La Voix des Sans-Papiers n°2

download La Voix des Sans-Papiers n°2

of 8

Transcript of La Voix des Sans-Papiers n°2

  • 8/8/2019 La Voix des Sans-Papiers n2

    1/8

    lavoixdessans-papiersNUMRO 2 Mercred i 8 Dcembre 2010 50 centimes

    SOMMAIRE page 2-3, Les femmes du 9me collectif de sans-papiers page 4-8, DEUX VOIX : Entretienavec la CSP75

    [email protected] http://www.mondialisme.org

    bulletin du mouvement et des collectifs de lutte autonomes

    SANS-PAPIERS, SANS DROITS, CRASS PAR LA LOI!L'air en Europe devient de plus en plus irrespirable pour les sans-papiers.En Italie, ils montent en haut de grues (Brescia), de tours industrielles (Milan), et ne veu-lent plus descendre, au risque de leurs vies, pour revendiquer des rgularisations pro-mises et nies pour lesquelles ils ont vers des milliers d'euros un tat-vautour ainsiqu' d'autres vautours sociaux.En France, en rgion parisienne, Colombes, un sans-papiers malien, membre du col-lectif du 92, interpell chez lui, taseris, tu, puisque, nous dit-on, il avait pt lesplombs en essayant de s'enfuir. Vincennes, au Mesnil-Amelot, les centres de rten-tion de nouveau en rvolte, parce que les sans-papiers y sont laisss crever de froid,de faim et de maladie, dans des conditions qu'on refuserait des btes.Et partout cette banalit du mal, tous les chelons de la vie sociale, cette intime cor-ruption des consciences en vertu de laquelle il est normal d'asseoir ses fortunes,grandes ou petites, prives et publiques, sur l'enfer qu'on fait subir aux damns de

    ce monde.Dans cet tat des choses, un rve, veill. Ou, si l'on veut, un apologue, en deuxtableaux, une moralit.Premier tableau. On y voit les sans-papiers formant un seul tre, et ce large corpsunique, comme un pachyderme immerg dans la mare flche douce France. Lerveur de passage qui le voit poursuit sa route mais en avanant il revient en arrire,il revoit le gant qui entre dans l'eau, la tte trouble par l'ide fixe : heureux paysdes Droits de l'homme. Ce n'est pas pour rien que pachyderme veut dire peaupaisse. Le grand corps immerg ne l'est pas dans une mare charmante mais dansun sombre marais: sa peau paisse n'est pas impermable seulement l'eau, elle

    l'est aussi l'exprience sensible du marcage, il y berce son me offusque par lavase que soulvent ses moindres mouvements, dans le doux pays des Droits.Second tableau. Lnorme crature refait surface, et c'est maintenant un hippopotamegant que voit le rveur. Il ne sort son mufle que pour respirer, il secoue sa croupe horsde l'eau pour la librer des sangsues qui l'habitent. Mais, l'air libre, d'autres para-sites, et a voltige et a se rue. Car il y a, au-dessus de la mare, tout un monde de petitstres voraces, moustiques et autres moucherons suceurs, l'air en est noir et irrespi-rable. Aussi voil ce qu'aperoit encore notre rveur : la crature gante quireplonge son mufle au fond de l'eau, et sa croupe puissante qui l'y suit.Mais nous qui ne rvons pas quittons ce rve avant qu'il nous touffe, et jusquaujour o le gant sorti de l'eau se redressera de toute sa taille pour respirer. Etmaintenant sortons prendre un bol d'air frais chez les femmes du 9me collectif desans-papiers.

  • 8/8/2019 La Voix des Sans-Papiers n2

    2/82

    Les femmes du 9mecollectif de sans-papiersLe 9me collectif : un collectif fministe ou fminis?La discussion s'engage sur l'emploi de l'un ou l'autre de cesqualificatifs. Toutes, elles sont d'accord pour carter ledeuxime. Par contre quelques-unes sont rsolument pour lepremier, le leur est bien un collectiffministe, au sens queleur lutte est aussi pour la reconnaissance de l'galit et de lalibert des femmes maghrbines et africaines, et plus en gn-ral de tous les pays. D'autres rsolument contre, puisque,expliquent-elles, ce serait porter ombrage aux hommes ducollectif, qui sont nombreux et tout aussi actifs.

    UN COLLECTIF PAS COMME LES AUTRES

    N'empche que ces dernires ne nient pas non plus, entrefemmes, cette originalit trs marque qui fait du 9me uneentit unique entre les collectifs de sans-papiers de France.Est-ce sur cette caractristique que reposent aussi sa combati-vit presque lgendaire et sa rputation d'indomptabilit ?Quoi qu'il en soit, la discussion aura servi rompre la glace.

    Les visages, d'abord sur la rserve, avec un je ne sais quoi desecret, s'illuminent, les langues se dlient. L'ambiance est vitegaie, bruyamment enjoue au rappel des exploits passs, despatements peints sur les physionomies des hauts personna-ges, cibles des actions du moment. Autant d'pisodes dersistance (le mot est soulign avec force par plusieurs, plu-sieurs fois), rsistance la rduction objets sans me deleur humanit et de leur tre de femmes.Elles sont une bonne dizaine autour de l'intervieweur, ces fem-mes aux figures dignes marques par le labeur et le mprissubi, de tous les jours, et aux noms de parfums exotiques.Wahiba, Zineb, Rabha, Nezha, Marime, Zoubida, Halima,Saliha, Zohra, Sokhna, Bahija la plupart sont d'origine

    maghrbine et quelques-unes d'Afrique noire. C'est la hontede nos socits, que le sort qu'elles rservent ces femmes.La moiti sont dans l'attente de leurs papiers (depuis 8 ans,7 ans et demi, 11 ans, 7 ans, 10 ans) et ont dj connu desrefus, des OQTF (obligation de quitter le territoire franais),etc., enfin, la panoplie de vexations lgislatives et rglemen-taires que connaissent tous les travailleurs et travailleusesimmigrs, et par laquelle on leur fait subir le joug pendant denombreuses annes. Toutes, une exception prs (mais,auparavant, un an pass Droits devant), militent au collectifdepuis longtemps. Deux ont des convocations en prfecturepour l'examen de leurs dossiers. [L'une, Rabha, a t rgulari-se pendant la rdaction de cet article.]

    Wahiba, algrienne, rappelle l'arbitraire et les mensonges sou-vent honts des dcisions prfectorales. En 2006 elle a essuyun refus de rgularisation malgr son contrat de travail. EnFrance, elle a surs, frres, etc.: Une grande famille de nationa-lit franaise. J'ai cru rver quand on m'a annonc le motif du refus.Texto : "vous n'avez aucune attache familiale en France" !Marime, malienne, est en France depuis dix ans. Elle a euun refus en 2004 pour motifs de sant. Les ennuis avec l'AME(aide mdicale d'tat) sont de nouveau son principal souci,car l'hpital lui demande de rgler 3000 euros qu'elle n'a pas.La discussion s'engage l-dessus, les autres femmes l'invitentvivement ne pas s'en faire. Ce qu'il lui arrive, c'est normal,ce sont les procds courants d'une administration qui com-

    mence toujours par ignorer les droits des travailleurs tran-gers, pour qu'ils payent ce qu'ils ne doivent pas payer. Il fautsans relche exiger le respect de ses droits.L'autre moiti, elles sont rgularises depuis souvent long-temps, mais toujours assidues la vie du collectif. En toutcas, prsentes non moins que les autres aux actions et mani-

    festations du collectif. Ce qui surtout frappe est cette capacitd'empathie, de cohsion et de solidarit active, ce sentimentde devoir se serrer les coudes entre femmes exploites.Halima, rgularise depuis quelques mois, aprs 18 ansqu'elle vit ici (pour motif de vie prive et familiale, car elleaussi a en France une famille de nationalit franaise), se rem-brunit la pense de ce qu'elle garde toujours sur le cur :son pre d'abord, puis sa mre, sont dcds au pays sansqu'elle puisse aller aux funrailles. Mais l-dessus, son arresta-tion est voque, 24 heures de garde vue la suite de la der-

    nire action, en juin dernier, lOrganisation internationalede la francophonie. Alors elle sourit : mon image est danstous les journaux. Et son sourire a un sens spcial, ineffaa-ble : ml de profonde amertume et de fiert. Elle n'a pas pualler au Maroc quand c'tait, humainement, capital ; elle n'apas pu y aller, alors que son image faisait le tour du monde,puisque - et c'est sa fiert - elle est toujours en premire lignederrire la banderole du collectif .Porte-parole de fait, inconteste, est Bahija. Mais elle refuse cequalificatif : au 9me il n'y a ni porte-parole ni responsables,seule responsable est l'assemble hebdomadaire. Aprs avoirrflchi un instant, elle se dit une militante active et aguerrie.Puis elle demande d'effacer le dernier mot : une militante de

    base active, voil, cela et rien de plus. Mais d'autres ne sontpas d'accord. Se faisant l'interprte d'un sentiment commun,Wahiba dit que Bahija est bien plus que leur porte-parole,elle est : notre exemple et notre guide. Et elle vante son cou-rage indfectible, faire envie bien des hommes. Bahija, larougeur aux joues, ces mots se rebiffe et demande de n'en riencrire. Elle nous excusera d'enfreindre ses souhaits. Par exp-rience nous savons que la modestie n'est pas le fait des guides.

