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La Vénus d’Ille Prosper Mérimée Livret pédagogique correspondant au livre de l’élève n° 13 NOUVELLE ÉDITION 2017 établi par Dominique Fleur-Schulthess, agrégée de Lettres modernes, Claudine Zenou-Grinstein, agrégée de Lettres classiques, professeurs en collège, et par Claudine Grossir (groupement de textes et lectures d’images), maître de conférences

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La Vénus d’Ille

Prosper Mérimée

L i v r e t p é d a g o g i q u e correspondant au livre de l’élève n° 13

NOUVELLE ÉDITION 2017

établi par Dominique Fleur-Schulthess, agrégée de Lettres modernes,

Claudine Zenou-Grinstein, agrégée de Lettres classiques, professeurs en collège,

et par Claudine Grossir (groupement de textes et lectures d’images), maître de conférences

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Sommaire – 2

S O M M A I R E

R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3  La page de titre (p. 10) .......................................................................................................................................................................... 3  L’incipit (pp. 15 à 19) ............................................................................................................................................................................. 5  Un archéologue parisien en province (pp. 25 à 33) ................................................................................................................................ 9  La découverte de la statue (pp. 37 à 39) .............................................................................................................................................. 11  Une discussion entre savants (pp. 45 à 50) .......................................................................................................................................... 14  Le veille des noces (pp. 55 à 58) .......................................................................................................................................................... 17  La partie de jeu de paume (pp. 64 à 66) .............................................................................................................................................. 19  Les noces (pp. 70 à 75) ........................................................................................................................................................................ 21  Le meurtre d’Ille (pp. 79 à 87) ............................................................................................................................................................. 24  Retour sur l’œuvre (pp. 91 à 95) .......................................................................................................................................................... 27  Réponses aux questions du groupement de textes (pp. 109 à 118) ..................................................................................................... 28  Réponses aux questions de lecture d’images (pp. 119-120) ................................................................................................................ 29  

P R O P O S I T I O N D E S É Q U E N C E S D I D A C T I Q U E S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 2  Séance n° 1 ......................................................................................................................................................................................... 32  Séance n° 2 ......................................................................................................................................................................................... 33  Séance n° 3 ......................................................................................................................................................................................... 33  Séance n° 4 ......................................................................................................................................................................................... 34  Séance n° 5 ......................................................................................................................................................................................... 34  Séance n° 6 ......................................................................................................................................................................................... 35  

P I S T E S D E R E C H E R C H E S D O C U M E N T A I R E S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 6  

B I B L I O G R A P H I E C O M P L É M E N T A I R E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 9  

Tous droits de traduction, de représentation et d’adaptation réservés pour tous pays. © Hachette Livre, 2017. 58, rue Jean Bleuzen, CS 70007, 92178 Vanves Cedex. www.hachette-education.com

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 3

R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S

◆ Conseils Sans vouloir imposer de cadres types de séances pour la classe, nous voudrions suggérer aux professeurs des pistes de travail, de manière à ce qu’ils construisent, en fonction de leurs objectifs et de leur progression, une séquence didactique complète et cohérente. Le choix de cette nouvelle permet, en effet, d’aborder trois grands objectifs généraux : – étudier (ou approfondir) les caractéristiques de la narration et de la description ; – appréhender dans sa spécificité un genre narratif bref : la nouvelle ; – définir un registre : le fantastique.

◆ Avertissement – La rubrique « À vos plumes ! » n’a pas systématiquement été corrigée. La correction est laissée à la libre appréciation du professeur. – Les indications de pages accompagnant les intitulés des passages renvoient aux questionnaires du livre de l’élève.

L a p a g e d e t i t r e ( p . 1 0 )

◆ Remarques préliminaires L’étude de cette page de titre peut être envisagée lors de la première séance pour introduire les différents aspects de l’œuvre, offrir des pistes de lecture (l’effet de réel, par exemple), vérifier des notions simples de narratologie (énonciation, personnage, auteur) et susciter ainsi chez l’élève une lecture moins « innocente ». Ce document peut, par ailleurs, constituer un support intéressant pour un bilan lors d’une séance finale. Le questionnaire sur cette page permet alors de vérifier, confirmer ou préciser les connaissances acquises par les élèves après la lecture intégrale de la nouvelle.

◆ Avez-vous bien lu ? u Les mots volontairement mis en relief par l’écrivain sont significatifs de la volonté de mystification du facétieux Mérimée. Ainsi, « RELATION », mis en tête de page en lettres majuscules, insiste sur le caractère authentique, voire scientifique, du fait rapporté. « STATUE ANTIQUE » et « Mr de PEYREHORADE » annoncent leur place dans la nouvelle : ils en constituent les personnages centraux et essentiels à côté d’un « Mr MERIMEE » écrit en caractères bien plus petits, auteur lui bien réel, qui s’efface derrière l’humble rôle de « rédacteur »… En ce qui concerne la citation grecque, l’auteur, comme le texte d’où elle est extraite, bénéficient de majuscules grecques, « LOUKIANOU PHILOPSEUDES », signifiant mot à mot : « Le Menteur – celui qui aime le faux – de Lucien ». Le titre de l’ouvrage cité n’est pas anodin et provoque des interrogations : le menteur n’est peut-être pas celui que l’on croit dans cette page, surtout si l’on se rappelle le goût de Mérimée pour la supercherie littéraire (cf. les œuvres signées de pseudonymes). Personnes réelles (auteurs contemporains et anciens) et personnages fictifs sont mêlés : tout est fait pour brouiller les pistes et les repères du futur lecteur… v Le U de Bourges est transcrit selon les règles traditionnelles de l’alphabet français, puisqu’il s’agit de nommer une ville française. En revanche, Mérimée choisit d’écrire comme le faisaient les anciens Romains, sous forme de V majuscules, les deux U du groupe nominal « statue antique » pour renforcer chez le lecteur le sentiment d’être déjà face sinon à une inscription de style lapidaire (gravée dans la pierre), du moins à un document érudit et authentique. w Dans cette page, outre les procédés d’écriture, Mérimée semble s’adresser à des lecteurs avertis. Le terme de « relation » fait référence à une communication entre spécialistes d’archéologie et la citation grecque de Lucien n’est évidemment pas traduite, sans doute par peur d’offenser un public d’initiés. x L’auteur est bien sûr Prosper Mérimée, personne réelle qui crée et signe une œuvre, mais il n’est pas inutile de rappeler à des élèves peut-être déboussolés par cette entrée en matière cette notion

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Réponses aux questions – 4

simple et de la différencier de la notion de « personnage » que l’on abordera par la suite. Les deux personnes évoquées sont M. de Peyrehorade et M. de Mérimée. Seul Mérimée, l’auteur, est une personne réelle. M. de Peyrehorade, volontairement présenté par l’écrivain comme un notable de province bien existant, situé dans son environnement social, n’est qu’un personnage, autrement dit un être de fiction créé de toutes pièces par le romancier que l’illusion nous porte abusivement à considérer comme une personne réelle. Nous aborderons la notion de « narrateur » dans le prochain questionnaire.

◆ Étudier le vocabulaire et la grammaire y L’adjectif qualificatif « curieux » signifie, dans ce contexte, « étrange, singulier, qui attire et retient l’attention ». Ainsi, en raison de l’emploi d’un déterminant vague pour le nom « inscriptions » (article indéfini), le seul adjectif qui aurait pu renseigner de manière claire le lecteur perpétue une imprécision volontaire destinée à l’intriguer, à éveiller sa curiosité. U Le déterminant du groupe nominal « statue antique » est aussi un article indéfini. On ne connaît de cette statue que son caractère antique, ce qui ne nous renseigne ni sur son origine (étrusque, gauloise, grecque, romaine ?), ni sur son époque, ni même sur ce qu’elle est censée représenter. L’effet d’attente s’en voit ainsi renforcé. V Le déterminant du titre de la nouvelle La Vénus d’Ille est de façon très nette un article défini qui ne laisse plus de place au questionnement. La statue, nommée, est devenue le sujet et le personnage principal. Il ne s’agit pas, comme dans cette page d’introduction, de créer à la fois effet d’attente et effet de réel.

◆ Étudier le discours W La relation de la découverte de la statue est modestement « rédigée » par Mérimée. Il s’inscrit dans la tradition littéraire, peut-être héritée du XVIIIe siècle, qui est celle de l’autonomie du texte fondé sur le déni de réalité, voire de « paternité » : je ne suis pas l’auteur de ces pages, je n’ai fait que les rapporter, les rédiger (cf. La Vie de Marianne, L’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, Les Liaisons dangereuses, Les Lettres persanes, Candide et les autres contes de Voltaire). La fiction, de peur d’être rejetée en raison de son manque de sérieux, n’ose s’avouer comme telle. De plus, en mêlant de cette façon fiction et réalité, Mérimée veut accentuer l’impression d’authenticité, l’effet de réel, d’autant plus efficace, dans le cadre de la nouvelle fantastique, on le verra par la suite. X Le destinataire, au-delà du cercle d’archéologues savants à qui semble s’adresser cette page, reste le lecteur. Mérimée s’amuse à le manipuler en le lançant sur de multiples pistes sans jamais lui indiquer précisément la bonne voie, si tant est qu’elle existe…

◆ Étudier le genre : la nouvelle at « Information récente » : Mérimée fournit des indications précises sur l’époque (1834). Le récit annoncé dans la page de titre paraît se fonder sur des événements bien récents puisque La Vénus d’Ille est publiée en 1837 dans la Revue des Deux Mondes juste après la tournée dans le Midi de la France effectuée par Mérimée dans le cadre de ses nouvelles fonctions à l’Inspection des Monuments historiques en 1834. Il s’agit là d’une découverte, d’une nouvelle importante – en tous cas présentée comme telle – qui mérite d’être relatée immédiatement. ak Tout comme les éléments de datation, les indications spatiales laissent aussi penser que l’on a affaire à une « information véritable » : le lieu de la découverte (Ille, dans le département des Pyrénées-Orientales) n’est pas inventé de manière fantaisiste par l’auteur, ce fut même une étape de sa tournée archéologique dans le Midi. Quant à M. de Peyrehorade, personne ne peut imaginer qu’il n’existe pas réellement puisqu’il est associé à M. Mérimée, haut fonctionnaire de l’État dont nul n’ignore l’intérêt pour les œuvres antiques. L’illusion du vrai est portée ainsi à son point ultime.

◆ Étudier l’écriture al Dans ce contexte, le mystificateur, le Philopseudès, celui qui se décharge paradoxalement de toute responsabilité de l’écriture sur des êtres fictifs, semble bien être l’auteur Mérimée. Car même l’auteur

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 5

Mérimée qui signe cette page n’est pas le véritable Mérimée : l’écrivain se prétend, en effet, même s’il raye par la suite cette mention dans un honnête repentir, membre de l’Académie de Bourges, section archéologie, poste qu’il n’a jamais occupé… Autre beau mensonge littéraire ! Question supplémentaire. Cette page ne contient pas de verbes conjugués. Comment appelle-t-on les phrases construites ainsi et dans quels types d’écrits les rencontre-t-on le plus souvent ? Réponse. Ce sont des phrases nominales. Leur emploi se justifie ici par la fonction même de la page de titre qui a pour but d’annoncer de manière brève, condensée et frappante le « sujet » de la nouvelle. Selon la même perspective, on rencontre ce type de phrases dans les messages publicitaires, les bandes-annonces de films ou tout simplement dans les titres d’œuvres.

◆ Étudier un thème am Telle qu’elle se présente, la page ressemble, à bien des égards, à une annonce pour une conférence culturelle. Elle en possède le caractère publicitaire, alléchant, et l’aspect culturel, scientifique.

◆ Étudier la fonction de ce passage an Une double remarque s’impose sur le type de récit que constitue la nouvelle et sur la tonalité fantastique qui est celle de La Vénus d’Ille : la page de titre ne laisse aucunement percevoir cette double caractéristique. Bien au contraire, l’aspect ironiquement pompeux de la « relation » masque le caractère littéraire, travaillé, construit de ce genre bref, dont Mérimée a acquis la parfaite maîtrise. Par ailleurs, l’apparence du récit – un simple fait divers – éloigne le lecteur de tout doute, de toute hésitation sur la réalité de ce qui va lui être raconté. En somme, il ne peut imaginer que l’auteur Mérimée va l’entraîner sur les dangereuses pentes du fantastique. Ainsi, la page de titre fonctionne véritablement comme un trompe-l’œil destiné à mieux déguiser le vrai propos littéraire de Mérimée. ao On peut noter l’ironie – par antiphrase – de Mérimée quand il affirme dans cette première page que les « curieuses inscriptions » sont « expliquées par Mr de Peyrehorade ». De fait, au cours de la nouvelle, tous les renseignements fièrement apportés par ce passionné d’antiquités qui désire briller devant le narrateur manifestent, de sa part, un savoir incertain et les hypothèses qu’il défend semblent bien peu dignes d’intérêt aux yeux du narrateur/archéologue. Surtout, l’avant-dernier paragraphe de la nouvelle montre que M. de Peyrehorade a définitivement renoncé à ses explications : « Par son testament il m’a légué ses manuscrits, que je publierai peut-être un jour. Je n’y ai point trouvé le mémoire relatif aux inscriptions de la Vénus ».

◆ Lire une carte aq Tous les lieux évoqués sont bien réels : on peut aisément les situer sur une carte départementale des Pyrénées qui les enferme tous dans une sorte d’unité tragique. ar L’illusion du vrai se voit, à travers cette précision géographique du narrateur, évidemment renforcée.

L ’ i n c i p i t ( p p . 1 5 à 1 9 )

◆ Avez-vous bien lu ? u Les seules indications temporelles se résument à deux notations rapides, l’une dans le récit du narrateur (« bien que le soleil fût déjà couché, je distinguais dans la plaine les maisons de la petite ville d’Ille »), l’autre dans une réplique du Catalan (« et s’il ne faisait pas si noir, je vous la montrerais »). Ces deux notations nous renseignent sur le moment de la journée (le soir) et, sans autre précision, installent l’action dans l’époque contemporaine de celle de l’auteur. On peut remarquer l’ellipse temporelle entre le moment du récit introducteur et celui du dialogue qui contribue à la vivacité de la narration. v Les lieux sont aussi clairement et rapidement précisés dès le début de la nouvelle : le Canigou, sommet des Pyrénées (2 785 m) ; Ille-sur-Têt, petite ville de l’arrondissement de Prades. Le narrateur vient des villes de Serrabona et de Perpignan. Ces indications, qu’on peut facilement repérer sur la carte géographique précédemment étudiée (page 13 du livre de l’élève), permettent au lecteur de se situer dans une réalité connue et accentuent l’effet de réel. Certains noms inventés (Puygarrig) ou transposés du pays landais (Peyrehorade) constituent, dans la même perspective, des éléments de

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Réponses aux questions – 6

« couleur locale » propres à créer le dépaysement et à souligner que, dans ces lieux éloignés de Paris, toutes les croyances sont possibles. w Les élèves ont parfois tendance à penser que le narrateur se confond avec l’auteur Mérimée, dans la mesure où il est question d’un archéologue parisien cultivé venu dans le Roussillon pour visiter les curiosités locales des « environs d’Ille », dont il dit qu’il les sait « riches en monuments antiques et du Moyen Âge ». S’agit-il, comme pour Mérimée, d’une tournée d’inspection d’ordre professionnel ou d’un simple voyage d’agrément ? L’emploi par le narrateur du pronom personnel je accentue l’ambiguïté – volontaire. Cependant, la nouvelle ne constitue pas un récit autobiographique (même si Mérimée a pu s’inspirer de ses récents voyages dans le Sud de la France pour des notations de couleur locale, par exemple) et le narrateur est véritablement un personnage qui joue un rôle dans l’histoire qu’il raconte.

◆ Étudier le vocabulaire et la grammaire Question supplémentaire. Cherchez le mot « idole » dans un dictionnaire. Pourquoi l’expression « une idole en terre » (l. 36) peut-elle être mal comprise par le narrateur ? Réponse. « Idole n. f. (du grec eidôlon, image) : image représentant une divinité et qu’on adore comme si elle était la divinité elle-même » (Dictionnaire de la langue française, Le Robert). On pourra rappeler aux élèves cette définition un peu plus loin dans la nouvelle quand on abordera la description de la statue (comme animée) et la signification de la fameuse inscription latine « cave amantem ». Quant à l’expression « une idole en terre », elle est amphibologique, équivoque, puisque le G.N. « en terre », placé en fin de phrase, est compris comme un complément déterminatif du nom par le narrateur – une idole faite en terre –, alors que dans la pensée du guide catalan, il s’agit d’un C.C. de lieu – dans la terre – du verbe « avait trouvé ». x Quand il rapporte des paroles, Mérimée choisit prioritairement le style ou discours direct, très rarement le style indirect, et, dans ce cas, il préfère plutôt le style indirect libre. Par souci de vivacité, de rapidité, d’efficacité pour la mise en train de l’action, Mérimée privilégie l’emploi des paroles rapportées directement. Ce choix permet à l’auteur de faire vivre les personnages par leurs paroles, d’actualiser le récit par l’intrusion de l’authentique et du spontané tout en informant le lecteur sur la situation d’énonciation. Ainsi les dialogues permettent-ils de caractériser les personnages du récit et de faire avancer l’action. Toutes les marques du discours direct (temps verbaux, déictiques, ponctuation) sont facilement repérables par des élèves : – les signes de ponctuation qui soulignent un effet de rupture dans le récit (deux-points, guillemets, tirets qui signalent le début d’une intervention orale, en général précédée, parfois suivie par un verbe déclaratif) ; – les déictiques qui renvoient aux locuteurs et qui ne se comprennent qu’en fonction de la situation d’énonciation : les pronoms personnels (vous, je), les notations spatio-temporelles (« s’il ne faisait pas aussi noir » ; « Ce soir, peut-être, demain, après-demain, que sais-je ! ») ; – les temps des verbes en rapport avec le dialogue : présent essentiellement, futur et passé composé, temps du discours.

