L’avenir du Transport ferroviaire -...

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Rapport au Premier Ministre 15 Février 2018 Rapport de la mission conduite par Jean-Cyril Spinetta L’avenir du Transport ferroviaire

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Rapport au Premier Ministre

15 Février 2018

Rapport de la mission conduite

par Jean-Cyril Spinetta

L’avenir du Transport ferroviaire

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Sommaire Introduction ............................................................................................................................................................ 7

PREMIERE PARTIE : LE CONSTAT

Le transport ferroviaire français, un mode de transport indispensable mais insatisfaisant 13

Le transport ferroviaire au cœur de la vie des Français .............................................................. 13

Des performances insatisfaisantes ....................................................................................................... 16

Un coût pour la collectivité de 10,5 milliards d’euros par an .................................................... 23

Des modèles économiques déséquilibrés ....................................................................................... 26

Les infrastructures ..................................................................................................................................... 27

Le transport de voyageurs ....................................................................................................................... 29

Le fret ferroviaire à la recherche de l’équilibre économique .................................................... 32

Un mode de transport massivement subventionné et dont l’efficacité dépend avant tout de la gouvernance publique ................................................................................................................................. 33

Le transport ferroviaire, un mode qui nécessite par nature des subventions .................... 34

Un domaine de pertinence défini par l’intérêt collectif ............................................................... 37

Des incitations à l’efficacité qui doivent être organisées par la puissance publique........ 38

Une nouvelle réforme pour préparer l’ouverture à la concurrence ..................................... 40

Un système ferroviaire déjà réformé à plusieurs reprises depuis 1997 ............................... 40

La gouvernance mise en place par la loi du 4 août 2014 ............................................................. 42

La mise en œuvre de la réforme de 2014 .......................................................................................... 43

Une nouvelle réforme est nécessaire .............................................................................................. 44

DEUXIEME PARTIE : RECOMMANDATIONS

Un redéploiement du transport ferroviaire pour mieux répondre aux besoins des voyageurs .............................................................................................................................................................. 47

Sortir du paradoxe des « petites lignes » de desserte régionale .............................................. 48

Moderniser l’exploitation des lignes à forte densité de circulation ........................................ 57

Favoriser le développement des trafics TGV.................................................................................... 60

Assurer l’équilibre économique du secteur ferroviaire ............................................................ 67

Un nécessaire effort de compétitivité du groupe public ferroviaire ....................................... 67

L’équilibre économique de SNCF Réseau, une obligation légale et la condition d’une gouvernance efficace .......................................................................................................................................... 69

L’équilibre économique du fret ............................................................................................................. 72

Faut-il réduire le niveau des péages des TGV ? ........................................................................... 75

L’ouverture à la concurrence, une opportunité pour le système ferroviaire .................... 81

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Les modalités d’ouverture des transports régionaux ................................................................... 82

Les modalités d’ouverture du transport longue distance ........................................................... 86

Le transfert des personnels dans le cadre de l’ouverture à la concurrence ........................ 93

L’ouverture à la concurrence doit s’inscrire dans une perspective de long terme de reconquête de la SNCF .................................................................................................................................... 100

L’organisation du secteur ..................................................................................................................... 104

Conclusion ........................................................................................................................................................... 112

................................................................................................................. 112

.......................................................................................................................... 113

............................................................................................. 115

Annexe 1 : lettre de mission ......................................................................................................................... 121

Annexe 2 : Remerciements ........................................................................................................................... 124

Annexe 3 : Liste des personnalités auditionnées ................................................................................. 125

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« Depuis l’avènement de l’automobile et de l’avion et devant leur prodigieux développement, le

problème le plus important et le plus pressant qui s’est imposé aux transporteurs mais que les

administrations, les conférences et les congrès négligent de traiter, est de savoir où et quand

commence et cesse l’utilité d’un moyen de communication dans une situation donnée de besoins

nationaux et internationaux, de ressources en argent, en matériaux et en main-d’œuvre. Quand

ces précisions seront acquises, chaque pays devra loyalement, honnêtement, dans le seul intérêt

de la Nation, supprimer ses transports inutiles et coûteux, les concurrences ruineuses pour tous et

faire à chaque port, à chaque voie ferrée, à chaque route terrestre ou aérienne la juste place qui

lui revient ».

Raoul DAUTRY, « Technique, science des transports

et progrès social », L’Année ferroviaire, 1948, pp. 25-61

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Introduction Par de nombreux aspects, le système ferroviaire français est une réussite qui place la France dans une situation enviable : un vaste réseau, une grande vitesse très développée, des services de « mass transit » denses et performants, un transport régional dynamique, une desserte fine du territoire. Le transport ferroviaire français permet d’offrir aux voyageurs et aux chargeurs des services compétitifs avec les autres modes de transport, sur l’ensemble du territoire, pour répondre à des besoins très diversifiés. Il est un facteur clé de compétitivité et d’attractivité, à l’échelle nationale comme à celle des territoires. Il contribue à la réduction des inégalités sociales et territoriales en assurant la mobilité de tous. Il est enfin un atout majeur pour la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique. Pourtant, à la veille de l'ouverture à la concurrence du marché domestique du transport de voyageurs, les performances du système ferroviaire français apparaissent insuffisantes : la qualité de service est dégradée et plusieurs accidents majeurs ont terni l’image de la SNCF en matière de sécurité. La situation de l’infrastructure, à la fois vieillissante et faisant l’objet d’intenses travaux de rénovation, n’explique pas tout. Par ailleurs, au-delà de l’Ile-de-France la dynamique de croissance des trafics s’est essoufflée, alors que les coûts comme le besoin de financement public augmentent sans cesse. Les voyageurs, les chargeurs et les autorités organisatrices expriment, de plus en plus, une légitime insatisfaction. Les réformes de 1997 et de 2014, si elles ont amorcé des évolutions positives, parfois au prix de nouvelles difficultés, ont laissé sans réponse les problèmes qui minent l’efficacité du système ferroviaire français. Le transport ferroviaire nécessite, par nature, un apport important de concours publics. Mettre en œuvre des incitations à l’efficacité est, dans ce contexte, plus difficile que dans d’autres secteurs. Cela nécessite une gouvernance claire, des missions précisément définies, des circuits de financement transparents… Or dans le système ferroviaire français la gouvernance et les financements restent opaques, les missions de service public mal définies, l’ensemble du système souffre d’un déficit de financement, avec une dette croissante. Les ressources ne sont pas allouées efficacement. Le réseau comme les dessertes s’étendent souvent au-delà du domaine de pertinence du transport ferroviaire, alors qu’ils peinent à répondre efficacement aux besoins dans les zones denses. Cette situation est un obstacle à la mise en place de réelles incitations à l’efficacité, comme en témoignent les difficultés de l’opérateur historique SNCF à se réformer, malgré les efforts réalisés. Si le transport ferroviaire français présente de réelles spécificités, en lien avec l’économie et la démographie des territoires qu’il dessert, les problèmes auxquels il se heurte sont assez largement les mêmes que ceux de ses voisins européens. Deux grands enseignements peuvent être tirés de l’expérience des pays pionniers en matière d’ouverture à la concurrence :

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- L’ouverture à la concurrence a permis une augmentation des trafics, une amélioration de la qualité de service et une réduction des contributions publiques ;

- L’ouverture à la concurrence s’est systématiquement accompagnée d’une « remise à plat » du système ferroviaire, en termes d’organisation, de gouvernance, de financement (reprise ou requalification de la dette), de régime social (suppression des régimes spécifiques ou reprise par l’Etat).

Ainsi, l’ouverture à la concurrence apportera une partie de la réponse aux difficultés du système ferroviaire français : elle favorisera une plus grande efficacité productive, dans le cadre d’une gouvernance assainie, avec des missions de service public clairement définies, une transparence des coûts, une autonomie de gestion et une juste rémunération des opérateurs. Elle a déjà, par anticipation, conduit à engager des transformations significatives au sein des activités de la SNCF. La concurrence doit être préparée et organisée, en retenant des modalités adaptées aux spécificités de chaque activité et répondant aux attentes de l’ensemble des parties prenantes (clients voyageurs et chargeurs, autorités organisatrices, salariés, mais aussi contribuables…). Dans ce cadre la question du statut des cheminots doit être posée, comme dans tous les autres pays qui ont ouvert le transport ferroviaire à la concurrence, afin de placer l’opérateur historique dans une situation concurrentielle équitable vis-à-vis des nouveaux entrants, et d’adapter la protection des salariés aux risques et aux opportunités du nouveau contexte concurrentiel. L’organisation du système ferroviaire doit également être adaptée. La concurrence ne constitue toutefois pas, seule, une réponse aux problèmes du système ferroviaire français. Bien au contraire ceux-ci sont susceptibles de limiter ses effets, voire de l’empêcher de se développer. Une ouverture à la concurrence réussie suppose deux préalables :

- Le redéploiement du transport ferroviaire sur son domaine de pertinence, pour mieux répondre aux besoins et réaliser un saut majeur de productivité ;

- La garantie d’un équilibre financier durable, qui nécessitera un effort constant de réduction des coûts de la part de tous les opérateurs, mais soulève aussi la question de la reprise de la dette due à l’insuffisance des financements publics depuis 1997.

La transformation à mener n’est pas seulement industrielle et économique, elle doit être aussi culturelle et politique. Culturelle car le ferroviaire joue un rôle particulier dans l’imaginaire des Français, rôle parfois démesuré au regard de sa part modale et du développement de « nouvelles mobilités ». Politique car le rapport des pouvoirs politiques au ferroviaire doit lui aussi évoluer pour mieux prendre en compte, face aux enjeux de la mobilité pour les territoires, les opportunités ouvertes par les nouvelles pratiques de mobilité, le digital et l’intégration multimodale, et à plus long terme les innovations technologiques (roboti-sation/autonomisation, optimisation des dessertes en temps réel, etc.). Préparer le système ferroviaire français à l’ouverture à la concurrence, compte tenu de sa situation actuelle, nécessitera un effort partagé par l’ensemble des parties prenantes. Des choix difficiles devront être faits, pour offrir une meilleure réponse aux besoins de mobilité tout en garantissant une utilisation plus efficace de l’argent public. La conduite de ces transformations doit s’appuyer avant tout sur la transparence, notamment en matière de coûts pour la collectivité, la concertation et le débat public.

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Le présent rapport s’articule en deux grandes parties :

- La première établit le constat d’un système de transport ferroviaire peu performant, coûteux pour les finances publiques, reposant sur des modèles économiques structurellement déséquilibrés ; les fondamentaux économiques du secteur ont été trop longtemps ignorés ; une nouvelle réforme apparaît nécessaire ;

- La seconde rassemble les recommandations de la mission autour de trois thèmes principaux : recentrer le transport ferroviaire dans son domaine de pertinence, créer les conditions d’un retour à l’équilibre économique, et préparer l’ouverture à la concurrence.

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PREMIÈRE PARTIE

LE CONSTAT

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Le transport ferroviaire français, un mode de transport indispensable mais insatisfaisant

Le système ferroviaire joue un rôle majeur dans la mobilité des Français, répondant aux besoins des voyageurs aussi bien pour les grands départs en vacances que pour leurs déplacements quotidiens ou professionnels, en Ile-de-France comme dans tous les territoires. Il joue également un rôle majeur dans la mobilité des marchandises, de nombreuses activités (notamment l’agriculture, les industries de la chimie, de la sidérurgie et de l’automobile, …) étant dépendantes du ferroviaire pour l’acheminement de leur production. Ce rôle est justifié par les nombreux atouts du ferroviaire, et il est le fruit d’une histoire de près de deux cent ans, au cours de laquelle il s’est transformé pour s’adapter à l’évolution de son environnement économique, démographique, technologique et institutionnel, pour continuer à répondre au mieux aux besoins de mobilité. Pour autant, le système ferroviaire français engendre une insatisfaction croissante, de la part des usagers, voyageurs, chargeurs, entreprises ferroviaires et autorités organisatrices de transport. Le mauvais état du réseau, avec ses défaillances et les multiples – mais nécessaires – travaux, n’explique pas tout. La régularité est insuffisante, la sécurité semble compromise, l’offre est en recul, alors même que les fonds publics consacrés au ferroviaire n’ont jamais été aussi importants.

Le transport ferroviaire au cœur de la vie des Français

Le transport ferroviaire français, une histoire indissociable des grandes transformations de notre pays et de ses territoires

L’histoire du transport ferroviaire est directement liée aux grands cycles économiques :

- un développement rapide pendant la révolution industrielle1 ;

- un effondrement des trafics2 et la faillite des grandes compagnies avec la crise des années 1930 ;

- un doublement des trafics au cours des Trente Glorieuses, les deux tiers du trafic étant constitués de marchandises ;

- en 2015 les trafics étaient globalement revenus au niveau de 1975, la croissance des voyageurs3 ayant compensé l’effondrement continu du fret, conséquence de la désindustrialisation.

L’histoire du transport ferroviaire français est également marquée par l’évolution démographique : avec une population qui a doublé entre 1830 et aujourd’hui, et qui s’est très fortement urbanisée (10% d’urbains en 1830, 85% en 2015), les enjeux du transport ferroviaire ont changé. Certaines lignes du RER parisien supportent ainsi les trafics parmi les plus denses du monde, alors que les 10 000 km du réseau le moins circulé ne supportent que 2% du trafic voyageurs…

1 Entre 1830, date de mise en service des premières lignes (ligne Saint Etienne-Lyon en France) et 1930, les compagnies ferroviaires ont construit 60 000km de lignes dont 20 000 km de lignes d’intérêt local. 2 En unités de trafic, 1 tonne de fret = 1 voyageur. 3 Favorisée notamment par l’émergence de la grande vitesse et la régionalisation.

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Enfin, les changements technologiques ont contribué à transformer le transport ferroviaire notamment avec l’électrification à partir des années 19304, et l’essor de la grande vitesse à partir de 19805. Ils ont également transformé son environnement concurrentiel : ainsi l’émergence de la route puis du transport aérien ont considérablement réduit le domaine de pertinence du ferroviaire6. Les nouvelles pratiques de mobilité (covoiturage, autopartage, etc.) et les nouveaux modèles économiques du transport de voyageurs (aérien et autocars low cost, Uber, etc.) ont prolongé cette tendance. Les innovations à venir, et en particulier la voiture autonome, pourront selon leurs usages et les régulations imposées, réduire davantage le domaine de pertinence du ferroviaire, ou au contraire le renforcer7.

4 Aujourd’hui plus de la moitié du réseau, soit 15 000 km de lignes, est électrifiée. 5 En moins de 40 ans la France a construit 2 700 km de lignes à grande vitesse. 6 30 000 km de réseau seront ainsi fermés entre 1930 et 1970. 7 UTP, note de position, « Déploiement des véhicules autonomes, une opportunité à ne pas manquer », 16 janvier 2018.

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Le transport ferroviaire, un mode essentiel pour la mobilité des Français

Le transport ferroviaire a constitué le mode de transport de marchandises et de voyageurs dominant entre 1850 et 1950, avant de décliner fortement en termes de part modale : alors qu’il représentait plus de 90% du transport de voyageurs (en voyageurs.km) dans les premières décennies du XXème siècle en France, et encore près de 60% en 1950, il représente en 2016 9,2% du transport de voyageurs, soit la même valeur qu’en 1980 (après un point bas à 7,5% en 1995). Pour autant les trafics ferroviaires de voyageurs ont plus que doublé entre 1950 et aujourd’hui, grâce notamment au développement de la grande vitesse et à l’accroissement de l’offre de transport régional. Les trafics des autres modes, et en particulier de la voiture, ont connu une croissance bien plus considérable. Pour les marchandises la route, dès les années 1930, a régulièrement augmenté sa part de marché, mais la forte croissance industrielle des « Trente Glorieuses » a permis au transport ferroviaire de conserver une place prépondérante jusqu’en 1975 : la part modale du ferroviaire était encore proche des deux tiers au milieu des années 1960. La crise économique des années 1970 et la désindustrialisation progressive ont contribué, au-delà de la concurrence de la route, à faire baisser la part modale du fret ferroviaire, de 25% dans les années 1980 à moins de 10% aujourd’hui. Si le transport ferroviaire n’est plus le mode dominant, avec une part modale des trafics voyageurs relativement modeste (mais plus élevée que dans les pays voisins8), il joue un rôle clé dans la mobilité des Français, avec chaque jour, 4 millions de voyages et 11 000 trains quotidiens (en 2016). Les « trains du quotidien » (services régionaux conventionnés TER9 et Transilien) représentent la majorité des circulations en train, mais seulement un tiers du trafic en voyageurs-kilomètres. Au contraire, les TGV sur le marché domestique représentent la moitié des voyageurs-kilomètres.

Trafics et circulations ferroviaires (2014)

Voy.km/Tonne.km (milliards)

Train.km (millions)

TGV domestique 46 105

TGV international 7 26

TER 13 179

TET 7 32

Transilien 14 60

Total voyageurs 87 402

Fret 33 78

Sources : SNCF Réseau, ARAFER 8 +1 point par rapport au Royaume-Uni, +2 points par rapport à l’Allemagne, +3 points par rapport à l’Espagne, +4 points par rapport à l’Italie. 9 Trains Express Régionaux

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Le mode ferroviaire, une réponse aux enjeux environnementaux et énergétiques des transports

En France, les transports représentent 30% de la consommation d’énergie. Le transport ferroviaire, compte tenu de sa part modale de 10%, ne représente que 0,6% de la consommation d’énergie. En moyenne :

- Un voyageur en TGV émet cinquante fois moins de CO2 par kilomètre parcouru qu’en voiture, vingt-cinq fois moins qu’en covoiturage, et huit fois moins qu’en bus ;

- Un voyage en Transilien émet vingt-cinq fois moins de CO2/km qu’en voiture ;

- Un train de fret émet dix fois moins de CO2 par km que le nombre de poids lourds nécessaires pour transporter la même quantité de marchandises.

Le transport ferroviaire peut ainsi apporter une contribution essentielle à une politique de mobilité durable, mais pour cela il doit être utilisé dans son domaine de pertinence, avec un taux de remplissage suffisant : ainsi un train régional diesel de petite capacité émet plus de CO2 que 3 autocars. Même en considérant le taux de remplissage moyen (25%) et la capacité moyenne (300 places) des TER en France, soit 75 voyageurs par train, le bilan n’est pas favorable au train, et l’autocar reste plus économe en énergie.

Des performances insatisfaisantes La « performance » du transport ferroviaire s’apprécie sur plusieurs critères : l’intensité de l’offre et les trafics voyageurs, la sécurité et la qualité de service.

Une dynamique de croissance des trafics qui s’essouffle Les trafics de voyageurs évoluent en fonction de nombreux facteurs, en particulier la conjoncture économique et le prix du pétrole, la démographie, mais aussi l’évolution des dessertes et de la qualité de service. Globalement, la période 2000-2015 a été marquée par une forte croissance des transports collectifs, en particulier de proximité, et une stagnation du transport individuel (automobile et 2-roues motorisés).

Evolution du transport de voyageurs en France (2000-2015)

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Sur la longue distance, la période 2000-2015 se caractérise par une augmentation globale des trafics ferroviaires d’environ 20%, due au développement des TGV (+57%), portée par l’extension du réseau à grande vitesse. Les trafics des TGV stagnent néanmoins depuis 2011, en raison d’une conjoncture économique dégradée et de l’émergence de nouveaux concurrents (transport aérien low cost, covoiturage, et autocars depuis 2015). Parallèlement, les trafics des trains Intercités sont en baisse (-66%), notamment en raison de la concurrence des TGV, et de l’attrition progressive de l’offre (-25% entre 2013 et 2016). Les trains régionaux, tant en Ile-de-France qu’en province, ont connu une forte croissance au cours des quinze dernières années. L’augmentation a été de 60% pour les TER, en lien avec le développement de l’offre lié à la régionalisation, mais les trafics stagnent depuis 2011. L’offre se réduit également, en baisse de 5% sur 2013-2016. En Ile-de-France la croissance, de 40% sur la période, semble au contraire s’accélérer. Cette dynamique globale du transport ferroviaire de voyageurs, si elle s’essouffle depuis 2011, a permis d’inverser la tendance à la baisse de la part modale du ferroviaire, passant de 7,5% en 2000 à 9,2% en 2016. Elle retrouve ainsi son niveau de 1980, malgré une augmentation du niveau de vie, a priori favorable à l’automobile et au transport aérien. En 2017, le trafic voyageurs est à nouveau en croissance, en raison de l’amélioration de la conjoncture économique mais aussi des initiatives commerciales prises par la SNCF, en particulier le développement des TGV « low cost ».

Evolution du transport de voyageurs longue distance en France (2000-2015)

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Evolution du transport de voyageurs de proximité en France (2000-2015)

Enfin, dans le domaine des marchandises, la période 2000-2015 a été pour tous les modes marquée par la crise économique de 2008 : globalement les volumes transportés augmentent jusqu’en 2008 et baissent ensuite (-14% entre 2008 et 2014). Le tonnage transporté sur le rail, qui a été divisé par trois depuis les débuts des années 1980, a subi une baisse de 20% entre 2008 et 2014.

Evolution du transport de marchandises en France (2000-2015)

Depuis 2014 le fret ferroviaire se redresse. Le transport ferroviaire de conteneurs (22 % du total) progresse de 5,7% en moyenne annuelle depuis 2010. Le transport de semi-remorques, après une baisse continue entre 2008 et 2013, redémarre depuis 2014. Enfin, le transport conventionnel (céréales, sidérurgie, produits chimiques, etc.), qui représente 73% du transport ferroviaire de fret, est en croissance depuis 2010 (2,1 % en moyenne annuelle).

Un réseau en mauvais état Le réseau ferroviaire français a fait l’objet d’un sous-investissement massif dans la maintenance (entretien et renouvellement), depuis la fin des années 1970, en raison d’arbitrages budgétaires qui ont favorisé le développement du réseau, et en particulier la construction des lignes à grande vitesse, au détriment du réseau existant.

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En 2005, Réseau Ferré de France10 et la SNCF ont mandaté un groupe d’experts indépendants piloté par le professeur Robert Rivier, de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), afin de disposer d’un avis objectif sur la maintenance du réseau ferré national. Les principales conclusions de cet audit étaient les suivantes :

- L’insuffisance des ressources allouées à la maintenance ont conduit à un vieillissement très important du réseau classique ;

- L’état moyen de l’infrastructure, sur une part importante du réseau, se dégrade continuellement et les prémices d’une dégénérescence apparaissent ;

- La pérennité du réseau passe par des investissements massifs de rénovation, dont le coût impose des choix, notamment en termes de consistance du réseau.

Ce constat a conduit, dès 2006, à relancer les investissements de rénovation du réseau, qui ont été multipliés par 2,5 pour atteindre 2,6 milliards d’euros en 2017. Néanmoins, l’ensemble du réseau et des composants n’a pas été traité de façon homogène. La récente actualisation de l’audit Rivier permet de mieux évaluer l’état du réseau après 10 ans d’effort soutenu de rénovation.

Historique des renouvellements de voies, 1980-201711

10 Devenu SNCF Réseau en 2015. 11 L’effort de renouvellement est mesuré en GOPEQ (Grandes Opérations Programmées Equivalentes), qui traduit le volume de renouvellement, en intégrant différents types d’opérations, et en faisant abstraction de l’évolution des coûts unitaires.

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Pour la voie et les appareils de voie (aiguillages), une part importante des efforts de renouvellement a porté, jusqu’en 2010, sur les voies des groupes UIC 5-6 et 7-912, ce qui a conduit à rajeunir significativement ce patrimoine, au détriment de la partie la plus circulée du réseau (groupes UIC 2-4). La répartition des investissements a été rééquilibrée depuis, et globalement le vieillissement de la voie et des appareils de voie a été stoppé, mais le retard de renouvellement demeure élevé sur l’ensemble du réseau, un quart des voies étant aujourd’hui au-delà de leur durée de vie normale.

Evolution de l’âge moyen de la voie, 1990-2017

En revanche plusieurs catégories de composants de l’infrastructure continuent de vieillir, en particulier la signalisation (qui représente, en nombre de minutes perdues, la principale cause de retard liée à l’infrastructure), ainsi que les caténaires et les ouvrages d’art et en terre. Le mauvais état du réseau entraîne une réduction des performances offertes à ses usagers, avec :

- Un risque de défaillance accru (on observe ainsi un accroissement du nombre de minutes perdues dû aux défaillances de la voie et de la caténaire) ;

- Une augmentation du nombre de ralentissements imposés pour préserver la sécurité des circulations, de 2 500 km en 2008 à 5 500 km en 2017, dont 4 000 km sur les groupes UIC 7-9 (« petites lignes »), 700 km sur les groupes UIC 5-6, et 700 km sur la partie la plus circulée du réseau (groupes UIC 2-4, hors LGV).

Il se traduit également par un accroissement des charges d’entretien : l’obsolescence des composants de l’infrastructure rend nécessaire une surveillance renforcée ainsi que des opérations de maintenance « corrective » pour remplacer au cas par cas les composants défaillants.

12 L’Union Internationale des Chemins de fer (UIC) a établi une classification des lignes en fonction des charges, mesurées en tonnes, supportées par les voies. Le groupe UIC 1 correspond à des lignes très chargées et, à l’opposé, le groupe UIC 9 correspond à des lignes faiblement chargées. SNCF Réseau considère parfois comme réseau structurant les lignes qui appartiennent aux groupes UIC 1 à 6. Les groupes UIC sont utilisés pour définir les politiques de maintenance, dès lors que le vieillissement des composants de l’infrastructure dépend en grande partie du tonnage cumulé.

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Il faudra plus de 10 ans d’effort de rénovation, au rythme prévu par le contrat de performance Etat-SNCF Réseau (soit 3 milliards d’euros par an), pour remplacer l’ensemble des composants hors d’âge dans la partie la plus circulée du réseau, et ainsi réduire significativement le risque de défaillance et l’effort d’entretien. La comparaison avec le réseau allemand illustre bien les enjeux de la modernisation du réseau ferré national : les voies et appareils de voies (aiguillages) sont en moyenne deux fois plus jeunes en Allemagne. Malgré le rattrapage en cours du retard de renouvellement, le budget d’investissements est inférieur en France à ce qu’il est en Allemagne. En contrepartie les dépenses d’entretien sont significativement plus faibles en Allemagne.

Données 2014 France Allemagne

Gestionnaire d’infrastructure

RFF / SNCF Réseau DB Netz

Consistance du réseau ferré

49 595 km de voies principales (VP) 12 000 km de voies de service (VS) 26 159 Appareils de Voie (AdV) (soit 0,5 AdV/km de voie de groupes UIC 2-6)

52 000 km de voies principales (VP) 12 000 km de voies de service (VS) 35 000 Appareils de Voie (AdV) (soit 0,67 AdV/km de voie de groupes UIC 2-6)

Renouvellement de la voie

1 000 km/an environ de VP UIC 2-6 (soit 2%/an) Âge moyen des voies : environ 30 ans

1 000 km/an environ de VP (soit 1,92%/an) Âge moyen des voies : 17 ans

Renouvellement des AdV (UIC 2-6)

1,76% des AdV renouvelés /an Âge moyen des AdV : environ 30 ans

5% des AdV renouvelés /an Âge moyen des AdV : 15 ans

Budget renouvellement 2,75 Mds€ en 2014 3,25 Mds€ en 2014 (en augmentation : entre 3 et 4 Mds€ / an prévus dans le contrat quinquennal de DB Netz, signé en 2015)

Budget entretien 2,28 Mds€ en 2014 1,4 Mds€ en 2014

Source SNCF Réseau

Un mode de transport très sûr mais dont l’image a été affectée par les accidents récents

Le transport ferroviaire français est extrêmement sûr : en 2015, 54 personnes ont été tuées sur le réseau ferré national, un chiffre à rapporter au trafic (87 milliards de voyageurs-km) et à comparer à l’accidentologie routière (3 461 morts en 2015 pour un trafic de 809 milliards de voyageurs-km13). Le transport ferroviaire est donc 7 fois plus sûr que le transport routier (automobile ou cars), avec une accidentologie qui est restée stable au cours des 10 dernières années. En Europe, la France se classe parmi les pays les plus sûrs, derrière la Grande-Bretagne, la Suisse et les Pays-Bas, à un niveau comparable à celui de l’Allemagne14. Pour autant, les accidents de Brétigny-sur-Orge (2013), Denguin (2014) et Eckwersheim (2015), ont affecté l’image de sécurité du mode ferroviaire.

13 Données CCTN 2017. 14 Rapport annuel de l’European Railway Agency https://erail.era.europa.eu/documents/SPR.pdf

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Une qualité de service perçue comme dégradée La qualité de service du transport ferroviaire peut être appréciée selon différents critères : régularité, sûreté, information des voyageurs, gestion des situations perturbées, accessibilité aux personnes à mobilité réduite, etc. Elle peut également être évaluée de façon plus subjective, en interrogeant les voyageurs sur leur « satisfaction ». L’enquête de la Commission Européenne sur la satisfaction des usagers15 montre que : le niveau de satisfaction des français est au-dessus de la moyenne européenne, il devance celui des allemands mais vient derrière celui des britanniques. La régularité du transport ferroviaire français n’est pas satisfaisante. La SNCF est régulièrement interpellée par les responsables politiques, les associations d’usagers et la presse, pour des situations de crise, ponctuelles (comme celle de la gare Montparnasse en juillet 2017) ou récurrentes (comme les perturbations quasi-quotidiennes sur certaines lignes de RER ou de TER). La fiabilité des services de transport ferroviaire est une question d’autant plus cruciale qu’elle affecte les déplacements du quotidien, et donc la qualité de vie des usagers et la productivité des entreprises. D’après les données recueillies par l’ARAFER en 2016, qui ne prennent pas en compte les services Transilien :

- 5% des trains programmés ont été supprimés ;

- 11% des trains sont arrivés avec un retard de plus de 5 minutes à leur terminus ;

- Le taux de retard moyen est de 10% pour les TER (avec une forte hétérogénéité selon les régions : il y a 3 fois plus de retard en région Provence-Alpes- Côte d’Azur (PACA) que dans l’ancienne région Alsace), 18% pour les TGV, et 22% pour les services Intercités ; les taux de retard sont systématiquement dégradés en heure de pointe.

Les données publiées par l’Autorité de la Qualité de Service dans les Transports16 (AQST) permettent de compléter ce tableau avec les données relatives au Transilien, exprimées en pourcentage de voyageurs en retard :

- Plus de 15% des voyageurs des RER A et D arrivent en retard ;

- 12 à 13% des voyageurs des RER B et C arrivent en retard ;

- En revanche pour le RER E, ou les lignes H, N et U, près de 95% des voyageurs arrivent à l’heure.

L’AQST note par ailleurs une dégradation de la situation, tant pour le transport régional (taux de retard moyen en augmentation de 1 point en 1 an) que pour le Transilien. Elle propose également des comparaisons internationales, qui indiquent que les performances du système ferroviaire français en matière de régularité sont faibles :

- Avec un taux de régularité de 90,3% pour les trains régionaux, la France se situe loin derrière ses voisins européens, en particulier les Pays-Bas (97,5%), la Suisse (96,8%), l’Allemagne (96,3%) et la Grande-Bretagne (92,9%) ;

- Avec un taux de régularité de 91,4%, les trains d’Ile-de-France sont également loin derrière ceux de Copenhague (99%), Madrid (99%), Berlin (97%), Oslo (96%), mais devant les trains londoniens (90,6%) ;

15 Europeans’ satisfaction with rail services, http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/flash/fl_382a_en.pdf 16 http://www.qualitetransports.gouv.fr/IMG/pdf/bilan_de_la_qualite_de_service_2016.pdf

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- Avec un taux de régularité à 5 min de 80% (en 2014), les TGV français se situent derrière les pays où ces trains ne circulent que sur voies dédiées (Japon, Espagne, Pays Bas) mais devant ceux où ils circulent également sur réseau classique (Italie et Allemagne) ;

- Enfin, pour les trains Intercités, la comparaison n’est pertinente qu’avec les pays offrant des services de même nature ; avec 79,3 % de ponctualité estimée à 5 minutes, la France se situe ainsi au 3ème rang, derrière la Finlande et la Norvège (proches de 90%) mais devant la Grande-Bretagne, l’Espagne, la Suède et la Pologne.

Le fret ferroviaire souffre tout particulièrement de la multiplication des chantiers sur le réseau et des contraintes croissantes sur les capacités dans les grands nœuds ferroviaires. De fait, il affiche une qualité de service dégradée :

- Le taux de régularité des trains de Fret SNCF était de 83% en 2015 ;

- Le nombre de minutes perdues aux 100 km, pour l’ensemble des entreprises de fret ferroviaire, et hors causes liées à l’infrastructure, était proche de 8, soit 20 fois plus que pour les TGV, et 6 fois plus que pour les TER.

Enfin, la qualité de l’information des voyageurs et de la gestion des situations perturbées est essentielle et constitue un élément clé de la satisfaction des voyageurs. Sur ce point, la SNCF a souvent été critiquée, en particulier lors de la défaillance récente du poste d’aiguillages de la gare Montparnasse.

Un coût pour la collectivité de 10,5 milliards d’euros par an Le système ferroviaire français représentait en 2016 un coût brut pour les finances publiques, toutes administrations confondues, de 10,5 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter 3,2 milliards d’euros de subvention d’équilibre au régime de retraite SNCF. En dépit de ce haut niveau de concours publics, le système demeure déficitaire, de l’ordre de 3 milliards d’euros chaque année, qui doivent être considérés comme des concours publics implicites (cf. infra). Il convient de déduire de ces contributions certaines taxes spécifiques payées par la SNCF : notamment la Contribution de Solidarité Territoriale (CST) et la Taxe sur le Résultat des Entreprises Ferroviaires, soit environ 300 millions d’euros, prélevés sur SNCF Mobilités et reversés au titre du financement des Trains d’Equilibre du Territoire. Ce coût considérable s’est accru au cours des dernières années, en raison notamment de l’inflation « ferroviaire »17, supérieure à 2% par an. Entre 2010 et 2016 les dotations hors système de retraite ont augmenté de 10% et les seules dotations d’exploitation ont augmenté de 15%. Il est difficile de comparer les contributions publiques au système ferroviaire français avec celles des pays voisins, tant les différences géographiques, démographiques et économiques pèsent directement sur la performance du transport ferroviaire et son besoin de subventions.

17 « L’inflation ferroviaire » correspond à l’évolution spécifique des coûts du système ferroviaire. La part des coûts salariaux y est importante, et sa dérive s’explique en partie par les évolutions salariales automatiques prévues par le statut cheminot.

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Ainsi les contributions des autorités organisatrices de transport régional, rapportées aux circulations de trains, sont environ deux fois plus élevées en France qu’en Allemagne, mais les trains régionaux allemands sont beaucoup plus fréquentés, alors que le taux de remplissage des TER français est particulièrement bas (25%).

