Lacan - Séminaire 16 - Résumé 32 pgs

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Séminaire XVI D’un Autre à l’ autre autre Rappelons l’avancée de ce chapitre sur la topologie des surfaces. Après deux séminaires (L’Identification et L’Angoisse), tous deux articulés à introduire le cheminement d’une cure psychanalytique, nous avons mis en évidence ce coup d’arrêt résultant du refus de Lacan de tenir son séminaire sur les Noms-du Père. Le Séminaire XI, Les quatre concepts…, a inauguré une nouvelle ère d’enseignement, une reprise pour le nouveau public, reprise plus logique. « L’objet, les problèmes cruciaux, le fantasme, l’acte psychanalytique et d’ un Autre à l’autre », appartiennent à ce second temps de la topologie des surfaces. Lacan y considère que la logique est la retombée dans l’analyse du discours de l’opération de coupure de a. La trace que cette opération existe au plan de la surface : c’est la logique et plus spécialement la logique de la quantification. Il ne faudrait cependant pas oublier que la découpe de a sur une surface n’est que la monstration structurale du détachement du sujet de la jouissance , laquelle n’en disparaît pas corps et biens pour autant, et c’est précisément ce que nous réserve de neuf les premières séances du Séminaire XVI. A. Le plus-de-jouir pour le sujet B. Les deux figures du sujet C. Les limites subjectives : un savoir né de la jouissance féminine D. Du sujet de la jouissance E. Conclusion * * *

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S é m i n a i r e X V I  

D ’ u n A u t r e à l ’ a u t r ea u t r e  

 

Rappelons l’avancée de ce chapitre sur la topologie des surfaces.

Après deux séminaires (L’Identification et L’Angoisse), tous deux articulés à introduire le cheminement d’une cure psychanalytique, nous avons mis en évidence ce coup d’arrêt résultant du refus de Lacan de tenir son séminaire sur les Noms-du Père.

Le Séminaire XI, Les quatre concepts…, a inauguré une nouvelle ère d’enseignement, une reprise pour le nouveau public, reprise plus logique.

« L’objet, les problèmes cruciaux, le fantasme, l’acte psychanalytique et d’ un Autre à l’autre », appartiennent à ce second temps de la topologie des surfaces. Lacan y considère que la logique est la retombée dans l’analyse du discours de l’opération de coupure de a. La trace que cette opération existe au plan de la surface : c’est la logique et plus spécialement la logique de la quantification. Il ne faudrait cependant pas oublier que la découpe de a sur une surface n’est que la monstration structurale du détachement du sujet de la jouissance, laquelle n’en disparaît pas corps et biens pour autant, et c’est précisément ce que nous réserve de neuf les premières séances du Séminaire XVI. 

A. Le plus-de-jouir pour le sujet 

B. Les deux figures du sujet 

C. Les limites subjectives : un savoir né de la jouissance féminine 

D. Du sujet de la jouissance 

E. Conclusion 

* * * 

A. Le plus-de-jouir pour le sujet

Le point de départ du surgissement du plus-de-jouir reste bien la faille inscrite au cœur de chacun et qui fait le sexualité humaine : « c’est à savoir qu’il n’y a pas d’union de l’homme et de la femme sans que la castration :

1)      ne détermine au titre du fantasme précisément la réalité du partenaire chez qui elle est impossible ;

2)      sans qu’elle se joue, la castration, dans cette sorte de recel qui la pose comme vérité chez le partenaire à qui elle est réellement, sauf excès accidentel, épargnée ; donc, chez l’un des partenaires, l’impossible de son effectuation devient sa réalité et, chez l’autre, la menace comme possible n’est pas nécessaire pour être vraie. » (13/11/1968)

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Voilà l’origine de la faille qui s’inscrit dans la pensée sous les formes que toute théorie psychanalytique se doit de prendre au sérieux.

Le discours analytique se règle comme pensée à partir, pourrait-on dire, d’une non-pensée (je ne pense pas). Plus exactement, c’est à partir de l’hors-sens ou de l’entre-sens, en quelque sorte, que l’être de la pensée psychanalytique se trouve causé, l’essentiel étant précisément ici cette cause qui produit les effets de la pensée et non l’inverse, (exactement comme dans la formule « il pleut » où le sujet de la phrase est conditionné par une cause qui, comme telle, le (« il ») produit comme effet de la pensée). Dans cette structure, nous avons à faire à quelque chose qui participe de la faille au même titre par exemple qu’ont pu le démontrer des arts comme la musique ou l’architecture qui tentent, en produisant la relation du nombre harmonique avec le temps et avec l’espace, de montrer une (incompatibilité) incommensurabilité.

Cette incommensurabilité (Cf. Séminaire XV) résulte, pour Lacan, de l’irréductibilité des sexes entre eux !

Seulement, il ne faudrait pas croire que le fait que le discours analytique s’appuie d’une faille, entraîne l’impossibilité de déterminer ce qu’est la théorie psychanalytique. Au contraire, (en tout cas, si on veut l’enseigner à l’université), la chose même devant laquelle il ne faut pas reculer, c’est d’en produire le savoir. Pour ce faire, il est un certain nombre de préalables qui sont proprement topologiques, ceux qui montrent que la pensée comme telle est affaire de signifiant.

Exemple.

On a l’habitude quand on voit un pot de moutarde de considérer que bien qu’il soit vide, il soit plein. Or c’est comme tel, en tant que pot, qu’il possède sa signification et non pas parce qu’il contient très précisément de la moutarde ou pas. Dans la pensée pareillement, il y aurait propension à croire que l’essentiel de la signification serait de l’ordre du contenu. Revenons à l’exemple utilisé par Lacan.

Comment ne pas voir et, plus précisément, rapporter tout cela à ces pots troués que l’on trouve dans les tombes partout dans le monde, comment ne pas voir que toute la structure de la pensée n’est là qu’un mirage écrit sur la surface même topologique que nous montre l’activité du potier ?

Quelque chose donc, dans la signification du pot troué, se justifierait d’un échange, d’un échange entre la valeur d’usage et (dans notre exemple) une valeur d’hommage ainsi qu’on le trouve dans l’hommage rendu dans les nécropoles.

Ceci amène Lacan à se situer par rapport à Marx et à y situer l’objet a dans sa fonction topologique essentielle, corrélatif dans notre champ analytique de ce que Marx a appelé la plus-value. Cette plus-value, cause de la pensée de Marx, résulte d’une renonciation à la jouissance qu’Hegel avait déjà comme telle repérée, mais qui fait apparaître, et c’est là l’essence du discours, en tout cas du discours analytique, la fonction du plus-de-jouir (nouveau nom de l’objet a qui répond au vœu que nous émettions lors de notre commentaire du Séminaire XV) : « Cette fonction apparaît par le fait du discours, parce que ce qu’elle démontre, c’est, dans la renonciation à la jouissance, un effet du discours lui-même ». (13/11/1968)

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Un marché, en quelque sorte, analogue au marché économique marxiste est supposé au champ de l’Autre, et c’est le discours qui détiendrait les moyens de jouir en tant qu’il implique le sujet. Ce plus-de-jouir tient à l’énonciation, nous dit Lacan, et est produit par le discours pour qu’il apparaisse comme effet subjectif.

Déjà il l’avait montré dans «Kant et avec Sade» (Écrits) pour indiquer la réduction de ce plus-de-jouir à l’acte d’appliquer sur le sujet le petit a du fantasme, par quoi le sujet peut être posé comme cause de soi dans le désir. C’est aussi ce que Pascal, dans la renonciation à la jouissance pour l’espoir d’une nouvelle vie, avait déjà illustré.

La renonciation s’incarne dans le discours du Sujet quand il évite dans son énonciation de s’annoncer d’un index pour signaler qu’il pense ce qu’il dit sur les chemins de ce que Lacan avait appelé (Séminaire III) : la parole pleine.

Ce faisant, le sujet témoigne de l’existence de l’objet a que la théorie nous démontre s’égaler à la fonction du signifiant en tant qu’il ne pourrait pas se représenter lui-mêmei[i]. Dans cette opération, le Sujet disparaît dans son surgissement et ne peut en aucun cas avoir de lui-même, sauf à s’égaler à un fantasme, une certaine consistance. Cette perte de l’identité, c’est proprement ce qui s’appelle l’objet a. Nous n’en avons comme trace dans la répétition que ce trait qui la marque, trait unaire, nous l’avons déjà vu, qui est le signe de la perte de l’objet. C’est ce plus-de-jouir qui est strictement corrélatif de l’entrée en jeu du sujet dans le règne de la pensée et même dans celui du symptôme. On notera, à l’occasion, que ceci est strictement freudien, puisque c’est ce que Freud avait déjà avancé dans les Trois essais sur la théorie de la sexualité à propos du lien à la période de latence entre le refoulement de la sexualité infantile et le surgissement de la pensée.

Or, dans le fantasme, le Sujet qui disparaît ou qui a disparu vient, en quelque sorte, se solidifier et se donner l’impression d’avoir une consistance dans un cimentage avec cet objet.

C’est pourquoi, il y avait intérêt à voir comment ces objets se succèdent dans l’aventure subjective (Séminaire X) puisque c’est sous la forme de cette fausse consistance issue d’une renonciation à la jouissance qu’on les voit (ces objets) s’articuler au Sujet pour constituer ce fantasme.

Lacan écrit alors pour la première fois cette formule du discours analytique

S1---> S2 à mettre en relation avec à a.

$

Toute recherche du bonheur n’est rien d’autre que la tentative de voir s’incarner ce plus-de-jouir qui, chez certaines personnes, prend cette forme un peu particulière qui s’appelle la perversion. Marque éminente d’une interrogation subjective.

Dans le discours analytique, quand l’analysant se met à la traîne de ce « je parle » qui permet à la vérité de surgir, il se désolidifie de son rapport à cet objet et, en quelque sorte, il s’en détache pour qu’il existe sous la forme du plus-de-jouir.

Il existe bien deux types d’[Autre] dès maintenant : l’un qui est celui à qui on peut s’opposer, qui réfute, à qui on essaie de démontrer des choses et qui est le lieu de cette solidification

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fantasmatique, et puis l’autre Autre, celui que Lacan écrivait avec un qui indique qu’il n’y a pas de possibilité d’entière consistance du discours et qui permet d’articuler l’existence du Sujet.

« La non-jouissance, la misère, la détresse et la solitude sont la contrepartie de ce petit a, de ce plus-de-jouir qui, du Sujet en tant que moi, fait la cohérence. » (13/11/1968)

Le rapport sérieux, voire sériel, que le Sujet entretient à son dire et qui est du ressort de la structure, ne peut s’imaginer sans passer par une écriture (topologique ou mathématique par ex.) car : « La structure, c’est donc réel, cela se détermine par convergence vers une impossibilité, mais c’est comme cela et c’est pour cela que c’est réel. » (20/11/1968)

On retrouve toujours cette même pensée divisée, d’une part celle des connexions impossibles à imaginer, c’est-à-dire des plans qui se croisent et qui déterminent une sorte d’impossibilité imaginaire à la représentation, mais d’autre part aussi, il faut bien voir que pour Lacan, la structure comme « Réel » se détermine en quelque sorte négativement, par l’absurde, par l’impossibilité. C’est cela que l’écriture aurait la charge d’expliciter, par la logique des quanteurs comme nous allons le voir par les négations qu’ils permettent de présentifier.

Cette opération discursive recherche sa propre cause comme discours, en quoi il est une conséquence symptomatique, sans pour autant se référer à un langage naturel d’où le discours découlerait.

C’est précisément à la topologie que Lacan cède cette place de structure.

