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La vie continue Centre de la francophonie des Amériques – Éditeur Paul Levesque

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La vie continue

Centre de la francophonie des Amériques – Éditeur

Paul Levesque

DirectionDenis DesgagnéPrésident-directeur général du Centre de la francophonie des Amériques

CoordinationAleksandra GrzybowskaCoordonnatrice de la Bibliothèque des AmériquesCentre de la francophonie des Amériques

Conception graphique et mise en pageAnne-Marie JacquesDesigner graphique

Révision linguistique Solange DeschênesRéviseure linguistique

Correction d’épreuvesJérémie RuellanAgent à la programmationCentre de la francophonie des Amériques

Photo de la couvertureChristine Thériault

© Centre de la francophonie des Amériques - ÉditeurISBN 978-0-9947826-8-7Dépôt légal – Bibliothèque et Archives Canada juillet 2016

La vie continue

Paul Levesque

La vie continue

Dédicace 7

1. Ma vie avant l’accident 92. L’accident 113. La réadaptation 124. Ma nouvelle vie commence 165. La deuxième année de ma nouvelle vie 176. Le spectacle Tel que je suis 187. Au-delà des différences 198. Ma première prestation 219. Juin 2008 : le centre d’activité Le Lien m’élit président 2210. Ma première conférence 2411. Le programme P.A.R.T.Y. 2512. Le prix Étoile communautaire 2613. Le groupe de pastorale Espoir jeunesse 2714. Porteur de la médaille Rick-Hansen 2815. Le printemps 2012 2916. La vie continue 3117. Ma 100e conférence 32

Résumé 34

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Dédicace

Je dédie cet ouvrage à ma mère Colette et à mon père Robert. Sans leur amour, leur patience et leur temps, je n’aurais pas été capable de continuer à aller de l’avant. Merci de votre soutien indéfectible.

À Rose, je n’oublierai jamais que tu es venue me voir chaque jour lorsque j’étais hospitalisé.

De même qu’à toutes les personnes qui ont ensoleillé ma vie grâce à leurs cartes, leurs pensées et leurs vœux de prompt rétablissement.

Ainsi qu’à tous les jeunes que j’ai pu rencontrer, en particulier grâce au programme P.A.R.T.Y. (programme de prévention des traumatismes attribuables à l’alcool et aux comportements à risque chez les jeunes), et qui m’ont été présentés par Mme Sylvie Robinson.

À tous les jeunes, qui sont un ajout très important à notre venir.Enfin, à une dernière personne, mais non la moindre, qui est devenue un ami

très proche et dont l’apport a été considérable à ma vie, M. Daniel Saint-Germain, à qui je serai toujours reconnaissant pour tout ce qu’il a fait pour moi, de même qu’à toutes les personnes qui lui sont associées.

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1Ma vie avant l’accident

Je suis né le 9 août 1960 à Edmundston au Nouveau-Brunswick (Canada) d’un couple nouvellement marié, Colette et Robert Levesque. À l’époque, mon père occupait divers emplois, mais il était surtout camionneur. Quant à ma mère, elle était serveuse dans un restaurant.

L’année de mes 5 ans, nous avons déménagé à Boston aux États-Unis. Plusieurs familles de la région prenaient aussi cette décision, car le travail y abondait à cette époque. J’ai donc commencé l’école à Boston et j’y ai vécu une enfance normale.

À 13 ans, j’ai décidé de devenir joueur de hockey, un vrai, pour la Ligue nationale de hockey. Je me rappelle encore avoir dit à mon père qui rentrait du travail, un vendredi soir, ce que j’avais en tête. Il m’a répondu : « Sais-tu ce que c’est, un vrai joueur de hockey ? », ce à quoi j’ai rétorqué : « Ouais, je veux être un joueur de hockey. » Il m’a dit d’y réfléchir pendant la fin de semaine et de lui dire, à son retour du travail le lundi soir, si c’était ce que je voulais réellement.

Encore aujourd’hui, je pense que cette fin de semaine a été la plus longue de ma vie. J’avais si hâte qu’il rentre le lundi soir ! Dès qu’il a franchi la porte, il m’a demandé : « Alors, as-tu encore la même idée en tête ? » J’ai immédiatement répondu : « Bien sûr, je veux jouer au hockey. »

Le lendemain, lorsque mon père est rentré, j’étais inscrit à sept équipes de hockey différentes. Il avait tout mis en œuvre pour que je puisse réaliser mon rêve.