Contributions publiques au système ferroviaire français en 2016 (milliards d’euros)

Evolution des contributions publiques au système ferroviaire, 2010-2016 (millions d’euros)

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Si l’on rapporte les contributions publiques au nombre d’habitants18, avec 200 € annuels par habitant, la France se situe à un niveau élevé. Les niveaux de contributions publiques sont inférieurs en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie ou en Espagne. Ils sont en revanche supérieurs en Belgique, en Suisse et en Autriche. Il est difficile de mener des comparaisons internationales concernant le prix des billets de trains : d’une part les services ne sont souvent pas comparables, et d’autre part, pour les trains avec réservation, le yield management ne permet pas toujours d’identifier un « tarif moyen ». Une étude récente menée par GoEuro, entreprise de vente en ligne de voyages et de billets de transport, suggère néanmoins que le prix moyen en France, compte tenu de l’offre proposée (et notamment du fait que la grande vitesse représente plus de la moitié des trafics voyageurs), est bas. D’après GoEuro, le prix moyen en France serait de 7,8 euros pour 100 kilomètres, contre 29,7 euros au Danemark, 28,6 euros en Suisse, 24 euros en Autriche. L'Italie et l'Allemagne auraient également des tarifs plus élevés. En revanche, les tarifs britanniques seraient un peu plus faibles (mais là aussi il faut tenir compte du fait qu’il n’y a pas de services grande vitesse sur le marché domestique, ce qui fausse la comparaison). Les comparaisons menées par le GART et l’UTP pour les tarifs des transports urbains19 suggèrent que les grandes villes françaises, et notamment Paris, pratiquent des prix beaucoup plus faibles qu’à Londres (3 fois plus cher que Paris), Oslo, Cologne ou Amsterdam.

18 BCG, Rail Performance Index 2017 http://img-stg.bcg.com/BCG-The-2017-European-Railway-Performance-Index-Apr-2017_tcm9-152164.pdf La méthodologie retenue conduit à prendre en compte le déficit de financement du gestionnaire d’infrastructures dans le calcul des contributions publiques. 19 UTP/GART, Une décennie de tarification dans les réseaux de transport urbain, 2012.

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Des modèles économiques déséquilibrés Malgré des contributions publiques massives, le modèle économique du système ferroviaire français demeure globalement déséquilibré. Pour le groupe public ferroviaire, en 2016, les recettes hors contributions publiques étaient de 8,7 milliards d’euros20, pour un besoin de financement de 22,2 milliards d’euros (hors système de retraite). Les contributions publiques ne couvrent que 10,5 milliards d’euros de dépenses. Il en résulte un déficit de 2,8 milliards d’euros. Ces ordres de grandeur varient légèrement d’une année à l’autre mais globalement le déficit annuel de financement du système ferroviaire est de l’ordre de 3 milliards d’euros.

Flux financiers du groupe public ferroviaire en 2017 (milliards d’euros)

Source : SNCF

Au-delà du groupe public ferroviaire, les principales entreprises de transport ferroviaire de voyageurs circulant sur le réseau national sont des filiales du groupe SNCF, opérant des services internationaux : Eurostar (900 M€ de chiffre d’affaires en 2016), Thalys (460 M€ de chiffre d’affaires en 2016) et Lyria (300 M€ de chiffre d’affaires en 2016). Seule Lyria est une entreprise de droit français et fait donc partie du « système ferroviaire français ». Par ailleurs, Thello, seul nouvel entrant sur le marché du voyage international, propose des services entre la France et l’Italie, pour un chiffre d’affaires 2016 de 40 M€. Enfin, une vingtaine d’entreprises sont présentes sur le marché du fret, avec une part de marché de 40% environ pour 600 M€ de chiffre d’affaires21. L’activité de ces entreprises ne modifie donc pas significativement les équilibres présentés ci-dessus.

20 En intégrant les produits de cession et les péages payés par des entreprises ferroviaires hors groupe public ferroviaire. 21 Dont 150 M€ environ pour la filiale de la SNCF, VFLI.

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Les infrastructures

Le réseau ferroviaire, un déficit récurrent, une dette croissante SNCF Réseau concentre l’essentiel du déficit annuel du système ferroviaire français. La dette du gestionnaire d’infrastructure a augmenté de 15 milliards d’euros entre 2010 et 2016, pour atteindre près de 45 milliards d’euros fin 2016. La réalisation simultanée de quatre grands projets de lignes à grande vitesse est responsable d’un quart de cette augmentation, soit un peu plus de 3 milliards d’euros. La principale cause est la très forte augmentation du déficit structurel sur le réseau existant (+2,0 milliards d’euros par an) résultant d’une double augmentation des dépenses d’exploitation et des investissements de rénovation du réseau, que n’a pas compensé l’évolution des péages :

- Les dépenses d’exploitation ont considérablement augmentées (+1,0 milliard d’euros sur 2010-2016, soit une augmentation de 25% environ) sans qu’il soit possible de séparer les effets liés au vieillissement du réseau d’éventuels défauts de productivité ;

- La nécessaire montée en charge des investissements sur le réseau existant (+1,5 milliard d’euros sur 2010-2016) ;

- Une forte augmentation des péages (+850 millions d’euros sur 2010-2016) ;

- Une hausse des frais financiers (+250 millions d’euros sur 2010-2016) liée au poids croissant de la dette, mais d’ampleur limitée grâce à des conditions de financement favorables.

Dans ces conditions, le déficit du réseau existant (hors investissements de développement) est passé de 600 millions d’euros en 2010 à 2,6 milliards d’euros en 2016.

Diagnostic de l’évolution de la dette de SNCF Réseau (2010-2016)

Source : DGITM (1) MOP = Marge opérationnelle

0,6

0,91,2

1,8 1,9

2,5 2,6

1,9

1,61,4

2,2

3,1

1,2

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

3,5

2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016

Mill

iard

s d

'euro

s c

ou

ran

ts p

ar

an

Déficit structurel du réseau existant

Investissements

réseau existant

MOP

Frais financiers

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Les gares, un quasi-équilibre économique au prix d’une forte péréquation

Les 3 000 gares accueillent chaque jour 10 millions de visiteurs, voyageurs ou clients des commerces. La notion de gare recouvre des réalités très différentes, depuis les grandes gares nationales, qui accueillent de multiples transporteurs (internationaux, nationaux, régionaux…) et sont des pôles multimodaux qui offrent un vaste éventail de services et de commerces, jusqu’aux haltes qui n’offrent qu’un quai, un abri et un distributeur de billets22. 90% des gares n’accueillent que des services régionaux et sont donc financées à 100% par les autorités organisatrices. La gestion des bâtiments voyageurs est assurée par Gares & Connexions, branche de SNCF Mobilités (cf. infra), tandis que celle des quais et de leur environnement (halles, abris, escaliers mécaniques et ascenseurs d’accès, etc.) est assurée par SNCF Réseau. Les gares constituent des « facilités essentielles »23, les prestations offertes aux entreprises ferroviaires font donc l’objet d’un encadrement réglementaire, mis en œuvre sous le contrôle de l’ARAFER24. Les prestations régulées sont tarifées selon le principe du coût complet : la somme des redevances doit couvrir le coût des prestations régulées. L’activité de Gares & Connexions est gérée selon le principe de la « double caisse », avec d’une part, les activités régulées, et d’autre part, les activités non-régulées, c’est-à-dire, pour l’essentiel, la location d’espaces et de concessions commerciales, tarifées selon des prix de marché. La règlementation prévoit que 50% des bénéfices de la caisse non régulée sont automatiquement reversés à la caisse régulée, au sein d’un périmètre de gestion donné25. Le chiffre d’affaires de Gares & Connexions s’est élevé en 2016 à 1,1 milliard d’euros. Les activités régulées représentent un peu plus de la moitié de cette somme. Les investissements se sont élevés en 2016 à 360 millions d’euros (rénovation et mise aux normes des installations actuelles, déploiement de la politique de service, développement de l’accessibilité et de l’intermodalité, projets d’extension et de restructuration de gares…). Ils ont été, compte tenu des contributions publiques reçues (36%), financés sans endettement. La règlementation actuelle engendre une tarification peu incitative (le principe de tarification des prestations régulées au coût moyen conduit à pratiquer des tarifs d’autant plus élevés que la gare est moins fréquentée) et laisse peu de marges de manœuvre à Gares & Connexions pour développer de nouveaux services.

22 Les gares se décomposent en 65 périmètres de gestion, un pour chaque très grande gare ou ensemble fonctionnel de grandes gares (>250000 voyageurs nationaux et internationaux annuels), et un par région pour les gares de catégorie B et C. 23 La notion de facilité essentielle recouvre l'ensemble des installations (matérielles ou non), détenues par un opérateur historique ou une entreprise dominante, qui s'avèrent non aisément reproductibles et dont l'accès est indispensable aux tiers pour exercer leur activité sur le marché 24 Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires et Routières 25 Les tarifs des prestations régulées sont calculés pour en couvrir le coût complet, compte tenu des flux venant de la caisse non régulée. Les 50% restant permettent à Gares & Connexions de financer des investissements, et peuvent être utilisés sans contrainte. En pratique, seul un petit nombre de gares engendre des bénéfices pour la partie non régulée. Dans la plupart des cas, les charges affectées à la partie commerciale (les charges totales étant réparties en fonction des surfaces occupées) ne sont pas couvertes par les recettes. Il y a donc d’importantes péréquations, pour la partie « commerciale », entre les très grandes gares qui engendrent des bénéfices, et les autres.

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Le transport de voyageurs

Le TGV, une décennie difficile Les TGV transportent près de 110 millions de voyageurs par an pour les seules liaisons domestiques, et près de 30 millions de voyageurs à l’international, pour un chiffre d’affaires total de 6,6 milliards d’euros, dont 85% pour le marché domestique. L’ouverture de quatre lignes nouvelles à grande vitesse en 2016 et 2017 a ajouté 700 km au réseau actuel et a permis des gains de temps importants pour les voyageurs26. Il est prévu qu’elles attirent 4,7 millions de voyageurs supplémentaires en 2020, et près de 7 millions à l’horizon 2025. De même l’ouverture de nouvelles routes européennes devrait contribuer au développement des trafics. Depuis 2008 le modèle économique du TGV s’est dégradé :

- Les trafics ont peu progressé (cf. supra), en raison d’un contexte économique défavorable, d’une concurrence intermodale de plus en plus forte (compagnies aériennes low cost, covoiturage, autocars), et enfin de l’impact des attentats de 2015 et 2016 en France ;

- Les redevances d’infrastructures ont augmenté de 50%, passant d’1,2 milliard d’euros en 2008 à 1,8 milliard d’euros en 2016 ; elles représentent 40% des charges opérationnelles ;

- Le parc de matériel roulant, compte tenu de la stagnation des trafics, est devenu surdimensionné, et pèse lourdement sur les charges de capital.

Pour faire face à cette conjoncture difficile, SNCF Mobilités a fait évoluer le modèle économique du TGV, en maîtrisant ses charges opérationnelles (cf. graphique ci-après) et en développant des offres à bas prix (IDTGV, Ouigo).

Evolution du ratio MOP/CA27, avec et sans péages

26 55 min. pour un trajet Paris Bordeaux, 38 min. pour un Paris Rennes, 34 min. pour un Paris Strasbourg 27 Marge Opérationnelle (MOP) sur Chiffre d’Affaires (CA).

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Néanmoins, ses marges de manœuvre sont limitées par les injonctions souvent contradictoires de l’Etat :

- D’un côté, celui-ci régule les tarifs (cf. infra), crée de nouvelles charges (augmentation de la TVA de 5 à 10% entre 2011 et 2014, financement des Trains d’Equilibre du Territoire par la CST et la TREF –cf. supra), et pèse sur les achats de matériel roulant ;

- De l’autre, il fixe à SNCF Mobilités des objectifs de rentabilité élevés au regard de la pratique d’autres grandes entreprises de transports ou du secteur industriel (avec une rémunération du capital de 8,5% après impôts, cf. infra).

Ces contradictions conduisent SNCF Mobilités à considérer l’activité TGV comme non rentable, et donc à déprécier ses actifs : 700 millions d’euros en 2011, 1,4 milliard d’euros en 2013 et enfin 2,2 milliards d’euros en 2015.

Les Trains Express Régionaux : les limites d’une régionalisation réussie

Les TER transportent 300 millions de voyageurs par an pour un trafic total de 13 milliards de voyageurs.km. On trouve dans le TER des services de nature très différente :

- Les régions du bassin parisien organisent des trains vers Paris qui pour certains s’apparentent à des trains de banlieue et connaissent les flux massifs des migrations alternantes ;

- Dans les plus grandes métropoles le TER assure des dessertes qui atteignent des volumes importants et emploie des matériels capacitaires à deux niveaux ;

- Le TER a également un rôle de liaison entre villes, sur des distances de 50 à 300 km, avec des flux moins importants ;

- Enfin le TER assure des dessertes en zone peu dense, sur les « petites lignes » du réseau ferré national ; il s’agit alors de services peu fréquents et peu fréquentés.

Grâce aux financements des autorités organisatrices régionales, l’offre TER a progressé de plus de 25% depuis 1997, et le trafic a crû de plus de 50%. La régionalisation peut donc être considérée comme un succès. Mais les charges d’exploitation environ 4 milliards d’euros, sont couvertes par 3 milliards de subventions des régions et seulement 1 milliard d’euros de recettes commerciales.

- En 2013, les Régions ont consacré, en moyenne 23% de leur budget total (fonctionnement et investissement) aux transports, dont 16% pour le TER ;

- Les coûts ont augmenté plus vite que le trafic voyageur, notamment en raison de la dérive des coûts salariaux, qui représentent près de 60% des coûts totaux ;

- Depuis 2012, le trafic est orienté à la baisse (-4,4% en 3 ans) ;

- La contribution des autorités organisatrices, a augmenté de 110% depuis 2002.

La contrainte budgétaire croissante qui pèse sur les régions les ont conduites, dans ce contexte, à réduire l’offre.

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La réforme des TET SNCF Mobilités exploite les trains Intercités dans le cadre de la Convention des Trains d’Equilibre du Territoire (TET) conclue avec l’Etat. L’offre, qui combine trains de jours et trains de nuit, est très hétérogène, souvent mal adaptée à l’évolution des besoins, et parfois redondante avec l’offre TER. La qualité du service n’est pas satisfaisante, en partie en raison de l’obsolescence des matériels roulants (35 ans d’âge moyen). Entre 2011 et 2016, la fréquentation et le chiffre d’affaires ont chuté de plus de 30%, alourdissant le déficit d’exploitation. Les charges d’exploitation des TET en 2016 s’élevaient à 1 milliard d’euros pour 0,6 milliard d’euros de recettes commerciales. La différence est principalement supportée par la SNCF puisque les compensations versées par l’Etat, proviennent de prélèvements ad hoc sur la SNCF (CST et TREF, cf. supra). Dans ce contexte, le gouvernement a confié fin 2014 une mission sur l’avenir des TET à une commission d’élus et de professionnels présidée par Philippe Duron. La commission a préconisé de faire le tri entre les lignes méritant d’être renforcées et celles ne répondant plus à un besoin justifiant le recours au transport ferroviaire. Sur cette base, l’Etat a mené une concertation auprès des régions pour leur transférer progressivement 18 lignes d’ici 2020. Les régions pourront ainsi optimiser leur offre ferroviaire en supprimant les redondances et en adaptant les dessertes des TET à leurs besoins. L’Etat s’est engagé, en contrepartie de cette reprise, à financer l’intégralité du renouvellement des matériels roulants. L’Etat reste par ailleurs l’autorité organisatrice de trois lignes considérées comme structurantes (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, Paris-Clermont-Ferrand et Bordeaux-Toulouse-Marseille), et de trois autres lignes d’aménagement du territoire (Nantes-Bordeaux, Toulouse-Hendaye, Nantes-Lyon), dont il renouvellera également le matériel roulant. Il reste également autorité organisatrice de 2 lignes de nuit d’aménagement du territoire, Paris-Briançon et Paris-Rodez / Latour de Carol).

Les défis du Transilien Le Transilien, service ferroviaire de SNCF Mobilités en Ile-de-France, assure 2,7 millions de voyages quotidiens, avec une offre de près de 60 millions de trains-km annuels. Il représente 15% des circulations en trains-km (soit 3 fois moins que les TER), près de 17% des trafics en voy.km (soit plus que les TER) et près de 70% des voyageurs transportés. Le modèle économique repose largement sur les contributions de l’autorité organisatrice Ile-de-France Mobilités (ex-STIF); pour un coût global d’environ 3 milliards d’euros les recettes commerciales étaient de 1 milliard d’euros avant 2015. La politique d’abonnement Navigo à prix unique mise en place par Ile-de-France Mobilités en 2015 a réduit la contribution des usagers du Transilien, en euros par voyageur-kilomètre, de l’ordre de 25%. Si la baisse du tarif a eu un effet d’induction significatif sur la fréquentation, globalement les recettes commerciales ont baissé. Par ailleurs, les achats de matériel roulant, longtemps portés par la SNCF, ont progressivement été transférés à Ile-de-France Mobilités.

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L’enjeu du Transilien est de faire face à l’accroissement de la demande et d’améliorer la qualité de service, dans un contexte marqué par l’obsolescence de l’infrastructure et l’importance des travaux de rénovation, qui impacteront inévitablement les circulations pendant les 10 années à venir, alors même que la modernisation du réseau ne portera ses fruits qu’en fin de période. Parallèlement, Ile de France Mobilités a engagé le renouvellement accéléré du matériel roulant afin d’améliorer la qualité de service. D’importants investissements seront ainsi mis en service après 2020. Compte tenu de la charge financière déjà très lourde que représentent les transports collectifs en Ile-de-France, une contribution accrue des usagers semble inévitable.

Le fret ferroviaire à la recherche de l’équilibre économique Le fret ferroviaire français a subi depuis plus de vingt ans une baisse constante d’activité, la chute s’accélérant avec la crise de 2008 pour se stabiliser autour de 32 milliards de tonnes/km à partir de 2012. A l’inverse de l’Allemagne, de la Suisse, de l’Autriche, ou du Royaume-Uni, la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises a baissé en France, de 18% en 2003 à moins de 10% en 2016. Le déclin a des causes structurelles :

- Fin de l’exploitation et baisse de la consommation de charbon ;

- Désindustrialisation particulièrement marquée dans les secteurs mettant en jeu des matériaux pondéreux ;

- Relative atonie des ports français. Sont venus s’ajouter à cela des éléments conjoncturels :

- La crise économique depuis 2008 ;

- L’état du réseau ferroviaire français qui, dans une phase de travaux importants, rend les circulations difficiles et la qualité de service plus aléatoire ;

- Le fait que l’opérateur historique opérait à perte de nombreux services, financés par des péréquations avec les activités voyageurs, a conduit à un repli massif de l’activité avec l’ouverture du marché à la concurrence, d’autant plus que Fret SNCF était peu préparé.

L’activité fret de la SNCF, après avoir bénéficié d’une recapitalisation de 1,5Md€ en 2005, a été restructurée, ce qui a permis de réduire progressivement les pertes, au prix d’une forte contraction de l’activité (150 000 wagons chargés en 2014 contre 700 000 en 2005). Les pertes restent néanmoins toujours très importantes (314 millions d’euros en 2016), et ont conduit à l’accumulation d’une dette de 4,3 milliards d’euros en 2016. Au-delà de la situation spécifique de Fret SNCF, l’activité du fret ferroviaire en France est fragile. Depuis l’ouverture à la concurrence en 2006, les nouveaux opérateurs, dont les plus importants sont Euro Cargo Rail (groupe DB Schenker Rail), VFLI (groupe SNCF Mobilités), Europorte France (groupe Eurotunnel) et Colas Rail, se sont développés et représentent aujourd’hui 40% des volumes transportés, soit un niveau comparable à celui de l’Allemagne. Très exposées à la conjoncture économique, souffrant d’une très forte concurrence routière, sur un marché relativement étroit, toutes les entreprises de fret ferroviaires connaissent des difficultés économiques. Les quatre principales entreprises de fret ont enregistré une perte de près de 300 M€ en 2014. Euro Cargo Rail, qui enregistre des pertes depuis son entrée sur le marché en 2006, a engagé en 2016 un plan social visant à supprimer 25% de ses effectifs.

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Un mode de transport massivement subventionné et dont l’efficacité dépend avant tout de la gouvernance publique

Dans tous les pays européens le transport ferroviaire est financé en grande partie par des subventions, car l’activité du secteur est en quasi-totalité « hors marché » et donc dépendante de l’intervention publique. Le mode de gestion retenu dès l’origine, et jusqu’aux années 1990, a été de confier le transport ferroviaire à des monopoles intégrés, associant gestion de l’infrastructure et exploitation des services de transport régulés par la puissance publique. Les limites de ce mode de gestion, perçu dès le départ comme un pis-aller par les économistes28, ont affecté le transport ferroviaire tout au long de son histoire : au-delà des maux propres aux monopoles (inefficacité, mauvaise qualité de service, restriction de l’offre…), l’importance des subventions dans le financement du transport ferroviaire a fait émerger une relation avec les pouvoirs publics aussi étroite que malsaine, conduisant à une surenchère d’investissements de développement poussée par des logiques de clientélisme local, un sous-investissement massif dans la rénovation du réseau, et des péréquations multiples et opaques. Ces difficultés, auxquelles tous les pays ont été confrontés à divers degrés, ont conduit le transport ferroviaire dans l’impasse. Elles ont motivé les réformes engagées depuis les années 1990, qui visent à réintroduire autant que possible le marché dans le secteur ferroviaire, mais aussi améliorer l’efficacité de l’intervention publique, autour de deux questions principales :

- Jusqu’où et comment faut-il subventionner l’infrastructure et les services pour s’assurer d’une utilité optimale des concours publics ?

- Comment inciter les opérateurs à l’efficacité alors que leurs activités échappent en partie au marché ?

Les réponses apportées par la théorie économique à ces deux questions, largement reprises dans le nouveau cadre réglementaire européen établi par le quatrième paquet ferroviaire, ont été au cœur des réformes menées par nos voisins européens. Elles restent néanmoins largement ignorées pour la gouvernance du système ferroviaire français.

28 L’État a très vite pris les rênes du système ferroviaire, d’abord en créant un système de concession (en 1842) qui lui permet de définir les lignes à construire et, ensuite, à partir du Second Empire, en rassemblant les concessions existantes en six grandes compagnies, auxquelles il impose, en contrepartie de subventions ou de “garanties d’intérêts”, la construction et l’exploitation de lignes de moins en moins rentables. Dans ce contexte, la question de savoir s’il était possible d’envisager une concurrence entre opérateurs sur une même ligne a été largement débattue, notamment à l’Assemblée nationale. L’économiste Léon Walras a imposé l’idée que le chemin de fer constituait globalement un “monopole naturel” qu’il n’était pas souhaitable de confier aux forces du marché, même s’il soulignait par ailleurs l’inefficacité du système des concessions. Cf. Patricia Perennes « Spécificité du secteur ferroviaire et libéralisation: la question du signal prix », thèse, université Paris 1 Panthéon Sorbonne, 2014.

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Le transport ferroviaire, un mode qui nécessite par nature des subventions

D’un point de vue économique, le transport ferroviaire présente deux caractéristiques :

- D’une part il utilise une infrastructure en réseau, qui constitue un « monopole naturel »;

- D’autre part les recettes commerciales de l’activité de transport sont souvent, et parfois de très loin, inférieures à la valeur des services pour leurs bénéficiaires et pour la société.

Le réseau ferroviaire, un monopole naturel Le réseau est ce que les économistes appellent un « monopole naturel » : dupliquer l’infrastructure ne serait pas efficace en raison de l’importance des coûts fixes. L’efficacité économique suppose d’utiliser au mieux l’infrastructure existante. Il en découle que :

- Si l’on ne prend pas en compte la contrainte qui pèse sur les finances publiques, le tarif optimal d’un point de vue économique correspond au coût marginal d’usage ;

- Le monopole naturel doit être régulé, sans quoi il ne mettra pas en œuvre une tarification au coût marginal ;

- Les recettes d’une tarification au coût marginal ne couvrent pas le coût complet de l’infrastructure (à l’optimum d’utilisation de l’infrastructure le coût marginal est très inférieur au coût moyen) ; le monopole naturel doit donc être subventionné.

En pratique, sur le réseau ferré national, la somme des coûts marginaux d’usage représente environ 1 milliard d’euros, soit moins de 20% des coûts « industriels », et à peine plus de 10% des coûts totaux si l’on prend en compte le coût de la dette et les charges de structure.

Source SNCF Réseau

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Le principe de la tarification au coût marginal d’usage pour les monopoles naturels connait deux types d’exception :

- Les effets de congestion ou de saturation, qui peuvent conduire à rehausser la tarification ;

- La recherche d’une meilleure couverture des coûts compte tenu des contraintes sur les finances publiques.

Lorsque les trafics sont très intenses, les effets d’une perturbation sont plus importants, car ils concernent davantage de trains que si les trafics sont faibles. L’allocation des sillons ferroviaires prend en compte ces effets, sans les supprimer totalement (ce qui supposerait de limiter fortement le nombre de trains en circulation). Il serait donc justifié d’un point de vue économique d’inciter les usagers du réseau à un usage rationnel de la capacité de l’infrastructure, en leur faisant payer cet effet de congestion. Les recettes de cette tarification de la congestion contribueraient à mieux couvrir le coût complet. Plusieurs gestionnaires d’infrastructures européens pratiquent ainsi des formes de tarification de la congestion (notamment en Grande-Bretagne). Des travaux récents ont montré l’existence de tels effets de congestion sur le réseau ferré national français29. Néanmoins le cadre juridique et européen est insuffisamment clair sur ce sujet pour permettre une mise en œuvre simple et indiscutable de ce principe économique pourtant bien connu. La tarification peut également s’écarter du coût marginal dans le but de réduire les contributions publiques. Lorsque la tarification s’écarte du coût marginal, l’utilisation de l’infrastructure se réduit, et son utilité pour la collectivité baisse. Si la fiscalité était parfaitement efficace d’un point de vue économique, il n’y aurait pas lieu de s’écarter de ce principe. Mais dans le monde réel, chaque euro de recette fiscale a également un impact négatif sur l’activité économique30. Il s’agit alors de rechercher un optimum en comparant ce « coût d’opportunité » des fonds publics consacrés à l’infrastructure, d’une part, à la baisse d’utilité liée à une tarification supérieure au coût marginal, d’autre part. Ce principe s’applique toutefois mal aux marchés du transport ferroviaire : l’optimum peut être calculé aisément si les usagers du réseau sont très nombreux (cas du transport routier), et dans ce cas la capacité des redevances à couvrir plus que le coût marginal dépend de l’élasticité prix de la demande ; en revanche si le nombre d’entreprises en concurrence est très faible, la tarification ne pourra s’éloigner significativement du coût marginal (sauf congestion) sans perte d’efficacité31.

29 cf. Pérez Herrero , M., Brunel , J. and Marlot , G. (2016) Rail Externalities: Assessing the Social Cost of Rail Congestion, in Traffic Management (eds S. Cohen and G. Yannis), John Wiley & Sons, Inc., Hoboken, NJ, USA. 30 Les impôts introduisent des distorsions sur les marchés, par leur impact sur le comportement des acteurs, et notamment par leur effet d’éviction (un euro d’argent public investi dans un projet donné aurait pu être investi par le secteur privé dans un autre projet, généralement plus rentable). Le coût global de ces distorsions est le « coût d’opportunité des fonds publics ». Le rapport du Commissariat Général à la Stratégie et la Prospective consacré à l’évaluation économique des investissements publics (2013) recommande de retenir une valeur de 20%, c’est-à-dire que chaque euro public dépensé coûte implicitement à la collectivité 1,2€. Son utilisation doit donc produire au moins 20% d’utilité supplémentaire pour être justifiée. 31 Si l’opérateur de transport est seul sur le réseau, sans concurrence intra ou inter modale, il va simplement répercuter sur les voyageurs le coût des péages, en préservant ses propres profits (phénomène de « double marginalisation »). La tarification optimale du réseau est alors inférieure au coût marginal (cf Quinet E., Meunier D. « Effect of imperfect competition on infrastructure charges », European Transport \ Trasporti Europei, 2009, 43 (dec 2009), pp.113-136.

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Des services de transport dont les recettes commerciales ne reflètent pas toujours la valeur

Le modèle économique des transporteurs ferroviaires combinent trois caractéristiques :

- Des rendements croissants (le train est un transport « de masse ») ;

- Une faible capacité de différenciation tarifaire au regard de la dispersion de la valeur des services pour les clients (le train étant un transport « de masse » il est difficile de différencier les services offerts) ;

- Des effets externes positifs.

Les rendements croissants, moins évidents que dans le cas du réseau, sont aussi présents dans le transport ferroviaire de voyageurs. Ils tiennent essentiellement à la capacité des matériels roulants et aux fréquences nécessaires pour satisfaire les besoins des voyageurs. Ce phénomène explique pourquoi, même lorsque le marché est ouvert à la concurrence, le nombre d’opérateurs demeure restreint. La valeur que les voyageurs accordent aux services est très variable selon qu’il s’agit de déplacements professionnels ou de loisirs et selon le niveau de vie. Le transporteur ne peut néanmoins pas toujours mettre en œuvre une différenciation tarifaire (« yield management ») suffisante pour capter toute la valeur créée : les prix pratiqués sont inférieurs, pour de nombreux usagers, à leur « disposition à payer », c’est-à-dire aux avantages qu’ils retirent du service. Cette différenciation est possible dans le cas des trains avec réservation (cf. infra). En revanche ce n’est pas le cas pour les trains sans réservation (transport régional en Ile-de-France et en province). Enfin, le transport ferroviaire engendre des « effets externes » positifs, c’est-à-dire des gains pour la collectivité qui ne sont pas perçus par les usagers du ferroviaire. Un réseau de transport efficace permet aux travailleurs d’accéder à un marché de l’emploi plus large (et réciproquement pour les entreprises) et créé donc une meilleure adéquation emploi/compétences, qui favorise la productivité. Il permet également aux consommateurs d’accéder à davantage d’offres (commerciales, loisirs, etc.). Ces gains d’accessibilité se traduisent en partie sur les valeurs foncières. Le transport ferroviaire permet également de réduire les effets externes négatifs des autres modes : moins de congestion routière, moins d’accidents de la route, moins de pollution, etc. Ces trois caractéristiques justifient l’intervention publique au-delà du monopole naturel de l’infrastructure : il peut être bénéfique, du point de vue de la collectivité, de subventionner des services de transport. C’est tout particulièrement le cas en milieu urbain et périurbain, lorsque la densité des flux rend le recours aux autres modes inefficaces (congestion, pollution, etc.) et permet au contraire des services ferroviaires efficaces, bénéficiant pleinement de l’effet de réseau (correspondances) et d’une utilisation intensive du capital. En contrepartie, cela implique que, même si les services ne nécessitent pas de subventions, il peut être efficace de les conventionner pour bénéficier des rendements croissants.

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Un besoin de subvention naturellement élevé L’apport de contributions publiques est donc nécessaire à deux niveaux :

- Pour financer la gestion du réseau, dès lors que les activités qui l’utilisent sont soit elles-mêmes subventionnées, soit faiblement concurrentielles, ce qui limite alors fortement les possibilités de tarification;

- Pour subventionner des services de transport utiles à la collectivité mais commercialement non rentables.

Il est difficile d’imaginer ce que serait le réseau et les services ferroviaires en l’absence de subvention tant la situation actuelle est éloignée de cette hypothèse. Il subsisterait peut être une partie des lignes à grande vitesse et des services en Ile-de-France, probablement avec des tarifs très supérieurs32. Ainsi, dans tous les pays d’Europe, les niveaux de contributions publiques au transport ferroviaire sont supérieurs à 40%.

Un domaine de pertinence défini par l’intérêt collectif Dès lors que la pérennité du réseau et des services de transport dépendent de subventions publiques, la recherche d’une plus grande efficacité de la dépense publique doit conduire à concentrer les moyens sur les lignes les plus « créatrices de valeur » du point de vue de la collectivité. Le « domaine de pertinence » du transport ferroviaire doit a minima être défini par sa capacité à contribuer à l’intérêt collectif : le transport ferroviaire est pertinent là où 1 euro public dépensé engendre une valeur supérieure pour les usagers, en termes de gains de temps, d’effets externes évités, de productivité des entreprises, etc. Là où la valeur créée est inférieure à la dépense publique, le transport ferroviaire est au-delà de son domaine de pertinence. Le domaine de pertinence « socio-économique » du ferroviaire est lié aux spécificités de ce mode :

- Parce que les coûts fixes sont importants, il est pertinent quand les flux sont massifs (zones urbaines et périurbaines denses, liaisons rapides entre grandes agglomérations comprises entre 1 et 3h) ;

- Parce qu’il consomme peu d’espace, peu d’énergie et pollue peu, il est particulièrement pertinent pour les transports urbains et périurbains, dans le cadre d’une politique de mobilité durable.

Les choix d’investissements et plus généralement d’allocation des concours publics doivent être évalués au cas par cas, dans une approche socio-économique comparant les gains engendrés pour la collectivité aux coûts pour la puissance publique. Une telle approche constitue un guide pour la décision publique. Il est légitime de ne pas systématiquement s’en tenir à la seule évaluation économique pour prendre en compte des enjeux de nature différente.

32 L’exemple des Etats Unis est illustratif : au-delà du périmètre des agglomérations, où les services sont subventionnés, il y a très peu de trains de voyageurs grande distance, et ceux-ci circulent sur des infrastructures dédiées au fret et financées par lui. Il n’y a aucune ligne à grande vitesse, malgré une configuration géographique et démographique parfois très favorable.

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Néanmoins, une situation dans laquelle des investissements à l’utilité démontrée ne pourraient pas être réalisés, faute de moyens, alors que d’autres, sans valeur économique, le seraient à grande échelle, devrait conduire à s’interroger sur la gouvernance du système.