◆ Étudier le discours y Le dialogue s’engage d’abord entre le narrateur, alors qu’il arrive le soir près d’une petite ville, et son guide catalan. C’est évidemment ce dernier qui sollicite le plus la parole et qui parle le plus longuement, dans la mesure où c’est lui qui détient la majorité des informations que le narrateur – et le lecteur – découvre peu à peu au cours de la conversation. Question supplémentaire. « C’est bien avant dans la terre, au pied d’un olivier, que nous l’avons eue » (l. 39 à 41) : que signifie l’emploi du pronom personnel que nous avons souligné ? La situation d’énonciation est-elle alors toujours la même ? Réponse. L’emploi du pronom personnel nous indique précisément que la situation d’énonciation a changé. Le guide catalan passe ainsi de la conversation au récit. Par la suite, il enchâsse lui aussi dans son récit des paroles rapportées, celles d’une nouvelle situation où il est interlocuteur face à M. de Peyrehorade, cette fois-ci. U Les dialogues qui caractérisent le narrateur et le guide catalan marquent essentiellement une opposition sociale et intellectuelle qui se manifeste notamment dans : – les temps des verbes. À côté des temps très justement maîtrisés par le narrateur, passé simple du récit (« que trouvâtes-vous ? ») ou futur de supposition (« Ce sera peut-être quelque statue romaine »), le paysan catalan utilise principalement le présent, temps « passe-partout » pour la narration, qu’il associe

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 7

librement, par exemple, à l’imparfait (« Et le voilà […] qui se démène et qui faisait quasiment autant d’ouvrage que nous deux ») ; – le vocabulaire et les niveaux de langue. C’est surtout le guide catalan qui traduit le plus par son langage familier son appartenance sociale et son manque d’instruction. Sa façon de parler se caractérise par des tournures syntaxiques incorrectes (« que je dis » ; « qu’il me dit »), par l’inflation de présentatifs (« C’est à Puygarrig que ça se fera ; car c’est mademoiselle de Puygarrig que monsieur le fils épouse » ; « C’est que M. Alphonse de Peyrehorade en a été triste, car c’est Coll qui faisait sa partie », « Voilà donc qu’en travaillant », « voilà qu’il paraît une main noire », « Et le voilà […] qui se démène », « la voilà qui tombe à la renverse »), par l’usage d’onomatopées (« bimm ! », « patatras ! », « paf ! ») et d’interjections populaires (« quoi ! », « ah bien oui ! », « Pécaïre ! »). Quant à l’ignorance du paysan catalan, elle se mesure à ses références historiques (« une idole du temps des païens… du temps de Charlemagne ») et à la naïveté de ses jugements esthétiques (« C’est encore plus beau et mieux fini que le buste de Louis-Philippe, qui est à la mairie, en plâtre peint »). Par ailleurs, il considère le narrateur comme un savant par le seul fait qu’il ait prononcé le mot de « romaine ». Là encore, la caractérisation des personnages n’est pas seulement pittoresque : elle vient renforcer l’effet de réel car, si l’insolite ou l’étrange semblent faire irruption dans la nouvelle, le lecteur peut toujours l’attribuer à la simplicité paysanne des croyances superstitieuses du guide catalan.

◆ Étudier la nouvelle fantastique V Les plus immédiates préoccupations du narrateur ? Souper et, par la suite, se reposer après une journée de voyage fatigante : « la grande affaire, c’est de souper ». On ne peut, si l’on s’arrête à ce moment du récit, avoir le sentiment d’entrer dans un univers inquiétant. W Cependant, un événement récent est venu troubler la quiétude de la petite ville d’Ille : que M. de Peyrehorade ait exhumé une statue de bronze apparaît comme un fait extraordinaire (« Comment ! on ne vous a pas conté, à Perpignan, comment M. de Peyrehorade avait trouvé une idole en terre ? »). Cet événement a aussi provoqué un accident : c’est en déterrant la statue que Jean Coll, un paysan, s’est cassé une jambe. X Le guide catalan réagit à la découverte de la statue de façon émotionnelle (voir la multiplicité des points d’exclamation, par exemple). Face à ces réactions affectives et superstitieuses, le narrateur fait preuve de calme, de bon sens et de culture. Il donne l’image d’un homme qui ne saurait se laisser prendre à de simples apparences. Sa démarche est heuristique : esprit cultivé, il réfléchit à partir des faits sur lesquels il se fonde pour parvenir à des déductions. Ainsi ses phrases sont-elles toujours simples et courtes. Elles manifestent, par leur forme hypothétique, un esprit scientifique qui se garde d’interprétations hâtives et un recul, une distance volontaires par rapport aux événements tels qu’ils lui ont été racontés. Le lecteur, plus tard dans le récit, sera d’autant plus enclin à faire confiance au narrateur qui gagne ici sa crédibilité d’homme épris de culture et de rationalité. at Le récit à la 1re personne facilite l’identification du lecteur avec le narrateur. C’est sur le narrateur, sur sa personnalité, que se fonde la « réalité » du récit fantastique. Il est important, par conséquent, que le lecteur puisse totalement adhérer à son point de vue, à ses réflexions, à ses doutes. Le fantastique n’en aura que plus d’efficacité.

◆ Étudier l’écriture ak Le sujet réel – ou logique – du verbe paraître est « une main noire ». La postposition du sujet crée un effet d’attente et accentue l’idée de surgissement, de dévoilement. Question supplémentaire. Sous quelle synecdoque apparaît pour la première fois la statue ? Quelle impression est ainsi créée ? Réponse. Mérimée choisit de montrer une partie symbolique de la statue, la main, dont on sait le rôle dramatique dans la suite de la nouvelle. L’impression de malaise naît de l’étrangeté insolite de la découverte : une main qui sort de terre est forcément une main de mort. Aucune autre indication ne vient corriger le sentiment diffus d’avoir affaire à un élément de corps humain : sa matière, sa consistance ne peuvent être appréhendées par le paysan, et cette imprécision qui trouve sa justification dans la réalité de l’exhumation est encore plus angoissante. Qualifiée de « noire » par le Catalan, cette main d’outre-tombe dont on ne sait à qui elle appartient, intrigue, inquiète, terrorise.

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Réponses aux questions – 8

◆ Étudier un thème : la statue al Si l’on relève les termes utilisés par le Catalan lorsqu’il évoque la statue, on constate qu’il met l’accent sur son regard, sur son air bien plus que sur son apparence physique : « on le voit bien à son air. Elle vous fixe avec ses grands yeux blancs… On dirait qu’elle vous dévisage » ; « Elle a l’air méchante… ». La statue frappe par son apparence inquiétante. Le Catalan en parle de façon indécise (cf. le jeu des modalisations « On dirait que », « elle a l’air »). La description du paysan n’est évidemment pas objective : « Une grande femme noire plus qu’à moitié nue ». Les adjectifs « noire » et « nue », qui appartiennent au champ lexical de la mort, qualifient à nouveau de façon dépréciative la statue qui revêt en vérité davantage l’aspect d’une prostituée (cf. l’image de la Vénus « des carrefours », patronne des prostituées, dans l’Antiquité romaine) que celui d’une charmante divinité. Cette description a également une fonction dramatique : elle prépare le récit de l’accident de Jean Coll et implique qu’il est la conséquence de la malveillance de la statue. am Parmi les adjectifs employés par le guide pour qualifier la statue, celui qui est employé à deux reprises et qui ne peut pas convenir à un objet inanimé est l’adjectif « méchante ». Il ne s’agit pas d’une simple personnification car le Catalan parle de la statue véritablement comme d’un être vivant. Pour lui, la statue est mue par un principe de vie (ou… de mort). Il l’actualise en parlant d’elle – une femme – toujours au présent.

◆ Étudier la fonction de l’incipit an Dans ce début de nouvelle, les informations sur les personnages et l’action nous sont données principalement par des dialogues qui introduisent dans le récit, en l’interrompant, une part de spontanéité et d’authenticité dans la mesure où les paroles semblent citées « telles quelles ». Par ailleurs, les paroles rapportées directement, on l’a vu, permettent de faire vivre les personnages et de renvoyer implicitement à la situation d’énonciation initiale, celle où les paroles ont été prononcées. C’est peut-être encore plus vrai dans cet incipit, cette ouverture de la nouvelle : par ces premières lignes le lecteur, qui ne connaît jusque-là que le titre, « rencontre » l’histoire : lieux, dates et personnages. ao Tous les éléments de l’intrigue sont mis en place comme dans la scène d’exposition d’une pièce de théâtre. Les personnages qui vont participer au « drame » sont tous déjà présents et la question principale de la nouvelle – s’agit-il d’une statue maléfique ? – apparaît d’ores et déjà dans les propos du Catalan. Mais, tout en apportant ces informations, l’incipit laisse aussi de larges zones d’ombre. Il met en place le décor, fait entrer en scène les personnages, mais laisse ouverte la suite. Chaque lecteur anticipe alors en créant son « horizon d’attente » et joue ainsi le rôle essentiel que lui attribue Michel Tournier : celui de faire exister l’action.

◆ Lire l’image (p. 24) aq La scène montre assez distinctement deux groupes de personnages. D’une part, ceux qui tiennent pelles et pioches et qui sont les paysans préposés aux fouilles ; ils portent des vêtements de campagnards ; leurs chemises ouvertes et leurs chapeaux laissent deviner l’effort physique et la chaleur du soleil ; ils sont en contrebas et, à l’exception de l’un d’entre eux qui se tient debout, les trois autres ont le corps penché en avant : on ne peut distinguer précisément leur visage. D’autre part, à droite de la gravure, sur un lieu plus élevé, se tiennent deux hommes vêtus de façon bourgeoise et qui ne semblent pas souffrir de la chaleur. L’un d’eux est assis – il tient sur ses genoux un bras de statue ! –, l’autre debout, un carton à dessin sous le bras (on se rappelle la remarque du guide catalan : « j’ai deviné cela à vous voir tirer en portrait les saints de Serrabona »), semble lui exposer un problème ou une interprétation. Tout laisse à penser que ce sont les directeurs des fouilles ou, du moins, des archéologues venus sur le terrain pour superviser le travail du chantier. Les deux groupes de personnages ne se mêlent pas. Les paysans déterrent en bas, les intellectuels réfléchissent en haut. ar Les différences sociales apparaissent de façon manifeste sur cette gravure. Les intellectuels de l’époque mettent vraisemblablement rarement la main à la pâte. L’archéologue vient sur le terrain pour organiser le chantier de fouilles, donner ses consignes et éventuellement rédiger un rapport (on pense aux fonctions exercées par Mérimée aux Monuments historiques…). Et si M. de Peyrehorade se met à l’ouvrage plus que ses paysans dans La Vénus d’Ille, c’est le Catalan qui en est le premier étonné car le fait ne doit pas être habituel !

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 9

U n a r c h é o l o g u e p a r i s i e n e n p r o v i n c e ( p p . 2 5 à 3 3 )

◆ Avez-vous bien lu ? u Le jour de la semaine fixé pour le mariage est un vendredi puisque M. de Peyrehorade indique au narrateur qu’il sera libre le lendemain, samedi, pour lui faire visiter son Roussillon. Le vendredi, Veneris dies, est le jour consacré à Vénus dans le calendrier romain. En fin connaisseur, Mérimée glisse subrepticement cette notation qui n’est pas sans importance pour le récit fantastique. v Les convives qui partagent le repas du soir sont au nombre de quatre : le narrateur, M. et Mme de Peyrehorade et leur fils Alphonse. w La chambre du narrateur se situe au premier étage, au bout d’un corridor, à l’opposé de la chambre des futurs jeunes mariés. L’escalier qui y mène est en bois, détail qui aura son importance lors du récit de la nuit de noces. x La hauteur de la statue s’élève à environ 2 m. Le narrateur dit se trouver à une vingtaine de mètres de la statue lorsqu’il la regarde depuis la fenêtre de sa chambre. Cette distance, comme l’obscurité de la nuit, même claire, explique d’abord, dans un souci de réalisme, sa difficulté à tout voir.

◆ Étudier le vocabulaire et la grammaire y Alphonse est, dès le premier instant, placé dans l’univers des statues par le narrateur, première caractéristique qui le range immédiatement aux côtés de la statue de Vénus. Par ailleurs, il est assimilé au dieu Terme qui bornait les champs et les terrains dans l’Antiquité romaine, représenté par une borne qu’il était interdit de déplacer. Cette comparaison soulignant son immobilité silencieuse contraste avec l’agitation de ses parents mais aussi avec la force, le dynamisme de la déesse de l’Amour, de cette Vénus nommée « turbulente » dans la fameuse inscription latine. U À la ligne 134, Alphonse est désigné par une comparaison, « raide comme un piquet », qui vient renforcer et compléter l’impression de rigidité laissée par le mot « Terme » : il semble de fait, chosifié, appartenir au monde des objets. Question supplémentaire. Statue en cuivre, statue en bronze : pourquoi Mérimée choisit-il de faire dire « cuivre » aux uns et « bronze » aux autres ? Réponse. Les personnages sont caractérisés par leur façon de parler. Ainsi les gens simples, sans instruction, disent « cuivre ». V Quand il parle des « présents de Vénus » et des blessures qu’elle peut infliger, M. de Peyrehorade peut faire allusion aux différentes « passions » que l’amour peut susciter chez les êtres humains. Ce sont sans doute les joies, les bonheurs apportés par le sentiment amoureux ; par antiphrase, ce sont peut-être les tourments de l’amour. Le gros rire entendu qu’il adresse au narrateur – célibataire ! – permet de penser qu’au-delà de ces considérations bien spirituelles, le provincial qu’est M. de Peyrehorade songe à des réalités plus charnelles, plus terre-à-terre : des liaisons galantes ou plus prosaïquement… ces maladies vénériennes que peut, comme leur nom l’indique, engendrer Vénus.

◆ Étudier le discours W L’auteur choisit le discours direct pour M. de Peyrehorade. Il manifeste, de cette façon, la faconde de ce provincial qui « pérore » sans cesse, comme son nom le laisse peut-être entendre. Par ailleurs, le discours direct permet tous les signes de ponctuation et notamment le point d’exclamation, qui ici stigmatise manifestement l’agitation excessive du provincial. Question supplémentaire. Comparez le type de discours et le volume des interventions du narrateur : comment l’attitude de ce dernier s’oppose-t-elle à celle de M. de Peyrehorade ? Réponse. Il suffit d’observer le volume des paroles de M. de Peyrehorade face aux deux seules interventions du narrateur dans ce dialogue pour imaginer leurs attitudes en totale opposition. On peut remarquer, à la ligne 151, l’humour de Mérimée montrant le narrateur qui, depuis le début de la soirée, tente vainement de prendre la parole : « Un accès de toux l’obligea de s’arrêter. J’en profitai pour lui dire que je serais désolé de le déranger ». L’auteur emploie alors le style indirect pour le narrateur qui semble ainsi se réfugier dans la concision, la réserve pudique, et éviter les trop longues explications par souci de politesse. X Lignes 255-256 : « qui, je l’appris plus tard, était le jeu de paume de la ville », et lignes 273-274 : « il paraît que c’était un apprenti serrurier ». Ces remarques montrent que la narration se fait a posteriori. Le

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Réponses aux questions – 10

narrateur préfère – Mérimée construit sa nouvelle – donner par anticipation au lecteur des informations nécessaires à la bonne compréhension de son récit. at Ligne 280-281 : « Il se baissa, et probablement ramassa une pierre. Je le vis […] lancer quelque chose ». L’imprécision de la formulation, créée en partie par le jeu des modalisations si caractéristique du fantastique, s’explique paradoxalement par la volonté du narrateur d’être exact, au plus près de la réalité dont il veut rendre compte. Ce souci de réalisme scrupuleux va de pair avec l’atmosphère de mystère qui commence à imprégner le récit.

◆ Étudier le genre : la nouvelle ak Les personnages, qui sont les hôtes du narrateur, M. de Peyrehorade, son épouse et son fils Alphonse, sont décrits en quelques lignes. Mérimée préfère le portrait en action pour ne pas briser le rythme de son récit et seul Alphonse, en raison de son immobilité, est décrit dans un paragraphe un peu plus important en volume, où Mérimée utilise l’imparfait. À travers ces portraits de bourgeois provinciaux, on peut voir le regard très critique du narrateur parisien qui n’hésite pas à ridiculiser ces braves gens que sont M. et Mme de Peyrehorade. En peignant avec humour cette agitation pittoresque de province, Mérimée n’oublie pas son propos qui consiste à installer subrepticement le lecteur dans une atmosphère « bon enfant », dans l’illusion réaliste, afin de mieux le prendre au piège du fantastique : « Pour faire du fantastique, il faut commencer par mettre ses héros en gilets de flanelle » (Flaubert). al C’est une caractéristique de la nouvelle : l’action est centrale, elle prime sur la description, qui impose nécessairement un arrêt dans le récit qui se veut condensé, centré sur l’essentiel.

◆ Étudier l’écriture am Pour M. comme pour Mme de Peyrehorade, les énumérations, qui constituent une bonne part de la description que Mérimée fait d’eux, sont composées de verbes qui indiquent action et mouvement. an L’accélération du rythme de la phrase donne à la scène un mouvement constant : les personnages sont ainsi caractérisés par leur vivacité, leur mobilité, leur volubilité excessives qui frisent la caricature.