Un jour, à l’école, alors que j’avais 16 ans, mon professeur m’a demandé : « Quel est ton rêve dans la vie ? » Je lui ai répondu que je voulais être joueur de hockey. « Je te vois donner des conférences, car tu es un bon orateur », a-t-il affirmé. Je lui ai

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répondu : « Non, non, je veux jouer au hockey ! » Bien entendu, je n’avais aucune idée à l’époque que j’allais être appelé à donner plusieurs conférences.

Mon diplôme d’études secondaires en main, je suis allé au collège privé pendant un an grâce à une bourse d’athlétisme. À 18 ans, j’ai signé mon premier contrat avec les Braves de Boston. J’étais devenu un vrai joueur de hockey. Je ne me doutais pas alors que le hockey allait être un moyen de financer mes études.

De 18 à 21 ans, j’ai poursuivi mon rêve de jouer au hockey et j’ai travaillé comme expert en réclamations d’assurance automobile pour différentes compagnies d’assurance, en plus d’aller au collège et à l’université.

À 21 ans, j’ai cessé de jouer au hockey parce que c’était trop exigeant sur le plan physique. J’ai occupé mille et un emplois et j’ai beaucoup appris en travaillant avec mon père à son garage de débosselage automobile.

À 26 ans, je me suis enrôlé dans la marine pour deux ans.En 1988, alors âgé de 28 ans, j’ai commencé à travailler dans la construction, à

bâtir des maisons. J’ai découvert que j’aimais beaucoup ce métier. Tellement, en fait, qu’en quatre mois j’en avais appris assez sur le métier que j’étais en mesure de travailler seul et je me suis établi à mon compte. C’était pour moi de la création pure et simple : je prenais un tas de planches, un bout de papier et, quelque temps après, cela devenait une maison.

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2L’accident

Le 23 décembre 1988, ma vie a changé à jamais. Par cette journée d’hiver, j’ai eu un grave accident d’auto qui m’a fait frôler la mort.

Paralysie, hémorragie du tronc cérébral, fracture de trois vertèbres cervicales et de deux vertèbres dorsales, en plus de nombreuses ecchymoses et lacérations : j’ai été dans le coma pendant neuf semaines.

Lorsque je me suis endormi cette nuit-là, il y avait 30  cm de neige et à mon réveil, près de trois mois plus tard, c’était le printemps et il y avait des fleurs partout. La neige avait fondu, et mon poids aussi : avant l’accident, je pesais près de 84 kg et voilà que je n’en pesais plus que 36. Le moins que l’on puisse dire, c’est que je n’étais pas au sommet de ma forme.

Quand j’ai émergé du coma, je ne savais plus parler. Ni marcher. J’étais paralysé du cou à la taille. J’avais l’impression que c’était un cauchemar, et j’espérais qu’il finisse. Mais il n’a pas pris fin et il ne prendra jamais fin !

Voilà où tout a commencé. La vie n’allait plus jamais être la même pour moi. À ce tournant de ma vie, je sentais que je pouvais surmonter cette épreuve, mais je ne pouvais l’imposer à ma famille ni à mes proches. La première chose qui m’est venue à l’esprit quand je suis sorti du coma et que j’ai vu dans quel état j’étais, c’est : « Dis donc, tu ne t’es pas raté cette fois ! » Je ne reconnaissais même pas mon reflet dans le miroir, car il ne me ressemblait pas.

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3La réadaptation

Après l’accident, à mon réveil du coma, le travail a débuté. J’ai appris à me bâtir une nouvelle vie. J’ai dû réapprendre à marcher et à parler. Toutes ces choses simples que je considérais comme naturelles, comme respirer, parler, marcher, ne l’étaient plus. J’étais un vieillard de 28 ans. Et pourtant j’avais aussi peu d’emprise sur ma vie qu’un bambin.

Il m’a fallu plusieurs années avant de pouvoir recouvrer mon autonomie. Pour moi, il s’agissait d’un nouveau mode de vie, mais, pour mes parents et les membres de ma famille, tous les gestes du quotidien étaient à repenser. J’ai dû retourner habiter chez mes parents au Nouveau-Brunswick. Tout mon entourage tentait de s’adapter à ce nouveau et très difficile mode de vie.

Il m’était devenu impossible de faire plusieurs gestes que j’accomplissais aupa ravant sans même avoir à y penser.

Je ne pouvais plus me laver, prendre une douche ou même aller à la toilette tout seul. Chaque fois que je voulais faire quelque chose, il fallait que je demande de l’aide. Je me sentais prisonnier d’une coquille dont il me semblait impossible de sortir.

