La violence : la connaître pour la combattre

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La violence : la connaître pour la combattre Étienne Godinot 20.04.2015

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La violence :la connaître pour la combattre

Étienne Godinot

20.04.2015

La violence : la connaître pour la combattre

Sommaire

Clarifier les concepts : conflit, combativité, lutte, force, violence

Définition de la violence. Les violences plutôt que la violence. Un dérèglement

du conflit. Quand sait-on qu’il y a violence ? Les réactions possibles face

à la violence

La violence, un phénomène humain

Classification des violences : 1 -par les moyens utilisés, 2 - par les circons-

tances, 3 - par le nombre d’acteurs en cause, 4 - violences politiques,

5 - violences non-intentionnelles)

Les acteurs dans la relation de violence (auteur, victime, tiers / loi). La parole

pour faire baisser la violence

Les causes de la violence : 1- Le dévoiement de la combativité de l’homme.

2 - La peur. 3 - Le mimétisme. 4 - La soumission à l’autorité. 5 - Les

idéologies antidémocratiques. 6 - Les contextes de violence. 7 -L’alcool

et la drogue. 8 - La culture de violence ../..

La violence : la connaître pour la combattre

Sommaire (suite)

Les représentations de la violence : La violence vue 1 - comme

naturelle, 2 - comme affirmation du sujet, 3 - comme système

de domination, 4 - comme acte de transgression, 5 - comme

langage

La violence comme moyen d’action. 1 – la violence comme moyen

de lutte contre l’injustice. 2 – La violence comme moyen de

lutte contre la violence dans les démocraties.

Les destructions humaines de masse

Les racines psychosociologiques de la barbarie

Les médias et la violence

Délégitimer la violence. Mettre en œuvre des alternatives à la

violence. Pour une culture de non-violence

La violence : la connaître pour la combattre

Sources

- Jean-Marie Muller, Dictionnaire de la non-violence,

Le Relié, 2005

- Jacques Sémelin, intervention sur la violence à

l’IFMAN, fév. 2001

- Alexandre Adler, Les racines psychologiques de la

barbarie, revue Psychologies, mai 1999

- IFMAN (La violence, Les acteurs dans la relation de

violence, Quand sait-on qu’il y a violence, etc.)

- Revue Sciences humaines, n° 89, déc. 1998

Clarifier quelques concepts *

1- Le conflit

Le conflit, larvé ou ouvert, provient d’une tension, d’un

désaccord, d’une différence. Entrer en conflit, c’est s’affirmer

devant l’autre, oser dire "non", faire reconnaître ses droits.

C’est sortir de l’impuissance, de la plainte, de la soumission.

C’est éviter les non-dits qui créent de la frustration et du mal-

être.

C’est permettre de s’exprimer aux besoins, aux aspirations, aux

intérêts, aux valeurs et aux points de vue de chacun, aux

tensions dans le groupe.

C’est permettre aux souffrances de s’extérioriser plutôt que de

s’enkyster, générant alors des rancoeurs, de la haine et de la

violence.

* Cette première partie sur les concepts est la reprise de l’introduction

du diaporama "Qu’est ce que la non-violence ?" sur www.irnc.org

Clarifier quelques concepts

Le conflit

Accepter le conflit, c’est accepter de changer, d’inventer et de

créer grâce à l’autre qui est différent de moi, mais qui peut

avoir les mêmes désirs que moi.

Le conflit est le signe de la vie, de l’échange, de la

confrontation, de la démocratie. Pour combattre la violence, il

faut réhabiliter le conflit, mais il faut résoudre les conflits dans

le respect de l’autre.

Le conflit n’est pas nécessairement destructeur : il peut être

source de progrès, d’une meilleure relation interpersonnelle,

d’une meilleure organisation collective. Il construit la vie

lorsque la dialogue, la négociation, l’imagination en font un

ressort dynamique de la vie commune.

Clarifier quelques concepts

Le conflit

C’est en apprenant à gérer au quotidien les petits conflits

qu’on évite ou qu’on apprend à gérer les gros conflits :

- En gérant les petits conflits dans le couple, les conjoints

évitent le divorce.

- En gérant régulièrement les conflits dans la classe, la

maison de jeunes ou les clubs de sport, on évite l’incivilité

à l’école ou l’explosion du quartier.

- En prenant en compte les besoins d’identité, de

reconnaissance, de ressources naturelles ou de territoire

d’un peuple, on évite les guerres.

Clarifier quelques concepts

Le conflit

Le conflit est souvent inévitable, parfois nécessaire, souvent

utile, mais il est toujours inconfortable, fatigant, pénible,

souvent douloureux.

Même s’il est nécessaire, le conflit n’est pas un mode normal

de relations entre les personnes et les groupes. Il doit rester

temporaire. On peut s’inquiéter d’un couple qui n’a jamais de

conflit, mais aussi d’un couple qui est toujours en conflit…

Le conflit détruit la vie s’il reste un affrontement de forces.

