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La Vie de la FondationLe mot du président 1Inauguration du siège 1La France Libre et la question syndicale 2

HistoireLa négation de l’homme dans l’univers concentrationnaire nazi : réflexions sur le thème 3Introduction 4La contestation de l’idéologie nazie 5La dénonciation des crimes nazis 8Vers la punition des crimes de guerre 10Réaffirmer la dignité de l’homme : le discours d’Oxford 15Retrouver sa dignité d’homme 17Le préambule de la constitution de 1946 18René Cassin et la guerre des « droits de l’homme » 21

Livres 24

In memoriam 25

Carnet 27

Dans les délégations 28

SommaireSommaire

N° commission paritaire : 0212 A 056 24N° ISSN : 1630-5078Reconnue d’utilité publique (Décret du 16 juin 1994)RÉDACTION, ADMINISTRATION, PUBLICITÉ :16, cour des Petites-Écuries – 75010 Paris Tél. : 01 53 62 81 82 - Fax : 01 53 62 81 80E-mail : [email protected]

VERSEMENTS : CCP Fondation de la France LibreParis CCP La Source 42495 11 ZPrix au N° : 5 EurosAbonnement annuel : 15 Euros

© « BULLETIN DE LA FONDATION DE LA FRANCE LIBRE ÉDITÉ PAR LA FONDATION DE LA FRANCE LIBRE »

Revue d’information trimestrielle de la Fondation de la France Libre Parution : Septembre 2016Numéro 61

En couverture :

En haut au centre : Photo publiéedans Free France, n° 4, vol. 8,15 août 1945, p. 102. La légendeindique que « Mgr Piguet, évêque deClermont-Ferrand, qui a été récem-ment libéré et porte toujours sonhabit de prisonnier, célèbre lamesse devant le Palais de Chailloten mémoire des martyrs de cetteguerre » (coll. Fondation de laFrance Libre). En haut à droite :« Six criminels des SS vont êtrejugés », Le Télégramme de Brest &de l’Ouest, n° 62, mercredi 29novembre 1944. En bas à gauche :« Quinzaine de Diran », En route,n° 27, 1er février 1943 (coll. Fon-dation de la France Libre). En bas àdroite : « Euthanasie hitlérienne »,France d’abord, Brazzaville, n° 6-7,mercredi 30 avril 1941, p. 7 (coll.Fondation de la France Libre). Enarrière-fond : Maurice Renard,« Crimes et criminels de guerre »,En route, n° 19, 15 janvier 1944(coll. Fondation de la France Libre).

© Fondation de la France Libre

Il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement la présente publication –loi du 11 mars 1957 – sans autorisation de l’éditeur.

MISE EN PAGE, IMPRESSION, ROUTAGE :Imprimerie GROUPE PRENANT - 01 49 59 55 55 - www.prenant.frDépôt légal 3e trimestre 2016DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Général Robert BRESSERÉDACTEUR EN CHEF : Sylvain CORNIL-FRERROT

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LA VIE DE LA FONDATION

Septembre 2016 • N° 61 l 1

Le mot du président

Inauguration du siège de la Fondation

Le 22 juin 2016, à 17h30, la Fondation organisait l’inaugura-tion officielle de son siège, installé depuis fin octobre 2015 au16, cour des Petites-Écuries, dans le 10e arrondissement.

Comme l’a rappelé le général Robert Bresse dans son allocu-tion, le terme d’inauguration peut paraître inadéquat, étantdonné les activités qui s’y déroulent depuis de nombreux mois.

Il s’agissait bien plutôt de réunir tous les amis et partenairesde la Fondation, afin de leur faire découvrir ces nouveauxlocaux, les possibilités qu’ils offrent, tant en termes d’espacesde réunion ou d’exposition que du point devue de la recherche historique, et de traceravec eux les perspectives d’avenir de laFondation.

Après son discours, le président a remis à JacquesDieu, délégué de la Fondation dans l’Allier, la croixde chevalier de l’ordre national du Mérite. Puis l’as-sistance, qui était venue nombreuse, a été invitée àparticiper au buffet dînatoire, dans une ambianceparticulièrement chaleureuse.

La rédaction

Comme le prévoient nos statuts, le conseil d’administration de notre Fondation estconvoqué cette année, début décembre. Cette réunion de nos délégués régionaux etdépartementaux, mais aussi de tous ceux qui partagent nos valeurs et soutiennent notreaction, permettra aux administrateurs – dont les deux tiers doivent être renouvelés fin octobre– et au bureau que ce conseil rénové élira d’effectuer un point de situation et d’échanger avecla salle.

J’indiquais l’an dernier, à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de la création del’Association des Français Libres, que l’année 2015 constituait « une année charnière,marquant à la fois la fin d’une période de quatre années consacrées pour l’essentiel aurétablissement de notre situation et à la normalisation de notre action, ainsi que le début denotre retour sur le terrain de la mémoire et de l’histoire. »

Sans préjuger de ce qui sera dit en décembre, je peux affirmer que le premier semestre 2016semble confirmer la « normalisation » de notre situation. Nos résultats financiers sont bons, surtout dans lecontexte actuel. La consolidation de nos ressources mobilières et immobilières, tout comme la possession de notresiège, nous assure enfin un revenu annuel suffisant pour mener notre action.

Il s’agit, au niveau central, régional et départemental, de transmettre, en priorité à notre jeunesse, à travers lamémoire et l’histoire des Français Libres, les valeurs qui les avaient rassemblés. L’amour de la patrie et de la liberté,le refus de la résignation et du repli sur soi qu’incarnait Vichy, l’ouverture au monde danstoute sa diversité, une diversité que les Forces Françaises Libres incarnaient totalement,n’ont rien perdu de leur actualité, comme le rappellent malheureusement régulièrementles agressions et menaces auxquelles notre pays se trouve actuellement confronté.

Général Robert Bresse

Allocution du général Robert Bresse pour présenterle nouveau siège de la Fondation (photo SylvainCornil-Frerrot, coll. Fondation de la France Libre).

Les anciens de la France Libre, délégués, amis et partenaires de laFondation sont venus nombreux à l’inauguration (photo SylvainCornil-Frerrot, coll. Fondation de la France Libre).

Le général Robert Bresse remet la croix de chevalier del’ordre national du Mérite à Jacques Dieu, délégué de laFondation dans l’Allier (photo Sylvain Cornil-Frerrot, coll.Fondation de la France Libre).

M. Roland Lepers, ancien des Forces aériennes françaiseslibres, et son épouse (photo Sylvain Cornil-Frerrot, coll.Fondation de la France Libre).

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LA VIE DE LA FONDATION

2 l Septembre 2016 • N° 61

La France Libre et la question syndicale

9 h 00 : arrivée du public

9 h 30 : mots d’accueil par le président dela Fondation de la France Libre

9 h 40 : introduction, par Jean-FrançoisMuracciole (professeur à l’universitéPaul-Valéry Montpellier III)

Séance du matin

Sous la présidence de Tristan Lecoq (ins-pecteur général de l’Éducation nationale,professeur des universités associé)

10 h 00 : « Le rôle des syndicalistes de lazone sud dans les premiers temps de laRésistance (1940-1942) », par LaurentDouzou (professeur en histoire contem-poraine à Sciences Po Lyon)

10 h 50 : « La pensée sociale du général deGaulle et les conditions de son évolutiondans la guerre et le GPRF », par LaurentLasne (journaliste, écrivain)

11 h 20 : « L’action de Paul Vignaux auxÉtats-Unis, l'aide à la résistance du mou-vement ouvrier et ses rapports avec laFrance Libre », par Jean Lecuir (ancien maî-tre de conférences en histoire moderne àParis X Nanterre)

11 h 50 : débat

Séance de l’après-midi

Sous la présidence d’Émeline Vanthuyne(agrégée d’histoire)

14 h 00 : « La France Libre vue par les syn-dicalistes collaborationnistes », par GillesMorin (enseignant-chercheur, Centred’histoire sociale du XXe siècle)

14 h 30 : « Les syndicalistes, saboteurs de laFrance Libre ? », par Sébastien Albertelli(agrégé d’histoire, docteur en histoire)

15 h 20 : « Les contacts de Jean Moulin avec les syndicats en 1942 », par Christine

4e CONVENTION GÉNÉRALEDE LA FONDATION DE LA FRANCE LIBRE

La 4e convention générale des participants à la Fondation de la France Libre se déroulera le :

Samedi 10 décembre 2016 à Paris à partir de 9 heures

Les membres participants à la Fondation de la France Libre seront convoqués officiellement et individuellement par courrier.L’ordre du jour sera joint à la convocation.

Le mercredi 18 janvier 2017, la Fondation de la France Libre organise un colloque sur le thème « La France Libre et la question syndicale »à l’auditorium Austerlitz du Musée de l’Armée, à l’Hôtel national des Invalides. Ce colloque est ouvert à tout public.

�Lorsque le général de Gaulle quitte le pouvoir en janvier 1946, les syndicats ont acquis dans la vie nationale une place sans précédent.Ce destin était loin de leur être promis lorsque la guerre avait éclaté : le souvenir de 1936 restait à vif, et la défaite de 1940 n’était pas àleur avantage.

Quels sont les facteurs qui ont retourné la situation à leur avantage ? Le but du colloque est de mieux comprendre comment, à partird’une mission liminaire totalement étrangère à la question syndicale, qui était de maintenir la France dans la guerre jusqu’à la victoire,le général de Gaulle et les Français Libres qui l’entourent en sont venus à imaginer et organiser un avenir dans lequel les syndicatstiendraient une place significative.

Ils l’ont fait en présence de contre-modèles (le corporatisme de Vichy, les totalitarismes, le communisme) et de références nouvelles (lestrade unions britanniques et la pensée sociale anglaise). Ils l’ont fait à la fois en coopération et en émulation avec les mouvements derésistance et les forces politiques et syndicales revenues dans le jeu idéologique de la Libération espérée, puis acquise. Ils l’ont fait enfonction d’une vision de la France transformée par la guerre et appelée à une renaissance audacieuse, mais aussi en raison de calculstactiques : comment gagner à la cause de la France Combattante les forces vives du pays, comment contenir les empiétements politiquesdes communistes en donnant de larges satisfactions aux syndicats, etc. Ils l’ont fait d’une manière qui a modelé durablement la deuxièmemoitié du XXe siècle jusqu’à nos jours, mais qui a aussi subi les distorsions et évolutions assez rapidement intervenues une fois la FranceLibre arrivée à son terme. Les mouvements violents des années 1947-1948 et suivantes, d’un côté, le retour en 1969 de l’idée departicipation d’autre part, montrent que les avancées acquises en 1945 étaient loin d’avoir figé le panorama de la question syndicale.Il y a donc lieu d’apprécier quel fut le bilan réel de la France Libre sur ce point.

Philippe RatteMembre du conseil scientifique

Levisse-Touzé (directrice du Musée généralLeclerc de Hauteclocque et de la libérationde Paris - Musée Jean Moulin de la Ville deParis, directeur de recherche à Paris-IV)

15 h 50 :« La place des syndicalistes dans leCNR », par Guy Krivopissko (conserva-teur du Musée de la Résistance nationaleà Champigny-sur-Marne)

16 h 20 : débat

16 h 50 : conclusion, par Guillaume Piketty(professeur à Sciences Po Paris)

Informations pratiquesDevant le nombre limité de places dispo-nibles, il est recommandé de s’inscrireavant le 16 décembre 2016.Téléphone : 01 53 62 81 82Courriel : [email protected] de la France Libre - 16, cour desPetites-Écuries - 75010 Paris

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HISTOIRE

Septembre 2016 • N° 61 l 3

La négation de l’homme dans l’univers concentrationnaire nazi

Réflexions sur le thèmeL’intitulé du thème nécessite d’être justifiéet clarifié. Si l’expression « univers concen-trationnaire nazi », qui comprend à la fois lesystème concentrationnaire et le systèmegénocidaire, est relativement familière auxhabitués du Concours national de laRésistance et de la Déportation – on la ren-contre déjà pour les thèmes de 2005, 2007 et2015 –, la « négation de l’homme » interroge,relevant davantage de la philosophie ou dela psychologie que de l’histoire.

On pourrait être tenté de confondre cetteexpression avec le terme de « déshumanisa-tion », qui renvoie à la perte de caractèresspécifiques à la nature de l’homme, la per-sonne étant entendue dans sa naturemorale, spirituelle, ou dans ses relations àautrui. Le choix de ce terme eût impliquéde se pencher plus particulièrement sur levécu des déportés, et non seulement sur leprocessus de déshumanisation.

Cette confusion est d’autant plus tentanteque, d'après la brochure de la Fondationpour la mémoire de la Déportation, « lessurvivants ont souvent parlé de “négationde l’homme” pour caractériser “le milieu”dans lequel ils avaient été envoyés et détenusde force, et les conditions de vie ou de mortqui leur étaient faites ».

Suivant cette lecture, l’expression renvoiedonc au ressenti des déportés, avec ce quecela suppose de subjectivité, non à unepolitique définie par leurs bourreaux.

Toutefois, l’expression « négation del’homme » réclame de prendre en compte lepoint de vue du négateur. Or, l’objectif desnazis n’était pas de nier l’humanité de leursvictimes, mais de retrancher de l’Allemagnenouvelle et du nouvel ordre européen lesindividus considérés comme nuisibles enraison de leur origine (juive, tzigane, slave),de leur caractère dégénéré (handicapésphysiques et mentaux, homosexuels) ou deleur refus de l’ordre nazi (communistes,sociaux-démocrates, catholiques, résis-tants, droits communs), de les exploiter oude les exterminer. La négation de l’homme,c’est bien plutôt la conséquence, le résultat,de la manière dont les SS traitaient leursvictimes dans les camps de concentrationet d’extermination, traitement qui découlelui-même, pour une bonne part, de leuridéologie.

L’expression « négation de l’homme » poseégalement problème dans le sens où ellepourrait laisser supposer que les nazisniaient l’appartenance de l’ensemble deleurs victimes, ou d’une partie d’entre elles,à l’espèce humaine. Ce point renvoie à laquestion de la hiérarchisation de l’huma-nité, dans la doctrine nazie, en fonction dela race. On sait qu’en plus des notions de« races supérieures » et de « races inférieures »,parmi lesquels les tenants de la thèse racia-liste classique comptaient les juifs, certainsthéoriciens nazis considéraient les juifs, enl’absence de caractères physiques homo-gènes, comme une non-race (« Unrasse »)ou comme une contre-race ou anti-race(« Gegenrasse »), vocable employé par AlfredRosenberg. L’expression « non-homme » –forgée parallèlement à la notion de « sous-homme », qui servait à désigner les mem-bres des races dites inférieures – a étéemployée par un certain nombre d’auteurspour qualifier la manière dont les nazisregardaient les juifs ; elle me paraît abusive,d’un strict point de vue historique, même siFritz Hippler a pu comparer, dans Le Juiféternel (« Der Ewige Jude »), film de propa-gande nazi sorti en 1940, les juifs à des rats.

En l’espèce, les juifs apparaissent davan-tage aux nazis comme des êtres nuisibles, àéradiquer par l’isolement et l’éloignementpuis par l’extermination, que comme des« non-hommes ».

L’expression « négation de l’homme » ren-voie donc à la négation, par les nazis, d’uncertain rapport à l’homme, la hiérarchieentre les races rompant l’idée d’égalitéentre les hommes et mettant à mal l’atta-chement à sa dignité.

Tel qu’il est formulé, le thème exige,d’abord, une mise au point sur le nazismeen tant que mouvement politique et corpsde doctrine. En effet, s’il y a « négation del’homme », c’est qu’il y a un négateur. Laquestion est de déterminer en quoi lesnazis niaient l’humanité des déportés, etsur quels fondements idéologiques.

Le nazisme s’inscrit dans une culture poli-tique allemande hostile depuis les années1800 aux Lumières, jugées françaises, aulibéralisme et à la démocratie, considéréescomme occidentales, opposées à une civili-sation allemande attachée à ses traditionsnationales et populaires. Il s’inscrit égale-ment dans un processus de construction de

l’État-nation allemand fondé sur la volontéd’unifier toutes les populations considéréescomme allemandes du continent euro-péen, une construction/unification réaliséede haut par l’État prussien, en usant de laforce, en excluant toute une partie desAllemands (les Autrichiens).

À la suite de cette unification, se sontdéveloppés des mouvements politiques etdes courants de pensée visant à l’unifica-tion de la Grande Allemagne, par opposi-tion à la Petite Allemagne née en 1871, àl’exclusion des juifs de cet ensemblenational, en raison de considérationsraciales. Entre 1870 et 1914 se développeun nationalisme ethniciste que l’on quali-fie de mouvement völkisch.

Siècle du scientisme, le XIXe siècle voit éga-lement l’émergence d’un ensemble dethéories affirmant l’inégalité entre leshommes et l’importance de la notion d’hé-rédité. Suivant ces théories, l’épanouisse-ment de l’homme, son amélioration entermes physiques, intellectuels, moraux,sociaux, passe par une politique favorisantles individus supérieurs aux dépens desindividus inférieurs.

Le nazisme exprime la volonté d’« amélio-rer la race allemande » par la sélection desindividus et l’extermination des éléments« tarés » ou autres, de libérer l’espace vital àl’Est et d’éliminer les « criminels » de droitcommun et politiques. Cela suppose desdifférences de traitement selon la période,les camps et les populations concernées.

Ces théories sont en contradiction flagranteavec les principes libéraux exprimés dansdes déclarations des droits en Angleterre,en France et aux États-Unis, mais aussi avecles principes de l’humanisme chrétien, quiaffirme l’égalité des hommes, quelle quesoit leur origine, devant la grâce divine, etprivilégie les notions de pitié, de commisé-ration et de rédemption, à l’opposé du cultede la force et de la violence nazis.

Les camps de concentration et d’extermi-nation ont pu représenter, dans leur variétéirréductible, le champ d’application parexcellence de l’idéologie nazie.

Ceci dit, tout ne relève pas, dans la « néga-tion de l’homme » à l’œuvre dans l’universconcentrationnaire, de la mise en pra-tique de cette idéologie. Il existe, d’abord,un écart entre la déshumanisation voulue

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HISTOIRE

4 l Septembre 2016 • N° 61

par les bourreaux et la déshumanisationsubie par les victimes, un hiatus entre leprojet des bourreaux et le ressenti des vic-times. Les déportés ont pu se sentir niésdans leur humanité par des pratiques quirelevaient moins de la mise en pratique del’idéologie nazie que de la mécaniqueconcentrationnaire. Les contradictionsn’ont d’ailleurs pas manqué au cœurmême de la politique nazie : en témoi-gnent les incertitudes idéologiques sur lestatut de la race juive ou le fait que des cer-tificats d’aryanité aient pu être délivrés parles plus hautes instances du régime nazi àdes personnes ayant au moins un grand-parent juif, en infraction avec les loisraciales, pour des motifs de pragmatisme.

Les déportés ont pu, localement, tenter derésister à ces pratiques déshumanisantes,que celles-ci correspondent à l’actionobjective des SS ou à la mécaniqueconcentrationnaire. Toutefois, c’est la libé-ration des camps, grâce à l’effort conjuguédes forces militaires alliées, qui ouvre poureux la voie d’un retour à la reconnaissancede leur dignité humaine.

En dehors de l’univers concentrationnaire,les réactions à la « négation de l’homme »par l’idéologie nazie n’ont pas attendu lafin de la guerre et doivent être resituéesdans leur chronologie. Très tôt, les théoriesracistes des nazis ont fait l’objet de vivescontestations. Surtout, les Alliés ont d’em-blée manifesté leur volonté de punir lescrimes de guerre nazis et de construire

après-guerre un ordre international quiassure la dignité humaine contre touteforme d’atteintes.

Au niveau national, également, la réaffir-mation des principes qui fondent laRépublique française dans le préambulede la constitution de 1946 doit beaucoupaux discussions qui ont animé FrançaisLibres et résistants durant la guerre.

Les auteurs de ce préambule et de laDéclaration universelle des droits del’homme adoptée par l’Organisation desNations unies en 1948 se sont directementinspirés de ces travaux, quand ils n’yavaient pas eux-mêmes contribué. Il existe

IntroductionLe présent dossier documentaire est issudes fonds d’archives de la Fondation de laFrance Libre. Il ne prétend pas traiter la tota-lité du thème 2016-2017 du Concours natio-nal de la Résistance et de la Déportation,intitulé : « La négation de l’homme dansl’univers concentrationnaire nazi ».

Nous aurions sans doute pu, comme yinvite la brochure pédagogique réaliséepar la Fondation pour la mémoire de laDéportation, mettre l’accent sur le témoi-gnage des nombreux Français Libresdéportés dans les camps de concentra-tion. Toutefois, il nous a semblé qu’un telchoix aurait eu un caractère redondant,eu égard aux ressources déjà disponiblespour les enseignants et leurs élèves, pourun intérêt scientifique marginal.

Son ambition est plus modestement d’at-tirer l’attention des lecteurs sur la réac-tion des Français Libres et des Alliés à la

réitérée et précisée tout au long duconflit, que ceux-ci seraient punis ; laréaffirmation, initiée côté français par lesrésistants de l’extérieur et de l’intérieurdès avant la libération du territoire natio-nal et la capitulation des forces de l’Axe,des principes de liberté, d’égalité et dedignité de l’homme, « sans distinction derace, de religion ni de croyance » suivantles mots du préambule de la constitutiondu 27 octobre 1946, « sans distinctionaucune, notamment de race, de couleur,de sexe, de langue, de religion, d’opinionpolitique ou de toute autre opinion, d’ori-gine nationale ou sociale, de fortune, denaissance ou de toute autre situation »suivant ceux de la Déclaration univer-selle des droits de l’homme adoptée parl’Assemblée générale des Nations Uniesle 10 décembre 1948.