    LES ACTIONS

    Nous l'avons dit, le 9me est connu surtout pour ses actions.Et pour sa capacit, mine de rien, de djouer la surveillancede la police.

    Concernant la question du travail des femmes, le fait qu'ellessont surtout employes dans des boulots sous-pays des servi-ces la personne, quelques actions, s'talant sur plusieursmois en 2007 et 2008, sont voques. Parmi les plus signifi-catives, l'occupation du Secrtariat charg de la solidarit,dans le 7e arrondissement, et l'Agence nationale des services la personne, dans le 15e.Au cours de la premire, les femmes du collectif ont eu unlong entretien avec la secrtaire d'tat de l'poque (ValrieLtard, maintenant remercie par Fillon) pour dnoncer sasignature d'un accord avec le ministre de l'immigration etl'agence des services la personne. Le scandaleux de cetaccord, toujours en vigueur, est que les femmes qui viennent en

    France par regroupement familial doivent tre orientes vers cesecteur des services la personne.Pendant ces actions, elles sont aussi alles demander le sou-tien de Rachida Dati, non tant comme ministre de la justice,que comme femme et maire du 7e arrondissement, o unemajorit de femmes sans-papiers travaillent dans les services la personne. Pour toute rponse, Rachida a vite appel lapolice qui n'a pas mnag ces travailleuses sans-papiers qui, laplupart, taient de mme origine maghrbine qu'elle.Ces actions ont t faites au moment du lancement des pre-mires grves de sans-papiers par les syndicats. Leur but taitde sensibiliser l'opinion publique sur les travailleuses sans-papiers isoles, trs nombreuses mais entirement ngligespar les organisations syndicales. L'cho mdiatique a tremarquable, et a donn une visibilit spcifique au 9me, entant que collectif o des femmes sont trs actives et combati-ves. Quelques-unes soulignent quil tait prvu que ce cycled'actions serait men exclusivement par des femmes, mais deshommes ont pu finalement s'y joindre : pour ne pas les lais-

  • 8/8/2019 La Voix des Sans-Papiers n2

    3/83

    ser seules, ou, comme certains l'ont dit, par solidarit avec lesfemmes rsistantes.Sokhna met les point sur les i : ces actions n'taient pas, enelles-mmes, spcialement faites pour exclure les hommes.La question de la parit peut se poser pour d'autres collectifs,mais pas chez nous. Nos pratiques, nos mthodes de lutte seconjuguent au fminin, mais sans carter les hommes. Ceci esttrs important pour nous, puisqu'en majorit nous venonsd'Afrique, o, dans beaucoup de pays, la parit homme-femme adu mal passer. La plupart des collectifs de sans-papiers sont

    dirigs par des hommes, les femmes sont relgues au second plan,elles ne sont pas consultes pour les dcisions. Au 9me, les fem-mes ont voix au chapitre, nous sommes toutes au devant de lascne, au premier rang dans le combat, avec les hommes, pour ledroit la rgularisation de tous les sans-papiers.Ces mots ont l'approbation de toutes, et, l-dessus, c'est assezparl de ce point du travail des femmes. On passe autrechose, aux actions les plus mmorables du collectif, auxquel-les les hommes ont pris part aussi, et eu un rle gal, sans dis-tinction. Les plus mmorables ?Difficile affaire.Les souvenirs foisonnent, et, pour chaque action, il y a aumoins une femme qui a de bons motifs pour s'en rappeler etla dire mmorable. Zineb voque tout particulirement l'oc-

    cupation du Conseil gnral des Hauts-de-Seine Nanterre(novembre 2005 - janvier 2006) : c'est l qu'elle a t gazepour la premire fois de sa vie. Mais, disent les autres, cetteoccupation a t mmorable bien des gards. D'abord ellea dur deux mois et demi et, pendant ces deux mois et demi,les sans-papiers sortaient pour d'autres actions dignes quonsen souvienne, ce qui fait qu'elle est encore trs vive dans lesmmoires de tout le monde. Ensuite, elle a aboutit de nom-breuses rgularisations. Sans compter, en plus, la trs bonneambiance dans laquelle elle s'est droule. Et Zineb, alors, dese rappeler qu'elle a mme pu prparer deux moutons pourla fte de lAd.Une liste tant soit peu exhaustive serait longue, aussi, en plus

    de celles mentionnes, nous en dressons une assez courte,assez arbitraire sans doute, mais dont rien que la lecture - cibleset dates - est significative.Permanence de Daniel Vaillant, janvier 2001. Permanence deSarkozy Neuilly, janvier 2003 (et janvier 2004, avril 2005).Association de Bernadette Chirac, fvrier 2003 (et avril2005). Thtre de la ville, avril 2003 (et fvrier 2005, fvrier2006). Maison de Victor Hugo, juillet 2003. Reprsentationdu parlement europen Paris, juin 2004 (et avril 2005).Fdration PS93, janvier 2005 (du 12 au 18). Unicef, 2005(du 4 mars au 19 avril). Bourse du travail Turbigo, 2005 (du19 avril au 10 mai). Mairie de Neuilly, septembre 2005. PlaceBeauvau (ministre de l'intrieur, avec ACT-UP), dcembre

    2005. Snat, mars 2006. Tour Eiffel, mai 2006. Mdiateur dela rpublique, septembre 2006. QG de campagne de Sarkozy,janvier 2007. Bourse du travail de Chteau d'eau (Rpu-blique), 2007 (du 10 fvrier au 6 avril). glise Saint-Joseph-des-Nations, dcembre 2007. Haut commissariat charg auxsolidarits actives (Martin Hirsch), fvrier 2008. Haut conseilde l'intgration, mai 2009

    LA TOUTE DERNIRE ACTION

    Pour conclure sur ce sujet des actions, Bahija remarque :La question de l'immigration reste au devant de la scne politi-que et continue d'tre malheureusement aborde d'une maniredmagogique dans un contexte politique o la campagne des lec-

    tions prsidentielles est lance. Le ministre de l'immigration etde l'identit nationale (dont nous demandions la suppressionpuisque l'immigration ct de l'identit nationale tait tout unprogramme : immigration = danger pour la nation), ce ministren'existe plus. Mais il n'en demeure pas moins que l'immigrationest maintenant du ressort du ministre de l'intrieur, donc lie

    la scurit, donc elle continue, dans l'esprit du gouvernement, tre un danger pour la France. Ajoutons cela que l'immigrationest ainsi gre par un ministre qui a t condamn pour racisme.