Savoir, plus-de-jouir, topologie, discours, sont donc des termes avancés d’emblée par Lacan qui prétend être arrivé à un point nécessitant un éclaircissement topologique, et ceci pour tenter de nouer la fonction du savoir à celle de la jouissance, à condition de ne pas concevoir ce rapport comme celui d’un fond et d’une forme.

Il y a entre le discours de Lacan et celui de Marx une homologie dans leur façon de faire surgir par le trait de ciseau du discours, chacun de leur côté, ce plus-de-jouir pour Lacan, cette plus-value pour Marx.

Au point que l’analyste devient le symptômeii[ii] qui résulte de cette transformation du rapport du savoir avec ce fond énigmatique de la jouissance, autour de cette trouvaille, de cette révélation de la fonction de l’objet petit a.

« L’objet aiii[iii] est effet du discours analytique et, comme tel, ce que j’en dis n’est que cet effet même. » (27/11/1968)

Le lien de cette topologie à la jouissance passe par ce que Lacan énonce du sujet comme effet du discours. Il y a quelque chose qui rend ce discours difficile à saisir, bien que, plus facile encore pour les plus jeunes qui l’écoutent que pour les plus vieux, parce que précisément, le rapport entretenu avec le savoir était différent (jeunes logiciens ou vieux analystes). La difficulté est même double puisque en comparant le discours analytique au discours mathématique, quelque chose de commun de révèle et à la fois quelque chose de tout à fait différent. Le discours mathématique met en évidence la fonction de la suture là où, dans la psychanalyse, on repère le lieu de la faille, (qui ne peut, par définition, se signifier par un signifiant et qui est donc le S( ).

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Ainsi de cette sorte d’opposition, il s’inscrit que c’est à la topologie que revient la tâche d’interroger ce qui représente ce manque dans le signifiant si spécifique à notre destin d’égaré. Cette topologie, Lacan la précise ordonnée par une paire, une paire signifiante S1 ® S2. (paire orientée)

En ce point du séminaire, Lacan se croit obligé de retracer l’histoire topologique d’une pensée qui l’a mené à devoir préciser cette paire signifiante. Ce trajet commenté justifie amplement notre thèse de la continuité de la topologie de Lacan.

En effet, le rapport de ce discours au savoir c’est ce que Lacan avait essayé de situer dix ans auparavant dans son graphe, dans le séminaire 57-58 sur la formation de l’Inconscient où se préfigurait la naissance, l’avènement de cet objet petit a non encore désigné comme tel, mais préfiguré par le séminaire précédent de la Relation d’objet et par ce qui s’y trouve appelé l’objet métonymique, (c’est ce que nous avions effectivement déjà repéré et noté à l’époque).

Lacan retrace maintenant son « bon vieux » graphe et la ligne delta qui croise la ligne s (A), (A) en deux endroits (déjà deux signifiants), et qui est orientée.iv[iv]

 

« Cette première ébauche du graphe a pour fonction d’inscrire quelque part ce qu’il en est d’une unité de la chaîne du signifiant pour autant qu’elle ne trouve son achèvement que là où elle recoupe l’intention du futur antérieur qui la détermine. » (27/11/1968)

Le schéma se complète d’une seconde étape qui représente deux états du signifiant :

 

La chaîne (1) reste perméable aux effets de la métaphore et de la métonymie qui se constituent au niveau de la deuxième chaîne (2).

L’intérêt de ce petit rappel adorné du mot d’esprit « famillionnaire » situe le savoir inconscient à la deuxième chaîne (Cf. également le rêve du père mort : « il ne savait pas... selon son vœu ») mais dans son accentuation subjective cette fois : le rire provoqué par la « dritte Person » du Witz émanant de la jouissance perdue que tout employé ressent devant l’évocation des richesses de son patron-capitaliste. De cette perte, surgit le savoir comme valeur, ici reconnue par le rire.

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« Le savoirv[v] est ce terme opaque où vient, si je puis dire, se perdre le sujet lui-même, s’éteindre, et c’est ce que depuis toujours représente la notion que j’ai soulignée de l’emploi du terme Fading. » (27/11/1968)

Le prétendu refoulement originaire freudien n’est rien d’autre que ce noyau hors de portée du sujet, se présentifiant dans cette énigme qui consiste en ce que le sujet est nommé inconscient, pour autant que quelque chose reste hors de portée dans la circulation signifiante où se trouve, dans le mot d’esprit, la fonction du « je dis », celle qui distinguerait le discours de la parole (alors même que la théorie analytique se voudrait, selon Lacan, discours sans parole). C’est là que viendra se jouer le titre de ce séminaire «d’un Autre à l’autre», c’est-à-dire «à qui avons-nous à laisser la parole ? »(sic !)

Le second étage du graphe était donc une façon pour Lacan d’insister sur ce qui, d’un signifiant (A) à l’autre (s(A)), était détourné pour faire place au sujet.

Revenu à une logique d’écriture, Lacan soutient alors que la paire ordonnée du signifiant S1 ® S2 met en évidence la connexion des signifiants entre eux, c’est-à-dire un rapport d’appartenance de l’un à l’autre qui représente le Sujet ; tout élément d’une telle connexion, en tant qu’on peut écrire qu’il ne s’appartient pas à lui même, va entraîner un paradoxe.(cf. supra p. 260)

La non-appartenance du signifiant à lui-même, le renvoi indéfini du signifiant à l’autre signifiant, rend possible pour Lacan le seul fait de la demande (2ème chaîne) qui, comme telle, désigne que dans l’Autre quelque chose est contenu autour de quoi cette demande s’articule sans pouvoir s’éteindre dans la fonction d’un dialogue. (déjà énoncé comme reste perdu du besoin dans la mise au langage)

Ce qui se creuse topologiquement dans une telle présentation est une sorte de cercle concentrique dont le premier est constitué par l’ensemble appelé A qui n’est rien d’autre que l’ensemble de lui-même, et qui se trouve désigné par une répétition indéfinie dans le rapport à une succession de signifiants qui s’incluent l’un l’autre, A étant lui-même inclus dans la paire ordonnée première S1 ® A.

Ce caractère insaisissable s’égale à ce que Freud appelait refoulement originaire.

Ceci justifierait, d’après Lacan, la forme topologique du plan projectif dans la mesure où, ce qui se désigne comme le tracé circulaire, implique que le A le démultiplie et lui permette d’être décrit à la fois à l’extérieur et à l’intérieur et que c’est en son intérieur même qu’une enveloppe retrouve son dehors.

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« Que le A comme tel ait en lui cette faille qu’on ne puisse savoir ce qu’il contient si ce n’est son propre signifiant, c’est là la question décisive où se pointe ce qu’il en est de la faille du savoir, pour autant que c’est au lieu de l’Autre qu’est appendue la possibilité du sujet en tant qu’il se formule. Il est donc des plus importants de savoir ce qui le garantirait; or, ce lieu de la Vérité est lui-même un lieu troué. » (27/11/1968)

En somme la boucle du graphe qui élève le point A à la manière d’un immense point d’interrogation (Che Vuoi ?) n’est qu’une façon de présenter la relance infinie du signifiant à lui-même par rapport à l’Autre, dans le rapport entre A et s(A)

 

« L’Autre ne donne que l’étoffe du sujet soit sa topologie ou ce par quoi le Sujet introduit une subversion, mais qui n’est pas seulement la sienne... Mais la subversion dont il s’agit, c’est celle que le Sujet introduit mais dont se sert le Réel qui, dans cette perspective, se définit comme l’impossible. Or, il n’y a de Sujet au point précis où il nous intéresse, il n’y a de Sujet que d’un dire ; il y a donc deux références à la fonction du Sujet, celle du Réel et de son impossible, et celle du dire et ce que ce dire introduit pour mettre en évidence le Réel, c’est le possible. » (4/12/1968)

En comparant le Sujet à l’effet d’une paire ordonnée, Lacan veut signaler que : « Le propre d’une paire ordonnée est un ensemble qui a deux éléments, un ensemble du premier élément de la paire et un second ensemble : ce sont donc l’un et l’autre des sous-ensembles formés des deux éléments de la paire ordonnée. » (4/12/1968)

Lacan nous indique que ceci constitue, en logique mathématique, un coup de force qui se présente sous la forme d’une axiomatique. Le sujet, ici, ne se détermine pas de deux signifiants, simplement, le premier ne cesse de représenter le sujet pour l’autre qui, dans cette co-existence, s’égale à une relation qu’on peut appeler savoir.

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Aussi la question est d’examiner : « Si un savoir est concevable, qui réunisse cette conjonction des deux sous-ensembles en un seul, d’une façon telle qu’il puisse être sous le nom de A, identique à la conjonction telle qu’elle est ici articulée en un savoir des deux signifiants en question ! » (4/12/1968)

Ce qui justifie cette espèce de coquille composée de spires s’involuant de façon dissymétrique pour finir par le cercle du A.

« Ce A si nous le définissons comme s’incluant possiblement, c’est-à-dire devenu savoir absolu, a cette conséquence singulière que ce qui représente le sujet, ne s’y inscrit, ne s’y manifeste que sous forme d’une répétition infinie. C’est pourquoi d’une certaine façon le Sujet ne peut s’inscrire que de façon exclue, ni à l’intérieur, ni à l’extérieur de ce savoir absolu. » (4/12/1968)

Ce qui ramène Lacan à Freud : « dans le fait qu’originalement le Sujet au regard de ce qu’il se rapporte à quelque chute de la jouissance ne saurait se manifester que comme répétition et répétition inconsciente. » (4/12/1968)

Où l’on voit que Lacan égale la non-appartenance à soi à une chute originelle de la jouissance. Ceci fonde le sujet-supposé-savoir dans l’expérience du transfert, la nécessité répétitive n’étant rien d’autre que l’objet a logique qui est représenté par ces cercles concentriques. (soit le manque à penser)

A l’autre bout, peut-on penser que le Sujet pourrait se situer sous l’ensemble A ?

Peut-on, autrement dit, rassembler sous la forme d’un ensemble, ce qui conjoindrait tous les signifiants définis ?

C’est impossible, dans la mesure où l’essentiel, ici, est de repérer comment le dire fait tourner la fonction du Sujet pour en saisir la faille.

« C’est d’avoir marqué ce que comme simple dire elle démontre de faille que vous pourrez le plus correctement, dans la faille de la demande, cerner, dans l’énonciation de la demande, ce qu’il en est de la faille du désir. » (4/12/1968)

Autrement dit, voici le désir cerné de ce qui, dans la demande, dans le pur dire, se démontre comme faille logique. Il en résulte que le sujet au dernier terme ne saurait être universalisé, il ne peut être qu’extérieur à l’Autre. 

B. Les deux figures du Sujet

Ce que nous appelons ici figures du Sujet ne sont pas intrinsèques mais s’appuient sur un type de désignation topologique.

