LA VALEUR SOCIALE DES EXPLICATIONS … · RESUME Cette thèse vise à étudier la valeur sociale...

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-27 octobre 2006- Université Pierre Mendès France U.F.R. Sciences de l’homme et de la société Ecole Doctorale Ingénierie pour la Santé, la Cognition et l’Environnement LA VALEUR SOCIALE DES EXPLICATIONS CAUSALES : NORME DINTERNALITE, JUGEMENTS SCOLAIRES ET REGISTRES DE VALEUR THESE DE DOCTORAT NOUVEAU REGIME Mention : Psychologie sociale expérimentale Benoît Dompnier Sous la direction de Pascal Pansu (Professeur, Université Pierre Mendès France) Membres du jury Jacques Baillé Professeur, Université Pierre Mendès France Alain Clémence Professeur, Université de Lausanne Jean-Claude Croizet Professeur, Université de Poitiers Nicole Dubois Professeur, Université de Nancy 2 Pascal Pansu Professeur, Université Pierre Mendès France Alain Somat Professeur, Université de Haute Bretagne

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-27 octobre 2006-

Université Pierre Mendès France U.F.R. Sciences de l’homme et de la société

Ecole Doctorale Ingénierie pour la Santé, la Cognition et l’Environnement

LA VALEUR SOCIALE DES EXPLICATIONS CAUSALES : NORME D’INTERNALITE, JUGEMENTS SCOLAIRES

ET REGISTRES DE VALEUR

THESE DE DOCTORAT NOUVEAU REGIME Mention : Psychologie sociale expérimentale

Benoît Dompnier

Sous la direction de Pascal Pansu (Professeur, Université Pierre Mendès France)

Membres du jury

Jacques Baillé Professeur, Université Pierre Mendès France Alain Clémence Professeur, Université de Lausanne Jean-Claude Croizet Professeur, Université de Poitiers Nicole Dubois Professeur, Université de Nancy 2 Pascal Pansu Professeur, Université Pierre Mendès France Alain Somat Professeur, Université de Haute Bretagne

REMERCIEMENTS

Remercier en quelques lignes toutes les personnes qui ont participé directement ou

indirectement à la réalisation de cette thèse me semble aujourd’hui une tâche bien difficile,

tant elles sont nombreuses.

Je remercie en premier lieu Pascal Pansu pour son encadrement, sa confiance et ses

encouragements tout au long de ce travail. Les nombreuses discussions que nous avons eues

tout au long de ces années ainsi que ses relectures attentives ont enrichi ce document à tous

les niveaux.

Je remercie également les membres de mon jury, Jacques Baillé, Alain Clémence,

Jean-Claude Croizet, Nicole Dubois et Alain Somat pour avoir accepté de lire et d’évaluer ce

travail.

Je tiens à remercier Florian Delmas pour nos nombreux échanges théoriques et

méthodologiques. Ces moments ont été pour moi une source continuelle de stimulation.

Je remercie également toutes les personnes avec qui j’ai collaboré lors de la réalisation

des différentes études présentées dans cette thèse : Stéphane Biboud, Sylvie Despesse,

Marjorie Duraffourd, Nathalie Estellon, Sandrine Michelas-Traversier, Laurence Reynier,

Caroline Roulet et Sandra Ukalovic. Merci également à l’ensemble des participants – élèves,

enseignants, étudiants – d’avoir accepté de prendre part à ces études.

Je remercie également mes collègues docteurs et doctorants du LPS, du LPNC et du

LSE pour leur bonne humeur, et pour certains, leur relecture : Julien Barra, Céline Darnon,

Marie-Aude Depuiset, Laurence Filisetti, Marc Gandit, Gabriela Jiga, Laetitia Larroque,

Sylvain Max, Dominique Muller, Serban Musca, Cécile Nurra, Maria Popa-Roch, Baptiste

Subra, Claudia Toma et tous les autres… Je leur témoigne à tous mon amitié.

Enfin, je remercie mes parents, Evelyne et Christian, pour leur soutien indéfectible et

leurs encouragements. Merci également à Lucille pour nos divers échanges ainsi que pour ses

commentaires sur le contenu de la thèse. Enfin, je remercie Nadine pour sa patience, son

affection et son soutien dans les moments de doutes. Sa présence au quotidien a rendu ce

travail possible.

RESUME

Cette thèse vise à étudier la valeur sociale des explications causales dans l’explication

des événements et jugements scolaires. Plus précisément, ce travail, qui s’inscrit dans le

prolongement des travaux conduits sur la norme d’internalité (Beauvois & Dubois, 1988), se

propose d’étendre la question de la valeur des explications causales au-delà de la seule

distinction entre causalité interne et causalité externe. Dans une première partie, nous avons

cherché à rendre compte de variations de valeur au sein du registre causal interne dans le

milieu académique (cycle universitaire et primaire). Une première série de trois études (études

1a, 1b et 2) montre que 1) toutes les explications internes ne sont pas valorisées au même

niveau et que 2) l’approche sociocognitive de l’internalité (Beauvois & Dubois, 1988) et

l’approche attributionnelle des relations interpersonnelles (Weiner, 1995) sont plus

complémentaires qu’antinomiques dès lors qu’on spécifie les jugements sur lesquels elles

portent. Deux études supplémentaires (études 3 et 4), réalisées en milieu naturel de classe,

révèlent, non seulement que toutes les catégories internes ne sont pas porteuses de valeur au

même titre, mais que cette valeur varie en fonction du paradigme mobilisé (paradigme

d’autoprésentation vs. paradigme d’identification/jugement). Cela nous a conduit dans une

seconde partie, à envisager la possibilité de fluctuations de valeur des explications causales

sur les deux composantes de la valeur sociale des personnes, l’utilité et la désirabilité (Dubois

& Beauvois, 2001). L’élaboration et la validation d’un outil de mesure de ces dimensions

adapté au milieu scolaire (études 5, 6 et 7) a permis la réalisation de deux nouvelles études

(études 8 et 9) qui apportent des résultats en faveur de cette approche. Enfin, des analyses

complémentaires révèlent que chaque explication dispose d’une valeur spécifique sur les deux

composantes de la valeur sociale. Une dernière étude expérimentale (étude 10) met en

évidence que la prise en compte de cette spécificité permet de mieux prédire le jugement des

enseignants en matière de désirabilité et d’utilité que le recours au seul critère interne/externe.

ABSTRACT

The aim of the current work is to investigate the social value of causal explanations in

the explanation of events and scholastic judgments. More particularly, this work, grounded on

the norm of internality theory (Beauvois & Dubois, 1988), suggests to extend the study of the

value of causal explanations beyond the distinction between internal and external causalities.

In a first part that took place in academic settings (in college and in elementary school), we

studied variations of value within the internal causal register. A first set of three studies

(studies 1a, 1b and 2) shows that 1) all internal explanations are not judged the same way 2)

the sociocognitive approach of internality (Beauvois & Dubois, 1988) and the attributional

approach of interpersonal relations (Weiner, 1995) are additional rather than paradoxical since

we have been able to specify the specific judgments that are concerned by each one of these.

Two additional studies (studies 3 and 4), conducted in natural class settings, reveal

furthermore that the value of causal explanations varies according to the mobilized paradigm

(self-presentation paradigm vs. identification/judgment paradigm). This leads us, in a second

part, to investigate the fluctuations of causal explanations value on both social utility and

social desirability (Dubois & Beauvois, 2001). The elaboration and the validation of a tool

designed to mesure these dimensions among middle school children, (studies 5, 6 and 7),

allowed us to conducted two new studies (studies 8 and 9) that confirm this approach.

Additional analyses on these data reveal that every explanation has a specific value on both

components of social value. The last experimental study (study 10) brings to the fore that the

specific value of each causal explanation is a better predictor of teachers’ judgments (be it

about desirability as well as utility) than the use of the internal/external criterion.

TABLE DES MATIERES

Avant-propos_______________________________________________________________ 1

PREMIERE PARTIE. L’étude de la valeur des explications causales internes __________ 7

CHAPITRE 1 L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences_____ 9

1. La distinction entre causalité interne et causalité externe : Perspectives du Locus of Control et de l’attribution causale________________________________________________ 10

1.1. La distinction interne/externe dans les travaux sur le Locus of Control ___________________ 10 1.1.1. De la théorie de l’apprentissage social à la mise en avant d’une variable de personnalité___ 10 1.1.2. Quelques arguments en faveur de la théorie du Locus of Control _____________________ 12

1.2. Le domaine de l’attribution causale : Causalité interne et causalité externe ________________ 15 1.2.1. Heider et la psychologie du sens commun _______________________________________ 16 1.2.2. Les limites de la distinction interne/externe ______________________________________ 20

2. Au-delà de la distinction interne/externe : La théorie attributionnelle de Weiner ____ 22 2.1. Les bases conceptuelles de la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation ______ 23 2.2. L’étude des conséquences des attributions causales : La nécessité d’une taxinomie _________ 25

2.2.1. Les causes habituellement évoquées pour expliquer les événements ___________________ 25 2.2.2. De l’étude des causes spécifiques à la détermination des dimensions causales ___________ 26

2.3. Les conséquences cognitives et émotionnelles des attributions _________________________ 29 2.3.1. Le lien entre attributions et émotions ___________________________________________ 29 2.3.2. Le lien entre attributions et expectations ________________________________________ 31

2.4. Les limites d’une approche dimensionnelle des attributions causales_____________________ 33 2.5. Le modèle attributionnel proposé par Weiner _______________________________________ 37 2.6. La théorie attributionnelle interpersonnelle_________________________________________ 40

2.6.1. La théorie attributionnelle interpersonnelle : Structure et organisation des concepts_______ 41 2.6.1.1. De l’attribution de causalité à l’inférence de responsabilité _____________________ 41 2.6.1.2. Les conséquences émotionnelles des jugements de responsabilité ________________ 44

2.6.2. Les domaines d’application de la théorie attributionnelle interpersonnelle ______________ 45 2.6.2.1. Situations de réalisation et jugement social _________________________________ 46 2.6.2.2. Les stratégies de communication des attributions causales______________________ 48

CHAPITRE 2 De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales__________________________________________________________________ 53

1. De quelques biais et erreurs dans l’explication des événements quotidiens __________ 54 1.1. Le biais d’autocomplaisance ____________________________________________________ 55

1.1.1. L’approche motivationnelle du biais d’autocomplaisance ___________________________ 55 1.1.2. L’approche cognitive du biais d’autocomplaisance ________________________________ 57 1.1.3. L’approche cognitivo-motivationnelle du biais d’autocomplaisance ___________________ 59

1.2. L’accentuation du poids causal de l’acteur dans l’explication des événements psychologiques 60 1.2.1. La surestimation du poids causal de l’acteur dans l’explication des comportements : Une erreur dans la perception sociale ___________________________________________________________ 61 1.2.2. La surestimation du poids causal de l’acteur dans l’explication des renforcements : Une fonction adaptative ________________________________________________________________ 63 1.2.3. L’exacerbation de l’internalité : Un syndrome culturel spécifique aux sociétés occidentales 64

2. Une approche sociocognitive de l’activité explicative : La théorie de la norme d’internalité __________________________________________________________________ 66

2.1. La norme d’internalité : Une norme sociale de jugement ______________________________ 68 2.1.1. Le concept de norme sociale _________________________________________________ 68

2.1.1.1. Normes descriptives et normes prescriptives ________________________________ 69 2.1.1.2. Normes de comportement et normes de jugement ____________________________ 70

2.1.2. La norme d’internalité et les pratiques évaluatives : l’utilité sociale des explications internes 71 2.2. Les méthodes d’étude de la norme d’internalité _____________________________________ 74

2.2.1. La mesure de la norme d’internalité ____________________________________________ 74 2.2.2. Les paradigmes de l’approche sociocognitive de l’internalité ________________________ 76

2.3. Des résultats en faveur de l’existence d’une norme d’internalité ________________________ 78 2.3.1. La valeur sociale des explications causales internes _______________________________ 78 2.3.2. L’acquisition de la norme d’internalité__________________________________________ 82

2.4. L’existence d’une variabilité de valeur au sein du registre interne _______________________ 85

3. Problématique générale de la première partie _________________________________ 95

CHAPITRE 3 Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social____________________________________________________________ 97

1. L’articulation de la théorie attributionnelle et de l’approche sociocognitive de l’internalité __________________________________________________________________ 98

1.1. Vers un dépassement des antagonismes théoriques : La métathéorie perspectiviste__________ 98 1.2. Une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social _____ 101 1.3. Problématique des études 1a, 1b et 2 ____________________________________________ 102

2. Etude 1a : Paradigme d’autoprésentation ____________________________________ 103 2.1. Vue générale _______________________________________________________________ 103 2.2. Méthode __________________________________________________________________ 104

2.2.1. Participants ______________________________________________________________ 104 2.2.2. Matériel ________________________________________________________________ 104 2.2.3. Procédure _______________________________________________________________ 104

2.3. Résultats __________________________________________________________________ 105 2.4. Discussion _________________________________________________________________ 108

3. Etude 1b : Paradigme des juges ____________________________________________ 108 3.1. Vue générale _______________________________________________________________ 108 3.2. Méthode __________________________________________________________________ 109

3.2.1. Participants ______________________________________________________________ 109 3.2.2. Matériel et procédure ______________________________________________________ 109

3.3. Résultats __________________________________________________________________ 109 3.4. Discussion _________________________________________________________________ 112

4. Etude 2 : Paradigme des juges et spécificité des jugements sociaux _______________ 113 4.1. Vue générale _______________________________________________________________ 113 4.2. Méthode __________________________________________________________________ 113

4.2.1. Participants ______________________________________________________________ 113 4.2.2. Matériel et procédure ______________________________________________________ 114

4.3. Résultats __________________________________________________________________ 114 4.4. Discussion _________________________________________________________________ 116

5. Conclusion______________________________________________________________ 117

CHAPITRE 4 La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe __ 121

1. Etude 3 : Une étude en milieu naturel de classe _______________________________ 123 1.1. Vue générale _______________________________________________________________ 123 1.2. Méthode __________________________________________________________________ 123

1.2.1. Participants ______________________________________________________________ 123 1.2.2. Matériel ________________________________________________________________ 124

1.2.2.1. Les fiches d’identification des élèves _____________________________________ 124 1.2.2.2. Le questionnaire d’internalité ___________________________________________ 125

1.2.2.2.1. Construction des items______________________________________________ 125 1.2.2.2.2. Prétest 1 du questionnaire d’internalité _________________________________ 126 1.2.2.2.3. Prétest 2 du questionnaire d’internalité _________________________________ 128

1.2.2.2.4. Structure du questionnaire d’internalité_________________________________ 129 1.2.3. Procédure _______________________________________________________________ 129

1.3. Analyses statistiques _________________________________________________________ 130 1.3.1. Analyses sur le score global d’internalité_______________________________________ 131

1.3.1.1. Paradigme d’autoprésentation (élèves) ____________________________________ 131 1.3.1.2. Paradigme d’identification/jugement (enseignants) __________________________ 134

1.3.2. Analyses à partir des scores des différentes catégories d’explications_________________ 144 1.3.2.1. Paradigme d’autoprésentation (élèves) ____________________________________ 144 1.3.2.2. Paradigme d’identification/jugement (enseignants) __________________________ 150

1.4. Discussion _________________________________________________________________ 152

2. Etude 4 : Réplication et prolongement _______________________________________ 158 2.1. Vue générale _______________________________________________________________ 158 2.2. Méthode __________________________________________________________________ 159

2.2.1. Participants ______________________________________________________________ 159 2.2.2. Matériel ________________________________________________________________ 160 2.2.3. Procédure _______________________________________________________________ 161

2.3. Analyses statistiques _________________________________________________________ 162 2.3.1. Analyses à partir du score global d’internalité ___________________________________ 162

2.3.1.1. Paradigme d’autoprésentation (élèves) ____________________________________ 162 2.3.1.2. Paradigme d’identification/jugement (enseignants) __________________________ 165 2.3.1.3. Paradigme de l’identification (enseignants) ________________________________ 167

2.3.2. Analyses à partir des scores des catégories d’explications__________________________ 169 2.3.2.1. Paradigme d’autoprésentation (élèves) ____________________________________ 169 2.3.2.2. Paradigme d’identification/jugement (enseignants) __________________________ 174 2.3.2.3. Paradigme de l’identification (enseignants) ________________________________ 176

2.4. Discussion _________________________________________________________________ 179

3. Conclusion______________________________________________________________ 182

SECONDE PARTIE. L’utilité et la désirabilité des explications causales ____________ 187

CHAPITRE 5 L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur_______________________________________________________ 189

1. L’étude de la personnologie : Vers de nouvelles approches des phénomènes de perception sociale ______________________________________________________________________ 190

1.1. L’approche cognitiviste de la perception sociale : Le courant de la cognition sociale _______ 191 1.2. Le traitement de l’information personnologique et les registres de connaissances __________ 194 1.3. Personnologie et affordances___________________________________________________ 198

2. Vers une décomposition de la notion de valeur ________________________________ 201 2.1. Le différenciateur sémantique__________________________________________________ 202 2.2. Les théories implicites de la personnalité _________________________________________ 203 2.3. Expliquer l’origine de la valeur des traits de personnalité ____________________________ 204 2.4. Des résultats en faveur de l’intérêt d’une approche bidimensionnelle de la valeur__________ 206 2.5. Utilité/désirabilité et normes sociales de jugement __________________________________ 208

3. Problématique de la seconde partie _________________________________________ 210

CHAPITRE 6 Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire _________________________________________________________________ 213

1. Etude 5 : Sélection des traits et premières validations __________________________ 213 1.1. Vue générale _______________________________________________________________ 214 1.2. Méthode __________________________________________________________________ 214

1.2.1. Participants ______________________________________________________________ 214 1.2.2. Matériel ________________________________________________________________ 214 1.2.3. Procédure _______________________________________________________________ 215

1.3. Résultats __________________________________________________________________ 215 1.3.1. Extraction de la valeur des traits______________________________________________ 215 1.3.2. Test de la validité externe des coordonnées des traits sur les deux composantes de la valeur 218 1.3.3. Sélection des traits les plus caractéristiques des deux composantes de la valeur _________ 219

1.4. Discussion _________________________________________________________________ 221

2. Etude 6 : Test de la structure de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire ___________ 222 2.1. Vue générale _______________________________________________________________ 222 2.2. Méthode __________________________________________________________________ 222

2.2.1. Participants ______________________________________________________________ 222 2.2.2. Matériel ________________________________________________________________ 222 2.2.3. Procédure _______________________________________________________________ 223

2.3. Résultats __________________________________________________________________ 223 2.3.1. Test de l’homogénéité des descriptions personnologiques et identification des déviants __ 223 2.3.2. Structure de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire_______________________________ 225 2.3.3. Vérification de la manipulation expérimentale et de la sensibilité de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire réduite____________________________________________________ 227

2.4. Discussion _________________________________________________________________ 229

3. Etude 7 : Validation de l’échelle réduite de désirabilité/utilité scolaire en milieu naturel de classe ____________________________________________________________________ 229

3.1. Vue générale _______________________________________________________________ 230 3.2. Méthode __________________________________________________________________ 230

3.2.1. Participants ______________________________________________________________ 230 3.2.2. Matériel et procédure ______________________________________________________ 230 3.2.3. Analyses statistiques_______________________________________________________ 230

3.3. Résultats __________________________________________________________________ 232 3.4. Discussion _________________________________________________________________ 237

4. Conclusion______________________________________________________________ 237

CHAPITRE 7 L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales ________ 241

1. Etude 8 : Mesure des associations entre les deux composantes de la valeur et le questionnaire d’internalité scolaire______________________________________________ 244

1.1. Vue générale _______________________________________________________________ 244 1.2. Méthode __________________________________________________________________ 244

1.2.1. Participants ______________________________________________________________ 244 1.2.2. Matériel et procédure ______________________________________________________ 244

1.3. Résultats __________________________________________________________________ 245 1.3.1. Analyses à partir du score global d’internalité ___________________________________ 245 1.3.2. Analyses à partir des scores des catégories d’explications__________________________ 248

1.4. Discussion _________________________________________________________________ 251

2. Etude 9 : Réplication et prolongement en milieu naturel de classe ________________ 255 2.1. Vue générale _______________________________________________________________ 255 2.2. Méthode __________________________________________________________________ 256 2.3. Résultats __________________________________________________________________ 256

2.3.1. Analyses à partir du score global d’internalité ___________________________________ 256 2.3.2. Analyses à partir des scores des catégories d’explications__________________________ 262

2.4. Discussion _________________________________________________________________ 269

3. Conclusion______________________________________________________________ 278

CHAPITRE 8 La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabillité 281

1. Extraction de l’utilité et de la désirabilité des explications causales _______________ 283 1.1. Identification de la valeur de chaque explication sur les deux dimensions ________________ 283 1.2. Analyse en composantes principales sur les coefficients de régression __________________ 285 1.3. Création de profils d’élèves spécifiques __________________________________________ 289

2. Autoprésentation, identification et valeur des explications causales_______________ 292 2.1. Analyse des correspondances sur les réponses des élèves en autoprésentation_____________ 292 2.2. Analyse des correspondances sur les réponses des enseignants en identification ___________ 293 2.3. Tests des hypothèses concernant l’association entre la désirabilité et les paradigmes de l’autoprésentation et de l’identification __________________________________________________ 294

3. Etude 10 : Paradigme des juges avec cibles aléatoires __________________________ 295

3.1. Vue générale _______________________________________________________________ 298 3.2. Méthode __________________________________________________________________ 298

3.2.1. Participants ______________________________________________________________ 298 3.2.2. Matériel ________________________________________________________________ 299 3.2.3. Procédure _______________________________________________________________ 300

3.3. Résultats __________________________________________________________________ 300 3.4. Discussion _________________________________________________________________ 304

4. Conclusion______________________________________________________________ 305

CHAPITRE 9 Conclusion générale___________________________________________ 309

Bibliographie ____________________________________________________________ 321

Index des auteurs _________________________________________________________ 349

Index des tableaux ________________________________________________________ 355

Index des figures _________________________________________________________ 359

1

AVANT-PROPOS

L’étude des phénomènes normatifs a fait l’objet d’un développement important en

France depuis 25 ans. A la suite de Jellison et Green (1981), de nombreux travaux ont mis en

évidence l’existence d’une norme sociale, la norme d’internalité, qui se réfléchit au niveau de

l’activité langagière et qui intervient sur les productions explicatives. D’après les tenants de

cette conception (Beauvois & Dubois, 1988), cette norme valoriserait l’expression des causes

internes à l’acteur (e.g. traits de personnalité, efforts, intentions) dans l’explication des

événements au détriment des causes externes (e.g. action d’autrui, chance, circonstances). Les

recherches en la matière et les résultats très consistants qu’elles ont obtenues (voir pour revue

Beauvois, 1994; Bressoux & Pansu, 2003; Dubois, 1994, 1998, 2003b, 2005b), ont fait – au

moins en France – de la théorie de la norme d’internalité une « théorie forte » dont la

pertinence n’est guère remise en question dans la littérature.

Mais, si dans sa conceptualisation originale cette théorie appose la valorisation de

certaines explications causales (les explications internes) à partir de leur opposition à d’autres

(les externes), force est de constater, à la suite de plusieurs études, que la prise en compte

d’autres critères de classification met en évidence des résultats pour le moins troublants. En

effet, au-delà de l’imposant corpus de recherches qui atteste de la valorisation sociale des

explications internes, quelques rares études (Beauvois, Bourjade, & Pansu, 1991; Beauvois &

Le Poultier, 1986; Castra, 1998; Clémence, Aymard, & Roumagnac, 1996; Desrumeaux-

Zagrodnicki & Rainis, 2000; Jouffre, 2003a; Pansu, 1994; Pansu & Gilibert, 2002; Pichot,

1997) semblent indiquer que cette valorisation n’est pas homogène et qu’elle n’affecte pas

toutes les explications internes au même titre. Certaines d’entre elles semblent porteuses de

plus de valeur que d’autres.

Cette thèse s’inscrit pleinement dans le prolongement de ces travaux : l’objectif

principal étant justement de chercher à rendre compte de telles variations de valeur. Cela n’est

bien évidemment pas sans conséquence sur un plan théorique puisque cela conduit à

s’interroger, d’une part, sur la capacité de la distinction interne/externe à capter la plus ou

moins grande valorisation sociale des explications causales et, d’autre part, sur la valeur

2

heuristique du modèle initialement posé par les tenants de la norme d’internalité.

La première partie de cette thèse est consacrée à ces questions. Les deux premiers

chapitres viseront à les resituer dans leur cadre théorique. Dans le chapitre 1, nous évoquerons

les grands courants théoriques qui se sont intéressés à l’explication des événements quotidiens

par l’intermédiaire de la distinction interne/externe. Nous verrons successivement le domaine

du Locus of Control (Lefcourt, 1992; Rotter, 1966), le champ théorique de l’attribution

causale (Heider, 1958; Kelley & Michela, 1980) et enfin une approche théorique à mi-chemin

entre les deux courants précédents : la théorie attributionnelle des émotions et de la

motivation de Weiner (1972; 1979; 1985a; 2000). Outre ses implications théoriques, cette

dernière théorie présente pour nous deux intérêts majeurs. D’une part, elle peut être

considérée comme l’une des premières théories à avoir pris en compte d’autres critères de

classification que la seule distinction interne/externe dans l’étude des explications causales.

D’autre part, le modèle qu’elle propose dépasse l’analyse des seuls comportements

individuels en cherchant à rendre compte des effets des explications causales sur les relations

interpersonnels (Weiner, 1980a, 1995, 2000, 2003). En ce sens, elle peut potentiellement

apparaître comme une perspective concurrente à celle proposée par la théorie de la norme

d’internalité. Nous reviendrons d’ailleurs sur ce point dans le chapitre 3.

Dans le chapitre 2, après avoir évoqué quelques-uns des biais les plus récurrents dans

l’analyse quotidienne de la causalité, nous verrons que certains d’eux – comme l’erreur

fondamentale d’attribution (Ross, 1977) ou l’illusion de contrôle (Langer, 1975) qui se

traduisent par une surestimation du poids causal de l’acteur dans l’origine des événements –

semblent dépendre de la spécificité de syndromes culturels plus que de processus cognitifs ou

motivationnels inhérents au fonctionnement humain (Nisbett, Peng, Choi, & Norenzayan,

2001). L’évocation de ces biais nous amènera à aborder la théorie de la norme d’internalité

qui en propose une interprétation plus sociétale (par contraste aux approches cognitives et

motivationnelles). Nous évoquerons à ce propos les méthodes que les chercheurs issus de ce

courant ont développées pour mettre en évidence l’existence d’un pattern explicatif normatif

ainsi que les principaux résultats qui témoignent de la pertinence de cette approche. Nous

clorons enfin ce chapitre, après avoir passé en revue les quelques recherches qui ont dépassé

la seule distinction interne/externe dans l’étude de la valeur sociale des explications causales.

Sur la base des résultats présents dans la littérature, nous présenterons nos hypothèses

concernant la valeur des différents types d’explications causales internes dans l’explication

des comportements et des renforcements. Ces hypothèses seront directement testées dans les

deux chapitres suivants.

3

Dans le chapitre 3, notre objectif est de montrer, à partir de deux études (1a et 1b), que

les explications internes en terme d’effort sont fortement porteuses de valeur sociale et cela

indépendamment de la valence de l’événement (réussite ou échec). Un tel résultat peut

apparaître d’emblée en contradiction avec les résultats obtenus par les chercheurs qui, dans la

lignée de Weiner, ont montré que le recours aux explications internes en terme d’effort

entraîne, dans le cas de l’échec, de fortes sanctions de la part des juges (Weiner, 1995, 2003).

L’étude 2 montrera qu’il est possible de valider simultanément les hypothèses des deux

théories si l’on tient compte de la spécificité de leur définition respective du jugement social.

Alors que la théorie de la norme d’internalité appréhende le jugement social comme un

jugement sur la valeur des personnes, la théorie attributionnelle l’aborde comme un jugement

de sanction consécutif à un événement donné. Ainsi, les deux approches seraient valides pour

peu que l’on spécifie sous quelles conditions l’une et l’autre sont valides (McGuire, 1983,

1999).

Dans le chapitre 4, nous étudierons les variations de valeur au sein du registre interne

en milieu naturel de classe. L’objectif des études 3 et 4 est 1) d’éprouver la généralisation des

résultats obtenus précédemment en matière d’explication des renforcements et 2) d’élargir

l’étude de la valorisation des explications causales internes à l’explication des

comportements. L’étude 3, conduite auprès d’enfants de CE2 et de leurs instituteurs, nous

permettra de tester nos hypothèses à partir du paradigme d’autoprésentation (Gilibert &

Cambon, 2003) et d’une version modifiée du « paradigme écologique » mis en place par

Bressoux et Pansu (1998, 2001) : le « paradigme d’identification/jugement ». Les résultats

supportent l’existence de variations de valeur, non seulement au sein des registres interne et

externe, mais également d’un paradigme à l’autre. Dans la lignée de cette troisième étude,

l’étude 4 cherchera à répliquer les résultats de l’étude 3 et à les compléter à partir du

paradigme de l’identification.

Dans une seconde partie, nous élargirons notre réflexion à partir des travaux sur la

connaissance évaluative et les deux composantes de la valeur (Beauvois, 1995, 2005). Cela

nous permettra d’émettre de nouvelles hypothèses concernant les relations entre les différents

types d’explications internes et les deux composantes de la valeur sociale (Beauvois, 1995;

Dubois & Beauvois, 2001). Nous supposerons que toutes les explications internes ne sont pas

désirables au même titre, pas plus qu’elles ne sont utiles au même niveau. Cette

problématique sera la thématique centrale de la seconde partie de cette thèse.

Le premier chapitre de cette seconde partie (chapitre 5) sera pour nous l’occasion de

4

resituer les notions de désirabilité et d’utilité au travers des recherches sur la personnologie.

Nous aborderons dans un premier temps les principaux modèles de l’inférence

dispositionnelle. Nous verrons ensuite comment certaines limites posées à ces modèles

peuvent être dépassées à partir de la théorie de la double connaissance (Beauvois & Dubois,

1992) et de la distinction qu’elle propose entre connaissance descriptive et connaissance

évaluative. Nous passerons en revue les travaux qui attestent de l’intérêt de décomposer les

éléments de la connaissance évaluative en deux composantes de la valeur : l’utilité sociale et

la désirabilité sociale. Nous présenterons ensuite tout un ensemble de recherches qui ont

cherché à relier la norme d’internalité à ces deux dimensions de la valeur.

Dans le chapitre 6, nous présenterons la validation d’une mesure de désirabilité et

d’utilité adaptée à une population d’élèves de cycle primaire (études 5, 6 et 7). Cet outil nous

permettra, dans le chapitre 7, de tester directement nos hypothèses quant à la valeur spécifique

des différentes catégories d’explications internes. L’étude 8 montrera ensuite, par le biais

d’une procédure expérimentale spécifique, que les variations de valeur des catégories

d’explications internes observées dans les études 3 et 4 semblent bien attribuables à des

différences de valeur sur l’utilité et la désirabilité. L’étude 9 s’attachera à la réplication des

résultats de l’étude 8 en milieu naturel de classe.

Dans le chapitre 8, nous aurons recours à une démarche originale qui, à partir du

retraitement des données des études 8 et 9, nous permettra de montrer que chaque explication

causale possède une valeur spécifique sur les deux dimensions de la valeur sociale. Nous

verrons alors comment la prise en compte de cette spécificité peut permettre de mieux

comprendre les choix explicatifs des élèves en situation d’autoprésentation et ceux des

enseignants en identification. L’étude 10 permettra, quant à elle, de montrer que la prise en

compte de la spécificité des explications sur l’utilité et la désirabilité permet de mieux

expliquer les jugements de valeur émis par les enseignants à l’égard d’élèves fictifs que ne le

permet le recours au seul critère interne/externe.

Enfin, nous dresserons un bilan de notre travail autour de deux points principaux.

Dans un premier temps, nous discuterons, d’une part, de l’intérêt de spécifier la notion de

jugement social dans l’étude des conséquences des explications causales et, d’autre part, de la

valorisation (désirabilité et utilité) de ces explications dans la pensée sociale. Dans un second

temps, nous énoncerons quelques limites de nos travaux ainsi que de nouvelles directions à

suivre.

5

Note au lecteur :

Les 11 études présentées dans cette thèse ont été réalisées auprès d’échantillons issus

de différentes populations. Ces échantillons ont regroupés plus de 2200 participants, dont

1162 élèves de CE2 issus de 71 classes, 578 étudiants provenant de diverses sections de

sciences humaines et sociales (e.g. histoire, psychologie, sciences de l’éducation, sociologie)

et 465 enseignants de cycle primaire en formation ou en poste.

Ces études ont été réalisées dans le cadre de quatre programmes de recherche (cf.

tableau 1). Le premier programme de recherche concerne les études 1a, 1b et 2. Il a été réalisé

auprès d’étudiants provenant de différentes sections universitaires, principalement des filières

de sciences sociales.

Le deuxième programme de recherche renvoie à l’étude 3 et a été conduit sur un

échantillon de 663 élèves de CE2 et leurs 38 enseignants.

Le troisième programme de recherche, réalisé auprès de 499 élèves de CE2 et leurs 33

enseignants, a permis la réalisation de plusieurs études présentées dans différents chapitres.

L’étude 4 (cf. chapitre 4) intègre l’ensemble de l’échantillon d’élèves en autoprésentation, les

réponses des enseignants dans le cadre du paradigme d’identification/jugement ainsi que leurs

réponses dans le cadre du paradigme de l’identification. L’étude 7 (cf. chapitre 6) intègre les

réponses des enseignants à l’échelle de désirabilité/utilité scolaire pour décrire chacun de

leurs élèves. L’étude 9 (cf. chapitre 7) intègre les réponses des enseignants dans le cadre du

paradigme d’identification/jugement ainsi que leurs réponses à l’échelle réduite de

désirabilité/utilité scolaire.

Enfin, le quatrième programme de recherche a porté exclusivement sur une population

d’enseignants et a concerné trois échantillons distincts. Le premier, composé exclusivement

d’enseignants en formation (PE2) a été sollicité dans le cadre de l’étude 5 (cf. chapitre 6). Le

second, composé également d’enseignants en formation (PE2) a été mobilisé dans l’étude 6

(cf. chapitre 6) et dans l’étude 8 (cf. chapitre 7). Enfin, le troisième échantillon, composé

d’enseignants en poste et d’enseignants en formation (PE2), a été contacté dans le cadre de

l’étude 10 (cf. chapitre 8).

6

Tableau 1. Synthèse des programmes de recherche et description des études

Programme de recherche Participants Tâches Etude Matériel

155 étudiants Paradigme d’autoprésentation Etude 1a 2 saynètes + 8 explications

80 étudiants Paradigme des juges Etude 1b 2 saynètes + 8 explications

Programme de recherche 1

63 étudiants Paradigme des juges Etude 2 Descriptions de situation de 4 élèves

663 élèves Paradigme d’autoprésentation Questionnaire d’internalité (version a) sous consigne standard, pro, et contre normative

Programme de recherche 2

38 enseignants Paradigme d’identification/jugement

Etude 3 Jugements en français et en mathématiques Questionnaire d’internalité (version a) sous

consigne d’identification spécifique

499 élèves Paradigme d’autoprésentation Questionnaire d’internalité (version b) sous consignes standard, pro et contre normative

Paradigme d’identification/jugement Jugements en français et en mathématiques Questionnaire d’internalité (version b) sous

consigne d’identification spécifique

Paradigme de l’identification

Etude 4

Questionnaire d’internalité (version b) sous consignes d’identification à l’élève idéal et à

l’élève non idéal

Description personnologiques d’élèves de leur classe Etude 7 Echelle réduite de désirabilité/utilité scolaire

Programme de recherche 3

33 enseignants

Paradigme d’identification/jugement et description personnologiques

d’élèves de leur classe Etude 9

Jugements en français et en mathématiques Questionnaire d’internalité (version b) sous

consigne d’identification spécifique Echelle réduite de désirabilité/utilité scolaire

142 enseignants Descriptions personnologiques d’élèves spécifiques Etude 5 Liste de traits (150)

Descriptions personnologiques d’élèves spécifiques Etude 6 Echelle de désirabilité/utilité scolaire

113 enseignants

Paradigme de l’identification Etude 8 Questionnaire d’internalité (version b) Echelle réduite de désirabilité/utilité scolaire

Programme de recherche 4

130 enseignants Paradigme des juges Etude 10 Questionnaire d’internalité (version b) 24 traits de personnalité

7

PREMIERE PARTIE

L’ETUDE DE LA VALEUR DES EXPLICATIONS CAUSALES

INTERNES

8

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

9

CHAPITRE 1

L’EXPLICATION DES EVENEMENTS QUOTIDIENS :

PROCESSUS ET CONSEQUENCES

Avec le renouveau de l’intérêt des chercheurs en psychologie pour l’étude des

mécanismes intra-individuels et l’essor du courant cognitiviste (Baars, 1986; Legrand, 1990),

les recherches portant sur l’inférence de causalité en matière d’événement psychologique ont

connu un développement sans précédent. C’est ainsi que, suite aux travaux éclairés de

quelques pionniers (Heider, 1958; Rotter, 1966), l’étude du choix pour une personne entre

causalité interne et causalité externe a fait l’objet d’un nombre conséquent de travaux. Deux

grands courants de recherche se sont largement intéressés à cette distinction : le courant des

théories de l’attribution de causalité et le Locus of Control (LOC). Bien qu’il ne soit pas

toujours aisé de les distinguer, retenons, au moins pour l’instant, que les préoccupations des

théoriciens de l’attribution étaient centrées sur les conditions favorisant l’émergence de tel ou

tel genre d’explication, alors que celles des chercheurs qui étudiaient le LOC étaient de

différencier deux types de croyances en matière de contrôle des renforcements.

Dans ce premier chapitre, nous passerons en revue les principaux concepts développés

dans ces deux courants de recherche pour in fine poser leurs particularités. Dans une première

partie, après avoir évoqué les principes qui les sous-tendent, nous verrons quel statut ces deux

approches accordent au critère interne/externe. Dans une seconde partie, nous présenterons

une approche qu’on peut situer au croisement des deux précédentes puisqu’elle vise à intégrer

certains résultats issus du LOC dans le domaine de l’attribution causale. Il s’agit de la théorie

attributionnelle des émotions et de la motivation de Weiner (1979, 1985). Nous verrons

comment la prise en compte d’autres critères de classification des causes peut permettre de

mieux comprendre les mécanismes qui sous-tendent les réactions émotionnelles et cognitives

des individus consécutives à des événements particuliers (réussites ou échecs). Enfin, nous

verrons comment cette approche, initialement destinée à rendre compte de processus intra-

individuels mobilisés dans des situations de réalisation, a été étendue à l’étude de la

motivation sociale et des relations interpersonnelles.

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

10

1. La distinction entre causalité interne et causalité externe : Perspectives du Locus of

Control et de l’attribution causale

1.1. La distinction interne/externe dans les travaux sur le Locus of Control

A suivre Rotter (1990), le concept de Locus of Control est « l’une des variables parmi

les plus étudiées en psychologie et dans les autres sciences sociales » (p.489). La popularité

de ce concept tient surtout dans l’idée qu’a eu Rotter de distinguer deux types de croyances et

de proposer une échelle permettant de les mesurer. En effet, il distingue d’un côté, les

croyances internes qui désignent le comportement ou les attributs de l’individu comme étant à

l’origine du renforcement et, de l’autre, les croyances externes qui désignent les facteurs

environnements comme facteur causal. D’après Rotter, la réaction de l’individu à la suite d’un

renforcement est en partie déterminée par « le degré auquel l’individu perçoit que la

récompense suit, ou est contingente, à son propre comportement ou ses attributs versus le

degré auquel il ressent que la récompense est contrôlée par des forces à l’extérieur de lui-

même et peut survenir indépendamment de ses propres actions » (Rotter, 1966, p.1).

1.1.1. De la théorie de l’apprentissage social à la mise en avant d’une variable

de personnalité

La notion de contrôle interne/externe des renforcements est à la base de la théorie du

Locus of Control (LOC). Ce concept, lui-même issu de la théorie de l’apprentissage social1

(Rotter, 1954, cité par Weiner, 1972), considère que le choix du registre causal est le résultat

d’un apprentissage de l’existence (vs. la non-existence) d’un lien entre les comportements

produits par l’individu et les renforcements qu’il reçoit.

La théorie de l’apprentissage social de Rotter est sans doute l’une des premières et des

plus influentes théories cognitives de la motivation (voir pour revue Dubois, 1987, 1994,

1996; S. Graham & Weiner, 1996; Lefcourt, 1992; Rotter, 1975, 1990; Weiner, 1972, 1990,

1991). Cette théorie repose sur trois concepts de base : le comportement potentiel (CP),

l’expectation (E) et la valeur du renforcement (VR). Les relations entretenues par ces trois

concepts, dont la nature n’est pas spécifiée par le modèle, sont décrites dans la formule

suivante :

CP = ƒ (E & VR) 1 Rotter (1954, cité par Weiner, 1972) appelle sa théorie de « l’apprentissage social » car elle « souligne le fait que les modes de comportements le plus basiques ou les plus nombreux sont appris dans des situations sociales et sont inextricablement confondus avec les besoins qui requièrent pour leur satisfaction la médiation d’autres personnes » (Rotter, 1954, p.84, cité par Weiner, 1972).

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

11

Le comportement potentiel (CP) est défini comme « la potentialité de tout

comportement d’apparaître dans une situation donnée ou des situations, calculée en relation

avec tout renforcement ou ensemble de renforcements » (Rotter, 1954, p.105, cité par Weiner,

1972). L’expectation (E) désigne la probabilité d’apparition d’un renforcement telle qu’elle

est perçue par l’individu en fonction de ses propres comportements dans une situation

spécifique. Enfin, la valeur du renforcement (VR) désigne l’importance qu’accorde l’individu

au renforcement. Parmi ces trois concepts, le plus important est la notion d’expectation (E).

D’après Rotter, l’expectation (E) trouve son origine tant dans la vie antérieure de l'individu

dans la situation prise en considération que dans ses expériences passées dans des

circonstances similaires plus générales. Ainsi, le niveau d’expectation serait déterminé par

deux facteurs indépendants : d’une part, l’expectation spécifique (E’) basée sur l’expérience

passée de l’individu face à la situation spécifique, et d’autre part, les « expectations

généralisées » (EG) obtenues à partir d’autres situations très similaires. D’après Rotter, le

niveau d’expectation final (E) serait déterminé de la façon suivante :

E = ƒ (E’ & EG)

Mais, outre les notions d'expectations et de valeur, le modèle proposé par Rotter prend

également en compte les caractéristiques de la tâche dans laquelle l’individu est engagé et à

partir de laquelle vont se former les expectations généralisées. Rotter distingue en effet deux

types de tâches : d’un côté, les « tâches de compétences » dans lesquelles le renforcement

apparaît fortement dépendant d’une caractéristique ou capacité inhérente à la personne et, de

l’autre, les « tâches de hasard » dans lesquelles le renforcement est fortement tributaire de la

chance, d’autrui ou de forces extérieures à l’individu. D’après Rotter, être confronté à une

tâche de compétences ou à une tâche de hasard aurait des conséquences très différentes sur les

expectations des individus. D’une part, à la suite des feed-back de réussite ou d’échec, ces

expectations ne se modifieraient que lorsque l’individu est confronté à des tâches de

compétences. D’autre part, en fonction de la nature de la tâche, les individus ne montreraient

pas les mêmes attentes de covariation entre les renforcements passés et futurs. Face à des

tâches de compétences, les individus auraient de fortes attentes concernant la nature des

renforcements futurs, ceux-ci étant supposés être du même type que ceux obtenus par le

passé. A contrario, lorsqu’ils sont engagés dans des tâches de hasard, les individus se

trouveraient dans l’incapacité de prédire la nature des renforcements futurs, étant donné

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

12

l’arbitraire de la source des renforcements. Une expérience réalisée par Phares (1957, cité par

Weiner, 1972) illustre ces deux dernières prédictions. Dans cette expérience, les participants

devaient réaliser plusieurs essais à une tâche dont la perception de l’origine du renforcement

était induite comme étant soit déterminée par l’habileté soit par la chance. Renforcés

positivement pour la moitié des essais, les participants devaient parier une somme d’argent

sur leur niveau de performance à l’essai suivant immédiat. La perception subjective de la

probabilité de réussite était mesurée par la modification des sommes pariés entre les essais.

Les résultats révèlent que le montant des sommes pariées est beaucoup plus stable lorsque la

réussite à la tâche est décrite comme étant déterminée par l’habileté que lorsqu’elle est décrite

comme étant le résultat du hasard.

La perception de la nature de la tâche serait donc susceptible d’engendrer des

changements importants des expectations, et de provoquer in fine des modifications

comportementales majeures. Cependant, dans les situations de performance, les déterminants

du renforcement sont souvent ambigus et il apparaît que la distinction entre tâche de

compétences et tâche de hasard repose en grande partie sur la perception subjective de la

personne. Cette dernière idée amène Rotter à envisager la possibilité de l’existence de

différences individuelles dans la perception de la nature des tâches. La question qu’il se pose

alors est de savoir si certaines personnes, plus que d’autres, ne percevraient-elles pas

systématiquement les tâches comme étant soit des tâches de compétences, soit des tâches de

hasard. C’est sur la base de cette différenciation entre deux populations – les internes d’un

côté et les externes de l’autre – que Rotter (1966) propose le célèbre construit du Locus of

Control. Les « internes » auraient tendance, plus que la moyenne de la population, à percevoir

les tâches comme étant influencées par les compétences alors que les « externes » auraient

tendance à percevoir les mêmes tâches comme étant influencées par le hasard. Cette

différence de perception entre « internes » et « externes » entraînerait de fortes disparités dans

la détermination des expectations généralisées (EG), disparités qui seraient à l’origine de

différences de comportements entre ces deux populations2. Sur la base de cette

conceptualisation théorique, de très nombreux travaux ont tenté de montrer que l’orientation

du LOC avait de véritables conséquences sur les comportements des individus.

1.1.2. Quelques arguments en faveur de la théorie du Locus of Control

2 Contrairement aux interprétations qu’en ont faites de nombreux chercheurs, l’échelle proposée par Rotter (1966) n’a jamais été destinée à permettre de prédire des comportements à des tâches spécifiques. Puisque cette échelle est censée mesurer les expectations généralisées, elle a été développée « pour permettre un faible niveau de prédiction du comportement à travers une large étendue de situations potentielles » (Rotter, 1975, p.62).

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

13

L’orientation interne ou externe des individus serait, selon Rotter, censée refléter des

différences importantes dans les comportements des individus face aux situations de

performance. Les individus présentant une orientation interne, parce qu’ils perçoivent les

tâches sous l’influence de leurs comportements ou de leurs caractéristiques personnelles,

devraient montrer plus de comportements orientés vers la performance que ceux présentant

une orientation externe (Dubois, 1987; Findley & Cooper, 1983; Furnham & Steele, 1993;

Kalechstein & Nowicki, 1997; O'Brien, 1984; Spector, 1982; Twenge, Zhang, & Im, 2004;

Walden & Ramey, 1983). D’après Furnham et Steele (1993, p.446), « de nombreuses

recherches sur le construit du locus of control partent du postulat qu’il est bon, adaptatif, sain

d’être interne et mal ou inadapté d’être externe ». Les résultats de nombreux travaux vont

dans ce sens. En effet, il a été observé à plusieurs reprises que les internes avaient tendance à

mieux réussir dans le milieu professionnel que les externes. Plus que les externes, ces derniers

seraient motivés à réussir et à accéder à l’autonomie, et plus à même d’assumer des postes à

responsabilités. Ils seraient plus performants au travail et plus actifs dans la recherche et le

traitement de l’information (Pansu, 2006). Un tel constat a conduit des auteurs comme

Spector (1982) a énoncer quelques utilisations pragmatiques et stigmatisantes du Locus of

Control3. Par exemple, dans le cadre de recrutements professionnels, les internes pourraient

être préférentiellement sélectionnés pour des postes d’encadrement et les externes pour des

postes d’exécution (O'Brien, 1984). Un même constat peut être dressé dans le cadre du

système éducatif. Là encore, les internes semblent mieux réussir les tâches scolaires que les

externes et semblent avoir des niveaux d’aspiration académique plus élevés (Findley &

Cooper, 1983; Kalechstein & Nowicki, 1997; Walden & Ramey, 1983).

Si les travaux sur le LOC ont montré que les internes semblaient plus performants que

les externes dans le cadre de situations d’accomplissement, tant professionnelles que

scolaires, tout un ensemble de recherches tend à indiquer également que les internes sont les

plus adaptés en matière de bien être (Dubois, 1987; Pansu, 2006). Ils seraient plus aptes à

s’ajuster sur le plan émotionnel, disposeraient d’une meilleure estime d’eux-mêmes, seraient

moins anxieux, moins sujets à la dépression que les externes (Rascle & Bruchon-Schweitzer,

2004), moins souvent victimes de problèmes de désordres de la personnalité et sembleraient

disposer d’une meilleure santé physique et mentale (Pansu, 2006).

Tous ces travaux semblent donc converger vers l’idée que l’internalité est plus

3 Un nombre considérable de mesures de LOC ont vu le jour à la suite de la création de l’échelle de Rotter (1966). Ces échelles ont cherché à mesurer le LOC aussi bien à un niveau général que dans le cadre de domaines spécifiques (e.g. travail, santé) ainsi que sur des populations variées (e.g. adultes, enfants) (voir pour revue Abdelaoui, 1996; Dubois, 1987, 1997; Furnham & Steele, 1993; Jouffre, 2003b).

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

14

avantageuse pour l’individu que l’externalité. L’observation de la répartition du Locus of

Control en tant que variable de personnalité dans la population générale semble également

accréditer cette hypothèse. En effet, les recherches ayant comparé les scores d’internalité de

différents groupes sociaux sont globalement arrivées à la conclusion que l’internalité était

associée à la valeur sociale des gens (Dubois, 1987, 1996). Les membres des groupes

favorisés obtiennent des scores plus élevés sur les échelles de LOC que les membres des

groupes défavorisés, les hommes sont en moyenne plus internes que les femmes, les cadres

plus que les ouvriers et les « blancs » plus que les « noirs » (voir pour revue Dubois, 1987).

Enfin, un dernier argument souvent avancé concerne l’évolution des croyances de

contrôle avec l’âge. En effet, un des points essentiels de la théorie de Rotter est que les

expectations généralisées, en tant que généralisations de croyances de contrôle, s’acquièrent

avec l’âge. Plus les enfants sont âgés, plus ils devraient expliquer les événements de manière

interne. Cette hypothèse repose sur deux postulats. D’une part, les capacités de contrôle des

enfants sur les renforcements consécutifs à leurs comportements augmenteraient avec l’âge.

D’autre part, l’augmentation de leurs capacités cognitives devraient leur permettre de mieux

discriminer les renforcements étant sous leur contrôle effectif de ceux ne l’étant pas (Dubois,

Loose, Matteucci, & Selleri, 2003). De fait, l’internalité devrait connaître une augmentation

monotonique jusqu’à l’âge adulte. Cette idée suppose que plus les enfants sont âgés, plus ils

devraient être internes et qu’ils ne peuvent pas au fil du temps être moins internes sans que

cela ne suppose une forme de régression dans l’élaboration des processus cognitifs. Si

plusieurs travaux tendent à supporter l’hypothèse d’une évolution croissante de l’internalité

avec l’âge (voir à ce propos Dubois, 1987, 1994), d’autres en revanche révèlent qu’une baisse

significative de l’internalité peut être observée à certains moments charnières de la vie sociale

de ces enfants (Bigot, Pichot, & Testé, 2004; Dubois, 1994; Dubois et al., 2003).

Pris dans leur ensemble, les travaux réalisés sur le construit du Locus of Control

tendent donc à indiquer que l’internalité 1) est sur de nombreux points plus adaptative que

l’externalité, 2) est surtout la caractéristique des gens « biens », c’est-à-dire des gens qui

réussissent dans la vie sociale et professionnelle, 3) s’acquière avec l’âge.

Cette distinction interne/externe, qui nous venons de le voir, est au coeur dans la

théorie du Locus of Control, se retrouve également dans d’autres champs théoriques sous des

formes différentes (Collins, Martin, Ashmore, & Ross, 1973; Deci & Ryan, 1980; Weiner,

1972, 1979). C’est notamment le cas dans les théories de l’attribution où elle occupe

également une place centrale.

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

15

1.2. Le domaine de l’attribution causale : Causalité interne et causalité externe

Initié principalement à la suite des travaux de Heider (1958) sur la psychologie

quotidienne, le domaine de l’attribution causale est sans doute l’un des champs de recherches

qui a le plus suscité l’engouement des chercheurs en psychologie sociale durant la deuxième

moitié du XXe siècle4. Dans ce courant de recherche, l’attribution causale désigne l’activité

cognitive à partir de laquelle les individus cherchent à déterminer les causes des événements.

Bien que cette approche semble s’intéresser de prime abord au même objet que la théorie du

Locus of Control, plusieurs points peuvent être avancés pour les différencier (Beauvois,

1984a; Dubois, 1987, 1996; Gregory, 1981). En particulier, si le domaine du Locus of Control

étudie la genèse et les conséquences sur les individus des croyances de contrôle a priori sur

les renforcements, le domaine de l’attribution causale s’attache à comprendre les mécanismes

attributifs et leurs conséquences dans l’explication des événements a posteriori. Dans cette

perspective, le but de l’attribution causale est de permettre d’accéder à la nature causale de

l’environnement afin de pouvoir exercer du contrôle sur celui-ci (Weiner, 1985a).

Kelley et Michela (1980) ont apporté quelques clarifications sur le champ de

l’attribution causale en proposant de distinguer deux types de recherches : d’une part, les

théories de l’attribution qui s’intéressent aux processus à l’œuvre dans la production des

attributions causales et, d’autre part, les théories attributionnelles qui investiguent les

conséquences de ces attributions sur le comportement humain (cf. figure 1.1.).

Figure 1.1. Modèle général du champ de l’attribution (d'après Kelley & Michela, 1980)

4 En 1980, Kelley et Michela dénombraient déjà plus de 900 articles publiés ayant porté sur ce thème. Depuis cette époque, le nombre de recherches en la matière aurait été multiplié par quatre (Gilbert, 1998).

Information

Croyances

Motivation

Antécédents Attribution Conséquences

Causes perçues

Comportement

Affect

Expectation

Les théories de l’attribution Les théories attributionnelles

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

16

Parmi les théories de l’attribution, on peut citer deux modèles qui ont fortement

influencé la recherche en psychologie sociale des années 60-90 : d’un côté, le modèle des

inférences correspondantes de Jones et Davis (1965) et, de l’autre, le modèle de la covariation

de Kelley (1967). Parmi les théories attributionnelles, on peut citer la reformulation

attributionnelle de la théorie de l’impuissance apprise (Abramson, Seligman, & Teasdale,

1978; C. Peterson & Seligman, 1984), la reformulation de la théorie de la dissonance

cognitive (J. Cooper & Fazio, 1984)5 ou encore la théorie attributionnelle des émotions et de

la motivation (Weiner, 1972, 1979, 1985a, 2000). Avant de nous intéresser à cette dernière

théorie, nous allons resituer les postulats théoriques de l’attribution causale tels que les a

énoncés Heider (1958).

1.2.1. Heider et la psychologie du sens commun

Parmi les premiers travaux ayant porté sur les mécanismes qui sous-tendent les

phénomènes de perception sociale, ceux de Heider (1958; Heider & Simmel, 1944) ont

largement marqué la littérature. Cet auteur aborde la perception sociale d’un point de vue

fonctionnaliste. D’après lui, les individus auraient un besoin fort de prédire et de contrôler

leur environnement et plus particulièrement les comportements d’autrui. Comme ils se basent

sur les mouvements des objets physiques pour inférer leurs propriétés (Michotte, 1946, cité

par Gilbert, 1998; Scholl & Nakayama, 2002; Scholl & Tremoulet, 2000; White, 1988, 1990),

les individus se baseraient sur l’observation des comportements d’autrui pour faire des

inférences sur leurs caractéristiques stables. Cette idée amène Heider à faire un parallèle entre

la psychologie scientifique et le sens commun : tous deux visent à découvrir les invariants de

la structure causale de l’environnement. A ce titre, les individus disposeraient d’une forme de

connaissance du fonctionnement humain, une psychologie naïve leur permettant de dépasser

la variabilité des comportements et des situations pour accéder aux invariants

personnologiques (Gilbert, 1998). L’objectif de Heider est de chercher à décrire les règles à la

base de cette psychologie naïve.

A suivre Gilbert (1998), cinq idées centrales peuvent être extraites des travaux de

Heider(1958). La première est que l’attribution extrait les invariances à partir du

comportement (1e idée). A l’instar des objets dont les qualités perdurent dans le temps, Heider

suppose que les individus possèdent des caractéristiques psychologiques stables qui sont à

5 Ces théories ayant déjà fait l’objet d’un nombre conséquent de présentations (Deschamps, 1996b, 1997; Deschamps & Clémence, 1987, 1990; Gilbert, 1998; Hewstone, 1989; Jones, 1990; Mangard, 2004; Swendsen & Blatier, 1996), nous ne les évoquerons pas plus ici.

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

17

l’origine de leurs comportements. De la même façon que le système visuel est en mesure de

créer une représentation stable du monde à partir de phénomènes variables issus de

l’environnement, le système attributif permettrait d’accéder à l’invariance personnologique à

partir d’un ensemble de manifestations comportementales. Cette capacité du système attributif

d’accéder au permanent au-delà du variable ferait de l’attribution une activité vitale (2e idée).

En effet, pour Heider, l’extraction des invariances est essentielle au fonctionnement humain.

La connaissance d’un invariant permettrait à l’individu de maîtriser l’ensemble de ses

manifestations dans l’environnement. Sans la faculté du système attributif à reconstituer les

propriétés stables d’autrui à partir de ses comportements, les individus seraient face à une

multitude de comportements variables dont toute signification et cohérence seraient absentes.

Mais l’extraction des propriétés des individus à partir des comportements est loin d’être une

activité simple puisque les comportements expriment des invariances mais pas seulement (3e

idée). En effet, la relation entre les caractéristiques stables des individus et leurs

comportements serait susceptible de varier. Alors que deux comportements différents,

pourraient être causés par la même disposition personnologique, deux dispositions distinctes

pourraient produire le même comportement. Les processus mis en place par les individus pour

accéder aux invariants dispositionnels seraient d’une grande complexité. Toutefois, les

attributions n’étant pas nécessairement conscientes (4e idée), les mécanismes attributifs qu’ils

mobilisent ne seraient pas forcément accessibles aux individus. En effet, supposer que le

système attributif est en mesure de permettre d’accéder aux propriétés stables des individus

n’implique pas forcément que les individus aient accès aux mécanismes qui guident cette

extraction (voir à ce propos Nisbett & Wilson, 1977b). D’après Heider, « la personne

ordinaire a une grande et profonde compréhension de lui-même et des autres personnes qui,

bien que non formulée ou seulement vaguement conçue, lui permet d’interagir avec autrui sur

des modes plus ou moins adaptés » (Heider, 1958, p.2). De ce point de vue, le système

attributif est un outil de connaissance sur lequel les individus n’ont que peu d’appréhension

consciente. Enfin, la cinquième idée avancée par Heider est que l’attribution est une forme

d’analyse causale. Selon lui, l’extraction des propriétés stables des personnes nécessite de

réaliser une analyse permettant de séparer ce qui relève de la personne et ce qui relève de

l’environnement. Heider propose une description des règles qui régiraient cette analyse

causale. Le modèle de l’analyse naïve de l’action en est un exemple (cf. figure 1.2.). Prenant

appui sur les travaux de Lewin6, Heider propose dans ce modèle de différencier ce qui relève

6 L’opposition entre causalité interne et causalité externe trouve en effet son origine dans la « théorie du champ » de Lewin pour qui le comportement (C) est déterminé à la fois par la personne (P) et par l’environnement (E) : C = f (P, E).

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

18

des facteurs internes à l’acteur de ce qui relève des facteurs externes à celui-ci : « en

psychologie du sens commun (comme en psychologie scientifique), le résultat d’une action

est perçu comme dépendant de deux ensembles de conditions, à savoir les facteurs inhérents à

la personne et les facteurs inhérents à l’environnement » (Heider, 1958, p.82). De plus, s’il

différencie les facteurs causaux internes des facteurs causaux externes dans la théorie naïve,

Heider propose également des distinctions plus fines au sein des deux catégories de

déterminants.