Il peut dégénérer en violence si le respect de l’autre n’est

plus de règle, si la combativité n’est pas maîtrisée, si la

colère n’est pas contrôlée, si les protagonistes se font

piéger par l’escalade mimétique des mots et des gestes.

Clarifier quelques concepts

2 - La combativité

La combativité est nécessaire pour assumer les conflits. La combativité est une force de vie et d’affirmation de soi nécessaire pour exister devant l’autre, pour l’affronter sans se dérober, pour surmonter sa peur d’agir.

C’est l’aspect positif de l’agressivité (étymologique-ment, ad-gradi : marcher vers), mais celle-ci peut aussi s’exprimer dans sa forme perverse et pathologique, la destructivité, le plus souvent provoquée par des blessures du passé.

La première tâche d’une action non-violente est de réveiller la combativité de ceux qui subissent l’injustice.

Photo : Martin Luther King appelant au combat contre la ségrégation raciale

Clarifier quelques concepts

3 - La lutte

La lutte est un affrontement, un combat pour faire respecter un droit, faire aboutir une revendication, faire évoluer une loi.

La lutte n’est pas nécessairement violente.

La lutte pour la justice exige des moyens justes et ajustés, c’est-à-dire non-violents.

"Vouloir la victoire et ne pas avoir envie de se battre, je dis que c'est mal élevé"

Charles Péguy (1873-1914)

Clarifier quelques concepts

La force

La force est une cause provoquant un effet ou un mouvement

(la force d’une traction, d’un acide, etc.)

La force qui oblige l’adversaire à négocier et/ou à céder n’est

pas la violence qui le meurtrit ou le détruit.

Le rapport de force crée les conditions d’un dialogue

permettant de négocier une solution juste au conflit.

Il peut être

- une simple évaluation par un acteur de la force d’action d’un

vis-à-vis, qui est en elle-même un facteur de dialogue et de

négociation

- ou un affrontement, une relation où s’exercent des forces

(manifestation, grève, boycott, désobéissance civile, etc.)

Photos: - La force d’un camion

- La force d’un sit-in (mouvement Ekta Parishad en Inde)

Clarifier quelques concepts

La force

La force est une cause provoquant un effet ou un mouvement

(la force d’une traction, d’un acide, etc.)

La force qui oblige l’adversaire à négocier et/ou à céder n’est

pas la violence qui le meurtrit ou le détruit.

Le rapport de force crée les conditions d’un dialogue

permettant de négocier une solution juste au conflit.

Il peut résulter

- soit d’une simple évaluation par un acteur de la capacité de

mobilisation et d’action d’un vis-à-vis, qui est en elle-même un

facteur de dialogue et de négociation

- soit d’un affrontement, une relation où s’exercent des forces

(manifestation, grève, boycott, désobéissance civile, etc.)

Photos: - La force d’un camion

- La force d’un sit-in (mouvement Ekta Parishad en Inde)

Clarifier quelques concepts

5 - La violence

La violence est toute parole, action ou omission de

l’homme qui viole la personne de l’autre, ses droits, son

identité, tout ce qui détruit ou meurtrit l’autre,

physiquement ou psychologiquement.

C’est un acte, une abstention ou une situation causés par

une personne ou un groupe, qui provoque la souffrance, le

mal, le malheur chez une autre personne ou un groupe.

C’est l’échec et la perversion du conflit.

Photos : - Racket à l’école

- La violence "ordinaire" : on estime à 10 % la proportion

des femmes battues par leur conjoint

- La violence extrême : la Shoah

La violence

Les violences, plutôt que la violence

Avant de devenir criminels, les actes de violence qui blessent les

hommes et les femmes dans leur vie quotidienne prennent le plus

souvent la forme

- d’irrespect, d’incivilités,

- mais aussi de petits délits sur les biens ou de dégradations à

répétition,

- parfois d’actes de violences sur les personnes.

Pour les combattre efficacement, il convient de distinguer les

diverses formes de violence : violence familiale (machisme, etc.),

violence économique (rémunérations faramineuses, paradis

fiscaux, accaparement des ressources), violence sociale

(chômage, exclusion, etc.), violence politique (dénigrement de

l’adversaire, corruption, dictatures, etc.), violence écologique

(pollution, destruction des écosystèmes, etc. ), violence culturelle

(obsession du paraître, etc.)

La violence

La violence, un dérèglement du conflit

La communication, et à défaut la combativité et la force qui

s’exercent dans la lutte, permettent la règlement non-violent

d’un conflit.