Lacan avance en effet que le signifiant qui pourrait représenter le Sujet doit effectivement être quelque chose qui se trouve en dehors du champ où viennent s’inscrire tous les signifiants qui justement nécessitent d’être rassemblés par ce nouveau signifiant pour déterminer ce qu’est le Sujet; ce qui veut dire que la nécessité de ce signifiant comme autre ne saurait d’aucune façon s’inscrire dans le champ de l’Autre. Voilà ce qui pour Lacan définit la fonction du savoir; en d’autres termes, le savoir qui est recherché ici ne peut que qualifier le Sujet hors l’Autre.vi[vi]

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Ce hors-champ de l’Autre, c’est ce que Lacan, dans la topologie, représente probablement par les points de croisement, les nappes, les surfaces qui s’entrecroisent, à savoir une manière de dénoncer la non-consistance de l’Autre qui, nous dit-il : « justifie que l’énonciation prend la tournure de la demande avant que quoique ce soit qui charnellement puisse répondre, soit même venu s’y loger. » (5/12/1968)

Ce hors-champ pour le Sujet n’est rien d’autre que la désignation de l’effet de la faille dans l’Autre. Autrement dit, l’Autre comme étoffe du Sujet : « c’est une étoffe qui, d’une certaine façon, comporte en sa structure la faille grâce à quoi le Sujet peut se repérer comme effet.  » (5/12/1968)

Dans le discours logique, il se repérera sous la forme du non-démontrable ou de l’indécidable, c’est-à-dire de l’inexistence d’un signifiant : « dont un Sujet au dernier terme se satisfasse pour s’y identifier comme identique au défaut même du discours, ceci égalant la notion de castration. »vii[vii]

« C’est donc en tant que l’Autre n’est pas consistant que l’énonciation prend la tournure de la demande ce qui, dans le graphe, s’écrit   à D. » (5/12/1968) En effet, dans toute demande, il y a une opération de soustraction de la fonction « je » qui est « je dis que », cette fonction d’indexviii[viii], quand on ne la soustrait pas, porte une demande dans la structure de l’Autre, demande qui s’adresse à ce qui manque à cet Autre. Il en résulte que au-delà du « je te demande ce que tu n’as pas », il y a encore un après-coup : le « je te demande non pas qui je suis, mais plus encore, ce qu’est « je » ? »

La demande dans l’analyse doit être poussée à ce point où nous revient de l’Autre une dimension radicale concernant la fonction grammaticale du « tu ». Car c’est elle qui, question portée dans l’Autre à son point extrême, répercute dans le champ subjectif la même question mais portée cette fois sur le « je » que nous sommes, auquel l’Autre ne peut répondre que par ce grand que Lacan inscrit de l’autre côté de son graphe qu’il oriente maintenant de droite à gauche.

Le sujet-supposé-savoir est bien dans le transfert ce qui vient incarner cette opération où une question adressée à un «tu», par la nécessité logique, finit par déboucher dans la cure au niveau d’un « qui est « je » ? »

On peut même ajouter que la fonction amoureuse que Lacan incarnera plus tard de cette phrase : « Je te demande de refuser ce que je t’offre parce que ce n’est pas ça », opère cette même soustraction et ce même détournement qui, par l’adresse au « tu », constitue, fait virer le questionnement sur l’être à un questionnement sur le «je» par une opération de soustraction, ici en l’occurrence, le refus.

Déjà ceci se trouvait inscriptible sur le graphe en S( )où la signification surgit comme « aucune », là où la linguistique a reculé à la saisir – alors que tout était déjà saisissant dans la topologie des potiers ! – pour nous montrer que le langage n’a pas plus de contenu qu’il n’est contenant. Le trou qui est fait dans les pots qui accompagnent les sépultures nous le montrent: le langage trouve son origine dans un trou par où tout s’enfuit.

Lacan veut montrer que le langage n’est pas signification produite, car sa fonction essentielle n’est pas de signification !

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Le langage n’est rien d’autre que ce qui vient à la place, que ce qui se substitue à ce qui ne peut être saisi par le discours et qui est la fonction du Sujetix[ix].

Dans la topologie, le recroisement d’étoffe fait figure du Sujet là où d’autres figures surgissent en logique sous les formes du paradoxe, si proche de l’activité du mot d’esprit !

Entre la pratique logicienne et l’analyse des jeux de mots, telle que Freud nous l’a proposée, il y a une identité, un isomorphisme que Lacan appelle identité d’étoffe, étant entendu que cette pratique logicienne déborde de la tradition où elle est restée enfermée puisqu’elle s’étend maintenant au domaine mathématique. Entre la psychanalyse et ce nouveau discours, il n’est pas question d’image, car l’image s’appuie toujours comme la métaphore sur l’image spéculaire du corps anthropomorphe qui masque la fonction de l’orifice.

C’est pourquoi, dans ce rapport, c’est la dimension du trou qui est privilégiée par Lacan puisque le psychanalyste, dans l’intérêt qu’il porte à ce corps, ne peut l’atteindre qu’à l’aide de quelques coupures qui aboutissent à la chute de quelque chose qui a quelque forme, et que nous appelons l’objet a.

Dans la formalisation russelliennex[x], la pratique logicienne considère que le langage renferme le discours mathématique et que le caractère de ce discours est d’être sans équivoque. Or, le langage, le discours plus exactement, a pour fonction d’être essentiellement équivoque dans le glissement radical de la signification. C’est pourquoi, la seule chance d’obtenir, de trouver, un objet sans équivoque pour ce formalisme, était de le réduire à une écriture.

Dans cette logique, l’équivoque réduite à l’écrit se manifeste par ce qu’on appelle l’isomorphisme: un seul écrit qui rend compte d’un certain nombre de domaines.

Il résulte de cette mise en écrit et du théorème de Gödel qui lui fait suite, que la consistance supposée de ce discours nouveau implique ce qui la limite: c’est l’incomplétude, à savoir qu’une formule existe à laquelle on ne pourra, au terme même de la démonstration, répondre ni par oui, ni par non.

Il résulte de cette incomplétude, de cette forme de résidu, une trace de la présence du Sujet, mais : « d’aucun autre Sujet que celui qui a fait la coupure, celle qui sépare le dénommé métalangage d’un certain champ mathématique. » (8/1/1969)

Lacan veut aller plus loin dans sa conception du Sujet.

Il postule là que ce qui apparaît comme lieu de l’incomplétude n’est rien d’autre qu’une coupure entre le langage formalisé et un autre langage qui s’en isole. Aussi, revenant au graphe, il tente d’expliquer comment le «je», qu’il est en train d’essayer de préciser, se distingue de sa conception du Sujet déjà isolée, celle qu’il dit relever du trait unaire, c’est-à-dire du fonctionnement de la coupure. Celle que nous égalons à la première topologie qui est la sienne, la topologie de la coupure, car le « je nouveau » ne s’assure pas de cela, il est l’émanation d’une opération où : « comme sujet, il s’exile de la jouissance, et qui pour autant n’est pas moins « je » ». (8/1/1969) (deuxième figure du Sujet)

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Ceci dans son graphe est situé à la partie supérieure, celle qui relève de l’énonciation qui articule la demande comme un « je me demande ce que tu veux ? » qui n’est rien d’autre que l’ambiguïté « je te demande ce que je veux », puisque le désir est le désir de l’Autre.

Dans ce graphe, ce qu’il y a de convergence, s’appelle désir de l’Autre, d(A), que Lacan ajoute pour la première fois dans ses séminaires – par opposition à cela – le « je » se trouve caché, couvert en   à a de manière divergente.

 

On peut aventurer ici dans cette séance – et qui était déjà notre hypothèse – que la topologie des surfaces est bien une topologie d’évidement qui concerne le sujet en tant que ce qui s’évide, c’est la jouissance. (notion d’exil de la jouissance)

Il y a donc deux « je » : celui qui répond à la fonction de coupure et cet autre registre où la jouissance attend « je », lieu où on a pu reprocher à la psychanalyse de méconnaître les conditions dans lesquelles l’homme est soumis au social !

A quoi Lacan répond par cette rectification, que c’est au niveau de la production, c’est-à-dire du plus-de-jouir, que ces conditions de dépendance ont à être examinées.xi[xi]

De cette nouvelle figure du sujet (i.e. celui qui est extrait de la jouissance), il y a beaucoup à dire. Lacan le situe socialement et historiquement détaché de l’eudémonisme antique, à la suite d’un Freud qui parlait, lui, de l’au-delà du principe de plaisir.xii[xii]

Cet au-delà du plaisir concerne ce que Lacan a nommé « jouissance » qui, replacé dans la dimension spatiale, pourrait ajouter d’autres dimensions aux trois que nous connaissons.

« J’ai essayé, depuis que j’ai introduit dans notre maniement cette fonction de la jouissance, d’indiquer qu’elle est rapport au corps essentiellement, mais non pas n’importe lequel. Ce rapport qui se fonde sur cette exclusion en même temps inclusion qui fait tout notre effort vers une topologie qui corrige les énoncés jusqu’ici reçus dans la psychanalyse. » (15/1/1969)

Soit une topologie qui mettait les coordonnées cartésiennes en continuité afin de rendre compte de l’expérience de la cure : « L’idéologie analytique en somme, telle qu’elle s’est exprimée jusqu’ici, est d’une maladresse remarquable qui s’explique par ceci : la non-construction d’une topologie adéquate. » (15/1/1969)

La non-mise en évidence de cette fonction de la jouissance par Freud xiii[xiii] a entraîné en même temps le déni d’une construction théorique adéquate qui serait celle de la topologie du Sujet. Il en résulte la question de savoir si le Sujet, dans ce rapport à la jouissance, se trouve

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maître ou esclave dépendant, à la façon d’un huit intérieur à la fois contenant et contenu de lui-même.

Car, le Sujet s’il résulte d’une extraction de jouissance par le détour signifiant, ne peut jamais le regagner autrement que sous le forme d’une perte et non d’une totalité. La renonciation à la jouissance et la récupération de sa perte correspondent à ce que Lacan a déjà appellé : le plus-de-jouir,

«c’est-à-dire ce qui répond non pas à la jouissance, mais à la perte de la jouissance en tant que d’elle, surgit ce qui devient la cause conjuguée du désir de savoir et cette animation que j’ai récemment qualifiée de féroce qui procède du plus-de-jouir. » (15/1/1969) (Cf. Perte d’être et manque à penser).

On vole donc de dédoublement en dédoublement, Autre «dédoublé», sujet dédoubléxiv[xiv] puis cause dédoublée, elle aussi, entre le savoir et l’objet a féroce.

Illustration par le pari de Pascal

Une illustration de cette extraction est le pari de Pascal : renoncer à la jouissance d’une vie, la nôtre, pour la mettre en enjeu à l’égard de ce que pourrait nous proposer le partenaire, soit une infinité de vies heureuses !

Pour reprendre le pari de Pascal, Lacan se doit de rappeler un certain nombre de notions freudiennes et d’autres qu’il a lui-même élaborées, celles notamment qui consistent à se rendre compte que la jouissance toujours est visée dans un effort de retrouvailles, que l’objet perdu en quelque sorte est le lieu de cette perte, qu’elle ne peut être reconnue, cette jouissance, que par la marque (laquelle s’appuie sur ce trait unaire que Freud avait désigné comme étant une des formes de l’identification), et qu’elle ne peut l’être que par une répétition qui introduit comme tel du fait de cette marque, une flétrissure, une perte, quelque chose qui avait déjà été approché par Platon avec la réminiscence.

Le pari de Pascal, lui, il est à resituer dans l’aventure du jansénisme, c’est-à-dire d’une pratique qui était, dans le christianisme, plutôt rigoriste, (lequel christianisme déjà avait donné à la grâce, le rôle que Lacan donne au désir de l’Autre, lieu de la parole). L’opération du PARI interroge ce moment, déjà avancé au temps du graphe, du « Che Vuoi ? ».

« Qui ne voit aussi ce qu’implique si ce qui s’énonce ainsi est correct, cette relation orientée par le vecteur partant de   à D sur le graphe vers ce désir, désir de l’Autre pour l’interroger dans un « je me demande ce que tu veux ? » qui s’équilibre aussi bien d’un « je te demande ce je veux. » (22/1/1969)

On voit bien que dans ce séminaire, Lacan va commenter la vectorialisation de son graphe, de la partie supérieure, celle qui concerne   à a et d (A), désir de l’Autre qu’il ajoute ici pour la première fois.

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Dans le christianisme, ce désir de l’Autre possédait une figure toute préparée puisque c’est le « que ta volonté soit faite » impliquant que le tutoiement, ici, s’adresse à un Autre sans figure, différent de la fonction du semblable.