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

19

Note. F.P.E. = Force Personnelle Effective ; F.E.E. = Force Environnementale Effective

Figure 1.2. Le modèle de l’analyse naïve de l’action de Heider (d'après Jones, 1990)

Intention

Effort

Beaucoup de contrôle personnel (Try)

F.E.E. (Difficulté de

la tâche)

Pouvoir personnel (Habileté)

Peu de contrôle personnel (Can)

Chance (aucun contrôle)

F.P.E. Action � Renforcement

F.E.E.

F.P.E.

Relation additive (la présence facilitatrice de l’un est suffisante même en l’absence de l’autre)

Habileté Motivation

Relation multiplicative (l’absence de l’un des deux

annule la F.P.E.)

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

20

D’après le modèle de l’analyse naïve de l’action, pour qu’un comportement donné soit

émis, il est nécessaire que l’individu dispose, d’un côté, de la capacité à réaliser le

comportement (ce que Heider appelle le can) et, de l’autre, de la motivation à le réaliser (qu’il

nomme le try). La capacité de l’individu à produire le comportement (can) serait tributaire de

son habileté mais aussi des contraintes de l’environnement comme, par exemple, la difficulté

de la tâche qu’il désigne sous le terme de « force environnementale effective ». Quant à la

motivation de l’individu à réaliser le comportement en question (try), elle dépendrait, d’une

part, de l’intention de réaliser l’acte et, d’autre part, des efforts faits pour permettre l’émission

du comportement. La motivation (try) et l’habileté composeraient ce qu’Heider appelle la

« force personnelle effective » et seraient liées par une relation de type multiplicatif, la

présence de ces deux composantes étant nécessaires mais pas suffisantes pour que le

comportement soit émis. La force personnelle effective et la force environnementale effective

seraient quant à elle liée par une relation de type additif : plus la première est facilitatrice et

moins la seconde est inhibante, plus l’action est susceptible d’être réalisée.

Notons toutefois que si de nombreux travaux se sont basés sur le modèle de l’analyse

naïve de l’action, ce que l’on en a surtout retenu par la suite, c’est essentiellement la

distinction entre facteurs internes et facteurs externes, distinction qui, très tôt, a fait l’objet de

plusieurs critiques.

1.2.2. Les limites de la distinction interne/externe

Les principales critiques faites à l’encontre de la distinction interne/externe proposée

par Heider s’appuient sur plusieurs arguments. La première concerne le fait que certaines

explications causales7 sont difficilement classables dans l’un ou l’autre des deux registres.

D’après Ross (1977), les explications externes peuvent implicitement renvoyer à des

informations sur l’acteur. De même, des explications internes peuvent également transmettre

des informations sur l’environnement. Par exemple, la phrase « Jack a acheté cette maison

parce qu’elle est isolée » transmet des informations concernant une disposition de l’acteur (il

aime la solitude). De plus, la phrase « Jill a acheté cette maison parce qu’elle recherche de la

solitude » transmet également des informations à propos de la maison (elle est isolée). Une

telle difficulté de classification n’est pas sans rappeler les données obtenues par Serlin et

Beauvois (1991) lors de la mise au point d’une technique de codage des explications causales

produites dans le discours (M.A.E.C.). Ces auteurs identifient clairement des explications

7 Bien qu’elles puissent renvoyer à des définitions différentes (C. A. Anderson, Krull, & Weiner, 1996), nous utiliserons dans cette thèse le terme « explication » comme un synonyme du terme « attribution ».

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

21

transmettant ces deux types d’informations : les causes internes externalisées ou les causes

externes internalisées (e.g. j’ai été embauché parce ce que j’ai su saisir l’opportunité qui se

présentait). Il semble donc que, dans certains cas, la dichotomie interne/externe ne puisse pas

permettre une classification des explications causales sans ambiguïté. Le second argument

allant à l’encontre de la pertinence de la distinction entre explications internes et explications

externes repose sur la grande hétérogénéité des explications causales (Deschamps, 1987).

L’utilisation de la seule distinction interne/externe oblige à assimiler dans des mêmes

ensembles des explications extrêmement différentes. Par exemple, des explications aussi

différentes que l’effort, le trait de personnalité, l’intention, l’humeur, sont classées dans le

registre interne. De même, les explications renvoyant à la situation, à la difficulté de la tâche,

à la chance, au destin ou encore au pouvoir d’autrui sont considérées comme appartenant au

registre externe.

Pour pallier ces problèmes de classification, d’autres typologies ont été proposées. Par

exemple, Kruglanski (1975) distingue les attributions endogènes qui désignent les actions

comme des fins en soi des attributions exogènes qui renvoient aux actions, non pas comme

des fins mais comme des moyens d’atteindre un but plus éloigné. Buss (1978) propose une

autre classification et considère que les explications des acteurs et celles des observateurs

peuvent être de nature différente en fonction du comportement expliqué. Cet auteur

différencie, d’une part, les explications causales des explications téléologiques, les premières

indiquant ce qui occasionne un changement et les secondes les raisons pour lesquelles un

changement est occasionné. D’autre part, il distingue les actions des occurrences, les actions

désignant les comportements volontaires et motivés par un but et les occurrences désignant

les comportements involontaires et subis par l’acteur. Alors que les occurrences conduiraient

à l’émission d’explications causales chez les acteurs comme chez les observateurs, les actions

mèneraient, chez les acteurs, à l’expression d’explications téléologiques et, chez les

observateurs, à celle d’explications causales ou téléologiques. Mais, plus encore que la

classification interne/externe, les distinctions endogène/exogène (Kruglanski, 1975) et

causale/téléologique (Buss, 1978) posent d’importants problèmes. La distinction

endogène/exogène suppose que les actions sont toujours les conséquences de la volonté de

l’acteur, ce qui ne semble pas toujours être le cas. Quant à la distinction entre explications

causales et explications téléologiques, celle-ci semble difficilement opérationnalisable, et cela

pour deux raisons. D’une part, les actions ne seraient pas identifiables des occurrences par les

observateurs (Harvey & Tucker, 1979). D’autre part, les explications téléologiques ne seraient

qu’une sous-classe des explications causales au même titre qu’un nombre infini d’autres sous-

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

22

classes, leur prise en compte signifiant la disparition des théories de l’attribution (Kruglanski,

1979).

Ainsi, malgré les critiques émises à son égard, la distinction interne/externe est un

critère de classification des explications causales autour duquel un relatif consensus semble

s’être établie. Toutefois, de façon à dépasser certaines de ses limites, d’autres critères de

classification ont été développés, en particulier dans le champ des théories attributionnelles.

Sur ce point, la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation peut être considérée

comme l’une de celles qui a le plus participé à l’étude des attributions causales et de leurs

conséquences sur les individus.

2. Au-delà de la distinction interne/externe : La théorie attributionnelle de Weiner

L’étude des déterminants du comportement est un des domaines de prédilection de la

recherche en psychologie. Mais, après près d’un siècle d’existence, force est de constater que

ce champ de recherche a connu de profonds bouleversements, tant au niveau de la définition

des processus qui sous-tendent le comportement humain qu’au niveau des métaphores

utilisées pour modéliser son fonctionnement (Weiner, 1991). Alors que les premières théories

qui se sont intéressés aux déterminants de l’action assimilent les organismes à des machines

dont les comportements sont conçus comme des réponses mécaniques aux stimulations, la

conception cognitive actuelle considère que la relation entre stimulus et comportement est

médiatisée par l’intervention de cognitions qui guident l’action (Baars, 1986; S. Graham &

Weiner, 1996; Legrand, 1990; Weiner, 1972, 1990). Sur la base de ce postulat, l’approche

cognitive de la motivation accorde une place centrale aux processus de traitement de

l’information et considère que l’étude des déterminants du comportement humain passe par la

compréhension de ces mécanismes cognitifs. Se pose alors la question de la nature de ces

processus. Si pour les premières théories cognitives de la motivation, la cognition la plus

impliquée dans la détermination du comportement est l’expectation (Atkinson, 1957; Revelle

& Michaels, 1976; Rotter, 1966; Weiner, 1972), les recherches dans ce domaine se sont

rapidement tournées vers d’autres processus mentaux, telle l’activité attributive. C’est là

l’objectif poursuivie par la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation de

Weiner : rendre compte des effets des attributions causales sur les individus (C. A. Anderson

et al., 1996; C. A. Anderson & Weiner, 1992; Dell-Dolan & Anderson, 1999; Pansu,

Dompnier, & Bressoux, 2004; Weiner, 1972, 1979, 1984, 1985a, 1988, 1995, 1996, 2000,

2005).

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

23

2.1. Les bases conceptuelles de la théorie attributionnelle des émotions et de la

motivation

Issue directement des travaux de Heider (1958), la théorie attributionnelle des

émotions et de la motivation place l’activité de recherche causale au cœur du fonctionnement

humain. Cette conception repose sur le postulat selon lequel la recherche des liens causaux

entre les événements est une motivation inhérente à la nature humaine. Dès lors l’analyse de

la causalité est conçue comme un élément fondamental de l’adaptation de l’individu à son

environnement (Weiner, 1985a).

La théorie attributionnelle de Weiner, dont les premières bases sont posées au début

des années 1970, tente de rendre compte des conséquences des attributions sur deux grands

ensembles de facteurs : les émotions et la motivation. Cette approche se trouve au confluent

de deux courants de recherche. Le premier, qui s’est attaché à comprendre les mécanismes qui

aboutissent à la production des expectations, place les anticipations cognitives au centre du

processus de détermination du comportement (Atkinson, 1957; Rotter, 1954, cité par Weiner,

1972). Le second courant s’intéresse non pas aux actions instrumentales, mais aux

conséquences de l’activité cognitive sur l’expérience émotionnelle (Schachter & Singer,

1962). Sur la base de ces deux programmes de recherche, Weiner (1972) propose une théorie

cognitive de la motivation dans laquelle l’activité cognitive, les expectations et les émotions

médiatisent la relation entre les stimuli et les réponses comportementales. Sur un plan

conceptuel, le modèle de Weiner calque sa structure sur celle des théories de type expectation-

valeur (S. Graham & Weiner, 1996; Weiner, 1985a). D’après ce modèle, le comportement est

déterminé par deux facteurs fondamentaux : d’un côté l’expectation des individus quant à la

capacité du comportement à atteindre le renforcement désiré, et de l’autre la valeur subjective

accordée à ce dernier. Toutefois, l’approche proposée par Weiner se différencie des théories

expectation-valeur classiques sur un certain nombre de points. Tout d’abord, elle possède la

spécificité de considérer l’expectation et la valeur comme résultant toutes deux du même

antécédent temporel : les attributions causales. Ainsi, les attentes des individus concernant

l’apparition du renforcement ainsi que l’importance qu’ils lui accordent seraient tributaires

des attributions qu’ils ont émises par le passé. Ensuite, si la définition que l’approche

attributionnelle adopte du concept d’expectation est identique à celle traditionnellement

utilisée, la définition de la notion de valeur se trouve ici enrichie de l’idée selon laquelle la

valeur subjective d’un renforcement est conditionnée par les émotions que l’individu éprouve

lors de l’apparition du renforcement en question. Selon Weiner (1985a), les émotions

éprouvées suite à l’attribution d’un événement à une cause spécifique altèreraient la valeur

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

24

subjective stimulante de l’événement. Le comportement serait donc déterminé par

l’expectation et la valeur subjective modulée par les émotions, ces deux facteurs étant eux-

mêmes déterminés par les attributions produites pour expliquer les renforcements passés

(Weiner, Russel, & Lerman, 1978, 1979). Enfin, la théorie attributionnelle se distingue de par

la modélisation qu’elle propose des relations qu’entretiennent l’expectation et la valeur.

Contrairement au modèle classique qui repose sur une formulation mathématique des

relations qui lient ces deux concepts (cf. la théorie de l’apprentissage social), l’approche

attributionnelle propose un modèle organisé temporellement en un ensemble de phases

successives (S. Graham & Weiner, 1996). En effet, le modèle de Weiner est l’un des premiers

à proposer de rendre compte de l’évolution de l’état des cognitions dans le temps (cf. figure

1.3.).

Figure 1.3. Modélisation de la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation

(adaptée de Weiner, 1972)

Cette évolution se déroulerait en trois étapes successives (Weiner, 1972). Dans la

première phase, appelée phase d’évaluation de la tâche, l’individu entrerait dans une activité

de recherche causale afin d’aboutir à l’émission d’une attribution concernant l’origine du

renforcement obtenu. L’émission d’une attribution particulière entraînerait des conséquences

spécifiques au niveau émotionnel (affects ressentis) et au niveau cognitif (expectations de

réussite). Durant la deuxième phase du processus, appelée phase du comportement orienté

vers le but, les conséquences émotionnelles et cognitives survenues lors de la phase

précédente orienteraient le comportement soit vers l’approche, soit vers l’évitement du

renforcement attendu. Enfin, dans la troisième et dernière phase du processus, appelée phase

de réévaluation de la tâche et des cognitions causales, le renforcement obtenu suite au

comportement émis entraînerait une réévaluation de la tâche ainsi que des attributions

Stimulus Cognitions causales

Emotions

Expectations

Comportement Renforcement

Phase d’évaluation de la tâche

Phase du comportement orienté vers le but

Phase de réévaluation de la tâche et des cognitions causales

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

25

produites au début de la séquence.

La théorie attributionnelle accorde donc aux attributions causales un rôle essentiel

dans la production émotionnelle et dans celle des expectations. Mais pour pouvoir mettre au

point une théorie scientifique qui puisse rendre compte des conséquences des attributions, les

tenants de la théorie attributionnelle ont dû établir une taxinomie des attributions de façon à

identifier leurs propriétés. Pour ce faire, ils ont cherché à connaître les causes habituellement

utilisées pour expliquer les événements de façon à construire une classification de ces causes

afin de pouvoir les différencier et comparer leurs effets respectifs.

2.2. L’étude des conséquences des attributions causales : La nécessité d’une taxinomie

2.2.1. Les causes habituellement évoquées pour expliquer les événements

Les premiers travaux à s’être intéressés aux causes habituellement évoquées pour

expliquer les événements se révèlent être principalement guidés par l’intuition des pionniers

de l’attribution causale plutôt que par une analyse empirique de la causalité

phénoménologique. En précurseur de l’étude de l’attribution causale, Heider (1958) est l’un

des premiers à proposer une liste de causes en mesure d’être évoquées par le sens commun

(cf. figure 1.2). C’est à Weiner, Frieze et al. (1972) que l’on doit d’avoir populariser l’idée

selon laquelle une analyse plus fine des causes que la seule distinction interne/externe pouvait

aider à la compréhension des relations entre les attributions et leurs conséquences sur les

individus. Weiner et ses collaborateurs proposent alors une liste de quatre types de causes non

exhaustive mais suffisamment générale de façon à cataloguer la plupart des causes citées par

les individus pour expliquer l’origine des renforcements. Ces quatre catégories sont l’habileté,

l’effort, la difficulté de la tâche et la chance.

Dans le but d’apporter quelques supports empiriques aux intuitions de ces précurseurs,

plusieurs recherches se sont attachées à étudier comment les individus expliquent

habituellement la réussite et l’échec. Par exemple, Elig et Frieze (1979) ont observé, après

classement des réponses des participants en format libre, que les causes les plus fréquemment

citées pour expliquer une performance à une tâche d’anagramme sont l’habileté, l’effort

stable, l’humeur et la difficulté de la tâche. De la même façon, Russel, McAuley, et Tarico

(1987) ont observé, toujours à partir d’une méthode de réponse en format libre, que les causes

les plus utilisées par des étudiants pour rendre compte d’une performance à un examen

universitaire réel sont l’effort, la difficulté de la tâche, l’habileté et autrui. Alors qu’il existe

une infinité de causes possibles pour expliquer la réussite ou l’échec, il ressort de ces études

que les individus n’ont le plus souvent recours qu’à un petit nombre d’entre elles pour

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

26

expliquer les renforcements : les plus fréquentes étant l’habileté, l’effort, la difficulté de la

tâche et la chance (voir pour revue Weiner, 1979, 1985a).

Fort de ce constat, restait pour mieux comprendre les conséquences des attributions

sur les individus à créer une taxinomie des causes sur la base de leurs propriétés sous-jacentes

identifiées à partir de leurs différences et de leurs similitudes. Cette démarche permet

d’obtenir une base de comparaison entre les attributions et de dépasser les limites imposées

par la variabilité des causes potentiellement évoquées par les individus pour expliquer les

événements (Weiner, 1979, 1983, 1985a).

2.2.2. De l’étude des causes spécifiques à la détermination des dimensions

causales

Bien que la distinction entre causalité interne et causalité externe soit critiquable sur

un certain nombre de points (Buss, 1978; Deschamps, 1987, 1996a, 1997; Dubois, 1987;

Harvey & Tucker, 1979; Kruglanski, 1975; Ross, 1977), celle-ci semble relativement adaptée

pour rendre compte des différences entre les types d’attributions évoqués dans des situations

de réalisation (C. A. Anderson, 1991; Krantz & Rude, 1984; Stratton et al., 1986). C’est à

Weiner et ses collaborateurs (Weiner, 1972; Weiner, Frieze et al., 1972; Weiner, Heckhausen,

Meyer, & Cook, 1972) que l’on doit le premier ajout d’un critère de classification à la

taxinomie des causes : la stabilité. Ce critère permet d’opposer, d’un côté des causes stables

comme la difficulté de la tâche (externe) et l’habileté (interne), et de l’autre, des causes

instables comme la chance (externe) et l’effort (interne). A ces deux critères de classification,

vient également se rajouter un troisième, désigné sous le terme de contrôlabilité. Ce critère,

proposé par Weiner (1979), désigne le fait que les causes soient ou non perçues comme

potentiellement sous l’influence d’un contrôle volontaire.

Les tenants de la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation ont donc mis

au point une taxinomie des causes prenant en compte trois critères de classification : le lieu de

causalité (interne/externe), la stabilité (stable/instable) et la contrôlabilité (contrôlable/

incontrôlable). Le croisement factoriel de ces dimensions aboutit à la création de huit types de

causes différentes (cf. tableau 1.1.).

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

27

Tableau 1.1. Causes du succès et de l’échec en fonction du lieu de causalité, de la stabilité, et

de la contrôlabilité (d'après Weiner, 1979)

Interne Externe

Stable Instable Stable

Instable

Incontrôlable Trait, capacité

Humeur Difficulté de la tâche Chance

Contrôlable Effort habituel

Effort occasionnel Biais de

l'évaluateur Action d'autrui

Enfin, d’autres critères de classification ont également été avancés en plus, ou à la

place, de certains des trois critères précédemment évoqués. Ces dimensions causales sont la

globalité (Abramson et al., 1978) et l’universalité (Stratton et al., 1986). La dimension de la

globalité oppose les facteurs causaux globaux, qui sont en mesure d’affecter une grande

variété de renforcements, aux facteurs causaux spécifiques, qui ne sont en mesure

d’influencer qu’une petite variété de renforcements. Quant à la dimension de l’universalité, à

l’origine définie par Abramson, Seligman, et Teasdale (1978) comme correspondant à

l’opposition interne/externe, elle oppose les causes personnelles qui désignent les causes

renvoyant à des renforcements obtenus uniquement par l’individu, aux causes universelles qui

désignent les causes renvoyant à des renforcements potentiellement obtenus par tout un

chacun.

Mais, quel que soit leur nombre ou leur nature, force est de constater que toutes ces

propositions de distinctions reposent principalement sur une analyse déductive des

dimensions sous-jacentes aux causes plutôt que sur une analyse inductive basée sur les

critères pertinents du point de vue du sens commun (Michela, Peplau, & Weeks, 1982;

Weiner, 1985a). Dès lors, on peut se demander dans quelle mesure ces dimensions sont

pertinentes pour les individus. Tout un ensemble de recherches a tenté d’apporter des

éléments de réponses à cette question. Par exemple, Passer, Kelley, et Michela (1978) ont

étudié, à partir d’échelles multidimensionnelles, l’organisation des causes habituellement

perçues au sein de couples de jeunes mariés pour expliquer un comportement négatif de leur

conjoint. Les participants (des étudiants), après avoir été invités à indiquer le degré de

similarité entre 13 causes potentielles, devaient coter celles-ci sur 11 échelles bipolaires

représentant potentiellement des dimensions causales de différenciation. La moitié des

participants devait répondre comme s’ils étaient observateurs du comportement négatif de

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

28

leur conjoint, l’autre moitié comme s’ils étaient eux-mêmes le conjoint ayant émis le

comportement négatif. Les résultats obtenus montrent que deux dimensions orthogonales

semblent organiser les causes dans les deux conditions expérimentales. La première,

commune aux positions « acteur » et « observateur », oppose les causes renvoyant à une

attitude positive à l’égard du partenaire et les causes renvoyant à une attitude négative à

l’égard de celui-ci. La seconde dimension, quant à elle, diffère en fonction des positions

adoptées par les participants. En effet, si dans la position « acteur », cette dimension oppose

les causes intentionnelles à celles non intentionnelles, dans la position « observateur », elle

distingue les causes renvoyant aux traits du partenaire des causes renvoyant aux circonstances

ou aux états. Toujours dans le cadre des relations interpersonnelles et à partir d’une

méthodologie relativement similaire, Michela, Peplau, et Weeks (1982) ont observé que les

causes évoquées pour expliquer différentes situations de solitude (sociale ou affective)

semblaient s’organiser autour de deux dimensions clairement définies. La première dimension

oppose les causes internes à l’acteur, aux causes externes. La seconde renvoie à la stabilité des

différentes causes évoquées. Meyer (1980) s’est intéressé à la dimensionnalité des causes

évoquées dans le cadre de situations de réalisation. Dans cette recherche, les participants

devaient indiquer l’importance de l’influence (positive ou négative) de neuf causes8 sur les

performances universitaires d’étudiants fictifs. L’analyse factorielle effectuée sur les réponses

des participants met en évidence trois facteurs correspondant aux trois dimensions du modèle

de Weiner (1979; 1985a), à savoir la stabilité (facteur 1) qui oppose les causes stables aux

causes instables, le lieu de causalité (facteur 2) qui oppose les causes internes aux causes

externes, et la contrôlabilité (facteur 3) qui oppose les causes contrôlables aux causes

incontrôlables. Wimer et Kelley (1982) ont quant à eux observé à partir d’une analyse en

composantes principales effectuée sur les réponses attributives des participants à des

situations sociales variées, que les causes semblent s’organiser autour de neuf facteurs, dont

cinq clairement définis. Ces cinq facteurs majeurs sont, par ordre d’importance, 1) la

dimension « bon/mauvais » qui oppose les causes à l’origine d’événements positifs aux

causes à l’origine d’événements négatifs, 2) la dimension « simple/complexe » qui oppose les

causes suffisantes pour produire les événements et celles non suffisantes mais incluses dans

un réseau de causes plus larges, 3) une dimension unipolaire « la personne » qui ne renvoie

qu’à des causes psychologiquement à l’intérieur de l’individu, 4) la dimension

« endurant/transitoire » qui oppose les causes persistantes aux causes temporaires, et 5) un

autre dimension unipolaire « la motivation » qui renvoie aux désirs et aux motivations 8 Ces causes sont la difficulté de la tâche, l’intelligence générale, la chance, l’humeur, la préparation à l’examen, les habitudes de travail, l’habileté de l’enseignant, l’effort de l’enseignant, et l’habileté au test.

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

29

conscientes.

Très globalement, il ressort de ces études que certaines dimensions semblent plus

adaptées que d’autres pour rendre compte de l’organisation des causes du point de vue du

sens commun. Plus particulièrement, il apparaît que, contrairement à d’autres (e.g. globalité,

universalité), les dimensions du lieu de causalité, de la stabilité et de la contrôlabilité sont de

loin les plus fréquemment identifiées.

2.3. Les conséquences cognitives et émotionnelles des attributions

Si la théorie attributionnelle de Weiner peut être considérée comme l’une des théories

attributionnelles qui a le plus participé au développement de l’étude des attributions, c’est non

seulement parce qu’elle a contribué à la mise au point d’une taxinomie des causes mais c’est

aussi et surtout parce qu’elle a permis de spécifier la nature des liens entre, d’un côté, les

attributions et, de l’autre, les émotions et les expectations.

2.3.1. Le lien entre attributions et émotions

Dans les premières formulations de la théorie attributionnelle des émotions et de la

motivation, Weiner (1972) postule que le critère le plus impliqué dans la production

émotionnelle dans les situations de réalisation est la dimension du lieu de causalité

(interne/externe). D’une part, les attributions internes entraîneraient des émotions plus

intenses que des attributions externes et ce, pour la réussite comme pour l’échec. D’autre part,

les émotions comme la fierté et la honte, affects particulièrement liés aux comportements de

performance (Atkinson, 1957; Revelle & Michaels, 1976), seraient ressenties avec plus

d’intensité lorsque l’individu émet une attribution interne. Si quelques résultats supportent

cette idée, d’autres en revanche vont à l’encontre du postulat selon laquelle les attributions

internes entraînent des réactions émotionnelles plus intenses que les attributions externes.

C’est ce que révèlent les résultats de deux études conduites par Weiner et al. (1978; 1979). Si

certains affects, comme la joie ou le désappointement, apparaissent dépendants du

renforcement, d’autres semblent être liés de façon idiosyncrasique à certaines attributions

spécifiques (cf. tableau 1.2.).

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

30

Tableau 1.2. Synthèse des résultats obtenus par Weiner et al. (1978, 1979)

Attribution Réussite Echec Weiner et al. (1978) Weiner et al. (1979) Weiner et al. (1978) Weiner et al. (1979) Habileté Effort instable Effort stable Personnalité Autrui Chance

Compétence Confiance Activation Augmentation Relaxation Rehaussement de soi Gratitude Surprise

Compétence Fierté Soulagement Satisfaction Contentement Fierté Gratitude Reconnaissance Excitation Surprise Culpabilité Soulagement

Incompétence Culpabilité Honte Culpabilité Honte Résignation Agression Surprise

Incompétence Résignation Tristesse Peur Peur Culpabilité —— Colère Surprise Tristesse Stupidité

Comme le montre le tableau 1.2., tout en observant que les attributions internes sont

fortement liées à la production des émotions de honte et de fierté, Weiner et al. (1978, 1979)

ont également observé que, suite à une réussite ou à un échec, les attributions externes

pouvaient elles aussi produire des émotions. Alors qu’ils ressentiraient de la gratitude lorsque

la réussite est attribuée à autrui, les individus éprouveraient de la colère lorsque l’échec lui est

attribué. Dès lors, la différence entre les conséquences émotionnelles engendrées par les

attributions internes et externes ne s’observerait donc pas au niveau de l’intensité de

l’expérience émotionnelle (différence quantitative) mais au niveau du type d’émotions

éprouvées (différence qualitative). Plus particulièrement, le lieu de causalité serait impliqué

dans la production d’émotions reliées à l’estime de soi (McFarland & Ross, 1982). Cette

relation transparaît dans un certain nombre de travaux qui se sont intéressés aux stratégies

attributives développées par les individus pour protéger leur estime de soi (Bradley, 1978;

Weary & Arkin, 1981; Zuckerman, 1979). En effet, d’après Bradley (1978), « en s’attribuant

le mérite pour les bons actes et en déniant le blâme pour les renforcements négatifs, l’individu

serait en mesure d’augmenter ou de protéger son estime de soi » (p. 56). Ainsi, une manière

de maintenir une haute estime de soi consisterait à expliquer de façon interne ses succès et de

façon externe ses échecs. Cette stratégie permettrait également de maximiser les affects

négatifs dirigés vers soi dans le cas de la réussite (e.g. la fierté) et de minimiser celles

négatives dans le cas de l’échec (e.g. la honte).

Mais, s’il semble que le lieu de causalité est une dimension très impliquée dans la

production émotionnelle, certaines études tendent également à indiquer que les autres

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

31

dimensions du modèle de Weiner (1979, 1985a) peuvent également influencer la production

des émotions. Par exemple, Forsyth et McMillan (1981) ont observé, dans une recherche

menée dans un contexte de réalisation réel (un examen universitaire), que les étudiants

éprouvaient plus d’affects positifs lorsqu’ils attribuaient la cause de leur performance à des

facteurs contrôlables, et ce indépendamment de la valence des événements9. De la même

façon, McAuley, Russel, et Gross (1983, cités par Russel & McAuley, 1986) ont constaté que

la dimension de la contrôlabilité pouvait avoir un impact plus important que la dimension du

lieu de causalité sur les réactions affectives d’athlètes face à leurs performances personnelles.

Cette dimension serait fortement impliquée dans la production des émotions de culpabilité, de

honte, de colère, de sympathie (ou pitié) et de gratitude (Russel & McAuley, 1986; Weiner et

al., 1978, 1979). Cependant ses effets seraient fortement tributaires du lieu de causalité. Alors

que, dans le cas de l’échec, la culpabilité serait ressentie préférentiellement à la suite

d’attributions internes et contrôlables (e.g. le manque d’effort habituel ou occasionnel, une

mauvaise stratégie, le manque de préparation), la honte serait quant à elle éprouvée suite à

l’émission d’attributions internes et incontrôlables (e.g. le manque d’habileté, la déficience

intellectuelle). De même, face à un échec, alors que la colère serait ressentie

préférentiellement à la suite d’attributions externes et contrôlables (e.g. le pouvoir d’autrui, le

manque d’effort d’autrui), la sympathie (pitié) serait quant à elle éprouvée à la suite

d’attributions externes et incontrôlables (e.g. le manque d’habileté d’autrui ou la déficience

biologique d’autrui).

Enfin, la troisième dimension, la stabilité, interviendrait sur les émotions d’espoir et

de désespoir de par son influence sur les expectations de réussite. Par exemple, dans le cas de

l’apparition d’un événement négatif, l’émission d’une attribution à une cause stable

engendrerait l’expérience du sentiment de désespoir du fait de fortes attentes de réapparition

de l’événement. Inversement, attribué à une cause instable, ce même événement pourrait

amener l’individu à ressentir de l’espoir comme conséquence de sa croyance en la possibilité

d’une réussite future.

2.3.2. Le lien entre attributions et expectations

Si les trois dimensions causales sont susceptibles d’avoir, à des degrés divers, des

effets sur la production émotionnelle, seule la dimension de la stabilité serait impliquée dans

celle des expectations et de leur modification. En effet, contrairement aux présupposés de la

9 A noter que la définition qu’adoptent Forsyth et McMillan (1981) de la dimension de la contrôlabilité ne concerne que le contrôle exercé par l’individu (contrôle interne) et pas celui exercé par autrui (contrôle externe).

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

32

théorie du Locus of Control, le modèle de Weiner (1972; 1979; 1985a) postule que la

modification des expectations est déterminée par la nature stable ou instable des causes plutôt

que par leur orientation interne ou externe (voir figure 1.4.).

Figure 1.4. Relation théorique entre le type d’attribution et le niveau résultant d’expectations

suite à un renforcement (d'après Weiner, 1972)

D’une part, l’attribution d’un renforcement à une cause instable serait plus à même

d’entraîner une modification des expectations que l’attribution à une cause stable. D’autre

part, les conséquences de l’attribution de l’origine d’un renforcement soit à l’habileté, soit à la

difficulté de la tâche seraient identiques, bien que ces deux causes diffèrent sur leur

orientation sur la dimension interne/externe. Un certain nombre de travaux atteste de l’intérêt

de cette conception. Par exemple, Weiner, Heckausen, et al. (1972) ont montré que les

individus qui ont attribué préférentiellement leur échec à des facteurs stables (habileté et

difficulté de la tâche) manifestaient une baisse de leurs expectations de réussite plus

importante à mesure des essais que ceux ayant attribués préférentiellement leur échec à des

facteurs instables (effort et chance). Valle et Frieze (1976) ont proposé un modèle de

modification des expectations autour du concept de la stabilité des attributions produites. Ces

auteurs considèrent en effet, que le poids accordé à une performance récente dans la

détermination de expectations futures sera d’autant plus important que sa cause est considérée

comme stable. Sur la base de cet argument, Valle et Frieze (1976) proposent un modèle dans

lequel la prédiction des expectations futures (P) serait une fonction des expectations initiales

(E) plus le degré auquel la performance (O) est attribuée à des facteurs stables (S). Les

relations entre ces notions peuvent être modélisées sous la forme suivante :

Exp

ecta

tions

Interne Externe

Instable

Stable

Elevés

Faibles

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

33

P = ƒ {E + O [ ƒ (S) ]}

Afin de tester leur modèle, Valle et Frieze (1976) ont réalisé deux expériences. Il

ressort très globalement de ces deux recherches que 1) si les expectations concernant les

événements futurs sont déterminées par les expectations antérieures et la performance

actuelle, l'impact de ces deux facteurs est modulé par les attributions de causalité, 2)

l’émission d'attributions stables est influencée par le décalage entre expectations antérieures et

performance obtenue, 3) la manipulation des attributions engendre une modification des

expectations, révélant ainsi le rôle médiateur des attributions dans la genèse des expectations.

Ainsi, la théorie attributionnelle postule que les antécédents des émotions et des

expectations sont les attributions causales. Cette approche considère également que les

conséquences des attributions sur les individus sont la manifestation des propriétés

intrinsèques de ces attributions. En fonction de leurs propriétés sur les trois dimensions du

modèle, les attributions auraient des conséquences émotionnelles et cognitives spécifiques.

Toutefois, la conception dimensionnelle à la base de la théorie attributionnelle des émotions et

de la motivation n’est pas sans poser quelques problèmes. Un certain nombre de travaux a mis

en avant certaines de ses limites.

2.4. Les limites d’une approche dimensionnelle des attributions causales

La conception tridimensionnelle proposée par la théorie attributionnelle de Weiner

repose sur trois postulats. Un premier postulat est que les individus caractérisent les

attributions causales sur chaque dimension de la même façon que le chercheur. Or, les

attributions causales étant issues d’un mécanisme de perception, la décision de leur

appartenance à une catégorie plutôt qu’à une autre peut varier tant entre les individus qu’entre

les situations. Autrement dit, certaines causes peuvent ne pas correspondre à la classification

a priori du chercheur (Weiner, 1983). Par exemple, concernant la dimension de la stabilité, la

difficulté de la tâche, définie dans la classification comme une cause stable, peut être

considérée comme instable si la situation à l’origine de la performance est en mesure de

changer dans le temps. De la même façon, l’habileté, définie également comme une cause

stable, peut être considérée comme instable si l’individu pense qu’il est en mesure

d’augmenter son niveau de compétence par l’intermédiaire d’un apprentissage. Cette idée

d’un décalage entre la conception scientifique et celle du sens commun est appuyée par des

données expérimentales qui mettent en évidence que, dans certains cas, les propriétés des

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

34

causes ne sont pas celles que le chercheur attend. En effet, la plupart des recherches

consacrées à l’étude de la phénoménologie des causes (C. A. Anderson, 1991; Meyer, 1980;

Michela et al., 1982; Passer et al., 1978; Wimer & Kelley, 1982) ont mis en évidence que

certaines causes pouvaient se localiser, soit près du milieu d’une dimension (sans être

caractérisées par un pôle ou un autre), soit à l’opposé du pôle de la dimension où elle était

censée se trouver. Par exemple, Michela, Peplau, et Weeks (1982) ont observé que la cause

« être malchanceux » peut se trouver à égale distance du pôle interne et du pôle externe. De la

même façon, ces auteurs ont observé que « la timidité », qui renvoie a priori à un trait de

personnalité, est perçue comme interne mais instable. Par ailleurs, il apparaît que la

localisation dimensionnelle semble être plus consensuelle pour certaines causes que pour

d’autres. Krantz et Rude (1984) ont observé que, si la grande majorité des participants

considèrent que l’effort et l’habileté sont bien des facteurs internes (90,7 % et 83,3 % des

participants respectivement), il semble exister un consensus moins élevé sur le fait que la

chance et la difficulté de la tâche soient des facteurs externes (68,8 % et 50 % des participants

respectivement). Quoi qu’il en soit, les résultats accumulés dans ces recherches laissent planer

de sérieux doutes quant à la capacité du chercheur à inférer l’organisation des causes telle que

la conçoit l’individu naïf. Mais d’après Weiner (1985a), « bien que l’interprétation

d’explications spécifiques puissent varier dans le temps, entre les individus et les situations,

les dimensions sous-jacentes sur lesquelles les explications sont comprises ou signifiées

restent constantes » (p.555). Alors que l’orientation des explications serait susceptible de se

déplacer sur les dimensions en fonction des individus et des situations, les relations qui lient

les dimensions et leurs effets seraient invariantes. L’existence d’une telle variabilité n’est pas

sans conséquence puisqu’une traduction directe des causes en des termes dimensionnels basée

uniquement sur une classification a priori peut aboutir à ce que Russel (1982) appelle

« l’erreur fondamentale d’attribution du chercheur », à savoir une mesure erronée des

dimensions causales. C’est sur la base de ces critiques que les recherches attributionnelles ont

mis au point une nouvelle méthode d’étude des dimensions causales consistant à mesurer la

perception subjective des individus par l’intermédiaire d’échelles évaluant la localisation

dimensionnelle des causes (méthode d’évaluation des dimensions). L’un des premiers outils

de ce type est la Causal Dimension Scale (CDS, Russel, 1982). Cet outil mesure la perception

des individus à l’égard d’une cause sur les trois dimensions du modèle de Weiner (voir

également McAuley, Duncan, & Russel, 1992; Russel et al., 1987).

Un deuxième postulat sur lequel repose l’approche dimensionnelle est que les trois

dimensions du modèle sont orthogonales. Le lieu de causalité, la contrôlabilité et la stabilité

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

35

sont supposés être des dimensions indépendantes les unes des autres, permettant ainsi une

classification factorielle. Or, plusieurs travaux ont montré que les dimensions du modèle de

Weiner corrélaient entre elles. Par exemple, à partir d’une analyse factorielle confirmatoire

(AFC) réalisée sur les attributions recueillies à partir de trois méthodes à l’issue d’un examen

réel (méthode des attributions en réponse libre, méthode d’évaluation de l’importance des

causes, méthode d’évaluation des dimensions), Russel, McAuley, et Tarico (1987) ont

observé que si la dimension de la stabilité était corrélée négativement avec celles du lieu de

causalité (r = -.55) et de la contrôlabilité (r = -.67), deux derniers facteurs étaient fortement

corrélés l’un avec l’autre (r = .93). Toujours à partir d’une AFC, réalisée cette fois sur des

données recueillies au moyen de la Causal Dimension Scale (CDS, Russel, 1982), Vallerand

et Richer (1988) ont obtenu également une corrélation plutôt élevée entre le lieu de causalité

et la contrôlabilité (r = .43). Ils ont également observé que si la stabilité corrélait positivement

avec le lieu de causalité (r = .19), elle était toutefois indépendante de la contrôlabilité. Si les

résultats de ces travaux plaident en faveur d’une absence d’orthogonalité entre les dimensions

du modèle, d’autres en revanche vont plutôt dans le sens d’une indépendance. C’est ainsi que

Russel, Lenel, Spicer, Miller, Albrecht et Rose (1985, cités par Russel et al., 1987) ont

observé, dans le cadre d’une étude réalisée à partir de la CDS et portant sur la perception

d’observateurs à propos de la performance d’un étudiant à un test de Mathématiques, que le

lieu de causalité et la contrôlabilité sont indépendants (r = -.05). Au regard de ces résultats

pour le moins divergents, il apparaît difficile de déterminer dans quelle mesure les différentes

dimensions du modèle de Weiner (1979, 1985) sont véritablement orthogonales, d’autant que

les relations qui les lient sont susceptibles de changer selon le type d’événement considéré.

Pourtant, quand bien même une absence empirique d’indépendance était avérée, elle ne serait

pas forcément un obstacle à la séparation conceptuelle des dimensions. En effet, d’après

Weiner (1985a), « un échec de l’orthogonalité au niveau empirique n’invalide pas la

séparation au niveau conceptuel. Par exemple, la taille et le poids sont positivement corrélés

mais sont néanmoins des caractéristiques distinctes » (p.554). Ainsi, la distinction entre les

trois dimensions du modèle pourrait être justifiée au niveau conceptuel mais pas

nécessairement au niveau empirique.

Enfin, le troisième postulat qui sous-tend l’approche dimensionnelle est que le recours

à des dimensions, s’il permet de dépasser la spécificité des explications causales en offrant

une base commune de comparaison entre les explications, permet également de rendre compte

de façon optimale des effets des attributions. Or, plusieurs recherches tendent à indiquer que

la spécificité des effets des attributions causales n’est pas complètement épuisée par une

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

36

analyse basée sur des critères dimensionnels. Par exemple, Russel et McAuley (1986) ont

cherché à étudier les conséquences respectives des attributions et des dimensions causales sur

les réactions émotionnelles. A l’instar d’autres chercheurs (Krantz & Rude, 1984), Russel et

McAuley (1986) divisent le processus d’attribution en deux aspects : d’un côté, les

attributions spécifiques des événements et de l’autre les propriétés dimensionnelles de ces

attributions. Sur la base de cette distinction, différents modèles peuvent être en mesure de

rendre compte de la façon dont les attributions et les dimensions causales agissent sur les

émotions (cf. figure 1.5.).

Figure 1.5. Différents modèles des relations entre les processus attributifs et les réactions

émotionnelles (d'après Russel & McAuley, 1986)

Dans le premier modèle (attribution-affect script model), les attributions causales sont

directement liées aux émotions par l’intermédiaire de scripts appris. Dans le deuxième modèle

(causal dimension mediation model), les attributions agissent sur les émotions par

l’intermédiaire de leurs propriétés dimensionnelles. Enfin, dans le troisième modèle

(attribution-dimension additive model), les attributions et les dimensions causales ont des

effets distincts sur les émotions. Pour tester ces différents modèles, Russel et McAuley (1986)

ont réalisé une expérience dont le matériel était constitué d’un questionnaire composé de huit

descriptions de situations de réalisation. Chacune de ces situations était décrite comme ayant

Dimensions causales

Réactions affectives

Attributions causales

Dimensions causales Réactions affectives

Dimensions causales

Réactions affectives

Attribution-affect script model

Causal dimension mediation model

Attribution-dimension additive model

Attributions causales

Attributions causales

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

37

pour origine une des huit causes issues du croisement des trois dimensions du modèle de

Weiner (1979, 1985a). Les participants étaient répartis en deux groupes. Dans le premier

groupe, les huit situations étaient toutes des situations de réussite. Dans le second groupe, les

huit situations désignaient toutes des situations d’échec. Après avoir indiqué quelles seraient

leurs réactions émotionnelles face à chacune des situations présentées, les participants

devaient coter chacune des causes énoncées dans les situations sur la Causal Dimension Scale

(Russel, 1982). Des régressions hiérarchiques ont été réalisées intégrant les attributions et les

dimensions causales (en ordre contrebalancé) comme deux ensembles de prédicteurs des

affects. Les résultats obtenus ont montré, d’une part, que les attributions et les dimensions ont

dans une certaine mesure des effets indépendants sur les affects et d’autre part, que la prise en

compte simultanée de ces deux prédicteurs permet d’expliquer significativement plus de

variance que la prise d’un seul d’entre eux. A partir de ces résultats, il semble donc que le

modèle le plus adéquat pour rendre compte des effets des attributions et des dimensions est le

attribution-dimension additive model. De fait, la seule prise en compte des dimensions

causales ne permettrait pas de rendre compte de l’intégralité des effets des attributions sur les

émotions. Des résultats similaires ont été obtenus par Krantz et Rude (1984) en matière de

prédictions du syndrome dépressif10. Les attributions et les dimensions contribuant, dans leur

étude, de façon indépendante à la prédiction du syndrome dépressif, ces auteurs préconisent

de prendre en compte à la fois les propriétés perçues des causes évoquées ainsi que leurs

caractéristiques catégorielles spécifiques.

2.5. Le modèle attributionnel proposé par Weiner

Le modèle attributionnel complet proposé par Weiner (1985a) est présenté dans la

figure 1.6. D’après sa version la plus achevée, l'activité attributive commence par l'apparition

d'un événement. Cet événement induit un premier ressenti émotionnel général (1) qui peut

être soit positif, soit négatif, et désigné sous le terme d’affect dépendant du renforcement

(Weiner et al., 1978, 1979). Suite à cet événement, et plus particulièrement si celui-ci est

négatif, important ou inattendu (2), l’activité attributive étant initiée préférentiellement dans

ces circonstances (Watkins, 1986; Weiner, 1985b; Wong & Weiner, 1981), les processus

attributifs vont entrer en action afin de produire une attribution satisfaisante sur la base des

antécédents causaux de l'individu (3). Ces antécédents causaux peuvent inclure le style

10 Krantz et Rude (1984) ont réalisé leur étude dans le cadre de la reformulation attributionnelle de la théorie de l’impuissance apprise (Abramson et al., 1978; C. Peterson & Seligman, 1984). Ils n’ont donc pas recours à la classification issue du modèle de Weiner (lieu de causalité, stabilité, contrôlabilité) mais à celle utilisée par Seligman et ses collaborateurs (lieu de causalité, stabilité, globalité).

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

38

attributionnel de l’individu (C. A. Anderson, 1983; C. A. Anderson, Jennings, & Arnoult,

1988; Cutrona, Russel, & Jones, 1984; Ickes & Layden, 1978; Sweeney, Anderson, & Bailey,

1986), les divers biais intervenant dans l’analyse causale comme le biais acteur/observateur

(Jones & Nisbett, 1972; Watson, 1982) ou le biais d’autocomplaisance (Bradley, 1978; D. T.

Miller & Ross, 1975; Zuckerman, 1979), l’utilisation de règles causales spécifiques (Kelley,

1972) ou de scénarios (Read, 1987; Read & Miller, 1993). Une fois cette attribution émise,

celle-ci va, d’une part, entraîner des conséquences émotionnelles particulières (4) du fait de sa

spécificité (Krantz & Rude, 1984; Russel & McAuley, 1986; Weiner et al., 1978, 1979) et,

d’autre part, être traitée sur la base de ses propriétés causales (5). Dès lors, en fonction de

l'orientation de cette attribution sur les dimensions du modèle, diverses conséquences

psychologiques vont se manifester. Au niveau cognitif, la stabilité perçue de l’attribution va

engendrer des attentes concernant la réapparition future de l'événement (6) (Valle & Frieze,

1976; Weiner, Heckhausen et al., 1972; Weiner, Nierenberg, & Goldstein, 1976). Au niveau

affectif, différentes émotions vont être ressenties en fonction de l'orientation de l’attribution

sur les trois dimensions (7, 8, 9 et 10) (Russel & McAuley, 1986). Finalement, le

comportement va être sous l'influence des deux facteurs inhérents aux théories de type

expectation-valeur. Le premier facteur concerne les attentes des individus qui vont avoir un

effet direct sur leurs actes (11). Le second concerne la valeur de l'événement, matérialisée par

les émotions ressenties par les individus face à celui-ci et qui concernent à la fois les émotions

spécifiques induites par les attributions (12) et par les affects dépendant du renforcement (13).

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

39

Figure 1.6. La théorie attributionnelle des émotions et de la motivation (adaptée de Weiner, 1985a)

6

8

Accomplissement Habileté Effort Stratégie Tâche Chance Etc.

Renforcement

Si positif, heureux

Si inattendu, négatif ou important

Affect dépendant du

Renforcement

Antécédents causaux

Attributions causales

Information spécifique

Règles causales

Acteur vs observateur

Biais d’auto-complaisance

Style attributionnel

Etc.

Si négatif, frustré et triste

Dimensions causales

Conséquences psychologiques

Contrôlabilité ?Intentionnalité

Stabilité (dans le temps)

Locus

Cognitives Affectives

Dirigées vers soi

Dirigées vers autrui

Fierté Estime de soi

Attentes de réussite

Espoir Désespoir

Relaxation Surprise Etc.

Honte Culpabilité

Colère Gratitude Pitié

Conséquences comportementales

Actions Cpt de recherche de performance Cpt d’aide Etc.

Caractéristiques Intensité Latence Persistence Etc.

13

3 2

1

1

7

5

4

10

9

11

12

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

40

2.6. La théorie attributionnelle interpersonnelle

Nous venons de le voir, le domaine d’origine de la théorie attributionnelle de Weiner

(1979; 1985a) est l’étude des déterminants du comportement dans les situations de recherche

de performance. Dans ces situations, les affects et les attentes générés par l’attribution à une

cause particulière de la réussite ou de l’échec entraîneraient des conséquences au niveau de la

magnitude, de la direction et de la persistance des comportements de recherche de

performances (C. A. Anderson et al., 1996; C. A. Anderson & Weiner, 1992; Dell-Dolan &

Anderson, 1999; Weiner, 1972, 1979, 1985a, 2000, 2005). En ce sens, la théorie

attributionnelle propose une explication de niveau intra-individuel de la motivation et du

comportement individuel face aux situations de réalisation (Doise, 1982, 1983; Hewstone,

1989). Mais, d’après les tenants de cette approche, l’étude des conséquences de la perception

des causes pourrait également permettre de mieux comprendre d’autres phénomènes sociaux

relativement éloignés de la motivation à la performance. Le modèle attributionnel serait en

mesure de rendre compte des processus motivationnels interpersonnels à la base d’un certain

nombre de comportements sociaux. Cette hypothèse repose sur l’idée que les mêmes

mécanismes attributionnels pourraient être à l’œuvre dans l’autoperception comme dans

l’hétéroperception. Dans cette perspective, les relations qu’entretiennent les attributions pour

les actions d’autrui ou les renforcements obtenus (par soi ou par autrui) et les émotions, les

expectations et les comportements à l’égard d’autrui pourraient également obéir aux mêmes

règles que celles mises en évidence dans le domaine de la performance (Weiner, 1993, 1995,

1996, 2000).

Sur la base de cet argument, Weiner (1995) propose de généraliser son modèle à

d’autres contextes que les situations de réalisation. Cette généralisation serait permise par la

flexibilité du système taxinomique des causes (Weiner, 1979, 1985a). Cette classification,

dont l’objectif est de dépasser les limitations imposées par la grande diversité des causes, met

en avant, par exemple, que la différence entre les attributions en terme de manque d’effort et

celles en terme de manque d’habileté dans les situations de réalisation est de même nature que

la différence entre les attributions en terme de comportements néfastes (e.g. ivresse) et les

attributions en terme de maladie (e.g. narcolepsie) pour les comportements déviants (e.g.

dormir dans le métro). D’après Weiner (1995; 1996), bien que ces causes soient très

différentes d’un point de vue phénotypique, elles seraient très semblables d’un point de vue

génotypique : même si elles désignent un facteur causal différent, ces causes se

caractériseraient par les mêmes propriétés dimensionnelles. Par exemple, le manque d’effort

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

41

et l’ivresse seraient considérés par la majorité des gens comme internes, contrôlables et

instables. De fait, cette capacité du modèle attributionnel à rendre compte des conséquences

d’attributions très différentes lui permettrait d’être étendu à d’autres situations que les

contextes de réalisation.

Notons toutefois qu’en proposant de généraliser la théorie attributionnelle à d’autres

concepts que celui de l’étude de la motivation à réussir, les théoriciens de cette approche ne

cherchent pas à mettre au point un modèle incluant tous les déterminants du comportement

humain – ceux-ci étant beaucoup trop nombreux pour être incorporés dans un modèle unique

– pas plus qu’ils n’affirment que le comportement est déterminé de façon exclusive par les

attributions causales. Leur objectif est plutôt de mettre en évidence que, dans certains cas, le

comportement peut être l’aboutissement d’une séquence du type cognition(attribution)-

émotion-action et que les attributions causales ne sont qu’un déterminant parmi d’autres

(Weiner, 1995). Notons également que l’extension de la théorie attributionnelle aux relations

interpersonnelles ne se contente pas de généraliser le modèle proposé pour rendre compte des

processus intra-individuels à l’œuvre dans les situations d’accomplissement. Elle intègre

également de nouveaux concepts. C’est notamment le cas lorsqu’elle accorde une place

centrale aux inférences de responsabilité auxquelles elle donne le statut de médiateur principal

des effets des explications causales sur les émotions (Weiner, 1995, 2000).

2.6.1. La théorie attributionnelle interpersonnelle : Structure et organisation

des concepts

Dans le cadre de la théorie attributionnelle interpersonnelle, les concepts d’attribution

de causalité, d’attribution de responsabilité, d’émotion et de comportement sont organisés

dans une chaîne causale qui débuterait par l’apparition d’un événement spécifique. Cet

événement peut être, par exemple, la réussite ou l’échec d’un étudiant à un examen, le malaise

d’un homme dans le métro ou encore la révélation de l’état de santé d’une personne.

L’apparition de cet événement entraînerait, sous certaines conditions (Weiner, 1985b; Wong

& Weiner, 1981), des inférences causales sur son origine, et in fine des inférences de

responsabilité à l’égard de l’acteur. Ces inférences produiraient, à leur tour, des réactions

émotionnelles dirigées vers autrui, orientant elles-mêmes des réponses sociales spécifiques

(comportements, jugements).

2.6.1.1. De l’attribution de causalité à l’inférence de responsabilité

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

42

Bien qu’il soit central dans la théorie attributionnelle interpersonnelle, le concept

d’inférence de responsabilité n’est pourtant pas équivalent à celui d’attribution de causalité.

En effet, bien que dépendantes l’une de l’autre, ces deux notions seraient fondamentalement

distinctes (Fincham & Jaspers, 1980; Mantler, Schellenberg, & Page, 2003; Shaver & Drown,

1986). A propos de l’attribution de causalité, Weiner (1995) propose de distinguer les causes

qui relèveraient de la causalité personnelle et qui désignent comme facteur causal un individu

ou un groupe d’individu – le cas échéant une organisation – de celles qui relèveraient de la

causalité impersonnelle et qui ne feraient pas intervenir des individus (e.g. chance, chute

d’objet). Or, alors que les attributions de causalité concerneraient tout aussi bien la causalité

personnelle que la causalité impersonnelle, les inférences de responsabilité nécessiteraient la

présence d’une causalité personnelle. Ces dernières ne seraient possibles que lorsque les

attributions de causalité désignent comme cause de l’événement une intervention humaine. De

fait, les inférences de responsabilité seraient fondamentalement dépendantes des propriétés de

la cause désignée comme étant à l’origine de l’événement sur la dimension du lieu de

causalité. Si cette cause est externe à la personne, l’inférence de responsabilité ne peut avoir

lieu. En revanche, si elle est interne, l’inférence de responsabilité peut être émise. Pour autant,

si la causalité personnelle est une condition nécessaire à l’inférence de responsabilité, elle

n’est pas une condition suffisante. Des informations additionnelles sur le degré de

contrôlabilité exercé par l’individu sur la cause de l’événement doivent pouvoir être

disponibles. En effet, une personne ne pourrait être jugée responsable d’un événement ou

d’une situation personnelle que si elle peut exercer un contrôle volontaire sur celui-ci ou

celle-ci. Lorsque la cause de l’événement est interne à l’individu mais incontrôlable par celui-

ci, l’inférence de responsabilité ne pourrait pas être émise. A l’inverse, si la cause de

l’événement est interne et contrôlable par ce dernier, alors la personne peut être perçue

comme responsable de l’événement en question.

Pour autant, ne nous méprenons pas, ce n’est pas non plus parce qu’une cause est

perçue comme interne et contrôlable par une personne qu’une inférence de responsabilité est

nécessairement émise à son égard. La prise en compte par le juge de « circonstances

atténuantes » pourrait empêcher la reconnaissance de la responsabilité. Ces circonstances

atténuantes peuvent être des informations concernant la justification de l’acte ou son but (e.g.

la légitime défense), mais également l’incapacité de la personne à comprendre ses propres

actes (e.g. la folie). De telles circonstances, qui peuvent complètement soustraire l’individu

aux inférences de responsabilité, soulignent la difficulté de déterminer dans quelles situations

un acte est émis librement et dans quelles situations il ne l’est pas. De ce point de vue, l’idée

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

43

même de circonstances atténuantes met clairement en évidence que la notion de responsabilité

est intimement liée à celle pour le moins ambiguë de libre arbitre (voir à ce propos

Sappington, 1990).

Autrement dit, la théorie attributionnelle interpersonnelle propose que les inférences

de responsabilité découlent des attributions de causalité. Ces inférences ne seraient possibles

que 1) si l’origine causale de l’événement est attribuée à une cause interne à l’acteur et 2) si

celui-ci peut exercer un contrôle volontaire sur la cause de l’événement, et 3) si aucune

circonstance atténuante ne peut être retenue par le juge. Ces trois étapes peuvent être

modélisées sous la forme d’une série de jugements conditionnels dont la conclusion est la

mise en avant de la responsabilité de la cible du jugement (Weiner, 1995). La figure 1.7.

présente les trois étapes de l’inférence de responsabilité.

Événement

Poursuite du processus

Causalité personnelleCausalité impersonnelle

Cause contrôlableCause incontrôlable

Pas de circonstances atténuantesCirconstances atténuantes

Inférence de responsabilité

Pas responsable

Figure 1.7. Les étapes du processus d’inférence de responsabilité (d'après Weiner, 1995)

Cependant, si la séquence présentée dans la figure 1.7. permet de modéliser les

mécanismes à l’origine de l’inférence de responsabilité, elle ne permet pas de rendre compte

de l’un de ses aspects parmi les plus importants : le fait que l’acte soit intentionnel ou le

résultat d’une négligence (Berndt & Berndt, 1975). Alors que le premier cas entraînerait une

forte inférence de responsabilité due à la présomption de l’existence d’une « intention

coupable » (mens rea), le second aboutirait à une inférence moins prononcée en regard de

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

44

l’absence d’intentionnalité de l’acte accompli (Weiner, 1993). Une telle absence

d’intentionnalité pourrait même parfois empêcher les inférences de responsabilité.

Pour résumer, si la théorie attributionnelle interpersonnelle propose de différencier les

processus attributifs des inférences de responsabilité – les secondes reposant sur les

conclusions des premiers – elle accorde aux inférences de responsabilité le statut de médiateur

central entre les attributions causales et les émotions.

2.6.1.2. Les conséquences émotionnelles des jugements de

responsabilité

Comme nous venons de le voir, la théorie attributionnelle originelle des émotions et de

la motivation de Weiner (1979; 1985a) accorde aux attributions causales le rôle d’antécédents

causaux des émotions. En fonction de la cause désignée comme étant à l’origine de

l’événement, des émotions différenciées seraient ressenties (Russel & McAuley, 1986;

Weiner et al., 1978, 1979). Mais, dans le cadre de la théorie attributionnelle interpersonnelle,

ce rôle est tenu par les inférences de responsabilité, notamment dans le ressenti d’émotions

comme la colère ou la sympathie à l’égard d’autrui.

Fortement ressentie lorsqu’une inférence de responsabilité a été émise concernant un

événement négatif (Averill, 1983; Weiner et al., 1978, 1979), la colère serait « une accusation,

ou un jugement de valeur, qui découle de la croyance qu’une autre personne aurait due ou

aurait pu faire autrement » (Weiner, 1995, p.17). De nombreux travaux ont effectivement mis

en évidence que le ressenti de cette émotion serait fortement dépendant de la perception de la

contrôlabilité par autrui de la cause de l’événement : lorsque la cause de l’événement négatif

est perçue comme contrôlable par l’acteur, les observateurs ressentiraient de la colère à son

égard (C. A. Anderson & Weiner, 1992; Caprara, Pastorelli, & Weiner, 1997; S. Graham,

Doubleday, & Guarino, 1984; S. Graham & Hudley, 1994; S. Graham, Weiner, Cobb, &

Henderson, 2001; S. Graham, Weiner, & Zucker, 1997; Juvonen & Weiner, 1993; Reisenzein,

1986; Reyna & Weiner, 2001; Rudolph, Roesch, Greitemeyer, & Weiner, 2004; Stipek,

Weiner, & Li, 1989; Weiner et al., 1978, 1979; Yirmiya & Weiner, 1986). Selon Rudolph et

al. (2004), cette relation serait indépendante du type culture (individualisme vs.

collectivisme), du type d’échantillon (enfants vs. adultes) et du type de méthodologie

employée (simulation vs. situation réelle). L’activation de la colère aurait pour conséquences

d’aboutir à l’émission de comportement d’agression visant, par exemple, la protection de soi

ou la punition de la personne à l’origine de l’émotion (Rule & Nesdale, 1976; Weiner, 1995,

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

45

1996). Toutefois, si la conception développée par la théorie attributionnelle interpersonnelle

intègre l’émotion de colère comme l’un des médiateurs entre les inférences de responsabilité

et les comportements à l’égard d’autrui, cette approche ne considère pas que seules les

inférences de responsabilité peuvent être à l’origine de cette émotion. En effet, si considérer

une personne comme responsable d’un événement négatif est susceptible de générer de la

colère, d’autres facteurs peuvent également être à l’origine de cette émotion (e.g. douleur,

frustration, voir Berkowitz & Harmon-Jones, 2004; Törestad, 1990). Les inférences de

responsabilité ne sont qu’une cause possible parmi d’autres. Dans le même ordre d’idée, la

théorie attributionnelle interpersonnelle ne considère pas non plus que la colère soit la seule

émotion induite par les inférences de responsabilité. Face à un événement négatif, l’absence

d’inférence de responsabilité à l’égard de l’acteur peut être liée à la sympathie et, le cas

échéant, aux émotions qui lui sont associées (e.g. la pitié, la compassion). De nombreux

travaux ont effectivement mis en évidence l’existence d’un lien entre la contrôlabilité perçue

et ces émotions (Betancourt & Blair, 1992; Caprara et al., 1997; S. Graham et al., 1984; S.