Sylvain Cornil-Frerrot

négation de l’homme contenue dansl’idéologie nazie et sa mise en pratique,dans la répression des actes de résistancecomme dans les persécutions racialesexercées par le régime nazi dans l’Europeoccupée durant la Seconde Guerre mon-diale. Ces documents s’intègrent dans latroisième partie du dossier pédagogique,consacré aux réactions suscitées par lanégation de l’homme dans l’universconcentrationnaire nazi, et complètentles éléments portant, dans cette partie,sur les résistances à la déshumanisationdes déportés eux-mêmes au sein de l’uni-vers concentrationnaire.

Pour ce faire, il se subdivise en trois par-ties : la contestation, par les Alliés, del’idéologie nazie et de ses implicationsantihumanistes ; la dénonciation descrimes de guerre et l’annonce, affirméedès les premières années de la guerre,

Appel à contributions

Héritière de la Revue de la France Libre, organe de l’Association des Français Libres de 1946 à 2000, Fondation de laFrance Libre publie des articles consacrés à l’histoire de la France Libre, de son chef, le général de Gaulle, de sesmembres et de ses combats, jusqu’à la victoire de 1945.

Longtemps organe de la mémoire française libre, la revue se veut aujourd’hui un relais entre cette mémoire, larecherche scientifique et la vulgarisation de la connaissance historique.

Les auteurs désireux d’y contribuer doivent adresser leurs propositions d’articles :

à l’adresse électronique suivante : [email protected]

ou par courrier postal à : Fondation de la France Libre • 16, cour des Petites-Écuries • 75010 Paris.

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HISTOIRE

C’est le cas de Diran, de son vrai nom DiranAjemian (1903-1991), caricaturiste libanaisd’origine arménienne, qui illustre l’actua-lité, à partir de décembre 1941, dans « laquinzaine de Diran », en page deux (le plussouvent) du magazine En Route, bimen-suel publié à Beyrouth par le service depropagande des Forces françaises libres enMoyen-Orient, à destination de la Syrie, duLiban, de la Palestine et de l’Égypte.

Deux dessins des quinzaines de Diranévoquent la question aryenne.

Le premier, « Institut de race à Paris », paraîtdans la quinzaine du n° 26, le 15 janvier 1943.Un Laval aux traits et au corps simiesques –rappel de la théorie darwinienne de l’évolu-tion – et au costume civil agrémenté d’unbrassard nazi agite une cloche pour attirer lafoule à une exposition sur les « modèles-types » de la race aryenne représentés parHitler, Goering, Goebbels et Laval lui-même,assimilé ainsi aux chefs nazis.

Cet « institut de race » évoque l’Institutd’étude des questions juives, fondé àParis le 11 mai 1941 avec le soutien de laPropagandastaffel, le bureau de propa-gande allemande, d’abord sous le nom de« Bureau d’information et d’étude desquestions juives », puis absorbé à la fin de1942 par la direction de la propagande duCommissariat général aux questionsjuives qui le rebaptise en mars 1943« Institut d’études des questions juives etethnoraciales ». Il a notamment patronnél’exposition « Le Juif et la France », pré-sentée du 5 septembre 1941 au 15 janvier1942 au palais Berlitz, à Paris.

Le second, « Les bons Aryens… Toute lagamme... », est un dessin tiré de « La vied’un surhomme... », biographie ironiqued’Hitler parue dans la quinzaine du n° 32le 1er avril 1943.

La contestation de l’idéologie nazie

« Quinzaine de Diran », En route, n° 26, 15 janvier 1943,p. 21 (coll. Fondation de la France Libre).

« Quinzaine de Diran », En route, n° 32, 15 janvier 1943, p. 23 (coll. Fondation de la France Libre).

« La presse et l’humour », En route, n° 20, 15 octobre1942, p. 22 (coll. Fondation de la France Libre).

« Quinzaine de Diran », En route, n° 27, 1er février 1943 (coll. Fondation de la France Libre).

Opposée aux démocraties libérales occi-dentales, fondée sur des théories racistes etantisémites, l’idéologie nazie développe undiscours qui heurte bien des consciences,marquées par une foi dans le progrès socialet humain, l’égalité des droits ou la dignitéhumaine. Afin de s’opposer à la propaga-tion des thèses nazies, et de dénoncer lamenace qu’elles font peser sur la paix, uncertain nombre d’intellectuels et d’artistesvont s’attacher à démonter ce discours.

Ce combat prend une forme toute nou-velle avec le déclenchement du secondconflit mondial, la contestation de l’idéo-logie nazie s’inscrivant désormais dansl’effort de guerre, qui voit la mobilisationde l’ensemble des moyens de communica-tion pour dénoncer l’ennemi et montrer lajustesse de la lutte des puissances alliées.

La race aryenne

Parmi les différents éléments de l’idéologienazie, le concept de « race aryenne » est l’unde ceux qui a suscité le plus de contesta-tions et de plaisanteries, en raison de soncaractère fortement discriminant, puisquedes peuples européens ou d’origine euro-péenne pouvaient s’en sentir exclus, maisaussi parce que l’image commune del’Aryen grand, blond, aux yeux bleus s’op-posait à la réalité des caractéristiques phy-siques non seulement d’une large partie dela population allemande, mais aussi de l’es-sentiel des dirigeants nazis.

Attachés à croquer dans la presse l’actua-lité politique et militaire, les caricatu-ristes s’en sont parfois écartés pour pla-cer la guerre en cours dans une perspec-tive plus idéologique.

Le titre joue sur l’homophonie entre « bonsAryens » et « bons à rien » et le dessin sur ledouble sens de « gamme ». En effet, ce motpeut être entendu dans son sens musical,c’est-à-dire comme l’ensemble des septnotes principales disposées dans l’intervalled’une octave, remplacées ici par la tête dehuit des principaux dirigeants del’Allemagne nazie : Adolf Hitler, HermannGoering, Rudolf Hess, Joseph Goebbels,Joachim von Ribbentrop, Heinrich Himmler,mais aussi Hjalmar Schacht et Franz vonPapen, tous deux non nazis. On peut le com-prendre également dans le sens figuré d’unesérie d’éléments de même nature, mais pré-

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HISTOIRE

6 l Septembre 2016 • N° 61

sentant divers aspects, degrés ou nuances. Ils’agit alors de montrer la variété des typesphysiques allemands, représentés ici parune partie de leurs responsables politiques,dont aucun, naturellement, ne correspondau type supposé de l’Aryen.

Publication illustrée, En route rééditeégalement dans ses colonnes, sous le titre« La presse et l’humour », des dessinsparus dans d’autres journaux alliés, engénéral anglais ou américains, bien que lasource et l’auteur ne soient pas indiqués.« Le type aryen » paraît anonymementdans le n° 20, le 15 octobre 1942.

Comme les caricatures de Diran, ce dessinironise sur le concept de « type aryen », illus-trant avec un portrait d’Hitler, de Goering etde Goebbels une plaisanterie très popu-laire, parmi les adversaires des nazis : « unhomme blond comme Hitler, mince commeGoering, grand comme Goebbels ».

Le complot juif

Plus rare – du moins dans le corpus étudié,tiré des publications conservées dans lesarchives de la Fondation – apparaît, en com-paraison, le thème du complot juif, ou judéo-maçonnique, pourtant fondamental dansla pensée antisémite et l’idéologie nazie.

Dans le n° 27 d’En route, paru le 1er février1943, Diran consacre deux des onzedessins de sa quinzaine à l’exploitationpolitique, par Hitler, du thème du complotjuif. À cette époque, les forces allemandesviennent de subir leurs premières défaitesà Stalingrad (31 janvier 1943) et El Alamein(3 novembre 1942).

Dans le premier dessin, Hitler désigne dudoigt une carte de l’Empire allemand,dans ses frontières de 1918, enserréeentre les bras d’une pieuvre, symboled’un réseau tentaculaire et occulte. Latête de cette pieuvre reprend les stéréo-types antisémites du juif : un grand nezcrochu, une lèvre inférieure lippue etpendante, de grandes oreilles décollées,des yeux globuleux avec des poches, dessourcils épais, des cheveux noirs, avecdes papillotes, une barbichette longue etun Judenhut (chapeau juif).

En août 1918, les Alliés poussent uneoffensive victorieuse sur le front del’Ouest, obligeant les forces allemandes àbattre en retraite. Le commandementmilitaire allemand, conscient qu’il nepeut plus désormais espérer gagner laguerre, abandonne aux politiques lesnégociations d’un armistice, plutôt quede prendre la responsabilité de la défaite.Un mouvement insurrectionnel, lancé le1er novembre par les marins de la rade deKiel, aboutit, le 9, à l’abdication deGuillaume II et à la proclamation de la

République. À son retour en Allemagne,l’armée est accueillie comme si elle étaitinvaincue, afin d’asseoir l’unité du peu-ple allemand autour du nouveau régime.Ce choix va permettre le développement,dans les milieux nationalistes, du mythedu « coup de poignard dans le dos », attri-bué aux révolutionnaires juifs.

Hitler développe notamment ce thème dansMein Kampf, écrit lors de son incarcérationà la forteresse de Landsberg, après l’échecdu « putsch de la brasserie » (8 novembre1923), à Munich, et paru le 18 juillet 1925,quelques mois après son élargissement.Revenant, dans le premier tome, sur sonhistoire personnelle, Hitler évoque, dans leschapitres consacrés à la guerre et l’immédiataprès-guerre, le rôle, jugé par lui délétère,des Juifs, qu’il présente comme desembusqués et des profiteurs de guerre,avant de les accuser d’avoir organisé lemouvement révolutionnaire de novembre1918 pour détruire la nation allemande.

Cette idée est reprise ici dans le premierdessin, dans lequel Hitler affirme : « Sil’Allemagne a perdu la dernière guerre, cela aété la faute des juifs... ». Toutefois, si l’on faitbien attention au visage d’Hitler, on constatequ’il cligne de l’œil (l’œil droit est clos) et quesa bouche est déformée par un sourire, toussignes indiquant qu’aux yeux de l’auteur, ilne faut pas le prendre au sérieux.

Première page de Noël 1940 en Bretagne, nouvelle parue dansSao Breiz en 1941, p. 17-23 (coll. Fondation de la France Libre).

bretonne dont le fils est prisonnier enAllemagne et qui est contraint de logerà son domicile un officier allemand,l’Oberlieutenant Schmidt, lequel pré-tend obliger les marins de la communeà participer, à bord de leurs bateaux, àdes exercices de débarquement.

Formé suivant les principes de l’idéo-logie nazie, qui voue un culte à laforce et distingue les hommes enfonction de leur race, l’officier alle-mand manifeste son trouble à l’ap-proche de la messe de Noël.

Issu d’un milieu catholique proche dePéguy, l’auteur décrit, dans ladeuxième scène de la nouvelle, l’op-position qu’il perçoit, comme denombreux autres croyants entrés enrésistance, entre le nazisme et lechristianisme. Alors que le premierest fondé sur l’idée de races, le cultede la virilité héroïque, l’affirmation dudroit du plus fort et tout un discoursnazi sur la dureté salutaire, le secondaffirme la possibilité pour quiconqued’être touché par la grâce, quelle quesoit son origine ou sa condition, laprimauté de la personne, à laquelle serattachent les principes de miséri-corde et de rédemption, et dont laliberté et la dignité doivent être recon-nues et exaltées.

Le second dessin montre Mussolini assis àterre, recroquevillé sur lui-même et lesmains plaquées contre les tempes pourmanifester sa honte ou son affliction. À sespieds est attaché un boulet sur lequel estinscrit « le coupable ». Une main accusa-trice, frappée de la croix gammée nazie,semble descendre du ciel pour le désignerà la vindicte : « Si l’Allemagne perd cetteguerre, ce sera la faute des Italiens ». L’Italiede Mussolini sert donc, comme les juifspour la Première Guerre mondiale, de boucémissaire à des Allemands qui refusentd’admettre qu’ils puissent être vaincus, etle thème du complot juif apparaît commeun artifice destiné à cacher au peuple alle-mand son propre échec.

L’antichristianisme nazi

L’antichristianisme de l’idéologie nazie estégalement une thématique relativementprésente parmi les auteurs alliés. Ainsi,Louis Daniélou (1914-1942), officier demarine évadé de France en 1941 et engagédans les Forces navales françaises libressous le nom de « Louis Clamorgan », luiconsacre-t-il quelques lignes de sa nouvelleNoël 1940 en Bretagne, parue en 1941 dansSao Breiz, l’organe de l’association desBretons de la France Libre.

Dans ce texte, il met en scène MonsieurBrézé-Duloup, maire d’une petite commune

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Il met en scène le désespoir del’Oberlieutenant Schmidt, déchiré entreson désir d’échapper à sa solitude existen-tielle, par la foi en Dieu et son rattachementà la communauté des chrétiens, et sa fidélitéà une idéologie qui l’enjoint de se compor-ter comme un digne représentant de la« race des seigneurs » et de « mépriser lessuperstitions ».

« L’Oberlieutenant Schmidt marche avecdésespoir dans la nuit. Il va à grands pas lelong de la falaise luttant contre le vent quicingle sa figure, contre la pluie qui coule sursa peau malgré le col relevé de sa capoteverte, contre la solitude que sa fatigue mêmen’arrive pas à soulager.

N’y aura-t-il pas pour lui de fête de Noël ?

Ce soir la cloche, si brève depuis qu’il a inter-dit de sonner plus de dix coups, a convié leschrétiens à cette messe de minuit qu’il a,dans son bon plaisir, fixée à huit heures.L’appel retentit en lui comme un déchire-ment. Une sorte de faiblesse, un reste d’hu-manité ont submergé sa volonté de soldat.Rien n’a pu le retenir. Comme un mendianten quête d’un peu de pitié, il s’est approchéde l’église. Il est resté longtemps au pied duporche, puis bien après tous les fidèles, il apoussé la porte.

L’église était humide, sans autre lumièreque les cierges de l’autel ; on distinguait àpeine la crèche. Schmidt était resté au fondcontre le bénitier et pourtant chacun avaitdeviné sa présence. Le prêtre faisait sonsermon, mais ses mots eux-mêmes étaienttristes et âpres. Où était la joie de laNativité, la chaleur de la crèche, le soufflede l’âne et du bœuf, le sourire de la Vierge ?La voix étranglée parlait déjà des épreuvesdu Christ, des souffrances de sa mère et dela lutte persévérante du fils de 1’hommepour mériter le rachat des fautes et la libé-ration de l’humanité.

L’Oberlieutenant Schmidt s’était enfui del’église. Dieu même semblait le rejeter parla voix de ces Bretons qui accaparaient leDieu Universel pour en faire un instru-ment de leur vengeance. Il marchaitmaintenant sur la dune, mais il frisson-nait. De peur ? De froid ? Était-il lâche ?Indigne de ce Führer qui l’obligeait àmépriser les superstitions, à ne croirequ’en la grandeur des armes ?

Il marchait, il marchait, mais la fatiguel’assommait sans lui donner l’oubli. Rienne pouvait maîtriser ce soir sa défaillance,l’orgueil ne lui tenait plus lieu d’amour, lapuissance de tendresse. Oh, pouvoir ne pasêtre seul cette nuit. »

Bernanos contre le racisme naziAuteur catholique d’un autre renom queDaniélou, Georges Bernanos (1888-1948)met dès 1940 ses talents de polémiste auservice de la France Libre, donnant denombreux articles à la presse.

Dans l’un de ces textes, « M. Hitler a toutconquis, mais il ne possède rien », paru dansla revue La France Libre, à Londres, le17 avril 1942, il s’attache à décrire la lutte àmort qui oppose, sur le territoire del’Europe, la race à la nation.

Bernanos ne conteste aux nazis nil’existence de races humaines ni leurinégalité. En revanche, il reproche à leuridéologie raciste qu’entre maîtres etesclaves existe un rapport « de sujétion, nonde protection », « marque d’une basse

origine » contraire aux conceptionschrétiennes et chevaleresques qu’il voit àl’œuvre dans les sociétés européennestraditionnelles. Pour lui, le fort doit servir lefaible, non être servi par lui.

Bernanos associe l’émergence des nationsen Europe, en lieu et place des races, àl’action du christianisme, ce qu’il appelleune « parcelle d’amour ». Ce qu’il voit àl’œuvre dans le racisme nazi, c’est donc ladestruction d’une civilisation millénaire,celle de l’Europe chrétienne des patries –vue par les nazis comme un « dégoûtantmélange de races métissées, par conséquentcorrompues » – pour bâtir un nouvel ordredont il juge qu’il « n’est pas encore né ».

Sylvain Cornil-Frerrot

Première page de « M. Hitler a tout conquis, mais il ne possède rien », article édité par La France Libre, n° 18, volume III,17 avril 1942, p. 444-449 (coll. Fondation de la France Libre).

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« Texte du sermon de Monseigneur le comte von Galen,évêque de Munster » et « Texte de la correspondanceéchangée entre l’évêque von Galen et le ministre nazidu Reich », France, Beyrouth, n° 3-4, 22-31 janvier 1942,p. 1-8 du supplément (coll. Fondation de la France Libre).

Le 9 mars 1941, Konrad von Preysing,évêque catholique de Berlin, dénonce les« meurtres baptisés “euthanasies” ».

Le 2 août 1941, Clemens August von Galen(1878-1946), évêque catholique de Münster,dans le nord-ouest de l’Allemagne, de 1933 à1946, prononce un sermon contrel’euthanasie des personnes handicapées.

Bien que fervent nationaliste, l’évêque semontre très critique, dès 1934, à l’égard del’idéologie nazie, dont il dénonce le cultede la race dans une lettre pastorale du 29janvier 1934. Il publie ainsi plusieurs essaiscontre les thèses de l’idéologue du parti,Alfred Rosenberg.

Son sermon a un grand retentissement ;des copies parviennent même à des sol-dats allemands sur le front. Les autoritésnazies envisagent l’arrestation de l’évêque,mais doivent y renoncer, de peur des réac-tions de l’opinion catholique, et finissentpar renoncer au programme Aktion T4.

Dans son n° 6-7 du 30 avril 1941, Franced’abord, journal édité à Brazzaville(Moyen-Congo), publie un article intitulé« Euthanasie hitlérienne », dans lequel ilrend compte de la diffusion, par Radio-Vatican, du décret pris le 2 décembre 1940par le Saint-Office. Par ailleurs, l’articlenote que des correspondants de presseappartenant à des pays neutres ont signaléle centre d’extermination de Grafeneck,situé à Gomadingen, alors dans leWurtemberg-Hohenzollern (actuel Bade-Wurtemberg), et l’un des six centres degazage du programme Aktion T4, commele lieu des « premières expériences d’exécu-tion d’incurables ». On estime que 10 654personnes y ont été tuées, sur un total de70 273 à 71 088 victimes gazées.

De son côté, France, l’« organe des FrançaisLibres du Proche-Orient et des Balkans »,publié à Beyrouth, reproduit, dans le supplé-ment de son n° 3-4, publié en janvier 1942,le « texte du sermon de Monseigneur lecomte von Galen, évêque de Munster » et le« texte de la correspondance échangée entrel’évêque von Galen et le ministre nazi duReich », Hans Lammers (1879-1962), secré-taire d’État à la Chancellerie du Reich(1933-1937) puis ministre sans portefeuille(1937-1945), chargé d’assurer la coordina-tion entre les ministères et de diffuser lavolonté du Führer, qui sert d’interlocuteurdu régime avec les corps constitués. À par-tir de 1942, le rôle de ce dernier diminue auprofit de Martin Bormann, qui le remplacedans l’entourage d’Hitler.

La dénonciation de l’exterminationdes Juifs

À partir de 1942, l’entreprise d’extermina-tion menée par les nazis à l’encontre desJuifs d’Europe devient publique et fait l’ob-jet d’une condamnation officielle des puis-sances alliées, le 17 décembre 1942.Professeur d’anglais à l’université de NewYork, Atwood Halsey Townsend (1897-1967) publie dans le magazine américainFree World un article consacré au « prix dela guerre ».

La dénonciation des crimes nazisDès les premiers temps de la guerre, lesgouvernements alliés se sont efforcés derecenser les crimes de guerre commis parles forces de l’Axe dans les territoiresoccupés, afin de traduire leurs auteurs etleurs commanditaires devant un tribunal,après-guerre.

Publiées afin de justifier la guerre et dedénoncer la barbarie de l’ennemi, cesinformations ont pu être diversementappréciées de leurs lecteurs, qui ont pu lesconsidérer comme de pieux mensonges oudu bourrage de crâne jusqu’à la découvertedes charniers et de la réalité des camps,mais témoignent d’une prise de conscienceprécoce, parmi les opinions publiques despuissances alliées aussi bien que desdirigeants, des crimes commis par le gou-vernement allemand.

La dénonciation de l’assassinat deshandicapés

Entre janvier 1940 et août 1941, lesautorités nazies met-tent en place, enAllemagne, un pro-gramme d’extermina-tion des handicapésmentaux et physiquesbaptisé « Aktion T4 ».Des rumeurs se propa-gent, et des protesta-tions s’élèvent rapide-ment. L’Église catho-lique émet, la première,une protestation pu-blique qui rencontreun écho mondial.