J’avais plusieurs rendez-vous à l’hôpital d’Edmundston avec divers spécialistes en orthophonie, en physiothérapie et en ergothérapie. Tout indiquait alors que ce serait mon nouveau mode de vie. Mais, au fond de moi, je ressentais le besoin de faire quelque chose, d’inventer un moyen qui m’empêcherait de devenir fou ou d’abandonner.

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C’est à ce moment que j’ai formulé une pensée qui me pousserait désormais à aller de l’avant :

« Bon assez n'est jamais bon assez. »

Cette petite phrase m’a aidé à traverser des moments très éprouvants et elle m’aide encore aujourd’hui à ne pas abandonner. Nous devrions tous, à bien des moments de notre vie, nous formuler de petits mots d’encouragement. Voici quelques-uns de mes préférés :

« Crois toujours en tes rêves. »

« Nous ne reconnaissons l’importance des fonctions les plus simples que lorsque nous

en avons perdu l’usage. »

À vous maintenant d’inscrire vos propres pensées positives.

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Voici quelques-uns des nombreux apprentissages que j’ai faits pendant les cinq années qui ont suivi mon accident d’automobile. Tout au long de ma réadaptation, je devais me rendre à des rendez-vous à l’hôpital qui était à plus de 35 km de la maison, soit une demi-heure de route. Jamais mes parents et mes proches ne m’ont abandonné. Ils ont accepté tout ce qu’entraînait cette situation. J’avais parfaitement conscience de ce qui se passait autour de moi, mais je ne pouvais rien faire pour y remédier. C’est un miracle que je ne sois pas devenu fou. Même lorsque ma santé physique n’était pas bonne, je peux dire que ma santé mentale était excellente. Je suis une personne positive et heureuse, j’adore rire et raconter des blagues, j’aime les gens, je suis engagé dans ma collectivité, j’adore la musique. Bref, je suis un passionné de la vie !

Je ne savais pas encore comment, mais j’étais résolu à rebâtir ma vie. Ce qui m’a le plus aidé à atteindre mes objectifs, ce sont mes parents et toutes les personnes qui travaillent dans le domaine médical. Tant que l’on n’a pas été dans une telle situation, on ne peut comprendre toute l’importance et la difficulté du travail qu’ils accomplissent.

Un immense merci à tous ceux et celles qui travaillent dans le milieu de la santé. Je vous félicite et vous remercie du plus profond de mon cœur, car sans vous je ne serais pas de ce monde aujourd’hui.

Même si j’avais réappris à marcher, j’avais toujours de la difficulté à mettre un pied devant l’autre. Comme j’avais passé plus de six mois à marcher avec l’aide d’une marchette, je faisais un pas normal, puis j’avançais ensuite l’autre pied. C’est ainsi que l’on marche avec une marchette, mais après quelques mois on continue de marcher de cette façon même en l’absence de la marchette.

Un soir, j’ai demandé à mon père de m’emmener au magasin le lendemain, car je voulais m’acheter des raquettes ; il a accepté. La veille, une petite bruine avait recouvert la neige d’une croûte, ce qui rendait très difficile — pour moi comme pour quiconque — de marcher sur la neige. J’ai tout de même essayé de me promener autour de la maison avec mes nouvelles raquettes. Lorsque je suis revenu devant la maison, j’étais épuisé. Et quand je suis épuisé, je peux à peine lever les pieds. Ma mère me regardait par la fenêtre du salon. J’ai mis le pied sur une de mes raquettes et je suis tombé. La croûte de neige m’a entaillé le nez.

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À ce moment, je n’avais qu’une idée : me relever pour finir ce que j’avais commencé.

Voilà qui n’allait pas être facile. Bien résolu à rentrer, j’ai réussi à me relever, mais, avec des raquettes aux pieds, si vous mettez un pied à côté de l’autre et essayez de marcher, vous ferez un plongeon digne d’une médaille d’or, car vous tomberez tête première comme je l’ai fait.

Quoi qu’il en soit, j’ai finalement réussi à me refaire assez de forces pour réapprendre, après quelques mois d’exercice, à mettre un pied devant l’autre.

Je tenais à marcher comme par le passé, car bon assez n’est jamais bon assez. J’ai découvert que le plus tenace des sentiments est l’orgueil. Pourtant, il faut

parfois demander de l’aide, même quand c’est difficile, pour être en mesure de progresser.

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4Ma nouvelle vie commence

Après cinq ans de travail acharné et de nombreuses heures de souffrance physique et morale, j’ai atteint l’un de mes plus grands buts à ce jour : retrouver mon autonomie. Je n’aurais jamais cru pouvoir l’atteindre à nouveau. C’était un grand jour pour moi, et une journée chargée en émotions pour mes parents, car, aucun de nous ne croyait que ce jour viendrait.