Au contraire, la violence est un dérèglement du conflit : elle

enraye son fonctionnement et ne lui permet plus de remplir

sa fonction qui est d’établir l’entente et/ou la justice entre les

adversaires. Par un dysfonctionnement du conflit, un des

(ou les 2) protagonistes met(tent) en œuvre des moyens qui

font peser sur l’autre une menace sur son intégrité ou sur sa

vie.

Le conflit risque alors de ne plus être le moyen de

rechercher une solution juste, mais d’éliminer l’adversaire.

Pour déraciner la violence, il faut réhabiliter le conflit et

apprendre à gérer intelligemment les conflits.

La violence

Quand sait-on qu’il y a violence ?

• Quand on la constate : pleurs, lettres de menace, hématomes,

blessures, champs de bataille, charniers, etc.

• Quand l’auteur le dit à la victime ("Sale métèque" !, "J’aurai ta

peau" !, etc.)

• Quand la victime le dit à des tiers ("J’ai été insultée !", "Il m’a

frappé !", etc.) Celui ou celle qui a mal du fait d’un autre sait

qu’il y a violence, même si les autres ne la savent pas, ne s’en

doutent pas

• Quand un tiers le dit (signalement à la Justice, témoignage)

• Quand la loi le dit, et cela même si la victime, l’auteur et la

famille n’en ont pas conscience (inceste, violences conjugales,

violences à enfant, excision, etc.)

La violence

Les réactions possibles face à la violence

• La peur et le sentiment d’impuissance qui

engendrent la soumission (mais qui peuvent

engendrer aussi la vigilance, la fuite, ou le

recours à des renforts),

• Le sentiment de culpabilité qui peut entraîner

l’autodestruction active (mépris de soi, alcool,

stupéfiants, etc.), mais aussi la demande de

pardon,

• Le sentiment de non-reconnaissance par

l’autre et la tristesse qui introduisent le

fatalisme et la passivité,

• Le sentiment de subir une injustice et la colère

qui réveillent la combativité, et peuvent rendre

violent si celle-ci n’est pas canalisée ni

maîtrisée.

La violence

La violence, un phénomène humain

La violence, qu’elle soit intentionnelle ou non, est un

phénomène humain. La nature détruit et tue, mais elle ne le sait pas.

Il ne nous semble pas juste de parler de violence au sujet des ravages ou dégâts causés

- par la Terre (tremblements de terre, volcans, etc.),

- par les éléments climatiques (sécheresse, inondations, cyclones, raz de marée, etc.),

- par les animaux (prédateurs, ou non prédateurs qui se défendent),

- par les plantes (baies, champignons mortels, etc.),

- par les maladies (virus, anomalies génétiques, etc.),

- par la mort naturelle (fin de vie ou suite à une maladie).

Ces dégâts sont mortels, ils ne sont pas meurtriers.

La violence

La violence, un phénomène humain

Seul l’homme est un "animal" meurtrier, car lui seul est doté

de raison. Lui seul tue ou blesse son semblable en

connaissance de cause *.

Les hommes constituent la seule espèce animale dont les

membres se tuent les uns les autres sans retenue dans des

massacres collectifs.

Face à la violence, l’homme conscient éprouve, à la

réflexion, le sentiment de l’injustifiable. L’homme lucide

affirme que la violence ne devrait pas être avant même de

savoir ce qui devrait ou pourrait être. La violence atteste un

divorce entre les exigences spirituelles de l’homme et la

déchéance du monde.

Ce non de la raison, de la conscience et du cœur que

l’homme oppose à la violence fonde l’option décidée pour la

non-violence. * sauf dans le cas des violences non-intentionnelles

La violence

Classification des violences

1) par les moyens utilisés

- violences physiques : coups et blessures, excision, viol,

meurtre, etc.

- violences matérielles : vol, dégradations, cambriolage,

incendie volontaire, etc.

- violences verbales ou écrites : insultes, injures,

diffamation, etc.

- violences psychologiques : persécutions verbales ou

écrites, moqueries, ricanements, harcèlement moral, sexuel,

etc.

Classification des violences

2) par les circonstances

- Violences réactionnelles ou impulsives : gifle sous l’effet

de la colère, coup sous l’effet de la peur, "légitime défense",

etc.

- Violences rationnelles ou instrumentales, calculées,

programmées : assassinats, bombardements, attentats,

génocide, etc.

Photo du bas : Pendaison de Noirs par le Ku Klux Klan

Classification des violences

3) par le nombre d’acteurs en cause

- individuelles, contre soi : sadomasochisme,

automutilation, suicide, etc.

- interpersonnelles : meurtre, bagarre, viol, etc.

- collectives : émeutes, soulèvements, saccages,

ratonnades, etc.

Classification des violences

4) Violences politiques et infra-politiques

- violences infra-politiques : actes terroristes, attentats, etc.

- guerres civiles : guerres de religion, guerres contre des

groupes dissidents, massacres interethniques, etc.