Des incitations à l’efficacité qui doivent être organisées par la puissance publique

Le système ferroviaire nécessite des apports massifs de concours publics. L’utilisation efficace de ces concours publics est donc un enjeu majeur. Or, dans un secteur qui échappe largement aux forces du marché, les incitations à l’efficacité ne naissent pas spontanément. La concurrence dans les services de transport, dans le marché ou pour le marché, doit être organisée, et pour les monopoles naturels (réseau et gares), la puissance publique doit mettre en place des mécanismes incitatifs. Le coût des infrastructures et des installations de service est d’environ 10 milliards d’euros par an. Les incitations à l’efficacité doivent être mises en œuvre par la puissance publique, avec notamment un cadre contractuel stable, offrant des objectifs clairs, une visibilité suffisante sur les moyens alloués, des moyens correspondant aux objectifs fixés, un suivi rigoureux de la qualité de service et de la productivité, et des mécanismes d’intéressement. Les services conventionnés représentent une dépense annuelle de 6,5 milliards d’euros, hors redevances d’infrastructure et investissements de matériel roulant. Les incitations à l’efficacité sont là aussi un enjeu majeur. La mise en concurrence par appel d’offres constitue une incitation très forte à l’efficacité. Elle offrira aux autorités organisatrices une meilleure information sur la performance et les coûts, leur donnant des leviers supplémentaires pour mieux suivre la réalisation du contrat. Pour autant, l’expérience d’autres pays européens, en particulier la Suède et la Grande-Bretagne, suggère que :

- D’une part, les modalités de la concurrence « pour le marché » doivent être définies avec la plus grande attention : certaines dispositions peuvent remettre en cause les incitations à réduire les coûts ;

- D’autre part, l’organisation des appels d’offres et le suivi des contrats nécessitent des moyens et des compétences spécifiques sans lesquels les autorités organisatrices ne seront pas en mesure de tirer pleinement profit de l’ouverture à la concurrence.

Les services librement organisés sont déjà en partie ouverts à la concurrence : il s’agit du fret et du transport de voyageurs international. Seuls les services de transport de voyageurs à grande vitesse sur le marché domestique restent à ouvrir. Ils représentent un peu plus de 3 milliards d’euros de dépenses annuelles, hors péages. L’enjeu en termes d’incitation à l’efficacité est probablement moindre, dès lors que sur un grand nombre de dessertes la concurrence intermodale joue déjà un rôle incitatif puissant. Néanmoins les TGV sont sans réelle concurrence intermodale sur certaines dessertes et certains segments de clientèle. Les rendements croissants propres à l’exploitation des trains à grande vitesse ne permettront pas toujours une concurrence effective sous la forme de plusieurs opérateurs actifs sur le même marché.

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L’intervention publique devra donc s’appuyer sur la notion de marché « contestable »33, c’est-à-dire s’attacher à réduire les « barrières à l’entrée », en particulier dans l’accès au réseau et au matériel roulant. Quand un seul transporteur est présent sur une liaison, la contestabilité du marché est alors la garantie que le transporteur se comporte « comme si » il était en concurrence, car s’il n’était pas efficace, ou pratiquait des prix trop élevés, l’entrée d’un concurrent deviendrait probable. Le niveau des péages ne peut être considéré comme une barrière à l’entrée : s’il est soutenable par un opérateur, mais ne l’est pas par deux, cela doit être interprété comme le signe de rendements croissants. Réduire les péages pour permettre à un autre opérateur d’entrer sur le marché n’est probablement pas bénéfique du point de vue de la collectivité :

- Cela ne garantit pas l’entrée d’un nouvel opérateur ;

- Deux opérateurs en concurrence directe seront moins efficaces qu’un seul ;

- La baisse des péages devrait être compensée par un accroissement des subventions nécessaires à maintenir le réseau.

33 Baumol W., Panzar J., Willig R. (1982), Contestable markets and the theory of industry structure, New York : Harcourt Brace Jovanovitch.

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Une nouvelle réforme pour préparer l’ouverture à la concurrence

L’impasse dans laquelle se trouvaient les systèmes ferroviaires à la fin des années 1980 a conduit à remettre en cause les monopoles publics et à rechercher l’introduction de la concurrence là où elle était possible. Dans les premiers pays européens à avoir fait cette démarche, notamment la Suède et la Grande-Bretagne, l’ouverture à la concurrence a permis une augmentation des trafics, une amélioration de la qualité de service et une réduction des contributions publiques. C’est dans cet esprit que les textes européens, depuis 1991, ont progressivement ouvert les services de transport à la concurrence. Le 4ème paquet ferroviaire, adopté en décembre 2016, achève ce processus en fixant les dates d’ouverture des marchés nationaux de transport de voyageurs. Les directives européennes ont également posé, en particulier depuis 2012, les principes d’une gouvernance efficace des gestionnaires d’infrastructure et d’installations de services, en précisant les rôles de l’Etat et du régulateur. Pourtant, après vingt ans de réformes successives, et malgré de nombreuses avancées, le système ferroviaire français ne semble toujours pas prêt pour la concurrence, et une nouvelle réforme du système ferroviaire semble nécessaire.

Un système ferroviaire déjà réformé à plusieurs reprises depuis 1997

Depuis 1982, avec la transformation de la SNCF en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC)34, l’organisation et la gouvernance du système ferroviaire français ont été réformées à plusieurs reprises, essentiellement pour transposer les textes européens visant à permettre l’ouverture à la concurrence 35. La loi du 13 février 1997 a créé un nouvel EPIC, Réseau ferré de France (RFF), pour opérer une séparation juridique entre le gestionnaire d’infrastructure et la compagnie nationale (SNCF), mais aussi servir de structure de cantonnement pour environ les deux tiers de la dette de la SNCF (environ 20,6 milliards d’euros sur une dette totale de 30,4 milliards). Cette organisation, complétée en 2003 par le décret n° 2003/194, conférait à RFF les missions d’attribution des sillons, de la maîtrise d’ouvrage de la maintenance et de développement du réseau. L’autonomie de RFF restait en pratique très limitée : la SNCF, en tant que « gestionnaire d’infrastructure délégué », continuait d’assurer une grande partie des missions de maintenance de l’infrastructure ainsi que de gestion opérationnelle des circulations. Elle disposait pour cela de l’intégralité des moyens humains (environ 50 000 personnes), ce qui permettait de préserver « l’unité sociale » de la SNCF.

34 Loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs (« LOTI ») 35 Directive 91/440 puis les trois premiers « paquets » ferroviaires de 2001, 2004 et 2007

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Ce système s’est avéré doublement inefficace : la relation entre RFF et le gestionnaire d’infrastructure délégué a favorisé à la fois une dérive des coûts de maintenance et d’exploitation, et une forte aggravation de la dette (dont plus de 6 milliards de dette d’exploitation, les ressources de RFF étant restées longtemps inférieures aux coûts de gestion de l’infrastructure)3637. L’organisation du système ferroviaire français a été complétée avec la création de l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) en 2006, et de l’autorité de régulation du transport ferroviaire (ARAF) en 2009. Parallèlement, une « Direction des Circulations Ferroviaires » (DCF) autonome a été créée en 200938 au sein de la SNCF pour tenter de se mettre en conformité avec les principes d’indépendance des fonctions essentielles tout en préservant l’unité de la SNCF. La Cour de Justice de l’Union européenne a néanmoins considéré, dans un arrêt du 18 avril 2013, que la France n’avait pas pris les mesures nécessaires pour que RFF soit effectivement indépendant du transporteur historique pour la fourniture des fonctions essentielles. En 2012, la directive dite « de refonte » a réaffirmé les principes fondateurs des précédentes directives, en particulier le principe d’indépendance organisationnelle et décisionnelle entre la gestion de l’infrastructure ferroviaire et les services de transport ferroviaire, ainsi que le principe de séparation comptable et fonctionnelle. Elle a aussi défini de nouvelles règles, inscrivant notamment la gouvernance des gestionnaires d’infrastructure dans un cadre contractuel pluriannuel, garantissant leur équilibre économique. Elle a également précisé la définition de l’infrastructure et de ses composantes, les principes de tarification qui s’y appliquent, et les conditions d’accès à cette infrastructure. Elle a enfin renforcé le rôle et l’indépendance des organismes de contrôle et de régulation nationaux. La réforme portée par la loi n°2014-872 du 4 août 2014 visait à la fois à transposer ces nouvelles dispositions et à apporter une solution aux difficultés engendrées par l’organisation mise en place en 1997. Elle créé un groupe public ferroviaire composé de trois EPIC :

- L’EPIC SNCF, tête du groupe, a pour mission d’assurer le contrôle, le pilotage stratégique et la cohérence économique de ce groupe ;

- l’EPIC SNCF Réseau est le gestionnaire du réseau ferré national ; il fusionne RFF, la DCF et la branche Infrastructures de la SNCF ;

- L’EPIC SNCF Mobilités reprend les fonctions d’exploitant des services ferroviaires de la structure SNCF antérieure à la réforme de 2014, et abrite la branche Gares & Connexions.

Cette structure a permis de créer un gestionnaire d’infrastructure de plein exercice tout en préservant l’unité sociale de la SNCF. Elle a été considérée comme compatible avec le droit européen, dès lors que le gestionnaire d’infrastructures est séparé comptablement des autres parties du groupe, avec un président nommé par le gouvernement. Il en va de même pour Gares & Connexions (séparation comptable, directeur nommé par décret), la loi du 4 août 2014 soulignant de plus le caractère provisoire de son positionnement au sein de SNCF Mobilités39.

36 Cour des comptes, rapport public thématique « Le réseau ferroviaire, une réforme inachevée, une stratégie incertaine » 37 Part de dette qui a d’ailleurs été requalifiée en dette publique par l’INSEE en 2014. 38 loi n°2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et la régulation des transports ferroviaires 39 Pour une description précise de l’organisation du système ferroviaire mise en place par la loi du 4 août 2014, voir notamment le rapport d’information des députés Gilles Savary et Bertrand Pancher sur la mise en œuvre de la loi de réforme du système de transport ferroviaire.

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La gouvernance mise en place par la loi du 4 août 2014 La loi du 4 août 2014 a esquissé un cadre de gouvernance qui se veut plus strict, plus vertueux et plus ouvert que par le passé, en introduisant plusieurs nouveautés :

- Un « rapport stratégique d’orientation » (RSO),

- Des contrats opérationnels pour Réseau et Mobilités, un contrat cadre pour le groupe public ferroviaire (GPF),

- Le principe de la règle d’or et de la couverture du coût complet de SNCF Réseau,

- Un rôle renforcé pour le régulateur,

- Le Haut Comité du système de transport ferroviaire.

L’élaboration des contrats opérationnels de Réseau et Mobilités doit s’appuyer sur le RSO, qui présente notamment « la situation financière du système de transport ferroviaire national », « la stratégie ferroviaire de l’État concernant le réseau existant et les moyens financiers qui lui sont consacrés », « la politique nationale en faveur du fret ferroviaire », et « l’articulation entre les politiques ferroviaires nationale et européenne » (art. L. 2100-3). Ce RSO, à caractère indicatif, doit être adopté par les parties prenantes du système ferroviaire, rassemblées au sein du Haut Comité du Système de Transport Ferroviaire. Il est ensuite transmis aux commissions compétentes du Parlement, où il fait l’objet d’un débat, et publié. La loi du 4 août 2014 prévoit, conformément aux textes européens, un contrat pluriannuel pour SNCF Réseau, auxquels s’ajoutent un contrat pour SNCF Mobilités et un contrat-cadre pour le groupe public ferroviaire, porté par l’EPIC SNCF. Le contrat cadre du groupe public ferroviaire intègre les deux contrats opérationnels de SNCF Mobilités et SNCF Réseau et garantit la cohérence des objectifs et des moyens assignés au groupe public ferroviaire. Il consolide notamment les trajectoires financières et le développement durable et humain. Conformément aux dispositions de la directive 2012/34, le contrat pluriannuel de SNCF Réseau, « met en œuvre la politique de gestion du réseau ferroviaire et la stratégie de développement de l’infrastructure ferroviaire dont l’Etat définit les orientations » (article L. 2111-10 du Code des Transports), dans une logique globale d’équilibre économique (avec notamment un objectif « de couverture du coût complet dans un délai de dix ans à compter de l’entrée en vigueur du premier contrat entre SNCF Réseau et l’État »40). Des mesures correctrices sont prévues afin de préserver l’équilibre économique si les recettes ne sont pas au niveau attendu. Parallèlement, la « règle d’or » vise à limiter l’endettement de SNCF Réseau lié au financement des projets de développement (en interdisant toute contribution à leur financement si le rapport dette/MOP est supérieur à un certain seuil41). La loi du 4 août 2014 a par ailleurs considérablement élargi les missions du régulateur, notamment en regard de la préparation et du suivi des contrats. Le régulateur devient ainsi le garant de l’équilibre économique du gestionnaire d’infrastructure :

- Le projet de contrat de SNCF Réseau et le projet de contrat cadre du GPF sont soumis à l’avis de l’ARAFER42 ; ils sont ensuite transmis, avec les avis de l’ARAFER, aux commissions compétentes du Parlement.

40 Ce délai n’est pas prévu par le texte européen, qui précise au contraire que l’équilibre doit être apprécié sur une période de 5 ans maximum. 41 qui a été fixé à 18 par un décret. 42 Il n’est pas prévu que le contrat de SNCF Mobilités soit transmis à l’ARAFER.

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- Une fois les contrats signés, la SNCF rend compte chaque année de leur mise en œuvre dans les rapports d’activité des deux EPIC filles et du groupe ; ces rapports sont transmis à l’ARAFER, au Parlement et au Haut Comité du système de transport ferroviaire ; l’ARAFER rend un avis sur le suivi du contrat de Réseau, et peut notamment émettre des recommandations en vue d’activer les mesures correctrices prévues par le contrat ;

- L’ARAFER rend un avis conforme sur la tarification du réseau en tenant compte des orientations définies dans le contrat concernant la tarification et la trajectoire de recettes ;

- L’ARAFER rend également un avis sur le budget annuel de SNCF Réseau, au regard de la trajectoire financière du contrat ;

- Enfin lorsque SNCF Réseau participe au financement d’un investissement de développement, l’ARAFER rend également un avis, là encore en fonction de la trajectoire financière du contrat.

La mise en œuvre de la réforme de 2014 Les députés Gilles Savary et Bertrand Pancher ont établi en 2016 un bilan d’étape de la réforme ferroviaire43. Leur conclusion est positive, soulignant globalement la pertinence de l’organisation mise en place, et le caractère vertueux des principales dispositions de la loi, notamment concernant le renforcement des compétences et des prérogatives du Régulateur, l’obligation faite à l’État de rationaliser ses choix publics, notamment d’investissement, à travers la mise en œuvre de contrats d’objectifs et de la règle d’or, et le principe de négociations de branche et d’entreprise, sans préjudice du statut des cheminots. Ils soulignent néanmoins les interrogations d’un certain nombre d’acteurs, en particulier le régulateur44. Celui-ci a interpellé l’Etat quant à la lenteur de la mise en œuvre de la réforme (RSO publié en janvier 2017, contrats Etat-SNCF signés en mars 2017, publication tardive du décret sur la règle d’or…). Il considère également que l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure unifié est insuffisante, et conteste le rôle de l’EPIC de tête, à la fois sous l’angle des missions qui lui sont confiées (notamment en matière de sécurité et de coordination de la gestion de crise) et de son efficacité (économies permises par la mutualisation). Les deux députés pointent également les risques de « déconstruction » de la réforme, avec notamment l’échec de la négociation du nouveau cadre social d’entreprise de la SNCF (au regard de l’objectif de le rapprocher de celui de la branche), les promesses du gouvernement en matière de grands projets ferroviaires, incohérentes avec l’objectif de maîtrise de l’endettement, et le contournement de la règle d’or, la restriction de son champ d’application aux seules « lignes nouvelles », excluant de fait une grande partie des projets des Contrats de Plan Etat Régions (CPER).

43 Rapport d’information sur la mise en œuvre de la loi 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme, déposé par la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée le 19 octobre 2016, et présenté par les députés Gilles Savary et Bertrand Pancher. 44 Cf. Etude thématique de l’ARAFER sur la mise en œuvre de la réforme, octobre 2016.

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Ils soulignent enfin que la réforme de 2014 laisse de côté plusieurs sujets majeurs pour l’avenir de la SNCF et du système ferroviaire : traitement de la dette ferroviaire, choix d’investissement et stabilisation de leur programmation, financement du système, statut des gares, politique du fret, etc. Enfin la question du statut d’EPIC de SNCF Mobilités devra être examinée pour tenir pleinement compte des conséquences de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (C.J.U.E.) du 3 avril 2014.

Une nouvelle réforme est nécessaire Après vingt ans de réformes successives, et malgré de nombreuses avancées, le système ferroviaire français ne semble toujours pas prêt pour la concurrence. L’ouverture du marché domestique du transport ferroviaire de voyageurs pourrait remettre en cause les péréquations internes à l’opérateur historique, faire disparaître certaines dessertes, et dans certains cas l’activité même de l’opérateur historique pourrait être menacée. L’ouverture du marché du fret ferroviaire, qui a conduit à une forte réduction des trafics, et à un endettement massif de Fret SNCF, en illustre les enjeux. Tous les pays qui ont mené des ouvertures à la concurrence réussies ont, en parallèle, mis en place les conditions d’un équilibre économique global du système ferroviaire, et ont renforcé sa gouvernance. La France n’a toujours pas effectué cette nécessaire « remise à plat », avec une dette ferroviaire qui continue de se creuser, un effort de modernisation qui reste insuffisant, des services qui pourraient être renforcés dans certaines zones, et parallèlement le maintien d’un grand nombre de dessertes « commerciales » mais non rentables, des TER qui circulent quasiment à vide sur certaines lignes, des subventions publiques pour des investissements qui ne créent aucune valeur pour la collectivité... Une nouvelle réforme du système ferroviaire français semble donc nécessaire. Elle devra contribuer à l’amélioration des performances du système ferroviaire français, en favorisant le redéploiement du transport ferroviaire dans son domaine de pertinence. Par ailleurs, elle devra compléter et prolonger les avancées de la loi du 4 août 2014, pour mettre en place une gouvernance incitant l’ensemble des acteurs à plus d’efficacité. Pour cela, le rétablissement de l’équilibre économique du système constitue un préalable indispensable. Enfin, elle devra créer les conditions d’une concurrence réelle et équitable, clarifier les missions de service public et leur financement, et renforcer la compétitivité de l’opérateur historique, pour garantir que l’ouverture à la concurrence sera bénéfique aux usagers du transport ferroviaire comme au contribuable.

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SECONDE PARTIE

RECOMMANDATIONS

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Un redéploiement du transport ferroviaire pour mieux répondre aux besoins des voyageurs

Le réseau ferroviaire français est beaucoup moins utilisé que ses voisins européens: le trafic moyen est de 46 trains par ligne et par jour, contre 140 aux Pays-Bas, 125 en Suisse, 96 en Grande-Bretagne et 85 en Allemagne. Cette situation masque des disparités très fortes :

- Le réseau d’Ile-de-France supporte 160 trains par ligne et par jour ;

- Les lignes de desserte fine du territoire supportent seulement 13 trains par ligne et par jour.

Si l’on prend en compte le trafic voyageur, le contraste est encore plus marqué :

- 90% des voyageurs-km se concentrent sur un tiers du réseau ;

- A l’opposé les lignes de desserte fine du territoire (catégories UIC 7 à 9), soit près de 45% du réseau, représentent moins de 2% des voyageurs-km.

Cette spécificité française45 explique en partie le coût du système pour les finances publiques : sur les 10,5 milliards d’euros de contributions publiques annuelles au système ferroviaire français, 17 % sont consacrés à la partie la moins circulée du réseau. Cette situation doit être mise en perspective avec les enjeux techniques et économiques du système ferroviaire français :

- 12 ans après la prise de conscience du retard de renouvellement des infrastructures46, les investissements de régénération atteignent tout juste le niveau nécessaire pour rattraper ce retard, et le vieillissement a seulement été stoppé ;

- Il faudra encore au moins 10 ans d’effort, avec une dépense moyenne d’au moins 3 milliards d’euros annuels, pour rattraper le retard accumulé depuis 1980 ;

- Le réseau le plus circulé nécessite une modernisation accélérée pour faire face à la croissance des trafics et préserver la qualité de service, dont le coût n’est pas pris en compte dans la trajectoire actuelle du contrat pluriannuel de performance entre l’Etat et SNCF Réseau ;

- Les concours publics à SNCF Réseau sont insuffisants et se traduisent par l’accumulation d’une dette au rythme de 3 milliards d’euros par an.

Il y a donc un paradoxe :

- D’un côté le gestionnaire d’infrastructures ne dispose pas des moyens nécessaires pour développer la performance du réseau qui supporte 90% des trafics, et il doit s’endetter lourdement pour assurer la pérennité du réseau principal ;

- De l’autre, l’Etat et les régions consacrent plus de 2 milliards par an à des lignes qui ne supportent que 2% des trafics.

45 Les catégories UIC 7 à 9 n’existent pratiquement qu’en France. 46 Rivier R. et Putallaz Y. « Audit sur l’état du réseau ferré national », rapport commandité par RFF et SNCF, 2005.

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Ce paradoxe, pointé par la Cour des Comptes dès 201247, conduit à s’interroger sur la gouvernance du système ferroviaire et les priorités retenues en matière d’investissements. L’intérêt collectif semble exiger un redéploiement du transport ferroviaire sur son domaine de pertinence, seul susceptible de permettre un saut de performance majeur, une meilleure qualité de service et une dépense publique plus efficace. Les débats autour des dessertes TGV constituent une autre forme de paradoxe. Le TGV est un service appartenant pleinement à la sphère commerciale : aucune convention entre l’Etat et la SNCF ne précise ce qui est attendu de l’entreprise publique, malgré sa position de monopole sur le marché domestique du transport ferroviaire de voyageurs sur longue distance. Pour autant les tarifs du TGV sont encadrés par une autorisation ministérielle annuelle (certes peu contraignante), et surtout les décisions en matière de dessertes (étendue et fréquences) font l’objet d’une forte pression politique. SNCF Mobilités considère ainsi qu’une part importante de ses dessertes TGV ne sont pas rentables, et a étudié différents scénarios de dessertes, reposant notamment sur une complémentarité accrue entre TGV et TER.

Sortir du paradoxe des « petites lignes » de desserte régionale

Des lignes peu utilisées, héritées d’un temps révolu Le transport ferroviaire a connu son apogée à la fin du XIXème et au début du XXème siècle ; à cette époque, plus de 90% des kilomètres parcourus par les voyageurs et les marchandises l’étaient par le train, sur un réseau de 60 000 km. Dans ce contexte, la question de la pertinence économique des petites lignes ne se posait pas : le train était le seul mode de transport motorisé accessible à tous, et la cohésion des territoires dépendait étroitement de l’offre ferroviaire. Le maintien des petites lignes, à partir des années 1980, est une particularité française. La plupart des autres pays européens ont fermé les lignes à faible trafic. En 2005, l’audit du professeur Rivier sur l’état du réseau ferré national48, réalisé à la demande de RFF et de la SNCF, notait ainsi que « parmi les réseaux européens comparés, seul le réseau ferré national français compte une telle proportion de lignes à faible trafic. Il y a lieu de s’interroger sur la pertinence du maintien d’un trafic très faible sur un système conçu pour le transport de masse. ».

Répartition des circulations sur le réseau ferré national (2014)

tr-km(milliards) % circulation longueur % réseau Trains/jour LGV 82,9 17% 2040 7% 111 UIC 2-4 260,3 54% 7400 26% 96 UIC 5-6 94,3 20% 6700 23% 39 UIC 7-9 AV 45,3 9% 9252 32% 13 UIC 7-9 SV 0,5 0% 3380 12% 0,4 Total 483,3 100% 28772 100% 46 dont IdF 102,3 21% 1765 6% 159

Source SNCF Réseau

47 Cf. Communication de la Cour des Comptes à la Commission des Finances du Sénat sur l’entretien du réseau ferré national, juillet 2012. 48 Op.cit.

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Ce maintien en exploitation des petites lignes explique pourquoi le réseau ferroviaire français est en moyenne beaucoup moins utilisé que ses voisins européens : sur un tiers du réseau (lignes de catégorie UIC 7 à 9) le trafic moyen n’est que de 13 trains par jour. En outre, le remplissage des trains est extrêmement faible : parmi les 200 lignes classées en catégorie UIC 7 à 9 avec voyageurs (AV), seul un quart compte plus de 50 voyageurs par train. La moyenne est inférieure à 30 voyageurs par train. Toutes les comparaisons internationales en termes de coûts et de productivité du système ferroviaire sont biaisées par cette spécificité française. Seul le tiers du réseau ferroviaire français est comparable à la situation de l’Allemagne ou de la Grande-Bretagne.

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Lignes de catégorie UIC 7-9 (2013)

Source : SNCF Réseau

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Des lignes en très mauvais état, malgré des investissements massifs depuis 2006

L’audit Rivier de 2005 a mis en évidence le mauvais état du réseau, et notamment des lignes de catégorie UIC 7 à 9 : « si la situation actuelle devait perdurer – les moyens alloués à la maintenance des infrastructures se réduisent de 3% par an en valeur constante – ne subsisterait à l’horizon 2025 qu’un tiers du réseau ferré national. La totalité du réseau capillaire (groupes UIC 7 à 9) ne pourra plus être normalement exploité dès 2011 – 2015 ». Face à ce constat, l’Etat et les régions ont engagé des investissements massifs pour garantir la pérennité des lignes : un tiers des montants des Contrats de Plan Etat-Région hors Ile-de-France est consacré aux petites lignes, et par ailleurs plusieurs régions ont engagé des « plans rail » (Midi-Pyrénées, Auvergne, Limousin). Sur la période 2006-2015, les investissements dans les petites lignes peuvent être évalués à 1,5 milliard d’euros. Les CPER 2015-2020 prévoient encore 1,7 milliard d’euros d’investissements de renouvellement sur ces lignes49. Pour autant, et bien que l’âge moyen des voies ait été réduit de 10 ans depuis 2006, de nombreuses lignes demeurent menacées : 2 800 km de ralentissements ont ainsi été mis en place sur les lignes de catégorie UIC 7-9 pour préserver la sécurité des voyageurs. Le seul besoin de renouvellement pour assurer la pérennité de l’ensemble des lignes UIC 7 à 9 est estimé par SNCF Réseau à plus de 5 milliards d’euros.

Le coût des « petites lignes » : 1,7 milliard d’euros par an pour 2% des voyageurs

D’après SNCF Réseau, les charges de gestion de l’infrastructure associées à l’ensemble des « petites lignes » (catégories UIC 7 à 9 AV et SV) sont d’environ 600 M€ par an. On peut ajouter à ce montant environ 150 M€ de dépenses annuelles de régénération financées par les régions et l’Etat dans le cadre des CPER, soit un total de 750 M€ par an. Les péages perçus par SNCF Réseau pour ces lignes sont de 90 M€ annuels, hors redevance d’accès. Le maintien à long terme de ces lignes nécessiterait de tripler l’effort de renouvellement, pour atteindre environ 500 M€ annuels. A niveau d’effort constant, selon SNCF Réseau, 4 000 km de lignes sur 9 000 pourraient être fermés aux voyageurs d’ici 2026, en raison de leur obsolescence. Il convient d’y ajouter les coûts d’exploitation des trains. Les lignes de catégorie 7 à 9 supportent 25% de l’offre TER, soit 1 milliard d’euros de dépenses annuelles, hors investissements de matériel roulant.50 Les dépenses publiques consacrées aux petites lignes s’élèvent donc à 1,7 milliard annuels (1 milliard d’exploitation des trains, 600 M€ d’exploitation de l’infrastructure et 150 M€ d’investissements de régénération), soit 16% des concours publics au secteur ferroviaire. Elles doivent être rapportées aux trafics, moins de 10% des trains et surtout moins de 2% des voyageurs. Chaque kilomètre parcouru par un voyageur coûte ainsi 1€ à la collectivité. 49 Il convient de souligner que les opérations programmées dans les CPER dépassent très nettement ce montant, mais l’expérience suggère que seule la moitié sera effectivement réalisée : - 1,7 milliard d’euros sont inscrits, et pour partie engagés, dans le cadre des CPER 2015-2020, pour le renouvellement ; - 1,5 milliard d’euros sont également inscrits dans le cadre des CPER 2015-2020, pour la modernisation de lignes en catégorie UIC 7 à 9. 50 Les trains étant très peu remplis, les recettes commerciales sur ces lignes sont donc extrêmement faibles, et le coût de l’exploitation des trains est

donc porté en quasi-totalité par les subventions.

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L’économie qui pourrait être réalisée en cas de fermeture des « petites lignes » serait donc considérable :

- Pour l’infrastructure, de l’ordre de 500 M€ par rapport à la situation actuelle (compte tenu des dépenses résiduelles, notamment relatives aux obligations réglementaires de surveillance) ; les péages sont neutres à l’échelle de la collectivité ;

- Pour l’exploitation des trains, le transfert sur route d’un service ferroviaire de voyageur en zone peu dense permet une économie de 70 à 80% selon le niveau de service retenu pour les autocars51, soit 700 à 800 M€, auxquels il faudrait encore ajouter les économies sur le renouvellement des matériels roulants.

L’économie liée à la fermeture des petites lignes pour le système s’élèverait donc a minima à 1,2 milliard d’euros annuels (500 M€ sur l’infrastructure et 700 M€ sur l’exploitation des trains).

La pertinence économique des petites lignes en question Les dépenses nécessaires à la pérennisation des lignes de catégorie UIC 7 à 9 avec voyageurs, et même les dépenses liées à leur exploitation actuelle, paraissent difficilement envisageables compte tenu des contraintes financières des régions et de l’Etat, et des besoins de financement du reste du réseau. La question du dimensionnement du réseau ferré français, éludée depuis 1982 doit donc être posée. La pertinence économique des petites lignes ne peut être évaluée globalement. Elles se caractérisent par une grande diversité d’utilisation, d’environnement (périurbain/rural), de compétitivité face aux alternatives routières, et d’étendue selon les régions (l’Occitanie, la Nouvelle-Aquitaine et Auvergne-Rhône-Alpes présentent les réseaux les plus importants). Selon que la ligne fait partie des plus fréquentées, que le maintien en exploitation peut se faire au prix d’un investissement modéré, ou que la ligne permet des services très compétitifs par rapport à la route (gains de temps, de confort, etc.), il peut être justifié d’un point de vue économique, même dans un contexte de forte contrainte budgétaire, de la maintenir en exploitation. A contrario il existe de nombreuses lignes qui sont très faiblement circulées, pour lesquelles la route offre des alternatives pertinentes, ou qui nécessitent des investissements très importants pour être pérennisées (notamment lorsque des ouvrages d’art doivent être rénovés). Compte tenu des enjeux de la rénovation du réseau ferré national, dans un contexte budgétaire très contraint pour l’Etat et les régions, les décisions d’investissement devraient s’appuyer sur une vision précise de l’état des lignes, des besoins d’investissements et de l’utilité collective de ces investissements. Cet éclairage mériterait d’être élargi aux lignes de catégorie UIC 5-6 52.

Il conviendrait pour cela d’évaluer le besoin de renouvellement pour chaque ligne constituant une unité fonctionnelle, et de mener une évaluation socio-économique de cet investissement.

51 Pour améliorer la qualité du service et compenser la vitesse commerciale parfois plus faible des alternatives routières, il faut envisager que la fréquence du service sur route soit plus élevée que celle du train ou que des services que le train n’était pas en mesure de fournir soient ajoutés pour mieux couvrir le territoire 52 En effet d’une part, le trafic moyen sur les lignes de catégorie UIC 5-6 reste faible au regard des densités de circulation observées chez nos voisins européens ; d’autre part, l’hétérogénéité des situations des différentes lignes peut tout à fait conduire à ce qu’un investissement soit plus créateur de valeur sur une « petite ligne » que sur une ligne de catégorie UIC 5-6 (certaines lignes ne sont classées en catégorie UIC 5 que parce qu’elles supportent des trafics fret importants). La classification UIC ne traduit pas l’utilité collective des lignes ferroviaire, tous les témoins que la mission a rencontrés en conviennent.

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L’évaluation serait menée en prenant en considération une éventuelle perspective de fermeture de la ligne en l’absence d’investissements, ainsi que les alternatives routières. Le critère de classement entre les différentes lignes pourrait être la valeur actualisée nette (VAN) rapportée à l’euro public investi. Les évaluations socio-économiques manquent parfois de transparence, ce qui peut laisser croire à une certaine subjectivité. Pour éviter ce biais, SNCF Réseau devra établir une méthode d’évaluation simple et robuste, en s’appuyant sur l’expertise de France Stratégie, dans le cadre d’une démarche concertée. Les évaluations réalisées seront soumises à la contre-expertise du Commissariat Général à l’Investissement, comme c’est le cas pour les grands investissements. Enfin, pour garantir la transparence du processus et de ses résultats, les évaluations devraient être rassemblées dans un rapport transmis au Parlement, au Haut Comité du Système de Transport Ferroviaire et au régulateur, et publié.

: Confier à SNCF Réseau la réalisation, avant l’élaboration des prochains CPER, d’un état des lieux de la partie la moins utilisée du réseau présentant, ligne par ligne, l’état de l’infrastructure, le besoin de rénovation et le bilan socio-économique des investissements. L’élaboration de la méthode d’évaluation sera confiée à France Stratégie, et les évaluations feront l’objet d’une contre-expertise du Commissariat Général à l’Investissement.

La segmentation actuelle en fonction des catégories UIC sert de base aux politiques de maintenance (en termes d’objectifs de performance et de référentiels) et à la programmation des investissements. Pour autant, elle ne donne pas une image satisfaisante de l’utilité des lignes, de la performance attendue et des investissements nécessaires, ce qui conduit probablement à une allocation des moyens inefficace. Sur la base des évaluations socio-économiques réalisées pour les petites lignes, SNCF Réseau pourrait engager l’élaboration d’une nouvelle segmentation du réseau distinguant en particulier :

- Le réseau principal constitué par les lignes les plus utilisées, qui présente un enjeu d’amélioration de ses performances (cf. infra) ;

- Le réseau secondaire constitué par les lignes dont la rénovation est justifiée d’un point de vue socio-économique, sans amélioration de leurs fonctionnalités ;

- Le réseau obsolète constitué par les lignes dont la rénovation n’est pas justifiée d’un point de vue socio-économique.

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: Elaborer une segmentation du réseau reflétant l’utilité de l’infrastructure, les enjeux de performance et les besoins d’investissement, en distinguant notamment :

- La partie la plus utilisée du réseau, pour laquelle des investissements visant à assurer un haut niveau de performance sont justifiés ;

- La partie la moins circulée du réseau, pour laquelle les investissements de rénovation n’apparaissent pas justifiés d’un point de vue socio-économique.

La segmentation ainsi élaborée sera reprise dans le document de référence du réseau et pourra servir de base à la tarification.