◆ Étudier un thème : la statue ao Une atmosphère romantique : – lignes 247-248 : « l’air frais de la nuit, délicieux après un long souper » ; – lignes 248 à 250 : « En face était le Canigou, d’un aspect admirable […] la plus belle montagne du monde » ; – lignes 251-252 : « sa silhouette merveilleuse ». Tous les adjectifs utilisés pour décrire le paysage sont laudatifs, voire superlatifs. Ils appartiennent au champ lexical de la beauté et notent des sensations visuelles et même tactiles. Mais l’auteur insiste sur la clarté de la nuit et le champ lexical de la beauté rejoint celui de la lumière : « éclairé qu’il était par une lueur resplendissante ». Le narrateur semble goûter la beauté radieuse et tranquille du paysage, y trouver une forme de sérénité en accord avec son état d’esprit. ap Les indications données par le narrateur afin de situer la statue dans l’espace qu’il observe sont extrêmement précises : « à une vingtaine de toises de la maison. Elle était placée à l’angle d’une haie vive qui séparait un petit jardin d’un vaste carré parfaitement uni ». Il utilise volontiers un vocabulaire technique qui refuse l’approximation et qui garantit la véracité du récit à venir. aq La réaction des apprentis est immédiate, marquée par l’utilisation du style direct : « Elle me l’a rejetée ! » Pour eux, il ne fait pas de doute que cette statue est animée et qu’elle agit de façon autonome comme un être vivant. La réaction du narrateur apparaît tout aussi spontanément mais elle se veut posée, scientifique, et elle se fonde sur les lois de la physique. « Il était évident que la pierre avait rebondi sur le métal. » Si l’on s’en tient au sens propre de l’adjectif (du latin videre, « voir, qui se voit, qui est vu »), rien n’est ici « évident », puisque justement le narrateur n’a pas pu voir – de ses yeux – la scène qu’auraient pu rapporter avec précision les deux apprentis qui l’ont vécue. Il se contente donc d’une déduction logique de bon sens qu’il pose comme un fait établi mais qui demeure une interprétation a posteriori. ar Le lecteur se trouve dans une situation délicate, partagé entre deux interprétations possibles, même si, pour l’instant, il peut toujours, par identification à un narrateur sensé et cultivé dans lequel il veut

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 11

se reconnaître, pencher pour une explication naturelle des faits. Mais, tout doucement, le doute s’insinue en lui… Que s’est-il réellement passé ?

◆ Étudier la fonction de cet extrait as Les personnages qui rejettent violemment la statue pour des raisons de superstition, de croyance naïves, sont les plus nombreux : le guide catalan, Mme de Peyrehorade, les deux apprentis et le jeune Étienne. La statue semble faire l’unanimité contre elle chez les gens du village. Un seul personnage lui est curieusement dévoué au nom de l’archéologie : M. de Peyrehorade. Un personnage, pour l’instant, garde une sorte de neutralité et de recul : le narrateur. bt Curieusement, le seul personnage à rester étranger à l’agitation que provoque la statue est le fils, Alphonse, dont la superbe indifférence – insulte à la déesse ? – peut être regardée comme une étroitesse d’esprit et de cœur. bk La façon dont M. de Peyrehorade ne qualifie jamais celle qui sera l’épouse de son fils (aucun adjectif qualificatif, aucune subordonnée relative descriptive) indique le peu de place, le peu de considération qu’il lui accorde face à « sa découverte ». Même lorsqu’il évoque le mariage à venir (« Bagatelles ! ce sera fait après-demain »), l’emploi du pronom démonstratif neutre « ce » réduit à une simple formalité la cérémonie et évacue ainsi tout le caractère exceptionnel de l’événement. Par ailleurs, il ne nomme jamais Mlle de Puygarrig : « la future » ; « une mariée… une mariée… » ; « la future madame Alphonse ». La jeune fille reste sans prénom, sans visage, sans autre détermination que sa fonction de jeune héritière et de future épouse. Enfin, le fait même que M. de Peyrehorade établisse une comparaison entre elle et la statue signifie qu’il inscrit dans le même ordre de réalité femme et objet : « J’ai mieux que cela à vous montrer. Je vous ferai voir quelque chose !… » Le personnage féminin de Mlle de Puygarrig se trouve ainsi « chosifié », elle fait partie des « choses » que l’on montre. De fait, elle revêt moins d’importance que l’autre « chose », suivie d’un point d’exclamation et de trois points de suspension, ponctuation qui souligne l’enthousiasme et l’admiration de M. de Peyrehorade. Le lecteur est alors en droit de se demander quel peut être le pouvoir de cet objet mystérieux, capable d’évincer, même aux yeux d’un beau-père, la fraîcheur et la féminité d’une jeune épousée.

L a d é c o u v e r t e d e l a s t a t u e ( p p . 3 7 à 3 9 )

◆ Avez-vous bien lu ? u Ligne 292 : « Il était grand jour quand je me réveillai. » Avec cette notation débute la deuxième journée du récit. C’est l’impatience de M. de Peyrehorade qui permet tout naturellement à Mérimée d’indiquer très précisément l’heure : « Il est huit heures, et encore au lit ! Je suis levé, moi, depuis six heures. » Question supplémentaire. Quel est le déterminant utilisé à deux reprises par M. de Peyrehorade pour parler de la statue ? Réponse. Dans deux phrases extrêmement rapprochées, l’auteur fait dire au provincial : « ma Vénus », déterminant possessif qui souligne, en l’occurrence, l’attachement excessif qui lie affectivement M. de Peyrehorade à la statue de Vénus, par-delà la fierté d’avoir découvert et de posséder une telle merveille puisqu’il en est l’« inventeur ». La familiarité de l’appellation – M. de Peyrehorade dit « ma Vénus » comme il pourrait dire « ma femme, ma fille » – rappelle, en outre, une constante de cette nouvelle fantastique : les personnages dans leur majorité parlent de la statue comme d’une femme. v Telle qu’elle apparaît, la déesse Vénus est représentée à moitié vêtue, ce qui constitue une représentation habituelle de la déesse qui préside à la séduction et à la fécondité. w Mérimée, même s’il a pu s’inspirer de modèles existants, a imaginé la statue de Vénus qu’il décrit. De fait, les indications données par le texte ne permettent ni d’en préciser l’origine – on sait seulement que ce n’est pas une statue romaine du Bas-Empire –, ni de la dater précisément : « Un chef-d’œuvre du meilleur temps de la statuaire. » Le fait de rappeler que sa tête est « petite, comme celle de

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Réponses aux questions – 12

toutes les statues grecques », ne signifie pas nécessairement qu’il s’agisse d’une statue grecque. En réalité, l’auteur insiste sur le caractère unique, exceptionnel de cette statue, qui ne peut se comparer à aucune autre : « le type ne se rapprochait de celui d’aucune statue antique dont il me souvienne ».

◆ Étudier le vocabulaire et la grammaire x Temps de la durée, de la pause, l’imparfait impose un arrêt brutal dans la narration et rompt avec l’agitation créée par les verbes de mouvement au passé simple qui se juxtaposaient dans le récit précédent. Il annonce en même temps le début de la description dans un temps arrêté, figé, qui est celui de la fascination, du choc esthétique du narrateur. y Le présentatif utilisé « C’était » met en relief « une Vénus », qui devient ainsi le point où se focalisent tous les regards, celui du narrateur, celui du lecteur. U L’expression « d’une merveilleuse beauté » est mise en valeur par un autre procédé, le détachement après la virgule et l’effet d’insistance produit par la conjonction de coordination et (= et même).

◆ Étudier le discours V Expressions où apparaissent les pronoms personnels de la 1re personne : – ligne 316 : « je ne sais trop pourquoi » ; – ligne 322 : « Je m’attendais à quelque ouvrage » ; – ligne 323 : « je voyais un chef-d’œuvre » ; – ligne 324 : « Ce qui me frappait surtout » ; – ligne 330 : « jamais je ne parviendrai à exprimer » ; – ligne 332 : « dont il me souvienne » ; – ligne 334 : « Ici, au contraire, j’observai avec surprise » ; – ligne 354 : « Je me souvins de ce que m’avait dit mon guide » ; – ligne 356 : « je ne pus me défendre d’un mouvement de colère contre moi-même en me sentant un peu mal à mon aise devant cette figure de bronze ». W Il s’agit d’une description subjective – le narrateur en est le sujet, il dit « je », et le vocabulaire est celui du jugement –, et on peut facilement, par le biais du relevé précédent, montrer aux élèves l’évolution des sentiments du narrateur. Le regard qu’il porte sur la statue va de l’étonnement, de l’admiration au malaise. Mais on pourra remarquer, en s’appuyant sur le fait grammatical, qu’à la fin de la description, le narrateur-sujet devient son propre objet d’observation : « je ne pus me défendre […] contre moi-même ». Comme les autres personnages, le voilà impliqué, subissant à son corps défendant l’irrésistible attirance/répulsion de la statue. X Le narrateur exprime diverses réactions à la vue de la statue : a) inquiétude – répulsion – malaise – colère. b) étonnement – admiration – choc esthétique – fascination. Les sentiments que la statue produit sur le narrateur sont tout à la fois multiples et opposés. Cette ambiguïté sinon inquiète le lecteur, du moins le désoriente.

◆ Étudier l’écriture at La description de la Vénus s’organise en quatre paragraphes. ak Premier paragraphe : l’apparence générale de la statue (l. 309 à 318). Deuxième paragraphe : les contours de son corps, sa draperie (l. 319 à 326). Troisième paragraphe : sa tête, son visage (l. 327 à 342). Quatrième paragraphe : ses yeux (l. 350 à 358). La description s’ordonne du général au détail en insistant finalement sur la tête de la statue et sur l’expressionnisme de son visage. al Ce sont les yeux de la statue – le terme revient à trois reprises dans le dernier paragraphe – qui retiennent le plus l’attention du narrateur. C’est par le regard que cette « figure de bronze » exprime de façon manifeste l’illusion de vie, de réalité.

◆ Étudier la nouvelle fantastique Question supplémentaire. Montrez, en relevant les commentaires techniques du narrateur sur la statue, comment il prouve sa compétence et assoit sa crédibilité d’archéologue.

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 13

Réponse. Ligne 310 : « comme les anciens représentaient d’ordinaire les grandes divinités ». Ligne 315 : « L’attitude de cette statue rappelait celle du Joueur de Mourre ». Ligne 323 : « je voyais un chef-d’œuvre du meilleur temps de la statuaire ». Ligne 328 : « La tête, petite comme celle de presque toutes les statues grecques ». Ligne 332 : « Ce n’était point cette beauté calme et sévère des sculpteurs grecs, qui, par système, donnaient à tous les traits une majestueuse immobilité ». Le narrateur étale son savoir d’archéologue et par là-même confère à sa description une forme d’objectivité qui conforte étonnamment les divers sentiments que lui inspire la statue : un savant tel que lui ne saurait se laisser prendre aux sortilèges de l’art. Et c’est l’impression de vie et de naturel qui se dégage de la statue, preuve chez les Anciens du plus haut degré atteint en matière d’art, qui serait curieusement à l’origine de son malaise. Question supplémentaire. Et pourtant quelles émotions sont provoquées chez le narrateur par le seul regard de la statue ? Réponse. Et pourtant le malaise du narrateur n’est pas seulement d’ordre esthétique. La méchanceté, l’absence de sensibilité exprimées par le visage de la statue affectent émotionnellement le narrateur confronté pour la première fois à la statue. Sa volonté de rationalité s’en trouve ébranlée, d’où son sentiment de colère à se sentir dépossédé de la belle maîtrise qu’il affectait jusque-là. L’auteur Mérimée opère un insensible travail de déconstruction de ses personnages, y compris du narrateur. Ce sont ces petites fêlures affectant peu à peu les personnages et notamment le narrateur qui entraînent le lecteur au cœur du fantastique. am Le point de vue interne (ou subjectif), celui du narrateur en l’occurrence, imprime à la description un caractère affectif évident. Tout est vu par lui, à travers son regard, sa sensibilité. an Le choix de cette focalisation contribue à installer le lecteur dans le doute, la difficulté d’interprétation propre au fantastique. Comment ne pas se fier à cet éminent spécialiste de l’Antiquité et comment alors interpréter le trouble apparemment stupide dans lequel le jette la statue ?

◆ Étudier un thème : la statue ao Champ lexical de la beauté : « merveilleuse beauté », « parfait », « suave », « voluptueux », « élégant », « noble », « chef-d’œuvre », « exquise », « parfaits », « incroyable beauté », « admirable », « merveilleuse beauté », « beau ». Champ lexical de la méchanceté : « caractère étrange », « malice », « méchanceté », « dédain », « ironie », « cruauté », « traits contractés », « absence de sensibilité », « se complaire à les faire mourir », « féroce », « ironie infernale ». ap « Ces yeux brillants produisaient une certaine illusion qui rappelait la réalité, la vie ». D’autres personnages de la nouvelle avaient laissé entendre que la statue était comme douée de vie : le guide, Jean Coll, les deux apprentis et, à un moindre degré, Mme de Peyrehorade. Mais c’est la première fois que le narrateur exprime, certes dans un contexte artistique où le mimétisme fait figure de perfection, l’illusion de vie qui se dégage de la statue.

◆ Étudier la fonction de cet extrait Question supplémentaire. En quoi la description de la statue par le narrateur confirme-t-elle ce qu’on avait déjà appris sur elle et sur les sentiments qu’elle inspirait ? Réponse. Cette description de la statue par le narrateur confirme sous un autre angle ce qu’on avait déjà appris sur elle (elle est belle, unique en son genre, c’est bien une représentation de Vénus) et sur les sentiments qu’elle inspirait (toute son apparence manifeste la malignité, l’insensibilité). Le narrateur ne peut que constater cette ambivalence et la faire partager au lecteur.

◆ Étudier une sculpture aq Le Doryphore de Polyclète (Ve siècle av. J.-C.), copie, marbre, Musée de Naples. a) Le sujet : il s’agit d’un « porte-lance » même si, dans la copie que nous pouvons observer, la lance, tout comme la main qui la tenait, ont disparu. Le Doryphore représente un homme jeune, athlétique, « apte à la fois au service militaire et aux exercices du gymnase ». b) Le matériau : le Doryphore est taillé dans un bloc de marbre, matière noble. c) Le type de sculpture : c’est une sculpture en ronde bosse (en plein relief, qui représente le sujet sous ses trois dimensions). Le spectateur est libre de considérer les effets de la lumière sous différents angles ; le jeu des ombres et des lumières met en relief la musculature.

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Réponses aux questions – 14

d) Le style : – L’aspect général : le Doryphore est nu et debout. – L’attitude : la statuaire grecque archaïque présente une certaine rigidité ; la sculpture classique, à l’inverse, introduit souplesse et mouvement. L’œuvre qui s’inscrit dans les trois dimensions a besoin d’un support. Polyclète transmet au Doryphore cette mobilité : tête légèrement inclinée ; souple déhanchement d’un corps au repos ; bras gauche délié, la main tenant une lance disparue. – L’expression : avant le Ve siècle, le sourire est figé ; au Ve siècle, l’expression est grave, sereine, parfois élégante ou gracieuse. Le Doryphore présente un visage calme, un regard vague et un peu absent. – Les proportions : le Doryphore possède un corps athlétique, admirablement proportionné, avec une musculature soigneusement étudiée. e) L’auteur : Polyclète a vécu au Ve siècle av. J.-C. Il est l’auteur célèbre d’un ouvrage Le Canon (ce qui signifie « la règle »), où il définit mathématiquement les proportions idéales du corps humain. La statue devait être athlétique, harmonieuse, et avoir une petite tête avec un large front. Le Doryphore de Polyclète est un chef-d’œuvre de la sculpture grecque, dont l’influence sera très grande sur les sculpteurs de tous les temps. Il ne s’agit pas d’un décor de monument. Il possède un caractère autonome. Polyclète a cherché à montrer la beauté idéale du corps humain, celui d’un simple porteur de lance, et à exprimer la vérité du mouvement. Les Romains admiraient l’art grec. C’est pourquoi ils importent de nombreuses œuvres d’art grecques, les imitent ou les copient. Myron (première moitié du Ve siècle av. J.-C.), Phidias, Polyclète, Praxitèle et Lysippe sont les plus grands sculpteurs grecs du Ve et du IVe s. av. J.-C. Les originaux de leurs œuvres sont rarement parvenus jusqu’à nous, ce qui rend leurs copies romaines plus précieuses encore.

U n e d i s c u s s i o n e n t r e s a v a n t s ( p p . 4 5 à 5 0 )

◆ Avez-vous bien lu ? u La première inscription en latin signalée par M. de Peyrehorade au narrateur est essentielle pour la suite de la nouvelle : « Cave amantem ». On peut préciser aux élèves non latinistes que la forme du participe présent en latin peut être un masculin ou un féminin : celui qui aime ou celle qui aime. v Cette première inscription se trouve gravée sur le socle de la statue, emplacement habituel dans la tradition antique. La deuxième, en revanche, qui constitue une formule de consécration à la statue, se trouve curieusement gravée sur son bras droit, en « quelques caractères d’écriture cursive antique », comme le souligne le narrateur : « VENERI TVRBVL… EVTYCHES MYRO IMPERIO FECIT », ce qui signifie mot à mot : « Eutychès Myron a fait (ou a consacré) cette offrande à Vénus turbul(ente) par son ordre ». Mérimée s’est inspiré, pour forger cette inscription, du recueil d’épigraphie du philologue suisse Orelli, qui faisait autorité à l’époque. Il laisse cependant volontairement un mot incomplet, comme il arrive souvent dans les textes hérités de l’Antiquité – souci de réalisme archéologique –, ce qui lui permet d’évoquer la possibilité d’une épithète « turbulenta », jamais attestée en ce qui concerne la déesse Vénus, fort en rapport avec l’expressionnisme de la statue → souci de dramatisation et effet d’attente créé chez le lecteur face à l’énigme ainsi posée. Il faut rappeler qu’en latin le terme a un sens beaucoup plus fort que notre adjectif « turbulent ». Il signifie « agité et violent, qui trouble violemment, qui cause du désordre ». Il constitue évidemment une menace, un avertissement à peine voilé dans la perspective d’une explication surnaturelle. w Ligne 477 : « Je pense qu’il a servi à fixer quelque chose, un bracelet, par exemple, que ce Myron donna à Vénus en offrande expiatoire. » C’est une hypothèse tout à fait plausible d’après ce que l’on sait de la statuaire antique et de la pratique des ex-voto.