- violences et guerres interétatiques : échanges de missiles,

guerres locales, mondiales, etc.

- persécutions contre des minorités, des boucs émissaires

des "hérétiques" ou des groupes "différents" : Inquisition,

liquidation des Templiers, Shoah, ségrégation raciale,

ratonnades contre les Maghrébins, etc.

Classification des violences

5) Violences non-intentionnelles

Elles sont la plupart de temps évitables par la prudence, le

souci de soi et des autres, la prévention, la formation, la

vision du long terme et du bien commun :

- accidents domestiques (incendies, électrocution,

empoisonnements, etc.)

- accidents de la route

- accidents du travail

- accidents de sports (ski, courses automobiles, chasse,

etc.)

- accidents provoqués par la méconnaissance de la nature

(noyades, accidents de montagne, incendies de forêts,

accidents provoqués par les plantes ou les animaux, etc.)

- catastrophes écologiques (chimiques, pétrolières,

nucléaires, etc.)

Les acteurs dans la relation de violence

AuteurDomination, fermeture, refus de

constater les situations d'injustice

et les conséquences

de ses comportements ;

VictimeEnfermement dans la plainte,

soumission, incapacité à parler

à l'auteur ou aux tiers,

résignation ou haine ;

TiersOmission de dire ce qu'il a vu

(signalement), refus d'intervenir,

non assistance

à personne en danger ;

Loiinjuste ou inadaptée

Les acteurs dans la relation de violence

La parole pour faire baisser la violence

La violence se manifeste à travers un acte accompli par un

individu ou un groupe, mais aussi à travers une situation

établie dans laquelle un individu ou un groupe est soumis à

l’oppression d’un autre, ou ne peut satisfaire ses besoins

fondamentaux.

Attitudes individuelles et fonctionnements collectifs ont

tendance à se renforcer mutuellement. Cette violence

structurelle peut donc s’installer de façon durable et

occulte.

Pour établir le degré de violence d’un acte, il y a lieu de

confronter les points de vue de l’auteur et du destinataire

de l’acte, et le point de vue de la loi qui fait tiers.

La circulation de la parole - et les actes posés qui mettent

les acteurs en communication - font baisser le degré de

violence.

Les causes de la violence

1 – Le dévoiement de la combativité de l’homme

L’homme est un être instinctuel et pulsionnel. La

combativité (ou agressivité non dévoyée), comme la

sexualité, est une énergie positive.

Mais, comme l’eau et le feu, ces énergies deviennent

nuisibles quand le faisceau des pulsions se dénoue, se

déstructure.

L’homme devient violent s’il ne maîtrise pas ses

pulsions, s’il se laisse emporter par elles, s’il ne

canalise pas sa combativité saine et naturelle dans des

formes pacifiques d’action, et en cas de conflit, dans

des formes non-violentes de résistance et de lutte.

Les causes de la violence

2 – La peur

Au plus profond de lui-même, l’être humain connaît la peur :

peur de manquer, de se tromper, peur de l’autre, peur de

l’avenir, peur de l’inconnu, peur de Dieu, etc. Le premier

ennemi de l’homme, c’est la peur.

Cette peur s’enracine le plus souvent dans la peur de

mourir. Le pari de celui qui décide d’employer la violence

est de tuer avant d’être tué, de blesser pour ne pas être

blessé.

L’homme tue pour échapper à l’angoisse de la mort, mais

en tuant, il se trouve face à l’angoisse du meurtre : il a

besoin de justifier son meurtre pour nier le sentiment de

culpabilité qui s’empare de lui.

Les causes de la violence

La peur

Regarder la mort en face

L’angoisse de la souffrance et de la mort est

probablement une des causes majeures de la facilité

avec laquelle l’homme succombe à la tentation de la

violence.

Plus que tout, la perspective de la mort engage la

quête de sens. Chacun, face à ces sujets, est appelé à

une réflexion personnelle et à la définition d’une

attitude propre. Cette réflexion et cette attitude

orientent son existence.

Les causes de la violence

3 – Le mimétisme

Parce que nos désirs sont par nature instables, flottants et

incertains, nous avons besoin d’un tiers pour désirer : un

médiateur, une personne qui va éclairer et désigner l’objet

de notre désir. Nous voulons alors l’imiter.

Mais quand deux personnes désirent le même objet, il y a

conflit, rivalité mimétique, crise mimétique. Ce processus

d’opposition, de rivalité et de conflit est source de

querelles de voisinage, de bureau, aussi bien que de

guerres sanglantes.

Nous avons besoin de "boucs émissaires", victimes que

l’on charge de tous les maux du monde pour résoudre la

crise mimétique universelle.

Les causes de la violence

Le mimétisme

Il existe dans l’être humain une propension à reproduire

les violences qu’il a lui-même subies.