« Euthanasie hitlérienne », France d’abord, Brazzaville,n° 6-7, mercredi 30 avril 1941, p. 7 (coll. Fondation de laFrance Libre).

Dans sa session générale du 27 novembre1940, le Saint-Office, au Vatican, condamnecette politique de mise à mort deshandicapés. Le décret est publié, avecquelques modifications, le 2 décembresuivant. À la question : « Est-il licite de tuerdirectement, sur ordre de l’autorité publique,ceux qui, sans avoir commis aucun crimequi mérite la mort, ne sont pourtant plus enétat, par suite de déficiences psychiques ouphysiques, d’être utiles à la nation, et qui sontconsidérés au contraire comme lui étant àcharge et comme faisant obstacle à savigueur et à sa force ? », la réponse est :« Non, puisque cela est contraire au droitnaturel et au droit divin positif ». Le texten’est publié ni dans L’Osservatore Romano,journal du service officiel d’information duVatican depuis 1861, ni à Radio-Vatican, etn’est diffusé en Allemagne qu’à partir demars 1941.

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Organe de l’International Free WorldAssociation – une organisation orientée àgauche et engagée dans la lutte antifasciste–, Free World est édité d’octobre 1941 àdécembre 1946 sous la direction de LouisDolivet, pseudonyme de Ludovic ou LudwigBrecher, né en Transylvanie sous le nom deLudovici Udeanu (1908-1989), écrivain,producteur et probablement espionsoviétique, ancien collaborateur de WillyMünzenberg (1889-1940) au MouvementAmsterdam-Pleyel, puis l’un des principauxdirigeants du Rassemblement universelpour la paix (RUP), de 1936 à 1939. Membrede l’association, Townsend intervientd’ailleurs lors du troisième Free WorldCongress à New York en qualité de secrétaireexécutif.

L’article de Townsend est traduit en françaispour La Marseillaise, « hebdomadaire desvolontaires de juin 40 » d’inspiration

gaulliste fondé en juin 1942 par FrançoisQuilici, puis repris en juin 1943 dans lenuméro 26 de France-Orient, revuemensuelle publiée à Delhi par la Sectionfrançaise de l’Information Office, dirigée demars 1941 à février 1944 par le lieutenant devaisseau Robert Victor (1904-1977), officierdes Forces navales françaises libres.

Dans ce texte, que Townsend a terminé derédiger en juillet 1942, l’auteur constate lafaible part des Anglais et des Américainsparmi les victimes de la guerre. Pour lui, cesont leurs alliés qui ont payé jusque-là leplus lourd tribut, ce qui leur donne des droitsvis-à-vis de ces deux nations. De même, lefait que les civils représentent les principalesvictimes de cette guerre justifie que les« petites gens » aient un rôle décisionnel sur

la politique d’après-guerre, par oppositionaux généraux et auxtrusts.

Afin de justifier cettelecture, il présente unchiffrage de l’ensem-ble des pertes alliéesdepuis le début de laguerre, pays par pays.

Toutefois, prenantacte des premièresinformations sur l’ex-termination alors encours, il fait un sortparticulier aux Juifs,répartis en cinq caté-gories, distinguantles militaires tuésdans les combats, ausein des différentesarmées nationales oùils servaient, descivils morts de faim,d’épidémie, exécutésou massacrés à tra-vers l’Europe.

S’il montre le caractèremassif de ces mas-sacres – « le nombre deJuifs assassinés chaque

vingt-quatre heures en Europe orientale estpresque égal au total des tués de l'armée amé-ricaine pendant sept mois de guerre », « lesJuifs d’Europe furent les premières victimes del’agression fasciste » –, Townsend met égale-ment en avant la mise en pratique d’unevolonté exterminatrice de la part des Nazis –

« Nous savons que les Nazis ont un plan arrêtépour l’extermination des Juifs, des Polonais,des Yougoslaves et des Grecs ».

Il arrive au total de 800 000 morts juifs,dont 700 000 civils, victimes des nazis,chiffre qu’il considère lui-même comme« le minimum probable de morts »depuis ledébut de la guerre.

À titre de comparaison, Raul Hilberg évalue àmoins de 100 000 les victimes juives avant1940, 1 100 000 en 1941 et 2 600 000 en 19421.

D’autres documents ont été rédigés, durantle cours de la guerre, pour comptabiliser lesvictimes des nazis et informer les opinionspubliques de la politique d’extermination àl’œuvre en Europe occupée.

Le 23 janvier 1944, l’équipe dirigée parJean-Louis Crémieux-Brilhac, en charge dela documentation de propagande adresséemensuellement par Londres à laRésistance, diffuse une note de synthèsesur « les persécutions contre les Juifs enEurope occupée » rédigée à partir des infor-mations fournies par les services polonais,l’Agence juive et des représentants duCongrès juif mondial. Elle recense, payspar pays, les mesures prises à l’encontredes juifs par les gouvernements nationauxet les nazis, chiffre les effectifs déportés etévalue à un total de trois millions le nom-bre de Juifs exterminés. Expédiée en Franceà la dernière lunaison de janvier 1944, ellen’est reprise par aucun journal clandestin2.

En juin 1945, l’Institut des Affaires juives,fondé à New York le 1er février 1941 sousl’égide du Congrès juif mondial et du Congrèsjuif américain, dans le but d’enquêter sur lavie des Juifs durant les vingt-cinq annéesprécédentes et d’esquisser des suggestionspouvant servir de base à la défense desintérêts juifs dans le règlement de l’après-guerre, rend un rapport consacré aux« Statistiques sur les victimes juives durant ladomination de l’Axe », qui fixe le nombre devictimes à environ 5,7 millions de personnes,pour quelques 3,8 millions de survivants3.

Toutes ces évaluations se fondent sur lasoustraction des disparus des recense-ments ou évaluations d’avant-guerre.

Sylvain Cornil-Frerrot

Première page de l’article « Le prix de la guerre »,France-Orient, Delhi, n° 26, juin 1943, p. 72-83 (coll.Fondation de la France Libre).

1 Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, Gallimard, coll. Folio histoire, 2006, trois tomes, p. 2273.2 Cette note a été publié en annexes de l’article « La France Libre et le problème juif » dans Le Débat, n° 162, novembre-décembre 2010, p. 53-70,

puis dans Jean-Louis Crémieux-Brilhac, L’Étrange victoire, Gallimard, 2016, p. 178-185.3 Une copie de ce rapport est conservée à la Harry S. Truman Presidential Library and Museum : http://www.trumanlibrary.org/whistlestop/

study_collections/nuremberg/documents/index.php?documentdate=1945-06-00&documentid=C107-6-1&studycollectionid=&pagenumber=1.

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La volonté affirmée de punir lescrimes de guerre

d’application de cette punition, par le biaisd’une justice internationale.

À la suite de cette déclaration, les gou-vernements américain et britanniqueproposent, le 8 août 1942, la créationd’une Commission d’enquête (del’anglais « fact finding commission ») desNations unies sur les crimes de guerre quiva enregistrer les différents cas de crimesde guerre que les gouvernements luitransmettent. Elle se réunit pour la pre-mière fois le 20 octobre 1943. Son princi-pal apport, durant la guerre, concerne lesquestions de principe et les procéduresde jugement. Elle est dissoute en 1949.

Le 17 décembre 1942, les gouvernementsaméricain, britannique et soviétique publient simultanément, au nom des puis-sances alliées, une déclaration conjointedes membres des Nations unies décrivantla mise en œuvre de la politique nazie d’ex-termination des juifs.

La déclaration, lue par Anthony Eden,secrétaire au Foreign Office, à la Chambredes communes, est diffusée plusieurs foispar jour pendant une semaine sur les ondesde la BBC en direction de pays occupés. Enjanvier 1943, la Royal Air Force largue surl’Allemagne, 1,2 million de tracts décrivantle programme d’extermination nazi.

Lors de la première conférence de Québec(10-24 août 1943), réunissant Churchill etRoosevelt, est adoptée le 22 août une décla-ration sur les crimes allemands en Pologne.Les douze derniers mots du paragraphe 3sont exclus du texte remis à la presse par leDépartement d’État américain le 30 août1943, à la demande du gouvernement bri-tannique, en raison du manque de preuves.

Lors de la troisième conférence de Moscou(18 octobre-11 novembre 1943), qui réunitles ministres des Affaires étrangères britan-nique, américain et soviétique, AnthonyEden (1897-1977), Cordell Hull (1871-1955)et Vyacheslav Molotov (1890-1986), unedéclaration sur les atrocités, signée parRoosevelt, Churchill et Staline et publiée le1er novembre 1943, prévoit d’engager despoursuites contre les dirigeants allemands.

Les débats autour de ces déclarations

Ces décisions entraînent des discussionsparmi les responsables politiques et lesspécialistes du droit, dont rend compte lapresse de la France Libre, aussi bien quel’ensemble de la presse et des médias alliés.

Ainsi, le colonel Stanisław Szurlej (1878-1965), procureur militaire suprême polonais,

en tête de la justice militaire du gouverne-ment de la Pologne Libre de 1939 à 1944,président depuis 1940 de l’Association desavocats polonais au Royaume-Uni, analysedans « Les criminels tentent d’échapper auchâtiment », paru dans la revue La FranceLibre à Londres en avril 1943, les règleslégales qui doivent présider à la punitiondes crimes commis par les nazis pendant laguerre. Selon lui, non seulement le droitinternational reconnaît et sanctionne lescrimes de guerre, définis comme descrimes « violant les droits et usages de laguerre », mais il n’est pas nécessaire de seréférer au droit international pour les jugercar un crime est un crime en droit pénal, ycompris en Allemagne, qu’on soit en paixou en guerre.

Tous les crimes doivent être punis, et lesdonneurs d’ordre aussi bien que lesexécutants (à la limite près que seuls sontconcernés ceux des exécutants qui « étaienten état de ne pas exécuter des ordrescriminels »), à savoir : « les chefs politiques,les chefs des SA, des SS, la Gestapo, lesgénéraux et autres fonctionnaires exécutifsparticulièrement criminels et cruels ».

Leur punition doit permettre d’apaiser lesdésirs de vengeance et les sentiments dehaine, considérés par Szurlej comme « ledésir éternel de rétablir un équilibre moralrompu par le crime ».

Il n’en défend pas moins l’idée de la culpa-bilité collective des Allemands, jugeantdonc qu’il ne sert à rien d’espérer que lesAllemands vont renverser eux-mêmes Hitler.

Dès le 17 avril 1940, les gouvernementsfrançais, britannique et polonais dénon-cent les atrocités commises par les forcesde l’Axe à la suite de l’invasion de laPologne le 1er septembre 1939.

Le 25 octobre 1941, le président américainRoosevelt et le premier ministre britan-nique Churchill publient des déclarationsannonçant leur volonté de punir les crimescommis par les responsables allemands.

Le 13 janvier 1942, à l’issue de la troisièmeconférence interalliée réunie au palaisSaint-James, à Londres, « pour la punitiondes crimes de guerre » les délégués de neufgouvernements européens en exil enGrande-Bretagne, adoptent une déclara-tion commune, la déclaration dite dupalais Saint-James, dans laquelle, constatantles violences et abus commis contre leurspopulations, ils mettent au rang des princi-paux buts de guerre le châtiment, « par lesvoies d’une justice organisée », de ceux quiauront ordonné ou commis ces crimes,quelle que soit leur nationalité.

Cette déclaration enclenche un processusqui va conduire non seulement à la confir-mation que la punition des crimes de guerreest un but de guerre allié, mais aussi à préciser l’acte d’accusation et les modalités

Vers la punition des crimes de guerre

Stanisław Szurlej, « Les criminels tentent d’échapperau châtiment », La France Libre, n° 30, volume IV,15 avril 1943 (coll. Fondation de la France Libre).

« Third Inter-Allied Conference. Declaration Based onthe Hague Convention », La Lettre de la France Libre.News of the Free French Movement, n° 15, février 1942,p. 7-9 (coll. Fondation de la France Libre.

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En conclusion, les Alliés doivent, à sesyeux, préparer sans attendre la mise enœuvre de ce principe, en réglant notam-ment la question de leur extradition, afind’éviter que les criminels n’échappent àleur punition, comme cela avait pu être lecas après la Grande Guerre.

Rédacteur à la revue En route, publiée par leservice de propagande des Forces françaiseslibres en Moyen-Orient, à Beyrouth,Maurice Renard s’interroge, dans « Crimeset criminels de guerre », paru en janvier1944, sur la volonté réelle des Anglo-Américains de sanctionner dans les faits les crimes nazis. Pour justifier son inquié-tude, il situe la question de la punition descriminels de guerre nazie dans l’histoireplus longue du crime de guerre depuis laconvention de La Haye en 1907, montrantque les crimes commis côté allemanddurant la Première Guerre mondiale sontdemeurés impunis, en dépit de ce qui étaitprévu dans les traités de paix. Son inquié-

tude semble d’autant plus justifiée que les Anglo-Américains attendent la fin duconflit pour entreprendre les procédures

judiciaires. À l’inverse, il salue, moins d’unmois après le procès de Kharkov (15-19décembre 1943) le fait que les Soviétiques,eux, n’attendent pas pour entreprendre lanécessaire œuvre de punition. Qu’en est-il ?

La punition des crimes avant mêmela fin de la guerre

Durant la Seconde Guerre mondiale, laguerre à l’Est ne correspond pas à une guerreconventionnelle, comme cela a pu être le casà l’Ouest. Il s’agit d’une guerre à mort entredeux idéologies – le nazisme et le commu-nisme – et, dans l’optique nazie, entre deuxraces – Germains et Slaves. L’objectif desnazis est d’anéantir les forces vives desSoviétiques et de réorganiser l’Europe orien-tale à leur profit, avec un remaniementracial, qui se traduit par l’élimination de tousles juifs et tziganes et d’une partie de lapopulation russe, la déportation de millionsde Russes et de Polonais en Sibérie occi-dentale, l’installation à leur place de millionsde colons allemands.

Sans attendre l’aboutissement des pour-parlers pour la fondation d’une commis-sion des Nations unies, les Soviétiquescréent par décret du Præsidium du Sovietsuprême, le 2 novembre 1942, laCommission extraordinaire de l’État, deson nom complet « Commission extraor-dinaire de l’État, chargée de l’instruction etde l’établissement des crimes desenvahisseurs allemands-fascistes et deleurs complices et des dommages causéspar eux aux citoyens, aux kolkhozes, auxassociations de citoyens, aux entreprisespubliques et aux institutions de l’URSS »(en abrégé, « ChGK » ou « TchéGuéKa »),afin d'assurer l’« inventaire complet descrimes et méfaits des nazis, des dommagescausés par eux aux citoyens soviétiques, àl’État socialiste, l’établissement de l’im-putabilité de ces crimes à des individusallemands-fascistes, à l’effet de les traduireen justice pour fixer leur châtiment ».Dotée de larges prérogatives, cette com-mission ordonne et mène les enquêtes surles crimes commis, et a pour tâche dechiffrer les préjudices subis.

Avant même la fin de la guerre, de même,les Soviétiques entreprennent de juger lescriminels nazis capturés lors de l’avancéede l’Armée Rouge. Dès les premières libéra-tions de territoires à la fin de 1941, les col-laborateurs de l’occupant sont traqués etsanctionnés sévèrement par les autoritéssoviétiques ; des centaines de procès à huisclos sont organisées dans les zones libérées.

Après la victoire de Stalingrad, le Kremlinadopte l’oukase du 19 avril 1943 « sur lesmesures pour châtier les scélérats germano-fascistes, coupables d’assassinat et de tor-tures envers la population civile soviétiqueet les soldats de l’Armée Rouge prisonniers

Maurice Renard, « Crimes et criminels de guerre », En route, n° 19, 15 janvier 1944 (coll. Fondation de la France Libre).

« Les crimes allemands sont innombrables », LeTélégramme de Brest & de l’Ouest, n° 41, samedi 4 etdimanche 5 novembre 1944 (coll. Fondation de laFrance Libre).

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de guerre, les espions et les traîtres à laPatrie », qui prévoit la pendaison commeplus haute sentence.

Plusieurs procès publics sont organisés,avec une grande médiatisation, dansl’objectif de forcer la main aux Anglo-Américains, qui souhaitent attendre la finde la guerre pour engager des poursuitesjudiciaires1 :- le procès de Krasnodar (14-17 juillet1943), dans le Kouban, contre neuf per-sonnes qui avaient collaboré avec leSonderkommando 10A2, rattaché àl’Einsatzgruppe D3, qui opérait auxarrières de la 11e armée allemande, enBessarabie, dans le sud de l’Ukraine, enCrimée et dans le Caucase.- le procès de Kharkov (15-19 décembre1943), en Ukraine, contre un capitaine ducontre-espionnage militaire en poste dansun camp d’internement, un lieutenant desSS membre de la police de sécurité duReich et un collaborateur russe. Lors de cedernier procès, Hans Kietz, commandantde la Gestapo de Kharkov, est condamné àmort avec les autres co-accusés et pendu.- le procès de Lublin (27 novembre-2 décembre 1944), en Pologne, contre sixgardiens SS et kapos du camp de concen-tration de Majdanek.

Camp de prisonniers à son ouverture enoctobre 1941, Majdanek a pour particularitéd’être placé sous le contrôle des Waffen-SSet de fournir de la main d’œuvre aux usinesd’armement SS. Il est transformé en campde concentration le 16 février 1943. Lespremiers internés sont des opposants poli-tiques polonais, des juifs polonais et desprisonniers de guerre russes. Puis il reçoitdes juifs en provenance de Slovaquie, duProtectorat de Bohême-Moravie, des Pays-Bas, de Belgique, de France et de Grèce. On

estime qu’environ 500 000 personnes sontpassées par Majdanek ; 360 000 ont étéassassinées, dont 125 000 juifs. Liquidé enjuillet 1944, le camp ne peut être entière-ment détruit ; les nazis entraînent près de1 000 déportés dans les marches de lamort. Toutefois, à leur arrivée, le 22 juillet,les Russes trouvent plusieurs centaines desurvivants.

Au début d’août 1944, en accord avec lesautorités soviétiques, le Comité polonaisde Libération national (PKWN), dit Comitéde Lublin, instance gouvernementale pro-visoire fantoche constituée le 23 juillet, àl’initiative de l’URSS, pour administrer les territoires polonais conquis auxAllemands, crée à Lublin une commissionextraordinaire polono-soviétique pour

enquêter sur les crimes commis au campde Majdanek. Les documents recueillis parcette commission ont formé la base del’acte d’accusation contre les nazis arrêtésà Lublin lors de la prise de la ville et traduitsen justice lors du procès de Lublin.

Quatre SS du camp de Majdanek sont con-cernés : le SS-Obersturmführer AntonThernes, chef adjoint de la division IV, le SS-Hauptscharführer Wilhelm Gerstenmeier,de l’administration du camp des tra-vailleurs, le SS-Rottenführer HermannVogel et le SS-Rottenführer TheodorSchöllen, tous deux gardes, ainsi que deuxkapos : Edmund Pohlmann et Heinz Stalp.

Les six accusés plaident non coupable. La procédure à l’encontre de Pohlmann

« Six criminels des SS vont être jugés », Le Télégrammede Brest & de l’Ouest, n° 62, mercredi 29 novembre 1944(coll. Fondation de la France Libre).

1 Auparavant, il y avait déjà eu des procès, mais ils se déroulaient à huis clos. Nathalie Moine, « La commission d’enquête soviétique sur les crimes de guerre nazis :entre reconquête du territoire, écriture du récit de la guerre et usages justiciers », Le Mouvement Social, n° 222, 1/2008, p. 81-109, www.cairn.info/revue-le-mouve-ment-social-2008-1-page-81.htm.

2 Commando spécial 10A.3 Groupe d'intervention D.

« The Question of War Crimes » est un article publié en anglais dans les « nouvelles diverses » du n° 4, volume 6, de FreeFrance, bulletin publié à New York par le French Press and Information Service, une agence du Gouvernement provisoirede la République française, le 15 août 1944, p. 145-146. Il comprend deux textes : « Warning from French Patriots », unedépêche de l’agence de presse Reuter publiée dans le journal français de Londres France le 24 juin 1944, et « The Positionof the Provisional Government », un communiqué du commissaire français à l’Information diffusé à Alger le 18 juillet1944 (coll. Fondation de la France Libre).

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cesse le 30 novembre 1944 en raison de son suicide. Les cinq autres accusés sontcondamnés à mort et pendus publiquementà Majdanek le 3 décembre 1944.

À vocation politico-pédagogique, cesprocès taisent le caractère juif de la plupartdes victimes et relèvent de la parodie dejustice, ce qui les situe dans le droit fil desprocédés des années trente. À chaque fois,le procès est filmé et les images sont dif-fusées largement. Pour le procès de Lublin,il s’agit de La Potence et la croix gammée(Swastyka i Szubienica), film polono-sovié-tique de Kazimierz Czynski, d’une durée de20 minutes. Diffusé en 1945, il montre leprocès et le supplice des six condamnés.

La mise en place des règles du juge-ment des criminels de guerre

Face à ces initiatives soviétiques, commenous l’avons vu plus haut, les Anglo-améri-cains demeurent dans le domaine de l’in-vestigation, avec la création, sur propositiondes gouvernements américain et britan-nique, le 8 août 1942, d’une Commissiond’enquête des Nations unies sur les crimesde guerre, qui se réunit pour la première foisle 20 octobre 1943.