Le redéploiement du transport ferroviaire régional Compte tenu des besoins croissants de mobilité autour des grandes métropoles, et compte tenu du besoin de rénovation et de modernisation du réseau, il paraît nécessaire de redéployer la majeure partie des sommes consacrées aujourd’hui aux « petites lignes » vers des infrastructures et des services plus utiles à la collectivité : rénovation du réseau hors « petites lignes », modernisation des grands nœuds ferroviaires, renforcement des fréquences sur les lignes les plus fréquentées53. Cette mauvaise allocation des concours publics s’explique par la concomitance de la régionalisation du transport ferroviaire et d’une longue période de sous-investissement. Les régions, qui se sont vu confier le transport ferroviaire régional à partir de 1997, qui ont investi lourdement pour développer les services, peuvent difficilement accepter de fermer les petites lignes. Elles consacrent donc leurs ressources aux parties les plus menacées du réseau pour en éviter la fermeture. Ainsi, le transfert des petites lignes aux régions, outre le fait qu’il ne pourrait pas se faire sans compensation, ne semble pas favorable à une réorientation des dépenses : il ne ferait que renforcer la responsabilité des régions et conduirait à sanctuariser ces lignes. Au contraire, l’Etat doit envoyer un signal clair, en ne consacrant plus aucun crédit aux lignes dont l’intérêt socio-économique n’est pas démontré. Dans le cadre des CPER 2015-2020, l’Etat a prévu de consacrer environ 800 M€ à des investissements sur les lignes UIC 7-9. Certains de ces investissements sont sans doute justifiés, mais une grande partie ne l’est très probablement pas. Les crédits ainsi économisés pourraient être redéployés vers des investissements à l’utilité avérée, et aujourd’hui non financés.

: Redéployer les crédits aujourd’hui affectés par l’Etat aux investissements ferroviaires dans le cadre des CPER vers la partie la plus circulée du réseau.

53 L’offre de transport régional est souvent limitée en dehors des heures de pointe, ce qui se justifie assez largement par la répartition de la demande aujourd’hui. Néanmoins, les modes de vie et de travail évoluent et les usagers valorisent la possibilité de se déplacer à toute heure, d’autant plus si les dessertes sont cadencées. De plus, les dessertes d’heures creuses coutent moins cher à produire car le matériel roulant est disponible et les personnels sont parfois payés sans que leur disponibilité soit entièrement utilisée. Il est donc possible d’ajouter des services en milieu de journée à un faible coût et de transformer la liaison ferroviaire en un service continu plus valorisé car couvrant une plage horaire plus étendue. Cette politique ferait baisser le coût de production du train et améliorerait son image. Dans son rapport sur les trains d’équilibre du territoire en 2015, la commission Duron faisait des recommandations similaires.

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En l’absence d’investissements, les lignes feront d’abord l’objet de ralentissements (si ce n’est pas déjà le cas) destinés à préserver la sécurité des voyageurs, puis, si elles sont trop dégradées, seront fermées à la circulation des trains de voyageurs. Les trains de fret, qui roulent moins vite et pour lesquels les enjeux d’exploitation sont moindres que pour les voyageurs, pourront continuer à y circuler. Les lignes ainsi fermées aux voyageurs pourraient d’ailleurs être retirées du réseau ferré national et confiées à un opérateur de fret de proximité ou un gestionnaire d’installations terminales embranchées (ITE) (cf. partie 6.). La procédure juridique encadrant la fermeture d’une ligne est extrêmement longue et complexe (cf. encadré). SNCF Réseau doit pouvoir fermer les lignes plus facilement : l’état des lieux de la ligne (condition de l’infrastructure, besoin d’investissement, évaluation socio-économique de ces investissements) préconisé plus haut devrait être considéré comme tenant lieu de dossier de consultation auprès de la région, et l’accord du ministre devrait être réputé acquis, dès lors que le principe de « non financement » des investissements dont l’intérêt socio-économique n’est pas démontré aura été posé de façon générale. Il conviendrait d’adapter le décret 97-444 en ce sens.

La procédure juridique de fermeture d’une ligne Lorsque SNCF Réseau envisage la fermeture d'une ligne ou d'une section de ligne, la procédure, définie dans l’article 22 du décret n°97-444 du 05 mai 1997 modifié, est la suivante :

- Avant de proposer la fermeture d’une section de ligne, SNCF Réseau élabore un dossier sur l’historique et les conditions d’exploitation de la section de ligne concernée, le plus souvent sans activité ferroviaire depuis plusieurs années, le contexte territorial et économique, l’offre de transport existante, les projets pouvant se développer sur les emprises ;

- Sur la base de ce dossier, SNCF Réseau soumet le projet de fermeture à la région concernée ; celle-ci dispose de trois mois pour faire connaître son avis. L’absence de réponse de l’organe délibérant dans ce délai vaut avis favorable ;

- SNCF Réseau publie simultanément un avis relatif au projet de fermeture dans une publication professionnelle ; les entreprises ferroviaires, les gestionnaires d’infrastructure de réseaux raccordés ou embranchés disposent également de trois mois pour faire connaître leurs observations ;

- SNCF Réseau informe de son projet le ministre chargé des transports qui s’assure notamment que la fermeture ne présente pas d’inconvénient au regard des impératifs de défense.

Après avoir recueilli ces avis et observations, SNCF Réseau peut alors adresser au ministre chargé des transports une proposition motivée de fermeture accompagnée des avis reçus et du bilan des observations formulées. Le ministre dispose alors d’un délai de deux mois pour autoriser la fermeture. La fermeture de la ligne ou de la section de ligne entraîne son retrait du Réseau Ferré National.

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: Si le maintien des circulations sur une ligne n’est pas possible sans investissement, et que cet investissement n’est pas justifié d’un point de vue socio-économique, SNCF Réseau est mandaté pour fermer la ligne. La procédure à suivre, compte tenu notamment de l’état des lieux à produire par SNCF Réseau, est simplifiée. La région concernée, ou toute autre partie prenante, peut reprendre la ligne sans contrepartie financière.

Par ailleurs, les TER régionaux, ne paient pas le coût complet du réseau sur lequel ils circulent. Le principe de couverture du coût complet par les redevances, posé par la réforme tarifaire de 2010 pour les activités conventionnées, est appliqué au Transilien et aux TET. Dans les deux cas les autorités organisatrices concernées payent une redevance d’accès (RA), en sus des redevances directement supportées par le transporteur, qui garantit la couverture du coût complet du réseau imputable à l’activité en question. Dans le cas des TER, cette redevance d’accès est payée par l’Etat à hauteur de 1 380 M€. Elle n’est de plus pas suffisante pour assurer la couverture du coût complet attribuable au TER. D’après les calculs de SNCF Réseau, le déficit de couverture du coût complet attribuable au TER, avec un coût complet calculé conformément aux principes retenus pour le contrat de performance (cf. infra), serait de l’ordre de 750 M€, dont 600 M€ pour les seules petites lignes. Sans nécessairement remettre en cause le principe du paiement par l’Etat de la RA TER, il conviendrait d’augmenter les redevances payées par le TER pour assurer une meilleure couverture des coûts (par exemple en ajoutant une « part régionale » à la RA TER actuelle). Si le coût complet était couvert par les redevances, chaque fermeture de ligne réduirait d’autant le montant des redevances payées, ce qui inciterait probablement les régions à faire des choix de desserte plus efficaces. A contrario, tant que le coût complet du TER n’est pas couvert par les redevances, la fermeture des lignes ne devrait pas se traduire par une baisse des redevances.

: Assurer la couverture du coût complet du TER, compte tenu de la redevance d’accès payée par l’Etat, par une augmentation progressive des redevances payées par les régions pour le TER.

Enfin, dans le contexte de métropolisation croissante des territoires, la question de la coordination entre les différents niveaux d’autorités organisatrices de transport doit être posée. Le recours au train pour des services urbains n’est justifié que dans les très grandes métropoles. En revanche, le train peut assurer, dans les métropoles plus petites, des services de transport périurbain complémentaires aux offres de transport collectif urbain. L’intermodalité est donc un enjeu majeur du transport régional et périurbain. La loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) a confié à la région le rôle de chef de file sur les modalités de l'action commune relative à l'intermodalité et à la complémentarité entre les modes de transports, notamment à l'aménagement des gares. Toutefois, en pratique, cette coordination semble toujours difficile. Ainsi les Plans de Déplacement Urbain (PDU), pilotés par la métropole, n’impliquent généralement pas assez les régions.

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Il conviendrait donc de prévoir un dispositif supplémentaire de coordination, par exemple sous la forme d’un contrat d’intermodalité entre la région et la métropole. Ce contrat devrait être préparé par le diagnostic du fonctionnement de l’intermodalité autour des gares de la métropole et par l’évaluation des investissements et des développements de dessertes envisagés par les partenaires.

: Favoriser la coordination des différents services de transport collectif desservant les métropoles, en prévoyant par la loi la signature d’un contrat entre la région et la métropole sur l’intermodalité.

Moderniser l’exploitation des lignes à forte densité de circulation

La performance des lignes à forte densité de circulation, un enjeu majeur

Les grandes agglomérations engendrent un trafic sans cesse croissant. Or les infrastructures des grands nœuds ferroviaires ont été conçues pour des trafics beaucoup plus faibles qu’aujourd’hui : le trafic ferroviaire en trains-km a doublé depuis 1950. La dégradation de la régularité observée depuis quelques années est le symptôme d’infrastructures et de technologies utilisées aux limites de leurs possibilités. Pour répondre aux besoins de mobilité de demain, les grands nœuds ferroviaires et les lignes les plus fréquentées devront pouvoir supporter des trafics accrus, avec une régularité renforcée. Cela ne sera pas possible sans un saut technologique, au-delà de la nécessaire régénération d’un certain nombre de composants de l’infrastructure dont l’obsolescence pèse sur la régularité. Les travaux menés par SNCF Réseau sur des projets pilotes montrent qu’il est possible d’augmenter les capacités de 25% tout en divisant par deux le temps de retour à la normale en cas d’incident. Le périmètre pertinent pour cet effort de modernisation correspond à :

- Une vingtaine de nœuds ferroviaires, dont les gares parisiennes, et les nœuds ferroviaires de Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux… ;

- L’ensemble des LGV, en traitant en priorité la LGV Sud Est, proche de la saturation, et la LGV Atlantique, dont les trafics vont croître avec la montée en charge des LGV Bretagne-Pays de Loire et Sud Europe Atlantique ; la LGV Nord, qui est connectée à des réseaux étrangers qui seront également équipés de la signalisation au standard européen ERTMS54 devra l’être également ; enfin, en dernier lieu, la LGV Méditerranée et la LGV Rhin Rhône, compte tenu de la continuité avec le système mis en place sur la LGV Sud Est ;

54 European Rail Traffic Management System : système européen de signalisation, interopérable, qui permet, dans certaines configurations, d’accroître les capacités de l’infrastructure. Il remplace la signalisation latérale (feux, panneaux) par une transmission GSM à des dispositifs embarqués, permettant notamment d’arrêter automatiquement.

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- Sur le réseau classique, l’effort doit se concentrer sur les lignes les plus circulées pour des voyageurs longue distance et pour le fret à haute valeur ajoutée ou européen. Il s’agit principalement des radiales (Paris-Bordeaux, Paris-Rouen-Le Havre, Paris-Lyon-Marseille, etc.), de la « transversale sud » Bordeaux-Toulouse-Marseille jusqu’à Vintimille et de la transversale entre Nantes et Dijon, ainsi que Le Mans-Nantes, et enfin des itinéraires européens comme le débouché du Lyon Turin entre Modane et Ambérieu Lyon et l’artère Nord-Est avec sa continuité entre Metz et Dijon, …

Une modernisation progressive de l’infrastructure et de l’exploitation ferroviaire

Les grands nœuds ferroviaires et les lignes les plus fréquentées du réseau devront faire l’objet d’une modernisation progressive, combinant notamment :

- La régénération des installations de signalisation, critiques pour la régularité et la disponibilité des infrastructures ;

- Le déploiement de systèmes de signalisation modernes, fondés sur les télécommunications et l’automatisation, permettant d’accroître fortement la capacité des infrastructures (ERTMS niveau 2 pour les lignes à grande vitesse et certaines lignes classiques très circulées, NEXT EO55 sur les sections les plus denses en Ile-de-France) et d’offrir une information en temps réel à tous les voyageurs ;

- Un système de régulation des trafics intelligent pour détecter en amont, temporellement et géographiquement, les conflits de circulation, et en diminuer les effets ;

- La centralisation de la gestion des circulations (« Commande Centralisée du Réseau ») pour agir plus rapidement et efficacement, avec des gains de productivité importants ;

- L’adaptation de l’infrastructure pour accroître la capacité (voies supplémentaires, redécoupage des « blocks » de signalisation, traitement des nœuds ferroviaires...).

Au-delà de ces leviers techniques, des actions sur les règles d’exploitation (organisation des manœuvres notamment) et l’ordonnancement des dessertes (notamment sur les axes où les trains ont des vitesses et des arrêts hétérogènes) contribueront également à l’amélioration des performances sur les lignes les plus circulées. A terme, l’ensemble du réseau le plus circulé devra évoluer vers un système d’exploitation modernisé, sachant que la Commission européenne demande le déploiement de l’ERTMS sur 6 000 km de lignes classiques et toutes les LGV d’ici 2030, et sur 4 000 km de lignes classiques supplémentaires d’ici 2050. Cet objectif ne pourra pas être atteint sur la base des investissements prévus dans le contrat de performance Etat-SNCF Réseau 2017-2026, qui ne les prend quasiment pas en compte.

55 NexTEO est un système d’exploitation et de régulation dédié aux trafics urbains. Basé lui aussi sur la transmission GSM entre les trains et une intelligence centrale, il assure l'espacement de sécurité entre les trains et détermine la vitesse idéale. En parallèle, l’intelligence centrale peut actualiser en temps réel tous les outils d’information des voyageurs. Ce système a déjà été déployé dans le cadre de la modernisation de lignes de métros à Paris, à New York, à Londres ou encore à Copenhague.

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Des investissements fortement créateurs de valeur Les investissements de développement (lignes nouvelles) font l’objet d’une concertation approfondie, qui s’appuie notamment sur une évaluation socio-économique. Les investissements de renouvellement et de modernisation échappent aujourd’hui à une telle procédure, malgré les obligations créées par le décret 2013-121156. Dans un contexte de forte contrainte budgétaire du gestionnaire d’infrastructure, il apparaît indispensable d’éclairer les choix d’investissements par des évaluations socio-économiques, qui permettront d’établir un ordre de priorité dans les projets. Les investissements de modernisation de l’exploitation du réseau permettront d’augmenter les capacités et d’améliorer la qualité de service. Comme ils se substituent généralement à des investissements de renouvellement à l’identique, leur effet sur les recettes commerciales (gains de trafic donc de recettes) et sur la productivité (notamment la commande centralisée du réseau) permettent de les financer assez largement, et en totalité pour les plus pertinents. Compte tenu des délais imposés par l’Union Européenne concernant le déploiement d’ERTMS, et des enjeux de modernisation de l’exploitation du réseau, il paraît nécessaire d’actualiser la trajectoire d’investissements prévue au contrat de performance Etat-SNCF Réseau. Cette actualisation doit s’appuyer sur une vision globale et synthétique des enjeux et des besoins de financement. Il s’agit en particulier de revenir sur une impasse majeure de la trajectoire actuelle, concernant la régénération des installations de signalisation, de l’ordre de 400 millions d’euros. Il conviendrait de confier à SNCF Réseau, pour actualiser le Grand Plan de Modernisation du Réseau proposé en 2013, l’élaboration de programmes de modernisation, en fonction des logiques de déploiement (par type de composant de l’infrastructure, par axe ou par région), pour préciser les enjeux de performance, détailler les investissements nécessaires pour y répondre, et évaluer l’intérêt socio-économique de ces investissements. Ce travail permettrait de classer les différents programmes par ordre de priorité, en fonction de leur intérêt socio-économique et de leur capacité à s’autofinancer.

: Confier à SNCF Réseau l’élaboration de programmes de modernisation du réseau le plus circulé, précisant les enjeux de performance, les investissements à réaliser et évaluant leur intérêt socio-économique ; ce travail permettra de délimiter un réseau « à haute performance », faisant l’objet de politiques de maintenance, d’exploitation, d’investissement et de tarification spécifiques.

: Réviser la trajectoire d’investissements de SNCF Réseau pour prendre en compte les investissements nécessaires à la rénovation et à la modernisation des parties les plus circulées.

56 Le décret n° 2013-1211 du 23 décembre 2013 relatif à la procédure d'évaluation des investissements publics crée une obligation de mener une évaluation socio-économique pour tout projet d’investissement de l’Etat ou de ses établissements publics. Il prévoit également une contre-expertise indépendante, sous l’autorité du CGI, pour les évaluations socio-économiques des investissements mobilisant plus de 100 M€ de financements publics (y compris EPIC).

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Favoriser le développement des trafics TGV La grande vitesse ferroviaire a « sauvé » le train et la SNCF. Mais paradoxalement, en bouleversant le système de relations entre Paris et les grands pôles urbains, le TGV a introduit une rupture dans le modèle ferroviaire français qui s’était construit sur un principe d’égalité de la desserte ferroviaire de tous les territoires au sein de la République. Cette rupture n’est toujours pas surmontée et deux conceptions s’opposent encore, celle qui considère que le TGV appartient pleinement à la sphère commerciale et est extérieure à la notion même de service public, et celle qui au contraire l’inclut dans le service public du transport de voyageurs. La rentabilité du TGV repose principalement sur la conquête du marché de l’aller-retour dans la journée, voire dans la demi-journée, des voyageurs se déplaçant pour des motifs professionnels entre Paris et les grandes métropoles françaises. Ce marché avec une très forte pointe de demande le matin et une autre le soir ne représente qu’un peu plus de 20% de la demande globale mais environ 35% du chiffre d’affaires et sans doute plus de la moitié de la marge opérationnelle. Il a été créé au début des années 1960 par la compagnie aérienne Air Inter qui a longtemps prospéré en le développant sans avoir à affronter de concurrence. Depuis l’ouverture en 1981 de la ligne Paris-Lyon, suivie en 1989 par l’ouverture de la ligne Atlantique vers Bordeaux, Nantes et Rennes, puis les lancements en 1993 de la ligne vers Lille, Londres et Bruxelles, en 2001 de la ligne Méditerranée et en 2007 de la ligne vers l’Est, le transport ferroviaire a progressivement conquis ce marché.

Le domaine de pertinence du TGV découle des spécificités de son modèle économique

Les constats faits dès l’ouverture de la ligne TGV Paris-Lyon en 1981, qui ont toujours été vérifiés sur les autres destinations où train et avions sont en compétition, ne semblent pas être pris en compte par les pouvoirs publics, notamment dans leur décision de construire et de financer de nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse. Lorsqu’une liaison ferroviaire à grande vitesse relie Paris à une grande métropole en moins de 2 heures 30 minutes, le train conquiert la quasi-totalité de ce marché et élimine totalement le concurrent aérien. C’est le cas sur Lyon, Bruxelles, Strasbourg, Nantes et Rennes et ce sera sans doute le cas sur Bordeaux, même si la localisation de l’aéroport par rapport à l’agglomération et la densité de la zone d’affaires autour de l’aéroport peuvent permettre de conserver une desserte aérienne. La raison de ce basculement total en faveur du ferroviaire est simple. Sauf circonstances très particulières, la durée totale du trajet est plus courte en train qu’en avion et la clientèle professionnelle choisit dès lors massivement le train. Les seules opérations aériennes maintenues sont celles reliant la ville métropole à un aéroport de correspondance tel que Roissy, Amsterdam ou Francfort. Lorsque la liaison ferroviaire est effectuée en 3 heures, le marché de l’aller-retour journée pour la clientèle professionnelle se répartit à 50% en faveur du ferroviaire et à 50% en faveur de l’aérien. C’est le cas de la ligne Paris-Marseille où le TGV doit affronter la concurrence d’Air France et d’Easy-Jet comme c’était le cas jusqu’à l’été 2017 sur Paris-Bordeaux où Air France avait conservé de manière rentable environ la moitié du marché.

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Pourquoi y a-t-il une telle différence sur la répartition des pertes de marché entre les liaisons à deux heures et celles à trois heures ? Là encore, c’est la durée totale du trajet aller-retour qui est prise en compte par la clientèle professionnelle qui se détermine en fonction de son temps de transport sur la destination considérée. Lorsque la destination est effectuée en train entre 3h30 et 4 heures, il y a alors un basculement très brutal en faveur de l’avion et au détriment du train de 80% ou plus de cette clientèle. Ces données de marché connues depuis près de quarante ans sont remarquablement constantes et ce sont ces données qui devraient être prises en compte lorsque sont examinés des projets de ligne à grande vitesse dans des espaces nationaux ou européens. Même si la clientèle professionnelle ne représente que 20% de la demande, elle représente certainement plus de la moitié de la marge. Sans cette clientèle, les lignes à grande vitesse sont donc condamnées à l’absence de rentabilité. Par ailleurs, au-delà de 700 kilomètres, le coût de production d’un siège kilomètre-avion est inférieur au coût de production d’un siège kilomètre-train. Pour le TGV en moyenne sur le réseau domestique français, ce coût est un peu inférieur à 6 centimes d’euros du siège kilomètre offert hors coût du capital et d’environ 7 centimes d’euros en y incluant le coût du capital alors qu’il est d’environ 5 centimes d’euros pour une compagnie low-cost comme Easy-Jet ou Transavia et sans doute inférieur à 4 centimes d’euros pour Ryan-Air, coût du capital inclus57. Ainsi, plus les distances s’allongent et plus l’avion prend le pas sur le ferroviaire en termes de comparaison des coûts au siège kilomètre offert. Cette réalité est presque toujours ignorée car l’aérien conserve l’image d’un mode de transport cher alors que le rail bénéficie de l’image d’un transport économique, alors même que sur les longues distances la réalité est exactement inverse. Dès que les distances augmentent, le train à grande vitesse est donc doublement pénalisé. Il perd le marché rentable des hommes d’affaires en aller-retour sur une journée et il a des coûts de production supérieurs aux low-costs qui peuvent être encore plus agressifs sur les tarifs offerts aux clients loisirs puisqu’ils se sont appropriés la rente du segment professionnel.

57 Ces chiffres doivent être pris avec prudence car dans le cas du transport aérien, le coût du capital retenu dans ces estimations est représenté seulement par le montant des amortissements alors que dans le cas de SNCF Mobilités, il inclut outre les amortissements une hypothèse de rémunération des capitaux engagés sur la base d’un coût moyen pondéré du capital de 8,5% après impôts.

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Domaine de pertinence du TGV : coûts, rentabilité, concurrence en fonction de la distance

Distance Temps de transport

Coût au siège Kilomètre

Reliant des métropoles à des grandes agglomérations dans

l’espace domestique

400 à 600 kilomètres

- de 2 h 30 Train < à l’avion Le train se substitue à l’avion

Très haut niveau de rentabilité Paris – Lyon par exemple

600 à 800 kilomètres

2 h 30 à 3 h 30

Train et avion se rapprochent et finissent par s’équilibrer

Compétition modale qui s’équilibre avec l’avion à 3 h de temps de parcours Niveau de rentabilité du train qui décline progressivement

800 à 1.000 kilomètres

3 h 30 à 4 h 30

Train > à l’avion Aérien domine le Marché Non rentabilité du train

+ de 1.000 kilomètres

+ de 4 h 30 Train très > à l’avion Avion quasi exclusif Non rentabilité du train

La zone de pertinence économique du train à grande vitesse est donc limitée aux destinations de 3 heures et moins, permettant de relier entre elles de grandes agglomérations de plus d’un million d’habitants en priorité au sein d’un même pays car lorsque l’on franchit des frontières nationales l’effet frontière limite considérablement les flux de voyageurs.

Des dessertes très hétérogènes, financées par une large péréquation

La carte ci-après illustre ce qu’est aujourd’hui le réseau TGV en France. Elle fait apparaître à la fois l’extrême concentration des flux de trafic sur l’axe Lille-Paris-Lyon-Marseille et la très grande dispersion des villes desservies par plus de 200 gares en France et plus de 50 en Europe.

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Intensité des circulations TGV sur le réseau ferré national en 2013

Source : N. Baron, P. Messulam (2017), Réseaux ferrés et territoires, Presse des Ponts.

Au cours de la période 1980-2000, le choix de desservir en TGV les axes principaux et à partir de ces axes un grand nombre de villes moyennes a été un choix assumé et même revendiqué par la SNCF qui soulignait à juste titre, pour en faire la promotion, la singularité du TGV capable de rouler à la fois sur le réseau à grande vitesse et sur le réseau classique. Alors même que le modèle économique du TGV est fondé sur sa capacité à s’imposer face au transport aérien sur le marché de l’aller-retour dans la journée des voyageurs se déplaçant pour des motifs professionnels, ce qui le positionne dans un univers purement commercial, c’est une logique non explicitée de service public et de péréquation entre lignes rentables et non rentables qui s’est imposée. Et cela d’autant plus qu’avant la création de Réseau Ferré de France en 1997 le problème du niveau des péages à acquitter pour exploiter le réseau à grande vitesse ne se posait pas. Cette logique de péréquation n’a semble-t-il jamais été débattue avec l’Etat comme elle aurait pu ou même dû l’être dans une convention explicite entre l’Etat et un monopole régulé définissant le réseau à desservir, et l’affectation et la répartition des surplus dégagés sur le réseau rentable au profit de dessertes non rentables répondant à une stricte logique de service public ferroviaire.

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Il est aujourd’hui impossible, pour les destinations desservies par TGV et considérées comme non rentables par SNCF Mobilités, de distinguer celles qui relèvent de choix faits par la SNCF, de celles qui résultent de discussions entre l’Etat et les collectivités territoriales sollicitées au moment par exemple du financement des lignes à grande vitesse, ou de conventions implicites avec l’Etat ou les collectivités locales.

Faut-il recentrer l’exploitation des rames TGV sur les lignes à grande vitesse ?

En 2014, la SNCF a lancé une réflexion sur les effets économiques d’un recentrage du TGV sur les seules lignes à grande vitesse et sur des dessertes complémentaires sur lignes classiques permettant de couvrir au total environ 40 gares (au lieu de 200 dans le schéma de desserte actuelle). Le résultat de cette étude montre que le chiffre d’affaires baisserait d’environ 15%, mais que la marge opérationnelle augmenterait de plus de 20% et que l’exploitation pourrait être réalisée avec un parc de rames réduit d’un tiers. Cette amélioration donne un ordre de grandeur du coût des obligations de service public implicites qui pèsent sur la SNCF. Toutefois, même si ce modèle d’exploitation s’avère être économiquement plus performant que le modèle actuel, il comporte des limites qui rendraient son application opérationnellement difficile, et financièrement coûteuse. Il y a d’abord la faisabilité opérationnelle d’une reprise par les régions et les TER des destinations qui ne seraient plus assurées par le TGV, qui buterait sur la capacité des gares, notamment à Lyon-Part-Dieu, Marseille Saint-Charles, Bordeaux Saint-Jean ou Lille Europe. Il y a ensuite le coût économique lié aux risques d’une perte de trafic liée aux ruptures de charge, risques amplifiés par la difficulté d’optimiser le système de correspondances (correspondances quai à quai, correspondances courtes, ponctualité quasi parfaite). Enfin la réaction de l’opinion publique et des responsables politiques à la suppression de très nombreuses dessertes aujourd’hui assurées sans correspondance par le TGV serait à l’évidence très négative. Ce modèle d’exploitation très séduisant en théorie est donc très difficile à mettre en œuvre dans la réalité. C’est d’ailleurs pour ces raisons qu’il n’avait pas été retenu par le Conseil d’Administration de la SNCF en 2014, qui avait privilégié le choix d’une politique de volume avec l’évolution à la baisse du prix moyen et le développement d’une offre low-cost. Une remise en cause globale du modèle d’organisation des dessertes TGV, qui viserait à restreindre les circulations de TGV aux seules lignes à grande vitesse, ne semble donc ni justifiée, ni opportune, en particulier dans le contexte de mise en service de quatre nouvelles lignes, qui vont permettre de réduire significativement la part des circulations des TGV sur lignes classiques. En revanche, des optimisations à la marge des dessertes semblent possibles, lorsque les flux de voyageurs sont faibles, lorsque la complémentarité avec d’autres services ferroviaires est bonne, et lorsque la réduction d’une desserte permet de réduire significativement le besoin en matériel roulant. Dans ce contexte, il importe de s’assurer que la tarification de l’infrastructure ne constitue pas un obstacle au maintien de dessertes à faible rentabilité.

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Mettre en place une tarification plus incitative au développement des trafics et au maintien des dessertes

D’un point de vue économique, la structure de tarification actuelle, proportionnelle aux parcours réalisés (en trains-km), n’est pas incitative au développement (ou au maintien) des trafics. De plus, elle ne semble pas compatible avec les textes européens (article 32 de la directive 2012/34), car elle conduirait probablement, dans un contexte concurrentiel, à exclure l'utilisation des infrastructures par des « segments de marché qui peuvent au moins acquitter le coût directement imputable ». Jusqu’à aujourd’hui, seule la forte pression politique sur SNCF Mobilités, et sa position de monopole, ont permis de maintenir à la fois des péages élevés et des dessertes étendues. Dans un contexte d’ouverture à la concurrence en open access, la concurrence sera limitée à un petit nombre d’opérateurs qui n’auront pas intérêt à se livrer une guerre des prix ; de fait, plus les péages seront élevés et plus les opérateurs réduiront leurs trafics pour maintenir leurs marges. Une refonte de la tarification est donc nécessaire avant l’ouverture à la concurrence en 2019 et il est regrettable que les opérateurs potentiellement intéressés par cette activité ne disposent pas déjà d’une visibilité sur le cadre tarifaire qui sera applicable. Le sujet mériterait que des études soient menées de manière pluraliste et que soit sollicitée l’expérience des économistes qui ont travaillé sur d’autres industries de réseau. Une baisse globale des péages permettrait d’améliorer la rentabilité des entreprises ferroviaires, mais ne les inciterait pas, à structure constante, à assurer les dessertes les moins rentables. La modulation des péages permettrait, si elle était plus poussée qu’aujourd’hui (avec un niveau spécifique à chaque origine/destination, ou type d’origine/destination), de rétablir la rentabilité des dessertes qui peuvent au moins acquitter le coût directement imputable. Les modalités précises et la faisabilité juridique d’une telle modulation des péages n’ont pas pu être examinées par la mission, qui a toutefois perçu que pouvaient exister des difficultés pour justifier une segmentation fine du marché, au regard du principe d’égalité. Plusieurs parties prenantes rencontrées par la mission ont évoqué l’application d’une tarification « au chiffre d’affaires », solution déjà proposée en 2013 par RFF à la demande du ministre des Transports. Le chiffre d’affaires est une donnée contrôlable par le gestionnaire d’infrastructure comme par le régulateur. Les lignes les moins rentables contribuent généralement peu au chiffre d’affaires, et feraient donc implicitement l’objet d’une tarification réduite par rapport aux lignes les plus rentables. Cette formule présente également l’avantage d’aligner les intérêts de l’opérateur et du gestionnaire d’infrastructure et d’encourager leur coopération pour l’optimisation des services. La tarification des TGV doit viser à couvrir le coût complet d’infrastructures imputable à l’activité TGV. Cet objectif devrait être déterminé dans une perspective pluriannuelle, le régulateur validant chaque année un taux de prélèvement sur le chiffre d’affaires correspondant à l’objectif, sous la contrainte d’adéquation globale à la rentabilité des entreprises ferroviaires. Ainsi le taux baissera si le chiffre d’affaires global augmente, mais si en cours d’année la conjoncture est meilleure ou moins bonne que prévue, le montant global des redevances sera affecté en conséquence, le gestionnaire d’infrastructure partageant ainsi une partie des risques avec les opérateurs.

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: Réformer la tarification de l’infrastructure ferroviaire pour l’activité TGV afin de favoriser le développement des trafics. Sur la base d’un objectif de couverture du coût complet imputable au TGV, la tarification pourrait être, au-delà du coût marginal d’usage des infrastructures, proportionnelle au chiffre d’affaires, et modulée selon les segments de marchés.

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Assurer l’équilibre économique du secteur ferroviaire Le redéploiement du transport ferroviaire dans son domaine de pertinence permettra un saut de productivité et de performance majeur. Il ne sera toutefois pas suffisant pour rétablir l’équilibre économique du secteur ferroviaire français, et seul un effort partagé de l’ensemble des acteurs permettra d’atteindre cet objectif. Le groupe public ferroviaire doit avant tout renforcer sa compétitivité, en agissant sur son organisation et ses processus, pour préparer l’ouverture à la concurrence et réduire le besoin de contribution publique. Cet effort, prévu par les contrats de performance entre l’Etat et les trois EPIC du groupe public ferroviaire, est la condition préalable aux contributions demandées aux autres parties prenantes. RFF, devenu SNCF Réseau, a accumulé une dette considérable du fait de l’insuffisance des concours publics au regard de ses besoins de financement. Depuis 2012, l’équilibre économique du gestionnaire d’infrastructure est une obligation européenne qui s’impose à l’Etat français. Elle a été transposée en droit français en 2014 et s’est traduite par la trajectoire financière du contrat de performance Etat-SNCF Réseau, qui aboutit à une quasi-stabilisation de la dette à l’horizon 2026. Néanmoins, cette trajectoire repose sur des hypothèses fragiles, et seule une reprise au moins partielle de la dette semble pouvoir assurer à terme l’équilibre du gestionnaire d’infrastructures. La situation du fret ferroviaire réclame également des mesures spécifiques, compte tenu de la fragilité des entreprises ferroviaires en général, et de Fret SNCF en particulier, malgré la difficile restructuration menée depuis 2010. Enfin, le poids croissant des péages sur l’équilibre économique des TGV doit être examiné, en particulier dans la perspective de l’ouverture à la concurrence.

Un nécessaire effort de compétitivité du groupe public ferroviaire

Le redressement financier du système ferroviaire nécessite un effort considérable du groupe public ferroviaire dans un contexte où, au fil de l’eau, la masse salariale comme les coûts augmentent d’environ 2% par an (soit 3 milliards d’euros de coûts supplémentaires à l’horizon 2026). Les contrats de performance Etat-SNCF, signés en 2017, prévoient des économies atteignant 3 milliards d’euros annuels à l’horizon 2026. Ce gain repose sur quatre leviers distincts :

- La réduction des coûts des fonctions transverses (coûts de structure, dépenses informatiques, achats et immobilier) ;

- L’amélioration de l’efficacité industrielle de SNCF Réseau ;

- L’amélioration de l’efficacité industrielle de SNCF Mobilités ;

- L’amélioration de l’efficacité commerciale de SNCF Mobilités.