Cette indépendance était tout à fait nouvelle pour moi. Mais j’étais loin de me douter que le véritable travail ne faisait que commencer, car une fois la fébrilité de cette nouvelle réalité passée, il faut ensuite maintenir cette autonomie.

Il m’a donc fallu du temps pour m’adapter à mon nouvel environnement, apprivoiser ce sentiment d’indépendance retrouvée. Et m’habituer à vivre seul à nouveau.

C’est là que j’ai compris que la vie est à la fois complexe et aussi simple qu’un verre de lait. Voyez-vous, ma vie était ce verre de lait, et il s’est renversé. Maintenant, ce qu’il me restait à faire, c’était de relever le verre et de le remplir de lait, en espérant que celui que j’y verse soit meilleur que celui que j’avais renversé.

J’ai déménagé à Edmundston au Nouveau-Brunswick dans mon nouvel appartement le premier jour de juillet 1993. C’était une journée ensoleillée et un grand départ. Aujourd’hui, je vis encore dans cet appartement et la vie continue.

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5La deuxième année de ma nouvelle vie

Pour m’exercer à marcher, je me rendais souvent à l’établissement d’O’Neil Devost pour y voir du monde et écouter sa musique. Comme mon oncle Gérard était ami avec lui, j’avais fait sa connaissance quand j’avais 12 ans.

Un soir, O’Neil Devost avait rassemblé plusieurs de ses amis. Lors de cette soirée spéciale organisée à mon insu, j’ai reçu, des mains de mes parents, un tricycle flambant neuf. Je ne me doutais de rien. Pourtant, cette nuit-là, un de mes rêves allait se réaliser, car je voulais être en mesure de voyager et de me déplacer en toute indépendance. Cette soirée a été un moment incroyable que je n’oublierai jamais. Encore aujourd’hui, mon tricycle est mon principal moyen de transport.

Quelques années plus tard, j’ai doté mon tricycle d’un moteur électrique pour pouvoir rendre visite à mes parents qui vivent à Sainte-Anne, à environ 23  km d’Edmundston. Je me rends souvent à Saint-Jacques, qui est à environ 12  km. Je suis même allé à Rivière-du-Loup au Québec, à 125 km de chez moi. On m’avait dit que cela n’arriverait probablement pas, mais j’y suis arrivé. La vie continue !

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6Le spectacle Tel que je suis

Tel que je suis est un spectacle musical monté par tous les étudiants de la classe de Daniel Saint-Germain, à l’école secondaire Cité des jeunes A.-M.-Sormany d’Edmundston au Nouveau-Brunswick.

En mai 2003, ma mère et moi sommes allés voir le spectacle et nous avons rencontré Daniel après la représentation. Au fil de la conversation, je lui ai dit combien j’aimerais participer à ce genre de spectacle. Il m’a dit que le spectacle ne mettait en scène que des étudiants, mais que, s’il trouvait un spectacle où je pourrais tenir un rôle, il m’appellerait. Je lui ai donné mon numéro de téléphone et je suis rentré chez moi.

Je ne savais pas que cette rencontre marquerait le début d’une très longue amitié.

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7Au-delà des différences

Le 18  janvier 2008, le téléphone sonne à 19  h : c’est M.  Daniel Saint-Germain, l’enseignant de l’école Cité des jeunes A.-M.-Sormany, qui me parle du spectacle Au-delà des différences.

Comme l’indique le titre de cette section du livre, il me semblait que la vie commençait enfin à redevenir NORMALE, surtout après cet appel. Daniel s’apprêtait à monter un nouveau spectacle intitulé Au-delà des différences, dans le but de montrer que les personnes ayant des besoins particuliers ont aussi du talent.

Naturellement, j’ai tout de suite répondu que j’acceptais de participer à ce spectacle et j’étais très heureux de pouvoir le faire. À partir de ce jour, j’ai toujours gardé en tête que cette personne, rencontrée cinq ans plus tôt et jamais revue depuis, ne m’avait pas donné de nouvelles jusqu’à aujourd’hui, cinq ans plus tard. Pour moi, c’était très particulier, car je me disais « loin des yeux, loin du cœur ». Cet homme que je ne connaissais pas ne m’avait pas oublié.

Ce dont j’avais rêvé était en train de se réaliser !

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Et vous, quels sont vos rêves ?

Je vous invite à prendre quelques minutes pour penser à vos rêves et les inscrire.

Un sentiment très particulier nous envahit lorsque nous laissons une aussi forte impression sur une personne que nous connaissons à peine. Ce sentiment rehausse notre estime de soi et nous fait prendre conscience que les personnes qui nous entourent sont tout aussi particulières. Voilà le sentiment et l’impression que me communiquait cette personne. J’allais peu après les comprendre en profondeur, car j’allais moi-même les ressentir.