Pour le Gouvernement provisoire de laRépublique française, présidé par le généralde Gaulle, la question se pose toutparticulièrement à l’été 1944, avec lesdébarquements en Normandie et enProvence, les 6 juin et 15 août 1944, dans laperspective de la libération du territoirenational. Dans ce contexte, le GPRF appelleà une justice proportionnée aux crimescommis par les Allemands, afin d’empêcherque la colère engendrée par les atrocités nesuscite des vengeances privées.

Témoigne de ce risque, notamment, unavis de résistants français adressé à lapolice et aux autorités françaises, à la

Wehrmacht, la Waffen SS,la Milice, dont le journalFrance, à Londres, rendcompte le 24 juin 1944.Affiché, d’après l’article,dans plusieurs villes deFrance et publié par laGazette de Lausanne, ilmenace les auteurs debrutalités de représaillessur les civils allemands.

Un rapport, commandé parFrançois de Menthon,

ministre de la Justice du GPRF, concernantla punition des crimes de guerre, préconiseque le crime de guerre soit considérécomme un crime contre la loi française, oùqu’il ait été commis, contre un Françaisaussi bien que contre un étranger résidanten France depuis 1940 ; que soient punis

« Le châtiment des criminels de guerre », Le Télégrammede Brest & de l’Ouest, n° 13, lundi 2 octobre 1944 (coll.Fondation de la France Libre).

« Investigation of Enemy War Crimes »est un communiquédu ministère de l’Information français du 3 novembre 1944,publié dans le n° 11, volume 6, de Free France, le 1er décem-bre 1944, p. 421 (coll. Fondation de la France Libre).

« General Ware of Punishment of War Crimes » est un communiqué du ministère de l’Information français en datedu 4 mai 1945, publié en anglais dans le n° 11, volume 7, de Free France, le 1er juin 1945, p. 547 (coll. Fondation dela France Libre).

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non seulement les auteurs du crime, maisaussi ceux qui l’ont ordonné, autorisé outoléré ; que les tribunaux militaires composésde FFI soient compétents pour juger cesaffaires ; qu’un accord soit conclu pour appli-quer l’extradition des coupables, y comprisdes fonctionnaires responsables des crimescommis sous leur juridiction ; que soit déter-minée la compétence de la Cour pénaleinternationale prévue par la conférence deMoscou d’octobre-novembre 1943.

La problématique de l’extradition des cri-minels en fuite, soulevée ici par le GPRF,pose alors la question de l’attitude de paysneutres, en particulier la Suède, la Suisse,l’Espagne et la Turquie. À l’automne 1944Cordell Hull, le secrétaire d’État américain,prévient ces derniers, lors d’une conférencede presse à Washington, des risques qu’im-plique pour eux la tentation d’accorderl’asile à « tout individu responsable de laguerre ou de nombreux actes barbares », « leschefs de l’Axe ou leurs vassaux ».

À ce moment, l’essentiel du territoire mét-ropolitain de la France est libéré ; seulsdemeurent occupés l’Alsace, les poches del’Atlantique et les crêtes des Alpes. Le GPRFcrée alors un bureau d’enquête sur lescrimes de guerre ennemis, dépendant duministère de la Justice, pour identifier etpoursuivre en justice les Allemands ayantcommis des crimes sur le sol français àl’encontre d’individus, de propriétésprivées et de propriétés appartenant à l’É-tat français. Celui-ci est chargé de recueillirtoutes les dénonciations et de préparer lapublication d’un livre noir.

L’effondrement de l’Allemagne, en avril-mai1945, qui s’accompagne de la capture des

principaux responsables nazis encore en vieet de la découverte des camps de concentra-tion, implique une prise de conscience, con-cernant la réalité des crimes nazis, commeen témoigne le général Keith Lincoln Ware(1915-1968), représentant américain de laCommission d’enquête des Nations uniessur les crimes de guerre, lors d’une con-férence de presse donnée à Paris au début demai sur la question de leur punition.

Depuis mars 1945, la capitale françaiseest le siège du Registre central des cri-minels de guerre et des suspects pour lasécurité (« Central Registry of WarCriminals and Security Suspects »), chargépar le commandement suprême desforces alliées (SHAEF) d’assister la com-mission, et ce, jusqu’au transfert de sesbureaux à Berlin, en mai 1946. Sa missionest de répertorier l’ensemble des criminelsde guerre, travail qui aboutit en 1947 avecla publication d’une liste de quatre vol-umes de 60 000 suspects, subdivisée enquatre catégories : les suspects allemandset non allemands, ainsi que deux listescomplémentaires.

Le 2 mai 1945, le président Harry Truman,qui a accédé à la présidence des États-Unissuite au décès de Roosevelt, le 12 avril,nomme Robert Jackson (1892-1954), juge àla Cour suprême des États-Unis (1941-1954) et ancien procureur général (« attor-ney general ») des États-Unis (1940-1941),en qualité de procureur en chef des États-Unis au tribunal militaire international deNuremberg, décision décrite par le généralWare comme un signe de « la volonté desÉtats-Unis d’entrer pleinement dans cettetâche de dispenser la justice ».

« At the War Crimes Commission » est une dépêche de l’Agence France Presse publiée le 10 juillet 1945. Elle paraîtdans le n° 3, volume 8, de Free France le 1er août 1945, p. 89. Elle relate l’arrivée à Paris des membres de laCommission d’enquête des Nations unies sur les crimes de guerre. L’article, centré sur la figure de Robert Jackson,juge à la Cour suprême des États-Unis, évoque les discussions, entre les représentants des États-Unis, de la France,de la Grande-Bretagne et de l’Union soviétique, relatives à l’établissement du tribunal militaire international deNuremberg (coll. Fondation de la France Libre).

« Allied Agreement on War Crimes » est la traduction enanglais d’un article paru à Paris dans Le Monde le10 août 1945. Il est publié dans le n° 7, volume 8, de FreeFrance le 1er octobre 1945, p. 183-184. L’article est accom-pagné d’une photo, déjà parue dans le numéro du 1er juin1945, montrant le SS Josef Kramer (1906-1945), anciencommandant des camps du Struthof, d’Auschwitz II puisde Bergen-Belsen, extrait de sa cellule, à Bergen-Belsen, etprésenté fers aux pieds, avant son transfert à la prison deCelle, le 17 avril 1945. La légende indique : « Les criminelsde guerre allemands devront payer pour leurs actes.Voici l’un de ces derniers, dont le procès a ouvert récem-ment. Le commandant Kramer du camp de concentra-tion de Bergen-Belsen où 60 000 victimes périrent. »(coll. Fondation de la France Libre).

Au terme de la conférence de Londres (26juin-8 août 1945), les États-Unis, la France,la Grande-Bretagne et l’Union soviétiquesignent un accord, connu sous le nom de« statut de Nuremberg », prévoyant l’in-stauration d’un tribunal militaire interna-tional pour le jugement des « grandscriminels, dont les crimes sont sans locali-sation géographique précise » en Europe.Le statut annexé à l’accord fixe les règlesqui organisent sa composition et sonfonctionnement, les chefs d’accusation,ainsi que les peines encourues.

Sylvain Cornil-Frerrot

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métralement opposé, qui ne reconnaît dedroits qu’à la collectivité raciale ou natio-nale, refuse à chaque particulier toute qua-lité pour penser, juger, agir comme il l’en-tend ». Un mouvement qui « résulte, luiaussi, de l’évolution générale ». La moder-nité est marquée, en effet, du sceau duconformisme, conduisant à l’oubli desvaleurs fondamentales de respect de laliberté et de l’humain de la civilisationeuropéenne.

Dans le passage ci-dessous, de Gaulledécrit les bouleversements induits par lamécanisation de nos sociétés modernesavec des accents qui rappellent Metropolisde Fritz Lang (1927), Le Meilleur desmondes d’Aldous Huxley (1931), À nous laliberté de René Clair (1931), Les Tempsmodernes de Charlie Chaplin (1936) ou1984 de George Orwell (1949). Des boule-versements qui portent en eux les germesde dictatures.

Sa conclusion est sans appel : si les Alliés secontentent d’une victoire militaire et nes’efforcent pas de « construire un ordre telque la liberté, la sécurité, la dignité de cha-cun y soient exaltées et garanties », ils s’expo-sent à se retrouver, dans un avenir plus oumoins proche, face aux mêmes menaces.

Un extrait

« […] Il faut convenir, en effet, que dansl’époque moderne, la transformation desconditions de la vie par la machine, l’agré-gation croissante des masses et le gigan-tesque conformisme collectif qui en sont lesconséquences battent en brèche les libertésde chacun. Dès lors que les humains se trou-vent soumis, pour leur travail, leurs plaisirs,leurs pensées, leurs intérêts, à une sorte derassemblement perpétuel ; dès lors que leurlogement, leurs habits, leur nourriture, sontprogressivement amenés à des types iden-tiques ; dès lors que tous lisent en mêmetemps la même chose dans les mêmes jour-naux, voient, d’un bout à l’autre du monde,passer sous leurs yeux, les mêmes films,entendent simultanément les mêmes infor-mations, les mêmes suggestions, la mêmemusique, radiodiffusées ; dès lors qu’auxmêmes heures, les mêmes moyens de trans-port mènent aux mêmes ateliers oubureaux, aux mêmes restaurants ou can-tines, aux mêmes terrains de sport ou salles

Le contexte

Le 25 novembre 1941, le général de Gaulleintervient lors d’une manifestation organi-sée dans les locaux de l’Oxford Union par leCercle français de l’Université d’Oxford, oùsa fille Élisabeth allait entreprendre desétudes d’histoire quelques mois plus tard.

Le discours qu’il prononce alors s’inscritchronologiquement après la formation duComité national français (24 septembre1941), dans le « tournant démocratique »dela France Libre, opéré par de Gaulle à par-tir de novembre 1941 et qui aboutit avec la« Déclaration aux mouvements » de résis-tance intérieure d’avril 1942.

Le général de Gaulle intervient à l’initiativede René Cassin, commissaire national à laJustice et à l’Instruction publique duComité national français depuis le 24 sep-tembre 1941.

L’analyse du Général

Moins d’un an et demi après l’Appel du18 juin 1940, de Gaulle affirme, dans cetexte, la nécessaire collaboration entre lespeuples français et britannique, dans laperspective d’une victoire alliée qu’il ne seborne pas à espérer, et pose la question desenjeux de l’après-guerre.

S’exprimant devant « un auditoire composépour une large part d’étudiantes et d’étu-diants mobilisés en congé de convales-cence1 » et de professeurs de l’université, unpublic de Britanniques francophiles, il pré-sente les causes du conflit, qu’il ne faut paschercher, selon lui, dans « la seule ambitiond’un homme » ni dans « l’éternel appétit dedomination du peuple allemand », mêmes’il lui paraît « trop évident que, depuis unsiècle, l’incendie en Europe est toujoursparti du pays dont on a pu dire que laguerre était “son industrie” », mais dans« une crise de civilisation », dont « la conju-gaison du système nazi et du dynamismeallemand » serait l’aboutissement.

« Cette civilisation, née dans l’occident del’Europe » se fonde « depuis deux milleans », d’après lui, sur « la liberté de chacundans sa pensée, ses croyances, ses opinions,son travail, ses loisirs » et « tend essentielle-ment à la liberté et au développement del’individu ». C’est contre ce mouvementque s’est développé « un mouvement dia-

de spectacle, aux mêmes buildings, blocksou courts, pour y travailler, s’y nourrir, s’ydistraire ou s’y reposer, des hommes et desfemmes pareillement instruits, informés,pressés, préoccupés, vêtus, la personnalitépropre à chacun, le quant-à-soi, le librechoix, n’y trouvent plus du tout leur compte.Il se produit une sorte de mécanisationgénérale, dans laquelle, sans un grand effortde sauvegarde, l’individu ne peut manquerd’être écrasé.

Et d’autant plus que les masses, loin derépugner à une telle uniformisation, ne laissent pas, au contraire, d’y pousser et d’yprendre goût. Les hommes de mon âge sontnés depuis assez longtemps pour avoir vu serépandre, non point seulement l’obligation,mais encore la satisfaction de l’existenceagglomérée.

Porter le même uniforme, marcher au pas,chanter en chœur, saluer d’un geste iden-tique, s’émouvoir collectivement du spectacleque se donne à elle-même la foule dont onfait partie, cela tend à devenir une sorte debesoin chez nos contemporains. Or, c’est dansces tendances nouvelles que les dictateurs ontcherché et trouvé le succès de leurs doctrineset de leurs rites. Assurément, ils ont réussid’abord parmi les peuples qui, dans l’espoirde saisir la domination sur les autres, ontadopté d’enthousiasme l’organisation destermitières. Mais il ne faut pas se dissimulerque l’évolution elle-même offre à l’ordre ditnouveau d’extraordinaires facilités et à seschampions de chroniques tentations.

Si complète que puisse être, un jour, la vic-toire des armées, des flottes, des escadrillesdes nations démocratiques, si habile et pré-voyante que se révèle ensuite leur politiquevis-à-vis de ceux qu’elles auraient cette foisencore, abattus, rien n’empêchera lamenace de renaître plus redoutable quejamais, rien ne garantira la paix, rien nesauvera l’ordre du monde, si le parti de lalibération, au milieu de l’évolution imposéeaux sociétés par le progrès mécaniquemoderne, ne parvient pas à construire unordre tel que la liberté, la sécurité, la dignitéde chacun y soient exaltées et garanties, aupoint de lui paraître plus désirables quen’importe quels avantages offerts par soneffacement. On ne voit pas d’autre moyend’assurer en définitive le triomphe de l’espritsur la matière. Car, en dernier ressort, c’estbien de cela qu’il s’agit […]2. »

Réaffirmer la dignité humaineLe discours d’Oxford

1 René Cassin, Les Hommes partis de rien, Paris, Plon, 1974, p. 414 [413-415].2 Charles de Gaulle, Discours et messages, tome 1 : « Pendant la guerre (juin 1940-janvier 1946) », Paris, Plon, 1970, p. 143-146 [138-146].

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16 l Septembre 2016 • N° 61

Un discours largement diffusé

Recto d’un tract reproduisant l’intégralité du discoursd’Oxford, publié à Brazzaville par le Service d’informa-tion de la France Libre en Afrique française libre (coll.Fondation de la France Libre).

Verso du tract (coll. Fondation de la France Libre).

Durant la guerre, les discours du général de Gaulle, comme ses livres d’avant-guerre, font l’objet d’une diffusion mondiale, par la radio, lapresse, la publication de recueils et de tracts, en français et en langue étrangère.

Sylvain Cornil-Frerrot

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Le document ci-contre montre la messed’appel à la réconciliation célébrée pard’anciens déportés de retour d’Allemagnesur l’esplanade du palais de Chaillot le7 juillet 1945. On aperçoit, de dos, MgrGabriel Piguet (1887-1952), en orant, danssa tenue de détenu, qui célèbre la cérémo-nie devant 100 000 personnes et en pré-sence du cardinal Emmanuel Suhard(1874-1949), archevêque de Paris de 1940 à1949. À sa gauche apparaît une croix queles déportés ont portée et qui doit être éri-gée dans un camp de concentration.

La photo a été prise par le service depresse et d’information français etpubliée dans Free France, un bulletinmensuel édité à New York par le FrenchPress and Information Service, uneagence du Gouvernement provisoire de laRépublique française, le 15 août 1945.

Évêque de Clermont-Ferrand depuis 1933,Mgr Piguet (1887-1952) est, durant toutel’Occupation, un ardent pétainiste, mem-bre dès sa création en 1940 de la Légionfrançaise des combattants, et condamne àdiverses reprises la Résistance. Il n’en pro-tège pas moins des Juifs, à partir de 1942,ce qui lui vaut d’être reconnu, en 1996,« Juste parmi les nations » par le mémorialYad Vashem.

En mai-juin 1944, les Allemands arrêtentplusieurs évêques français. Lui-même estinterpellé le 28 mai, lors de la messe de laPentecôte, dans la cathédrale de Clermont-Ferrand, et interné pendant trois moisdans la caserne du 92e régiment d’infante-rie, pour avoir donné un celebret (pièceadministrative permettant à un prêtre decélébrer la messe partout où il passe) à unprêtre vivant dans la clandestinité. Il est leseul évêque français à avoir été déporté. Ilpart, avec d'autres compagnons choisiscomme otages, le 20 août. Acheminé partrain jusqu’à la gare de Rothau (Bas-Rhin),il est conduit au camp de Struthof-Natzweiler. Il est frappé lors du trajet ets’écroule pendant la montée au camp, où ildoit abandonner son habit d’évêque pourle pyjama rayé. Après six jours au Revier,l’infirmerie du camp, il repart pour le campde Dachau, où il arrive le 9 septembre etreçoit le matricule 103.001.

Il passe deux semaines au Revier, avantd’être dirigé vers la « baraque des prêtres »,un ensemble de quatre baraques héber-geant des prêtres de toute l’Europe, sur-tout polonais et allemands : il passe troisjours au bloc 28 avec les Polonais, puis esttransféré au bloc 26 avec des Allemands,où les conditions sont moins dures. Enqualité d’évêque, il y procède, à l’insu des

gardiens, à l’ordination, le 17 décembre1944, de Karl Leisner, un séminariste quisouhaite être ordonné prêtre avant demourir. Mort le 12 août 1945, Leisner a étébéatifié en 1996.

Le 22 janvier 1945, suite à l’intervention duVatican, Gabriel Piguet est transféré dans le

bunker des prisonniers de marque, où iléchappe aux conditions de vie des dépor-tés. Le 24 avril, avec les autres prisonniersayant un traitement privilégié, il est ache-miné vers Innsbruck en autocar. Il est deretour à Clermont-Ferrand le 14 mai 1945.

Sylvain Cornil-Frerrot

Retrouver sa dignité d’homme

Photo publiée dans Free France, n° 4, vol. 8, 15 août 1945, p. 102. La légende indique que « Mgr Piguet, évêque deClermont-Ferrand, qui a été récemment libéré et porte toujours son habit de prisonnier, célèbre la messe devant lePalais de Chaillot en mémoire des martyrs de cette guerre » (coll. Fondation de la France Libre).

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18 l Septembre 2016 • N° 61

Le premier alinéa du préambule de laconstitution du 27 octobre 1946, adoptéepar la seconde Assemblée nationale consti-tuante le 28 septembre 1946 par 440 voixcontre 106 et approuvée par référendum le13 octobre par 53 % des suffrages exprimés,soit un tiers du corps électoral, affirme :« Au lendemain de la victoire remportée parles peuples libres sur les régimes qui onttenté d’asservir et de dégrader la personnehumaine, le peuple français proclame ànouveau que tout être humain, sans dis-tinction de race, de religion ni de croyance,possède des droits inaliénables et sacrés. Ilréaffirme solennellement les droits et liber-tés de l’homme et du citoyen consacrés parla Déclaration des droits de 1789 et les prin-cipes fondamentaux reconnus par les lois dela République », avant d’énumérer un cer-tain nombre de « principes politiques, éco-nomiques et sociaux » qui viennent s’ajou-ter à la Déclaration des droits de l’hommeet du citoyen de 1789.

Avant lui, le projet constitutionnel adoptépar la première Assemblée nationaleconstituante le 19 avril 1946 et rejeté parréférendum le 5mai 1946 par 53 % des suf-frages comprenait un préambule intitulé« Déclaration des droits de l’homme »garantissant, d’une part, les libertés, rédi-gées dans la droite ligne des principes de1789 (égalité en droit, droit d’asile et depétition, libertés intellectuelles et collec-tives, résistance à l’oppression), de l’autre,les droits sociaux et économiques. Le fron-tispice correspond partiellement au textedu premier alinéa du préambule de laconstitution du 27 octobre 1946 : « Au len-demain de la victoire remportée par les peu-ples libres sur les régimes qui ont tenté d’as-servir et de dégrader la personne humaineet viennent d’ensanglanter le monde entier,le peuple français, fidèle aux principes de1789 – charte de sa libération – proclame ànouveau que tout être humain possède desdroits inaliénables et sacrés, auxquels nulleloi ne saurait porter atteinte, et décide,comme en 1793, 1795 et 1848, de les inscrireen tête de sa Constitution. »

1- Les origines du préambule

Cinq textes ont servi de base au préambulede 1946.

a- La France Libre

Dans le Manifeste relatif à la direction del’effort français dans la guerre, lancé àBrazzaville le 27 octobre 1940, le généralde Gaulle constate qu’« il n'existe plus deGouvernement proprement français. Eneffet, l’organisme sis à Vichy et qui prétend

porter ce nom est inconstitutionnel et sou-mis à l’envahisseur. Dans son état de servi-tude, cet organisme ne peut être et n’est, eneffet, qu’un instrument utilisé par les enne-mis de la France contre l’honneur et l’inté-rêt du pays ».

La Déclaration organique signée par leGénéral à Brazzaville le 16 novembre 1940complète cette affirmation en s’appuyantsur « la loi du 13 février 1872 relative au rôleéventuel des conseils généraux dans des cir-constances exceptionnelles », « les loisconstitutionnelles des 25 février 1875,16 juillet 1875, 2 août 1875 et 14 août1884 », « l’état de guerre existant entre laFrance et l’Allemagne depuis le 3 septembre1939 et entre la France et l’Italie depuis le10 juin 1940 », la « prise de pouvoir » dugénéral de Gaulle « et la création d’unConseil de défense de l’Empire français parordonnances en date du 27 octobre 1940,dans les territoires libres de l’Empire fran-çais ». Par ces textes, le général de Gaulle,conseillé par le professeur de droit RenéCassin et Pierre Tissier (1904-1955), maîtredes requêtes au Conseil d’État, fait de larestauration des institutions et des lois dela République la clé de voûte de son action.

