• Convergents et specifiques (16)

Informations typiques• Actions du partenaire (19)• Deplacements et place-

ments du partenaire PB(26)

• Passe avec partenaire PB(19)

• Actions des adversaires (16)

Buts typiques• A : « Choisir une solution de

passe pour assurer la conti-nuite du jeu » (7) ou « Fixer-passer pour progresser vers lacible » (6)

• B et C : « Se placer ouse deplacer pour recevoirun centre ou une passedecisive » (9) ou « Se deplacerpar rapport a ses partenairesdans l’espace de jeu pourproposer une solution deprogression vers la cible » (8)

Tableau 5.13 – Synthese forme typique de coordination 5

176 Cyril Bossard

Page 177: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion

les fleches en pointilles). La premiere caracterise l’influence unidirectionnelle de l’un des 2

joueurs en interaction sur le troisieme (Forme 5b : la coordination mutuelle entre deux

partenaires et l’influence unidirectionnelle de l’un sur le troisieme partenaire ; Cf. Annexe

B.1, p 266). La seconde caracterise l’absence d’influence avec le troisieme membre de l’equipe

(Forme 5c : la coordination mutuelle restreinte a deux partenaires ; Cf. Annexe B.1, p 266).

Ici, le troisieme joueur n’est pas concerne par la coordination collective, il est « en dehors » ou

« isole » de la coordination.

Pour ces deux variantes, le niveau de partage entre les deux partenaires qui s’influencent

mutuellement est particulierement eleve (5b : 19,5% et 5c : 37, 9%).

5.3 Discussion

L’objectif principal de notre travail de recherche etait de decrire et d’expliquer la

coordination d’actions de plusieurs joueurs au sein d’une situation dynamique collaborative.

Pour cela nous avons propose une analyse de l’activite collective a partir de l’etude des

coordinations entre des joueurs experts en situation de contre-attaque au football.

Trois principales hypotheses etaient formulees. Dans un premier temps, nous postulions

que la description du jeu des influences entre partenaires permettrait d’identifier des formes

locales de coordination, et dans un second temps des formes typiques de coordination

des activites individuelles. Ensuite, nous emettions l’hypothese que ces formes typiques de

coordination des activites en situation de contre-attaque pourraient s’expliquer par le partage

d’informations (connaissances vs informations contextuelles) entre partenaires.

Les resultats de notre etude sont discutes selon 3 axes relatifs : 1) aux formes locales

de coordination ; 2) aux formes typiques de coordination ; 3) aux conditions d’emergence des

formes typiques de coordination des activites individuelles.

5.3.1 Les formes « locales » de coordination

Nos resultats ont montre que la coordination des actions au sein d’un collectif repose sur

des influences interindividuelles entre partenaires au cours d’une contre-attaque. Observer

ces influences interindividuelles permet de decrire dans le contexte specifique d’une contre-

attaque, le jeu des influences entre tous les joueurs d’une meme equipe a un meme instant.

L’analyse du jeu des influences montre que l’activite des membres de l’equipe releve de formes

locales d’articulation singulieres.

Ces resultats sur les formes locales de coordination peuvent etre questionnes au regard

des types d’influences entre deux partenaires, du nombre de joueurs concernes par le jeu des

Cyril Bossard 177

Page 178: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 5 – Etude de l’activite collective

influences, du fonctionnement a l’economie dans l’articulation des activites individuelles, et

de leur enchaınement dans le deroulement de la contre-attaque.

Dans notre etude, les joueurs prennent souvent en compte leurs partenaires pour agir.

Les influences mutuelles et unidirectionnelles representent 81% des relations dyadiques contre

seulement 18,9% de relations entre deux joueurs ou on observe une absence d’influence. Dans

l’etude de Bourbousson et al. (2008), les joueurs prenaient rarement en compte plus d’un

partenaire pour agir. Les resultats pointaient la faible proportion d’influences mutuelles entre

les membres d’une equipe (13%). Nos resultats montrent une proportion plus elevee avec

34,2% d’influences mutuelles entre deux joueurs sur l’ensemble des contre-attaques.

Ces resultats questionnent la necessite d’accroıtre les relations entre les membres d’un

collectif pour en augmenter l’efficacite collective. De nombreuses approches theoriques ont

insiste sur la mutualite des interactions entre les membres d’un collectif comme principe

d’efficacite (Heath et Luff, 1992; Salembier et Zouinar, 2006). Les resultats de Bourbousson

et al. (2008) pointaient que la mutualite des relations entre partenaires etait peu frequente

et que cette mutualite ne constituait pas une condition necessaire a la construction d’une

activite collective coordonnee en sports collectifs. Pour Bourbousson et al. (2008), l’efficacite

d’une equipe en sports collectifs tient plus dans la qualite de micro-coordinations (deux a

deux) que dans leur capacite a prendre en compte l’ensemble des partenaires (p 34). Les

auteurs concluent que les situations de basket-ball ne sont pas favorables a une ouverture

relationnelle.

Nos resultats permettent de nuancer ces conclusions sur deux points.

Dans un premier temps, nous notons egalement que les joueurs ne prennent pas

systematiquement en compte l’ensemble de leurs partenaires. Cependant, dans notre etude,

sur les 72 formes locales de coordination, nous observons 47 formes locales qui revelent au

moins une influence mutuelle entre deux partenaires. Les formes locales de coordinations

entre trois joueurs peuvent etre basees sur des influences mutuelles, sur des influences

unidirectionnelles ou sur une combinaison de ces deux types d’influences.

Ces differences dans les resultats obtenus peuvent etre expliquees au regard du contexte

de notre etude. La situation d’etude que nous avons proposee semble plus favorable a

l’ouverture relationnelle. Le positionnement des joueurs dans l’espace et leur nombre limite

(trois) permet une plus grande visibilite mutuelle des partenaires (Heath et Luff, 1992).

L’extrait de Benoıt temoigne par exemple d’une volonte de se rendre visible a son partenaire :

« je me decale au maximum a gauche tout en restant pres du but (A), pour recevoir la balle,

et pour qu’il me voit aussi » (CAVi 3).

Dans la meme idee, meme si les adversaires perturbent l’activite de l’equipe (les

coordinations), ils sont rapidement et facilement localises du fait de leur inferiorite numerique

momentanee. L’extrait de Benoıt, dans la continuite du premier, illustre cet aspect : « je

178 Cyril Bossard

Page 179: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion

regarde le placement du defenseur (A), il est entre Flavien qui est en appui et moi (I), pour

ne pas etre hors jeu sur l’appel, je me decale sur la gauche (A) pour que Michel me voie, et

que je recoive la balle dans de bonnes conditions (B) ». La pression temporelle exercee sur

le collectif en situation de contre-attaque semble ainsi exigee une attention soutenue sur ses

partenaires pour permettre une mutualite des influences plus importante.

Une analyse des resultats fondee sur l’approche « NDM » conduit a interpreter ces

resultats comme l’expression d’un fonctionnement perceptif et cognitif a l’economie.

Selon nous, l’expertise d’une equipe dependrait plutot de la capacite des membres de l’equipe a

prendre en compte certains de leurs partenaires (ce qui peut conduire a limiter leur nombre) en

fonction du contexte de sorte que les types d’influences sont relatifs a la situation. L’ouverture

relationnelle dependrait ainsi plus des elements contextuels significatifs pour les membres

d’une meme equipe a un meme instant que des plans ou des strategies de cette meme equipe.

Extrait :

[Gautier] : « (...) je vois l’autre defenseur qui vient sur moi,(I) il a lache Gaetan,

je le vois (I), je l’elimine avec un petit crochet (A), je vois le gardien qui sort vite des

buts vers moi (I), il veut anticiper en fait (C), je le fixe (A), il se couche au sol (I),

moi je suis debout (I), je sais que Gaetan est seul dans l’axe (C), je lui mets en retrait,

tranquille (A), il y a plus de gardien (I), il est par terre (I), j’aurais pu mettre une

pichenette sur le gardien (S) mais bon, c’est plus joli si Gaetan fini l’action (C), c’est plus

collectif (C). »

[Gaetan] : « (...) il elimine le defenseur avec un crochet (I), je continue et j’accelere

meme dans l’axe (A), je suis presque dans la surface (I), le gardien sort vite de sa

cage (I), j’ai suivi (A), je pense vraiment qu’il va frapper au but (R), je suis (A) comme on

sait jamais si la balle revient (C), je suis la (R), Gautier me la met en retrait (I), j’ouvre mon

pied (A), j’ai plus qu’a la mettre (I), le but est vide (I), j’ai pas trop la pression

(I) ».

[Bastien] : Aucune verbalisation ; Comportements observes : Bastien ne participe pas a

l’action, il reste derriere ses partenaires.

Dans l’extrait precedent, les elements contextuels significatifs (relatifs aux adversaires)

conduisent Gaetan et Gautier a se coordonner sans se preoccuper de leur troisieme parte-

naire (Bastien n’est pas pris en compte). L’activite collective repose ainsi sur la coordination

mutuelle et exclusive de deux membres, et suffit a l’efficacite de l’equipe.

Dans un second temps, l’evolution des formes locales de coordination des activites

individuelles apportent des reponses complementaires a cette discussion. Du fait du jeu

des influences entre partenaires, l’equipe apparaıt bien comme une entite dynamique qui

s’organise et se reorganise en permanence au gre des evolutions de la situation et des activites

Cyril Bossard 179

Page 180: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 5 – Etude de l’activite collective

individuelles autonomes qui la constituent. Au sein des trios, les jeux d’influences evoluent

de facon dynamique dans le decours temporel de la contre-attaque. La coordination pouvait

reposer, par exemple, sur l’activite d’un membre (influence mutuelle d’un joueur avec ses

deux partenaires) puis basculer sur l’activite des trois membres (influence mutuelle totale).

Comme Bourbousson et al. (2008), nous observons au sein de l’equipe la constitution fugace,

locale et ephemere d’articulation des activites qui apparaissent et disparaissent.

Dans le meme ordre d’idee, on observe que l’activite individuelle de certains membres

de l’equipe les amene a se deconnecter totalement du reste de l’equipe.

[Kevin] : « je la mets a Jordan dans la profondeur (A), je veux la mettre juste entre les

deux (defenseur et Jordan) pour qu’il soit tout seul (B), je veux lui mettre tout de suite (B)

mais le defenseur vient tres vite (I), je leve la balle un peu (S) pour pas que le defenseur me

contre avec sa jambe (S) ».

[Jordan] : « il (Kevin) me la met (I), je la controle (A) je l’emmene devant moi dans

ma course (A), je sais qu’il (Charles) est a gauche devant en appui (C), je le vois pas mais

je sais ce qu’il fait (C), il est devant (I), je prends l’espace libre devant moi (A), j’avance

vers la droite (A) (...) ».

« je vois qu’il (Charles) est bien demarque au deuxieme poteau (I), le defenseur est entre

nous deux (I), il est beaucoup mieux place que moi (I), et comme il faut aller vite (C), je

lui fais une passe a mi-hauteur (A), il la controle de la poitrine (I), il me la remet (I), le

defenseur a decroche sur lui (I), le defenseur est venu le presser (I) le gardien etait plus

oriente de son cote (I), c’etait plus facile pour moi d’aller frapper au but (I) (...) ».

[Charles] : « (...) je me dirige vers le cote gauche au niveau de la surface de reparation

(A), il (Jordan) me fait une passe haute (I), je controle de la poitrine (A), je vois que le

defenseur arrive vite sur moi (I), donc au dernier moment je joue en retrait sur Jordan (S),

il arrive trop vite (I), je suis en angle ferme (I), je fais la passe a Jordan (A) il a plus de

chance de marquer que moi (I) (...) ».

Dans cet extrait, Kevin participe a l’activite de l’equipe au depart de la situation

puis n’est plus pris en compte par ses partenaires. Cet extrait temoigne de la connexion

momentanee de Kevin a l’activite de l’equipe et de sa deconnexion. L’enchaınement des formes

locales de coordination peut alors etre envisage selon un mode de connexion-deconnexion de

joueur(s). Nous avions deja souligne la capacite de l’expert, pendant l’action, a prendre

rapidement en consideration et de facon continue les caracteristiques changeantes de la

situation (notion de conscience de la situation ; Flach (1995)). Dans cette perspective, nous

avions conclu que l’expert se focalisait sur les informations contextuelles pertinentes ou

significatives pour sa propre activite ce qui l’amenait a vivre successivement differentes

situations. L’analyse de l’articulation des activites individuelles montre que la conscience

de la situation recouvre aussi l’activite de l’equipe. Les situations successivement vecues

180 Cyril Bossard

Page 181: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion

integrent le point de vue du sujet sur l’activite collective. La situation telle qu’elle est vecue

ne constitue pas seulement la manifestation d’un couplage cognitif dynamique entre un acteur

et une situation (Flach, 1995). La situation telle qu’elle est vecue constitue la manifestation

d’un couplage dynamique entre un acteur avec les autres acteurs et la situation.

Pour Bourbousson et al. (2008), les roles predefinis et assignes avant le match par

l’entraineur participent a ce renouvellement et contraignent la nature de l’activite collective.

Cependant, comme les auteurs le precisent, les roles ne prescrivent pas totalement les formes

de coordination mais en delimitent les contours (p 34). Dans notre etude, les formes de

coordination ne sont pas prescrites a priori. Aucunes consignes avant ou entre les passages

n’ont ete donnees par l’entraıneur sur le role des joueurs en situation de contre-attaque. Les

formes de coordination emergent ainsi par l’ajustement local et contextualise des joueurs.

Toutefois, nous reperons que le porteur du ballon joue un role primordial pour l’evolution de

l’articulation des activites des joueurs. Son identification, par les partenaires, constitue un

point d’ancrage autour duquel l’activite des partenaires s’organise et se distribue. L’extrait

suivant montre l’identification du porteur de balle a partir du point de vue des deux autres

partenaires et l’orientation de leurs activites en fonction de celui-ci.

[Benoıt] : (...) Michel se lance tout de suite dans l’axe vers le but (I), j’attends

plus une passe dans les pieds (B), je suis en appui (I), je vois qu’il garde sa balle et qu’il

leve pas la tete (I), je me decale (A), il peut toujours me passer la balle (C) la distance

est trop courte entre lui et moi (C), j’ai vu que Flavien etait deja sur la gauche (I), Michel

continue (I), on propose deux solutions a Michel (C), il prend la solution Flavien (I)

il est plus dans le sens du terrain (I), je suis trop eloigne (I) (...)

[Flavien] : (...) c’est Michel qui recupere le ballon (I), je le regarde (A), c’est a

moi d’ecarter (C) a lui de rentrer dans l’axe (C), il recupere (I) je me dis tout de

suite je m’ecarte sur la gauche (B), il voit que je fais un appel (I), il me la donne (R) (...)

Cependant, pour nuancer quelque peu ces propos, nous devons prendre en consideration

que les joueurs ont partages un grand nombre d’experiences ensemble, en situations d’en-

traınement et de matchs. Nous devons admettre qu’ils ont pu construire des connaissances

sur leurs activites respectives. Si ces connaissances ne sont pas verbalisees dans notre si-

tuation, on peut tout de meme penser que les modes de coordination sont guides par des

connaissances d’arriere-plan relatives au potentiel des partenaires. Au sein du modele RPD,

ces connaissances generent des attentes sur l’evolution de la situation. Plus precisement,

dans l’analyse de l’activite individuelle, nous avons montre que les schemas constituaient des

structures d’attentes permettant d’anticiper l’activite du partenaire (Cf. 4.4, p 134).

Si chaque contre-attaque genere des formes locales d’articulation singulieres, nous avons

identifie des regularites, des recurrences qui nous ont conduit a mettre en evidence la typi-

calite des articulations des activites individuelles-collectives dans des situations dynamiques

Cyril Bossard 181

Page 182: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 5 – Etude de l’activite collective

collaboratives elles-memes considerees comme typiques, les contre-attaques en football.

5.3.2 Les formes « typiques » de coordination

Au terme de notre analyse des donnees, les resultats de cette etude montrent que l’activite

collective repose sur 5 formes typiques de coordination entre les joueurs en situation de contre-

attaque. Notons que la contre-attaque est une phase de jeu particulierement importante pour

l’efficacite d’une equipe dans le football moderne (Mombaerts, 1999).