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8Ma première prestation

En mai 2008, j’étais de la distribution du premier spectacle Au-delà des différences, créé par Daniel Saint-Germain, enseignant à l’école secondaire francophone Cité des jeunes A.-M.-Sormany.

Il a monté ce spectacle avec plusieurs de ses étudiants diplômés. C’était l’occasion rêvée pour moi d’exprimer mes sentiments au sujet des personnes ayant des besoins particuliers et de tout faire pour leur venir en aide. C’était aussi l’occasion tout indiquée de dire merci et de rendre hommage à ma mère pour toutes les années où elle a été ma transporteuse officielle, en plus de tout ce qu’elle a traversé et enduré.

Jamais je n’oublierai tous les soins, l’amour et l’aide que j’ai reçus de la part de mes deux parents. Merci, merci mille fois !

Pour ma première prestation, j’ai chanté et rendu hommage à ma mère. Il y a maintenant sept ans que je fais ce spectacle, et je continue, car LA VIE CONTINUE, elle aussi !

Ce spectacle m’a aussi donné la chance de revivre la joie que je ressens quand je me produis devant un auditoire nombreux et a réveillé en moi un profond sentiment de bien-être. Comme je l’ai dit à l’auditoire lors de l’hommage à ma mère : « Nous ne sommes pas différents en raison de notre situation. Si nous sommes différents, c’est parce que nous accomplissons maintenant des choses que vous ne pourriez pas accomplir. »

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9Juin 2008 : le centre d’activité

Le Lien m’élit président

Le centre d’activité Le Lien est membre du Réseau des bénéficiaires en santé mentale du Nouveau-Brunswick. En juin  2007, je cherchais un lieu où passer le temps et où sentir que je fais partie intégrante de la société. Le centre d’activité a été ce lieu, où j’ai aussi eu la chance de fraterniser avec d’autres personnes. Un an plus tard, j’étais élu président du centre d’activité Le Lien et j’ai travaillé en étroite collaboration avec la directrice, Wilda Landry Dubé, pendant plus de six ans au sein du conseil d’administration.

À mes yeux, Wilda et les autres personnes du centre sont comme elles sont et ce qu’elles accomplissent restera à jamais gravé dans mon cœur. Sans elles, j’aurais facilement pu prendre un mauvais virage à cette époque de ma vie. Grâce aux moments passés en leur compagnie, à mes conférences et aux spectacles de Daniel Saint-Germain, je pouvais me reconstruire et m’épanouir. J’avais le sentiment, la certitude que ma vie était aussi NORMALE que possible et que je faisais à nouveau partie de ma communauté.

Le fait de prendre part à plusieurs activités me rendait heureux et fier de mes efforts.

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Et vous, qu’est-ce qui vous remplit de fierté dans votre vie ?

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10Ma première conférence

En octobre 2008, deux enseignants de l’école secondaire Cité des jeunes, M.  Daniel Saint-Germain et Mme Mélanie Bourgoin-Plourde, se sont dit que je serais un bon candidat pour faire des présentations dans les cours de formation professionnelle et sociale (FPS). J’ai accepté et j’y ai pris un grand plaisir. Depuis, j’ai donné plus de 70 présentations à des jeunes en classe, et j’espère recevoir encore bien d’autres invitations.

Ce que je souhaite laisser aux jeunes à la sortie de mes conférences, c’est leur faire sentir combien la vie est précieuse et que parfois, nous tenons pour acquises les choses qui nous semblent si simples, mais qui peuvent nous échapper si facilement. Pour imprimer une image forte dans leur esprit, je raconte plusieurs de mes propres expériences et des événements convaincants, en plus de recourir à plusieurs associations d’idées.

Je souhaite aussi les convaincre de ne jamais renoncer à leurs rêves. Les rêves et les espoirs, de même que la persévérance, sont des moteurs essentiels dans la vie, car ils nous entraînent à continuer.

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11Le programme P.A.R.T.Y.

En mai 2010, Mme  Sylvie Robinson, travailleuse sociale communautaire des services de traitement des dépendances, m’a demandé si je voulais donner des conférences pour le programme P.A.R.T.Y. dans les secteurs de Grand-Sault, Saint-Quentin et Kedgwick.

Le programme P.A.R.T.Y. (Preventing Alcohol and Risk-Related Trauma in Youth) est un programme de prévention des traumatismes attribuables à l’alcool et aux comportements à risque chez les jeunes. Il s’agit d’un atelier d’une journée qui fait vivre aux jeunes le parcours d’une personne ayant survécu à des blessures. Ils la suivent à partir de la scène de l’accident, puis à l’hôpital et lors de sa réadaptation.