Graham et al., 1997; Juvonen & Weiner, 1993; Reisenzein, 1986; Rudolph et al., 2004; Stipek

et al., 1989; Weiner, 1980a, 1980b). Là encore, cette relation apparaît relativement stable au

travers des cultures, des échantillons et des méthodes employées pour la mesurer (Rudolph et

al., 2004). De la même façon que la colère, la sympathie aurait des conséquences

comportementales spécifiques. Elle conduirait à émettre des comportements prosociaux,

comme des comportements d’aide, ou à réduire l’importance des comportements de punition.

2.6.2. Les domaines d’application de la théorie attributionnelle

interpersonnelle

L’objectif poursuivie par les tenants de cette approche étant de proposer que les

mêmes mécanismes intra-individuels peuvent permettre de rendre compte de comportements

sociaux très divers (Rudolph et al., 2004), de nombreuses recherches ont testé le modèle

proposé dans des domaines variés. Ces domaines concernent les comportements d’aide (Ickes

& Kidd, 1976; Reisenzein, 1986; Schmidt & Weiner, 1988; Weiner, 1980a, 1980b) et

d’agression (Betancourt & Blair, 1992; S. Graham et al., 1997), les réactions à l’égard des

populations stigmatisées (Dijker & Koomen, 2003; Menec & Perry, 1998; Weiner, Perry, &

Magnusson, 1988), les situations de réalisation ainsi que l’étude des stratégies de

communication de la causalité. Toutefois, compte tenu de l’ancrage de cette thèse dans le

domaine éducatif, nous nous limiterons dans les parties qui suivent à la présentation d’études

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

46

portant sur les situations de réalisation et les stratégies de communication de la causalité.

2.6.2.1. Situations de réalisation et jugement social

Le premier champ d’étude des conséquences des explications sur les relations

interpersonnelles à avoir été investie par la théorie attributionnelle interpersonnelle est le

domaine des situations d’accomplissement. En effet, la réussite et l’échec dans des contextes

de performances ne se produisent pas dans un vide social mais, au contraire, dans un

environnement socialement riche incluant, par exemple, les pairs, les enseignants et les

parents. L’objectif de cette approche n’est plus ici de chercher à rendre compte des

conséquences des explications fournies par les élèves sur eux-mêmes. Il s’agit plutôt de

mettre en évidence les effets de l’activité explicative réalisée par des pairs, des parents et des

enseignants sur leurs propres réactions cognitives, émotionnelles et comportementales à la

suite des performances des élèves.

Une des premières recherches en la matière a été réalisée par Weiner et Kukla (1970).

Dans cette étude, ces auteurs ont demandé à des étudiants de se placer en position

d’enseignant et de se prononcer sur le degré de récompense/punition à accorder à des élèves

fictifs connus à partir de leur niveau de performance (cinq niveaux de « excellente » à

« clairement échoué »), leur niveau d’habileté (élevée vs. faible) et les efforts fournis (élevés

vs.faibles). Les résultats ont montré que dans le cas de l’échec, l’élève le moins puni est celui

ayant un niveau d’habileté faible mais connu pour avoir fait des efforts. Inversement, l’élève

le plus puni est celui ayant un niveau d’habileté élevé mais connu pour n’avoir pas fait

d’effort. Dans le cas de la réussite, les élèves qui sont supposés avoir fait des efforts sont plus

récompensés que ceux n’en ayant pas fait. De tels résultats, reproduits à maintes reprises (M.

D. Clark, 1997; M. D. Clark & Artiles, 2000; Georgiou, Christou, Stavrinides, & Panaoura,

2002; Juvonen & Murdock, 1993, 1995; Matteucci & Gosling, 2004), vont dans le sens des

conclusions de la théorie attributionnelle interpersonnelle. Selon Weiner (2003), la situation

de classe peut être assimilée à une cour de justice, dans laquelle les enseignants tiennent le

rôle de juges et les élèves, le rôle d’accusés. Or, les jugements émis par les enseignants à

l’égard de leurs élèves sont tributaires de deux principes fondamentaux. Le premier, le

principe de distribution équitable, stipule que les individus doivent être récompensés

proportionnellement au niveau de performance atteint. Le second principe, basé sur l’éthique

du travail (Spence, 1985; Weber, 1906/1967), met en avant la nécessité morale d’exceller. Ce

principe a pour conséquence de récompenser les individus qui cherchent à atteindre la

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

47

performance et de sanctionner ceux qui s’éloignent de cette voie. Ainsi, de ces deux principes

il ressort que, si le degré de performance atteint par les élèves apparaît comme un paramètre

essentiel dans le jugement porté par l’enseignant, les causes fournies – par le juge et/ou

l’évalué – pour expliquer l’origine de cette performance moduleraient les réactions des

enseignants. Par exemple, leurs réactions seraient extrêmisées lorsque la performance est

attribuée aux efforts fournis par les élèves : une explication en appelant à l’effort maximiserait

les récompenses en cas de réussite (« j’ai réussi parce que j’ai beaucoup travaillé ») alors

qu’elle maximiserait les punitions en cas d’échec (« j’ai échoué parce que je n’ai pas

étudié suffisamment »). Dans le cadre de la théorie attributionnelle interpersonnelle, de tels

conséquences comportementales auraient pour origine le fait que, lorsque la cause de la

performance de l’élève est attribuée à l’effort – qui d’après la typologie proposé par Weiner

(1985a) serait interne et contrôlable –, l’élève se verrait reconnaître sa responsabilité

personnelle dans l’apparition du renforcement. Une telle inférence ne pourrait se faire lorsque

la performance de l’élève est attribuée à son habileté qui, d’après la typologie développée par

Weiner (1985a), serait perçue comme interne mais incontrôlable. En effet, à suivre le

processus décrit dans la figure 1.7., bien que l’habileté permette de recourir à la causalité

personnelle, l’absence de contrôle de l’élève empêcherait l’enseignant de faire une inférence

de responsabilité. De fait, le recours à une explication en terme d’effort ou à une explication

en terme d’habileté pour rendre compte d’une performance donnée aurait des conséquences

émotionnelles chez les enseignants bien différentes. Lorsque la performance est bonne,

l’enseignant éprouverait de la sympathie et peu de colère à l’égard de l’élève qui a fait des

efforts, le considérant comme responsable de cette réussite. De telles émotions auraient pour

conséquence d’amener l’enseignant à fortement récompenser cet élève. A l’inverse, lorsque la

performance est médiocre, l’enseignant ressentirait de la colère et peu de sympathie à l’égard

de l’élève qui n’a pas fait d’effort. Il le tiendrait alors pour responsable de son échec et, en

conséquence, le punirait fortement pour sa faible performance.

Des résultats identiques ont été observés dans d’autres contextes de réalisation. Ainsi

en est-il par exemple dans le milieu professionnel, tant en matière de promotion d’employés

(Struthers, Weiner, & Allred, 1998) que dans le cadre d’interactions entre collègues de travail

(Struthers, Miller, Boudens, & Briggs, 2001). Globalement, lorsque les juges (qu’ils soient

employeurs ou collègues) attribuent la cause de l’événement négatif à un manque d’effort des

personnes jugées, ils éprouvent de la colère à leur égard, peu de sympathie et les sanctionnent

fortement.

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

48

2.6.2.2. Les stratégies de communication des attributions causales

Traditionnellement, l’étude des stratégies de prétexte (excuse giving) s’est centrée sur

le phénomène d’explication des événements négatifs survenus dans le cadre des situations de

réalisation. En effet, dans ce type de contexte, les individus auraient recours

préférentiellement à certaines attributions plutôt que d’autres et ce, afin d’atteindre différents

objectifs. Le premier d’entre eux pourrait consister à permettre aux individus de préserver leur

estime de soi et leur sentiment de contrôle (Bradley, 1978; Mezulis, Abramson, Hyde, &

Hankin, 2004; Snyder & Higgins, 1988). Cependant, d’autres auteurs ont donné des

définitions des stratégies de prétexte beaucoup plus générales (Leary & Kowalsky, 1990).

Dans cette optique, la stratégie de prétexte peut être définie comme « la consciencieuse

supplantation d’une cause par une autre avec le but d’influencer autrui » (Weiner, Figueroa-

Muños, & Kakihara, 1991, p.5). Cette définition met l’accent sur l’aspect interactif de la

stratégie de prétexte puisque celle-ci n’est plus seulement considérée comme une stratégie

d’autoprésentation mais également comme une stratégie de gestion des impressions11. Dans

un contexte public, elle se manifesterait d’une action volontaire engagée par la source de la

communication qui la conduirait à substituer une cause qu’elle considère comme « vraie » au

profit d’une autre qui sera transmise à la cible de la communication. Les objectifs de cette

substitution concerneraient les conséquences des trois dimensions causales de la théorie

attributionnelle (Weiner, 1979, 1985a) : le lieu de causalité, la contrôlabilité et la stabilité. Le

premier serait de préserver l’estime de soi personnelle ou celle d’autrui. Cet objectif serait

atteint en déplaçant l’orientation de la « vraie » cause de l’événement négatif sur le lieu de

causalité du pôle interne vers le pôle externe. Par exemple, Folkes (1982, cité par Weiner,

Figueroa-Muños et al., 1991) a observé que des étudiantes utilisaient des explications externes

à autrui pour justifier leur refus d’un rendez-vous sentimental alors que la cause qu’elles

considéraient comme « vraie » était l’apparence physique de l’homme qui les avait invitées.

Le deuxième objectif des stratégies d’excuses consisterait à prévenir les émotions de colère

que pourrait éprouver autrui à l’égard de la source de la communication, notamment lorsque

le contrat social entre la cible et la source de la communication a été rompu par cette dernière

(Weiner, Figueroa-Muños et al., 1991). La dimension de la contrôlabilité étant liée à

l’inférence de responsabilité et à la production d’émotions de colère lorsqu’elle est couplée

11 D’après Leary et Kowalsky (1990), l’autoprésentation se différencie de la gestion des impressions de par le fait que la seconde notion englobe la première. Alors que l’autoprésentation ne concerne que les phénomènes de perception de soi, la gestion des impressions désigne tous les phénomènes d’altération de la réalité ayant pour objectif d’influencer la perception de soi ou d’autrui.

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

49

avec la causalité personnelle (Weiner, 1995), la source de communication chercherait à

déplacer la cause « vraie » de l’événement négatif du pôle contrôlable vers le pôle

incontrôlable. En utilisant des explications incontrôlables, la source chercherait à échapper à

la responsabilité de l’événement négatif et tenterait ainsi d’empêcher la cible de la

communication d’éprouver des émotions de colère à son égard. Enfin, le troisième objectif

des stratégies d’excuses consisterait à agir sur les expectations d’autrui concernant la

croyance de réapparition dans le temps de l’événement négatif dont la source de la

communication est à l’origine. Pour ce faire, les individus chercheraient à déplacer la cause

« vraie » de l’événement du pôle stable vers le pôle instable de la dimension de la stabilité

(Weiner, Figueroa-Muños et al., 1991). Ainsi, en fonction des différents buts qui les animent,

les individus pourraient modifier l’orientation de la cause « vraie » sur une ou plusieurs

dimensions (Weiner, Figueroa-Muños et al., 1991). Dès lors, on peut se demander si le

recours à des stratégies de communication des explications ne suppose pas, si ces stratégies se

montrent efficaces, que les individus disposent de connaissances naïves concernant les

relations entre attributions, émotions et expectations. Cette idée suppose que les

connaissances dont disposent les individus sur le fonctionnement humain sont, dans une

certaine mesure, correctes et peuvent être en adéquation avec les théories psychologiques

scientifiques (Cacioppo, 2004; Kelley, 1992; Kluger & Tikochinsky, 2001; Weiner, 1995).

Plusieurs recherches ont mis en évidence que les individus semblent bien disposer de telles

connaissances (S. Graham, 1984; Thompson, 1987; Weiner, Amirkhan, Folkes, & Verette,

1987). Par exemple, dans une première étude, Weiner, Amirkhan, Folkes et Verrette (1987)

ont demandé à des étudiants de décrire la dernière fois qu’ils avaient donné une raison pour

rendre compte d’un comportement négatif à l’égard d’autrui (e.g. retard à une convocation,

absence à une fête). Les participants étaient répartis dans deux conditions : soit la raison

communiquée était vraie, soit elle ne l’était pas. La tâche des participants était de décrire

l’événement ainsi que la raison communiquée et dans quelle mesure cette raison avait été crue

par autrui. Dans la condition dans laquelle la raison communiquée était fausse, les participants

devaient également indiquer quelle était la cause cachée. Les résultats obtenus ont révélé que

la majorité des causes cachées sont internes, contrôlables et intentionnelles (e.g. dans le cas de

l’absence à une fête, « je ne voulais pas y aller »). Les causes communiquées sont quant à

elles massivement externes, incontrôlables, et non intentionnelles (e.g. dans le cas de

l’absence à une fête, « ma voiture est tombée en panne »). De plus, les causes cachées sont

décrites par les participants comme particulièrement capables de nuire aux relations

interpersonnelles et à l’image du communiquant. A leurs yeux, elles entraîneraient de grandes

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

50

inférences de responsabilité ainsi que des niveaux de colère élevés. De tels résultats indiquent

donc que les individus disposent de connaissances naïves sur les effets des explications sur les

émotions. Mais sont-ils pour autant capables de mobiliser volontairement de telles

connaissances dans le cadre d’interactions sociales réelles ? Ces connaissances sont-elles en

mesure de produire sur autrui les effets attendus ? Weiner et al. (1987) ont apporté quelques

éléments de réponse en la matière. Pour ce faire, ils ont demandé à des étudiants de participer

à une recherche sur la formation d’impression. Les passations se sont déroulées en binômes.

Le premier participant du binôme était informé qu’il devait travailler avec un autre étudiant

puis se faire une impression sur celui-ci à la fin de la tâche. On l’informait également que la

tâche ne commencerait que lorsque le second participant serait là. Le second participant,

quant à lui, était également informé qu’il s’agissait là d’une tâche de formation d’impression

et qu’il allait devoir jouer un peu la comédie. Dans les faits, il lui était demandé d’arriver avec

un retard de 10 minutes. Dans un premier cas, il ne devait pas expliquer ce retard à l’autre

participant. Dans deux autres cas, il devait expliquer son retard soit par une bonne excuse, soit

par une mauvaise excuse susceptible de provoquer la colère. Dans une dernière condition, il

devait expliquer son retard par une excuse au choix. Les résultats concernant les choix

explicatifs des participants « en retard » ont confirmé ceux obtenus dans l’étude précédente :

les « mauvaises » raisons sont généralement internes, contrôlables et intentionnelles alors que

les « bonnes » sont externes, incontrôlables et non intentionnelles. Ils ont également mis en

évidence que les participants « en retard » qui avaient pour consigne de communiquer une

bonne excuse ou une excuse au choix ont été perçus par leurs collègues plus positivement que

ceux qui devaient communiquer une mauvaise excuse ou pas d’excuse du tout. Ces résultats

révèlent donc que les individus pensent que mettre en avant des causes internes et

contrôlables n’est pas nécessairement une bonne stratégie de communication, bien au

contraire. En revanche, la communication de causes externes et incontrôlables serait plus

adaptée pour rendre compte de leur comportement négatif. De plus, il semble que leur

connaissance naïve des effets des explications causales renverrait, au moins dans une certaine

mesure, à une connaissance effective du modèle attribution-émotion-action puisque les

participants ayant eu recours à ces stratégies spécifiques ont bien produit chez autrui les

réactions émotionnelles et comportementales attendues.

Enfin, les travaux ayant porté sur les stratégies de communication des explications

causales par les élèves dans le cadre des situations de réalisation ont largement mis en

évidence que toutes les explications n’étaient pas choisies de la même façon lorsqu’il

s’agissait de produire une image favorable sur autrui (Juvonen, 1992, 1996, 2000; Juvonen &

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

51

Murdock, 1993, 1995). Dans la plupart de ces études, les participants (de jeunes élèves, des

étudiants) ont été invités à indiquer, parmi plusieurs explications12, celles qu’ils choisiraient

pour expliquer à une cible (un enseignant, un parent ou un pair) l’origine d’une performance à

un examen et ce, qu’il s’agisse d’une réussite ou d’un échec. D’une manière générale, ces

travaux ont montré, de façon très consistante, que les sujets choisissaient préférentiellement

les explications en appelant à l’effort occasionnel pour expliquer leur réussite à un examen à

un enseignant. Inversement, lorsqu’il s’agissait de rendre compte d’un échec, leur choix

s’orientait vers d’autres explications que l’effort, comme par exemple le manque d’habileté.

Pour Juvonen (2000), l’aversion des élèves pour ce type d’explications s’explique par le fait

que les élèves, même très jeunes, savent que les enseignants n’aiment pas ceux qui ont recours

à de telles explications (i.e. au manque d’effort). Comme nous l’avons déjà évoqué, les

explications en terme d’effort auraient pour conséquence d’extrêmiser les réactions des

enseignants face à une performance donnée. De fait, les élèves, mêmes jeunes, seraient tout à

fait capables de mobiliser des stratégies de communication efficaces lorsqu’ils sont engagés

dans des interactions avec leurs enseignants.

Cependant, si expliquer l’origine d’événements négatifs par des explications

permettant de se dédouaner de la responsabilité dans leur apparition peut permettre de

modifier les émotions qu’autrui éprouvent à notre égard et leurs conséquences

comportementales, ce n’est toutefois pas la seule stratégie envisageable. Par exemple, dans

certains cas, mettre en avant (ou reconnaître) sa responsabilité personnelle peut permettre de

produire des effets plus positifs chez autrui que la stratégie de prétexte. Par exemple, Weiner,

Graham, Peter et Zmuidinas (1991) ont mis en évidence que la confession peut être une

stratégie de communication efficace lorsque l’acteur est déjà perçu comme étant à l’origine de

l’événement négatif, lorsque la cause de l’événement est ambiguë ou lorsque les jugements

portés sur lui reposent sur autre chose que la performance (e.g. juger de la moralité de

l’acteur). Dans le domaine de la performance, la communication de certaines attributions peut

également permettre d’atteindre certains objectifs de gestion des impressions spécifiques. Plus

particulièrement, l’effort et l’habileté étant perçus par le sens commun comme étant associés

de façon multiplicative (Heider, 1958, cf. figure 1.2.), l’absence de l’une de ces deux

composantes serait une condition suffisante pour produire l’échec. Or, pour Covington et

Omelich (Covington, 1984; 1979a; 1979b; 1985; Covington, Spratt, & Omelich, 1980),

l’évaluation de soi dans les sociétés occidentales passerait prioritairement par la perception du

12 Souvent au nombre de quatre : effort, habileté, tâche et chance.

Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences

52

niveau d’habileté. Dès lors, le fait de se percevoir, ou de penser que l’on est perçu par autrui,

comme ayant un faible niveau d’habileté serait très anxiogène pour les individus. On

comprendrait alors pourquoi les individus chercheraient à éviter que puisse être émise une

attribution en terme de manque d’habileté pour rendre compte de leur échec. Du fait de la

nature compensatoire de la relation entre l’effort et l’habileté, les individus pourraient choisir

de mettre en avant une explication en terme de manque d’effort pour empêcher que ne soit

émise une explication en terme de manque d’habileté pour expliquer l’échec. En mettant en

avant le fait d’échouer par manque d’effort, les individus se protègeraient d’une attribution de

leur échec à leur habileté, cette dernière étant un indicateur de leur valeur personnelle.

Nous l’avons vu, dans ce chapitre, l’explication des événements quotidiens est une

thématique qui a produit de nombreuses recherches depuis plus de 50 ans. Qu’elles abordent

la question de la perception de la causalité sous l’angle des croyances de contrôle ou comme

des attributions causales, les recherches en la matière ont accordé à la distinction entre causes

internes et causes externes un statut particulier. L’engouement des chercheurs pour une telle

distinction en a fait un critère de classification incontournable dans l’étude des explications

causales en général. Mais, nous avons vu également que de nombreux travaux ont mis en

évidence la nécessité de dépasser une telle distinction et que la compréhension tant des

mécanismes intra-individuels que des processus à l’œuvre dans les relations interpersonnelles

semble améliorée par la prise en compte d’autres critères de classification. Pourtant, bien que

ces nombreux travaux aient fortement suscité l’intérêt des chercheurs en psychologie sociale,

force est de constater que la plupart d’entre eux ont abordé la question de la perception de

causalité uniquement d’un point de vue intra-individuel. Or, l’activité explicative n’est pas

seulement le produit de mécanismes cognitifs. Elle est également sous l’influence de facteurs

sociétaux. Tout un ensemble de travaux atteste en effet de l’existence d’une norme sociale de

jugement, la norme d’internalité (Beauvois & Dubois, 1988), qui intervient dans les

productions explicatives des membres des sociétés occidentales libérales. Cette approche

propose une interprétation normative de l’origine d’un certain nombre de distorsions

systématiques observées dans la perception de la causalité. Avant de nous arrêter plus

longuement sur la perspective sociétale de l’activité explicative développée par Beauvois et

Dubois (1988), nous allons revenir dans le chapitre suivant sur quelques uns de ces biais et

erreurs.

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

53

CHAPITRE 2

DE QUELQUES BIAIS ET ERREURS A UNE APPROCHE

NORMATIVE DES EXPLICATIONS CAUSALES

A suivre les théoriciens de l’attribution causale (Heider, 1958; Jones & Davis, 1965;

Kelley, 1967; Weiner, 1985a), l’individu fonctionnerait à la manière d’un scientifique intuitif.

Mais, force est de constater que cette métaphore s’est très rapidement avérée inappropriée.

Dès 1972, Kelley admet que, parfois, les individus semblent émettre des attributions sur la

base de principes cognitifs relativement éloignés du fonctionnement scientifique. Plus

particulièrement, lorsque le temps ou les informations viennent à manquer, les individus ne se

livreraient pas à une analyse causale approfondie mais émettraient des attributions sur la base

de « schémas causaux », des formes de raisonnements raccourcis dont le but serait de

permettre une compréhension rapide de l’événement (Kelley, 1972).

Depuis lors, de nombreux travaux ont effectivement montré que, bien souvent, les

décisions que prennent les individus sont relativement éloignées de la rationalité scientifique.

D’une part, du fait de capacités cognitives limitées, les individus se révèlent être de piètres

utilisateurs de l’information (Hansen, 1980; Higgins, 1996; Higgins & Bargh, 1987;

Kahneman & Tversky, 1973). D’autre part, les décisions prises par les individus semblent être

orientées tant par leurs motivations que par leurs outils cognitifs, le fonctionnement de ces

derniers pouvant d’ailleurs être fortement dépendants de déterminants motivationnels (Kunda,

1987, 1990; Pyszczynski & Greenberg, 1987; Trope & Liberman, 1996). Ces limites à la

rationalité des individus ont entraîné le remplacement de la métaphore du scientifique intuitif

par d’autres, plus en accord avec le fonctionnement cognitif des individus. Par exemple,

Hansen (1980) compare les individus à des « avares cognitifs ». Pour lui, ils procèderaient le

plus souvent à une activité explicative minimale, fonctionnant ainsi selon le principe

d’économie. Lorsqu’ils sont confrontés à un événement, les individus émettraient en premier

lieu une hypothèse sur son origine causale. Puis, face à de nouvelles informations, ils ne

prendraient en compte que celles en accord avec leur hypothèse initiale. Pour d’autres auteurs

(Read, 1987; Read & Miller, 1993), les individus se comporteraient comme des « raconteurs

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

54

d’histoire intuitifs ». Ils sont décrits comme tentant de comprendre les événements en créant,

autour de ces derniers, d’autres événements de façon à former un scénario plausible. Ces

événements supplémentaires seraient obtenus à partir de connaissances préalables (e.g.

scripts, plans). En insérant un événement isolé dans une histoire cohérente et compréhensible,

la construction de scénario permettrait, par exemple, de révéler le sens de l’action d’un acteur

au travers des relations que cette action entretient avec d’autres comportements (de l’acteur

et/ou d’autrui). La construction de ces événements supplémentaires et leur connexion avec

celui à expliquer entraîneraient un grand nombre d’inférences dont le résultat serait une

représentation mentale de la séquence initiale. Cette représentation pourrait être alors utilisée

afin de fournir une explication de l’origine de l’événement.

La métaphore du « scientifique intuitif » a également été mise à mal par la découverte

d’un certain nombre de distorsions systématiques altérant l’objectivité des procédures de

traitement de l’information (Dépret & Filisetti, 2001). L’impact de ces biais et erreurs est

d’ailleurs si important qu’il semble difficile de statuer sur leur nature puisqu’ils apparaissent

« non comme des exceptions, mais comme la règle » (Beauvois, 1984b, p.398). Dans une

première partie, nous évoquerons certains des biais parmi les plus récurrents en matière

d’explication des événements. Dans un premier temps, nous verrons le biais

d’autocomplaisance (Bradley, 1978; Famose & Troadec, 2005; Mezulis et al., 2004; D. T.

Miller & Ross, 1975; Taylor & Brown, 1988) et les différentes approches qui ont tenté d’en

rendre compte. Dans un second temps, nous présenterons deux phénomènes psychologiques

particulièrement récurrents dans l’explication des événements psychologiques : l’erreur

fondamentale d’attribution (Ross, 1977) dans l’explication des comportements et l’illusion de

contrôle dans celle des renforcements (Langer, 1975). L’existence de ces deux biais, qui se

manifestent par une accentuation du poids de l’acteur dans l’origine des événements, nous

amènera à présenter, dans une seconde partie, la théorie de la norme d’internalité (Beauvois,

1984a; Beauvois & Dubois, 1988; Dubois, 1994, 2003b). Cette approche sociocognitive des

explications causales nous permettra d’aborder le phénomène de surestimation du poids de

l’acteur, non plus seulement comme un biais cognitif et/ou motivationnel, mais comme la

manifestation de l’intervention d’une norme sociale spécifique aux sociétés occidentales

libérales, la norme d’internalité. Cette norme valoriserait l’expression d’explications qui

accentuent le poids causal de l’acteur comme facteur causal au détriment des explications qui

mettent en avant des facteurs externes.

1. De quelques biais et erreurs dans l’explication des événements quotidiens

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

55

1.1. Le biais d’autocomplaisance

Depuis les premières recherches portant sur l’attribution causale, de nombreux travaux

ont montré que les individus ont tendance, lorsqu’ils cherchent la cause des événements, à

accentuer leur propre poids causal dans l’origine des événements positifs et à augmenter

l’influence des facteurs environnementaux dans l’origine des événements négatifs. Cette

tendance, appelée biais d’autocomplaisance, se caractérise donc par le fait d’expliquer le

succès par des facteurs internes et l’échec par des facteurs externes. Par exemple, Beckman

(1970, cité par C. A. Anderson et al., 1996) a montré que des participants qui ont enseigné à

des enfants des concepts d’arithmétique ont tendance à s’attribuer la responsabilité de la

performance de l’enfant lorsque celui-ci réussit ultérieurement une tâche d’arithmétique. A

l’inverse, lorsque l’enfant échoue à cette même tâche, les participants ont tendance à attribuer

la cause de l’échec de l’enfant à des causes externes (e.g. la faible motivation de l’enfant, la

situation).

Pour rendre compte des processus sous-jacents à ce phénomène, plusieurs conceptions

se distinguent. Pour certains auteurs (Bradley, 1978; Weiner, 1985a), celui-ci serait déterminé

par des facteurs motivationnels qui entraîneraient une erreur dans les processus d’attribution

causale, les individus influant ainsi sur la perception qu’ils ont d’eux-mêmes et sur l’image

qu’ils donnent à autrui. Pour d’autres auteurs (Ajzen & Fishbein, 1975; D. T. Miller & Ross,

1975; Wetzel, 1982), le biais d’autocomplaisance n’aurait rien d’une erreur, il serait

simplement une conséquence du fonctionnement normal des processus cognitifs mis en œuvre

dans ce type d’activité. Enfin, d’autres auteurs (Kunda, 1987, 1990; Pyszczynski &

Greenberg, 1987), considèrent qu’il est dû à la fois à des facteurs motivationnels et à des

facteurs cognitifs et proposent des modèles intégrant ces deux aspects. Nous rappellerons dans

les parties qui suivent rapidement chacune de ces conceptions.

1.1.1. L’approche motivationnelle du biais d’autocomplaisance

Les premières théories portant sur l’attribution causale ont très tôt postulé l’existence

de facteurs motivationnels dans les processus de recherche de causes. En effet, d’après Heider

(1958), la sélection d’une attribution causale acceptable dépend de deux facteurs : « (1) la

raison doit s’accorder avec les souhaits de la personne et (2) l’élément doit être plausiblement

dérivé de la raison » (p.172). Ainsi, les motivations des individus interviendraient directement

dans les processus d’attribution et pourraient amener à la production d’erreurs

attributionnelles. Pour certains auteurs, le biais d’autocomplaisance serait une conséquence de

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

56

ces facteurs motivationnels. D’après Kelley (1973, cité par D. T. Miller & Ross, 1975), la

tendance des individus à attribuer la cause de la réussite à des facteurs internes et la cause de

l’échec à des facteurs externes serait la manifestation de leur besoin de contrôle. En attribuant

la cause du succès à eux-mêmes et celle de l’échec à des facteurs environnementaux, les

individus conserveraient intact leurs attentes de contrôle. Par l’intermédiaire de ce pattern

explicatif défensif, ils tenteraient de se préserver d’attributions causales néfastes. En effet,

d’après la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation (cf. chapitre 1), les

attributions produites par les individus seraient à l’origine du type d’émotions que ceux-ci

éprouvent face aux événements. D’après Weiner et al. (1978; 1979), les affects éprouvés pour

la réussite les plus intimement liés à l’estime personnel (e.g. compétence, fierté) sont

également associés aux attributions internes. Le recours à des causes internes pour expliquer

la réussite provoquerait une augmentation de l’estime de soi alors que l’attribution à des

causes internes pour expliquer l’échec entraînerait une baisse de l’estime de soi (C. A.

Anderson et al., 1996; Bradley, 1978; Weiner, 1985a). Il semble donc que le lien entre

attribution et affect puisse être suffisant pour inciter les individus à modifier leurs attributions

à la suite d’un succès ou d’un échec, cela dans le but d’augmenter ou de maintenir leur estime

de soi. La modification des attributions dans le sens de l’autocomplaisance peut donc être

considérée comme un mécanisme de coping (Chwalisz, Altmaier, & Russel, 1992; Cousson,

Bruchon-Schweitzer, Quintard, Nuissier, & Rascle, 1996; Paulhan, 1992; Skinner, Edge,

Altman, & Sherwood, 2003). Cependant, toutes les situations ne seraient pas susceptibles de

motiver les individus à s’engager dans un style attributif défensif. Le biais

d’autocomplaisance n’apparaîtrait que sous certaines conditions (Bradley, 1978) : (1) lorsque

la performance de l’individu est publique, (2) lorsque l’individu se perçoit comme ayant eu

une grande possibilité de choix au moment de l’action et se sent responsable du renforcement,

(3) lorsque l’individu se trouve dans des situations impliquant fortement son estime de soi, (4)

lorsque l’individu se trouve dans des situations susceptibles de rendre compte de façon

objective de ce qu’il est.

Les théories motivationnelles du biais d’autocomplaisance expliquent donc la

tendance des individus à attribuer à des facteurs internes leurs réussites et leurs échecs à des

facteurs externes, par un besoin d’augmenter l’intensité des affects positifs et d’éviter de

ressentir des affects trop négatifs mais également par un besoin de garder une image positive

d’eux-mêmes. Ces facteurs motivationnels les amèneraient ainsi à commettre des erreurs dans

les attributions qu’ils produisent pour expliquer l’origine des événements. Cependant, et

contrairement à ces premières théories, certains auteurs considèrent que le biais

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

57

d’autocomplaisance n’existe pas en tant que tel mais que l’erreur attributionnelle que font les

individus ne serait que la conséquence rationnelle des processus cognitifs en œuvre dans les

processus d’attribution causale.

1.1.2. L’approche cognitive du biais d’autocomplaisance

Dans un article de 1975, D. T. Miller et Ross émettent l’hypothèse que le biais

d’autocomplaisance ne serait pas imputable à des facteurs motivationnels, mais à des

processus de traitement de l’information. Pour attester de la validité de leur hypothèse, ces

auteurs reprennent la plupart des études attestant de la composante motivationnelle du biais et

réinterprètent les résultats dans une optique de traitement de l’information.

D’après D. T. Miller et Ross (1975), « tandis que les preuves pour les biais

d’autoprotection sont minimes, il y a quelques données consistantes avec le point de vue de

l’autorehaussement de soi. […] l’autorehaussement de soi n’a pas besoin d’être expliqué en

termes motivationnels. […] les sujets ont simplement plus de probabilité de percevoir une

relation entre leurs comportements et les renforcements lorsqu’ils réussissent que lorsqu’ils

échouent. » (p.233). D’après ces auteurs, le biais d’autocomplaisance pourrait être expliqué

par plusieurs facteurs. Deux d’entre eux sont particulièrement intéressants. Le premier repose

sur le constat de l’existence d’une asymétrie entre les expectations des individus concernant la

probabilité d’apparition des renforcements positifs et négatifs : les individus s’attendent plus à

obtenir les premiers que les seconds. De plus, ils auraient également tendance à plus accepter

la responsabilité des événements attendus que celle des événements inattendus. De fait, D. T.

Miller et Ross (1975) émettent l’hypothèse selon laquelle la réussite provoque plus

d’attributions internes que l’échec, le premier événement étant attendu et le second inattendu.

Le second facteur susceptible d’expliquer l’existence du pattern explicatif

autocomplaisant concerne le fait que les individus auraient une conception erronée de la

contingence (D. T. Miller & Ross, 1975). Les individus auraient tendance à associer

principalement le contrôle avec les renforcements désirés. En effet, dans une recherche

concernant la perception des individus de la contingence entre comportements et

renforcements, Jenkins et Ward (1968, cités par D. T. Miller & Ross, 1975) ont montré que le

niveau de contrôle perçu était déterminé, non pas par la contingence réelle entre

comportements et renforcements mais par la fréquence des estimations correctes. L’estimation

du niveau de contrôle serait donc basée sur la fréquence des cas de contingence alors que les

cas de non contingence seraient non informatifs. En transposant ces conclusions dans le cadre

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

58

des processus d’attribution, les exemples positifs de co-occurrence entre la réponse de

l’individu et le renforcement désiré (le succès) induiraient la perception d’un contrôle

personnel. En revanche, les exemples d’absence de co-occurrence seraient non informatifs et

ne produiraient pas d’attributions. En d’autres termes, à cause de leur conception erronée de la

contingence, les individus auraient tendance à percevoir les facteurs internes comme covariant

avec les renforcements positifs alors que les informations concernant la covariation entre leurs

comportements et les renforcements négatifs ne leur apporteraient que très peu

d’informations. Ainsi, pour les renforcements positifs, les individus percevraient le lien entre

leurs comportements et les renforcements qu’ils obtiennent alors qu’ils ne le percevraient pas

pour les renforcements négatifs.

La conception cognitive développée par D. T. Miller et Ross (1975) trouve également

des appuis dans la réinterprétation des processus d’attribution effectuée par Ajzen et Fishbein

(1975) à partir du théorème de Bayes. Ce théorème est une modélisation mathématique des

processus de formation et de révision de croyances lors de la présentation de nouvelles

informations. D’après ces auteurs, « une croyance à propos d’un objet est définie par la

probabilité subjective que l’objet ait l’attribut donné » (Ajzen & Fishbein, 1975, p.261).

Ainsi, pour chaque hypothèse qu’ils émettent concernant l’origine des événements (en

l’occurrence chaque attribution), les individus calculeraient un ratio de probabilité entre la

probabilité que l’hypothèse antérieure soit vraie et la probabilité que l’hypothèse antérieure

soit fausse au regard de l’information nouvelle. Ainsi, le ratio obtenu peut être considéré

comme un index de la diagnosticité de l’information en question. Pour chaque hypothèse (ou

attribution), les individus opèreraient ce calcul de ratio, l’hypothèse ayant le ratio le plus

important étant celle ayant la plus grande probabilité d’être à l’origine de l’événement.

De nombreuses recherches ont montré que le théorème de Bayes était un modèle

correspondant de façon satisfaisante aux processus humains de traitement de l’information

(Ajzen & Fishbein, 1975). Les données concernant la révision des croyances seraient

relativement consistantes avec les prédictions obtenues à partir de ce modèle mathématique.

Appliqué aux processus d’attribution causale, il semblerait bien qu’il puisse rendre compte du

biais d’autocomplaisance d’un point de vue strictement cognitif lorsque l’on prend en compte

différents facteurs : (1) la différence d’expectations des individus entre les renforcements

positifs et négatifs, (2) la différence de perception de covariation entre les renforcements

stables et les renforcements instables, (3) la différence de perception de la covariation entre

les renforcements positifs et négatifs. Par exemple, la prise en compte de la différence

d’expectations entre les renforcements positifs et les renforcements négatifs dans le calcul du

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

59

ratio de probabilité de l’hypothèse (ou attribution) engendre une plus grande probabilité que

l’hypothèse soit vraie pour les attributions internes que pour les attributions externes lorsque

l’individu a de fortes expectations de réussite (Wetzel, 1982).

Au regard de ces différents arguments, il semble donc que l’on puisse interpréter la

tendance des individus à surestimer leur poids causal dans l’origine de leurs réussites et à

minimiser l’impact de leur rôle dans l’origine de leurs échecs du strict point de vue du

traitement de l’information. Cette conception cognitive des biais attributifs a rencontré un vif

succès auprès de la communauté scientifique de l’époque. Ross (1977) préconise même

d’abandonner la conception motivationnelle pour se concentrer sur les facteurs

informationnels et cognitifs qui interviennent dans ces biais.

Au-delà de telles considérations, il faut objectivement reconnaître que l’une et l’autre

de ces positions sont tenables et qu’aucune donnée n’est à même d’invalider totalement l’une

ou l’autre (C. A. Anderson et al., 1996). Un tel statu quo entre l’approche motivationnelle et

l’approche cognitive du biais d’autocomplaisance a abouti à la mise au point de modèle mixte

intégrant ces deux aspects dans un même champ théorique.

1.1.3. L’approche cognitivo-motivationnelle du biais d’autocomplaisance

A la suite des théories motivationnelles et des théories cognitives, d’autres

conceptions prenant en compte ces deux aspects ont émergé. Ces dernières considèrent que le

biais d’autocomplaisance serait dû à la fois à des facteurs motivationnels mais également à

des facteurs cognitifs, ces deux paramètres intervenant à des stades différents des processus

d’attribution causale. D’après Kunda (1987), « l’appareil cognitif est harnaché au service des

fins motivationnelles. Les gens utilisent les mécanismes et processus cognitifs inférentiels

pour arriver aux conclusions qu’ils désirent, mais les forces motivationnelles déterminent

quels processus seront utilisés dans un cas donné et quelles preuves seront prises en

considération » (p.637). Lorsqu’ils sont engagés dans des processus de recherches de causes,

les individus analyseraient les preuves de façon rationnelle. Cependant, ces informations ainsi

que les règles inférentielles destinées à les évaluer seraient soumises à l’influence des

motivations des individus. Les processus cognitifs, comme la recherche en mémoire, seraient

donc soumis aux facteurs motivationnels. Par exemple, la motivation de se voir comme étant

capable d’obtenir le renforcement désiré et d’éviter le renforcement craint peut déclencher

une recherche en mémoire qui activerait seulement les connaissances allant dans le sens de ce

que cherche à savoir l’individu. Les informations et les règles inférentielles allant dans le sens

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

60

inverse des attentes de l’individu resteraient inactives dans ce cas (Kunda, 1987). D’après

Anderson et Slusher (1986), les processus d’attribution s’effectueraient en deux phases

successives. Durant la première phase, l’individu essayerait de définir la cause de l’événement

et la motivation agirait sur le choix des structures cognitives qui seront conservées pour la

phase suivante du processus d’attribution, les autres étant mises de côté. Durant la seconde

phase, les structures sélectionnées seraient traitées de façon logique et la cause ayant le plus

de probabilité d’être correcte serait retenue.

Les approches cognitivo-motivationnelles du biais d’autocomplaisance intègrent donc

les facteurs motivationnels et les facteurs cognitifs dans un même champ théorique, les

structures cognitives étant soumises aux forces motivationnelles. En ce sens, elles ont permis

de dépasser les limites respectives des théories antérieures et ont participé au développement

des connaissances sur le fonctionnement humain. Mais le biais d’autocomplaisance n’est pas

la seule distorsion systématique que l’on ait observée en matière d’explication des

événements. Un autre phénomène particulièrement récurrent a également été observé lorsque

les individus rendent compte de l’origine des événements. Qu’ils expliquent l’origine du

comportement d’autrui ou qu’ils cherchent la cause des renforcements qu’ils obtiennent, les

individus semblent avoir tendance à privilégier les explications qui désignent l’acteur comme

facteur causal. Contrairement au biais d’autocomplaisance, cette accentuation du poids de

l’acteur semble indépendante de la valence des événements expliqués.

1.2. L’accentuation du poids causal de l’acteur dans l’explication des événements

psychologiques

A suivre très globalement les premiers travaux sur l’attribution (Heider, 1958) et sur le

Locus of Control (Dubois, 1987), il ressort que les individus semblent avoir une préférence

marquée pour les explications internes lorsqu’ils rendent compte de l’origine des événements.

Cette préférence, qui se manifesterait par l’intermédiaire de deux biais particulièrement

récurrents dans la littérature psychosociale : d’un côté, l’erreur fondamentale d’attribution

dans le cadre de l’explication des comportements et, de l’autre, l’illusion de contrôle dans le

cadre de l’explication des renforcements. Nous allons revenir sur les travaux ayant étudié ces

deux phénomènes pour avancer ensuite l’idée que ces derniers semblent être davantage le

reflet d’un pattern culturel spécifique aux sociétés occidentales plutôt que la manifestation

d’une tendance inhérente au fonctionnement humain.

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

61

1.2.1. La surestimation du poids causal de l’acteur dans l’explication des

comportements : Une erreur dans la perception sociale

Qu’il soit appelé « erreur fondamentale d’attribution » (Ross, 1977), « biais de

surattribution » (Quattrone, 1982), « dispositionnisme naïf » (Ross & Nisbett, 1991) ou

encore « biais de correspondance » (Gilbert & Malone, 1995), ce phénomène psychologique

peut être considéré comme « le résultat le plus robuste et reproductible de la psychologie

sociale » (Jones, 1990, p.138). Celui-ci se manifeste par la tendance à surestimer le poids

causal des dispositions stables de l’acteur dans la détermination de ses comportements quand

d’autres facteurs tout aussi explicatifs pourraient être également évoqués (e.g. la situation, une

réponse naturelle consensuelle).

La première recherche à avoir mis en évidence l’existence de ce biais a été réalisée par

Jones et Harris (1967). Ces auteurs, ont demandé à des étudiants de lire des essais supposés

écrits par des pairs. Ces essais étaient soit favorables à Fidel Castro, soit a contrario

défavorables à celui-ci. Il était précisé aux participants que les étudiants avaient écrit les

essais soit librement, soit sur les instructions d’un animateur de débat. Les résultats ont

montré que, si les participants pensaient que l’essai reflétait l’attitude réelle de l’étudiant

lorsque celui-ci était supposé écrit librement, ils avaient également tendance à le penser

lorsque l’essai était supposé écrit sous la contrainte. De tels résultats indiquent donc que

même lorsque les individus possèdent des informations sur l’existence de contraintes

situationnelles pouvant expliquer complètement le comportement de l’acteur (i.e. les

instructions de l’animateur), ils continuent de penser que ce comportement reflète bien

l’attitude de l’acteur. Des résultats similaires ont été obtenus par Ross, Amabile et Steinmetz

(1977) en matière de perception de niveau de culture générale. Ces auteurs ont demandé à des

étudiants d’assumer soit le rôle de questionneur soit le rôle de questionné dans une simulation

d’un jeu de questions/réponses. Les étudiants dans le rôle de questionneurs ont été incités à

choisir des questions particulièrement difficiles – mais pas impossibles – à même de mettre en

avant leurs connaissances. Bien entendu, la conséquence directe d’une telle consigne est que

les questionnés sont le plus souvent dans l’incapacité de répondre aux questions qu’on leur

pose. Les résultats obtenus ont révélé que, bien que la position de questionneur ou de

questionné soit déterminée de façon aléatoire, les questionnés considéraient les questionneurs

comme plus cultivés qu’eux. C’est également ce que rapporte un groupe de personnes placé

en position d’observateur. Il semble donc que, là encore, les participants ont négligé de

prendre en compte la situation d’asymétrie entre questionneurs et questionnés dans leurs

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

62

estimations pour considérer que les comportements émis dans cette situation sont le reflet de

ce que sont les gens.

Différentes explications ont été proposées pour rendre compte de ce phénomène

(Gilbert, 1998). Une première explication est que les individus produisent ce biais parce qu’ils

sont motivés à le faire (Heider, 1958; Webster, 1993). Cette motivation trouverait son origine

dans le besoin des individus de contrôler leur environnement et d’accéder aux propriétés

stables d’autrui. La surestimation de l’intervention de ces propriétés stables serait la

conséquence du besoin des individus de les découvrir. Une deuxième explication consiste à

mettre en avant la plus grande saillance du comportement de l’acteur aux yeux des

observateurs en comparaison de celle des contraintes situationnelles. De ce point de vue, le

« comportement en particulier a de telles propriétés saillantes qu’il tend à engloutir le champ

total plutôt que d’être confiné dans sa propre position de stimulus local dont l’interprétation

requière les informations additionnelles du champ environnant » (Heider, 1958, p.54). En

revanche, les contraintes situationnelles ne seraient pas aussi saillantes et seraient souvent

inconnues des observateurs. Pour l’observateur, la surestimation du poids des dispositions de

l’acteur dans la détermination de son comportement serait liée en quelque sorte à la difficulté

à disposer d’informations sur les contraintes de l’environnement (Ross, 1977; Ross & Nisbett,

1991). Une troisième explication concerne la tendance des individus à percevoir leur

environnement conformément à leurs attentes (Heider, 1958). En effet, la confrontation entre

la perception de l’environnement et les attentes des individus aboutit à deux phénomènes. Le

premier, l’assimilation, consiste à diminuer la différence entre la perception et les attentes. Le

second, le contraste, produit une augmentation de ce décalage. De ce point de vue, l’erreur

fondamentale pourrait être la conséquence du phénomène d’assimilation du comportement de

l’acteur aux attentes situationnelles de l’observateur. Cette assimilation aurait pour

conséquence d’amener les observateurs à percevoir le comportement de l’acteur comme plus

conforme aux attentes qu’il ne l’est en réalité. Ainsi, tout en limitant l’importance de l’acteur

dans la détermination de son comportement, les informations situationnelles peuvent dans

certains cas produire cette accentuation (Trope, 1986). Enfin, la quatrième et dernière

explication de ce phénomène concerne la tendance des individus à penser que leur perception

de l’environnement est le reflet objectif de la réalité. En effet, les observateurs peuvent penser

que la situation d’observation dans laquelle ils se trouvent est identique (parce qu’objective) à

celle dans laquelle se trouvent les acteurs. Les observateurs peuvent donc penser que les

acteurs perçoivent la situation de la même façon qu’eux. Une telle perception pourrait

produire chez les observateurs une accentuation du poids de l’acteur puisque aucune pression

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

63

de l’environnement n’est perceptible dans la situation d’observation (Griffin & Ross, 1991).

1.2.2. La surestimation du poids causal de l’acteur dans l’explication des

renforcements : Une fonction adaptative

Outre sa présence dans l’explication des comportements, la tendance des gens à

surestimer le poids causal de l’acteur a également été observée dans le cas de l’explication des

renforcements. Ce phénomène psychologique, bien connu dans la littérature sous le terme

d’« illusion de contrôle », a été mis en évidence expérimentalement par Langer (1975). Cet

auteur définit l’illusion de contrôle comme « une attente quant à la probabilité d’un succès

personnel plus élevée que ne le garantit la probabilité objective » (Langer, 1975, p.313). Dans

son article princeps, Langer (1975) a montré que, dans certains cas, les individus pouvaient se

comporter face à des tâches de hasard (e.g. loterie) comme s’il s’agissait de tâches de

compétences. La distinction entre ces deux types de tâches repose fondamentalement sur

l’existence, pour les tâches de compétence, et la non existence, pour les tâches de hasard,

d’une contingence entre les comportements des individus et les renforcements qu’ils

reçoivent. Cependant, Langer a pu observer que les individus semblent se baser sur d’autres

critères comme, par exemple, l’existence d’une situation de compétition, la possibilité d’un

choix ou encore la familiarité de la tâche13. Pour expliquer le phénomène d’illusion de

contrôle, Langer (1975) avance deux hypothèses principales, l’une d’ordre cognitif, l’autre

d’ordre motivationnel. La première explication repose sur la difficulté, pour les individus, de

séparer ce qui peut être imputable à la compétence et ce qui peut être attribuable à la chance

dans l’origine d’un renforcement. Ces deux facteurs étant très souvent imbriqués dans la

plupart des situations de la vie quotidienne, il serait difficile de distinguer clairement les

tâches dont les renforcements relèvent fortement de la compétence de celles déterminées par

le hasard. La seconde explication proposée par Langer concerne la motivation des individus à

exercer un contrôle sur leur environnement. Souvent mise en avant par les chercheurs

(Lefcourt, 1973), ce besoin de contrôle prendrait une forme extrême dans les situations de

renforcements aléatoires, amenant les individus à croire qu’ils peuvent contrôler le hasard. En

ce sens, « l’illusion de contrôle est l’inverse de l’impuissance apprise » (Langer, 1975, p.325).

Alors que le phénomène d’impuissance apprise (Maier & Seligman, 1976; C. Peterson &

13 La validité des résultats obtenus par Langer est étayée par ceux d’une méta-analyse réalisée par Presson et Benassi (1996) sur 29 études ayant porté sur l’illusion de contrôle. Ces auteurs ont effectivement montré que ce phénomène très robuste se manifestait dans différents types de tâches, dans des situations variées et avait été obtenu par un certain nombre chercheurs différents.

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

64

Seligman, 1984; Swendsen & Blatier, 1996) se manifeste par la perception de l’indépendance

entre les actions et les renforcements, l’illusion de contrôle est caractérisée par la perception

irréaliste de dépendance entre des comportements et des renforcements. De fait, étant donné

les conséquences délétères de l’impuissance apprise sur l’individu, on pourrait s’interroger sur

la dysfonctionnalité de l’illusion de contrôle. Sur ce point, plusieurs auteurs ont avancé

l’hypothèse que cette illusion pouvait avoir des conséquences positives sur les individus. En

effet, pour Lefcourt (1973), « le sentiment de contrôle, l’illusion que l’on peut exercer un

choix personnel, a un rôle positif évident dans le maintien de la vie » (p.424). Dans le même

ordre d’idée, Taylor et Brown (1988; 1994) considèrent que certaines illusions, dont l’illusion

de contrôle, pourraient avoir des conséquences positives sur la santé mentale. Ces conclusions

vont dans le sens de celles émises dans le cadre du Locus of Control (Furnham & Steele,

1993; Rotter, 1966, cf. chapitre 1).

A s’en tenir à ces travaux, il semblerait bien que le fonctionnement de l’individu

s’avère relativement éloigné de celui d’un scientifique intuitif. Qu’ils accentuent l’importance

des dispositions stables des acteurs dans la détermination de leurs comportements ou qu’ils

pensent être en mesure d’exercer du contrôle sur le hasard, les individus semblent fortement

enclins à considérer que l’être humain est central dans la détermination de ce qu’il fait et de ce

qui lui arrive. Mais si les différentes explications que nous venons d’évoquer pour rendre

compte de ces deux phénomènes psychologiques sont en mesure d’expliquer l’origine de cette

croyance, force est de constater que les théories qui les énoncent ont toutes pour particularité

de situer leur origine au niveau intra-individuel. Qu’elles désignent les faiblesses de leurs

processus cognitifs ou encore leur motivation à contrôler leur environnement, ces théories

avancent toutes que la cause du phénomène d’accentuation du poids de l’acteur est à trouver

dans le fonctionnement humain. Pourtant tout un ensemble de travaux a mis en évidence

l’existence de variations interculturelles, tant en matière d’explication des comportements

qu’en matière de contrôle des renforcements.

1.2.3. L’exacerbation de l’internalité : Un syndrome culturel spécifique aux

sociétés occidentales

De nombreux travaux interculturels se sont attachés à mettre en évidence que

l’appartenance des individus à des cultures différentes pouvait engendrer de fortes disparités,

tant au niveau des contenus des systèmes de représentations qu’au niveau du fonctionnement

même des processus cognitifs (Hofstede, 2001; Kitayama, 2002; Markus & Kitayama, 1991;

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

65

Nisbett et al., 2001; Oyserman, Coon, & Kemmelmeier, 2002; Triandis, 1989). En matière

d’explication des comportements, plusieurs résultats supportent l’idée selon laquelle l’erreur

fondamentale d’attribution est, soit plus faible, soit inexistante dans les cultures de l’est de

l’Asie (Choi, Nisbett, & Norenzayan, 1999; Norenzayan & Nisbett, 2000). Par exemple, les

personnes issues de ce type de cultures (e.g. Coréens, Japonais) ont tendance à plus faire

appel aux facteurs contextuels (e.g. rôles, identités sociales, professions) que les personnes

issues des cultures européennes ou américaines lorsqu’elles cherchent à se décrire (Cousins,

1989) ou à décrire autrui (J. G. Miller, 1987). Dans le même ordre d’idée, contrairement aux

membres des sociétés individualistes (Uleman, Hon, Roman, & Moskowitz, 1996; Winter &

Uleman, 1984; Winter, Uleman, & Cunniff, 1985), les personnes issues de cultures

collectivistes ont moins tendance à inférer spontanément des traits de personnalité à partir des

comportements (Newman, 1991, 1993; Zarate, Uleman, & Voils, 2001). Enfin, une telle

variabilité interculturelle se retrouve dans l’activité explicative elle-même. J. G. Miller (1984)

a observé, d’une part, que les Hindous ont plus tendance que les Américains à expliquer les

comportements d’autrui par des explications faisant appel au contexte (e.g. rôles sociaux,

obligations) ; d’autre part, elle a également observé que ces différences sont attribuables à un

processus de socialisation : alors que les enfants américains et hindous apparaissent

relativement similaires dans leurs productions explicatives, seuls les premiers voient leurs

productions d’attributions dispositionnelles augmenter avec l’âge. De même, Morris et Peng

(1994) ont mis en évidence expérimentalement des différences similaires entre Américains et

Chinois : les Américains ont plus tendance que les Chinois à expliquer les événements

sociaux par des facteurs internes. Selon ces auteurs, une telle différence culturelle n’est pas le

reflet d’un artefact expérimental puisqu’elle peut s’observer dans la façon dont les médias des

deux cultures traitent l’information. Par exemple, ils ont observé que, face à des faits divers

relativement similaires (massacre perpétré par un forcené qui se suicide après son acte), les

reporters américains ont tendance à expliquer ce fait divers par des causes internes au

protagoniste alors que les reporters chinois semblent davantage mettre en avant des causes

externes. Cet ensemble de travaux semble donc supporter l’existence de facteurs culturels

dans la façon dont les individus expliquent les comportements.

D’autres travaux en matière de contrôle des renforcements vont globalement dans ce

sens et montrent que ces mêmes facteurs culturels peuvent intervenir sur le rapport

qu’entretiennent les individus envers la notion de contrôle des renforcements. En effet, des

recherches tendent à indiquer que l’importance accordée au contrôle personnel ainsi que les

effets de ce dernier sur les individus sont susceptibles de varier en fonction de la culture

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

66

(Nisbett et al., 2001). C’est ainsi que Yamaguchi, Gelfand, Misuno et Zemba (1997, cités par

Nisbett et al., 2001) ont observé que les Américains de sexe masculin étaient plus optimistes

quant à leur performance à une tâche lorsqu’ils se trouvaient dans une condition dans laquelle

ils disposaient d’un contrôle illusoire sur leur environnement. Toutefois, cette illusion de

contrôle n’avait pas d’effet sur l’optimisme des femmes américaines, pas plus que sur celui

des japonais des deux sexes. De la même façon, Ji, Peng, & Nisbett (2000) ont mis en

évidence que le fait de disposer d’un contrôle personnel sur une tâche R.F.T. (Rod and Frame

Test) amène les américains à être plus confiants dans leur performance d’ajustement que

lorsqu’ils ne disposent pas de contrôle. Cet effet de la perception du contrôle ne se retrouve

pas chez les participants asiatiques.

A l’évidence, il apparaît que les conclusions issues des travaux des courants dominants

de la psychologie sociale occidentale sont à relativiser et à replacer dans les contextes

culturels dans lesquels ces théories ont émergées. Ainsi, des phénomènes que l’on a

considérés comme la manifestation du fonctionnement humain, dans tout ce que cette

conception suppose d’universalisme, s’avère être sous l’influence de fluctuations culturelles

marquées. De tels phénomènes pourraient bien s’avérer être le produit d’un syndrome culturel

temporellement et spatialement situé plutôt que le reflet du fonctionnement individuel et de la

nature humaine. Cette idée est d’ailleurs en accord avec tout un courant de recherches qui

s’est attaché depuis le début des années 80 à mettre en évidence l’impact des facteurs sociaux

sur la production des explications causales. En effet, l’existence de cette tendance

déraisonnable des individus à recourir à l’internalité pour rendre compte des événements ont

amené Beauvois (1984a) a considéré que ces faits psychologiques, bien qu’apparemment

disjoints, pouvaient être les manifestations d’un seul et même phénomène : une préférence

pour l’internalité dans la pensée sociale.

2. Une approche sociocognitive de l’activité explicative : La théorie de la norme d’internalité

Le concept de norme d’internalité est apparu suite à une proposition de Jellison et

Green (1981)14 qui, dans le cadre de l’étude du Locus of Control, ont mis en évidence que les

personnes qui accentuent leur propre poids causal dans l’origine des renforcements font

l’objet d’une valorisation sociale. Pour mettre en évidence l’existence de cette valorisation,

Jellison et Green (1981) ont eu recours à trois méthodes distinctes. Dans une première étude, 14 La première recherche effectuée sur l’idée de l’existence d’une valorisation sociale de l’internalité a été réalisée par Stern et Manifold (1977).