Les parents qui frappent leurs enfants ont été eux-mêmes,

le plus souvent, des enfants battus.

Les pires dictateurs (Hitler, Staline, Ceaucescu) ont été

victimes de violences physiques et psychologiques

répétées durant leur enfance.

Cette propension n’est pas une fatalité : la résilience est la

capacité non seulement à surmonter et dépasser les

épreuves du passé, mais à faire de cette force de vie un

levier pour aider les autres.

Les causes de la violence

4 - La soumission à l’autorité

L’obéissance quasi-inconditionnelle à l’autorité, jusqu’à

faire souffrir sciemment des innocents, est un phénomène

que l’on constate dans tous les pays et dans tous les

milieux sociaux, et qui tient à des acquis culturels.

L’histoire - et les expérience de Stanley Milgram - ont

montré que des gens ordinaires, dépourvus de toute

hostilité, peuvent devenir, en exécutant simplement les

tâches qu’on leur fait faire, les agents d’abominables

processus de destruction.

Ces processus d’appuient

- sur un modèle autoritaire, voire sur un conditionnement,

- sur la dévaluation de l’image des victimes,

- et sur l’accoutumance à la violence.

Les causes de la violence

5 – Les idéologies anti-démocratiques

Parmi les causes de la violence, il faut citer les idéologies

antidémocratiques fondées sur l’exclusion, la discrimination, la

peur de l’autre :

- nationalisme,

- racisme,

- xénophobie (antisémitisme, islamophobie, etc.)

- sexisme, machisme,

- intégrismes religieux,

- libéralisme économique fondé uniquement sur la recherche

du profit immédiat.

Photos : - La condamnation injuste de Alfred Dreyfus (nationalisme + antisémitisme)

- La flagellation publique dans les régimes appliquant la charia musulmane

Les causes de la violence

6 - Les contextes de violence

Les contextes de violence favorisent la commission de

nouvelles violences.

Par exemple

1) En cas de manifestations violentes, des nouvelles

violences sont souvent commises par des éléments

incontrôlés : pillage de magasins, incendies de voitures,

etc.

2) En cas de guerre, des violences peuvent être commises,

qui seraient plus difficiles ou impossibles en temps de paix

: exécutions de résistants, de "traitres", pillage de maisons,

massacres, viols, génocides (génocide arménien pendant

la guerre de 1914-18, Shoah pendant la guerre de 1939-

45), etc.

Photo du bas : le massacre d’Oradour-sur-Glane par la division SS Das

Reich le 10 juin 1944

Les causes de la violence

7 - L’alcool et la drogue

L’alcool et la drogue, en altérant les capacités cognitives et

sensorielles de la personne, constituent un facteur de risque

important dans le domaine des violences, sans en être une

cause nécessaire ni suffisante.

- L’alcoolisme et la toxicomanie sont présent dans plus de

90 % des violences domestiques envers les femmes.

- L’alcool est à l’origine d’une grande partie des accidents de la

route, des accidents du travail, des accidents domestiques.

- Il augmente la gravité de certains délits, notamment les

agressions physiques et sexuelles, et le risque d’incivilités,

d’agressions et de bagarres à la sortie des bars.

- 40 % des suicides sont favorisés par l’alcool au moment du

geste.

Les causes de la violence

8 - La culture de violence

Les violences structurelles (économiques, sociales,

politiques, écologiques, culturelles), qu’elles soient

passés ou actuelles, sont plus ou moins admises par la

majorité de la population comme fatales, insurmontables,

inscrites dans "la nature", dans "le destin" de l’homme :

l’injustice, l’oppression, la faim, la guerre, le chômage, la

misère, l’exclusion, etc.

Les idéologies et les comportements collectifs

entretiennent ce sentiment de fatalité :

- idéologies fondées sur la recherche exclusive du bien-

être matériel et de la consommation,

- culte de la compétition permanente et exacerbée dans

tous les domaines de la vie (éducation, sport, économie),

../..

Photos : - La publicité sexiste

- La compétition à outrance

Les causes de la violence

La culture de violence

- valorisation de la violence par l’éducation (jouets

guerriers), par les rites collectifs (paroles de La

Marseillaise), par les médias (jeux vidéos).

La culture de la violence est tout ce qui, dans une société

- institutions, coutumes,

- préjugés, manières d’apprécier et de sentir,

représentations collectives, etc.

tend à favoriser chez le citoyen et de la part de

l’autorité publique le recours facile et spontané aux

diverses formes de violence pour résoudre les conflits

que génère nécessairement la vie sociale.

Photos : - Jeux vidéos à base de violence

- La violence de l’élevage industriel

Les représentations de la violence

1 - La violence vue comme naturelle

La conception de la violence comme inscrite dans l’homme

est classique en philosophie et en science politiques (Thomas

Hobbes, Friedrich Nietzsche).