Étudier le vocabulaire et la grammaire x a) Lignes 361-362 : « Que dites-vous de cette inscription, à laquelle vous n’avez point pris garde encore ? » Ligne 369 : « Prends garde à celui qui t’aime, défie-toi des amants. » Lignes 373-374: « Je traduirais donc : “Prends garde à toi si elle t’aime”. »

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 15

b) C’est le même verbe prendre garde employé dans ces trois phrases. Dans la première phrase cependant, la formule de M. de Peyrehorade, qui se veut spirituel, reprend symétriquement et malicieusement le verbe contenu dans la formule latine. Le verbe, utilisé dans une phrase d’apparence anodine, n’a alors que le sens affaibli de « diriger son attention ». y Le nom « concision » (du latin concidere, de caedere, « couper ») est la qualité de ce qui s’exprime en peu de mots, la brièveté, la sobriété. U Dans les deux exemples proposés, les groupes prépositionnels sont ambigus puisque le C.D.N. peut être interprété comme sujet (génitif subjectif) ou comme objet (génitif objectif). Ainsi, on peut comprendre : a) L’amour de la statue devenait de plus en plus fort (la statue aime → sujet, ou bien : on aime la statue → C.O.D.). b) On pouvait voir sur leurs visages la peur des ennemis (les ennemis ont peur → sujet, ou bien : on a peur des ennemis → C.O.I.). La nominalisation de verbes exprimant un sentiment rend possible cette double interprétation. V Ligne 494 : « C’est un admirable morceau. » À première vue, le narrateur, pour esquiver la discussion avec M. de Peyrehorade, clôt le débat en insistant sur la beauté de cette statue en bronze. Mais on peut légitimement penser qu’il fait par là allusion au monument de théories sans fondement échafaudé par M. de Peyrehorade. Une façon de se moquer de lui sans en avoir l’air…

◆ Étudier le discours W Pour le narrateur, M. de Peyrehorade fait partie de ces « antiquaires entêtés » qu’il a parfois l’occasion de rencontrer. X Tout ce passage pourrait être joué par les élèves tant il est traité sur le mode théâtral. a) Lignes 395 à 401 : un exemple de comique de geste. Lignes 399 à 401 : « et cependant M. de Peyrehorade répétait chaque mot à mesure que je le prononçais, approuvant du geste et de la voix. » Ces indications, dans une pièce de théâtre, fonctionnent comme de véritables didascalies susceptibles de souligner les exagérations, les décalages paroles/gestes. b) Lignes 423 à 434 : un exemple de comique de situation. Lignes 432 à 434 : « Du haut du piédestal, où j’étais toujours perché, je lui promis solennellement que je n’aurais jamais l’indignité de lui voler sa découverte ». Le décalage comique naît du contraste entre la solennité affichée du serment et la situation d’oiseau perché du narrateur qui se moque de lui-même. L’auteur nous installe au cœur de la dérision et nous rend complices.

◆ Étudier la nouvelle fantastique Question supplémentaire. Dans cet entretien savant qui souligne les désaccords entre le narrateur et M. de Peyrehorade, de quel côté penche le lecteur ? Pourquoi, selon vous ? Réponse. Le lecteur penche tout naturellement du côté du narrateur car on retrouve ici, à travers son récit, les éléments traditionnels de la satire contre le pédantisme telle qu’on peut la rencontrer chez Rabelais ou Molière. Le narrateur fait rire aux dépens de M. de Peyrehorade. Par ailleurs, le lecteur se range du côté de la culture, de la juste mesure, de la raison, qui sont les apparentes caractéristiques du narrateur. at Mérimée s’est en quelque sorte caché sous le prénom d’Eutychès puisque ce prénom grec pourrait avoir comme équivalent en français notre prénom Prosper. C’est un jeu entre l’auteur et son lecteur, un clin d’œil qu’adresse là Mérimée à ses amis savants. On se rappelle son goût pour les mystifications, pour les pseudonymes, pour les anagrammes : l’écrivain se cache mais il est partout. C’est une manière de nous signaler que c’est lui qui tire les ficelles et que la littérature est un art de la manipulation, a fortiori dans le cadre de la nouvelle fantastique. ak Ligne 488 : « Ah ! qu’on voit bien que vous avez fait des romans ! » On apprend, par cette remarque, que le narrateur est un romancier – c’est un autre visage de lui qui nous est donné à voir – tout comme Mérimée. La confusion auteur (personne réelle) / narrateur (personnage imaginaire) renforce l’effet de réel si efficace pour le fantastique, où le narrateur doit passer pour une personne réelle.

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Réponses aux questions – 16

◆ Étudier un thème : la statue al Aux yeux du narrateur, la statue n’exprime aucun caractère divin : – ligne 371 : « En voyant l’expression diabolique de la dame » ; – ligne 394 : « Je m’accrochai sans trop de façon au cou de la Vénus » ; – ligne 395 : « Je la regardai même un instant sous le nez, et la trouvai encore plus méchante et encore plus belle ». Seule sa beauté rappelle qu’elle représente la déesse de l’Amour et de la Beauté, mais c’est encore et surtout sa malignité vénéneuse qui est attestée par le narrateur lorsqu’il émet l’hypothèse de l’épithète « turbulente ». M. de Peyrehorade l’a bien compris, qui refuse qu’on considère sa Vénus comme un simulacre de Vénus populaire, « une Vénus de cabaret », celle à qui les prostituées de Rome rendaient un culte. Pour lui, il s’agit d’une Vénus « de bonne compagnie » et il veut reconnaître en elle une divinité topique, poliade, qui mettrait sa petite ville, placée sous sa protection, au rang des grandes cités de l’Antiquité qui consacraient des sanctuaires à Aphrodite ou à Vénus. am On l’a vu, M. de Peyrehorade échafaude des théories dont le seul but est de donner de l’importance à sa région en lui supposant une très grande et très illustre antiquité. Un descendant de Myron aurait fait cette statue ! Pour lui, il ne fait aucun doute que cette Vénus est bénéfique, c’est celle qui préside dans les liens du mariage à la séduction et à la fécondité : il choisit le vendredi pour le mariage de son fils Alphonse et est prêt à honorer la déesse comme il se doit (à lui faire un « petit sacrifice »).

◆ Étudier la fonction de cet extrait an Par sa tonalité comique, son traitement théâtral, ce passage fait sourire, ôte pour un moment les aspects qui avaient pu paraître inquiétants. Après « l’inquiétante étrangeté », le lecteur retrouve la normalité d’une banale conversation marquée par la caricaturale drôlerie de M. de Peyrehorade. ao Vénus est une déesse qui peut aimer (cf. les récits des amours de Vénus), c’est aussi la divinité qui inspire aux mortels les plaisirs et les tourments de l’amour. Le thème majeur est celui de la puissance dévastatrice de l’amour, du désir. Il se présente sous la forme d’un avertissement. Ici, le jeu sur les sens possibles de amantem, masculin ou féminin, se double d’un jeu sur l’identité de l’amante : serait-ce Vénus, déesse de l’Amour, de la personnification de la femme ou la statue elle-même, qui serait dangereuse, voire fatale ? Le narrateur, sans doute par politesse, ne pose pas véritablement la question et laisse ainsi s’installer le doute, constitutif du fantastique, chez le lecteur. Autre caractéristique du récit fantastique (du conte aussi) : M. de Peyrehorade, à force de fausse érudition et d’entêtement idéologique, néglige l’avertissement que la formule comporte et s’enfonce dans un aveuglement tragique.

◆ Lire l’image (p. 54) ap Le personnage féminin au centre de la fresque est Vénus. On remarque sa nudité, l’extrême blancheur de sa peau en contraste avec celle, bronzée, du dieu de la guerre qui est en train de dénouer, avec une grande douceur, le voile qui la drape. aq La déesse est ici représentée comme une femme abandonnée, presque lascive, ornée de bijoux qui mettent en valeur ses féminines séductions : elle est la déesse de la Volupté. Les contrastes de tonalités soulignent la sensualité de son corps face à la froideur des armes. Les petits amours jouent avec des casques, des armes devenues dérisoires, inutiles. Car la valeur symbolique de cette fresque qui, telle une élégie, vante les plaisirs de la vie amoureuse et proclame la supériorité de Vénus sur Mars, se trouve sans doute dans l’impression de douce sérénité, de tranquille évidence qui se dégage de l’ensemble. Avec Vénus, vient le temps de la paix retrouvée et des plaisirs simples. Nul effroi dans le regard de Mars, nulle menace dans celui de cette Vénus bénéfique. On pense à la célèbre invocation à Vénus qui débute le De Natura rerum de Lucrèce (Ier siècle av. J.-C.) : « Mère des Énéades, plaisir des hommes et des dieux, Vénus nourricière, toi par qui sous les signes errants du ciel, la mer porteuse de vaisseaux, les terres fertiles en moissons se peuplent de créatures, puisque c’est à toi que toute espèce vivante mérite d’être conçue et de voir, une fois sortie des ténèbres, la lumière du soleil, devant toi, ô Déesse, à ton approche s’enfuient les vents, se dissipent les nuages. […] Obtiens que cependant les farouches travaux de la guerre à travers mers et terres s’apaisent partout assoupis. Car toi seule a le pouvoir de réjouir les mortels par une paix tranquille, puisqu’à ces farouches travaux c’est Mars, le puissant dieu des armes, qui préside. Et lui-même souvent vient chercher asile sur tes genoux, vaincu à son tour par la blessure éternelle de l’amour. »

Lucrèce, De la nature, trad. d’Alfred Ernout, Klincksieck, 1916.

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 17

L e v e i l l e d e s n o c e s ( p p . 5 5 à 5 8 )

◆ Avez-vous bien lu ? u Ligne 515 : Alphonse évoque « par la transition d’une jument grise » sa jeune fiancée, Mlle de Puygarrig. L’emploi du mot « transition » par le narrateur est d’une ironie particulièrement féroce. v Alphonse est heureux de se marier car sa fiancée apporte une dot importante. Certes tout le monde – et lui ? – la trouve charmante mais est-ce pour son charme qu’il l’épouse ? w Alphonse porte deux bagues : celle qu’il destine à sa future épouse et qui est un ancien bijou de famille (« C’était une bague de famille très ancienne… du temps de la chevalerie »). La bague en question a été rehaussée de diamants pour « faire plus riche », ce que déplore le narrateur. La deuxième est une simple alliance, « un anneau tout uni » qui lui rappelle les plaisirs de l’amour – reconnus étrangers au mariage – qu’il a connus à Paris. x Mlle de Puygarrig a 18 ans. y Les Peyrehorade et leurs invités doivent se rendre à Puygarrig le lendemain à dix heures et ils doivent retourner à Ille à sept heures. Les indications temporelles sont, une fois de plus, extrêmement précises. C’est là une constante spécifique de la nouvelle.

◆ Étudier le vocabulaire et la grammaire U Lignes 530 à 532 : « Dans l’intérieur de la bague se lisaient ces mots en lettres gothiques : Sempr’ab ti, c’est-à-dire, toujours avec toi. » Le sujet de la forme verbale « se lisaient » est « ces mots en lettres gothiques ». Il est postposé, inversé, ce qui entraîne un effet d’attente. Par ailleurs, l’auteur, pour maintenir l’intérêt du lecteur sur la signification de cette inscription, sursoit à sa traduction : le narrateur décrit d’abord l’inscription « en lettres gothiques », la cite en ancien dialecte du Roussillon, « Sempr’ab ti », puis, enfin et seulement en donne la traduction, « toujours avec toi ». V Lignes 334 à 336 : « Ici, au contraire, j’observais avec surprise l’intention marquée de l’artiste de rendre la malice arrivant jusqu’à la méchanceté ». a) Le mot malice a déjà été employé par le narrateur quand il évoquait l’expression de la statue de Vénus. Dans ce contexte, le nom, associé à celui de méchanceté, retrouve son sens fort mais vieilli d’« aptitude et inclination à faire le mal, à nuire par des voies détournées » (cf. son étymologie latine : malitia, « méchanceté »). b) Dans le cas du portrait de Mlle de Puygarrig, il ne s’agit que « d’une légère teinte de malice » qui vient colorer « son air de bonté ». Le nom a alors son sens moderne et affaibli. Il qualifie la tournure d’esprit un peu moqueuse de celui qui prend plaisir à s’amuser aux dépens d’autrui sans penser à mal. W Le premier sens de sacrifice (du latin sacrificium, de sacrificare, de sacrum facere, « faire un acte sacré ») est bien celui dans lequel l’emploie M. de Peyrehorade. Il s’agit d’une offrande rituelle à la divinité, caractérisée par la destruction (immolation réelle ou symbolique, holocauste) ou l’abandon volontaire de la chose offerte. M. de Peyrehorade veut, par son offrande, « acheter » la faveur de la déesse qui préside aux liens du mariage, d’où le sacrifice de deux palombes, symboles du couple et de l’amour. Dans un deuxième sens, plus moderne (seconde moitié du XVIIe siècle), il s’agit d’un renoncement ou d’une privation volontaire en vue d’une fin religieuse, morale ou utilitaire. Le ton tragi-comique de M. de Peyrehorade, son style « fleuri » permettent une lecture naïve, innocente de ce passage. Mais, à la relecture, on peut voir dans cette volonté sacrificielle, qui rappelle des cérémonies païennes, le signe prémonitoire de la tragédie qui est en marche : on reconnaît à Vénus la puissance sacrée de la divinité et M. de Peyrehorade ne se doute pas – aveuglement tragique – qu’il lui immolera ce qu’il a de plus cher.

◆ Étudier le discours X Quand il évoque Mlle de Puygarrig, Alphonse ne parle jamais de ses propres sentiments. Le narrateur veut sans doute suggérer qu’il est totalement indifférent au charme de la jeune fille et qu’il ne s’agit pas pour lui d’un engagement d’ordre affectif. Il ne se soucie pas vraiment d’elle et on peut même imaginer qu’il la trompera un jour.

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Réponses aux questions – 18

at Ni la valeur esthétique ni la valeur sentimentale ne semblent toucher Alphonse dans les deux cas. Seul l’argent et l’opinion du « monde » sur sa position sociale lui importent. À propos de son mariage, il s’exprime comme un comptable : « Le bon, c’est qu’elle est fort riche. Sa tante de Prades lui a laissé son bien. » Sa remarque finale « Oh ! je vais être fort heureux ! » résonne comme une conclusion égoïste (apparition pour la première fois du je) et froidement calculatrice. En ce qui concerne la bague, Alphonse se comporte avec la fierté d’un parvenu dont la grossièreté n’échappe pas au narrateur. La bague est quasiment devenue une monnaie d’échange et a perdu tout caractère poétique ou sentimental : « mais ces diamants ajoutés lui ont fait perdre un peu de son caractère », suggère poliment – par litote – le narrateur. Par ailleurs, Alphonse, en raison de son ignorance, fait penser au guide catalan qui évoquait « le temps de Charlemagne » pour dater la statue : il ne peut, quant à lui, fixer comme repère historique pour la bague que « le temps de la chevalerie » !

◆ Étudier la nouvelle fantastique ak Dans le dialogue qui oppose Mme et M. de Peyrehorade : – les deux sources de conflit qui opposent Mme et M. de Peyrehorade sont d’abord le choix du jour du mariage (vendredi) et le fait que M. de Peyrehorade veuille, à cette occasion, faire une cérémonie sacrificielle païenne ; – le vendredi (jour consacré à Vénus) et le sacrifice à la divinité font de cette même déesse le point de référence autour duquel s’articulent toutes les préoccupations des personnages. al Cette omniprésence de Vénus est perçue comme un signe maléfique par Mme de Peyrehorade qui voit, par superstition, dans le vendredi un jour de malheur (« S’il arrivait quelque malheur ? Il faut bien qu’il y ait une raison car enfin pourquoi tout le monde a-t-il peur du vendredi ? ») et dans le sacrifice à Vénus une « abomination », un acte fou et impie inspirant l’horreur… et le scandale puisqu’il bafoue les valeurs religieuses de l’époque. Quant à M. de Peyrehorade, sa passion et son entêtement sont une nouvelle fois confirmés.

◆ Étudier un thème : la statue am Mlle de Puygarrig, dont M. de Peyrehorade et son fils avaient vanté la beauté, apparaît pour la première fois in praesentia dans le récit. an Dans le portrait qu’en fait le narrateur, le terme qui est l’exact antonyme de celui qui avait été employé pour qualifier l’expression de la Vénus – méchanceté – est « bonté » (« et son air de bonté, qui pourtant […] »). ao Expressions du narrateur qui semblent indiquer que la comparaison entre les deux figures féminines s’impose à lui sans qu’il le veuille : – ligne 566 : « et son air de bonté, […] me rappela, malgré moi, la Vénus de mon hôte » ; – ligne 568 : « Dans cette comparaison que je fis en moi-même ». ap Ligne 569 : « je me demandais si la supériorité de beauté qu’il fallait bien accorder à la statue ne tenait pas, en grande partie, à son expression de tigresse. » Ligne 573 : « admiration involontaire. » Le narrateur laisse percevoir, une fois encore, combien son jugement d’homme de culture et de réflexion est impressionné de façon brutalement irrationnelle par l’image de la statue. Les termes qu’il emploie d’ailleurs à ce sujet sont significatifs : « tigresse », « énergie », « mauvaises passions », « excite » ; c’est le vocabulaire du désir animal, d’Éros mêlé à Thanatos, et on a l’impression, pour un temps, d’entrer dans l’univers du Zola de La Curée ou de Nana. La force – puissance artistique ou puissance divine ? – qui émane de la statue lui confère la supériorité sur la beauté plus sage, plus humaine de Mlle de Puygarrig.

