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    La vie devant soi-mile AJAR -

    Extrait n 1 : Madame RosaLa premire chose que je peux vous direc'est qu'on habitait au sixime pied et que

    pour Madame Rosa, avec tous ces kilosqu'elle portait sur elle et seulement deux

    jambes, c'tait une vraie source de viequotidienne, avec tous les soucis et les

    peines.

    Elle nous le rappelait chaque fois qu'elle nese plaignait pas d'autre part, car elle taitgalement juive. Sa sant n'tait pas bonnenon plus et je peux vous dire aussi ds ledbut que c'tait une femme qui auraitmrit un ascenseur. Je devais avoir troisans quand j'ai vu Madame Rosa pour la

    premire fois. Avant, on n'a pas demmoire et on vit dans l'ignorance. J'aicess d'ignorer l'ge de trois ou quatreans et parfois a me manque. Il y avait

    beaucoup d'autres Juifs, Arabes et Noirs

    Belleville, mais Madame Rosa taitoblige de grimper les six tages, seule.

    Elle disait qu'un jour elle allait mourir dansl'escalier, et tous les mmes se mettaient

    pleurer parce que c'est ce qu'on faittoujours quand quelqu'un meurt. On taittantt six ou sept tantt mme plus l-dedans.

    Au dbut, je ne savais pas que MadameRosa s'occupait de moi seulement pour

    toucher un mandat(1) la fin du mois.Quand je l'ai appris, j'avais dj six ou septans et a m'a fait un coup de savoir que

    j'tais pay. Je croyais que Madame Rosam'aimait pour rien et qu'on tait quelqu'unl'un pour l'autre. J'en ai pleur toute unenuit et c'tait mon premier grand chagrin.

    Madame Rosa a bien vu que j'tais triste etelle m'a expliqu que la famille a ne veutrien dire et qu'il y en a mme qui partent en

    vacances en abandonnant leurs chiens

    attachs des arbres et que chaque anneil y a trois mille chiens qui meurent ainsi

    privs de l'affection des siens. Elle m'a prissur ses genoux et elle m'a jur que j'tais cequ'elle avait de plus cher au monde mais

    j'ai tout de suite pens au mandat et je suisparti en pleurant.

    Je suis descendu au caf de Monsieur Drissen bas et je m'assis en face de MonsieurHamil qui tait marchand de tapisambulant en France et qui a tout vu.Monsieur Hamil a de beaux yeux qui fontdu bien autour de lui. Il tait dj trsvieux quand je l'ai connu et depuis il n'afait que vieillir.

    - Monsieur Hamil, pourquoi vous aveztoujours le sourire ?

    - Je remercie ainsi Dieu chaque jourpour ma bonne mmoire, mon petitMomo. Je m'appelle Mohammed maistout le monde m'appelle Momo pourfaire plus petit.

    - Il y a soixante ans, quand j'tais jeune,j'ai rencontr une jeune femme qui m'aaim et que j'ai aime aussi. a a durhuit mois, aprs, elle a chang demaison, et je m'en souviens encore,soixante ans aprs. Je lui disais : je net'oublierai pas. Les annes passaient, jene l'oubliais pas. J'avais parfois peurcar j'avais encore beaucoup de viedevant moi et quelle parole pouvais-jedonner moi-mme, moi, pauvre homme,alors que c'est Dieu qui tient la gomme effacer ? Mais maintenant, je suistranquille. Je ne vais pas oublier

    1paiement postal

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    Djamila. Il me reste trs peu de temps,je vais mourir avant.

    J'ai pens Madame Rosa, j'ai hsit unpeu et puis j'ai demand :

    - Monsieur Hamil, est-ce qu'on peut vivresans amour ?

    Il n'a pas rpondu. Il but un peu de th dementhe qui est bon pour la sant.Monsieur Hamil portait toujours une

    jellaba(1)grise, depuis quelque temps, pourne pas tre surpris en veston s'il taitappel. Il m'a regard et a observ lesilence. Il devait penser que j'tais encoreinterdit aux mineurs et qu'il y avait deschoses que je ne devais pas savoir. En ce

    moment je devais avoir sept ans ou peut-tre huit, je ne peux pas vous dire juste

    parce que je n'ai pas t dat, comme vousallez voir quand on se connatra mieux, sivous trouvez que a vaut la peine.

    - Monsieur Hamil, pourquoi ne merpondez-vous pas ?

    - Tu es bien jeune et quand on est trsjeune, il y a des choses qu'il vaut mieux

    ne pas savoir.- Monsieur Hamil, est-ce qu'on peut vivre

    sans amour ?

    - Oui, dit-il, et il baissa la tte comme s'ilavait honte.

    Je me suis mis pleurer. Pendantlongtemps, je n'ai pas su que j'tais arabe

    parce que personne ne m'insultait. On mel'a seulement appris l'cole. Mais je ne

    me battais jamais, a fait toujours malquand on frappe quelqu'un.

    Madame Rosa tait ne en Pologne commejuive mais elle s'tait dfendue au Maroc eten Algrie pendant plusieurs annes et ellesavait l'arabe comme vous et moi. Ellesavait aussi le juif pour les mmes raisonset on se parlait souvent dans cette langue.

    La plupart des autres locataires del'immeuble taient des Noirs. Il y a trois

    foyers noirs rue Bisson et deux autres oils vivent par tribus, comme ils font a enAfrique. Il y a surtout les Sarakoll , quisont les plus nombreux et les Toucouleurs,qui sont pas mal non plus. Il y a beaucoupd'autres tribus rue Bisson mais je n'ai pasle temps de vous les nommer toutes. Lereste de la rue et du boulevard deBelleville est surtout juif et arabe. acontinue comme a jusqu' la Goutte d'Oret aprs c'est les quartiers franais quicommencent.

    1Robe longue porte en Afrique du Nord

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    Questionnaire 1re partie

    Momo estime que Mme Rosa

    1. souffre injustement de son poids ?

    2. se plaint de tout ?3. n'aurait pas d habiter un "6me pied" ?4. devrait, vu sa sant, bnficier de l'ascenseur ?

    Momo a souffert d'apprendre que

    1. Mme Rosa n'tait pas sa mre ?2. Mme Rosa s'occupait de lui moyennant paiement ?3. Mme Rosa tait "quelqu'un pour lui" ?4. Mme Rosa reoit tous les mois un mandat ?

    Momo pleure auprs de Mme Rosa

    1. parce qu'il "est pay" ?2. pour un mot malheureux de Mme Rosa ?3. parce que des chiens sont abandonns ?4. parce qu'il est triste ?

    M. Hamil a

    1. 50 ans ?2. 60 ans ?3. plus de 60 ans ?4. 90 ans ?

    M. Hamil sourit toujours parce que

    1. il n'a pas oubli Djamila ?2. il a aim une jeune femme ?3. Dieu tient la gomme effacer ?4. Djamila est partie ?

    Momo pleure auprs de M. Hamil parce que

    1. M. Hamil est honteux ?2. il n'a rien compris ?3. M. Hamil ne lui rpond pas ?4. il craint de devoir vivre sans Mme Rosa

    Momo considre qu'il habite1. un quartier arabe ?2. un quartier parisien, Belleville ?3. un quartier noir, juif et arabe ?4. La Goutte d'Or ?

    M. Hamil porte une jellaba

    1. par conviction religieuse ?2. parce qu'il est marchand de tapis ambulant ?3. par amour pour Djamila ?4. par opposition aux Franais ?

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    Extrait n 2 : Ma mre

    Au dbut je ne savais pas que je n'avais pasde mre et je ne savais mme pas qu'il enfallait une. Madame Rosa vitait d'en

    parler pour ne pas me donner des ides. Jene sais pas pourquoi je suis n et qu'est-cequi s'est pass exactement.

    Mon copain le Mahoute qui a plusieursannes de plus que moi m'a dit que c'est lesconditions d'hygine qui font a. Lui taitn la Casbah Alger et il tait venu enFrance seulement aprs. Il n'y avait pasencore d'hygine la Casbah et il tait n

    parce qu'il n'y avait ni bidet ni eau potableni rien. Le Mahoute a appris tout cela plus

    tard, quand son pre a cherch se justifieret lui a jur qu'il n'y avait aucune mauvaisevolont chez personne. Le Mahoute m'a ditque les femmes qui se dfendent ontmaintenant une pilule pour l'hygine maisqu'il tait n trop tt.

    Il y avait chez nous pas mal de mres quivenaient une ou deux fois par semainemais c'tait toujours pour les autres. Noustions presque tous des enfants de puteschez Madame Rosa, et quand elles

    partaient plusieurs mois en province pourse dfendre l-bas, elles venaient voir leursmmes avant et aprs. C'est comme a que

    j'ai commenc avoir des ennuis avec mamre.

    Il me semblait que tout le monde en avaitune sauf moi, J'ai commenc avoir descrampes d'estomac et des convulsions pourla faire venir. Il y avait sur le trottoir d'enface un mme qui avait un ballon et quim'avait dit que sa mre venait toujoursquand il avait mal au ventre. J'ai eu mal auventre mais a n'a rien donn et ensuite j'aieu des convulsions, pour rien aussi. J'aimme chi partout dans l'appartement pour

    plus de remarque. Rien. Ma mre n'est pasvenue et Madame Rosa m'a trait de culd'Arabe pour la premire fois, car ellen'tait pas franaise.

    Je lui hurlais que je voulais voir ma mreet pendant des semaines j'ai continu chier partout pour me venger. MadameRosa a fini par me dire que si je continuais

    c'tait l'Assistance publique et l j'ai eupeur, parce que l'Assistance publique c'estla premire chose qu'on apprend aux

    enfants.