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Les entreprises du groupe public ferroviaire sont caractérisées par des coûts des fonctions générales et administratives (fonctions « transverses ») significativement plus élevés que leurs concurrents. Les contrats de performance prévoient donc une économie de plus de 450 millions d’euros (dont 350 millions d’euros pour SNCF Mobilités), dès 2020, qui repose sur quatre domaines : les achats, les effectifs et les charges de structure (fonctions RH, finances, juridique, communication, etc.), l’immobilier (réduire les surfaces occupées et leur coût), et les systèmes d’information et télécommunications (effectifs, charges d’exploitation, investissements). C’est une première étape significative qui devra être suivie de nouveaux efforts. En particulier, les fonctions mutualisées assurées aujourd’hui par l’EPIC SNCF semblent pouvoir être progressivement externalisées. Le contrat de performance Etat-SNCF Réseau prévoit une économie de 300 millions d’euros annuels en 2020 et de 1 200 millions d’euros annuels en 2026, reposant sur un programme de performance et d’économies, avec notamment l’allongement des plages travaux de nuit, et d’autre part sur un plan d’externalisation des études, services et travaux. En fin de période la diminution du volume d’entretien consécutive à la régénération importante du réseau et la réduction des charges commerciales liées à l’amélioration de la qualité de service permettront une économie supplémentaire. Le contrat de performance Etat-SNCF Mobilités prévoit un double effort sur les recettes et sur les coûts :

- Une augmentation des recettes de plus de 500 millions d’euros à l’horizon 2020 par rapport à 2016 grâce à l’amélioration de la compétitivité de l'offre, au développement de l’activité et à la lutte anti-fraude ;

- Une économie de près de 1 milliard d’euros à l’horizon 2020 par rapport à 2016 grâce aux actions d’optimisation de l’offre, de rationalisation de la gestion des flottes de matériel roulant, de simplification et d’optimisation des processus de production et de modernisation de la relation client (commercialisation, accueil, services).

: Poursuivre et renforcer l’effort de réduction des coûts des fonctions transverses, notamment en concentrant l’EPIC SNCF sur ses fonctions de pilotage, en externalisant autant que possible les fonctions transverses non spécifiques.

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L’équilibre économique de SNCF Réseau, une obligation légale et la condition d’une gouvernance efficace

La dette de SNCF Réseau était de 46 milliards d’euros en 2017. Ce montant est à mettre en perspective avec un chiffre d’affaires de 6,6 milliards d’euros, une marge opérationnelle de 1,8 milliard d’euros, des frais financiers de 1,3 milliard d’euros et un besoin d’investissement de plus de 3 milliards d’euros par an. Conformément aux dispositions de la loi du 4 août 2014, l’Etat a conclu avec SNCF Réseau un contrat pluriannuel 2017-2026. Ce contrat prévoit :

- Une hausse des péages de 2,8% en moyenne sur dix ans, modérée en début de période, s’accélérant après 2019 pour atteindre 3,6% en fin de période,

- Des investissements nets des subventions reçues de 3 milliards d’euros en début de période, se réduisant progressivement : 2,2 milliards d’euros en fin de période,

- Des gains de productivité sur les coûts d’opérations et d’investissements d’environ 1,2 milliard d’euros en 2026.

Compte tenu de ces données, la situation de SNCF Réseau serait en 2026 la suivante :

- Les flux de trésorerie se rééquilibreraient progressivement mais resteraient encore négatifs (-300 millions d’euros),

- La dette dépasserait 62 milliards d’euros,

- Les frais financiers seraient de 1,8 milliard d’euros. Il convient de rappeler que l’équilibre économique du gestionnaire d’infrastructure constitue, depuis 2012, une obligation européenne qui s’impose à l’Etat français, transposée en droit français par la loi du 4 août 2014 : la somme des recettes des péages et des concours publics doit permettre la couverture du coût complet de l’infrastructure. Le coût complet est donc la référence pour évaluer l’équilibre économique du gestionnaire d’infrastructures. Son calcul doit donc faire l’objet d’une validation par le régulateur, et il doit refléter de façon aussi fidèle que possible la situation économique du gestionnaire d’infrastructures.

: Renforcer le rôle de l’ARAFER dans la gouvernance économique de SNCF Réseau, en lui confiant, dans le cadre de l’élaboration du contrat de performance Etat-SNCF Réseau, la responsabilité d’évaluer le coût complet du réseau, et de déterminer les objectifs de productivité raisonnables à prendre en compte.

Le principe d’une relation contractuelle avec l’Etat, définissant la trajectoire économique et financière de SNCF Réseau sur dix ans est un incontestable progrès. Mais les données retenues dans ce contrat ont été critiquées par l’ARAFER, notamment celles concernant le niveau d’indexation des péages. Surtout, en dépit des gains de productivité, le besoin d’investissement reste couvert par une augmentation sans contrôle de la dette. Il s’agit à l’évidence d’une situation malsaine car dès lors que le système peut s’endetter sans limite, aucune incitation réelle à la discipline financière ne peut s’imposer en interne comme en externe.

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Enfin, le risque de requalification en dette publique de la totalité de la dette de SNCF Réseau est élevé car le rapport entre les ressources commerciales de l’établissement et coûts de prodution est très proche de 50%, pourcentage en deçà duquel la requalification est quasi-certaine. La trajectoire financière dessinée dans le contrat pluriannuel avec l’Etat doit donc être revue.

- D’abord pour prendre en compte des augmentations de coûts salariaux liées à des décisions concernant l’augmentation de la cotisation retraite payée par l’entreprise, l’augmentation de la Contribution Sociale Généralisée (CSG) et les nouvelles modalités du Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi (CICE),

- Mais surtout pour intégrer de nouvelles données, correspondant aux mesures nécessaires pour garantir un retour à l’équilibre de SNCF Réseau.

La mission recommande de prendre en compte les données suivantes :

:

- Revoir à la baisse le niveau d’indexation des péages et retenir à partir de 2020 une indexation basée sur l’indice des prix à la consommation, soit 2% par an,

- Fixer à 5% par an à partir de 2020, le niveau d’indexation des redevances payées par les Régions qui n’assurent aujourd’hui qu’une faible partie du coût complet du réseau des TER,

- Prendre en compte les économies liées à la réduction du réseau des lignes peu circulées,

- Augmenter de 40% à 50% le taux de dividendes versés par SNCF Mobilités à SNCF Réseau,

- Demander à SNCF Réseau des efforts de productivité supplémentaires d’un montant de 160 millions d’euros en 2026,

- Augmenter les investissements de modernisation du réseau à partir de 2021 (150 millions d’euros en 2021, 300 millions d’euros en 2022, 500 millions d’euros de 2023 à 2026).

La chronique des flux de trésorerie nets serait la suivante :

Variation de dette financière nette (milliards d’euros)58

2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2018-2026

Contrat de performance -2,6 -2,6 -2,5 -2,1 -1,8 -1,3 -0,9 -0,5 -0,3 -14,6

Mesures proposées

-2,6 -2,5 -2,4 -2,0 -1,8 -1,6 -1,3 -0,9 -0,9 -16,0

58Total des flux de trésorerie : exploitation, investissements et financier

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Sur ces nouvelles bases, le quantum de dette soutenable devrait être déterminé comme celui permettant à SNCF Réseau d’équilibrer ses flux de trésorerie avant le terme du contrat pluriannuel avec l’Etat. En termes de modalités d’exécution, deux hypothèses peuvent être envisagées :

- Celle d’un transfert unique qui ne pourrait sans doute pas être réalisé par opération de marché et devrait être décidé par une loi ;

- Celle d’un transfert progressif sur plusieurs années.

: Evaluer la possibilité de traiter une part de la dette de SNCF Réseau, compte tenu des efforts de productivité qui seront engagés par ailleurs, pour permettre le retour à l’équilibre du gestionnaire d’infrastructure à terme.

La dette transférée, que le transfert soit unique ou progressif, serait immédiatement incorporée à la dette publique. Dans l’hypothèse d’un transfert unique, le déficit public serait majoré du montant de la dette transférée. Dans l’hypothèse d’un transfert progressif, le déficit public serait vraisemblablement impacté de la même façon qu’en cas de transfert unique. Le traitement de la dette exprimerait la confiance de l’Etat en l’avenir du secteur ferroviaire et sa détermination à s’engager en faveur d’un projet collectif ambitieux pour la modernisation du réseau. Elle serait un élément essentiel pour l’adhésion des cheminots à ce projet. Il devrait s’accompagner de dispositions interdisant pour l’avenir à SNCF Réseau de reconstituer une dette non soutenable. A cet égard, il conviendrait d’abord de réduire le ratio de la règle d’or à respecter par SNCF Réseau pour participer au développement de lignes nouvelles et surtout de modifier le statut d’EPIC de l’entreprise, qui lui permet aujourd’hui de s’endetter sans limite, en la transformant en société nationale à capitaux publics et en lui imposant le strict respect d’un ratio d’endettement net sur marge opérationnelle plafond. L’entreprise serait ainsi responsabilisée sur l’ensemble des éléments de sa gestion et de son efficacité opérationnelle.

: Interdire pour l’avenir la reconstitution d’une dette non soutenable en transformant SNCF Réseau en société nationale à capitaux publics et en lui imposant le respect d’un ratio de marge opérationnelle sur dette nette réduit par rapport à la règle d’or actuelle.

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L’équilibre économique du fret Deux sujets doivent être distingués :

- D’une part, le renforcement de la compétitivité du fret ferroviaire français, dont toutes les entreprises manquent de rentabilité et souffrent de la concurrence du transport routier ;

- D’autre part, la « normalisation » de Fret SNCF, qui peine à se redresser et ne peut porter la dette accumulée au cours de sa restructuration.

Renforcer la compétitivité du fret ferroviaire français La compétitivité du fret ferroviaire français dépend de plusieurs facteurs, en particulier :

- La qualité de la production des entreprises ferroviaires ;

- La maîtrise de leurs coûts ;

- La qualité de service de l’infrastructure et des installations de service ;

- Le montant des péages. Les deux premiers facteurs ne dépendent que des entreprises elles-mêmes. Les deux derniers dépendent en revanche du gestionnaire d’infrastructure et de l’Etat. La qualité de service assurée par le gestionnaire de l’infrastructure est un sujet essentiel pour le fret ferroviaire, dont l’insertion dans la chaine logistique dépend directement de sa ponctualité. Or le fret ferroviaire, de par la longueur de ses parcours59, est plus exposé aux perturbations engendrées par les travaux. L’état du réseau et l’intensité de l’effort de rénovation pèsent donc lourdement sur la qualité de service du fret, en amont des circulations (avec une forte instabilité des sillons), et en aval, lorsque la circulation du train ne peut se faire conformément au sillon prévu (par exemple en cas de retard dans la restitution de l’infrastructure après un chantier). L’instabilité des sillons a fait l’objet d’un contentieux devant l’ARAFER60, qui a conduit à la mise en place d’un système « d’incitations réciproques » pour limiter les modifications de sillons en amont de la circulation. Par ailleurs, un Système d’Amélioration des Performances (SAP) a été mis en place progressivement, pour inciter le gestionnaire d’infrastructure et les entreprises ferroviaires à respecter au mieux les sillons prévus.

59 Le domaine de pertinence du fret ferroviaire est la longue distance (300 km et plus) et l’international. 60 Décisions du 18 novembre 2014, prises à l’occasion de quatre règlements de différend présentés en avril 2013 par ECR, VFLI, Europorte et T3M.

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Le fret utilise, en plus du réseau principal, des infrastructures spécifiques : lignes à très faible trafic (catégorie UIC 7 à 9 SV), installations terminales embranchées (ITE), chantiers de transport combiné, triages …. La gestion de ces lignes et installations de service, essentielles pour l’activité du fret, doit répondre aux enjeux d’exploitation spécifiques du fret, essentiellement en termes de disponibilité et de minimisation des coûts. Ces enjeux sont difficilement pris en compte par SNCF Réseau, en l’absence de perspectives et de modèle économique clair. La création d’une filiale de SNCF Réseau dédiée aux capillaires fret et aux installations de services permettrait de renforcer les liens avec les clients chargeurs et transporteurs pour définir des règles de maintenance et d’exploitation spécifiques, ainsi que les aménagements à mener, et de favoriser les partenariats locaux (avec, au-delà des clients, les régions, les chambres de commerce, etc.) pour faciliter le financement des investissements.

: Créer une filiale de SNCF Réseau dédiée aux capillaires fret et aux installations de services

L’Etat a décidé, dans le cadre de son « plan d’action pour la relance du fret ferroviaire » du 6 octobre 2016, une forte hausse des péages supportés par le fret. En effet, les principes de tarification établis par la directive 2012/34 supposent que toute activité ferroviaire doit payer des péages d’infrastructure au moins égaux au « coût directement imputable », c’est-à-dire au coût marginal d’usage de l’infrastructure. Dans le cas du fret, les péages ont toujours été inférieurs au coût marginal, notamment parce que celui-ci n’a fait l’objet de calculs approfondis que récemment, mais aussi en raison de la fragilité de l’activité. La conformité au droit suppose donc d’augmenter les péages du fret, malgré sa situation. Le contrat de performance Etat-SNCF Réseau 2017-2026 prévoit ainsi « un rattrapage en dix ans du coût marginal d’usage de l’infrastructure, soit une évolution moyenne des péages de l’ordre de 4,5% par an au-delà de l’inflation ferroviaire », dont une « part fixe de +1,3% par an » et une « part complémentaire », directement conditionnée à la qualité des sillons proposés. Cette évolution paraît difficilement soutenable, et risque de se traduire par une perte de compétitivité du fret ferroviaire. Cette question ne peut être considérée indépendamment de celle de la couverture des coûts du transport routier de marchandises par les prélèvements existants (taxe sur les carburants, péages autoroutiers). Les calculs les plus récents, menés par le ministère des transports, semblent ainsi suggérer que ni le transport routier de marchandises, ni le fret ferroviaire, ne couvrent leurs coûts. Dans le cas du fret ferroviaire, il s’agit essentiellement de coûts marginaux d’infrastructure non couverts ; dans le cas du transport routier de marchandises, les coûts marginaux d’infrastructure sont largement couverts, mais les coûts sociaux très importants de l’activité, en termes de congestion, de pollution, d’insécurité, etc… ne sont pas couverts.

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Transport de marchandises de 500 tonnes sur près de 660 km (entre Juvisy-sur-Orge – 91260 et Saint-Jory - 31790)

0

2 000

4 000

6 000

8 000

10 000

12 000

14 000

PL Fer

Prélèvements Coût marginal usage infra Congestion Bruit Pollution CO2 Insecurité

Source : UTP, note économique « les effets externes du domaine des transports », juin 2017

Dans ce contexte, deux solutions peuvent être envisagées :

- Une taxation renforcée du transport routier de marchandises ; l’échec de l’écotaxe doit conduire à envisager des dispositifs différents, concentrés autant que possible sur les zones les plus sensibles en termes de congestion et de pollution ;

- Un maintien de la sous tarification actuelle du fret ferroviaire, qui pourrait être justifié par la sous-tarification du transport routier de marchandises, comme le prévoit la directive 2012-34 (article 34).

: En l’absence d’une tarification kilométrique pour les poids lourds, à un niveau suffisant pour couvrir ses coûts externes dans les zones les plus polluées et congestionnées, les péages fret devraient être maintenus à un niveau inférieur au coût marginal, ajusté à la sous-tarification des autres modes, comme le permet la directive 2012/34.

« Normaliser » Fret SNCF L’État a procédé en 2005 à une recapitalisation de Fret SNCF à hauteur de 1,4 milliard d’euros, dans la perspective de l’ouverture à la concurrence. La Commission Européenne a accepté cette recapitalisation en contrepartie d’un plan de restructuration de l’activité, sous la condition d’un retour à l’équilibre à un horizon de 10 ans. Malgré l’importance des efforts d’adaptation et de réorganisation qu’a consentis depuis cette date Fret SNCF (réduction des effectifs de 15 000 agents en 2008 à 7 400 en 2015 ; cession de la majeure partie du parc de locomotives à Akiem ; réduction de l’activité de 700 000 wagons chargés en 2005 à 150 000 en 2014, etc.), le résultat reste négatif (-314 M€ en 2016).

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Le poids de la dette accumulée (4,3 milliards d’euros en 2016) explique en partie ce résultat61. Néanmoins, comme le souligne la Cour des Comptes62, la marge opérationnelle reste elle-même négative. La tendance à l’amélioration observée depuis 2010 s’est interrompue en 2016, sous l’effet d’une conjoncture peu favorable. Au total, depuis 2005, sa dette a plus que doublé. Les engagements pris auprès de la Commission Européenne ne sont donc pas tenus, et celle-ci exigera certainement une filialisation de Fret SNCF. Cette filialisation doit s’inscrire dans une perspective de « normalisation » de Fret SNCF. Le préalable est donc un retour à l’équilibre, avec une marge opérationnelle positive (elle était de -130 M€ en 2016). Plusieurs évolutions doivent donc être engagées ou poursuivies :

- L’amélioration de l’efficacité industrielle (améliorer le remplissage des trains par une refonte des processus industriels, et notamment des systèmes d’information);

- La réduction des coûts de structure, qui demeurent trop élevés ;

- La maîtrise des coûts salariaux (cf. infra).

Sur cette base une recapitalisation pourra être envisagée : la dette de Fret SNCF pourrait être en grande partie reprise par SNCF Mobilités, dont la structure financière est saine et qui est en mesure de supporter cette dette sans perdre ses capacités de développement. L’activité ainsi redressée pourrait alors être filialisée. Comme le souligne la Cour des Comptes dans son récent référé63, il est préoccupant que l’ARAFER ait refusé à deux reprises de valider le référentiel comptable de SNCF Mobilités (considérant notamment que le taux de charges financières appliqué par SNCF Mobilités à cette activité n’est pas conforme aux exigences d’un environnement concurrentiel). L’approbation de ce référentiel semble être un préalable au regard des exigences du droit communautaire.

: Recapitaliser et filialiser Fret SNCF, dès lors que la restructuration de l’activité aura été achevée et aura permis un retour à l’équilibre opérationnel.

Faut-il réduire le niveau des péages des TGV ? Le cumul d’une hausse continue des péages et d’une conjoncture économique maussade a conduit la SNCF à partir de 2013 à adapter son modèle économique, en recherchant notamment la standardisation du parc de rames TGV (avec uniquement des rames à deux niveaux dès 2019) et une utilisation optimale de ses rames. En partant d’un parc de 460 rames en 2012, déjà ramené à 415 rames en 2017, l’objectif est d’opérer avec un parc de seulement 302 rames à l’horizon 2027.

61 Il convient de souligner que Fret SNCF ne bénéficie pas, malgré son intégration à l’EPIC SNCF Mobilités, de taux d’intérêts proches de ceux de l’Etat. Les facturations internes à l’EPIC conduisent à lui appliquer un taux de marché. L’ARAFER considère néanmoins que ce taux est trop bas. 62 Référé du 3 juillet 2017 « La situation du transport ferroviaire de marchandises par le groupe SNCF Mobilités ». 63 Op.cit.

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Cette diminution est obtenue grâce à l’augmentation de la capacité des rames, mais surtout à une augmentation de la durée quotidienne de circulation des rames (aujourd’hui un peu supérieure à 6 heures, elle devrait atteindre 8 heures en situation cible). D’après SNCF Mobilités, ces orientations permettront :

- De réduire les effectifs de 3,5% par an

- De réduire le coût du siège kilomètre hors péages et hors loyers du matériel roulant de 11%,

- D’améliorer la profitabilité hors péages de 6,7 points.

Mettre en place une offre TGV low cost = OUIGO En avril 2013, la SNCF a lancé son offre low cost à grande vitesse. Les principes en sont simples :

- Une densification des cabines jusqu’à 634 places, soit 25% de sièges supplémentaires par rapport à une rame classique ;

- Une optimisation du temps d’utilisation des rames qui atteint 12 heures par jour. Cette optimisation est obtenue grâce à une desserte quasi exclusive sur lignes à grande vitesse et à une maintenance des rames assurée la nuit ;

- Une distribution exclusivement « on line » réduisant les coûts commerciaux ;

- A l’origine, l’utilisation des gares de Massy et de Marne-la-Vallée afin de réduire le montant des péages acquittés à SNCF Réseau.

L’ensemble de ces éléments conduit à une baisse de moitié des coûts au siège kilomètre offert. Le succès commercial de cette offre a été immédiat, et SNCF Mobilités a décidé d’offrir ce service low cost au départ de la gare de Lyon et de la gare Montparnasse, avec l’ambition de desservir en 2020, trente destinations et de transporter 25 millions de voyageurs. Par cette politique, SNCF Mobilités vise plusieurs objectifs :

- Quelques années avant l’ouverture du marché à la concurrence, elle occupe le segment du low cost rendant plus difficile voire impossible à un nouvel entrant de se positionner sur ce segment de marché ;

- Elle riposte à l’agressivité tarifaire des compagnies aériennes low cost, des cars « Macron » ou des plates-formes de partage de voitures ; le succès commercial de son offre montre que le train est capable de conquérir ou de reconquérir une clientèle sensible au niveau des prix proposés ; l’effet d’induction de trafic du modèle low cost est très élevé ;

- Elle rebâtit sur un quart de son offre un modèle TGV optimisé ne circulant que sur lignes à grande vitesse et échappant aux contraintes de service public qui alourdissent ses coûts ;

- La seule réserve possible est celle concernant la rentabilité de cette offre qui aujourd’hui ne semble pas encore assurée, le coût au siège kilomètre offert demeurant supérieur au revenu au siège kilomètre offert.

Cette non rentabilité est sans doute acceptable s’agissant du lancement d’une nouvelle offre commerciale avec des tarifs d’appel très agressifs, mais il est évident que ces tarifs devront être progressivement réajustés pour assurer la rentabilité de cette offre nouvelle. Il convient également de maîtriser le risque de dilution de la recette de l’offre TGV classique.

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L’optimisation de la recette par train La SNCF, dès le début des années 1990, a utilisé pour les TGV, les outils de « revenue management » et de « pricing » mis au point dans le transport aérien : l’inventaire et l’outil de prévisions et d’optimisation. L’inventaire donne en temps réel les places disponibles à la vente sur chaque train en fonction de l’origine – destination, de la date et de la classe de réservation. Cette fonction peut sembler très simple mais l’inventaire est au cœur des systèmes de ventes et est connecté à tous les autres systèmes de l’entreprise, comme par exemple le programme, les configurations physiques des trains, le système de prix et les systèmes de ventes, tant directs, qu’indirects. C’est donc un système complexe qui doit fonctionner en permanence. Les outils de prévisions et d’optimisation se basent sur les courbes de montées en charge des ventes observées sur chaque train et sur les paramétrages de prévision de la demande établis par les analystes du revenue management. Une fois ces prévisions de demandes faites, l’outil réalise la meilleure allocation possible des places pour optimiser le chiffre d’affaires de chaque train en fonction d’hypothèses de protection des places déclarées provisoirement non disponibles à la vente pour les vendre à des clients payant plus cher mais réservant plus tard que les clients recherchant des prix bas. Ces outils de prévision et d’optimisation doivent rebalayer chaque jour l’ensemble de l’offre disponible à la vente pour la réactualiser. La SNCF est à juste titre créditée d’une excellente maîtrise dans la gestion des outils de revenue management, liée à l’ancienneté – plus de 25 ans – de leur usage. Néanmoins, la SNCF n’évolue pas dans un système concurrentiel intra modal, et n’est pas en mesure de comparer ses résultats à ceux de ses concurrents. Des marges d’amélioration des recettes de la SNCF semblent de fait possibles. Concernant d’abord l’outil de base qu’est l’inventaire, le TGV dispose d’un inventaire maison, qui a plusieurs dizaines d’années et qui fonctionne seulement en segment et non en origine destination64. Cette impossibilité de tarification à l’origine-destination est à l’évidence un obstacle à l’optimisation de la recette. Par ailleurs, comme tous les systèmes très anciens, cet inventaire manque de souplesse lorsqu’il faut introduire des modifications importantes telles que de nouvelles clauses de réservation ou de nouveaux tarifs. Cet inventaire est donc un frein à la souplesse commerciale nécessaire, notamment lorsque des concurrents seront présents et qu’il faudra rapidement prendre de nouvelles décisions tarifaires pour une route donnée65. Concernant les outils de prévision et d’optimisation, il semble que la SNCF soit dans ce domaine assez loin d’utiliser un système réellement performant. Là encore la SNCF devrait mettre rapidement à l’étude la mise en place d’un véritable logiciel de prévisions et d’optimisation. Enfin sur la partie « pricing » la totalité des grilles publiques accessibles à tous est en aller simple. Les tarifs aller-retour n’existent que pour les abonnés en carte week-end. Les mêmes tarifs s’appliquent donc aussi bien à la clientèle Affaires qu’à la clientèle Loisirs. Ainsi, lorsque SNCF Mobilités souhaite protéger ses recettes Affaires sur ses trains les plus demandés par des clients Affaires, elle est obligée de monter ses prix de manière équivalente pour les clients Affaires et pour les clients Loisirs.

64 Cela signifie que sur un train effectuant le trajet Paris-Lyon-Marseille, si l’on souhaite monter les prix sur l’origine-destination Paris-Marseille, il faut d’abord monter les prix sur le segment Paris-Lyon puis sur le segment Lyon-Marseille ; or ces deux segments sont différents avec un premier segment plutôt affaires et un deuxième segment plutôt loisirs et donc avec des saisonnalités et des courbes de prix différentes. 65 Il convient d’ailleurs de souligner que Ouigo a récemment adopté un outil très récent.

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Ainsi sur certains TGV en horaire de pointe Affaires, les prix sont élevés alors même que ces TGV Affaires ne sont pas pleins. Le TGV a donc très souvent une image de cherté alors qu’il suffirait d’introduire des tarifs en aller-retour avec une condition de séjour sur place dissuasive pour les clients Affaires pour pouvoir offrir des tarifs attractifs à la clientèle Loisirs et en même temps modifier l’image de cherté du train et augmenter la recette globale de chaque train. Par ailleurs, il existe aujourd’hui un prix maximum en seconde classe qui est homologué par l’Etat ; le système de prix maximum dont on a du mal à comprendre ce qui le justifie aujourd’hui deviendra franchement incongru dans un système de concurrence. Il est probable que ce système de prix maximum pèse sur la rentabilité des lignes, même si sur ce sujet les avis divergent au sein de la SNCF. Il faudrait à tout le moins s’affranchir de ce système de prix maximum sur par exemple la ligne Paris-Lyon-Marseille et mesurer quel serait l’impact sur la rentabilité des lignes. L’ensemble de ces évolutions permettrait sans doute une augmentation des recettes de 200 millions d’euros.

Faut-il réduire le niveau des péages pour restaurer la rentabilité du TGV ?

Le tableau ci-après met en évidence une stabilisation du montant des péages de 2013 à 2019 due à une faible indexation, mais aussi à une diminution progressive de la circulation des trains. La trajectoire de péages prévue au contrat de performance 2017-2026 de SNCF Réseau prévoit, à partir de 2020, une indexation plus élevée atteignant même3,6% en fin de période. Par ailleurs, le montant des péages payés à la société Sud Europe Atlantique (SEA) augmentera très rapidement, passant de 250 millions d’euros en 2018 à 386 millions d’euros en 2026, en raison d’un niveau d’indexation annuel supérieur à 5%.

Evolution des péages d’infrastructures pour le TGV (2008-2016 constatés ; 2017-2027 prévisionnels66, en Mds€)

Source : SNCF Mobilités

66 Augmentations prévues dans le contrat pluriannuel conclu entre l’Etat et SNCF Réseau pour les dix prochaines années, sous réserve de l’évolution des trafics et des avis conformes annuels de l’ARAFER.

1,21,3

1,4

1,6 1,71,8 1,8 1,8 1,8

1,9

2,1 2,2 2,22,3

2,42,5

2,62,7

2,82,9

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

3,5

2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 9+3

2017

B2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027

Péages TGV Dom. + Europe EPIC (hors Lisea) Péages Lisea (SEA)

x 2,5

x 1,5

x 1,6

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En dépit de ces efforts, SNCF Voyages considère que la poursuite de la hausse des péages qui selon le contrat pluriannuel entre l’Etat et SNCF Réseau augmenteraient de 970 millions d’euros, soit 50% sur la période 2017-2027 ne lui permettra pas d’atteindre un niveau de rentabilité suffisant pour justifier le renouvellement de son parc de rames TGV. Elle a donc demandé en 2017 une baisse de plus de 600 millions d’euros de ses péages. Compte tenu de la forte amélioration des résultats économiques de l’activité TGV enregistrée en 2017 (marge opérationnelle de 795 millions d’euros à comparer aux 537 millions d’euros de 2016), SNCF Mobilités a ramené sa demande de baisse des péages à 300 millions d’euros. Pour compenser cette perte de recettes de SNCF Réseau, elle a suggéré que le pourcentage du résultat net récurrent de SNCF Mobilités affecté chaque année à SNCF Réseau, et fixé dans le contrat pluriannuel entre l’Etat et SNCF Réseau à 40%, soit augmenté. Les prévisions transmises par SNCF Mobilités montrent que la marge opérationnelle devrait rester à un niveau satisfaisant jusqu’en 2022. Elle ne déclinerait qu’à partir de 2022, compte tenu des hypothèses que la SNCF retient sur l’effet de l’ouverture à la concurrence en open access67. En conséquence sur les 5 prochaines années (2018-2022), les cash flow couvriraient tous les besoins de financement des investissements significatifs (acquisition de nouvelles rames et opérations lourdes de rénovation des rames existantes) et dégageraient même un cash flow libre cumulé sur la période. En revanche après 2022, les cash flow générés ne suffiraient plus à assurer le financement des investissements et seraient légèrement négatifs. Pourquoi, compte tenu de ces données, la SNCF continue-t-elle à soutenir que les TGV ne sont pas rentables ? C’est parce qu’elle considère que ses coûts directs d’exploitation et ses amortissements doivent être couverts par ses recettes commerciales, ce qui est largement le cas mais que doit s’y ajouter une rémunération du capital employé sur la base d’un coût moyen pondéré du capital Weighted Average Cost of Capital (WACC) normé à 8,5% après impôt. A l’issue de cet examen, une première observation s’impose sur le montant du coût moyen pondéré du capital de 8,5% après impôts fixé il y a 10 ans et non révisé depuis lors. La mission n’a pas compétence pour proposer d’y substituer un nouveau niveau de WACC mais elle recommande qu’il soit réestimé, compte tenu de la forte baisse du prix de l’argent intervenue depuis la date de sa fixation. Une baisse d’un point du niveau du WACC diminuerait d’environ 100 millions d’euros le niveau de rémunération du capital aujourd’hui calculé. Le maintien à son niveau actuel pourrait conduire à des estimations biaisées de la rentabilité de SNCF Voyages et conduire à des conclusions inappropriées. Il faut noter que le niveau de WACC retenu :

- Par les chemins de fer italiens est de 4,7% après impôt,

- Par les chemins de fer allemands est de 5,1% après impôt,

et que les commissaires aux comptes de SNCF Mobilités dans leur dernier rapport le situe dans une fourchette comprise entre 6,6% et 8,4%.

67 L’hypothèse faite par SNCF Mobilités est une entrée sur trois lignes clés, entrainant pour SNCF Voyages une baisse de 20% du prix moyen des voyages sur ces lignes et une perte de parts de marchés de 15%.

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Pour conclure, la mission suggère de ne pas réviser à la baisse jusqu’en 2022 le montant des péages payés par SNCF Voyages à SNCF Réseau en prenant en compte les éléments suivants :

Il est d’abord rappelé que la mission propose de revoir à la baisse le niveau d’indexation des péages et de le fixer à 2% par an à partir de 2020, ce qui sur l’ensemble de la période 2020-2026 conduirait à un montant cumulé de réduction des péages pour les TGV d’environ 800 millions d’euros ;

- Compte tenu de la situation du réseau ferroviaire, priorité doit être donnée à sa modernisation qui demandera un effort d’investissement maintenu sur le long terme. Il serait paradoxal de diminuer les ressources de SNCF Réseau alors que cette priorité est clairement identifiée et que selon les premières estimations, qui devront être précisées, SNCF Voyages ne paie pas aujourd’hui à SNCF Réseau des péages supérieurs au coût complet du réseau qu’elle utilise ;

- Pendant les cinq prochaines années (2018-2022), SNCF Voyages est en mesure de financer l’ensemble de ses investissements par le résultat de ses opérations sans recourir à l’endettement et même en dégageant un cash flow libre significatif ;

- Après 2022, et en fonction du résultat connu de l’ouverture du marché en « open access », il conviendra peut être de réviser la structure des péages pour préserver le maintien de dessertes d’aménagement du territoire déficitaires et dont le maintien ne pourrait plus être assuré par une péréquation entre lignes rentables et non rentables.

: Réévaluer la trajectoire de péages de SNCF Réseau au-delà de 2020 au regard des perspectives d’ouverture à la concurrence, en veillant à sa soutenabilité par le marché ; réévaluer parallèlement le coût moyen pondéré du capital retenu pour les décisions d’investissements et les tests de valeur.

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L’ouverture à la concurrence, une opportunité pour le système ferroviaire

L’ouverture à la concurrence doit être l’occasion de moderniser le rail et de rendre ce mode plus compétitif. La réussite de l’ouverture se mesurera à l’amélioration de la qualité de service, à la diversification des services proposés aux voyageurs et à la baisse des coûts pour les usagers et les finances publiques. Le quatrième paquet ferroviaire a fixé les dates de l’ouverture à la concurrence des marchés nationaux du transport ferroviaire de voyageurs : à partir de janvier 2019 pour les services non conventionnés (pour des circulations effectives à partir de décembre 2020) et à partir de décembre 2019 pour les services conventionnés. Entre décembre 2019 et décembre 2023, les autorités compétentes auront le libre choix de l’attribution directe ou de la mise en concurrence des contrats de service public. L’Etat étant autorité compétente aux côtés des régions, il pourra limiter ce choix s’il le souhaite. Le droit français dispose que l’ensemble des services de transport ferroviaire de personnes sont exploités par SNCF Mobilités68. Même si le droit européen prévoit depuis de nombreuses années la possibilité de mettre en concurrence l’attribution des contrats de service public de transport ferroviaire, une ouverture complète du transport de voyageurs par chemin de fer supposera une modification du droit national. Le quatrième paquet ferroviaire doit être transposé en droit français avant le 25 décembre 2018, ce qui laisse un délai court pour l’élaboration et l’adoption d’une loi, qui devra prévoir la fin du monopole de SNCF Mobilités sur le transport de voyageurs domestique, préciser les modalités d’ouverture pour le transport de voyageurs non conventionné et pour le transport conventionné, et préciser enfin les règles applicables pour ce dernier entre le 3 décembre 2019 et le 25 décembre 2023. Elle devra également préciser les droits du personnel transférés dans le cadre des services conventionnés, et éventuellement ajuster l’organisation du système ferroviaire si cela est nécessaire au bon fonctionnement de la concurrence. Les sénateurs Maurey et Nègre ont déposé en septembre 2017 une proposition de loi qui a été élaborée sur la base des travaux menés depuis 10 ans dans plusieurs instances (rapport Grignon, rapport Abraham…) et après des concertations avec tous les protagonistes. Les recommandations ci-après s’inspirent de cette proposition, et visent à la préciser et à la compléter autant que possible.

68 L’article L. 2121-4 du Code des transports indique que les services régionaux font l’objet d’une convention entre les Régions, qui sont autorités organisatrices (article L. 2121-3 du Code), et la SNCF. L’article L. 2141-1 du Code prévoit que la SNCF est chargée de l’exploitation des services de transport ferroviaire de personnes sur le réseau ferré national. La seule exception à ce monopole légal de la SNCF concerne les dessertes en cabotage réalisées à l’occasion d’une liaison internationale librement organisée par une entreprise ferroviaire.