Notre etude a permis d’identifier des regularites concernent le jeu des influences entre

partenaires, les informations partagees et les relations entre les buts individuels. Les formes

typiques apparaissent affectees par le tempo ou les moments de la contre-attaque et attestent

du fonctionnement a l’economie de l’equipe. Contrairement a Bourbousson et al. (2008),

les joueurs de football ne semblent pas uniquement preoccuper a assurer la qualite de leur

interaction avec un seul partenaire. Nos resultats suggerent plutot qu’en situation de contre-

attaque, les joueurs elargissent ou reduisent l’ouverture relationnelle envers les

partenaires en fonction de la situation qui s’offre a eux.

Le jeu des influences entre partenaires depend des moments de la situation de

contre-attaque. Quand la situation exige une attention particuliere de tous pour creer la

rupture ou le desequilibre de la defense adversaire, la mutualite des relations entre partenaires

semble prioritaire. La forme typique de coordination n°3 que nous avons nomme « coordina-

tion mutuelle totale » illustre cet aspect. Ici, l’activite collective repose sur l’influence mutuelle

de toutes les activites des membres de l’equipe. Les informations partagees par les membres

de l’equipe sont plus nombreuses et concernent une articulation de donnees contextuelles (ac-

tions, deplacements, placements, passes entre partenaires). Les buts recherches par les joueurs

correspondent a la phase de rupture que nous avions identifiee dans notre premiere etude.

Meme si les buts des membres de l’equipe ne sont pas les memes, ils convergent tous vers la

recherche du desequilibre de l’equipe adverse.

Nous l’avons rappele, la mutualite des relations entre tous les partenaires n’est pas

une condition d’efficacite de l’activite collective. Quand la situation exige de se projeter

rapidement vers l’avant tout en assurant la continuite du jeu, la mutualite des relations entre

partenaires est uniquement en rapport avec le porteur du ballon (forme 4). Les informations

partagees entre les membres de l’equipe attestent d’une surveillance d’elements contextuels

particulierement orientee vers le porteur du ballon (ses actions, ses deplacements, ses

interactions).

Les formes typiques de coordination montrent egalement que la mutualite des relations

peut etre inexistante. En situation de finition, les influences mutuelles ne sont pas necessaires

et l’efficacite peut reposer sur l’activite d’un seul joueur qui recherche a frapper au but

182 Cyril Bossard

Page 183: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion

par exemple (forme 2). Les informations sont alors partagees par les deux partenaires

« observateurs » qui « subissent » en quelque sorte l’activite du porteur de balle.

Cette distribution de formes typiques de coordination au cours du deroulement de la

contre-attaque atteste selon nous d’un fonctionnement « a l’economie » de l’equipe experte

en football. Les joueurs ne recherchent pas une comprehension de la totalite de la situation.

Les joueurs reduisent leur conscience de la situation au strict necessaire, c’est-a-dire aux

elements contextuels qui suffisent a coordonner leurs activites de maniere locale. L’emergence

des formes typiques de coordination aux differents moments de la contre-attaque depend, selon

nous, de leur fonction d’utilite dans un contexte spatio-temporel donne. La distance au but,

la densite d’adversaires sont, par exemple, des elements contextuels qui contraignent dans

un meme mouvement l’activite individuelle et l’activite collective. L’analyse des conditions

d’emergence des formes typiques de coordination abonde egalement dans ce sens.

5.3.3 Les conditions d’emergence des formes typiques de co-ordination

Pour de nombreux auteurs, la notion de partage est au au cœur du debat sur l’analyse de

l’activite collective (Lim et Klein, 2006; Salembier et Zouinar, 2006; Cooke et al., 2007). Les

coordinations entre les membres d’une equipe s’expliquent soit par des elements cognitifs

identifies chez les differents joueurs engages dans une meme action (notion de buts ou

connaissances partagees), soit par des elements contextuels percus, consideres comme

significatifs par ces joueurs (notion de contexte partage). Nous reprenons ici des questions

laissees en suspend par Bourbousson et al. (2008) et qui concernent le niveau de partage

des informations au sein d’un collectif et le contenu de ce qui est partage (connaissances ou

informations contextuelles).

Comme l’expliquent Salembier et Zouinar (2006), la notion de partage doit, au prealable,

etre consideree comme une hypothese. Pour tester cette hypothese, nous avons comptabilise

les informations significatives formulees par les sujets dans une meme situation en reference

aux travaux de Munduteguy et Darses (2007). Nos resultats ont presente la distribution

moyenne des trois categories pour l’ensemble des situations de contre-attaque.

En situation dynamique collaborative, nos resultats montrent que les membres de l’equipe

font preuve d’une grande variabilite interindividuelle au regard des informations qui font sens

pour eux. Nos resultats corroborent les travaux de Mouchet (2006) sur les joueurs experts au

rugby quand a la subjectivite des decisions tactiques adoptees, mais egalement les travaux

de Munduteguy et Darses (2007) sur les predictions d’actions de conducteurs automobiles en

situation d’interaction. Les informations specifiques dans l’etude de Munduteguy et Darses

(2007) representaient 71,2% de l’ensemble des informations contre 78,2% dans notre etude.

Les informations partiellement partagees representaient 22,6% pour 13,4% dans notre etude.

Cyril Bossard 183

Page 184: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 5 – Etude de l’activite collective

Les informations communes representaient 6,16% pour 8,3% dans notre cas.

La stabilite de ces pourcentages d’informations partagees ou communes obtenues dans

nos deux etudes et dans deux contextes tres differents conduit a penser qu’il existerait un

noyau commun d’informations significatives necessaire mais suffisant pour assurer

une bonne coordination des actions entre les membres d’une meme equipe.

Le niveau de partage peut etre analyse au regard de chacune des formes typiques

de coordination. Quand l’activite collective repose sur une coordination mutuelle totale

(forme 3), les informations communes aux trois joueurs representent 27,2% de l’ensemble

des informations significatives. De facon similaire, quand l’activite collective repose sur une

coordination mutuelle a deux (forme 5c), les informations partagees a deux atteignent 38%.

Ces resultats conduisent a penser qu’il existe une correspondance entre le nombre de joueurs

en interaction (notion de mutualite des relations) et le niveau de partage des informations.

Un niveau de partage eleve des informations entre partenaires serait une condition favorable

a la mutualite des interactions.

La volonte d’expliquer l’activite decisionnelle en SiDyColl a partir d’un partage de

connaissances est mise a mal par l’evolutivite des contextes en sports collectifs. Nos resultats

montrent que les informations effectivement partagees par les membres d’une meme equipe

en situation de contre-attaque sont essentiellement constituees d’elements contextuels. Ces

elements contextuels peuvent etre differencies en fonction des formes typiques de coordination.

Les joueurs experts se basent sur la combinaison de quelques elements contextuels prioritaires

et suffisants pour se coordonner. A l’instar de Munduteguy et Darses (2007), nous pouvons

considerer que les joueurs agissent plutot sur la base d’un environnement cognitif partage

(Salembier et Zouinar, 2006) qui influence les interactions entre les membres de l’equipe.

Par exemple, dans la coordination mutuelle reduite a deux partenaires et son influence

unidirectionnelle sur le troisieme (Forme 5), les informations concernant les adversaires

(actions) sont significatives et prioritaires au meme instant pour les membres de l’equipe.

Cette signification partagee du contexte amenent les membres de l’equipe a restreindre

l’activite collective a une coordination privilegiee entre deux partenaires sous la surveillance

attentive du troisieme. Sur la base d’elements contextuels partages (concernant ici les

adversaires), les joueurs ajustent ainsi leurs activites pour se coordonner. Nos resultats

temoignent ainsi de la predominance des memes elements du contexte chez les differents

membres d’une meme equipe sous fortes contraintes temporelles. Notre etude fournit ainsi

des elements de reponse au debat concernant la nature des informations partagees en situation

dynamique et collaborative.

Les resultats de notre etude peuvent s’etendre a d’autres situations dynamiques et

collaboratives notamment celles qui necessitent la coordination de decisions d’action dans

un environnement incertain, evolutif et a risques. Plus largement, ils peuvent eclairer les

processus mis en œuvre dans toutes les situations d’activite collective pour lesquelles les

184 Cyril Bossard

Page 185: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion

acteurs sont confrontes a des interactions de courtes durees.

Notre etude vise a contribuer a la conception d’outils favorisant la collaboration entre

les membres d’une equipe pour apprendre a se coordonner. Dans le chapitre suivant, nous

expliciterons la demarche de conception d’un environnement virtuel simulant des situations de

jeu au football. Nous montrerons comment l’etude de l’activite reelle en situation dynamique

et collaborative peut contribuer a la conception d’un outil de formation a l’aide d’un dispositif

de realite virtuelle.

Cyril Bossard 185

Page 186: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 5 – Etude de l’activite collective

186 Cyril Bossard

Page 187: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 6

Conception et Evaluation d’unEnvironnement Virtuel : CoPeFoot

Resume – L’objectif de ce chapitre est de presenter notre contribution a la demarche

de conception et d’evaluation de l’environnement virtuel CoPeFoot. Plus precisement, nous

cherchons a montrer en quoi et comment des connaissances (modeles) relatives a l’analyse

de l’activite humaine peuvent s’articuler aux modeles informatiques qui sous-tendent l’usage

de la realite virtuelle pour la mise en place d’environnements virtuels credibles. Dans cette

perspective, nous presentons une etude exploratoire in virtuo destinee a evaluer la credibilite

comportementale de CoPeFoot inspiree du test de Turing (1950). Nous proposons d’evaluer

« l’effet leurre » de l’environnement en mesurant la performance des participants a faire une

distinction entre un joueur dirige par un humain et un joueur virtuel autonome. Cet effet

est etudie en comparant deux groupes de sujets (expert et novice) et lors de trois mesures

successives. Les resultats montrent un effet leurre plus marque pour les sujets novices par

rapport aux experts, et une amelioration des performances pour les deux groupes dans le

temps. Nous discutons ces resultats au regard de la methode mise en œuvre pour evaluer la

credibilite de l’environnement virtuel.

Cyril Bossard 187

Page 188: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 6 – Conception et Evaluation d’un Environnement Virtuel : CoPeFoot

Introduction

L’objectif de ce chapitre est de presenter notre contribution a la conception et l’evaluation

d’un environnement virtuel : CoPeFoot. Ce travail pluridisciplinaire est effectue au CERV,

par deux doctorants issus d’equipes et de champs scientifiques differents. Plus precisement,

il s’agit de montrer en quoi et comment des connaissances (modeles) issues de l’analyse

de l’activite humaine (psychologie cognitive, psychologie du sport, ergonomie cognitive)

peuvent contribuer aux choix des modeles informatiques necessaires pour le developpement

d’Environnements Virtuels pour l’Apprentissage Humain (EVAH). Une telle demarche de

conception a deja ete mise en œuvre par d’autres equipes de recherche pluridisciplinaires

(Salembier et Pavard, 2003) dans le cadre de conception d’aides a la gestion de situation

d’urgences dans des centres de controle (SAMU, trafic aerien).

Plus largement, notre demarche s’inscrit dans une tendance actuelle qui vise a concevoir

les formations (professionnelles, educatives, sportives) en prenant conjointement en compte

le caractere complexe et evolutif du travail et de la formation. Une telle demarche a deja ete

mise en oeuvre a l’aide des modeles et methodes issus de l’ergonomie cognitive. Un ensemble

consequent de travaux temoigne de ce rapprochement entre les sciences de la formation ou

de l’education et la psychologie cognitive ergonomique (pour une revue voir Leblanc et al.

(2008)). Ces collaborations rejoignent egalement des preoccupations en didactique profession-

nelle qui ont evolue d’une centration sur les savoirs a une centration sur l’activite (Barbier

et Durand, 2003). Cette mutation conduit a operer une distinction entre les savoirs prescrits

et les savoirs effectivement mobilises en situation de travail et conduisent les chercheurs a

developper et mettre en place des programmes d’analyse de l’activite reelle. C’est dans cette

filiation que nous inscrivons notre travail de collaboration avec des chercheurs en sciences de

l’informatique pour la conception d’environnements virtuels de formation.

Si les connaissances issues de l’analyse de l’activite reelle commencent aujourd’hui a etre

exploitees dans le cadre de propositions de situations de formation (Ria et al., 2006), et leurs

mobilisations pour les situations de simulation exploitant les techniques de la realite virtuelle

constituent une voie nouvelle. Au CERV, les environnements virtuels developpes au sein

de l’equipe AReVi (Buche, 2005; Herviou, 2006) utilisent conjointement la realite virtuelle

(RV) et des systemes multi-agents (SMA). Les SMA permettent a la fois d’enrichir les mondes

virtuels en leur ajoutant des entites autonomes dotees d’un comportement propre, et donnent

la possibilite d’interagir avec eux au moyen d’interfaces mettant en œuvre les techniques liees

a la RV. Ces environnements virtuels peuvent etre concu dans un objectif de formation ou

d’apprentissage (modification de l’activite du sujet). A terme, la demarche de conception

d’un EVAH devrait etre finalisee par l’evaluation des differentes formes d’apprentissage ou

encore, du transfert d’apprentissage du virtuel au reel. Jusqu’a present, l’equipe SARA est

188 Cyril Bossard

Page 189: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 6 – Conception et Evaluation d’un Environnement Virtuel : CoPeFoot

intervenue uniquement a la fin de ce processus de conception de ces EVAH.

Il nous semble que la participation de chercheur en sciences humaines des les premieres

etapes du developpement d’un EV puisse ameliorer le realisme ou la credibilite de l’envi-

ronnement, et finalement les apprentissages attendus. Or, la credibilite des environnements

virtuels peut etre mise a mal quand la tache de modelisation de l’activite est laissee a la seule

appreciation du concepteur informaticien (Tchounikine et al., 2004). C’est precisement pour

remedier a cet ecueil que nous presentons ici, un exemple de collaboration pour la conception

et l’evaluation d’EVAH : le projet CoPeFoot.

CoPeFoot (Collective Perception Football) est un Environnement Virtuel destine a la

formation de joueurs de football. L’objectif de formation s’oriente vers la reconnaissance et

l’adaptation a des situations collectives de jeu de football. Nous nous eloignons volontaire-

ment des aspects techniques (Bideau et al., 2004) de l’activite sportive pour nous focaliser

uniquement sur la dimension decisionnelle de l’activite des joueurs. Nous avons precedemment

argumente le fait que le football, et plus particulierement la contre-attaque constitue un bon

exemplaire de situation dynamique et collaborative.

Ce projet nous amene a considerer le probleme de la credibilite des EV. La credibilite

peut se definir comme le degre de confiance ou de veracite des attitudes et comportements

que l’utilisateur accorde aux agents dans l’environnement virtuel (Burkhardt, 2007).

Dans un premier temps, la mise en place d’un environnement virtuel dans lequel un

humain est immerge et collabore avec des agents autonomes et/ou pilotes par d’autres

humains (notion d’avatar) pour atteindre un objectif commun necessite une modelisation

acceptable qui tienne compte de la complexite de l’activite collaborative. A la difference des

entreprises de simulation dite « anthropomorphiques » (Burkhardt, 2007), l’objectif n’est

pas de reproduire exactement le fonctionnement humain, ni de predire de facon precise les

comportements. Plus modestement, nous cherchons a concevoir des agents virtuels capables

de restituer cette complexite pour simuler des situations de facon credible pour l’utilisateur.

D’un point de vue scientifique, la simulation est aussi un moyen de tester la resistance du

modele issu de l’analyse de l’activite.

Le travail de collaboration pour la conception d’EVAH que nous avons mene avec Benard

(2007) est, a l’origine, scinde puisque chacun des protagonistes effectuent son propre travail

de recherche et de modelisation dans son propre champ scientifique. Ainsi, les contraintes

respectives inherentes au processus de modelisation proviennent de sources differentes.

L’approche en sciences de l’informatique est abordee sous l’angle des SMA, du raisonnement

a partir de cas (RaPC) et de la notion de contexte. L’approche que nous avons proposee prend

appui en ergonomie cognitive sur le paradigme de la NDM, et met en exergue l’importance du

contexte et de l’experience vecue par le sujet (schemas typiques) en situation dynamique. Ces

preoccupations ont oriente nos echanges sur les situations dynamiques collaboratives et nous

Cyril Bossard 189

Page 190: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 6 – Conception et Evaluation d’un Environnement Virtuel : CoPeFoot

ont amene a proposer des analogies simplifiees entre les deux formes de modelisation pour

la simulation d’agents virtuels de football credibles. Nous illustrerons ce principe d’analogie

dans un premier point de ce chapitre a travers les notions de contexte et d’experience.