On généralise en parlant à tort de la violence d’un effort, de la

violence des animaux ou de la violence du vent.

Pour certains, vivre implique inconsciemment le désir de tuer

l’autre.

D’autres ont voulu donner un socle génétique à la violence,

mais le "chromosome du crime" s’est révélé exister aussi chez

les joueurs de basket-ball…

Pour certains anthropologues, la violence serait apparue avec

l’agriculture ou à l’âge du bronze.

Photos : - Thomas Hobbes, philosophe anglais (1588-1679)

- Jean Bergeret, psychanalyste, auteur de La violence fondamentale

Les représentations de la violence

La violence vue comme naturelle

Pour le Pfr Pierre Karli, la violence est d’origine culturelle, elle

est liée aux conditionnement sociologiques, aux passions, à

l’imaginaire, à la peur.

Il y a une distribution culturelle des rôles : la violence des

garçons s’exprime davantage par les coups et blessures, celle

des filles par les mots blessants et le regard.

Mais les expériences de Stanley Milgram ont montré que,

statistiquement, la propension à la violence envers un

innocent par soumission à l’autorité est la même chez les

deux sexes.

Le profil du tueur de masse est celui d’un homme jeune et

célibataire, mais dans les camps de concentration allemands,

soviétiques ou chinois, les femmes ont exécuté leurs tâches

de bourreaux de la même façon que les hommes.

Photos : Pierre Karli et l’un de ses ouvrages

Les représentations de la violence

2 - La violence comme affirmation du sujet

La violence est un langage, une manière de s’affirmer, tant

pour les individus que pour les groupes.

La violence sert à la construction du groupe (rites initiatiques,

caïds). "L’État fait la guerre, mais la guerre fait l’État".

D’autres (Michel Wieworka) affirment au contraire que

l’affirmation de soi se fait par la parole, la relation symbolique,

et non par la violence.

La violence est un mode de représentation de soi (parades,

défilés, uniformes).

La violence est aussi un mode de don de soi au service d’une

cause supérieure (les sacrifices, les héros).

Le suicide, violence contre soi-même interdite par les Églises,

est aussi un acte de liberté interdit dans les camps de

concentration de l’Allemagne nazie.

Les représentations de la violence

3 - La violence comme système de domination

La violence est aussi un moyen de peser sur l’action de

l’autre, d’imposer sa volonté à l’autre.

La violence est dans le rapport à l’autre, quel que soit le

moyen utilisé : tout peut être violent : non seulement les

coups et blessures et le meurtre, mais aussi la parole, les

écrits, le sourire, le silence.

Photos : L’esclavage

Les guerres de Louis XIV

Le massacre de Sharpeville (21 mars 1960) pendant l’apartheid en

Afrique du Sud

Les représentations de la violence

La violence comme système de domination :

la violence structurelle

La violence structurelle * est un système, une organisation

de la société qui pèse sur la volonté, les désirs, les

aspirations, les projets de l’autre.

C’est la violence provoquée par les systèmes et les

idéologies de domination, de discrimination et d’injustice.

Exemples : esclavage, colonialisme, machisme, paradis

fiscaux, accaparement des ressources, corruption, etc.

C’est la violence-mère de toutes les autres, car elle

suscite de la part des opprimés la violence de résistance,

elle-même écrasée par la violence de répression

* L’expression est de Johan Galtung. Helder Camara parlait de la violence

du "désordre établi".

Photos : Colonialisme / Machisme, domination masculine / Secret bancaire,

socle de la fraude fiscale

Les représentations de la violence

4 – La violence comme acte de transgression

Toute transgression n’est pas violence (ex. : la désobéissance

civile), mais toute violence est un acte de transgression.

Dès 1215 (Magna Carta, charte des libertés en Angleterre), la

violence est définie comme l’abus de la force, de l’énergie. Cela

laisse entendre qu’il y a une force non-violente qui n’est pas un

abus.

La transgression peut être l’effraction du corps (viol, meurtre),

l’invasion du domicile ou du territoire, la transgression des lois

anthropologiques (interdit de l’inceste), ou des lois de l’État.

Le problème est que les normes varient beaucoup dans le

temps et dans l’espace (ex. : la peine de mort, pratiquée

pendant des siècles, a été abolie en France en 1981; l’excision,

autorisée dans certains pays africains, est considéré comme un

crime dans d’autre pays africains et en France, etc.)

Les représentations de la violence

5 – La violence comme langage

La violence est parfois un langage, un mode de

communication des individus avec la société lorsqu’ils ne

sont pas reconnus et qu’ils n’ont pas la possibilité de

prendre la parole. Elle est alors un cri de désespérance de

ceux qui ne sont pas entendus.

La violence des exclus, par exemple celle des jeunes des

"banlieues sensibles", est souvent une provocation, c’est-

à-dire un appel.