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

67

ils ont demandé à des étudiants de juger un étudiant fictif à partir du nombre de ses choix

internes à une échelle de LOC (ROT I-E, Rotter, 1966). Quatre niveaux d’internalité ont été

présentés aux participants : faible (1 choix interne sur 23 possibles), modéré (13 sur 23), élevé

(20 sur 23) ou très élevé (23 sur 23). Les résultats obtenus ont indiqué que plus les cibles sont

censées avoir choisi de réponses internes, plus elles obtiennent d’approbation sociale. Dans

une deuxième recherche, Jellison et Green ont demandé à des étudiants de répondre deux fois

à la ROT I-E, une première fois en leur nom propre et une seconde fois au nom de l’étudiant

moyen, de façon à voir si l’internalité pouvait être une caractéristique que les participants

pensaient avoir plus que la moyenne des gens. Les résultats ont révélé que les participants se

décrivent comme plus internes que l’étudiant moyen. Enfin, dans une dernière étude, Jellison

et Green ont demandé à des étudiants d’adopter des stratégies d’autoprésentation de façon à

donner soit une bonne image, soit une mauvaise image d’eux-mêmes. Les résultats obtenus

ont révélé que les participants choisissent plus d’explications internes lorsqu’il s’agit de se

faire bien voir que lorsqu’il s’agit de se faire mal voir. Pris dans leur ensemble, ces résultats

attestent que l’échelle de Rotter (Rotter, 1966) est bien porteuse de désirabilité sociale. Ces

auteurs interprètent cette désirabilité comme la manifestation d’une norme sociale, la norme

d’internalité, qui expliquerait l’origine de l’erreur fondamentale d’attribution. Pourtant, si

cette recherche princeps a posé les bases de la théorie de la norme d’internalité, l’approche

proposée par Jellison et Green (1981) se trouve limitée sur plusieurs aspects (Dubois, 1994).

Tout d’abord, celle-ci repose essentiellement sur une confusion entre le domaine de

l’attribution causale et celui du Locus of Control. En effet, alors que leur objectif est de

proposer une interprétation normative de l’erreur fondamentale d’attribution, qui intervient,

rappelons-le, dans l’explication des comportements, ces auteurs utilisent une échelle de LOC

exclusivement dédiée à la mesure des croyances de contrôle des renforcements. Ensuite, s’ils

ont montré que les explications internes étaient bien désirables, Jellison et Green ne

s’interrogent pas sur l’origine de cette désirabilité. Sans doute est-ce parce qu’ils considèrent

tout simplement que les gens apprécient plus les explications internes que les explications

externes. En ce sens, la désirabilité des explications causales serait la conséquence d’une

préférence de type « affectif ». Enfin, ces auteurs ne s’interrogent pas non plus sur les

contextes d’activation de cette norme. Puisque, pour ces auteurs, la désirabilité des

explications internes provient de la préférence des individus pour ces explications, il n’est pas

surprenant qu’ils ne supposent pas l’existence de variations possibles de cette désirabilité en

fonction des contextes sociaux. Ces quelques limites ont été dépassées par les travaux réalisés

sur la norme d’internalité sous l’impulsion de Beauvois et Dubois (1988).

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

68

2.1. La norme d’internalité : Une norme sociale de jugement

La norme d’internalité a été définie par Beauvois et Dubois (1988) comme « la

valorisation sociale des explications des événements psychologiques (comportements et

renforcements) qui accentuent le poids de l’acteur comme facteur causal », (p.301). C’est à

Beauvois (1984a) que l’on doit la généralisation du concept de norme d’internalité à

l’explication des comportements. Ainsi, indépendamment du type d’événements expliqués,

les explications internes seraient plus valorisées que les explications externes. Outre le fait

qu’elle intervient dans l’explication à la fois des comportements et des renforcements, la

théorie de la norme d’internalité suppose également que la valorisation des explications

internes ne dépend pas de la valence des événements expliqués. En ce sens, elle émet des

prédictions différentes de celles émises par d’autres courants comme, par exemple, l’approche

du biais d’autocomplaisance. Alors que ce dernier courant considère que les explications

internes sont préférées pour rendre compte des événements positifs et les explications

externes pour expliquer les événements négatifs, la théorie de la norme d’internalité postule

que, dans les deux cas, les explications internes sont toujours plus valorisées que les

explications externes. Toutefois, plutôt que de supposer que cette valorisation des explications

internes est la manifestation d’une préférence affective, Beauvois et Dubois (Beauvois, 1984a,

1994; Beauvois & Dubois, 1988; Dubois, 1994)ancrent celle-ci dans l’utilité des explications

internes dans le fonctionnement social des sociétés occidentales libérales et plus

particulièrement dans le cadre des pratiques évaluatives.

D’un point de vue théorique, cette approche considère que l’activité explicative des

évènements psychologiques est sous l’influence de critères normatifs. A suivre Dubois

(1994), une norme sociale 1) est toujours l’expression d’un collectif donné, 2) fait l’objet d’un

apprentissage social ou d’une transmission sociale, 3) repose toujours sur une attribution de

valeur, 4) n’est jamais réalisée sous l’effet de contraintes institutionnalisées, 5) est

indépendante de tout critère de vérité. De façon à mieux cerner les implications du concept de

norme sociale, nous allons revenir sur celui-ci dans la partie qui suit (Dubois, 1994, 2003b,

2005b).

2.1.1. Le concept de norme sociale

Le concept de norme sociale est un de ceux que l’on retrouve tout au long de l’histoire

des sciences sociales en général et de la psychologie sociale en particulier. Il a d’ailleurs le

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

69

mérite d’avoir au moins autant suscité l’intérêt des chercheurs que leur perplexité. Si certains

l’ont critiqué pour sa trop grande généralité et ses limites en matière d’opérationnalisation

(Krebs & Miller, 1985), d’autres l’ont considéré comme étant de première importance pour

analyser et comprendre les déterminants du fonctionnement social humain (Aarts &

Dijksterhuis, 2003; Abrams, Marques, Bown, & Henson, 2000; Ajzen, 1987; Berkowitz,

1972; Christensen, Rothgerber, Wood, & Matz, 2004; Cialdini, 2004; Cialdini et al., 2006;

Cialdini, Kallgren, & Reno, 1991; Cialdini, Reno, & Kallgren, 1990; Cialdini & Trost, 1998;

Crandall, Eshleman, & O'Brien, 2002; Dubois, 2003b; Kallgren, Reno, & Cialdini, 2000;

Marques, Abrams, Paez, & Martinez-Taboada, 1998; Postmes, Spears, & Cihangir, 2001).

Cette ambivalence à l’endroit du concept de norme tient sans doute au fait qu’il est

généralement abordé par les chercheurs à partir de deux définitions distinctes, l’une que l’on

peut qualifier de descriptive et l’autre de prescriptive (Cialdini et al., 1990; Dubois, 2003a) et

qu’il peut concerner tant les comportements des individus que leurs jugements et préférences

(Dubois, 1994, 2003a).

2.1.1.1. Normes descriptives et normes prescriptives

Une première acceptation du concept de norme sociale consiste à mettre en avant son

caractère descriptif. Elle pose le concept de norme en tant que mesure statistique de ce que

fait et/ou pense la majorité des personnes qui composent un groupe social donné (Abrams et

al., 2000; Crandall et al., 2002; Durkheim, 1895/1997; Marques et al., 1998). De ce point de

vue, une norme exprime ce qui est « normal » et se définit par l’observation des

comportements et jugements majoritaires au sein d’une population donnée. Ainsi, sont

considérés comme conformes à la norme les comportements et jugements émis par la majorité

des gens. De la même façon, sont considérés comme déviants les comportements et jugements

non émis par cette même majorité. Toutefois, bien qu’elle soit partagée par de nombreux

chercheurs issus de disciplines diverses – en particulier par les sociologues –, une telle

définition descriptive ne prévaut pas dans nombre de travaux en psychologie sociale où l’on

insiste sur l’aspect socialement prescriptif des normes. De ce point de vue, la norme indique,

non pas ce que font les individus, mais ce qu’ils devraient faire, ce qui est attendu d’eux dans

une situation donnée15. C’est en ce sens qu’elle est envisagée comme une prescription sociale.

Pourtant, une telle conception ne doit pas aboutir à assimiler le concept de norme à celui de

loi ou de règle. Plutôt qu’être guidés par l’existence d’une obligation formelle – comme c’est 15 De fait, le contenu normatif identifié à partir d’une conception prescriptive de la norme peut être très différent du contenu normatif observé à partir d’une conception descriptive (Hofstede, 2001).

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

70

le cas pour la loi ou pour la règle –, les comportements et jugements en présence d’une norme

seraient orientés par la désirabilité sociale de ces comportements et jugements. La désirabilité

sociale étant ancrée fondamentalement dans les valeurs16 partagées par un ensemble

d’individus (Hofstede, 2001; Rohan, 2000; Schwartz, 1992; Schwartz & Bilsky, 1987, 1990),

le concept de norme serait de fait chargé de ces valeurs, sans pour autant y être simplement

assimilable. Alors que les valeurs peuvent être considérées comme des buts à atteindre, les

normes ne sont que des moyens d’atteindre ces buts (Dubois, 2003a), des programmes

mentaux visant « le maintien de la stabilité des patterns culturels à travers de nombreuses

générations » (Hofstede, 2001, p.11). Si la distinction entre les conceptions descriptive et

prescriptive du concept de norme permet de mieux cerner la polysémie de cette notion, la

prise en compte de la spécificité des événements auxquels elle s’applique peut également

rendre ce concept plus heuristique. En effet, à la distinction théorique entre norme descriptive

et norme prescriptive peut également s’ajouter celle entre normes de comportement et normes

de jugement.

2.1.1.2. Normes de comportement et normes de jugement

Le concept de norme sociale peut également être spécifié par l’intermédiaire de la

prise en compte de l’objet sur lequel il porte (Dubois, 1994). Sur ce point, on peut distinguer,

d’une part, les normes de comportement qui concernent des conduites spécifiques (e.g.

alimentaires, vestimentaires, professionnelles) et, d’autre part, les normes de jugement qui

concernent des opinions ou des croyances (e.g. d’ordre politique, religieux, esthétique). Outre

le fait qu’elles portent sur des objets différents, ces deux types de normes n’auraient pas les

mêmes conséquences, notamment en ce qui concerne les réactions suscitées par l’adhésion ou

à la non adhésion des individus (Testé, 2003). Par exemple, si en matière de comportements,

la conformité n’implique pas forcément l’obtention de récompenses, la déviance est quant à

elle largement sanctionnée. En matière de normes de jugement, les conséquences de

l’adhésion normative sont bien différentes. En particulier, si la non adhésion à ces normes

n’entraîne pas nécessairement de sanctions négatives, la mise en avant d’un pattern de

réponses normatif a pour conséquence d’entraîner une attribution de valeur. De ce point de

16 Il convient ici de bien distinguer le concept de « valeurs » de celui de « valeur ». En effet, alors que le premier terme désigne à « un but à atteindre par les membres d’un collectif social et basé sur leurs motivations » (Beauvois, 2003a, p.251), la valeur désigne quant à elle « une propriété d’un événement, objet, ou personne qui, dans un collectif social particulier et en situations de comparaison, amène un événement, objet ou personne donnée à être préféré à un autre par les membres de ce collectif » (Beauvois, 2003a, p.251).

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

71

vue, il convient de bien distinguer le phénomène de conformité/déviance, plus spécifique aux

normes de comportement de celui de normativité, plus spécifique aux normes de jugement.

Alors que le premier renvoie au rejet ou à l’acceptation de l’individu par le groupe, le second

renvoie à une attribution de valeur aux individus (Testé, 2003).

La norme d’internalité, parce qu’elle porte sur la valorisation sociale d’un type

particulier d’explications qui accentue le poids causal de l’acteur (les explications internes),

appartient à la catégorie des normes sociales de jugement.

2.1.2. La norme d’internalité et les pratiques évaluatives : l’utilité sociale des

explications internes

S’il est une problématique centrale dans l’étude des normes sociales, c’est bien la

question de leur origine. Sur ce point, plusieurs perspectives sont envisageables (Cialdini &

Trost, 1998). Pour certains auteurs (Opp, 1982, 2001), les normes sociales sont arbitraires et

émergent parce qu’elles sont valorisées ou renforcées dans une culture donnée. Pour d’autres

(Cialdini & Trost, 1998; Lehman, Chiu, & Schaller, 2004), elles portent fondamentalement

sur des objets définis sur la base d’impératifs biologiques ou sociaux. C’est dans cette seconde

perspective qu’on peut situer la théorie de la norme d’internalité. En effet, à suivre ses

théoriciens, la norme d’internalité n’est pas un phénomène culturel aléatoire mais est ancrée

dans les pratiques sociales évaluatives et est indissociable de l’exercice du pouvoir tel qu’il

s’exerce dans les sociétés occidentales démocratiques et libérales (Beauvois, 1984b, 1994,

2005). Elle serait l’une des manifestation d’un pattern culturel spécifique aux sociétés

occidentales libérales : l’individualisme (Beauvois, 2003b, 2005; Dubois, 2004; Dubois &

Beauvois, 2002, 2005)17. La préférence des individus pour les explications internes serait

donc la conséquence d’un phénomène d’imprégnation culturelle. Au contact des systèmes

socio-éducatifs (e.g. école, formation pour adultes), les individus adhéreraient au modèle

individualiste dominant. Une telle conception est étayée par de nombreux travaux qui ont mis

en évidence l’influence de la variable sociétale individualisme/collectivisme sur les processus

attributifs (Choi et al., 1999; Oyserman et al., 2002). Comme nous l’avons évoqué

précédemment, des recherches ont effectivement montré que, comparativement à celles issues

de cultures collectivistes (e.g. Chine, Russie), les personnes issues de cultures individualistes

(e.g. Angleterre, Etats-Unis) avaient tendance à expliquer préférentiellement les événements 17 D’après Beauvois (2003b), les différentes facettes du syndrome individualiste sont l’internalité, l’autosuffisance, l’individualisme au sens restreint, l’ancrage individuel et la contractualité.

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

72

quotidiens par des explications internes (Little, Oettingen, Stetsenko, & Baltes, 1995; J. G.

Miller, 1984; Morris & Peng, 1994; Newman, 1993; Zarate et al., 2001). Pourtant, la théorie

de la norme d’internalité – comme l’approche sociocognitive des normes sociales en général

(Dubois, 2003b) – n’est pas en soi une approche interculturelle. En effet, « plutôt que de

comparer différentes normes de différents univers sociétaux, [l’approche sociocognitive des

normes sociales] s’efforce d’étudier les normes sociales d’un seul et même univers, à savoir le

nôtre, pour les relier aux priorités qui définissent comment notre système social fonctionne,

pour tester leur acquisition par les enfants et les élèves immergés dans cet univers social, et

pour saisir leur impact psychologique sur les jugements sociaux des adultes et les pratiques

évaluatives, ainsi que sur les processus cognitifs en général » (Dubois & Beauvois, 2003,

p.231). La préoccupation principale des tenants de la norme d’internalité n’est donc pas de

chercher à comparer les cultures entre elles mais plutôt de comprendre comment le système

social des sociétés occidentales et libérales influence l’émission d’explications causales. En ce

sens, la théorie de la norme d’internalité propose une explication de type sociétal de la

production explicative (Doise, 1982, 1983, 2004). De plus, cette approche propose une

explication de l’origine de la valeur des explications internes en ancrant celle-ci dans les

nécessités imposées par le fonctionnement sociétal des sociétés individualistes. Parce qu’elles

désignent l’acteur comme étant la cause des événements et non l’environnement, les

explications internes permettraient l’exercice du pouvoir dans les sociétés libérales. En effet,

d’après Beauvois et Le Poultier (1986), « ce qui différencie les premiers [énoncés de type

interne] des seconds [énoncés de type externe], c’est qu’ils sont impliqués par l’exercice du

pouvoir et de l’activité évaluative lorsque celle-ci, comme il en est pour un chef ou pour un

enseignant, repose sur un principe de rotation du personnel ou, si on préfère, de substituabilité

virtuelle des agents sociaux » (p.106). De par son action sur les choix explicatifs des

individus, la norme d’internalité aurait une fonction sociale : favoriser la distribution des

renforcements sociaux. Sans l’accentuation du poids causal de l’acteur qu’elle engendre, les

évaluateurs seraient dans l’incapacité de pouvoir différencier les individus et donc de les

évaluer. La norme d’internalité leur permettrait ainsi d’affirmer que les actions des gens sont

le reflet de ce qu’ils sont et donc de ce qu’ils valent (Beauvois & Le Poultier, 1986). En

participant au fonctionnement social des sociétés libérales, les explications causales internes

seraient socialement utiles (Beauvois, 1994; Beauvois & Le Poultier, 1986; Curie, 1995;

Dubois, 1994, 1998). Leur utilité tiendrait justement dans « l’assimilation de la connaissance

personnologique a) de l’évaluation des personnes (ce qu’elles valent, leur utilité) et b) du

diagnostique psychologique concernant ces personnes (ce qu’elles sont en tant qu’hommes et

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

73

femmes) » (Beauvois, 1994, p.60). Ainsi, le fait que les personnes issues des classes

dominantes (e.g. cadres) soient plus internes que d’autres tiendrait au fait que les membres de

ces classes sont « rompus aux pratiques évaluatives auxquelles ils sont confrontés depuis

longtemps en position et d’évalués et d’évaluateurs » (Dubois, 1994, p.164). Le recours aux

explications internes serait recherché par les évaluateurs comme la preuve de l’adhésion des

individus aux idéaux psychologiques libéraux qui prônent, entre autres valeurs, la

différenciation sociale entre soi et autrui, l’indépendance émotionnelle, l’affirmation de soi et

l’autosuffisance (Beauvois, 2003b; Loose, 2001; Sampson, 1977). En adhérant à la norme

d’internalité, les individus apparaîtraient aux yeux des évaluateurs comme des gens « biens »

issus des classes dominantes et dont l’accession aux positions de pouvoir serait favorisée par

ces derniers, eux-mêmes issus pour la plupart de ces mêmes classes. La norme d’internalité

participerait à la reproduction idéologique des sociétés libérales (Beauvois, 1994, 1995; Curie,

1995) par l’intermédiaire du biais de sélection normative (Beauvois, 2003a). De ce point de

vue, la réussite sociale des « internes » ne s’expliquerait pas par leurs personnalités qui les

amènent à émettre des comportements adaptés ou de réussite, comme le suppose la théorie du

Locus of Control, mais serait la conséquence de l’adhésion de ces personnes à la norme

d’internalité (Beauvois, 1994). C’est là une caractéristique particulièrement intéressante de la

théorie de la norme d’internalité. La conception qu’elle développe de l’origine de la valeur

des explications internes tend à la faire correspondre à la description que fait Boudon (1999)

des théories sceptiques causalistes. Selon cet auteur, ces théories considèrent que les

croyances normatives sont causées, non pas par des raisons – comme le pensent les individus

eux-mêmes – mais par des facteurs biologiques, psychologiques ou sociologiques. Le fait que

les individus pensent que ces croyances normatives sont fondées sur des raisons (e.g. recruter

une personne interne parce qu’on pense que les internes sont compétents) serait la

conséquence d’une illusion dont l’origine serait à trouver dans la notion de « fausse

conscience »18. En ce sens, la théorie de la norme d’internalité apparaît, sous certains aspects,

comme une théorie fonctionnaliste d’inspiration marxienne19 (pour quelques illustrations des

18 D’après Boudon (1999), pour certains courants de pensée – comme le marxiste –, la notion de « fausse conscience » renvoie à l’idée que « la conscience est fausse par construction […], comme il ne peut exister de certitudes objectivement fondées, tout sentiment de certitude, étant illusoire, témoigne de la fausse conscience du sujet » (p.42). 19 En effet, « pour Marx, les croyances normatives sont le reflet déformé des intérêts de classes. Il développe, lui aussi, une théorie de caractère fonctionnaliste : selon cette théorie, les croyances s’expliquent par leur fonction : promouvoir les intérêts sociaux de ceux qui les endossent. […] Pourquoi cette fausse conscience ? La réponse donnée à cette question par les théories des croyances de caractère fonctionnaliste est en général que la « fausse conscience », en éliminant le doute de l’esprit du sujet, consolide des croyances « utiles ». La « fausse conscience » s’expliquerait donc, elle aussi, par sa fonction : renforcer les convictions du sujet » (Boudon, 1999, p.45-46).

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

74

relations entre marxisme et psychologie, voir Augoustinos, 1999; Dobles, 1999; Foster, 1999;

Ibanez, 1994; Lane, 1999; Osterkamp, 1999).

Ces remarques ne sauraient nous faire oublier que l’objectif poursuivi par les tenants

de la norme d’internalité n’est pas si habituel puisqu’il s’agit de mettre en évidence l’impact

des nécessités du fonctionnement social sur les productions explicatives. En regard de la

spécificité de ce champ d’étude, les auteurs s’inscrivant dans cette approche se sont vu

contraints de mettre au point des critères de validité et de méthodes adaptés à leur objet

d’étude.

2.2. Les méthodes d’étude de la norme d’internalité

2.2.1. La mesure de la norme d’internalité

Si la mesure des phénomènes normatifs peut prendre bien des formes (e.g. observation

sur le terrain, mesures en laboratoire), en matière de normes sociales de jugement (Dubois,

2003b), la méthode la plus utilisée est le recours à un questionnaire. Une des raisons

principales est que ce format offre un cadre standardisé dans lequel un certain nombre de

variables vont pouvoir être contrôlées. Mais, contrairement aux outils destinés à mesurer des

variables de personnalité dans la production explicative (e.g. le style explicatif dans le

domaine de l’attribution causale, les croyances de contrôle dans le domaine du Locus of

Control), ceux développés dans le cadre de l’étude des normes sociales de jugement et en

particulier de la norme d’internalité, ne cherchent pas à mettre en évidence l’existence d’un

syndrome psychologique spécifique permettant de différencier les individus. Ces outils

cherchent plutôt à rendre compte de l’existence d’un système de croyances normatif au sein

des sociétés occidentales individualistes. Dès lors, de par la nature sociétale de l’objet étudié,

il apparaît que les méthodes traditionnelles de validation d’outils de mesure ne sont pas des

plus adaptées. Si les méthodes traditionnelles consistent à s’assurer de la fiabilité et de la

validité des outils de mesure (Cronbach & Meehl, 1955; John & Benet-Martinez, 2000;

Messick, 1995), une telle démarche peut s’avérer peu pertinente étant donné que la rationalité

de ces normes est à trouver dans le fonctionnement social plus que dans les mécanismes

cognitifs des individus (Dubois, 1997; Jouffre, 2003b). Leur spécificité en tant qu’objet

d’étude implique de recourir à d’autres critères de validation. En l’occurrence, l’approche

sociocognitive des normes sociales considère que les effets induits par le questionnaire

peuvent être diagnostiques de la capacité de l’outil en question à mettre en évidence un

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

75

phénomène normatif. Ainsi, en matière d’explications causales, un questionnaire d’internalité

peut être considéré comme valide s’il induit les effets habituellement produits par d’autres

questionnaires en fonction des trois paradigmes traditionnellement utilisés dans l’étude de la

norme d’internalité : le paradigme d’autoprésentation, le paradigme de l’identification et le

paradigme des juges (Gilibert & Cambon, 2003; Jellison & Green, 1981).

De nombreux questionnaires ont vu le jour depuis les premières recherches sur la

norme d’internalité. Parmi les outils les plus utilisés (cf. Dubois, 1997; Jouffre, 2003b), on

peut citer le QI-E (Dubois & Tarquinio, 1997) adapté à une population d’étudiants, le QIAL

(Bertone, Delmas, Py, & Somat, 1989) et le questionnaire d’internalité pour élèves scolarisés

en primaire (Dubois, 1994) adapté à une population d’élèves, ou encore le QIST (Pansu,

1994) adapté aux situations de travail. Sur un plan opérationnel, ces outils se doivent

d’embrasser l’ensemble des domaines dans lesquels cette norme est censée avoir de

l’influence. Un questionnaire d’internalité est généralement construit autour de la

manipulation de plusieurs variables en accord avec la définition proposée par Beauvois et

Dubois (1988) de la norme d’internalité. L’une d’entre elles est le type d’événements. La

norme d’internalité étant supposée rendre compte de la valorisation sociale des explications

internes pour les comportements et pour les renforcements (Beauvois & Dubois, 1988), les

événements proposés sont, le plus souvent, pour la moitié d’entre eux des comportements et,

pour l’autre moitié, des renforcements. Une deuxième variable souvent manipulée dans les

questionnaires d’internalité est la valence des événements psychologiques. En effet, rappelons

que la théorie de la norme d’internalité suppose que la valeur des explications internes est

indépendante de la valence des événements. Que les événements soient positifs ou négatifs,

les explications internes sont censées être porteuses de valeur. De fait, les travaux ayant

cherché à tester cette hypothèse ont donc eu recours à des questionnaires proposant des

événements de valence positive et d’autres de valence négative. Une troisième variable

également souvent manipulée concerne la personne impliquée par les événements à expliquer.

Cette personne peut être soit le participant lui-même soit une ou plusieurs autres personnes.

L’intérêt de l’utilisation de cette différenciation soi/autrui est qu’elle peut permettre de mettre

en évidence des patterns de réponses différents en fonction de la personne qui explique les

événements. Enfin, la quatrième variable fréquemment manipulée dans les questionnaires

d’internalité est le domaine d’occurrences des événements proposés. Ces domaines renvoient

le plus souvent aux différentes sphères de la vie des participants et ont trait à la vie

professionnelle, scolaire ou familiale. Outre ces quelques variables, les questionnaires

d’internalité peuvent varier également en fonction du format de réponses qu’ils proposent aux

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

76

participants. Trois formats de réponses sont particulièrement utilisés. Le premier, le choix

forcé, consiste à demander aux participants de choisir une et une seule réponse parmi celles

proposées pour expliquer l’événement. Un score d’internalité est calculé sur la base du

nombre d’explications internes choisis. Le deuxième, le format de type likert, consiste à

demander aux participants d’indiquer leur degré d’accord avec chacune des explications

proposées sur des échelles en plusieurs points. Dans ce cas, un score d’internalité est calculé

en faisant la moyenne des scores obtenus par les explications internes. Un troisième format,

moins courant que les deux précédents, consiste à demander aux participants de classer les

différentes explications proposées en fonction de leur préférence. Un score d’internalité est

alors calculé à partir de la moyenne des rangs obtenus par les explications internes. Enfin, un

dernier critère concerne le nombre et le type d’explications proposées aux participants pour

expliquer les différents événements présents dans le questionnaire. Ainsi le nombre

d’explications peut varier de deux (une explication interne et une externe par événement) à

quatre (deux internes et deux externes). Le type d’explications manipulées peut également

varier en fonction des questionnaires, soit à partir de critères dimensionnels (e.g.

interne/externe, stable/instable), soit sur la base de critères catégoriels (e.g. trait, intention,

effort, but, circonstances, chance, autrui). Nous reviendrons ultérieurement sur ce point qui est

central dans cette thèse.

2.2.2. Les paradigmes de l’approche sociocognitive de l’internalité

L’approche sociocognitive de l’internalité est basée sur des résultats empiriques

obtenus à partir de trois paradigmes : le paradigme d’autoprésentation, le paradigme de

l’identification et le paradigme des juges (Dubois, 1994; Gilibert & Cambon, 2003; Jellison &

Green, 1981). Ces différentes méthodes ayant fait l’objet d’un nombre conséquent de

présentation (Dubois, 1994; Gilibert & Cambon, 2003), nous ne les aborderons que de façon

succincte.

Le premier paradigme utilisé dans l’étude de la norme d’internalité est le paradigme

d’autoprésentation. Sur un plan opérationnel, il consiste de demander aux participants de

répondre à un questionnaire d’internalité sous différentes consignes : une consigne standard

qui leur demande de répondre de la façon qui les caractérise habituellement, une consigne

pronormative qui les invite à répondre de façon à donner une bonne image d’eux-mêmes et

enfin une consigne contre normative qui leur demande de chercher à donner une mauvaise

image d’eux-mêmes. La cible de la communication peut être un parent (Dubois, 1988c), un

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

77

enseignant (Bressoux & Pansu, 2001a; Dubois, 1988c, 2000; Py & Somat, 1991, 1996), ou un

employeur potentiel (Dubois & Beauvois, 2005). Notons que, bien souvent, les résultats

obtenus en consigne standard et ceux obtenus en consigne pronormative sont très proches,

voire dans certains cas identiques (Bressoux & Pansu, 2003, sous presse; Jouffre, Py, &

Somat, 2001), laissant ainsi entendre que les participants ont tendance à adopter spontanément

une stratégie d’autoprésentation positive (Gilibert & Cambon, 2003).

Le paradigme de l’identification est la deuxième méthode d’étude de la norme

d’internalité. Dans sa version la plus usuelle, il consiste à demander aux participants de

répondre à un questionnaire en leur nom propre mais également au nom d’une autre personne,

souvent caractérisée par sa valeur sociale (e.g. répondre à la place d’un bon élève vs. d’un

mauvais élève, à la place d’un cadre vs. d’un employé). Les résultats généralement obtenus

indiquent que les réponses socialement valorisées (i.e. les explications internes) sont

préférentiellement associées aux personnes de haut statut (e.g. les bons élèves, les cadres). Le

paradigme de l’identification est également mobilisé dans l’étude de la valeur sociale de

l’internalité appliquée aux relations intergroupes (Beauvois, Gilibert, Pansu, & Abdelaoui,

1998; Dubois & Beauvois, 1996; Dubois, Beauvois, Gilibert, & Zentner, 2000; Pansu,

Tarquinio, & Gilibert, 2005).

Le troisième paradigme, le paradigme des juges, permet de vérifier que les

explications qui sont tenues pour normatives (i.e. les explications internes) sont effectivement

porteuses de valeur dans les faits. Il consiste à demander aux participants de juger des

personnes connues par leurs réponses à un questionnaire d’internalité et qui peuvent être

caractérisées, soit par leur degré d’internalité (Beauvois & Le Poultier, 1986; Dubois & Le

Poultier, 1991; Jellison & Green, 1981; Pansu, 1997b), soit par un pattern explicatif

spécifique (Dubois, 1994, 2000)20. Le type de jugements portés peut également donné lieu à

des variations en fonction des études. Ceux-ci peuvent prendre la forme d’attribution de traits

à partir desquels un indice global de positivité est calculé (Jellison & Green, 1981; Stern &

Manifold, 1977), de jugements sur la valeur professionnelle (Beauvois et al., 1991; Luminet,

1996; Pansu, 1997b) ou scolaire (Dubois & Le Poultier, 1991; Tarquinio & Tarquinio, 2001).

Enfin, une dernière méthode peut être évoquée bien qu’elle n’ait pas été aussi souvent

utilisée que les trois autres. Cette méthode, que l’on peut désigner sous le terme de

« paradigme écologique », a été développée par Bressoux et Pansu (1998; 2001a; 2001b;

20 Les stratégies présentées sont le plus souvent au nombre de quatre : interne (indépendamment de la valence des événements), externe (indépendamment de la valence des événements), auto-complaisant (interne pour les événements positifs et externe pour les événements négatifs) et modeste (externe pour les événements positifs et interne pour les événements négatifs

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

78

2003) pour étudier, en autres, l’impact de la norme d’internalité sur le jugement scolaire en

contexte naturel de classe. Elle consiste à mettre en relation, par l’intermédiaire de modèles de

régression, les jugements des enseignants sur la valeur scolaire de leurs élèves (e.g. français,

mathématiques) avec les réponses des élèves à un questionnaire d’internalité, soit en consigne

standard (Bressoux & Pansu, 1998), soit sous les trois consignes du paradigme

d’autoprésentation (Bressoux & Pansu, 2001a). Une variante du paradigme écologique étant

utilisée dans certaines des études présentées dans cette thèse, nous reviendrons sur cette

méthode ultérieurement (cf. chapitre 4).

2.3. Des résultats en faveur de l’existence d’une norme d’internalité

A la suite de la recherche menée par Jellison et Green (1981), de nombreux travaux

sont venus soutenir l’hypothèse de l’existence d’une norme d’internalité. D’une part, les

chercheurs ont testé les différentes hypothèses qui découlent de la définition donnée par

Beauvois et Dubois (1988). D’autre part, ils ont cherché à montrer que l’acquisition de

l’internalité était le résultat d’un apprentissage social et non la conséquence du

développement de compétences cognitives.

2.3.1. La valeur sociale des explications causales internes

Les recherches sur la norme d’internalité ont tout d’abord eu pour objectif de vérifier

certaines des hypothèses issues de la définition proposée par Beauvois et Dubois (1988).

Rappelons que cette définition insiste sur le fait que les explications internes seraient

valorisées pour rendre compte des comportements comme des renforcements. Or, si les

travaux menés par Jellison et Green (1981) ont mis en évidence que les explications internes

étaient bien valorisées dans l’explication des renforcements, il restait néanmoins aux tenants

de la théorie de la norme d’internalité à montrer que le même constat pouvait être fait en

matière de comportements. La première recherche ayant porté sur l’explication de ce type

d’événements a été réalisée par Beauvois et Le Poultier (1986). A partir du paradigme

d’autoprésentation (étude 1), ces auteurs ont mis en évidence que les explications internes

sont choisies par des étudiants pour se faire bien voir (consigne pronormative) plutôt que pour

se faire mal voir (consigne contre normative). A partir du paradigme des juges (étude 2), ils

ont également montré que des assistantes sociales émettent des pronostics de réinsertion plus

favorables à l’égard de cas sociaux mobilisant des explications internes plutôt qu’externes. De

tels résultats ont été répliqués par Beauvois et al. (1991) dans le milieu professionnel. Ces

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

79

auteurs ont observé que des salariés fictifs, connus pour avoir expliquer des comportements

de façon très interne, étaient jugés plus favorablement que d’autres qui avaient répondu de

façon moyennement interne ou de façon externe. Enfin, à partir du paradigme de

l’identification, Dubois (1991) a observé que des élèves de 8 à 16 ans attribuent plus de

réponses internes à un « bon élève » ou à « un élève qu’on aime bien » qu’à « un mauvais

élève » ou « un élève qu’on n’aime pas » lorsqu’ils devaient répondre en son nom à un

questionnaire d’internalité. Au regard de ces résultats, il semble donc que les conclusions

émises par Jellison et Green peuvent être étendues à l’explication des comportements. Les

explications internes, qu’elles rendent compte des renforcements comme des comportements

sont bien socialement désirables.

Néanmoins, au-delà du fait de considérer que la valeur des explications internes serait

indépendante du registre événementiel considéré (comportements vs. renforcements),

rappelons que la théorie de la norme d’internalité postule également que cette valeur serait

indépendante de la valence des événements. Tout un ensemble de travaux a donc cherché à

montrer que les explications internes étaient plus valorisées que les explications externes, que

les événements expliqués soient positifs ou négatifs. Plusieurs études réalisées à partir du

paradigme d’autoprésentation vont dans ce sens. En effet, il semble que l’une des stratégies

préférées des participants pour produire une image positive d’eux-mêmes consiste à mobiliser

des explications internes et ce, indépendamment de la valence des événements. A l’inverse,

lorsqu’ils cherchent à donner une mauvaise image d’eux-mêmes, les participants dirigent

préférentiellement leur choix vers les explications externes (Dubois, 1988c, 1994, 2000;

Pansu & Gilibert, 2002; Py & Somat, 1991). Toutefois, notons que, si la stratégie interne –

pour les événements positifs et négatifs – est l’une des plus fréquentes, elle n’est pas

forcément celle vers laquelle les participants se tournent le plus souvent (Gilibert & Cambon,

2003). En effet, plusieurs recherches ont mis en évidence que les individus choisissent très

fréquemment de se présenter de façon autocomplaisante (Bradley, 1978; Dubois, 1994, 2000;

D. T. Miller & Ross, 1975; Weary, 1979; Weary & Arkin, 1981; Zuckerman, 1979).

Toutefois, comme le note Dubois (1994; 2000), le choix d’une telle stratégie peut être guidé

par autre chose que la normativité des explications causales. En effet, certaines explications

peuvent être désirables pour d’autres raisons que leur normativité. Parce qu’il s’ancre

préférentiellement dans la désirabilité, le paradigme d’autoprésentation ne peut pas permettre

à lui seul de statuer sur la normativité des explications causales. Le fait que les individus

adoptent une stratégie d’autoprésentation pour se faire bien voir n’implique pas forcément que

cette stratégie soit en mesure d’influencer positivement le jugement des évaluateurs. Afin de

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

80

déterminer l’impact respectif des différentes stratégies d’autoprésentation possibles sur le

jugement social, Dubois (2000) a réalisé une série de trois études auprès d’étudiants, de

lycéens et d’enseignants. Dans les deux premières études, les participants (étude 1 : étudiants ;

étude 2 : lycéens) ont été invités, dans un premier temps, à répondre à un questionnaire

d’internalité en situation d’autoprésentation. Puis, dans un second temps, placés en situation

de juge, ils ont dû émettre un jugement de pronostic de réussite (scolaire ou universitaire) à

l’égard de quatre cibles qui se différenciaient les unes des autres sur leurs stratégies de

réponses (interne, autocomplaisante, modeste ou externe). Les résultats de ces deux études ont

révélé que les participants ne jugent pas plus favorablement les cibles qui ont mobilisé une

stratégie d’autoprésentation similaire à la leur. Quelle que soit la stratégie qu’ils ont eux-

mêmes choisie, les participants jugent plus favorablement les cibles internes. Les résultats

d’une troisième étude supportent également cette dernière conclusion : placés dans le

paradigme des juges, des enseignants considèrent qu’un élève interne a plus de chances de

réussir son cursus que d’autres connus pour avoir mobilisé une stratégie autocomplaisante,

modeste et externe. De fait, si, lorsqu’ils s’autoprésentent, les individus peuvent choisir de

mettre en avant différentes stratégies (e.g. interne, autocomplaisante, externe), ils semblent

émettre systématiquement des jugements plus favorables à l’égard des individus qui ont eu

recours à la stratégie interne (indépendamment de la valence des événements) et ce, quelle

que soit la stratégie qu’eux-mêmes ont mis en place. Dubois (2000) explique un tel décalage

par la spécificité des paradigmes mobilisés. Alors que le paradigme d’autoprésentation

inciterait les participants à mettre en place une stratégie basée sur un registre affectif

« permettant d’être assimilés à une « gentille fille » ou à un « gentil garçon » (Dubois, 2000,

p.179), le paradigme des juges focaliserait les mêmes participants sur l’aspect normatif des

réponses des cibles, les incitant ainsi à préférer la cible interne. Selon Dubois (2000), ces deux

registres de réponses seraient la manifestation de l’activation de deux différents aspects de

valeur : la désirabilité et l’utilité (Beauvois, 1995). Ainsi, le paradigme d’autoprésentation

s’ancrerait dans la désirabilité et le paradigme des juges dans l’utilité. Nous reviendrons

ultérieurement sur ces deux notions (cf. chapitres 4 et 5).

Nous l’avons vu, il semble que la stratégie la plus adaptée pour se faire bien voir par

autrui est de mettre en avant des explications internes, indépendamment de la valence des

événements. De nombreuses recherches ont effectivement montré, de façon très consistante,

que les personnes exprimant un pattern explicatif interne font l’objet d’une valorisation

sociale marquée, que ce soit dans des contextes scolaires (Bressoux & Pansu, 1998, 2001a; B.

Dompnier, Pansu, & Bressoux, 2006; Dubois, 1991; Dubois & Le Poultier, 1991; Tarquinio &

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

81

Tarquinio, 2001) ou professionnels (Beauvois et al., 1991; Castra, 1995; Desrumeaux, 2005;

Desrumeaux-Zagrodnicki, Masclet, Poignet, & Sterckeman, 2000; Louche, 1998; Louche,

Papet, & Pansu, 2001; Luminet, 1996; Pansu, 1997a, 1997b; Pansu & Gilibert, 2002). Il

semble donc que les évaluateurs se basent sur l’internalité autant que sur d’autres critères pour

juger de la valeur des personnes. Cet effet de l’internalité sur le jugement est d’autant plus

intéressant qu’il se maintient même en présence d’informations sur les performances

effectives des individus. C’est d’ailleurs ce qu’ont observé Dubois et Le Poultier (1991) en

matière de jugement scolaire. Ces auteurs ont demandé à des enseignants d’émettre un

pronostic concernant le passage d’élèves de CM2 dans la classe supérieure (en 6e). Pour

porter leur jugement, les enseignants avaient à leur disposition plusieurs informations

concernant les élèves fictifs. D’une part, ils disposaient des résultats scolaires des élèves

(faible vs. moyen-faible) et du niveau socio-économique de leur famille (bas vs. élevé).

D’autre part, ils disposaient de leurs réponses à un questionnaire d’internalité. L’internalité

des élèves était manipulée de façon à ce que l’élève apparaisse soit massivement interne, soit

massivement externe. Les résultats de cette étude ont révélé que les élèves internes sont jugés

plus positivement que les externes et ce, même lorsque les enseignants disposent

d’informations objectives sur leur niveau scolaire effectif. Des résultats similaires ont été

obtenus par Pansu (1997b) en situation de recrutement. Dans cette étude, des cadres d’une

entreprise multinationale ont été invités à comparer deux salariés postulant au même emploi et

se différenciant, d’une part, sur leur niveau de performance (très performant vs. moyennement

performant) et, d’autre part, sur leurs réponses à un questionnaire d’internalité (interne vs.

externe). Les résultats ont montré que si l’interne très performant est le candidat le mieux jugé

et l’externe moyennement performant le moins bien jugé, l’interne moyennement performant

est aussi bien jugé que l’externe très performant. Ainsi, que ce soit dans le cas du jugement de

la valeur scolaire ou dans celui du jugement sur la valeur professionnelle, il apparaît que

l’internalité n’intervient pas seulement comme palliatif d’un manque d’informations mais est

également un critère d’évaluation à part entière. De plus, le biais de positivité de l’internalité

se manifeste également lorsque les cibles sont de « vrais » individus et avec lesquels les juges

disposent d’informations multiples obtenues à la suite d’interactions réelles. C’est ainsi que,

dans deux études réalisées à partir du « paradigme écologique », Bressoux et Pansu (1998;

2001a) ont mis en évidence que l’internalité des élèves, mesurée à partir de leurs réponses

spontanées, est positivement reliée au jugement que leurs enseignants respectifs portent sur

eux, même lorsque l’on contrôle, entre autres, les performances scolaires effectives de ces

élèves. Ainsi, à performances scolaires identiques, plus les élèves ont recours spontanément à

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

82

des explications internes lorsqu’ils répondent à un questionnaire d’internalité, plus leurs

enseignants les jugent favorablement (voir pour revue Bressoux & Pansu, 2003; Pansu &

Bressoux, 2004; Pansu, Bressoux, Leonesoi, & Mezière, 2000)21.

Pris dans leur ensemble, les résultats des études réalisées par les tenants de l’approche

sociocognitive de l’internalité semblent bien supporter l’hypothèse de l’existence d’une

norme d’internalité. L’internalité apparaît donc valorisée indépendamment du type

d’événements expliqués et de la valence de ces derniers.

2.3.2. L’acquisition de la norme d’internalité

Parallèlement à ces recherches, les chercheurs s’inscrivant dans le courant de

l’approche sociocognitive de l’internalité ont cherché à mettre en évidence que l’acquisition

de l’internalité était le résultat d’un processus de socialisation. En effet, contrairement aux

présupposés des théoriciens du LOC, l’hypothèse de l’existence d’une norme d’internalité

intervenant dans les préférences explicatives des individus des sociétés occidentales libérales

implique que l’acquisition du registre explicatif interne dépend plus d’un principe de

transmission normative que de la maturation des processus cognitifs. De cette conception

normative de l’internalité découlent quatre hypothèses principales que les chercheurs

s’inscrivant de ce courant ont cherché à tester empiriquement (Dubois, 1994, 2001; Dubois et

al., 2003).

Une première hypothèse concerne le fait que la norme d’internalité interviendrait dans

l’explication des renforcements comme dans celle des comportements. Si l’acquisition de

l’internalité est effectivement la conséquence de l’apprentissage par les enfants de la valeur

des explications internes et ce, pour rendre compte de ces deux types d’événements, elle

devrait être sous-tendue par le même mécanisme d’apprentissage. Deux recherches vont dans

le sens de cette hypothèse. La première (Dubois, Schneider, & Villemin, 1988, cités par

Dubois, 1994) indique que les élèves de CE1 ont en moyenne un score d’internalité plus élevé

que les élèves de CP. La seconde (Dubois et Martin, 1989, cités par Dubois, 1994) indique

que les élèves de CM1 ont en moyenne un score global d’internalité plus élevé que celui des

élèves de CE2. Si ces résultats corroborent ceux obtenus dans le cadre des travaux sur le

LOC, à savoir une augmentation de l’internalité avec l’âge, ils indiquent également que cette

21 A noter que la relation linéaire entre l’internalité des élèves en consigne standard et le jugement des enseignants n’a été observée que dans une des deux études (Bressoux & Pansu, 1998). Dans la seconde, cette relation est apparue, non pas linéaire, mais quadratique : les élèves les mieux jugés étaient ceux les plus internes et ceux les plus externes (Bressoux & Pansu, 2001a).

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

83

augmentation est relativement indépendante du type d’événements expliqués (comportements

ou renforcements), de leur valence (positive ou négative) et du type de situations (école,

famille ou loisirs). Il semble donc que l’acquisition de l’internalité en matière de

comportements comme de renforcements se fasse en parallèle, au moins jusqu’à la fin du

cycle primaire, laissant ainsi supposer l’existence d’un même mécanisme à l’origine de cette

augmentation.

Une deuxième hypothèse concerne le mécanisme responsable de l’augmentation de

l’internalité avec l’âge. En effet, bien que l’acquisition de l’internalité soit dans une certaine

mesure dépendante de l’âge, pour les tenants de l’approche sociocognitive de l’internalité,

cette dépendance ne serait pas la conséquence de l’augmentation des capacités cognitives des

élèves, mais plutôt la manifestation de l’accentuation de la pression normative exercée par les

enseignants sur les élèves les plus âgés. Cela amène à supposer que les élèves devraient se

montrer très internes lorsqu’ils sont les plus âgés de leur école (CM2) mais devraient

exprimer moins d’internalité lorsqu’ils redeviennent les plus jeunes dans un autre

établissement (6ème). Une étude réalisée par Dubois (1988a) auprès d’élèves de CE2, CM2,

6ème, 5ème, 4ème et 3ème a mis en évidence l’existence d’un tel pattern de résultats. En effet, bien

que les élèves de CE2 obtiennent un score d’internalité plus faible que ceux de CM2 –

indépendamment du type d’événements expliqués, de leur valence ainsi que du type de

situations – les élèves de 6ème obtiennent un score d’internalité plus faible que ces derniers, en

particulier en ce qui concerne les renforcements. A partir de cette classe, le pattern de résultats

semble légèrement différent en fonction du type d’événements. Alors que les élèves de 6ème

répondent de façon moins interne que ceux de 3ème en matière d’explication des

comportements (avec une légère stagnation pour les élèves de 5ème et de 4ème), ces élèves sont

plus internes que leurs aînés en matière d’explication des renforcements.

Une troisième hypothèse découle de l’ancrage de la norme d’internalité dans les

pratiques évaluatives (Beauvois, 1984a, 1994; Dubois, 1987, 1994). A suivre les théoriciens

de la norme d’internalité, son apprentissage transiterait par la fréquentation des dispositifs

socio-éducatifs comme le système scolaire, les institutions de réinsertion et les formations

pour adultes (Beauvois & Le Poultier, 1986; Dubois, 1988a, 1988b; Dubois & Trognon,

1989). Cet apprentissage s’effectuerait lors de la confrontation des individus aux situations

d’évaluation durant lesquelles ils apprendraient la valeur des explications internes. Un des

objectifs des tenants de la conception normative de l’internalité a donc été de montrer que de

tels dispositifs éducatifs étaient propices à l’acquisition de la normativité et à la production de

réponses normatives. C’est ainsi que Beauvois et Le Poultier (1986) ont montré que la prise

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

84

en charge de jeunes en difficultés par des éducateurs dans le cadre de centres spécialisés a

pour conséquence d’augmenter de façon significative leur niveau d’internalité. Un constat

similaire a par la suite été fait auprès de populations d’adultes. Plusieurs recherches (Dubois,

1988a; Dubois & Trognon, 1989) ont effectivement montré que la fréquentation de dispositifs

de formation pour adultes a pour conséquences d’augmenter l’internalité des stagiaires.

Parallèlement, dans le cadre scolaire, Jouffre (2003a) a observé, à partir de productions

explicatives spontanées, que des élèves scolarisés du CE1 à la classe de 3ème produisent à

mesure qu’ils avancent dans leur cursus, plus d’explications internes lorsqu’ils doivent

expliquer des événements scolaires plutôt que non scolaires. Ces résultats semblent donc

indiquer que les dispositifs socio-éducatifs, qu’ils soient dirigés vers des populations d’adultes

ou d’enfants, semblent favoriser la transmission de la normativité des explications internes.

Enfin, une quatrième hypothèse résulte du rôle essentiel accordé à l’école dans la

transmission de la norme d’internalité. Si, comme le supposent les tenants de cette approche,

les enseignants sont les vecteurs privilégiés de l’apprentissage de la normativité, les élèves

devraient particulièrement recourir aux réponses internes lorsqu’ils cherchent à se faire bien

voir de ces derniers et ce, de façon plus marquée que lorsqu’ils cherchent à se faire bien voir

de leurs parents ou de leurs pairs. Une telle hypothèse a trouvé quelques supports empiriques

dans une recherche menée par Dubois (1988c). Cet auteur a effectivement observé que des

élèves âgés de 8 à 16 ans choisissent plus d’explications internes lorsqu’ils doivent se faire

bien voir lorsque la cible de la communication est leur enseignant plutôt que leurs parents.

Tout un ensemble de résultats convergents tend donc à indiquer que le recours à

l’internalité pour expliquer les comportements et les renforcements résulte d’un processus

d’apprentissage qui se réalise par l’intermédiaire des dispositifs éducatifs. De telles

conclusions vont dans le sens d’une interprétation normative de l’internalité et plaident en

faveur d’un processus de socialisation par l’intermédiaire duquel la norme d’internalité serait

intériorisée.

Depuis plus de 25 ans, tout un ensemble de travaux tend à indiquer que l’activité

explicative est sous l’influence d’une norme sociale de jugement, la norme d’internalité, qui

valorise l’expression des explications internes au détriment des explications externes. Pris

dans leur ensemble, ces résultats font de cette norme celle qui a obtenu le plus grand nombre

de résultats convergents parmi l’ensemble des normes sociales de jugement (Gilibert &

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

85

Cambon, 2003)22.

2.4. L’existence d’une variabilité de valeur au sein du registre interne

Nous venons de le voir, de nombreuses recherches ont montré qu’il existait une norme

sociale de jugement, la norme d’internalité, qui intervient dans les productions explicatives.

L’ensemble des résultats accumulés depuis 25 ans tend à faire de la théorie de la norme

d’internalité une théorie « forte » dont la validité n’est que très peu remise en question dans la

littérature. Mais force est de constater que cette approche normative des explications causales

repose explicitement sur le postulat que la distinction interne/externe est un critère

fondamental pour étudier la normativité des explications causales. Une telle interrogation

n’est pas nouvelle puisqu’on peut la faire remonter aux premiers écrits sur la norme

d’internalité. Comme le souligne Beauvois (1987b), « ce critère s’il n’est pas très efficient

pour classer des explications ordinaires ou pour décrire le processus d’inférence, reste un

critère absolument fondamental pour une approche normative de ces explications et

inférences » (p.119). Dans le même ordre d’idée, Dubois (1994) énonce que « non seulement

la mise en relief de cette dichotomie [causalité interne/causalité externe] apparaît pertinente,

mais elle semble bien correspondre à la situation la plus appropriée à l’étude d’une norme : la

norme d’internalité » (p.48). D’après ces auteurs, le critère interne/externe est donc une

distinction nécessaire pour étudier la normativité des explications causales. Pour autant, peut-

on considérer qu’il s’agit là d’un critère suffisant ? Les remarques issues d’autres courants de

recherche – comme par exemple la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation –

peuvent-elles aider à la compréhension de l’étude de la normativité des explications causales ?

Rappelons que cette dernière théorie a proposé d’adjoindre à la distinction interne/externe

d’autres critères de façon à permettre une meilleure analyse des effets des explications

causales sur les individus (e.g. stabilité, contrôlabilité). L’extension de cette approche aux

situations d’interactions sociales (Weiner, 1995, 1996, 2000, 2005) tend d’ailleurs à indiquer

que la prise en compte de ces critères supplémentaires peut être un élément crucial dans la

compréhension des effets des explications causales dans les relations interpersonnelles (cf.

22 La théorie de la norme d’internalité a également donné lieu à plusieurs extensions dans lesquelles les chercheurs se sont interrogés, par exemple, sur l’impact de la valeur des explications internes sur le traitement cognitif des énoncés explicatifs (Channouf, 1991; Channouf, Py, & Somat, 1999; Le Floch, Py, & Somat, 2002; Le Floch & Somat, 2003), ou encore sur l’existence de différences interindividuelles en matière de connaissance de la norme d’internalité (i.e. la clairvoyance normative, voir Channouf, Py, & Somat, 1995; Guingouain, 2001; Jouffre, 2003a; Jouffre et al., 2001; Py & Ginet, 2003; Py & Somat, 1991, 1996; Somat & Vazel, 1999). Cependant, ces extensions n’étant pas directement en rapport avec la thématique de cette thèse, nous ne les présenteront pas plus ici.

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

86

chapitre 1).

Une telle interrogation nous semble d’autant plus importante que, dans certains écrits,

les théoriciens de la norme d’internalité laissent entendre que toutes les explications internes

n’ont pas la même valeur. En effet, la théorie de la norme d’internalité postule que les

explications internes sont socialement utiles. De par leurs propriétés intrinsèques, elles

permettent la distribution des renforcements sociaux. Mais parmi toutes les explications

internes, certaines seraient plus à même de permettre l’évaluation. En particulier, parce

qu’elles renvoient directement aux propriétés stables des individus, les explications

internes/stables en terme de trait de personnalité permettraient de recourir directement à la

personnologie et au modèle des différences individuelles (Beauvois, 1976, 1984a, 1987a,

1994; Pansu & Beauvois, 2004). Pour Beauvois (1982), « dès l’instant où les attributions

internes reposent sur l’inférence de causes stables, elles mobilisent les TIP. En effet, faire une

attribution interne dans ce cas, c’est rendre compte de la conduite observée par une

disposition permanente, autrement dit par un trait » (p.527). Ce type d’explications serait

d’ailleurs « le summum de l’internalité » (Beauvois, 1994, p.76). Sur ce point, il semble

également que les interrogations des tenants de la théorie de la norme d’internalité concernant

la distinction interne/externe transparaissent dans certains des outils créés pour étudier la

norme d’internalité. Par exemple, l’un des premiers questionnaires d’internalité publié, le

QIAL (Bertone et al., 1989) intègre quatre types d’explications causales à partir du croisement

du lieu de causalité (interne/externe) et de la stabilité (stable/instable). De la même façon, le

questionnaire destiné à une population d’étudiants créé par Dubois et Tarquinio (1997)

propose également quatre explications par événement sur la base de l’opposition

interne/externe et de la distinction stable/instable. Ces quelques arguments laissent donc sous-

entendre que l’existence de différences de valeur au sein du registre interne est une

problématique présente à l’esprit des tenants de la théorie de la norme d’internalité, d’autant

que plusieurs recherches empiriques ont visé à mettre en évidence que toutes les explications

internes ne sont pas porteuses de valeur au même niveau. Le tableau 2.1. présente une

synthèse de ces recherches.

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

87

Tableau 2.1. Synthèse de 6 recherches publiées ayant dépassé la seule distinction interne/externe dans l’étude de la valeur des explications

Etude Participants Lieu Tâche Résultats

Beauvois & Le Poultier

(1986) Etude 1

30 exécutants, 30 cadres

fonctionnels et 30 cadres

hiérarchiques

Lieux publics

Répondre à un questionnaire d’attribution (comportements et émotions). Types d’explications : - 2 internes : trait vs intention - 2 externes : stimulus vs circonstances

Les exécutants donnent moins de réponses internes que les cadres. Les cadres préfèrent les explications en terme de trait aux explications en terme d’intention. L’inverse étant observé pour les exécutants lorsqu’ils choisissent des explications internes.

Beauvois et al. (1991),

Etude 3

128 salariés d'organisations variées (50% hommes, 50% femmes ; 50 %

cadres, 50% exécutants).

Local ad hoc de

l'entreprise

Evaluer 2 questionnaires d'attribution supposés remplis par des salariés (masculins vs féminins) soit de manière interne-trait soit de manière interne-intention. Les participants devaient attribuer un pronostic de réussite professionnelle aux salariés fictifs.

Les explications internes en terme de trait sont globalement plus appréciées que les explications internes évoquant des causes intentionnelles. Cette valorisation n’est le fait que des cadres.

Castra (1998) Etude 1

80 professionnels de l’insertion et 70 étudiants en

Sciences de l’Education

Université

Pronostic à émettre sur les chances de réussir son insertion sociale et professionnelle pour un sujet cible en situation d’échec présenté comme externe, interne-trait ou interne-intention.

L’interne-intention bénéficie d’un pronostic plus favorable que les deux autres. Pas de différence significative entre interne-trait et externe.

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

88

Tableau 2.1. Suite

Etude Participants Lieu Tâche Résultats

Clémence et al. (1996) Etude 2

310 élèves de cycle primaire (CP à CM2)

Classes des élèves

Répondre spontanément à un questionnaire composé de 16 renforcements en mathématiques et en dessin, de valence positive et négative Les élèves devaient indiquer, pour chaque item le degré d’importance (de 1 à 5) qu’ils accordent à chacune des 4 explications proposées : - Effort (interne/instable) - Habileté (interne/stable) - Tâche (externe/stable) - Chance (externe/instable)

En général, l’effort est perçu comme plus important que l’habileté. L’importance accordée à l’effort reste stable avec l’âge. L’importance accordée aux facteurs externes (tâche et chance), et dans une certaine mesure à l’habileté diminue avec l’âge. La stabilité de l’importance accordée à l’effort explique l’accentuation du recours à l’internalité avec l’âge.

Desrumeaux-Zagrodnicki

& Rainis (2000)

26 recruteurs professionnels

Cabinets privés et agences d'intérim

Un 1er groupe de recruteurs évalue des profils de candidats : interne-trait faible aptitude, interne-trait aptitude élevée, externe faible aptitude, externe aptitude élevée. Un 2ème groupe évalue des profils de candidats : interne-intention faible aptitude, interne-intention aptitude élevée, externe faible aptitude, externe aptitude élevée. Les participants devaient : 1. attribuer un pronostic de "recrutabilité" aux candidats. 2. classer les candidats par ordre de préférence. 3. évaluer l'importance attribuée à chaque critère de décision.

Effets de l'internalité-intention et de l'aptitude sur le pronostic de "recrutabilité" et sur le classement.

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

89

Tableau 2.1. Suite

Etude Participants Lieu Tâche Résultats

Pansu & Gilibert (2002) Etude 1

29 managers Entreprise

Répondre à un questionnaire d’internalité composé - Pour les comportements : 2 internes (trait

vs intention) vs 2 externes - Pour les renforcements : 2 internes (effort

vs trait) et 2 externes. - 2 groupes de participants Groupe 1 : consigne pronormative Groupe 2 : consigne contre normative

Consigne pronormative : - Intention < trait pour les comportements

positifs - Effort > trait pour les renforcements

positifs Consigne contre normative : - Intention > trait pour les comportements

positifs

Pansu & Gilibert (2002) Etude 2

80 managers Entreprise

Evaluer 2 profils de candidats pour un poste à responsabilité à partir de 2 bilans d’activités (bon vs moyen/faible) et d'un extrait d'entretien orienté interne (trait ou effort) vs externe. Les participants doivent attribuer un pronostic de "recrutabilité" aux candidats.

Les candidats internes font l'objet des jugements les plus favorables et a fortiori

lorsqu'ils avancent des explications internes en terme d'effort comportemental.