    J'ai continu chier pour le principe maisce n'tait pas une vie. On tait alors septenfants de putes en pension chez MadameRosa et ils se sont tous mis chier quimieux mieux car il n'y a rien de plusconformiste(1)que les mmes et il y avaittant de caca partout que je passais inaperul-dedans.

    Madame Rosa tait dj vieille et fatiguemme sans a et elle le prenait trs mal

    parce qu'elle avait dj t perscutecomme Juive. Elle grimpait ses six tages

    plusieurs fois par jour avec ses quatre-vingt-quinze kilos et ses deux pauvres

    jambes et quand elle entrait et qu'ellesentait le caca, elle se laissait tomber avecses paquets dans son fauteuil et elle semettait pleurer car il faut la comprendre.

    Les Franais sont cinquante millions

    d'habitants et elle disait que s'ils avaienttous fait comme nous mme les Allemandsn'auraient pas rsist, ils auraient foutu lecamp.

    Madame Rosa avait bien connul'Allemagne pendant la guerre mais elle entait revenue. Elle entrait, elle sentait lecaca, et elle se mettait gueuler "C'estAuschwitz ! C'est Auschwitz !", car elleavait t dporte(2) Auschwitz(3) pour

    les Juifs. Mais elle tait toujours trscorrecte sur le plan raciste. Par exemple ily avait chez nous un petit Mose qu'elletraitait de sale bicot mais jamais moi. Je neme rendais pas compte l'poque quemalgr son poids elle avait de ladlicatesse. J'ai finalement laiss tomber,

    parce que a ne donnait rien et ma mre nevenait pas mais j'ai continu avoir descrampes et des convulsions pendant

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    longtemps et mme maintenant a me faitparfois mal au ventre.

    Aprs j'ai essay de me faire remarquerautrement. J'ai commenc chaparder dansles magasins, une tomate ou un melon

    l'talage. J'attendais toujours que quelqu'unregarde pour que a se voie. Lorsque lepatron sortait et me donnait une claque jeme mettais hurler, mais il y avait quandmme quelqu'un qui s'intressait moi.Une fois, j'tais devant une picerie et j'aivol un oeuf l'talage. La patronne taitune femme et elle m'a vu.

    Je prfrais voler l o il y avait unefemme car la seule chose que j'tais sr,c'est que ma mre tait une femme, on ne

    peut pas autrement. J'ai pris un oeuf et jel'ai mis dans ma poche. La patronne estvenue et j'attendais qu'elle me donne unegifle pour tre bien remarqu. Mais elles'est accroupie ct de moi et elle m'acaress la tte.

    Elle m'a mme dit : - Qu'est-ce que tu esmignon, toi !

    J'ai d'abord pens qu'elle voulait ravoir sonoeuf par les sentiments et je l'ai bien garddans ma main, au fond de ma poche. Ellen'avait qu' me donner une claque pour me

    punir, c'est ce qu'une mre doit faire quandelle vous remarque. Mais elle s'est leve,elle est alle au comptoir et elle m'a donnencore un oeuf. Et puis elle m'a embrass.J'ai eu un moment d'espoir que je ne peux

    pas vous dcrire parce que ce n'est paspossible. Je suis rest toute la matinedevant le magasin attendre. Je ne sais pasce que j'attendais. Parfois la bonne femmeme souriait et je restais l avec mon oeuf la main. J'avais six ans ou dans lesenvirons et je croyais que c'tait pour lavie, alors que c'tait seulement un oeuf. Jesuis rentr chez moi et j'ai eu mal au ventretoute la journe.

    Madame Rosa tait la police pour unfaux tmoignage que Madame Lola luiavait demand. Madame Lola tait unetravestie de quatrime tage qui travaillaitau Bois de Boulogne et qui avait tchampion de boxe au Sngal avant detraverser et elle avait assomm un client auBois qui tait mal tomb comme sadique,

    parce qu'il ne pouvait pas savoir.

    Madame Rosa tait alle tmoigner qu'elleavait t au cinma avec Madame Lola cesoir-l et qu'aprs elles ont regard latlvision ensemble. Je vous parleraiencore plus de Madame Lola, c'taitvraiment une personne qui n'tait pascomme tout le monde car il y en a. Jel'aimais bien pour a.

    1Qui se soumet aux rgles tablies, qui copie sans

    originalit...2prisonnier dans un camp de concentration

    3camp de concentration nazi tristement clbre

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    Questionnaire 2e partie

    Momo pense qu'il est n

    1. par manque d'hygine ?

    2. parce que la pilule n'existait pas ?3. par manque d'eau potable ?4. Il ne le sait pas

    J'ai commenc avoir des ennuis avec ma mre Que veut dire Momo dans cette

    phrase ?1. Tout le monde a une mre, sauf lui2. Sa mre le gronde sans arrt3. Sa mre l'a abandonn4. Sa mre ne vient jamais le voir

    Les enfants de Mme Rosa en souillant l'appartement de leurs excrments

    1. manifestent leur manque d'affection ?2. imitent Momo ?3. cachent la faute de Momo ?4. chassent les Allemands ?

    Pourquoi Mme Rosa se met-elle crier : "C'est Auschwitz !"

    1. parce qu'elle devient folle ?2. parce qu'elle a peur d'y retourner ?3. parce qu'elle est raciste ?4. parce que l'odeur du caca lui rappelle le camp de concentration ?

    Momo essaie de se faire remarquer autrement en

    1. volant dans les magasins2. hurlant comme un fou3. en donnant des claques aux autres enfants4. en souriant tout le monde

    Momo considre qu'une gifle est

    1. une marque d'affection ?2. une marque d'intrt ?3. une punition pour chapardage ?4. une rcompense ?

    Momo espre1. que l'picire est sa mre ?2. recevoir d'autres oeufs ?3. que l'picire le punira ?4. que l'picire ne reprendra pas ses oeufs ?

    Qui est Madame Lola

    1. un agent de police ?2. un boxeur ?3. une travestie ?4. un sadique ?

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    Extrait n 3 : Ma mre (suite)

    Les gosses sont tous trs contagieux.Quand il y en a un, c'est tout de suite lesautres. On tait alors sept chez Madame

    Rosa, dont deux la journe, queMonsieur Moussa l'boueur bien connudposait au moment des ordures sixheures du matin, en absence de sa femmequi tait morte de quelque chose. Il lesreprenait dans l'aprs-midi pour s'enoccuper.

    Il y avait Mose qui avait encore moinsd'ge que moi, Banania qui se marrait toutle temps parce qu'il tait n de bonnehumeur, Michel qui avait eu des parents

    vietnamiens et que Madame Rosa n'allaitpas garder un jour de plus depuis un anqu'on ne la payait pas.

    Cette Juive tait une brave femme maiselle avait des limites. Ce qui se passaitsouvent, c'est que les femmes qui sedfendaient allaient loin o c'tait trs bien

    pay et il y avait beaucoup de demande etelles confiaient leur gosse Madame Rosa

    pour ne plus revenir. Elles partaient etplouf.

    Tout a, c'est des histoires de mmes quin'avaient pas pu se faire avorter temps etqui n'taient pas ncessaires. MadameRosa les plaait parfois dans des famillesqui se sentaient seules et qui taient dans le

    besoin, mais c'tait difficile car il y a deslois.

    Quand une femme est oblige de sedfendre, elle n'a pas le droit d'avoir la

    puissance paternelle, c'est la prostitution

    qui veut a. Alors elle a peur d'tre dchueet elle cache son mme pour ne pas le voirconfi. Elle le met en garderie chez des

    personnes qu'elle connat et o il y a ladiscrtion assure. Je ne peux pas vous diretous les enfants de putes que j'ai vus passerchez Madame Rosa, mais il y en avait peucomme moi qui taient l titre dfinitif.Les plus longs aprs moi, c'taient Mose,Banania et le Vietnamien, qui a tfinalement pris par un restaurant rueMonsieur le Prince et que je ne

    reconnatrais plus si je le rencontraismaintenant, tellement c'est loin.Quand j'ai commenc rclamer ma mre,Madame Rosa m'a trait de petit

    prtentieux et que tous les Arabes taientcomme a, on leur donne la main, ilsveulent tout le bras. Madame Rosa n'tait

    pas comme a elle-mme, elle le disaitseulement cause des prjugs et je savais

    bien que j'tais son prfr. Quand je memettais gueuler, les autres se mettaient gueuler aussi et Madame Rosa s'est trouveavec sept gosses qui rclamaient leur mre

    avec des hurlements qui mieux mieux etelle a fait une vritable crise d'hystrie(1)collective.

    Elle s'arrachait les cheveux qu'elle n'avaitdj pas et elle avait des larmes quicoulaient d'ingratitude. Elle s'est cach levisage dans les mains et a continu

    pleurer mais cet ge est sans piti. Il yavait mme du pltre qui tombait du mur,

    pas parce que Madame Rosa pleurait,c'tait seulement des dgts matriels.

    Madame Rosa avait des cheveux gris quitombaient eux aussi parce qu'ils n'ytenaient plus tellement.

    Elle avait trs peur de devenir chauve, c'estune chose terrible pour une femme qui n'a

    plus grand-chose d'autre. Elle avait plus defesses et de seins que n'importe qui etquand elle se regardait dans le miroir ellese faisait de grands sourires, comme si ellecherchait se plaire.

    Dimanche elle s'habillait des pieds latte, mettait sa perruque rousse et allaits'asseoir dans le square Beaulieu et restaitl pendant plusieurs heures avec lgance.Elle se maquillait plusieurs fois par jourmais qu'est-ce que vous voulez y faire.Avec la perruque et le maquillage a sevoyait moins et elle mettait toujours desfleurs dans l'appartement pour que ce soit

    plus joli autour d'elle. Quand elle s'estcalme, Madame Rosa m'a tran au petitendroit et m'a trait de meneur et elle m'a

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    dit que les meneurs taient toujours punisde prison.