Dans les programmes de recherche qui developpent des environnements virtuels, la

credibilite des situations produites par la simulation est rarement evaluee. Quand une

evaluation est proposee, d’une part les tests sont effectues une fois l’environnement virtuel

finalise, et non au cours du processus de developpement de l’EV ; d’autre part, elle repose sur

une analyse comparative de l’activite deployee face a l’environnement et en situation reelle

(Darcy et al., 2003). L’evaluation du transfert de competences du virtuel vers le reel peut

egalement etre consideree comme un indicateur pour tester l’efficacite de l’environnement

virtuel (Sanchez-Vives et Slater, 2005; Bossard et al., 2008).

Cependant, ces evaluations menees a posteriori ne participent pas a la demarche de

conception de l’environnement et ne permettent pas d’ajuster la modelisation informatique.

Dans cette perspective, nous avons mis en place une etude exploratoire destinee a evaluer

la credibilite comportementale de l’environnement virtuel CoPeFoot en cours de conception.

Nous avons egalement mene une reflexion theorique sur les conditions permettant de favoriser

le transfert de competences dans le cadre des environnements virtuels (Bossard et al., 2008).

Ce chapitre presente dans un second point une etude exploratoire destinee a evaluer la

credibilite comportementale de l’environnement virtuel.

6.1 Des analogies simplifiees entre modeles infor-

matiques et modeles de l’activite humaine

L’interet d’un modele est essentiellement celui d’un instrument de visibilite, d’intelligi-

bilite et de familiarisation avec le domaine considere (Pavard et Salembier, 2003). Il permet

de decrire, de facon simplifiee mais acceptable, l’activite de joueurs et agents confrontes a

une situation complexe. Les nombreux allers-retours entre les deux formes de modelisation

permettent de reperer les points de convergence et de divergence. Bien entendu, les modeles

proposes en science de l’informatique ne peuvent se substituer, ni se superposer aux modeles

issus de l’analyse de l’activite humaine. Par exemple, en I.A, des agents peuvent etre qua-

lifiees de « situes » quand ils font reference a leurs perceptions pour decider. En sciences

humaines, le qualificatif « situe » fait d’une part reference a un paradigme a part entiere,

celui de « l’action ou de la cognition situee », et d’autre part il necessite la prise en compte

de facteurs emotifs, culturels et sociaux. Ces decalages conceptuels nous ont conduit a operer

ce que nous avons appele des analogies simplifiees, notamment avec les concepts de contexte

et d’experience (ou de schema).

D’un point de vue informatique, l’objectif de recherche de l’equipe AReVi s’articule

190 Cyril Bossard

Page 191: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Des analogies simplifiees entre modeles informatiques et modeles de l’activite humaine

autour de la simulation participative, Nous reprenons, ici, la definition donnee par Tisseau

(2001) et approfondie par De Loor (2006). Simuler, c’est faire paraıtre comme reel ce qui ne

l’est pas. Une simulation permet alors de prevoir un reel possible a l’aide d’un modele. La

simulation participative donne un statut particulier a l’homme en l’integrant dans la boucle, il

peut interagir avec elle pendant son deroulement. Ce principe implique plusieurs contraintes.

D’un cote, la modelisation peut prendre un caractere predictif, ce qui implique de modeliser

toutes les regles de fonctionnement de l’expert pour prevoir le comportement de l’humain dans

la simulation (Buche (2005) pour le suivi de procedure). D’un autre cote, la modelisation ne

cherche pas systematiquement a predire le comportement, mais concourt a l’emergence de

comportements credibles, acceptables par une co-construction interactive entre agents virtuels

autonomes et humains (De Loor et al., 2008). C’est cette seconde perspective que nous avons

privilegiee dans notre demarche de conception d’environnement virtuel.

La modelisation de l’activite des agents necessite d’« expliciter l’implicite ». C’est-a-dire

de rendre explicites les mecanismes de la decision. Dans l’environnement CoPeFoot, les joueurs

virtuels sont des entites autonomes qui reagissent selon une boucle dynamique de perception-

decision-action. La perception correspond a l’elaboration du contexte et la decision renvoie

au raisonnement a partir de ce contexte. L’architecture d’un agent est decrite sur la figure

6.1. Le lecteur interesse pourra approfondir ce sujet en se referant a Benard et al. (2006a);

Benard (2007).

AReVi: Simulation d’agents situés

Perceptions physiquesobjet perçus

etdistances

Contexte

utilisateur

de contexteRaisonnement à partir

Définition ducontexte

Paramétrisation

Domaine(Football)

Sélectiond’actions

contextuellesPerceptions

Figure 6.1 – Raisonnement a partir du contexte dans CoPeFoot

Le processus de modelisation a abouti a concevoir la decision des agents virtuels a partir

de deux modeles utilises en science informatique : le concept de contexte et le raisonnement

a partir de cas (Benard, 2007).

En intelligence artificielle, le contexte est une notion recurrente. Dans un entretien

recent, (Brezillon, 2006) denombre au moins 150 definitions. Nous retiendrons que le contexte

correspond a l’ensemble des conditions qui permettent de decrire une situation de facon precise

Cyril Bossard 191

Page 192: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 6 – Conception et Evaluation d’un Environnement Virtuel : CoPeFoot

et comprehensible (Pomerol et Brezillon, 2001).

Cette definition du contexte en intelligence artificielle nous conduit a reperer une analogie

(si on accepte de le simplifier) avec le concept de Conscience de la Situation (Flach, 1995). La

conscience de la situation met en avant la capacite de l’individu a prendre en consideration

les caracteristiques du contexte pertinentes pour l’acteur, i.e. les informations contextuelles

significatives. Certes, le contexte tel qu’il est defini en intelligence artificielle, ne prend pas

necessairement en compte le point de vue du sujet, mais nous considerons que la CS peut se

definir, se rapporter a un contexte percu. Nous avons alors degage une acceptation commune

et viable pour nos domaines respectifs (Bossard et al., 2006; Benard et al., 2006b) : dans

notre travail, le contexte des agents virtuels correspond a un ensemble d’elements significatifs

percus. Cette perception du contexte par l’agent est mise en correspondance, a chaque instant,

avec des cas similaires stockes dans la base de cas de l’agent.

Le raisonnement a partir de cas (Aamodt et Plaza, 1994) est fonde sur l’hypothese qu’un

probleme peut etre efficacement resolu en faisant appel a l’experience passee. Ce modele

prend appui sur le concept de cadres (Minsky, 1975). Pour resoudre un probleme, il faut

rechercher dans la base des cas deja resolus, l’episode le plus proche de la situation actuelle.

L’experience du sujet, en sciences humaines, correspond a ce qui est memorise au cours de son

histoire. Il conserve ainsi des traces des differentes situations vecues. Ces traces lui permettent

de reagir plus rapidement en situation. Nous pouvons rapprocher le RaPC avec le modele

RPD de Klein (1997). A partir d’une mise en correspondance entre le contexte actuel et

les experiences passees, l’agent virtuel/l’acteur est ainsi en mesure de repondre rapidement

a la situation. La theorie des schemas qui nous a permis de proposer une modelisation

descriptive de l’activite decisionnelle de joueurs de football est egalement coherente avec

le RaPC. Nous avons deja souligne que la theorie des schemas fait reference au concept de

cadre (Minsky, 1975) (Cf. Chapitre 2, p 70). Ainsi, dans notre travail, les cas necessaires au

modele informatique correspondent a des schemas extraits de l’analyse de l’activite humaine.

Dans la proposition de Benard (2007), chaque cas represente un couplage dynamique

entre un contexte, un objectif et une action (ou une sequence d’actions), c’est-a-dire pour

nous un schema typique (Cf. Chapitre 4, p 129).

A l’issue de ce cadrage conceptuel, ou nous avons eu recours a des analogies simplifiees,

nous avons propose une premiere evaluation de la credibilite comportementale de CoPeFoot.

6.2 La validation de la credibilite comportementale

de CoPeFoot par la simulation participative

La realite virtuelle fournit un cadre methodologique adapte pour modeliser et

experimenter la complexite. En effet, la simulation en realite virtuelle autorise une veritable

192 Cyril Bossard

Page 193: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La validation de la credibilite comportementale de CoPeFoot par la simulation participative

interaction avec l’environnement informatique. Elle permet d’observer le phenomene comme

si on disposait d’un microscope virtuel deplacable et orientable a volonte, et capable de

mises au point variees (Tisseau, 2001). L’utilisateur peut donc tester la resistance du modele

implemente (reactivite et adaptabilite). Il devient un « spectateur-acteur-createur » puis-

qu’il peut ainsi se focaliser sur l’observation d’un comportement particulier, interrompre le

phenomene en cours, ou encore relancer la simulation la ou il l’avait arretee. Ce nouveau

type d’experimentation est appele experimentation in virtuo. Les simulations liees a l’usage

de la realite virtuelle permettent aux utilisateurs d’evoluer entre eux et/ou avec des agents

virtuels. Ils sont « en situation » et « en action ». En impliquant l’humain dans la simulation,

la conception participative d’EV integre les utilisateurs comme des acteurs humains plutot

que comme des facteurs humains. Cependant, a notre connaissance aucune etude n’a cherche

a evaluer la credibilite des environnements virtuels dans un cadre participatif.

Dans cette perspective, nous avons mis en place une etude exploratoire in virtuo visant

a evaluer la credibilite comportementale de CoPeFoot, inspiree du celebre test de Turing

(1950). En 1950, Alan Turing a propose un protocole experimental original qui inspira les

debuts et le developpement de l’Intelligence Artificielle (IA) comme une discipline a part

entiere. Dans cette experience originelle, le chercheur place un sujet seul dans une salle avec

deux ordinateurs. Chaque ordinateur represente un agent interactif, mais l’un d’entre eux

est controle par un humain alors que l’autre est controle par un programme informatique.

L’experience consiste pour le sujet a dialoguer avec les deux ordinateurs. En interrogeant

chacun d’eux, le sujet, sur la base de ses connaissances, doit etre en mesure de differencier l’un

et l’autre. Si le sujet ne peut determiner une distinction, Turing considere que l’intelligence

humaine a ete correctement modelisee par le programme informatique (Korukonda, 2003).

6.2.1 Objectifs, Problematique et Hypotheses

L’etude que nous presentons a pour objectif d’evaluer la credibilite comportementale de

CoPeFoot, en interrogeant les humains immerges dans le simulateur sur la distinction entre

des avatars controles par des humains et des joueurs virtuels autonomes guides par le modele

informatique. Cette etude est inspiree du test de Turing (1950). Cependant, ce qui nous

interesse ici, n’est pas de savoir si la machine peut penser, mais plus modestement de savoir

si elle peut tromper un etre humain. Ce test de credibilite correspond a la troisieme etape

dans notre methodologie de conception d’un environnement virtuel. Il participe a l’evaluation

d’une premiere version de CoPeFoot.

L’hypothese generale est que la credibilite de l’environnement est d’autant plus forte que

les sujets ne peuvent faire la distinction entre un joueur dirige par un humain et un joueur

virtuel autonome. Nous attendons que l’environnement virtuel leurre les sujets.

Dans un premier temps, nous souhaitons verifier que les reponses donnees par les sujets

Cyril Bossard 193

Page 194: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 6 – Conception et Evaluation d’un Environnement Virtuel : CoPeFoot

face a la simulation ne sont pas dues au hasard pour l’ensemble des mesures effectuees

puis pour chacune d’entre elles. En effet, pour que les participants s’immergent dans

l’environnement, il faut qu’ils soient « pris au jeu », mais il faut aussi qu’ils percoivent les

reponses comme accessibles, sensees.

Ensuite, l’effet « leurre » sera etudie pour deux groupes de sujets (expert et novice).

L’expertise des joueurs de football (leurs connaissances de l’activite) devrait leur permettre

d’avoir des performances plus elevees que les novices dans la distinction entre un agent humain

et un agent virtuel. Nous nous attendons donc a un effet leurre plus marque pour les novices

que pour les experts.

Enfin, nous examinerons l’effet « leurre » dans le temps pour l’ensemble des sujets et pour

nos deux groupes. Cet effet devrait s’estomper entre la premiere et la derniere mesure pour

l’ensemble des sujets. Les participants devraient apprendre a reconnaıtre les agents virtuels

et les avatars.

6.2.2 Methode

6.2.2.1 Participants

Deux groupes de sujets, tous volontaires et avertis qu’ils participaient a une recherche

experimentale, ont participe a l’experience. Le premier groupe etait compose de 24 joueurs

de football (moyenne d’age = 21,1 ; ecart type (σ) = 1,6) tous membres d’un club de football

et etudiants specialistes de l’activite football en 2eme ou 3eme annee a l’UFR Sport et EP de

Brest. Les joueurs etaient consideres comme experts par leur pratique reguliere du football

(3 entraınements par semaine, et un match le week-end) dans un club et a l’universite

depuis 13,25 ans en moyenne. Le deuxieme groupe etait compose de 24 novices (moyenne

d’age µ = 21,6 ; σ = 2,9) issus de l’Ecole Nationale d’Ingenieur de Brest (ENIB) et qui ne

pratiquaient pas de sports collectifs regulierement. Un questionnaire initial (annexe) a permis

de determiner la familiarite de l’ensemble des sujets avec l’utilisation de manettes et face a

des simulations (de type jeu video).

6.2.2.2 La situation d’etude

Le simulateur CoPeFoot

L’etude s’est deroulee dans les locaux du CERV. La situation simulee est une repro-

duction de la situation d’etude favorisant les contre-attaques que nous avons mobilisee pour

l’analyse de l’activite de joueurs en situation reelle (Cf. Figure 6.2, p 195).

Dans la simulation, les participants appartiennent a l’equipe bleue ou a l’equipe rouge.

L’equipe rouge est l’equipe qui attaque sur le grand but et defend sur le petit but. Le

194 Cyril Bossard

Page 195: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La validation de la credibilite comportementale de CoPeFoot par la simulation participative

participant qui est integre a l’equipe rouge joue avec un partenaire humain et un partenaire

virtuel et, contre 2 adversaires virtuels et un adversaire humain. L’objectif de la situation

pour l’equipe rouge est de marquer le plus rapidement possible dans la grande cible. L’objectif

pour l’equipe bleue est de marquer dans la petite cible.

Le simulateur CoPeFoot propose au participant de s’immerger a partir du point de

vue subjectif de son avatar (Cf. Figure 6.3) ; ses possibilites d’actions sont contraintes par

l’utilisation d’une manette (Cf. Figure 6.4).

Procedure

Le protocole experimental realise avec le simulateur CoPeFoot comprend 2 phases : une

phase d’entraınement et le passage dans la situation d’etude (Cf. Figure 6.2).

La phase d’entraınement (5-10 min) permet aux sujets de se familiariser avec le

simulateur CoPeFoot et les commandes (i.e. les manettes ; Cf. Figure 6.4). Elle consiste en

une pratique libre en trois contre trois dans l’environnement ou les sujets peuvent tester les

differentes actions possibles associees aux commandes, puis decouvrir la situation d’etude.

Ensuite, les participants sont invites a realiser six passages (2 departs balle a gauche,

2 departs balle au centre, 2 departs balle a droite) dans la situation d’etude avec deux

partenaires (dont 1 virtuel et 1 reel) et contre 3 adversaires (dont 2 virtuels et 1 reel).

Figure 6.2 – Capture d’ecran de la situation d’etude (milieu)

L’evaluation de la credibilite repose sur la possibilite pour le participant de distinguer,

apres deux passages dans la situation d’etude, les avatars controles par des humains ou

les agents virtuels autonomes. Nous effectuons donc trois mesures (pour 6 passages avec

une mesure tous les deux passages). Entre la phase d’entraınement et la phase de test, et

Cyril Bossard 195

Page 196: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 6 – Conception et Evaluation d’un Environnement Virtuel : CoPeFoot

Figure 6.3 – Point de vue du participant a l’experimentation

entre chaque passage dans la situation, on effectue une redistribution totale et aleatoire des

individus dans la simulation (changement de joueur et d’equipe).

Materiel

Pour effectuer notre test, chaque sujet dispose d’un ecran relie a une tour et d’une

manette (Logitech Precision Game Pad) permettant d’interagir avec l’environnement. Le

sujet controle son avatar avec une manette dont les possibilites d’actions sont limitees (Cf.

Figure 6.4).

Les joueurs humains qui jouent dans la meme equipe sont separes les uns des autres. Nous

disposons de trois pieces et de 8 ordinateurs, la figure N presente la structure utilisee pour

realiser ces tests. Les ordinateurs sont disposes dans trois salles (A, B, C) et sont numerotes

de 1 a 8. Parmi les huit ordinateurs, deux sont consacres aux serveurs qui permettent de

lancer les simulations (poste 3 et 7). Le simulateur CoPeFoot est distribue sur le reseau ;

nous avons reparti les sujets sur les ordinateurs presents dans les differentes salles afin de

simuler deux situations en parallele. Ainsi, les postes 2, 5 et 8 sont connectes a la meme

simulation. Les postes 1, 4 et 6 sont connectes a une autre simulation.