Or, Pascal dans ce contexte innove: il introduit le Réel par les marques du hasard, (croix ou pile) qui n’est pas sans satisfaire Lacan.

Car, dans cette problématique du principe de plaisir et du pari de Pascal, le Nom-du-père vient prendre une forme singulière. Ce Nom-du-père vient prendre la forme d’un Réel absolu dans le pile ou face, (à l’époque, on disait croix ou pile) du pari, en tant que ce Réel absolu désigne le fait que quelque chose est ou n’est pas de manière radicale.

S’y ajoute alors l’enjeu ou le risque que Pascal s’autorise à jeter sur la scène du jeu et qui permet, en quelque sorte, une mesure au regard de ce Réel. Tout ceci tient à l’essence du jeu dans ce qu’il comporte de logiciable parce qu’il est réglé et qui tient en ceci : que ce qui est misé au départ est perdu ! xv[xv]

C’est en cela que cette activité ludique se rapproche de la psychanalyse, puisque ce que la psychanalyse nous a montré c’est que l’abord même de toute concaténation signifiante se signe d’un effet de perte, ce qu’on a mis erronément au compte d’une blessure narcissique ou d’un dommage imaginaire.xvi[xvi]

Son origine relève d’une béance originaire dans l’organisme entre le corps et sa jouissance, aggravée par le fait même du Symbolique, par l’incidence du signifiant du trait unaire qui lui donne sa consistance.

« Alors, ce dont il s’agit se dessine à mesurer l’effet de cette perte, de cet objet perdu en tant que nous le désignons par a, à ce lieu sans lequel il ne saurait se produire, à ce lieu encore non connu, non mesuré qui s’appelle l’Autre. » (22/1/1969)

Il en résulte donc qu’il faut trouver cette mesure dans l’Autre, ce en quoi correspond ce qu’on appelle passion du jeu ou désir. Or, cette mesure, cette proportion se trouve dans les signes écrits, ceux avec lesquels on articule l’idée de la mesure.

Entre le un et la perte, nous le savons déjà, il y a là une proportion qui s’écrit :

1/a = 1 + a, déjà entrevu à partir du rapport harmonique dans La logique du fantasme. (Séminaire XV)

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Il en résulte deux séries que Lacan construit à partir de a, c’est-à-dire du reste, et à partir de Un, c’est-à-dire de l’unité, deux séries dont l’une va croissant et l’autre décroissant.

Nous ne savons toujours pas ce qu’il en est de ce «a», nous savons seulement quelque chose au niveau de la série qu’il engendre dans son rapport à un. Un et a sont présents, diffus dans toute la série. (cf. Séminaire IX)

« Dans un Réel quelconque qui pourrait pouvoir correspondre à cette échelle, ils n’ont de place nulle part, seulement, cette échelle sans eux, nous ne pouvons pas l’écrire. » (22/1/1969)

On peut même en arriver à imager cette série à l’aide du trait unaire, à l’aide d’un schéma où on reporte sur une ligne le petit a.

 

On peut facilement voir que a2 + a = 1, les puissances paires de a étant du côté de a,

les puissances impaires étant du côté de a2, du moins quant à leur somme respective.xvii[xvii]

« C’est-à-dire que c’est par l’opération même de l’addition séparée des puissances paires d’une part et des puissances impaires que nous trouvons effectivement la mesure de ce champ de l’Autre comme un, c’est-à-dire autre chose que sa pure et simple inscription comme trait unaire. » (22/1/1969)

Dans ces séries, nous obtenons deux types de limites ; dans l’ordre croissant, nous obtenons un infini mais qui pourtant possède un dénombrable, puis nous obtenons dans le sens décroissant une limite autre, sans que cela soit moins infini pour autant.

Seulement, « dans tous les cas où nous choisissons même quand ce n’est rien que nous perdons, nous sommes privés d’un demi infini, ceci répond au champ de l’Autre et à la façon dont nous pouvons justement le mesurer comme Un au moyen de la perte ; pour ce qui est de la genèse de cet Autre, s’il est vrai que nous pouvons le distinguer de quelque chose qui est le Un avant le un, à savoir la jouissance, c’est bien de petit a dans son rapport à Un, à savoir dans ce manque que nous avons reçu de l’Autre par rapport à ce que nous pourrions édifier comme complété de l’Autre, c’est de là, du a, et d’une façon analogique, que nous pouvons espérer prendre la mesure de ce qu’il en est de l’Un de la jouissance au regard précisément de cette somme supposée réalisée. » (22/1/1969)

En somme, pour autant que nous comprenions bien ce que Lacan veut dire ici, c’est que nous pouvons interroger l’infini dans sa limite inférieure à condition de l’élaborer à partir de la dimension de la perte et du déchet, ce que le masochiste a déjà démontré.

C’est ainsi que nous nous approchons de la jouissance par la voie du plus-de-jouir, alors que dans sa dimension croissante, l’accès à la jouissance, s’il recèle lui aussi cette mesure interne, s’infinitise, comme pourrait se rendre sans fin la quête de jouissance dans une cure.

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Le pari de Pascal fournit à Lacan la possibilité de présenter l’articulation de ces deux formes de sujet : celui du marquage par coupure et celui de la jouissance par évidement.

Lacan construit alors une matrice dont la diagonale correspond au pari sur l’existence de Dieu et de son éternité; il y a des gens qui sont tellement assurés qu’il n’y a pas de pari du tout, ils sont assurés de savoir qu’il est, et ils parient pour; il y en a qui sont assurés de savoir qu’il n’est pas et ils parient contre !

Dans ces conditions, le savoir n’existe pas, il ne se constitue pas.

i[i] Ne pas se représenter soi-même, équivaut donc à ne pas s’auto-désigner dans l’acte d’énonciation.

ii[ii] Lacan prétend tenir une conception du symptôme qu’il a retrouvée dans les textes de Marx. Nous devons bien avouer que malgré nos recherches à l’époque nous sommes restés Gros-Jean comme devant .

iii[iii] Une note pour prendre une revanche toute amicale sur les nombreuses discussions qui nous ont opposé aux chers confrères, enclins à réintégrer l’ontologie chassée des plates-bandes analytiques sous la forme d’une présence de l’objet a visible à travers le monde, indépendamment de son émergence du fait du discours analytique. Sorte de catégorie universelle que Lacan renie expressément ici.

iv[iv] Toujours ce double jeu possible sur les termes utilisés parfois dans un sens topologique et d’autres fois dans leur sens mathématique

v[v] Savoir que plus tard, Lacan nommera : moyen de jouissance et qui s’écrit S2, trace portée par le second signifiant dans cet autre champ que celui du trésor du signifiant, celui de l’Autre de la jouissance.

vi[vi] Les conséquences de cette affirmation sont véritablement importantes, elles interdisent pratiquement à toute classification psychiatrique, par exemple, de déterminer la dimension de sujet ou pas à un individu.

vii[vii] Dans le contexte plus général de notre thèse, est-ce que cette irruption de la logique gödelienne du théorème de non-complétude a partie liée avec cette interrogation plus générale de Lacan des rapports de la topologie et de la jouissance ? Ou plus exactement, est-ce que la fonction d’évidement que nous posons comme hypothèse qui soutient cette logique, cette topologique de l’évidement, cette topologique de la jouissance, est-ce que l’évidement est une opération qui, au bout du compte, s’avère être homéomorphe à l’opération logicienne de Gödel, type-théorème de non-complétude ?

viii[viii] Cf. le livre de Recanati, La transparence et l’énonciation, Seuil.

ix[ix] Est-ce à dire que Lacan confère ici une antériorité au Sujet ?

x[x] Ne prenant pas ces «formes» en compte, le formalisme de Russel tentait à faire fonctionner un discours sans le Sujet, c’est-à-dire sans la fonction de Vérité, ce qui pose la question « que faire alors des erreurs subjectives ? ».

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Par contre, dans l’autre diagonale, il y a celui qui parie contre, sur le fondement de ce qu’il sait qu’il est ; et celui qui parie pour, sur le fondement de ce qu’il sait pourtant qu’il n’est pas (Lacan égale ce moins l’infini, qui apparaît dans la case en haut à droite, à l’enfer). Il met aussi en rapport petit a à l’au-delà de la mort, dans la mesure où cet au-delà de la mort n’est rien d’autre que le glissement indéfini, mathématique, sous la chaîne signifiante de la fonction a comme rapport.

On peut noter ici que, progressivement, la fonction de petit a est en train de virer, d’objet qu’il était dans la circulation du graphe, voire de creux qu’il était devenu dans la topologie des surfaces, il est devenu maintenant, dans l’interrogation que Lacan fait porter au départ de la jouissance, un rapport qu’incarne par exemple le rapport mathématique. Il s’agit de figurer par ces exemples marhématiques la division du Sujet: d’une part le Sujet de la Jouissance, Sujet absolu dans son affrontement au sujet unaire, marqué par le UN. Impossible par la figuration de ces série que ce rapport de l’un à l’autre se sature autrement que sous la forme d’une limite qu’on ne peut atteindre.

Autrement dit, si a précédemment relevait de la mesure du trait, il relève maintenant de celle de fonction, c’est-à-dire de courbe, celle qu’incarnera au mieux effectivement la topologie, par exemple du tore.

Dans le pari cependant, l’objet a s’égale à la mise, à l’enjeu de départ.

xi[xi] Ce qu’il fera dans l’élaboration des quatre discours. (Cf. Séminaire XVIII).

xii[xii] Déjà articulé par un G. Bataille avec sa notion de dépense.

xiii[xiii] Du moins avant 1917. ajoute personnelle.

xiv[xiv] Dédoublement qu’explicite l’opération d’aliénation – Vérité articulée dans le séminaire précédent sous forme tétraédrique.

xv[xv] Voir Lettre Mensuelle n° 7O, G. Morel, « Le Pari et les partis », juin 88.

xvi[xvi] Cf. Notre autotomie, op. cit.

xvii[xvii] Voir Lettre Mensuelle n° 7O : Yann Pélissier : « La mesure de a dans la Séminaire La logique du fantasme.

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Comme cette mise n’a aucune valeur, on peut dire que cet objet a n’a aucune valeur d’usage, bien que dans la psychanalyse, ce soit précisément ce a qui anime la structure du désir dans les rapports de l’homme à la parole.

La seule possibilité de pouvoir interroger pour nous ce rapport petit a, puisque nous sommes dans un lien qui n’est pas de lutte à mort, c’est autour de la notion de mesure, la mesure étant en quelque sorte : « la condition de la pensée. Dès que je pense à quelque chose, de quelque façon que je le nomme, cela revient à l’appeler l’univers, c’est-à-dire, l’un. » (5/2/1969)

Comment s’applique cette «mise» à l’Un, comment en mesurer la différence ?

C’est ce que la logique mathématique nous démontre, (homologue à la définition du signifiant qui représente le sujet pour un autre signifiant) dans la mise en évidence de cette différence.

Peut-on de cet Autre faire une classe ? C’est-à-dire, peut-on en faire un « Un », et faut-il inclure le premier S dans cette classe ?

On voit bien là quelque chose qui relance sans cesse la différence entre le trait unaire qui représente le premier signifiant, et le « Un » qui totalise le champ de l’Autre.

Cette différence qui se relance sans cesse, c’est ce que Lacan appelle petit a.