Pansu & Gilibert (2002) Etude 3

70 salariés Enquête

2 groupes de participants sont constitués. Dans le groupe 1 : Les participants doivent juger 3 cibles internes ayant répondu à questionnaire d’internalité (renforcement uniquement : effort, trait, but) Dans le groupe 2 : Les participants doivent juger 3 cibles externes ayant répondu au questionnaire d’internalité (renforcement uniquement : situation, autrui, chance)

Pour le registre interne : Effort > intention > trait

Pour le registre externe :

Situation > Pouvoir d’autrui = Chance

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

90

Tableau 2.1. Suite

Etude Participants Lieu Tâche Résultats

Pansu & Gilibert (2002) Etude 4

105 salariés Enquête

4 groupes de participants doivent juger deux profils de candidats : Groupe 1 : profil interne (effort) vs. externe (chance) Groupe 2 : profil interne (trait) vs. externe (chance) Groupe 3 : profil interne (effort) vs. externe (situation) Groupe 4 : profil interne (trait) vs. externe (situation)

Pour les groupes 1, 2 et 3, le profil interne fait l'objet des jugements les plus favorables. Aucune différence significative entre les profils interne (trait) et externe (situation) dans le groupe 4

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

91

Les premiers travaux en la matière ont porté sur l’explication des comportements et

confirmé que les explications internes les plus susceptibles d’engendrer l’approbation des

évaluateurs sont les explications personnologiques (e.g. trait de personnalité, aptitude,

compétence). Beauvois et Le Poultier (1986) ont mis en évidence que, lorsqu’elles répondent

à un questionnaire d’attribution, les personnes de position hiérarchique supérieure, en

l’occurrence des cadres, donnent plus d’explications personnologiques que d’explications en

terme d’intention comportementale. A l’inverse, lorsqu’elles doivent répondre à ce même

questionnaire, les personnes qui occupent des postes d’exécution ont tendance à recourir aux

explications en terme d’intention plutôt qu’à celles en terme de trait de personnalité.

Beauvois, Bourjade et Pansu (1991) ont également montré que des personnes fictives évaluées

sur la base de leurs réponses à un questionnaire d’attribution sont plus favorablement jugées

lorsqu’elles utilisent des explications en terme de trait que lorsqu’elles utilisent des

explications en terme d’intention, cette valorisation n’étant le fait que des cadres. D’après

Beauvois (1994), ces derniers résultats confortent la relation entre l’internalité et la

personnologie : « entre deux individus présentés comme des internes, c’est celui qui a surtout

choisi des traits (plutôt que des intentions) qui est le mieux évalué quant à ses qualités

professionnelles. Cette idée est d’une importance capitale puisqu’elle associe l’oméga

normatif de l’internalité à l’univers de la personnologie » (p.76). Dans le cadre d’une

recherche basée sur l’analyse d’entretiens d’embauche, Castra (1995) a effectivement mis en

évidence que les recruteurs ont tendance à se focaliser sur les éléments dispositionnels du

discours des interviewés.

Ainsi, à s’en tenir aux résultats de ces études, les explications personnologiques

seraient les plus porteuses de valeur parmi l’ensemble des explications disponibles. Toutefois,

d’autres travaux sont venus contredire ces premiers résultats. A partir du même matériel que

celui utilisé par Beauvois et Le Poultier (1986) et Beauvois et al. (1991), Desrumeaux-

Zagrodnicki et Rainis (2000) ont demandé à des recruteurs de juger des cibles connues d’une

part par leur niveau d’aptitude (apte vs. peu apte) et, d’autre part, par leurs choix explicatifs

(interne-trait, interne-intention ou externe). Les résultats obtenus indiquent que seule la cible

interne-intention est mieux jugée que la cible externe. Castra (1998) a obtenu des résultats

allant dans le même sens. Dans cette étude, des professionnels de l’insertion ainsi que des

étudiants ont été invités à décrire, à l’aide de traits de personnalité, un adulte en rupture

sociale décrit à partir d’un compte rendu d’entretien avec un conseiller d’orientation. Dans ce

compte rendu, la cible expliquait sa situation actuelle par des explications en terme de trait ou

par des explications en terme d’intention, ou encore par des explications externes. Les

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

92

résultats obtenus indiquent que l’interne-intention est mieux jugé que l’interne-trait et que

l’externe, ces deux derniers ne se différenciant pas significativement.

La recherche ayant le plus étudié les variations de valeur au sein du registre interne est

sans doute celle réalisée par Pansu et Gilibert (2002, voir également Pansu, 1994). Dans une

série de quatre études réalisées auprès de cadres et de salariés, ces auteurs ont montré que

toutes les explications internes n’étaient pas valorisées au même titre. Dans une première

étude, des managers ont été invités à répondre à un questionnaire d’internalité – le QIST

(Pansu, 1994) – dans le cadre du paradigme d’autoprésentation. La moitié des items de ce

questionnaire est composé de comportements et l’autre moitié de renforcements. Quatre

explications étaient proposées pour chaque item. Pour les comportements, les participants

devaient choisir entre deux explications internes (trait vs. intention) et deux explications

externes. Pour chaque renforcement, ils devaient choisir entre une explication en terme

d’effort, une explication en terme de trait et deux explications internes. Les résultats obtenus

ont indiqué que, pour les comportements, les explications en terme de trait sont préférées aux

explications en terme d’intention pour donner une bonne image de soi, mais uniquement pour

expliquer les comportements positifs. Inversement, pour donner une mauvaise image de soi,

les participants choisissent en moyenne plus d’explications en terme d’intention qu’en terme

de trait, uniquement en matière de comportements positifs. Si ces premiers résultats vont en

partie dans le sens de ceux de Beauvois et Le Poultier (1986) et de Beauvois et al. (1991) – a

minima lorsqu’il s’agit d’expliquer les comportements positifs –, ils s’en détachent néanmoins

en matière de renforcements. En effet, pour ce type d’événements, les explications en terme

d’effort sont plus choisies pour donner une bonne image de soi que les explications en terme

de trait, mais uniquement lorsque les renforcements sont positifs. Dans une deuxième étude

basée sur le paradigme des juges, Pansu et Gilibert (2002) ont demandé à des managers de

juger des cibles qui étaient soit interne (traits vs. effort), soit externe, et dont le niveau de

performance variait (fort vs. faible). Les résultats obtenus ont révélé, là encore, que seule la

cible interne-effort est jugée plus favorablement que la cible externe, l’interne-trait ne se

différenciant pas de cette dernière. Dans une troisième étude, Pansu et Gilibert (2002) ont

cherché à répliquer ces résultats et à étendre leur analyse à l’étude des variations de valeur au

sein du registre externe. Pour ce faire, ils ont demandé à des salariés de juger trois cibles

connues par leurs réponses à un questionnaire d’internalité composé uniquement de

renforcements. Ces cibles étaient soit toutes internes (efforts vs. traits vs. intentions) soit

toutes externes (chance vs. autrui vs. situation). Les résultats ont montré que la cible interne-

effort est mieux jugée que la cible interne-intention, cette dernière étant elle-même mieux

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

93

jugée que la cible interne-trait. En matière d’externalité cette fois, la cible externe-situation est

mieux jugée que la cible externe-autrui et que la cible externe-chance, ces deux dernières ne

se différenciant pas l’une de l’autre. Ces résultats, s’ils confirment la valeur sociale des

explications en terme d’effort, indiquent également l’existence d’une variabilité de valeur au

sein du registre externe. Certaines explications externes apparaissent plus dévalorisées que

d’autres. Pansu et Gilibert (2002) ont alors cherché à déterminer si l’explication la plus

valorisée du registre externe pouvait être plus valorisée que la moins valorisée du registre

interne. Dans une quatrième étude, ces auteurs ont demandé à des salariés de juger deux cibles

connues par leurs réponses au même questionnaire d’internalité que celui utilisé dans l’étude

précédente. Quatre cibles prototypiques – deux internes et deux externes – ont été créées sur

la base des résultats de l’étude 3. Ces cibles étaient supposées avoir choisi massivement des

explications issues soit de la catégorie la plus valorisée, soit de la catégorie d’explications la

moins valorisée et ce, dans chacun des deux registres interne et externe. La cible interne

valorisée présentait un profil interne-effort, la cible interne dévalorisée un profil interne-trait,

la cible externe valorisée un profil externe-situation et la cible externe dévalorisée un profil

externe-chance. Les résultats ont mis en évidence que si la cible interne-effort (I+) est mieux

jugée que les deux cibles externes, la cible interne-trait (I-), bien qu’elle soit mieux jugée que

la cible externe-chance (E-), ne se différencie pas significativement de la cible externe-

situation (E+). Cette dernière étude semble donc indiquer, d’une part, que les explications en

terme d’effort semblent être les plus valorisées pour rendre compte des renforcements et,

d’autre part, qu’un cible interne n’est pas forcément plus valorisée qu’une cible externe.

Ainsi, les résultats obtenus par Pansu et Gilibert (2002) semblent donc indiquer 1) que toutes

les explications internes ne sont pas forcément plus valorisées que toutes les explications

externes et 2) que la valeur des explications internes serait susceptible de varier en fonction du

type d’événements expliqués. Alors que dans l’explication des comportements, les

explications en terme de trait de personnalité seraient les explications les plus valorisées, dans

le cas de l’explication des renforcements, il s’agirait des explications en terme d’effort de

l’acteur (Pansu, 2004, 2006; Pansu, Bressoux, & Louche, 2003; Pansu & Gilibert, 2002).

L’existence d’une telle valorisation sociale de l’effort a également été observée par

Silvester, Anderson-Gough, Anderson, et Mohamed (2002). Bien que se situant dans le cadre

de la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation (Weiner, 1979, 1985a, 2000,

2005), ces auteurs ont observé que les candidats à des entretiens de sélection, ainsi que des

recruteurs, cotent les explications internes/contrôlables (e.g. manque d’effort) pour des

événements négatifs passés comme étant plus en mesure de véhiculer une image positive que

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

94

les explications internes/incontrôlables (e.g. manque d’habileté) ou externes/incontrôlables

(e.g. manque de chance). Parallèlement, ces auteurs ont également observé que les candidats

qui se décrivent comme étant particulièrement susceptibles d’utiliser des explications

internes/contrôlables pour expliquer l’échec, obtiennent de meilleures notes de la part

d’interviewers lors de situations réelles d’entretien de sélection que d’autres candidats qui ont

recours à des explications internes/incontrôlables ou externes. L’existence d’une valorisation

possible de l’effort pour expliquer les renforcements se retrouve également dans le milieu

scolaire. En effet, Clémence et al. (1996, étude 2) ont observé que des élèves de cycle

primaire (6-11 ans) manifestaient une préférence pour les explications en terme d’effort pour

rendre compte de leurs performances en mathématiques et en dessin par rapport à d’autres

types d’explications (e.g. habileté, tâche, chance), et cela d’autant plus qu’ils étaient âgés.

Notons également que cette augmentation avec l’âge de la différence entre les scores de

préférence pour les explications en terme d’effort et ceux des autres types d’explications n’est

pas due à une augmentation globale de l’accord avec le premier type d’explication mais plutôt

à une baisse de la préférence pour les autres types.

A suivre ces quelques résultats, il semble donc que les explications qui mettent en

avant l’effort de l’acteur seraient les explications internes les plus valorisées pour rendre

compte des renforcements. Pansu (2004; 2006; Pansu, Bressoux et al., 2003; Pansu &

Gilibert, 2002) a proposé deux explications possibles pour rendre compte de la valeur sociale

de ces explications. La première consiste à envisager les explications comme un indicateur de

l’utilité sociale des individus pour l’organisation. C’est d’ailleurs ce que suggère également

Silvester (1997) lorsqu’elle émet l’hypothèse selon laquelle, lors de situations d’entretiens de

sélection, les recruteurs se serviraient de façon non consciente des explications causales

fournies par les candidats pour prédire leur motivation à réussir, agissant ainsi comme un

« baromètre psychométrique de la motivation » (Silvester, 1997, p.62). Les explications en

terme d’effort, définies comme étant internes/contrôlables/instables dans la taxinomie

proposée par Weiner (1979), laisseraient entendre, d’une part, que les renforcements (positifs

comme négatifs) obtenus par l’individu ne seraient pas nécessairement reconduits et, d’autre

part, que l’individu exercerait un contrôle sur eux. La seconde explication possible évoquée

par Pansu (2004; 2006; Pansu, Bressoux et al., 2003; Pansu & Gilibert, 2002) pour rendre

compte de la valeur sociale, découle du modèle proposé par la théorie de la norme

d’internalité. Rappelons que cette théorie suppose que la valeur des explications causales

internes provient de leur capacité à permettre la distribution des renforcements sociaux. Dans

ce cadre théorique, l’effort ne serait que « l’expression subtile d’un trait de personnalité

Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales

95

particulier : « être capable d’effort ». […] L’effort agirait alors comme un trait purement

évaluatif qui nous informerait sur l’utilité et la valeur des gens » (Pansu, 2004, p.47-48). Dans

le cadre théorique de l’approche sociocognitive de l’internalité, l’effort occuperait une place

centrale dans les théories naïves puisqu’il permettrait de dire ce que l’on peut faire avec les

gens, donc d’évaluer.

3. Problématique générale de la première partie

L’objectif de la première partie de cette thèse est d’approfondir la question de la

variabilité de valeur au sein du registre interne. Nous investiguerons la possibilité de

l’existence de telles variations en deux temps.

Dans un premier temps (chapitre 3), nous chercherons tout d’abord à répliquer les

résultats obtenus par Pansu et Gilibert (2002) en ce qui concerne la valeur des explications en

terme d’effort dans l’explication des renforcements. En effet, à l’instar de ces chercheurs,

nous supposons que ce type d’explications est le plus valorisé pour expliquer les

renforcements et ce, indépendamment de la valence des événements. Pour tester cette

hypothèse, nous allons baser notre approche sur la conception multidimensionnelle

développée par la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation (Weiner, 1979,

1985a, 2000, 2005). Nous chercherons également dans ce chapitre à montrer que l’approche

attributionnelle développée par Weiner et l’approche sociocognitive de l’internalité, bien

qu’émettant a priori des hypothèses contradictoires concernant les effets des explications en

terme d’effort sur le jugement social, peuvent être articulées.

Dans un second temps (chapitre 4), nous chercherons à répliquer les résultats obtenus

dans le chapitre précédent auprès d’élèves et d’enseignants et nous nous intéresserons à la

valeur des explications internes dans l’explication des comportements. Dans la lignée des

travaux de Beauvois (Beauvois et al., 1991; Beauvois & Le Poultier, 1986), nous supposons

que les explications les plus valorisées du registre interne pour expliquer ce type

d’événements sont les explications en terme de trait et ce, indépendamment de la valence des

événements.

Ces objectifs nous amènerons à nous interroger sur les conséquences de l’existence

d’une variabilité de valeur au sein du registre interne pour la théorie de la norme d’internalité

telle qu’elle est énoncée actuellement.

96

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

97

CHAPITRE 3

POUR UNE APPROCHE PERSPECTIVISTE DES EFFETS DES

EXPLICATIONS CAUSALES SUR LE JUGEMENT SOCIAL

Comme nous l’avons évoqué dans les chapitres précédents, depuis les premiers

travaux sur l’attribution (Heider, 1958; Heider & Simmel, 1944), de nombreuses recherches

se sont intéressées aux effets des explications causales sur le jugement social (Beauvois & Le

Poultier, 1986; Dubois, 1994; Juvonen & Murdock, 1993; Pansu, 1997b; Silvester et al.,

2002; Weiner & Kukla, 1970). Ces travaux se sont surtout attachés à montrer que les

explications étaient une des variables déterminantes de la perception sociale, influant aussi

bien sur les stratégies individuelles de présentation de soi que sur le jugement porté sur autrui.

Deux méthodes ont souvent été utilisées pour mener à bien ces travaux. L’une est destinée à

appréhender le choix des explications causales dans les stratégies d’autoprésentation et de

communication (e.g. en demandant aux gens de produire une image favorable ou défavorable

de soi face à autrui). L’autre est mobilisée pour savoir quelle est, parmi les diverses stratégies

d’autoprésentation possibles, celle qui est préférée par les cibles des communications. Il s’agit

par là d’éprouver quel type d’explications est le plus efficace pour la personne jugée (méthode

des juges). Ces travaux peuvent, comme nous l’avons vu, relever très globalement de deux

grandes perspectives théoriques. La première, la théorie attributionnelle interpersonnelle, se

situe à un niveau d’explication qui décrit des processus intra ou interindividuels. Cette

approche, lorsqu’elle traite du jugement social, l’aborde le plus souvent comme un jugement

de sanction (e.g. réprimande, aide, récompense, punition) ou un jugement de préférence

affective (quelqu’un qu’on aime bien). La seconde perspective, l’approche sociocognitive de

l’internalité, fait appel aux systèmes de représentations, d’appréciations et de normes sociales

et se centre sur les facteurs culturels et idéologiques. Les travaux issus de ce courant abordent

généralement le jugement social comme une description psychologique qui permet de

communiquer une idée quant à l’utilité de la personne jugée (soi ou autrui), donc de porter un

jugement de valeur. Dans les faits, ce jugement prend souvent la forme d’un jugement de

diagnostic sur les compétences d’un individu et/ou de pronostic de réussite future qui nous

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

98

éclaire sur ce qu’on peut faire et attendre de cet individu dans la société : diagnostic

d’efficacité, pronostic de réussite universitaire, de recrutabilité, de promotion, etc.

Tout en admettant la valeur heuristique de ces deux positions, nous nous inscrirons ici

délibérément dans la continuité de la seconde. Dans ce chapitre, nous tenterons, en fait, de

montrer que la prise en compte d’autres critères de classification des explications causales,

que ceux-ci soient dimensionnels ou catégoriels, peut permettre un élargissement de la

réflexion sur la valeur sociale des différentes explications causales internes (e.g. trait, effort,

état), du moins telle qu’elle a été développée par les théoriciens de l’approche sociocognitive

de l’internalité. Si le recours à la structure dimensionnelle du modèle de Weiner ainsi qu’aux

catégories d’explications qu’elle inclut peut, selon nous, permettre de préciser la normativité

des explications internes, il est essentiel de bien différencier ces deux approches tant sur le

plan théorique (niveau d’analyse intra-individuel vs. sociétal) que sur le plan empirique

(jugement de sanction vs. de pronostic de réussite). C’est d’ailleurs pour cette raison que, dans

ce premier chapitre expérimental, nous avons tenu d’emblée à spécifier, sous quelles

conditions, l’une et l’autre sont valides. On rejoint par là, les propos de McGuire (1983, 1999)

sur le perspectivisme qui, plus que d’inviter à départager les théories, appelle à en rechercher

les limites.

1. L’articulation de la théorie attributionnelle et de l’approche sociocognitive de l’internalité

1.1. Vers un dépassement des antagonismes théoriques : La métathéorie perspectiviste

William McGuire est à l’origine de l’une des plus grandes contributions au

développement métathéorique et philosophique de la recherche en psychologie sociale (Jost,

Banaji, & Prentice, 2004). Son approche, qu’il a désigné d’abord sous le nom de

contextualisme (McGuire, 1983) et renommé ensuite le perspectivisme (McGuire, 1999,

2004), peut être considérée comme une approche épistémologique consistant en une

intégration des critiques issues du constructivisme social et de la démarche objectiviste de la

psychologie sociale expérimentale. En effet, contrairement à la plupart des psychologues

sociaux expérimentalistes qui ont massivement rejeté les critiques faites par le courant du

constructivisme social (Gergen, 1973, 1985, 1991, 1996, 2001, 2002)23, McGuire s’est attaché

23 Les critiques émises par le constructivisme social reposent sur des bases méthodologiques et idéologiques. Au niveau méthodologique, les constructivistes sociaux s’opposent à l’idée qu’un ensemble spécifique de méthodes (e.g. la méthode expérimentale) puisse être considéré comme étant plus adapté que d’autres pour étudier la réalité sociale. Au niveau idéologique, ils critiquent l’idée selon laquelle les théories issues de la recherche expérimentale ont vocation à rendre compte de l’universalité du fonctionnement humain de par le fait qu’elles sont fondamentalement idéologiquement neutres (voir également Kukla, 1982). L’une des thèses centrales du

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

99

à prendre en compte ces remarques tout en conservant l’idéal d’objectivité de la démarche

scientifique. Ainsi, tout en reconnaissant l’importance des facteurs idéologiques et sociaux

dans la construction des théories scientifiques, il rejette néanmoins l’idée que toutes les façons

d’appréhender la réalité se valent. Pour lui, l’idéal de la science reste l’objectivité dans

l’évaluation des hypothèses.

L’épistémologie perspectiviste de McGuire repose fondamentalement sur l’idée que la

connaissance est « un mode de coping représentationnel nécessairement défectueux mais

essentiel face à un soi et un environnement ouvertement complexe » (McGuire, 1999, p.395).

Le postulat à la base de l’approche perspectiviste est que la connaissance a une fonction

principale : permettre aux individus de faire face à la complexité du monde extérieur. Pour

autant, les limites cognitives du cerveau humain sont là et la connaissance ne peut être qu’une

représentation nécessairement incomplète du réel. A ce propos, McGuire (1999) cite trois

types d’erreurs qui font de la connaissance une déformation de la réalité. La première, la sous-

représentation, est la conséquence de la nécessité pour l’organisme de sélectionner les stimuli

en provenance de l’environnement (e.g. pour l’humain, le fait de ne percevoir visuellement

que les longueurs d’ondes comprises entre 400 et 700 nanomètres). La deuxième, la

malreprésentation, résulte du fait que toute représentation est construite tant par les outils de

la connaissance que par les caractéristiques de l’objet lui-même. Enfin, la troisième erreur, la

surreprésentation, est la conséquence de la nécessité pour les individus d’extrapoler les

connaissances dont ils disposent dans le but de s’adapter à des situations nouvelles. Mais si la

connaissance est nécessairement fausse, elle n’en est pas moins efficace. L’existence même

de l’être humain, dont les appareils cognitifs sont le produit de millions d’années d’évolution,

en serait la preuve. D’après McGuire (1999, p.400), « la tragédie de la connaissance n’est pas

qu’elle est intrinsèquement erronée mais que, toute erronée qu’elle soit, elle est

indispensable : nous devons faire ce que nous ne pouvons faire bien ». A suivre ces propos, on

ne peut donc que s’interroger sur la validité de la connaissance scientifique. C’est sur ce point

que l’on trouve l’idée centrale du perspectivisme : les imperfections de la connaissance

« appellent, non pas au rejet de la théorisation scientifique, mais à l’utilisation de mesures de

compensation comme la génération d’explications multiples (même contradictoires) qui

constructivisme social est que les recherches en psychologie sociale étudient des phénomènes sociaux et culturels spatialement et historiquement situés plutôt que des phénomènes liés à la nature humaine (Gergen, 1973) et que l’interprétation proposée de ces phénomènes repose sur une base idéologique qui opère « subtilement comme une forme d’impérialisme occidental » (Gergen, 1998, p.303, cité par Jost & Kruglanski, 2002). De ce point de vue, les critiques du constructivisme social ont connu plus d’échos auprès des chercheurs européens (Beauvois, 1984a, 1984b, 1994, 2005; Moscovici, 1988) qu’auprès des expérimentalistes nord américains.

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

100

révèlent la variété des raisons pour lesquelles, et les limitations contextuelles dans lesquelles,

toute relation formulée est obtenue » (McGuire, 1999, p.400).

Le perspectivisme s’inscrit dans le prolongement du courant de l’empirisme logique

(Popper, 1957, cité par McGuire, 1999) et partage avec lui certaines idées fortes. D’une part,

le perspectivisme considère que la dérivation des hypothèses d’un ensemble de théories doit

intervenir en amont des observations empiriques. D’autre part, il considère que la

confrontation entre les hypothèses et la réalité empirique est une phase essentielle dans le

développement des théories scientifiques. Mais le perspectivisme et l’empirisme logique se

différencient également radicalement sur un certain nombre de points (McGuire, 1983). En

effet, contrairement à ce dernier qui part du principe que certaines théories sont vraies et

d’autres sont fausses, le postulat de base de l’approche perspectiviste est que « toutes les

représentations de la connaissance sont imparfaites mais toutes capturent quelques aspects du

connu » (McGuire, 1999, p.400). De ce point de vue, puisque toute théorie scientifique est

fondamentalement inexacte mais en même temps en mesure de capter une partie de l’objet à

connaître, l’objectif de la confrontation empirique n’est plus seulement de déterminer si une

hypothèse est vraie ou fausse dans un contexte donné – ce que suppose l’empirisme logique –

mais de chercher à « découvrir dans quel sens l’hypothèse et ses explications théoriques sont

vraies et dans quel sens elles sont fausses » (McGuire, 1999, p.408). Cette importance

accordée par le perspectivisme à la confrontation empirique dans le processus de découverte a

pour conséquence d’inciter les chercheurs à développer leur capacité à multiplier les contextes

dans lesquels tester leurs modèles théoriques (Greenwald, Pratkanis, Leippe, & Baumgardner,

1986). Or, un des constats que dresse McGuire concernant le fonctionnement de la discipline

psychologique en général, et de la formation des chercheurs en particulier, est que l’étude des

principes à la base du test d’hypothèses est plus centrale que celle des principes permettant la

génération d’hypothèses (McGuire, 1973, 1983, 1997, 2004). Ce constat est d’autant plus

problématique que le test d’hypothèses ne peut être réalisé qu’une fois que l’hypothèse elle-

même est formulée. Pour pallier ce déficit en matière d’élaboration d’hypothèses et de

création théorique, McGuire (1997) propose une liste de 49 heuristiques permettant de générer

des hypothèses théoriques originales. L’objectif de ces heuristiques est de stimuler la

recherche en offrant de nouvelles perspectives vers lesquelles les travaux antérieurs ne se sont

pas spontanément dirigés. En stimulant la créativité des hypothèses théoriques, l’approche de

McGuire permet de déterminer les limites de validité des théories en distinguant les cas (e.g.

situations, méthodologies, définitions théoriques) dans lesquelles les théories s’appliquent

ainsi que ceux dans lesquelles elles ne s’appliquent pas.

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

101

C’est dans cet esprit que, dans ce premier chapitre expérimental, nous avons tenté

d’articuler l’approche sociocognitive de l’internalité et l’approche attributionnelle.

1.2. Une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement

social

A suivre leurs prédictions respectives en matière d’explications des renforcements, il

semble que l’approche sociocognitive de l’internalité et la théorie attributionnelle

interpersonnelle émettent des hypothèses très différentes concernant les effets de la

communication à autrui de certaines explications internes sur le jugement social. Bien qu’elles

soient identiques lorsqu’il s’agit de renforcements positifs (les deux théories considèrent que

les explications qui entraînent le jugement le plus positif sont celles en terme d’effort

occasionnel), leurs prédictions diffèrent radicalement dans le cas de l’échec. En effet, alors

que pour l’approche attributionnelle (Weiner, 2003), expliquer l’échec par le manque d’effort

serait jugé très négativement par les enseignants, pour l’approche sociocognitive de

l’internalité (Pansu & Gilibert, 2002), avoir recours à ce type d’explications entraînerait un

jugement très positif. Or, à s’en tenir à une démarche guidée par l’empirisme logique, il nous

faudrait mettre en place une expérience cruciale permettant de dire laquelle de ces deux

théories permet de rendre compte des effets des explications causales sur le jugement social.

La théorie qui se trouverait validée empiriquement pourrait alors être considérée comme la

théorie « vraie »24, l’autre théorie étant infirmée par les données. Mais, plutôt que de chercher

à départager ces deux théories, nous avons choisi, en accord avec les principes du

perspectivisme, de dépasser leurs antagonismes théoriques en cherchant à déterminer les

limites de la validité de l’une et l’autre. Pour ce faire, nous avons eu recours à une version

modifiée de l’un des heuristiques proposés par McGuire (1997) pour générer une hypothèse

quant à l’articulation empirique de ces deux approches. En effet, cet heuristique (F17) propose

de scinder la variable dépendante usuellement utilisée dans le champ de recherche en

différentes sous-échelles de façon à observer des variations d’effet non visibles dans les

recherches habituelles. Or, une telle scission nous semble particulièrement intéressante à

appliquer sur la notion de jugement social et ce, pour deux raisons principales. Premièrement,

il semble que cette notion ne soit pas unidimensionnelle. Si de nombreux travaux affirment

étudier les mécanismes qui jugement sous-tendent le jugement social, force est de constater

24 En tout cas jusqu’à ce que celle-ci soit elle-même infirmée par d’autres données.

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

102

que ces recherches ont recours à des opérationnalisations bien différentes25. Il semble à ce

propos plus juste, plutôt que de parler de jugement social, de parler de jugements sociaux, ce

qui laisse entendre qu’ils peuvent être multiples et variés26. La seconde raison est qu’opérer

une distinction entre différents types de jugements sociaux nous semble tout à fait en mesure

de capter une différence parmi les plus essentielles entre les travaux réalisés dans le cadre de

l’approche sociocognitive de l’internalité et l’approche attributionnelle des relations

interpersonnelles. En effet, il semble que ces deux ensembles de travaux abordent la notion de

jugement social sous deux angles différents. Alors que les travaux issus de l’approche

sociocognitive de l’internalité abordent généralement le jugement social comme une

description psychologique qui permet de communiquer une idée quant à l’utilité de la

personne jugée, donc porter un jugement de valeur, les recherches issues de l’approche

attributionnelle l’abordent le plus souvent comme un jugement de sanction (e.g. réprimande,

aide, agression, récompense, punition) ou un jugement de préférence affective (e.g. quelqu’un

qu’on aime bien).

1.3. Problématique des études 1a, 1b et 2

Cette première série d’études27 poursuivait deux objectifs. Le premier, dérivé de

l’approche sociocognitive de l’internalité, nous a conduit à chercher à montrer que les

explications en appelant à l’effort étaient les plus porteuses de valeur sociale. Les deux

premières études s’inscrivent pleinement dans cette perspective. Dans la première (étude 1a),

réalisée à partir du paradigme d’autoprésentation, on se situait dans le milieu universitaire et

l’étude portait sur des étudiants. Les participants devaient indiquer, parmi plusieurs

explications, celle qu’ils choisiraient spontanément pour expliquer une réussite ou un échec

universitaire. En considérant les travaux effectués sur la valeur de l’effort, nous nous

attendions à ce que les sujets choisissent préférentiellement, en consigne spontanée, des

explications en appelant à l’effort comportemental (effort et manque d’effort occasionnel) et

ce, indépendamment de la positivité ou négativité des événements. Dans la deuxième étude

(étude 1b), on restait dans le milieu académique et l’on utilisait une forme particulière de la

25 Des recherches récentes laissent entendre que le concept de jugement social peut a minima être scindé en deux sous-dimensions (Beauvois, 1995; Dubois & Beauvois, 2001; Fiske, Cuddy, Glick, & Xu, 2002; Fiske, Xu, Cuddy, & Glick, 1999; Judd, James-Hawkins, Yzerbyt, & Kashima, 2005; Wojciszke, 1997, 2005). Nous reviendrons sur ces travaux dans le chapitre 5. 26 Cette idée nous semble d’autant plus pertinente que le concept d’estime de soi, s’il peut être assimilé à un jugement social sur soi (Dubois, 2006), est généralement abordé comme un construit multidimensionnel (Bressoux & Pansu, 2003). 27 Ces trois études font l’objet d’une soumission pour publication (B. Dompnier & Pansu, soumis).

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

103

méthode des juges. Les sujets, invités à se mettre en position d’évaluateurs, devaient énoncer

un jugement de préférence pour chacune des explications susceptibles d’être données par un

étudiant. Nous nous attendions à ce que les explications en appelant à l’effort occasionnel

fassent l’objet des meilleurs jugements.

Le deuxième objectif était d’élargir la réflexion sur la distinction entre les approches

attributionnelles et sociétales en recherchant sous quelles conditions ces deux approches sont

valides. Il s’agit donc moins de les considérer comme des théories concurrentes que de

rechercher à déterminer les limites de leur validité respective. Cela nous semble, ici, d’autant

plus pertinent que les définitions et les opérationnalisations du jugement social qui découlent

des modèles explicatifs des approches retenues sont différentes. Dans une nouvelle étude

(étude 2), nous avons pris en compte ces différences en opérationnalisant le jugement social

sous différentes facettes. Cette étude portait également sur des étudiants et se situait dans le

milieu académique. Les sujets, placés en situation d’évaluateurs, devaient émettre

successivement un jugement de sanction, de pronostic, de compétence et de motivation à

l’encontre de quatre élèves connus à partir de leur performance à un examen (réussite ou

échec) et de l’explication (effort ou habileté) qu’ils donnaient de l’origine de ce résultat. En

considérant la valeur heuristique de chacune de ces deux approches et les hypothèses qui en

découlent, nous nous attendions à ce que les effets des explications sur le jugement social

varient en fonction de la nature même de ce jugement. Ainsi, en matière de jugement de

sanction – i.e. approche attributionnelle – on peut s’attendre à ce que le recours à l’effort

entraîne un jugement positif suite à une réussite et un jugement négatif en cas d’échec (appel

au manque d’effort). En revanche, en matière de jugement de pronostic de réussite – i.e.

approche sociocognitive de l’internalité – le recours à l’effort devrait conduire à des

jugements globalement positifs et ce, que l’événement soit désirable (réussite) ou indésirable

(échec). A élargir cette conjecture, on pourrait s’attendre à ce que le recours à l’effort affecte

aussi différemment d’autres jugements dont on ne peut nier l’importance dans la vie sociale,

comme les jugements de motivation et de compétence.

2. Etude 1a : Paradigme d’autoprésentation

2.1. Vue générale

Dans cette étude, les participants ont été invités à donner leur degré d’accord avec huit

explications causales susceptibles d’être émises par des étudiants pour rendre compte d’un

échec et d’une réussite à un examen.

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

104

2.2. Méthode

2.2.1. Participants

Cent cinquante cinq étudiants en 1ère année de Psychologie de l’Université de Savoie

ont participé à l’étude. La moyenne d’âge est de 19.84 ans (écart-type = 3.84).

2.2.2. Matériel

Pour tester nos hypothèses, nous avons créé deux saynètes (cf. annexe Ia) sur la base

de questionnaires d’internalité déjà existants (Beauvois & Le Poultier, 1986; Bertone et al.,

1989; Dubois, 1994; Dubois & Tarquinio, 1997; Somat, 1994). Ces deux saynètes décrivaient

des renforcements renvoyant dans un cas à une réussite (« réussir brillamment un examen »)

et dans l’autre cas à un échec universitaire (« obtenir de mauvaises notes aux partiels »). Huit

explications causales, obtenues en croisant factoriellement les trois dimensions du modèle de

Weiner (1979; 1985a), ont été associées à chaque saynète. Ainsi, chaque explication renvoyait

à une cause spécifique caractérisée par son orientation interne ou externe, sa stabilité ou

instabilité temporelle et sa contrôlabilité ou incontrôlabilité (contrôle exercé ou non par soi ou

par autrui). Ces huit explications étaient : l’effort habituel (interne/contrôlable/stable), l’effort

occasionnel (interne/contrôlable/instable), l’habilité (interne/incontrôlable/stable), l’état

émotionnel et/ou physiologique (interne/incontrôlable/instable), le pouvoir d’autrui habituel

(externe/contrôlable/stable), le pouvoir d’autrui occasionnel (externe/contrôlable/instable), la

difficulté de la tâche (externe/incontrôlable/stable), et la chance

(externe/incontrôlable/instable). Par exemple, on pouvait lire pour l’échec :

« Si vous obtenez de mauvaises notes aux partiels, c’est parce que :

- Vous ne vous donnez jamais assez de mal pour réviser vos cours (effort habituel).

- Cette fois-là, vous n’avez pas suffisamment révisé vos cours (effort occasionnel).

- Vous n’êtes pas doué dans ce domaine (habileté).

- Vous n’étiez pas en forme au moment des partiels (état).

- Les enseignants sont particulièrement exigeants (pouvoir d’autrui habituel).

- Cette fois-là, les enseignants ont particulièrement été sévères (pouvoir d’autrui occasionnel).

- Les matières sont plutôt difficiles (difficulté de la tâche).

- Vous n’avez pas eu de chance (chance). »

2.2.3. Procédure

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

105

Les données ont été récoltées lors d’une session de passation collective effectuée dans

le cadre d’un cours d’introduction en psychologie. Les participants étaient informés oralement

qu’ils devaient répondre en leur nom aux deux situations proposées (l’une concernant une

réussite, l’autre concernant un échec) de manière spontanée. Dans les faits, et pour chacune

des huit explications proposées pour expliquer la réussite ou l’échec à un examen, les

participants devaient exprimer l’intensité de leur accord ou de leur désaccord sur une échelle

en huit points – allant de 1 pas du tout d’accord à 8 tout à fait d’accord. L’ordre de

présentation des saynètes (réussite et échec) était contrebalancé. La position des explications

associées à chaque saynète variait également et était déterminée par l’intermédiaire de 20

tirages aléatoires. L’ensemble de l’épreuve (lecture des saynètes et réponses aux échelles)

durait environ 15 minutes.

2.3. Résultats

Une analyse de variance (ANOVA) à un facteur composé de 16 conditions de

traitement a été réalisée sur les données28. La variable dépendante était le score moyen

d’approbation (ou degré d’accord) obtenu pour chaque explication proposée. Ce score pouvait

donc varier de 1 à 8.

Pour tester l’hypothèse selon laquelle les explications en terme d’effort occasionnel

seraient, plus que d’autres, porteuses de valeur, sept contrastes non orthogonaux en situation

« réussite » et sept en situation « échec » ont été réalisés. Ils permettent de comparer la

moyenne des scores obtenus pour les explications en terme d’effort occasionnel à la moyenne

des scores obtenus à partir des autres catégories explications29. Une estimation de l’intensité

de chacun des contrastes a été également effectuée par l’intermédiaire du calcul de l’écart-

calibré (Corroyer & Rouanet, 1994)30. Les scores moyens d’approbation pour chacune des

28 Le choix de ne pas recourir à la décomposition de l’analyse canonique de type 2 (lieu de causalité) x 2 (contrôlabilité) x 2 (stabilité) est motivé par la nature même de l’hypothèse focale testée. En effet, l’hypothèse selon laquelle les explications en terme d’effort occasionnel seraient plus que d’autres porteuses de valeur implique de tester sept contrastes non orthogonaux. 29 La procédure de Bonferroni modifiée (Keppel, 1991) indique qu’aucune correction visant à éviter l’inflation du risque d’erreur de type I du fait du nombre de comparaisons non orthogonales ne s’impose ici. En effet, le nombre de contrastes effectués n’excède pas le nombre de degré de liberté d’effet de l’analyse (nombres de contrastes effectuées = 14 ; nombre de degré de liberté d’effet = 15). Le seuil de décision de rejet de l’hypothèse nulle par contraste est donc � = .05 avec Fcritique = 3.90 pour un ddleffet = 1 et un ddlerreur = 154. 30 Corroyer et Rouanet (1994) préconisent l’utilisation de conventions pour quantifier l’intensité d’un effet (Effet faible : EC = 0.20 ; Effet moyen : EC = 0.50 ; Effet important : EC = 1). L’intérêt de cet indice est qu’il permet de rendre de compte de la différence entre les moyennes de deux groupes appariés exprimée en nombre d’écarts-types.

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

106

huit explications proposées ainsi que les valeurs F de Fisher et écarts-calibrés des contrastes

sont présentés dans le tableau 3.1.

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

107

Tableau 3.1. Moyennes (et écarts-types) de chaque type d’explications et valeurs des tests de contrastes des explications avec celle en terme

d’effort d’occasionnel (F de Fisher et écarts-calibrés) en fonction de la valence de l’événement

Réussite

Echec

Moyenne

F(1, 154)

EC

Moyenne

F(1, 154)

EC

Effort occasionnel

6.24

__ __ 5.68

__ __

Interne / Contrôlable / Instable

(1.68)

(2)

Effort habituel 5.79 9.2* 0.34 4.45 48.66* 0.78 Interne / Contrôlable / Stable

(1.69)

(2.4)

Etat 4.45 88.12* 1.06 3.98 64.91* 0.91 Interne / Incontrôlable / Instable

(1.86)

(1.94)

Habileté 4.75 75.65* 0.98 4.16 40.74* 0.72 Interne / Incontrôlable / Stable

(1.8)

(2.18)

Autrui occasionnel 3.19 285. 13* 1.9 3.64 85.99* 1.04 Externe / Contrôlable / Instable

(1.89)

(1.79)

Autrui habituel 4.57 89.06* 1.06 4.26 41.52* 0.72 Externe / Contrôlable / Stable

(1.98)

(1.74)

Chance 3.54 172.09* 1.48 3.13 122.99* 1.25 Externe / Incontrôlable / Instable

(1.88)

(1.9)

Difficulté de la tâche 4.02 130.27* 1.28 4.62 21.97* 0.53 Externe / Incontrôlable / Stable

(1.83)

(1.77)

Note. * p < .05

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

108

En situation de réussite, les contrastes effectués révèlent qu’en moyenne le score

d’approbation pour recourir à une explication interne en appelant à l’effort occasionnel est

supérieur à celui obtenu pour les autres explications. L’estimation de l’écart-calibré effectuée

sur ces contrastes montre que l’intensité de ces différences est importante (ECs � 0.98),

excepté pour la différence entre les explications en terme d’effort occasionnel et d’effort

habituel qui se révèle d’intensité plutôt faible (EC = 0.34).

En situation d’échec, les contrastes effectués révèlent qu’en moyenne le score

d’approbation pour recourir à une explication interne en appelant au manque d’effort

occasionnel est supérieur à celui obtenu pour les autres explications. L’estimation de l’écart-

calibré montre que l’intensité de ces différences varie d’une intensité moyenne (EC = 0.53) à

une intensité importante (EC = 1.25).

2.4. Discussion

Globalement, ces résultats tendent à supporter l’idée selon laquelle les explications

internes ne sont pas toutes porteuses de valeur sociale au même titre. On rejoint là les résultats

d’autres travaux conduits dans la perspective sociocognitive de l’internalité (Jouffre, 2003a;

Pansu & Gilibert, 2002). En effet, nos résultats plaident en faveur d’une préférence sociale

pour les explications en terme d’effort occasionnel, qui plus que d’autres, semblent mobilisées

lorsqu’il s’agit d’expliquer spontanément des événements positifs et négatifs (Pansu, 2006).

Pour peu qu’on rapproche ces résultats de ceux obtenus dans d’autres recherches (Bressoux &

Pansu, 2003; Dubois, 1994; Jouffre et al., 2001) qui attestent d’une forte correspondance entre

les scores en consigne standard (répondre spontanément) et pronormative (répondre pour

donner une image favorable de soi), on peut voir dans cette préférence pour les explications

en appelant à l’effort occasionnel la manifestation d’une volonté de produire une image

socialement valorisée, donc d’une stratégie d’internalité bien particulière à des fins de

valorisation.

Si nos résultats tendent à supporter l’hypothèse d’une préférence sociale des

explications internes en appelant à l’effort occasionnel, reste à savoir si de telles explications

donnent effectivement lieu à de meilleurs jugements. Les études qui suivent ont été réalisées

dans cette optique et constituent une tentative d’appréciation de cette conjecture.

3. Etude 1b : Paradigme des juges

3.1. Vue générale

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

109

Dans cette étude, les participants ont été invités à se mettre à la place d’un évaluateur

(un enseignant) et devaient porter un jugement sur des cibles (des étudiants) connues pour

avoir donné une des huit explications causales utilisées dans l’étude 1 suite à une réussite ou

un échec à un examen universitaire.

3.2. Méthode

3.2.1. Participants

Quatre vingt étudiants de premier cycle universitaire, inscrits en Sciences Humaines et

Sociales dans les universités de Grenoble 2 et de Savoie, ont participé à l’étude. La moyenne

d’âge est de 20.88 ans (écart-type = 1.83).

3.2.2. Matériel et procédure

Le matériel utilisé dans cette expérience est identique à celui de l’étude précédente. Il

se compose des mêmes saynètes, l’une renvoyant à une réussite à un examen universitaire et

l’autre à un échec, et des mêmes huit explications causales (cf. annexe Ib).

Les participants, recrutés sur les sites des universités de Grenoble et de Chambéry, ont

été interrogés individuellement ou en petits groupes (< 11 personnes). Il leur était demandé,

non plus de répondre pour eux-mêmes mais de se mettre à la place d’un évaluateur

(enseignant). Ils étaient alors invités à porter un jugement de préférence pour chacune des huit

explications susceptibles d’être données tantôt par une cible (un étudiant) en position de

réussite ou tantôt par une cible en position échec. Plus précisément, les participants devaient

exprimer pour chaque explication leur degré d’appréciation sur une échelle en huit points,

allant de 1 (très peu appréciée) à 8 (très appréciée). Les saynètes de réussite et d’échec étaient

contrebalancées et les positions des explications associées aux deux saynètes ont été obtenues

par l’intermédiaire de 10 tirages aléatoires. L’ensemble de la passation durait environ 15

minutes.

3.3. Résultats

Comme dans l’étude 1a, les données ont été soumises à une analyse de variance

(ANOVA) à un facteur composé de 16 conditions de traitement (cf. note 28). La variable

dépendante était le score moyen de préférence (ou degré d’appréciation) obtenu pour chaque

explication. Il pouvait varier de 1 à 8.

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

110

Pour tester l’hypothèse selon laquelle les explications internes en appelant directement

à l’effort occasionnel feraient l’objet d’une meilleure appréciation que d’autres explications,

sept contrastes non orthogonaux en situation « réussite » et sept en situation « échec » ont été

réalisés31. Une estimation de l’intensité de chacun des contrastes a aussi été effectuée par

l’intermédiaire du calcul de l’écart-calibré. Les résultats sont présentés dans le tableau 3.2.

31 Comme dans l’étude précédente, la procédure de Bonferroni modifiée indique que le seuil � par contraste ne doit pas être corrigé. Le seuil de décision de rejet de l’hypothèse nulle par contraste s’élève ici à � = .05 avec Fcritique = 3.96 pour un ddleffet = 1 et un ddlerreur = 79.

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

111

Tableau 3.2. Moyennes (et écarts-types) de chaque type d’explications et valeurs des tests de contrastes des explications avec celle en terme

d’effort d’occasionnel (F de Fisher et écarts-calibrés) en fonction de la valence de l’événement

Réussite

Echec

Moyenne

F(1, 79)

EC

Moyenne

F(1, 79)

EC

Effort occasionnel

7

__ __ 5.33

__ __

Interne / Contrôlable / Instable

(0.97)

(2.07)

Effort habituel 6.49 10.27* 0.36 5.69 3.45 0.21 Interne / Contrôlable / Stable

(1.41)

(1.94)

Etat 4.04 180.81* 1.51 3.62 40.74* 0.72 Interne / Incontrôlable / Instable

(1.61)

(1.7)

Habileté 4.5 128.35* 1.27 3.6 34.45* 0.66 Interne / Incontrôlable / Stable

(1.72)

(1.81)

Autrui occasionnel 5.35 91.53* 1.08 2.83 77.45* 0.99 Externe / Contrôlable / Instable

(1.42)

(1.46)

Autrui habituel 6.66 3.96* 0.22 3.58 34.14* 0.66 Externe / Contrôlable / Stable

(1.48)

(1.87)

Chance 2.66 374.31* 2.18 2.41 113.97* 1.2 Externe / Incontrôlable / Instable

(1.74)

(1.63)

Difficulté de la tâche 3.55 229.56* 1.7 3.96 27* 0.58 Externe / Incontrôlable / Stable

(1.63)

(1.55)

Note. * p < .05

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

112

En situation de réussite, les contrastes effectués montrent que le score moyen de

préférence obtenu pour l’explication interne en appelant à l’effort occasionnel est supérieur à

celui des autres explications. L’estimation de l’écart-calibré montre que ces différences sont

toutes d’intensité importante (ECs � 1.08), excepté pour les différences entre, d’une part, les

explications en appelant à l’effort occasionnel et l’effort habituel (EC = 0.36) et, d’autre part,

celles en appelant à l’effort occasionnel et au pouvoir d’autrui de manière habituelle (EC =

0.22).

En situation d’échec, les contrastes effectués montrent que le score moyen de

préférence obtenu pour l’explication interne en appelant au manque d’effort occasionnel est

supérieur à celui des autres explications; à l’exception toutefois de la différence entre les deux

explications en appelant au manque d’effort : occasionnel dans un cas, habituel dans l’autre

(ns.). L’estimation de l’écart-calibré révèle que les différences significatives oscillent entre

une intensité moyenne et importante (0.58 � ECs � 1.2).

3.4. Discussion

Dans l’ensemble, les résultats vont dans le sens des prédictions de l’approche

sociocognitive de l’internalité concernant la valorisation des explications internes accentuant

l’aspect comportemental (effort et manque d’effort). Ils révèlent que les explications internes

en appelant à l’effort comportemental sont, indépendamment de la valence des événements,

plus appréciées que les autres explications, y compris des explications internes qui évoquent

des dispositions personnologiques en terme d’habileté. On notera toutefois que, si pour la

réussite le pattern de réponses observé est tout à fait conforme à nos prédictions (valorisation

de l’effort occasionnel), il est sensiblement différent en matière d’échec. Dans ce dernier cas,

on observe que l’explication en appelant au manque d’effort occasionnel est quasi-

systématiquement plus valorisée que les autres explications, à l’exception de celle en appelant

au manque d’effort habituel. Cela laisse à penser que le manque d’effort occasionnel comme

le manque d’effort habituel serait porteur d’un plus de valeur sociale. On peut voir là

l’expression d’un seul et même phénomène qui traduirait la valorisation sociale des

explications internes en appelant à l’effort.

Quoi qu’il en soit, notons que les résultats obtenus en matière d’échec, s’ils sont

conformes à nos prédictions, se distinguent radicalement de celles émises par les tenants de

l’approche attributionnelle (Weiner, 2000, 2003). Rappelons que, selon Weiner, les

prédictions concernant l’échec seraient tout autres : l’explication de l’échec par le manque

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

113

d’effort devrait susciter des jugements défavorables de la part des évaluateurs. Faut-il voir là

une remise en question de la valeur heuristique de l’approche attributionnelle ? Rien n’est

moins sûr. Mais on peut y voir, au moins, une limite quant à sa généralité en matière de

jugement social. Cette limite n’est probablement pas sans rapport avec la manière dont le

jugement social est souvent opérationnalisé dans l’approche attributionnelle (jugement de

sanction ou jugement de préférence affective). Cette remarque peut, de la même façon, valoir

pour l’approche sociocognitive de l’internalité (jugement de pronostic ou jugement de

préférence de valeur)32. C’est pourquoi, plutôt que de rechercher à départager les théories – ce

qui reviendrait à dire que l’une est plus « vraie » que l’autre – préférons-nous chercher à

déterminer sous quelles conditions et dans quels contextes l’une et l’autre sont valides

(McGuire, 1983, 1999). C’est là un des objectifs de l’étude 2 : spécifier le contexte de validité

des deux théories à partir de leur définition et opérationnalisation du jugement social. Aussi

peut-on concevoir que la nature du jugement à émettre ne soit pas sans expliquer la variation

des résultats observée dans les travaux issus de ces deux courants. C’est la raison pour

laquelle nous avons délibérément manipulé la nature du jugement dans cette dernière étude à

partir de la distinction entre jugement de sanction et jugement de pronostic de réussite et celle

communément opérée entre jugement de compétence et jugement de motivation. La prise en

compte de ces deux derniers n’a d’autre objectif que permettre d’étendre à d’autres jugements

(donc proposer une première tentative de généralisation) l’hypothèse selon laquelle les effets

des explications causales sont dépendants du jugement mobilisé.

4. Etude 2 : Paradigme des juges et spécificité des jugements sociaux

4.1. Vue générale

Dans cette étude, les participants ont été invités à porter quatre types de jugements

(sanction, pronostic de réussite, compétence et motivation) sur des cibles (élèves) supposées

rendre compte de leur réussite ou échec par des explications en appelant à l’effort occasionnel

(ou manque d’effort) ou des explications en appelant à l’habileté (ou manque d’habileté).

4.2. Méthode

4.2.1. Participants

32 Tout porte à croire que dans cette étude, où le jugement de préférence n’a pas été marqué explicitement en termes affectif ou de valeur sociale, que les sujets ont inféré qu’il s’agissait là d’un jugement sur la valeur des personnes.

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

114

Soixante trois étudiants inscrits en 3ème année de Licence de Sciences de l’Education à

l’université de Grenoble 2 ont participé à cette expérience. La moyenne d’âge est de 21.84 ans

(écart-type = 3.87).

4.2.2. Matériel et procédure

Les données ont été récoltées lors d’une passation collective durant laquelle un

questionnaire composé de trois pages était distribué aux participants. Sur la première page,

une consigne les invitait à se mettre à la place d’un enseignant d’une classe de CM2 restituant

les résultats d’un contrôle à ses élèves (cf. annexe Ic). L’issue du contrôle constituait une

première source de variation et pouvait être ou non favorable : réussite ou échec. Dans les

faits, parmi les quatre élèves (fictifs) présentés, deux d’entre eux étaient décrits comme ayant

réussi le contrôle et deux décrits comme l’ayant au contraire échoué. A cette première

distinction, une seconde source de variation fut ajoutée. Elle concerne le type d’explication

interne mobilisé par ces élèves pour rendre compte de l’événement. Ainsi, pour la condition

réussite, les deux élèves concernés se différenciaient par l’explication qu’ils étaient supposés

avoir donnée : l’un étant connu pour avoir donné une explication en terme d’effort, l’autre une

explication en terme d’habileté. Il en était de même pour les deux élèves de la condition

échec, les explications mobilisées renvoyant soit au manque d’effort, soit au manque

d’habileté. L’ordre de présentation des élèves dans le questionnaire était contrebalancé. Après

avoir pris connaissance des réponses supposées données par les élèves, les participants

devaient se prononcer sur chaque élève à partir de quatre échelles en 21 points. La première,

appelée « jugement de sanction », concernait le niveau de récompense/punition à attribuer à

l’élève (de –10, une très forte punition à +10, une très forte récompense). La deuxième,

appelée « jugement de pronostic de réussite » permettait aux participants de se prononcer sur

la probabilité de passage de l’élève dans classe supérieure (de –10, un passage très peu

probable à +10, un passage très probable). La troisième, dite échelle de « jugement de

compétence », permettait d’appréhender le niveau de compétence de l’élève (de –10, une

compétence très faible à +10, une compétence très forte). Enfin, sur la quatrième et dernière

échelle, les participants devaient indiquer leur perception du niveau de motivation de l’élève

(de –10, une motivation très faible à +10, une motivation très forte).

4.3. Résultats

Le plan 2 (type de renforcements : réussite vs. échec) x 2 (type d’explications : effort

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

115

occasionnel vs. habileté) a été traité par analyse de variance multivariée (MANOVA) sur les

quatre variables dépendantes que sont les jugements de sanction, de pronostic de réussite, de

compétence et de motivation. Les scores moyens obtenus par élève sur les quatre jugements

sont présentés dans le tableau 3.3.

Tableau 3.3. Moyennes (et écarts-types) des scores accordés par les participants sur les

différents jugements en fonction de la valence des événements et du type d’explications fourni

par l’élève

Réussite Echec

Effort Habileté Effort Habileté

Récompense/punition 7.21 (2.74)

4.29 (3.04)

-1.79 (3.18)

-0.59 (2.81)

Passage en 6ème 6.65 (2.46)

6.24 (2.72)

0.68 (3.47)

-0.02 (3.20)

Compétence perçue 5.27 (2.48)

6.63 (2.34)

1.81 (2.82)

0.34 (3.34)

Motivation perçue 8.44 (2.07)

4.08 (3.36)

-3.92 (4.34)

-2.41 (4.64)

La MANOVA met en évidence un effet principal de la valence de l’événement, R/Rao

(4, 59) = 82.34, p < .0001 : les élèves qui ont réussi le contrôle sont plus récompensés, F(1,

62) = 192.609, p < .0001, obtiennent un meilleur pronostic de passage dans la classe

supérieure, F(1, 62) = 201.80, p < .0001, sont perçus comme plus compétents, F(1, 62) =

149.811, p < .0001, et plus motivés, F(1, 62) = 285.22, p < .0001, que ceux qui ont échoué.

On observe également un effet principal du facteur « type d’explication », R/Rao (4,

59) = 5.01, p < .01 : les élèves qui expliquent leur performance par des explications en

appelant à l’effort ou au manque d’effort occasionnel sont plus récompensés, F(1, 62) = 9.54,

p < .01, obtiennent un meilleur pronostic de passage dans la classe supérieure, F(1, 62) =

3.81, p < .06, sont perçus comme plus motivés, F(1, 62) = 14.20, p < .001, que ceux ayant

donné des explications en appelant à l’habileté. En revanche, ils ne sont pas perçus comme

plus compétents, F(1, 62) = 0.05, ns.

Enfin, la MANOVA révèle un effet d’interaction significatif entre les facteurs « type

de renforcements » et « type d’explications », R/Rao (4, 59) = 25.96, p < .0001.

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

116

Les analyses univariées conduites séparément sur chacun des jugements montrent que

l’effet du type d’explications varie selon la valence des événements pour au moins trois

d’entre eux (voir tableau 3.3.)33 :

- Jugement de sanction, F(1, 62) = 55.49, p < .0001 : conformément à nos attentes,

l’élève qui explique la réussite par l’effort est plus récompensé que celui qui

l’explique par l’habileté. Inversement, dans le cas de l’échec, l’élève qui explique sa

performance par le manque d’effort est plus sanctionné que celui qui l’explique par le

manque d’habileté.

- Jugement de compétence, F(1, 62) = 19.14, p < .0001 : expliquer la réussite par

l’effort entraîne un jugement de compétence plus négatif que recourir à une

explication en terme d’habileté. Inversement, expliquer l’échec par le manque d’effort

entraîne un jugement de compétence plus positif que recourir à une explication en

terme de manque d’habileté.

- Jugement de motivation, F(1, 62) = 54.26, p < .0001 : émettre une explication en

terme d’effort pour expliquer sa réussite permet d’être perçu par un évaluateur comme

plus motivé que l’expliquer par l’habileté. Inversement, expliquer l’échec par le

manque d’effort conduit à une perception de motivation plus faible qu’expliquer ce

même échec par le manque d’habileté.

En revanche, on n’observe aucun effet d’interaction significatif sur le jugement de

pronostic de passage dans la classe supérieure, F(1, 62) = 0.25, ns.

4.4. Discussion

Les résultats de cette dernière étude montrent l’intérêt qu’il peut y avoir, pour le

chercheur, à prendre en compte la particularité des différents types de jugements mobilisés

lorsqu’on s’intéresse aux effets des explications en matière de jugement social. Les résultats

obtenus montrent clairement que l’effet du type d’explications mobilisé selon la valence des

événements varie en fonction de la nature du jugement considéré. En effet, pour les jugements

de sanction et de motivation, expliquer la réussite par l’effort entraîne un jugement plus

positif qu’émettre une explication en terme d’habileté et inversement en matière d’échec : le

manque d’effort étant perçu plus négativement que le manque d’habileté. On rejoint là les

présupposés de la théorie attributionnelle interpersonnelle (Weiner, 1995) qui, en matière de 33 Les comparaisons de moyennes décrites à la suite de la description des effets univariés de la MANOVA sont toutes significatives à p < .05 (HSD de Tukey).

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

117

jugement de sanction, a observé que le manque d’habileté est moins sanctionné puisqu’il

dédouanerait en quelque sorte l’individu de sa responsabilité en matière d’échec. Cela semble

également s’appliquer au jugement de motivation. Ceci n’est finalement guère surprenant si

l’on considère que la motivation perçue peut être vue comme un indice important pour

l’évaluateur qui doit émettre un jugement de sanction à l’encontre d’un autre agent social. En

revanche, le pattern inverse est observé en matière de jugement de compétence : les cibles

perçues comme les plus compétentes sont celles connues pour avoir émis des explications en

terme d’habileté dans le cas de la réussite et de manque d’effort dans le cas de l’échec. Cela

peut se comprendre dans la mesure où le jugement de compétence fait non plus appel à la

distribution immédiate des renforcements mais à l’évaluation du potentiel tel qu’il s’exprime

à partir de la performance réalisée et des explications choisies par l’évalué pour expliquer

cette performance. En matière de jugement de pronostic de réussite future, les résultats

supportent les conclusions des deux études précédentes. Ils montrent que l’émission

d’explications en appelant à l’effort occasionnel entraîne globalement un jugement plus

positif et ceci indépendamment de la valence des événements. Tout semble se passer un peu

comme si le recours au contrôle de l’individu tel qu’il s’exprime dans ce type d’explications

était un critère d’excellence central dans les théories implicites des évaluateurs (Pansu, 2004,

2006).