J’ai accepté avec un immense plaisir. Cette activité me fournissait une autre occasion d’aider les jeunes à se rendre compte combien la vie est précieuse. De plus, je pouvais les aider à comprendre que toute action entraîne des conséquences, bonnes comme mauvaises.

C’était aussi pour moi une occasion d’élargir mes horizons, ce qui me donnait le sentiment de faire partie intégrante de la communauté. C’était enfin la réponse à une question que je me posais depuis toujours : « Les gens écoutent-ils réellement ce que je leur dis ? » J’ai ressenti une fois encore ce sentiment agréable : ce qui m’était arrivé dans la vie n’était pas arrivé pour rien. J’étais dorénavant en mesure de sensibiliser d’autres personnes aux conséquences que la vie peut leur réserver.

J’ai donc préparé une nouvelle présentation pour expliquer aux jeunes que toute décision entraîne des conséquences, en leur montrant des photos de mon accident et en expliquant ce qu’est la réadaptation et ce que l’on ressent pendant les séances.

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12Le prix Étoile communautaire

En novembre 2011, après seulement deux ans et demi à collaborer au programme P.A.R.T.Y., j’ai reçu le prix Étoile communautaire lors de la Semaine nationale de la sensibilisation aux toxicomanies. Ce prix m’a été décerné en récompense de mon aide apportée aux jeunes et aux membres de la collectivité. C’était un grand honneur pour moi d’être reconnu pour cette conférence que j’ai montée tout seul. Je me sentais digne de ce prix et utile à la société.

Je n’oublierai jamais cette récompense, car elle me prouve que toute l’énergie investie pour formuler mes propos n’a pas été vaine et que j’ai su faire profiter à d'autres que moi de mes réflexions. Je n’étais pas certain si, à la suite de mon traumatisme crânien et de toutes les épreuves traversées, mes opinions et mes expériences allaient être utiles aux autres. Je me demandais si j’allais atteindre mon objectif : parler de mon expérience de manière sensée et en faire part à d’autres personnes.

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13Le groupe de pastorale Espoir jeunesse

Au début de septembre  2011, j’ai été nommé directeur du groupe Espoir jeunesse. Il s’agit d’un groupe de pastorale pour jeunes qui tient des activités à la cathédrale d’Edmundston au Nouveau-Brunswick. J’ai eu le bonheur de diriger ce groupe jusqu’à un jour de mai 2012 où j’ai eu un accident avec mon tricycle. Résultat : fracture du fémur et de la hanche. On m’a opéré pour effectuer le remplacement total de la hanche, puis j’ai été hospitalisé pendant un mois et demi avant d’aller en réadaptation.

Je me demandais toujours si ce que je tentais d’accomplir pour les jeunes de ce groupe comptait pour eux. Quelle n’a pas été ma surprise de les voir arriver à l’hôpital ! Ils sont tous venus me rendre visite, une semaine après mon hospitalisation, pour me souhaiter prompt rétablissement et me remettre une carte qu’ils avaient fabriquée. Je m’étais fait du souci pour rien. Par ce beau geste, ils ont répondu à ma question. J’étais si heureux que j’ai versé des larmes de joie. Ces jeunes ne pourront jamais imaginer à quel point ils m’ont rendu heureux.

Je remercie toutes les personnes qui ont rendu mon séjour aussi agréable que possible et surtout tous les jeunes du groupe Espoir jeunesse et le père Jean-François Pelletier.

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14Porteur de la médaille Rick-Hansen

En juillet 2011, le maire de Sainte-Anne-de-Madawaska au Nouveau-Brunswick m’a demandé si je voulais être porteur de la médaille à l’occasion du relais canadien du 25e anniversaire de la Tournée mondiale Rick-Hansen.

Quel autre grand honneur de recevoir cette invitation si spéciale ! J’ai accepté avec joie et fierté. C’était bien de pouvoir représenter ma collectivité natale.

J’ai pu accomplir un acte directement relié à mon handicap, en plus de permettre à la population de comprendre et de voir que leurs initiatives et leur soutien nous incitent à donner le meilleur de nous-mêmes. Nous aimons prendre une part active et avoir le sentiment d’appartenir à notre communauté.

Cet événement m’a également permis de constater que je n’étais pas seul : bien plus de personnes que je le croyais m’encourageaient.