    Elle m'a expliqu que ma mre voyait toutce que je faisais et que si je voulais laretrouver un jour, je devais avoir une vie

    propre et honnte, sans dlinquancejuvnile(2). Le petit endroit tait encoreplus petit que a et Madame Rosa n'y tenaitpas tout entire, cause de son tendue etc'tait mme curieux combien il y en avait

    pour une personne si seule.

    Je crois qu'elle devait se sentir encore plusseule, l-dedans. Lorsque les mandatscessaient d'arriver pour l'un d'entre nous,Madame Rosa ne jetait pas le coupable

    dehors. C'tait le cas du petit Banania, sonpre tait inconnu et on ne pouvait rien luireprocher; sa mre envoyait un peud'argent tous les six mois et encore.Madame Rosa engueulait Banania maiscelui-ci s'en foutait parce qu'il n'avait quetrois ans et des sourires. Je pense queMadame Rosa aurait peut-tre donnBanania l'Assistance mais pas son sourireet comme on ne pouvait pas l'un sansl'autre, elle tait oblige de les garder tousles deux. C'est moi qui tais charg deconduire Banania dans les foyers africainsde la rue Bisson pour qu'il voie du noir,Madame Rosa y tenait beaucoup.

    - Il faut qu'il voie du noir, sans a, plustard, il va pas s'associer. Je prenaisdonc Banania et je le conduisais ct.Il tait trs bien reu car ce sont despersonnes dont les familles sontrestes en Afrique et un enfant, a faittoujours penser un autre.

    Madame Rosa ne savait pas du tout siBanania qui s'appelait Tour tait unMalien ou un Sngalais ou un Guinen ou

    autre chose, sa mre se dfendait rue Saint-Denis avant de partir en maison Abidjanet ce sont des choses qu'on ne peut passavoir dans le mtier. Mose tait aussi trsirrgulier mais l Madame Rosa taitcoince parce que l'Assistance publique ils

    pouvaient pas se faire a entre Juifs. Pourmoi, le mandat de trois cents francs arrivaitchaque dbut de mois et j'taisinattaquable.

    Je crois que Mose avait une mre etqu'elle avait honte, ses parents ne savaientrien et elle tait d'une bonne famille et puisMose tait blond avec des yeux bleus etsans le nez signaltique et c'taient desaveux spontans, il n'y avait qu' leregarder. Mes trois cents francs par mois

    rubis sur ongle(3) infligeaient MadameRosa du respect mon gard. j'allais surmes dix ans, j'avais mme des troubles de

    prcocit parce que les Arabes bandenttoujours les premiers. Je savais donc que jereprsentais pour Madame Rosa quelquechose de solide et qu'elle y regarderait deux fois avant de faire sortir le loup des

    bois. C'est ce qui s'est pass dans le petitendroit quand j'avais six ans. Vous me

    direz que je mlange les annes, mais cen'est pas vrai, et je vous expliquerai quanda me viendra comment j'ai brusquement

    pris un coup de vieux.

    1ici, folie

    2qui appartient la jeunesse

    3payer immdiatement et compltement ce que l'on doit

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    Questionnaire 3e partie

    "Les gosses sont trs contagieux. Quand il y en a un,...":Momo veut signifier que

    1. les maladies infantiles se propagent facilement ?

    2. les enfants sont sensibles aux maladies ?3. Le nombre des enfants augmente dans l'appartement ?4. un seul suffit condamner les autres ?

    Les locataires les plus anciens de Mme Rosa sont

    1. Moussa, Mose et Michel ?2. Mose, Banania et Michel ?3. Deux Vietnamiens et un juif ?4. Un juif, un noir, un Arabe ?

    3. Momo explique le grand nombre d'enfants chez Mme Rosa par

    1. les limites de Mme Rosa ?2. le manque d'argent de leur mre ?3. le bon cur de Mme Rosa ?4. le dpart sans retour de leur mre ?

    Quand Momo rclame sa mre, Mme Rosa

    1. le traite de prtentieux ?2. se met gueuler ?3. fait une vritable crise d'hystrie collective ?4. s'arrache les cheveux ?

    Mme Rosa compense sa laideur par

    1. l'lgance ?2. des sourires ?3. une perruque, un maquillage, des fleurs autour d'elle ?4. en s'asseyant dans le square Beaulieu ?

    Mme Rosa ne chasse pas Banania

    1. parce que ses mandats sont verss rgulirement ?

    2. parce que l'Assistance n'en aurait pas voulu ?3. cause des foyers noirs de la rue Bisson ?4. cause de son sourire ?

    Momo estime qu'il inspire du respect Mme Rosa parce que

    1. les mandats sont rguliers ?2. il va sur ses dix ans ?3. elle a peur de lui ?4. il est prcoce ?

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    Extrait n 4: Le chien

    Je me suis fait un vrai malheur avec cechien. Je me suis mis l'aimer comme c'est

    pas permis. Les autres aussi, sauf peut-tre

    Banania, qui s'en foutait compltement, iltait dj heureux comme a, sans raison,j'ai encore jamais vu un Noir heureux avecraison. Je tenais toujours le chien dans mes

    bras et je n'arrivais pas lui trouver unnom. Chaque fois que Je pensais Tarzanou Zorro je sentais qu'il y avait quelque

    part un nom qui n'avait encore personne etqui attendait.

    Finalement j'ai choisi Super mais soustoutes rserves, avec possibilit de changer

    si je trouvais quelque chose de plus beau.J'avais en moi des excs accumuls et j'aitout donn Super. Je sais pas ce que

    j'aurais fait sans lui, c'tait vraimenturgent, j'aurais fini en tle, probablement.Quand je le promenais, je me sentaisquelqu'un parce que j'tais tout ce qu'ilavait au monde. Je l'aimais tellement que jel'ai mme donn. J'avais dj neuf ans ouautour et on pense dj, cet age, sauf

    peut-tre quand on est heureux. Il faut direaussi sans vouloir vexer personne que chez

    Madame Rosa, c'tait triste, mme quandon a l'habitude.

    Alors lorsque Super a commenc grandirpour moi au point de vue sentimental, j'aivoulu lui faire une vie, c'est ce que j'auraisfait pour moi-mme, si c'tait possible. Jevous ferai remarquer que ce n'tait pasn'importe qui non plus, mais un caniche. Ily a une dame qui a dit :

    - Oh le beau petit chien !

    et qui m'a demand s'il tait moi et vendre. J'tais mal fringu, j'ai une tte pasde chez nous et elle voyait bien que c'taitun chien d'une autre espce. Je lui ai venduSuper pour cinq cents francs et il faisaitvraiment une affaire.

    J'ai demand cinq cents francs la bonnefemme parce que je voulais tre sr qu'elleavait les moyens. Je suis bien tomb, elleavait mme une voiture avec chauffeur etelle a tout de suite mis Super dedans, aucas o j'aurais des parents qui allaient

    gueuler. Alors maintenant je vais vousdire, parce que vous n'allez pas me croire.J'ai pris les cinq cents francs et je les ai

    foutus dans une bouche d'gout. Aprs jeme suis assis sur un trottoir et chialcomme un veau avec les poings dans lesyeux mais j'tais heureux.

    Chez Madame Rosa, il y avait pas lascurit et on ne tenait tous qu' un fil,avec la vieille malade, sans argent et avecl'Assistance publique sur nos ttes et c'tait

    pas une vie pour un chien. Quand je suisrentr la maison et que je lui ai dit que

    j'ai vendu Super pour cinq cents francs et

    que j'ai foutu l'argent dans une bouched'gout, Madame Rosa a eu une peurbleue, elle m'a regard et elle a courus'enfermer double cl dans sa piaule.

    Aprs a, elle s'enfermait toujours clpour dormir, des fois que je lui couperaisla gorge encore une fois. Les autres mmesont fait un raffut terrible quand ils ont su,

    parce qu'ils n'aimaient pas vraiment Super,c'tait seulement pour jouer. On tait alorsun tas, sept ou huit. Il y avait Salima, que

    sa mre avait russi sauver quand lesvoisins l'ont dnonce comme pute surtrottoir et qu'elle a eu une descente del'Assistance sociale pour indignit. Elle ainterrompu le client et elle a pu faire sortirSalima qui tait la cuisine par la fentreau rez-de-chausse et l'a cache pendanttoute la nuit dans une poubelle.

    Elle est arrive chez Madame Rosa lematin avec la mme qui sentait l'orduredans un tat d'hystrie. Il y avait aussi de

    passage Antoine qui tait un vrai Franaiset le seul d'origine et on le regardait tousattentivement pour voir comment c'est fait.Mais il n'avait que deux ans, alors onvoyait pas grand-chose. Et puis je ne mesouviens plus qui, a changeait tout letemps avec les mres qui venaientreprendre leurs mmes.

    Madame Rosa disait que les femmes qui sedfendent n'ont pas assez de soutien moralcar souvent les proxntes ne font plus leurmtier comme il faut. Elles ont besoin de

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    leurs enfants pour avoir une raison devivre. Elles revenaient souvent quand ellesavaient un moment ou qu'elles avaient unemaladie et partaient la campagne avecleur mioche pour en profiter.

    J'ai jamais compris pourquoi on ne permetpas aux putes catalogues d'lever leurenfant, les autres ne se gnent pas.Madame Rosa pensait que c'est cause del'importance du cul en France, qu'ils n'ont

    pas ailleurs. a prend ici des proportionsqu'on peut pas imaginer, quand on ne l'a

    pas vu.