Toutefois, cette restauration doit, dans sonesprit, s’accompagner d’une réforme pro-fonde de l’État. Dans sa « Déclaration auxmouvements » (23 juin 1942), de Gaullecondamne à la fois la IIIe Républiquedéfunte et le régime de Vichy : « Un régimemoral, social, politique, économique, aabdiqué dans la défaite, après s’être lui-même paralysé dans la licence. Un autre,sorti d’une criminelle capitulation, s’exalteen pouvoir personnel. Le peuple français lescondamne tous les deux. Tandis qu’il s’unit

Le préambule de la constitution de 1946

Le Comité national français dans la salle de l’horloge, àCarlton Gardens, quartier général londonien de la FranceLibre, le 23 octobre 1941. De gauche à droite, on reconnaîtMaurice Dejean, commissaire national aux Affairesétrangères, André Diethelm, commissaire national àl’Intérieur, au Travail et à l’Information, l’amiral ÉmileMuselier, commissaire national à la Marine, René Cassin,commissaire national à la Justice et à l’Instructionpublique, René Pleven, commissaire national à l’Écono-mie, aux Finances et aux Colonies, et le général MartialValin, commissaire national à l’Air (ECPAD).

Discours de René Pleven pendant la conférence deBrazzaville (30 janvier-8 février 1944). Le général deGaulle est assis au centre avec, à sa gauche Félix, Gouin,le président de l'Assemblée consultative d'Alger (photoDocumentation française, Archives Pleven).

pour la victoire, il s’assemble pour une révo-lution. »

Le 2 décembre 1941, le décret n° 53 ins-taure quatre commissions pour l’étude desproblèmes de l’après-guerre ; PierreMaisonneuve, chef du service d’Études, deDocumentation et de Liaison auCommissariat national à la Justice et àl’Instruction publique de René Cassin, enassure le secrétariat. Un centre derecherche et de documentation est égale-ment créé pour assister les commissionsdans leurs travaux. Elles ont pour missionde produire les premières versions destextes nécessaires au rétablissement de lalégalité républicaine, après le renverse-ment de Vichy. Leurs propositions devrontêtre validées, le jour venu, par une assem-blée – encore à l’état de projet – de repré-sentants de la nation libérée.

La Commission sur les questions écono-miques et financières est présidée parHervé Alphand (1907-1994), conseillerfinancier à l’ambassade de Washingtonjusqu’en 1941. Les deux suivantes restenten sommeil. La quatrième, qui relèvedirectement de Cassin et dont il désigne lesmembres, est chargée des problèmes inté-rieurs et internationaux d’ordre juridiqueet intellectuel.

Cette dernière est dotée de trois sections :la section juridique et internationale, ani-mée par Paul Vaucher (1887-1966), un uni-versitaire, historien français de la Grande-Bretagne qui enseignait à l’université deLondres avant-guerre, engagé dans laFrance Libre en mai 1942 ; la section consa-crée aux questions intellectuelles et à l’en-seignement, qui a laissé peu de traces ; lasection de réforme de l’État, présidée parFélix Gouin (1884-1977), nommé le11 novembre 1942 par décret conseillerauprès du commissariat de Cassin, qui étu-die la réforme de l’État, l’illégalité des

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textes de Vichy, la punition des crimes deguerre et les réparations. Elle joue un rôlepionnier dans le domaine des droits del’homme et de l’organisation de l’Assembléeconsultative provisoire.

Pour la première de ces deux questions, lasection s’appuie sur un groupe d’intellec-tuels émigrés en Amérique du Nord : HenriFocillon (1881-1943), historien de l’art quienseigne à Yale, Henri Laugier (1888-1973),qui occupe la chaire de physiologie àMontréal, Jacques Maritain (1882-1973),auteur d’un livre sur Les Droits de l’hommeet la loi naturelle paru à New York en 1942,qui enseigne à Princeton et Columbia, etFrancis Perrin (1901-1992), physicien, quienseigne à Columbia. Elle consulte égale-ment la philosophe Simone Weil (1909-1943), morte en exil à Ashford, enAngleterre, prend note des idées du juristebritannique Hersch Lauterpacht (1897-1960), qui développe l’idée de la nécessitéde réaffirmer les droits de l’hommecomme pilier du droit international, et duromancier et essayiste Herbert GeorgeWells, mais aussi s’appuie sur le rapportBeveridge, rendu public en novem-bre 1942.

Ces travaux vont bien au-delà des déclara-tions des droits de 1789 et 1793, incorpo-rant également des éléments du Bill ofRights américain et de la constitutionsoviétique.

Le document final, approuvé par la com-mission le 14 août 1943, constitue unpréambule à une future constitution. Ilcomprend un frontispice affirmant : « Lepeuple français, convaincu que le mépris etl’oubli des droits de l’homme sont les pirescauses des malheurs du monde, a résolud’exposer dans une déclaration solennelleses droits inaliénables et sacrés », suivi detrente-quatre articles définissant les droitsde l’homme, et douze articles ses devoirs.La dernière ligne déclare : « Si une nation, siune communauté quelconque viole lesdroits de l’homme, tous les autres hommesdoivent un secours total aux opprimés. »

Ce « Projet de Déclaration de droits » estpublié au moment des discussions sur laconstitution dans Politique, 15 août-15 septembre 1945. Les documents rédigésà la fin de l’été 1943 vont également donnerles grandes lignes du travail de René Cassinà l’ONU après-guerre.

b- En France

En France même, Jean Moulin, nommé parle général de Gaulle délégué du Comiténational français pour la zone libre(24 décembre 1941) puis délégué généralpour la France (15 février 1943), crée le1er juillet 1942 un Comité des experts, com-posé de juristes, d’économistes et de hauts

fonctionnaires (dont Michel Debré), dansle cadre de la Délégation générale, afin decollaborer avec les groupes d’études desmouvements de résistance de la zone sud(Combat, Franc-Tireur et Libération-Sud).De la fin avril 1943 à avril 1944, le comitépublie huit numéros d’une revue, LesCahiers politiques de la FranceCombattante, dont le rédacteur en chef estl’historien Marc Bloch (1886-1944), assistéde Louis Terrenoire (1908-1992) et JeanDannenmuller (1913-1998) et qui diffuseles résultats de ses travaux. Avant 1943, cecomité, rebaptisé « Comité générald’études » à l’hiver 1943, rédige un « Projetde constitution », publié dans Les Cahierspolitiques en octobre 1945.

c- Après la Libération

Toujours dans Les Cahiers politiques paraîtdans le numéro d’août-septembre 1945 unarticle d’André Philip (1902-1970) intitulé« Thèses pour servir à une discussion sur lafuture constitution ». Député socialistedepuis 1936, Philip fait partie des 80 parle-mentaires qui, le 10 juillet 1940, refusent devoter les pleins pouvoirs constitutionnelsau gouvernement du maréchal Pétain. L’undes initiateurs, à partir de 1941, du Comitéd’action socialiste et membre du mouve-ment Libération-Sud, il rejoint Londres àl’été 1942, où le général de Gaulle lenomme commissaire national à l’Intérieuret au Travail dans le Comité national fran-çais (28 juillet 1942). Devenu commissaireà l’Intérieur du Comité français de laLibération nationale (3 juin 1943), com-missaire d’État, chargé des rapports avecl’Assemblée consultative (9 novembre1943), puis délégué à l’Assemblée consul-tative provisoire (7 novembre 1944), il estélu député socialiste du Rhône dans lesdeux assemblées constituantes, avant de

devenir ministre de l’Économie nationaleet des Finances (27 janvier-11 juin 1946).

De son côté, le philosophe EmmanuelMounier (1905-1950) publie un texte,« Faut-il refaire la Déclaration des droits ? »dans le numéro d’Espritde décembre 1944.

Enfin, Charles Blondel (1895-1975), maîtredes requêtes au Conseil d’État, commis-saire de la République en Alsace duGouvernement provisoire de la Républiquefrançaise (21 septembre 1944-juin 1945),fait paraître dans Politique en février 1946,pendant les travaux de la commission de laConstitution et avant le débat en séance, untexte intitulé « Sur un projet de Déclarationdes droits » qui inspire quelques députés etle texte final adopté par la Constituante, quireprend certains termes.

Par ailleurs, les députés de la Constituantese sont référés, dans les débats del’Assemblée, au « Programme d’action duConseil national de la Résistance », publiéen 1946 dans L’Année politique 1945. Si leprogramme du CNR ne comprend pas dedéclaration des droits ni de préambule deconstitution, son contenu consacre uneplace aux libertés publiques classiques depensée, d’expression, d’association et deréunion, auxquels il joint de nouveauxdroits économiques et sociaux : droit dutravail, droit syndical, sécurité sociale.C’est le cas, notamment, d’Arthur Giovoni(1909-1996), député communiste de laCorse, qui affirme, lors de la séance du27 août 1946 : « Nous saluons, dans ladéclaration, ceux de ces principes qui procè-dent de l’esprit qui animait le programmedu Conseil national de la Résistance. »

2- Les conditions de la rédaction

Une commission de constitution de 42membres est instituée par l’Assemblée. Enraison de l’urgence, ses membres ne peu-vent faire partie d’une autre commission etils ont obligation d’assister à ses séances.Ils sont désignés par les groupes propor-tionnellement à leur importance. Y figu-rent René Capitant (1901-1970), PaulCoste-Floret (1911-1979), François deMenthon (1900-1984), André Philip, quatreprofesseurs de droit et résistants, deuxconseillers d’État, douze avocats, dix pro-fesseurs et dix journalistes. Le gouverne-ment est exclu de la discussion et ne peutdemander de seconde lecture, qui peutêtre uniquement votée par l’Assemblée oudemandée par la commission, de mêmequ’un renvoi en commission.

Dans la première Assemblée, les travauxde la commission se tiennent du 5 décem-bre 1945 au 5 mars 1946, suivis par desrenvois ponctuels en commission jusqu’au3 avril 1946.

Jean Moulin (1899-1943). Photo Harcourt (DR).

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20 l Septembre 2016 • N° 61

Dans la foulée des projets issus de laFrance Libre et de la Résistance intérieure,la première commission décide, dans unrelatif consensus, de rédiger une déclara-tion des droits ajoutant de nouveaux droitset de l’intégrer à la constitution. Cettedéclaration des droits est débattue et votéeentre le 7 et le 21 mars. L’Assemblée modi-fie notablement le projet de laCommission, sans pour autant modifierses grandes lignes. Elle comprend unpréambule et 39 articles répartis entre untitre « des libertés » (articles 1 à 21) et untitre « des droits sociaux et économiques »(articles 22 à 39).

Toutefois, les députés non socialistes etnon communistes ne sont pas satisfaits dela partie de la constitution relative à l’orga-nisation publique et, malgré des tentativesde rapprochement, les trois commissairesMRP (de Menthon, le rapporteur, Coste-Floret et Viard) démissionnent le 4 avril. Le19 avril, le projet de constitution est adoptépar l’Assemblée avec 309 voix contre 249, leMRP s’étant opposé.

Suite au rejet du premier projet et à l’élec-tion d’une seconde Assemblée, une nou-velle commission est désignée dès la pre-mière séance. Composée à égalité de parti-sans et d’adversaires du précédent projet,elle est présidée par le socialiste AndréPhilip, tandis que Paul Coste-Floret (MRP)est rapporteur.

Prenant pour base le projet d’avril 1946, lacommission a achevé de rédiger un préam-bule et la partie de la constitution relative àl’organisation des pouvoirs publics le19 juillet, moins d’un mois après sa dési-gnation ; seule la question de l’Union fran-çaise lui prend un mois de travail supplé-mentaire.

Le projet de déclaration des droits est rem-placé par un préambule constitutionnel,voté à l’unanimité. Cette modification for-melle correspond à une atténuation, lepréambule n’ayant pas force obligatoire etne contraignant pas le législateur. Cetteconcession, due aux socialistes et aux com-munistes est suivie d’une concession duMRP : le texte reprend tous les droits éco-nomiques et sociaux du projet d’avril, etl’ensemble des amendements visant àintroduire de nouveaux droits.

À l’Assemblée, le préambule ne fait guèrel’objet de débats : le rapporteur lui consa-cre 500 mots, et six orateurs interviennentpour discuter le texte lors des séances du23 au 27 août.

Après la discussion générale, commence ladiscussion du texte article par article ;l’examen du préambule, alinéa par alinéa,se fait les 28 et 29 août, les neuf premiersalinéas étant adoptés dès le premier jour.

Le débat porte surtout sur un amende-ment proposé par le MRP, visant à ajouter

au premier alinéa les « principes fonda-mentaux reconnus par les lois de laRépublique », auquel s’oppose AndréPhilip, au nom de la commission, qui jugela rédaction trop imprécise, et PierreHervé, au nom du PC, qui craint une réin-troduction de la liberté de l’enseignement.Il est adopté par 272 voix pour et 263contre. Tous les autres amendements dujour sont rejetés.

Sylvain Cornil-Frerrot

BiographieGiovanni Focardi, « La difficile rationali-sation de l’administration sous la qua-trième République. La réforme qui n’ajamais eu lieu : projets et réformes admi-nistratives en Italie et en France en 1943-1948 », Revue française d’administrationpublique, n° 120, 2006/4, p. 679-693.

Geneviève Koubi (dir.), Le Préambule dela constitution de 1946. Antinomies juri-diques et contradictions politiques, PUF,CURAPP, 1996.

Robert Pelloux, « Le préambule de laconstitution du 27 octobre 1946 », Revuedu droit public et de la science politiqueen France et à l’étranger, 1947, p. 346-398.

Antoine Prost & Jay Winter, René Cassin,Fayard, 2011.

L’accès à la Fondation

Le siège de la Fondation de la France Libre est installé au rez-de-chaussée du 16, cour des Petites-Écuries, dans le 10e arrondisse-ment. On y accède au nord par le passage des Petites-Écuries,entre le 15 et le 17 de la rue des Petites-Écuries, à l’est par le n° 63de la rue du Faubourg-Saint-Denis, au sud par le n° 20 de la rued’Enghien.

Pour y parvenir, plusieurs moyens de transport sont à votredisposition :

• en métro par les stations Château d’eau (ligne 4), Strasbourg-Saint-Denis (lignes 4, 8 et 9) et Bonne-Nouvelle (lignes 8 et 9) ;

• en bus par les stations Château d’eau (bus 38, 39 et 47),Strasbourg-Saint-Denis (bus 20 et 39), Faubourg-Saint-Denis etHauteville (bus 32), Petites-Écuries (bus 48) et Poissonnière-Bonne-Nouvelle (bus 20,39 et 48).

Des possibilités de stationnement sont à la disposition desautomobilistes au n° 6 de la rue d’Hauteville, au n° 107 de la rue duFaubourg-Saint-Denis et au n° 5 de la rue du Faubourg-Poissonnière.

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Aux côtés des fonds publics, les Archivesnationales conservent des archives privées.Les secondes mettent en perspective ouéclairent sous un jour différent les pre-mières, et donc l’action des personnagespublics. Le fonds René Cassin (1887-1976),géré par l’Institut international des droitsde l’Homme et conservé aux Archivesnationales sous la cote 382AP, n’échappepas à cette règle. Il donne même toute sadensité à une vie frappée du sceau de lacohérence. Dans son inventaire despapiers, le conservateur aux Archivesnationales François Gasnault constate eneffet qu’« on ne saurait définir les archivesRené Cassin d’après-guerre comme la sim-ple confluence de papiers aux origines lesplus hétérogènes. L’homme qui a su tisser cetextraordinaire réseau de relations et d’infor-mations est l’intelligence la moins disperséequi soit et l’on s’aperçoit vite que tous cescontacts, dont les envois composent lamoitié du fonds, sont pour lui autant de relais sur lesquels s’appuyer pour diffusertoujours plus l’idée pour laquelle il se bat :la défense des droits de l’homme »1. Les documents conservés témoignent tousd’une cohérence, du combat d’une vie.Agrégé de droit, René Cassin a été pro-fesseur de droit civil à Lille (1920-1929)puis à la faculté de droit de Paris (1931).Délégué de la France à la SDN (1924-1938)et à la conférence générale du désarme-ment (1932-1934), et aussi expert auBureau international du travail (1922-1923), l’homme connaît parfaitement ledomaine de la loi internationale et desinstitutions établies par elle. Fondateur de

l’Union fédérale des mutilés et ancienscombattants et vice-président de l’Officenational des pupilles de la Nation, il entre-tient en France la mémoire des générationsqui ont combattu au cours de la PremièreGuerre mondiale. C’est cependant laSeconde Guerre mondiale qui donne untour définitivement politique à l’action

de René Cassin. Dès juin 1940, il est con-seiller juridique du général de Gaulle : ils’agit de donner ses premiers statuts à laFrance Libre. Entre 1943 et 1945, il pré-side le Comité juridique du gouverne-ment provisoire de la Républiquefrançaise. Le juriste accompagne alors lerétablissement de la légalité républicaine.

René Cassin et la guerre des « droits de l’Homme »

1 Cf. Archives René Cassin (382AP). Inventaire par François Gasnault, conservateur aux Archives nationales, Archives nationales, Paris, 1983, p. 12.

Notes de René Cassin pour la deuxième lecture du projet de Déclaration universelle des droits de l’homme rédigépar le comité de rédaction de la Commission des droits de l’homme, en juin 1947. Extrait des archives Cassin,382AP/128, pièce 1 (© Archives nationales).

Le général de Gaulle remet les insignes de grand-croix dela Légion d'honneur à René Cassin en 1959. Extrait desarchives de la présidence de la République. (© Archivesnationales).

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personnels » (à la vie, à la liberté et à la sûretéde la personne…), les « rapports entrel’homme et les autres hommes » (au sein dela famille, de la société ou « d’une patrie »),le domaine « des facultés spirituelles, deslibertés publiques et des droits politiquesfondamentaux, depuis la liberté de pensée,de croyance, la liberté de parole, d’expression,de réunion, d’association… » et surtout,« véritable innovation, (…) le pilier des droitséconomiques, sociaux et culturels » (commele droit à la sécurité sociale, l’éducation ou àla protection de la création intellectuelle…).

René Cassin joue aussi un rôle significatifdans le choix de l’adjectif « universelle ».Celui-ci est finalement préféré à « interna-tionale » pour qualifier la Déclaration. Lechangement est acté le 15 novembre 1948par la CDH, quelques semaines avantl’adoption définitive du texte par l’una-nimité des États membres de l’ONU. Il sig-nifie, avant toute chose, que les relationsentre les individus comptent autant quecelles entre les États.

Christophe BarretService éducatif des Archives nationales

Suggestions du représentant de la France aux articles 44, 45 et 46 de la Déclaration universelle des droits del’homme. Extrait des archives Cassin, 382AP/128, articles 44 à 46 (© Archives nationales).

Les papiers conservés sous la cote382AP/128 sont relatifs à l’après-guerre. Ilsnous éclairent sur l’élaboration de laDéclaration universelle des droits del’Homme adoptée le 10 décembre 1948 parles 58 États qui constituent l’Assembléegénérale de l’ONU. Sont notamment con-servés sous la même cote les correspon-dances avec Henri Laugier, secrétairegénéral adjoint de l’ONU, et d’autres mem-bres éminents de la Commission des droitsde l’Homme (CDH) de l’ONU, telsqu’Eleanor Roosevelt, qui présidait legroupe de travail, le Libanais Charles Maliket le Chinois Peng-chun Chang. LaDéclaration, en effet, n’eut pas que leFrançais comme père. La présence de cedernier permet, cependant, d’affirmer ausein de la CDH un point de vue européenpur suivant lequel « la dernière guerre a étéessentiellement la guerre des « droits del’Homme », imposée aux peuples par lestenants d’une doctrine raciste monstrueuseet menée à la fois contre l’homme et la com-munauté humaine avec une barbarieméthodique sans équivalent ». René Cassinl’affirme dans une conférence de pressedonnée à Paris le 8 juillet 19472.

Les historiens Antoine Prost et Jay Winter,dans leur biographie consacrée au grandhomme, restituent les principales étapesdu travail de la CDH, créée en février 1946en vertu de l’article 68 de la charte del’ONU. Une liste de droits doit être établiepar la commission, que les États membress’engageront à défendre. Ce travail estd’autant plus une gageure que la guerrefroide est sur le point de commencer… En1948, la guerre israélo-arabe s’achève, tan-dis que débute le blocus de Berlin et que lescommunistes chinois s’approchent dePékin.

Un objectif essentiel que se fixe pourtantCassin est la limitation de la souverainetédes États. Sa présence à la SDN lui avaitpermis, en effet, de mesurer toute l’impor-tance des actes unilatéraux imposés parl’Allemagne nazie dès 1933 [voir encadré].Selon Prost et Winter, « sa vision de l’avenirétait forcément peu claire. Mais sa mise enaccusation de la souveraineté sans limite del’État était, elle, sans ambiguïté. (…) LaDéclaration universelle est le dernier actepolitique et moral posé par l’alliance quiavait gagné la Seconde Guerre mondiale »3.