◆ Étudier l’écriture aq Ligne 510 : « et que j’admirai, cela va sans dire. » Le commentaire ironique du narrateur s’adresse au lecteur qu’il rend ainsi complice. Le narrateur use d’ironie par antiphrase dans son jugement explicite sur le personnage.

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 19

◆ Étudier la fonction du passage ar L’attitude extrêmement antipathique, grossière, voire vulgaire d’Alphonse implique l’hostilité du narrateur – et par conséquent du lecteur – à son égard. En revanche, l’image sympathique qu’il donne de Mlle de Puygarrig entraîne l’admiration. Elle apparaît déjà comme une victime – tragique, mais on ne le sait pas encore – face à « un homme indigne d’elle ».

◆ À vos plumes ! as C’est la proposition b) que les élèves doivent compléter.

◆ Lire l’image bt La bourgeoisie du XIXe siècle a fondé sa légitimité sur des valeurs de vertu, d’ordre, de respectabilité et d’équilibre dont la femme doit être la garante à l’intérieur du noyau essentiel de la société qu’est la cellule familiale. Cette jeune fille a un visage sage et soumis : pudique, modeste, elle répond à l’image d’épouse réservée qui est celle qu’on attend d’une jeune femme de la bonne bourgeoisie au XIXe siècle. On ne peut l’imaginer bavarde ou écervelée… C’est ainsi qu’apparaît Mlle de Puygarrig, ligne 561 : « elle rougissait avec modestie, mais lui répondait sans embarras. »

L a p a r t i e d e j e u d e p a u m e ( p p . 6 4 à 6 6 )

◆ Avez-vous bien lu ? u Ce passage se situe le vendredi, jour de la semaine fixé par M. de Peyrehorade pour le mariage de son fils. v Ligne 605 : « Tout le monde devait être prêt et en toilette à dix heures précises. » Ligne 636 : « M. Alphonse regarda sa montre. Il n’était encore que neuf heures et demie. » C’est à ce moment que le jeune homme décide de défier les Espagnols au jeu. Quand son père arrive devant la calèche neuve, il doit être environ dix heures, heure prévue pour le départ. La partie de paume dure environ trente minutes. w Le narrateur s’installe « à l’ombre d’un micocoulier, de façon à bien voir les deux camps » (l. 651-652).

◆ Étudier le vocabulaire et la grammaire x Ligne 661 : « C’est cette maudite bague, s’écria-t-il, qui me serre le doigt, et me fait manquer une balle sûre ! » Dans cet emploi, placé avant le nom qu’il qualifie, l’adjectif signifie, en un sens fort affaibli, « dont on a sujet de se plaindre, qui gêne ». Il est synonyme de « fichu, satané, détestable ». Mais, avec Mérimée, on ne saurait oublier la volontaire ambivalence des mots. L’adjectif « maudit » peut aussi être compris dans son sens étymologique, « condamné, voué au malheur, sur qui s’exerce la colère divine ». Dès lors, le lecteur est insensiblement amené à voir dans cette formule d’apparence banale une véritable imprécation dont Alphonse ne sait pas encore, dans la perspective d’une explication surnaturelle, à quel point elle peut être lourde de sens. L’ambiguïté fantastique s’inscrit au cœur de la situation d’énonciation puisque la future victime énonce elle-même, comme par prémonition, sa condamnation. y Le doigt annulaire (du latin digitus anularis, « doigt propre à l’anneau ») est donc le doigt auquel on met l’anneau, le quatrième à partir du pouce. On peut se demander pourquoi Alphonse met précisément sa bague à ce doigt destiné symboliquement à l’alliance. Par ailleurs, le jour de son mariage avec Mlle de Puygarrig, dans le feu de sa passion pour le jeu, Alphonse nie la symbolique de l’alliance et mime inconsciemment, en passant l’anneau au doigt de la statue, la cérémonie rituelle du mariage. U Le narrateur utilise une périphrase qui est loin d’être innocente. Il insiste sur l’aspect terrifiant du personnage, sur sa force physique, sur sa taille. Cf. ligne 978 : la jeune mariée, par la suite, parlera au procureur d’« un géant verdâtre » en répétant « qu’elle a reconnu […] La Vénus de bronze » (l. 980).

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Réponses aux questions – 20

V Le temps employé par le joueur aragonais – le futur simple – exprime clairement, dans ce contexte, une menace à peine voilée où l’idée de punition liée à la faute est nettement suggérée par le verbe « payer ».

◆ Étudier le discours W Lignes 614 à 616 : « un crayon à la main, recommençant pour la vingtième fois la tête de la statue, sans pouvoir parvenir à en saisir l’expression. » Ligne 629-630 : « et désespérant de rendre cette diabolique figure, je quittai bientôt mon dessin ». X Plusieurs explications sont possibles mais, comme il arrive souvent dans le récit fantastique, aucune explication rationnelle n’est véritablement satisfaisante. On peut, en effet, penser que le narrateur exprime la difficulté à rendre compte d’une œuvre d’art tellement accomplie, tellement parfaite qu’on ne saurait la reproduire. Ce n’est pas vraiment l’obstacle sur lequel semble buter le narrateur, habile dessinateur à ce qu’on peut en juger (encore un clin d’œil de Mérimée, dont on sait qu’il maîtrisait parfaitement le dessin). On peut aussi comprendre que le narrateur est incapable de « rendre » une expression qui n’appartient pas au monde des humains et qu’il ne peut donc traduire (cf. l. 629-630 : « diabolique figure »). Ou alors la statue serait bien le simulacre d’une divinité qui, par un sortilège, interdirait à quiconque de lui voler son image. Il est intéressant de noter qu’à la fin de la nouvelle il ne restera plus trace de cette image de la déesse puisque la statue de Vénus sera fondue en cloche. at Ce passage où il est question d’art pictural rejoint exactement ce qui avait été dit par le narrateur sur sa difficulté à reproduire le visage de la Vénus. Ligne 330 : « Quant à la figure, jamais je ne parviendrai à exprimer son caractère étrange ». Mérimée introduit à nouveau, par le biais d’un narrateur artiste et troublé, le thème de l’innommable, un des thèmes de la littérature fantastique qui oblige implicitement le lecteur à chercher ailleurs que dans la logique naturelle la réponse à cette énigme. Ainsi l’impuissance du narrateur laisse toute liberté à l’imagination devenue toute-puissante du lecteur…

◆ Étudier la nouvelle fantastique ak La première explication, la plus simple et la plus naturelle, c’est que la bague gêne véritablement Alphonse et qu’il ne peut donner toute sa mesure qu’après l’avoir enlevée. Dans la perspective de la nouvelle fantastique, la statue de la déesse lui assure, dès lors qu’il a conclu avec elle une alliance, ou un pacte, protection, puissance et invincibilité. Ligne 667 : « Dès lors il ne fit plus une seule faute ». al Ligne 657 : l’Aragonais mesure « six pieds », comme la statue de la Vénus, « et sa peau olivâtre [a] une teinte presque aussi foncée que le bronze de la Vénus ». Plus loin, on l’a vu, le narrateur insiste sur sa taille de « géant » (l. 679) et sa « force surprenante ». Ces ressemblances induisent chez le lecteur des rapprochements inconscients entre les deux figures. En tout état de cause, elles permettent de percevoir, derrière un personnage, le visage de l’autre. L’identité du personnage ainsi mise à mal, le caractère énigmatique et fantastique du récit se voit renforcé.

◆ Étudier un thème : la statue am Lignes 625-626 : « Vous ferez le portrait de ma femme ? […] Elle est jolie aussi. » Par l’emploi de cet adverbe, Alphonse souligne explicitement la comparaison entre la statue et la jeune femme qui s’est insidieusement imposée à lui. À nouveau l’idée du double qui prend une place de plus en plus importante imprègne insensiblement mais de façon inquiétante le récit, comme si l’auteur voulait faire sentir concrètement l’envahissement de l’espace par la statue. an La Vénus est le centre vers lequel convergent tous les personnages d’une manière ou d’une autre. Le narrateur, levé très tôt, s’agace de ne pouvoir reproduire son visage, M. de Peyrehorade continue ses élucubrations pseudo-savantes sur son origine et l’honore sur un « ton tragi-comique », Alphonse passe à son doigt la bague de diamants qu’il destine à sa future épouse, et l’Aragonais apparaît comme son double masculin et troublant. Tout le poids de la présence de la statue est vécu indirectement, à travers chaque personnage, par le lecteur sans cesse ramené à elle.

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 21

◆ Étudier l’écriture ao Alphonse est transformé par la passion du jeu, comme le souligne l’adverbe « alors ». Capable de passion et enfin dans son élément, il révèle un autre aspect de sa personnalité. Il devient brutalement séduisant, plus authentique, dépouillé de ses artifices de dandy, et acquiert ainsi une dimension « réelle », une consistance dont il était dépourvu jusque-là. Ligne 642 : « Alors je le trouvai vraiment beau. Il était passionné. » L’asyndète permet plusieurs interprétations, mais il semble bien que le narrateur veuille indiquer surtout un rapport de cause, une explication. Lignes 642 à 646 : « Sa toilette, qui l’occupait si fort tout à l’heure, n’était plus rien pour lui. Quelques minutes avant, il eût craint de tourner la tête […]. Maintenant il ne pensait plus à ses cheveux ». La précision des indications temporelles souligne l’extrême rapidité du changement radical qui s’est opéré en lui : il semble même que cette instantanéité relève du miracle.

◆ Étudier la fonction de cet extrait ap Lignes 646 à 648 : « Et sa fiancée ?… Ma foi, si cela eût été nécessaire, il aurait, je crois, fait ajourner le mariage. » Dans ce passage, les faits sont relatés de façon naturelle et de manière détaillée au point que le temps de la narration tend à se rapprocher de la durée de la scène. Ce mode de narration accentue l’effet de réalité. Ainsi le lecteur n’est-il pas étonné de voir Alphonse ne pas se conduire en bon marié, se divertir, et n’accorder aucune importance symbolique à une bague – on se rappelle l’inscription « toujours avec toi » – dont il se débarrasse commodément sur un doigt de la statue de Vénus malgré sa valeur marchande. Sans avoir l’air d’y toucher, l’auteur peut, de cette façon, insinuer au cœur d’un récit réaliste toute une série de détails anodins en apparence qui constituent la trame du fantastique. Car, dans une perspective surnaturelle, tous ces éléments – la bague de mariage, l’engagement contenu dans l’inscription, le choix du doigt annulaire, l’oubli de la bague par Alphonse – concourent à mettre en scène les noces fantastiques et païennes de la divinité avec le jeune homme.

◆ À vos plumes ! ar Insister sur le nécessaire gros plan sur la bague mise au doigt de la Vénus, puisque c’est l’élément modificateur de la nouvelle.

L e s n o c e s ( p p . 7 0 à 7 5 )

◆ Avez-vous bien lu ? u Alphonse craint qu’on l’appelle « le mari de la statue » (l. 703) et il n’a pas confiance dans les domestiques. v Il lui offre, en guise d’alliance, « l’anneau d’une modiste », souvenir d’une aventure amoureuse à Paris. w Ligne 728 : « Il était près de huit heures quand on se disposa à partir pour Ille. » Cf. ligne 610 : « À sept heures, on retournerait à Ille ». Les convives ont donc une heure de retard par rapport à ce qui avait été prévu la veille. x b) Un coin à l’écart près d’une fenêtre du salon.

◆ Étudier le vocabulaire et la grammaire y Ligne 716 : « Peut-être le courage vient-il avec les situations difficiles. » Lignes 725 à 727 : « car les femmes n’ont rien de plus pressé que de prendre, aussitôt qu’elles le peuvent, les parures que l’usage leur défend de porter quand elles sont encore demoiselles. » Il s’agit de présents de vérité générale. L’énoncé n’est pas ancré dans la situation d’énonciation puisqu’il est censé être vrai dans toutes les situations. On remarque que la subjectivité du narrateur se manifeste dans ce passage par des réflexions d’ordre général sur la nature humaine, des jugements moraux qui, pour un temps, lui confèrent la posture d’un moraliste du XVIIe ou du XVIIIe siècle.

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Réponses aux questions – 22

U Cette scène, en contrepoint, rappelle plutôt les tableaux de Greuze et les drames bourgeois du XVIIIe siècle (cf. Diderot : Le Fils Naturel, Le Père de famille). Comme le souligne le narrateur avec un recul littéraire étonnant, toutes les notations – d’ordre visuel pour la plupart – contribuent à composer un tableau pathétique : sa tante « qui lui servait de mère » est une « femme très âgée » ; elle fait « un sermon touchant sur ses devoirs d’épouse » ; il s’ensuit « un torrent de larmes et des embrassements sans fin. » La scène émeut, touche vivement la sensibilité. V Lignes 741-742 : « Le marié […] était pâle et d’un sérieux de glace ». Ligne 753 : « étrange altération de ses traits ». Ligne 770 : « Le marié tourna brusquement la tête d’un air effaré ». Ligne 814 : « Il me regardait fixement d’un air hagard ». Les deux champs lexicaux prédominants sont celui de la peur, voire de la terreur, et celui de la pétrification glacée qui se recoupent sous un même terme : altération. W Altération (du latin alter, « autre ») : fait de rendre autre, modification, changement. Le narrateur souligne l’étrangeté de cette métamorphose d’Alphonse qu’on a vu, le matin même, beau, farouche et sûr de lui. Il serait comme devenu étranger à lui-même et aux autres, ce qui reviendrait presque à parler d’« aliénation » au sens étymologique.

◆ Étudier le discours X L’emploi du plus-que-parfait exprime l’antériorité par rapport à l’imparfait de description qui suit ; c’est une façon de souligner très subrepticement l’ellipse narrative. at Alphonse, on le comprend par la suite (l. 806), a tenté de récupérer sa bague qu’il avait oubliée sur le doigt de la statue. ak Alphonse rapporte des faits qu’il dit avoir vécus. Cette ellipse est essentielle dans le déroulement dramatique car c’est dans l’absence de toute parole autre que celle d’Alphonse que se noue la crise fantastique. Le destinataire privilégié des confidences d’Alphonse est le narrateur, et, du coup, nous connaissons, à l’intérieur de son récit, ses propres réactions face aux paroles d’Alphonse qu’il rapporte en style direct. Question supplémentaire. Comment se nomme ce type de focalisation et que peut-on en conclure ? Réponse. Les paroles que prononce le jeune marié expriment son seul point de vue (focalisation interne) et de nombreux indices soulignent la subjectivité de son propos. Le vocabulaire qu’il emploie laisse transparaître sa peur ou son ivresse ; ses phrases hachées, dites d’« une voix entrecoupée », trahissent le dérèglement, le désordre dans lequel il se trouve. Le destinataire, en l’occurrence le narrateur, conclut à l’impossibilité de se fier à un individu à ce point dépossédé de toute maîtrise sur lui-même.

◆ Étudier la nouvelle fantastique al Le narrateur, bien peu enclin à croire un personnage qu’il juge par ailleurs fort antipathique, met sur le compte de l’ivresse tous les comportements étranges et inattendus du jeune marié. C’est l’explication rationnelle que livre le narrateur, car l’attitude d’Alphonse, qui boit énormément, autorise la confusion avec un homme ivre (l. 742, 801, 805, 826). Mais, parallèlement, l’auteur désigne aussi au lecteur des manifestations qui pourraient être celles de l’angoisse, de l’égarement devant l’incompréhensible. Ainsi convie-t-il simultanément le lecteur à une constante double lecture de sa nouvelle. am M. de Peyrehorade, dans un respect scrupuleux des lois de la rhétorique classique, construit sa comparaison entre les deux figures de la divinité sur des antithèses fortement structurées.

La statue de la Vénus La jeune femme

Trouvée dans la terre Vénus romaine La romaine est noire Froide

Descendue des cieux La catalane La catalane est blanche Elle enflamme

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 23

an Vénus est associée au Diable : – lignes 696-697 : « Elle est au doigt de la Vénus, que le diable puisse emporter ! » ; – lignes 793-794 : « Mais je ne sais ce que j’ai… je suis ensorcelé ! le diable m’emporte ! » ; – lignes 810-811 : « Non… je… je ne puis l’ôter du doigt de cette diable de Vénus » ; – lignes 828-829 : « Il y a peut-être quelque ressort, quelque diablerie ». La figure démoniaque apparaît constamment associée, dans les propos d’Alphonse, à celle de la Vénus, toujours là comme en surimpression. Pour lui, soudainement, il ne fait pas de doute que cette statue représente une des figures du Diable.