    Madame Rosa disait que le cul c'est cequ'ils ont de plus important en France avecLouis XIV et c'est pourquoi les prostitues,comme on les appelle, sont perscutes car

    les honntes femmes veulent l'avoiruniquement pour elles. Moi j'ai vu cheznous des mres pleurer, on les avaitdnonces la police comme quoi ellesavaient un mme dans le mtier qu'ellesfaisaient et elles mouraient de peur.

    Madame Rosa les rassurait, elle leurexpliquait qu'elle avait un commissaire de

    police qui tait lui-mme un enfant de pute

    et qui la protgeait et qu'elle avait un Juifqui lui faisait des faux papiers que

    personne ne pouvait dire, tellement ilstaient authentiques. J'ai jamais vu ce Juifcar Madame Rosa le cachait. Ils s'taientconnus dans le foyer juif en Allemagne oils n'ont pas t extermins par erreur et ilsavaient jur qu'on les y reprendrait plus.

    Le Juif tait quelque part dans un quartierfranais et il se faisait des faux papierscomme un fou. C'est par ses soins queMadame Rosa avait des documents qui

    prouvaient qu'elle tait quelqu'un d'autre,comme tout le monde. Elle disait qu'aveca, mme les Israliens auraient rien pu

    prouver contre elle. Bien sr, elle n'taitjamais tout fait tranquille l-dessus carpour a il faut tre mort. Dans la vie c'est

    toujours la panique.

    Je vous disais donc que les mmes ontgueul pendant des heures quand j'ai donnSuper pour assurer son avenir qui n'existait

    pas chez nous, sauf Banania, qui tait trscontent, comme toujours. Moi je vous disque ce salaud-l n'tait pas de ce monde, ilavait dj quatre ans et il tait encorecontent.

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    Questionnaire 4e partie

    Que veut dire la phrase

    :"Je me suis fait un vrai malheur avec ce chien"?

    1. Ce chien m'a port malheur

    2. Ce chien n'avait pas de nom3. Ce chien m'a apport beaucoup de satisfaction4. Ce chien m'a mordu cruellement

    Quel nom donne-t-il son chien ?

    1. Tarzan2. Zorro3. Super4. Bobby

    A quelle race appartenait le chien ?

    1. Caniche2. Boxer3. Doberman4. Cocker

    Que veut dire l'expression:"Je voulais tre sr qu'elle avait les moyens" ?

    1. Qu'elle avait assez d'argent pour entretenir le chien2. Qu'elle n'aimait pas les grands chiens3. Qu'elle avait deux autres chiens4. Qu'elle ne supportait pas les petits chiens.

    Quelle fut la raction des autres enfants quand Momo a vendu son chien ?

    1. Ils ont pleur de joie2. Ils ont fait un raffut terrible3. Ils ont regrett le chien4. Ils ont appel la police.

    "Les femmes qui se "dfendent" n'ont pas de soutien moral"veut dire :

    1. Elles ont peur de la police2. Personne ne les aide3. Leurs enfants ont honte d'elles4. Elles sont souvent malades.

    Qui protgeait Mme Rosa ?

    1. Un commissaire de police2. Un inspecteur de police3. Tous ses enfants4. Les Israliens.

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    Extrait n 5 : Le Docteur Katz

    La premire chose que Madame Rosa a faitle lendemain, c'tait de me traner chez le

    docteur Katz pour voir si je n'tais pasdrang. Madame Rosa voulait me fairefaire une prise de sang et chercher si jen'tais pas syphilitique comme Arabe, maisle docteur Katz s'est foutu tellement encolre que sa barbe tremblait, parce que j'aioubli de vous dire qu'il avait une barbe.

    Il a engueul Madame Rosa quelque chosede maison et lui a cri que c'taient desrumeurs d'Orlans. Les rumeurs d'Orlans,c'tait quand les Juifs dans le prt--porter

    ne droguaient pas les femmes blanchespour les envoyer dans les bordels et tout lemonde leur en voulait, ils font toujours

    parler d'eux pour rien. Madame Rosa taitencore toute remue.

    - Comment a s'est pass , exactement ?

    - Il a pris cinq cents francs et il les ajets dans une bouche d'gout.

    - C'est sa premire crise de violence ?

    Madame Rosa me regardait sans rpondreet j'tais bien triste. J'ai jamais aim fairede la peine aux gens, je suis philosophe. Ily avait derrire le docteur Katz un bateau voiles sur une chemine avec des ailestoutes blanches et comme j'taismalheureux, je voulais m'en aller ailleurs,trs loin, loin de moi, et je me suis mis lefaire voler, je montai bord et traversai lesocans d'une main sre. C'est l je crois

    bord du voilier du docteur Katz que je suisparti loin pour la premire fois.

    Jusque-l je ne peux pas vraiment dire quej'tais un enfant. Encore maintenant, quandje veux, je peux monter bord du voilierdu docteur Katz et partir loin seul bord.Je n'en ai Jamais parl personne et jefaisais toujours semblant que j'tais l.- Docteur, je vous prie d'examiner bien cetenfant. Vous m'avez dfendu les motions, cause de mon cur, et il a vendu ce qu'ilavait de plus cher au monde et il a jet cinq

    cents francs dans l'gout. Mme Auschwitz, on ne faisait pas a.

    Le docteur Katz tait bien connu de tousles Juifs et Arabes autour de la rue Bisson

    pour sa charit chrtienne et il soignait toutle monde du matin au soir et mme plustard. J'ai gard de lui un trs bon souvenir,c'tait le seul endroit o j'entendais parlerde moi et o on m'examinait comme sic'tait quelque chose d'important. Je venaissouvent tout seul, pas parce que j'taismalade, mais pour m'asseoir dans sa salled'attente. Je restais l un bon moment. Il

    voyait bien que j'tais l pour rien et quej'occupais une chaise alors qu'il y avait tantde misre dans le monde, mais il mesouriait toujours trs gentiment et n'tait

    pas fch.

    Je pensais souvent en le regardant que sij'avais un pre, ce serait le docteur Katzque j'aurais choisi.

    - Il aimait ce chien comme ce n'est paspermis, il le tenait dans ses bras mmepour dormir et qu'est-ce qu'il fait ? Il

    le vend et il jette l'argent. Cet enfantn'est pas comme tout le monde,docteur. J'ai peur d'un cas de foliebrusque dans sa famille.

    - Je peux vous assurer qu'il ne se passerarien, absolument rien, Madame Rosa.

    Je me suis mis pleurer. Je savais bienqu'il ne se passerait rien mais c'tait lapremire fois que j'entendais aouvertement.

    - Il n'y a pas lieu de pleurer, mon petitMohammed. Mais tu peux pleurer si ate fait du bien. Est-ce qu'il pleurebeaucoup ?

    - Jamais, dit Madame Rosa. Jamais il nepleure, cet enfant-l, et pourtant Dieusait que je souffre.

    - Eh bien, vous voyez que a va djmieux, dit le docteur. Il pleure. Il se

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    dveloppe normalement. Vous avez bienfait de me l'amener, Madame Rosa, jevais vous prescrire des tranquillisants.C'est seulement de l'anxit, chez vous.

    - Lorsqu'on s'occupe des enfants, il faut

    beaucoup d'anxit, docteur, sans a ilsdeviennent des voyous.

    En partant, on a march dans la rue la maindans la main, Madame Rosa aime se fairevoir en compagnie. Elle s'habille toujourslongtemps pour sortir parce qu'elle a t

    une femme et a lui est rest encore unpeu. Elle se maquille beaucoup mais asert plus rien de vouloir se cacher songe. Elle a une tte comme une vieillegrenouille juive avec des lunettes et del'asthme.

    Pour monter l'escalier avec les provisions,elle s'arrte tout le temps et elle dit qu'un

    jour elle va tomber morte au milieu,comme si c'tait tellement important definir tous les six tages.

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    Questionnaire 5e partie

    Pourquoi Mme Rosa pense-t-elle que Momo est

    "drang" ?

    1. Parce qu'il a vendu son chien2. Parce qu'il a jet l'argent dans l'gout3. Parce qu'il est un Arabe4. Parce qu'il est en colre.

    Que veut dire Momo par

    :"Je suis philosophe" ?

    1. Il n'aime pas les prises de sang2. Il n'aime pas faire souffrir les gens3. Il n'aime pas aller chez un mdecin4. Il n'aime pas les chiens.

    Que signifie

    : "Quand je veux, je peux monter bord du voilier du docteur Katz et partirloin seul bord" ?

    1. Momo aime les voyages en mer2. Momo est devenu l'ami du Docteur Katz3. Momo se met rver lorsqu'il est malheureux4. Momo part pour Auschwitz.

    Pourquoi le docteur Katz tait-il bien connu des Juifs et des Arabes ?

    1. Pour ses qualits humaines2. Pour ses qualits de mdecin3. Pour ses tarifs exagrs4. Pour ses colres racistes.

    Finalement, qui le docteur Katz prescrit-il des mdicaments ?

    1. Momo2. Mme Rosa3. aux enfants4. personne

    "Elle a t une femme"signifie :

    1. Elle a chang de sexe2. Elle est devenue vieille et laide3. Elle se maquille beaucoup4. Elle s'habille comme un homme

    A quoi compare-t-il Mme Rosa ?

    1. A une grosse patate2. A une citrouille3. A une vieille grenouille4. A une vieille toupie.

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    Allons plus loin

    Expression crite :

    Imagine que toi aussi tu embarques sur le voilier du Dr Katz. Raconte ton voyage.

    Noublie de prciser : O tu pars ? Pour quel motif ? Avec qui ? Ce que tu emporterais...

    Respecte le schma narratif.