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Les modalités d’ouverture des transports régionaux

Une ouverture progressive à partir de 2019

Le quatrième paquet ferroviaire impose au-delà de décembre 2023 la mise en concurrence des services conventionnés, régionaux ou nationaux, en dehors d’exceptions bien identifiées. Entre décembre 2019 et décembre 2023, les autorités compétentes auront le libre choix de l’attribution directe ou de la mise en concurrence des contrats de service public. L’Etat français a la possibilité, en s’appuyant sur un considérant qu’il a fait ajouter au règlement européen relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route (dit règlement OSP), d’apporter des limites à la liberté de choix des autorités régionales entre 2019 et 2023. Sur ce point, il convient de souligner que tous les acteurs que la mission a rencontrés sont favorables à une ouverture progressive pour ne pas déstabiliser l’activité de SNCF Mobilités et permettre aux différents intervenants de s’approprier progressivement les modalités de la mise en œuvre de ce nouveau principe de concurrence. Les avis divergent sur le choix de mettre fin à l’attribution directe des services conventionnés de la SNCF en 2019 ou de prévoir par la loi que cette attribution directe perdure jusqu’en 2023 mais que les autorités compétentes peuvent dès 2019, par exception, attribuer une partie des services à d’autres entreprises ferroviaires par mise en concurrence. Certaines parties prenantes préconisent en outre de prévoir une limite au volume de l’activité que les autorités régionales pourraient attribuer par une mise en concurrence. En ne mettant pas de limite, L’Etat laisserait aux régions plus de marges de manœuvre et donc une plus grande force de négociation avec la SNCF sur les modalités de l’ouverture. Une limite légale aurait pour principal avantage de rassurer et d’affirmer la volonté publique de garantir la progressivité de la réforme. Les régions sont des collectivités autonomes et il n’apparaît pas nécessaire que la loi limite leurs possibilités de mettre en concurrence les services qu’elles organisent. L’ouverture à la concurrence des services d’intérêt régional doit se faire de manière pragmatique et adaptée au contexte local. La fixation d’une limite serait un choix arbitraire difficile à justifier de la part de l’Etat alors même que chaque région peut établir selon le contexte local, le rythme de mise en œuvre de l’ouverture à la concurrence. Les régions pourront, au-delà de 2023 utiliser la possibilité ouverte par le règlement OSP pour échelonner l’ouverture afin de ne pas être confrontées à la gestion d’un trop grand nombre d’appels d’offres simultanés. Les transports ferroviaires en Ile-de-France sont d’une complexité qu’on ne rencontre nulle-part ailleurs. Ils sont un élément vital du fonctionnement de la métropole qui mérite une grande prudence. La loi n° 2009-1503 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires a déjà confié à la RATP jusqu’en 2039 l’exécution des services ferroviaires existants en 2009 et en particulier les RER A et B co-exploités avec SNCF Mobilités. Pour la cohérence entre les règles appliquées à la RATP et la SNCF, il y a lieu que la loi confie à SNCF Mobilités jusqu’en 2039 l’exploitation des RER A et B. Les RER C, D & E, qui chacun transporte plus de 300 000 voyageurs par jour méritent également un délai plus important et la loi devrait confier leur exploitation à SNCF Mobilités jusqu’en 2033. En ce qui concerne les autres lignes du Transilien qui toutes ensemble transportent plus d’un million de voyageurs par jour, il reviendra à Ile-de-France Mobilités de prévoir un échéancier de mise en concurrence compatible avec ses capacités d’organisation et les possibilités du marché, entre 2019 et 2033.

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Enfin il ne semble pas nécessaire de préciser, par voie législative ou réglementaire, les dispositions du règlement OSP, en termes de durée minimale ou maximale, de taille minimale ou maximale, de forme du contrat (concession de service public ou marché public).

: Ouvrir à la concurrence les services de transports d’intérêt régional, à partir de 2023, selon les modalités prévues par le règlement européen sur les obligations de service public ; jusqu’à 2023, l’attribution directe à la SNCF demeurera la règle, les régions pouvant, par exception, attribuer une partie des services à un nouvel entrant en procédant par appel d’offres.

: Compte tenu de leur spécificité, ouvrir progressivement les services de transports d’intérêt régional franciliens, en prévoyant par la loi : de confier à SNCF Mobilités jusqu’en 2039 l’exploitation des RER A et B en coordination avec la RATP ; de confier à SNCF Mobilités jusqu’en 2033 l’exploitation des RER C, D & E. Les autres lignes existantes seront mises en concurrence par Ile-de-France Mobilités entre 2019 et 2033.

Communication des données par la SNCF pour l’organisation des appels d’offres

La transmission par SNCF Mobilités des informations utiles dans le cadre de l’ouverture à la concurrence est un sujet majeur sur lequel les positions des différentes parties prenantes ne sont pas alignées. Il convient de distinguer trois sujets :

- L’information de l’Autorité organisatrice par l’entreprise ferroviaire sur son activité dans le cadre de la convention passée ; celle-ci est déjà encadrée par l'article L. 2141-11 du Code des transports et l’article 18 du décret 2016/327 (qui détaille la liste des données qui doivent figurer dans le rapport annuel de SNCF Mobilités à l’Autorité Organisatrice de Transport) ; les régions considèrent que SNCF Mobilités n’applique aujourd’hui pas la règlementation de manière satisfaisante ;

- La transmission par SNCF Mobilités et SNCF Réseau des données sur la situation existante pour alimenter le cahier des charges de la consultation et permettre aux entreprises ferroviaires candidates de formuler une offre ;

- L’information par SNCF Mobilités de l’entreprise retenue pour l’exécution des services lorsque des services aujourd’hui assurés par SNCF Mobilités seront confiés à un nouvel opérateur.

Les candidats potentiels et les régions insistent sur l’importance de la communication de données précises sur la fréquentation, la qualité de service, les personnels transférés, le matériel roulant, l’organisation de l’exploitation et de la maintenance, les contrats avec des sous-traitants. La SNCF considère que certaines données relèvent du secret des affaires et qu’elles ne sont pas nécessaires aux entreprises candidates.

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Le secret commercial ne doit pas pouvoir justifier que la région ne puisse recevoir une information utile à sa mission, et les régions doivent pour leur part prendre les dispositions nécessaires à la préservation des données confidentielles. La réglementation doit aussi prévoir que la SNCF transmette les informations nécessaires à l’entreprise retenue pour l’exécution des services, sous le contrôle de l’ARAFER. Il y aurait lieu de prévoir dans la loi que, pour les besoins de la rédaction du cahier des charges de l’appel d’offres d’une part et pour l’information de l’entreprise désignée qui se prépare à reprendre l’exploitation d’autre part, la SNCF transmette un ensemble de données établi dans un décret dont l’ARAFER serait chargée d’expliciter les conditions d’application et de contrôler la mise en œuvre en arbitrant les différends qui pourrait surgir entre régions, SNCF et entreprises ferroviaires candidates.

: Prévoir la transmission à l’autorité compétente des données nécessaires à l’organisation des appels d’offres. La liste des informations à transmettre sera fixée par décret et l’ARAFER chargée d’en préciser et d’en contrôler la mise en œuvre.

Matériel roulant Le matériel roulant utilisé pour l’exécution des services transférés à un autre opérateur doit être cédé à l’autorité compétente si elle en fait la demande. La transaction doit avoir pour contrepartie le payement par la région à SNCF Mobilités de la valeur nette comptable. La région a en effet financé les matériels roulant par des subventions d’investissement ou au travers de la compensation des amortissements et des frais financiers. Lorsque les matériels sont vétustes ou si l’autorité compétente choisit de les renouveler à l’occasion de la nouvelle convention, SNCF Mobilités doit prendre en charge leur réemploi ou leur destruction. La règlementation lui interdit de céder les matériels amiantés. SNCF Mobilités a inscrit dans les comptes de l’activité TER des provisions pour le démantèlement des matériels amiantés et considère que ces provisions sont une juste évaluation du coût de traitement. Ces provisions sont des charges que les compensations régionales sont réputées avoir couvertes dès lors que les compensations régionales comprennent une marge pour risque et aléas destinée à faire face à ce type de charge. Pour améliorer l’homogénéité du parc de matériel transféré, l’autorité compétente peut demander à SNCF Mobilités d’adapter l’utilisation des matériels avant la reprise par le nouvel opérateur et d’affecter aux services transférés des véhicules en partie différents de ceux qui étaient initialement utilisés.

: Prévoir la cession à l’autorité compétente, si elle en fait la demande, du matériel roulant utilisé pour l’exécution des services mis en concurrence.

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Maintenance du matériel Les autorités compétentes doivent pourvoir récupérer de plein droit la propriété des ateliers majoritairement affectés à l’entretien des matériels roulants transférés pour les confier à l’entreprise retenue suite à la mise en concurrence. La maintenance du matériel est un sujet qui ne peut pas être réglé par des principes généraux mais demande la construction de solutions au cas par cas sous le contrôle de l’autorité organisatrice et en tenant compte des propositions de SNCF Mobilités. SNCF Mobilités s’est dite prête à envisager d’effectuer la maintenance d’une autre entreprise en sous-traitance. Les entreprises ferroviaires membres de l’Association Française du Rail (AFRA) et de European Passenger Transport Operator (EPTO) ont indiqué qu’elles privilégiaient le choix d’effectuer la maintenance par elles-mêmes et qu’il était possible de répartir les voies d’un atelier entre plusieurs entreprises ferroviaires. Il est néanmoins nécessaire que la loi donne à la région la capacité de reprendre la propriété d’un atelier si cela concourt à la solution qu’elle a élaborée. Les ateliers de maintenance sont des installations de service susceptibles d’être qualifiés de facilités essentielles. Les différends sur l’accès à ces ateliers pourront donc être arbitrés par l’ARAFER. Les entreprises ferroviaires consultées ne souhaitent pas prévoir une autre régulation pour la maintenance.

: Prévoir la cession à l’autorité compétente, si elle en fait la demande, des ateliers majoritairement affectés à l’entretien du matériel roulant utilisé pour l’exécution des services mis en concurrence. Le prix de cession est à la valeur nette comptable.

Billettique et distribution Le système billettique et de distribution régional permet de vendre les titres de transport régionaux dans les gares et les haltes ferroviaires et il permet la vente des titres régionaux par d’autres services de distributions de SNCF Mobilités ou des agences de voyages. Ce système comporte aussi un logiciel de répartition des recettes de la vente des titres entre les services ferroviaires qui seront demain réalisés par des entreprises différentes. Le système billettique et de distribution actuel, mis en œuvre par SNCF Mobilités, paraît à court terme le seul à pouvoir assurer cette fonction sans occasionner de surcoût important. Plusieurs régions travaillent au déploiement de systèmes billettiques et de distribution multimodaux régionaux mais ces systèmes ne seront pas capables de remplacer le système de SNCF Mobilités avant plusieurs années. Dans cette attente, l’utilisation du système existant est la seule option permettant sans surcoût important de maintenir la possibilité d’acheter en gares et en ligne des billets combinant les services de deux entreprises ferroviaires différentes. SNCF Mobilités, dans le cadre de la convention passée avec la région, doit permettre que son système billettique et de distribution vende les titres intégrant les services des autres entreprises ferroviaires régionales dans des conditions assurant l’équité de traitement.

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Les autorités compétentes n’auront pas l’obligation d’utiliser indéfiniment les services de billettique et de distribution de la SNCF. Néanmoins, en Grande-Bretagne et en Allemagne, il a été jugé nécessaire de disposer d’un système national permettant de vendre les titres de transport ferroviaire au travers d’un système unifié. Le sujet du système billettique et de distribution régional mérite un travail complémentaire entre les régions, SNCF Mobilités, Gares & Connexions et l’ARAFER.

: Au cours de la période transitoire 2019-2023, et dans le cadre des conventions passées entre SNCF Mobilités et les régions, garantir l’ouverture du système billettique et de distribution de la SNCF aux autres entreprises régionales dans des conditions assurant l’équité de traitement.

Les modalités d’ouverture du transport longue distance L’ouverture à la concurrence pour les services non conventionnés prendra effet en décembre 2020, les entreprises ferroviaires pouvant demander de réserver des sillons à compter du 1er janvier 2019. Il convient donc d’en préciser les modalités d’ouverture.

Concurrence « dans le marché » ou « pour le marché » ? Deux formes d’organisation de la concurrence peuvent être envisagées :

- « Dans le marché », en accès libre, ou

- « Pour le marché », dans le cadre d’un conventionnement avec une autorité organisatrice.

La concurrence « dans le marché » est caractérisée par un accès libre à l’infrastructure pour toute entreprise ferroviaire. Les entreprises ferroviaires sont, dans ce cas, en compétition les unes avec les autres et déterminent librement la consistance de leur offre (politique de prix, dessertes, fréquences, nature du matériel roulant, services à bord,…). La concurrence dans le marché peut être effective, avec la présence de plusieurs opérateurs économiques en compétition sur le même segment de marché, ou potentielle, avec la présence d’une seule entreprise mais la possibilité pour tout opérateur d’entrer à tout moment sur le marché (marché « contestable »). Les avantages de la concurrence dans le marché sont principalement liés au fait qu’elle laisse de larges marges de manœuvre à l’initiative et à l’innovation. Elle crée des incitations à réduire les prix et les coûts, à améliorer la qualité de service, à satisfaire les clients. Du point de vue de l’Etat, elle est simple à mettre en œuvre.

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La concurrence dans le marché présente néanmoins plusieurs inconvénients :

- Une moindre coordination de l’offre des différents entreprises ferroviaires (pas d’unité tarifaire, des correspondances moins organisées,…) ;

- Un risque d’instabilité de l’offre (les entreprises ferroviaires adaptant les services pour optimiser la rentabilité) ;

- Un risque de moindre efficacité (si le marché n’est pas de taille suffisante pour permettre à deux entreprises ferroviaires d’opérer efficacement, compte tenu des économies d’échelle) ;

- Un « écrémage » du marché par les nouveaux entrants, qui peut remettre en cause les péréquations internes au transporteur historique et compromettre le maintien en exploitation de certaines liaisons69 ;

- Des contraintes sur la tarification d’infrastructure, compte tenu des dispositions de la directive 2012/34, en termes de structure70 et de niveau71 ; les mécanismes de répartition des capacités sont également plus complexes que dans le cas d’une concurrence pour le marché (cf. infra).

La concurrence « pour le marché » est caractérisée par l’exploitation de services ferroviaires dans le cadre de contrats de service public (franchises). Ces contrats, attribués par appel d’offres, donnent des droits exclusifs à leur titulaire sur un segment de marché donné, pour une offre définie et sur une durée limitée. Ce mode d’organisation, où une autorité compétente décide l’offre de services, est naturel pour les services de transport non rentables mais peut également concerner des services rentables. L’autorité organisatrice peut aussi associer des lignes rentables à des lignes non rentables qui seront alors financées par péréquation. Les avantages de la concurrence pour le marché sont liés à la maîtrise de l’offre par l’autorité organisatrice et à la position de monopole de l’entreprise ferroviaire : minimisation du coût pour les finances publiques, grâce aux péréquations internes, stabilité de l’offre, et possibilité pour l’autorité organisatrice de coordonner plusieurs services conventionnés en termes de politique tarifaire, de marketing, de vente de billet, de grilles horaires et d’information des voyageurs. La concurrence « pour le marché » présente néanmoins des inconvénients majeurs : la concurrence ne s’exerce principalement que lors du renouvellement des contrats ; le reste du temps il y a peu de pression concurrentielle et le maintien de la qualité de service, notamment, repose sur la bonne gouvernance du contrat par l’autorité organisatrice.

69 Aujourd’hui la position de monopole de SNCF Mobilités lui permet de dégager des marges importantes sur les lignes les plus rentables. Ces marges sont utilisées pour financer, par péréquation interne, les liaisons déficitaires. En situation d’ouverture à la concurrence dans le marché, les nouveaux entrants s’attaqueront en priorité aux liaisons les plus rentables (stratégie dite d’« écrémage »). De fait la concurrence sur ces liaisons fera baisser les prix, et les marges de l’opérateur historique disparaîtront. 70 Les tarifications de type « binôme », articulant un tarif variable en fonction des trafics avec un forfait de couverture des coûts fixes, tel que la redevance d’accès payée par les activités conventionnées, ne sont pas envisageables en open access. 71 La directive prévoit que les redevances au-delà du coût directement imputable doivent être ajustées en fonction « du marché ». Or la concurrence frontale entre deux entreprises ferroviaires est de nature à dégrader la rentabilité du marché, donc à imposer une baisse des péages. L’exemple italien est significatif : devant les difficultés économiques du nouvel entrant, NTV, le régulateur italien a imposé au gestionnaire d’infrastructures une baisse des péages de 40%. La perte de recettes a été en partie compensée par une hausse des péages pour les autres activités (notamment le transport régional).

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De ce fait, l’organisation de cette forme de concurrence est complexe et engendre des coûts importants pour l’autorité organisatrice72. Elle nécessite par ailleurs de mettre en place des mécanismes de transfert des matériels roulants et des personnels lors du renouvellement du contrat, ce qui peut être un facteur d’inefficacité73. Des combinaisons de concurrence « pour » et « dans » le marché sont envisageables : ainsi en Grande-Bretagne des services en open access sont possibles parallèlement aux franchises, même s’ils demeurent très minoritaires ; de même certains services longue distance peuvent être conventionnés sur un marché majoritairement ouvert en open access. Le choix des modalités d’ouverture à la concurrence n’est pas sans conséquence sur l’opérateur historique : la concurrence « pour le marché » peut se traduire par une perte de parts de marché massive et brutale pour l’opérateur historique, alors qu’une ouverture en open access pourra être plus progressive. Il convient de souligner que dans le seul exemple de concurrence majoritairement « pour le marché » du transport longue distance, en Grande-Bretagne, l’opérateur historique a été préalablement démantelé. La quasi-totalité des acteurs rencontrés par la mission s’est prononcée en faveur d’une ouverture des services TGV « dans le marché », en open access. Une étude récente suggère par ailleurs que le marché français de la grande vitesse est probablement un des seuls en Europe où cette forme de concurrence peut être efficace à long terme74. Néanmoins, l’hétérogénéité des dessertes à grande vitesse sur le territoire français, avec des niveaux de trafic et de rentabilité très contrastés, ne permet probablement pas d’envisager la mise en œuvre d’une forme unique de concurrence pour le marché de la grande vitesse, comme le soulignait déjà en 2011 le rapport de la mission présidée par Claude Abraham75.

: Ouvrir le marché des services de transport de voyageurs ferroviaire de longue distance en laissant les opérateurs libres d’organiser les services (principe d’open access). Laisser aux autorités compétentes la possibilité de créer et de financer des obligations de service public, dans un cadre concurrentiel (appel d’offres).

Les conditions d’accès au marché de la grande vitesse La spécificité du modèle économique de la grande vitesse ferroviaire est susceptible d’engendrer des barrières à l’entrée pour les nouveaux opérateurs.

72 Coûts d’organisation et de gestion des relations contractuelles (recours à des conseils juridiques et financiers, recrutement de personnels pour la préparation, la passation et le suivi des contrats,…). 73 Dans le système britannique les coûts de personnel ont fortement augmenté, le management des franchises ayant à la fois peu d’incitations et peu de marges de manœuvre pour les maîtriser (cf. CERRE, « Liberalisation of passenger rail services », cité plus loin). Le matériel roulant a été confié à des Rolling Stock Companies qui louent les matériels aux opérateurs. La perspective du renouvellement des matériels roulants en Grande-Bretagne soulève la question de l’incitation à l’investissement de ces sociétés, et de leur capacité à supporter les investissements très importants nécessaires sans aides publiques. 74 CERRE « Liberalisation of passenger rail services », décembre 2016, sous la direction de C. Nash, contributions de Y. Crozet, H. Link, J-E. Nilsson, A. Smith. 75 Centre d'analyse stratégique « L'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs » (octobre 2011), rapport de la mission présidée par Claude Abraham, rapporteurs Th. Revial, F. Vielliard.

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Dans le cadre d’un marché en open access, les opérateurs devront acquérir des matériels roulants, très coûteux pour les liaisons à très grande vitesse76. Un nouvel entrant souhaitant proposer une offre « généraliste » (et pas seulement de niche) devra acquérir un grand nombre de rames pour offrir une fréquence de desserte suffisante. Il devra également construire un atelier spécifique77. Ces investissements en matériels roulants sont largement irrécouvrables, en raison de l’absence de marché secondaire. L’interopérabilité, qui permet d’utiliser un même matériel sur différents réseaux, est limitée, ou se traduit par un surcoût important (5 à 10 millions d’euros par rame). Une assise financière importante semble donc indispensable pour entrer sur le marché de la grande vitesse, mais il n’en reste pas moins que les investissements en matériels roulants sont extrêmement risqués, et que la rentabilité des marchés ferroviaires en situation de concurrence ne sera peut-être pas suffisante pour inciter les opérateurs à investir. Dans son principe, la création de sociétés publiques ou privées de location de rames (ROSCO : Rolling Stock Companies) permet de transférer le risque financier à un tiers qui le mutualise, puisque si un opérateur se retire du marché, le matériel peut alors être loué à un autre opérateur. De telles sociétés existent pour les matériels fret en France78, et pour les matériels voyageurs en Grande-Bretagne. Cette solution ne semble toutefois pas adaptée au marché du transport de voyageurs en open access. La ROSCO porterait en effet des risques très importants, et in fine ne serait pas beaucoup plus incitée à investir qu’un transporteur. Les nouveaux opérateurs seront également confrontés à l’incertitude sur les capacités, qui sont allouées annuellement par le gestionnaire d’infrastructure, et sur la tarification, qui est susceptible d’évoluer elle aussi annuellement, compte tenu des règles en vigueur. L’incertitude sur les capacités est double : elle porte à la fois sur la gestion des conflits d’attribution de sillons à court terme et sur la disponibilité des sillons à long terme. Aujourd’hui certaines lignes à grande vitesse et surtout certaines gares sont proches de la saturation en période de pointe ; un nouvel opérateur n’a pas l’assurance de disposer des capacités souhaitées pour développer une offre cohérente.79. De ce point de vue il apparaît nécessaire :

- De préciser la notion de saturation en droit français (l’infrastructure doit être déclarée saturée si le sillon proposé s’écarte de x minutes de la demande initiale) ;

- De mettre en place un dispositif de gestion de la saturation transparent et efficace (comme l’exige la directive 2012/3480), combinant un signal prix en amont (tarification de la congestion, lorsque les circulations se rapprochent du maximum de capacité) et des modalités de traitement de demandes de sillons concurrentes (concertation et, en l’absence d’accord, sur-tarification ou processus d’enchères) ;

- De donner une visibilité de long terme aux entreprises ferroviaires sur les capacités disponibles, en prenant en compte les accords-cadres, les tendances d’évolution des trafics, et les investissements projetés.

76 25 millions d’euros environ. 77 Les ateliers sont dédiés à un matériel roulant donné. En France seul l’atelier du Landy, au nord de Paris, est « multi-matériel » et ouvert à plusieurs entreprises ferroviaires. 78 Il s’agit d’Ermewa pour les wagons et d’Akiem pour les locomotives. 79 Le DRR annonce ainsi qu’une redevance de saturation sera mise en place dans le futur en cas de demandes concurrentes pour un même sillon, sans plus de précision. 80 Article 46 alinéa 6 et 47 alinéa 6

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Par ailleurs, dès lors que les matériels roulants s’amortissent sur 30 ans, les opérateurs ont besoin d’obtenir des garanties sur la disponibilité des sillons sur une période longue. Le dispositif des accords-cadres, prévu par les textes européens81, répond à ce problème. Un accord-cadre lie le gestionnaire d’infrastructure et l’entreprise ferroviaire, sous le contrôle du régulateur. Il permet de préciser les caractéristiques des capacités de l'infrastructure ferroviaire offertes au transporteur, pour une durée maximum de 15 ans, dans le cas d’infrastructures « spécialisées » comme les lignes à grande vitesse82. De tels accords-cadres permettraient de réduire significativement le risque pour les entreprises ferroviaires. Sur ces deux points, la mission a constaté que les réflexions n’étaient pas assez avancées. La clarification de ces questions semble un préalable indispensable au développement d’une concurrence « dans le marché » ordonnée.

: Préciser la notion de saturation en droit français et mettre en place des modalités de traitement des demandes de capacité adaptées au contexte concurrentiel ; prévoir la publication par SNCF Réseau d’un état des lieux des capacités utilisées et disponibles, en année n et à différents horizons.

: Favoriser le recours aux accords-cadres de longue durée (15 ans) en en précisant le cadre juridique en droit français.

La tarification d’infrastructure sera un paramètre essentiel de la rentabilité des entreprises ferroviaires qui opéreront sur les lignes à grande vitesse. Aujourd’hui les péages représentent près de 40% des coûts de l’opérateur historique. La tarification peut être une barrière à l’entrée, par exemple si les péages sur une ligne donnée sont trop élevés pour qu’une entreprise n’opérant que sur cette ligne et sans concurrence rémunère raisonnablement son capital. En revanche le fait que les péages soient trop élevés pour que deux opérateurs sur la même ligne dégagent une rentabilité suffisante ne constitue pas une barrière à l’entrée, dès lors que le marché reste contestable et qu’un opérateur unique serait rentable (c’est-à-dire que l’entrée d’un opérateur doit rester possible si l’opérateur en place est inefficace et/ou dégage des marges trop importantes). De façon plus générale, les entreprises ferroviaires ont besoin, compte tenu des durées d’amortissement très longues de leurs actifs, d’une visibilité à long terme sur les péages, comme sur les capacités disponibles. Pour cela, la tarification doit s’inscrire dans une perspective pluriannuelle. La mission n’a pu que constater qu’au-delà de la prise de conscience partagée de la nécessité d’une visibilité pluriannuelle des entreprises ferroviaires, le travail sur les conditions de sa mise en œuvre n’avait pas significativement avancé.

: Mettre en place une tarification pluriannuelle du réseau et des gares, sous le contrôle du régulateur.

81 Article 42 de la directive 2012/34 et règlement d’exécution 2016/545 du 7 avril 2016 sur les procédures et les critères concernant les accords-cadres pour la répartition des capacités de l'infrastructure ferroviaire. 82 Les lignes à grande vitesse constituent des infrastructures spécialisées au sens de l’article 49 de la directive 2012/34

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Le traitement des lignes non rentables L’hétérogénéité très forte des marchés géographiques et l’étendue des dessertes TGV en France suggère qu’une proportion non négligeable des destinations est aujourd’hui financée par des péréquations internes au transporteur historique. En situation d’ouverture à la concurrence « dans le marché », les nouveaux entrants ne s’intéresseront qu’aux marchés les plus rentables. La concurrence conduira nécessairement à une réduction des marges de l’opérateur historique sur ces lignes, et donc remettra en cause les péréquations finançant les lignes les moins rentables, conduisant à leur attrition. Dans certains cas, la suppression des dessertes pourra être avantageusement remplacée par des correspondances avec le TER ou l’autocar mais le maintien des dessertes peut également être un objectif légitime de service public en dépit de leur faible rentabilité commerciale. La réponse déjà envisagée dans le cadre du rapport Abraham (ibidem), consiste à conventionner les lignes qui seront délaissées par les opérateurs en open access mais que l’Etat désire maintenir. Cette solution peut toutefois s’avérer coûteuse pour le contribuable, et favoriser une dérive globale vers un système de franchises, ce qui ne semble pas souhaitable (cf. supra). En cas de recours au conventionnement, il conviendrait d’en faire porter le financement, au moins en partie, sur les opérateurs ferroviaires, par le biais d’une taxe de péréquation. Dans le cas contraire, les opérateurs pourraient être incités à abandonner les dessertes même « raisonnablement rentables » pour bénéficier d’un conventionnement qui les libérerait en grande partie du risque commercial. Certaines dessertes TGV relèvent aujourd’hui de l’intérêt régional, et à ce titre sont subventionnées par une région. Dans certains cas le principe même de desserte par un TGV ne semble pas rationnel et il conviendrait d’envisager une meilleure articulation entre les services régionaux et nationaux. Dans d’autres cas, une desserte TGV peut être justifiée, sans être rentable pour l’opérateur, en particulier si la tarification n’est pas celles des trains nationaux (cas de la desserte Lille-Arras en TGV, accessible avec un abonnement régional). Elle peut alors être conventionnée par la région concernée. Enfin, une tarification de l’infrastructure adaptée peut inciter les entreprises ferroviaires au maintien de leur offre sur les lignes les moins rentables (cf. partie 5-C.). Le dispositif des accords-cadres pourrait également être utilisé de façon incitative. En effet, les accords-cadres relatifs à des infrastructures spécialisées, comme les LGV, permettent de définir précisément les capacités utilisées. Le gestionnaire d’infrastructure pourrait ainsi faire porter l’accord-cadre sur un ensemble de capacités intégrant différentes dessertes, au titre de l’usage efficace du réseau. Par exemple, dès lors que les dessertes de Grenoble et Chambéry depuis Paris passent par le nœud ferroviaire lyonnais, elles pourraient être liées à la desserte Paris-Lyon83. Le gestionnaire d’infrastructure pourrait ainsi constituer, en concertation avec les entreprises ferroviaires, des ensembles de sillons permettant une exploitation cohérente et équilibrée du réseau.

83 Une entreprise ferroviaire souhaitant opérer sur Paris Lyon pourrait demander jusqu’à 70% des capacités. Dès lors les dessertes TGV de Grenoble, Chambéry, ou d’autres dessertes passant par le nœud lyonnais pourraient être compromises.

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Les entreprises ferroviaires qui souhaiteraient bénéficier d’un accord-cadre pour sécuriser la disponibilité des capacités, en particulier sur les segments les plus rentables, devraient ainsi assurer des dessertes sur l’ensemble du réseau concerné.

: Anticiper les conséquences de l’ouverture à la concurrence sur les dessertes ferroviaires à grande vitesse, en prévoyant la possibilité d’un conventionnement, financé par une taxe de péréquation ou par les régions concernées, et en favorisant le recours à des accords-cadres englobant un ensemble de dessertes cohérent.

La régulation tarifaire et les tarifs sociaux Dans le contexte de son monopole sur le transport de voyageurs, la tarification des trains à grande vitesse fait l’objet d’une régulation par l’Etat. Le texte en vigueur est un arrêté de 201184 : chaque année le ministre en charge des transports établit un barème kilométrique par origine-destination. Sur cette base l’arrêté fixe trois bornes tarifaires, établies historiquement à partir du barème kilométrique :

- Le montant maximum en seconde classe par origine-destination ne doit pas dépasser 2,1 fois le montant du billet calculé selon le barème kilométrique ;

- Au moins 50% des billets seconde classe vendus chaque année par SNCF doivent avoir un prix inférieur à 1,4 fois le barème kilométrique ;

- Cette condition doit être vérifiée pour au moins 10% des billets de seconde classe vendus sur les trains partant entre le vendredi 12h et le samedi 12h et entre le dimanche 12h et le lundi 12h.

Cette réglementation n’est en pratique pas ou peu contraignante85 : ainsi 90% des billets vendus ont un prix inférieur au plafond fixé, soit bien plus que l’objectif de 50% établi par le décret. En situation d’ouverture à la concurrence, elle n’aura simplement plus lieu d’être. Si la SNCF, en situation de monopole, fixe spontanément ses tarifs à des niveaux inférieurs aux seuils établis par l’Etat, c’est bien que la nature de son modèle économique et la concurrence intermodale l’y incite. Dans un marché ferroviaire ouvert, cette incitation sera encore plus forte. Une telle régulation ne conserverait son sens que dans le cas d’une ouverture à la concurrence « pour le marché », dans un système de franchises sur le modèle britannique. Par ailleurs la SNCF pratique des tarifs sociaux, généralement prévus par des textes législatifs ou réglementaires : handicapés, famille nombreuse, congé annuel, etc. Le coût pour la SNCF de ces réductions, de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros86, est en principe assumé par l’Etat, qui ne compense pourtant plus la SNCF depuis quelques années.

84 Arrêté du 16 décembre 2011fixant les modalités d'application des articles 14 et 17 du cahier des charges de la Société nationale des chemins de fer français. 85 Cf. CGEDD « Les engagements de SNCF Mobilités sur les ventes de billets a " petits prix " – quelle réalité, quelle définition, quelle évolution ? », rapport établi par M-A. Bacot et M. Viora, décembre 2016 86 L’évaluation du coût réel des réductions est difficile compte tenu de la diversité des tarifs existants. La SNCF avance le chiffre de 50 M€ environ.

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Dans un contexte d’ouverture à la concurrence, si ces tarifs sociaux sont maintenus, les textes devront être amendés pour que ces obligations s’appliquent à l’ensemble des opérateurs présents sur le marché, et fassent l’objet d’une réelle compensation, sans quoi ils risquent de ne pas être appliqués, au détriment des populations visées. L’ouverture à la concurrence devrait toutefois être l’occasion de toiletter l’ensemble de ces dispositifs, souvent issus d’une sédimentation règlementaire qui aboutit à une complexité inutile et un manque de clarté pour les voyageurs.

: Dans le cadre d’une ouverture à la concurrence « dans le marché », supprimer le dispositif de régulation tarifaire de la SNCF ; en cas de maintien des tarifs sociaux généraliser l’obligation de mise en œuvre de ces tarifs sociaux à l’ensemble des opérateurs du marché, en prévoyant les compensations appropriées.

Le transfert des personnels dans le cadre de l’ouverture à la concurrence

Au cours des dernières années, de nombreux rapports ont abordé cette question sous des angles techniques, juridiques et sociaux en visant principalement les services conventionnés de transport de voyageurs87. De nombreuses notes techniques ont par ailleurs précisé ces analyses déjà très complètes. Un consensus assez large se dégage pour dire qu’il serait inéquitable tant pour les nouveaux opérateurs que pour la SNCF de ne pas organiser le transfert des personnels affectés aux lignes ouvertes à la concurrence. Pour les nouveaux entrants, ce serait les priver des moyens nécessaires à l’exercice d’une activité exigeant des compétences très spécifiques. Pour la SNCF, ce serait laisser à sa charge des personnels sans emploi dont elle devrait alors supporter les coûts de l’inactivité, des mobilités et éventuellement des séparations. Le transfert des personnels dans le cadre de l’ouverture à la concurrence apparaît alors pour chacun comme une nécessité peu contestable. En revanche, les conditions dans lesquelles doivent s’opérer ces transferts font l’objet d’opinions parfois divergentes qui démontrent la difficulté d’appréhender ce sujet qui renvoie à des complexités économiques et sociales indéniables.