Cet appel est d’ailleurs aussi inefficace

qu’inacceptable, car il focalise l’attention sur les

violences commises et non pas sur l’exclusion qui

est en la cause profonde.

La violence comme moyen d’action

1 - La violence comme moyen d’action

contre l’oppression et l’injustice

La violence est souvent un moyen de résistance à l’oppression

et à l’injustice. Elle a été présentée longtemps comme le seul

moyen de renverser les puissants.

La non-violence a ainsi été discréditée sous prétexte qu’en

refusant de résister au mal, elle désarmerait les bons et ferait le

jeu des méchants.

En réalité, refuser de répondre à la violence par la violence, c’est

refuser de se soumettre à la logique de la violence que

l’agresseur ou l’oppresseur veut nous imposer, et lui offrir la plus

forte résistance possible.

- Spartacus, esclave et gladiateur qui par sa révolte contre l’esclavage a fait trembler

l’empire romain ente -73 et -71

- Lénine (1870-1924), théoricien de la violence révolutionnaire contre le capitalisme

- Ernesto Guevara, dit le Che, révolutionnaire cubain (1928-1967)

- Black Panther Party, mouvement révolutionnaire afro-américain des années 1970

La violence comme moyen d’action

2 - La violence comme moyen d’action contre la violence

dans les démocraties

La violence, dans un régime démocratique, peut être

aussi est un moyen de se défendre, d’empêcher l’autre

de nuire, de protéger le groupe ou la société.

Pour Max Weber, Philippe Braud, etc., l’État a le

monopole de la violence légitime (police et armée)

On utilise l’euphémisme de "force" pour parler de l’action

de l’État quand utilise la violence (pour neutraliser des

criminels, combattre le terrorisme, s’opposer à une

agression militaire), alors qu’il faudrait parler plus

justement de contre-violence.

Photos : - Le GIGN (Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale)

- La défense nationale

La violence comme moyen d’action

La contre-violence

Face à la violence, la contrainte non-violente apparaît

parfois impossible ou trop lente pour faire cesser des

situations insupportables.

La contre-violence, ou action violente pour mettre

l'agresseur hors d'état de nuire, y compris en le tuant,

a été utilisée massivement dans l'histoire.

Elle est légitimée, la plupart du temps avec beaucoup

d’abus, dans les théories de la légitime défense ou de

la guerre juste,

mais elle est parfois nécessaire (pour mettre hors

d’état de nuire un forcené qui tire sur les passants, les

snippers qui tirent à vue sur les habitants de Sarajevo,

les chars de Kadhafi qui menacent d’écraser

Benghazi, etc.)

La violence comme moyen d’action

La contre-violence

Dans l'hypothèse où l'usage de la contre-violence par

l’État a entraîné une ou des morts d'hommes, il faut

affirmer que l'exercice de la violence meurtrière par

l’autorité publique est toujours un drame et un échec.

Afin de lutter contre la culture de violence, les

conséquences de la contre-violence doivent être vécues

dans le deuil, alors même qu'on a cru devoir

exceptionnellement l’utiliser.

Il serait opportun d'instituer un rite public au cours duquel,

chaque fois que la violence exercée par l'État aurait causé

la mort d'un homme, un représentant de l'État (le Préfet

par exemple) rappellerait cette règle.

Photo du haut : l’exécution du criminel Jacques Mesrine en nov. 1979 par la

Brigade de Recherche et d’Intervention

La destruction humaine de masse

• Ethnocide : destruction délibérée d’une civilisation et d’une

culture en vue d’exploiter économiquement ou de dominer

politiquement une population, ou comme conséquence de

cette politique

Ex. : Conquista en Amérique Latine, exploitation de Noirs

africains pendant l’esclavage et le colonialisme, élimination

des Peaux-Rouges aux États-Unis, des Aborigènes en

Australie, des indigènes en Amazonie, etc.)

• Massacre : destruction limitée d’un groupe de victimes en vue

de créer un effet de terreur destiné à faciliter la soumission

d’une population plus large ou de l’inciter à fuir le territoire.

Ex. : massacre de la St Barthélémy, Commune de Paris,

bombardements de villes (Coventry, Dresden, Nagasaki),

répression en Tchétchénie, etc.) ../..

Photo du milieu : massacre des Indiens par les Anglais à Amritsar(13 avril 1919)

La destruction humaine de masse

• Épuration de masse : Élimination de personnes par

milliers destinée à terroriser une population pour qu’elle se

soumette. Elle vise des groupes politiques, des classes

sociales, ou des ethnies.

Ex. : stalinisme en URSS, répression en Chine et au Tibet,

régime des Khmers rouges au Cambodge, "purification

ethnique" en ex-Yougoslavie, etc.

• Génocide : Anéantissement total d’une communauté

humaine en tant que telle pour des raisons idéologiques.