196 Cyril Bossard

Page 197: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La validation de la credibilite comportementale de CoPeFoot par la simulation participative

Figure 6.4 – Manette

Figure 6.5 – Repartition des postes « joueur » pour l’experimentation

Cyril Bossard 197

Page 198: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 6 – Conception et Evaluation d’un Environnement Virtuel : CoPeFoot

6.2.2.3 Recueil des donnees

L’evaluation de la credibilite comportementale repose sur l’identification des joueurs

humains impliques dans la simulation. A l’issue de chaque situation (apres deux passages), la

simulation est mise en pause et nous demandons a chacun des sujets de remplir un tableau.

Ce dernier repertorie l’ensemble des joueurs des deux equipes a l’aide de leurs numeros dans

la simulation. Les sujets repondent a la question suivante : qui sont les deux joueurs humains ?

Les consignes donnees par l’experimentateur aux sujets sont simples : « Faites une croix dans

la case correspondant aux deux autres joueurs humains de la simulation si et seulement si

vous en etes persuade. En cas de doute, vous n’ecrivez rien ». Le tableau 6.1 est le tableau

de recueil des donnees utilise pour l’experimentation.

6 passages dans Equipe rouge Equipe bleuela situation joueur 1 joueur 2 joueur 3 joueur 1 joueur 2 joueur 3

Mesure 1

Mesure 2

Mesure 3

Tableau 6.1 – Exemple de tableau de recueil des donnees

Notons qu’avant le premier passage et la premiere mesure, nous n’indiquons pas aux

sujets que le but de l’experience consiste a trouver les deux joueurs controles par deux

humains.

Le tableau de recueil des donnees nous permet d’evaluer pour chaque sujet le nombre de

reponses correctes, le nombre de reponses erronees, et le nombre d’absence de reponse pour

chaque situation simulee. A l’issue de chacune des trois situations, les reponses du sujet sont

codees selon une echelle d’intervalles de 1 a 6 :

1. Deux bonnes reponses,

2. Une bonne reponse et une « je ne sais pas »,

3. Une bonne reponse et une mauvaise reponse,

4. Deux « je ne sais pas »,

5. Une mauvaise reponse et une « je ne sais pas »,

6. Deux mauvaises reponses.

6.2.2.4 Traitement des donnees

Les analyses statistiques ont ete menees avec le logiciel Statistica.

Dans un premier temps, nous avons mene un test de conformite de Chi-carre (χ2) sur

l’ensemble des reponses des participants (N = 48 sujets × 3 mesures = 144). Le test de

198 Cyril Bossard

Page 199: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La validation de la credibilite comportementale de CoPeFoot par la simulation participative

conformite du χ2 permet de comparer la frequence des reponses observees a une frequence

de reponse theorique. Dans notre cas, les frequences theoriques pour chacun des 6 niveaux

de performance de notre echelle correspondent a 24 (144 mesures / 6 possibilites de reponse

= 24).

Nous effectuons le meme test, separement pour chacune des trois mesures. Dans ce cas,

les frequences theoriques sont de 8 pour chacune des 6 possibilites de reponse (48 sujets / 6

possibilites de reponse = 8).

Dans un second temps, l’effet de l’expertise sur la performance (ou de leurre) des

participants est examinee en comparant les deux groupes de sujets, d’une part pour l’ensemble

des 3 mesures, d’autre part et pour chaque mesure, a l’aide d’un test t de Student pour

echantillons independants. Le test t de Student permet de comparer deux groupes de

donnees independants et de determiner s’il existe une difference statistique ou non entre

ces deux groupes. Le test t de Student est un test parametrique qui permet de verifier les

hypotheses relatives aux differences entre les moyennes (µ) de distributions de populations.

Les echantillons independants sont des echantillons constitues des resultats de deux groupes

differents, comme c’est le cas, dans notre experience, pour les groupes Novices et Experts.

Dans un troisieme temps, le maintien de l’effet leurre est examine en comparant les

reponses lors des 3 mesures successives pour chaque groupe (Expert et Novice) a partir

d’un test t de Student pour echantillons paires. Les echantillons paires sont des echantillons

constitues de resultats du meme groupe de sujets, obtenus avant et apres l’intervention d’une

variable independante.

6.2.3 Resultats

Le tableau 6.2 propose une repartition des reponses des deux groupes pour les 3 mesures

realisees a l’aide de notre echelle de performance de 1 a 6.

Mesures Sujets Reponses

1 2 3 4 5 6

Mesures 1E 4 4 7 8 0 1N 0 3 4 14 1 2

Mesures 2E 11 2 4 3 2 2N 4 8 6 2 2 2

Mesures 3E 14 4 5 1 0 0N 4 4 12 1 2 1

TotalE 29 10 16 12 2 3N 8 15 22 17 5 5

Tableau 6.2 – Repartition des reponses des sujets

Cyril Bossard 199

Page 200: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 6 – Conception et Evaluation d’un Environnement Virtuel : CoPeFoot

La repartition exacte des reponses par sujet est disponible en annexe C (p 267 et p 268).

6.2.3.1 Le test de conformite du χ2

L’analyse des resultats aux tests de conformite du χ2 a la distribution uniforme (24, 24,

24, 24, 24, 24, 24) pour l’ensemble des reponses (N = 144) montrent qu’il y a une difference

reelle entre les frequences theoriques et les frequences observees pour les 6 possibilites de

reponse (ou niveau de performance). L’hypothese nulle d’une distribution aleatoire (due au

hasard) des reponses est rejetee : χ2 (1,5) = 39 ; p < .001 (Cf. Tableau 6.3).

Frequence Frequence O-T (O-T)**2/Tobservee theorique

1- Deux bonnes reponses 37 24 13 7,04

2- Une bonne reponse et une « je ne saispas »

25 24 1 0,04

3- Une bonne reponse et une mauvaisereponse

38 24 14 8,16

4- « Je ne sais pas » 29 24 5 1,04

5- Une mauvaise reponse et une « je nesais pas »

7 24 -17 12,04

6- Deux mauvaises reponses 8 24 -16 10,66

Somme 144 144 0 39,0

Tableau 6.3 – Test de conformite du χ2 pour l’ensemble des reponses

L’analyse des resultats aux tests de conformite du χ2 pour les reponses a chaque mesure

montre qu’il y a une difference reelle entre les reponses observees et les possibilites de reponse

theoriques, et ceci pour les 3 mesures successives effectuees (p < .05). Pour l’ensemble des

sujets, au fur et a mesure des passages dans la simulation, le choix d’une reponse parmi les

6 possibilites n’est pas du au hasard (Cf. Tableau 6.4).

Mesure 1 Mesure 2 Mesure 3

χ2 37,00 12,25 37,75

d.d.l 5 5 5

p .000 .031 .000

Tableau 6.4 – Test de conformite du χ2 pour chaque mesure

6.2.3.2 Effet leurre et expertise

L’analyse statistique a partir du test t de Student pour echantillons independants montre

une difference significative entre les moyennes du groupe Experts (µ = 2,40) et du groupe

200 Cyril Bossard

Page 201: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La validation de la credibilite comportementale de CoPeFoot par la simulation participative

Novices (µ = 3,15) pour l’ensemble des mesures (t (1,142) = -3,23 ; p < .005). Les experts

montrent une capacite plus importante a distinguer les agents virtuels autonomes et les

avatars controles par des humains.

Cette difference experts-novices evolue au cours des mesures successives. Les

moyennes des experts sont significativement inferieures a celles des novices pour

la premiere mesure (apres 2 passages) (t (1,46) = -2,50 ; p < .05) et la troisieme

mesure (apres 6 passages) (t (1,46) = -3,46 ; p < .005).

Mesures Sujets Moyenne Valeur t d.d.l p N actifs σ F P

Mesures 1E 2,95 -2,50 46 .015 24 1,26 1,54 0,30N 3,79 24 1,02

Mesures 2E 2,54 -0,62 46 .536 24 1,74 1,36 0,46N 2,83 24 1,49

Mesures 3E 1,70 -3,46 46 .001 24 0,95 1,78 0,17N 2,83 24 1,27

Tableau 6.5 – Resultats test t pour echantillons independants pour les 3 mesures

Le test t de Student pour echantillons independants nous permet de conclure que les

experts reconnaissent mieux que les novices les agents virtuels autonomes et les avatars

controles par des humains sauf lors de notre deuxieme mesure.

Si l’on considere les moyennes obtenues a notre echelle, nous constatons que les sujets

sont plutot capables de distinguer les agents virtuels autonomes et les avatars controles par

les humains, sauf les novices lors de la premiere mesure (performance moyenne = 3,79 sur 6).

Les autres moyennes sont inferieures a 3 (Experts, mesure 1, µ = 2,95 sur 6 ; mesure 2, µ =

2,54, mesure 3, µ = 1,70 ; Novices, mesure 2, µ = 2,83 ; mesure 3, µ = 2,83), avec une forte

diminution des erreurs pour les experts apres le dernier passage.

L’ensemble des resultats aux tests statistiques t pour echantillons independants montrent

ainsi que l’environnement virtuel CoPeFoot permet uniquement de « berner » les novices.

Cet « effet leurre » fonctionne seulement pour les novices et uniquement lors de la premiere

mesure. Cependant, a la troisieme mesure, nous observons que les novices ne sont pas capables

d’ameliorer leur performance (µ N = 2,83). Ces resultats temoignent de la capacite de

CoPeFoot a leurrer les novices.

6.2.3.3 L’effet leurre dans le temps

Pour l’ensemble des participants, le test t de Student pour echantillons apparies

montre que les sujets progressent dans la distinction entre agents virtuels autonomes et

avatars controles par des humains au cours des trois mesures. Une difference significative

Cyril Bossard 201

Page 202: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 6 – Conception et Evaluation d’un Environnement Virtuel : CoPeFoot

existe entre la premiere mesure et la troisieme mesure (t (1,47) = 4,81 ; p < .001) pour

l’ensemble des sujets.

Paire Mesures Moyenne σ N Difference Difference σ t d.d.l p

11 3,375 1,213 48 0,687 1,925 2,473 47 .0172 2,687 1,613

21 3,375 1,213 48 1,104 1,587 4,818 47 .0003 2,270 1,250

32 2,687 1,613 48 0,416 1,698 1,699 47 .093 2,270 1,250 ns

Tableau 6.6 – Resultats test t pour echantillons apparies pour l’ensemble des participants

Pour les novices, le test t de Student pour echantillons apparies indique qu’ils

progressent de la 1ere a la 2eme mesure (t (1,23) = 2,88 ; p < .01), et de la 1ere a la 3eme

mesure (t (1,23) = 3,21 ; p < .01). Cependant, ils ne progressent pas de la 2eme a la 3eme

mesure (t (1,23) = 0 ; ns).

Paire Mesures Moyenne σ N Difference Difference σ t d.d.l p

11 3,791 1,020 24 0,958 1,627 2,883 23 .0082 2,833 1,493

21 3,791 1,020 24 0,958 1,458 3,217 23 .0033 2,833 1,274

32 2,833 1,493 24 0,000 1,615 0,000 23 13 2,833 1,274 ns

Tableau 6.7 – Resultats test t pour echantillons apparies pour les novices

Pour les experts, le test t de Student pour echantillons apparies revele qu’ils ne

progressent pas de maniere significative de la premiere mesure a la deuxieme mesure (t (1,23)

= 0,93 ; ns) mais s’ameliorent lors de la troisieme (t (1,23) = 3,54 ; p < .001).

Paire Mesures Moyenne σ N Difference Difference σ t d.d.l p

11 2,958 1,267 24 0,416 2,185 0,934 23 .3592 2,541 1,744 ns

21 2,958 1,267 24 1,250 1,725 3,548 23 .0013 1,708 0,954

32 2,541 1,744 24 0,833 1,711 2,386 23 .0253 1,708 0,954

Tableau 6.8 – Resultats test t pour echantillons apparies pour les experts

202 Cyril Bossard

Page 203: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La validation de la credibilite comportementale de CoPeFoot par la simulation participative

L’analyse statistique a partir du test t de Student pour echantillons apparies montre donc

une evolution differente en fonction des 2 groupes (Cf. Figure 6.6, p 203). Toutefois, l’effet

« leurre » de l’environnement CoPeFoot s’estompe pour les deux groupes de sujets entre la

premiere mesure et la derniere.

Figure 6.6 – Evolution des novices et des experts au cours des trois mesures

6.2.4 Discussion

Notre etude exploratoire avait pour objectif d’evaluer la credibilite comportementale

de l’environnement virtuel CoPeFoot. Nous avons interroge les humains immerges dans le

simulateur sur la possibilite de distinguer des avatars controles par d’autres humains et des

joueurs virtuels autonomes guides par le modele informatique. Les resultats montrent que

cette capacite de distinction est plus importante pour les experts que pour les novices. De

plus, ils montrent une amelioration des performances au cours des trois mesures successives

pour l’ensemble des sujets.

Produire des donnees qui permettent d’etudier la credibilite comportementale d’un

environnement virtuel pose des questions methodologiques difficiles, notamment du point

de vue des mesures utilisees et des conditions de l’experimentation. A cet egard, notre etude

peut etre discutee sur 3 points : la mesure de l’effet leurre, les limites de l’environnement

virtuel et les limites de la procedure d’evaluation utilisee.

Cyril Bossard 203

Page 204: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 6 – Conception et Evaluation d’un Environnement Virtuel : CoPeFoot

6.2.4.1 La mesure de l’effet leurre de l’environnement

Nous avons tout d’abord montre, a l’aide du test de conformite du χ2, que les reponses de

l’ensemble des sujets n’etaient pas dues au hasard (en considerant une distribution uniforme)

pour l’ensemble des mesures et pour chacune d’entre-elles. Ensuite, conformement a nos

hypotheses de depart, nous montrons que l’expertise des joueurs de football leur permet

d’avoir des performances plus elevees que les novices dans la distinction entre un agent

humain et un agent virtuel. L’effet leurre de l’environnement CoPeFoot est plus marque

pour les novices. Ces resultats ne sont pas surprenants. L’environnement CoPeFoot n’a, a ce

jour pas ete enrichi par les donnees issues de l’analyse de l’activite reelle de joueurs experts de

football. Les agents virtuels se comportent ainsi comme des novices de l’activite. Les experts

sont ainsi capables, des les deux premiers passages, de reconnaıtre au moins un avatar controle

par un autre expert (µ = 2, 95). De plus, ils ameliorent leur performance au cours des mesures

successives. On peut considerer que la difference entre ces experts et les novices est liee au

transfert de competences liees au domaine. La question du transfert dans le cadre de la

conception et la validation d’EV a souvent ete traitee sous l’angle du transfert du virtuel vers

le reel (Bossard et al., 2008). Notre proposition est originale dans la mesure ou le transfert

du reel vers le virtuel (les competences des footballeurs experts) est considere ici comme un

indicateur de credibilite de l’EV.

Les novices quant a eux, ne sont pas capables de faire cette distinction aux deux premiers

passages mais le peuvent lors des passages suivants. Plus precisement, les novices ne savent

pas faire la distinction entre un comportement de novice humain et un comportement d’agent

virtuel (µ = 3,79). Cependant, les resultats montrent que l’effet « leurre » de l’environnement

ne se maintient pas dans le temps. Des la seconde mesure, les novices sont capables de

reconnaıtre au moins un avatar controle par un autre novice (µ = 2,83). Cette performance

n’evolue pas lors de la troisieme mesure.

A la lumiere de ces resultats, nous serions tentes de conclure a la faible credibilite de

l’environnement CoPeFoot, la credibilite de l’environnement etant mesuree a partir de sa

capacite a berner les sujets. Cependant, notre etude ne nous permet pas d’apporter une

reponse definitive a cette question. Nos resultats peuvent etre interpretes d’une autre maniere.

Par exemple, la moyenne des experts (sur notre echelle de performance de 1 a 6) lors de la

premiere mesure est proche de 3, ce qui correspond a la reconnaissance d’un agent virtuel

autonome mais egalement a une mauvaise reponse. On peut aussi interpreter que chaque

mauvaise reponse du sujet temoigne de la capacite de l’environnement a le berner. Nos

resultats montrent alors que l’environnement leurre frequemment les sujets. Plus precisement,

CoPeFoot est capable de berner les experts concernant au moins un agent lors des deux

premieres mesures (µ 1 = 2,95 et µ 2 = 2,54) et lors des deux dernieres pour les novices

(µ 2 et 3 = 2,83). D’autres investigations nous semblent donc necessaires pour etablir des

certitudes quand a la credibilite de l’environnement.