    N'y a-t-il pas l un vritable scandale d'tat ?C'est pour dnoncer ce scandale que le mercredi 17 novembrenous nous sommes faufils, au travers des flics qui n'ont rien com-

    pris, et avons fait un sit-in devant le sige de l'UMP, au momentmme o toute la crme arrivait pour la dsignation du nouveausecrtaire gnral. Il y avait l le premier ministre, il y avait tousles ministres au grand complet, les secrtaires d'tat, les grands

    mdias, etc... et puis nous qui brandissions nos pancartes et quicriions nos slogans : "Hier immigration et identit, aujourd'huiimmigration et scurit." "Mais o sont passs l'intgration et ledveloppement solidaire????" "Le lieutenant de Sarkosy,condamn pour racisme." "Hier condamn pour racisme,aujourd'hui charg de l'immigration." Devant nous, des visagesblmes, rouges, ou verts de rage. Le plus grand tonnement peintsur ces visages, en voyant l cette quarantaine de trouble-fte endpit du grand dploiement des forces de police.Ils taient , commente Wahiba, c'est le cas de le dire, encolre et en couleur.

    LE 9me EN DEUX MOTS

    Il ne s'agit pas d'un collectif uniquement parisien, il accueilleaussi des sans-papiers de la rgion parisienne, cela fait qu'il ades contacts rguliers non seulement avec la prfecture deParis, mais aussi avec plusieurs prfectures d'le de France.Une vingtaine de nationalits sont prsentes dans le collectif:d'Afrique, bien sr, mais pas seulement, aussi d'Amriquelatine, du Moyen-orient, d'Asie et d'Europe orientale. Il y al une vraie richesse d'expriences de lutte, dit Bahija, et cela,compte tenu du climat de discussion ouverte qui rgne dansle collectif, permet des changes remarquables d'ides.Les inscrits actuellement sont plusieurs centaines, dansles 500. La vie interne est scande par les assembles heb-

    domadaires qui se tiennent tous les lundis soir au CICP

    (21ter rue Voltaire, dans 11e arrondissement), o sont prisestoutes les dcisions importantes, avant tout celles des mobili-sations et des actions. Il y a une permanence tous les samedisde 10h 14h la mme adresse, pour l'accueil des sans-papiers, l'information juridique et sur la vie et les luttes ducollectif. Ces permanences sont tenues majoritairement pardes femmes, anciennes sans-papiers ou qui continuent del'tre mais en train d'apprendre bien utiliser l'arsenal juri-dique, aussi bien en vue des rencontres en prfectures pourle traitement des dossiers de rgularisation, que pour s'en ser-vir lors des actions et des luttes.

    propos de ces dernires Bahija prcise : Aujourd'hui il n'ya pas le rapport de force ncessaire et suffisant pour faire plier legouvernement. Cette faiblesse dcoule des choix passs pris par lemouvement au fur et mesure. Avant de parler d'une refonda-tion unitaire du mouvement, il me semble qu'il faudrait des soli-darits sur le terrain entre les diffrents acteurs, avant tout entrecollectifs. Par exemple, chaque fois qu'un groupe fait une actionqui dnonce les choix du gouvernement et qui est susceptible d'endranger le bon droulement, il faudrait que les autres apportentleur solidarit active. De cette manire on encouragerait l'exten-sion de ce genre d'actions, on encouragerait la constitution degroupes capables d'agir dans un mme sens. Aujourd'hui, dans lemouvement des sans-papiers, c'est malheureusement le contrairequi se produit. Au lieu de favoriser la richesse de diversit d'ac-teurs solidaires, ce genre de solidarit des luttes fait dfaut. Il estvain de penser construire l'unit dans des rencontres, ceci me

    parat une dmarche abstraite, loin de la ralit de terrain.

    Contact : 06 03 58 39 59 - Mail : [email protected] : http:/ / 9emecollectif.net

  • 8/8/2019 La Voix des Sans-Papiers n2

    4/84

    DEUX VOIX

    Entretienavecla CSP75Rdacteur. Sissoko, le premier numrode la Voix des sans-papiers a t consacr,avec ta collaboration, la critique de cequ'on a appel les tats gnraux dessans-papiers, et notamment de la posturede la coordination nationale. Ce premiernumro devait inclure aussi ton interview

    sur l'aprs Baudelique, mais elle a treporte en raison de l'espace pris par l'ar-ticle sur les tats gnraux. Notre entre-tien d'aujourd'hui va donc y remdier.L'aprs Baudelique et, d'abord, la dci-sion de quitter cette occupation ont sou-lev et continuent de soulever bien descritiques. Une partie de celles-ci, les prin-cipales formules avant le dpart, onttrouv place dans le Journal de Baude-lique occupe, il serait oiseux d'y revenirici. Mais je ne voudrais pas que notreentretien se solde par une sorte de justifi-cation de l'aprs. Je voudrais suivre unedmarche diffrente, et qui intresse, jecrois, beaucoup de monde. Je voudraisqu'on aborde aujourd'hui, avec la mmelibert d'esprit que dans le premiernumro, une critique d'ensemble de lacoordination 75 des sans-papiers, cetobjet mystrieux pour beaucoup. Etque notre entretien puisse servir clair-cir ses modes de fonctionnement maisaussi ses contradictions, et, autant quepossible, ses rapports de force internes.C'est, pour reprendre le sens de ton inter-vention aux tats gnraux, ce que tu as

    demand quand tu as parl du besoind'information internedu mouvement. Ilva sans dire que le mot critique, ici, n'apas de valeur ngative, destructive, maisconstructive : c'est l'effort d'examen lucidequi cherche rendre compte des impas-ses, pour aider les dpasser, s'il y a lieu.Es-tu d'accord avec cette dmarche ?Sissoko. Oui, je suis d'accord. Tu as biencompris mon intervention aux tats gn-raux. L'information entre nous est vitale,elle ne peut pas se limiter une informa-tion qui descend d'en haut, via les dl-

    gus, vers la base. Cette information aussiest indispensable, mais l'information doitconcerner tous les aspects de nos rap-ports, vers l'extrieur comme l'intrieur,il faut savoir rpondre toutes les ques-tions et les attentes des sans-papiers, quisont nombreuses et trs diverses. Je sais

    que ce n'est pas toujours facile, ademande beaucoup de travail, mais cen'est qu'une raison de plus pour le faire.Cela concerne en premier lieu les dl-gus, c'est clair, car, si ce n'est pas pourcela, pourquoi est-ce qu'on choisit del'tre? C'est une lourde tche d'tre dl-gu dans la lutte des sans-papiers, maispersonne n'oblige personne, et quand onl'a choisi il faut le faire correctement. Ilfaut que beaucoup de dlgus changentde manires, car aujourd'hui elles ne sontpas souvent celles d'un dlgu, c'est--dired'une personne que les sans-papiers dl-guent pour dfendre leurs intrts, et ilfaut avant tout qu'ils s'informent pleine-ment pour pouvoir leur tour informer.Mais il faut que les sans-papiers aussisachent exiger de leurs dlgus des mani-res la hauteur de la tche, et en plus uneinformation exacte et complte. Je croisque si une information correcte, suffisante,avait t faite avant la sortie de Baudelique,il n'y aurait pas eu de dissidents, ou il y en

    aurait eu trs peu, quelques individusmcontents mais isols. Donc vas-y.Mais, d'abord, je voudrais ajouter autrechose. Dans le mois et demi qui a prcdla sortie j'ai, au cours du droulementassez embrouill des vnements, acquis laconviction que beaucoup de dlgus ont

    jou un double jeu. Les mmes qui, fin juin/ dbut juillet, dans leurs collectifs,ont appuy ouvertement la dcision departir, ont par la suite, plus ou moins sou-terrainement, souvent ram contre. Il y aplein de petits faits prcis, auxquels j'aimoi-mme assist, ou qui m'ont t rap-ports. Cela a pas mal contribu semeret envenimer la division, et a mme finipar me faire apparatre, aux yeux de beau-coup, comme le seul responsable d'unedcision qui ne m'a pas appartenu, car ellea t prise par les collectifs. Comme coor-dinateur, j'avais la faire respecter. Celas'est assez mal pass pour moi, j'ai eu, cause du dpart, six menaces de mort, j'aid, pour la premire fois de ma vie, mefaire protger par des gardes du corps, descamarades de notre service d'ordre. Lesmotivations de ces dlgus-l, s'ils n'ont

    rien se reprocher, ils devraient les dire la fin, ils doivent les faire savoir.Rdacteur. Au cas o ils le voudraient, lescolonnes du journal leur sont ouvertes.Alors on est d'accord : l'information. Onen a dj pas mal discut ensemble ; si telest le problme principal, deux autres sur-gissent aussitt. Primo : on ne peut pasdemander l'information ce qu'elle nepeut pas donner, ce qu'elle est incapable defaire puisque cela relve d'abord d'un autredomaine, celui des formes de lutte prati-ques et de leurs suites. Mais je rserveraisce premier point pour une autre fois. Je nevoudrais pas avoir l'air de dvier cette ques-tion de l'information sur un autre terrain,alors qu'elle me tient cur. Et puis aussipour procder d'une manire moins abs-traite, selon une logique sensible des cho-ses, plus accessible tout le monde.