5. Conclusion

L’objectif de ce premier ensemble de recherches était double. Premièrement, dans la

continuité des travaux sur la norme d’internalité, il s’agissait de se demander si toutes les

explications internes impliquent de la valeur au même titre. Les résultats de cette série

d’études montrent l’intérêt qu’il peut y avoir à dépasser la seule distinction interne/externe

dans l’étude de la normativité des explications causales puisque les explications en appelant à

l’effort semblent ici porteuses de plus de valeur que d’autres explications internes et ce que

l’événement considéré soit positif ou négatif. Ces résultats supportent ceux obtenus dans

d’autres études conduites dans le milieu éducatif et professionnel (Jouffre, 2003a; Pansu &

Gilibert, 2002) qui montrent, indépendamment de la valence des événements, que les

explications en terme d’effort/manque d’effort occasionnel a) font l’objet d’une préférence

marquée lorsqu’il s’agit de s’autoprésenter (paradigme d’autoprésentation), et b) sont perçues

par des évaluateurs plus positivement que d’autres explications (paradigme des juges). A

suivre ces résultats, on pourrait penser d’emblée que l’effort serait fortement prisé dans les

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

118

sociétés occidentales parce qu’il permet précisément d’insister, à l’instar des autres

explications internes, sur l’aspect des caractéristiques propres à la personne mais aussi

d’inférer que cette personne peut exercer du contrôle sur les événements et modifier le cours

de ces derniers, notamment en matière d’échec (Pansu, 2004, 2006). Dans la perspective

sociocognitive de l’internalité, l’effort occuperait une place centrale dans les théories naïves

puisqu’il permettrait de dire ce que l’on peut faire avec les gens et de distribuer des

renforcements, donc d’évaluer.

Le second objectif de cet ensemble d’études était de s’interroger sur la validité

respective des approches sociocognitive de l’internalité et attributionnelle en matière de

jugement social. Si les résultats des deux premières études (études 1a et 1b) semblent surtout

soutenir les conclusions des théoriciens de l’approche sociocognitive de l’internalité, ils

contrastent, au moins de prime abord, avec les présupposés de l’approche attributionnelle

(Weiner, 1985a, 1995, 2000, 2003). A se limiter aux données recueillies dans ces deux études,

on serait tenté de dire que les résultats supportent davantage la première approche que la

seconde. Pourtant la moindre validité de l’approche attributionnelle n’est peut être

qu’apparente. Elle peut en effet ne tenir qu’à la nature du jugement impliqué par la tâche elle-

même. Dès lors qu’on s’intéresse de près à l’activité de jugement, il apparaît clairement que la

tâche demandée par les tenants de l’approche sociocognitive de l’internalité et ceux de

l’approche attributionnelle n’impliquent pas le même type de jugement. En effet, alors que

pour les premiers, le jugement social renvoie à une attribution de valeur opérationnalisée par

l’intermédiaire d’un jugement de recrutabilité ou d’un pronostic de réussite future (cf. pour

revue Dubois, 2003b), pour les seconds, le jugement social est opérationnalisé sous la forme

d’un jugement de sanction qui repose directement sur la distribution de récompenses et de

punitions subséquente à l’événement ou d’intentions comportementales à l’égard de cette

personne (e.g. aide à apporter). Cette différence que nous posons entre jugement sur la valeur

sociale (e.g. pronostic de réussite) et jugement de sanction (e.g. jugement affectif, jugement

moral) n’est pas des moindres puisqu’elle suppose que ces deux activités de jugement peuvent

être mobilisées dans des situations particulières et à des fins différentes. Alors que dans le cas

de l’approche sociocognitive de l’internalité, les évaluateurs doivent juger de la valeur sociale

des personnes, dans le cadre de l’approche attributionnelle, ils ont pour tâche de les punir ou

de les récompenser. Dès lors, ces deux approches pourraient s’avérer plus complémentaires

qu’antinomiques puisque les prédictions qu’elles permettent de faire sont issues de situations

différentes qui, elles-mêmes, assignent aux juges des objectifs différents. C’est ce que

supportent les résultats de l’étude 2. Les explications supposées mobilisées par les cibles à

Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social

119

évaluer conduisent à des jugements de pronostic et de sanction différents (surtout en matière

d’événements négatifs), validant ainsi empiriquement les deux conceptions sans pour autant

invalider l’une plutôt que l’autre (McGuire, 1983, 1999). Ainsi, un même élève connu pour

avoir donné une explication en terme de manque d’effort suite à un échec peut, à la fois, faire

l’objet d’un jugement de sanction défavorable et d’un jugement de pronostic de réussite

favorable (e.g. forte punition et pronostic de réussite élevé). Cette apparente incongruence

entre ces deux formes de jugement ne leur est pas spécifique. On la retrouve lorsqu’on

compare des jugements qui se démarquent dans leurs objectifs et finalités, comme c’est le cas

dans l’étude 2. Cette étude pointe l’intérêt qu’il peut y avoir à considérer le jugement social

non pas comme un jugement unidimensionnel mais au contraire de l’appréhender sous ses

multiples facettes (e.g. jugements de sanction, de pronostic, de compétence, de motivation)

susceptibles de rendre compte d’une activité de jugement spécifique dans un rapport social

particulier (e.g. contexte dans lequel le jugement est émis, rôle et statut des juges, des

évalués). Toutefois, considérer la possibilité d’une multiplicité des dimensions du jugement

social n’implique pas l’absence d’une organisation de ces dimensions qui peut varier en

fonction de la situation de jugement. C’est sans doute le cas des jugements de motivation et de

sanction dans un contexte méritocratique : une personne peu motivée est plus

« sanctionnable ».

Ces précisions étant maintenant faites, il nous faut resituer le lien de la valeur des

différentes explications avec l’évaluation. En effet, rappelons que notre objectif principal est

d’étudier la valeur sociale des différentes catégories d’explications internes. Les trois études

précédentes nous ont permis de mettre en évidence que les hypothèses émises dans le cadre de

la théorie de la norme d’internalité pouvaient être indépendantes de celles émises dans le

cadre de l’approche attributionnelle. Parce qu’elles ne portent pas sur le même objet d’étude

(valeur sociale des personnes pour la théorie de la norme d’internalité vs.

récompense/punition des individus pour l’approche attributionnelle), les conclusions émises

dans l’un de ces deux cadres théoriques n’ont aucune incidence sur celles émises dans l’autre.

L’objectif du chapitre suivant est donc d’étudier de façon plus approfondie la question de la

valeur sociale des différentes explications causales internes.

120

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

121

CHAPITRE 4

LA VALEUR SOCIALE DES EXPLICATIONS INTERNES EN

MILIEU NATUREL DE CLASSE

A suivre les résultats des études préliminaires 1a et 1b, il semble bien exister des

différences de valeur au sein des registres explicatifs interne et externe en matière de

renforcements. De ce point de vue, les explications en terme d’effort semblent être les plus

valorisées du registre interne indépendamment de la valence des événements. Toutefois,

l’étude 2 révèle que les effets des explications causales sur le jugement social varient en

fonction du type de jugement mobilisé. Ainsi, le recours à une même explication pour rendre

compte d’un événement peut entraîner un jugement favorable sur un type de jugement

spécifique et défavorable sur un autre. Les résultats de cette dernière étude laissent également

entendre qu’il est possible de valider simultanément les conclusions de l’approche

attributionnelle d’un côté et l’extension de la théorie de la norme d’internalité proposée par

Pansu et Gilibert (2002) de l’autre.

Pourtant si ces études préliminaires apportent quelques éléments de réponses

concernant la valeur des différents types d’explications causales au sein des registres interne

et externe en matière d’explications des renforcements, elles ne permettent pas véritablement

de conclure sur la possibilité d’une spécification de la théorie de la norme d’internalité. Une

première raison tient dans la généralisation de ces résultats à d’autres populations que celle

des étudiants (Sears, 1986). Ce point est d’autant plus essentiel que de nombreuses recherches

ont mis en évidence l’aspect général de la norme d’internalité à partir de travaux réalisés

auprès de populations très différentes (e.g. élèves, enseignants, recruteurs, travailleurs

sociaux). Dès lors, toute tentative de spécification de ce modèle théorique se doit de montrer

que les résultats obtenus ne sont pas spécifiques à une population donnée (i.e. les étudiants).

Une seconde raison porte sur l’opérationnalisation même de la norme d’internalité. En

effet, si les études préliminaires accréditent l’hypothèse de l’existence de variations de valeur

des explications causales internes, le matériel que nous avons utilisé se différencie sur

plusieurs points de celui habituellement employé dans les travaux sur la norme d’internalité.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

122

Dans les recherches classiques, indépendamment du paradigme mobilisé (paradigmes de

l’autoprésentation, de l’identification ou des juges), le matériel est systématiquement un

questionnaire d’internalité composé de plusieurs saynètes au travers desquels plusieurs

variables sont généralement manipulées (voir chapitre 2, Dubois, 1997; Jouffre, 2003b). Les

plus fréquentes sont le type d’événements (comportements vs. renforcements), le type

d’environnement (scolaire vs. familiale) ainsi que la valence des événements (positive vs.

négative). A contrario, le matériel utilisé dans les trois études préliminaires ne propose aux

participants que deux renforcements universitaires, l’un positif, l’autre négatif. Alors que les

chercheurs qui ont étudié la norme d’internalité ont toujours cherché à dépasser la spécificité

des événements en utilisant des événements multiples et variés, les résultats que nous avons

obtenus dans les trois premières études sont peut-être, tout simplement, propres au seul

renforcement positif et au seul renforcement négatif utilisés. On peut donc s’interroger sur la

capacité d’un tel matériel à capter la valeur des explications causales telle que l’étudie les

tenants de la théorie de la norme d’internalité dès lors que l’on ne mesure que les réactions

des individus face à un seul événement. Pour pouvoir rendre comparables ces résultats à ceux

obtenus dans le cadre de la théorie de la norme d’internalité et ainsi pouvoir étendre les

conclusions issues de nos études préliminaires, l’utilisation d’un questionnaire d’internalité

impliquant des événements plus nombreux et plus variés s’imposait.

Enfin, une troisième raison concerne le fait que la norme d’internalité interviendrait

tant dans l’explication des renforcements que dans celle des comportements. Or, jusqu’à

présent, nous ne nous sommes intéressés qu’au premier type d’événements psychologiques et

non au second. Aussi, nous fallait-il, pour tenter de généraliser nos conclusions à l’ensemble

des événements psychologiques, intégrer dans notre questionnaire des saynètes portant sur des

comportements. Cela semblait d’autant plus important qu’en matière d’explication des

comportements plusieurs résultats obtenus supportaient l’hypothèse d’une existence de

variations de valeur au sein des explications internes, tantôt en faveur des explications

personnologiques (Beauvois et al., 1991; Beauvois & Le Poultier, 1986), tantôt en faveur des

explications en terme d’intention comportementale (Castra, 1998; Desrumeaux-Zagrodnicki

& Rainis, 2000).

Dans les études qui suivent, nous avons cherché à pallier ces contrepoints. Tout en

restant dans le milieu académique, nous avons cherché à élargir et à tester nos hypothèses

dans le milieu scolaire élémentaire auprès d’élèves et d’enseignants. Nous avons aussi

modifié le matériel de manière à le rendre le plus comparable possible avec celui

habituellement utilisé dans les travaux sur la norme d’internalité, c’est-à-dire un outil

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

123

comprenant plusieurs types d’événements psychologiques, ce tant en matière de

comportements que de renforcements. Pour ce faire, nous avons créé un questionnaire

d’internalité répondant à nos besoins.

1. Etude 3 : Une étude en milieu naturel de classe

L’objectif de cette troisième étude était double. Il s’agissait de montrer 1) que le

matériel élaboré était bien en mesure de reproduire les effets classiques de la norme

d’internalité et 2) que ces effets pouvaient être spécifiés par une décomposition plus fine du

score d’internalité global.

1.1. Vue générale

Des élèves ont été invités à répondre au questionnaire d’internalité scolaire (version a)

dans le cadre du paradigme d’autoprésentation. Leurs enseignants respectifs ont été invités,

d’une part, à imaginer les réponses qu’ils pensent que chacun de leurs élèves auraient données

spontanément à ce même questionnaire et, d’autre part, à juger de leur niveau d’acquisition

scolaire en français et en mathématiques.

1.2. Méthode

1.2.1. Participants

Six cent soixante trois élèves issus de 38 classes de CE2 (3rd grade) provenant de

différentes régions de France (régions Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes) et leurs 38

enseignants respectifs, ont participé à cette étude. L’échantillon a été constitué en fonction

des autorisations obtenues (auprès des inspecteurs d’académie, des directeurs

d’établissement, des enseignants et des parents) et de la disponibilité des expérimentateurs

impliqués dans cette étude34. Comme nous le montre le tableau 4.1., les élèves sont issus de

milieux sociaux divers (classification INSEE).

34 Je remercie Stéphane Biboud, Laurence Reynier, et Caroline Roulet pour leur participation au recueil des données de cette étude.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

124

Tableau 4.1. Répartition de l’échantillon d’élèves en fonction de la catégorie

socioprofessionnelle du père, du sexe des élèves et de leur statut de redoublant

Garçon Fille

Redoublant Non redoublant Redoublant Non

redoublant

Cadre 1 21 0 32

Artisan 8 30 9 32

Profession intermédiaire 4 34 2 39

Employé 9 39 6 36

Ouvrier 17 94 16 107

Autre 24 40 23 40

L’échantillon est composé approximativement d’autant de filles (N = 343) que de

garçons (N = 321). Il y a près de cinq fois plus d’élèves non redoublants (N = 544) que

d’élèves redoublants (N = 119). Près d’un élève sur trois est enfant d’ouvrier (N = 234), les

autres catégories socioprofessionnelles étant représentées dans des proportions relativement

équivalentes (employé : N = 90 ; profession intermédiaire : N = 79 ; artisan : N = 79), les

enfants de cadres étant les moins nombreux (N = 54). Enfin, plus d’un élève sur cinq est

classé dans la catégorie « autre » (N = 127). Cette catégorie, sans signification particulière,

intègre les enfants dont le père est sans emploi (N = 100), agriculteur (N = 8), retraité (N = 3)

ou dont la profession n’est pas renseignée (N = 16).

1.2.2. Matériel

1.2.2.1. Les fiches d’identification des élèves

Le matériel utilisé dans cette étude est adapté de celui mis en place par Bressoux et

Pansu (1998; 2001a). Il incluait deux types de documents. Le premier était un ensemble de

fiches d’identification (cf. annexe IIa) à partir desquelles nous avons recueilli des

informations sociodémographiques sur les élèves (sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle

des parents), leurs scores aux épreuves standardisées de français et de mathématiques ainsi

que les jugements émis par leur enseignant concernant leur niveau dans ces deux disciplines

sur deux échelles en 11 points allant de 0 (très faible dans la discipline) à 10 (très fort dans la

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

125

discipline). Les épreuves standardisées utilisées dans cette étude sont passées au niveau

national par tous les élèves de CE2 (3rd grade) au début de l’année scolaire. Prendre en

compte ces scores ne revient pas à les considérer « comme des mesures d’un « vrai » niveau

d’acquisitions ; leur intérêt est de fournir un étalon de mesure commun à toutes les classes et

donc de rendre comparables les niveaux de performance des élèves » (Bressoux & Pansu,

2001a, p.357).

1.2.2.2. Le questionnaire d’internalité

Le second type de document utilisé est un questionnaire d’internalité scolaire. Il a été

spécialement construit pour les besoins de cette recherche et adapté aux enseignants et élèves

de cycle primaire.

1.2.2.2.1. Construction des items

Ce questionnaire d’internalité est inspiré de ceux déjà utilisés dans d’autres travaux

consacrés à l’étude de la norme d’internalité (Bertone et al., 1989; Dubois, 1994; Dubois &

Tarquinio, 1997; Jouffre, 2003a; Pichot, 1997). Conformément à la plupart des questionnaires

d’internalité déjà existants, ce questionnaire était composé à l’origine de 16 saynètes décrivant

des événements de la vie quotidienne scolaire. Ces événements ont été construits à partir

d’événements produits spontanément par les élèves (Jouffre, 2003a; Pichot, 1997). Ils

renvoyaient pour moitié à des comportements scolaires des élèves et pour l’autre moitié à des

renforcements scolaires. La valence des événements était également contrôlée de façon à

proposer autant d’événements positifs que négatifs. Enfin, chacun des événements proposés

était associé à quatre types d’explications causales. Ces explications ont été construites de

façon à refléter des propriétés causales spécifiques sur deux dimensions particulièrement

intéressantes dans l’étude de la normativité des explications causales (Beauvois, 1994;

Jouffre, 2003a; Pansu, 1994) : le lieu de causalité (interne vs. externe) et la stabilité (stable vs.

instable)35. Ces deux dimensions ont été croisées factoriellement pour permettre de constituer

35 Dans ce questionnaire, nous avons délibérément choisi de mettre de côté la dimension de la contrôlabilité et ce, pour deux raisons. La première est que nous avons observé, dans une étude pilote non présentée dans cette thèse, que les dimensions du lieu de causalité et de la contrôlabilité étaient difficilement différenciables (r > .90) dès qu’il s’agissait d’expliquer des renforcements scolaires proches de ceux que nous avons utilisé. La seconde raison est que si la dimension de la contrôlabilité peut être utilisée pour différencier les explications causales utilisées pour rendre compte des renforcements, aucune recherche à notre connaissance n’a utilisé ce critère pour classifier les explications mobilisées dans le cas des comportements. De ce point de vue, la dimension de la stabilité semble être adaptée pour distinguer les explications pour les comportements et pour les renforcements (Passer et al., 1978).

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

126

quatre catégories d’explications : les explications internes/stables, internes/instables,

externes/stables et externes/instables. Parallèlement à ces deux critères dimensionnels, les

explications proposées étaient construites de façon à prendre en compte la spécificité du

facteur causal auquel elles renvoient. Pour les renforcements, ces facteurs causaux étaient

l’effort, l’habileté, la difficulté de la tâche, et la chance. Pour les comportements, il s’agit de

l’intention, du trait, de la contrainte extérieure et d’autrui. Ainsi, chacune des explications

proposées était à la fois caractérisée par une orientation particulière sur l’un des pôles des

deux dimensions (I/E et S/I) mais également par une appartenance à une catégorie spécifique

d’explications. En matière de renforcements, les explications internes/instables renvoyaient

systématiquement à l’effort, les explications internes/stables à l’habileté, les explications

externes/stables à la difficulté de la tâche, et les explications externes/instables à la chance. En

matière de comportements, les explications internes/instables renvoyaient toujours à

l’intention de l’acteur, les explications internes/stables à un trait de l’acteur, les explications

externes/stables à l’existence d’une contrainte extérieure, et les explications externes/instables

au pouvoir ou à l’action d’autrui. Cette double classification (dimensionnelle et catégorielle)

avait pour but de pallier un problème inhérent à l’étude des explications causales et de leurs

effets. Comme l’ont souligné certaines recherches issues des théories attributionnelles (Krantz

& Rude, 1984; Russel & McAuley, 1986), l’utilisation de dimensions causales pour

caractériser les explications est loin d’épuiser la signification des causes. Avoir recours à des

catégories d’explications spécifiques avait pour objectif de nous permettre de nous assurer

d’une certaine homogénéité sémantique au sein des explications possédant des

caractéristiques dimensionnelles identiques. Toutefois, comme nous l’avons évoqué

précédemment (cf. chapitre 1), l’un des principaux problèmes rencontrés par l’approche

attributionnelle concerne la mesure des explications causales et la signification que celles-ci

revêt pour les individus (McAuley et al., 1992; Russel, 1982; Weiner, 1983). Appliquée à

l’étude de la valeur sociale des explications causales, le problème de la perception des

individus quant à la signification des explications causales implique de s’assurer de la

correspondance entre les propriétés des explications causales telles qu’elles sont perçues par

le chercheur et les propriétés de ces mêmes explications telles qu’elles sont perçues par les

individus naïfs. Deux prétests ont été réalisés afin de nous assurer de cette correspondance.

1.2.2.2.2. Prétest 1 du questionnaire d’internalité

Soixante seize étudiants inscrits en Licence de Sciences de l’Education à l’université

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

127

de Grenoble 2 ont participé au premier prétest. Le matériel était composé d’un questionnaire

de 5 pages. Sur les deux premières pages, les participants pouvaient lire une consigne les

invitant à se prononcer sur un certain nombre d’explications que des élèves de CE2 pouvaient

être amenés à exprimer à la suite d’un événement scolaire. Ils devaient se prononcer sur les

propriétés perçues des explications proposées. Il leur était précisé qu’ils devaient indiquer,

pour chaque explication, si celle-ci était interne ou externe36, et si celle-ci était stable ou

instable37. Il leur était également précisé qu’il n’y avait ni de bonnes, ni de mauvaises

réponses et que leurs réponses seraient toujours bonnes s’ils répondaient ce qu’ils pensaient

réellement. Les passations ont été réalisées lors d’une seule séance collective. Les participants

ont été divisés en deux groupes. Le premier groupe (N = 43) devait se prononcer sur les

propriétés des explications des comportements. Le second groupe (N = 33), quant à lui, devait

se prononcer sur les propriétés des explications des renforcements.

Pour chaque explication, les réponses des participants ont été classées en deux

catégories. Ces deux catégories opposent le nombre de participants en accord avec la

classification a priori à celui du nombre de participants en désaccord avec celle-ci38. Les

fréquences ainsi obtenues ont été traitées par l’intermédiaire de tests du X² (Siegel, 1956). Une

différence significative39 et dans le sens attendu indiquait que la majorité de l’échantillon

avait perçu l’explication en accord avec la classification a priori. Toutefois, le critère de

validité que nous avons choisi pour chaque événement impliquait que toutes les explications

proposées pour un même événement soient perçues sur les deux dimensions par la majorité de

l’échantillon comme ayant les propriétés supposées par la classification a priori. Ainsi, nous

n’avons considéré comme acceptable que les saynètes dont toutes les explications étaient

perçues par la majorité de l’échantillon comme conforme à la classification a priori sur les

deux dimensions. La présence d’une seule explication non conforme sur une des deux

dimensions aboutissait au rejet de la saynète entière.

Les données recueillies (cf. annexe IIb) ont mis en évidence que le pourcentage moyen

d’accord avec la classification a priori diffère en fonction de la dimension évaluée. En effet,

celui-ci est plus élevé sur la dimension du lieu de causalité que sur la dimension de la stabilité

36 Les participants devaient choisir entre deux possibilités : soit l’explication avait « à voir avec l’élève » (interne), soit elle n’avait « rien à voir avec l’élève » (externe). 37 Là encore, les participants avaient le choix entre deux options : soit l’explication pouvait « changer dans le temps » (instable), soit elle restait « pareil tout le temps » (stable). 38 Cette seconde catégorie inclut également les participants n’ayant pas fait de choix entre les deux possibilités sur la dimension considérée et ceux n’ayant pas donné de réponses. 39 A noter qu’étant donné le nombre relativement faible de participants dans chacun des deux groupes, nous avons choisi un critère de décision statistique moins stricte que pour d’autres analyses. Nous avons ainsi fixé, pour chaque X² calculé, comme seuil critique � = .10.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

128

(M = 78.49 % et M = 62.79 % respectivement). Ensuite, les tests du X² réalisés sur les

données mettent en évidence que certaines saynètes semblent plus consensuelles que d’autres.

A propos de la dimension du lieu de causalité, 7 saynètes sur 16 atteignent le critère de

validité retenu. Concernant la dimension de la stabilité, seuls 3 saynètes parviennent à

satisfaire le critère de validité. Enfin, le croisement de ces deux critères montre qu’aucune des

saynètes n’a atteint le critère que nous nous sommes fixé.

Etant donné l’absence d’un consensus satisfaisant sur les items construits, nous les

avons modifié de façon à enlever l’ambiguïté sous-jacente à certains d’entre eux. Suite à cette

modification, nous avons réalisé un nouveau prétest.

1.2.2.2.3. Prétest 2 du questionnaire d’internalité

Cent quatorze étudiants inscrits en 1e, 2e et 3e année de Psychologie à l’université de

Grenoble 2 ont participé à ce second prétest. Le matériel proposé est quasiment identique au

précédent. Seules les saynètes problématiques ont été modifiées. A la différence du prétest 1,

les participants devaient se prononcer à la fois sur les items de comportements et sur les items

de renforcements. L’ordre de présentation de ces deux types d’événements était contrebalancé

de façon à ce que les comportements et les renforcements se retrouvent autant de fois en

première qu’en seconde position dans le questionnaire. Les passations ont été effectuées lors

de différentes sessions collectives. La consigne, comme précédemment, invitait les

participants à caractériser les explications proposées sur les dimensions du lieu de causalité et

de la stabilité.

Les données recueillies ont été traitées de la même façon que celles du premier prétest

et les résultats obtenus (cf. annexe IIb) ont mis en évidence que le pourcentage moyen

d’accord avec la classification a priori plus élevé que lors du premier prétest. En effet, celui-

ci s’élève à 87.90 % sur la dimension du lieu de causalité (+ 9.41 %) et à 80.95 % sur la

dimension de la stabilité (+ 18.16 %). Les tests du X² ont montré que 12 saynètes sur 16

atteignent le critère de validité sur la dimension du lieu de causalité et que 12 saynètes sur 16

atteignent le critère sur la dimension de la stabilité. Le croisement des deux critères a montré

que 9 saynètes sur les 16 atteignent le critère de validité. Finalement, afin d’obtenir un

questionnaire contenant autant de comportements que de renforcements, autant d’événements

positifs que d’événements négatifs, trois saynètes40 ont été modifiées de façon à accentuer le

consensus autour des caractéristiques dimensionnelles des explications problématiques. 40 Deux concernant une explication sur la dimension de la stabilité et une concernant une explication sur la dimension du lieu de causalité.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

129

1.2.2.2.4. Structure du questionnaire d’internalité

C’est ce questionnaire d’internalité composé de 12 saynètes, dont 3 comportements

positifs, 3 comportements négatifs, 3 renforcements positifs, et 3 renforcements négatifs que

nous avons retenu. Quatre explications sont associées à chacune des 12 saynètes, soit au total

48 explications distinctes (cf. annexe IIc). Les répondants sont invités à choisir une et une

seule explication parmi les quatre proposées (questionnaire à choix forcé).

L’ordre de présentation des saynètes ainsi celui des explications qui leur sont

associées ont été déterminés par l’intermédiaire de tirages aléatoires.

Le questionnaire d’internalité scolaire ainsi constitué permet d’obtenir différents

scores. D’une part, il permet de calculer un score global d’internalité par individu à partir du

nombre d’explications internes choisies. Ce score global peut être lui-même décomposé en

scores spécifiques selon le type d’événements considéré (comportements vs. renforcements) et

selon leur valence (positive vs. négative). D’autre part, il permet de calculer différents scores

correspondant aux différentes catégories d’explications manipulées. Le recours au calcul de

ces différents scores devrait nous permettre de mieux étudier la valeur des explications

causales manipulées.

1.2.3. Procédure

Les passations ont été effectuées lors de deux sessions collectives espacées

d’approximativement deux semaines. Lors de la première session, les élèves étaient invités à

répondre au questionnaire d’internalité de façon spontanée (cf. annexe IId). Lors de la

seconde session, ils devaient à nouveau répondre au même questionnaire mais cette fois, soit

de façon à donner une bonne image d’eux-mêmes à leur enseignant (consigne pronormative),

soit de façon à donner une mauvaise image d’eux-mêmes (consigne contre normative).

L’ordre de présentation des consignes était contrebalancé entre les classes.

Les enseignants avaient, quant à eux, des tâches à réaliser durant chacune des deux

sessions. Durant la première session, ils devaient remplir une fiche d’identification concernant

chacun de leurs élèves et porter un jugement en français et en mathématiques sur deux

échelles en 11 points allant de 0 (niveau très faible) à 10 (niveau très élevé). Afin de ne pas

influencer le jugement des enseignants, les scores des élèves aux épreuves standardisées

étaient recueillis par l’expérimentateur à la fin de la première session. Durant la seconde

session, les enseignants devaient répondre au questionnaire d’internalité scolaire, non pas en

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

130

leur nom propre, mais au nom de chacun de leurs élèves. Pour ce faire, les enseignants étaient

invités à imaginer les réponses qu’aurait données spontanément chacun des élèves de leur

classe. Cette procédure était pour le moins coûteuse puisqu’elle impliquait que les enseignants

répondent à autant de questionnaires d’internalité qu’ils avaient d’élèves dans leur classe. Le

tableau 4.2. présente un récapitulatif de la procédure mise en place dans l’étude 3.

Tableau 4.2. Récapitulatif de la procédure de l’étude 3

Elèves Enseignants

Session 1 Répondre au questionnaire d’internalité en consigne

standard

Remplir les fiches d’identification des élèves

Juger leurs élèves en Français et mathématiques

Session 2 Répondre au questionnaire d’internalité en consignes pro et contre normative

Répondre au questionnaire d’internalité pour chacun de leurs élèves comme ils imaginent qu’ils auraient

répondu

Les différentes tâches demandées aux élèves et à leurs enseignants avaient pour

objectif de nous permettre de tester nos hypothèses dans le cadre de deux paradigmes

distincts. Le premier, le paradigme d’autoprésentation, a mobilisé les réponses des élèves au

questionnaire d’internalité scolaire à partir des trois consignes d’autoprésentation (consignes

standard, pronormative, contre normative). Le second, que nous avons appelé le paradigme

d’identification/jugement, consiste à mettre en rapport les réponses des enseignants au

questionnaire d’internalité scolaire au nom de chacun de leurs élèves et les jugements qu’ils

ont émis à leur endroit. Ce paradigme est issu de la méthode développée par Bressoux et

Pansu (1998; 2001a; 2003) pour étudier l’impact de la norme d’internalité sur le jugement

scolaire.

1.3. Analyses statistiques

Les données ont été traitées de deux manières différentes. Le premier ensemble

d’analyses visait à tester l’hypothèse selon laquelle les explications internes sont dans

l’ensemble plus valorisées que les explications externes. Dans un premier temps, les données

recueillies à partir du paradigme d’autoprésentation et à partir du paradigme

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

131

d’identification/jugement ont été analysées par l’intermédiaire du calcul d’un score

d’internalité global par élève.

Le second ensemble d’analyses visait à tester les hypothèses spécifiques concernant

l’existence d’une plus grande valorisation de certaines explications internes. Dans un second

temps, ces mêmes données ont été traitées sur la base des différentes catégories utilisées dans

le questionnaire d’internalité scolaire. Plus particulièrement, conformément aux résultats

obtenus par Pansu et Gilibert (2002) ainsi qu’à nos résultats antérieurs, nous nous attendons à

ce que les explications les plus valorisées en matière des renforcements soient celles en terme

d’effort de l’acteur et cela indépendamment de la valence des événements. En matière de

comportements, conformément aux présupposés théoriques de Beauvois (Beauvois et al.,

1991; Beauvois & Le Poultier, 1986), nous nous attendons à ce que les explications les plus

valorisées en matière de comportements soient les explications personnologiques,

indépendamment de leur positivité ou de leur négativité.

1.3.1. Analyses sur le score global d’internalité

1.3.1.1. Paradigme d’autoprésentation (élèves)

Les données ont tout d’abord été traitées par analyse de variance à partir du plan

suivant : 3 (type de consigne : standard vs. pronormative vs. contre normative) x 2 (type

d’événements : renforcements vs. comportements) x 2 (valence des événements : positive vs.

négative). La variable dépendante est le score moyen d’internalité. Dans un souci de synthèse

et de clarté, nous n’avons présenté ici que les effets significatifs. Les scores d’internalité

moyens en fonction du type de consignes, du type d’événements et de leur valence sont

présentés dans le tableau 4.3.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

132

Tableau 4.3. Scores d’internalité (et écarts-types) en fonction du type de consigne, du type

d’événements et de leur valence (autoprésentation)

Comportements Renforcements

Positifs Négatifs Positifs Négatifs

Standard 1.41a (0.86)

1.04b (0.95)

2.18b (0.85)

2.17a (0.91)

Pronormative 1.46a (0.87)

1.12b (0.97)

2.40a (0.78)

2.24a (0.91)

Contre normative

1.24b (0.93)

1.74a (0.82)

0.67c (0.89)

1.01b (0.97)

Note. Les scores indicés par une lettre distincte en colonne sont significativement différents à p < .05 (HSD de Tukey).

Tout d’abord, l’analyse de variance met en évidence un effet principal du type de

consigne, F(2, 1324) = 355.71, p < .0001, �² = .35. Le score d’internalité moyen est plus élevé

en consigne pronormative (M = 1.81) que celui obtenu en consigne standard (M = 1.70), ces

deux derniers scores étant plus élevés que celui obtenu en consigne contre normative (M =

1.17)41.

L’ANOVA révèle également un effet principal du type d’événements, F(1, 662) =

520.15, p < .0001, �² = .44. Le score d’internalité moyen est globalement plus élevé pour les

renforcements (M = 1.78) que pour les comportements (M = 1.34).

L’interaction entre le type de consignes et le type d’événements est significative, F(2,

1324) = 687.36, p < .0001, �² = .51. En consigne standard, le score d’internalité moyen est

plus élevé pour les renforcements (M = 2.18) que pour les comportements (M = 1.23). De la

même façon, en consigne pronormative, le score d’internalité moyen est également plus élevé

pour les renforcements (M = 2.32) que pour les comportements (M = 1.13). En revanche, en

consigne contre normative, le score d’internalité moyen est moins élevé pour les

renforcements (M = 0.84) que pour les comportements (M = 1.49).

L’interaction entre le type de consigne et la valence des événements est également

significative, F(2, 1324) = 117.20, p < .0001, �² = .15. En consigne standard, le score

41 Les comparaisons de moyennes par paires consécutives à la décomposition des effets principaux et d’interactions de l’ANOVA ont été testées par l’intermédiaire du test HSD de Tukey (Hancock & Klockars, 1996). Les différences indiquées sont significatives à p < .05.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

133

d’internalité moyen est globalement plus élevé pour les événements positifs (M = 1.80) que

pour les événements négatifs (M = 1.61). De la même façon, le score d’internalité moyen est

également plus élevé pour les événements positifs (M = 1.93) que pour les événements

négatifs (M = 1.68). Par contre, en consigne contre normative, le score d’internalité moyen est

également moins élevé pour les événements positifs (M = 0.96) que pour les événements

négatifs (M = 1.38).

L’interaction entre le type d’événements et leur valence est également significative,

F(1, 662) = 11.13, p < .001, �² = .02. Le score d’internalité moyen est plus positif pour les

comportements positifs (M = 1.37) que pour les comportements négatifs (M = 1.30) alors que

la différence entre les renforcements positifs et négatifs n’est pas significative (M = 1.75 et M

= 1.80 respectivement).

Enfin, l’interaction entre le type de consignes, le type d’événements et la valence des

événements est également significative, F(2, 1324) = 18.72, p < .0001, �² = .03. Pour les

comportements positifs, le score d’internalité moyen n’est pas plus élevé en consigne

pronormative (M = 1.41) qu’en consigne standard (M = 1.46), bien que ces deux scores se

différencient de celui obtenu en consigne contre normative (M = 1.24). Pour les

comportements négatifs, cette fois, le score d’internalité moyen, s’il n’est pas

significativement plus élevé en consigne pronormative (M = 1.12) qu’en consigne standard

(M = 1.04), s’avère être le plus élevé en consigne contre normative (M = 1.74). Pour les

renforcements positifs, c’est en consigne pronormative que le score d’internalité moyen est

significativement le plus élevé (M = 2.40). Le score moyen en consigne standard (M = 2.18)

se différencie significativement de celui obtenu en consigne contre normative (M = 0.67).

Enfin, pour les renforcements négatifs, le pattern de résultats ressemble à celui obtenu pour

les comportements positifs : le score d’internalité moyen ne se différencie pas

significativement entre la consigne standard (M = 2.17) et la consigne pronormative (M =

2.24) mais les scores d’internalité moyens obtenus dans ces deux conditions sont

significativement plus élevés que celui observé en consigne contre normative (M = 1.01).

L’analyse de variance met en évidence que, dans l’ensemble, les résultats sont

conformes à ceux obtenus dans le cadre des travaux sur la norme d’internalité. L’internalité

apparaît bien plus valorisée que l’externalité. En moyenne, les élèves sont plus internes en

consigne pronormative qu’en consigne standard, leur score d’internalité chutant de façon

importante en consigne contre normative par rapport à ces deux conditions.

Ces résultats, s’ils sont conformes à ceux obtenus dans le cadre de l’étude de la norme

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

134

d’internalité, doivent toutefois être nuancés. En effet, les comparaisons par paires révèlent

que, pour les élèves, les explications internes ne semblent être valorisées que pour trois types

d’événements sur quatre : les comportements positifs, les renforcements positifs et les

renforcements négatifs. En effet, si pour ces trois types d’événements, le score d’internalité

augmente ou a minima reste identique en consigne pronormative comparativement au score

obtenu en consigne standard, il chute massivement en consigne contre normative. En

revanche, pour les comportements négatifs, le pattern inverse est observé. Si la différence

entre le score d’internalité en consigne standard et celui en consigne pronormative n’est pas

significative, ces deux scores sont significativement plus faibles que celui en consigne contre

normative. Il semblerait donc que les élèves aient perçu ces explications internes comme

pouvant produire chez leurs enseignants une image défavorable.

Toutefois, comme nous l’avons déjà évoqué, le paradigme de l’autoprésentation ne

permet pas à lui seul de conclure sur la valeur des explications causales. Les élèves peuvent

choisir de mobiliser différentes stratégies et baser leurs réponses sur d’autres critères de la

normativité. Il est donc nécessaire de regarder ce qu’il en est du point de vue des enseignants.

1.3.1.2. Paradigme d’identification/jugement (enseignants)

Le paradigme d’identification/jugement est une méthode dérivée du « paradigme

écologique » développée par Bressoux et Pansu (1998; 2001a; 2003). Très proche du

paradigme des juges, il consiste à mettre en correspondance la perception des enseignants

quant aux réponses que donneraient leurs élèves à un questionnaire d’internalité et leur

jugement sur chacun de leurs élèves. La différence entre les deux réside principalement dans

le fait que, dans le paradigme des juges, les perceptions des juges sont déterminées par les

réponses des cibles alors que dans le paradigme d’identification/jugement, elles ne sont pas

directement guidées par les réponses des cibles mais par la connaissance qu’ils ont de ces

cibles dans le cadre d’interactions quotidiennes. En ce sens, le paradigme

d’identification/jugement n’est pas totalement assimilable à un paradigme des juges à

proprement parler. En effet, alors que dans le paradigme des juges, les juges ont directement

accès aux réponses des cibles, ceux placés dans le paradigme d’identification/jugement ne

disposent pas de cette information. Ainsi, alors que les réponses des cibles correspondent

théoriquement toujours à celles qui sont perçues par les juges dans le premier paradigme, ce

n’est pas forcément le cas dans le second. Dans ce dernier, il est possible d’observer une

décorrélation entre ce que répondent les cibles (les élèves) et ce qu’imaginent les juges (les

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

135

enseignants). Toutefois, afin de tester nos hypothèses, nous avons choisi de recourir

préférentiellement à la perception des enseignants des réponses de leurs élèves au

questionnaire d’internalité scolaire plutôt que de prendre en compte les réponses

effectivement données par les élèves. Ce choix repose sur l’idée que la perception des

enseignants de l’internalité de leurs élèves est une variable plus proximale de leurs jugements

que ne le sont les réponses au questionnaire des élèves eux-mêmes. En ce sens, la perception

des enseignants peut être considérée comme un médiateur de la relation entre l’internalité

spontanée des élèves et les jugements scolaires (cf. encadré 1).

Pour mesurer l’impact de l’internalité perçue par les enseignants sur leur jugement,

nous avons construit un modèle de base contenant quelques uns des principaux déterminants

du jugement scolaire. Ce modèle intègre comme variables indépendantes le score moyen des

élèves aux épreuves standardisées, le niveau scolaire moyen de la classe à ces épreuves, la

catégorie socioprofessionnelle du père des élèves, leur sexe (garçon vs. fille) ainsi que leur

histoire scolaire (redoublant vs. non redoublant). La variable dépendante est le jugement

scolaire moyen. Le score moyen des élèves aux épreuves standardisées, le niveau scolaire

moyen de la classe ainsi que le jugement scolaire moyen ont été obtenus en agrégeant les

variables correspondantes en français et en mathématiques. Ainsi, le score moyen des élèves

aux épreuves standardisées a été obtenu en moyennant leurs scores aux épreuves de français

et de mathématiques (� de Cronbach = .85). Le score moyen de la classe a été obtenu à partir

des moyennes de classes à ces deux ensembles d’épreuves (� de Cronbach = .91). Enfin, le

jugement scolaire moyen a été obtenu en faisant la moyenne par élève des jugements en

français et en mathématiques (� de Cronbach = .89).

Bien que certaines variables incluses dans le modèle de base soient très pertinentes dès

lors que l’on cherche à mieux comprendre les mécanismes qui sous-tendent le jugement

scolaire (cf. encadré 1), elles n’ont pas d’intérêt théorique à proprement parler dans le cadre

de ce travail de thèse et sont à considérer comme des variables de contrôle.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

136

Encadré 1 : Vers un modèle intégratif du jugement scolaire

(adapté de B. Dompnier et al., 2006)

L’étude des déterminants du jugement scolaire est un domaine de recherches

particulièrement intéressant dès lors qu’on cherche à mieux connaître les dynamiques à l’œuvre dans les situations d’apprentissages. En effet, de par ses fonctions formative et sommative, le jugement scolaire est au cœur du fonctionnement du système éducatif (Monteil, 1990). Mais le jugement scolaire n’est pas uniquement le reflet du niveau de performances scolaires des élèves. D’autres informations sont prises en compte par les enseignants pour juger leurs élèves (Bressoux & Pansu, 2003). L’objectif ici est de proposer un modèle des mécanismes qui sous-tendent le jugement scolaire. Ce modèle prend en compte certaines de ces informations et vise à clarifier deux points. Quelles informations les enseignants utilisent-ils pour juger leurs élèves ? Quel rôle jouent-elles dans la construction des jugements scolaires ?

Globalement, les recherches ont montré que différents facteurs intervenaient dans le jugement scolaire. Le premier facteur est le niveau de performances effectives des élèves. De nombreuses études ont montré que les évaluations des enseignants dans des disciplines spécifiques étaient très fortement reliées aux performances des élèves mesurées à partir de tests standardisés. Par exemple, Hoge et Coladarci (1989) ont observé que, bien que les corrélations entre les performances des élèves sur ce type de tests et le jugement des enseignants pouvaient varier fortement d’un enseignant à l’autre (de .28 à .92), la corrélation médiane entre ces deux mesures était relativement forte (environ .66).

Un deuxième facteur susceptible d’intervenir dans la construction du jugement scolaire est la tendance des individus à coter de façon similaire des dimensions perçues comme proches ou logiquement reliées. Cette tendance, considérée comme un type spécifique d’effet de halo (Balzer & Sulsky, 1992; W. H. Cooper, 1981; Nisbett & Wilson, 1977a), peut influencer les enseignants lorsqu’ils doivent émettre des jugements concernant le niveau des élèves dans des disciplines spécifiques.

Un troisième facteur est le contexte dans lequel le jugement est produit. Plusieurs recherches ont en effet rapporté que les jugements réalisés par les enseignants dépendaient en partie du niveau moyen de la classe (Duru-Bellat & Mingat, 1993). Au-delà de leurs performances effectives, les élèves sont mieux jugés dans une classe dans laquelle le niveau moyen de performances est faible que dans une classe où ce niveau est fort.

Un quatrième facteur concerne la connaissance qu’ont les enseignants des caractéristiques individuelles des élèves (Dusek & Joseph, 1983) et plus particulièrement de leur histoire scolaire (Duru-Bellat & Mingat, 1993). Par exemple, Bressoux et Pansu (1998, 2001) ont montré que la connaissance des enseignants du redoublement des élèves a un effet sur leurs jugements : à niveau de performances égal, les élèves qui ont redoublé au moins une fois sont moins bien jugés que ceux n’ayant jamais redoublé.

Enfin, un cinquième facteur susceptible d’intervenir sur le jugement scolaire concerne la nature sociétale de l’évaluation académique. D’après Smith (1989), l’école, en tant que structure organisationnelle, est influencée par ce qui est valorisé dans la société, telles que peuvent le refléter certaines normes sociales de jugement (Dubois, 2003b). Parmi les différentes normes sociales de jugement, la norme d’internalité est celle qui a fait l’objet du plus grand nombre de travaux (Beauvois & Dubois, 1988; Dubois, 1994; Jellison & Green, 1981; Pansu, 2006; Pansu, Bressoux et al., 2003; Weary, Jordan, & Hill, 1985). De nombreuses recherches ont montré que plus les élèves sont internes, plus ils sont jugés favorablement (Bressoux & Pansu, 2003).

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

137

Un modèle intégratif du jugement scolaire L’objectif ici est de proposer un modèle intégratif qui incorpore plusieurs des

déterminants des jugements sur la valeur scolaire en français et en mathématiques, deux disciplines importantes dans le système éducatif français. Ce modèle suppose que les jugements émis par les enseignants dans des disciplines spécifiques sont sous l’influence de différentes variables : les performances des élèves en français et en mathématiques, le niveau moyen de la classe dans ces deux disciplines, les caractéristiques individuelles des élèves et l’adhésion des élèves à la norme d’internalité. De plus, ce modèle propose une organisation causale entre la clairvoyance normative des élèves (Guingouain, 2001; Py & Ginet, 1999, 2003; Py & Somat, 1991, 1996; Somat & Vazel, 1999)42, leur expression spontanée de l’internalité et la perception qu’ont les enseignants de leur internalité. Plus spécifiquement, le modèle prédit que : 1. Les performances effectives des élèves ont un effet direct positif sur les jugements

des enseignants dans la discipline correspondante : plus le score des élèves aux épreuves standardisées est élevé dans une discipline donnée (français ou mathématiques), plus le jugement des enseignants devrait être favorable dans cette discipline.

2. Les performances effectives des élèves ont un effet direct et positif sur les jugements des enseignants dans d’autres disciplines : plus le score des élèves aux épreuves standardisées est élevé dans une discipline donnée (e.g. français), plus le jugement des enseignants devrait être favorable dans une autre (e.g. mathématiques).

3. Le contexte de classe devrait influencer le jugement scolaire : plus le niveau moyen de la classe est élevé dans une discipline donnée (français ou mathématiques), plus le jugement des enseignants devrait être sévère dans cette même discipline.

4. L’histoire scolaire des élèves devrait également influencer directement les jugements des enseignants : on s’attend à ce que les redoublants soient moins bien jugés que les autres, en français comme en mathématiques.

5. Les jugements des enseignants devraient être influencés par la perception qu’ils ont de l’internalité de leurs élèves : plus les enseignants pensent que leurs élèves choisiraient des explications internes, plus leur jugement devrait être favorable, en français comme en mathématiques.

Concernant l’internalité perçue par les enseignants, le modèle prédit également que : 6. La perception qu’ont les enseignants de l’internalité de leurs élèves doit dépendre

pour partie des réponses spontanées des élèves : plus les élèves choisissent d’explications internes en consigne standard, plus les enseignants devraient les percevoir comme étant internes dans leur choix explicatif.

7. La connaissance des élèves de la valorisation sociale des explications causales (clairvoyance normative, voir Py & Somat, 1991) devrait les amener à produire des réponses socialement adaptées : plus les élèves sont clairvoyants, plus ils devraient spontanément choisir d’explications internes (consigne standard).

42 Rappelons que la clairvoyance normative est définie comme « une connaissance (versus une non-connaissance) du caractère normatif ou contre-normatif d’un type de comportements sociaux, ou d’un type de jugements » (Py & Somat, 1991, p.172). La clairvoyance de la norme d’internalité désigne la connaissance du caractère socialement valorisé des explications internes et du caractère socialement dévalorisé des explications externes. La mesure du niveau de clairvoyance de l’internalité passe par la passation des consignes pro et contre normatives du paradigme d’autoprésentation. Le score de clairvoyance de chaque participant est obtenu à partir de la différence intraindividuelle entre le nombre d’explications internes choisies en consigne pronormative et le nombre d’explications internes en consigne contre normative. Plus le score de différence est positif, plus l’individu est considéré comme clairvoyant.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

138

Enfin, parce que juger des compétences des élèves en français et en mathématiques sont des activités très similaires, le modèle prédit que les erreurs de ces deux variables endogènes devraient être corrélées (Kenny, 2004).

Note méthodologique

Ce modèle du jugement scolaire a été testé en milieu naturel de classe à partir des deux échantillons constitués pour l’un de 663 élèves et pour l’autre de leurs 38 enseignants (cf. tableau 1, p.6, programme de recherche 2). A la différence des analyses réalisées dans le cadre du paradigme d’identification/jugement de l’étude 3, les scores des élèves aux épreuves standardisées de français et de mathématiques, de même que les scores moyens de la classe dans ces deux disciplines ainsi que les jugements relatifs à ces deux matières, n’ont pas été agrégés. Nous avons procédé de cette manière de façon à mettre en évidence l’effet réciproque des performances des élèves dans une discipline sur le jugement des enseignants dans l’autre discipline (effet de halo).

Un score de clairvoyance normative des élèves a été obtenu en calculant, pour chaque élève, le nombre d’explications internes choisies en consigne pronormative moins le nombre d’explications externes choisies en consigne contre normative. Plus la différence est positive, plus l’élève peut être considéré comme clairvoyant.

Analyses statistiques

Les données récoltées ont été traitées par l’intermédiaire d’analyses de trajet (Kline, 2005). Les différents modèles ont été estimés à partir de la méthode du maximum de vraisemblance (ML). Différents indices ont été utilisés pour déterminer l’adéquation des modèles testés avec les données (Bentler, 1990; Bentler & Bonnet, 1980; Hair, Anderson, Tatham, & Black, 1998; Kline, 2005; MacCallum & Austin, 2000; Medsker, Williams, & Holahan, 1994; Mulaik et al., 1989). Premièrement, nous avons utilisé des indices d’ajustement absolus de façon à déterminer dans quelle mesure les modèles prédisaient la matrice de covariance observée. Ces indices sont le Chi-deux d’ajustement (X²), le « goodness-of-fit-index » (GFI), le « standardized root mean-square residual » (SRMR) et le « root mean-square error of approximation » (RMSEA) et ses intervalles de confiance (90%). Alors qu’une valeur plus petite ou égale à .05 pour le SRMR et .08 pour le RMSEA indique un ajustement acceptable du modèle aux données, une valeur de .90 ou plus est nécessaire pour le GFI. En ce qui concerne le X², il est attendu un résultat non significatif (p>.05). Cet indice étant affecté par la taille de l’échantillon (plus l’échantillon est important, plus la valeur du X² augmente), nous l’avons corrigé en divisant sa valeur par le nombre de degrés de liberté (le « normed chi-square » : X²/df). Jöreskog (1969) propose d’utiliser ce ratio plutôt que le X² lorsque l’échantillon est inhabituellement important (supérieur à 200). Toutefois, les recommandations visant à déterminer un ajustement satisfaisant varient. Alors que certains auteurs suggèrent que ce ratio doit au maximum être de cinq (Hair et al., 1998), d’autres suggèrent qu’il ne doit pas dépasser trois (Kline, 2005). Deuxièmement, en plus des indices d’ajustement absolus, nous avons utilisé des mesures d’ajustement incrémentielles de façon à évaluer l’augmentation de l’ajustement des modèles comparativement au modèle nul. Ces indices sont le « adjusted goodness-of-fit index » (AGFI), le « comparative fit index » (CFI), le « nonnormed fit index » (NNFI, connu également comme le « Tucker-Lewis index ») et le « normed fit index » (NFI). Une valeur acceptable de l’augmentation de l’ajustement est de .90 sur chaque indice.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

139

Résultats La solution du modèle théorique est présentée dans la figure 4.1.

Jugement en Mathématiques

Score d’internalité perçu par l’enseignant

Score moyen de la classe(Français)

Redoublant

Score de clairvoyance normative

Score moyen de la classe (Mathématiques)

Score aux épreuves standardisées

(Mathématiques)

Score d’internalité avec une consigne standard

Score aux épreuves standardisées (Français)

D.60

D.64

Jugement en Français

D.99

D.98

.07*

.54* .10*

.23*

.08*.22*

.16*

.67*

.62*

-.17*

-.25*

-.19*

-.32*

.51*

.85*

.43*

.41*

.49*

.74*

.06

.08*

.12*

.19* -.09*

-.10*

-.29*

-.35*

-.08*

*p<.05

Figure 4.1. Résultats obtenus pour le modèle théorique

Globalement, les résultats indiquent que tous les coefficients sont statistiquement

significatifs (p < .05) et vont dans le sens attendu. Les jugements des enseignants en français et en mathématiques sont bien reliés aux performances des élèves dans ces deux disciplines (français : β = .62 ; mathématiques : β = .67). Un effet de halo apparaît également. Les performances des élèves en français sont reliées au jugement des enseignants en mathématiques (β = .16). Inversement, les performances des élèves en mathématiques sont reliées au jugement des enseignants en français (β = .23). Le niveau moyen de la classe dans les deux disciplines influence le jugement des enseignants dans ces disciplines (français : β = -.25 ; mathématiques : β = -.32). Les redoublants sont moins bien jugés que les non redoublants en français (β = -.19) comme en mathématiques (β = -.17). Enfin, les scores d’internalité perçus par les enseignants sont reliés au jugement en français (β = .10) et en mathématiques (β = .07). De plus, comme attendu, les scores de clairvoyance normative des élèves prédisent leurs scores d’internalité en consigne standard (β = .22), qui eux-mêmes prédisent les scores d’internalité perçus par les enseignants (β = .08).

La pertinence du modèle théorique est également étayée par les valeurs prises par ce modèle sur les différents indices d’ajustement absolus et incrémentiels (X²/df = 2.82, GFI = .99, SRMR = .04, RMSEA = .05, AGFI = .96, CFI = .99, NNFI = .98, NFI = .99). En effet, le modèle théorique obtient des valeurs satisfaisantes sur tous ces indices.

Une fois le modèle théorique testé, nous avons cherché à déterminer si le modèle théorique pouvait être amélioré par l’ajout de liens supplémentaires pertinents. Pour ce faire, nous avons conduit une recherche basée sur des considérations théoriques. Sur la base de la nature de la tâche donnée aux enseignants lorsqu’ils doivent répondre à la place de chacun de leurs élèves (consigne d’identification), on peut émettre l’hypothèse que leurs perceptions de l’internalité de leurs élèves est une type particulier de tâche d’attribution (perception d’attributions) qui guiderait les jugements des enseignants. En conséquence, on devrait s’attendre à ce que les perceptions des enseignants de l’internalité de leurs élèves soient

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

140

influencées par d’autres variables. En particulier, l’internalité perçue pourrait être reliée aux performances effectives des élèves, au niveau moyen de la classe et à l’histoire scolaire des élèves. De façon à voir si plus de paramètres libres nécessitaient d’être ajoutés au modèle théorique, nous avons utilisé le Lagrange Multiplier test avec une procédure pas-à-pas. (Bentler, 2002; Chou & Bentler, 1990). Cette procédure, qui débute avec un modèle restreint et teste une séquence de modèles hiérarchiques différents les uns des autres uniquement par l’inclusion d’un lien additionnel, fournit des informations concernant les effets de chaque paramètre individuel sur l’amélioration du modèle. Les paramètres sont évalués par une procédure pas-à-pas ascendant en fonction de leur importance. A chaque pas, un X² univarié significatif implique que fixer les paramètres examinés devrait augmenter l’ajustement du modèle. Les valeurs des X² univariés pour chaque pas et leur degré de significativité sont présentés dans le tableau 4.4.

Tableau 4.4. Procédure pas-à-pas d’ajustement du modèle (Lagrange Multiplier test). Pas X² univarié 1. Scores des élèves aux épreuves standardisées de français 19.95* 2. Niveau moyen de la classe en français 10.98* 3. Scores des élèves aux épreuves standardisées de mathématiques 3.46 4. Niveau moyen de la classe en mathématiques 1.85 5. Redoublant 0.11

* p < .05

D’après les valeurs du X², l’inclusion d’au moins deux liens additionnels pourrait significativement augmenter l’ajustement du modèle. Ces liens supposent que les performances des élèves en français et le niveau moyen de la classe dans cette discipline sont reliés au score d’internalité perçu par les enseignants. Leur inclusion dans le modèle théorique, si elle ne modifie pas les coefficients présentés dans la figure 4.1., révèle que plus les élèves ont un score élevé aux épreuves standardisées de français, plus les enseignants perçoivent ces élèves comme internes (β = .24). Inversement, plus le niveau moyen de la classe en français est élevé, moins les enseignants perçoivent leurs élèves comme internes (β = -.15). Discussion

Globalement, les résultats obtenus corroborent ceux obtenus dans d’autres recherches

sur la construction du jugement scolaire (Bressoux & Pansu, 2003; Duru-Bellat & Mingat, 1993). Le modèle théorique proposé semble en mesure de rendre compte des mécanismes à l’œuvre dans la construction des jugements scolaires. Les résultats indiquent également que ce modèle pourrait être amélioré en intégrant des liens additionnels allant de certaines variables exogènes (scores des élèves aux épreuves standardisées de français et score moyen de la classe dans cette discipline) à certaines variables endogènes (e.g. internalité perçue). L’existence de ces relations semble indiquer que l’internalité perçue par les enseignants peut être affectée par d’autres variables comme par exemple les performances effectives ou le contexte de classe. Notons également que, les performances effectives des élèves en français ne sont pas reliées significativement à leur score d’internalité en consigne standard. Pris dans leur ensemble, ces résultats tendent à laisser penser que la relation entre l’internalité des élèves et leurs performances scolaires effectives (au moins en français) relève plus de la manifestation de croyances des enseignants que d’une association réelle entre ces deux

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

141

variables. En conclusion, bien que la magnitude de l’effet de l’internalité perçue sur les

jugements scolaires n’est pas très importante, ces résultats soulignent que cet effet n’est pas un simple artefact expérimental et que les résultats obtenus dans des contextes expérimentaux (Dubois, 1994, 2003b) sur le rôle de la norme d’internalité dans le jugement social peuvent être généralisés à des situations évaluatives réelles.

A partir de ce modèle de base, nous avons créé six modèles distincts. Chaque modèle

se différencie des autres par la ou les variables introduites dans le modèle de base. Le premier

d’entre eux intègre le score global d’internalité perçu par les enseignants. L’objectif de ce

modèle est de tester la significativité de la relation entre l’internalité perçue et le jugement

scolaire moyen tout en contrôlant les effets des autres variables présentes dans le modèle.

Toutefois, afin de voir si l’effet de l’internalité sur le jugement varie en fonction du type

d’événements expliqués et de leur valence, nous avons crée un deuxième modèle tenant

compte des variables « type d’événements » et « valence des événements » de façon à tester

l’effet respectif de ces deux variables et leur interaction sur la relation entre internalité perçue

et jugement scolaire moyen (Judd, 2000; Judd & McClelland, 1989)43. Enfin, nous avons créé

quatre autres modèles dans lesquels nous avons introduit le score d’internalité spécifique

perçu par les enseignants pour un type d’événements donné (comportements positifs,

comportements négatifs, renforcements positifs, renforcements négatifs). L’objectif de ces

quatre modèles est de tester la significativité de la relation entre internalité perçue et jugement

scolaire moyen pour chacun de ces types d’événements. Les six modèles testés44 sont

présentés dans le tableau 4.5.