204 Cyril Bossard

Page 205: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

La validation de la credibilite comportementale de CoPeFoot par la simulation participative

6.2.4.2 Les limites de l’environnement

La situation experimentale que nous avons construite presente cependant des limites.

D’une part, elle entrave/contraint les possibilites d’actions des joueurs dans l’environnement.

Si l’utilisation des manettes n’est pas un probleme majeur a resoudre (les sujets sont familiers

du dispositif), il n’en reste pas moins que les actions associes aux commandes sont des actions

simples (passer, courir, se deplacer, tirer, appeler la balle). Ces actions ne couvrent pas

l’ensemble du repertoire d’actions d’un expert et n’autorisent pas non plus une combinaison

sophistiquee de gestes techniques. Des lors, en limitant le champ des possibles pour le joueur

(comme pour l’agent), on limite en quelque sorte les possibilites de choix.

De facon complementaire, la repetition de la situation permet de construire des connais-

sances sur les actions et les possibilites offertes par l’environnement. Ainsi, si les compor-

tements des experts dans la situation evoluent du fait d’une appropriation renforcee, les

comportements des agents virtuels quant a eux n’evoluent pas. La repetition de la situation

permet donc de reconnaıtre plus facilement les agents virtuels dans la simulation. L’evolution

des comportements des agents (par apprentissage) est prevue dans le simulateur. Comme

nous l’avons explique, nous operons des analogies simplifiees entre la modelisation informa-

tique et la modelisation psychologique. L’interet de ces analogies est qu’elles nous permettent

d’envisager un enrichissement du modele a partir des donnees issues de l’analyse de l’acti-

vite reelle. Pour CoPeFoot, l’architecture informatique pourrait etre renseignee, raffinee a

partir des schemas typiques identifies chez les joueurs de football experts en situation de

contre-attaque.

Notons egalement la tendance des sujets a se detourner de la tache quand ils savent que

la question posee est celle de l’identification des agents. En effet, lors de la premiere mesure,

les sujets ne connaissent pas l’objet de l’experimentation. Cependant, des la seconde mesure,

l’objet de l’experimentation est devoile. Des lors, nous observons un detournement de la tache

par les sujets qui cherchent a decouvrir qui sont les partenaires et les adversaires. La situation

d’etude (contre-attaque) est pour ainsi dire relayee en second plan.

6.2.4.3 La validite du test

Notre etude se distingue du Test de Turing originel (Turing, 1950) a plusieurs egards.

Le test de Turing est un test base sur la conversation et sollicite en consequence une

communication verbale explicite entre le programme informatique et le sujet. Dans notre cas,

la communication est non-verbale et se base ainsi sur les comportements des joueurs dans la

simulation. Finalement, la seule possibilite de communiquer avec ses partenaires est liee aux

comportements des avatars. La communication, comme nous l’avons montre dans le chapitre

5, passe par des jeux d’influence entre partenaires. Des lors, il n’apparaıt pas surprenant que

les experts developpent des jeux d’influence mutuelle, des modes de coordination typiques

Cyril Bossard 205

Page 206: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Chapitre 6 – Conception et Evaluation d’un Environnement Virtuel : CoPeFoot

plus importants que les novices, ce qui leurs permet de se reconnaıtre entre eux (Eccles et

Tenenbaum, 2004). Pour les novices, cette communication est plus difficile et leur capacite a

discriminer les comportements des agents est a double sens.

Enfin, la reussite au test de Turing est mesuree sur une echelle temporelle considerant

qu’une conversation de cinq minutes sans distinction entre le programme informatique et

l’humain permet de valider le test. Dans notre test, les situations sont des situations de

contre-attaques, elles sont fugaces, evolutives, et imposent une reconnaissance rapide entre

agents et avatars. On peut se demander si la credibilite resisterait a un temps de simulation

plus long.

Au terme de cette etude exploratoire, nous pouvons tirer des enseignements importants

pour la conception de l’environnement virtuel. Ces premiers resultats attestent d’une certaine

credibilite comportementale de CoPeFoot. Plus particulierement, ils temoignent de la capacite

des agents virtuels autonomes a produire des comportements de joueurs credibles pour des

novices. Ces resultats nous paraissent encourageants et nous incitent a poursuivre plus avant

notre travail de collaboration. Nous envisageons ainsi, a court terme, de reproduire cette etude

avec une version 2 de CoPeFoot. L’etude consisterait a comparer les performances de sujets

au regard d’un CoPeFoot enrichi de donnees liees a l’analyse de l’activite individuelle et/ou

collective reelle. D’autres perspectives sont egalement envisageables, nous les detaillerons

dans une derniere partie consacree a la discussion generale.

206 Cyril Bossard

Page 207: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion generale

L’emergence des technologies de la realite virtuelle ouvre aujourd’hui un champ de

simulations qui demain seront suffisamment pertinentes pour etre utilisees dans le cadre de

la formation. Cependant, pour qu’elles servent de support a l’apprentissage, ces simulations

necessitent de prendre en compte les mecanismes cognitifs mis en jeu par des etres humains

impliques dans les situations que l’on souhaite simuler. Les travaux que nous avons menes en

collaboration avec des chercheurs en sciences de l’informatique suivent cette ligne de conduite.

Au terme de ce travail de recherche, nous souhaitons revenir sur les differentes phases de

notre demarche : analyse de l’activite, modelisation de cette activite, simulation et evaluation,

et conception d’un environnement virtuel de formation. Nous trouverons ainsi l’occasion de

rappeler les options theoriques sur lesquelles nous avons fonde nos hypotheses, les principes

methodologiques qui ont oriente la mise en œuvre de la recherche ainsi que les principaux

resultats obtenus. Nous discuterons egalement des apports et des limites de nos propositions

afin d’envisager quelques axes prospectifs. Ce dernier chapitre s’organise en trois points :

l’analyse de l’activite decisionnelle en situation dynamique et collaborative, la demarche

ergonomique de conception de l’environnement virtuel CoPeFoot, et les perspectives offertes

par l’environnement virtuel.

L’analyse de l’activite decisionnelle en situation dy-

namique collaborative

L’analyse de l’activite decisionnelle en situation dynamique et collaborative a constitue

le centre d’interet principal de ce travail de recherche. Plus precisement, en partant d’une

revue des travaux effectues dans le domaine de la psychologie du sport, nous avons mis en

exergue la necessite d’apprehender cet objet de recherche, d’une part comme une articulation

Cyril Bossard 207

Page 208: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion generale

de variables perceptives et cognitives, d’autre part comme un processus particulierement

dependant des contraintes contextuelles. Parmi ces effets de contexte, nous avons mis l’accent

sur la dimension collective de l’activite a travers l’etude des coordinations et des influences

entre individus.

Dans ce travail de recherche, en exploitant le cadre conceptuel propose par la NDM

et les apports de la litterature scientifique sur l’activite collective, nous avons cherche a

mieux apprehender l’articulation entre l’activite collective et l’activite des individus.

Nous postulions que la decision tactique devait etre abordee a la fois comme une variable

cognitive mais egalement sociale, c’est-a-dire construite dans la relation a autrui. Comprendre

la collaboration des membres de l’equipe dans l’activite decisionnelle en sports collectifs a

consiste a comprendre comment les joueurs s’influencent et parviennent a articuler leurs

activites. Cette option de recherche, ce point de vue sur l’activite collective, nous ont conduit

a etudier d’une part l’activite des individus, pour mettre a jour les schemas typiques actives

en cours d’action, d’autre part l’articulation de l’activite de ces individus, pour identifier des

formes typiques, des regularites qui apparaissent dans le jeu des influences entre partenaires.

Dans cette perspective, l’analyse de l’activite individuelle s’est imposee comme un prealable

a l’etude de l’activite collective. Nous en rappelons les principaux resultats.

A partir de l’approche NDM, nous avons analyse le couplage entre le sujet et le contexte

pour identifier la succession des situations vecues (conscience de la situation) en cours

d’action par les joueurs. L’analyse des differentes situations vecues a permis de reveler des

structures cognitives d’arriere-plan : 16 schemas typiques actives en situation de contre-

attaque au football. Conformement au processus invoque dans la litterature de la « decision

intuitive » liee a un domaine d’expertise, la decision tactique en situation de contre-attaque

au football est une decision immediate (ou reactive), essentiellement declenchee dans notre

cas par un stimulus contextuel (visuel). Selon Klein (1997), il s’agit d’une decision basee

sur la reconnaissance d’un pattern (configuration de jeu). Cette reconnaissance est favorisee

par la dynamique de la situation courante, le schema active creant une attente pour un

schema habituellement enchaıne dans le cours d’action. Ces enchaınements nous ont permis

de restituer les scripts (ou scenarii) preferentiels des joueurs experts dont nous avons propose

une representation graphique utile pour le chercheur en sports collectifs, ou pour l’entraıneur

qui reconnaıtra les differentes phases de la situation etudiee (la contre-attaque au football).

Dans un second temps, nous avons identifie les formes typiques d’articulation, les

regularites qui apparaissent dans le jeu des influences entre partenaires. L’analyse des donnees

a permis de reveler 5 formes typiques de coordination entre les joueurs en situation de contre-

attaque. Chacune de ces formes a ete caracterisee par un jeu d’influences entre partenaires,

par un certain niveau de partage des informations, et par une relation singuliere entre les

buts de chaque membre de l’equipe. Pour expliquer ces formes typiques d’articulation, nous

avons cherche aussi a repondre a la question, centrale dans la litterature, relative a ce qui

208 Cyril Bossard

Page 209: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion generale

est partage entre les membres d’une equipe. Les resultats ont pointe la predominance des

informations issues du contexte pour expliquer la coordination des membres de l’equipe.

D’un point de vue methodologique, nous avons opte pour un entretien d’autoconfronta-

tion face aux comportements reels du sujet lors d’une situation d’etude privilegiee. Nous sup-

posions que les verbalisations provoquees puissent rendre compte de l’activite decisionnelle

du sujet en situation. Bien sur, meme si le chercheur pousse le sujet a affiner, preciser la

description de son activite, nous ne pouvons affirmer avec certitude que le protocole ait per-

mis l’explicitation de l’ensemble des informations significatives implicitement mobilisees en

situation. Quand on souhaite etudier l’activite des sujets en situation a l’aide de verbali-

sations, un decalage est toujours a craindre entre le discours et les actes. Nous avons ainsi

systematiquement mis en relation les comportements observes et les verbalisations recueillies.

L’analyse de contenu s’est poursuivie par un travail de categorisation. Pour l’analyse de l’ac-

tivite decisionnelle individuelle, nous avons choisie une categorisation theorique a partir de

concepts et modeles deja eprouves. A l’inverse, le peu de travaux empiriques disponibles sur

l’activite collective nous a conduit a avoir recours a une categorisation empirique.

La demarche ergonomique de conception de l’envi-

ronnement virtuel CoPeFoot

La recherche dans le domaine de la RV est souvent focalisee sur des aspects techniques

et pourrait viser la reproduction de la realite le plus parfaitement possible. En s’appuyant sur

l’analyse de l’activite des joueurs, notre demarche de conception se demarque des approches

prescriptives de conception des formations pour une approche basee sur la significativite de

l’EV pour les usagers. Pour concevoir un EV significatif, credible, utilisable et utile pour la

formation, nous avons propose une demarche de conception qui prend en compte l’utilisateur a

deux niveaux : 1) le modele de l’agent virtuel peut etre renseigne a partir des donnees issues de

l’analyse de l’activite reelle des joueurs et 2) l’evaluation de la credibilite de l’environnement

par les joueurs fait partie integrante de la demarche de conception.

Dans ce second point, nous discutons des difficultes rencontrees et des limites d’une telle

demarche de conception.

L’enrichissement du modele

Comme nous l’avons explique lors du Chapitre 6, nous avons opere des analogies sim-

plifiees entre les modeles en science de informatique et les modeles en psychologie ergono-

mique. L’interet de ces analogies est qu’elles nous permettent d’envisager un enrichissement

du modele a partir des donnees issues de l’analyse de l’activite reelle. Pour CoPeFoot, l’archi-

Cyril Bossard 209

Page 210: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion generale

tecture informatique pourrait etre renseignee, raffinee a partir des schemas typiques identifies

chez les joueurs de football experts en situation de contre-attaque. Ce travail n’a pour l’ins-

tant pas ete realise pour des raisons de chronologie et de contraintes liees a nos travaux

respectifs.

A l’issue de notre travail de collaboration, nous pouvons tout de meme mettre en avant

trois principes ou criteres qui president au choix des modeles qu’ils soient informatique ou

psychologique. Le premier critere renvoie a la pertinence des modeles par rapport a l’objet

d’etude choisi. La fecondite du modele du point de vue disciplinaire respectif constitue un

second critere. Enfin, la non-contradiction des modeles issus des deux disciplines permet

d’operer des analogies simplifiees. Ce dernier critere est difficile a respecter et peut etre

illustre a partir d’une des principales limites de notre modelisation.

Pour illustrer la difficulte du principe de non-contradiction des modeles, la principale

limite de notre approche est la centration sur l’aspect individuel de l’activite. Comme nous

l’avons demontre, l’activite deployee au sein de situations dynamiques et collaboratives

engendre egalement une dimension collective. Notre etude a permis de mettre a jour des

formes typiques d’articulation des activites individuelles. Cependant, l’integration de ces

modes d’articulation au modele informatique apparaıt actuellement difficile. Nous avons

mis en avant la predominance des informations contextuelles conduisant les joueurs a

se coordonner sur la base d’un contexte partage. Mettre en place un contexte partage

entre des agents virtuels autonomes est relativement aise (Brezillon et Mendes de Araujo,

2005; Salembier et Zouinar, 2000) mais cela peut conduire a un repertoire d’actions des

agents deconnecte de la realite et a agiter le « spectre d’un collectivisme methodologique

radical » (Pavard et Salembier, 2003). Dans le cadre d’une simulation participative, si

tous les agents virtuels reagissent au meme instant de la meme maniere, la credibilite de

l’environnement est mise a mal. Ce type de modelisation negligerait alors la part d’autonomie

de chaque agent. Nous maintenons donc l’idee d’aboutir a une collaboration entre agents

(qu’ils soient humains ou virtuels) sans modelisation au prealable d’un contexte partage.

Finalement, le processus de modelisation de l’environnement virtuel pourrait se pour-

suivre par deux etapes supplementaires : l’enrichissement du modele et l’evaluation de l’EV

« renseigne ».

L’evaluation de l’EV

L’interet du dispositif d’evaluation que nous avons propose (Cf. Chapitre 6, p 192)

est de pouvoir mettre les sujets (joueurs) en action dans un environnement virtuel. Un tel

environnement doit donc presenter des caracteristiques qui permettent aux sujets animant

les avatars de s’impliquer pleinement dans la situation. Cette implication n’est possible que si

les sujets accordent de la credibilite a la situation qui est presentee. L’environnement virtuel

210 Cyril Bossard

Page 211: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion generale

Figure 6.7 – Schema de la demarche de modelisation des agents virtuels

doit etre suffisamment credible pour que les decisions soient en concordance avec ce qu’elles

seraient dans la realite. Or nous avons vu que les actions des joueurs dans CoPeFoot sont

limitees. Comment se font alors les choix d’actions ? On peut supposer qu’en situation de

simulation, le choix d’action est celui qui se rapproche le plus de l’action reelle que l’on

aurait choisie. Les joueurs operent alors un transfert de competences du reel vers le virtuel.

D’autres investigations nous semblent encore necessaires pour effectivement evaluer l’efficacite

de CoPeFoot. Nous pensons plus particulierement que l’etude du transfert du virtuel vers le

reel est un objectif realisable.

Perspectives pour CoPeFoot

Une des principales perspectives concernant CoPeFoot consiste a passer d’un environ-

nement simulant des situations dynamiques et collaboratives credibles et immersives a un

environnement virtuel destine a l’apprentissage humain. Cette etape n’est pas encore ete

realisee mais nous l’avons tout de meme envisagee des le debut de notre travail. A partir

de l’environnement virtuel CoPeFoot, nous avons developpe un logiciel de recueil de traces :

EXPECoPeFoot. Ce logiciel devrait fournir dans un futur proche d’une part, une aide a

l’apprentissage et d’autre part, une aide methodologique pour la recherche.