    Voici le deuxime problme. Dans cettequestion de l'information, on n'a quetrop la propension s'en tenir des for-mules vagues, quelques gnralits, sur-tout s'il s'agit d'information interne et deprocds de dcision, qualifis bien srde dmocratiques alors que c'est souventle contraire qui se passe. On se donnel'air d'affronter le problme, mais c'estpour mieux le contourner. C'est ce qu'ona coutume d'appeler la langue de boisdes dirigeants, qu'ils soient politiques ouautres. la langue de bois on opposevolontiers le dire vrai. Mais voil quela logique de l'opposition politique advelopp et introduit dans les murspubliques un type de discours qu'onpourrait qualifier de langue de bois dudire vrai : aux formules floues, gnra-les, on en oppose de prcises et tran-ches, l'air vridique, en apparence,mais qui sont, dans les faits, ou impratica-bles ou dissocies de toute action (etvolont) pratique. Des commentateurs

    ont propos, comme critre de discrimi-nation, la pauvret ou la richesse ducontenu des discours. Ce n'est pas ici lelieu d'en discuter. Disons seulement,pour notre sujet, qu'en matire d'infor-mation, si elle ne concerne pas d'abord laconnaissance de faits prcis, si elle ne partpas du concret, elle risque de n'tre rien.Voil le genre de richesse que je te pro-pose pour viter la langue de bois entrenous. Tu pensais, en soulevant cette ques-tion de l'information, non tant des faitsspcifiques qu' une information d'en-semble sur le fonctionnement de laCSP75, l'ensemble des moyens d'infor-mation mettre en uvre entre sesdivers acteurs : sans-papiers, dlgus descollectifs, fonction de coordination, sou-tiens. Je crains, quant moi, que si notreentretien ne roulait que sur cela, il risque-rait de rapporter des dclarations de prin-cipes, sans consquence dans la pratique.Tout rcemment, il m'est arriv un petitincident, petit, mais qui m'a pouss faire une brve enqute dans et puis surla CSP. Voil un fait en soi sans grandeimportance, mais voil une enqute par-

    ticulire (sur un individu) qui a recueilli,parmi des sans-papiers, des dlgus, dessoutiens, des informations qui dpassentlargement le cadre individuel. Veux-tuqu'on essaye d'aborder notre questionpar ce biais : partir de ce fait concret pourventuellement aboutir une vue d'en-semble du fonctionnement rel, actuel,de la CSP75 ? pour faire voir ce qui va etce qui ne va pas ?Sissoko. Je suis d'accord car on en a djparl et j'ai rflchi. a m'arrange de pro-cder de la sorte. Cela va me permettred'apporter des prcisions importantesnon seulement sur notre fonctionne-ment et ses insuffisances, mais aussi surdes choses vraies ou fausses qui circulentsur nous, sur un tas de rumeurs quicontinuent au-dedans et au-dehors de laCSP. Depuis longtemps je voulais en par-

    Comme pour le n1, l'essentiel decelui-ci est constitu par un long arti-cle. Il ne faut pas y voir un choix pr-tabli, mais le signe d'une faiblesse.Suite des rendez-vous manqus, dumatriel tardant venir, l'entretien ci-dessus s'est prolong, prolong... Orces propos nous paraissent intressertout le mouvement, il serait dommaged'y renoncer. Au lecteur de juger si,d'un point faible, on a fait une ligne deforce. Pour les retardataires, ils aurontleur place dans le prochain numro.

  • 8/8/2019 La Voix des Sans-Papiers n2

    5/85

    ler, je saisis l'opportunit. Toutefois, je vaiste demander de nommer l'auteur de l'in-cident qui t'est arriv et aussi les autrespersonnes qu'on t'a dsignes comme res-ponsables de certaines choses. Sans lesnoms, je ne peux mme pas ouvrir parminous le dbat qui s'impose. Il m'arrive sou-vent que des sans-papiers viennent versmoi pour dnoncer des choses, maisquand je leur demande des noms, ils setaisent. Je ne peux rien faire contre desfantmes sans nom.Rdacteur. Puisque tu me le demandes,

    je nommerai ces personnes. Mais montour je te demande de ne pas essayer deconnatre mes sources : pour les dsigner

    j'emploierai des mots vagues ou dtour-ns, de telle sorte qu'on ne puisse pas lesidentifier. La confidentialit des sourcesest une garantie de presse et d'criturelibre en toute occasion.Pour l'incident, voici, en quelques mots. la manif syndicale du 28 octobre contre larforme des retraites, alors que la CSP75 et

    le collectif de Vitry dfilaient cte cte etles deux banderoles bout bout, je mar-chais quelques pas en avant de la vtreavec un soutien qui voulait de vos nouvel-les et qui j'tais en train de prsenter lepremier numro du nouveau journal. Ly,arriv depuis quelques minutes, sans pra-vis, m'a pouss si violemment au dos que

    j'ai cru d'abord une agression. Pour touteexplication, il m'a crach la face que

    j'tais en train de cacher la banderole etque je n'avais rien faire l. Je n'ai pasrelev le dfi cause de la prsence du sou-tien, mais il est de fait que, jusqu' l'arrivede celui-ci, je m'tais, avec d'autres, occupde maintenir la distance entre les bande-roles et ceux qui marchaient devant. J'aiflair un relent de racisme. la fin de la manif, alors que j'tais encompagnie de sans-papiers et de deux sou-tiens, Ly est revenu deux fois la charge,non pas arm d'arrogance, mais de ce sou-rire bien lui, ml d'un semblant de mielet de beaucoup de suffisance. C'est avec cemlange sur les lvres que, la deuximefois, il m'a apostroph de faux journaliste.Je ne lui ai pas rpliqu, malgr la remon-

    trance d'un sans-papiers. Mais il m'estrevenu l'esprit l'pisode du boulevard duTemple et de cet Alain du NPA, surgi enbonne compagnie pour m'interpeller sem-blablement, car je tenais dans les mains len13 duJournal de la Bourse du travail occupeavec les rcits des sans-papiers matraqus etgazs par le service d'ordre de la CGT. Enpassant, je fais remarquer qu'alors ma rac-tion avait t immdiate et gale la vio-lence de l'injure faite par ce personnageque maintenant beaucoup connaissent,car il vous a conduits (le jour du dpart duboulevard du Temple) l'occupation deBaudelique. Je fais remarquer aussi que lenouveau journal m'a t demand par laCSP75, et notamment par toi ; et enfin queLy, quelques jours aprs, et encore demanire immotive, est revenu la chargeavec des mots menaants mon adresse.