« C’est pour autant que dans ce jeu, quelque chose est et qui, à l’endroit du « Un », se pose comme l’interrogeant sur ce qu’il advient, lui, le « Un » quand moi, petit a, je lui manque, et, en ce point où je lui manque, si je me repose une nouvelle fois je lui manque, si je me repose une nouvelle fois comme «Je», ce sera pour l’interroger sur ce qui résulte de ce que j’ai posé ce manque. » (5/2/1969)

En mathématique, ceci correspond aux séries décroissantes de Fibonacci qui aboutissent en totalisant les puissances paires et impaires à la limite « Un ».

A l’autre bout, dans le sens croissant cette fois, nous aurons quelque chose qui ne s’arrêtera jamais et qui n’est rien d’autre que la fonction de la science qui s’ajoute sans cesse à elle-même.

« Tout ceci pour parvenir à rien d’autre qu’à identifier au a ce qu’il en est de l’Autre lui-même, c’est à savoir à trouver dans le petit a l’essence du « Un » supposé de la pensée, c’est-à-dire à déterminer la pensée elle-même comme étant l’effet, je dis plus, l’ombre de qu’il en est de la fonction de l’objet a. » (5/2/1969)

Ce qui n’est rien d’autre que la fonction de cause. A l’envers donc de ce rapport au savoir qui lui n’arrête pas de croître.xviii[xviii] 

C. Les limites subjectives : un savoir né de la jouissance féminine !

xviii[xviii] L’honnêteté qu’on dit intellectuelle mais qui « n’est » qu’une éthique nous oblige à avouer que cette démonstration de Lacan à l’aide du pari de Pascal, nous est restée très peu claire en raison des limitations imposées par la transcription. Ce travail pourrait cependant trouver une suite dans une reprise des thèses de Pascal, vues sous l’angle rétrospectif qu’elles doivent démontrer l’évidement de jouissance dans la mesure du 1 par a et que cette démonstration contient ceci d’imparfait, tenant à la névrose de Pascal, qu’il croit en Dieu.

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Il peut sembler que les détours du séminaire s’éloignent de la topologie que nous voulons en extraire. Il n’en n’est rien, car, comme savoir, elle se détache du champ où jusqu’ici s’affrontaient théorie et clinique. Ce chemin d’ailleurs avait été ouvert par Freud chez qui, un retour à la théorie du plaisir est censé, très précisément (en tout cas pour ce qu’on peut en trouver dans son esquisse pour une psychologie scientifique), démontrer qu’à côté du schéma stimulus-réaction, schéma tout naturiste, existe chez l’homme un autre système qui est articulé à la logique du signifiant. Évidemment, comme Freud ne disposait pas de la découverte linguistique à ce moment, il l’a constituée sur le modèle neuronique. Ce qu’on appelle retour à une identité de perception, ou régulation homéostatique qui est censée régir ce principe de plaisir, n’est rien d’autre que le désir pour le sujet de répéter ce qui doit être retrouvé, ce qui en soi est impossible sans qu’aucun critère de la réalité ne soit défini qui régisse cette retrouvaille, c’est pourquoi le rêve (et sa fonction si inadaptée) sert de modèle d’approche pour Freud dans l’abord de cette réalité humaine.

Articuler différence et répétition, telle est la fonction de cette instance du principe de plaisir selon ces deux axes repérés par Freud lui-même de la substitution d’un signifiant à un autre et de la fonction mentale du déplacement. En ce sens, le rêve déjà est lui-même interprétation sauvage, c’est-à-dire traduction imagée qui attend d’être articulée en signifiant. Ce que l’interprétation y produit est, ni plus ni moins dans cette faille, en quoi consiste la phrase reconstituée par l’articulation signifiante, d’y désigner ce qui, dans la clocherie qui en résulte, signe la place du désir.

Tel est ce qui s’avérerait comme logique de l’interprétation freudienne, et Lacan l’égale à ce qu’il a déjà développé à partir des séries de Fibonacci, à savoir d’articuler le rapport de cette mise en place du signifiant et de sa faille aux séries et à la loi du nombre harmonique, si « Un », le champ de l’Autre et de la Vérité, se mesure à a, le savoir quand :

 

Nous avons donc une fraction qui porte à son numérateur le savoir, à son dénominateur la Vérité en tant qu’elle surgirait de sa différence d’avec le savoir : démonstration de l’existence d’une Vérité qui ne se sait pas, ce qu’effectivement l’inconscient nous démontre !

Cette opération qui lie la vérité et le savoir en tant qu’elle conjoindrait répétition et différence est exactement ce que Lacan a tenté de construire à l’aide de sa logique, à ceci près que c’est petit a qui est en quelque sorte originel de l’inscription et qui reçoit une petite poussée pour pouvoir se renouveler en conjoignant répétition et différence.

Cette vérité, comment la connaissons-nous ? Nous la connaissons comme travail: c’est le travail de la Vérité, appelé parfois par Freud – durcharbeiten. Alors que le savoir, lui, nous ne le connaissons que sous la forme d’un éclair. (Ça fait tilt !)

A quoi correspond cette vérité diminuée du savoir ? Il s’agit ni plus ni moins du savoir du sexuel dont en quelque sorte, nous n’avons pas (comme chacun sait, en analyse) la vérité excepté sous la forme d’un savoir en défaut.

Où est le savoir, alors ?

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Le savoir se trouve du côté de la pulsion qui est précisément ce que l’analyse démonte pour en faire surgir l’effet de vérité par soustraction.

Lacan isole ensuite ce qui probablement reste non élucidé de toute l’entreprise analytique jusqu’à lui, c’est-à-dire ce qu’on appelle le désir de savoir et le rapport qu’il entretient avec le sexuel, (sinon que c’est peut-être par le biais de la pulsion que nous pourrions l’entendre, elle qui tient lieu de sexuel et qui se trouve être en même temps le lieu de l’émergence du premier savoir). Le sexuel, ici reprend son nom, c’est-à-dire la jouissance et Lacan l’égale au Réel qui revient à la même place.xix[xix]

Il rapporte, alors, la jouissance à la nature féminine désignant ainsi que si l’union sexuelle ne comportait aucune faille, il est à peu près clair qu’aucun savoir n’en résulterait.

« La jouissance n’est ici mise en valeur que de l’exclusion en quelque sorte de quelque chose qui représente la nature féminine. » (5/3/1969)

L’incommensurable tombe-t-il dans le champ de la jouissance féminine ?

D’une certaine manière, les deux Autres isolés précédemment se spécifient encore davantage. D’une part, l’Autre de la marque et puis ensuite celui de la jouissance que la « nature » féminine représenterait par exclusion. Processus qui peut être interrogé en chacun de nous et qui avait déjà été repéré par Lacan dans son séminaire sur l’Éthique de la psychanalyse quand il avait interrogé les rapports de la centralité d’une zone interdite (souvenons-nous dans le graphe) parce que le plaisir y serait trop intense, pour désigner cette zone comme étant celle de la jouissance, laquelle se définirait ici comme tout ce qui relève de la distribution du plaisir dans le corps. Cette distribution a une limite intimexx[xx] – Lacan l’a appelé vacuole – qui serait à l’intérieur de nous comme le plus intime, mais que nous ne pouvons manifester que sous la forme d’une extériorité jaculatoire qui est le cri qui est la manière dont l’intime se reconnaît au dehors. Autrement dit, ce prochain dont Freud aurait parlé n’est pas l’Autre de Lacan, mais c’est l’imminence intolérable de la jouissance dont l’Autre : « n’est que le terre-plein nettoyé ». (12/3/1969)

Terre-plein nettoyé de la jouissance et à l’intérieur duquel, comme lieu-Autre cependant, la fonction signifiante peut de nouveau jouer à plein !

Ce nettoyage, ce n’est rien d’autre que la structure de l’Inconscient comme un langage. Dans ce lieu nettoyé, réside la formalisation, c’est-à-dire déjà la logique plus la topologie (à condition que cette topologie se rende adéquate à ce que cette logique essaie de cerner, c’est-à-dire la fonction de la jouissance).

A côté, insiste l’impassibilité du désir, c’est-à-dire le fait qu’il se maintient, ce désir inconscient de l’enfance, dans sa stabilité. Le désir est réductible au formel comme trace de l’exclusion de la jouissance de l’Autre du langage. A travers lui, tente de s’interroger l’Autre de la jouissance, exilé à jamais du langage et que seule, peut viser, la sublimation. En effet,

xix[xix] Ce que l’hystérique essayerait de mettre en ordre logiquement à la manière d’un absolu, c’est-à-dire sous la forme que cela peut prendre pour elle, c’est-à-dire d’un désir insatisfait. Lacan laissant entendre ici que le savoir qui résulte de cette opération hystérique en voudrait à ce que veut l’homme.

xx[xx] CF. F. Baudry, « L’intime », éd. L’Éclat 1988

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elle nous pousse à interroger la Chose, celle que Lacan a appelé la Chose freudienne dont la figure mythique est la Vérité dans son double versant occidentalisé : l’amour courtois et l’œuvre d’art.xxi[xxi]

L’amour courtois, «où la sublimation conserve la femme dans le rapport de l’amour au prix de la constituer au prix de la Chose.» (12/3/1969)

Et ceci parce que la femme se réserve la part exilée de la libidoxxii[xxii], de jouissance qui a déshabité l’Autre et que la forme courtoise de l’amour tente de coloniser.

L’Autre versant, celui de l’œuvre d’art, par où la sublimation tente de rejoindre la jouissance interdite, est la voie du corps et plus exactement de la pulsion dont nous connaissons déjà la topologie de bord.

Cette structure de bord est ce qui représente, grossièrement dit, les orifices du corps, mais en mathématique, cette structure de bord nous permet d’amorcer la compréhension de ce que Freud appelle la constance du flux que ce bord conditionne et qui, dans la théorie vectorielle, se définit comme flux de rotation. La pulsion est ici définie comme la conjonction de la logique et de la corporéité. Aussi : « L’énigme est plutôt ceci : comme jouissance de bord, comment a-t-elle pu être appelée à l’équivalence de la jouissance sexuelle ? » (12/3/1969)

C’est autour du trou propre à la jouissance que Lacan prétend voir la possibilité de cette équivalence de la jouissance de bord et de la jouissance sexuelle.

Un nœud déjà associe la sublimation, l’amour et la femme. C’est ici que, probablement, commence à s’inscrire le virage qui fait qu’abordant la jouissance et y cherchant une topologie spécifique, Lacan va devoir passer par le détour de la sexualité féminine pour soutenir la question de sa topologie. Quelque chose, nous dit-il, se réalise avec la femme, et pas seulement se passe avec la femme; c’est le terme de réaliser ici qui est tout à fait essentiel.

La topologie et la formalisation seraient donc en quelque sorte des sublimations, c’est-à-dire une idéalisation de l’objet, de l’objet de la pulsion dont l’horizon est sexuel, sans qu’il soit éclairci qu’elle comporte là une satisfaction sexuelle.

Nous voici donc au point où se déterminent les relents sublimatoires de la topologie comme savoir issu d’une jouissance exilée, abordable cependant par les objets a pulsionnels et la question de la sexualité féminine.

Si les rapports des objets a et de la topologie apparaissent par la structure de bord qui peut leur être isomorphe, il faudra attendre quelques années (Encore) pour articuler topologie et sexualité féminine.

Avant d’y venir, il faudra bien remarquer que l’objet a joue dans la sublimation (oeuvres d’art, par exemple) le rôle de ferment topologique. Il y va : « d’une fonction par où le Sujet n’est plus fondé, n’est plus introduit que comme effet de signifiant (S1). Dans cette fondation par le signifiant, un reste subsiste qui a cette fonction de résidu petit a, c’est en tant que

xxi[xxi] Ce double versant correspond à ce que Freud a isolé dans l’« Introduction du narcissisme » : idéalisation de l’objet et avatar de la pulsion.

xxii[xxii] On trouvera son plein développement dans le Séminaire XX, Encore.