Une des difficultes des simulations participatives est de faire evoluer les comportements

des agents virtuels autonomes pour qu’ils s’adaptent a l’utilisateur humain. Dans notre travail,

Cyril Bossard 211

Page 212: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion generale

cela consiste a enrichir et affiner la base de cas de l’agent virtuel. Nous avons envisage

cet apprentissage de nouveaux cas en deux voies distinctes correspondant a deux types

d’apprentissage classiquement evoques en psychologie cognitive : implicite et explicite.

L’apprentissage implicite est une possibilite offerte a partir de l’observation du compor-

tement de l’avatar par les agents virtuels. L’utilisateur, en collaborant avec les entites va en

quelque sorte structurer l’environnement avec ses actions. Par la repetition des situations,

les agents virtuels vont renseigner leur base en observant les comportements et le contexte

de l’utilisateur. Pour eviter une « explosion » de la base de cas de l’agent, trois criteres per-

mettent a l’agent de memoriser un cas. Dans un premier temps, le contexte de l’utilisateur

doit etre different des contextes deja repertories. Le second critere concerne le but de l’utili-

sateur. Pour integrer la base de cas, ce dernier doit etre different de ceux deja recenses. Enfin,

l’action ou la sequence d’action mise en œuvre par l’utilisateur doit etre nouvelle pour etre

enregistree.

Ensuite, nous avons envisage que l’utilisateur puisse renseigner de maniere explicite la

base de cas des agents virtuels. L’utilisateur humain peut ainsi donner du poids (en cliquant)

aux elements contextuels percus et significatifs de son propre point de vue et ce, a n’importe

quel moment de la situation. L’expert sera ainsi en mesure de fournir aux agents virtuels les

affordances (les informations pertinentes et directement utiles pour agir) de l’environnement

qui lui permettent de prendre des decisions. Cet apprentissage explicite est rendu possible

par l’utilisation du gestionnaire d’experimentations qui permet de restituer une situation a

l’identique et qui, pour chaque pas de simulation permet de montrer les perceptions qui ont ete

prise en compte a cet instant de la simulation. Des lors, on peut envisager un apprentissage

explicite pour les agents virtuels en leur indiquant qu’en fonction d’un cas, c’est telle ou

telle information du contexte qu’il faut prioritairement prendre en consideration. Ces deux

formes d’apprentissage font actuellement l’objet de nombreuses investigations en psychologie

cognitive et en psychologie du sport (Raab, 2003). La realite virtuelle offre egalement la

possibilite d’experimenter ces deux voies de maniere originale.

Les voies d’apprentissage des agents virtuels permettent en retour d’envisager des voies

d’apprentissage pour des utilisateurs novices. Le contexte exprime sous sa forme explicite

nous permet de mettre en evidence les perceptions qui sont utilisees par l’expert au cours

de son activite. Il est alors possible de montrer (par effet de surbrillance par exemple) a

un utilisateur apprenant quelles perceptions sont prioritaires ou encore celles qu’il aurait du

prendre en compte. Les aides eventuelles apportees grace aux techniques de realite augmentee

ont fait l’objet d’une reflexion en amont (Bossard et al., 2006).

La seconde perspective a long terme est de verifier la genericite de notre approche en

l’appliquant a d’autres domaines d’activite. Comme nous l’avons mentionne plus tot il nous

faudra alors faire appel a des specialistes du domaine pour definir les contextes et les per-

ceptions pertinentes pour cette nouvelle application. La meme demarche de conception peut

212 Cyril Bossard

Page 213: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion generale

donc etre reprise : analyse de l’activite reelle pour enrichir le contexte, puis experimentations

avec des specialistes du domaine. L’objectif serait alors de montrer la pertinence de notre

approche, a l’egard d’autres activites collaboratives pour la conception d’environnements

virtuels. Dans cette perspective, notre analyse de l’activite collective pourrait contribuer a

l’evolution de l’environnement virtuel GVT (Generic Virtual Training) destine a la formation

de mecaniciens pour la maintenance de char (Gerbaud et al., 2008). Pour l’instant, cet environ-

nement propose une formation individuelle. Nous pouvons alors envisager le developpement et

la modelisation d’agents virtuels « collaborateurs » pour une formation au travail en equipe.

Le logiciel de recueil de traces EXPECoPeFoot (Cf. Figure 6.8, p 214) constitue

egalement un nouvel outil d’investigation de l’activite humaine face a des environnements

virtuels. Les methodes d’etude de l’activite decisionnelle dans le domaine sportif essuient

aujourd’hui de nombreuses critiques. Pour etablir les differences individuelles et contextuelles

dans l’activite decisionnelle, les recherches s’appuient sur des protocoles experimentaux

qui reproduisent de maniere insuffisante la dynamique des situations reelles (schemas,

diapositives, films). Aujourd’hui, l’immersion dans des situations simulees « in virtuo », grace

a l’usage de la realite virtuelle, permet de franchir ces limites methodologiques. Dans cette

perspective le logiciel d’experimentation est une voie originale pour aider a l’analyse de

l’activite.

En utilisant les techniques de la realite augmentee, ce logiciel d’experimentation permet

de recueillir des donnees qualitatives sur les elements contextuels percus et significatifs pour

l’utilisateur. Apres avoir participe a une situation simulee en RV, l’utilisateur est confronte

au film (grace au magnetoscope virtuel) de sa prestation en RV. Il peut alors interagir avec ce

film et nous renseigner sur les elements contextuels pris en compte a un instant t. C’est-a-dire

qu’il peut cliquer sur les partenaires ou adversaires et preciser la dimension prise en compte :

vitesse, distance partenaire/adversaire/ballon/cible, joueur marque ou demarque (Cf. Figure

6.8). Ces traces de l’activite sont enregistrees de maniere automatique et pourrait faciliter

l’analyse par le chercheur.

Les perspectives offertes par les dispositifs de Realite Virtuelle sont nombreuses et

variees. Nous entretenons ainsi l’espoir de la mise a disposition de CoPeFoot dans un futur

proche pour la formation des joueurs a la decision tactique afin de remplacer les methodes

dites de « tableaux noirs » actuellement utilisees.

Pour terminer, nous souhaitons souligner l’interet que nous avons porte a ce projet. Ce

travail nous a donne l’occasion de confronter des connaissances theoriques appartenant a des

champs scientifiques differents. Si les echanges entre les chercheurs peuvent paraıtre dans un

premier temps difficiles, ils s’averent au bout du compte d’une extreme richesse. Accepter de

quitter son domaine familier pour s’immiscer en tant que novice dans celui d’un autre est

une experience passionnante. En ce qui nous concerne, chacune des phases de ce projet que

Cyril Bossard 213

Page 214: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Discussion generale

Figure 6.8 – ExpeCoPeFoot

nous avons developpe a constitue une aventure emprunte d’incertitudes et de risques. Que

se soit dans la definition de l’objet, dans le choix d’une demarche de modelisation ou d’un

protocole experimental, les travaux effectues trouvent leur origine dans des discussions parfois

passionnees ou passionnantes, parfois anodines et informelles, entre des personnes issues de

disciplines differentes, animees d’une meme volonte d’aller de l’avant.

214 Cyril Bossard

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234 Cyril Bossard

Page 235: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe A

Etude de l’activite decisionnelleindividuelle

A.1 Repartition des U.S avant triangulation

AttentesSujets Buts Connais- Informations Actions Specifi- ou Total

sances contextuelles cations Resultats

Gautier 7 22 69 45 3 13 159

Bastien 11 9 44 39 1 17 121

Gaetan 19 14 73 37 2 11 156

Charles 12 7 38 29 5 5 96

Jordan 15 11 43 36 1 2 108

Kevin 18 6 52 34 5 5 120

Flavien 14 17 23 32 1 9 96

Benoıt 21 16 68 34 0 13 152

Michel 10 7 30 35 3 7 92

Benjamin 15 4 34 28 2 9 92

Thibault 19 18 28 31 2 9 107

Paul 9 2 27 26 0 9 73

Total 170 133 529 406 25 109 1372

% 12,4 9,7 38,6 29,7 1,8 7,9 100

Tableau A.1 – Repartition des US en fonction des sujets et des categories theoriques (avanttriangulation)

Cyril Bossard 235

Page 236: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe A – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

A.2 Les modelisations

A.2.1 La modelisation generale

Figure A.1 – Modelisation des schemas typiques actives pour l’ensemble descontre-attaques

236 Cyril Bossard

Page 237: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Les modelisations

A.2.2 Les modelisations par equipe

Figure A.2 – Modelisation des schemas typiques actives pour l’equipe jaune

Figure A.3 – Modelisation des schemas typiques actives pour l’equipe rouge

Cyril Bossard 237

Page 238: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe A – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

Figure A.4 – Modelisation des schemas typiques actives pour l’equipe verte

Figure A.5 – Modelisation des schemas typiques actives pour l’equipe violette

238 Cyril Bossard

Page 239: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Les modelisations

A.2.3 Les modelisations par joueur

Figure A.6 – Modelisation des schemas typiques actives par Bastien

Figure A.7 – Modelisation des schemas typiques actives par Benjamin

Cyril Bossard 239

Page 240: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe A – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

Figure A.8 – Modelisation des schemas typiques actives par Charles

Figure A.9 – Modelisation des schemas typiques actives par Flavien

Figure A.10 – Modelisation des schemas typiques actives par Gaetan

240 Cyril Bossard

Page 241: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Les modelisations

Figure A.11 – Modelisation des schemas typiques actives par Gautier

Figure A.12 – Modelisation des schemas typiques actives par Jordan

Figure A.13 – Modelisation des schemas typiques actives par Kevin

Cyril Bossard 241

Page 242: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe A – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

Figure A.14 – Modelisation des schemas typiques actives par Michel

Figure A.15 – Modelisation des schemas typiques actives par Paul

Figure A.16 – Modelisation des schemas typiques actives par Thibault

242 Cyril Bossard

Page 243: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Les 16 schemas typiques

A.3 Les 16 schemas typiques

Cyril Bossard 243

Page 244: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe

A–

Etude

de

l’activ

ite

decis

ionnelle

indiv

iduelle

Buts Connaissances Informations contextuelles Actions Specifications Resultatspar / soi par / part par / adv

Contrerl’adversaire,empecher

l’adversairede faire une

passe

Chacun sazone pourpresser et

cadrer

Etre avec unpartenaire

pourrecuperer

Lesadversairessont genes

Presser,anticiper,bloquer,marquer,prendre le

ballon

Lesadversairesperdent la

balle, je ou lepartenairerecupere la

balle

Tableau A.2 – Schema n°1 : Intercepter le ballon

244

Cyril

Bossard

Page 245: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Les

16

schemas

typiq

ues

Buts Connaissances Informations contextuelles Actions Specifications Resultatspar / soi par / part par / adv

Etre attentifa la

recuperationdu ballon

Je sais que jedois prendreun espace

libre

Etre enappui devant

Lespartenairessont a la

recuperation

Le defenseurest au

marquage

Attendre,regarder, etre

attentif

Le(s)partenaire(s)recupere(nt)le ballon, lesadversairesperdent la

balle

Tableau A.3 – Schema n°2 : Observer, analyser, anticiper l’evolution de la situation

Cyril

Bossard

245

Page 246: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe

A–

Etude

de

l’activ

ite

decis

ionnelle

indiv

iduelle

Buts Connaissances Informations contextuelles Actions Specifications Resultatspar / soi par / part par / adv

Aller vitevers l’avant,

dans unespace libre,demander la

balle

Donner unesolution au

PB

Le partenairerecupere leballon etprogresse

Regarder,faire unappel,

prendre unedirection vers

le but

Recevoir leballon, se

mettre dansle sens du

but

Tableau A.4 – Schema n°3 : S’engager vite vers l’avant pour profiter de la recuperation du ballon

246

Cyril

Bossard

Page 247: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Les

16

schemas

typiq

ues

Buts Connaissances Informations contextuelles Actions Specifications Resultatspar / soi par / part par / adv

Aller vitedevant, avoirde l’espace

Connaıtre leplacement de

sespartenaires

Se situerdans l’espacede jeu, ne pasetre attaque

Recevoir laballe, voir lesdeplacements

de sespartenaires

Voir leplacement

desadversaires

Prendre laballe,

s’avancer,regarder lespartenaires,lever la tete

Laisser de laplace aux

partenaires

Tableau A.5 – Schema n°4 : Aller vite vers l’avant avec le ballon tout en etant attentif au jeu

Cyril

Bossard

247

Page 248: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe

A–

Etude

de

l’activ

ite

decis

ionnelle

indiv

iduelle

Buts Connaissances Informations contextuelles Actions Specifications Resultatspar / soi par / part par / adv

Soutenir(etre ensoutien,

proposer unesolution ensoutien)

Le partenairepeut

uniquementremiser en

arriere

Etre derriere,etre ensoutien

Le(s)partenaire(s)recupere(nt)la balle, lespartenaires

jouent collec-tivement (Xdonne a Y

qui leredonne), lepartenaire

temporise, lespartenairessont genes

par lesadversaires

Se rendredisponible

pour lepartenaire(revenir en

arriere,reculer,

s’arreter, jemontre queje suis la, jevais vers lui,je me decale,se mettre a

sa gauche /sadroite,

rejoindre lepartenaire)demander laballe (voix ou

appel deballe, direque je suisderriere)

Le partenairedonne la

balle ou ratesa passe

Tableau A.6 – Schema n°5 : Proposer son aide a un partenaire pour conserver le ballon

248

Cyril

Bossard

Page 249: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Les

16

schemas

typiq

ues

Buts Connaissances Informations contextuelles Actions Specifications Resultatspar / soi par / part par / adv

Attirer ledefenseuravec soi,laisser de

l’espace auxpartenaires

Prendre unespace libre

pourpermettre aupartenaire dechoisir unesolution

Etre seul

Le partenairerecupere le

ballon

Voir l’actiondes

defenseurs

Prendre unedirection, un

espace

Laisser de laplace aux

partenaires,creer dessolutions

pour le PB

Tableau A.7 – Schema n°6 : Creer de l’espace pour permettre a des partenaires de s’engager vers l’avant

Cyril

Bossard

249

Page 250: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe

A–

Etude

de

l’activ

ite

decis

ionnelle

indiv

iduelle

Buts Connaissances Informations contextuelles Actions Specifications Resultats

par / soi par / part par / adv

Se deplacerdans l’espaceen fonction

de sespartenaires

pour recevoirune passe

Le partenairea des

solutions

Se situer parrapport auxpartenaires

dans l’espacede jeu

Le partenairerecupere la

balle,progresse sur

le terrain,l’autre

partenaire sedeplace

Voir leplacement

desadversaires

Aller vitedans unespace,

regarder lePB

Changer dedirection

Le partenairefrappe au

but, lepartenaire

me la passe,s’attendre arecevoir le

ballon

Tableau A.8 – Schema n°7 : Se deplacer par rapport a ses partenaires dans l’espace de jeu pour proposer une solution de progression vers la cible

250

Cyril

Bossard

Page 251: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Les

16

schemas

typiq

ues

Buts Connaissances Informations contextuelles Actions Specifications Resultatspar / soi par / part par / adv

Passer a unpartenaire

Le partenaireest plusrapide

Etre prochedu ballon

Voir leplacement de

sespartenaires

Lesdefenseurs

arrivent vite,ils mettent la

pression

Recuperer leballon,avancer,

regarder sespartenaires,

passer

Lever la balle

L’adversairerecupere la

balle oupasse reussie

Tableau A.9 – Schema n°8 : Choisir une solution de passe pour assurer la continuite du jeu

Cyril

Bossard

251

Page 252: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe

A–

Etude

de

l’activ

ite

decis

ionnelle

indiv

iduelle

Buts Connaissances Informations contextuelles Actions Specifications Resultatspar / soi par / part par / adv

Attendre lasoutien despartenaires

Savoir que lespartenaires

arrivent

Voir sespartenaireseloignes de

l’action

Lesdefenseursreviennent

vite

Recuperer,dribbler,conserver,temporiser

Perdre lasuperiorite

numerique oupasser

Tableau A.10 – Schema n°9 : Attendre le soutien des partenaires

252

Cyril

Bossard

Page 253: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Les

16

schemas

typiq

ues

Buts Connaissances Informations contextuelles Actions Specifications Resultatspar / soi par / part par / adv

Ecarter (sedecaler, faireattention) a

l’adver-saire/au HJpour recevoir

une passe

Connaıtre laregle du HJ,savoir ce quele PB veut

faire

Etredemarque,

etre en bonneposition

Le PBprogresse ounon (rate, sefait prendrele ballon)