- 87 Le rapport du sénateur Grignon sur « les conditions pour une expérimentation portant sur l’ouverture à la concurrence des services de

transports ferroviaires régionaux de voyageurs » ;

- Le rapport établi dans le cadre du Conseil Economique et Social sur « l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires régionaux de voyageurs » par Messieurs Jean Marie GEVEAUX et Thierry LEPAON ;

- Le rapport au Premier Ministre « Construire un cadre social harmonisé dans la branche du transport ferroviaire » réalisé sous la présidence de Monsieur Olivier DUTHEILLET DE LAMOTHE, Président de la section sociale du Conseil d’Etat ;

- La proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs présentée par Messieurs les sénateurs Hervé MAUREY et Louis NEGRE.

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Les questions soulevées par le transfert des personnels des services conventionnés de voyageurs sont nombreuses et complexes dans la mesure où l’opération ne touche pas une entité économique autonome :

- Comment évaluer les effectifs de personnel concernés par le transfert de tout ou partie d’un service (la notion de lot étant couramment retenue) ;

- Comment identifier les personnes concernées par ce transfert, c’est-à-dire celles incontestablement, directement et indirectement affectées au service ;

- Dans quelles conditions juridiques organiser le transfert des personnels (surtout des personnels bénéficiant d’un statut public spécifique) ;

- Quelles garanties donner au personnel transféré ;

- Comment accompagner un processus qui pourra s’étaler sur une durée longue (probablement au moins 2 ans entre le lancement d’un appel d’offres et l’ouverture opérationnelle du service) qui sera nécessairement « déstabilisatrice » au moins sur le plan social ;

- Quelle analyse prospective à long terme peut-on faire sur l’impact de l’ouverture à la concurrence pour l’opérateur historique.

L’organisation du transfert L’évaluation des effectifs concernés.

La mise en concurrence d’une partie des services régionaux conventionnés doit faire l’objet d’un appel d’offres dans lequel les autorités organisatrices – en liaison étroite avec la SNCF – devraient être invitées à définir les personnels affectés à cette activité, c’est-à-dire concrètement :

- Le nombre des équivalents « temps plein » affectés au lot mis en concurrence,

- Les qualifications et métiers concernés,

- A titre indicatif, la masse salariale correspondant à l’ensemble de ces emplois. Cette évaluation peut être réalisée sur la base des tableaux de service pour les emplois concourant directement à la production. Pour les emplois venant en appui technique aux opérationnels, comme pour les autres emplois impliqués dans la fourniture de services (fonction support), des règles de proportionnalité devront être appliquées. Des audits externes pourront apporter leur concours à ces évaluations. L’ARAFER pourrait être sollicitée pour émettre un avis, et éventuellement jouer un rôle de médiateur en cas de contestations persistantes. Ces évaluations n’appellent pas de dispositions législatives ou réglementaires particulières. Des règles du jeu simples établies par les professionnels de la branche devraient permettre de clarifier les informations nécessaires permettant aux autorités organisatrices de construire les appels d’offres.

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De l’approche comptable à l’approche « ressources humaines ».

Une fois le volume des effectifs et des qualifications précisés, il conviendra de procéder à la désignation des personnels qui seront concernés par le transfert en tenant compte qu’un délai plus ou moins long (2 ans) séparera la constatation statistique, de l’affectation des personnels désignés nominativement. Cette question est sans doute la plus difficile et la plus sensible. Nous ne sommes pas dans le cas d’une entité économique autonome et les personnels concernés ne sont pas nécessairement affectés à 100% sur le service transféré, bien au contraire ; leur service peut être réparti sur plusieurs « lots ». Cette difficulté impose d’aborder avec prudence les modes opératoires à retenir. Dans plusieurs branches professionnelles, c’est la convention collective qui définit les critères de désignation (souvent à la fois le temps consacré à l’activité transférée et l’ancienneté minimale sur le poste). Les partenaires sociaux sont très souvent parvenus à des accords qui sont protecteurs des intérêts des salariés. C’est en partant de ce constat que le rapport de Monsieur Dutheillet de Lamothe indiquait que « les critères permettant d’identifier les salariés concernés par le transfert doivent de préférence être fixés dans la convention collective ». Il est malheureusement à craindre que dans le cas particulier des services conventionnés de voyageurs, le dialogue social au niveau de la branche professionnelle ne puisse prospérer, en raison d’un désaccord sur la légitimité même de cette ouverture à la concurrence de la part d’un certain nombre de partenaires sociaux. Par ailleurs, répétons-le : il existe une réelle difficulté à parvenir à établir des critères parfaitement objectifs et applicables dans tous les cas de mise en concurrence. En conséquence, le refus du dialogue au niveau de la branche ou l’absence d’accord, devra conduire la puissance publique à fixer les règles de désignation par un décret en Conseil d’Etat, après concertation avec l’ensemble des acteurs concernés. Les règles de désignation devront retenir des critères de temps d’affectation sur le poste ou d’ancienneté minimale et tenir compte du fait que le processus s’inscrit dans une durée d’au moins deux ans, période pendant laquelle les hommes et les femmes concernés peuvent voir leur situation professionnelle évoluer. C’est donc un processus de désignation dynamique que le pouvoir réglementaire devra imaginer, en laissant une place au pragmatisme pour permettre d’éventuelles permutations des personnels volontaires. Il faut insister sur la nécessité d’une concertation sociale préalable sur ce sujet hautement complexe qui entraînera pour les femmes et les hommes concernés des conséquences importantes (cf. plus loin). Et, il faut parvenir à mettre en place des mécanismes qui limitent au maximum les risques liés à des appréciations trop aléatoires ou subjectives.

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Le mécanisme des transferts de personnel A l’occasion des auditions réalisées pour la préparation du présent rapport, deux scénarios ont été évoqués :

- La mise à disposition de ses agents par la SNCF ; cette solution présente deux inconvénients majeurs ; la mise à disposition est soumise à l’accord du salarié qui est libre de l’accepter ou non, et qui ne peut être sanctionné en cas de refus ; le transfert est donc totalement aléatoire ; par ailleurs, cette formule prive le nouvel employeur de la plupart des moyens d’action classiques d’un chef d’entreprise car le salarié conserve le bénéfice de l’ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s’il avait exécuté son travail dans l’entreprise prêteuse ; elle n’est pas adaptée à la situation présente ; cette solution doit être absolument proscrite ;

- Le transfert des contrats de travail qui s’inspire des dispositions retenues dans le domaine privé, tel qu’il est défini par l’article L. 1224.1 du Code du travail ; des dispositions législatives ad-hoc sont indispensables pour mettre en place cet outil qui est le seul à offrir les garanties d’une ouverture à la concurrence équitable pour tous les acteurs.

En effet, le droit existant en matière de transferts de personnel en cas de perte d’un contrat de service public n’est pas d’application immédiate s’agissant du transport ferroviaire de voyageurs sous contrat de service public avec une AOT pour deux raisons :

- l’absence d’entité économique conservant son identité lors de la reprise par un nouvel attributaire ;

- le droit commun ne prévoit pas le cas des salariés régis par un statut particulier. Des dispositions législatives doivent donc être insérées dans le Code des Transports. Elles devront préciser notamment que :

: Prévoir dans la loi que le transfert du personnel vers un nouvel opérateur se fait dans les conditions de l’article L. 1224-1 du Code du travail, par la disposition suivante :

« Dans les cas où l’exploitation de services ferroviaires de personnes d’intérêt régional est

attribuée à une autre entreprise de transport ferroviaire que la SNCF, les contrats de travail des salariés affectés à ces services sont transférés de la SNCF au nouvel opérateur dans les conditions prévues à l’article L. 1224-1 du Code du travail, sous réserve des dispositions particulières applicables au personnel SNCF régi par son statut ».

En effet, la loi devra prévoir que l’application de l’article L. 1224.1 du Code du travail créé pour le nouvel opérateur et le salarié une obligation de transfert.

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Compte tenu de la complexité de la situation, les textes définiront un processus de désignation plutôt que des critères stricts, parfaitement objectifs et applicables à tous les cas de mise en concurrence. Dans ces conditions, il est souhaitable de sortir du cadre de l’article L. 1224.1 pour définir le régime applicable en cas de refus du transfert par un salarié.

Poser le principe d’un transfert obligatoire dans la loi, en précisant que les dispositions statutaires de la SNCF relatives à la mobilité fonctionnelle et géographique s’appliquent en cas de refus de transfert par un agent désigné ; le refus d’un poste offert par la SNCF dans ces conditions entraînera la rupture du contrat de travail.

Dans le cas où un poste ne serait pas pourvu en raison d’un refus du salarié ou pour tout autre motif, la SNCF pourra, pendant une période déterminée, faire un appel à candidatures. Et c’est seulement au terme de cette période, et au cas où cette recherche serait infructueuse, que le nouvel opérateur pourra procéder à un recrutement externe.

Le transfert avec garanties88 Conformément aux dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail rendues applicables par une disposition législative spéciale, le salaire net (la rémunération annuelle nette des douze derniers mois) et l’ancienneté de l’agent sont maintenus. Pour tenir compte des spécificités du statut, seraient également garantis trois droits principaux :

- Le régime spécial de retraite : le nouvel employeur verserait la sur-cotisation T2 à la Caisse de retraite du personnel de la SNCF en fonction d’une évolution « reconstituée » du salaire de l’intéressé déterminée par la SNCF sur la base des règles de carrière ;

- La garantie d’emploi : le contrat de travail ne pourra être rompu que dans les cas prévus par le chapitre VII du statut personnel du GPF (cessation de fonction), ainsi qu’en application de l’article 5 de la loi 2017 relative à la sécurité publique ; les procédures applicables en la matière seront celles du droit commun ;

88 Contrairement à une idée largement répandue, les expériences étrangères montrent que le processus d’ouverture à la concurrence (ou de libéralisation) s’est en général accompagné d’un accroissement significatif des coûts de personnel. Ainsi l’étude CERE montre qu’au Royaume-Uni les coûts de personnel ont augmenté de 44% (par km/train) à la suite du processus de libéralisation. (Etude du Centre on Régulation in Europe – 6 décembre 2016).

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- Le système des facilités de circulation applicables aux salariés du Groupe Public Ferroviaire et à leurs ayants droits sera conservé pour les salariés transférés à un nouvel opérateur dans des conditions fiscales et sociales simplifiées (notamment au regard du calcul de l’éventuel avantage en nature). Le maintien des facilités de circulation suppose l’extension du champ d’application du décret-loi du 12 novembre 1938 relatif au contrôle des transports.

En outre, le nouvel opérateur devra veiller à ce que son régime de prévoyance assure des garanties globales au moins équivalentes à celles dont bénéficiait l’agent. Une attention particulière devra être portée à l’accès au réseau de médecins spécialistes de la SNCF.

Le sort des accords collectifs, des usages et des décisions unilatérales

Les accords collectifs se verront appliquer les dispositions de droit commun prévues par l’article L. 2261-14 du Code du Travail. Ces accords continueront de produire leur effet chez le nouvel opérateur jusqu’à l’entrée en vigueur de nouvelles conventions ou accords qui s’y substituent ou à défaut pendant une période de 15 mois (préavis inclus). Les usages et décisions unilatérales verront leur application maintenue jusqu’à leur dénonciation.

: Le personnel sous statut SNCF est transféré en conservant le bénéfice de la rémunération nette des 12 derniers mois et son ancienneté. En outre, il bénéficie du maintien des droits suivants :

- Le régime spécial de retraite (versement de la sur-cotisation T2 à la Caisse de retraite du personnel de la SNCF par le nouvel employeur) ;

- La garantie d’emploi ;

- Le système des facilités de circulation applicables aux salariés du Groupe Public Ferroviaire et à leurs ayants droit, avec des conditions fiscales et sociales simplifiées.

: Conformément au droit commun, les accords collectifs, les usages et les décisions unilatérales sont transférés au nouvel employeur. Pour les accords collectifs, leur effet tombe au-delà d’une période de 15 mois, sauf reconduction explicite par le nouvel employeur. Pour les usages et les décisions unilatérales, il sera fait application des règles jurisprudentielles courantes.

Dispositions particulières La loi devra prévoir que seront considérées comme accord d’entreprise les dispositions statutaires relatives à la rémunération (chapitre II du statut) et aux conditions de classement en position de rémunération (article 13 du chapitre VI), ainsi que les dispositions réglementaires et les usages pris en application des dispositions statutaires précitées (y compris celles relatives aux salariés contractuels).

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Les dispositions à caractère réglementaire propres au Groupe Public Ferroviaire et qui confèrent un avantage aux salariés transférés ou à une partie d’entre eux seront transmises, pour les salariés transférés, au nouvel opérateur à titre d’engagements unilatéraux de l’employeur. Ces dispositions pourront être dénoncées ou modifiées dans les conditions fixées par la jurisprudence.

: Prévoir dans la loi que seront considérés comme accord d’entreprise les dispositions statutaires relatives à la rémunération et aux conditions de classement en rémunération. En outre, les dispositions ayant un caractère réglementaire et qui confèrent un avantage aux salariés transférés seront transmises au nouvel opérateur, à titre d’engagements unilatéraux de l’employeur.

Enfin, la loi devra prévoir qu’une entreprise employant des salariés transférés depuis une autre entreprise, relevant de régimes différents, ne rencontre pas, de ce fait, de difficultés en matière de respect du principe d’égalité de traitement des salariés.

: La loi précisera que les conditions particulières réservées aux salariés transférés ne constituent pas une rupture du principe d’égalité de traitement des salariés.

Les dispositifs d’accompagnement et de sensibilisation L’ouverture à la concurrence des services conventionnés, même si elle se fait de manière progressive et limitée dans un premier temps, doit être l’occasion d’un effort de sensibilisation et de mobilisation du corps social de la SNCF. Afin de se préparer à ce nouveau contexte, le Groupe Public Ferroviaire devra engager des actions dans deux directions :

- Mise en œuvre d’un programme de sensibilisation approfondi des managers (surtout des managers de proximité) sur les modalités et les impacts de l’ouverture à la concurrence ;

- Mise en œuvre d’un dispositif d’accompagnement managérial et de soutien aux managers en charge des transferts de personnel.

Dans le domaine des ressources humaines :

- Les exercices de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences devront intégrer les conséquences de l’ouverture à la concurrence non seulement du point de vue des emplois et des compétences, mais aussi au regard des nécessaires évolutions des organisations régionales ;

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- Les équipes RH locales concernées par ces projets devront être formées et préparées à accompagner les salariés visés par les transferts induits par la mise en concurrence.

Un dispositif national devra être mis en œuvre pour piloter et capitaliser les enseignements de toutes les expériences de mise en concurrence. En toute hypothèse, la durée s’écoulant entre le lancement de l’appel d’offres et sa concrétisation pouvant être longue (deux ans voire plus), les personnels concernés étant connus dès l’origine devront faire l’objet d’un accompagnement rigoureux : aucun d’entre eux ne doit vivre cette période d’attente comme un temps d’incertitude et de précarité, sans savoir à qui se référer : à son futur employeur ou à la SNCF.

L’ouverture à la concurrence doit s’inscrire dans une perspective de long terme de reconquête de la SNCF

Au fil des ans, c’est à dire au fur et à mesure que le nombre d’agents statutaires se réduira, et que les dispositions conventionnelles de la SNCF seront remplacées par d’autres accords, l’entrée de nouveaux opérateurs mettra en lumière un écart de compétitivité important entre la SNCF et ses concurrents. Ne pas prendre en compte cet écart qui grandira au fil du temps serait condamner la SNCF à disparaître des services régionaux et à être gravement pénalisée pour ses autres activités. L’expérience du fret a montré que les causes les plus importantes de l’écart de compétitivité étaient :

- La sur-cotisation T2 qui finance les avantages du régime spécial de retraite (supérieure à 12 %) ;

- La réglementation spécifique du travail avec deux sujets :

o La durée du travail et son organisation (RH 77) ; c’est maintenant un accord collectif sur lequel l’encre est à peine sèche ;

o Le dictionnaire des filières et les contenus d’emploi dont la jurisprudence considère qu’il s’agit de dispositions à valeur réglementaire, même si elles sont totalement à la main de la SNCF ;

- Les classifications et les déroulements de carrière inscrits dans le statut qui génèrent un GVT supérieur à 2 %.

- Les frais de structure.

En outre, le niveau des difficultés rencontrées pour ajuster l’emploi au volume d’activité a incontestablement alourdi les coûts et généré des pertes de compétitivité. Il est difficile de procéder à une évaluation exacte de l’écart de compétitivité (sauf sur le fret) pour des activités qui aujourd’hui encore sont dans des situations de monopole. On peut néanmoins considérer que la situation statutaire de la SNCF, les frais de structure et les excédents de personnel génèrent un écart potentiel de compétitivité d’au moins 30% par rapport aux règles du marché (convention collective, grilles salariales, définition des emplois).

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Plusieurs scénarios complémentaires peuvent à cet égard être examinés. En premier lieu, une évolution des règles statutaires permettant à la SNCF plus « d’agilité » dans un monde concurrentiel en transformation rapide. Ainsi, si elle veut rester dans le marché et ne pas subir un déclin progressif de ses activités, la SNCF devra affronter résolument le problème de sa compétitivité en s’attaquant à la polyvalence de ses emplois, à l’assouplissement de ses organisations du travail et du temps de travail, à son système de rémunération. Sur ces sujets, il serait inéquitable de ne pas traiter la SNCF de la même façon que les nouveaux opérateurs qui se verront transférer ces règles sous le régime des accords collectifs, des usages et des décisions unilatérales règles qui pourront donc évoluer conformément à la jurisprudence. D’ores et déjà, l’entreprise peut par la voie de la concertation préalable faire évoluer ces règles dans les conditions posées par la loi de 2014. Elle peut aussi avancer par la voie de la négociation collective. L’ensemble des procédures conventionnelles de droit privé trouverait à s’appliquer mettant les acteurs face à leur responsabilité respective, et assurant aux salariés les protections des accords collectifs. Pour donner plus d’autonomie d’action à l’entreprise, une étape supplémentaire pourrait être franchie, la loi précisant que désormais les modifications des règles d’emploi ne sont plus soumises au régime de l’approbation publique et qu’elles n’ont plus un caractère réglementaire. C’est une évolution importante qui permettrait à l’entreprise de sortir d’une forme de tripartisme social générateur de rigidités. Des premiers pas significatifs ont été faits dans cette direction, notamment par la modification du rôle de la commission mixte du statut. Il n’en reste pas moins que la puissance publique est omniprésente dans la construction sociale de la SNCF : son rôle évolue au gré des rapports de force et il est rarement purement notarial. Sortir la SNCF de ce tripartisme, c’est lui donner une forme d’émancipation sociale et de renforcement de sa responsabilité qui lui permettra de « courir dans la même cour » que ses compétiteurs. Elle le pouvait déjà mais sous le regard tutélaire de l’Etat. Elle doit désormais pouvoir le faire sous sa seule responsabilité. Il faut parachever le mouvement engagé avec la réforme de la commission mixte du statut.

: Dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, la SNCF doit réduire son écart de compétitivité avec le marché. Pour cela elle dispose dans le cadre des mécanismes internes de concertation de la faculté de faire évoluer les dispositions statutaires. La mission recommande qu’elle le fasse en priorité sur l’évolution des métiers et des compétences dans le cadre d’une gestion prévisionnelle de long terme lui permettant d’anticiper les transformations technologiques et celles de son environnement économique. Le principe d’approbation par l’Etat de certaines décisions sociales doit être supprimé pour donner à l’entreprise et à ses partenaires sociaux l’entière responsabilité de l’évolution de son cadre social.

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En outre, il y a lieu de se poser la question de l’unité sociale de l’entreprise réaffirmée par la loi de 2014 et qui conduit à une centralisation de quasiment toutes les évolutions sociales envisageables à la suite des concertations normales. Dans des domaines où le contexte économique de l’activité d’une branche surdétermine les conditions de son exploitation, il pourrait être utile socialement et économiquement efficace de permettre une certaine décentralisation des transformations sociales. Ainsi, comme on vient de le dire, en est-il de l’évolution des métiers, de leur contenu et des prospectives qui peuvent être réalisées à cet égard. Considérer par exemple les métiers de l’infrastructure en méconnaissant les changements profonds que connaissent ces emplois chez les sous-traitants et plus généralement dans le secteur des travaux publics, est une grave erreur. La SNCF ne peut ignorer ce qui se passe autour d’elle dans ses différents métiers. Une approche par branche d’activité, dans le cadre de concertations préalables, doit être organisée. En second lieu, et en dehors de la question du régime spécial de retraite qui fait par ailleurs l’objet de travaux spécifiques, la question de la poursuite de recrutements dans le cadre du statut actuel du personnel doit être posée. Et un régime conventionnel, dont la construction est à parachever, pourrait constituer un cadre d’accueil pour les nouveaux embauchés. Certains des experts cités au début de ce rapport considèrent que la SNCF doit pouvoir recruter les nouveaux entrants sous un régime conventionnel. Il faut à cet égard rappeler quelques chiffres :

- En 2005, près de 160 000 cheminots étaient au statut, dix ans après ils sont à peu près 130 000 ; dans le même temps, les contractuels sont passés de 6 500 à près de 15 000 ;

- Sur les 15 dernières années, le départ en retraite d’agents au statut a été en moyenne de 6 à 8 000 par an ; le groupe public ferroviaire a continué de recruter au statut entre 3 500 et 4 500 personnes par an sur les quinze dernières années.

La loi du 4 août 2014 dans son article 1 ouvrait la possibilité de faire évoluer cet équilibre en indiquant que les trois EPIC pouvaient employer des salariés sous le régime des conventions collectives. Ce texte précisait même qu’en l’absence d’accord, de nouvelles modalités de recrutement pouvaient être fixées par le Conseil de Surveillance de la SNCF. L’opposition des principales organisations syndicales de cheminots – y voyant une remise en cause de la règle d’or d’embauche au statut - a conduit à abandonner cette possibilité et à renforcer les modalités actuelles de recrutement à travers un accord conclu avec les deux organisations syndicales majoritaires. Dans la situation actuelle, le recrutement « au cadre permanent » reste la règle et l’embauche de contractuels l’exception. Pour autant, la base législative créée en 2014 est un socle qui, le moment venu, pourrait permettre de nouvelles évolutions sans recourir à un nouveau texte législatif et réglementaire. La SNCF a la possibilité de prendre l’initiative pour autant qu’elle soit seule maîtresse de ses décisions. La question de l’embauche au statut est un sujet récurrent indissociable à terme de la recherche d’un accroissement de la compétitivité de l’entreprise. Décider par une disposition législative d’arrêter l’embauche au statut pourrait être la solution qui, sans rompre le contrat moral passé avec les cheminots présents aujourd’hui dans l’entreprise, irait dans cette direction.

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Il ne s’agit évidemment pas de remettre en cause les droits individuels des agents statutaires, mais de ne plus alimenter un régime qui pèse sur les coûts de l’entreprise, sur son dynamisme et sur l’emploi. Ne pas évoluer, c’est se condamner à voir disparaître progressivement les embauches, celles au statut comme les autres. Vis-à-vis du statut, les positions dogmatiques ne sont pas de mise. Le statut a beaucoup apporté à la SNCF en lui permettant tout au long de son histoire de s’adapter à la modernisation de l’entreprise et aux changements de la Société. Aujourd’hui, les évolutions des compétences, l’automatisation de certaines tâches, la digitalisation, les formes nouvelles d’organisation du travail appellent dans toutes les entreprises une plus grande rapidité d’évolution difficilement concevable dans le cadre d’un statut qui fige un cadre organisationnel et social préjudiciable aux agents eux-mêmes. Il est à noter que d’autres entreprises (La Poste, Orange) se sont engagées dans cette voie. Elles ont inscrit cette transformation dans un vaste projet de modernisation sociale au profit de leurs salariés, du développement des compétences. Elles ont su par la voie de la négociation éviter de créer des régimes à deux vitesses qui auraient généré un sentiment d’iniquité.

: Dans le cadre de la loi, il pourrait être mis un terme au recrutement au statut des nouveaux embauchés, en préservant strictement les droits individuels des personnels en bénéficiant. Les nouveaux recrutements devront s’opérer, pour toutes les catégories de personnel, dans un cadre conventionnel à parachever.

En troisième lieu, l’entreprise doit supporter des excédents d’effectifs nés de replis d’activités (comme dans le fret), d’actions de modernisation, d’introduction de nouvelles technologies, de réorganisations, tous changements que les entreprises industrielles et de service sont appelées à prendre en compte à travers une adaptation rapide de leurs effectifs. Malgré les considérables efforts de reclassements internes qu’elle a réalisés, l’entreprise subit le coût d’excédents d’effectifs qu’elle gère tant bien que mal, notamment à travers des structures dédiées de reclassement (EIM), le statut lui interdisant de recourir à des procédures de ruptures collectives. La SNCF doit pouvoir recourir pendant deux ans à la procédure des plans de départs volontaires. Elle devrait pour cela respecter les règles prévues par le code du travail (notamment en matière de consultations des instances). Le volume des effectifs concernés pourrait sans doute être proche de 5.000 personnes (chiffre estimé à partir des effectifs des EIM et des sureffectifs supportés par certaines activités), ce qui pourrait représenter un gain de compétitivité rapide. Des efforts de reclassement externes et de formation devraient accompagner cette action.

: Autoriser la SNCF à recourir pendant deux ans à la procédure des plans de départs volontaires, dans le respect des règles prévues par le code du travail.

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L’organisation du secteur L’organisation du système ferroviaire a été profondément modifiée par la loi du 4 août 2014. Pour autant, l’ARAFER a souligné dans son étude thématique sur la mise en œuvre de la réforme ferroviaire, que « certains principes issus de la réforme se révèlent aujourd’hui peu compatibles avec un fonctionnement concurrentiel du secteur, comme l’organisation mise en place pour la gestion des gares »89 (dont la loi prévoyait l’examen ultérieur). Le régulateur pointait également différentes fonctions assumées par l’EPIC de tête, comme l’animation de la sécurité et la coordination de la gestion de crise. Enfin, l’ouverture à la concurrence soulève la question du statut d’EPIC de SNCF Mobilités, compte tenu de la jurisprudence européenne dans ce domaine.

Le statut d’EPIC de SNCF Mobilités L’arrêt de la CJUE du 3 avril 2014 a confirmé, dans le cas de la Poste, la qualification d’aide d’Etat attachée à la garantie illimitée de l’Etat découlant du statut d’EPIC. Cette garantie illimitée permet en effet à un EPIC d’obtenir des conditions d’emprunt quasiment équivalentes à celles de l’Etat, et donc beaucoup plus favorables que celles de ces concurrents. Cette jurisprudence, qui s’inscrit dans la continuité de plusieurs procédures de la Commission Européenne à l’encontre du gouvernement français, a conduit à transformer en sociétés anonymes notamment France Telecom (en 1996), EDF (en 2004) et la Poste (2010). Le statut d’EPIC de SNCF Mobilités a jusque-là pu être préservé dans la mesure où le marché du transport ferroviaire était encore largement fermé à la concurrence, compte tenu du découplage introduit au sein de SNCF Mobilités entre les conditions de financement de l’EPIC et celles des activités90, et d’un recours à l’endettement très limité (Fret SNCF mis à part, cf. supra). Le statut d’EPIC de SNCF Mobilités ne semble pas pouvoir être maintenu au-delà de l’ouverture à la concurrence de l’ensemble de ses activités, compte tenu de ce sujet, mais aussi de la situation spécifique de Fret SNCF, et du refus de l’ARAFER de valider les référentiels de séparation comptable. Les avantages d’une transformation en société nationale à capitaux publics détenue en totalité par l’Etat sont nombreux, avec notamment la progression de la liberté contractuelle, le renforcement des fonds propres, le développement d’activités nouvelles par la suppression du principe de spécialité et la responsabilité renforcée de ses instances de contrôle. Le besoin de fonds propres ne semble pas constituer une difficulté. En effet aujourd’hui, l’établissement dispose de 4 milliards de fonds propres.

89 ARAFER, Etude thématique « Bilan de la mise en œuvre de la réforme ferroviaire », 2016. 90 SNCF Mobilités a mis en place un système de financement interne dans lequel chaque activité emprunte auprès de la direction financière de SNCF Mobilités, à un taux de marché défini par référence à la notation qui lui serait attribuée sur la seule appréciation de ses indicateurs financiers, comme s’il s’agissait d’une entité privée dotée d’une personnalité morale propre (notion d’entité stand alone). Ce mécanisme apporte la garantie qu’aucun avantage dont pourrait bénéficier SNCF Mobilités en se finançant sur les marchés financiers ne se traduise par une distorsion de concurrence au profit de l’une de ses activités, d’autant plus que ceux-ci font en partie l’objet de comptes séparés (Fret SNCF, TER et Gares & Connexions).

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La reconstitution des fonds propres du fret pourrait être obtenue par des cessions partielles ou totales des actifs de la société ERMEWA et de la société GEODIS ainsi que par le produit de la vente d’ICF Habitat. Enfin, il faut noter que la transformation de l’établissement public en société nationale ne pose pas la question du statut du personnel. Ce point a déjà été jugé par le Conseil Constitutionnel.91.

: Faire de SNCF Mobilités une société nationale à capitaux publics.

Le positionnement des gares En 2009, la SNCF a créé la branche Gares & Connexions à la demande de l’Etat. La loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports (dite « loi ORTF ») puis le décret n° 2012-70 du 20 janvier 2012 relatif aux gares de voyageurs et aux infrastructures de services du réseau ferroviaire (dit « décret gares »), et enfin le décret n° 2015-138 du 10 février 2015 relatif aux missions et aux statuts de SNCF Mobilités, ont progressivement renforcé l’autonomie de cette branche. Néanmoins, la loi du 4 août 2014 prévoyait explicitement un rapport du gouvernement examinant les différents scénarios d’évolution pour les gares, étant entendu que si l’organisation existante était conforme au droit, elle pouvait apparaître comme un facteur de complexité et d’inefficacité dans un système ouvert à la concurrence. Ce rapport, transmis par le gouvernement aux commissions du Parlement compétentes en matière ferroviaire, souligne les limites de la gouvernance actuelle. Le bon fonctionnement opérationnel des gares nécessite des interactions constantes et fluides entre les différents acteurs présents en gare, or l’organisation actuelle tend à les multiplier :

- Les infrastructures des gares sont gérées à la fois par Gares & Connexions (bâtiments voyageurs) et par SNCF Réseau (quais, accès aux quais, halles voyageurs, etc.), ce dernier déléguant au premier de nombreuses missions ; par ailleurs Gares & Connexions délègue aux transporteurs de SNCF Mobilités l’exécution de certaines prestations, comme l’information aux voyageurs ou l’orientation des clients en gare dans les grandes gares, et sur un périmètre beaucoup plus large dans les gares mono-transporteurs (transport régional en Ile-de-France et en régions) ;

- La gestion du foncier est éclatée entre Gares & Connexions, SNCF Réseau et SNCF Immobilier.

Par ailleurs, le rattachement de Gares & Connexions à SNCF Mobilités, s’il est conforme au droit, entretient une certaine suspicion quant à l’indépendance du gestionnaire des gares vis-à-vis de l’opérateur historique, dans un contexte marqué par une tension croissante entre les régions et la SNCF92. De fait, tant l’Autorité de la Concurrence que l’ARAFER ont préconisé, à plusieurs reprises, de séparer Gares & Connexions de SNCF Mobilités.

91 Décision du Conseil Constitutionnel n° 2012-281 QPC du 12 octobre 2012, Syndicat de défense des fonctionnaires [Maintien de corps de fonctionnaires dans l'entreprise France Télécom]. 92 Cf. les contentieux portés devant l’ARAFER par la région Pays-de-Loire et le STIF.

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Une telle évolution semble faire consensus, comme le soulignent les députés Savary et Pancher dans leur rapport sur la mise en œuvre de la réforme93. Le rapport gouvernemental considère également cette évolution comme « inéluctable à terme, dans le contexte de l’ouverture à la concurrence ». Plusieurs scénarios sont envisageables pour Gares & Connexions :

- La création d’un troisième EPIC au sein du Groupe Public Ferroviaire ;

- Le rattachement à l’EPIC SNCF, en tant que direction dédiée ou en tant que filiale de droit privé (société anonyme) ;

- Le rattachement à SNCF Réseau, là aussi en tant que direction dédiée ou en tant que filiale.

Le premier scénario semble devoir être rejeté, en ce qu’il complexifierait encore le système et remettrait en cause l’architecture de la gouvernance du Groupe Public Ferroviaire. Le scénario consistant à créer une direction dédiée de l’EPIC SNCF semble devoir être rejeté également :

- Il ne supprimerait pas les nombreuses interfaces entre SNCF Réseau et Gares & Connexions ;

- Il nécessiterait un contrôle accru du régulateur sur les flux entre Gares et Connexions et le reste de l’EPIC concerné, et sur les modalités visant à garantir l’indépendance décisionnelle et organisationnelle de cette branche ;

- Il contribuerait à transformer l’EPIC de tête en une structure plus fortement opérationnelle, ce qui n’est pas dans l’esprit de la loi portant réforme ferroviaire ;

- Il ne lèverait pas totalement la suspicion quant à l’indépendance de Gares & Connexions, le président de l’EPIC SCNF étant aussi celui de SNCF Mobilités.

Le rattachement de Gares & Connexions à l’EPIC SNCF en tant que filiale soulève les mêmes difficultés, et n’apporte in fine qu’une simplification concernant la séparation comptable et l’indépendance organisationnelle et décisionnelle. Les députés Savary et Pancher, comme l’Autorité de la Concurrence et l’ARAFER, préconisent de transférer Gares & Connexions à SNCF Réseau. Le rapport gouvernemental, s’il ne se prononce pas clairement en faveur d’un scénario, semble également favoriser le scénario d’un rattachement à SNCF Réseau. Il convient de souligner que le choix du rattachement du gestionnaire de gares au gestionnaire du réseau a été fait dans plusieurs pays européens, notamment en Autriche, en Espagne et en Grande Bretagne. Le rattachement à SNCF Réseau permettrait de réduire les interfaces entre Gares & Connexions et SNCF Réseau, garantissant une plus grande efficacité dans l’exploitation, la programmation et la réalisation des investissements. Il ferait également disparaître de fait le besoin d’une double tarification (pour les quais, rattachés à SNCF Réseau, et pour les bâtiments voyageurs), source d’incohérences, de complexité et de manque de lisibilité.