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l’objet a est extime, est purement dans le rapport instauré de l’institution du sujet comme effet de signifiant, comme déterminant par lui-même dans le champ de l’Autre ses structures dont il vous est facile de voir les variations dans ce qui s’organise de structure de bord, en tant qu’elle a le choix si l’on peut dire de se réunir soit sous la forme de la sphère, du tore, du cross-cap, de la bouteille de Klein. » (26/3/1929)

Et Lacan avance donc que les quatre objets a se reflètent dans ces quatre structures de la topologie en vue de réanimer la fonction que la clinique pourrait recevoir de l’objet petit a, réanimée dans le commerce sous la forme de l’objet de l’œuvre d’art, et exemplifiée là où il y va d’un lieu de capture de la jouissance.

Grâce à cette relecture par la topologie, Lacan fait la distinction entre la névrose et la perversion.

Il isole le statut particulier de l’objet dans la perversion (regard et voix) pour la scoptophilie et le sado-masochisme, qui met en évidence ce champ de l’Autre déserté par la jouissance.

Voilà qui permet à Lacan d’inscrire maintenant ces deux notions de complémentation et de supplémentation qui sont des notions mathématiques, angulaires et qu’il va appliquer à propos de l’un et de l’autre de ces couples pervers.xxiii[xxiii]

Le masochiste supplémente l’autre d’une voix sous la forme d’une jouissance remise à l’Autre. Le sadique, lui, de manière inverse, essaie de compléter l’Autre en lui ôtant la parole mais en lui imposant sa propre voix, ce que toute l’œuvre de Sade a démontré rater, puisque cela ne manque pas de commentaire supplémentaire. (supplémént-compléments à lire donc comme jouissances ajoutées à ce lieu déserté de l’Autre !)

Il faut encore souligner, et c’est l’intérêt tout spécifique de la perversion, à quel point un trou topologique à soi tout seul peut fixer toute une conduite subjective. C’est exactement ce que Freud avait trouvé dans la structure de la pulsion. Dans la perversion, on verrait donc se radicaliser la question de la topologie(versant jouissance), alors que le névrosé, lui, manifesterait plutôt qu’au champ de l’Autre, c’est la barre, c’est le Un, autrement dit, l’idéalisation qui est déterminante (le fantasme parant à cette interrogation de la part du névrosé des lieux de la jouissance de l’Autre.)

D’où découlerait le sentiment pour le même névrosé que la liberté lui est enlevée, par exemple, de penser ou de savoir, alors que ces restrictions ne sont que des effets de l’interdit majeur de la jouissance qui se transforment, retour du refoulé, en pensées aliénées.

C’est au fond ce que Freud avait déjà désigné sous le terme du trauma, à savoir qu’un désir inconscient existe qui nous apparaisse comme fomenté par l’Autre ! Cette fomentation par l’Autre implique, dans la théorie du trauma, quelque chose qui est différent du repérage de la division du sujet-du-fait-de-la-marque, puisque c’est la scène de la jouissance qui est

xxiii[xxiii] Occasion pour Lacan de montrer que cette complémentation, voire cette supplémentation, s’incarne facilement chez l’exhibitionniste, lui le défenseur de la foi, tout comme les Croisés pouvaient à leur tour, dans cette perversion dont Lacan les taxe, rendre libre la place de l’amour courtois civilisé, là où ils avaient vidé les lieux. Ces deux couples pervers se trouvent dans un rapport de symétrie, eu égard à ce double accent de la supplémentation et de la complémentation.

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brutalement évoquée en tant que, dans le traumatisme, le corps y serait aperçu comme séparé de la jouissance !

« La fonction de l’Autre ici s’incarne, elle est ce corps perçu comme séparé de la jouissance, c’est ainsi qu’un certain « je sais » viendrait se mettre en avant et écranter en quelque sorte un « je ne sais pas »», (23/4/1969)... issus de notre intimité à la jouissance !

Ce lieu où la Vérité et le savoir viendraient pourtant se conjoindre topologiquement d’une façon qui les fait se rejoindre et en même temps en démontrer la faille, c’est ce que la bouteille de Klein viendrait représenter comme rebroussement de surface (déjà égalé par Lacan à l’œuvre du nom propre).

« Il y va d’une vérité que nous interrogeons dans l’Inconscient comme défaillance créatrice du savoir, comme point d’origine du désir « de savoir », mais c’est le schéma qui vient d’un savoir condamné à n’être, en quelque sorte, jamais que le corrélat de cette défaillance. » (23/4/1969)

La notion de censure que Freud aurait inventée n’est là au fond que pour signaler ce rapport du savoir à ce lieu dont il surgit comme refoulé. Par l’association libre, une autre liberté subjective nous est donnée, c’est celle de voir apparaître la structure du fantasme, mais qui effectivement dénie à la logique son principe de contradiction, même si par l’émergence d’une grammaire, elle nous montre quand même une orientation.xxiv[xxiv]

En effet, en logique, la catégorie de l’indécidable (tout autre chose que le principe de contradiction), est, pour Lacan, homologue comme faille à ce que la structure du désir nous montre dans l’analyse : difficulté de rapporter l’homme et la femme à un savoir, sinon à les désigner du rapport médié à un manque, autrement dit, du Phallus.

Ce que le désir illustre est une difficulté particulière liée au fait que :

« La jouissance de l’instrument fasse barrage à la jouissance qui est jouissance de l’Autre en tant que l’Autre est représenté par un corps que, pour tout dire et comme je l’ai énoncé, je pense avec suffisamment de force qu’il n’y a rien de structurable qui soit proprement l’acte sexuel » (23/4/1969) sans l’irréductibilité du savoir et de la vérité.

C’est ce que le manque de Vorstellungsrepräsentanz à cet endroit incarne dans la pensée ! Même si c’est sous la forme d’une barrière à la jouissance issue du principe de plaisir que Freud en parlait.

Cette barrière a des contingences historiques, c’est par exemple l’interdit de l’inceste. C’est aussi le complexe d’Oedipe. Mais comme émergence logique : c’est la castration, à savoir le trou dans l’appréhension de ce «je ne sais pas» quant à la jouissance de l’Autre qui doit être pensé dans ses rapports omniprésents, dans notre science.

Le déferlement des objets petit a (gadgets) qui ont pour fonction de boucher en même temps que de présentifier cette faille dans nos masses-médias, serait censé nous le faire comprendre. Dans la cure du névrosé, il se produirait donc au-delà des identifications, un renversement qui consiste en ce que les objets a ne viennent plus boucher ce rapport à la faille, mais donnent cette impression inverse que c’est l’analyste qui est hypnotisé par le regard et la voix de son

xxiv[xxiv] La névrose privilégierait donc la grammaire à la logique.

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patient. Le désir qui ne se soutenait que de la demande de ce qu’il en est de ce désir, se trouve ici renversé en une interrogation sur le désir de l’analyste.

Opacité d’un « que me veut-il ? » dans le sens de « jouit-il de moi ? »

Reportons-nous à une forme plus « ontologique » de la topologie, celle qui prendrait appui sur la prétendue « réalité » du corps, le phénomène dit de chambre noire, par exemple.

Le fait de reporter dans une circonvolution corticale, l’interprétation de l’image qui se présente sur la paroi de la chambre noire, est en réalité manquer la fonction de petit a dans le champ visuel. Cette fonction petit a ne peut se repérer qu’à la condition de faire intervenir, entre ce qui est vu et le voyant, la fonction de la lumière, laquelle dans un premier temps vient faire tache. Elle vient faire tache, c’est-à-dire que quelque chose manque derrière l’image, si on peut dire, là où la tache est justement ce qui, dans le champ, se distingue comme trou, comme absence. La lumière produit des taches et c’est sur cette métaphore que se trouve attaché le Sujet « en tant que ce Sujet est quelque chose dans le savoir et est déterminé par un autre manque plus radical, plus essentiel qui est celui qui le concerne en tant qu’être sexué, c’est là ce qui fait apparaître comment le champ de la vision s’insère dans le désir. » (30/4/1969)

La pensée à cet égard vient reboucher cette fonction tache pour la combler; la pensée donc se fait d’une certaine façon : censure de la tache.

Tout ceci est particulièrement perceptible si l’on fait une différenciation clinique entre les névroses qui recachent ce trou et les perversions qui veulent pourvoir à leur complémentation.

On verrait qu’effectivement, les perversions sont fondées sur une façon d’inscrire un dehors qui n’est pas espace ouvert à l’infini, mais qui est une façon de rendre à l’Autre quelque chose dont il aurait été privé, ce que l’algèbre lacanienne S( ) essaierait de nous faire comprendre.

« Ce que j’appelle ou définis comme perversion, c’est la restauration en quelque sorte première, la restitution à ce champ du A, du petit a, en ceci : que la chose est rendue possible de ce que ce petit a soit un effet de la prise de quelque chose de primitif, de primordial.

C’est dans la mesure où cet être animalxxv[xxv] que nous prenions tout à l’heure au niveau de son sac de peau, est pris dans le langage que quelque chose en lui se détermine comme petit a. Ce petit a rendu à l’Autre, si l’on peut dire, c’est pourquoi l’autre jour en introduisant devant vous le pervers, je le comparais à l’homme de foi, voire au Croisé, ironiquement. Lui, il donne à Dieu sa plénitude véritable.» (30/4/1969)

Pour le pervers qui essaie toujours de complémenter l’Autre de ce qui lui manque, Lacan a inventé le mythe de l’hommelle.

Tout autre, est le cas du névrosé qui, lui, essaie d’inscrire le débat entre le champ du Moi spéculaire (donc du stade du miroir) et celui du désir qui s’articule par rapport aux formes de l’objet a. Le névrosé ne va pas porter l’articulation conflictuelle au grand Autre dans la logique (de la jouissance), mais plus exactement dans la fonction métaphorique de la famille, ce que Freud avait appelé le drame familial.

xxv[xxv] Lacan avait choisi l’exemple de l’otolithe.

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« Famille », ici, est homologue à « hommelle ».

« C’est cet objet a en tant que libéré, c’est lui qui pose tous les problèmes de l’identification, c’est lui avec lequel il faut au niveau de névrose en finir pour que la structure se révèle de ce qu’il s’agit de résoudre, à savoir la structure tout court le signifiant du grand Autre barré. » (30/4/1969)

En d’autres termes, pousser le névrosé à interroger la jouissance de l’Autre, seul chemin possible pour une relation anaclitique et que la perversion assure plus que le narcissisme névrotique, encore empêtré d’image spéculaire.

Cette opération est-elle progrès dans la cure ?

Elle fait le temps d’apparition du Sujet dans le choix qui lui est donné en ce moment, choix ou de la névrose ou de la perversion. 

D. Du sujet de la jouissance

Le pas nouveau dans le séminaire de Lacan consiste maintenant à donner au Sujet une mobilité qui ne dépend plus seulement de sa différence représentative, mais de sa dépendance à un Autre, nettoyé de la jouissance et responsable de ce que le signifiant représentatif ne peut en aucun cas l’être, de lui-même.

Cette mobilité résulte de ce que l’inscription première S1 demande un lieu où elle s’inscrive et que la suite vienne, elle aussi, représenter, s’articuler, à cette inscription première et à ce lieu. D’où le terme d’en-forme de a qui, comme tel, est troué par petit a.xxvi[xxvi]

Il y a là une communauté de structure topologique, entre A et le Sujet du fait de ce petit a. Quelque chose que Lacan rapporte encore au paradoxe bien connu de l’ensemble de tous les ensembles qui ne peuvent se contenir eux-mêmes. Rien d’autre que la manière pour le Sujet de se déterminer par rapport à une altérité première, qui est celle du signifiant qui se présente dans la pratique analytique sous la forme d’une étrangeté, à rapporter au Sujet, et à sa référence topologique. Lacan reprend ici les vieilles notions de traces et de traces effacées.