◆ Étudier un thème : la statue ao Ligne 813 : « Mais la Vénus… elle a serré le doigt. » Lignes 820 à 822 : « elle serre la main, m’entendez-vous ?… C’est ma femme, apparemment, puisque je lui ai donné mon anneau… Elle ne veut plus me le rendre ». Alphonse ne parle même plus d’une statue qui serait personnifiée, mais il considère la Vénus véritablement comme une femme (cf. les pronoms, les verbes de mouvement, un verbe d’état, un verbe de volonté, les parties du corps). ap Ligne 819 : « Le doigt de la Vénus est retiré, reployé ». Pour le jeune marié, il s’agit là d’un geste qui manifeste l’impérieuse volonté de la statue de Vénus. aq Au départ, le narrateur, très méprisant, considère avec une ironie amusée le jeune homme qui semble perdu. Par la suite, il lui oppose des objections rationnelles, logiques (l. 809 : « En ce cas, vous l’avez ? » ; l. 812 : « Bon ! vous n’avez pas tiré assez fort » ; l. 816 : « Quel conte ! […] Vous avez trop enfoncé l’anneau »). Il condamne son ivresse présumée mais il ne peut se défendre de réactions physiques incontrôlables, signes manifestes d’une peur inconsciente et refoulée : « J’éprouvai un frisson subit, et j’eus un instant la chair de poule. Puis, un grand soupir qu’il fit m’envoya une bouffée de vin, et toute émotion disparut » (l. 823 à 825).

◆ Étudier la fonction de l’extrait ar Le narrateur, la jeune mariée et Alphonse sont clairement désignés par l’écrivain dans une situation de rupture, en opposition avec l’atmosphère ambiante. Le narrateur est « dégoûté » par les mariages en général, par celui-ci en particulier, puisqu’il scelle, à ses yeux, une alliance contre-nature. Par ailleurs, il partage le malaise de la jeune mariée par sympathie pour la jeune fille qui ne semble pas être à sa place au milieu des grasses plaisanteries et des gros rires. Elle a déjà été négligée par son mari, et elle apparaît comme une pure victime du déterminisme social (dans la perspective d’une explication naturelle), de la fatalité – Iphigénie moderne – (dans la perspective d’une explication surnaturelle). Le narrateur la présente gênée, éprouvant un malaise et un trouble grandissants. Quant à Alphonse, il est inquiet, conscient – à tort ou à raison – d’avoir basculé dans l’horreur absolue. Ivre ou terrorisé, il est, de fait, totalement coupé du monde qui l’entoure. as Aucun des trois personnages ne peut donc, pour des raisons différentes, participer à la liesse générale et obligée du mariage. Ils sont isolés, ne sont pas « à la fête », dans une inquiétude croissante qui laisse présager la crise. Cette inquiétude est transmise au lecteur qui ignore toutefois la nature réelle de la menace et du danger. Par cet écart, l’auteur les installe d’ores et déjà à l’intérieur du pôle tragique vers lequel s’achemine inexorablement le déroulement dramatique.

◆ Lire l’image (p. 72) bt Malgré le classicisme de la facture, c’est une impression de mouvement, de multitude, d’éparpillement, de fuite éclatée, de violence extrême qui se dégage au final du tableau. Le pathétique de la scène est particulièrement visible dans les expressions torturées des visages des femmes, dans leurs attitudes terrorisées et pitoyables. Plus tard, David évoquera « le pinceau touchant et sévère de Poussin » quand il entreprendra la « suite » du même sujet avec Les Sabines.

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Réponses aux questions – 24

L e m e u r t r e d ’ I l l e ( p p . 7 9 à 8 7 )

◆ Avez-vous bien lu ? u b) Le narrateur trouve indigne qu’on livre une si belle jeune fille à un homme si grossier. v c) Un domestique (l. 1010-1011 : « J’oubliais la déposition d’un domestique qui le dernier avait vu M. Alphonse vivant »). w M. de Peyrehorade ne lègue ce manuscrit à personne. Il fait bien don de l’ensemble de ses manuscrits au narrateur, mais ce dernier n’y trouve pas « le mémoire relatif aux inscriptions de la Vénus » (l. 1047-1048).

◆ Étudier le vocabulaire et la grammaire x La jeune mariée apparaît, à travers cette image mythologique, comme une victime sacrifiée à un monstre jamais assouvi. Cette destinée fatale fait d’elle une figure tragique. Son mariage est désigné par le narrateur comme une union contre-nature avec une forte connotation sexuelle où prévalent le désir bestial et la transgression. Cette image préfigure peut-être une autre union monstrueuse et fatale dont le lecteur pourra avoir idée plus loin. Les non-dit et le malaise du narrateur (l. 864-865 : « Un garçon joue un sot rôle dans une maison où s’accomplit un mariage ») indiquent aussi le trouble, la nervosité qui règnent autour de l’accomplissement effectif de ce mariage. y Lignes 894-895 : « Il était livide, sans mouvement. » Ligne 904 : « il était déjà raide et froid. » Lignes 904-905 : « Ses dents serrées et sa figure noircie exprimaient les plus affreuses angoisses. » Lignes 907-908 : « sur sa poitrine une empreinte livide ». On se souvient qu’au début de la nouvelle Alphonse était comparé à un Terme et associé par sa raideur à une statue. Tout dans ce portrait macabre insiste sur la froide immobilité du jeune homme et rappelle ainsi les caractéristiques de la statue de la Vénus.

◆ Étudier le discours U L’ouïe devient le sens naturellement privilégié par le narrateur pour appréhender la réalité, puisque c’est à partir des bruits qui rythment la nuit qu’il échafaude ses hypothèses. V On retrouve ici un des procédés de l’ambiguïté. Le texte, même s’il se donne à lire comme le récit sincère et scrupuleux d’un homme de raison et de savoir, laisse toujours ouverte la possibilité de la double interprétation, de la relecture. Ainsi, le narrateur entend des bruits divers qu’il ne peut qu’interpréter parce qu’il ne voit pas. Le narrateur est celui qui n’a pas besoin de voir pour savoir : le lecteur peut accepter ce principe au nom de la rationalité affichée du personnage, mais du coup il peut aussi largement douter de sa valeur. Il convient donc de montrer aux élèves comment le jeu des modalisations se combine avec l’utilisation de la focalisation interne – indices de subjectivité d’un narrateur troublé et compatissant – pour accentuer les effets d’incertitude et atténuer le caractère invraisemblable des faits rapportés. À titre d’exemple, lignes 857 à 859 : « puis il me semblait avoir entendu sur l’escalier les pas légers de plusieurs femmes se dirigeant vers l’extrémité du corridor opposé à ma chambre ». Puis, lignes 659-860 : « C’était probablement le cortège de la mariée qu’on menait au lit. » Le narrateur interprète donc des signes sonores incertains et en tire des déductions dont le lecteur pourra toujours interroger la validité. W Pour mener son enquête, le sens privilégié par le narrateur devient naturellement la vue, comme il arrive très souvent dans la littérature policière où, selon un schéma classique, le détective traque les indices matériels. X Ligne 909 : « On eût dit qu’il avait été étreint dans un cercle de fer. » Lignes 915-916 : « Il ne me paraissait pas douteux que M. Alphonse n’eût été victime d’un assassinat ». Lignes 919-920 : « car un bâton ou une barre de fer n’auraient pu les produire. » Lignes 924-925 : « toutefois j’osais à peine penser qu’il eût tiré une si terrible vengeance. » Lignes 937-938 : « ce devait être sur ce point que les meurtriers l’auraient franchie. » Ce récit, qui aurait pu avoir l’allure d’un banal rapport de police, est envahi par la subjectivité du narrateur qui, dans un incessant monologue intérieur, commente ce qu’il voit, exprime ses interrogations, manifeste ses doutes, son inquiétude. Dans le jeu des modalisations qui se met en place

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 25

une fois encore, le conditionnel est sans doute – parce qu’il est le mode de l’hypothèse – le mode le plus propre à rendre le questionnement, l’hésitation face à l’étrange. at Le procureur du roi rapporte le récit que lui a fait la jeune veuve au narrateur et ce dernier, d’abord destinataire de ce premier énoncé, devient à son tour l’énonciateur d’un énoncé dont l’ultime destinataire se trouve être… le lecteur. Ainsi, le lecteur, s’il n’est pas face à un narrateur omniscient – évidence dans le cadre fantastique –, se retrouve cependant face à des récits enchâssés où il peut entendre, à chaque fois, tout un système de voix se faisant écho les unes aux autres. Les destinataires et les énonciateurs se relaient dans une narration éclatée, déstabilisante pour le lecteur. ak Le procureur est un personnage nouveau, éloigné de toute superstition, comme il l’a montré par son attitude lors des interrogatoires : il n’est pas « contaminé » par l’atmosphère superstitieuse qui règne dans la maison des Peyrehorade et dans toute la ville d’Ille. En revanche, l’auteur a fait en sorte de composer la figure d’un narrateur qui, en dépit de sa parfaite maîtrise intellectuelle et de son esprit logique, arrive à être imprégné par des croyances provinciales et qui a insisté sur l’insupportable malaise généré par la statue de la Vénus (l. 1023 à 1025 : « je ressentis un peu de la terreur superstitieuse que la déposition de Mme Alphonse avait répandue dans toute la maison »). Le lecteur, qui a appris à connaître les opinions du narrateur, qui « entend » ses commentaires tout au long de la nouvelle, est peu à peu entraîné dans son intimité et s’identifie encore plus facilement à lui. Le lecteur n’est donc pas loin de penser, dans sa complicité avec le narrateur, que la prudence s’impose – le narrateur a peur de passer pour fou ! – face à un procureur qui ne peut évidemment pas comprendre les faits étranges qui se sont produits peu avant… Le lecteur est, à ce moment du schéma narratif, enfermé dans une logique qui est celle du récit fantastique et qui fait prévaloir l’explication surnaturelle.

◆ Étudier la nouvelle fantastique al Le narrateur a entendu le chant du coq comme la jeune veuve, et toutes les indications temporelles de son récit correspondent aux faits que dit avoir vécus Mme Alphonse, ce qui, d’une certaine façon, confère à la déposition de la jeune femme une crédibilité plus grande aux yeux du lecteur. am Ce qui permet de l’innocenter : la personnalité de cet homme fier et franc, sa bonne réputation, l’absence de preuves matérielles et le fait qu’il possède un excellent alibi la nuit du meurtre ruinent toute explication par la vengeance et innocentent l’Aragonais. Ce qui aurait permis de croire en sa culpabilité : les notations du narrateur concernant son physique, on l’a vu, faisaient de lui le double inquiétant de la statue de bronze. Mais la menace proférée en espagnol par l’Aragonais, de l’aveu même du narrateur (l. 924-925 : « toutefois j’osais à peine penser qu’il eût tiré une si terrible vengeance d’une plaisanterie légère ») ne semble pas constituer un motif véritable. L’explication naturelle du crime reste donc particulièrement lacunaire et peu satisfaisante puisqu’on ne sait pas qui a tué ni pourquoi. an Tous les indices, y compris les indices matériels relevés par le narrateur au cours de son enquête, concourent à la culpabilité de la statue (!) et s’inscrivent dans une parfaite cohérence dramatique et psychologique. Et surtout pas un seul élément du récit qui concerne la Vénus ne rend impossible un crime perpétré par elle. ao C’est précisément l’explication surnaturelle qui permet de répondre à toutes les questions que le lecteur peut se poser et qui donne cohérence à la trame narrative (ce qui n’était pas le cas pour l’explication naturelle). Aux yeux d’un élève, elle semble la plus évidente et la plus probable. ap Entre les deux explications, le lecteur ou plutôt le relecteur est conduit au cœur d’une mystérieuse énigme qui ne trouve aucune résolution et c’est l’incertitude, l’hésitation dans laquelle il est immergé qui constituent la définition même du récit fantastique. Mérimée, après avoir conduit le lecteur sur différentes pistes – de la nouvelle réaliste au roman policier en passant par la chronique de mœurs provinciales –, par un jeu de passe-passe, l’abandonne en fin de compte à ses doutes. Le lecteur demeure incapable de choisir une voie sûre dans ce labyrinthe, soumis aux sortilèges de l’art de l’écrivain.

◆ Étudier un thème : la statue aq a) Lignes 940-941 : « Cette fois, je l’avouerai, je ne pus contempler sans effroi son expression de méchanceté ironique ».

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Réponses aux questions – 26

Lignes 942 à 944 : « il me sembla voir une divinité infernale applaudissant au malheur qui frappait cette maison. » Il est significatif de noter que le narrateur ne considère plus du tout la beauté étrange de la statue ni même sa valeur esthétique ou artistique. À présent, ce qui lui apparaît nettement, c’est l’expression mauvaise et cruelle de la statue qui a gagné en intensité. L’adjectif « ironique », repris plus loin par le participe « applaudissant », souligne le décalage entre la tragédie humaine et le contentement de l’« inhumaine ». L’image finale, où le souffle de l’amplification épique renforce la personnification des forces du mal, souligne avec une horreur grandiloquente la perversité de la statue. b) Lignes 1036-1037 : « Mon intention était de l’engager à la placer dans un musée. » Le narrateur est, en cela, conforme à son rôle d’archéologue qui le pousse à vouloir conserver une œuvre d’art de valeur. Par ailleurs, il désire ôter à la vue de M. de Peyrehorade un objet qui viendrait sans cesse lui rappeler son malheur. Il semble donc revenir, à la fin de la nouvelle, à son comportement d’homme de science et de raison. Mais il n’affiche pas vraiment une attitude tranchée – volonté de l’auteur de la nouvelle fantastique. Ainsi, on ne le voit pas exprimer de regrets quand il apprend qu’une statue de cette valeur historique et esthétique – d’après ce qu’il en a dit – a été fondue pour servir de cloche à l’église du village et conforter la fierté dévote de Mme de Peyrehorade. Serait-il résigné ou approuverait-il ? ar Lignes 1050-1051 : « Après la mort de son mari, le premier soin de madame de Peyrehorade fut de la faire fondre en cloche ». a) Lignes 47-48 : « et j’entends bimm… comme s’il avait tapé sur une cloche. » C’est alors le guide catalan qui raconte sa découverte. b) Lignes 199 à 201 : « Savez-vous que ma femme voulait que je fondisse ma statue pour en faire une cloche à notre église ? C’est qu’elle en eût été la marraine. » as Lignes 44-45 : « un vieil olivier qui était gelé de l’année dernière ». Lignes 1054-1055 : « les vignes ont gelé deux fois ». bt En revenant, dans le cadre de l’épilogue, quasiment à la situation initiale du schéma narratif, l’auteur provoque un bouleversement des repères temporels traditionnels de la narration et inscrit son récit dans un temps sans limite : l’histoire se clôt sur le début d’un nouveau cycle et indique par là-même qu’elle est sans fin… bk Il est bon de le rappeler aux élèves qui peuvent être totalement « captivés » par un récit traité sur le mode réaliste. L’histoire se présente comme une histoire vraie, vécue par un narrateur auquel Mérimée a prêté plusieurs de ses traits afin d’accentuer l’effet de réel (cf. aussi les différents procédés tendant à créer l’illusion du vrai dans le récit). Mérimée a composé son récit de façon extrêmement méticuleuse afin de mieux y emprisonner son lecteur : son art allie la précision et la concision qui confèrent à la nouvelle sa crédibilité et son efficacité. Ce n’est pas un hasard si Mérimée lui-même considère La Vénus d’Ille comme « son chef-d’œuvre » (cf. sa lettre à Mme de la Rochejacquelein du 18 février 1857 : « C’est, suivant moi, un chef-d’œuvre »).

◆ Étudier la fonction de l’extrait bl Le récit fantastique est conçu de manière à maintenir le lecteur dans l’hésitation puisque le dénouement ne constitue pas la résolution de l’énigme, comme ce serait le cas dans un roman policier. Le lecteur ne sait pas qui a tué Alphonse, il ignore si cette fameuse statue possède un réel pouvoir maléfique, si les vignes gelées sont un effet de sa malignité ou encore une coïncidence rattachée à une superstition… Il ne connaît toujours pas son origine : à la fin de la nouvelle, la statue a conservé entier son mystère. Le titre de la nouvelle indique, à lui seul, tout ce que le lecteur saura en définitive de cette statue éponyme : c’est une Vénus qu’on a trouvée à Ille. bm Lignes 1054-1055 : « les vignes ont gelé deux fois » : c’est là une manière habile de suggérer au lecteur, sans toutefois l’affirmer de façon catégorique, que le pouvoir maléfique de la statue continue d’agir par-delà sa métamorphose. La méchanceté de la statue – vengeance ? punition ? – s’exerce et s’étend sur la nature tout entière, et l’on retrouve une caractéristique constante de son action malfaisante : le froid et la pétrification qui participent de sa nature même.

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 27

R e t o u r s u r l ’ œ u v r e ( p p . 9 1 à 9 5 )

◆ Quatre journées qui ont compté u Première journée : des « polissons » jettent une pierre sur la statue de Vénus. Deuxième journée : une discussion savante sur une curieuse inscription. Troisième journée : la partie de jeu de paume entre Alphonse et l’Aragonais. Quatrième journée : l’enquête du narrateur après la mort d’Alphonse.

◆ Personnes et personnages v

◆ La Vénus w a) On a trouvé la statue de Vénus dans la terre près d’un vieil olivier. b) Monsieur de Peyrehorade veut lui sacrifier deux palombes. c) La rose, la fleur qui symbolise la beauté et la pureté, lui est consacrée. d) Déesse de l’amour, elle est apparentée chez les Grecs à Aphrodite. e) Le jour qui lui est consacré est le vendredi.