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    Contrle gnral

    1. Lauteur:

    A. Sous quel pseudonyme Romain Gary a-t-il crit ce roman : La vie devant soi ?

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    B. Cite trois uvres importantes de Romain Gary Donne trois dates importantes dans sa vieet qui ont eu un impact sur son uvre.

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    2. Les diffrents personnages

    A. Mme Rosa: prcise les principaux traits de sa personnalit (traits physiques et caractre)

    et illustre-les par des extraits du texte prouvant tes dires.

    Traits physiques Traits de caractre

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    B. Momo: prcise les principaux traits de sa personnalit (traits physiques et caractre) etillustre-les par des extraits du texte prouvant tes dires.

    Traits physiques Traits de caractre

    3. Analyse du roman

    A. Quelle est lide principaleque lauteur de ce roman a voulu nous transmettre ? Justifie tarponse :

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    B. Le schma narratif: prcise

    Dans quel dcor se droule le roman : (lieu et poque) ?___________________________________________________________________________

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    Cite trois personnages secondaires ? Quel est leur rle dans le rcit ?Personnages secondaires Rle

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    Texte annexe: Pseudo - AJAR

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    S'est imagin plusieurs reprises tre un python afin d'chapper son caractre humain et sesoustraire ainsi aux responsabilits, obligations et culpabilits qu'il comporte. A tir de son tat depython un roman, Gros-Clin, s'utilisant ainsi lui-mme.

    C'est exact. J'ai mme t convi ce titre, le 29 novembre 1975, au Congrs national duMouvement contre le racisme et l'antismitisme, car les reptiles ont toujours t les premiers viss,comme dtests. Je n'ai pas pu m'y rendre, parce qu' ce moment-l j'avais t remis en cage

    Copenhague. Je remercie ici les organisateurs. [...]Je me suis remis crire.

    Comme vous voyez, je n'arrive pas m'en sortir. Je suis cern de tous cts, et c'est l'appartenance.

    J'ai la clinique un collgue qui a russi dchiffrer les hiroglyphes d'un dialecte gyptienprcolombien et qui s'est mis penser et parler dans cette langue nulle et non avenue, inconnue detous, sans prise en charge, et il a mme laiss certains hiroglyphes cuniformes non dchiffrs, pourplus d'espoir. Tant qu'ils demeurent inconnus, ils cachent peut-tre une rvlation d'authenticit, uneexplication et une rponse. C'est un homme heureux, car il croit ainsi connatre quelque chose qui estencore rest intact.

    Je n'observe pas la chronologie, l'ordre et les rgles, dans ce document, car j'ai lu assez de romanspoliciers pour savoir que l'ordre risque de mener les flics jusqu' moi et vous pensez bien que ce n'estpas pour cela que je me suis rfugi dans la clinique du docteur Christianssen, Copenhague.

    Je ne connais pas le danois, mais insuffisamment. Lorsque je sors, avec l'autorisation del'tablissement, et que je vais faire un tour dehors, les Danois se mettent me parler de l'Argentine,du Chili et de l'Irlande du Nord, avec des airs accusateurs. Les passants que je croise me murmurenten danois les horreurs qu'ils ont apprises sur mon compte.

    Vous me demanderez comment j'arrive comprendre ce qu'ils me disent dans une langue dont je neconnais pas un tratre mot.

    Vous me faites marrer.

    Je suis un linguiste-n. J'entends et je comprends mme le silence. C'est une langue particulirementeffrayante, et la plus facile comprendre. Les langues vivantes qui sont tombes dans l'oubli etl'indiffrence et que personne n'entend sont celles qui hurlent avec le plus d'loquence.

    Il y a aussi le grave problme de la respiration.

    On m'a intern pour la premire fois lorsque l'environnement a remarqu que je m'tais mis retenirma respiration mille fois, du matin au soir. D'abord on m'a cass la gueule, parce que c'tait insultant,un crime de lse-humanit, une profanation de Pascal, Jsus et Soljenitsyne. Mettons, par ordred'importance: de Soljenitsyne, de Jsus et de Pascal. C'tait un crachat la figure de l'humanit,c'est--dire la plus grande insulte qu'on puisse faire la littrature. J'tais alors communiste, mais jeme suis dsinscrit depuis, pour ne pas les compromettre, parce que je suis subversif. J'tais deboutsur le trottoir, il y avait du monde autour, ils ont vu que j'essayais de ne pas respirer le mme air

    qu'eux. Ils ont appel les flics pour injure la voie publique. Les flics, dans le fourgon, quand ils ont vuque je continuais ne pas respirer et mme me boucher le nez, m'ont cass la gueule pour outrageaux reprsentants des organes respiratoires dans l'exercice de leurs fonctions.

    Quand je me suis trouv devant le commissaire de police et que je suis rest l, retenant mon souffle, me boucher le nez et faire mon exercice d'hygine, il s'est foutu dans une rogne noire et il m'a ditqu'on n'tait pas en Argentine ou au Liban, ici, mais Cahors. a ne sentait pas la merde, le sang, lepus et le cadavre. Je pouvais respirer comme le genre humain l'exige.

    - Faut pas essayer de me la faire.

    Mais on n'tait pas seulement Cahors. On tait partout. Ce con-l ne paraissait mme pas se douterque Pinochet et Amin Dada, c'est vous et moi.

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    Texte annexe: Pseudo - AJAR

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    Faut pas essayer de me la faire. Il parat que c'est ce que le premier ovule a dit au premierspermatozode qui se prsentait, mais l'ovule tait sans dfense et le foutre a eu le premier mot.

    Aprs, je me suis fait Cahors de nouveaux ennemis, parce que j'ai voulu faire comme les conteursarabes: je m'arrtais dans la rue Clemenceau, le jour du march, et je racontais ma vie. Je me suisencore fait casser la gueule. Au poste, le commissaire Paternel m'a svrement mis en garde.

    - Mais qu'est-ce que j'ai fait, monsieur le commissaire? Je racontais ma vie, c'est tout.- Elle est dgueulasse, votre vie, Pavlowitch. Les gens sont indigns lorsque vous dbitez sur leurcompte des saloperies pareilles.

    - C'est une vie comme une autre, monsieur le commissaire.

    Le commissaire Paternel est devenu tout rouge.

    - Je vais te casser la gueule, espce de salaud!

    - C'est bien ce que je dis: une vie comme les autres.

    - Oui, eh bien, la vague de pornographie, il y en a marre. Vous n'avez qu' faire attention. Au moins,

    ayez un comportement de dingue. On vous foutra la paix.

    Je me suis mis faire pseudo-pseudo et on a cess de me remarquer.

    Parfois, j'allais des runions avec des copains au Caf de la Gare. Il y avait un plombier, uncomptable, un fonctionnaire. Bien sr, ils n'taient ni plombier, ni comptable, ni fonctionnaire. Ils sonttout autre chose. Mais personne ne s'en doute, ils simulent, ils font pseudo-pseudo huit heures parjour et on leur fout la paix. Ils vivent cachs l'intrieur et ne sortent que la nuit, dans leurs rves etdans leurs cauchemars. [...]

    J'ai sign le nouveau contrat comme le prcdent: mile Ajar. J'tais inquiet: a faisait deux fois quej'utilisais le mme nom, et j'ai une peur bleue de la mort. Mais le docteur Christianssen m'avaitrassur.

    - Allez-y. Le destin ne vous cherchera pas plus sous le nom d'Ajar que sous un autre. Il s'en fout. Ilbouffe tout. De toute faon, pour le destin, les noms, vous savez... Tous des pseudonymes. Votrepython, quand il bouffe une souris, il ne demande pas son nom. videmment, je sais que chez lesVikings, lorsque quelqu'un tait en danger de mort, on changeait solennellement son nom... Le destincherchait Carlos, il voyait Pedro. Les Vikings croyaient que la mort allait se tromper et que Carlosgurirait.

    J'avais quand mme pris des prcautions. Le premier contrat littraire, je l'avais fait signer par unchauffeur de taxi Rio. Comme a, si le destin s'acharnait, c'est le chauffeur de taxi brsilien quicoperait, et pas moi. Et puis, Rio, c'tait quand mme aussi loin de Cahors que possible. Il y avait lune chance de passer au travers, vu la distance, surtout lorsqu'on pense tous les salauds l-bas quiattendaient le chtiment, eux aussi.

    Je n'avais donc pas sign moi-mme le premier contrat, et je m'exerais pour le nouveau signermile Ajar, pour que a fasse convaincant. Je signais et re-signais, je n'arrivais plus m'arrter. ame fascinait. Simulateur, mythomane, parano et, maintenant, mgalomane. J'tais couvert.

    Le docteur Christianssen m'avait mis en garde, mais je me croyais assez fort. Aprs avoir signplusieurs centaines de fois, si bien que la moquette de ma piaule tait recouverte de feuilles blanchesavec mon pseudo qui rampait partout, je fus pris d'une peur atroce: la signature devenait de plus enplus ferme, de plus en plus elle-mme pareille, identique, telle quelle, de plus en plus fixe. Il tait l.Quelqu'un, une identit, un pige vie, une prsence d'absence, une infirmit, une difformit, unemutilation, qui prenait possession, qui devenait moi. mile Ajar.

    Je m'tais incarn.

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    Texte annexe: Pseudo - AJAR

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    J'tais fig, saisi, immobilis, tenu, coinc. J'tais, quoi. La peur, chez moi, fait tout chavirer. C'est toutde suite naufrage et panique bord avec SOS et absence universelle de chaloupes de sauvetage.

    Il nageait ct de moi et cherchait s'agripper ma manche. Et je voyais qu'il avait tout aussi peurd'tre Ajar que moi d'tre Pavlowitch. Et comme on avait tous les deux peur de la mort, c'tait lachiasse sans issue.