En effet, une trace effacée, c’est ce que le Sujet transforme en regard, regard à entendre comme fente, comme entre-aperçu, c’est là ce qui est abordé de (la jouissance de) l’Autre qui a laissé la trace.

Ce qu’il en est du Sujet dans l’effacement de la trace, est supporté par les quatre objets a repérés par Lacan : soit, là où l’objet a efface la trace et ne lui est pas rivé comme peut l’être, par exemple, l’aboiement d’un chien quand il suit une trace. Le Sujet est celui qui remplace la trace par une signature !

Lacan avance alors que l’écriture est très précisément ce qui résulte de cette trace subjective qui rapporte le regard à l’objet a.

xxvi[xxvi] Ce terme reprend, dans la topologie du désir, les mots mêmes que nous proposions pour rendre compte de l’introjection de l’image spéculaire à partir de l’Autre dans la topologie du miroir : en forme de A cette fois-là !

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L’écriture chinoisexxvii[xxvii], à cet égard, étant plus proche de cette appréhension du regard comme trace au lieu de l’Autre que nos écritures. En ce sens, l’écriture est loin d’être une transcription, elle est ce qui opère véritablement la coupure à laquelle se raccroche ce qui se trouve découpé dans la parole par la voix, pour que dans l’écriture, la coupure soit comme supportée du regard !

Ainsi, se constitue cette topologie spécifique dont nous avions déjà remarqué la stature fantasmatique (in Logique du fantasme), au travers de l’insistance lacanienne d’écriture.

La fonction de l’érotisme relève, elle aussi, de l’origine de la trace : un regard laissera une trace dans cette en-forme de a dont nous avons le retour affectif sous la forme de la « pudeur amboceptive des conjonctures de l’être » ainsi que la nommait Lacan dans Kant avec Sade.

On notera qu’ici regard et voix sont les éléments importants qui, pourtant dans l’ordre de l’objet petit a, paraissent seconds par rapport au sein et au déchet excrémentiel. On pourrait peut-être se demander si ce que Lacan détermine ici de la fonction de la jouissance, n’est pas justement construit sur ces deux objets particuliers (regard et voix), alors que précédemment, ce qui s’était construit au niveau du trait pour le sujet relevait peut-être de ces objetsxxviii[xxviii] que sont le sein et le déchet.

« Tels sont les quatre « effaçons » dont peut s’inscrire le Sujet qui, au milieu de ceux-ci, est, à proprement parler, insaisissable de ne pouvoir qu’être représenté par un représentant. C’est en tant qu’il s’inscrit dans le champ de l’Autre qu’il subsiste, c’est à ceci que nous avons à faire si nous voulons d’une façon correcte rendre compte de ce qui est l’enjeu dans la psychanalyse. » (14/5/1969)

On notera encore la différence entre l’avènement du Sujet ici, barré par cet effacement de l’objet a et la manière dont il pouvait se représenter, s’identifier dans une société, (par exemple au chef). Si le Sujet se détermine par rapport à ces objets, en tant que trace, qu’en est-il alors de cette dimension sexuelle dont la psychanalyse fait ses choux gras ?

En effet, il faut bien considérer que la différence mâle/femelle n’est en rien univoque dans l’aventure humaine. C’est une fonction tierce, le Phallus et son inscription dans la castration par rapport à l’énigme de la jouissance, qui doit servir de repère. Aussi, c’est ce signifiant privilégié, comme signifiant manquant dans cette opération, que Lacan va tenter d’inscrire maintenant.

Il reste que toutes ces traces qui sont des effacements doivent être organisées. Organiser une circulation nécessite qu’il y ait entre ces traces un point de vide, et ce point de vide, c’est évidemment la place du Phallus.

Depuis longtemps déjà, nous savons que le Phallus n’est pas dans le système du Sujet – depuis le séminaire sur l’angoisse et bien avant déjà – nous l’avions situé dans le champ de

xxvii[xxvii] Cette dimension e l’écriture dans ses liens avec la jouissance sera plus spécialement développée dans D’un discours qui ne serait pas du semblant.

xxviii[xxviii] Le sein, topologiquement parlant, est déterminé par Lacan comme ce qui, dans la demande, est une place qui a une fonction d’ambocepteur entre l’enfant et la mère, alors que ce qui est le signifié qui résulte de cette demande, c’est l’objet anal comme déchet.

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l’Autre en tant que la jouissance absolue à laquelle il se réfère est strictement hors-système et, plus exactement, hors-système du principe de plaisir. (Cf. Le graphe)

 

« Le Phallus est le signifiant hors-système et pour tout dire, celui conventionnel à désigner ce qui est, de la jouissance sexuelle, radicalement forclos. Si j’ai parlé de forclusion à juste titre pour désigner certains effets de la relation symbolique, c’est ici qu’il faut voir, qu’il faut désigner le point où elle n’est pas révisable, et si j’ajoute que tout ce qui refoulé dans le Symbolique reparaît dans le Réel, c’est bien en cela que la jouissance est tout à fait réelle. » (14/5/1969)

Cette fonction phallique semble marquer, désigner un point sans qu’il puisse représenter le Sujet dans le champ de l’Autre, et c’est effectivement ce que la découpe sur le cross-cap nous permettait déjà de repérer.

La névrose, à cet égard, n’est qu’une tentative de réinscrire ce point hors-ligne, hors-système, et qui appartient à l’Autre, dans une jouissance onanistique, masturbatoire qui, en quelque sorte, réapproprie ce point hors-ligne.

Il résulte aussi de cette impossibilité, une sorte de retour pour le sujet de ce point perdu, sous la forme d’une curiosité sexuelle dont Freud nous a dit qu’elle déterminait le désir de savoir. Ainsi, nous voyons le savoir issu de cette impossibilité à situer le point phallique, et c’est sous ces deux déterminations – celle de l’hommelle dont Lacan a déjà parlé, et celle de la « famille » – qu’ici deux accents tentent de répondre à l’insupportabilité du complexe de castration. Là où les pervers complémentent, voire supplémentent l’Autre de ce signifiant qui pourtant y est manquant, les névrosés en dramatisent la déficience dans une mythologie familiale.xxix[xxix]

Lacan va privilégier trois termes et les articuler : le savoir, la jouissance et l’objet petit a, mais il est nécessaire aussi d’y ajouter la fonction du Sujet et le lieu de l’Autre pour que ces trois termes puissent se nouer entre eux.

La jouissance en tant qu’exclue de l’Autre comme lieu où cela se sait du fait de l’objet petit a qui en est chute, voilà ce que Lacan va tenter de nouer ensemble.

Pour cela, il fait le détour par cette liberté particulière que peuvent avoir les énoncés mathématiques qui ne sont pas obligés de se demander quel est leur niveau de savoir pour cependant s’imposer à eux-mêmes comme savoir sans référence, et démontrer comment une certaine fonction de « nulle part » peut être repérée (par exemple : dans la suite des nombres entiers), déterminant ainsi dans cet impossible de déterminer le nombre plus grand que tout autre, un certain Réel. Ceci a été articulé dans la théorie des ensembles. Il en résulte qu’un signifiant ne se définit que dans son renvoi à un autre, et que ce renvoi se boucle d’une façon

xxix[xxix] Dans le désir aussi, cette impossibilité peut se marquer. En effet, l’exclusion de la jouissance absolue comme telle ne s’énonce que du symbolique, et c’est pourquoi elle se trouve là, dans son exclusion, désigner la place du Réel.

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circulaire sous la forme d’un réseau, réseau que Lacan avait déjà présenté dans son commentaire sur « La Lettre Volée ».

La seule chose exclue, c’est la définition du signifiant par lui-même en tant qu’il reviendrait à se mirer sur lui-même. Il est obligé donc d’en passer par quelque chose qui est une circulation (Cf. Séminaire II)

Effectivement, on verra ressurgir la fonction du vieux tétraèdre lacanien où un côté laissé hors-circuit représente bien ce lieu à l’infini qui justifie la circulation comme jouissance interdite, justifiant aussi du même coup la place métaphorique ou fantasmatique du tétraèdre pour Lacan.

En somme, ce point à l’infini, c’est l’impossible de pouvoir se mirer dans la circulation de soi-même à soi-même ; c’est ce qui, comme signifiant de la jouissance, est exclu et occupe la place du signifiant phallique.

 

De cette circulation résulte qu’un savoir se dégage et se positive du fait même de cette circulation d’un vide dans lequel vient s’inscrire l’objet a.

Dans l’histoire individuelle, ce qu’on appelle la biographie infantile, appelée à la rescousse pour expliquer la névrose de l’adulte, n’est rien d’autre que la reconnaissance du fait de la difficulté de l’approche de la conjonction sexuelle. La prématuration de tout enfant figure en quelque sorte rétroactivement (quand on s’interroge dessus plus tard), ce que ce point impossible à l’infini est aussi censé représenter de cette fonction de la jouissance absolue.

Aussi, le névrosé en reste-t-il à interroger justement la Vérité du savoir qui résulte de cette circulation en tant que ce savoir append à la jouissance.

De deux manières :

-         pour l’obsessionnel, en refusant de se prendre pour un être ;

-         pour l’hystérique, en tentant de le mettre en défaut.

Il ne s’agit de rien d’autre qu’au niveau clinique de la répétition de ces deux séries que nous avons déjà étudiées, qui lient le « Un » au a, séries dont on sait que l’une d’entre elles est croissante, déterminant ainsi la fonction petit a (dans les rapports des nombres entre eux);

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alors que l’autre, par soustraction, ne peut que comme limite s’égaler à ce petit a et non au « Un » final.

Pas d’autre solution donc pour un équilibre subjectif pour l’hystérique qui interroge cette égalisation à l’objet a que de payer le tribut qu’il faut à l’édifice du savoir, alors que l’obsessionnel, lui, contribue par la pensée à une sorte de désexorcisation de son rituel à l’égard de la religion.

Savoir et Vérité occupent chacun un champ discursif. La religion biblique, par exemple, porteuse de vérité et prophétique, a occupé le champ de la Vérité, alors que le dieu des philosophes a occupé, lui, la place qui va être déterminée par après au savoir.

Ce qui se produit dans ce savoir, est ce qui intéresse la psychanalyse, un peu comme si la fonction du produit, ici, appartenait à la dimension de la Vérité, c’est là que gît la cause du désir, c’est-à-dire la division du sujet qui s’est introduite à partir du cogito cartésien, sous la forme d’un manque; en ce sens, l’acte psychanalytique se présente comme incitation au savoir.

C’est aussi ce qui fait la « Chose freudienne », laquelle étrangement a pour propriété d’être asexuée, contrairement aux critiques qu’on adresse au freudisme classique. Comme le vivant, quant à lui, est sexué, il doit combiner en quelque sorte cette Chose freudienne à son être, d’où la réalité de ce non-rapport sexuel dont Lacan a déjà parlé dont un autre nom est la castration.

Ce que l’analyse produit comme savoir, se désigne donc sous le terme de l’objet a qui vient se substituer à cette impasse, à cette béance du rapport sexuel et donne à la division du sujet, d’une certaine façon, la possibilité d’être saisi, car jusque là, la castration ne pouvait se concevoir d’aucune façon. L’objet a en est, si on veut, la cause substituée. En se mettant du côté du savoir supposé comme sujet, l’analyste produit donc la possibilité du surgissement de cet objet a, avec lequel il disparaît comme fiction.