    Plus tard, en nous loignant - un des deuxsoutiens et moi, l'un des plus srs, tou-

    jours prt rendre service -, eh bien, m'adit-il tout d'un coup : Ne t'en fais pas pour

    Ly, tu sais, il ne nous aime pas. Je crois qu'ilvoudrait qu'on s'en aille tous, ce qu'il vientde faire avec toi, il l'a dj fait avec moi,

    plus d'une fois. Ces mots, venant d'unami, sa voix dans laquelle j'ai cru entendreune rsignation mal supporte, c'est ce quim'a dcid faire mon enqute.Sissoko. Pour Ly, j'avais dj t averti deson comportement par deux soutiens,deux femmes franaises. L'une d'elles estvenue s'en plaindre moi tout en larmes.J'estime un tel comportement trs grave,de la part de n'importe qui, mais en par-ticulier d'un dlgu connu. Ceux quiont une responsabilit dans notre mouve-ment, ils se doivent d'tre des exemplespour tous les sans-papiers. Dans ce cas,cela est d'autant plus grave qu'il apparats'agir d'un comportement habituel,rpt. Il faut tre clair : il y a l une ques-

    tion se poser, laquelle nous devonssavoir rpondre. Est-ce que Ly agit ainside son propre chef ou bien pourquelqu'un d'autre ? N'y a-t-il pas, danscela, encore une tentative d'loigner denous nos soutiens les plus srs, les plusprouvs, les plus fidles ?Rdacteur. Avec ces mots tu t'engages,Sissoko, il faudra agir en consquence.J'attends de voir. Mais je continue avec lessuites de mon enqute. J'ai d'aborddemand d'autres soutiens, pos unequestion prcise : qui est ce personnage, ceLy, comment se comporte-t-il avec vous?Deux femmes, qui s'occupent entre autresdes dossiers (je ne pense pas que ce soientles mmes avec qui tu as parl), m'ont ditquelque chose qui m'a pouss largir l'en-qute au-del des soutiens. D'aprs leurtmoignage, Ly a affirm, pendant ce tra-vail commun sur les dossiers, et tout eninvitant ces soutiens ne plus s'en occupercar lui seul suffisait :Nous les Africains ne

    faisons rien que pour argent. Sissoko. Ces paroles aussi m'avaient trapportes, mais sous une forme un peudiffrente : Nous les Africains ne faisons

    rien pour rien. Je m'tonne vraiment deces mots. Car, tout au contraire, cheznous, je veux dire, dans tout le bassin dufleuve Sngal, et Ly est sngalais, la soli-darit humaine est encore bien relle, trsforte. Cela est si vrai qu'aujourd'huiencore tu peux aller chez quelqu'un, t'ins-taller, vivre ses dpens, sans que per-sonne ne te demande rien.Rdacteur. Ce tmoignage ouvrait directe-ment sur un sujet brlant mais jamaisassez affront, ma connaissance, celui dela corruption : corruption qui, entendreles bruits qui courent, semblerait endmi-que dans plusieurs collectifs. La nouveauten tait, cette fois-ci, la revendicationouverte, comme d'une chose normale,allant de soi. Et ceci, de la part d'un dl-gu qui depuis plusieurs mois est dugroupe choisi qui accompagne les sans-

    papiers convoqus en prfecture pourl'examen des dossiers. Tout le monde saitque c'est l (dans ce fait, dans ce pouvoird'accompagnement et de prsentation desdossiers) la source mme des attentes etdes craintes des sans-papiers, donc de leursentiment d'tre tout moment passiblesdechantage, source de leurs soupons etaccusations. Ce mot de chantage (doublde cet autre d'tre traits comme des btes)

    je l'ai souvent entendu, et le chantage, ici,n'a nul besoin d'tre explicite : il a son fon-dement dans un tat d'esprit semblable audchirement du malade qui se sent sous lacoupe de ses soignants, en qui il incarne la fois ses espoirs et ses mfiances. L'ex-prience commune prouve que soninquitude est loin d'tre infonde, car lesabus sont nombreux qui profitent de sontat de faiblesse. Sous cet angle, les sans-papiers sont comme des malades so-ciaux, ce sont les circonstances, tout cequi les entoure, qui font leur maladie.C'est dire combien l'accompagnateur en

    prfecture joue, dans les collectifs, un rleon ne peut plus dlicat.Or voil que, et sans que quelqu'un (que

    je sache) lui ait demand des comptes,une cible potentielle d'un tel mcontente-ment revendique ouvertement, commeune rgle gnrale, la face des soutiens,en cette matire dlicate, une sorte depouvoir d'argent en change. Il y enavait assez pour veiller les soupons etfaire craindre, mme au plus naf desenquteurs, la possibilit d'un systme depouvoir interne consolid, sur la base decette rgle. Dans les relations humainesordinaires, une telle assurance du dis-cours anomique ne se justifie gure (s'il nes'agit pas d'un individu qui veut choquerpar ses paroles) que si, l'arrire-plan, il ya les conditions d'une connivence de fait,tacite et peu prs gnrale. D'o, unesignification de la phrase de Ly porte et intention supra-individuelles :Nous les

    Africains, qui dirigeons le mouvement, noussommes comme cela, ce sont nos murs.Vous les Europens qui nous soutenez, vousn'avez qu'en prendre acte, ne cherchez pas comprendre si des sans-papiers viennent s'en

    plaindre vous. Si cela vous convient, a va,sinon nous n'avons que faire de vous.Sissoko. Personnellement, j'ai de la peine croire cela, je ne crois pas qu'il y ait beau-coup de corruption chez nous. C'est biendit : les circonstances. Il y a tout un cli-mat, l'extrieur comme l'intrieur, l'unne va pas sans l'autre. Et il y a des soutiens(pas tous, bien sr) qui servent d'interm-diaires, ils aiment rapporter les ragots etparler mal de nous. C'est normal dans unmouvement complexe et fort comme lentre, un mouvement que beaucoup vou-draient voir affaibli.Rdacteur. Quant moi, ceux qui m'enont parl - de la corruption, de l'argent etdu reste - ce sont presque uniquement dessans-papiers et quelques dlgus. Depuisassez longtemps d'ailleurs, dj l'occupa-tion de la Bourse du travail. Mais cette

  • 8/8/2019 La Voix des Sans-Papiers n2

    6/86

    fois-ci c'est autre chose, il y a l quelqu'unqui revendique une espce de normecommune, pour soi et ses pareils. Parcontre, il est vrai que je ne parle pas beau-coup avec des soutiens.Sissoko. Tu as des nouvelles du climatinterne, mais c'est l justement qu'il y atous ceux qui mettent en circulation desrumeurs parmi les sans-papiers, ou se fontl'cho de rumeurs dj existantes, parcequ'ils esprent que ce climat me fera par-tir. Pour des raisons diverses, il y en abeaucoup qui le souhaitent (et c'est peut-tre eux qui sont, s'il y en a, des corrom-pus). Mais ce climat n'est pas diffrent duclimat extrieur, il est en lien avec lui.D'abord, les sans-papiers vont partout, il yen a beaucoup, parmi les ntres, qui sontdans les grves des syndicats, par exempleactuellement il y en a beaucoup l'occu-pation de la Cit de l'immigration. Tu saisaussi bien que moi ce que disent de nousles syndicats. Puis il y a tous ceux qui, l'extrieur, pensent avoir assez de motifs

    pour essayer de jeter, en toute occasion, lediscrdit sur la CSP, et parmi tant d'autresla prfecture. ce propos, je veux racon-ter un pisode, une entrevue rcente enprfecture avec un sous-directeur.Dans cette rencontre nous lui avons faitpart des dolances des sans-papiersconcernant le petit nombre de convoca-tions depuis la sortie de Baudelique, le 7aot dernier. Aprs les 300 convocationsde ce jour-l, nous avons dpos, en troismois, environ 200 fiches nouvelles, selonles accords du calendrier de travailconvenu pour la sortie. Sur toutes cesfiches, il n'y a eu que 11 convocations.Nous lui avons demand s'il s'tait essay ce calcul : il faut compter 300 mois, cerythme-l, pour examiner les environ1100 dossiers restants : soit 25 ans, soit unquart de sicle ! Ce n'est pas srieux. Unde nous a bel et bien tir devant lui cetteconclusion : il nous faut, au contraire,des convocations par centaines.Alors le sous-directeur a eu une phrasequi en dit long : Je sais ce que vous fai-tes de toutes ces convocations.Je lui ai demand ce qu'il voulait dire. Au

    lieu de me rpondre, il a tourn sa phraseen une question : Pourquoi vous deman-dez un si grand nombre de convocations ? sotte question, sotte rponse. J'ai mis enavant le grand nombre de sans-papiersdans notre mouvement. Je lui ai faitremarquer qu'au mois d'avril dj, il nousavait dit qu'on tait trop nombreux. Cen'est pas notre faute s'il y a plein de sans-papiers. Chacun son rle, ce n'est pasnous la prfecture. Le ntre est de lutterpour exiger un maximum de rgularisa-tions, mais ce n'est pas nous de les faire,hlas, car alors tout le monde serait rgu-laris. Ce qui nous appartient, nous,c'est d'en obtenir le plus possible, par toutmoyen, dans le respect des lois. La prfec-ture, par contre, son rle est de rgulari-ser. Mais c'est elle qui, en ne respectantpas les accords, en nous adressant des