43 Le test des variables « type d’événements », « valence des événements » et leur interaction est possible par l’intermédiaire du test d’effets intrasujets en régression (Judd, 2000; Judd & McClelland, 1989). Ce test implique de créer trois nouvelles variables. Les deux premières variables, qui testent les effets principaux des variables intrasujets, sont obtenues en contrastant les conditions intrasujets concernées (type d’événements = score d’internalité pour les renforcements – score d’internalité pour les comportements ; valence des événements = score d’internalité pour les événements positifs – score d’internalité pour les événements négatifs). La troisième variable, qui représente l’interaction entre les deux variables précédentes, s’obtient en multipliant la première variable par la seconde. Introduites dans le même modèle de régression, ces trois variables permettent de déterminer si la relation entre l’internalité perçue par l’enseignant et le jugement scolaire global varie en fonction du type d’événements considéré et de leur valence. 44 L’ensemble des variables intégrées dans ces modèles a été centré.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

142

Tableau 4.5. Modèles de régression évaluant l’effet de l’internalité perçue sur le jugement scolaire moyen (identification/jugement)

Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3 Modèle 4 Modèle 5 Modèle 6

Score moyen de l’élève aux épreuves standardisées Score moyen de la classe aux épreuves standardisées Profession du père (référence = cadre)45

Artisan Profession intermédiaire Employé Ouvrier Autre

Fille Redoublement Score d’internalité global Type d’événements Valence des événements Interaction Type x Valence Score d’internalité : Comportements positifs Score d’internalité : Comportements négatifs Score d’internalité : Renforcements positifs Score d’internalité : Renforcements négatifs

.83** -.34**

.01 .00

-.06t -.08* -.07* -.02

-.18** .08**

.84** -.34**

-.01 .01

-.06t -.08* -.08* -.02

-.18**

.04* .09** .04

.83** -.33**

-.00 .00

-.06t -.09* -.08* -.00

-.18**

.08**

.85** -.35**

-.00 .01

-.06t -.08* -.07* -.02

-.17**

-.04t

.83** -.34**

.00 .00

-.06t -.08* -.08* -.03

-.18**

.10**

.84** -.35**

.00 .01

-.06t -.08* -.07* -.02

-.17**

.04t

R² .69 .70 .69 .69 .70 .69 Note. Les coefficients présentés sont standardisés (�). N = 663, ** p < .01, * p < .05, t p < .10

45 La variable catégorielle à six modalités « catégorie socioprofessionnelle du père » a été introduite dans les modèles de régression par l’intermédiaire de la création de cinq variables muettes (Aiken & West, 1991). Chacune de ces variables muettes teste la significativité de la différence de moyennes sur la variable dépendante entre une modalité spécifique (e.g. ouvrier) et le niveau de référence (il s’agit toujours ici de la catégorie « cadre »).

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

143

Le modèle 1 indique que le score global d’internalité perçue sur le jugement des

enseignants est significativement relié au jugement moyen des enseignants. Cet effet s’avère

linéaire46 et positif (� = .08) : plus le score d’internalité perçu augmente, plus le jugement

scolaire est favorable. Le modèle 2 apporte quelques précisions à cet effet global et montre

que l’effet de l’internalité perçue sur le jugement scolaire moyen n’est pas le même en

fonction du type d’événements et de leur valence. On observe un effet significatif et positif

des variables 1) « type d’événements » : l’effet de l’internalité perçue est plus positif

lorsqu’elle rend compte des renforcements que des comportements (� = .04), 2) « valence des

événements » : l’effet de l’internalité perçue sur le jugement scolaire moyen est plus positif

pour les événements positifs que pour les événements négatifs (� = .09). L’interaction entre

ces deux variables n’est pas significative. Ces conclusions sont également étayées par les

modèles 3 à 6. L’internalité perçue et le jugement sont positivement et significativement reliés

pour les comportements positifs (modèle 3 : � = .08), pour les renforcements positifs (modèle

5 : � = .10), et tendanciellement pour les renforcements négatifs (modèle 6 : � = .04).

Cependant, pour les comportements négatifs, le score d’internalité perçu apparaît

tendanciellement mais négativement relié au jugement scolaire global (modèle 4 : � = -.04).

A s’en tenir à ces résultats, les conclusions que nous pouvons tirer vont très

globalement dans le sens des conclusions de la théorie de la norme d’internalité. La

perception qu’ont les enseignants de l’internalité de leurs élèves est bien liée positivement au

jugement qu’ils portent sur eux et cela indépendamment de leurs performances scolaires

effectives. De ce point de vue, l’internalité perçue apparaît comme une information évaluative

à part entière dont l’effet est indépendant des performances scolaires des élèves. Mais cette

conclusion est à modérer puisque la relation entre l’internalité perçue par les enseignants et le

jugement scolaire moyen semble varier en fonction du type d’événements expliqués et de la

valence de ces événements. Si le score global d’internalité est positivement et

significativement lié au jugement (modèle 1), les analyses supplémentaires effectuées (modèle

2) soulignent que cet effet est plus marqué, d’une part, pour les renforcements que pour les

comportements et, d’autre part, pour les événements positifs en comparaison des événements

négatifs. De plus, à suivre les résultats du modèle 4, le sens de la relation entre l’internalité

perçue diffère pour les comportements négatifs des autres catégories d’événements (modèles

3, 5, 6). En effet, le signe du coefficient est cette fois négatif laissant entendre que plus les

élèves expliquent leurs comportements négatifs par des explications internes, moins il sont

46 L’introduction d’un terme quadratique portant sur le score global d’internalité n’augmente pas de façon significative la qualité du modèle.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

144

jugés favorablement. Ce résultat n’est pas sans rappeler celui observé dans le paradigme

d’autoprésentation où nous avions observé que les élèves exprimaient l’idée que recourir aux

explications internes pour expliquer ce type d’événements n’était pas valorisant, bien au

contraire. Ainsi, il apparaît qu’enseignants et élèves semblent relativement d’accord pour dire

qu’expliquer de façon interne des comportements négatifs n’est pas une stratégie des plus

valorisées.

Toutefois, si les résultats des enseignants et des élèves semblent consistants sur ce

point, qu’en est-il lorsqu’on s’intéresse aux différents types d’explications qui composent le

questionnaire d’internalité scolaire ? Rappelons que l’originalité de ce questionnaire est de

permettre de différencier au sein des registres interne et externe des catégories d’explications

qui renvoient à des facteurs causaux spécifiques et dont les propriétés dimensionnelles ont été

prétestées. Plus particulièrement, conformément aux résultats des études préliminaires et aux

résultats issus de la littérature, nous nous attendons à observer des variations de valeur au sein

du registre interne. En d’autres termes, toutes les explications internes ne seraient pas

valorisées au même titre pour expliquer les comportements et les renforcements. Plus

particulièrement, nous nous attendons à ce que les explications internes/instables en terme

d’effort soient les explications les plus valorisées du registre interne pour expliquer les

renforcements et ce indépendamment de leur valence. En matière de comportements, à suivre

les présupposés théoriques de Beauvois (Beauvois et al., 1991; Beauvois & Le Poultier,

1986), nous nous attendons à ce que les explications internes/stables en terme de trait soient

les explications les plus valorisées du registre, indépendamment de leur valence.

Afin de tester nos hypothèses, nous avons réanalysé les données recueillies en prenant

en compte des distinctions plus fines que le seul critère interne/externe.

1.3.2. Analyses à partir des scores des différentes catégories d’explications

1.3.2.1. Paradigme d’autoprésentation (élèves)

Avant de nous intéresser aux scores des différentes catégories d’explications selon le

type de consignes, nous avons cherché à déterminer l’effet global des consignes sur les choix

des élèves. La figure 4.2. présente les moyennes cumulées des catégories d’explications du

questionnaire d’internalité en fonction des différentes consignes utilisées dans le paradigme

d’autoprésentation.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

145

Standard Pronormative Contre normative

C- contrainte (ES)C- autrui (EI)R- tâche (ES)R- chance (EI)C+ contrainte (ES)C+ autrui (EI)R+ tâche (ES)R+ chance (EI)C- trait (IS)C- intention (II)R- habileté (IS)R- effort (II)C+ trait (IS)C+ intention (II)R+ habileté (IS)R+ effort (II)

Inte

rne

Ext

erne

Ext

erne

Ext

erne

Inte

rne

Inte

rne

Figure 4.2. Moyennes cumulées des scores des différentes catégories d’explications en

fonction des trois consignes d’autoprésentation (étude 3)

La figure 4.2. montre que les scores obtenus par les catégories d’explications varient

en fonction de la consigne mobilisée. C’est notamment le cas de la consigne contre normative

qui se différencie nettement des deux autres.

Afin de mesurer le degré de correspondance entre les moyennes des différentes

catégories d’explications du questionnaire en fonction des trois consignes, nous avons

effectué des corrélations de Spearman (Siegel, 1956). Les corrélations effectuées sont

présentées dans le tableau 4.6.

3

0

6

9

12

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

146

Tableau 4.6. Corrélations (� de Spearman) entre les moyennes des différentes catégories du

questionnaire en fonction du type de consignes

Standard Pronormative Contre normative

Standard 1

Pronormative .95** 1

Contre normative -.61* -.72** 1

Note. N = 16, ** p < .01, * p < .05, t p < .10

Les corrélations effectuées montrent, tout d’abord, que les moyennes des catégories

d’explications du questionnaire obtenues en consigne standard sont très similaires à celles

obtenues en consigne pronormative. Ce résultat n’est pas nouveau et indique une fois de plus

que les réponses « spontanées » des élèves à un questionnaire d’internalité correspondent très

fortement à celles qu’ils choisissent en consigne pronormative (Bressoux & Pansu, 2003, sous

presse; Dubois, 1994; Gilibert & Cambon, 2003)47. Ensuite, les résultats révèlent que les

moyennes des catégories d’explications obtenues en consigne pronormative corrèlent

négativement avec celles obtenues en consigne contre normative. Ainsi, plus les différents

types d’explications sont choisis en consigne pronormative, moins ils le sont en consigne

contre normative. Ce résultat, qui laisse préfigurer l’existence de variations dans les réponses

des élèves, nous permet de considérer que les explications qui composent notre questionnaire

sont globalement sensibles aux consignes d’autoprésentation. Toutefois, cette forte corrélation

négative ne nous permet pas d’identifier les explications les plus valorisées parmi celles

disponibles. Afin d’identifier ces dernières, nous avons calculé pour chacune d’entre elles un

score de valorisation (Strauch, 2001, cité par Dubois & Beauvois, 2003). Ce score a été

obtenu en calculant, pour chaque catégorie d’explications, la différence entre son score moyen

en consigne pronormative et son score moyen en consigne contre normative. Il peut donc

varier de -3 à 3. La particularité de ce score est qu’il traduit la variation de valeur des

explications telle qu’elle est perçue par les élèves. Plus le score de valorisation d’un type

d’explications est élevé, plus celui-ci est choisi sous consigne pronormative et moins il est

choisi sous consigne contre normative. Inversement, plus ce score est négatif, plus la

catégorie d’explication concernée a été choisie en consigne contre normative moins elle a été

47 Les moyennes en consignes standard et pronormative des différentes catégories d’explications étant très proches, nous ne traiterons ici que les résultats obtenus sous la consigne pronormative.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

147

choisie en consigne pronormative48.

Afin de tester nos différentes hypothèses, deux ensembles d’analyses ont été réalisés

sur les scores de valorisation. Le premier utilise la propriété du score de valorisation à

exprimer le sens de la préférence des participants en fonction des consignes pro et contre

normatives. Ces analyses ont consisté à déterminer, pour chaque catégorie d’explications, si

celle-ci était significativement plus choisie sous l’une des deux consignes. Pour ce faire, nous

avons testé la significativité des scores obtenus pour chaque catégorie d’explications contre la

valeur 0 (tests t pour échantillon unique). Un test significatif indique que la catégorie

d’explication testée a été plus choisie sous une consigne plutôt que sous l’autre. Une absence

de significativité du test indique que les choix des participants ne se différencient pas en

fonction du type de consigne. Le second ensemble d’analyses complète les résultats obtenus

dans le premier. En effet, si les tests t contre la valeur 0 nous permettent d’identifier la

positivité ou la négativité de la valeur véhiculée par les explications sur la base de la

différence des choix des élèves en fonction des deux consignes d’autoprésentation, ils ne nous

permettent pas de déterminer quelles sont les catégories d’explications les plus valorisées

pour rendre compte des différents types d’événements manipulés. Pour comparer les scores

obtenus par chaque catégorie d’explications, nous avons testé ces différences à partir de tests

post hoc (HSD de Tukey). Comme le montre le tableau 4.7., certaines explications obtiennent

des scores de valorisation plus positifs que d’autres.

48 Bien qu’il se construise a priori de la même façon que le score de clairvoyance normative (Py & Ginet, 2003; Py & Somat, 1991; Somat & Vazel, 1999), le score de valorisation que nous avons calculé ne mesure pas la même chose. En effet, alors que le score de clairvoyance permet d’étudier les différences interindividuelles en matière de connaissance de l’aspect valorisé de certains types de jugement et comportements, le score de valorisation permet d’étudier les différences entre les catégories d’explications en matière de valeur sociale. Ainsi, alors que le score de clairvoyance permet de hiérarchiser les individus et d’étudier la relation de cette hiérarchie avec celles de ces individus sur d’autres variables (e.g. internalité spontanée, besoin de cognition), le score de valorisation permet de classer les catégories d’explications sur la base des fluctuations des réponses des participants en fonction des consignes d’autoprésentation. En ce sens, si le score de clairvoyance permet d’étudier les propriétés des individus, le score de valorisation permet d’étudier les propriétés des catégories d’explications.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

148

Tableau 4.7. Scores de valorisation (et écarts-types) pour chaque type d’explications en

fonction du type d’événements et de leur valence (autoprésentation)

Comportements Renforcements

Positifs Négatifs Positifs Négatifs

Interne/Instable -0.40b (1.13)

-0.89d (1.02) 1.07a

(1.30) 0.92a (1.39)

Interne/Stable 0.62a (1.04)

0.27b (1.18) 0.67b

(1.15) 0.30b (1.01)

Externe/Instable -0.95c (1.35)

0.92a (1.19) -0.68c

(1.08) 0.21b (0.99)

Externe/Stable 0.73a (1.13)

-0.30c (1.14) -1.04d

(1.40) -1.44c (1.26)

Note. Les scores indicés en colonne par des lettres distinctes sont significativement différents à p < .05 (HSD de Tukey).

Premièrement, les résultats des tests t contre la valeur 0 indiquent que toutes les

catégories se différencient significativement de cette valeur (p < .0001). Chacune des 16

catégories d’explications a donc été plus choisie sous une consigne que sous une autre. Il

semble donc qu’aux yeux des élèves, toutes les différentes catégories d’explications varient

en matière de valeur sociale. Plus particulièrement, pour les comportements, les explications

internes/stables en terme de trait sont plus choisies en consigne pronormative qu’en consigne

contre normative et ce, que les comportements soient positifs (M = 0.62) ou négatifs (M =

0.27). Inversement, les explications internes/instables en terme d’intention ont été plus

choisies en consigne contre normative qu’en consigne pronormative, indépendamment de la

valence des événements (M = -0.40 et M = -0.89 respectivement). En matière de

renforcements, les résultats vont dans le sens de nos hypothèses puisque les explications en

terme d’effort sont préférées par les élèves lorsqu’il s’agit de se faire bien voir plutôt que mal

voir et ce, que les renforcements soient positifs (M = 1.07) ou négatifs (M = 0.92). Si ces

premiers résultats vont globalement dans le sens de certaines de nos attentes, il reste

néanmoins à identifier les explications sont les plus porteuses de valeur sociale pour chacun

des événements étudiés. Les comparaisons post hoc (HSD de Tukey) semblent indiquer que

les données sont en accord avec certaines de nos hypothèses.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

149

En effet, pour les comportements positifs, si les explications internes/stables en terme

de trait de personnalité sont plus valorisées que les explications internes/instables qui mettent

en avant l’intention de l’acteur (M = -0.40) et celles externes/instables en terme d’action

d’autrui (M = -0.95), elles ne se différencient pas des explications externes/stables qui font

appel à la contrainte extérieure (M = 0.73).

Pour les comportements négatifs, cette fois, les explications internes/stables en terme

de trait sont plus valorisées que celles externes/stables en terme de contrainte extérieure (M =

-0.30) et celles internes/instables en terme d’intention (M = -0.89). En revanche, elles

semblent moins porteuses de valeur aux yeux des élèves que les explications

externes/instables qui semblent privilégier l’action d’autrui (M = 0.92).

Pour les renforcements positifs, les résultats sont conformes à nos hypothèses puisque

les explications internes/instables en terme d’effort occasionnel (M = 1.07) sont plus

valorisées aux yeux des élèves que celles internes/stables en terme d’habileté (M = 0.67), que

celles externes/instables de chance (M = -0.68) et que celles externes/stables de difficulté de

la tâche (M = -1.04).

Enfin, dans le cas des renforcements négatifs, le pattern de résultats est assez similaire

aux résultats obtenus dans le cas de la réussite. Conformément à nos hypothèses, les

explications internes/instables en terme de manque d’effort occasionnel (M = 0.92) obtiennent

un score de valorisation supérieur à celui des explications internes/stables en terme de

manque d’habileté (M = 0.30), que celles externes/instables en terme de chance (M = 0.21) et

que celles externes/stables en terme de difficulté de la tâche (M = 1.44).

Les résultats obtenus à partir de ces analyses révèlent l’existence de variations de

valeur au sein des registres interne et externe. Plusieurs points méritent d’être soulignés. En

matière de comportements, nous avons effectivement pu observer l’existence d’une

hétérogénéité de valeur au sein du registre interne. Bien qu’elles soient préférentiellement

mobilisées par les élèves pour donner une bonne image d’eux-mêmes et qu’elles soient plus

valorisées que d’autres explications internes en terme d’intention, les explications en terme de

trait ne sont pas nécessairement les plus valorisées. A suivre les élèves, d’autres catégories

d’explications externes semblent au moins autant valorisées, voire plus, pour expliquer ce

type d’événements. Pour les renforcements, cette fois, les résultats vont dans le sens de nos

hypothèses et semblent confirmer ceux obtenus dans les études préliminaires. Ils révèlent que,

pour les élèves, les explications en terme d’effort sont préférentiellement choisies à des fins

d’autoprésentation celles les plus porteuses de valeur pour expliquer ce type d’événements.

Toutefois, si les réponses des élèves au questionnaire dans le cadre du paradigme

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

150

d’autoprésentation vont dans le sens de nos hypothèses concernant l’existence d’une

variabilité de la valeur des explications causales au sein du registre interne, ces seuls résultats

ne nous permettent pas de véritablement conclure à l’existence de telles différences. En effet,

l’une des faiblesses du paradigme d’autoprésentation réside dans le fait que les participants

répondent en fonction de leur perception de ce qui serait susceptible de moduler le jugement

des évaluateurs. Or, rien ne prouve ici que les stratégies mises en place par les élèves leur

permettent effectivement d’influencer le jugement des enseignants. Afin de répondre à cette

question, nous avons cherché à déterminer les relations qu’entretiennent les différents types

d’explications du questionnaire avec le jugement scolaire.

1.3.2.2. Paradigme d’identification/jugement (enseignants)

Il s’agissait ici de mesurer l’association entre les différentes catégories d’explications

et le jugement moyen des enseignants. La méthode employée est identique à celle que nous

avons utilisée pour tester l’impact du score global d’internalité perçue par les enseignants sur

le jugement scolaire moyen. Chacun des 16 scores des catégories d’explications du

questionnaire a été intégré dans un modèle de base composé du score moyen des élèves aux

épreuves standardisées, du niveau moyen de la classe, de la catégorie socioprofessionnelle du

père des élèves, de leur sexe et de leur histoire scolaire (redoublant vs. non redoublant). Les

coefficients � des relations entre les scores des différentes catégories du questionnaire

d’internalité scolaire et le jugement scolaire moyen en contrôlant les effets des autres

variables indépendantes sont présentés dans le tableau 4.8.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

151

Tableau 4.8. Coefficients � des relations entre les scores des différentes catégories du

questionnaire d’internalité scolaire et le jugement scolaire moyen

Comportements Renforcements

Positifs Négatifs Positifs Négatifs

Interne/Instable .04t -.01 .02 .10**

Interne/Stable .06* -.05* .13** -.10**

Externe/Instable -.10** .07** -.08** .03

Externe/Stable .02 -.05* -.05* -.09**

Note. N = 663, ** p < .01, * p < .05, t p < .10

Conformément aux résultats obtenus à partir du paradigme d’autoprésentation, les

analyses de régression montrent l’existence de variations dans les relations entre les scores

des différentes catégories du questionnaire et le jugement moyen des enseignants. De notre

point de vue, ces variations expriment des différences de valeur entre les différentes

catégories d’explications manipulées.

Ainsi, pour les comportements positifs, les explications internes/stables en terme de

trait sont reliées positivement au jugement scolaire moyen (� = .06). C’est également le cas

des explications internes/instables en terme d’intention mais tendanciellement (� = .04). En

revanche, les explications externes/instables en terme d’autrui apparaissent négativement

associées à ce jugement (� = -.10)

Pour les comportements négatifs, les explications internes/stables en terme de trait

sont cette fois reliées significativement et négativement au jugement scolaire (� = -.05). Il en

est de même pour les explications externes/stables en terme de contrainte (� = -.05). Seules

les explications externes/instables en terme d’action d’autrui sont reliées significativement et

positivement au jugement des enseignants (� = .07).

Pour les renforcements positifs, les seules explications internes reliées positivement au

jugement sont les explications internes/stables en terme d’habileté (� = .13). Les explications

internes/instables en terme d’effort n’étant pas associées à ce jugement (� = .02). En matière

d’externalité, les explications externes/instables en terme de chance et celles externes/stables

en terme de difficulté de la tâche sont négativement associées au jugement (� = -.08 et � = -

.05 respectivement).

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

152

Enfin, pour les renforcements négatifs, les explications internes/instables en terme

d’effort sont positivement reliées au jugement scolaire moyen (� = .10). Ce n’est pas le cas

des explications internes/stables en terme de manque d’habileté qui sont négativement reliées

à ce jugement (� = -.10) comme les explications externes/stables en terme de difficulté de la

tâche (� = -.09).

Ces résultats indiquent donc l’existence de différences dans les relations

qu’entretiennent les catégories d’explications qui composent le questionnaire d’internalité

scolaire et le jugement des enseignants. Cette variabilité laisse entendre que toutes les

explications du registre interne ou du registre externe ne sont pas valorisées au même titre. Si

certaines explications internes sont positivement associées au jugement scolaire, ce n’est pas

le cas de toutes.

1.4. Discussion

L’étude que nous venons de présenter poursuivait plusieurs objectifs. Tout d’abord, il

s’agissait de tester les hypothèses issues de la théorie de la norme d’internalité à partir d’un

questionnaire d’internalité scolaire construit à cet effet. Nos résultats, obtenus à partir du

paradigme d’autoprésentation et du paradigme d’identification/jugement, vont globalement

dans le sens des conclusions des tenants de la théorie de la norme d’internalité. De ce point de

vue, l’internalité apparaît effectivement plus valorisée que l’externalité. Pourtant, au regard de

la définition donnée par Beauvois et Dubois (1988), on devrait s’attendre à observer un

pattern de résultats similaires indépendamment du type d’événements (comportements vs.

renforcements) et de leur valence (positive vs. négative). Nos données ne vont pas tout à fait

dans ce sens. Quelque soit le paradigme mobilisé (autoprésentation et identification/

jugement), on observe que les explications internes n’apparaissent pas toujours valorisées

pour expliquer les événements scolaires. Alors qu’elle semble valorisée lorsqu’elle rend

compte des renforcements d’une manière générale (positifs comme négatifs) ainsi que des

comportements positifs, l’internalité semble, à l’inverse, plutôt dévalorisée lorsqu’elle est

mobilisée pour expliquer les comportements négatifs. De fait, bien qu’elle soit globalement

plus valorisée que l’externalité, faut-il voir là la possibilité que l’internalité puisse être

dévalorisée lorsqu’elle rend compte de certains événements ? L’explication d’un tel

phénomène pourrait être appréhendée par l’intermédiaire d’une analyse plus fine de la valeur

des différents types d’explications causales qui composent le questionnaire d’internalité

scolaire. C’était là notre second objectif. Il s’agissait en effet de mettre en évidence

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

153

l’existence de variations de valeur au sein du registre explicatif interne. Rappelons que, dans

la lignée des travaux de Pansu et Gilibert (2002) ainsi que dans le prolongement des études

préliminaires 1a, 1b et 2 (cf. chapitre 3), nous nous attendions à ce que les explications

internes/instables en terme d’effort soient les explications les plus valorisées du registre

interne pour expliquer les renforcements, et ce indépendamment de la valence des

événements. Puis, sur la base des présupposés de la théorie de la norme d’internalité en

matière d’explication des comportements (Beauvois et al., 1991; Beauvois & Le Poultier,

1986), nous avions émis l’hypothèse selon laquelle, en matière d’explication des

comportements, les explications internes/stables en terme de trait seraient les plus valorisées

du registre interne. Les résultats obtenus ne vont dans le sens que de certaines de nos

hypothèses.

En effet, pour les renforcements, si nos hypothèses concernant la valeur des

explications internes/stables en terme d’effort s’avèrent être non-infirmées dans le cadre du

paradigme d’autoprésentation, elles ne le sont pas complètement dans le cadre du paradigme

d’identification/jugement. En effet, bien que le score d’explications en terme d’effort perçues

soit positivement relié au jugement des enseignants lorsque ce type d’explications rend

compte des renforcements négatifs, celui-ci n’apparaît pas significativement relié au jugement

scolaire dès lors qu’il s’agit de renforcements positifs. Pour ce type d’événements, les

données semblent plutôt indiquer que ce sont les explications internes/stables en terme

d’habileté qui sont associées positivement au jugement scolaire. Ces résultats ne sont pas sans

rappeler ceux obtenus dans l’étude 2 en matière de jugement de compétence. Rappelons que,

dans cette étude, l’élève qui expliquait la réussite par l’habileté était perçu comme plus

compétent que celui qui l’expliquait par l’effort. Dans le cas de l’échec, l’élève qui expliquait

sa mauvaise performance par le manque d’effort était jugé comme plus compétent que celui

qui avait recours à une explication en terme de manque d’habileté. De tels résultats ne sont

finalement pas surprenants si l’on considère que le jugement scolaire, que nous avons

appréhendé ici comme un jugement d’acquisition scolaire moyen en français et en

mathématiques, est sans doute fondamentalement un jugement de compétence.

En matière de comportements, les données recueillies révèlent un pattern de résultats

beaucoup plus hétérogène. En effet, dans le cadre du paradigme d’autoprésentation, bien

qu’elles soient préférentiellement choisies par les élèves en consigne pronormative plutôt

qu’en consigne contre normative et même si elles s’avèrent plus valorisées que les

explications en terme d’intention, les explications en terme de trait ne sont pas les plus

valorisées parmi les différentes catégories d’explications proposées et ce pour les événements

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

154

négatifs et positifs. Dans le cadre du paradigme d’identification/jugement cette fois, si elles

apparaissent positivement associées au jugement des enseignants lorsqu’elles expliquent les

comportements positifs, les explications internes/stables en terme de trait sont négativement

associées dans le cas des comportements négatifs à ce jugement. Globalement, ces résultats

semblent aller à l’encontre de certaines des conclusions de Beauvois et ses collaborateurs

(Beauvois et al., 1991; Beauvois & Le Poultier, 1986). Mais, ces résultats ne vont pas non

plus dans le sens de ceux obtenus par Castra (1998) et Desrumeaux-Zagrodnicki et Rainis

(2000). En ce sens, nos résultats divergent de façon notable de ceux obtenus habituellement

dans la littérature. Peut-être peut-on voir là la manifestation de la spécificité de notre

matériel ? A défaut de pouvoir répondre à cette question à partir de ces seules données,

retenons néanmoins que, comme nous l’avons observé dans le cas des renforcements, les deux

paradigmes semblent aboutir à des conclusions différentes. En effet, alors que le paradigme

d’autoprésentation semble indique que les explications internes/stables en terme d’intention

sont dévalorisées indépendamment de la valence des événements, cette dévalorisation ne

transparaît pas dans le cadre du paradigme d’identification/jugement. De plus, si en

autoprésentation, les élèves préfèrent recourir aux explications en terme de trait pour

expliquer leurs comportements négatifs lorsqu’il s’agit de se faire bien voir plutôt que de se

faire mal voir, le recours à ce type d’explications pour ces événements est associé

négativement au jugement des enseignants.

Ainsi, il semble qu’en matière de comportements comme de renforcements, les

résultats obtenus dans le cadre des deux paradigmes semblent bien différents. Or, l’existence

de divergences entre les conclusions que l’on pourrait tirer sur la base des réponses des

participants aux différents paradigmes mobilisés ne concerne pas seulement les explications

sur lesquelles portaient nos hypothèses. Il s’agit plutôt d’un phénomène qui touche plusieurs

catégories d’explications du questionnaire. Le tableau 4.9. propose une synthèse des résultats

obtenus à partir des deux méthodes.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

155

Tableau 4.9. Synthèse des résultats obtenus dans le cadre du paradigme d’autoprésentation et

dans celui du paradigme d’identification/jugement

Comportements Renforcements

Positifs Négatifs Positifs Négatifs

A B A B A B A B

Interne/Instable - + - = + = + +

Interne/Stable + + + - + + + -

Externe/Instable - - + + - - - =

Externe/Stable + = - - - - - -

Note. A : autoprésentation, B : identification/jugement, + : catégorie valorisée, - : catégorie dévalorisée, = : catégorie non valorisée.

Globalement, le tableau 4.9. indique que les conclusions que l’on peut tirer concernant

la valeur des explications causales à partir du paradigme d’autoprésentation et celles issues du

paradigme d’identification/jugement vont dans le même sens pour neuf catégories

d’explications. Elles divergent toutefois pour sept d’entre elles, d’autant que parmi celles-ci

trois apparaissent porteuses de valeur dans un cas et de dévaleur dans l’autre49. Au regard de

ces résultats, s’il semble exister une variabilité de valeur des explications au sein des registres

interne et externe, il apparaît également que la valeur des explications varie elle-même en

fonction de la méthode utilisée. Sur ce point, nos résultats ne sont pas sans rappeler ceux

obtenus par Dubois (2000) à partir du paradigme d’autoprésentation et du paradigme des

juges. Rappelons que cet auteur a effectivement mis en évidence que les stratégies de

réponses mises en place par les individus pour se faire bien voir lorsqu’ils répondent à un

questionnaire d’internalité dans le cadre du paradigme d’autoprésentation pouvaient ne pas

correspondre aux stratégies que ces mêmes personnes valorisaient dans le cadre du paradigme

des juges. Si, lorsqu’ils s’autoprésentent, les individus peuvent mobiliser différentes stratégies

(e.g. autocomplaisance, modestie), ce sont les cibles qui ont recours à la stratégie interne

(indépendamment de la valence des événements) qui sont les mieux jugées par ces personnes,

49 Ces trois catégories sont les explications internes/instables en terme d’intention pour les comportements positifs, les explications internes/stables en terme de trait pour les comportements négatifs et les explications internes/stables en terme d’habileté pour les renforcements négatifs.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

156

indépendamment des stratégies qu’elles avaient elles-mêmes mises en place. Dubois (2000)

explique ce décalage par le type de valeur impliqué dans les deux paradigmes. Le paradigme

d’autoprésentation et le paradigme des juges ne mobiliseraient pas la même composante de la

valeur sociale. Des travaux récents (Beauvois, 1995; Cambon, 2002; Dubois & Beauvois,

2001; 2005, voir chapitre 5) ont effectivement mis en évidence que le concept de valeur

pouvait être scindé en deux composantes : la désirabilité et l’utilité sociales. La désirabilité

sociale peut être définie l’adéquation « d’objets, d’événements, ou de personnes aux

motivations des membres d’un collectif social » (Beauvois, 2003a, p.251). L’utilité sociale,

quant à elle, est définie comme l’adéquation « d’objets, d’événements, ou de personnes aux

options qui caractérisent le fonctionnement social du système auquel le collectif appartient »

(Beauvois, 2003a, p.251). A suivre Dubois (2000), le paradigme d’autoprésentation amènerait

les participants à faire leur choix sur la base de la désirabilité des explications causales (i.e.

leur capacité à permettre de montrer que l’on est une personne qui peut être aimée) alors que

le paradigme des juges les amènerait à prendre en compte leur utilité (i.e. leur capacité à

permettre de montrer que l’on est ne personne qui réussit). En d’autres termes, les divergences

de résultats observés entre les deux méthodes pourraient être la manifestation du fait que le

paradigme d’autoprésentation et le paradigme d’identification/jugement ne mobilisent pas la

même composante de la valeur sociale. Ce dernier, de par le fait qu’il implique des jugements

sur le niveau d’acquisition scolaire des élèves, s’ancrerait fondamentalement plus dans

l’utilité que dans la désirabilité. Cette perspective nous amène à considérer que les résultats

obtenus à partir de ces deux paradigmes varient parce que les phénomènes qu’ils mettent en

évidence sont différents. A suivre cette logique, il est donc possible que les variations que

nous avons observées entre les deux paradigmes soient le reflet de la saturation des différentes

catégories d’explications sur les deux dimensions de la valeur sociale.

De telles variations nous semblent d’autant plus intéressantes qu’elles contrastent avec

les conclusions issues des analyses réalisées à partir du score global d’internalité.

Contrairement à celles-ci où nous avions observé une relative homogénéité des résultats au

travers des deux méthodes employées (valorisation des explications internes pour les

renforcements positifs et négatifs ainsi que pour les comportements positifs ; dévalorisation

de l’internalité pour les comportements négatifs), les analyses plus fines prenant en compte la

spécificité des explications causales révèlent l’existence d’une hétérogénéité de résultats assez

prononcée. L’explication de cette contradiction tient sans doute à la construction même du

score d’internalité utilisé dans le premier ensemble d’analyses. En effet, ce score est composé

à partir de l’agrégation des scores des élèves sur les deux catégories d’explications internes

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

157

(stables et instables). Or, si à un niveau agrégé, les choix stratégiques des élèves se dirigent

préférentiellement vers les explications internes (au moins pour les renforcements et les

comportements positifs), ils ne portent pas sur les mêmes explications internes que celles

impliquées dans les effets du score d’internalité perçu par les enseignants sur leur jugement.

Par exemple, le fait que les explications internes apparaissent fortement valorisées pour

expliquer les renforcements positifs dans le paradigme d’autoprésentation serait

principalement dû à la valeur véhiculée par les explications internes/instables en terme

d’effort. Dans le paradigme d’identification/jugement, la valeur des explications internes

observée pour le même type d’événements serait due principalement aux explications

internes/stables en terme d’habileté. Ces explications sont en effet les seules à être

positivement associées au jugement. Contrairement au paradigme d’autoprésentation, les

explications internes/instables ne participeraient pas à l’association positive entre le score

d’internalité et le jugement scolaire étant donné qu’elles n’y sont pas reliées. De la même

façon, la prise en compte d’une classification plus fine des explications causales internes

permet de mieux comprendre pourquoi l’internalité semble être dévalorisée pour expliquer les

comportements négatifs. Là encore, bien que le phénomène semble être homogène entre les

deux paradigmes lorsque l’on utilise ce seul critère, une analyse à partir des catégories

d’explications révèle que la dévalorisation des explications internes pour ce type

d’événements serait uniquement due à certaines catégories internes particulièrement

dévalorisées. Celles-ci ne seraient pas les mêmes en fonction du paradigme étudié. En effet,

en autoprésentation, si la dévalorisation des explications internes semble être attribuable aux

explications internes/instables en terme d’intention, dans le cadre du paradigme

d’identification/jugement, cette dévalorisation semble plutôt être le fait des explications

internes/stables en terme de trait. De tels résultats attestent, selon nous, de l’intérêt qu’il peut

y avoir à prendre en compte d’autres critères de classification que la seule distinction

interne/externe. Les variations de valeur que nous avons observées entre le paradigme

d’autoprésentation et le paradigme d’identification/jugement seraient invisibles à une analyse

ne prenant en compte que le score global d’internalité. Seul le recours à des distinctions plus

fines permettrait de mettre en évidence, d’une part, l’existence de variations de valeur entre

les différentes catégories d’explications internes et externes et, d’autre part, d’observer que la

valeur de ces catégories peut varier en fonction du paradigme à partir duquel on observe cette

valeur.

Cependant, les seuls résultats de l’étude 3 ne nous permettent pas de conclure sur

l’idée d’un ancrage préférentiel des paradigmes d’autoprésentation et

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

158

d’identification/jugement dans l’une des deux composantes de la valeur. En effet, une autre

hypothèse peut également être avancée pour rendre compte des variations de résultats

observées. Si les données recueillies l’ont été à partir de deux méthodes différentes, elles l’ont

été également auprès de deux populations différentes : les élèves et les enseignants. De fait les

résultats obtenus dans cette étude ne nous permettent pas de savoir si les variations de valeur

observées sont la conséquence de la spécificité des paradigmes employés ou le reflet de ce qui

est valorisé, d’un côté pour les élèves et, de l’autre pour les enseignants. Afin d’apporter

quelques éléments de réponses sur ce point, nous avons réalisé une étude complémentaire.

Cette quatrième étude a repris l’intégralité de la procédure mise en place dans l’étude 3.

Cependant, plusieurs mesures ont été ajoutées. Ces dernières avaient pour objectif de nous

permettre de montrer que les résultats obtenus auprès des élèves en autoprésentation

pouvaient se retrouver dans les réponses des enseignants pour peu que ces derniers soient

incités à répondre sur la base de la désirabilité des explications plutôt que sur leur utilité. Pour

ce faire, nous avons demandé aux enseignants, entre autres, de répondre au questionnaire

d’internalité dans le cadre du paradigme de l’identification (Gilibert & Cambon, 2003). Cette

méthode, qui comme le paradigme d’autoprésentation s’ancrerait préférentiellement dans la

désirabilité, devrait nous permettre de montrer que les variations de valeur observées dans

l’étude 3 sont principalement la conséquence de la spécificité des paradigmes mobilisés.

2. Etude 4 : Réplication et prolongement

Cette étude poursuivait trois objectifs. Tout d’abord, il s’agissait de répliquer les

résultats obtenus dans l’étude 3 à partir du paradigme d’autoprésentation et du paradigme

d’identification/jugement. Ensuite, il s’agissait de tenter de montrer que les résultats en

matière de variations de valeur des explications internes en autoprésentation (élèves)

pouvaient également être observés à partir du paradigme de l’identification (enseignants).

Enfin, il s’agissait de déterminer si nos résultats en matière d’explication des comportements

reflétaient les propriétés effectives des catégories d’explications internes manipulées ou si ces

effets étaient spécifiques au matériel utilisé dans l’étude 3.

2.1. Vue générale

Des élèves placés en situations d’autoprésentation ont été invités à répondre à un

questionnaire d’internalité scolaire. Leurs enseignants, invités dans un premier temps à juger

de leur niveau d’acquisition scolaire en français et en mathématiques et à les décrire à partir

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

159

d’une liste de traits de personnalité, ont dû dans un second temps imaginer les réponses de

leurs élèves à ce même questionnaire. Enfin, ils leur étaient demandés d’y répondre à nouveau

mais cette fois au nom de l’élève idéal versus non idéal.

2.2. Méthode

2.2.1. Participants

Quatre cent quatre vingt dix neuf élèves de CE2 (3rd grade) et leurs 33 enseignants

respectifs ont participé à cette étude. Les participants provenaient de différentes écoles

localisées dans différentes régions de France (régions Languedoc-Roussillon et Rhône-

Alpes). Comme dans l’étude 3, l’échantillon de classes a été constitué en fonction de la

disponibilité des expérimentateurs50 et des autorisations obtenues auprès des inspecteurs

d’académie, des directeurs d’établissement, des enseignants et des parents. La répartition des

élèves en fonction de leur sexe, de leur histoire scolaire (redoublant vs. non redoublant) ainsi

que de la catégorie socioprofessionnelle de leur père est présentée dans le tableau 4.10.

Tableau 4.10. Répartition de l’échantillon d’élèves en fonction de la catégorie

socioprofessionnelle du père, du sexe des élèves et de leur statut de redoublant

Garçon Fille

Redoublant Non redoublant Redoublant Non

redoublant

Cadre 1 42 0 34

Artisan 5 33 2 31

Profession intermédiaire 2 30 1 28

Employé 3 32 0 37

Ouvrier 7 53 5 44

Autre 10 40 12 47

Le tableau 4.10. révèle que la répartition des élèves est légèrement différente de celles

de l’étude 3. En effet, si le nombre de garçons (N = 258) et de filles (N = 241) est globalement

50 Je remercie Sylvie Despesse, Nathalie Estellon, Sandrine Michelas-Traversier et Sandra Ukalovic pour leur participation au recueil des données de cette étude.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

160

équivalent, le nombre de redoublant (N = 48) représente moins de 10 % de l’effectif total

(contre près de 18 % dans l’étude 3). De plus, la répartition des élèves en fonction de la

catégorie socioprofessionnelle du père souligne également l’existence de différences entre les

deux échantillons. Alors que dans l’étude 3, près du tiers des élèves était enfant d’ouvrier, ces

derniers ne représentent ici qu’un cinquième de l’échantillon (N = 109), à égal niveau des

enfants classés dans la catégorie « Autre » (N = 109). Cette catégorie englobe les enfants dont

le père est sans emploi (N = 34), agriculteur (N = 4) et retraité (N = 1) ou dont la profession

n’est pas renseignée (N = 70). Les autres catégories socioprofessionnelles, quant à elles, sont

représentées dans des proportions relativement homogènes (cadre : N = 77 ; artisan : N = 71 ;

profession intermédiaire : N = 61 ; employé : N = 72).

2.2.2. Matériel

Le matériel est quasi identique à celui de l’étude 3. Il est composé de fiches

individuelles contenant des informations sociodémographiques (âge, sexe, catégorie

socioprofessionnelle des parents), d’un questionnaire d’internalité et d’une échelle de

désirabilité/utilité scolaire51 (cf. annexe IIIa). Retenons pour ce qui nous concerne ici que le

questionnaire d’internalité utilisé dans cette étude a fait l’objet de modifications à partir des

résultats obtenus dans l’étude 3. En effet, dans cette étude, nous avons observé que les

explications internes proposées pour rendre compte des comportements pouvaient apparaître

comme dévalorisées. De plus, les résultats que nous avons obtenus en tenant compte de la

spécificité des catégories d’explications sont apparus très différents de ceux obtenus dans la

littérature pour ce type d’événements. Afin de déterminer si nos résultats concernant la valeur

des explications internes pour les comportements étaient le reflet de la particularité des items

de notre questionnaire ou s’ils traduisaient un phénomène plus général, nous avons modifié

certaines saynètes de comportements. Les explications modifiées ont fait l’objet d’un prétest

identique aux deux prétests précédents (questionnaire d’internalité version a) afin de nous

assurer de la correspondance entre la classification des explications a priori et celles réalisées

par les participants. Ce prétest a été mené auprès d’un échantillon de 90 étudiants en Sciences

de l’Education. Les participants étaient invités à indiquer, pour chaque explication, si celle-ci

avait « à voir avec l’élève » (pôle interne) ou n’avait « rien à voir avec l’élève » (pôle

externe), et si celle-ci pouvait « changer dans le temps » (pôle instable) ou restait « pareil tout

le temps » (pôle stable). Les résultats détaillés de ce prétest sont présentés en annexe (annexe 51 Cette échelle ainsi que la procédure mise en place dans sa construction sont présentées en détail dans le chapitre 6.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

161

IIIb). Globalement, le pourcentage d’accord avec la classification a priori est très élevé (lieu

de causalité : 85.80 % ; stabilité : 81.42 %). Sur les 24 explications, 22 ont été

significativement caractérisées par la majorité de l’échantillon comme ayant les propriétés

supposées par la classification a priori. Seules deux explications n’ont pas atteint le critère de

significativité statistique. Alors que la première n’a pas été significativement reconnue

comme étant interne par la majorité de l’échantillon, la seconde n’a pas été significativement

désignée par la majorité de l’échantillon comme étant stable (X² ns.). Toutefois, étant donné

que ces explications ont été correctement identifiées sur au moins une des deux dimensions,

nous avons choisi de les conserver en l’état. La deuxième version du questionnaire

d’internalité scolaire (version b) est donc composée de 12 saynètes (6 comportements et 6

renforcements) de valence positive et négative et associées pour chacune d’elles à 4

explications causales (cf. annexe IIIc). Le questionnaire d’internalité scolaire (version b)

possède les mêmes propriétés en terme de construction de scores que la première version

(version a).

2.2.3. Procédure

La procédure mise en place est globalement identique à celle de l’étude 3. Les données

ont été récoltées lors de deux sessions de passations collectives effectuées à environ deux

semaines d’intervalle. Les tâches des élèves et celles des enseignants étaient identiques à celle

de l’étude 3. Dans cette étude, les enseignants devaient réaliser deux tâches additionnelles.

Lors de la première session, ils devaient décrire chacun de leurs élèves à partir d’une liste de

24 traits de personnalité issus de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire. Lors de la seconde

session, ils devaient remplir deux questionnaires supplémentaires, l’un au nom de l’élève

idéal et l’autre au nom de l’élève non idéal. L’ordre de présentation de ces deux consignes

était contrebalancé dans les classes. La procédure mise en place dans cette étude est résumée

dans le tableau 4.11.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

162

Tableau 4.11. Récapitulatif de la procédure de l’étude 4

Elèves Enseignants

Session 1 Répondre au questionnaire d’internalité en consigne standard

Remplir les fiches d’identification des élèves

Juger leurs élèves en Français et mathématiques

Décrire chacun de leurs élèves à partir de 24 traits

Session 2 Répondre au questionnaire

d’internalité en consignes pro et contre normative

Répondre au questionnaire d’internalité pour chacun de leurs

élèves Répondre au questionnaire

d’internalité au nom de l’élève idéal et au nom de l’élève non

idéal

2.3. Analyses statistiques

Les données récoltées dans les différents paradigmes (autoprésentation,

identification/jugement, identification) ont été analysées de la même façon que dans l’étude 3.

Un premier ensemble d’analyses a été mené sur les données des trois paradigmes en utilisant

le seul critère interne/externe. Les données ont ensuite été analysées à partir des différentes

catégories d’explications manipulées dans le questionnaire d’internalité scolaire (version b).

2.3.1. Analyses à partir du score global d’internalité

2.3.1.1. Paradigme d’autoprésentation (élèves)

Les données obtenues dans le cadre du paradigme d’autoprésentation ont été traitées

par analyse de variance sous la forme suivante : 3 (type de consigne : standard vs.

pronormative vs. contre normative) x 2 (type d’événements : comportements vs.

renforcements) x 2 (valence des événements : positifs vs. négatifs). La variable dépendante est

le score d’internalité moyen. Seuls les effets significatifs ont été rapportés ici. Les scores

d’internalité moyens en fonction du type de consigne, du type et de la valence des événements

sont présentés dans le tableau 4.12.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

163

Tableau 4.12. Scores d’internalité moyens (et écarts-types) en fonction du type de consignes,

du type et de la valence des événements (autoprésentation)

Comportements Renforcements

Positifs Négatifs Positifs Négatifs

Standard 1.80b (0.92)

1.36b (0.94)

2.13b (0.85)

2.19a (0.95)

Pronormative 2.11a (0.92)

1.26b (0.95)

2.40a (0.81)

2.20a (0.97)

Contre normative

0.68c (0.90)

1.65a (0.95)

0.80c (0.90)

1.11b (1.02)

Note. Les scores indicés par une lettre distincte en colonne sont significativement différents à p < .05 (HSD de Tukey).

L’analyse de variance met en évidence un effet principal du type de consigne, F(2,

996) = 499.90, p < .0001, �² = .50. Le score d’internalité moyen est plus élevé en consigne

pronormative (M = 1.99) que celui obtenu en consigne standard (M = 1.87), ces deux derniers

scores étant plus élevé que celui obtenu en consigne contre normative (M = 1.06)52.

L’ANOVA indique également un effet principal du type d’événements, F(1, 498) =

170.46, p < .0001, �² = .26. Le score d’internalité moyen est globalement plus élevé pour les

renforcements (M = 1.80) que pour les comportements (M = 1.48).

L’interaction entre les types de consigne et d’événements est significative, F(2, 996) =

144.34, p < .0001, �² = .22. En consigne standard, le score d’internalité moyen est

globalement plus élevé pour les renforcements (M = 2.16) que pour les comportements (M =

1.58). De la même façon, le score d’internalité moyen est également plus élevé pour les

renforcements (M = 2.30) que pour les comportements (M = 1.68). En revanche, en consigne

contre normative, le score d’internalité moyen est moins élevé pour les renforcements (M =

0.95) que pour les comportements (M = 1.17).

L’interaction entre le type de consigne et la valence des événements est également

significative, F(2, 996) = 214.17, p < .0001, �² = .30. En consigne standard, le score

d’internalité moyen est globalement plus élevé pour les événements positifs (M = 1.97) que

52 Les comparaisons de moyennes par paires consécutives à la décomposition des effets principaux et d’interactions de l’ANOVA ont été testées par l’intermédiaire du test HSD de Tukey. Les différences indiquées sont significatives à p < .05.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

164

pour les événements négatifs (M = 1.78). De la même façon, en consigne pronormative, le

score d’internalité moyen est également plus élevé pour les événements positifs (M = 2.26)

que pour les événements négatifs (M = 1.73). A l’inverse, en consigne contre normative, le

score d’internalité moyen est moins élevé pour les événements positifs (M = 0.74) que pour

les événements négatifs (M = 1.38).

L’interaction entre le type d’événements et leur valence est également significative,

F(1, 498) = 15.86, p < .0001, �² = .03. Le score d’internalité moyen est plus positif pour les

comportements positifs (M = 1.53) que pour les comportements négatifs (M = 1.42) alors que

la différence entre les renforcements positifs et négatifs n’est pas significative (M = 1.78 et M

= 1.83 respectivement).

Enfin, l’interaction de 2ème ordre entre le type de consigne, le type d’événements et la

valence des événements est également significative, F(2, 996) = 96.26, p < .0001, �² = .16.

Pour les comportements positifs, le score d’internalité moyen est plus élevé en consigne

pronormative qu’en consigne standard, ces deux scores se différenciant tous deux de celui

obtenu en consigne contre normative. Pour les comportements négatifs, c’est en consigne

contre normative qu’il s’avère être le plus élevé. Pour les renforcements positifs, c’est en

consigne pronormative que le score d’internalité moyen est significativement le plus élevé,

suivi du score d’internalité en consigne standard qui lui-même ne se différencie pas

significativement de celui en consigne contre normative. Enfin, pour les renforcements

négatifs, les scores d’internalité moyens ne se différencient pas significativement en consigne

standard et en consigne pronormative mais ces deux scores sont significativement plus élevés

que celui obtenu en consigne contre normative.

D’une manière générale, ces résultats sont très similaires à ceux obtenus dans l’étude 3

et vont dans le sens des conclusions des tenants de la norme d’internalité : les explications

internes font l’objet d’un choix préférentiel de la part des individus placés en situation

d’autoprésentation positive. Pour trois catégories d’événements (comportements positifs,

renforcements positifs, renforcements négatifs), les explications internes sont massivement

choisies par les élèves lorsqu’ils doivent donner une bonne image d’eux-mêmes. Inversement,

lorsqu’ils doivent donner une mauvaise image d’eux-mêmes, ces mêmes élèves ont en

moyenne plutôt recours aux explications externes. La seule exception à ce pattern de résultats

concerne l’explication des comportements négatifs : les élèves mobilisent davantage les

explications internes pour les comportements indésirables. Ce résultat, déjà observé dans

l’étude 3, laisse à penser que la modification des saynètes de comportements positifs effectuée

entre la version a et la version b du questionnaire d’internalité scolaire n’a pas entraîné un

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

165

changement radical concernant la valeur de ces explications. A suivre ces résultats, il

semblerait que l’internalité soit globalement valorisée, excepté lorsqu’elle explique des

comportements négatifs.

2.3.1.2. Paradigme d’identification/jugement (enseignants)

Les analyses réalisées sur la base du seul critère interne/externe ont été conduites de la

même façon que dans l’étude 3. Pour tester la significativité de la relation entre le score

d’internalité perçu par les enseignants et le jugement scolaire, nous avons créé un modèle de

régression de base incluant comme variables indépendantes le score moyen des élèves aux

épreuves standardisées, le niveau scolaire moyen de la classe, la catégorie

socioprofessionnelle du père des élèves, leur sexe ainsi que leur histoire scolaire (redoublant

vs. non redoublant). La variable dépendante est le jugement scolaire moyen53. Six modèles de

régression ont été réalisés. Le premier intègre dans le modèle de base le score global

d’internalité calculé sur la totalité du questionnaire. Le deuxième modèle intègre les variables

« type d’événements », « valence des événements » et leur interaction. Ce modèle vise à tester

si la relation entre internalité perçue et jugement scolaire moyen varie en fonction de ces

variables. Les quatre derniers modèles intègrent au modèle de base les scores d’internalité

spécifiques calculés sur une partie des saynètes du questionnaire (modèle 3 : comportements

positifs ; modèle 4 : comportements négatifs ; modèle 5 : renforcements positifs ; modèle 6 :

renforcements négatifs). Les résultats des six modèles54 sont présentés dans le tableau 4.13.

53 Les scores moyens des élèves aux épreuves standardisées, le niveau scolaire moyen de la classe ainsi que le jugement scolaire moyen ont été obtenus en agrégeant les variables correspondantes en français et en mathématiques (score moyen aux épreuves standardisées : � de Cronbach = .86 ; niveau scolaire moyen de la classe : � de Cronbach = .96 ; jugement scolaire moyen : � de Cronbach = .89). 54 L’ensemble des variables intégrées dans ces modèles a été centré.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

166

Tableau 4.13. Modèles de régression évaluant l’effet de l’internalité perçue sur le jugement scolaire moyen (identification/jugement)

Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3 Modèle 4 Modèle 5 Modèle 6

Score moyen de l’élève aux épreuves standardisées Score moyen de la classe aux épreuves standardisées Profession du père (référence = cadre)

Artisan Profession intermédiaire Employé Ouvrier Autre

Fille Redoublement Score d’internalité global Type d’événements Valence des événements Interaction Type x Valence Score d’internalité : Comportements positifs Score d’internalité : Comportements négatifs Score d’internalité : Renforcements positifs Score d’internalité : Renforcements négatifs

.72** -.29**

-.07t

-.11** -.09* -.08t -.03 .00

-.16** .16**

.76*

-.29**

-.08* -.12** -.10* -.07 -.04 -.02

-.16**

.05 .06t -.02

.74** -.28**

-.08* -.11** -.10* -.08t -.04 .01

-.16**

.09**

.76** -.29**

-.08t

-.11** -.09* -.07 -.04 -.01

-.16**

.04

.74** -.29**

-.08t

-.12** -.10* -.08t -.04 -.03

-.15**

.15**

.75** -.30**

-.07t

-.11** -.09* -.07 -.03 -.00

-.16**

.09** R² .53 .52 .52 .51 .53 .52

Note. Les coefficients présentés sont standardisés (�). N = 499, ** p < .01, * p < .05, t p < .10

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

167

Le modèle 1 indique que le score global d’internalité perçu par les enseignants est lié

positivement au jugement scolaire moyen qu’ils ont porté sur leurs élèves (� = .16). Le

modèle 2 indique que cette relation ne varie pas significativement en fonction du type

d’événements, bien qu’elle soit tendanciellement plus positive pour les événements positifs

que pour les événements négatifs. Les modèles 3, 5 et 6 indiquent,quant à eux, que cette

relation entre internalité perçue et jugement scolaire moyen est significative et positive pour

les comportements positifs (� = .09) et les renforcements positifs (� = .15) et négatifs (� =

.09). Seule la relation entre internalité et jugement scolaire moyen pour les comportements

négatifs n’atteint pas le seuil de significativité (� = .04).

Pris dans leur ensemble, ces résultats vont globalement dans le sens de la théorie de la

norme d’internalité. Les enseignants associent bien l’internalité à la compétence scolaire et

cette association persiste même lorsque l’on contrôle le niveau de performances scolaires

effectives des élèves. De plus, l’association entre l’internalité perçue par les enseignants et

leur jugement est relativement stable en fonction du type et de la valence des événements. A

noter toutefois, que la seule relation non significative observée concerne une fois de plus les

comportements négatifs. Cela conforte, semble-t-il, les résultats observés en situation

d’autoprésentation où le recours à l’internalité ne semble pas faire l’objet d’un choix

préférentiel de la part des élèves pour donner une bonne image de soi lorsqu’il s’agit

d’expliquer des comportements négatifs. Ces résultats supportent donc l’idée selon laquelle la

norme d’internalité s’exprimerait différemment sur chacun des deux pôles événementiels qui

la compose. Reste maintenant à s’assurer si des conclusions similaires peuvent être tirées à

partir du paradigme d’identification.

2.3.1.3. Paradigme de l’identification (enseignants)

Les réponses des enseignants au paradigme d’identification (répondre pour l’élève

idéal vs. répondre pour l’élève non idéal) ont été traitées par analyse de variance sous la forme

suivante : 2 (valeur des élèves : idéal vs. non idéal) x 2 (type d’événements : comportements

vs. renforcements) x 2 (valence des événements : positifs vs. négatifs). La variable dépendante

est le score d’internalité moyen. Seuls les effets significatifs ont été reportés. Le tableau 4.14.

présente les scores d’internalité en fonction des trois variables manipulées.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

168

Tableau 4.14. Scores moyens d’internalité (et écarts-types) en fonction de la valeur des

élèves, du type d’événements et de leur valence (identification)

Comportements Renforcements

Positifs Négatifs Positifs Négatifs

Idéal 2.45a (0.75)

1.79a (0.82)

2.24a (0.87)

2.91a (0.29)

Non idéal 0.09b (0.29)

1.21b (0.86)

0.64b (0.86)

0.58b (0.94)

Note. Les scores indicés en colonne par une lettre distincte sont significativement différents à p < .05 (HSD de Tukey).

L’analyse de variance met en évidence un effet massif de la valeur des élèves, F(1, 32)

= 140.55, p < .0001, �² = .81. L’élève idéal est décrit en moyenne comme plus interne (M =

2.35) que l’élève non idéal (M = 0.63).

L’analyse de variance montre un effet du type d’événements, F(1, 32) = 4.95, p < .05,

�² = .13. Le score d’internalité moyen est plus élevé pour les renforcements (M = 1.59) que

pour les comportements (M = 1.39).

L’effet de la valence des événements est également significatif, F(1, 32) = 14.87, p <

.001, �² = .32. Le score d’internalité moyen est plus élevé pour les événements positifs (M =

1.62) que pour les événements négatifs (M = 1.36).

L’interaction entre la valeur des élèves et le type d’événements est significative, F(1,

32) = 10.15, p < .01, �² = .24. Si, dans le cas de l’élève idéal, le score d’internalité moyen est

plus élevé pour les renforcements (M = 2.58) que pour les comportements (M = 2.12), dans le

cas de l’élève non idéal, cette différence n’est plus significative (comportements : M = 0.65,

renforcements : M = 0.61)55.

L’interaction entre la valeur des élèves et la valence des événements est également

significative, F(1, 32) = 10.25, p < .01, �² = .24. Si, dans le cas de l’élève non idéal, le score

d’internalité moyen est plus élevé pour les événements négatifs (M = 0.89) que pour les

événements positifs (M = 0.36), dans le cas de l’élève idéal, cette différence n’est plus

significative (événements positifs : M = 2.35, événements négatifs : M = 2.35).

Enfin, l’interaction entre la valeur des élèves, le type d’événements et la valence des 55 Ces comparaisons de moyennes par paires, ainsi que les suivantes, ont été effectuées à partir du test post hoc HSD de Tukey.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

169

événements est significative, F(1, 32) = 50.52, p < .0001, �² = .61.

Le tableau 4.15 révèle que, pour les quatre catégories d’événements, l’élève idéal

obtient systématiquement un score d’internalité moyen plus élevé que l’élève non idéal. En

effet, pour l’élève idéal, il n’y a pas de différence entre le score d’internalité moyen pour les

renforcements positifs et celui pour les renforcements négatifs alors que le score d’internalité

moyen est plus élevé pour les comportements positifs que pour les comportements négatifs.

Pour l’élève non idéal, alors que la différence entre le score d’internalité moyen pour les

comportements positifs est plus faible que celui pour les comportements négatifs, la

différence entre le score d’internalité moyen pour les renforcements positifs et celui pour les

renforcements négatifs n’est pas significative.

Globalement, le recours au seul critère interne/externe dans l’analyse des réponses des

enseignants au paradigme d’identification aboutit à la non-infirmation de l’ensemble des

présupposés de la théorie de la norme d’internalité. Indépendamment de l’événement

considéré et de sa valence, l’élève idéal est crédité d’un score d’internalité plus élevé que

l’élève non idéal. De ce point de vue, nos données vont dans le sens de l’idée selon laquelle

l’internalité est bien valorisée indépendamment du type et de la valence des événements

expliqués. Ces résultats, qui d’emblée contrastent en matière d’explication des comportements

négatifs avec ceux obtenus dans le paradigme d’autoprésentation, nous montrent l’intérêt de

considérer le paradigme mobilisé. Contrairement aux élèves pour qui expliquer ce type

d’événements par des explications internes semblait susceptible de produire une mauvaise

image aux yeux des enseignants, les enseignants considèrent que l’élève idéal est plus interne

lorsqu’il explique ses comportements négatifs que ne l’est l’élève non idéal.