    Il se dbattait, essayait de se librer. Il avait six pattes, dans son effort de s'en sortir; trois ailes d'unetout autre espce, des cailles trs russies en ce qu'elles n'avaient rien d'humain, et de tout petitsttons roses et maternels, car il rvait un peu d'amour, malgr tout. Il essayait de se dptrer, d'tretoute autre chose, devenait un nnuphar tachet du rgne zoologique, mais il n'y arrivait pas plus quemoi, et avait beau faire a-dada, il ne s'en sortait pas plus que les surralistes. Il en tait,indubitablement, et fond perdu, si tant est qu'il en ait jamais eu un, avec tous les organes etlments dans un but de souffrance. Schizo comme pas possible, et gntique, au nom du Pre, dela Mre et du Fils: puant d'un ct, il se mettait rayonner de saintet de l'autre et, avec du sang pleinla gueule, il lui venait en mme temps des pomes d'amour l o normalement il n'y aurait d y avoirque sa bestialit foncire. Il russissait parfois, dans un prodigieux effort de vrit, avoir un trou ducul la place d'un orifice buccal, mais l, donc, o normalement il aurait d n'y avoir que de la merde,il lui sortait comme chez d'habiles fumeurs des auroles de saintet, de beaut et de martyre, qu'ilutilisait aussitt habilement pour cacher ses infamies. Il faisait des chefs-d'uvre avec des

    gargouillements d'agonie, et avec la puanteur de son souffle, il fabriquait des canulars quidgorgeaient une odeur que l'on aurait pu qualifier d'immortelle, si ce mot n'avait pas tant servi lcher le cul de la mort. La seule chose qu'il n'arrivait pas changer, c'tait ses organes dereproduction, car il faut que le pseudo-pseudo continue, faute d'Auteur.

    C'est en vain qu'Ajar essayait de se muer en salsifis, en asperge, en bidule, en plonasme aquatique,pour ne plus avoir honte de lui-mme et de son imposture.

    Pauvre con. Plus il essayait de ne pas tre un homme et plus il devenait humain.Ce texte est extrait de Pseudo d'Emile Ajar. Copyright Editions Mercure de France.

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    Analyse et contrles

    Le livreRsumUn jeune garon, Momo, est lev Belleville par une vieille femme, Madame Rosa,ancienne prostitue reconvertie dans la garde des enfants de prostitues.

    Madame Rosa va mal. Elle n'est pas tellement vieille mais la vie a t dure avec elle :juive, elle a t dporte Auschwitz, et il n'est pas facile d'lever une ribambelled'enfants venus de partout : juifs, musulmans, chrtiens, blancs, noirs, jaunes, quand ilfaut pour cela monter les courses sur six tages sans ascenseur. Momo, qui est sonprfr, l'aide, sans doute, mais malgr a, c'est difficile.

    Viendra un moment o Madame Rosa deviendra snile et o les mdecins voudront latransporter l'hpital pour la maintenir en vie. Momo aidera alors Madame Rosa dfendre son "droit sacr des peuples disposer d'eux-mmes", c'est--dire mourir.

    Les personnagesMomo, en vrit Mohammed, est un enfant qui croit avoir dix ans mais qui en a en faitquatorze. Il est le fils prsum de Monsieur Yossef Kadir et d'une prostitue, tue parce dernier lors d'une crise de folie. Mais cela, Momo ne l'apprendra que tardivement,lorsqu'il rencontrera son pre pour la premire et dernire fois puisque celui-ci, qui taitdans un asile depuis 11 ans, dcdera sans avoir pu reconnatre son fils.

    Momo ayant t spar de sa mre trois ans, il a t lev par Madame Rosa, lev dansl'Islam puisque c'est cette condition qu'il lui avait t confi. Momo, nanmoins,connat l'hbreu et le yiddish, ce qui cause une certaine surprise ceux qui le ctoient.

    An des enfants levs par Madame Rosa, Momo joue le rle du grand frre. Il l'assumetrs bien mais n'en rve pas moins une autre vie, dans laquelle, devenu adulte, il seraitpuissant, c'est--dire policier, terroriste ou crivain, comme Victor Hugo. Pour l'heure,cependant, il rflchit la vie : la sienne, celle de Madame Rosa, celles despersonnes qui l'environnent.

    Madame Rosa a soixante-cinq ans. C'est une juive polonaise, devenue prostitue enAfrique du Nord, revenue en France, dporte Auschwitz. A son retour des camps,Madame Rosa a continu faire le trottoir pendant quelques annes puis elle a cr unesorte de garderie pour lever les enfants de prostitues qui, sinon, auraient t placs l'Assistance publique.

    De la guerre, Madame Rosa a gard le souvenir des policiers franais qui sont, un jour,

    venus chez elle pour l'arrter et la conduire au Vel d'Hiv et une crainte des sonnettes quisonnent au petit matin. Depuis, elle s'est fait faire de nombreux faux papiers qui luipermettraient, le cas chant, de prouver qu'elle n'est pas ce qu'on croit qu'elle est. Elle agalement gard un portrait de Hitler qu'elle regarde dans ses jours de dsespoir pour sedire qu'elle a connu pire et une chambre amnage dans sa cave, ce qu'elle appelle son"trou juif", dans laquelle se rfugier en cas de pril.

    Avec le temps, la sant de Madame Rosa se dtriore. Son mdecin veut qu'elle aille l'hpital. Elle s'y refuse.

    Monsieur Hamil est un vieil arabe devenu presque aveugle qui fut, dans sa jeunesse,marchand de tapis ambulant, ce qui lui a permis de voir du pays. Il frquenteassidument le caf et Momo va souvent le voir pour bavarder avec lui.

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    Monsieur Hamil a deux passions : le Coran et la posie de Victor Hugo. Mais les deuxtextes lui sont si familiers qu'il les confond, attribuant au pote des versets du livre sacret celui-ci des vers du pote. Il aime beaucoup Momo.

    Le docteur Katzest le mdecin de Madame Rosa et de la maisonne. C'est un homme bon,qui comprend Madame Rosa, qui la rassure tout instant sur elle mme (elle craintd'avoir un cancer) et sur Momo (elle craint que, fils de son pre, "psychiatrique", il ne

    soit lui-mme "hrditaire"). Momo aime frquenter son cabinet.

    Le docteur Katz sait que Madame Rosa ne veut pas vieillir comme un lgume mais saconscience professionnelle lui interdit l'euthanasie. Il militera donc (mais sans zle) pourqu'elle aille l'hpital.

    Madame Lolaest une voisine de Madame Rosa. C'est un travesti qui se dfend au Bois deBoulogne aprs avoir t champion de Boxe au Sngal. Madame Lola est trs bonne etc'est elle qui aidera Momo et Madame Rosa lorsque celle-ci sera devenue impotente.

    Monsieur N'Da Amde est un proxnte, venu du Niger, souvent tout de rose vtu,portant diamant chaque doigt. Lui aussi aidera beaucoup Momo et Madame Rosa. Ilcontrle les vingt-cinq meilleurs mtres de Pigalle. Mais il finira dans la Seine, les doigts

    bagus coups.

    Bananiaest un jeune enfant lev un moment par Madame Rosa. Son nom lui vient dusourire ravi qu'il affiche tout moment. Momo est charg de promener Banania dans lesfoyers africains du quartier pour qu'il s'habitue.

    Moseest un autre enfant. Il est blond aux yeux bleus et juif.

    Nadine est une jeune femme qui travaille dans le cinma dont Momo fera la rencontrepar hasard. Elle est belle et gentille. Marie un professeur ( moins que ce ne soit unmdecin), mre de deux enfants, elle se prendra d'affection pour Momo. Il apparat, lafin du livre, que Momo va vivre chez elle.

    Monsieur Yossef Kadirest le pre de Momo. Proxnte, il a tu la mre de Momo dansune crise de folie et a t intern. Sorti de l'asile, il se prcipite chez Madame Rosa pourfaire la connaissance de son fils. Madame Rosa va lui prsenter Mose et dclarer qu'elles'est trompe et qu'elle a, par erreur, lev son fils dans la religion juive. Sous le coup del'motion, Monsieur Yossef Kadir va avoir une crise cardiaque et en dcder.

    Monsieur Waloumba est un voisin de Madame Rosa. Il connat les musiques magiquesd'Afrique et sera souvent mis contribution par Momo pour essayer de rendre la sant Madame Rosa.

    Arthurest un parapluie que Momo a habill en personne et qui est son ftiche.

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    Pistes pdagogiques :

    1. Choisissez votre personnage !

    Choisissez votre personnage et envoyez-lui un courrier (E-mail), posez-lui une question,mettez un commentaire ou entamez une conversation avec lui :

    a. Momo

    b. Madame Rosa

    c. Monsieur Hamil

    d. Madame Nadinee. Youssef Kadir

    f. Le Docteur Katz

    g. Arthur le parapluie

    2. Intgration pdagogique : ragir au texte

    A.Faire des liens

    Le lecteur fait des liens avec des expriences semblables dans sa propre vie.

    B.Sympathiser :

    Assumer le rle dun des personnages : dialogue, saynte, pome, etc

    C.crire une histoire :

    Rdiger une histoire vcue, vraie ou fictive, qui touche aux questions souleves dans letexte.