    questions qui n'ont aucun sens, ne veutpas le jouer. Et c'est elle qui joue par contreun autre rle, car elle vise nous amoin-drir, nous diminuer, par son non-respectdes accords, aux yeux des sans-papiers.Puis, si la prfecture pense qu'il y a corrup-tion chez nous, quoi sert d'insinuer deschoses infamantes, c'est la police d'en-quter, si c'est l sa pense. Et ce n'est pasnous la police, c'est la prfecture.Il s'est fch, mais ce moment le direc-teur est entr, et les choses en sont restesl entre nous.Cette anecdote me semble significatived'un certain climat, du climat dans lequelcertaines rumeurs sur nous sont formeset colportes. Assurment la prfecture

    joue l-dessus, pour nous affaiblir et nousdiviser, mais, dans le mouvement, est-ceque c'est vraiment diffrent ? Car, il peutbien y avoir des cas isols de corruption,mais il ne faut pas gnraliser. Par exemple,il y en a eu deux, avrs, en 2005. L'un, ily avait sa charge plusieurs tmoignages de

    sans-papiers et de dlgus : il demandaitde l'argent. L'autre, mme motif : il nous at signal par la prfecture. Tous les deuxont t exclus de la CSP pour corruption.Depuis, il n'y en a plus eu. Toutefois moi

    je pense qu'on n'est pas assez rigoureuxdans ce genre de choses. Quand un dl-gu favorise un sans-papiers la place d'unautre, surtout si le favoris n'est pas prsentdans la lutte, ou s'il n'est pas connu desautres sans-papiers (il y a eu dans le passdes cas semblables), mon avis est que cedlgu devrait tre sanctionn lourde-ment, l aussi il s'agit d'une forme de cor-ruption, mme si plus sournoise, mme silui n'a pas pris d'argent. La mme chosepour ceux qui disent (on m'a rcemmentsoutenu a dans la CSP) que, quant eux,ils ne font pas de diffrence entre les sans-

    papiers. Mais il y a une sacre diffrenceentre, d'un ct, un sans-papiers qui lutteet, de l'autre, un qui, quand il serait inscrit un collectif, ne se fait voir que par hasardou jamais. Ce genre de discours, c'est pourquoi, si ce n'est pas pour servir couvrirtout abus possible ?Mais, pour les rumeurs, elles ne sont rien

    pour moi. Sans preuves, les rumeurs c'estdu vent. Il n'y a que ceux qui n'agissent pasqui sont au-dessus des critiques.Rdacteur. Pour les rumeurs, je crois quetu te trompes. Cette question de la corrup-tion et de l'argent, il ne faut pas confondre.L'tat, les institutions, les partis politiquesqui briguent le pouvoir par les voix deslecteurs, les syndicats aussi, qui souvent,dans nos socits, ne sont plus que desorganismes informels de l'tat, du restesubventionns par lui, et un mouvementsocial, a fait deux. Et je ne parle pas de lacorruption dans les ides, de la morale del'argent dominante dans nos socits euro-pennes, car il y a corruption et corrup-tion, il y a un abme entre un pauvre typequi se fait corrompre pour manger et, parexemple, la corruption lectorale rige ensystme des partis, lgalise. Je parle de

    toute autre chose. Car, si cela avait un effetquelconque sur l'tat en tant qu'tat, entant que quintessence des institutionspolitiques, sur la force sociale de domina-tion de l'homme sur l'homme ainsi con-centre, arme, pure, pour mieux serpandre, depuis longtemps les tatsauraient cess d'exister. On les voit l'in-verse prolifrer. Aujourd'hui, mme lespays les plus pauvres, les moins aptes sedoter de cette forme d'organisationsociale, s'puisent essayer de s'y adapter.Sans entrer dans les raisons de la fortunede ce processus plantaire, on peut l'expri-mer ici par une boutade, mais profonde.Et rappeler la maxime du machiavlismepolitique : On ne gouverne pas sans fraudeni sans crime.Machiavel lui-mme a critque ceux qui dtiennent le pouvoir doi-vent, pour se maintenir, tre organisscontre les incrdules( l'gard des insti-tutions politiques) de manire leur fairecroire par force. Disons que selon le thori-cien majeur des dbuts de l'tat moderne

    en Europe, l'inventeur mme du mot tattel que nous l'utilisons, la falsification, l'es-croquerie, la violence du mensonge pu-blic lui sont consubstantiels, comme telsils ne peuvent pas lui nuire.Il en va tout autrement pour un mouve-ment social, dans tous les sens du mot,mais en premier lieu au sens fort. Et c'estce dernier sens, du moins en puissance(comme possibilit puissante d'action),qu'implique l'expression mouvement dessans-papiers, si un tel mouvement prendde l'ampleur et devient rel. Je n'ai pasbesoin de rappeler ici ces implications desens. Je ne dis que a: les forces latentessont grandes, susceptibles et mme impa-tientes d'entrer en action. Il faut tre aveu-gle (ou avoir de bonnes raisons d'aveugle-ment) pour, de l'intrieur du mouvement,ne pas le voir. Son tat naissant est la rai-son d'tre d'un mouvement digne de cenom : l'tat naissant en permanence, si jepuis dire ; sans cesse renaissant. Ds qu'ilsort de cet tat, qu'il cesse d'tre dans untat de changement - en devenir, enmouvement perptuelun mouvementse nie lui-mme, meurt en tant que mou-

    vement, se transforme en autre chose.C'est pour cette raison que son besoinvital est de se remettre constamment endiscussion, de mettre en question seschefs, ses dlgus, car le renouvelle-ment permanent fait sa substance. C'est saforce et non sa faiblesse. Et je suis tonnde voir combien d'entre vous croient sinc-rement le contraire. Comme je le suis tou-

    jours un peu par votre projet de faire, ct de la CSP75, une association d'an-ciens sans-papiers en liaison avec elle.Sissoko. C'est pour ne pas perdre lesacquis, les connaissances et expriencespasses. Les anciens dlgus un jour oul'autre s'en vont, ils sont rgulariss etemportent avec eux leur savoir-faire. C'estpour qu'il puisse y avoir un cadre appro-pri et un nouveau rle pour eux, d'orien-tation et de conseil. Par exemple : les dis-

  • 8/8/2019 La Voix des Sans-Papiers n2

    7/87

    cussions avec le ministre, les manifesta-tions contenu politique, notammentcontre les lois sur l'immigration, des cho-ses qui intressent l'ensemble des collec-tifs, mais pour lesquelles ils n'ont pas letemps, car ils sont absorbs par d'autrestches. Et laisser aux sans-papiers tout cequi a trait aux rapports avec la prfectureet au traitement des dossiers.Rdacteur. Ce n'est pas tellement loin dece que prconise Orhan, la sparationentre lutte politique et lutte des collectifspour les rgularisations [voir la Voixdes sans-papiers, n. 1, p. 4-5]. Seul le cadrechange, national chez lui, et aussi, biensr, les personnes. Mais pourquoi uneassociation loi 1901 ? Une espce d'insti-tution, quelque chose de figD'autresl'ont fait - avec quels rsultats ?Sissoko. Non, notre but n'est pas celuid'Orhan. Mais on peut en parler uneautre fois, quand on abordera le sujet desformes de lutte et d'organisation. Mainte-nant, pourquoi une association loi 1901 ?