Ex.: Génocide des Arméniens par le pouvoir turc (1915-

1917), holocauste perpétré par le régime nazi (1941-1945),

génocide perpétré par les Hutus au Rwanda (1994).

Les racines psychosociologiques

de la barbarie *

1) Sentiment, justifié ou non, de menace interne qui pèse sur

l’existence du groupe et sa capacité à se projeter dans l’avenir.

Défaites militaires de l’empire ottoman en 1914

Défaite allemande en 1941 en URSS, isolement croissant du régime

Projet vietnamien de grande Indochine menaçant le Cambodge

Présence des Kosovars albanophones dans le Kosovo serbe

2) Rupture dans le système traditionnel de croyances sous l’impact

d’une modernisation hâtive et incomplète, et nouvelles croyances

de substitution.

JeunesTurcs doutant de la valeur d’un islam ottoman

Crise des religions catholique et protestante, darwinisme social des Nazis

Effondrement de l’unité du mouvement communiste en Asie du Sud-Est

Serbes déçus par le marxisme autogestionnaire de Tito

* d’après Alexandre Adler, historien et journaliste, in Les racines psychologiques de

la barbarie, revue Psychologies, mai 1999

Les racines psychosociologiques de la barbarie

• Montée au pouvoir d’un groupe qui doute de sa légitimité et

l’asseoit sur une violence tournée vers le dehors : les

bourreaux

Groupe des Jeunes Turcs né de la décomposition de l’armée

SS en Allemagne, Oustachis en Croatie, Milice en Ukraine, France, etc.

Jeunes traumatisés qui ont participé aux assassinats de la Révolution

Culturelle chinoise

Nationalistes serbes de Krajina et du Kosovo

• Volonté d’un noyau criminel de diffuser le plus largement

possible sa propre culpabilité, sous la conduite d’un leader

charismatique

Enver Pacha

Adolf Hitler

Pol Pot

Slobodan Milosevic

Les médias et la violence

• Théorie de l’imitation : télévision et jeux vidéos encouragent

les tendances agressives chez les spectateurs et les joueurs.

• Théorie de l’habitude : le téléspectateur s’accoutume aux

scènes de violence au point de devenir indifférent à la

violence dans la vie réelle.

• Théorie de l’inhibition : la représentation de la violence, en

provoquant la peur, empêche le passage à l’acte.

• Théorie de la catharsis : les scènes de violence offrent

un exutoire qui réduit les tensions, et donc l’agressivité.

Aucune de ces théories ne prétend faire des médias

le principal responsable de la violence, mais un des

facteurs explicatifs possibles du comportement agressif.

Délégitimer la violence

Pour briser le ressort de la violence, présentée comme

nécessaire, légitime et honorable, il faut d'abord prendre

en compte toute la réalité de la violence qui pervertit

notre relation à l'autre.

Il faut ensuite rompre avec les processus de justification

et de légitimation de la violence, et montrer que la

violence n'est pas une fatalité.

Photo du haut : Expériences menées par Stanley Milgram pour

montrer la soumission à l’autorité

Mettre en œuvre des alternatives à la violence

La violence est une méthode d’action qui est ou qui paraît parfois nécessaire,

- soit pour combattre de désordre établi lorsqu’il maintient l’oppression,

- soit pour défendre l’ordre établi quand il garantit la liberté.

Il est donc vain de condamner la violence purement et simplement.

Il est nécessaire et plus utile d’inventer et de mettre en œuvre des alternatives à la violence.

Mettre en œuvre des alternatives à la violence

C’est pourquoi les partisans de non-violence proposent des alternatives à la violence, efficaces dans la vie sociale et dans l’action politique :

- Communication non-violente et médiation dans les rapports interpersonnels et collectifs,

- Stratégie non-violente de lutte contre l’oppression et l’injustice,

- Défense civile non-violente contre les agressions extérieures,

- Intervention civile de paix entre des belligérants dans les conflits régionaux (interreligieux, interethniques, etc.) *

Photo du bas : Brigades de Paix Internationales, forces d’intervention civile pour protéger des personnes menacées, observer les violations des droits de l’homme, séparer des belligérants

Sur ces 4 thèmes, voir les diaporamas spécifiques sur www.irnc.org

Pour une culture de non-violence

Une culture de la non-violence est le développement

des savoirs, des mœurs, des manières de vivre, des

institutions sociales, des échelles conscientes et

inconscientes de valeurs, bref de l’éthique collective

toute entière dans sa profondeur,

en vue de favoriser le recul de la violence individuelle et

sociale

et d’inscrire dans les pratiques vécues d’un peuple les

pratiques non-violentes des conflits.

Photos : - Moines de Tibhirine

- Rencontre d’Imams et rabbins pour la paix à

l’initiative de l’association Hommes de Parole ■