◆ Dernières nouvelles en direct d’Ille x La Gazette du Roussillon « Après avoir été escortée dans la chambre préparée pour les époux vers minuit, Madame Alphonse s’est couchée dans le lit nuptial dont les rideaux avaient été tirés. Quelques minutes plus tard quelqu’un, qu’elle croyait être son mari, est entré dans la chambre, mais Madame Alphonse n’a pas pu le voir car elle était couchée sur le côté, dans la ruelle, le visage tourné vers le mur de la chambre. Après un certain temps, le lit s’est creusé comme sous l’effet d’un poids énorme. Un hôte de la maison a pu nous confirmer qu’il a bien entendu, à ce moment de la nuit, des pas lourds qui montaient l’escalier. Cet archéologue parisien en visite dans la région avait pensé qu’il s’agissait des pas du jeune marié, monsieur Alphonse. Très apeurée, celle qui était encore Mlle de Puygarrig la veille n’a pas osé se retourner. Peu après, toujours selon elle, la porte s’est ouverte une seconde fois et quelqu’un est entré en disant : “Bonsoir, ma petite femme.” On a tiré les rideaux du lit, la personne qui se serait trouvée dans le lit se serait levée sur son séant. Alors, tournant la tête, la jeune épouse a vu un monstre verdâtre puis a dit reconnaître la statue de Vénus en bronze découverte par le père du marié. C’est elle qui aurait tué son mari et serait repartie à l’heure où le coq chanta. Toujours d’après notre témoin parisien, il pouvait être cinq heures du matin et il a de nouveau entendu les mêmes pas lourds qui descendaient l’escalier. »

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Réponses aux questions – 28

◆ Questionnaire de synthèse y a) faux – b) vrai – c) faux – d) vrai – e) faux – f) faux – g) vrai – h) faux – i) faux – j) faux – k) vrai – l) vrai – m) faux – n) vrai – o) faux – p) vrai – q) faux – r) faux – s) vrai – t) vrai U On peut rappeler la définition du récit fantastique proposé par Tzvetan Todorov. Ce récit est celui de « l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel ».

R é p o n s e s a u x q u e s t i o n s d u g r o u p e m e n t d e t e x t e s ( p p . 1 0 9 à 1 1 8 )

◆ Document 1 : Ovide, Les Métamorphoses A. Pygmalion tombe amoureux de la statue (« il devint amoureux de son œuvre »), tant elle semble « vivante », et se comporte avec elle comme tel : il lui donne des baisers, la caresse, lui offre des présents, la vêt et l’orne de bijoux. Il la considère comme sa compagne. B. La progression de la métamorphose est rendue au fil des découvertes de Pygmalion par l’intermédiaire duquel elle nous est présentée : c’est d’abord la sensation de chaleur qui révèle la vie qui anime la statue (« ce corps est tiède ») ; puis, au contact de ses mains, Pygmalion sent que « l’ivoire s’attendrit : il perd sa dureté » ; enfin, « il sent des veines palpiter ». Pygmalion acquiert donc la certitude de la métamorphose en suivant trois étapes : de l’extérieur du corps (le souffle) vers sa surface (la peau), puis son intériorité (les veines). C. Le sculpteur peut être victime d’une illusion fondée sur la conviction, dès l’achèvement de l’œuvre, que celle-ci a un aspect vivant. Dès le début du texte, en effet, Pygmalion se comporte comme si la statue était un être vivant. Aussi peut-on considérer qu’il s’enfonce progressivement dans cette illusion, au point de la prendre pour la réalité. Cette progression est rendue dans la fin du texte par la disparition des modalisateurs présents dans sa première partie. Cependant, le contexte de la fête de Vénus et la prière de Pygmalion rapportés au début du second paragraphe laissent supposer qu’il a été entendu par la déesse, laquelle est intervenue pour que la métamorphose se réalise. Les dieux détiennent, en effet, dans les récits mythologiques racontés par Ovide, le pouvoir de métamorphoser pour divers motifs : ici, Vénus récompense le sculpteur dont l’œuvre et les sentiments qu’il lui porte rendent hommage à l’amour dont elle est la déesse.

◆ Document 2 : Molière, Dom Juan A. L’apparition de la statue ne semble pas émouvoir Don Juan (IV, 7 : « montrons que rien ne me saurait ébranler ») ; il adopte à son égard une attitude de provocation, et même de défi (dans la scène 8), en l’invitant à dîner avec lui : il lui offre une chaise, du vin, des chansons. Sganarelle, quant à lui, est médusé par l’apparition : il souhaiterait disparaître (IV, 7 : « Sganarelle, où te cacheras-tu ? ») ; il a perdu l’appétit, la soif, et ne veut pas entrer dans le jeu de son maître, refusant implicitement de l’accompagner le lendemain à l’invitation de la statue (IV, 8 : « il est demain jeûne pour moi »). On peut attribuer son attitude à des réactions de peur physique devant le phénomène de la statue animée, mais aussi de crainte religieuse. B. La statue dit être envoyée par le Ciel (IV, 8 : « On n’a pas besoin de lumière quand on est conduit par le Ciel »). Elle est chargée de punir Don Juan, coupable de s’être détourné du Ciel, en le faisant mourir : « l’endurcissement au péché traîne une mort funeste, et les grâces du Ciel que l’on renvoie ouvrent un chemin à sa foudre » (V, 6). C. L’apparition de la statue relève du surnaturel, car elle est explicitement donnée pour une manifestation concrète du divin. Elle n’a pas de caractère fantastique dans la mesure où, si le réel et le surnaturel coexistent bien dans ces scènes, elle ne provoque aucune incertitude, aucun doute : la mort de Don Juan est, sans conteste, due à l’intervention vengeresse de la statue du Commandeur. Elle ne relève pas non plus du merveilleux, car elle ne permet pas d’entrer dans une nouvelle dimension où l’irrationnel, accepté comme tel, permettrait de s’affranchir de la réalité.

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 29

◆ Document 3 : Nikolaï Gogol, « Le Portrait » A. Le narrateur remarque que les yeux du portrait le regardent avec insistance. Il note que ce n’est pas un effet de l’art (« une copie de la nature ») mais bien un phénomène surnaturel : le portrait semble être le visage d’un revenant (« le visage d’un cadavre ressorti de sa tombe). Quelle que soit sa position dans la pièce, ce regard a l’air de le poursuivre, sans qu’il puisse lui échapper. B. Ce regard suscite de la peur chez le narrateur, une peur qu’il ne s’explique pas, même s’il évoque l’influence de la lune qui porte au délire ou modifie la perception des choses, et qui grandit, s’intensifie au fil des heures. Elle est désignée sous différents termes : l’effroi tout d’abord (« remarqua avec effroi qu’ils le regardaient », « d’une façon encore plus effrayante »), puis la peur elle-même (« il eut peur de rester seul dans sa chambre », « il eut même peur de marcher dans la chambre », « cette peur instinctive », « ne chassait pas sa peur »). C. Pour échapper à ce regard qui provoque cette frayeur irraisonnée, le narrateur multiplie les tentatives, qui s’avèrent toutes vaines : il marche dans la chambre, mais le regard le poursuit, l’obligeant à se retourner sans cesse ; il se cache dans un coin, se refugie ensuite derrière un paravent, sans plus de succès : il subit ce regard dans son dos ou de face. Il se résout finalement à cacher le portrait sous un drap.

◆ Document 4 : Edgar Allan Poe, « Le Portrait ovale » A. Le tableau représente une jeune fille. Mais la description du narrateur reste vague concernant son visage, dont il note seulement « l’immortelle beauté de la physionomie ». Le fond de la toile, le style de vignette du portrait, le cadre y compris revêtent, dans un premier temps, autant d’importance que le visage lui-même. B. Le narrateur est d’abord impressionné par le portrait. Mais ce n’est qu’au bout d’une longue observation qu’il saisit l’origine de cette émotion et analyse les différents degrés de cette dernière qui le conduisent, à la fin du texte, à une « terreur profonde » : « m’avait fait tressaillir, et finalement m’avait confondu, subjugué, épouvanté ». Il n’y a donc pas d’effet de surprise, d’immédiateté, dans le sentiment de peur qui s’installe. C’est un sentiment progressif qui vient avec la fréquentation et la compréhension de l’œuvre. C. Cette impression et les émotions auxquelles elle donne naissance sont dues au « charme » (le terme est en italique dans le texte) qui émane du portrait. Il faut entendre le mot charme ici au sens fort de « sort » relevant de la magie, et donc inexplicable selon les critères rationnels. Ce charme réside dans le fait que le portrait est doté d’une expression vitale qui est, pour l’instant, présentée comme simplement analogue (« adéquate ») à la vie. La modalisation tempère donc ce que l’imagination pourrait prendre pour la vie elle-même. Mais les émotions ressenties par le narrateur montrent que cette barrière a déjà été franchie et que le personnage a conscience de se trouver face à un phénomène extraordinaire.

R é p o n s e s a u x q u e s t i o n s d e l e c t u r e d ’ i m a g e s ( p p . 1 1 9 - 1 2 0 )

◆ Document 1 : Statue de femme en bronze A. On reconnaît que la statue est en bronze à sa couleur brune très foncée, très différente de celle de la pierre, notamment du marbre blanc. La manière dont elle réfléchit la lumière révèle aussi sa nature métallique. Le bronze est, en effet, un alliage de cuivre et d’un autre métal, le plus souvent de l’étain, mais qui, contrairement à aujourd’hui, pouvait être d’un autre métal durant l’Antiquité. Ce matériau, par sa couleur et sa texture, donne à la statue un aspect sévère, inaltérable, et suggère un certain poids. B. Pour réaliser une statue en bronze, le sculpteur commence par la modeler en cire, puis la recouvre d’argile. L’ensemble est, ensuite, passé au four : l’argile durcit, tandis que la cire fond ; on obtient ainsi un moule à l’intérieur duquel on vient couler le bronze réduit à l’état liquide. Après refroidissement, le moule d’argile est cassé, laissant apparaître la statue de bronze.

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Réponses aux questions – 30

C. Debout, les jambes droites, la danseuse rattache sa tunique sur son épaule droite : le bras gauche, replié sur sa poitrine, et le bras droit, replié sur l’épaule droite, se rejoignent à hauteur de l’épaule dans un geste gracieux que la danseuse exécute sans regarder ce qu’elle fait, les yeux fixés droit devant elle. Seul le haut du corps est en mouvement : l’épaule gauche est légèrement décalée vers l’avant, entraînée par le bras gauche. Cette légère torsion affecte aussi le bas du corps, comme en témoigne la position des pieds, le pied droit, légèrement en retrait, servant d’appui. La tête, en revanche, est parfaitement de face, servant ainsi de repère pour percevoir le mouvement caché sous le vêtement long et ample qui masque tout le corps de la danseuse, sauf les bras et le cou. Les plis de la jupe, très serrés, tombent droit ; ceux de la tunique, plus larges, sont aussi plus irréguliers, dessinant des obliques, voire des courbes sous les bras. Les cheveux, mi-longs, forment des vagues sur le front et tombent en boucles épaisses le long du cou. La statue, qui paraît, au premier abord, très hiératique, est donc, en réalité, animée d’un mouvement très discret de la tête aux pieds. D. Les yeux se détachent très nettement en raison de la peinture blanche appliquée dans les orbites, pour figurer la cornée, entourant le cercle noir de la pupille et de l’iris. La statue semble ainsi dotée d’un regard vivant qui interpelle le spectateur. E. Le matériau, la composition, notamment le fait que le corps de la danseuse disparaisse presque entièrement sous son vêtement, mais aussi la régularité des traits du visage, la symétrie de la coiffure éloignent l’œuvre de la représentation humaine. Seul le mouvement des bras lui permet de renouer avec l’humanité du personnage. Le spectateur est plus impressionné qu’ému. F. Comme la Vénus d’Ille, cette statue est en bronze et possède une certaine majesté, caractéristique de la statuaire romaine. Elle partage aussi avec elle l’acuité du regard, sans pour autant que l’on puisse dire que celle-ci dégage la méchanceté de la Vénus d’Ille.

◆ Document 2 : Gustave Courbet, Le Désespéré A. Le visage de l’artiste est au centre du tableau, cadré en gros plan : seuls la tête, les épaules et les bras (en partie) sont visibles ; ces derniers, levés, encadrent le visage. Celui-ci figure métonymiquement le personnage dans son entier, réduit à cette seule expression faciale. L’effet sur le spectateur est impressionnant : ce dernier assiste, impuissant, à cette explosion de désespoir, ou peut-être est-il ce qui suscite le désespoir, la frayeur sur le visage de l’artiste qui le contemple. Il peut aussi représenter le reflet dans le miroir du spectateur contemplant sa propre condition dans le visage de l’artiste. B. Un faisceau de lumière vient de la gauche du tableau, éclairant le visage à contre-jour : la partie supérieure gauche du front, l’avant-bras droit, le col et l’épaule gauche ainsi que le coude droit du personnage sont particulièrement éclairés, faisant ressortir le blanc éclatant de sa chemise et sa pâleur, contrastant avec le rose des joues et des lèvres, et le noir des cheveux, des sourcils, des yeux et de la barbe. La direction de la lumière donne énormément de relief au visage dont chaque élément paraît sculpté par elle. C. Le personnage a les bras levés et tient sa tête à deux mains : il semble sur le point de s’arracher les cheveux. Ses doigts sont repliés, crispés, dans une attitude de tension extrême. Le visage est figé, bouche fermée, yeux écarquillés ; le regard est fixe, dardé sur un objet (intérieur ou extérieur) qui suscite cette attitude qui dénote le désespoir, comme l’indique le titre du tableau, mais aussi la stupeur, la terreur qui a pu produire cette paralysie. Le personnage, écrasé par le cadre de la toile, moins haut que large, et par la lumière venue d’en haut, semble aculé, réduit à l’impuissance, prisonnier de ses émotions. D. La représentation est réaliste : le détail des muscles, des tendons, des articulations, le rendu de la peau, le dessin des traits, les proportions montrent les connaissances anatomiques de Gustave Courbet. Les plis du vêtement restituent le volume, le mouvement de la blouse du peintre accompagnant celui des bras. Cette représentation est en même temps idéalisée : la symétrie du visage (suivant l’axe formé par l’arête du nez et la barbiche), prise dans le triangle formé par les bras (les phalanges de la main gauche du personnage formant le sommet du triangle), montre le souci d’une composition géométrique qui donne à cette représentation d’une émotion humaine une dimension presque abstraite. Cette représentation n’est donc pas exagérée ; ce qui est exagéré, c’est l’expression du modèle, caractérisée par une tension extrême, qui donne au tableau la valeur d’une étude.

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 31

E. Le spectateur est susceptible de réagir différemment à la vue de cette œuvre picturale, en fonction de sa propre expérience : – Il peut ressentir de l’empathie pour le personnage en proie au désespoir, saisi par l’expression du visage qui semble l’appeler à l’aide. – Il peut aussi, à l’inverse, éprouver du recul pour cette image d’un état hors du commun qui le sollicite trop directement et cherche à l’impressionner, voire à le mettre en cause. Le regard de l’artiste semble, en effet, obliger le spectateur à se poser la question : « Suis-je un monstre ? ». – Il peut s’identifier au portrait et le voir comme son propre reflet dans le miroir : ses propres traits peuvent se contracter à la vue de la souffrance exprimée par le visage de l’artiste, laissant jouer son imagination pour définir ce qui l’a causée. F. Ce portrait pourrait être celui d’Alphonse voyant apparaître la statue de Vénus dans sa chambre nuptiale et s’avancer vers lui pour l’étreindre. Le regard fixe et incrédule du personnage peint paraît convenir à rendre la stupéfaction d’Alphonse, témoin et victime d’un phénomène dont il ne sait s’il est le produit de son imagination (ou de son ivresse) ou un effet de nature surnaturelle.

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Proposition de séquences didactiques – 32

P R O P O S I T I O N D E S É Q U E N C E S D I D A C T I Q U E S

Objectif : lire une nouvelle fantastique Les neuf questionnaires du livre de l’élève proposent des activités décloisonnées et organisées autour d’objectifs secondaires subordonnés à l’objectif principal : lire une nouvelle fantastique. Ils permettent d’y parvenir de façon progressive. En cela, l’ensemble de ces neuf questionnaires constitue une séquence didactique très développée où le professeur pourra puiser en modulant ses séances en fonction de ses choix, du niveau des élèves, de sa progression et du moment de l’année où est étudiée la nouvelle de Mérimée. Nous proposons par ailleurs, dans la perspective d’une lecture préalable et intégrale de la nouvelle par les élèves, un canevas de séquences didactiques qui pourra être complété ou modifié par l’utilisation des notions abordées tout au long des questionnaires portant sur La Vénus d’Ille. Les séances proposées sont volontairement denses afin que le professeur puisse choisir, parmi les axes de lecture, ceux qui lui paraissent le plus susceptibles de répondre à sa progression dans l’année : – Séance n° 1 : effet de réel et mystification. – Séance n° 2 : les situations d’énonciation et la place du narrateur dans la nouvelle. – Séance n° 3 : les caractéristiques de la nouvelle. – Séance n° 4 : l’ambiguïté du fantastique. – Séance n° 5 : les caractéristiques du fantastique. – Séance n° 6 : écriture d’une nouvelle fantastique. Les numéros des questionnaires sont les suivants : – I, la page de titre. – II, l’incipit. – III, un archéologue parisien en province. – IV, la découverte de la statue. – V, une discussion entre savants. – VI, la veille des noces. – VII, la partie de jeu de paume. – VIII, les noces. – IX, le meurtre d’Ille.

S é a n c e n ° 1

Objectif Comprendre la fonction de la page de titre et de l’incipit d’une nouvelle fantastique.

→ Effet de réel et mystification.

◆ L’illusion du vrai Un cadre quotidien et rassurant. Langue et discours : des indices spatio-temporels précis.

◆ Une narration à la 1re personne : narrateur/auteur ? Langue et discours : – les pronoms de la 1re personne ; – la distinction entre narrateur et auteur.