Situerl’adversaire

dans l’espace(proche loin,

cote),l’adversairepresse le PB

ou non

Regarder leplace-

ment/depla-cement del’adversaire

(faireattention au

HJ),progresser(s’avancer),s’ecarter del’adversaire

Recevoir ous’attendre arecevoir la

balle

Tableau A.11 – Schema n°10 : Se deplacer par rapport au hors-jeu, a l’adversaire et rechercher la rupture

Cyril

Bossard

253

Page 254: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe

A–

Etude

de

l’activ

ite

decis

ionnelle

indiv

iduelle

Buts Connaissances Informations contextuelles Actions Specifications Resultatspar / soi par / part par / adv

Effacerl’adversaire(eliminer)

Savoir quel’adversaireest proche,qu’il arrive

vite

Etre souspression, seul

Lespartenairessont devant,ne pas avoirde solutions

Le ou lesadversairesarrivent vite(s’avance vers

moi, il estproche), lesadversairesne suiventpas leur

marquage

Recuperer laballe, faireune feinte,

dribbler, faireun crochet

Eliminer(feinter)

l’adversaireou non (se

faire prendrela balle)

Tableau A.12 – Schema n°11 : Eliminer en dribblant pour progresser vers la cible

254

Cyril

Bossard

Page 255: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Les

16

schemas

typiq

ues

Buts Connaissances Informations contextuelles Actions Specifications Resultatspar / soi par / part par / adv

Aller vite(vers l’avant)

et surl’adversaire(foncer),attendre

pour fixer,fixer (attirer)le defenseur,provoquer

Envisager lessolutions,

attendre unedistance quipermet dedonner laballe sans

que ledefenseur la

prenne,savoir ou

sont placesles

partenaires(a droite ou

gauche,devant)

Avoir leballon

Le ou lespartenaires

font unappel, voir le

3c1

L’adversairearrive vite

Lever la tete,provoquer

(aller vite surun

adversaire,chercher al’attirer),

attendre quel’adversaire

se jette, fixer,passer vite(donner,mettre)

Passer dansle bon timing

Tableau A.13 – Schema n°12 : Fixer-passer pour progresser vers la cible

Cyril

Bossard

255

Page 256: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe

A–

Etude

de

l’activ

ite

decis

ionnelle

indiv

iduelle

Buts Connaissances Informations contextuelles Actions Specifications Resultatspar / soi par / part par / adv

Se placer oudeplacer pourreceptionnerun centre ouune passe

(s’attendre a,penser apreparer,

aller, faire, semettre) aupoint de

penalty, audeuxieme

poteau, pouretre enretrait

Suivrel’action dupartenaire,garder la

dynamique

Etre seul,demarque,proche ou

devant le but(1er ousecondpoteau)

Le partenairerecupere,fixe-passe,elimine,

passe, un despartenairesse place (au

premierpoteau, audeuxieme, a

droite, agauche)

Le ou lesadversaires

marquent lespartenaires,l’adversairesuit ou non,le gardien

sort vite dubut

Aller,s’avancer (au

point depenalty, aucentre, dans

l’axe, adroite, dansla surface)

devant le but

Ajuster sonplacement

Le centre estreussi ourate, le

partenairefrappe au but

Tableau A.14 – Schema n°13 : Se placer ou se deplacer pour recevoir un centre ou une passe decisive

256

Cyril

Bossard

Page 257: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Les

16

schemas

typiq

ues

Buts Connaissances Informations contextuelles Actions Specifications Resultatspar / soi par / part par / adv

Mettre,passer laballe au

partenairedevant le but

Savoir que lepartenaireest meilleur(technique-ment, il voitmieux le jeu),connaıtre lespossibilites

(passe,dribble),savoir

comment lepartenaire

veut recevoirla balle, une

passeappuyee a

ras de terre,il peut mieuxla controler,et etre dansle sens dujeu, si je

peux centrerou non

Etre coince

Voir lespartenairesdemarquesdevant le

but, seuls, lepartenairecontinue sacourse (faitun appel

direct), il estseul,

L’adversairearrive vite,met de lapression

Passer a unpartenaire

(donner, faireressortir,remettre,mettre en

une, dans laprofondeur,devant lui,

dans sacourse,

appuyee aras de terre),controler la

balle,regarder dans

l’axe duterrain,passer la

balle, prendrela balle du

coup du pied

Fort devantle partenaire

un peuenroulee, en

retrait

S’attendre avoir le

partenairemarquer unbut, la passeest reussie ou

ratee(contree), se

fairerattraper parles defenseurs

Tableau A.15 – Schema n°14 : Passer pour mettre le partenaire en situation favorable de frappe

Cyril

Bossard

257

Page 258: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe

A–

Etude

de

l’activ

ite

decis

ionnelle

indiv

iduelle

Buts Connaissances Informations contextuelles Actions Specifications Resultatspar / soi par / part par / adv

Etre a l’affutpour

reprendre laballe

La balle peuttoujours me

revenirdessus, si ilne marquepas ou legardien

relache oupoteau, il(gardien)peut larelacher

Etre a cotedu

partenaire,etre un

spectateuractif del’action

Le partenairedribble, est

face augardien, fixel’adversaire,

frappe au but

Lesdefenseursreviennent

S’approcherde la cible,

continuer sonaction vers lebut, regarderle jeu, suivrele partenaire

Le partenairefrappe au

but, lepartenairedonne laballe, ou

perte de balle

Tableau A.16 – Schema n°15 : Suivre l’action du partenaire pour une reprise

258

Cyril

Bossard

Page 259: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Les

16

schemas

typiq

ues

Buts Connaissances Informations contextuelles Actions Specifications Resultatspar / soi par / part par / adv

Frapper, semettre sur

son bon pied

Etre enmouvement,

avoir del’elan pourbien frapper

Etre prochedu but, de la

surface,recevoir leballon, seretrouver

seul, ne pasetre attaquer,etre en bonneposition, sans

pression

Lespartenaires

sontmarques, voirle positionne-

ment despartenaires(premier oudeuxiemepoteau)

Voir laposition dugardien dansses buts, voirl’anticipationdu gardien, lebut est vide

Frapper aubut, se

mettre enposition de

frapper,frapper

directement,en unetouche,

ouvrir sonpied

Croiser lafrappe,piquer

par-dessus legardien,

frapper enune

Marquer unbeau but, laballe rentreou non, lafrappe est

molle

Tableau A.17 – Schema n°16 : Chercher a tirer/frapper au but

Cyril

Bossard

259

Page 260: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe A – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

A.4 Documents

260 Cyril Bossard

Page 261: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Documents

Figure A.17 – Lettre

Cyril Bossard 261

Page 262: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe A – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

Figure A.18 – Formulaire262 Cyril Bossard

Page 263: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Documents

Figure A.19 – Formulaire (suite)

Cyril Bossard 263

Page 264: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe A – Etude de l’activite decisionnelle individuelle

264 Cyril Bossard

Page 265: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe B

Etude de l’activite collective

B.1 Les variantes aux formes typiques de coordina-

tion

Forme 4b : La coordination mutuelle d’un joueur avec deux partenairesdont l’un influence l’autre

Influencesinterindividuelles

Informations significativespartagees

Buts individuels

Niveau de partage• Specifiques : 79,1%,• Partagees a 2 : 14,3%,• Communes : 6,6%

Relation entre les buts• Convergents et partages a 2 (0)• Convergents et specifiques (6)

Informations typiques• actions du partenaire PB• deplacements et placements

du partenaire PB• interaction avec partenaire

PB

Buts typiques• A : « Aller vite vers l’avant

avec le ballon tout en etantattentif au jeu » (7)

• B et C : « Se deplacer par rap-port a ses partenaires dans l’es-pace de jeu pour proposer unesolution de progression vers lacible »

Tableau B.1 – Synthese forme typique de coordination 4b

Cyril Bossard 265

Page 266: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe B – Etude de l’activite collective

Forme 5b : La coordination mutuelle entre deux partenaires et l’influenceunidirectionnelle de l’un sur le troisieme partenaire

Influencesinterindividuelles

Informations significativespartagees

Buts individuels

Niveau de partage• Specifiques : 80,5%,• Partagees a 2 : 19,5%,• Communes : 0%

Relation entre les buts• Convergents et partages a 2 (0)• Convergents et specifiques (3)

Informations typiques• Deplacements et place-

ments du partenaire PB• Passe avec partenaire PB

Buts typiques• A : « Choisir une solution de

passe pour assurer la conti-nuite du jeu »

• B et C : « Se placer ouse deplacer pour recevoirun centre ou une passedecisive » ou « Se deplacer parrapport a ses partenaires dansl’espace de jeu pour proposerune solution de progressionvers la cible »

Tableau B.2 – Synthese forme typique de coordination 5b

Forme 5c : La coordination mutuelle restreinte a deux partenaires

Influencesinterindividuelles

Informations significativespartagees

Buts individuels

Niveau de partage• Specifiques : 62,1%,• Partagees a 2 : 37,9%,• Communes : 0%

Relation entre les buts• Convergents et partages a 2 (2)• Convergents et specifiques (3)

Informations typiques• Deplacements et place-

ments du partenaire PB• Passe avec partenaire PB• Actions des adversaires

Pas de buts typiques

Tableau B.3 – Synthese forme typique de coordination 5c

266 Cyril Bossard

Page 267: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe C

Evaluation de CoPeFoot

Sujets Reponses (codees sur l’echelle de 1 a 6)Mesure 1 Mesure 2 Mesure 3

1 3 6 1

2 4 1 1

3 1 3 3

4 1 1 3

5 4 2 2

6 2 6 1

7 4 1 1

8 4 1 1

9 4 4 2

10 3 1 1

11 2 4 3

12 3 3 1

13 2 5 4

14 4 1 1

15 2 2 2

16 1 1 1

17 3 1 1

18 6 5 3

19 4 3 1

20 3 1 3

21 3 4 2

22 3 1 1

23 1 3 1

24 4 1 1

Tableau C.1 – Repartition des reponses des sujets experts

Cyril Bossard 267

Page 268: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Annexe C – Evaluation de CoPeFoot

Sujets Reponses (codees sur l’echelle de 1 a 6)Mesure 1 Mesure 2 Mesure 3

25 4 2 3

26 2 3 1

27 3 3 3

28 3 2 3

29 4 1 3

30 4 1 1

31 4 3 3

32 4 1 1

33 2 5 3

34 6 5 4

35 4 3 2

36 4 2 2

37 6 6 3

38 4 4 5

39 3 3 6

40 2 2 1

41 3 2 3

42 4 2 2

43 4 6 3

44 5 1 3

45 4 4 2

46 4 2 3

47 4 2 3

48 4 3 5

Tableau C.2 – Repartition des reponses des sujets novices

268 Cyril Bossard

Page 269: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resume Long

L’activite decisionnelle en situation dynamique et collaborative

Application a la contre-attaque au football

L’objectif general de cette these est de contribuer a la comprehension de l’activite

decisionnelle en situation dynamique collaborative. Ces travaux sont effectues au Centre

Europeen de Realite Virtuelle (CERV) dans le cadre de recherches sur l’introduction de

l’activite humaine dans des boucles de conception et d’usage de simulations participatives

en realite vituelle. Il s’agit de comprendre un phenomene complexe que nous analyserons

dans sa globalite, en tenant compte de son caractere evolutif. Realise dans une perspective

ergonomique, ce travail implique un double objectif : 1) une description et une tentative

d’explication du phenomene etudie ; 2) une proposition de transformation du reel (par l’aide

a la conception d’un environnement virtuel).

Dans un premier temps, notre travail de these vise la production de connaissances dans

le champ des Sciences et Techniques des Activites Physiques et Sportives, et dans

le champ de l’Ergonomie cognitive. L’analyse de l’activite collective permet d’etudier

ce qui est significatif du point de vue des acteurs engages dans la situation d’etude. Le

niveau d’analyse choisi est local, contextualise, « tactique » pour reprendre une terminologie

sportive. Il ne pretend pas rendre compte de l’ensemble des niveaux d’organisation de l’activite

collective (par exemple : il ne decrit pas les processus de planification, mobilises en amont et

en aval de la situation etudiee, par exemple lors du debriefing par l’entraıneur, et que l’on

pourrait qualifier de niveau strategique). Plus modestement, notre objectif consiste a proposer

une description symbolique acceptable (Varela, 1989) de la dynamique du couplage structurel

des joueurs entre eux et avec le contexte. La description de l’activite des experts en sports

collectifs participe a la production de connaissances sur une situation typique essentielle pour

la performance : la contre-attaque. Cette description abstraite de l’activite des individus

doit egalement permettre d’expliquer et de produire des inferences sur les structures et les

processus perceptifs et cognitifs mobilises en situation dynamique collaborative.

Sur la base de cette analyse de l’activite collective en situation dynamique et collabo-

rative, notre second objectif vise a proposer des pistes de reflexion pour la transformation

du reel par l’aide a la conception d’un dispositif de formation (Lipshitz et al., 2001). L’ori-

ginalite de cette demarche de type ergonomique est quelle est tournee vers la conception

d’un environnement virtuel simulant des situations de jeu au football : CoPeFoot (Collective

Cyril Bossard 269

Page 270: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resume Long

Perception Football). Notre travail se deroule alors selon une demarche en quatre etapes :

analyse empirique de l’activite humaine, modelisation de l’activite humaine, conception d’un

environnement virtuel, simulation et evaluation.

Chapitre 1 : Les variables perceptives et cognitives

de la decision tactique en sports collectifs

Ce premier chapitre apporte une contribution a la comprehension de la decision tactique

dans les sports collectifs. Dans le cadre d’une revue de la litterature en psychologie du sport,

nous nous focalisons sur les variables cognitives et perceptives mobilisees par les experts.

Nous presentons les principaux modeles theoriques ainsi que les methodes d’investigation

utilisees pour l’etude de ces variables. Les travaux recenses peuvent expliquer la superiorite

des experts a partir du contenu et de l’organisation de leur base de connaissances, de leur

fonctionnement mnemonique ou de leurs habiletes perceptives. En outre, cet examen de la

litterature en psychologie du sport montre que l’activite decisionnelle en sports collectifs a

surtout ete abordee au regard de variables identifiees, isolees puis etudiees dans des conditions

standardisees. Les etudes recensees se sont exclusivement centrees sur l’individu, relayant en

second plan la dimension collective de l’activite. Or l’activite decisionnelle en sports collectifs

est dependante d’une part de la pression temporelle et des fluctuations contextuelles, et

d’autre part de multiples interactions entre partenaires. A travers l’evolution de ces recherches

(leurs apports et leurs limites), ce chapitre montre la necessite de considerer les relations

entre les variables perceptives, cognitives et le contexte, pour mieux comprendre la decision

tactique en sports collectifs. Nous mettons alors en avant la necessite d’apprehender l’activite

decisionnelle dans toute sa complexite, sans renoncer a l’etudier dans son contexte social et

culturel.

Chapitre 2 : Une approche contextualisee de la

decision

Le cadre conceptuel de la Naturalistic Decision Making (Klein, 1997) habituelle-

ment exploite dans l’analyse des situations de travail individuelles, s’interesse au couplage

entre ressources cognitives et contraintes contextuelles. Cette approche considere l’activite

decisionnelle sous un rapport etroit entre le sujet et la situation. Ce changement de para-

digme permet, selon nous, d’apprehender la complexite de l’activite decisionnelle sans re-

noncer a l’etudier dans son contexte naturel. Nous examinons successivement les modeles et

concepts qui ont ete proposes : 1) Le modele RPD (decision fondee sur la reconnaissance :

« Recognition-Primed Decision ») propose par Klein (1993) ; 2) Le modele de la Conscience

270 Cyril Bossard

Page 271: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resume Long

de la Situation (« Situation Awareness ») developpe par Endsley (1995) ; 3) La theorie des

schemas mobilisee par (Lipshitz et Shaul, 1997). L’analyse des objectifs, des methodes et

des principaux resultats nous conduit a demontrer pourquoi cette approche nous semble

heuristique pour apprehender l’activite decisionnelle individuelle en sports collectifs. Afin de

contribuer a sa validation empirique dans le cadre des sports collectifs, nous mettons cette ap-

proche a l’epreuve d’une situation dynamique typique des sports collectifs : la contre-attaque

en football (Chapitre 4).