Le 6  octobre 2011, par une belle journée d’automne, j’ai donc marché deux kilomètres et demi avec la médaille Rick-Hansen à mon cou. Je devais parcourir cette distance à bord de mon tricycle motorisé, mais j’ai décidé de marcher en l’honneur de M. Hansen. Je conserve de merveilleux souvenirs de cette journée.

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15Le printemps 2012

Le 7 mai 2012 est pour moi une date tragique. C’est le jour où je suis tombé avec mon tricycle et me suis fracturé le fémur et la hanche. Jamais de ma vie je n’avais ressenti une douleur aussi intense, à un point tel que j’ai craint de ne plus jamais pouvoir marcher à nouveau.

Heureusement, avec l’aide de l’équipe médicale et le précieux soutien de ma compagne de l’époque et de ma mère, j’ai réussi à traverser cette épreuve et à me rétablir peu à peu. Au moins, grâce à ma nouvelle hanche, je savais que je pourrais me remettre à marcher, ce qui signifiait mener une vie sensiblement comme celle d’avant cet accident.

Souvent, de la fenêtre de ma chambre à l’hôpital, je regardais l’école secondaire et le collège où j’avais donné mes conférences la semaine d’avant et je me disais que cela avait probablement été les dernières fois.

Durant le printemps, j’ai trouvé plus difficile de composer avec cet incident qu’avec mon accident précédent, car je prenais conscience du risque de perdre tout ce pour quoi j’avais travaillé si fort. De plus, je constatais que le stress que cette situation engendrait avait des effets sur ma mère et ma compagne.

J’avais l’impression de revivre le passé : assis à ressasser toute la journée ce qui m’était arrivé des années auparavant et à penser à la façon dont je pourrais encore une fois me sortir de cette pénible situation. J’ai été très chanceux d’avoir toute cette aide de la part de ma mère, de mes amis et de tout le personnel hospitalier. Merci à tous de votre soutien !

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Une des choses qui m’ont empêché de devenir fou a été de rencontrer des gens et de me rendre à la salle d’activité chaque fois que je le pouvais. Un jour, j’ai même joué de la guitare et chanté pour les patients. Cela les a rendus heureux, et moi aussi, par conséquent, de voir que je pouvais aider les autres à garder leur bonne humeur. C’était ma façon de passer le temps sans penser à mes maux de tête et de faire oublier la douleur aux autres comme à moi-même.

C’est alors que je me suis rendu compte que cette situation n’était pas pire que ce que j’avais déjà traversé. J’ai compris que j’avais revêtu ce que j’appelle ma

« tenue de résilience »

c’est-à-dire que si je voulais retrouver mes facultés, je devais me mettre dans un état d’esprit qui me permettrait de m’adapter à la situation et de ne pas abandonner.

Voici l’une de mes définitions de la résilience : c’est la faculté d’une personne de s’adapter aux changements avec une attitude positive.

Je suis rentré de l’hôpital en juillet  2012 et j’ai pu profiter du Programme extramural qui offre des soins à domicile. Je me suis remis sur pied au point de pouvoir reprendre mes conférences, car LA VIE CONTINUE.

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16La vie continue

Nous voici donc à l’automne, en octobre  2012. Je suis redevenu autonome. Malgré les nombreux défis survenus durant l’été qui me marqueront à jamais, je persiste à me dire : « La vie continue. »

J’étais heureux de recommencer à donner mes conférences en novembre. Je voyais toute cette expérience comme une autre leçon de la vie, si précieuse et si courte. J’espère pouvoir transmettre ce message à toutes les personnes, en particulier les jeunes, qui assistent et participent à mes conférences.

Je souhaite aussi que cet ouvrage soit une bonne référence pour tous les lecteurs. J’aimerais que le livre puisse aider quelqu’un qui vit cette situation, même si cent personnes différentes réagiront de cent façons différentes, car nous sommes tous humains et uniques.

Nous pouvons exploiter les expériences et les événements de notre vie pour en sortir grandis, même à mon âge. J’espère de tout cœur avoir pu vous aider si jamais vous vous retrouvez un jour dans une situation semblable. Je souhaite que ce livre vous aide à rendre la situation plus tolérable ou à ressentir de la compassion pour les personnes à qui une telle épreuve est arrivée.

Si difficile que puisse être l’épreuve que vous vivez, tant pour vous-même que pour votre entourage, le message ultime à toujours garder en tête demeure :

« La vie continue ! »

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17Ma 100e conférence

Le 6  septembre 2015, j’ai franchi une grande étape : j’ai prononcé ma 100e  conférence qui a été montée en collaboration avec la Maison des jeunes, un centre jeunesse situé à Edmundston au Nouveau-Brunswick. Ce fut pour moi un grand honneur d’être reconnu pour mes initiatives visant à aider les jeunes et à m’engager auprès d’eux.