Dans une étude dont l’original est conservéaux Archives nationales, René Cassinexpose les « quatre piliers » sur lesquelsrepose un texte qui doit contribuer àl’établissement de la paix : « les droits

2 Archives nationales, 382AP/128.3 Cf. Antoine Prost, Jay Winter, René Cassin, Fayard, 2011, p. 289.

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« En 1789, les libertés et les Droits de l’Homme et du Citoyenont été proclamés en France par les membres de laConstituante dans une déclaration devenue célèbre. En1848, la IIe République a aboli l’esclavage dans tous lesterritoires où flotte le drapeau tricolore. En 1898, a étéfondée à Paris, par de simples citoyens, à l’occasion d’unprocès mémorable4, la ligue française des Droits del’Homme qui a servi d’inspiratrice à des groupementsanalogues dans de nombreux pays. (…) Nous sommes à unmoment où semblent s’oublier les terribles leçons fourniespar l’expérience de l’hitlérisme et du fascisme et où lespectacle de l’arbitraire et de la raison d’État triomphanterisque de décourager les masses souffrantes qui ont mis leurconfiance dans l’Organisation des Nations Unies. (…)Quelques faits significatifs échelonnés entre 1933, année del’avènement d’Hitler au pouvoir, et 1944, année de lalibération de la France, caractérisent cette périodedramatique de l’histoire.

Tandis, en effet, que la guerre mondiale de 1914 a étéprécédée de gestes théâtraux et politiques des souverainscentraux affirmant leurs ambitions impérialistes dedomination des territoires étrangers, le premier grand gestede l’Allemagne hitlérienne a été d’opprimer ses propresressortissants ; elle a quitté le 14 octobre 1933 la Société desNations, précisément parce qu’au cours de la sessionprécédente de l’assemblée, une résolution proposée par lesdélégués de la France et de plusieurs autres pays a rappelél’obligation pour tous les États membres de respecter chezeux les Droits de l’Homme, même lorsqu’ils ne sont liés paraucun traité spécial en faveur des minorités.

Dès la naissance du fascisme, mais plus encore depuisl’apparition de « Mein Kampf », un duel inexpiable a étéengagé, non pas tant contre la race juive ou lecommunisme, que contre les principes universelsfondamentaux affirmés par la Révolution Française de1789, savoir l’unité de la grande famille humaine, la devise« Liberté, Égalité, Fraternité », l’indépendance des peuples.

Et c’est pourquoi la négation systématique des Droits de la personne humaine à l’intérieur de l’Allemagne hitlérienne, a été suivie trèsbientôt d’attentats aux traités internationaux et aux droits des autres peuples, qui eux-mêmes ont abouti à une guerre de plus en plusétendue. Les forces destructrices de l’homme se sont alors déchaînées sans limite, en Pologne d’abord, puis en URSS où des milliersd’êtres ont été systématiquement massacrés ; mais pour avoir pris assez longtemps un masque plus hypocrite à l’Occident, elles n’ontpas moins sévi. »

Extraits d’une étude de René Cassin ayant son origine dans une conférence faite le 19 mai 1948 par l’auteur à l’École Libre desHautes Études de NewYork (Archives nationales, 382AP/128, fonds René Cassin).

4 Celui d’Alfred Dreyfus.

Notes de Cassin sur l’article 38 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Extraitdes archives Cassin, 382AP/128, articles 44 à 46 (© Archives nationales).

L’intégralité de ce dossier documentaire est accessible en ligne dans l’espace pédagogique du site Internet de la Fondation (www.france-libre.net).

Tous les documents sont disponibles en haute définition et librement téléchargeables.

Les enseignants et élèves qui préparent le Concours national de la Résistance et de la Déportation retrouveront également la brochure réalisée sous l’égide de la Fondation

pour la mémoire de la Déportation.

Vous pouvez accéder directement au dossier à l'adresse suivante :http://www.france-libre.net/concours-national-de-la-resistance-et-de-la-deportation-2017/

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LIVRES

24 l Septembre 2016 • N° 61

L’objet de cet ouvrage, qui n’a, à l’heure où nous publions ces lignes, pas encore fait l’objet d’une traduction enfrançais, est une histoire générale des années quarante, centrée autour de la période de l’Occupation et de sesproblématiques, et vue à travers le prisme des Parisiennes. N’attendons pas, cependant, une étude sociologique dugenre. Il ne s’agit pas d’une histoire des femmes de la capitale pendant la Seconde Guerre mondiale ; seules ont placeici les femmes appartenant aux couches aisées de la population, qu’il s’agisse du monde ou du demi-monde, qu’ellesaient hérité de la fortune de leurs parents ou qu’elles l’aient conquise par leur labeur, et au milieu culturo-mondain.Par « Parisienne », l’auteur désigne moins la population d’une ville qu’un archétype : celui de la Parisienne, summumdu chic et de l’élégance, avec une pointe de frivolité et de sensualité, à une époque où Paris peut encore serevendiquer comme la capitale mondiale de la culture et de la mode.

Le qualificatif de Parisiennes correspond aussi, plus étroitement, aux femmes que l’auteur a pu interroger pourpréparer son livre, dont elle a lu le témoignage ou découvert la trace dans les archives, et dont elle retrace le parcoursannée après année. Toutes les attitudes sont prises en compte, que ces femmes aient résisté, collaboré, tenté desurvivre malgré les restrictions, continué à vivre comme si de rien n’était ou subi les persécutions des nazis.

Le livre suit apparemment un plan chronologique, chacun de ses dix chapitres correspondant à une année de cette décennie tragique, à l’exceptionde l’année 1944, dont les deux semestres ont été subdivisés en autant de chapitres, et des années 1948-1949, qui ont fait l’objet d’un regroupement.Apparemment seulement car chacune de ces années est elle-même centrée sur une thématique : l’insouciance de l’avant-guerre pour 1939, lapersécution des Juifs pour 1942, la déportation dans les camps de concentration et l’attente des armées alliées pour le premier semestre 1944 et laLibération pour le second, la libération des camps et le retour à la vie normale pour 1945, etc.

Les Parisiennes est un livre d’une grande richesse, par la variété des parcours qui lecomposent, et constitue un bon outil pour permettre au public britannique de seplonger dans cette époque, même si l’on peut regretter, par exemple, que ne soientévoqués ni l’engagement de Parisiennes dans les Forces françaises libres ni le rôlede la 2e DB dans la libération de Paris. On ne suivra sans doute pas l’auteur danstoutes ses affirmations. De même, la juxtaposition de passages sans rapport les unsavec les autres, qui correspond davantage à la manière britannique d’écrirel’histoire, pourra heurter le lecteur français, de même qu’une certaine tendance,propre à notre époque, à privilégier l’émotionnel sur la stricte raison.

Les Parisiennes

Les Parisiennes: How the Women of ParisLived, Loved and Died in the 1940sAnne SebbaWeidenfeld & Nicolson, juillet 2016, 457 p., £16,40

Ce long métrage à la gloire de ce sous-marin fer de lance de la libération de la Corse est un film emblématique de cettepériode d’après-guerre. Ici, comme dans toutes les productions cinématographiques de l’époque consacrées au conflitqui vient de finir, l’héroïsme de nos soldats se conjugue au patriotisme sans faille d’une population unanimement enlutte contre l’occupant.

Après avoir refusé de saborder avec le reste de la flotte de Toulon, échappé aux mines et aux avions allemands, le sous-marin Casabianca et son commandant, le capitaine de frégate Lherminier, arrivent à Alger, où l’arrivée inopinée de cesous-marin va être une aubaine pour une marine française à court de bâtiments.

Il est aussitôt chargé de faire la liaison entre l’Afrique du Nord et la résistance corse mal organisée à cause de son isolement.

Le premier débarquement, le 14 décembre 1942 dans la crique de Topiti, où furent débarqués les quatre membres de lamission Pearl Harbor, est relaté dans les détails. Le sous-marin assurant désormais la liaison entre la résistance corse et la France Combattante, l’histoirese focalise sur la Corse sous le joug des occupants italiens et allemands et des péripéties de la Résistance locale, que le submersible vient ravitailler.

Les missions, avec chacune leurs dangers, se succèdent ainsi, jusqu’au grand dénouement de septembre.

À l’annonce de la promulgation de l’armistice avec l’Italie, le 8 septembre 1943, les Corses se soulèvent sans attendre les Alliés. Stupeur et angoisse à Alger !En urgence, l’état-major envoie le Casabianca avec 109 hommes du bataillon de choc, pendant que, dans une scène grandiose sur fond de Chant des par-tisans, le peuple corse descend des collines, fusil de chasse à la main ou fusil-mitrailleur sur l’épaule, et marche en rangs serrés sur Ajaccio.

L’apothéose en est l’arrivée triomphale du Casabianca le 13 septembre sur les quais d’Ajaccio, où l’attend la foule en liesse, et le sentiment du devoiraccompli pour l’équipage.

La Corse devient ainsi le premier département français libéré, sans intervention des forces anglo-américaines, nonobstant la présence d’un officier de laRoyal Navy à bord du sous-marin pour ne pas occulter totalement la présence alliée.

Le film a été tourné en 1949 à bord du Glorieux, un sous-marin de 1500 tonnes de lamême classe que le Casabianca, ce qui renforce le côté authentique de la vie à bord.Les scènes de vie à bord du sous-marin sont réalistes et les acteurs bien ancrés dansleur rôle de marins, notamment Jean Vilar en commandant Lherminier, le vrai pachadu Casabianca ayant servi de conseiller technique durant le film.

En revanche, la mise en scène de la Résistance corse souffre d’un rythme et d’une miseen scène un peu lents et les quelques scènes de combat manquent de véracité,comme c’était souvent le cas dans les films de l’époque. Mais l’essentiel était de fairepasser le message d’une France héroïque et libérée par elle-même, ainsi que de faireparler d’un épisode glorieux des forces navales et de la Résistance. Épisode quelquepeu oublié de nos jours qui mérite d’être redécouvert, en rêvant un jour peut-être àune nouvelle adaptation sur grand écran.

Vincèn Carminati

Casabianca

CasabiancaGeorges PécletCinémathèque de Corse, 2010, 15 €Langue : français, noir et blanc, durée : 1h24 mn.DVD 9 zone 2.Cinémathèque de Corse : Espace Jean-Paul deRocca Serra - BP 50 - 20537 Porto-Vecchio. Téléphone : 04 95 70 35 02. Courriel: [email protected] à la Fondation.

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Septembre 2016 • N° 61 l 25

IN MEMORIAM

Madeleine Cestari-RenaultC’est avec une profonde émotion et unegrande tristesse que nous étions présents le17 août pour accompagner Mme MadeleineCestari, Française Libre, participante ànotre Fondation.

Dans sa grande modestie, elle avait sou-haité une cérémonie très simple, sans dra-peaux. Cela correspond tout à fait à ce quenous connaissions de notre amie. Je remer-cie sa famille et le père Anselme, curé decette paroisse, de m’avoir permis d’évo-quer, très brièvement (Mme Cestari n’auraitpas aimé un grand discours), le souvenird’une grande dame de la Résistance.

Il y a un peu plus d’un an, nous étions nom-breux, réunis pour la remise de sa Légiond’honneur qui venait récompenser son acti-vité dans la Résistance et les longs mois desouffrance passés dans les camps d’interne-ment nazis. Française Libre, membre duréseau de renseignements créé par son frèreGilbert, elle, qui avait reçu la croix de guerredes mains du général de Gaulle, avait ététrès honorée de recevoir la plus haute desdécorations françaises en présence de sesamis vannetais et entourée des siens.

Mme Cestari-Renault fut aussi un passeurde mémoire. Lors de ses témoignages, elleminimisait toujours son action dans leréseau Confrérie Notre-Dame, préférantmettre en avant le rôle de son frère GilbertRenault, le colonel Rémy, de son frèrePhilippe qui trouva la mort en déportation,de ses sœurs Maisie et Isabelle qui furentdéportées, de son frère Claude, officier dansla 1re division française libre, de sa mère etde ses sœurs Jacqueline et Hélène qui par-

tagèrent sa vie dans les sinistres campsnazis de Romainville et de Compiègne.

L’an dernier, elle accueillait encore deslycéens candidats au Concours National dela Résistance et de la Déportation. Elle avaitété sensible à la présence, parmi eux,d’élèves du lycée où son mari avait été pro-fesseur. Avec sa gentillesse habituelle, ellerépondait patiemment à leurs questions.

Parlant de ces jeunes, sa sœur Maisie,membre du comité de liaison départemen-tal du CNRD, écrivait en 2002, à l’occasionde la réédition de son livre La Grandemisère : « Ils manifestent leur intérêt à cettepériode tragique de notre histoire ainsi queleur attachement aux valeurs morales quiont guidé notre combat pour la liberté denotre pays et la dignité de l’homme. »

À l’heure où d’autres formes de fanatismeet de sectarisme menacent notre civilisa-tion et risquent de provoquer les mêmeshorreurs, à l’heure où la transmission desvaleurs patriotiques est plus que jamaisessentielle, ce sont bien ces valeurs moralesque Madeleine Cestari, cette grande résis-tante, cette femme de conviction, avaitchoisi de transmettre aux jeunes pour quele combat des compagnons du général deGaulle demeure un exemple pour noustous, en toutes circonstances.

Mme la directrice de cabinet du préfet duMorbihan, M. François Goulard, ancienministre, président du Conseil départe-mental, M. David Robo, maire de Vannes,M. Pierre Le Bodo, président de la commu-nauté de communes, M. Arnaud Bayeux,directeur départemental de l’ONAC, M.Christophe Bernard, inspecteur de l’Éduca-tion nationale représentant Mme la direc-trice académique, de nombreux élus et res-ponsables d’associations patriotiques et demémoire, ainsi qu’une nombreuse assis-tance, avaient tenu à rendre hommage àcette grande patriote.

Pierre Oillo

Jacques Lefebvre

Jacques Lefebvre nous a quittés le 6 août2016. Pour l’occasion, nous reproduisons,avec l’aimable autorisation de sa rédaction,l’article autobiographique qu’il avait faitparaître dans le bulletin de l’AMMAC valléede Montmorency d’octobre 2015 :

Je m’appelle Jacques Lefebvre, dit James, jesuis né le 12 août 1919 à Castor, ville de laprovince d’Alberta située à l’ouest duCanada. Issu d’une famille du nord de laFrance pour mon père et de la vallée du

Rhône pour ma mère. Mes grands-parentsavaient émigré au début du XXe siècle (1905)avec leurs enfants, comme pionniers, répon-dant à une offre du Canada qui souhaitaitmettre en valeur ses vastes plaines vierges del’est des Montagnes Rocheuses. J’ai doncvécu une enfance en toute liberté sur laferme de mes parents, au milieu des prairiesde l’Amérique du Nord, me rendant à l’écoleanglaise située à plus de cinq kilomètres, àcheval, puisque les moyens de locomotionétaient inexistants à cette époque.

Madeleine Renault, internée à Compiègne en 1943.Portrait de Janine Grell.

Jacques Lefebvre avec son insigne des FNFL et ses déco-rations (coll. Personnelle).

En 1931, à l’âge de 12 ans, mes parentsdécident de rentrer en France, pour desraisons familiales, mettant en gérance leurexploitation. C’est alors que je prends lanationalité française et vais à l’école de laRépublique. Je passe avec succès le certifi-cat d’études primaires et intègre une écoletechnique durant quatre années à Vienne.En 1937, je réussis le concours de l’école demaistrance machine à Saint-Mandrier quiforme en quinze mois les officiers-mari-niers mécaniciens (sous-officiers) de laMarine nationale.

Au 1er janvier 1939, promu second maîtremécanicien, je suis désigné pour rallier lecuirassé Bretagne, qui assurera en grandsecret, début 1940, avec deux autres cuiras-sés, La Lorraine et L’Algérie, le transport del’or de la banque de France vers Halifax auCanada, afin de le mettre en lieu sûr. LeBretagne fut coulé par les Anglais à Mers El-Kébir le 3 juillet 1940. Peu avant la proclama-tion de l’armistice, je reçus une nouvelleaffectation sur le torpilleur Forbin, qui

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IN MEMORIAM

26 l Septembre 2016 • N° 61

En 1946, je fais la connaissance de PaulettePierrot, rencontrée au Maxville, 74 avenuedes Champs-Élysées, et je l’épouse le jouroù les femmes ont pu voter pour la premièrefois. Elle est décédée il y a quelques années.

Cette même année 1946, j’intègre l’Hydro deNantes durant 12 mois pour obtenir le bre-vet d’officier mécanicien de 1re classe.Seulement 6 élèves de la promotion dont jefais partie seront reçus, plus 2 à Marseille.

C’est ensuite des embarquements sur despétroliers à la Shell durant 22 ans en qualitéde chef mécanicien, en particulier des navi-gations dans le golfe Persique, auCameroun. Sur les 300 000 tonnes, l’embar-quement dure 4 mois, puis 2 mois de repos àterre, l’équipage se compose de 35 per-sonnes, dont 14 à la machine, un cuistot, unmaître d’hôtel, et le reste est au service pont.

En 1974, j’ai 55 ans, je pose mon sac à terre,prends ma retraite et deviens un adepted’armes de poing et fusils. Passionné demontagne, j’achète une résidence secon-daire dans le massif de l’Obiou, au sud del’Isère, et multiplie les courses en montagne.

Médailles : chevalier de la Légion d’honneur(juin 2010), croix de guerre, croix du com-battant volontaire, médaille de la FranceLibre, deux citations à l’ordre de l’armée.

Roger Ludeau

Extraits de l’éloge funèbre prononcé parMichel Mourguet lors des obsèques de RogerLudeau le 9 juillet 2016 :

Roger Ludeau est né le 23 décembre 1920 àNouméa et exerce la profession de naviga-

teur. Il s’engage individuellement pour ladurée de la guerre le 16 décembre 1940 etrejoint, le 3 mars 1941, le bataillon formé parle commandant Broche. Il quitte laNouvelle-Calédonie le 5 mai 1941 à destina-tion de l’Australie. Le 27 juin, il prend place àbord du paquebot Queen Elizabeth pour leMoyen-Orient et arrive le 31 juillet à Suez, oùil rejoint la 1re division française libre. Aprèsquatre mois d'entraînement et de manœu-vres au Levant, équipé et armé, il fait mouve-ment, avec la brigade du général Kœnig, versla frontière égyptienne le 1er janvier 1942.

Cette épopée, Roger Ludeau l’a consignéedans des carnets écrits au jour le jour qu’ilportait dans son paquetage et qui auraientpu lui coûter la vie en cas de capture. Cescarnets ont permis la réalisation d’un livre :Les Carnets de route d’un combattant dubataillon du Pacifique. Écrit simplement,avec humour parfois, ou encore avec ironieou colère, il décrit par le menu le calvaire deces combats, mais sans parler de lui, sansgloriole, et c’est ce qui fait la force de sontémoignage.

Son bataillon s’installe à Bir Hakeim le 15février 1942. Durant plus de quatre mois, ilva mener une guerre de course dans ledésert libyen contre l’Afrikakorps et lestroupes italiennes. Du 27 mai au 10 juin, ilest en première ligne lors du siège de laposition par les forces de l’Axe.

Le caporal-chef Ludeau prendra part, avecson bataillon, à tous les combats de la1re DFL : campagne de Tunisie, campagned’Italie, débarquement de Provence etremontée des Vosges et de l’Alsace. Enfinvient la délivrance et le retour au pays, àbord du Sagittaire, le 21 mai 1946, en com-pagnie de Micheline qu’il a épousé à Paris.

Roger Ludeau fera carrière sur les miné-raliers de la SLN, avant de prendre le com-mandement du remorqueur Léon Vincent.

Grand patriote, l’âme et le cœur chevillés àla France, il est aussi particulièrementadmiratif de la puissance et de la technolo-gie américaines et il sera le président fonda-teur des Amis des États-Unis en Nouvelle-Calédonie.

Le caporal-chef Ludeau, chevalier de laLégion d’honneur, médaillé militaire, titu-laire de la croix de guerre, de la médaille dela Résistance et de bien d’autres décora-tions, ne nous a pas quittés. Il est allé rejoin-dre ses compagnons tombés au champd’honneur pour la liberté de notre patrie laFrance. Il est présent dans nos cœurs etdans nos mémoires.

rejoint Alexandrie avec une partie de l’esca-dre, avec pour mission la protection despétroliers en Méditerranée. Au moment del’armistice, le 16 juin 1940, l’accord inter-venu à Alexandrie entre l’amiral anglaisCunningham et l’amiral Godfroy, comman-dant la force française (1 cuirassé, 4 croiseurs,3 torpilleurs, 1 sous-marin) évitait le dramede Mers El-Kébir. Les bâtiments sont désar-més et les équipages rapatriés en France àl’exception d’une fraction qui doit assurer lamaintenance à bord. En ce qui me concerne,je ne souhaite pas me soumettre aux direc-tives de Vichy et veux continuer à me battre.

Coincé en Égypte, je suis le cours de sca-phandrier et obtiens le brevet en mai 1941dans l’attente de rejoindre les Forces navalesfrançaises libres. Grâce aux contacts prisavec des représentants de la France Libre, jequitte le bord1. Le 5 juin 1941, il m’est alorsproposé d’embarquer à Mena Port Tewfick(Suez) sur un navire de la marine mar-chande française, portant pavillon FNFL, tri-colore avec la croix de Lorraine, réquisi-tionné par les Britaniques, le Cap Saint-Jacques. Je le rallie le 1er juillet 1941, commeofficier mécanicien chargé des extérieurs,c’est-à-dire tout ce qui n’est pas la propul-sion (apparaux, commandes électriques,etc.), et dirige l’équipe de sécurité. Au coursd’une traversée, le navire reçoit deuxbombes alors que nous transportons un mil-lier de soldats anglais.

Je reçois le 4 décembre 1941 une secondeaffectation à bord du transport de troupesFélix Roussel, commandant Arnold, quirapatrie de Libye un contingent de soldatsaustraliens, pour contrer l’offensive japonaisequi avait tenté de débarquer en Australie.