Chapitre 3 : Des approches pour l’analyse de l’acti-

vite collective

Ce troisieme chapitre presente un prolongement du cadre conceptuel de la « NDM » a

l’equipe (« Team » NDM). L’approche TNDM considere que l’activite collective repose sur un

processus de coordination des activites individuelles. Pour expliquer les coordinations entre

les membres d’une meme equipe, les auteurs ont longtemps etudie l’activite individuelle de

chacun des membres du collectif. Aujourd’hui, ce point de vue tend a etre abandonne au

profit de perspectives qui abordent la relation entre l’individu et le contexte collectif. Ces

perspectives recentes prennent pour unite d’analyse, soit le comportement global de l’equipe,

soit l’articulation des activites individuelles. Ces propositions theoriques et methodologiques

constituent des ressources pour apprehender l’etude de l’activite collective en situations

sportives. Apres avoir discute de leur pertinence face a l’exigence des situations sportives

collectives, ce chapitre aboutit a nos principales hypotheses de recherche pour l’analyse de

l’activite decisionnelle en situation dynamique et collaborative.

A l’issue de ce developpement theorique, nous postulons que l’analyse de l’activite en

situation dynamique collaborative necessite l’etude de l’activite individuelle, comme un

prealable a l’etude de l’activite collective. Ce positionnement theorique nous conduit

a etudier d’une part l’activite des individus, pour mettre a jour les schemas

typiques actives en cours d’action (Chapitre 4), d’autre part l’articulation de

l’activite de ces individus, pour identifier des formes typiques, des regularites

qui apparaıtraient dans le jeu des influences entre partenaires (Chapitre 5). Pour

expliquer ces formes typiques d’articulation, nous cherchons aussi a repondre a une

question, centrale dans la litterature, relative a ce qui est partage entre les membres d’une

equipe. Nous souhaitons identifier les elements partages en cours d’action par les joueurs d’une

meme equipe qu’ils soient de l’ordre des connaissances ou des informations contextuelles.

Cyril Bossard 271

Page 272: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resume Long

Chapitre 4 : Etude de l’activite decisionnelle indivi-

duelle

En reference au cadre theorique de la NDM, le modele RPD (Klein, 1997), le concept

de Consience de la Situation et le concept de schema sont mis a l’epreuve d’une situation

de contre-attaque au football. Des donnees comportementales sont enregistrees aupres de 12

joueurs de football de niveau national (categorie 16 ans) et completees par des donnees ver-

bales recueillies lors d’un entretien d’autoconfrontation. L’analyse de l’activite decisionnelle

permet de decrire l’activation et les enchaınements preferentiels (scenarii ou scripts) de 16

schemas typiques chez des experts en situation de forte contrainte temporelle. Ces schemas

constituent des structures d’arriere-plans types qui articulent des variables perceptives et cog-

nitives et permettent la reconnaissance rapide d’une situation. Ce fonctionnement economique

apparaıt necessaire pour prendre des decisions tactiques dans un contexte dynamique (sous

pression temporelle, fluctuant et incertain). Ces resultats eclairent en partie la complexite

de l’activite decisionnelle en situation dynamique collaborative, et nous invitent a interroger

plus precisement le role des partenaires comme un element privilegie du contexte.

Chapitre 5 : Etude de l’activite collective

Ce chapitre presente l’etude de l’activite collective en situation dynamique et collabo-

rative. Cette etude s’est attachee a analyser l’articulation entre les activites individuelles et

l’activite de l’equipe. Nous nous sommes interesses successivement au jeu des influences entre

partenaires, aux informations partagees, et a la relation entre les buts de trois membres d’une

meme equipe au cours de situations de contre-attaque. Des donnees comportementales sont

enregistrees aupres de 12 joueurs de football repartis en quatre equipes et completees par des

donnees verbales recueillies lors d’un entretien d’autoconfrontation individuel. L’analyse de

l’articulation des activites individuelles au sein de l’equipe permet de caracteriser 5 formes

typiques de coordination des activites. Notre etude montre ainsi comment les membres de

l’equipe se coordonnent et s’adaptent collectivement de facon economique en situation de

fortes contraintes temporelles. Les regularites observees au sein d’une meme equipe ou a

travers des equipes differentes peuvent etre associees au niveau de partage des informations

contextuelles. Le contenu de ce qui est partage prioritairement au meme instant pour les

membres de l’equipe explique egalement les differentes formes de coordination.

272 Cyril Bossard

Page 273: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resume Long

Chapitre 6 : Conception et Evaluation d’un environ-

nement virtuel : CoPeFoot

Dans une dernier chapitre, nous presentons notre contribution a la demarche de concep-

tion et d’evaluation de l’environnement virtuel CoPeFoot. Plus precisement, nous cherchons

a montrer en quoi et comment des connaissances (modeles) relatives a l’analyse de l’activite

humaine peuvent s’articuler aux modeles informatiques qui sous-tendent l’usage de la realite

virtuelle pour la mise en place d’environnements virtuels credibles. Dans cette perspective,

nous presentons une etude exploratoire in virtuo destinee a evaluer la credibilite comporte-

mentale de CoPeFoot inspiree du test de Turing (1950). Nous proposons d’evaluer « l’effet

leurre » de l’environnement en mesurant la performance des participants a faire une distinc-

tion entre un joueur dirige par un humain et un joueur virtuel autonome. Cet effet est etudie

en comparant deux groupes de sujets (expert et novice) et lors de trois mesures successives.

Les resultats montrent un effet leurre plus marque pour les sujets novices par rapport aux

experts, et une amelioration des performances pour les deux groupes dans le temps. Nous

discutons ces resultats au regard de la methode mise en œuvre pour evaluer la credibilite de

l’environnement virtuel.

En conclusion, cette these conforte l’interet d’une approche contextualisee et construc-

tiviste pour expliquer l’activite decisionnelle en situation dynamique collaborative et sa

modelisation a des fins de simulation en realite virtuelle. La modelisation obtenue par l’ana-

lyse de l’activite decisionnelle aupres des experts devrait permettre dans un futur proche

d’enrichir le modele informatique des joueurs virtuels. En outre, ce projet ouvre certains

axes prospectifs concernant le transfert d’apprentissage du virtuel au reel que des recherches

futures devront tester. Il nous permet egalement de considerer le potentiel applicatif de Co-

PeFoot a la fois comme un outil pour la recherche et comme un outil au service de la formation.

Mots clefs : activite decisionnelle, situation dynamique collaborative, football, realite

virtuelle.

Cyril Bossard 273

Page 274: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resume Long

274 Cyril Bossard

Page 275: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resume

L’activite decisionnelle en situation dynamique et collaborative

Application a la contre-attaque au football

Notre travail de recherche s’inscrit dans le cadre des etudes menees au Centre Europeen de

Realite Virtuelle sur les simulations participatives. Dans cette perspective, nous developpons

en collaboration avec des chercheurs en informatique un environnement virtuel simulant des

situations de jeu au football : CoPeFoot (Collective Perception Football). L’objectif du travail

de these est double : 1) Definir un cadre de reference qui permette d’orienter et de structurer

la reflexion sur l’activite decisionnelle en situation dynamique et collaborative ; 2) Aider a la

conception d’un environnement virtuel fonde sur l’autonomie des agents. Ce projet s’inscrit

dans une demarche empruntee a la psychologie cognitive ergonomique et se deroule en quatre

phases : analyse empirique de l’activite, modelisation, simulation et evaluation.

L’examen de la litterature en psychologie du sport montre que l’activite decisionnelle en sports

collectifs a surtout ete abordee au regard de variables identifiees, isolees puis etudiees dans des

conditions standardisees. Les etudes recensees se sont exclusivement centrees sur l’individu,

relayant en second plan la dimension collective de l’activite. Or l’activite decisionnelle en

sports collectifs est dependante d’une part de la pression temporelle et des fluctuations

contextuelles, et d’autre part de multiples interactions entre partenaires.

Nous mettons alors en avant la necessite d’apprehender l’activite decisionnelle dans toute

sa complexite, sans renoncer a l’etudier dans son contexte social et culturel. Le cadre

conceptuel de la « Naturalistic Decision Making » (NDM), habituellement exploite dans

les situations de travail, s’interesse justement au couplage entre ressources cognitives et

contraintes contextuelles. Afin de contribuer a sa validation empirique dans le cadre des sports

collectifs, nous mettons cette approche a l’epreuve d’une situation dynamique collaborative

typique des sports collectifs : la contre-attaque en football.

Notre premiere etude s’attache a identifier le contenu et les conditions d’activation des

structures d’arriere-plans types (i.e. des schemas) par des joueurs experts en football. Au

cours d’une situation d’etude privilegiee, des donnees d’enregistrement ont ete recueillies

et completees par des verbalisations provoquees. L’analyse du contenu permet d’identifier au

niveau de l’activite individuelle des recurrences dans les significations produites par les experts

face au contexte. Sur un plan collectif, l’analyse revele l’emergence de 5 formes typiques

Cyril Bossard 275

Page 276: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Resume

de coordination des activites. Les principaux resultats mettent en avant plusieurs aspects

concernant l’activite decisionnelle des experts : la reconnaissance par les experts de situations

types, la flexibilite des schemas pour prendre des decisions, l’evolution des coordinations

d’actions entre partenaires sur la base d’un contexte partage.

La modelisation obtenue par l’analyse de l’activite decisionnelle aupres des experts permet

d’enrichir le modele informatique des joueurs virtuels. Pour evaluer la credibilite compor-

tementale de ces agents, nous presentons une experimentation in virtuo inspiree du test de

Turing aupres de 48 sujets. Les resultats suggerent que les sujets novices immerges dans

l’environnement virtuel ne distinguent pas les differences comportementales entre un agent

virtuel autonome et un avatar (agent guide par un individu). Cette etude nous permet de

considerer le potentiel applicatif de CoPeFoot a la fois comme un outil pour la recherche et

comme un outil au service de la formation.

En conclusion, cette these conforte l’interet d’une approche contextualisee et constructiviste

pour expliquer l’activite decisionnelle en situation dynamique collaborative et sa modelisation

a des fins de simulation en realite virtuelle. En outre, ce projet ouvre certains axes prospectifs

concernant le transfert d’apprentissage du virtuel au reel que des recherches futures devront

tester.

Mots clefs : activite decisionnelle, situation dynamique collaborative, football, realite

virtuelle.

276 Cyril Bossard

Page 277: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Abstract

Decision-making activity in dynamic and collaborative situation

Application to counter-attack in football

Our research is conducted within the context of studies of participatory simulations at

the European Center of Virtual Reality. Within this perspective, we developed virtual

environment for simulating play in football, in collaboration with computer scientists. The

virtual environment is called CoPeFoot (Collective Perception Football). The aim of this

thesis is twofold : 1) to define a frame of reference for orienting and structuring reflection

upon decision-making processes in dynamic and collaborative situations, and 2) to assist

in designing a virtual environment reliant on autonomous agents. This project is part of

an approach borrowed from ergonomics and cognitive psychology, and can be broken down

into the following four stages : empirical analysis of the process, modeling, simulation, and

evaluation.

An analysis of the literature in sports psychology showed that decision-making processes in

team sports have been addressed mostly in terms of identifiable variables which have been

isolated and then studied under controlled conditions. The previous studies are exclusively

individual-centered, often considering the group element of the process as an afterthought.

On the one hand, the decision-making processes in team sports depend on time pressures

and contextual variations, and on the other, on the numerous interactions between the

players. We therefore highlight the need to address decision-making in all its complexity,

without neglecting the study of this concept in its social and cultural contexts. Indeed,

the conceptual framework of Naturalistic Decision Making (NDM), usually applied to the

workplace, addresses the connection between cognitive resources and contextual constraints.

In order to contribute to the empirical validation of this approach within the context of team

sports, we put it to the test with a dynamic collaborative situation typical of team sports :

a counter-attack in football.

Our first study deals with identifying the content and conditions of activation of a given

background structure (i.e. schemata) by expert football players. During a specially designed

study, recorded data was gathered and, to supplement this information, subjects were

encouraged to comment on the virtual environment. A content analysis conducted in context

identified recurrent meanings produced by the experts. At group level, the analysis reveals the

emergence of different forms of coordination of specific processes. The main results highlight

Cyril Bossard 277

Page 278: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

Abstract

a number of aspects concerning experts’ decision-making processes : experts’ recognition

of typical situations, the flexibility of schemata in decision-making, the evolution of the

coordination of actions between players on the basis of shared context.

Modeling obtained from the analysis of experts’ decision-making processes enabled us to

enrich the virtual players’ digital model. In order to evaluate the behavioral credibility of

these agents, we conducted an in virtuo experiment inspired by the Turing test, carried out

on 48 subjects. Results suggest that beginner subjects immersed in the virtual environments

do not recognize the behavioral differences between autonomous virtual agents and avatars

(agents controlled by humans). This study enables us to consider the potential applications

of CoPeFoot both as a research tool and as a tool for assisting in training methods.

In conclusion, this thesis supports the need for a contextualized and constructivist approach

in explaining decision-making processes in dynamic and collaborative situations, and also

models this approach for simulation purposes in virtual reality. Amongst other things, this

project opens up a number of prospective avenues concerning the transfer of learning from

virtual reality to real life, which should be tested by future research.

Key words : decision-making, dynamic and collaborative situation, football, virtual reality.

278 Cyril Bossard

Page 279: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...
Page 280: L'activité décisionnelle en situation dynamique et collaborative ...

— Resume —

Notre travail de recherche s’inscrit dans le cadre des etudes menees au Centre Europeen de Realite Virtuelle sur lessimulations participatives. Dans cette perspective, nous developpons en collaboration avec des chercheurs en informatiqueun environnement virtuel simulant des situations de jeu au football : CoPeFoot (Collective Perception Football).L’objectif du travail de these est double : 1) Definir un cadre de reference qui permette d’orienter et de structurer lareflexion sur l’activite decisionnelle en situation dynamique et collaborative ; 2) Aider a la conception d’un environnementvirtuel fonde sur l’autonomie des agents. Ce projet s’inscrit dans une demarche empruntee a la psychologie cognitiveergonomique et se deroule en quatre phases : analyse empirique de l’activite, modelisation, simulation et evaluation.

L’examen de la litterature en psychologie du sport montre que l’activite decisionnelle en sports collectifs a surtout eteabordee au regard de variables identifiees, isolees puis etudiees dans des conditions standardisees. Les etudes recenseesse sont exclusivement centrees sur l’individu, relayant en second plan la dimension collective de l’activite. Or l’activitedecisionnelle en sports collectifs est dependante d’une part de la pression temporelle et des fluctuations contextuelles,et d’autre part de multiples interactions entre partenaires.

Nous mettons alors en avant la necessite d’apprehender l’activite decisionnelle dans toute sa complexite, sans renoncera l’etudier dans son contexte social et culturel. Le cadre conceptuel de la « Naturalistic Decision Making » (NDM),habituellement exploite dans les situations de travail, s’interesse justement au couplage entre ressources cognitives etcontraintes contextuelles. Afin de contribuer a sa validation empirique dans le cadre des sports collectifs, nous mettonscette approche a l’epreuve d’une situation dynamique collaborative typique des sports collectifs : la contre-attaque enfootball.

Notre premiere etude s’attache a identifier le contenu et les conditions d’activation des structures d’arriere-plans types(i.e. des schemas) par des joueurs experts en football. Au cours d’une situation d’etude privilegiee, des donneesd’enregistrement ont ete recueillies et completees par des verbalisations provoquees. L’analyse du contenu permetd’identifier au niveau de l’activite individuelle des recurrences dans les significations produites par les experts faceau contexte. Sur un plan collectif, l’analyse revele l’emergence de 5 formes typiques de coordination des activites. Lesprincipaux resultats mettent en avant plusieurs aspects concernant l’activite decisionnelle des experts : la reconnaissancepar les experts de situations types, la flexibilite des schemas pour prendre des decisions, l’evolution des coordinationsd’actions entre partenaires sur la base d’un contexte partage.

La modelisation obtenue par l’analyse de l’activite decisionnelle aupres des experts permet d’enrichir le modeleinformatique des joueurs virtuels. Pour evaluer la credibilite comportementale de ces agents, nous presentons uneexperimentation in virtuo inspiree du test de Turing aupres de 48 sujets. Les resultats suggerent que les sujets novicesimmerges dans l’environnement virtuel ne distinguent pas les differences comportementales entre un agent virtuelautonome et un avatar (agent guide par un individu). Cette etude nous permet de considerer le potentiel applicatifde CoPeFoot a la fois comme un outil pour la recherche et comme un outil au service de la formation.

En conclusion, cette these conforte l’interet d’une approche contextualisee et constructiviste pour expliquer l’activitedecisionnelle en situation dynamique collaborative et sa modelisation a des fins de simulation en realite virtuelle.En outre, ce projet ouvre certains axes prospectifs concernant le transfert d’apprentissage du virtuel au reel que desrecherches futures devront tester.

Mots clefs : activite decisionnelle, situation dynamique collaborative, football, realite virtuelle.