◆ Importance des dialogues et rapidité de la mise en place des personnages Langue et discours : – situation d’énonciation : des paroles rapportées directement (les marques du discours direct : le système des temps des verbes, déictiques, ponctuation, verbes introducteurs et propositions incises, etc.) ; – caractérisation des personnages : les registres de langue.

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 33

◆ Les horizons d’attente : une histoire d’archéologue ? – Les indications de la page de titre. – Présence de la citation grecque. Langue et discours : – la phrase nominale ; – l’expression du souhait. Expression : 1. Activité orale : imaginer une page de titre à partir d’une nouvelle ou d’un roman étudié en classe. 2. Rédiger l’incipit de la nouvelle en substituant au Catalan l’ami archéologue parisien M. de P. et en veillant à le caractériser par ses paroles.

S é a n c e n ° 2

Objectif Repérer l’énonciateur et le destinataire dans le récit, les différentes situations d’énonciation,

place et rôle du narrateur dans la nouvelle.

◆ L’archéologue, un narrateur intra-diégétique : un témoin crédible ? Relever, tout au long de la nouvelle, l’évolution du narrateur omniprésent qui, de scrupuleux et moqueur, devient impliqué puis troublé et ébranlé. Questionnaires III, IV, V, rubrique « Étudier le discours » ; IX, questions 7 et 8. Langue et discours : – les temps des verbes dans la narration a posteriori ; – le lexique de la subjectivité (les indices de l’énonciation : pronoms, adverbes, verbes traduisant les sentiments, les suppositions ou le jugement) ; – permanence des pronoms à la 1re personne, y compris lors du récit d’Alphonse ; – étude de la focalisation : le point de vue interne (subjectif), questionnaire IV, questions 13 et 14 ; – le jeu des modalisations (notamment l’étude de l’emploi du conditionnel et de la forme interrogative), questionnaire IX, questions 7 et 9.

◆ Un destinataire privilégié du récit d’Alphonse Langue et discours : – les procédés de l’ironie (principalement l’antiphrase), questionnaire VI, question 17 ; – l’expression du temps dans le récit encadré d’Alphonse, questionnaire IX, questions 9 à 11 ; – les formes de discours dans un récit. Expression : le changement de point de vue. Réécrire la description que le narrateur fait de la Vénus en modifiant le point de vue du narrateur. Je devient il et le narrateur est omniscient.

S é a n c e n ° 3

Objectif Repérer les caractéristiques de la nouvelle : brièveté et concentration.

◆ Descriptions limitées et peu développées des lieux comme des personnages Langue et discours : L’enrichissement de la phrase (a contrario) : – l’expansion nominale ; – les compléments circonstanciels de temps et de cause.

◆ Portraits en actions et personnages caractérisés par leurs paroles rapportées Questionnaires II, questions 4 et 6 ; III, questions 8 a) et b). Langue et discours : – l’organisation du portrait : la progression thématique (à thème constant, à thème éclaté), le portrait en action ; – les figures de style par analogie (comparaison, métaphore).

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Proposition de séquences didactiques – 34

◆ Unité d’action (resserrement des lieux et du temps) Langue et discours : – les connecteurs chronologiques ; – les notions d’ellipse temporelle et d’ellipse narrative.

◆ Unité de point de vue Langue et discours Les modalités de l’énoncé : l’emploi du conditionnel, du subjonctif et des auxiliaires modaux (devoir, pouvoir, etc.). Expression : 1. Activité orale : utiliser le vocabulaire du portrait en action. Un élève décrit un de ses camarades dans la cour de récréation en train d’embêter un autre camarade. 2. Rédiger le portrait de M. de Peyrehorade d’après ce que l’on sait de sa personnalité à travers les dialogues qu’il échange avec le narrateur.

S é a n c e n ° 4

Objectif Reconnaître le double jeu de l’auteur et l’ambiguïté fantastique.

◆ Les avertissements et les jeux sur les mots Langue et discours : – notions de polysémie, d’étymologie : concision et ambivalence, questionnaires V, questions 4 à 7 ; VI, questions 8, 12 ; VII, questions 4, 7 ; – les emplois du futur simple ; – les compléments du nom objectifs et subjectifs.

◆ Le double visage de Vénus Langue et discours : étude des champs lexicaux opposés, questionnaire IV, questions 15 et 16.

◆ Une nouvelle policière ou une nouvelle fantastique ? La question de l’absence de résolution de l’énigme. Langue et discours : – les connecteurs logiques ; – discours argumentatif, discours explicatif : implicite et explicite. Expression : 1. Rechercher un exemple de phrase à double sens en vous aidant de votre manuel de grammaire (polysémie et construction grammaticale). 2. Activité orale : décrire un camarade dont le comportement pourra paraître ambigu.

S é a n c e n ° 5

Objectif Définir les caractéristiques principales du fantastique.

◆ Le thème de l’innommable et le surgissement progressif de l’angoisse chez le narrateur Et si la statue était la coupable ? Langue et discours : – étude des pronoms démonstratifs et indéfinis ; – le champ lexical de l’altération, questionnaire VIII, questions 7, 8, 12.

◆ La fonction du dénouement et de l’épilogue Langue et discours : questionnaire IX, questions 11 à 16 et 20 à 23.

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 35

◆ La double lecture Confrontation de l’explication naturelle lacunaire et de l’explication surnaturelle cohérente et convaincante. Langue et discours : – faire rechercher le schéma narratif traditionnel par les élèves afin de mettre en évidence les questions qu’il soulève : quelle est la situation initiale ? quel est le véritable élément perturbateur et dans quelle perspective se situe-t-il ? quelle est la situation finale ? – montrer que le schéma actantiel pose aussi problème dans le cas de la nouvelle fantastique.

◆ L’incertitude et l’hésitation du lecteur Le doute final, un élément constitutif du fantastique. Langue et discours : – le narrateur est loin d’être omniscient, questionnaire IX, rubrique « Étudier le discours » ; – les modalités de phrases (affectives et évaluatives).

S é a n c e n ° 6

Objectif Évaluer les acquis des élèves par l’écriture d’une courte nouvelle fantastique.

◆ Travail préparatoire en classe – Choisir un thème fantastique parmi ceux recensés par Roger Caillois dans son Anthologie du fantastique. – Définir la situation initiale et la situation finale : quel élément perturbateur inquiétant va faire basculer le récit ? – Donner deux explications (l’une rationnelle, l’autre irrationnelle) possibles. Exemple : des pas dans le grenier. 1. Des souris y trottent la nuit. 2. Un revenant ou un monstre hante la maison. – Prévoir la gradation du trouble chez le narrateur-témoin en recherchant pour les utiliser les champs lexicaux de la peur et de l’altération étudiés auparavant.

◆ Consignes – Respect du schéma narratif choisi en classe. – Narration à la 1re personne et point de vue interne. – Emploi des temps du récit au passé. – Utilisation du conditionnel et des auxiliaires modaux rencontrés (devoir, pouvoir).

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Pistes de recherches documentaires – 36

P I S T E S D E R E C H E R C H E S D O C U M E N T A I R E S

◆ La statue animée : un thème de la littérature fantastique La statue animée appartient aux thèmes récurrents de la littérature fantastique recensés par Roger Caillois dans l’introduction de son Anthologie du fantastique, Gallimard, 1966. On peut rappeler la liste qu’il propose dans cet ouvrage : – le pacte avec le démon ; – l’âme en peine qui exige pour son repos qu’une certaine action soit accomplie ; – la mort personnifiée apparaissant au milieu des vivants ; – la « chose » indéfinissable et invisible mais qui pèse, qui est présente ; – les vampires ; – la statue, le mannequin, l’armure, l’automate qui soudain s’animent et acquièrent une redoutable indépendance ; – la malédiction d’un sorcier qui entraîne une maladie épouvantable et surnaturelle ; – la femme-fantôme, venue de l’au-delà, séductrice et mortelle ; – l’interversion des domaines du rêve et de la réalité ; – la chambre, l’appartement, l’étage, la maison, la rue effacés de l’espace ; – l’arrêt ou la répétition du temps. Mais le thème de la statue animée n’apparaît pas figé une fois pour toutes dans une structure narrative donnée. Étant abordé de façon différente par les auteurs, son traitement implique à chaque fois une conception totalement différente de l’homme face à la divinité, seule détentrice du don de vie, de l’homme face à la création artistique (qui le dépasse ou qu’il contrôle) où il tente de rivaliser avec Dieu.

◆ Quand la matière prend vie… 1. Ainsi, dans un premier temps, on pourrait comparer la version d’Hermann Corner, que nous reproduisons ci-dessous, avec le récit de Mérimée afin de montrer distinctement aux élèves qu’aucun élément merveilleux n’apparaît dans La Vénus d’Ille, ce qui n’est pas le cas dans l’histoire du jeune Romain. Dans la nouvelle de Mérimée, rien n’est clairement dit sur la statue : le doute, qui s’insinue et demeure jusqu’à la fin, constitue le pivot central autour duquel s’articulent toutes les angoisses des protagonistes et du lecteur. C’est là une caractéristique fondamentale du fantastique. Mérimée a sans doute lu ce récit d’Hermann Corner, écrit en latin au XIe siècle, qui rapporte une histoire reprise ensuite par de nombreux auteurs jusqu’au XIXe siècle. Dans ce cas, il semble bien que ce soit la déesse Vénus elle-même qui s’incarne dans la statue. Il ne s’agit plus alors d’une simple sculpture, ni même d’un simple double de la divinité. La statue est véritablement la déesse… Et Vénus n’est pas particulièrement une divinité bienveillante pour le jeune héros de l’histoire : « À Rome, il y avait un jeune homme très riche et fort connu, du nom de Rothgerus... Il venait de prendre femme et banquetait souvent avec ses compagnons. Un jour, après le repas, il sortit pour se promener, et passant sur une place, se mit à jouer avec eux à la paume ; pour être plus à l’aise, il retira de son doigt son anneau de mariage et le passa au doigt tendu d’une statue de Vénus qui se tenait tout près de là. La partie terminée, le jeune homme, qui voulait récupérer son anneau, trouva le doigt de ladite statue maintenant recourbé jusqu’à la paume. Rothgerus fit donc beaucoup d’efforts, mais ne put ni retirer l’anneau ni briser le doigt. Il partit sans rien dire à ses compagnons, mais revint en pleine nuit avec un esclave ; il trouva le doigt de la statue tendu comme auparavant, mais pas l’anneau. Cachant cette disparition, il retourna auprès de son épouse, et quand il fut au lit, il sentit entre sa femme et lui quelque chose de léger et de dense, de palpable et d’audible, mais de tout à fait invisible. Et comme il voulait parler à sa femme, le fantôme s’écria : “Couche avec moi puisque tu m’as épousée aujourd’hui. Je suis Vénus, au doigt de laquelle tu as passé ton anneau, et je ne te le rendrai pas...” » (D.R.). Heureusement pour lui, le jeune Romain sera secouru par un magicien qui l’aidera, par différents stratagèmes, à échapper à l’emprise de Vénus. 2. Le mythe de Pygmalion met en avant la puissance de l’amour… personnifiée par Vénus. C’est l’amour qui indirectement donne vie à la matière, c’est Vénus – le désir – qui anime la statue. Voilà bien l’image d’une déesse bienveillante, celle qu’honore un peu naïvement M. de Peyrehorade. On pourra demander aux élèves de préciser l’image de Vénus dans chacun des récits. Volonté

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 37

destructrice, jalousie et méchanceté de la déesse : pourquoi donc Mérimée a-t-il choisi cet aspect de Vénus dans la perspective narrative fantastique ?

◆ Création divine ou création artistique ? Chez les anciens Grecs, le but suprême de l’art est de reproduire une réalité idéale avec le plus de fidélité possible. C’est ainsi que naît la légende des statues animées de l’ingénieux Dédale. Au XIXe siècle, comme encore au XXe siècle, cette idée perdure dans la réflexion et les conceptions esthétiques. On pense à Rodin accusé d’avoir effectué un moulage sur un être vivant tant son œuvre l’Âge d’airain semblait « vivre ». 1. Le Coureur Tel que Delphes l’a vu quand, Thymos le suivant, Il volait par le stade aux clameurs de la foule, Tel Ladas court encor sur le socle qu’il foule D’un pied de bronze, svelte et plus vif que le vent. Le bras tendu, l’œil fixe et le torse en avant, Une sueur d’airain à son front perle et coule ; On dirait que l’athlète a jailli hors du moule, Tandis que le sculpteur le fondait, tout vivant. Il palpite, il frémit d’espérance et de fièvre, Son flanc halète, l’air qu’il fend manque à sa lèvre Et l’effort fait saillir ses muscles de métal ; L’irrésistible élan de la course l’entraîne Et passant par-dessus son propre piédestal, Vers la palme et le but il va fuir dans l’arène.

José-Maria de Heredia, Les Trophées, 1893. Montrer que la poésie de J.-M. de Heredia, grand admirateur de l’Antiquité, est nourrie de cette conception. La sculpture décrite par le poète, tout en mouvement, semble échapper à son créateur et aux limites spatio-temporelles : le poète exalte le génie de Myron, véritable créateur de vie, et, grâce à son art, associe le lecteur à cette traversée du temps et de l’espace. Faire notamment relever les verbes de mouvement, la ponctuation et l’ampleur ou la rapidité des vers qui rythment le sonnet. 2. La Beauté Je suis belle, ô mortels, comme un rêve de pierre, Et mon sein, où chacun s’est meurtri tour à tour, Est fait pour inspirer au poète un amour Éternel et muet ainsi que la matière. Je trône dans l’azur comme un sphinx incompris ; J’unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ; Je hais le mouvement qui déplace les lignes, Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris. Les poètes, devant mes grandes attitudes, Que j’ai l’air d’emprunter aux plus fiers monuments, Consumeront leurs jours en d’austères études ; Car j’ai, pour fasciner ces dociles amants, De purs miroirs qui font toutes choses plus belles : Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1861.

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Pistes de recherches documentaires – 38

À côté de cette vision enthousiaste des pouvoirs de l’artiste, Baudelaire s’interroge sur le difficile rôle du poète dont les efforts viennent se briser contre l’inertie de la matière. La statue devient alors l’immuable symbole d’une beauté idéale inaccessible à l’homme. On peut, dans cette perspective, faire relever par les élèves tous les éléments lexicaux ou stylistiques qui contribuent à souligner l’impression d’immobilité et de dureté de ce « rêve de pierre ». Avec des élèves motivés, il serait intéressant de voir comment la statue, hors de portée humaine, devient chez Baudelaire une figure allégorique de la beauté. Comme chez Mérimée, les yeux de la statue (cf. la description toujours inachevée de la statue par le narrateur dans La Vénus d’Ille et le pouvoir de son regard) jouent un rôle déterminant dans la fascination qu’elle exerce sur les hommes : « Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles. » Voir à ce sujet les questions 8, 9 et 10 du questionnaire VII.

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La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée – 39

B I B L I O G R A P H I E C O M P L É M E N T A I R E

◆ Antiquité : IIe siècle après Jésus-Christ – Apulée (auteur latin), Les Métamorphoses ou l’Âne d’or.

◆ XVIIIe siècle : les débuts du fantastique – Cazotte, Le Diable amoureux (1772). – Walpole (anglais), Le Château d’Otrante (1764). – Tieck (allemand), Contes fantastiques (1791-1997). – Radcliffe (anglais), romans dont Les Mystères d’Udolphe (1794). – Lewis (anglais), Le Moine (1795). – Potocki (polonais), Le Manuscrit trouvé à Saragosse (imprimé à partir de 1805).

◆ XIXe siècle : les maîtres du fantastique – Arnim (allemand), Œuvres, dont Isabelle d’Égypte (1811). – Hoffmann (allemand), Les Élixirs du diable (1816), La Princesse Brambila (1821), Le Chat Murr (1820-1822). – Gautier, Contes fantastiques (1831-1866). – Nodier, Contes, dont La Fée aux miettes (1832). – Gogol (russe), Les Veillées à la ferme de Dikanka (1831-1832), Le Portrait, Le Journal d’un fou, Le Nez, Le Manteau (1835). – Balzac, La Peau de chagrin (1831), Séraphita (1835). – Mérimée, Il viccolo di madama Lucrezia (1837), Lokis (1869), Djoûmane (1870). – Poe (américain), Histoires extraordinaires (1839), Nouvelles Histoires extraordinaires (1845). – Dickens (anglais), Contes de Noël (1871). – Stoker (anglais), Dracula (1871). – Barbey d’Aurevilly, Les Diaboliques (1874). – Maupassant, Contes (1875-1889), dont Le Horla. – Stevenson (anglais), Dr Jekyll et Mr Hyde (1885). – Wilde (anglais), Le Portrait de Dorian Gray (1891). – James (anglais), Le Tour d’écrou (1898). – Nerval, Contes (1832), Aurélia (1853-1854), Pandora (1853-1854). – Pouchkine (russe), La Dame de pique (1833). – Villiers de l’Isle-Adam, Contes cruels (1883).

◆ XXe siècle : le fantastique contemporain – Kafka (tchèque), La Métamorphose (1915), Le Procès (1925), Le Château (1926). – Lovecraft (américain), diverses nouvelles réparties en 3 cycles (Histoires macabres, Cycle du rêve, Mythe de Cthulhu), dont les parutions s’étalent de 1919 à 1944. – Ray (belge), Les Contes du Whisky (1925), Malpertuis (1943). – Aragon, Le Paysan de Paris (1926). – Buzzati (italien), Le Désert des Tartares (1940). – Borges (argentin), Fictions (1944), L’Aleph (1949). – Bouquet, Le Visage de feu (1951), Aux portes des ténèbres (1956). – Gracq, Le Rivage des Syrtes (1951). – Cortázar (argentin), Les Armes secrètes (1959).