C’est ensuite un embarquement sur leFranche-Comté, à dater du 17 février 1943,comme chef machine sous les ordres d’uncommandant anglais. Puis sur l’Espérancele 20 février 1944 à Bombay.

À la fin de la guerre, je cherche à obtenir lebrevet d’officier mécanicien de 2e classe àl’école d’Hydro d’Alger, l’examen a lieu le 24septembre 1944. La direction des écolesHydro de la marine marchande d’Alger mepropose de passer directement les épreuvesdurant deux jours théorie et pratique (réali-sation d’une pièce au tour). Brevet que j’ob-tiens sans difficulté.

En 1945, je suis recruté par la Sociétéfrançaise de transports pétroliers, grâce aucommandant Arnold, qui était au ministère,et sous les ordres duquel j’étais sur le FélixRoussel ; je rejoins alors le pétrolierSaintonge à Liverpool.

1 Considéré comme déserteur par Vichy, il est condamné à mort, réhabilité à la Libération comme tous les combattants des FFL de la Seconde Guerre mondiale.

Roger Ludeau en uniforme pendant la guerre (coll.personnelle).

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Septembre 2016 • N° 61 l 27

CARNET

DÉCÈSAGNEZ Ernest (Le Triomphant, FNFL),en août 2016 à Tweed Heads (Australie)

BERTHAULT Daniel (évadé de France par l’Espagne),le 12 février 2013 à Manthelan (37)

BOURCART Robert (2e DB, BCRA, DGER),le 29 juin 2016 à Menthon-Saint-Bernard (74)

BRUNEL Roger (SAS),le 12 juillet 2015 à Paris (75)

CARTAUD Guy (FAFL),le 24 août 2015 à Bruges (33)

CESTARI Madeleine (née Renault, CND-Castille),le 12 août 2016 à Vannes (56)

CHEVALLIER Marie (née Crocombette, veuve d’Alfred, 1re DFL),le 17 juillet 2016 à Vincennes (94)

COURRET Abel (évadé de France par l’Espagne),le 20 juin 2015 à Germignac (17)

DAOULAS Henry (FAFL),le 10 juillet 2016 à Montréal (Canada)

DAVIES Jacques (FAFL),le 7 juillet 2016 à Croissy-sur-Seine (78)

DEVÈS Joseph (évadé de France par l’Espagne),le 11 juin 2013 à Margny-lès-Compiègne (60)

DUPIN Camille (transmissions, 1re DFL),le 10 août 2016 à Saint-Priest-en-Forez (42)

FLEURI Claude,le 14 avril 2011

GAMBOURG Henri (BM4, 1re DFL),le 25 juillet 2016

GAVARD Jean (CND-Castille),le 4 août 2016 à Paris (75)

GOURIOU Louis (transmissions, 1re DFL),le 7 octobre 2014 à Plougonvelin (29)

GUARINO Pascal (GER 15, 2e DB),le 29 août 2016 à Saint-Maur-des-Fossés (94)

HALART Eugène (1er RFM, 1re DFL),en décembre 2015 à La Garde (83)

HALLENDRE Edgard d’ (réseau Centurie),le 1er septembre 2016 à Lille (59)LECLERC DE HAUTECLOCQUE Charles (fils de Philippe, 2e DB),le 17 juillet 2016 à Le Mesnil-Guillaume (14)LEIMACHER François (FNFL),le 2 juillet 2016 à Pignans (83)LEPEU Claude (1er RA, 1re DFL),le 11 juillet 2016 à Paris (75)LUDEAU Roger (BIMP, 1re DFL),le 6 juillet 2016 à Nouméa (988)MARC Louis-René (1er RA, 1re DFL),en décembre 2010 à Breuillet (17)MÉDINA Jean (2e DB),le 29 juillet 2015 à Pornichet (44)MEUDAL Yves (1er BFMC, FNFL),le 9 septembre 2016 à Pleubian (22)MIR Henri (BIMP, 1re DFL),en septembre 2016 à Saint-Lary-Soulan (65)PETIT Henri (FAFL),le 3 mai 2016 à Lherm (31)RAPHAËL Alain (2e DB),le 21 septembre 2016 à Paris (75)REINHART Philippe (SAS),le 16 juillet 2016 à Paris (75)SARKIS Joseph (1re DFL),le 6 janvier 2016 à Paris (75)SEIGNARD Jean (FNFL),en janvier 2016 à Bordeaux (33)SENIA SCHLEMENSO Jean (évadé de France par l’Espagne),le 18 janvier 2016 à Nice (06)TIRY Gérard (SAS),le 16 septembre2016TROUNDAY Jean (évadé de France par l'Espagne),le 14 août 2011 à Aincille (64)VEILLET Jean (évadé de France par l’Espagne),en avril 2016 à Niort (79)

LÉGION D’HONNEURChevalier : François GuyétandChevalier : Jean Pouzet

Chevalier : Bernard Tiry

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DANS LES DÉLÉGATIONS

28 l Septembre 2016 • N° 61

Marcel Le Guillou, Français Libre, a étédécoré de la Légion d’honneur le 18 juin2016 par le général François Budet, déléguéde la Fondation de la France Libre pour lesCôtes d’Armor, au cours d’une cérémonie

Photo de groupe au pied de la croix de Lorraine àColombey (coll. Marie-Christine Fix-Varnier).

Le général François Budet remet la Légion d’honneur àMarcel Le Guillou.

Alpes-Maritimes

La déléguée départementale de la Fondationde la France Libre des Alpes-Maritimes etl’association des amis de la Fondation de laFrance Libre, avec la coopération de lasociété des membres de la Légion d’hon-neur du département, ont organisé, àquelques jours du 18 juin 2016, un voyagemémoriel à Colombey-les-Deux-Églises.

M. Michel Mosser, dont le nom restegravé sur la plaque située au pied de lacroix de Lorraine, faisait partie du voyage.En effet, il est à la fois l’architecte, leconcepteur et le conservateur de cetteœuvre tant désirée par le général deGaulle. Le monument a été érigé enmoins de sept mois – un véritable défitechnique – pour être inauguré le 18 juin1972, comme le voulait Mme de Gaulle,en mémoire de son mari disparu dix huitmois plus tôt.

La « Croix de Lorraine » fut « l’œuvre de mavie », nous a rappelé notre prestigieuxguide d’un jour.

Au cours de ce voyage, il a aussi accompa-gné de ses commentaires éclairés, la visitedu domaine de la Boisserie, demeure fami-liale du général de Gaulle, et du MémorialCharles de Gaulle. Ce Mémorial, ouvertdepuis 2008, propose une exposition per-manente de 1 600 m2 sur les moments clefsde la vie de ce grand homme qui fut en1940 le libérateur de notre pays.

Bien au-delà d’une présentation tradi-tionnelle de l’homme du 18 juin ou dupremier président de la Ve République, leMémorial constitue un véritable rendez-vous avec l’histoire du vingtième siècle etune rencontre avec Charles de Gaulledans son intimité.

Tous les participants à ce voyage de troisjours garderont à jamais en mémoire cesmoments privilégiés d’échange et derencontre passés à Colombey-les-Deux-Églises.

Marie-Christine Fix-Varnier

commémorant, à Saint-Brieuc, l’appel dugénéral de Gaulle.

En 1943, Marcel Le Guillou, alors âgé de17 ans, a quitté la région parisienne, oùrésidait sa famille, et gagné la Bretagne avecla ferme intention de rejoindre l’Angleterre.

Le 6 avril 1943, il est dans le petit port finis-térien de Tréboul et réussit à obtenir unembarquement sur une pinasse sardinière.Ils sont 18 candidats à la France Libre surce petit bateau, le Dalc’h Mad.

Dalc’h Mad veut dire en breton « Tiensbon ». Et Marcel Le Guillou tient bon dansune mer déchaînée, malgré une panne demoteur en vue de la côte anglaise. La ren-contre avec la Royal Navy a lieu à peu dedistance de Newlyn, où s’effectue le débar-quement, le 9 avril.

Accompagné de plusieurs agents del’Intelligence Service, le groupe est conduità Patriotic School, où, après plusieurs jour-nées d’internement et d’interrogatoires, legénéral de Gaulle vient saluer ces nou-veaux Français Libres.

Marcel Le Guillou rejoint alors Camberley,où il se vieillit d’un an pour satisfaire à lacondition d’âge de 18 ans afin d’êtreaffecté, selon son désir, dans l’aviation.

Sa formation se poursuit à Scarborough,avant un départ pour le Canada, à DeWinton, à proximité de Calgary, où il vaeffectuer le nombre d’heures de vol appro-prié lui permettant une affectation dans laRoyal Air Force comme pilote de spitfire.

Mais la capitulation sans condition alle-mande va survenir bientôt et Marcel LeGuillou quitte l’armée de l’air pour rejoin-dre Air France.

Il a 20 ans quand il entreprend sa forma-tion de pilote d’essai. Il sera commandantde bord à 24 ans et poursuivra sa carrière àair France pendant 35 ans, successivementpilote, instructeur, chef de secteur, chargéde mission, en charge des essais. Il estcommandant de bord de Concordelorsqu’il prend sa retraite.

Général François Budet

Grande-BretagneLes cérémonies à Londres ont commencé à10 heures à Carlton Gardens. Cette pre-mière cérémonie organisée par la missionDéfense de l’ambassade a débuté avec unciel gris et un vent froid sous les regardsd’une assistance nombreuse. SE SylvieBermann, notre ambassadeur, a présidé lacérémonie accompagnée de notre consulegénérale, Mme Sylvaine Carta-Le Vert (qui areçu les insignes d’officier dans l’ordre de lalégion d’honneur ce matin même devant la

AustralieC’est l’année des centenaires de 1914-1918.Elle a débuté pour nous le 8 mai par lacérémonie de la victoire en Europe 1945.Puis, le 18 juin, assisté par les anciens com-battants, j’ai déposé une couronne au pieddu Cénotaphe de Sydney, les drapeaux s’in-clinant. Le drapeau tricolore se hisse pourl’occasion. Puis j’ai lu l’Appel du général deGaulle. Après quoi, nous nous sommesréunis pour un café.

Le 14 juillet a été célébré au monumentLapérouse, organisé par les autoritéslocales, avec le consul général et lesanciens combattants. Une collation offertepar le consul suivait. Le soir, un cocktailavait lieu dans un grand hôtel ; dans sonallocution, M. l’ambassadeur a remercié legouvernement australien pour sa partici-pation à la Grande Guerre, ainsi quel’étroite cordialité entre les deux pays, tan-dis que, sur grand écran, nous suivions ledéfilé sur les Champs-Élysées.

Nous avons assisté aux diverses commé-morations des batailles dans la Somme,Pozière, Fromelles, etc. Le 15 août, c’était lavictoire dans le Pacifique, où quatre bâti-ments des FNFL ont opéré en 1941-44. J’aireprésenté la Fondation de la France Libreen qualité de dernier des combattants de39-45 et des Français Libres d’Australie. Le7octobre, enfin, se tenait le dîner des légion-naires (LHONM) dont je suis membre.

Georges Brouet

Côtes d’ArmorRemise de la Légion d’honneur àun Français Libre

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Septembre 2016 • N° 61 l 29

DANS LES DÉLÉGATIONS

Joëlle Garriaud-Maylam, Olivier Cadic et BrigitteWilliams, entourés du groupe de vétérans du RoyalHospital de Chelsea (coll. Brigitte Williams).

Inauguration de la vitrine consacrée au débarquement de Provence au lycée Charles de Gaulle (coll. Brigitte Williams).

Lecture du message de la Fondation (© ONACVG del’Hérault).

Lecture de l’Appel (© ONACVG de l’Hérault).

statue du général). Nos deux sénateurs,Joëlle Garriaud-Maylam et Olivier Cadic,étaient également présents. Une délégationde l’équipage du chasseur de mines de laMarine nationale la Croix du Sud formaitles rangs sur la gauche, ainsi qu’un grouped’élèves du lycée international WinstonChurchill. Un groupe de vétérans du RoyalHospital de Chelsea a colorié cette cérémo-nie avec leurs belles tuniques rouges. Desremises de décorations ont précédé la lec-ture de l’Appel par un élève. Les différentesassociations ont suivi l’ambassadeur et nossénateurs pour le dépôt des gerbes. La son-nerie aux morts a été suivie par une minutede silence. La Marseillaise a clos cette pre-mière cérémonie.

Juste avant midi, M. Benoît Gaudry, en l’ab-sence de M. Rauch, proviseur du lycéeCharles de Gaulle, a accueilli les porte-dra-peaux qui étaient venus nous rejoindre,nos deux sénateurs, notre consule géné-rale, des délégués consulaires, des prési-dents d’associations, ainsi qu’un nom-breux public, qui attendaient l’arrivée deMme Sylvie Bermann.

Notre ambassadeur a lu un discours rappe-lant le courage des 250 000 hommes quiont participé au « débarquement deProvence », ainsi que « la nécessité d’expli-quer le passé ainsi que de transmettre lamémoire afin d’éclairer l’avenir ».

Deux élèves de CM2 de l’école de Wix ontentonné le Chant des Partisans a cappella,puis ont chanté, avec leurs camarades, LaMarseillaise.

J’ai ensuite déposé une gerbe devant lebuste du général de Gaulle, puis le drapeaua été levé, avec l’aide de Mme Bermann,pour inaugurer la vitrine que j’avais créécette année pour présenter ce moment malconnu de notre histoire et ainsi honorer leshéros et anonymes qui y avaient pris part.À la différence du débarquement deNormandie, la flotte française et ses soldatsétaient impliqués dans une armée réunie.

J’ai indiqué qu’une exposition et confé-rence se tiendraient également au lycée le10 octobre prochain.

L’assistance a étudié les vitrines puis,après un moment de convivialité, s’estrendue à l’Institut pour un apéritif, offertpar Olivier Cadic pour célébrer ses 10 ansen tant qu’élu.

Brigitte Williams

HéraultLa cérémonie de commémoration del’Appel du 18 juin 1940, à Montpellier, s’estdéroulée en présence de nombreuses per-sonnalités civiles et militaires, des ancienscombattants et des porte-drapeaux, et uneparticipation remarquée d’une délégationde la frégate Languedoc de la Marine natio-nale, que Montpellier a parrainée.

Le message de la Fondation a été lu parLucie, accompagnée du délégué del’Hérault, et l’Appel par Lisa, accompagnée

La cérémonie s’est conclue par le verre del’amitié offert par la ville de Montpellier.

Gérard Verdanet

Jura

Concert grandiose du chœur de l’armée française à Lons-le-Saunier

Mercredi 25 mai, à 20h30, au splendidethéâtre à l’italienne de Lons-le-Saunier,s’est déroulé le concert de l’armée fran-çaise, à l’invitation de la ville de Lons-le-Saunier, pour les 200 ans de la mort deRouget de Lisle, et 2016 année de LaMarseillaise, décrétée par le Président dela République, en présence de M. JacquesPélissard, député-maire de Lons-le-Saunier ; M. Quastana, préfet du Jura ; legénéral d’armée Denis Favier, directeurgénéral de la gendarmerie nationale, natifde Lons-le-Saunier ; le colonel VincentLamballe, commandant le groupement degendarmerie départementale du Jura. Ceconcert a rassemblé plus de 600 per-sonnes, uniquement sur invitation,société civile, économique, monde com-battant, fondation de mémoire, gendar-merie, armée, police.

d’André Hautot, président de l’Associationdes Français libres et amis de l’Hérault.Lucie et Lisa sont élèves au collège Saint-Charles - La Providence. Tous quatre ontensuite effectué un dépôt de gerbes.

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Dirigé par le chef de chœur Aurore Tillac,ce chœur d’élite très prestigieux a étéexceptionnel. Le patriotisme, les valeurs dela République et la paix ont été les pivots dece concert, avec La Marseillaiseofficielle deClaude-Joseph Rouget de Lisle (1760-1836), La Marseillaise d’Hector Berlioz(1803-1869), le Chant du départ et le Chantdes partisans.

C’est avec émotion que le public a écoutéles chants des Forces françaises libres, ElAlamein-Tunis (H.-C. Frizza et R. Boquet),la Marche de la 2e DB (Victor Clowez, 1908-1973). De nombreux autres chants ont étéinterprétés. Quand La Marseillaise aretenti, tout le monde s’est levé et le géné-ral Favier a demandé de partager une pen-sée à la mémoire des gendarmes décédésdans l’exercice de leur fonction en 2016.L’assistance a très généreusementapplaudi pour la qualité exceptionnelle duconcert du chœur de l’armée française,garde républicaine.

18 juin à Lons-le-Saunier

À Lons-le-Saunier, au square Charles deGaulle, devant le monument dédié augénéral de Gaulle et à côté de la stèle descompagnons de la Libération natifs duJura, samedi 18 juin, à 18 heures, s’estdéroulée la cérémonie commémorativedu 76e anniversaire de l’Appel du généralde Gaulle.

Présidée par le secrétaire général de la pré-fecture du Jura, Renaud Nury, représentantle préfet du Jura, et M. Jacques Pélissard,député-maire de Lons-le-Saunier ; en pré-sence de Gérard Bailly, sénateur du Jura ;de M. Christophe Bois, conseiller départe-mental, représentant le président duconseil départemental ; de M. Rossi, lieute-

nant-colonel, délégué militaire du Jura ;d’une délégation de la gendarmerie, de lapolice nationale, des pompiers ; des direc-teurs d’administration ; des représentantsd’associations d’anciens combattants,déportés, résistants, Indochine, FNACA ;du général Tonnaire, président régional desanciens combattants d’Indochine ; descolonels Graziani et Corriger, représentantla société d’entraide de l’ordre de la Légiond’honneur ; de M. Viret, représentant l’or-dre national du Mérite ; de M. PascalHugonnet, président régional du comitéNeueugamme ; de Mme Françoise Mazet,présidente du Jura de l’association natio-nale des pupilles de la nation, orphelins deguerre ou du devoir ; de M. Herbillon, pré-sident de l’ANACR du Jura ; du Souvenirfrançais ; de M. Ragonet, vice-président dujury du CNRD du Jura ; des représentantsde l’Éducation nationale ; de LouaneMonnier, lycéenne, lauréate du CNRD, lacérémonie a été orchestrée par M. LaurentMeyer, président des anciens combattantsde Lons-le-Saunier et vice-président desDiables bleus du Jura.

En présence de dix-huit porte-drapeaux,dont celui de la France Libre du Jura,devant une assistance très nombreuse, oùla jeunesse était bien représentée,Louane Monnier, lauréate du CNRD2015-2016, a lu l’appel du 18 juin 1940 dugénéral de Gaulle.

Le délégué du Jura de la Fondation de laFrance Libre a fait l’historique de l’épopéede la France Libre et rendu hommage àtous les hommes et les femmes qui avaientrejoint la France Libre, pour leur combat dela défense de la France et de la liberté. Lesecrétaire général de la Préfecture a lu lemessage du secrétaire d’État aux Ancienscombattants et à la Mémoire.

Le délégué du Jura de la Fondation de laFrance Libre, avec Louane Monnier, adéposé la gerbe en forme de croix deLorraine des amis de la Fondation de laFrance Libre du Jura, suivi des différentespersonnalités. L’hymne national rassem-bleur La Marseillaise a retenti, joué parl’harmonie municipale.

Les personnalités ont salué les porte-dra-peaux, pendant que l’harmonie municipaleentonnait la marche « El Alamein Tunis ».

La cérémonie a été rehaussée par un roll-up dressé à côté de la stèle, à l’effigie dugénéral de Gaulle et de la France Libre.

Le député-maire de Lons-le-Saunier,Jacques Pélissard, président honoraire desmaires de France, a invité tous les partici-pants à un vin d’honneur au centre socialRené Feït, à côté du monument.

Les amis de la Fondation de la France Libredu Jura remercient tous ceux qui ont parti-

cipé au succès de cette belle cérémonie,très solennelle et émouvante, en particulierM. Laurent Meyer, maître de cérémonie,l’association Les Diables bleus du Jura, lamairie de Lons-le-Saunier et l’harmoniemunicipale, et tous les porte-drapeaux.

En préambule, à 17 heures, à Lons-le-Saunier, une rose a été accrochée devant laplaque qui porte de nom d’une rueRaymond Rolland, né à Lons-le-Saunier,qui avait rejoint l’Appel du 18 juin 1940dans les premiers jours, engagé dans lesForces aériennes françaises libres, pour nepas oublier sa mémoire et son combatpour la liberté, mort pour la France, enterre d’Afrique, le 8 septembre 1940, à l’âgede 24 ans.

Bruno Raoul

Lot-et-Garonne

Commémoration du 76e anniversaire de l’Appel du 18 juin 1940 à Agen

Samedi 18 Juin 2016, à 11 heures s’estdéroulé à Agen la cérémonie réservée à lacommémoration de l’appel historique du18 juin 1940, lancé par le général de Gaulledepuis la radio de Londres.

Les plus hautes autorités civiles et mili-taires du département étaient présentes au

DANS LES DÉLÉGATIONS

30 l Septembre 2016 • N° 61

La plaque de la rue Raymond Rolland (coll. Bruno Raoul).

Francis Ruffier-Monet et Georges-Didier Rohrbacher àAgen (coll. Francis Ruffier-Monet).

De gauche à droite, Vital Godin, fils de Français Libre,dévoué porte-drapeau de la France Libre du Jura, JacquesPélissard et le délégué FFL du Jura (coll. Bruno Raoul).