Le même soir, j’ai aussi reçu un magnifique prix de la part du président et fondateur de la Maison des jeunes, M.  Yves Albert, en compagnie de jeunes membres. Une fois ma conférence terminée, ce soir-là, j’ai soudain pris conscience que l’on me témoignait de la reconnaissance pour ce que j’avais fait, alors que ce n’était pas si spécial à mes yeux. Pour moi, donner des conférences, c’était une chose que je faisais normalement. Mais, pour bien plus de gens que je n’aurais pu l’imaginer, c’était important, car mes conférences livraient un message fort sur la vie et sur la nécessité d’être résilient pour atteindre ses objectifs.

Cette soirée était très spéciale, car elle réunissait plusieurs personnes que j’avais rencontrées au cours des sept années où j’avais donné mes conférences. J’étais fier, heureux et honoré de leur présence, je me sentais privilégié. À mes yeux, les deux personnes les plus spéciales, en plus de ma mère, sont M. Daniel Saint-Germain et Mme Sylvie Robinson.

Ce sont les deux personnes à l’origine de cette merveilleuse expérience. De plus, ce soir-là, Sylvie avait dressé une belle table où étaient présentés tous mes prix, mes réalisations et les cartes de remerciement des diverses classes de l’école Cité des jeunes et du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick.

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J’ai hâte que revienne l’automne pour recommencer à donner mes conférences. Comme je le dis toujours, « la vie continue ». Même dans les moments difficiles, nous, êtres humains, pouvons toujours voir le bon côté des choses, même lorsqu’il faut parfois demander de l’aide,

car il est bon de recevoir de l’aide.

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Résumé

Au fond de moi, je sens que j’aurais pu connaître des épreuves pires encore. Le temps et l’aide dont j’ai bénéficié m’ont permis d’accomplir beaucoup. Bien sûr, il y a eu des hauts et des bas, mais qui n’en connaît pas dans sa vie ? Plusieurs fois, j’ai voulu abandonner, j’ai perdu espoir et je me suis dit : « Tout cela en vaut-il vraiment la peine ? » Pourtant, avec tout ce que j’ai pu accomplir, je crois avoir eu beaucoup de chance.

Un des plus durs revers qui m’a donné envie de tout abandonner, je l’ai vécu durant mon dernier séjour à l’hôpital, après ma fracture du fémur et de l’os de la hanche : c’était d’avoir conscience de ce qui se déroulait autour de moi sans pouvoir changer quoi que ce soit à la tournure des événements.

Avant l’accident, j’étais en couple avec une personne que j’avais courtisée pendant deux ans et demi. Le stress occasionné par l’accident et mon humeur parfois morose ont eu raison de sa patience et elle m’a quitté. Au début, j’en ai été très peiné, puis avec le temps j’ai vu cette rupture comme une autre leçon de vie. Comme vous pouvez le constater, cet ouvrage est entièrement basé sur des leçons que l’on peut apprendre au cours de la vie.

Ce que je tente de vous expliquer, c’est que parfois des personnes qui côtoient des gens stressés sont plongées dans une situation nouvelle qui bouleverse leur vie au point où elles ont de la difficulté à se comprendre. Cela peut donner lieu à une situation très désagréable pour toutes les parties concernées, mais, encore une fois, il faut se dire : « la vie continue ».

Enfin, comme je l’ai dit et répété, je respire le bien-être en ce moment, car je sens que je suis un membre à part entière de ma communauté. À tous ceux et celles qui ont contribué à ce que je retrouve une vie aussi enrichissante qu’avant, sinon meilleure en raison de la sagesse que j’ai acquise, je dis un IMMENSE MERCI et, comme le rappelle le titre de ce livre, la vie continue !

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Cet ouvrage est divisé en sections plutôt qu’en chapitres suivis pour permettre de mieux parcourir les différents pans de ma vie. Il est aussi plus pratique à consulter, car il tient davantage de la conférence que du livre.

J’espère que la personne qui se le procurera aimera le lire, mais que le livre sera aussi profitable à quiconque pour comprendre les sentiments d’une personne, mais surtout les émotions que vivent les personnes aux besoins particuliers et leur famille et le travail qu’elles accomplissent. Il y a toujours des moments de joie qui ponctuent les moments de souffrance, pour toutes les personnes touchées de près ou de loin. En définitive, ce sont l’amour et les soins attentionnés qui comptent le plus.

Et comme je le dis toujours : la vie continue !Paul Levesque

ISBN 978-0-9947826-8-7