    C'est aussi pour pouvoir faire rentrer l'ar-gent de la coordination dans les rgles,chaque fois que c'est ncessaire. Jusqu'l'occupation de la Bourse du travail lacoordination n'avait pas de caisse propre.Seuls les collectifs avaient la leur. Puis il ya eu la vente du journal, il y a eu les car-tes de Laura, cela nous a procur des pos-sibilits nouvelles mais aussi quelquesproblmes. Par exemple : comment fairerentrer ce qu'a rapport l'expo de Laura Lyon ? Il fallait se constituer en associa-tion pour le faire en rgle, c'est fait. Elles'appelle Droits ici et l-bas.Rdacteur. Voil qui nous ramne laquestion de l'argent. Revenons la per-manence de l'tat naissant, puissanceintrinsque d'un mouvement rel. Sonfondement est le sentiment immdiatd'appartenance galitaire et de fraternitentre participants la lutte pour un buthumain commun. Les attaques de l'adver-saire extrieur, qui est immdiatement,clairement peru, ne font souvent querenforcer cette unit psychiquede basecollective. Ce qui est destructif de la com-munaut de lutte sont les coups int-

    rieursqui sapent la confiance et la rci-procit entre participants. Sous un ventde rumeurs de corruption, vraie oufausse, le mouvement se casse comme lechne sous le vent d'une tempte. La com-munaut de lutte contre les profiteurstient bon, si ceux-ci sont extrieurs, maiselle entre en collision avec elle-mme sousl'effet de la simple ide que les profiteurssont parmi nous, quand la ligne de dmar-cation apparat abolie. Alors chacun estrejet hors du sort collectif, dans sa condi-tion antrieure de simple particulier, et

    l'individualisme a le dessus sur la frater-nit bafoue. C'est pourquoi il est vain,du dedans d'un mouvement, de regarderau dehors et de se dire : faisons commefont les autres. Un mouvement social nepeut pas faire comme les autres. Dsqu'il le fait, il commence se dtruire. Il a

    trouv le grain de sable qui enraye sonmcanisme. L'histoire des socits moder-nes compte beaucoup de mouvementsannihils de l'intrieur, beaucoup plusque ceux dtruits de l'extrieur.Je veux bien croire que la corruption dansla CSP75 n'est qu'un fantasme, n'empchequ'il est puissant, puisqu'il court sur leslvres et dans la tte de bien des gens. S'ilest normal que les dlgus qui consacrentbeaucoup de temps leur collectif puis-sent vivre, il faut aussi, d'autre part, quecela se fasse avec les prcautions ncessai-res, dans la transparence. Il ne faudraitsurtout pas qu'ils aient l'air de profiter deleur situation et de s'enrichir(ce mot m'at dit, il y en a qui y croient dur commefer). Voici le cadre qui ressort en gnraldes tmoignages de sans-papiers : d'unct le laisser-aller et l'opacit, de l'autredesfaons de caserne(ce mot aussi m'a tdit). Mais il y a un potentiel de forcesnorme chez les sans-papiers. L'obser-vateur qui a vu le dploiement de manifes-

    tants noirs le 10 octobre 2009 - j'en aicompt, aux Gobelins, une masse de plusde huit-mille sortis de leurs caches pari-siennes, o ils sont rentrs depuis, unemasse compacte, serre, presse, et a cou-rait, a inondait les trottoirs comme lachausse, je me demande combien ont puchapper mon comptage, de mon pointde vue perch sur une barrire au milieudu carrefour Eh bien, celui qui a timpressionn par cette capacit de mobili-sation et l'a vue ensuite s'vanouir commeun songe, par incapacit ou manque devolont de la maintenir la hauteur desespoirs suscits, celui-l ne peut pas ne passe dire : quel gchis !Mus par l'espoir, les humains sont capablesde dplacer les montagnes, privez-les de ceressort, ils s'achoppent sur une pierre.Quotidiennement, il y a tous les sans-papiers qui viennent, pleins de disponibi-lit et d'espoir, et qui finissent par ne plusmontrer le bout de leur nez. Voici ce quel'un m'a dit : Venir au collectif ? quoibon ? Notre lutte sert d'autres. Les dl-gus, en prfecture, font passer des inconnusavant nous, mais c'est grce notre lutte

    qu'ils sont reus. Les sans-papiers, c'estencore la vache lait. a fait mal d'enten-dre un tel dsenchantement. Encore sic'tait une voix isole. Mais les sans-papiersque je vois, par hasard ou qui viennent mevoir, sont plusieurs, et ils me disent deschoses semblables. Le tout dernier, celuidont je viens de rapporter les paroles, il y aquelques jours seulement. On s'tait, toi etmoi, dj vus pour notre entretien, je luien ai touch un mot. Il m'a dit : Sissoko

    fait celui qui ne sait pas mais il est d'accordavec les autres. Baudelique ils ont faitune runion, lui et Diallo K., ils ont pr-sent le bilan. Lui une facture de tlphonede 3000 euros (3000 euros de tlphone!)et Diallo 2700. Jamais vu les factures.

    Alors normal, moi je ne viens plus.Sissoko. Concernant mes 3000 euros, il yen a 1000 du procs CPAM [contre Sissoko

    et Djibril condamns quitter Baudeliqueoccup]. Les 2000 restants, oui, c'est le tl-phone. Mais a concerne dix mois, les fac-tures taient l sur la table, tout le mondepouvait vrifier. Si quelqu'un veut, il peuttoujours le faire. Puis il faut dire que monportable (qui est celui de la CSP), tout lemonde s'en sert. Si des sans-papiers enont besoin (et surtout que c'tait pendantl'occupation) comment leur dire non ?Cela explique ce montant lev. Depuis,on a chang et on a pris un forfait, arevient beaucoup moins cher.Rdacteur. Bon, les sans-papiers jugerontsi tes explications sont suffisantes. Reve-nons mon enqute. Comme je l'ai dit,

    je suis parti de quelques questions surune personne et j'ai eu des rponsesallant bien au-del. On m'a parl de labande dont Ly ferait partie. Puisque tum'as demand de nommer ces person-nes, les voici : Sow, Barro, Doucour etLy. La bande des quatre, j'ai dit pourddramatiser. Mais ensuite un dlgu

    m'a dit qu'il fallait plutt parler de labande des cinq, car il y a aussi Camara O.Ce cercle (autre mot employ) se seraitform autour de toi pendant l'occupationde Baudelique et il te coupe de la base, oubien parce que tu es d'accord avec eux, ouparce que tu n'coutes pas d'autres voix(des dlgus qui ont une dent contre cespersonnes m'ont par ailleurs dit avoir tou-

    jours confiance en toi).Il serait faux que la liste des 300 de la sor-tie de Baudelique, la diffrence des 300du boulevard du Temple, a t formepar la prfecture, elle l'aurait t par cespersonnes, qui, encore une fois, ontpens d'abord y mettre d'autres gens ducercle, puis leurs proches, leurs amis,ou encore d'autres par intrt.Sissoko. Pour juger du bien-fond de cesallgations, il faut d'abord rappeler lefonctionnement de la CSP. L'autonomiede chaque collectif est fondamentale.Toute dcision est prise par les personnesexpressment mandates par chaque col-lectif. Pour les listes, ces personnes sontSow pour le 19e, Barro pour le 11e,Camara Cheik Omar pour le 18e, et Ba

    pour le 11e-Binason. Ce sont les secrtai-res et rfrents des quatre collectifs. Cesquatre personnes sont aides parDoucour Mahamadou (11e) et KanMoussa (19e) qui font le pointage auxmanifs et dans d'autres occasions, et ren-dent ainsi compte de la prsence des sans-papiers dans la lutte. En tant que coordi-nateur, moi je ne peux que faire confianceaux personnes mandates par les collec-tifs. J'interviens si un problme est sou-lev, mais il faut qu'il le soit preuves l'ap-pui, non sur des rumeurs, des on-dit.

    Rdacteur. D'accord, c'est le principegnral. Mais on m'a dit que cette fois-cisont passs d'abord les marcheurs Paris-Nice, puis des gens de Baudelique dans lalutte depuis peu (Barro mme, rgularisaprs quelques mois de prsence), alorsque les anciens de l'occupation de la

  • 8/8/2019 La Voix des Sans-Papiers n2

    8/8

    Le pdf de la Voix des sans-papiersest tlchargeable gratuitement sur le site :

    mondialisme.org - rubrique vagabondages

    et aussi sur les trois sites suivants :http:/ /www.facebook.com/Coordination75

    http://sanspapiers.info (Quotidien des sans-papiers)http://www.carre-rouge.org

    Sur les deux derniers sites est tlchargea-ble aussi le pdf du numro unique

    le journal de Baudelique occupet sur le dernier le pdf du numro 13 du

    journal de la Bourse du travail occupeconsacr l'expulsion des sans-papiers et aumatraquage/ gazage de femmes et enfantspar le SO de la CGT de Paris en juin 2008.