E. Conclusion

L’appréhension de ce champ nouveau qu’est la jouissance aura été la démarche primordiale de Lacan durant cette année 68-69. Qu’un signifiant fasse irruption dans l’inconnu pour le mener à la lumière de la raison est chose concevable pour tout domaine sensible. Pour la jouissance, c’est à la logique et à la mathématique que Lacan s’en est allé prendre leçon. Et plus particulièrement dans la théorie ensembliste de la paire signifiante !

Le grand Autre se définit pour Lacan d’un lieu qui serait comme l’ensemble vide, soit un S1 hors d’un cercle-qui-est-lieu-de-l’Autre visant un S2 à inscrire dans ce cercle, comme inscription au champ de l’Autre, repoussant ainsi cet Autre en un lieu autre dans lequel viendra à son tour s’inscrire un S3, ainsi à travers la concaténation signifiante, la place du Sujet se dessine.

 

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Ceci permet de saisir les deux dimensions du « Un », l’Un comme élément qui entre dans l’ensemble et l’Un comme désignant l’ensemble vide, les deux ayant chacun une appartenance différente.

Il résulte donc de la paire signifiante orientée, une dissymétrie qui justifie la définition du Sujet représenté par un signifiant pour un autre signifiant, c’est cette dissymétrie qui permet de poser la question : « Qu’en est-il de l’Autre ? » L’Autre sait, mais il sait sans qu’il soit un Sujet, parce que ce savoir est dans l’Inconscient. Ce lieu, c’est S le signifiant de l’Autre, S(A) qui n’est pas encore barré ; il représente ce qu’il en est de l’Autre au titre de l’ensemble vide.

Dans cet ensemble, vient s’inscrire le Un.

En fait, l’idée du Un, prétend Lacan, n’est pas tirée du grand Autre, elle est tirée du petit autre, sous la forme que l’autre devient la possibilité pour nous-même de nous compter Un.

Par exemple, dans le pari de Pascal, le trait unaire, c’est notre vie mise en gage pour obtenir une infinité de vies heureuses. Dans cette mise, l’homme se croit toujours au minimum deux, puisqu’il se pose par rapport à un idéal. Il semble bien que le pari de Pascal porte sur un quitte ou double entre le Un de notre vie comme trait unaire et le Un de l’ensemble vide comme lieu de l’Autre.

D’où l’intérêt des séries de Fibonacci : montrer que le a rend raison de ceci : « Que le pari s’établit d’abord du Un au Un, qui est quitte ou double. » (11/6/1969)

Autrement dit, entre ce qu’on met en jeu et sa vie, pour savoir si on va en gagner une ou pas, il y a entre les deux quelque chose d’autre, une petite différence qui est le petit a, mais qui n’apparaît que par la suite.

Cette fonction petit a que Lacan a appelé le plus-de-jouir : « est ce qui est cherché dans l’esclavage de l’Autre comme tel, sans que rien soit pointé que d’obscur, eu égard à sa jouissance propre à l’Autre ; c’est dans ce rapport de risque et de jeu que réside la fonction du a, ceci du côté où c’est la genèse logique qui nous permet de le démontrer dans la dimension sérielle. » (11/6/1969)

La question de la jouissance est une question qui relève de cet ensemble vide, champ (nettoyé) de l’Autre, et c’est ce qui est complètement masqué dans la dimension du pari de Pascal par l’espoir fumeux d’une vie future, venu à cette place.

« Je rappelle qu’en somme ce dont il s’agit est ceci que tout ce qui se laisse prendre dans la fonction du signifiant ne peut plus jamais être deux sans que se creuse au lieudit de l’Autre ce quelque chose auquel j’ai donné, la dernière fois, le statut de l’ensemble vide pour indiquer de quelle façon, au point présent de la logique, peut s’écrire ce qui – en l’occasion et sans exclure que cela puisse s’écrire autrement – ce qui, dis-je, change le relief du Réel. » (18/6/1969)

Intéressante, cette petite note de Lacan, « sans exclure que cela puisse s’écrire autrement » puisqu’effectivement, on peut toujours se poser la question de savoir si cette logique de l’ensemble vide n’est pas ce que Lacan va écrire avec ses nœuds. Dès qu’il y a donc une fonction signifiante, il y a du « deux » plus quelque chose qui se creuse dans cette relation et qui l’ordonne, qui se creuse sous la forme de cet ensemble vide dans lequel Lacan va inscrire ce qu’il a appelé : l’un-en-plus.

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Par rapport à «l’intersubjectivité» sur laquelle Lacan avait attiré l’attention dans «Fonction et champ de la parole et du langage», cet un-en-plus ici correspond à ce que Freud a trouvé dans la seconde topique.

L’un-en-plus est extérieur à la fonction subjective. Le sujet représenté par un signifiant pour un autre signifiant est aux prises avec cet un-en-plus déjà inscrit dans le champ de l’Autre, Un dans l’Autre qui comporte cet un-en-plus. Il y a donc trois signifiants de base, il y a l’Un et l’Autre, le deuxième si on veut, plus un troisième qui est en plus et qui va être désigné par l’objet petit a, ainsi qu’on le verra dans les formules des quatre discours.

Avant même que le Sujet ne surgisse comme conscience, ces trois termes désignent déjà à eux tous seuls, l’articulation d’un savoir.

La topologie qui résulte de cette opération est que le Un qui s’inscrit, définit un Autre, lequel Autre absorbe en quelque sorte ce premier Un qui se trouve être un représentant. Mais il ne pourra jamais se signifier d’aucune façon, se contenir lui-même qu’à l’état de sous-ensemble, c’est-à-dire à s’absorber, à chaque fois comme un nouveau Un à l’intérieur de lui-même, désignant au terme l’ensemble vide et non pas la marque qu’il serait. Cet ensemble ne se contient pas lui-même, car il n’est pas égal du tout à la totalité des éléments qui le constituaient d’abord avant qu’il ne s’inscrive dans la chaîne.

En termes plus logiques : « ce n’est pas constituer un ensemble que de parler de l’ensemble de tous les ensembles qui ne se contiennent pas eux-mêmes. » (18/6/1969)

On mesure de la sorte comment le trait unaire fait plus que marquer pour représenter une totalité, il inaugure une série dont la raison est rapportée par Lacan au savoir tel qu’il peut surgir hors-jouissance.

Il est nécessaire, pour que cette opération soit paire (S1®S2), que le premier Un se trouve inclus au champ de l’Autre. Cette opération équivaut à désigner l’élément d’un ensemble à un seul élément et à en distinguer les sous-ensembles soit le Un comme élément, plus l’ensemble vide. La confusion venait précédemment de ce qu’on pensait que l’Autre s’égalait au Un en oubliant qu’il est Un plus l’ensemble vide ; en d’autres termes : « L’Autre a besoin d’un petit autre pour devenir l’Un-en-plus, c’est-à-dire ce qu’il est lui-même. » (18/6/1969) (D’un Autre à l’autre !)

Cette inclusion d’un second Un dans l’Autre équivaut à l’écriture du S2 par quoi le Sujet vient à se représenter. Autrement dit, ce qui caractérise la fonction subjective, ce n’est pas seulement le rapport (S1-S2), mais le fait que à chaque fois, le signifiant représente un ensemble vide quand il est posé comme Un (donc un élément Un plus l’ensemble vide, ce que Lacan écrit S(A) non barré signifiant de l’Autre A inaugural).

L’objet a ici est ce qui, dans la structure, se répète indéfiniment du Un plus l’ensemble vide qui n’est pas le même ensemble vide. L’objet a restaure, c’est là quelque chose qui, dit Lacan, appartient à une structure psychique, restaure l’intégrité apparente du A, c’est-à-dire en même temps opère sur ce S(A) qui n’est pas marqué, en mettant une barre qui est ce qui, dans le graphe, donne S( ) et en retour s’inscrit comme petit a dans le fantasme.

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« A la vérité, l’apparente restauration de l’intégrité de l’Autre en tant qu’il est l’objet a, emploierais-je cette métaphore pour la désigner, comme structure perverse, qu’elle est en quelque sorte le moulage imaginaire de la structure signifiante. » (18/6/1969)

Ce que nous savons déjà effectivement, puisque le pervers s’emploie à compléter l’Autre.

Il faut y voir la fonction d’une identification psychique qui remplit la place de a.

Cette identification est repérable dans la cure de l’hystérique; elle qui effectivement d’une certaine façon présente un corps vidé de sensibilité, sans que rien d’autre qu’une unité signifiante puisse en rendre compte.

Il y a dans cette « assise d’un Sujet quelque chose qui lui fait accéder comme savoir au champ qui est celui de l’Autre, il y a quelque chose qui du fait qu’un creux s’opère au niveau du corps, il y a quelque chose qui, de ce fait, autorise que ce corps vidé fasse fonction de signifiant ». (18/6/1969)

Chez l’hystérique, Lacan pense que l’identification de la femme à l’ensemble vide est identification à un corps vidé de jouissance, vidé de cette jouissance qui, chez elle, subsiste indépendamment (et de manière permanente) à ce qui se satisfait de sa jouissance de l’homme, donc comme s’il existait là un auto-érotisme permanent.

En somme, cette jouissance de l’homme à quoi la femme se captive, la rend analogue ici à l’obsessionnel, enté sur le discours du maître captif à l’égard de l’esclave ; il y va là pour chacun, hystérie ou obsession, d’un enjeu qui est la jouissance de l’homme pour la femme, enjeu qui est la mort, pour l’obsessionnel, l’un et l’autre étant aussi bien inaccessibles.

En somme, l’hystérique s’introduit dans le discours de ne pas se prendre pour la femme, c’est-à-dire qu’elle s’intéresse à la femme en tant qu’elle serait une autre femme, celle qui sait ce qu’il faut pour la jouissance de l’homme. Lacan ajoute encore que l’hystérique suppose une femme dont le savoir, modèle recherché, s’exercerait de manière inconsciente, d’où vient la formule, l’hystérique fait l’homme qui supposerait la femme-savoir.

Cette opération s’introduit par un biais où la mort de l’homme est toujours intéressée.

« Des vérités cachées, les névroses les supposent sues. Il faut les dégager de cette supposition pour que, eux, les névrosés cessent de représenter en chair cette vérité. » (18/6/1969)

La cure vise de la part de l’analyste à installer la coupure dans la structure inconsciente que sont ces modèles articulés du Un de la femme et du maître (Un comme ensemble vide aussi bien au niveau du maître qu’au niveau de la femme). Tant que ceci n’est pas coupé de la supposition du sujet-supposé-savoir, il n’y a pas de solution pour le névrosé.

L’opération de coupure met d’un côté la supposition du sujet-supposé-savoir qui se détache, qui se sépare de la structure repérée, ajoute Lacan, à ceci près que ni le maître, ni la femme ne peuvent être supposés-savoir ce qu’ils font.

Ainsi se répète l’en-forme de a qui se reproduit sans cesse comme signe de l’ensemble vide, l’objet a. On notera la différence avec l’en-forme de A telle que nous en avons parlé dans le Séminaire I, là où ce qui s’est évidé, c’était l’image du miroir par introjection.

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On pourrait croire que l’objet a ici serait pure définition formelle, il n’en n’est rien, dit Lacan, il vise le Un, c’est-à-dire le S1 en ceci que ce S1 désigne cette jouissance énigmatique qu’on ne peut pas atteindre, sinon dans ce fait qu’elle se veut toujours autre (hormis l’hystérique, pour qui cette jouissance se satisfait à elle-même en tant qu’elle érige une sorte de femme mythique analogue à la sphinx).

Dans cette opération, le petit a reste valable dans la définition donnée cette année du plus-de-jouir, autrement dit enjeu qui constitue le pari pour le gain de l’autre jouissance, voilà le progrès de Lacan résumé pour cette année 68-69.