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    "La vie devant soi"mile Ajar

    Rsum

    C'est Belleville, au sixime sansascenseur, chez madame Rosa, unevieille Juive qui a connu Auschwitz,et qui autrefois, il y a bienlongtemps, "se dfendait" rueBlondel. Elle a ouvert "une pensionsans famille pour les gosses quisont ns de travers", autrementdit une crche clandestine o lesdames "qui se dfendent"

    abandonnent plus ou moins leursrejetons de toutes les couleurs.Momo, dix ans ou aux alentours,raconte sa vie chez Madame Rosaet son amour pour la seule mamanqui lui reste, cette anciennerespectueuse, grosse, virile, laide,sans cheveux, et qu'il aime de toutson cur - presque autant que son"parapluie Arthur", une poupequ'il s'est fabrique avec un vieux

    parapluie; il n'a pas de pre etchez Madame Rosa, les autresgosses s'appellent Mose, Banania

    ou Michel. Lorsque Madame Rosa meurt, il lui peint le visage au Ripolin, l'arrose des parfums qu'il avols et se couche prs d'elle pour mourir aussi.

    "Je m'appelle Mohammed mais tout le monde m'appelle Momo pour faire plus petit. Pendant longtempsje n'ai pas su que j'tais arabe parce que personne ne m'insultait. On me l'a seulement appris l'cole.

    La premire chose que je peux vous dire c'est qu'on habitait au sixime pied et que pour MadameRosa, avec tous ces kilos qu'elle portait sur elle et seulement deux jambes, c'tait une vraie source de

    vie quotidienne, avec tous les soucis et les peines. Elle nous le rappelait chaque fois qu'elle ne seplaignait pas d'autre part, car elle tait galement juive. Sa sant n'tait pas bonne non plus et jepeux vous dire aussi ds le dbut que c'tait une femme qui aurait mrit un ascenseur.

    Madame Rosa tait ne en Pologne comme Juive mais elle s'tait dfendue au Maroc et en Algriependant plusieurs annes et elle savait l'arabe comme vous et moi. Je devais avoir trois ans quand j'aivu Madame Rosa pour la premire fois. Au dbut je ne savais pas que Madame Rosa s'occupait de moiseulement pour toucher un mandat la fin du mois. Quand je l'ai appris, a m'a fait un coup de savoirque j'tais pay. Je croyais que Madame Rosa m'aimait pour rien et qu'on tait quelqu'un l'un pourl'autre. J'en ai pleur toute une nuit et c'tait mon premier grand chagrin.

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    Au dbut je ne savais pas que je n'avais pas de mre et je ne savais mme pas qu'il en fallait une.Madame Rosa vitait de m'en parler pour ne pas me donner des ides. On tait tantt six ou septtantt mme plus l-dedans. Il y avait chez nous pas mal de mres qui venaient une ou deux fois parsemaine mais c'tait toujours pour les autres.

    Nous tions presque tous des enfants de putes chez madame Rosa, et quand elles partaient plusieurs

    mois en province pour se dfendre l-bas, elles venaient voir leur mme avant et aprs. Il me semblaitque tout le monde avait une mre sauf moi. J'ai commenc avoir des crampes d'estomac et desconvulsions pour la faire venir.

    Une nuit j'ai entendu que Madame Rosa gueulait dans son rve, a m'a rveill et j'ai vu qu'elle selevait. Elle avait la tte qui tremblait et des yeux comme si elle voyait quelque chose. Puis elle estsortie du lit, elle a mis son peignoir et une cl qui tait cache sous l'armoire. Elle est alle dansl'escalier et elle l'a descendu. Je l'ai suivie. Je ne savais pas du tout ce qui se passait, encore moinsque d'habitude, et a fait toujours encore plus peur. J'avais les genoux qui tremblaient et c'taitterrible de voir cette Juive qui descendait les tages avec des ruses de Sioux comme si c'tait pleind'ennemis et encore pire. Quand madame Rosa a pris l'escalier de la cave, j'ai cru vraiment qu'elle

    tait devenue macaque et j'ai voulu courir rveiller le docteurKatz. Mais j'ai continu de la suivre. Lacave tait divise en plusieurs et une des portes tait ouverte. J'ai regard. Il y avait au milieu unfauteuil rouge compltement enfonc, crasseux et boiteux, et Madame Rosa tait assise dedans. Lesmurs, c'tait que des pierres qui sortaient comme des dents et ils avaient l'air de se marrer.

    Sur une commode, il y avait un chandelier avec des branches juives et une bougie qui brlait. Il y avait ma grande surprise un lit dans un tat bon jeter, mais avec matelas, couvertures et oreillers. Il yavait aussi des sacs de pommes de terre, un rchaud, des bidons et des botes carton pleines desardines. Madame Rosa est reste un moment dans ce fauteuil miteux et elle souriait avec plaisir. Elleavait pris un air malin et mme vainqueur. C'tait comme si elle avait fait quelque chose de trsastucieux et de trs fort. Puis elle s'est leve et elle s'est mise balayer. Je n'y comprenais rien,mais a faisait seulement une chose de plus. Quand elle est remonte, elle n'avait plus peur et moi nonplus, parce que c'est contagieux.

    Madame Rosa avait toujours peur d'tre tue dans son sommeil, comme si a pouvait l'empcher dedormir. Les gens tiennent la vie plus qu' n'importe quoi, c'est mme marrant quand on pense toutes les belles choses qu'il y a dans le monde.

    Madame Rosa se bourrait parfois de tranquillisants et passait la soire regarder droit devant elleavec un sourire heureux parce qu'elle ne sentait rien. Jamais elle ne m'en a donn moi. Quand ondevenait agits ou qu'on avait des mmes la journe qui taient srieusement perturbs, car aexiste, c'est elle qui se bourrait de tranquillisants. Alors l, on pouvait gueuler ou se rentrer dans lechou, a ne lui arrivait pas la cheville. C'est moi qui tais oblig de faire rgner l'ordre et a me

    plaisait bien parce que a me faisait suprieur.

    La seule chose qui pouvait remuer un peu Madame Rosa quand elle tait tranquillise c'tait si onsonnait la porte. Elle avait une peur bleue des Allemands. Lorsqu'elle avait trop peur elle dgringolaitjusqu' la cave comme la premire fois. Une fois je lui ai pos la question- Madame Rosa, qu'est-ce que c'est ici ? Pourquoi vous y venez, des fois au milieu de la nuit ? C'estquoi ? Elle a arrang un peu ses lunettes et elle a souri.- C'est ma rsidence secondaire, Momo. C'est mon trou juif. C'est l que je viens me cacher quand j'aipeur.-Peur de quoi Madame Rosa ?

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    - C'est pas ncessaire d'avoir des raisons pour avoir peur Momo. a, j'ai jamais oubli, parce que c'estla chose la plus vraie que j'aie jamais entendue.

    Madame Rosa avait des ennuis de cur et c'est moi qui faisais le march cause de l'escalier. Chaquematin, j'tais heureux de voir que Madame Rosa se rveillait car j'avais des terreurs nocturnes,j'avais une peur bleue de me trouver sans elle. Je devais aussi penser mon avenir, qui vous arrive

    toujours sur la gueule tt ou tard, parce que si je restais seul, c'tait l'Assistance publique sansdiscuter.

    Tout ce que je savais c'est que j'avais srement un pre et une mre, parce que l-dessus la natureest intraitable. Lorsque les mandats ont cess d'arriver et qu'elle n'avait pas de raisons d'tregentille avec moi j'ai eu trs peur. Il faut dire qu'on tait dans une sale situation. Madame Rosa allaitbientt tre atteinte par la limite d'ge et elle le savait elle-mme. Je pense que pour vivre, il faut s'yprendre trs jeune, parce qu'aprs on perd toute sa valeur et personne ne vous fera de cadeaux.

    Un jour que je me promenais j'ai rencontr Nadine. Elle sentait si bon que j'ai pens Madame Rosa,tellement c'tait diffrent. Elle m'a offert une glace la vanille et m'a donn son adresse. Elle m'a

    dit qu'elle avait des enfants et un mari, elle a t trs gentille.Lorsque je suis rentr j'ai bien vu que Madame Rosa s'tait encore dtriore pendant mon absence.Le docteur Katz est venu la voir et il a dit qu'elle n'avait pas le cancer, mais que c'tait la snilit, legtisme et qu'elle risquait de vivre comme un lgume pendant encore longtemps.

    Heureusement, on avait des voisins pour nous aider. Madame Lola qui habitait au quatrime sedfendait au bois de Boulogne comme travestie, et avant d'y aller elle venait toujours nous donner uncoup de main. Parfois elle nous refilait de l'argent et nous faisait la popote gotant la sauce avec despetits gestes et des mines de plaisir. Je lui disais "Madame Lola vous tes comme rien et personne" etelle tait contente. Il y avait aussi MonsieurWaloumbaqui est un noir du Cameroun qui tait venu enFrance pour la balayer. Un jour il est all chercher cinq copains et ils sont venus danser autour deMadame Rosa pour chasser les mauvais esprits qui s'attaquent certaines personnes ds qu'ils ont unmoment de libre.

    Un jour on a sonn la porte, je suis all ouvrir et il y avait l un petit mec avec un long nez quidescendait et des yeux comme on en voit partout mais encore plus effrays. Madame Rosa avait toutesa tte elle ce jour l, et c'est ce qui nous a sauvs. Le bonhomme nous a dit qu'il s'appelait KadirYossef, qu'il tait rest onze ans psychiatrique. Il nous a expliqu comment il avait tu sa femme qu'ilaimait la folie parce qu'il en tait jaloux. On l'avait soign et aujourd'hui il venait chercher son filsMohammed qu'il avait confi Madame Rosa il y avait de cela onze ans. Il se tourna vers moi et meregarda avec une peur bleue, cause des motions que a allait lui causer.- C'est lui ?