93 Ibidem.

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Pour autant, il pourrait constituer un obstacle au développement commercial des gares, compte tenu des priorités et des contraintes de SNCF Réseau en matière d’investissement. Il convient donc de rechercher le schéma de filialisation le plus efficace. Une filialisation totale de la gestion des gares pourrait créer de nouvelles interfaces, d’autant plus que la gestion des actifs « ferroviaires », bâtiments, quais, halls, accès, qui permettent la fourniture des prestations régulées, nécessite des compétences ferroviaires qui seraient probablement mieux préservées si ces activités étaient maintenues au sein du gestionnaire d’infrastructure, en étroite interaction avec les transporteurs et les équipes en charge en charge de l’exploitation et de la maintenance du réseau. Il paraît en revanche indispensable de filialiser la gestion des contrats commerciaux (activité de l’actuelle filiale de Gares & Connexions A2C) et l’activité de développement commercial des gares, qui nécessitent des compétences très spécifiques. Cette filialisation apporterait la souplesse nécessaire pour investir et nouer des partenariats avec des investisseurs extérieurs. Enfin, il semblerait opportun d’envisager une évolution différenciée de la gouvernance des gares, distinguant d’une part les gares accueillant plusieurs transporteurs, c’est-à-dire les 128 gares dites « d’intérêt national », et d’autre part les gares et les haltes régionales (400 gares en Ile-de-France, 700 gares en régions, 1 750 haltes). La partie voyageurs des gares et haltes servant principalement au transport régional, dont la gestion est aujourd’hui assurée, en grande partie sinon en totalité, par le transporteur, pourrait être confiée à terme aux régions. Cela permettrait de supprimer la double interface région-transporteur-gestionnaire de gares, et de supprimer également le besoin d’établir une tarification, processus coûteux et insatisfaisant pour l’ensemble des parties prenantes.

: Rattacher Gares & Connexions à SNCF Réseau en préservant ses possibilités de développement commercial. Mettre en place une contractualisation pluriannuelle pour la gestion des gares, sur le modèle de la contractualisation pour le réseau ferré national. Etudier le transfert à terme des gares d’intérêt régional et local aux régions, qui pourront en confier la gestion au transporteur régional dans le cadre de l’ouverture à la concurrence.

Les fonctions « système » assurées par l’EPIC SNCF La loi portant réforme ferroviaire a défini le rôle de la SNCF comme se limitant à assurer le contrôle et le pilotage stratégique du groupe et les missions transverses nécessaires au bon fonctionnement du système de transport ferroviaire national exercées au bénéfice de l’ensemble des acteurs de ce système, en matière de gestion de crise, de préservation de la sûreté des personnes, des biens et du réseau et de sécurité, et des fonctions mutualisées exercées au profit de l’ensemble du groupe public ferroviaire, telles que la gestion administrative des ressources humaines, la mise en œuvre de la politique du logement pour les salariés du groupe public ferroviaire ou l’audit interne94. Le décret 2015-137 du 10 février 2015 relatif aux missions et aux statuts de la SNCF et à la mission de contrôle économique et financier des transports est venu détailler le contenu de ces dispositions. 94 Article L. 2102-1 du code des transports

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Pour l’ARAFER, le rôle et le positionnement de l’EPIC SNCF ne sont pas assez précisément définis au sein du groupe public ferroviaire, ce qui engendre des risques de conflits d’intérêt, de manque de transparence, et de comportements discriminatoires. Le régulateur pointait trois principaux sujets95 :

- Le rôle du directeur général en charge de la sécurité au sein de l’EPIC SNCF, formellement employé également par SNCF Réseau et SNCF Mobilités, ce qui d’après le régulateur n’est pas conforme au code des Transports ;

- L’articulation des rôles en matière de gestion des situations de crise entre la SNCF et SNCF Réseau est perfectible ;

- La SNCF assure des prestations de sécurité des personnes et des biens pour l’ensemble des acteurs du système ferroviaire, dans le cadre d’un service interne de sécurité plus communément dénommé « surveillance générale » ou « SUGE » ; ces prestations n’ont pas de caractère obligatoire mais sont régulées ;

- L’EPIC SNCF assure enfin d’autres missions transverses au bénéfice de l’ensemble du système ferroviaire, notamment en matière d’innovation et de recherche, d’interopérabilité et de normes, et d’accessibilité.

Il convient de distinguer le cas de la SUGE des autres missions. Les prestations de la SUGE font aujourd’hui l’objet d’une tarification contrôlée par le régulateur. Comme pour les autres missions « transversales » de l’EPIC SNCF, la question de la gouvernance peut être posée dans le contexte de l’ouverture à la concurrence. La gouvernance de l’EPIC SNCF, avec un président qui est également le président de l’opérateur historique, peut là encore engendrer un conflit d’intérêt, et rend nécessaire des mécanismes de contrôle (comme le rappelle l’ARAFER dans son bilan de la réforme96) qui contribuent à alourdir le fonctionnement du système. Par ailleurs, le statut de la SUGE demeure peu clair. Certaines des prestations offertes par la SUGE (surveillance du patrimoine, des bâtiments ou des installations ferroviaires en particulier) ne se distinguent pas de prestations classiques de gardiennage, pour lesquelles il existe des prestataires alternatifs, telles que des sociétés privées de sécurité opérant sur un marché concurrentiel. A l’inverse, les prestations impliquant la recherche, la constatation et la poursuite d’infractions relèvent de la police ferroviaire au sens du titre IV de la deuxième partie du code des transports. Elles impliquent la mise en œuvre de prérogatives exorbitantes du droit commun (contrôle d’identité, rétention d’individus), dont disposent également la police ou la gendarmerie nationales, y compris sur le domaine public ferroviaire. Pour les prestations de gardiennage la régulation des tarifs de la SUGE n’a pas lieu d’être, puisque le recours à la SUGE n’est pas obligatoire et qu’il existe des alternatives de marché. La question des tarifs de ces prestations est aujourd’hui un problème interne à la SNCF.

95 L’Arafer en évoquait un quatrième : le rattachement de SNCF Combustible, en charge de la gestion des stations-service du réseau ferré national ; ce point n’a plus lieu d’être avec le transfert de SNCF Combustible à SNCF Mobilités, propriétaire des stations-service qui distribuent l’essentiel du carburant sur le réseau national ; la question de la propriété des stations-service de SNCF Mobilités devra être traitée avec celles des ateliers auxquels elles sont rattachés, et la pertinence du positionnement de SNCF Combustible réévaluée à cet égard. 96 Ibidem, p22.

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En revanche, les prestations qui relèvent de la « police ferroviaire » pourraient ne plus être optionnelles et l’ensemble des opérateurs du système ferroviaire (gestionnaires d’infrastructures et d’installations de service et transporteurs) pourraient contribuer à leur financement. Dans ce cas, la notion de tarif devrait s’effacer devant une logique de taxation.

: Clarifier le rôle de la SUGE et son financement ; adapter sa gouvernance pour en garantir l’indépendance et associer l’ensemble des parties prenantes.

Les fonctions « système » assurées par l’EPIC SNCF en matière d’animation de la sécurité, de coordination de la gestion de crise, d’innovation et de recherche, de normalisation et d’interopérabilité soulèvent des questions différentes. Elles sont aujourd’hui exercées par l’EPIC SNCF, essentiellement au bénéfice du groupe public ferroviaire, même si l’action en matière de normalisation et d’interopérabilité bénéficie à l’ensemble de l’industrie et semble faire consensus. En revanche elles sont financées exclusivement par les opérateurs du groupe public ferroviaire, et leur gouvernance, comme pour la SUGE, ne paraît pas compatible avec un marché ouvert. La coordination de la gestion de crise semble être une mission que devrait assumer le gestionnaire de réseau, seul dénominateur commun à l’ensemble des parties dans un monde concurrentiel. C’est notamment la position du régulateur. L’animation de la sécurité est une question difficile : la nécessaire mobilisation du groupe public ferroviaire, en particulier après les dramatiques accidents de Brétigny et d’Eckwersheim, passait probablement par la nomination symbolique d’un directeur général unique en charge de la sécurité. Toutefois, là encore, dans un monde concurrentiel un tel arrangement ne peut répondre aux enjeux de la sécurité à l’échelle du système ferroviaire. L’ouverture à la concurrence rendra encore plus nécessaire l’effort de développement d’une « culture de la sécurité », et celui-ci ne peut être mené, au nom de tous les opérateurs, par l’EPIC SNCF. L’exemple britannique est intéressant de ce point de vue : c’est aujourd’hui le pays le plus sûr d’Europe en matière ferroviaire, après avoir connu une série d’accidents dramatiques dans les années 1990. En Grande-Bretagne la mission de promotion de la culture de la sécurité au sein du système ferroviaire est confiée à une entité qui rassemble les différentes parties prenantes de l’industrie ferroviaire britannique : entreprises ferroviaires, gestionnaire d’infrastructure, ROSCO, entreprises en charge de l’entretien de l’infrastructure, etc., soit plus de 80 membres au total. Ce « Rail Safety and Standards Board » n’a pas de pouvoir règlementaire et n’est pas un régulateur, comme peut l’être l’Etablissement Public de Sécurité Ferroviaire en France.

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Les décisions sont prises par consensus. Au-delà de sa mission en matière de sécurité, il œuvre également à la mise en place de standards communs à toute l’industrie, et anime également la recherche et l’innovation en matière ferroviaire. Son budget de près de 50 M£97 est abondé par les cotisations de ses membres, ainsi que par des subventions sur projets versées tant par le ministère des Transports que par ses membres. La sécurité dans un système ferroviaire ouvert à la concurrence, devrait bénéficier d’une gouvernance adaptée légitimant les décisions prises par les opérateurs et favorisant la diffusion de l’information. Le groupe public ferroviaire devra conserver une animation propre, mais il conviendrait de mettre en place une entité indépendante, rassemblant l’ensemble des opérateurs : gestionnaires d’infrastructures et d’installations de service, entreprises sous-traitantes, constructeurs de matériel, transporteurs, etc. Cette entité serait également la mieux placée pour œuvrer, au développement de l’interopérabilité, à la mise en œuvre de standards communs, et fédérer autant que possible les efforts de recherche et d’innovation.

: Clarifier le financement et la gouvernance des fonctions système actuellement assurées par l’EPIC SNCF (animation de la sécurité, interopérabilité et normes, recherche et innovation). Ces missions pourraient être confiées à un EPSF renforcé et rénové, ou à une agence indépendante sur le modèle du Rail Safety and Standards Board britannique; confier le rôle de coordination de la gestion de crise à SNCF Réseau.

97 Son budget annuel 2015-20165 est de 48,7 millions £, dont 22,1 millions £ de cotisations de ses membres, 9,3 millions £ des subventions du DfT pour la R&D et 13,4 millions £ pour l’innovation. Sa principale dépense est le personnel (22,57 millions £ en 2015-2016) pour 280 employés.

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Conclusion

Le chemin de fer a longtemps été l’unique moyen de transport rapide. Il est resté dominant pendant plus d’un siècle. Le formidable essor de la mobilité des biens et des personnes permis par le développement des transports routier et aérien, dans un contexte de forte croissance économique, a progressivement réduit la place du rail, qui ne peut répondre à tous les besoins. Ce constat ne doit pas tromper : le transport ferroviaire n’est pas en déclin. Sa part de marché est bien plus faible qu’en 1950 mais elle se renforce depuis 2000, et surtout, le trafic ferroviaire est aujourd’hui deux fois plus dense qu’il ne l’était en 1950. Le chemin de fer joue un rôle clé dans la mobilité des français, et les tendances lui sont favorables :

- La croissance démographique et la métropolisation accroissent les besoins de mobilité dans et entre les grandes zones urbaines ;

- La lutte contre la pollution atmosphérique et le changement climatique conduiront à renforcer les incitations en faveur du rail (taxe carbone, restrictions de circulation dans les grandes agglomérations, etc.) ;

- Les innovations dans le domaine de la mobilité (plateformes, « porte à porte », mobility as a service, véhicule autonome…) pourront élargir son domaine de pertinence en favorisant les complémentarités et l’intégration du rail dans une chaine de transport multimodale.

Pourtant, la situation du transport ferroviaire est préoccupante :

- Les performances ne sont pas satisfaisantes, en termes de régularité, de gestion des crises, d’information aux voyageurs, de sécurité ; le vieillissement du réseau n’explique pas tout, loin de là ;

- Les coûts augmentent sans cesse, et même si les concours publics n’ont jamais été aussi élevés, cette dynamique pèse sur l’offre ;

- Le financement du système ferroviaire est gravement déséquilibré, et seules des

hypothèses très optimistes peuvent laisser penser que la dérive sera maîtrisée à terme sans traitement de la dette et sans ajustement de la consistance du réseau.

Cette situation s’explique avant tout par les incohérences et les insuffisances de la gouvernance publique, qui ont conduit :

- A un retard massif de régénération du réseau existant, sacrifié pendant 30 ans au profit des lignes nouvelles, dont les usagers et les contribuables payent aujourd’hui le prix en termes de performances dégradées et de surcoûts de maintenance ;

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- A un paradoxe unique en Europe, qui consiste à dépenser chaque année plus de 15% des

concours publics alloués au transport ferroviaire pour moins de 2% des voyageurs, là où la route permettrait d’offrir des services comparables pour un coût beaucoup moins élevé, et alors même que des investissements utiles ne sont pas réalisés faute de moyens ; cette mauvaise allocation des ressources pèse là aussi sur les usagers du réseau principal, et sur les contribuables ;

- A l’absence de réelles incitations à l’efficacité, qui a favorisé la dérive des coûts, creusé l’écart avec la concurrence (intermodale, et demain, intramodale), et fait du nécessaire dialogue social un théâtre d’ombres…

Le système ferroviaire doit aujourd’hui se réformer pour répondre à un double enjeu :

- Trouver la voie d’une gouvernance saine, fondée sur des modèles économiques équilibrés, et garantissant la performance industrielle et économique du système ferroviaire ;

- Préparer l’ouverture du marché à la concurrence, en adaptant l’organisation, les règles et les modes de financement du système, mais aussi en permettant aux cheminots de s’engager sereinement dans cette évolution et de continuer à mettre leurs compétences et leur dévouement au service de l’intérêt général.

La performance économique et industrielle du système ferroviaire dépend étroitement de la qualité de la gouvernance publique. Celle-ci doit s’appuyer sur un système d’incitations et de contraintes garantissant :

- L’efficacité de l’allocation des ressources (l’argent public doit être consacré aux usages qui engendrent le plus de gains économiques et sociaux) ;

- L’efficacité de la production des services (il convient de rechercher à minimiser le coût d’un service pour la collectivité, ou de maximiser le service produit par euro public dépensé).

Un tel système ne peut fonctionner sans cohérence des choix publics : cohérence des objectifs assignés aux différents opérateurs (transporteurs et gestionnaires d’infrastructure), dans une perspective multimodale, cohérence des moyens alloués avec ces objectifs, cohérence enfin dans le temps, pour ne pas obérer le futur en refusant d’affronter des choix difficiles à court terme.

La cohérence des choix exige de recentrer le transport ferroviaire sur son domaine de pertinence : les transports du quotidien en zone urbaine et périurbaine, et les dessertes à grande vitesse entre les principales métropoles françaises.

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Compte tenu de l'ampleur des concours publics au secteur ferroviaire, du déficit de financement du réseau, de l’insuffisance des investissements de rénovation et de modernisation sur les parties les plus circulées du réseau, il paraît impensable de consacrer près de 2 milliards d’euros à seulement 2% des voyageurs. Le maintien des lignes héritées d’une époque où le transport ferroviaire était l’unique moyen de déplacement doit être revu.

Il ne s’agit ni de remettre en cause la place du rail dans la mobilité des Français, ni d’abandonner certains territoires en ne leur offrant pas ou plus les services de transports collectifs dont ils ont besoin. Au contraire :

- C'est en redéployant les moyens là où ils sont les plus utiles que le transport ferroviaire pourra retrouver sa place et sa légitimité ;

- C’est en réfléchissant à la meilleure allocation des ressources publiques que l’on pourra renforcer et améliorer la desserte des territoires ruraux, avec des solutions adaptées permettant de rapprocher le service proposé de ses usagers, d’améliorer les fréquences, et de multiplier les points d'arrêt.

Avec l'ouverture en 2017 de 700 kilomètres de lignes nouvelles, le réseau à grande vitesse français peut être considéré comme abouti. Poursuivre cet effort de développement entraînerait le TGV au-delà de sa zone de pertinence économique, c’est-à-dire les dessertes de très grandes agglomérations avec des trajets durant jusqu’à trois heures : il faudrait alors toujours plus de concours publics, pour une utilité collective toujours plus faible. Il convient en revanche de moderniser progressivement les lignes existantes, pour augmenter la capacité, éviter les saturations et préserver la qualité de service. La ligne Paris-Lyon doit être traitée en priorité, et d’ici quelques années, Paris-Tours et Paris-Lille, dans la perspective de l’ouverture à la concurrence. A plus long terme, le reste du réseau à grande vitesse devra être également équipé en ERTMS, afin d’assurer son interopérabilité. Enfin, seul le ferroviaire est capable d’assurer un transport à la fois rapide et massifié, répondant aux besoins de mobilité engendrés par la vie économique et sociale des grandes agglomérations. Or ces trains « du quotidien » circulent aujourd’hui sur un réseau conçu pour des trafics plus faibles et plus homogènes. La qualité de service n’est pas satisfaisante, alors même que la demande, déjà considérable (3 millions de voyageurs quotidiens en Ile de France), augmente sans cesse. La qualité des transports du quotidien dans les zones urbaines denses exige un immense effort : rénovation et modernisation des infrastructures dans les grands nœuds, remplacement des matériels roulants, optimisation de l’exploitation… Ce doit être, et rester, la priorité pour les 20 ans à venir.

L’équilibre économique du gestionnaire d’infrastructures est une obligation légale, mais c’est aussi un impératif pour une gouvernance efficace. Depuis sa création, le gestionnaire du réseau ferroviaire national a toujours eu des ressources inférieures à ses dépenses. Il a accumulé une dette considérable, au-delà de la dette héritée de la SNCF. En l’absence de contrainte, compte tenu d’un statut d'EPIC qui rattache organiquement SNCF Réseau à l'Etat, l’endettement a été la réponse systématique à tous les choix difficiles, et le réceptacle de tous les déséquilibres : petites lignes régionales, fret, lignes nouvelles, renouvellement du réseau… Dans ce contexte, aucune incitation réelle à la discipline financière ne peut prévaloir, ni en interne, ni en externe. Il est impossible de maîtriser les coûts, impossible de refuser une dépense inutile, impossible de faire payer à chacun ce qu’il doit.

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Le traitement de la dette est nécessaire à un retour à l’équilibre du gestionnaire d’infrastructures, au même titre que le recentrage progressif du rail sur son domaine de pertinence, et les efforts de productivité qui seront réalisés. Ce traitement est nécessaire pour assurer un retour à l’équilibre au terme du contrat de performance 2017-2026, conformément à la loi.

Au-delà du nécessaire traitement de la dette, il faut créer les conditions pour interdire toute nouvelle dérive :

- SNCF Réseau ne doit plus s’endetter au-delà de ce que seraient ses capacités de portage indépendamment de la garantie implicite de l’Etat,

- Il ne doit plus investir à perte, quelle que soit la nature de l’investissement,

- Les autorités organisatrices doivent assumer le coût complet des services d’infrastructure qu’elles utilisent ;

- Le management doit être responsabilisé quant à la maîtrise des coûts. Les dispositifs mis en place par la loi du 4 août 2014 ne sont, à l’évidence, pas suffisants, et ils font déjà l’objet de diverses dérogations. Il conviendrait, a minima, de les renforcer, mais l’abandon du statut d'EPIC, pour faire de SNCF Réseau une société nationale à capitaux publics, semble offrir de meilleures garanties. Ce statut de société anonyme à capitaux publics interdirait à la société de reconstituer une dette non amortissable et l'obligerait à respecter les ratios habituels entre sa marge opérationnelle et son niveau d’endettement. Il responsabiliserait enfin la société et ses dirigeants sur les efforts de gestion indispensables pour interdire la reconstitution d’une dette irrécouvrable. Parallèlement, l'EPIC SNCF Mobilités devrait également être transformé en société nationale à capitaux publics, sa forme juridique actuelle n'étant probablement pas durablement compatible avec les exigences européennes. Enfin, compte tenu de sa dette et du précédent de la recapitalisation de 2005, l’activité de fret devra être filialisée, et sa dette reprise par SNCF Mobilités.

L’ouverture à la concurrence est une opportunité pour le système ferroviaire français. Elle créera de nouvelles incitations à l’efficacité et à l’amélioration de la qualité de service, établira la vérité des prix et des coûts pour les voyageurs comme pour les autorités organisatrices, et favorisera la diffusion des innovations technologiques et commerciales. La difficulté de la transition vers un fonctionnement concurrentiel ne doit cependant pas être sous-estimée. Le précédent de l’ouverture du marché du fret ferroviaire montre bien les risques d’une ouverture mal préparée. Les barrières à l’entrée doivent être levées autant que possible (certaines étant inhérentes à la nature même de l’activité : intensité capitalistique, économie d’échelle, effets de réseau…),

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l’organisation du système doit être adaptée, et la fin des péréquations internes au transporteur historique doit être anticipée. Au-delà, il importe de donner toutes ses chances à la SNCF face à ses nouveaux concurrents, non seulement ferroviaires, mais aussi intermodaux. Les transformations engagées par le management de l’entreprise seront vaines si un nouveau contrat social ne permet pas d’adapter l’organisation du travail, les conditions de rémunération et leur évolution dans le temps.

L’adaptation du système ferroviaire français à la concurrence a été engagée en 1997, avec la création de RFF. Cette nécessaire autonomisation du gestionnaire d’infrastructures s’est accompagnée d’une complexification des interfaces et d’une imbrication des responsabilités qui ont engendré des inefficacités considérables. Le positionnement des gares, de la SUGE et des fonctions « système » doit à tout prix éviter un tel écueil. Il convient au contraire de rechercher la clarification des rôles, la simplification des interfaces, la désimbrication des missions :

- SNCF Mobilités ne doit pas assumer des responsabilités qui ne seraient pas celles de toute entreprise ferroviaire dans les mêmes conditions ;

- SNCF Réseau doit être le gestionnaire de toutes les fonctions essentielles, infrastructures et services aux entreprises ferroviaires, notamment en intégrant les gares et la sûreté ferroviaire, et en assurant la gestion des crises ;

- L’EPIC « de tête » doit être centré sur sa mission de pilotage stratégique et d’unité sociale

du groupe. Les modalités d’ouverture à la concurrence du transport régional doivent donner tous les moyens aux régions d’exprimer leurs choix, dans une logique d’ouverture progressive qui conduira SNCF Mobilités à conserver un rôle prééminent au moins jusqu’en 2023, et très probablement au-delà Dans ce contexte, il conviendra de veiller à ce que ni la SNCF ni les régions ne se voient contraintes d’assumer des charges injustifiées. La principale difficulté de cette ouverture réside dans l’encadrement du nécessaire transfert des personnels aux nouveaux opérateurs. Une loi devra poser le principe d’un transfert obligatoire, les dispositions statutaires relatives à la mobilité fonctionnelle et géographique s’appliquant en cas de refus. Elle devra également en préciser les conditions, notamment en termes de maintien de la rémunération et des avantages statutaires. Le processus de désignation des agents à reprendre devra faire l’objet d’une négociation collective. Le principe général d’une concurrence « dans le marché » semble devoir être retenu pour le transport de voyageurs à longue distance. Les modalités d’une telle ouverture, en apparence plus simples à définir, doivent néanmoins anticiper deux principales difficultés :

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- Les risques financiers pour les entreprises ferroviaires liés à l’incertitude sur la

disponibilité des capacités et la tarification, compte tenu de la durée de vie des matériels roulants (30 ans), de leur faible interopérabilité, et de l’absence de marché secondaire ; pour cela, il conviendra de faciliter le recours à des accords de long terme entre le gestionnaire d’infrastructure et les entreprises ferroviaires, et d’offrir une visibilité pluriannuelle sur les péages d’infrastructure ;

- Le risque d’« écrémage » du marché et de remise en cause des dessertes les moins rentables ; la mise en œuvre d’une tarification plus incitative au développement des trafics, en particulier dans le contexte d’accords-cadres englobant un ensemble de dessertes cohérentes, permettrait de n’envisager le conventionnement qu’en dernier recours.

La SNCF n’est pas une entreprise ordinaire. C’est une communauté de femmes et d’hommes qui, au fil des ans, a su surmonter les épreuves, accompagner les transformations économiques et techniques les plus importantes, et mettre ses compétences au service de la mobilité de tous. Les défaillances du système ferroviaire atteignent les cheminots dans leur intégrité professionnelle, alors même qu’ils n’en sont, très largement, pas responsables. La réforme à venir et l’ouverture à la concurrence doivent être l’occasion de renouveler le contrat social de la SNCF. Au sein de la SNCF, chacun sait que les relations sociales s'organisent plus souvent sur le régime du conflit que sur celui du consensus. Il est vain de vouloir rechercher des responsabilités à ce qui est le résultat d'une histoire économique, sociale et organisationnelle. Il est également illusoire de penser que cette situation peut changer rapidement. Mais il n'est pas utopique de croire que peuvent être restaurées progressivement des relations de confiance au service d'une construction sociale bénéfique au cheminot. Trois questions doivent être au cœur du dialogue social :

- La stratégie de l'entreprise ; il est normal que ceux qui font la SNCF au quotidien y soient associés ; la mise en place des nouvelles instances de représentation du personnel doivent être l'occasion de prévoir un temps de réel dialogue stratégique dans l'activité générale des relations sociales ;

- Les compétences, la formation, les parcours professionnels doivent être au cœur du dialogue social, une priorité qui n’implique pas d’oublier les autres sujets traditionnels ;

- Enfin, les cheminots eux-mêmes doivent voir leur droit d'expression réaffirmé ; ils en savent plus que quiconque sur leur métier, ses conditions d'exercice et les voies de progrès que pourrait emprunter l'entreprise.

L’élaboration d’un nouveau contrat social est un exercice de responsabilité pour les organisations syndicales comme pour le management de l’entreprise. Un tel contrat doit d'abord prendre appui sur les compétences des cheminots, sur leur professionnalisme, sur leur savoir-faire, sur l'expérience accumulée. Il doit également renvoyer à un projet de long terme pour l’entreprise, permettant à chaque cheminot d’y projeter son propre parcours professionnel.

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La question de l'évolution du statut doit être la résultante de la mise en place de ce nouveau contrat social, sans qu'il soit nécessaire de tout réviser. L'entreprise et ses partenaires sociaux ont les moyens de moderniser ce qui doit l'être pour préparer l'avenir des cheminots et sécuriser leur emploi à terme. Personne ne peut se satisfaire d'une situation où les conservatismes assumés par tous conduisent, inexorablement, au déclin de l'emploi. Certains verront dans ce déclin la résultante d'une productivité à marche forcée ou d’une concurrence débridée. Personne ne peut nier que la SNCF n'a pas toujours eu l'agilité lui permettant d’affronter un monde en profond bouleversement. Elle doit d'ores et déjà se poser la question de l'opportunité de poursuivre des embauches dans un cadre statutaire qui ne lui permet plus de faire face à ses enjeux concurrentiels.

*** La nécessaire organisation de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs constitue une occasion unique de moderniser le système ferroviaire français et de lui offrir une perspective de renouveau, à l’heure où se multiplient les innovations et les concurrents dans le domaine de la mobilité. Rééquilibrer le modèle économique, moderniser le réseau, réformer la gouvernance, renoncer au « tout ferroviaire » pour replacer le rail français au niveau des meilleurs… Les cheminots seront les acteurs majeurs d’un renouveau rendu possible par un effort sans précédent de la collectivité nationale. Ils doivent eux-mêmes repenser leur façon de travailler et favoriser de nouvelles organisations du travail qui mettent en valeur leurs compétences. Pour construire son avenir dans un univers concurrentiel, la SNCF doit d’abord compter sur ses propres ressources : sur sa cohésion interne, sur ses ressources humaines, sur des savoir-faire incontestables, sur une capacité d’innovation dans toutes les composantes de ses métiers. Elle a tous les atouts. Elle est à un tournant. Elle doit avoir confiance en elle et en son avenir.

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A N N E X E S

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Annexe 1 : lettre de mission

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Annexe 2 : Remerciements Ce rapport est le résultat d’un travail collectif. Je veux d’abord remercier les deux membres de la mission qui ont travaillé à mes côtés, Jean François COLIN, ancien directeur général adjoint ressources humaines de la SNCF dont les conseils ont enrichi les différents thèmes du rapport et dont l’expertise sur les questions sociales a été essentielle, et Olivier NALIN, ingénieur en chef des Ponts, des Eaux et des Forêts dont la parfaite connaissance du transport ferroviaire, notamment des Trains Express Régionaux (TER), a été précieuse. Je souhaite aussi remercier Ferréol CHARLES, adjoint au Chef du Bureau Transports à la Direction du Budget, Sébastien GUEREMY, Chargé de participation à l’Agence des Participations de l’Etat, et François LAVOUE, Chef du bureau des opérateurs de transport ferroviaire à la Direction Générale des Infrastructures du Transport et de la Mer (DGITM), désignés comme référents de la mission par leurs administrations respectives. Grâce à leur compétence, la mission a pu disposer de toutes les données qui lui étaient nécessaires. Mes remerciements vont en particulier à la DGITM et à son Directeur François POUPARD qui a mis l’ensemble de ses services à notre disposition. Je souhaite également remercier Grégoire MARLOT, référent de la mission désigné par la SNCF. Il nous a aidés à mieux comprendre et à approfondir les questions les plus complexes. Enfin, je veux remercier tous ceux, notamment à la SNCF, qui ont communiqué sans réticences toutes les données dont ils disposaient. Mes remerciements s’adressent en particulier à Guillaume PEPY, Patrick JEANTET, Laurent TREVISANI et Alain QUINET qui ont patiemment et complétement répondu à toutes nos interrogations.

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Annexe 3 : Liste des personnalités auditionnées Ministres et anciens Ministres � Xavier BERTRAND, Président de la Région des Hauts-de-France

� Jean-Louis BIANCO, Président de l’Observatoire de la laïcité

� Dominique BUSSEREAU, Président du Conseil général de Charente-Maritime

� Jean-Claude GAYSSOT, Président du Port de Sète-Frontignan

� Florence PARLY, Ministre des Armées

� Eric WOERTH, Député de l’Oise – Président de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale

Responsables politiques � François BONNEAU, Président délégué Régions de France

� Carole DELGA, Présidente de la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée

� Fabienne KELLER, Sénatrice du Bas-Rhin

� Hervé MAUREY, Sénateur de l’Eure – Président de la Commission de l’Aménagement du Territoire et du Développement durable

� Michel NEUGNOT, Président de la Commission Transports et Mobilité – Régions de France

� Bertrand PANCHER, Député de la Meuse

� Nicolas SAMSOEN, Maire de Massy Représentants institutionnels � Pauline d’HÉRÉ, Déléguée générale Association Française des Gestionnaires

d’Infrastructures (AGIFI)

� Philippe DURON, Président du Comité d’Orientation des Infrastructures – Coprésident de Transport Développement Intermodalité Environnement (TDIE)

� Bruno GAZEAU, Président de la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports (FNAUT)

� Didier LE RESTE, Président de Convergence Nationale Rail

� Thierry MALLET, Président de l’Union des Transports Publics (UTP)

� Louis NEGRE, Président du Groupement des Autorités Responsables de Transport (GART) – Coprésident de Transport Développement Intermodalité Environnement (TDIE)

� Armand PINOTEAU, Conseiller Villes de France

� Bernard ROMAN, Président de l’ARAFER

� Claude STEINMETZ, Président de l’Association Française du Rail (AFRA)

� Claude FAUCHER, Délégué général de l’Union des Transports Publics (l’UTP).

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Responsables économiques � François GAUTHEY, Directeur général délégué d’EUROTUNEL

� Catherine GUILLOUARD, Présidente de la RATP

� Hervé LE CAIGNEC, Président de LISEA

� Thierry MALLET, Président de TRANSDEV

� Piers MARLOW, Président de European Passenger Transport Operators (EPTO)

� Francis NAKACHE, Directeur général de CAF France

� Henri POUPART-LAFARGE, Président de ALSTOM

� Manfred RUDHART, Chief Executive Officer d’ARRIVA – Groupe Deutsche Bahn Personnalités qualifiées

� Agnès AUDIER, Directrice associée Boston Consulting Group (BCG)

� David AZEMA, Banque Perella Weinberg

� Jean BASSERES, Directeur général de POLE EMPLOI

� Noël CHAMBODUC de SAINT PULGENT, ancien Responsable de la Mission de Contrôle économique et financier des Transports

� Thierry DUPONT

� Louis GALLOIS, Président de PEUGEOT SA

� Jean-Louis GIRODOLLE, LAZARD FRERES

� Claude GRESSIER

� Francis ROL TANGUY, Conseiller Maître à la Cour des Comptes Hauts fonctionnaires – Conseillers ministériels � Philippe DUPUIS, Responsable de la Mission de Contrôle économique et financier des

Transports

� Emmanuel MOULIN, Directeur de Cabinet du Ministre de l’Economie et des Finances

� Odile RENAUD-BASSO, Directrice générale du Trésor

� Amélie VERDIER, Directrice du Budget

� Martin VIAL, Commissaire Agence des Participations de l’Etat SNCF � Guillaume PEPY, Président

� Patrick JEANTET, PDG SNCF RESEAU – Président délégué du Directoire de la SNCF

� Jean-Marc AMBROSINI, Directeur général délégué – Direction Cohésion & Ressources Humaines Ferroviaires

� Mathias EMMERICH, Directeur général délégué Performances SNCF MOBILITES

� Jean GHEDIRA, Directeur INTERCITES – SNCF MOBILITES

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� Alain KRAKOVITCH, Directeur général – SNCF Transilien

� Franck LACROIX – Directeur général TER – SNCF MOBILITES

� Pierre MESSULAM, Directeur général adjoint TRANSILIEN SNCF

� Xavier OUIN, Directeur – Direction du Matériel – SNCF MOBILITES

� Alain PICARD, Directeur général – SNCF LOGISTICS

� Rachel PICARD, Directrice générale – VOYAGES SNCF

� Alain QUINET, Directeur général délégué – SNCF RESEAU

� Mathieu QUYOLLET, Directeur de Cabinet de Guillaume PEPY

� Benjamin RAIGNEAU, Directeur des Ressources Humaines – Groupe public ferroviaire

� Antoine de ROCQUIGNY, Directeur Finance, Stratégie et Juridique – VOYAGES SNCF

� Patrick ROPERT, Directeur général Branche SNCF Gares et Connexions

� Laurent TREVISANI, Directeur général délégué – SNCF EPIC DE TETE

� Stéphane VOLANT, Secrétaire général SNCF Organisations syndicales � Didier AUBERT, Secrétaire général CFDT Cheminots

� Laurent BRUN, Secrétaire général CGT Cheminots

� Stéphane CHATEL, Secrétaire national SUGE - FO

� Roger DILLENSEGER, Secrétaire général UNSA Ferroviaire

� Philippe GONCALVES, Coordinateur FGT CFTC

� Lionel JORAND, Secrétaire général Union Solidaire Transports

� Robert SAEZ, Président CFE-CGC Ferroviaire