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DANS LES DÉLÉGATIONS

M. le maire, Patrick Cassany, nous a conviésà un vin d’honneur à l’hôtel de ville, pré-cédé d’un discours de Francis Ruffier-Monet, suivi par celui du maire, mettantchacun l’accent sur la valeur et les consé-quences de l’Appel historique. C’est dansune ambiance la plus cordiale qu’a pris fincette rencontre.

Francis Ruffier-Monet

Orne

Haute-Savoie

Les anciens de la France Libre et leurs amisde Haute-Savoie continuent à s’efforcerd’apporter leur contribution aux actionsmenées dans le département dans le cadredu Concours national de la Résistance etde la Déportation (CNRD). Certes, nostémoins se font de plus et en plus rares etles sujets d’examen de moins en moinsouverts à leurs témoignages. Par contre,nous ne manquons pas de nous investir aumieux dans le fonctionnement duconcours, notamment la préparation dessujets d’examen, la correction des travauxdes élèves, le classement des lauréats ausein du jury et la distribution des prix, dontceux offerts par notre centre national, maisaussi quelques-uns prélevés sur nos pro-pres ressources.

Notre délégué suppléant d’Annecy parti-cipe toujours régulièrement aux réunionsmensuelles du Comité de mémoire de laRésistance et de la Déportation institué enHaute-Savoie et dont il a assuré la vice-pré-sidence cette année.

Bien sûr, nous ne manquons pas d’êtrereprésentés, au moins par notre porte-dra-peau, aux cérémonies patriotiques les plusimportantes, et même d’y prononcer uneallocution ou déposer une gerbe FFLlorsqu’on nous le propose, en particulier le27 mai, le 18 juin et le 9 novembre.

monument aux morts de la ville. S’étaientjoints à eux les présidents d’associationsd’anciens combattants, accompagnés deleurs porte-drapeaux, ainsi qu’un publiclimité. Une section en armes du 48e RT étaiten place pour rendre les honneurs.

M. Bertrand Solès, adjoint au déléguédépartemental Francis Ruffier-Monet, aprocédé à la lecture de l’Appel. Dans cettesuite, ils ont déposé une magnifique gerbeen croix de Lorraine aux couleurs trico-lores, accompagnés dans ce geste par unfidèle et dévoué participant, Georges-Didier Rohrbacher qui, pour la circons-tance, avait revêtu son uniforme de sous-officier de l’armée de l’air.

La clôture de la manifestation s’est faite auxaccents de la Marche de la 2e DB, mêlée auxdiverses congratulations échangées dans lefond du reflet de l’évocation honorée.

Le 18 juin à Villeneuve-sur-Lot

Après la cérémonie d’Agen, la commémora-tion de l’Appel du général de Gaulle faitdepuis la BBC le 18 juin 1940, s’est tenue,dans le cours de l’après-midi, à 17h10, aumonument aux morts de Villeneuve-sur-Lot. Toutes les autorités civiles et militairesde la circonscription se sont manifestéespar leur participation, à laquelle s’étaitajouté la présence des divers présidentsd’associations d’anciens combattants etleurs porte-drapeaux. Une foule assez denseétait du nombre et la présence de jeunesétudiants fut appréciée. Après une brèveintervention au micro du délégué FFLFrancis Ruffier-Monet, ce sont deux jeunesélèves du lycée-collège Sainte-Catherine quise partagèrent la lecture de l’Appel.

Francis Ruffier-Monet et Georges-Didier Rohrbacher àVilleneuve-sur-Lot (coll. Francis Ruffier-Monet).

18 juin au plateau des Glières : dépôt de la gerbe FFL parle délégué, entouré de Thierry Terrier et du général Jean-René Bachelet président de l’association des Glières.

Mourmelon-le-Grand, le 26 août 2016. ChristopheBayard, vice-président de la Fondation de la FranceLibre, rencontre le général Pierre de Villiers, chef d'étatmajor des armées, à l’occasion de la prise de commande-ment du colonel Bastian Dufilhol à la tête du 501e régi-ment de chars de combat (coll. Christophe Bayard).

Septembre 2016 • N° 61 l 31

Après quoi, Francis Ruffier-Monet, accom-pagné de Georges-Didier Rohrbacher, ainsique d’un ancien combattant de la SectionOPEX, a déposé une imposante croix deLorraine aux couleurs nationales au pieddu monument.

C’est aux accents de la marche El Alamein-Tunis qu’avait débuté la cérémonie quis’est terminée par Le Chant des Africains,admirablement interprétés par la lyremunicipale.

Ce 18 juin, nous avons eu l’honneur et lebonheur de recevoir notre secrétaire géné-ral, Thierry Terrier, qui a bien voulu nousaccompagner tout au long de cette bellejournée de commémoration de l’Appel dugénéral de Gaulle. Au programme, lematin, deux cérémonies avec dépôt degerbe FFL et prise de parole par ThierryTerrier, l’une au monument aux mortsd’Évian, bien connu des congressistes del’Association des Français Libres de 1989,en présence du député-maire d’Évian,Marc Francina, et l’autre à Thonon, squareBir-Hakeim, avec témoignage de notredélégué ancien de la 1re BFL puis place du 8mai, en présence du maire de Thonon,Jean Denais, excusant le sous-préfet encours de mutation. À midi, nous noussommes tous retrouvés à Thorens-Glièrespour un agréable repas en commun, suivide notre assemblée générale annuelle,avant de monter au plateau des Glières en fin d’après-midi pour participer à lacérémonie départementale du 18 juin pré-sidée par le préfet de la Haute-Savoie, Jean-François Leclerc, entouré de hautes per-sonnalités haut-savoyardes et de nom-breux élus, avec la participation d’une cen-taine de porte-drapeaux, d’une section enarmes et de la fanfare du 27e BCA, ainsi quedes classes d’écoliers de la vallée.

Roger Buquin

Hauts-de-SeineChaque année une exposition couvre lesmurs de la préfecture des Hauts-de-Seinedurant la période de remise des prix auxlauréats des Hauts-de-Seine du ConcoursNational de la Résistance et de laDéportation. Cette année, nous avonsrendu, du 6 juin au 5 juillet 2016, un hom-mage appuyé aux aviateurs de la FranceLibre qui se sont illustrés sur tous les fronts,à travers l’exposition que leur consacrel’ONAC, complétée ensuite par celle que leMémorial Normandie-Niémen, installémaintenant à l’aéroport du Bourget, nous a

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DANS LES DÉLÉGATIONS

32 l Septembre 2016 • N° 61

gracieusement prêtée. Nous avons vouluainsi retracer l’épopée des milliers dejeunes aviateurs engagés dans les Forcesaériennes françaises libres, dont un grandnombre se sont évadés de France dans desconditions souvent extraordinaires pourrejoindre le général de Gaulle à Londres.

mémoires ce fort moment de la vie denotre délégation.

Joël DouchetSecrétaire général de la délégation de la

Somme

VarLe 25 mai, la délégation animait la remisedes prix du CNRD83 à la préfecture du Var,dans une chaude ambiance.

Le 18 juin, elle a participé au côté de nosamis de l’association varoise de l’Appel du18 juin à cet anniversaire symbolique, dansde nombreuses communes varoises. Le CVAndré Lemaire, évadé de France parl’Espagne, participant de notre fondation,Morgan Maginot, délégué La Valette-du-Var- Le Revest-les-Eaux, président del’Association varoise des lauréats du CNRD,Mme Brigitte Tromeur, fille de GuyTromeur, Toulonnais qui avait rejointLondres et la France Libre en juillet 1940,ont remis la gerbe commémorative de laFondation de la France Libre à Toulon.Louis Fiori, président de l’associationvaroise de l’Appel du 18 juin et participantde notre fondation, a lu cette année le textede l’Appel du général de Gaulle, à Toulon.Julia Chaillet, lycéenne de St-Saint-Exupéry,à St-Raphaël, et Michel Magnaldi ont remisla gerbe de la Fondation de la France Libreà Fréjus, précédée de leur lecture partagéedu texte de l’Appel, avec une pensée pourÉryc Pioch, ancien des Forces françaiseslibres qui le lisait chaque 18 juin.

Le 8 août, à l’initiative de la délégation,nous avons accompagné notre correspon-dante de La Celle, Morgane Soligna, à sonrécital à St-Aygulf avec notre délégué Est-Var Luc Ocimek, chargé de la mémoire desÉvadés de France par l’Espagne, etCharles Maguin, responsable du SouvenirFrançais de St-Raphaël, qui se déplace-ront à Londres en octobre avec une délé-gation d’une vingtaine de Varois pour l’ex-position du débarquement de Provencecoorganisée avec la déléguée de laFondation de la France Libre de Grande-Bretagne, Brigitte Williams.

Le 11 août, nous avons accompagné aucimetière n° 2, à Six-Fours-les-Plages, Jean

Remise de prix du CNRD83 à la préfecture du Var.pour notre délégué, de rappeler cemoment historique et totalement che-valeresque vécu et rapporté par lecolonel Passy, en février 1943 àLondres :

« Je revois Moulin, blême, saisi parl’émotion qui nous étreignait tous, setenant à quelques pas devant le généralde Gaulle.

“Mettez-vous au garde-à-vous.” Puis :“Nous vous reconnaissons commenotre compagnon pour la Libération

L’exposition de l’ONAC (coll. Serge Desesmaison).

L’exposition, qui a eu de nombreux visi-teurs, a permis de mettre en avant de nom-breuses figures tout à fait remarquables –ces hommes auxquels le général de Gaulle,reconnaissant, s’adressait en ces termes :« Pour vous dans les ciels d’Europe,d’Afrique, de Russie, que d’angoisses vain-cues, de périls courus, de compagnons per-dus… » – et rappelé le nom prestigieux desgroupes de chasse et de bombardementqui ont fait l’histoire des Forces françaiseslibres. Elle a également détaillé les nom-breuses missions remplies par ces unités,notamment les missions de liaison et deparachutage à la Résistance intérieure.

Serge DesesmaisonDélégué de Courbevoie

SommeJean Moulin nous est revenu auterme d’une absence de 80 ans,mois pour mois

Jean Moulin est revenu à la préfectured’Amiens, dont il fut secrétaire général, enqualité de sous-préfet, de juillet 1934 à juin1936, à travers un très réussi buste debronze, dû au sculpteur Jean-Marc de Pas.

Inauguré le 13 juin dernier par M. le préfetPhilippe de Mester et Daniel Bourriez,délégué départemental de la Fondation dela France Libre, en présence des personna-lités civiles et militaires du département dela Somme, ce visage emblématique de lalutte clandestine intérieure a rejoint sonchef, le général de Gaulle, déjà installédepuis le 9 novembre 2010 en ce Hall de laFrance Libre et Combattante, ainsidénommé depuis lors, par arrêté du préfetde l’époque, M. Michel Delpuech.

Précisons ici qu’un tirage supplémentairede ce buste, réalisé lui aussi par Jean-Marcde Pas, a été acquis et installé par Aéroportsde Paris dans le salon d’honneur de l’aéro-port de Roissy-Charles de Gaulle, lors deces derniers mois.

Les allocutions de Daniel Bourriez et de M.le préfet, outre une rapide biographie de lavie du résistant martyr, furent l’occasion,

de la France, dans l’Honneur et par laVictoire.” Et pendant que de Gaulle lui don-nait l’accolade, une larme, lourde de recon-naissance, de fierté et de farouche volonté,coulait doucement le long de la joue pâle denotre camarade Moulin.

Comme il avait la tête levée, nous pou-vions voir encore, au travers de sa gorge,les traces du coup de rasoir qu’il s’étaitdonné en 1940, pour éviter de céder sousles tortures de l’ennemi. »

Les drapeaux, notamment de la Fondation,et l’atmosphère recueillie de toute l’assem-blée souligneront désormais dans les

Des panneaux de l’exposition du Mémorial (coll. SergeDesesmaison).

Allocution de M. le préfet, après le dévoilement du buste,Daniel Bourriez à sa droite.

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DANS LES DÉLÉGATIONS

Septembre 2016 • N° 61 l 33

Marie-Océane Leroy (17 ans), Maï-LyNguyen (17 ans), Luc Ocimek, AndréFuentes, Louis Fiori, la Fondation était pré-sente ou représentée à Draguignan, St-Raphaël, l’Est-Var, La Motte, La Croix-Valmer, Cavalaire, Brignoles, Ollioules, LaValette-du-Var, Le Pradet, La Garde, Six-Fours-les-Plages, Port-Cros, Hyères-les-Palmiers, La Farlède, Le Beausset, Le Revest-les-Eaux, La Londe-les-Maures et Toulon.Vous pouvez retrouver nos photos et vidéossur notre page Facebook par le lien suivant :https://www.facebook.com/fflvar/.

Michel MagnaldiDélégué départemental du Var

VienneLe 27 mai, jour de la création du Conseilnational de la Résistance, nous étions àMauprévoir, petite commune du sud de laVienne où passait la ligne de démarcation.Les autorités et la population sont venuesnombreuses à notre invitation et à celle duconseil municipal.

À 10h30, la traction Citroën arrive avec à l’in-térieur notre ami Henri Écochard ancien desForces françaises libres. Robert Després,ancien chef de cuisine de Mme la maréchaleLeclerc de Hautecloque, et ChristopheBayard, vice-président de la Fondation.Cette traction marquée FFL, était suivie par 4Jeep, 2 Dodge et 3 camions de pompierd’avant-guerre. Dans les véhicules militaires,il y avait une vingtaine d’élèves de troisième,très heureux de participer à ce défilé.

Près du monument aux morts du village,une quarantaine de porte-drapeaux et desmilitaires qui étaient en place pour le piquetd’honneur. M. Sastre, directeur départe-mental de l’ONAC, représentait Mme le préfet. Le général Labuse était représentépar le commandant Djanikian. Le colonelSouprayen, conservateur du musée dessous-officiers de Saint-Maixent, nous hono-rait de sa présence. Le commandantCochois, de la compagnie de gendarmeriede Montmorillon, était présent, ainsi queM. Clément, député de la circonscription,M. Belin, président du conseil départemen-tal, M. Bouloux, maire de Montmorillon etprésident des maires de la Vienne, M. Juge,maire de Scorbé-Clairveaux, président fon-dateur de l’association De Gaulle mémoirepour l’avenir, toujours fidèle à nos cérémo-nies, MM. Alaud et Vignaud, deux vétéransde 39-45, de nombreux conseillers départe-mentaux et des maires de la Vienne. M.Bacchman nous a accompagnés tout aulong de cette cérémonie.

M. Bacchman, d’origine juive, sait dequoi il s’agit lorsque l’on parle de la lignede démarcation, c’est ce qui lui a sauvé la

vie. Ses parents, qui sont morts en dépor-tation à Buchenwald, lui ont fait passer laligne de démarcation à Chasseneuil-sur-Bonieure, en Charente. L’après-midi, ilfaisait une conférence sur la déportationau collège de Charroux.

Après le discours de M. Faroux, maire deMauprévoir, M. Sastre a remis la médaille de30 ans de porte-drapeau à M. Martin, prési-dent des anciens combattants.

Les élèves de primaire de l’école deMauprévoir et de Pressac (commune voi-sine), des élèves de troisième des collègesde Jeanne d’Arc de Civray et RomainRolland de Charroux participaient à cettecérémonie. Les élèves de primaire por-taient les gerbes pour les remettre auxautorités et ils ont accompagné jusqu’audépart de ces gerbes. Quatre élèves detroisième portaient des drapeaux. Le col-lège Jeanne d’Arc a entonné le Chant despartisans et lu des textes sur les maqui-sards locaux. Le collège Romain Rolland alu la biographie de Jean Moulin.

Nous avions le plaisir d’avoir 140 scolaires,cette présence a été très appréciée par lesparticipants.

Un panneau pédagogique a ensuite étédévoilé par MM. Henri Écochard et Louis-Noël Vignaud. M. Henri Écochard, notreancien FFL, a pris la parole pour commen-ter cette période, dans une allocutioncourte, mais très claire et très explicative.

Ensuite, le cortège s’est formé pour allerjusqu’au terrain de sport, où nous attendaitle vin d’honneur offert par la municipalité.Pour les enfants, il y avait du jus de fruit.Ensuite, les enfants de Jeanne d’Arc ont prisle repas, tiré du panier sur le stade. Lesbénévoles de l’association Devoir demémoire et du souvenir, qui soutient laFondation de la France Libre, avaient pré-paré un repas pour 180 convives.

Entre chaque plat, notre vice-président, M.Christophe Bayard, nous a fait revivre lescommandos Kieffer. Un formidable momentd’histoire, Christophe Bayard sait si bien pas-sionner son auditoire dans ses interventions.

Je voudrais dire un grand merci à MmePayron, directrice du collège Jeanne d’Arc àCivray, et à M. Tabuteau, professeur d’his-toire, pour leur accueil et leur aide.

Un grand merci également à M. Audonnetet au professeur d’histoire pour leur accueilet leur aide pour cette magnifique journée.

Notre prochaine étape est à Poitiers à lastèle de la Résistance, le 18 juin. Nousallons dévoiler le nom des Français Libresde la Vienne morts pour la France.

Jean-Michel BaufretonDélégué de la Vienne

Cercueil de Jean Gavard entouré des porte-drapeaux aucimetière de Six-Fours-les-Plages.

Gavard, vice-président de la Fondation dela Résistance, agent du réseau de la FranceLibre CND-Castille dès ses 17 ans, alorsqu’il était élève de première en 1940. Unegerbe de la Fondation a été déposée et undiscours prononcé pour l’hommage orga-nisé dans l’intimité familiale, avec de nom-breux porte-drapeaux.

Le 15 août, nous participions, à la stèle deLa Croix-Valmer, avec l’Amicale de la1re DFL et nos vétérans du débarquementde Provence, Guy Vadon et FrançoisGuyetand, et Jean-Baptiste Piétrini, vétérancorse du débarquement présent à Cavalaire,mis à l’honneur par le maire, BernardJobert. Des enfants de vétérans, notammentde Bernard Châtel, étaient présents. Lacérémonie se termina par le repas detradition à la plage de La Croix-Valmer.

Le 17 août, Franck Laussel, délégué de laFondation à Hyères-les-Palmiers, directeurd’armement de la compagnie maritimeTLV-TVM, était partenaire pour la cérémo-nie commémorative de la Libération del’île parc national de Port-Cros. FrancisDorr, maître du port, membre du Servicehistorique de la gendarmerie, est à l’originede cette cérémonie. Michel Magnaldi a lula présentation d’un texte du général deGaulle lu par Franck Laussel.

Du 15 au 28 août, aux côtés de l’Amicale dela 1re DFL, délégués et correspondants ontparticipé aux cérémonies commémorativesdu soixante-douzième anniversaire dudébarquement de Provence. Avec Marie-Hélène Châtel, Franck Laussel, Guy Vadon,Michel Magnaldi, Morgan Maginot, ChloéLamic (17 ans), Didier Marin (directeur debrasserie à Grand-Var et sa fille Enola, MarieJanvier (11 ans), Pricille Delaporte (16 ans),

Page 36: La Vie de la Fondation - france-libre.net · LA VIE DE LA FONDATION Septembre 2016 • N° 61 l 1 Le mot du président Inauguration du siège de la Fondation Le 22 juin 2016, à 17h30,

La Fondationvous accueille

Le centre de documentation et de recherchesLa Fondation conserve les archives de l’Association desFrançais Libres et d’un certain nombre d’amicales affiliées,ainsi que des documents et un ensemble de photographies dela période de la France Libre. Elle a vocation à accueillir desarchives nouvelles provenant d’acquisitions ou de dons departiculiers, à les conserver et à les mettre à la disposition deschercheurs.

La bibliothèque regroupe près de 2 000 volumes sur l’histoirede la France Libre, des Français Libres et de la Seconde Guerremondiale, dont un certain nombre de publications de lapériode de la guerre.

Le centre de documenta-tion et de recherches estaccessible sur rendez-vous.Pour consulter les archiveset/ou accéder à la biblio-thèque, vous devez prendrecontact avec Sylvain Cornil-Frerrot par téléphone au01 53 62 81 84 ou par cour-riel à [email protected]. Vue du centre de documentation

(© Serge Le Manour).

La boutiqueInstallée dans le halld’accueil du siège de laFondation, elle accueilleun ensemble de livres, deDVD et d’objets (insigne,médaille commémora-tive, plaque émaillée derue « Bir Hakeim », cartede vœux, cravate, briquetzippo…) en rapport avecl’histoire de la FranceLibre ou la Fondation.

Pour tout renseignement sur les salles de réunion, l’espaced’exposition ou la boutique, vous pouvez contacter MarietteButtin par téléphone au 01 53 62 81 82 ou par courriel à[email protected].

Les salles de réunionLe siège de la Fondation compte deux salles de réunion. La première, avec ses 21 m2, peut recevoir une quinzaine departicipants. La seconde dispose d’une surface d’environ75 m2 avec une capacité d’accueil d’une soixantaine de per-sonnes et des possibilités de vidéo-projection.

La salle de réunion extérieure (© Serge Le Manour).

La salle de réunion intérieure(© Serge Le Manour).

L’espace d’exposition et le présentoir de la boutique (© Serge Le Manour).

L’espace d’expositionUn espace aménagé permanent, destiné à accueillir desexpositions temporaires, est installé dans le hall du siège dela Fondation. Il peut accueillir des panneaux et des bornesinteractives, et des vitrines sont à disposition afin de recevoirdes objets.

L’espace d’exposition (© Serge Le Manour).

L’accueil de la Fondation et de la boutique(© Serge Le Manour).