    -Mais Madame Rosa avait toute sa tte et mme davantage. Elle s'est ventile en silence et puis elles'est tourne vers Mose.-Mose, dis bonjour ton papa. Monsieur Yossef Kadir devint encore plus ple que possible.- Madame, je suis perscut sans tre juif. C'est fini, le monopole juif, Madame. Il y a d'autres gensque les Juifs qui ont le droit d'tre perscuts aussi. Je veux mon fils Mohammed Kadir dans l'tatarabe dans lequel je vous l'ai confi contre reu. Je ne veux pas de fils juif sous aucun prtexte, j'aiassez d'ennuis comme a.

    Madame Rosa lui a expliqu qu'il y avait sans doute eu erreur. Elle avait reu ce jour-l deux garonsdont un dans un tat musulman et un autre dans un tat juif.et qu'elle avait du se tromper dereligion. Elle lui a dit aussi que lorsqu'on laisse son fils pendant onze ans sans le voir, il faut pas

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    s'tonner qu'il devienne juif et que s'il voulait son fils il fallait qu'il le prenne dans l'tat dans lequel ilse trouvait. Mose a fait un pas vers Monsieur Youssef Kadir et celui-ci a dit une chose terrible pourun homme qui ne savait pas qu'il avait raison.- Ce n'est pas mon fils ! cria-t-il, en faisant un drame. Il s'est lev, il a fait un pas vers la porte, il aplac une main gauche l o on met le cur et il est tomb par terre comme s'il n'avait plus rien dire.

    Monsieur Youssef Kadir tait compltement mort, cause du grand calme qui s'empare sur leur visagedes personnes qui n'ont plus se biler. Les frres Zaouml'ont transport sur le palier du quatrimedevant la porte de Monsieur Charmette qui tait franais garanti d'origine et qui pouvait se lepermettre.

    Moi j'tais encore compltement renvers l'ide que je venais d'avoir d'un seul coup quatre ans deplus et je ne savais pas quelle tte faire, je me suis mme regard dans la glace. Avec Madame Rosa,on a essay de ne pas parler de ce qui venait d'arriver pour ne pas faire des vagues. Je me suis assis ses pieds et je lui ai pris la main avec gratitude, aprs ce qu'elle avait fait pour me garder. On taittout ce qu'on avait au monde et c'tait toujours a de sauv. Plus tard, elle m'a avou qu'elle voulait

    me garder le plus longtemps possible alors elle m'avait fait croire que j'avais quatre ans de moins.Maintenant le docteur Katz essayait de convaincre Madame Rosa pour qu'elle aille l'hpital. Moi,j'avais froid aux fesses en coutant le docteur Katz. Tout le monde savait dans le quartier qu'il n'taitpas possible de se faire avorter l'hpital mme quand on tait la torture et qu'ils taient capablesde vous faire vivre de force, tant que vous tiez encore de la barbaque et qu'on pouvait planter uneaiguille dedans. La mdecine doit avoir le dernier mot et lutter jusqu'au bout pour empcher que lavolont de Dieu soit faite. Madame Rosa est la seule chose au monde que j'aie aime ici et je ne vaispas la laisser devenir champion du monde des lgumes pour faire plaisir la mdecine.

    Alors j'ai invent que sa famille venait la chercher pour l'emmener en Isral. Le soir, j'ai aid MadameRosa descendre la cave pour aller mourir dans son trou juif. J'avais jamais compris pourquoi ellel'avait amnag et pourquoi elle y descendait de temps en temps, s'asseyait, regardait autour d'elle etrespirait. Maintenant je comprenais.

    J'ai mis le matelas ct d'elle, pour la compagnie mais j'ai pas pu fermer l'il parce que j'avais peurdes rats qui ont une rputation dans les caves, mais il n'y en avait pas. Quand je me suis rveillMadame Rosa avait les yeux ouverts mais lorsque je lui ai mis le portrait de Monsieur Hitlerdevant, ane l'a pas intresse. C'tait un miracle qu'on a pu descendre dans son tat.

    Je suis rest ainsi trois semaines ct du cadavre de Madame Rosa. Quand ils ont enfonc la portepour voir d'o a venait et qu'ils m'ont vu couch ct, ils se sont mis gueuler au secours quellehorreur mais ils n'avaient pas pens gueuler avant parce que la vie n'a pas d'odeur. Ils m'ont

    transport l'ambulance o ils ont trouv dans ma poche le papier avec le nom et l'adresse de Nadine.Ils ont cru qu'elle tait quelque chose pour moi. C'est comme a qu'elle est arrive et qu'elle m'a prischez elle la campagne sans aucune obligation de ma part. Je veux bien rester chez elle un bout detemps puisque ses mmes me le demandent. Le docteurRamon, son mari est mme all chercher monparapluie Arthur, je me faisais du mauvais sang car personne n'en voudrait cause de sa valeursentimentale, il faut aimer.

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    L'angoisse de madame Rosa est de mourir, d'tre oblige de vivre de force, l'hpital, transformeen lgume, comme ce comateux prolong 17 ans par les progrs de la mdecine, ce qui constitue jusqu'prsent un record du monde de longvit vgtative. Elle qui a connu les camps d'extermination craintque la mort ne soit plus mal administre par les bourreaux en blouse blanche que par les brutescasques qui ne respectaient aucune loi.

    Les mdecins ont le droit pour eux et, pour les victimes, c'est vraiment sans espoir. "Ils vont me fairesubir des svices pour m'empcher de mourir [.]. Ils vous en font baver jusqu'au bout et ils neveulent pas vous donner le droit de mourir, parce que a fait des privilgis.". Elle a donn son corpsaux clients toute sa vie, a suffit. Elle ne veut pas donner ce qu'il en reste la recherche mdicale.Les lois humaines sont pires que celles de la nature. "Ils ont des lois pour a. C'est des vraies lois deNuremberg.".

    Ce n'est pas tant la mort qui lui fait horreur que les conditions dgradantes de survie quil'accompagnent.

    Ajar n'est pas Zola. La socit n'est pas mise en accusation, malgr ses tares. C'est la vie qui est une

    chiennerie, le mal social n'en est que l'illustration. Pas question d'en faire un rcit engag. Malgr sesallures gauchistes Ajar est nettement moins "politique" que Gary. La vie devant soitraduit une vritintrieure, une philosophie de l'existence pas seulement propre aux apatrides : "On est jamais chez soisur terre". La socit est l uniquement comme dcor.

    Mais cette chiennerie de la vie n'est jamais vcue de faon dsespre ou haineuse. Il faut seulementfaire avec, quand on peut. L'humour involontaire et l'infinie tendresse de Momo l'gard des hommesnous font chapper la noirceur.

    Son regard vaut tous les maux de la mort et justifie l'optimisme du titre. Madame Rosa n'est jamaisseule. Ni Momo. Il y a toujours quelqu'un, quelque chose, ft-ce un parapluie, des rves..Personne nepeut vivre sans amour. Elle, elle a cet ultime tmoin qui l'empche de s'abandonner, cet enfant, qui nepeut renoncer aimer et s'invente des raisons d'aimer.

    La vieillesse et la mort sont aperues, vcues par un narrateur fondamentalement optimiste qui metdes couleurs roses sur les joues des agonisants et n'a pas encore peur du nant. C'est toutel'originalit dAjar : le vieillissement de Gary, ses angoisses, sa solitude, son refus de la dgradationsont dcrits travers le regard d'un autre. Un enfant.

    A propos du bonheur Momo dit "Moi, l'hrone je crache dessus. Les mmes qui se piquent deviennenttous habitus au bonheur et a ne pardonne pas, vu que le bonheur est connu pour ses tats de manque.Pour se piquer, il faut vraiment chercher tre heureux et il n'y a que les rois des cons qui ont desides pareilles. [] Je ne tiens pas tellement tre heureux, je prfre encore la vie. Le bonheur

    c'est une belle ordure et une peau de vache et il faudrait lui apprendre vivre. On est pas du mmebord lui et moi, et j'ai rien en foutre. J'ai encore jamais fait de politique, parce que a profitetoujours quelqu'un, mais le bonheur, il devrait y avoir des lois pour l'empcher de faire le salaud. Jene vais pas vous parler du bonheur parce que je ne veux pas faire une crise de violence, mais monsieurHamil dit que j'ai des dispositions pour l'inexprimable. Il dit que l'inexprimable, c'est l qu'il fautchercher et que c'est l que a se trouve "

    Dans La Vie devant soic'est toute une vision distancie de l'existence qui s'affiche, usant de cettelgitime dfense qu'est l'humour contre toutes les formes d'adversit, et principalement contre cetteinhumaine situation qu'est la condition humaine "qui nous fut impose de l'extrieur".

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    La vie devant soi mile AJAR

    Contrle gnral :

    1. Lauteur

    Quest-ce quun pseudonyme ?

    Quel est le vritable nom de lauteur de La vie devant soi ?

    Quel fameux prix littraire, lauteur a-t-il reu pour ce livre ?

    2. Le livre

    Dans quelle ville se droule lhistoire ?

    quelle poque le rcit se passe-t-il ?1950 1960 1970 1980 1990 2000 - 2010

    Quel est le narrateur ?Momo Mme Rosa M. Hamil lauteur on ne le sait pas

    Cite trois personnages principaux

    Donne le nom de trois personnages secondaires

    Qui est SUPER ?

    Pour quelle raison, Momo dcide-t-il de vendre son chien ?

    Qui sont les parents de Momo ?Pre = Mre =Pourquoi Mme Rosa ne peut-elle se sparer de Banania ?

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    3. Les personnages

    Quelle reprsentation mentale (physique et morale) te fais-tu de Mme Rosa ?

    Quelle image (physique et mentale) M. Hamil voque-t-il pour toi ?

    4. ExpressionTu envoies un E-mail Mme Rosa ou M. Hamil : explique-leur les sentiments que tu ressens leur gard.

    Mme Rosa ou M. Hamil te rpond :