    Les pdf des 12 premiers numros dujournal de la Bourse du travail occupe

    sur le sitehttp:/ /bourse.occupee.free.fr

    Pour nous crire :[email protected]

    Lisez, tlchargez gratuitement,imprimez, diffusez

    la Voix des sans-papiers

    Bourse du travail, prsents depuis deuxans et demi, ont t carts.Sissoko. Tout d'abord une prcision. Lalutte n'a pas commenc avec l'occupationde la Bourse du travail, il y a eu, avant,beaucoup d'autres occupations. Autantqu'il m'en souvienne, la Bourse a t la33e, Baudelique la 34e. Nos listes remon-tent une dizaine d'annes, par exempleKeta Mahamadou qui a eu sa convoca-tion dans la liste de la sortie et qui vientd'tre rgularis tait dj l avec moi le

    jour de la fondation du collectif du 19e,en 2001. Ceux qui ne savent rien de notrehistoire, ont vite fait de nous accuser detout, je les invite s'informer. Mais je pr-cise qu'en tout cas, ce qui compte pourtre inclus dans les listes que nous prsen-tons en prfecture, ce n'est pas l'ancien-net ou la nouveaut, mais bien l'assi-duit, la combativit, et la prsence auxactions, occupations, manifestations,d'aprs les pointages. la sortie de Baudelique, notre priorit

    taient les 142 restants des 300 du boule-vard. Mais les choses se sont passes autre-ment, la prfecture en a cart 104, disantque ce n'taient pas de bons dossiers.Venaient ensuite les marcheurs (70 ycompris deux deDroits devant), et alors,pour complter 100 avec les marcheurs,nous avons pris une trentaine d'oublisde la Bourse [non compris dans les 300 duboulevard]. Puis c'est la prfecture qui achoisi une centaine de dossiers de la listeque nous avions dpose au mois d'avril(liste de 185 personnes ayant huit ans deprsence en France sans OQTF ni APRF[obligation de quitter le territoire franais,arrt prfectoral de reconduite la fron-tire]), plus une trentaine de la liste de jan-vier, huit de la liste de novembre et unedizaine de la liste de mars. Enfin, les 14restants pour arriver 300 nous les avonspris (moi-mme et les dlgus prsents ce

    jour-l en prfecture) parmi les 104 car-ts du boulevard.Je n'ai donc pas connaissance de favori-tisme pour les proches ou les amis, ceuxqui l'affirment sans preuves disent desmensonges. Si la plupart des restants des

    300 du boulevard ont t carts, c'estl'uvre de la prfecture contre notrevolont. Pour tout dire, j'ajoute que plusd'un tiers des 300 convocations de la sor-tie (70 rien que pour le 11e collectif, le col-lectif dissident par excellence) ont tdes soi-disant oublis de Baudelique,ce qui montre qu'ils taient moins oublisque les autres. Pour moi il n'y a pas d'ou-blis, ils font toujours partie de la CSP, aumme titre que les autres.Rdacteur. J'espre que ta rponse sera

    juge satisfaisante, concernant les 300convocations. Mais que dis-tu de ce cerclerestreint (compos en partie de responsa-bles mme pas lus, c'est le cas du 11e)qui, selon les tmoignages, te couperait dela base des sans-papiers ?Sissoko. Cette coupure de la base, j'ai dela peine la comprendre pour ce qui me

    concerne. Les sans-papiers parlent beau-coup avec moi, je n'ai pas besoin d'inter-mdiaires, je crois mme tre celui avecqui ils parlent, non seulement le plus sou-vent, mais le plus volontiers. Pour les cinqpersonnes mentionnes, je m'appuie surleur travail, bien videmment, mais toutcomme sur celui de n'importe quelle autrepersonne dsigne par un collectif pour lereprsenter, en particulier tous ceux, et ilssont nombreux, qui travaillent au traite-ment des dossiers (tri des preuves de pr-sence en France, etc.). Le principe de l'au-tonomie interne de chaque collectif faitque je n'ai pas le choix de travailler avecqui il me plat, je ne peux travailler qu'avecles responsables dsigns par chaque col-lectif, que cela me plaise ou pas. Mais, c'estclair, ces responsables doivent tre pr-sents. C'est eux d'tre prsents et de setenir informs. Je ne peux pas les consul-ter, chacun, tout moment. C'est matriel-lement ingrable, car un mouvementcomme le ntre demande trs souvent de

    dcider l'instant, sur place. Ceux qui nesont pas prsents et actifs ne peuvent pas,aprs coup, se plaindre de ne pas avoir ttenus au courant. Je le dis parce que aarrive assez souvent que certains se plai-gnent d'tre mis de ct. Personne neles met de ct, ce sont eux qui s'y mettentpar leur absence.Rdacteur. Et pourtant je t'assure que desdlgus trs prsents (moi-mme je l'aiconstat) se sont encore rcemmentplaints moi d'avoir t mis de ct (cesont leurs mots). Cela semble concernernotamment le 11e collectif.Sissoko. Le principe de l'autonomie faitque je ne peux pas intervenir dans les affai-res internes des collectifs. Dans le 19e, parexemple, les dlgus et les responsablessont lus, ce qui n'est pas le cas du 11e. Lepremier responsable de ce collectif, DialloKoundenecoun, et les dlgus sont ceuxqui, tant disponibles et actifs, se sont faitconnatre pour leur efficacit dans le tra-vail. Je n'ai pas titre leur dire : organisezdes lections. J'empiterais sur un terrainqui n'est pas le mien. Ly, par exemple, acommenc travailler sur les dossiers de

    son collectif, il a vite montr des capacitsintellectuelles, du coup il a aussi com-menc accompagner (avec les accompa-gnateurs des autres collectifs) les sans-papiers convoqus en prfecture, o il faitdu bon travail, ce qu'on me dit.Rdacteur. J'ai un peu l'impression que tute rfugies, quand il s'agit de ton rle decoordinateur, derrire une question deforme. Je ne veux pas dire que tu as tort.Mais, sans revenir sur le pass, a n'a pastoujours t le cas, tu t'es montr capabled'aller au-del de la forme, si cela te sem-

    blait ncessaire. Pour rester dans l'actualit,le cas du 11e me parat rvlateur d'uneforte contradiction dans le fonctionne-ment de la CSP75, des consquences aux-quelles expose une autonomie conue par-fois comme un principe de bon plaisir.C'est dans ce collectif que la dissidence sur

    la sortie est ne, c'est l qu'elle a pris pied,avant de se rpandre aux autres, c'estenfin l qu'il y a eu le plus de dissidents.Le jour de la sortie, ils taient aussi nom-breux que vous. Cela a concern et conti-nue de concerner toute la CSP. Pendant laprparation du Journal de Baudeliqueoccup, on m'a dit et rpt (d'un ctcomme de l'autre) que Diallo et sa poli-tique dans le 11een ont t l'origine, etque (ceci du ct CSP) c'est aux dgtsde cette politique qu'il fallait remdier. Sice n'est pas l le fruit d'esprits surchauffs,ne faut-il pas se poser cette question : est-ce qu'au nom de l'autonomie, de la non-ingrence dans les affaires internes d'uncollectif, la forme doit primer le fond aupoint que de telles affaires conditionnentla CSP75 en son entier ?Mais, de cela, au prochain entretien.Celui-ci n'a que trop dpass les limitesqu'on s'tait fixes.Dans ce numro tait prvue uneinterview avec un sans-papiers, seul

    condamn pour violence commiseen runion lors de l'irruption dansles locaux de la CPAM, rue Baudeli-que. Mais il a parl avec quelqu'un :l'interview se retournerait contre luiet ses chances de rgularisation. Ducoup il n'a plus voulu la faire. L'ir-ruption a t mene par deux respon-sables d'un syndicat et un d'un partipolitique, le sans-papiers tait leursuite. L'action a t collective, et, siviolence il y a eu, celle-ci a t collec-tive. Ces personnes n'ont pas pris leursresponsabilits, ni ne sont venuestmoigner au procs. Tout le mondeconnat les faits, la police peut-elle lesignorer? Mais voil qui qu'un autreorgane d'tat a condamn. Il n'y atoujours que le sans-papiers du mo-ment qui est bon. Et motus !