A s’en tenir aux résultats obtenus dans les trois paradigmes et à partir du seul critère

interne/externe, il semble que l’internalité apparaisse bien comme étant plus valorisée que

l’externalité. De ce point de vue, les données vont dans le même sens que celles obtenues

dans l’étude 3, à savoir une assez bonne convergence des résultats entre plusieurs paradigmes

dès lors que l’on a recours au seul critère interne/externe pour catégoriser les explications

causales.

2.3.2. Analyses à partir des scores des catégories d’explications

2.3.2.1. Paradigme d’autoprésentation (élèves)

Avant d’analyser les réponses des élèves dans le cadre du paradigme

d’autoprésentation, nous avons représenté dans la figure 4.3. les différentes moyennes

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

170

obtenues par les catégories d’explications manipulées dans le questionnaire d’internalité

scolaire (version b) en fonction des trois consignes utilisées.

Standard Pronormative Contre normative

C- contrainte (ES)C- autrui (EI)R- tâche (ES)R- chance (EI)C+ contrainte (ES)C+ autrui (EI)R+ tâche (ES)R+ chance (EI)C- trait (IS)C- intention (II)R- trait (IS)R- effort (II)C+ trait (IS)C+ intention (II)R+ trait (IS)R+ effort (II)

Inte

rne

Ext

erne

Ext

erne

Ext

erne

Inte

rneIn

tern

e

Figure 4.3. Moyennes cumulées des scores des différentes catégories d’explications en

fonction des trois consignes d’autoprésentation (étude 4)

La figure 4.3. révèle que les moyennes obtenues en consigne standard sont très

proches de celles obtenues en consigne pronormative. Le pattern de résultats est toutefois très

différent en consigne contre normative. Afin de quantifier leur degré de correspondance, nous

avons réalisé des corrélations entre les moyennes obtenues par les 16 catégories

d’explications en fonction des trois consignes d’autoprésentation. Ces corrélations (� de

Spearman) sont présentées dans le tableau 4.15.

3

0

6

9

12

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

171

Tableau 4.15. Corrélations (� de Spearman) entre les moyennes des différentes catégories

d’explications en fonction du type de consigne

Standard Pronormative Contre normative

Standard 1

Pronormative .93** 1

Contre normative -.43t -.63** 1

Note. N = 16, ** p < .01, * p < .05, t p < .10

Les corrélations mettent en évidence, d’une part, que les moyennes obtenues en

consigne standard par les différentes catégories d’explications sont très proches de celles

obtenues en consigne pronormative. D’autre part, il apparaît que les moyennes obtenues par

les différentes catégories d’explications en consigne pronormative sont corrélées

négativement à celles obtenues en consigne contre normative. Cette corrélation négative tend

à indiquer l’existence de variations des scores des catégories en fonction de la consigne

d’autoprésentation. Plus les catégories d’explications sont choisies en consigne pronormative,

moins elles le sont en consigne contre normative. Bien que tendancielle, la corrélation entre

les moyennes en consigne standard et celles en consigne contre normative nous indique une

relation similaire. Toutefois, afin d’identifier parmi ces catégories d’explications celles qui

sont les plus valorisées aux yeux des élèves, il convient de s’intéresser aux variations de ces

moyennes en fonction des consignes pronormative et contre normative. Pour ce faire, nous

avons calculé, comme dans l’étude 3, un score de valorisation par catégorie en faisant la

différence entre le score obtenu en consigne pronormative et celui obtenu en consigne contre

normative. Cela nous permettra de vérifier si les explications internes/instables en terme

d’effort sont bien les plus valorisées pour expliquer les renforcements, indépendamment de la

valence des événements. En matière de comportements, conformément aux présupposés de

Beauvois (Beauvois et al., 1991; Beauvois & Le Poultier, 1986), nous nous attendons à ce que

les explications internes/stables en terme de trait soient celles les plus valorisées du registre

interne, indépendamment de la valence des événements.

Nous avons réalisé deux ensembles d’analyses sur les scores de valorisation des

différentes catégories. Le premier a consisté à tester si les catégories avaient obtenu un score

de valorisation différent de 0 (test t pour échantillon unique). Une différence significative

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

172

indique que cette catégorie a été significativement plus choisie sous l’une des deux consignes.

Le second ensemble d’analyses a consisté à comparer les catégories d’explications sur la base

de leur score de valorisation de façon à déterminer la catégorie la plus valorisée pour rendre

compte des différents types d’événements manipulés. Pour ce faire, nous avons testé ces

différences à partir de tests post hoc (HSD de Tukey).

Les scores de valorisation obtenus pour chaque type d’explications sont présentés dans

le tableau 4.16.

Tableau 4.16. Scores de valorisation (et écarts-types) pour chaque catégorie d’explications

en fonction du type d’événements et de leur valence (autoprésentation)

Comportements Renforcements

Positifs Négatifs Positifs Négatifs

Interne/Instable 0.66a (1.08)

-0.19b (1.12) 0.79a

(1.32) 0.96a (1.38)

Interne/Stable 0.78a (1.16)

-0.21b (1.18) 0.82a

(1.12) 0.13b (0.98)

Externe/Instable -0.53b (1.15)

0.74a (1.18) -0.55b

(1.02) 0.32b (0.98)

Externe/Stable -0.90c (1.13)

-0.34b (1.25) -1.05c

(1.28) -1.41c (1.26)

Note. Les scores indicés en colonne par des lettres distinctes sont significativement différents à p < .05 (HSD de Tukey).

Les tests t pour échantillon unique réalisés contre la valeur 0 indiquent que toutes les

catégories se différencient significativement de cette valeur (p <.01). Ces résultats indiquent

chacune des 16 catégories d’explications a été plus choisie pour une consigne que pour

l’autre. Pour les comportements positifs, les explications internes/stables en terme de trait,

comme celles internes/instables sont plus choisies en consigne pronormative qu’en consigne

contre normative (M = 0.78 et M = 0.66). Le pattern inverse est observé pour les

comportements négatifs où ces deux catégories d’explications internes sont significativement

plus choisies par les élèves pour se faire mal voir que pour se faire bien voir (internes/stables

en terme de trait : M = -0.21 ; internes/instables en terme d’intention : M = -0.19). En matière

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

173

de renforcements, les explications internes/instables en terme d’effort sont préférées par les

élèves pour se faire bien voir plutôt que pour se faire mal voir, pour les renforcements positifs

(M = 0.79) et négatifs (M = 0.96). De la même façon, les explications internes/stables en

terme d’habileté sont plus choisies par les élèves pour se faire bien voir que pour se faire mal

voir pour les renforcements positifs (M = 0.82) comme négatifs (M = 0.13).

En complément de ces analyses, les comparaisons post hoc (HSD de Tukey) indiquent

que, si certaines de nos hypothèses sont en accord avec les données, ce n’est pas le cas de

toutes. A noter qu’en matière de comportements positifs, si les explications internes/stables en

terme de trait de personnalité (M = 0.78) sont plus valorisées que les explications externes en

général (externes/stables en terme de contrainte : M = -0.90 ; externes/instables en terme

d’action d’autrui : M = -0.53) elles ne se différencient pas des explications internes/instables

en terme d’intention (M = 0.66).

Pour les comportements négatifs, cette fois, les explications internes/stables en terme

de trait (M = -0.21) ne sont pas plus valorisées que celles externes/stables en terme de

contrainte extérieure (M = -0.34) et celles internes/instables en terme d’intention (M = -0.19).

En revanche, elles sont moins valorisées aux yeux des élèves que les explications

externes/instables mettant en avant l’action d’autrui (M = 0.74).

A noter que pour les renforcements positifs, si les explications internes/instables en

terme d’effort (M = 0.79) sont plus valorisées que celles externes/instables en terme de chance

(M = -0.55) et que celles externes/stables en terme de difficulté de la tâche (M = -1.05), elles

ne se différencient toutefois pas des explications internes/stables en terme d’habileté (M =

0.82).

En matière de renforcements négatifs, les résultats indiquent que, pour les élèves, les

explications internes/instables en terme d’effort (M = 0.96) sont bien plus valorisées que les

autres catégories d’explications (internes/stables en terme de manque d’habileté, M = 0.13 ;

externes/instables en terme de chance, M = 0.32 ; externes/stables en terme de difficulté de la

tâche, M = 1.41). Les explications internes/stables en terme d’habileté, si elles ne se

différencient pas des explications externes/instables en terme de chance, sont plus valorisées

que celles en terme de difficulté de la tâche.

D’une manière générale, les résultats obtenus soulignent donc l’existence d’une

variabilité de valeur des explications causales au sein des registres interne et externe. Les

élèves choisissent plus certaines explications internes pour donner une bonne image qu’une

mauvaise image de soi et ce, de façon plus marquée que d’autres explications internes (e.g. les

explications internes/instables en terme d’effort pour les renforcements négatifs). A noter

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

174

également que certaines explications externes apparaissent plus valorisées que certaines

explications internes (e.g. les explications externes/instables en terme d’action d’autrui).

2.3.2.2. Paradigme d’identification/jugement (enseignants)

Les données concernant la perception des enseignants des réponses de leurs élèves au

questionnaire d’internalité et les jugements émis par les enseignants à leur endroit ont été

traitées de la même façon que dans l’étude 3. Ainsi, avons-nous créé, en premier lieu, un

modèle de régression de base intégrant le score moyen des élèves aux épreuves standardisées,

le niveau moyen de la classe, la catégorie socioprofessionnelle du père des élèves, le sexe des

élèves et leur statut scolaire (redoublant vs. non redoublant). Puis, sur la base de ce modèle,

nous avons créé 16 modèles de régression intégrant chacun un score correspondant à une

catégorie d’explications. Les coefficients � des relations entre les scores des différentes

catégories du questionnaire d’internalité scolaire et le jugement scolaire moyen sont présentés

dans le tableau 4.17.

Tableau 4.17. Coefficients � des relations entre les scores des différentes catégories du

questionnaire d’internalité et le jugement scolaire moyen (identification/jugement)

Comportements Renforcements

Positifs Négatifs Positifs Négatifs

Interne/Instable .03 .03 .01 .14**

Interne/Stable .09* .02 .18** -.09*

Externe/Instable -.04 .07* -.21** .01

Externe/Stable -.07* -.14** .01 -.14*

Note. N = 499, ** p < .01, * p < .05, t p < .10

Le tableau 4.17. indique clairement l’existence de variations dans les relations entre le

jugement scolaire et les différentes catégories d’explications manipulées dans le questionnaire

d’internalité. Ces variations répliquent dans une certaine mesure les résultats de l’étude 3 à

partir du même paradigme.

Pour les comportements positifs, conformément aux résultats de l’étude 3, les

explications internes/stables en terme de trait sont significativement et positivement associées

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

175

au jugement scolaire moyen (� = .09). Seules les explications externes/stables en terme de

contraintes sont liées significativement et négativement au jugement des enseignants (� = -

.07).

Pour les comportements négatifs, contrairement aux données obtenues précédemment

où elles étaient apparues reliées négativement au jugement (cf. tableau 4.8., étude 3), les

explications en terme de trait ne sont pas reliées significativement au jugement des

enseignants (� = .02). A noter également que les explications externes/instables en terme

d’action d’autrui sont positivement et significativement associées au jugement scolaire moyen

(� = .07), les explications externes/stables en terme de contrainte sont quant à elles reliées

significativement et négativement à ce jugement (� = -.14).

Concernant les renforcements positifs, les données répliquent les effets observés dans

l’étude 3. En effet, seules les explications internes/stables en terme d’habileté sont

significativement et positivement associées au jugement (� = .18). Ce n’est pas le cas des

explications internes/instables en terme d’effort (� = .01). Les explications externes/instables

en terme de chance sont les seules à être significativement et négativement associées au

jugement (� = -.21).

Enfin, en matière d’explication des renforcements négatifs, les explications

internes/instables en terme d’effort apparaissent, une fois de plus, significativement et

positivement associées au jugement scolaire moyen (� = .14), contrairement aux explications

internes/stables en terme d’habileté qui, quant à elles, sont reliées négativement à ce jugement

(� = -.09), comme d’ailleurs les explications externes/stables en terme de contraintes (� = -

.14).

Au regard de ces résultats, il apparaît donc que cette étude réplique la plupart des

résultats obtenus dans l’étude 3. Si certaines explications internes semblent porteuses de

valeur, d’autres ne le sont pas. Toutes choses égales par ailleurs, plus les enseignants pensent

que leurs élèves ont expliqué leurs réussites par des explications en terme d’habileté, plus ils

les jugent favorablement. De même, plus les enseignants pensent que leurs élèves ont

expliqué leurs échecs par le manque d’effort, plus ils les jugent favorablement. A l’inverse,

plus les enseignants pensent que leurs élèves ont eu recours à des explications en terme de

manque d’habileté pour expliquer leurs échecs, moins ils les jugent favorablement. Enfin, plus

les enseignants pensent que leurs élèves expliquent leurs comportements désirables par des

traits de personnalité, plus ils les jugent favorablement. A noter également que, comme dans

l’étude 3, certaines explications externes semblent être porteuses de valeur sociale. En effet,

plus les enseignants pensent que leurs élèves expliquent les comportements négatifs par des

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

176

explications en terme d’autrui (externes/instables), plus ils les jugent favorablement

2.3.2.3. Paradigme de l’identification (enseignants)

La figure 4.4. présente les moyennes cumulées des scores obtenus par les différentes

catégories qui composent le questionnaire d’internalité (version b) dans le cadre du paradigme

de l’identification.

Idéal Non idéal

C- contrainte (ES)C- autrui (EI)R- tâche (ES)R- chance (EI)C+ contrainte (ES)C+ autrui (EI)R+ tâche (ES)R+ chance (EI)C- trait (IS)C- intention (II)R- trait (IS)R- effort (II)C+ trait (IS)C+ intention (II)R+ trait (IS)R+ effort (II)

Inte

rne

Ext

erne

Ext

erne

Inte

rne

Figure 4.4. Moyennes cumulées des scores des différentes catégories d’explications en

fonction du type d’élèves (étude 4)

Cette figure schématise les résultats observés en fonction de la consigne

d’identification. Les choix des participants ne se portent pas sur les mêmes explications pour

décrire l’élève idéal et l’élève non idéal. Afin d’estimer le degré de correspondance entre ces

deux consignes, nous avons réalisé une corrélation (� de Spearman) sur les moyennes

obtenues par les différentes catégories d’explications pour chacun des deux profils d’élèves.

Cette analyse montre que les moyennes obtenues dans ces deux consignes corrèlent

négativement, �(16) = -.76, p < .001, indiquant que plus les catégories d’explications sont

perçues comme étant susceptibles d’être choisies par l’élève idéal, moins les enseignants

3

0

6

9

12

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

177

pensent que les mêmes types d’explications sont susceptibles d’être choisis par l’élève non

idéal.

Comme dans les deux paradigmes d’autoprésentation précédents, nous avons calculé

un indice de valorisation sur la base des réponses des enseignants en consignes « élève idéal »

et « élève non idéal ». Rappelons que cet indice consiste à calculer, pour chaque enseignant et

pour chaque catégorie d’explications, la différence entre le nombre d’explications choisi avec

la consigne « élève idéal » et celui choisi avec la consigne « élève non idéal ». Plus cette

différence est positive, plus la catégorie d’explications est considérée par les enseignants

comme typique de l’élève idéal et comme et donc comme non caractéristique de l’élève non

idéal56.

Deux ensembles d’analyses ont été réalisés sur les données. Le premier vise à

déterminer si les catégories d’explications ont été préférentiellement choisies pour décrire

l’élève idéal ou l’élève non idéal (tests t pour échantillon unique). Le second ensemble

d’analyses vise à comparer les différentes catégories d’explications sur la base de leur score

de valorisation. Les scores moyens de valorisation obtenus par les différentes catégories

d’explications sont présentés dans le tableau 4.18.

Tableau 4.18. Scores de valorisation (et écarts-types) pour chaque type d’explications en

fonction du type d’événements et de leur valence (identification)

Comportements Renforcements

Positifs Négatifs Positifs Négatifs

Interne/Instable 1.03a (0.88)

0.39a (1.06) 1.73a

(1.80) 2.42a (0.83)

Interne/Stable 1.33a (0.78)

0.18a (1.33) -0.12b

(0.99) -0.09b (0.95)

Externe/Instable -1.39b (0.89)

0.00a (1.15) -1.79c

(1.19) -0.97b,c (1.02)

Externe/Stable -0.97b (1.10)

-0.58b (0.97) 0.18b

(1.19) -1.39c (1.03)

Note. Les scores indicés en colonne par des lettres distinctes sont significativement différents à p < .05 (HSD de Tukey)

56 A noter que la valorisation mesurée par ce score diffère de celle calculée dans le paradigme d’autoprésentation. Alors que la première renvoie à la valeur telle qu’elle est perçue par les enseignants, la seconde renvoie à la valeur telle qu’elle est perçue par les élèves.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

178

Les résultats des tests t contre la valeur 0 indiquent que toutes les catégories ne sont

pas sensibles à la manipulation des consignes d’identification. En effet, seules certaines

d’entre elles apparaissent préférentiellement choisies sous une consigne plutôt que sous une

autre. Parmi les catégories dont le score de valorisation ne se différencie pas de 0, on peut

citer, pour les comportements négatifs les explications internes/stables en terme de trait (M =

0.18) et externes/instables en terme d’action d’autrui (M = 0.00). Pour les renforcements

positifs, on peut citer les explications internes/stables en terme d’habileté (M = 0.12) et

externes/stables en terme de difficulté de la tâche (M = 0.18) et, pour les renforcements

négatifs, les explications internes/stables en terme d’habileté (M = -0.09). Les autres

catégories se différencient significativement de la valeur 0 (p < .05). Ainsi, en matière de

comportements positifs, les explications internes, qu’elles soient stables en terme de trait (M =

1.33) ou instables en terme d’intention (M = 1.03), sont préférentiellement choisies pour

décrire l’élève idéal plutôt que l’élève non idéal. Cependant, pour les comportements négatifs,

seules les explications en terme d’intention semblent être plus caractéristiques de l’élève idéal

que de l’élève non idéal (M = 0.39). En matière de renforcements, seules les explications

internes/instables en terme d’effort sont plus caractéristiques de l’élève idéal plutôt que de

l’élève non idéal, indépendamment de la valence des renforcements (renforcements positifs :

M = 1.73 ; renforcements négatifs : M = 2.42.

Les comparaisons post hoc (HSD de Tukey) révèlent que, pour les comportements

positifs, la distinction interne/externe semble bien capter les différences de valeur des

explications. Si les deux explications internes (internes/stables en terme de trait, M = 1.03 ;

internes/instables en terme d’intention, M = 1.33) ne se différencient pas significativement

l’une de l’autre, elles sont toutefois significativement différentes des deux explications

externes (externes/instables en terme d’action d’autrui, M = -1.39 ; externes/stables en terme

de contrainte, M = -0.97) qui, elles-mêmes, ne se différencient pas significativement l’une de

l’autre.

Pour les comportements négatifs cette fois, les différences entre les catégories

semblent moins marquées étant donné que seules les explications externes/stables en terme de

contrainte extérieure (M = -0.58) obtiennent un score de valorisation significativement plus

négatif que les trois autres catégories qui ne se différencient pas significativement

(internes/instables en terme d’intention : M = 0.39 ; internes/stables en terme de trait : M =

0.18) ; externes/instables en terme d’action d’autrui : M = 0.00).

Pour les renforcements positifs, conformément à nos hypothèses, les explications en

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

179

terme d’effort (M = 1.73) apparaissent fortement plus valorisées aux yeux des enseignants que

les trois autres catégories. De plus, alors que les explications en terme d’habileté (M = -0.12)

et celles en terme de difficulté de la tâche (M = 0.18) ne se différencient pas significativement

l’une de l’autre, ces deux catégories obtiennent un score de normativité plus élevé que les

explications en terme de chance (M = -1.79).

Enfin, pour les renforcements négatifs, là encore, les explications en terme de manque

d’effort (M = 2.42) obtiennent le score de valorisation le plus élevé. Les explications en terme

d’habileté (M = -0.09) se différencient de celles en terme de malchance (M = -0.97) et de

celles en terme de difficulté de la tâche (M = -1.39), ces deux dernières n’étant pas

significativement différentes l’une de l’autre.

D’une manière générale, ces résultats révèlent encore une fois l’existence de variations

de valeur au sein des registres interne et externe sur les deux pôles événementiels que sont les

comportements et les renforcements. Aux yeux des enseignants, il semble que toutes les

explications internes ne se valent pas, pas plus d’ailleurs que toutes les explications externes.

Ces résultats attestent encore une fois de l’intérêt de dépasser la seule distinction

interne/externe dans l’étude de la valorisation des explications causales. Ils supportent

également une fois de plus l’hypothèse concernant la plus grande valeur des explications

causales internes/instables en terme d’effort lorsqu’il s’agit d’expliquer les renforcements. En

effet, les enseignants choisissent plus ce type d’explications pour répondre au nom de l’élève

idéal que pour répondre au nom de l’élève non idéal et de façon plus marquée que les autres

explications. Cette préférence des enseignants pour les explications en terme d’effort est

indépendante de la valence des événements expliqués. En matière de comportements, les

résultats sont moins nets et révèlent que les deux catégories d’explications internes ne se

différencient pas l’une de l’autre que ce soit lorsqu’il s’agit d’expliquer les comportements

positifs ou négatifs.

2.4. Discussion

Le premier objectif de cette étude était de répliquer les résultats de l’étude 3, tant en ce

qui concerne les résultats obtenus à partir du score global d’internalité que ceux mis en

évidence par la prise en compte de la spécificité des catégories d’explications.

Tout d’abord, conformément aux présupposés de la théorie de la norme d’internalité,

nous avons observé que les explications internes faisaient globalement l’objet d’une

valorisation plus marquée que les explications externes et ce indépendamment des

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

180

événements considérés57. Prendre en compte uniquement la distinction interne/externe comme

critère de classification des explications causales aboutit donc à considérer que nos résultats

vont globalement dans le sens de la théorie de la norme d’internalité. Toutefois, un pattern de

résultats bien différent semble se dégager dès lors que l’on recourt à des distinctions plus

fines. En effet, au travers des trois paradigmes, nous avons observé des variations de

valorisation au sein des registres interne et externe. Comme dans le cas de l’étude 4, ces

variations ne vont que partiellement dans le sens de nos hypothèses.

Par exemple, en matière de comportements, nous n’avons pas observé que les

explications internes en terme de trait étaient systématiquement les plus valorisées. De même,

nous n’avons observé que les explications internes/instables en terme d’intention étaient plus

valorisées que les autres. La valeur de ces explications semblent avant tout dépendre de la

valence des événements et du paradigme mobilisé. Dans le cadre du paradigme

d’autoprésentation, et pour les comportements positifs, ces deux catégories d’explications

internes semblent être globalement porteuses de valeur. Le même pattern de résultats est

observé dans le cadre du paradigme de l’identification. La seule différence notable entre ces

deux catégories d’explications apparaît dans le cadre du paradigme d’identification/jugement.

Seules les explications en terme de trait sont liées significativement au jugement des

enseignants. En matière de comportements négatifs, les résultats semblent là bien différents.

Face à ce type d’événements, ces deux catégories (traits et intention) ne semblent pas

particulièrement porteuses de valeur. Pris dans leur ensemble, ces résultats diffèrent de ceux

que nous avons observés dans l’étude 3 sur plusieurs points. Une des différences les plus

notables concerne les explications internes en terme d’intention. Alors qu’elles apparaissaient

fortement dévalorisées pour les élèves indépendamment de la valence des événements dans

l’étude 3, ce type d’explications semblent très valorisées pour rendre compte des

comportements positifs et peu dévalorisées en matière de comportements négatifs. Ce pattern

de résultats se retrouve chez les enseignants en identification. Cela n’est pas sans doute pas

sans rapport avec la modification opérée sur le questionnaire d’internalité à l’issue de l’étude

3. Il semble donc que la modification que nous avons opérée sur le questionnaire a produit des

effets non négligeables sur la valeur des explications. Cette conclusion tranche assez

nettement avec celle que nous avons émise sur la base des résultats obtenus à partir du critère

57 Les deux seules exceptions à cette assertion concernent, d’un côté, les données recueillies à partir du paradigme d’autoprésentation où les élèves semblent penser qu’expliquer des comportements négatifs de façon interne serait susceptible de produire une image défavorable, et de l’autre, celles issues du paradigme d’identification/jugement où le score d’internalité perçu par les enseignants pour ce même type d’événements n’est pas significativement relié à leur jugement.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

181

interne/externe. De ce point de vue, les données semblent globalement répliquer celles de

l’étude 3. Ainsi, alors que le seul recours à la distinction interne/externe nous amènerait à

considérer que la modification du matériel n’a eu que peu ou pas de conséquences sur les

effets observés, l’utilisation d’une classification plus fine des explications causales révèle

l’existence de variations non négligeables d’une étude à l’autre.

En matière de renforcements cette fois, les résultats obtenus dans cette étude

répliquent dans une large mesure ceux obtenus dans l’étude 3. S’ils indiquent sans ambiguïté

que les explications les plus valorisées sont les explications internes/instables en terme

d’effort lorsqu’il s’agit d’expliquer les échecs, le pattern de résultats s’avère moins consistant

en matière de renforcements positifs. En matière d’identification/jugement, on retrouve le

pattern déjà observé dans l’étude 3 : seules les explications en terme d’habileté semblent

reliées au jugement des enseignants et non les explications en terme d’effort. De la même

façon, il ressort en matière d’autoprésentation que, bien qu’elles ne se différencient pas

significativement des explications internes/stables en terme d’habileté, les explications en

terme d’effort semblent être valorisées puisqu’elles obtiennent un score de valorisation

positif. Enfin, en situation d’identification, les explications en terme d’effort sont les

explications les plus valorisées lorsqu’elles rendent compte des renforcements

indépendamment de leur valence. Pour les enseignants, ce type d’explications serait fortement

choisi par l’élève idéal et très peu par l’élève non idéal.

Ce résultat, s’il va dans le sens de nos hypothèses, met également en évidence un point

qui nous semble essentiel à la compréhension des mécanismes à l’œuvre dans cette étude. En

effet, la valeur accordée par les participants à certaines catégories d’explications semble être

fonction du paradigme dans lequel ils sont placés. Par exemple, alors qu’ils considèrent les

explications internes/instables en terme d’effort pour rendre compte des renforcements

positifs comme particulièrement typiques de l’élève idéal, ils ne jugent pas plus

favorablement les élèves dont ils pensent qu’ils auraient recours à ce type d’explications.

Rappelons également que dans l’étude 3, une inconsistance du même ordre avait déjà été

observée entre, d’un côté, les élèves placés en autoprésentation et, de l’autre, leurs

enseignants placés en paradigme d’identification/jugement. Par exemple, alors que les

explications en terme d’effort apparaissaient comme les plus valorisées aux yeux des élèves

pour rendre compte des renforcements positifs, les enseignants ne jugeaient pas plus

favorablement les élèves dont ils pensaient qu’ils auraient eu recours à ce type d’explications.

Reprenant les arguments développés par Dubois (2000), nous avions avancé l’idée que la

valeur mise en avant par le paradigme d’autoprésentation et celle révélée par le paradigme

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

182

d’identification/jugement n’étaient pas de même nature. Chacune d’entre elles reposeraient

sur l’une des deux composantes de la valeur sociale (Beauvois, 1995; Dubois & Beauvois,

2001). Alors que la valeur exprimée par les élèves reposerait sur la désirabilité des

explications, celle exprimée par les enseignants reposerait sur l’utilité des explications. Les

résultats obtenus dans l’étude 4 nous permettent d’avancer a minima quelques éléments de

réponses sur ce point. A la différence de l’étude 3, cette divergence de résultats ne concerne

pas des populations distinctes (élèves vs. enseignants) mais se retrouve dans les réponses des

mêmes individus. De fait, une interprétation en terme de différences de populations ne peut

permettre de rendre compte de cette inconsistance de résultats, contrairement à l’hypothèse

selon laquelle les deux paradigmes ne mobilisent pas le même aspect des explications

causales. Cette interprétation permettrait également de rendre compte du fait que les élèves en

autoprésentation semblent penser que les explications internes/instables en terme d’effort et

celles internes/stables en terme d’habileté sont toutes deux capables de produire une image

favorable aux yeux de leurs enseignants pour expliquer la réussite. Alors que les premières

seraient particulièrement porteuses de désirabilité sociale, les secondes seraient fortement

porteuses d’utilité sociale. De fait, recourir à ces deux types d’explications pour rendre

compte de la réussite permettrait aux élèves de produire une image favorable sur les deux

dimensions de la valeur sociale. Cette explication permettrait en outre d’expliquer pourquoi

les explications en terme d’effort pour expliquer les renforcements négatifs sont valorisées

indépendamment de la méthode employée. Sans doute, ces explications sont à la fois

porteuses d’utilité et de désirabilité. Le fait de les évoquer serait susceptible de produire une

image favorable sur ces deux aspects. Il semble donc que les différences de résultats observés

dans les deux études puissent être expliquées par la spécificité des paradigmes employés.

Cette explication, si elle nous permet de rendre compte de la variabilité de valorisation des

explications, n’est pas sans conséquences sur la formulation de nos hypothèses initiales. En

effet, plus que de chercher à déterminer quelles sont les explications les plus valorisées du

registre interne, il nous semble, à ce stade de ce travail, plus heuristique de chercher à savoir

quel type de valeur est véhiculé par les différentes catégories d’explications internes.

3. Conclusion

Au travers de ces deux études, nous avons pu observer différents phénomènes

concernant la valeur des explications causales. Sur ce point, nos données supportent

globalement la définition proposée par Beauvois et Dubois (1988) selon laquelle les

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

183

explications internes seraient plus valorisées que les explications externes pour rendre compte

des événements psychologiques (comportements et renforcements). Cependant, les résultats

que nous avons observés dans les deux études dès lors que l’on tient compte d’autres critères

de classification que la seule distinction interne/externe nous invitent à nous interroger sur le

bien-fondé de la théorie de la norme d’internalité. En effet, peut-on considérer que la théorie

de la norme d’internalité peut être infirmée par le fait d’observer que toutes les explications

internes ne sont pas valorisées et que toutes les explications externes ne sont pas

dévalorisées ? Répondre à une telle question suppose avant tout de chercher à identifier de

façon précise les prédictions que permet de faire la définition de la norme d’internalité

proposée par Beauvois et Dubois (1988). Rappelons que la norme d’internalité est définie

comme « la valorisation sociale des explications des événements psychologiques

(comportements et renforcements) qui accentuent le poids causal de l’acteur » (Beauvois &

Dubois, , p.299). Cette définition semble interprétable de deux manières. Une première

manière consisterait à dire qu’elle implique que toutes les explications internes doivent

forcément être plus valorisées que toutes les explications externes. Sur la base de cette

interprétation, la théorie de la norme d’internalité serait infirmée à partir du moment où l’on

observerait une catégorie d’explications externes qui soit a minima au moins autant valorisée

que certaines catégories d’explications internes. De fait, accepter une telle interprétation

aboutirait à l’infirmation de la théorie de la norme d’internalité sur la base de nos données58.

Une seconde manière consisterait à supposer que cette définition se limite à indiquer que les

explications internes sont en moyenne plus valorisées que les explications externes. Il nous

semble que c’est cette seconde conception qui est sans doute la plus adaptée pour qualifier la

norme d’internalité. En effet, cette norme désigne un phénomène social qui ne s’applique pas

à l’explication des événements quotidiens dans le cadre d’interactions entre individus.

L’opérationnalisation sous forme de questionnaire d’internalité renvoyant à de multiples

événements de type (comportements et renforcements) et de valence (positive et négative)

divers en est la preuve. Comme le note Beauvois (1987b), « ce que nous étudions avec ces

questionnaires, ce ne sont ni les explications ordinaires, ni les inférences ordinaires. […]. Ce

qui est étudié c’est une norme : la norme d’internalité qui ne fait qu’intervenir dans les

explications et inférences, sans bien sûr les épuiser » (p.120). La norme d’internalité traite

donc plutôt d’une tendance de la pensée sociale à accorder en moyenne aux explications

58 De ce point de vue, les résultats obtenus par Pansu et Gilibert (2002, étude 4) auraient également les mêmes répercutions étant donné que ces auteurs ont observé que certaines explications externes (en terme de situation) pouvaient être au moins autant valorisées que certaines explications internes (en terme de trait) dans l’explication des renforcements.

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

184

internes une plus grande valeur qu’aux explications externes. Le recours à la notion de valeur

moyenne suppose ici la possibilité de l’existence d’une distribution d’échantillonnage de la

valeur des explications dans chacun des deux registres autour de leur moyenne respective.

Cette approche suppose donc l’existence d’explications internes non valorisées voire

dévalorisées ainsi que l’existence d’explications externes non dévalorisées, voire porteuses de

valeur. Cependant, cette interprétation de la définition de la norme d’internalité, si elle

conserve à la théorie initiale une certaine validité à un niveau général, a également pour

conséquence de limiter fortement sa portée heuristique. Le caractère très général de la

définition de la norme d’internalité porterait en lui-même les limitations de cette approche de

la valeur des explications causales. En effet, si la norme d’internalité reflète une tendance

moyenne de la pensée sociale, elle n’appréhende que de façon agrégée la valorisation des

explications causales. De fait, elle ne peut pas rendre compte des différences de valeur entre

les différentes catégories d’explications internes et externes. Ce phénomène, loin d’être

nouveau, a été observé dans les deux études réalisées. Ainsi, dès lors qu’on a recours à

d’autres critères de classification, l’aspect homogène de la valeur des explications causales

révélé par l’utilisation du seul critère interne/externe disparaît au profit d’une vision beaucoup

plus éclatée. Toutefois, bien que plus complexe que l’analyse proposée par la théorie de la

norme d’internalité, il nous semble qu’une approche intégrant d’autres critères de

classification (que ceux-ci soit dimensionnels et/ou catégoriels) serait plus à même de

permettre une modélisation de la valeur des explications causales. Cette idée peut être

illustrée par les résultats que nous avons obtenus, en particulier ceux concernant l’explication

des renforcements. En effet alors que le critère interne/externe nous amènerait à conclure que

les explications internes sont plus valorisées que les explications externes pour rendre compte

de ce type d’événements indépendamment de leur valence, une approche plus fine de la

spécificité des explications causales nous permet de savoir qu’au sein du registre interne,

seules certaines explications sont en mesure de produire des jugements favorables et d’autres

sont au contraire à éviter. Ainsi, nous semble-t-il, à l’instar d’autres auteurs (Pansu, 2006;

Pansu & Gilibert, 2002), que l’étude de la valeur des explications causales nécessite de

recourir à une analyse plus fine que ne le permet la seule distinction interne/externe.

Mais, au-delà de l’importance que semble revêtir le dépassement de la distinction

interne/externe dans l’étude de la valorisation des explications causales, avoir recours à

d’autres critères de classification nous a également permis d’observer que cette valeur était

loin d’être homogène d’un paradigme à l’autre. En d’autres termes, la plus ou moins grande

valeur des explications peut varier en fonction de la tâche proposée aux participants. Partant

Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe

185

de ce constat, nous sommes venus à nous demander si la question de la valeur des différentes

explications internes était véritablement pertinente ainsi posée. C’est ainsi que nous avons été

amené à nous interroger sur le type de valeur sociale véhiculée par ces types d’explications

particuliers. Les résultats obtenus dans les études précédentes, en particulier l’étude 4, ont

ouvert quelques pistes à suivre. D’un côté, les résultats obtenus à partir des paradigmes

d’autoprésentation et d’identification nous renseigneraient sur la désirabilité des catégories

d’explications. De l’autre, les résultats obtenus à partir du paradigme

d’identification/jugement nous informeraient sur leur utilité. De fait, nous pouvons émettre

l’hypothèse que chacune des catégories d’explications internes est porteuse soit d’un type de

valeur spécifique – désirabilité ou utilité – soit des deux. Par exemple, les explications

internes/instables en terme d’effort pour les renforcements négatifs devraient être porteuses

d’utilité et de désirabilité. En revanche, pour les renforcements positifs, ce type d’explications

devrait être désirable mais neutre sur l’utilité. Les explications internes/stables en terme

d’habileté devraient, quant à elles, être utiles mais neutre sur la désirabilité. De plus, si cette

nouvelle conception nous permet d’émettre de nouvelles prédictions concernant les

différentes catégories d’explications internes, elle nous permet également d’avancer des

hypothèses sur la valeur de l’ensemble des catégories que nous avons manipulé dans le

questionnaire d’internalité, y compris les catégories d’explications externes. Par exemple, les

explications externes/instables en terme de chance devraient être indésirables mais neutres en

matière d’utilité.

Afin de tester la pertinence de cette nouvelle approche de notre problématique initiale,

nous avons conduit de nouvelles études avec pour objectif principal de mettre en évidence les

relations qu’entretiennent les explications causales avec les deux composantes de la valeur.

L’étude de ces relations est la thématique centrale de la seconde partie de cette thèse.

186

187

SECONDE PARTIE

L’UTILITE ET LA DESIRABILITE DES EXPLICATIONS

CAUSALES

188

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

189

CHAPITRE 5

L’ETUDE DE LA PERSONNOLOGIE : DES PROCESSUS

D’INFERENCES A LA DECOMPOSITION DU CONCEPT DE VALEUR

Afin de mieux comprendre les variations de valeur des différentes catégories

d’explications causales, nous allons nous intéresser dans ce cinquième chapitre, à la

distinction entre utilité et désirabilité sociales et aux conséquences de la décomposition du

concept de valeur sur notre questionnement de départ. Avant de présenter les différents

travaux ayant porté sur cette thématique, nous la resituerons dans un premier temps dans le

champ de la perception sociale. Sur ce point, l’étude de la psychologie quotidienne est

centrale pour la psychologie sociale cognitive (Beauvois, 1984a; Gilbert, 1998; Heider, 1958;

Leyens, 1983). Au cœur de cette psychologie quotidienne se trouve la personnologie. De fait,

l’étude des mécanismes et des contenus personnologiques a fait l’objet d’un nombre

considérable de recherches. Dans ce chapitre, nous verrons quelques unes des différentes

perspectives sous lesquelles les recherches ont abordé le concept de personnologie ainsi que

son unité de base : le trait de personnalité.

Dans une première partie, différentes approches développées autour du concept de

trait dans le domaine de la perception sociale seront présentées. Tout d’abord, nous

aborderons les modèles dominants de l’inférence dispositionnelle (Gilbert, 1998; Quattrone,

1982; Trope, 1986; Winter & Uleman, 1984) ainsi que leurs principales limites. Nous verrons

ensuite que la conception sous-jacente à ces modèles peut être enrichie par la théorie de la

double connaissance (Beauvois & Dubois, 1992) qui envisage le trait de personnalité non plus

seulement sous l’angle de la description de ce que sont les gens, mais également en tant que

source d’informations sur la valeur des personnes dans un rapport social donné. Ce dernier

aspect nous amènera à évoquer enfin l’approche écologique développée par Gibson (1979,

cité par Nakayama, 1994) et les extensions de cette approche en matière de perception sociale

(Leonova, 2004). Combinée avec la théorie de la double connaissance, l’approche écologique

nous permettra d’envisager les traits de personnalité en tant que généralisations d’affordances

(Beauvois & Dubois, 2000).

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

190

Dans une seconde partie, nous nous intéresserons plus particulièrement au contenu

véhiculé par les traits ainsi qu’à leur organisation. Nous verrons que de nombreuses

recherches indiquent que les traits se structurent globalement autour de deux dimensions

principales. Dans un premier temps, nous présenterons les recherches d’Osgood et de ses

collaborateurs sur le différenciateur sémantique (Osgood, Suci, & Tannenbaum, 1957). Nous

verrons, dans un deuxième temps, que les conclusions issues des recherches précédentes

peuvent être étendues à l’organisation des théories implicites de la personnalité (Schneider,

1973). Dans un troisième temps, nous verrons deux interprétations théoriques de l’origine

bidimensionnelle de la valeur des traits de personnalité, l’une située à un niveau individuel

(Peeters, 1992, 1999), l’autre à un niveau sociétal (Beauvois, 1995; Dubois & Beauvois,

2001). Après avoir passé en revue, dans un quatrième temps, certaines des recherches qui

attestent de l’intérêt de cette distinction, nous énoncerons comment celle-ci a été mobilisée

afin d’améliorer la compréhension de l’impact sur le jugement social des normes sociales de

jugement en général et de la norme d’internalité en particulier.

Nous conclurons ce chapitre en resituant la problématique de cette thèse dans ce

nouveau cadre théorique. Nous verrons alors comment la question de la variabilité de valeur

au sein du registre interne peut être enrichie par la prise en compte de la distinction entre la

désirabilité et l’utilité.

1. L’étude de la personnologie : Vers de nouvelles approches des phénomènes de perception

sociale

Défini comme « un mode d’adaptation consistant et stable de l’individu à son

environnement » (Allport & Odbert, 1936, cités par Mollaret, 1998), le trait de personnalité

est l’unité de base de l’étude de la personnologie. Différents statuts théoriques ont été donnés

à ce concept. D’une part, le trait de personnalité peut être considéré comme une disposition

présente chez les individus ayant des manifestations comportementales relativement stables

dans le temps (Heider, 1958). En ce sens, le trait peut être considéré comme la cause du

comportement (Mollaret, 1998). D’autre part, il peut être envisagé comme une catégorie

cognitive exemplifiée par un ensemble de comportements spécifiques. Si la première

conception du trait de personnalité est plutôt le reflet des théories classiques de la personnalité

(F. H. Allport & Allport, 1921; G. W. Allport, 1927; voir également Pervin, 1994; Wiggins &

Pincus, 1992), la seconde est issue du courant de la cognition sociale qui, sur la base des

travaux de Rosch en matière de classification d’objets naturels (L. Dompnier, 2006; Rosch,

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

191

1975; Rosch, Mervis, Gray, Johnson, & Boyes-Braem, 1976), cherche à étudier les processus

à l’œuvre dans les phénomènes de perception sociale (Mollaret, 1998). Dans ce cadre

théorique, les traits de personnalité sont envisagés à la fois comme des attributs

personnologiques (« traits-as-person-attributs ») et comme des catégories cognitives (« traits-

as-action-categories »). C’est principalement à ce dernier courant que nous allons nous

intéresser.

1.1. L’approche cognitiviste de la perception sociale : Le courant de la cognition

sociale

Avec la révolution cognitiviste (Baars, 1986; Legrand, 1990), l’étude des mécanismes

à l’œuvre dans les phénomènes de perception sociale a connu de grands changements, tant

théoriques que méthodologiques. Inévitablement, sont apparues, avec ces évolutions, de

nouvelles questions que les théories classiques de l’attribution (Heider, 1958; Jones & Davis,

1965; Jones & McGillis, 1976; Kelley, 1967) avaient laissées en suspend. Alors que l’intérêt

principal des tenants des théories de l’attribution résidait dans la détermination de règles

logiques permettant le passage de l’observation des comportements des individus aux

inférences sur leurs dispositions stables59 (Kelley, 1967), les chercheurs issus du courant de la

cognition sociale se sont principalement attachés à modéliser les mécanismes à l’œuvre dans

la « boite noire » (Gilbert, 1998). C’est ainsi que, par exemple, en matière d’inférence

dispositionnelle, différents modèles ont été proposés, le plus souvent avec le souci de

s’inscrire dans le cadre plus général des modèles du traitement de l’information (E. R. Smith,

1984, 1994, 1998; Srull & Wyer, 1989; Wyer & Srull, 1986). Parmi ces modèles, quatre ont

particulièrement suscité l’intérêt des chercheurs (cf. figure 5.1.).

59 En ce sens, les théories classiques de l’attribution (Jones & Davis, 1965; Kelley, 1967) modélisent plutôt les procédures que les individus devraient mettre en place pour produire des inférences plutôt que celles qu’ils utilisent au quotidien, bien que dans certains cas ils puissent y avoir recours (Hewstone, 1989; Hewstone & Jaspard, 1987).

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

192

Le modèle de Trope

Le modèle de Quattrone

Le modèle de Uleman

Le modèle de Gilbert

Comportement automatiqueIdentification

Comportement automatiqueCatégorisation

Attribution contrôléeInférence

DispositionnelAncrage

SituationnelAjustement

SpontanéInférence de traits

DispositionnelCaractérisation

SituationnelCorrection

Figure 5.1. Les modèles dominants de l’inférence dispositionnelle (d'après Gilbert, 1998)

Le premier de ces modèles, énoncé par Quattrone (1982), propose de diviser le

processus d’inférence dispositionnelle en deux phases. Dans la première phase, les individus

inféreraient directement une disposition sur la base de l’observation du comportement

(l’ancrage) puis, dans une seconde phase, ajusteraient leur inférence à partir des informations

situationnelles. D’après cet auteur, l’ancrage dispositionnel serait la conséquence de la

saillance du couple comportement-acteur qui, dans la majorité des cas, amènerait les

observateurs à se focaliser sur l’acteur plutôt que sur la situation60.

Le deuxième modèle est celui de Trope (Trope, 1986; Trope & Alfieri, 1997; Trope &

Gaunt, 2000; Trope & Higgins, 1993; Trope & Liberman, 1993). Cet auteur propose de

séparer le processus d’inférence en deux phases successives. Dans la première, les individus

identifieraient le comportement observé à partir d’informations comme, par exemple, les

comportements antérieurs de l’acteur ou la spécificité de la situation dans laquelle est émise le

comportement. Dans la seconde phase, les individus inféreraient une disposition sur la base de

l’identification qui a été faite du comportement de l’acteur. Trope considère également que les

informations dont disposent les individus influenceraient l’émission d’une inférence

dispositionnelle. En effet, alors que les informations sur les comportements passés de l’acteur

favoriseraient positivement l’identification du comportement et l’inférence dispositionnelle,

celles concernant la spécificité de la situation ne faciliteraient que l’identification et

inhiberaient l’inférence dispositionnelle.

Le troisième modèle, proposé par Uleman, suppose que l’inférence dispositionnelle est

directement émise à la suite de l’observation d’un comportement donné (Bassili, 1993;

60 Quattrone (1982) a d’ailleurs mis en évidence que le fait de rendre saillant le couple comportement-situation pouvait aboutir à un ancrage situationnel plutôt que dispositionel.

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

193

Moskowitz & Roman, 1992; Newman & Uleman, 1993; Uleman et al., 1996; Uleman,

Moskowitz, Roman, & Rhee, 1993; Winter & Uleman, 1984; Winter et al., 1985). Ce modèle

met l’accent sur l’aspect spontané de l’inférence dispositionnelle en supposant que celle-ci

possède toutes les propriétés d’un processus automatique, à savoir être non intentionnel, non

conscient, peu coûteux cognitivement et incontrôlable (Bargh, 1996; Higgins & Bargh, 1987).

Enfin, le quatrième modèle, proposé par Gilbert (Gilbert & Krull, 1988; Gilbert, Krull,

& Malone, 1990; Gilbert & Osborne, 1989; Gilbert, Pelham, & Krull, 1988) emprunte

largement aux trois modèles précédents. En effet, Gilbert propose une séquence inférentielle

en trois étapes. Dans la première, à l’instar du modèle de Trope, cet auteur propose que le

processus d’inférence dispositionnelle commence par une phase d’identification

comportementale (la catégorisation). Dans les deuxième et troisième étapes, calquées sur les

propositions de Quattrone, les individus infèrent directement une disposition chez l’acteur à

partir de son comportement (la caractérisation), inférence qu’ils corrigeraient par la suite à

partir d’informations situationnelles (la correction). Enfin, sur la base des travaux de Uleman,

Gilbert propose que les deux premières phases du processus, la catégorisation et la

caractérisation, soient relativement automatiques, ce qui n’est pas le cas de la correction.

Cette dernière relèverait d’une activité consciente et contrôlée, nécessitant d’importantes

ressources cognitives.

Si de nombreuses recherches ont attesté de la capacité de ces différents modèles à

rendre compte des mécanismes qui sous-tendent les inférences dispositionnelles (Corneille,

1997; Gawronski, 2004; Gilbert, 1998), plusieurs d’entre elles ont soulevé leurs limites. Une

limite souvent évoquée concerne le fait que ces modèles proposent de rendre compte du

processus d’inférence dispositionnelle en général sans tenir compte de la spécificité de

l’inférence en question. Plusieurs recherches ont effectivement montré l’existence de règles

inférentielles spécifiques appliquées à certaines dispositions (Reeder, 1993; Reeder & Brewer,

1979). En effet, selon le type de disposition à inférer (e.g. traits liés à l’habileté, traits liés à la

moralité), des règles inférentielles différentes seraient susceptibles de s’appliquer. De fait, le

contenu même de l’inférence pourrait modifier la nature des processus mis en place par les

individus.

Une deuxième limite porte sur la nature (automatique vs. contrôlée) des processus mis

en place par les individus. Si les inférences dispositionnelles semblent pouvoir être émises

non intentionnellement, sans effort et sans en avoir conscience, il semble qu’elles puissent

être, dans une certaine mesure, contrôlables (voir Bargh, 1996; Yzerbyt, 1997). En effet, pour

qu’une inférence dispositionnelle soit émise, les individus doivent avoir comme objectif de

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

194

départ de chercher à comprendre la personnalité de l’acteur. Plusieurs recherches tendent à

indiquer que l’induction d’un but incitant à obtenir une connaissance sur la situation peut

empêcher la production d’inférences dispositionnelles au profit d’inférences sur la nature de

la situation (Krull, 1993; Krull & Dill, 1996). De fait, bien que possédant la plupart des

caractéristiques des processus automatiques, les inférences dispositionnelles ne sont pas

nécessairement émises à la suite de l’observation d’un comportement.

Une troisième limite porte sur le fait que de tels modèles semblent plutôt aptes à

décrire et à expliquer les processus cognitifs des individus issus des sociétés occidentales.

Tout un ensemble de travaux soutiennent cette idée et indiquent que l’activité d’inférence

dispositionnelle est fortement dépendante de phénomènes culturels (Choi et al., 1999;

Norenzayan, Choi, & Nisbett, 2002; Norenzayan & Nisbett, 2000). De nombreuses recherches

révèlent que des modèles dont la finalité est de produire des inférences sur les invariants

dispositionnels ne permettent de rendre compte que des procédures cognitives mobilisées par

les membres des sociétés individualistes (Duff & Newman, 1997; Newman, 1991, 1993;

Zarate et al., 2001).

Enfin, une quatrième limite de ces modèles concerne le fait qu’ils reposent tous sur un

postulat d’unicité de la connaissance. Dans cette conception, les traits véhiculent une

information de nature descriptive et sont appréhendés comme des catégories abstraites

permettant de décrire autrui. Toutefois, si les observateurs peuvent, dans certaines

circonstances, chercher à décrire les propriétés intrinsèques d’acteurs qu’ils ne connaissent

pas, il reste que, dans la vie quotidienne, acteurs et observateurs sont bien souvent impliqués

dans des rapports sociaux et que la nature de ces rapports peut intervenir sur le type de

connaissance qu’ils mobilisent. Tout un ensemble de recherches conduit depuis une quinzaine

d’années en France sur les éléments de la connaissance évaluative soutient cette hypothèse.

Ces recherches indiquent que les inférences dispositionnelles peuvent véhiculer des

informations, tant sur ce que sont les gens que sur ce que l’on peut faire avec eux sans que le

second type de connaissance ne repose directement sur le premier.

1.2. Le traitement de l’information personnologique et les registres de connaissances

La plupart des travaux qui s’intéressent aux mécanismes sous-jacents à la production

d’inférences personnologiques repose implicitement sur l’idée que les inférences émises par

un observateur à l’endroit d’un acteur sont le reflet d’une caractéristique stable de cet acteur

(Robert, Tarquinio, Le Manio, & Guingouain, 1998; Tarquinio, Leonova, Robert, &

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

195

Guingouain, 2003). Parce qu’il permet d’énoncer ce que sont les gens, le trait de personnalité

est envisagé, dans cette perspective, comme faisant partie d’une forme de connaissance que

l’on peut qualifier de descriptive. Bien que dominante dans le champ de la cognition sociale,

néanmoins, cette conception de la connaissance véhiculée par les traits de personnalité a été

remise en question. En effet, la nature de la connaissance acquise par les observateurs

concernant les acteurs dépendrait fondamentalement des rapports sociaux dans lesquels ils se

trouvent impliqués.

Dans la continuité de ses travaux sur la psychologie quotidienne (Beauvois, 1976,

1984a), Beauvois (1990) avance l’idée que la personnologie ne renverrait pas à une

connaissance unique : la connaissance descriptive. A suivre cet auteur, dans la vie

quotidienne, la connaissance issue de l’inférence personnologique n’aurait même pas grand-

chose à voir avec la connaissance descriptive. Cette idée repose sur tout un ensemble de

travaux qui indiquent que les traits de personnalité sont de piètres prédicteurs du

comportement (Beauvois, 1984a; Leyens, 1983). Ce constat amène par conséquent à

s’interroger sur la fonction des traits de personnalité. Pour Beauvois (1976; 1984a; 1994;

2005), cette fonction consisterait à permettre l’évaluation sociale. En ce sens, les traits ne

permettent pas seulement de décrire ce que sont les gens mais surtout de « saisir leur valeur

dans un environnement donné » (Beauvois, 2005, p.315). Une telle conception considère donc

que les traits de personnalité renvoient à deux types de connaissances : d’un côté, la

connaissance descriptive et, de l’autre, la connaissance évaluative. Contrairement à la

connaissance descriptive, la connaissance évaluative ne renseignerait pas sur ce que sont

intrinsèquement les objets mais plutôt sur ce que l’on peut faire avec dans le cadre d’un

rapport social spécifique. Il s’agit donc d’une connaissance dirigée vers l’action. Bien que ces

deux versants de la connaissance divergent dans leur finalité (description vs. évaluation), ces

deux types de connaissance seraient tributaires de la relation tripartite entre le sujet, l’objet et

les rapports sociaux qui lient le sujet et l’objet (voir figure 5.2.).

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

196

Sujet Objet

Connaissance descriptive

Connaissance évaluative

Rapports sociaux

Rapport social d’observation

Rapport s

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ocial d

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uctio

n

Etc.

Figure 5.2. Registres de connaissance et rapports sociaux (adaptée de Beauvois, 2005)

A suivre Beauvois (2005), toute connaissance, qu’elle soit descriptive ou évaluative,

serait construite dans le cadre de rapports sociaux. Ainsi, la distinction entre les deux registres

de connaissance serait la conséquence des différents rapports dans lesquels sont impliqués les

sujets et les objets. La connaissance descriptive dont disposerait le sujet concernant un objet

spécifique se construirait dans le cadre d’un rapport social spécifique, le rapport social

d’observation. Ce rapport, caractéristique de celui qui lie le chercheur à son objet de

recherche, ne serait toutefois pas l’archétype des rapports sociaux. Au contraire, il aurait

plutôt le statut d’exception. En effet, la plupart des rapports sociaux impliquent bien d’autres

types de relations et toute connaissance de la valeur des individus ne peut être envisagée sans

prendre en compte la nature des rapports sociaux qui lient les individus entre eux (e.g.

rapports sociaux d’élevage, de domination hiérarchique, de séduction). De ce point de vue, le

trait de personnalité apparaît comme « l’expression d’un rapport social capable de proposer

une typologie d’actions à l’égard d’un individu, dans un contexte donné » (Robert et al., 1998,

p.157). Ainsi, à suivre les tenants de cette conception duale de la connaissance, les traits de

personnalité seraient issus de la connaissance descriptive comme de la connaissance

évaluative et permettraient à la fois de décrire les individus mais également de nous

renseigner sur ce que l’on peut faire avec eux dans le cadre d’un rapport social donné. C’est

en partant de tels présupposés que Beauvois et Dubois (1992) ont proposé que les traits

pouvaient être en lien, non seulement avec les comportements de la cible censée posséder le

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

197

trait (désignés sous le terme de comportements CC), mais également avec les comportements

qu’autrui peut adopter à l’égard de la cible (désignés sous le terme de comportements CA)61.

Depuis ses premières formulations, de nombreux travaux ont cherché à apporter

quelques éléments empiriques à la théorie de la double connaissance (Beauvois & Dubois,

1992, 2001; Beauvois, Dubois, Mira, & Monteil, 1996; Dubois, 2006; Dubois & Beauvois,

2004; Dubois & Tarquinio, 1998; Mignon & Mollaret, 2002; Robert et al., 1998; Tarquinio,

1999). A partir de méthodologies variées (e.g. tâche de décision lexicale, association trait-

comportement, formation d’impression), ces travaux ont permis de mettre en évidence un

certain nombre de résultats convergents. Premièrement, les comportements CA semblent être

des exemplaires de traits au même titre que les comportements CC. La rapidité avec laquelle

la typicalité des comportements CA est reconnue ne semble pas résulter d’inférences sur la

base de la connaissance descriptive (Beauvois & Dubois, 1992). Deuxièmement, les

comportements CA semblent posséder des propriétés similaires à celles des comportements

CC. Par exemple, de la même façon que ces derniers, ils peuvent être utilisés comme des

indices de rappel d’informations relatives à une cible (Dubois & Beauvois, 2004).

Troisièmement, les comportements CC et CA ne sont pas associés de la même façon à tous les

types de traits. Alors que les comportements CC sont préférentiellement activés par les traits

les plus descriptifs, les comportements CA le sont davantage par les traits les plus évaluatifs

(Beauvois & Dubois, 1992; Beauvois et al., 1996)62.

A ce jour, cet ensemble de travaux mené sous l’impulsion de Beauvois et Dubois

soutient l’idée que les traits de personnalité peuvent être envisagés non seulement comme des

labels catégoriels descriptifs des comportements, mais également comme des indices

susceptibles de transmettre des informations sur la valeur des personnes dans le cadre d’un

rapport social donné. En tant qu’outils de la connaissance évaluative, les traits véhiculeraient

la valeur des personnes sans que cette valeur soit inférée à partir de la connaissance

descriptive. Au-delà de leur capacité à décrire un ensemble de comportements, les traits de

personnalité auraient une fonction : renseigner directement sur la valeur des gens sans pour

autant avoir recours à une analyse préliminaire. Cette idée n’est d’ailleurs pas sans rappeler

celles développées par Gibson (1979, cité par Nakayama, 1994) en matière de perception 61 Par exemple, en ce qui concerne le trait « honnête », un exemple de comportement CC pourrait être « rapporte un portefeuille trouvé dans la rue ». Pour le même trait, un exemple de comportement CA pourrait être « on peut lui confier de l’argent ». 62 La distinction entre les traits descriptifs et les traits évaluatifs reflète la tendance des traits soit à permettre la description des comportements, soit à être porteur de valeur (Beauvois & Dubois, 1992; Beauvois et al., 1996; John, Hampson, & Goldberg, 1991; Le Poultier, 1989). Différentes méthodes ont été développées pour permettre d’isoler les traits en fonction de ces deux caractéristiques (voir pour revue Robert et al., 1998).

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

198

visuelle et qui a donné lieu à plusieurs extensions, notamment en matière de perception

sociale.

1.3. Personnologie et affordances

L’approche écologique de la perception, développée à l’origine par James J. Gibson

(Nakayama, 1994), est sans doute l’une des avancées théoriques les plus importantes de

l’histoire des théories de la perception.

S’opposant à certains des présupposés théoriques les plus fondamentaux du courant

cognitiviste, l’approche écologique de la perception propose que la connaissance de la nature

de l’information est une étape incontournable pour appréhender les mécanismes de traitement

de l’information. A partir des travaux de chercheurs comme Brunswik (voir Hammond &

Stewart, 2001), Gibson réfute deux des postulats centraux de l’approche cognitiviste de la

perception (Leonova, 2004). D’une part, il réfute l’idée que la perception repose sur les

informations sensorielles internes aux individus et avance qu’elle est fondamentalement

dépendante de la stimulation issue de l’environnement. En ce sens, la perception serait

directement reliée à l’environnement par l’intermédiaire de la stimulation produite par

l’environnement et ce, sans avoir besoin de recourir à un traitement cognitif élaboré. D’autre

part, Gibson met au coeur de l’activité perceptive l’activité de l’individu lui-même. Il

considère que l’extraction de l’information ne peut être réalisée que lorsque la stimulation est

obtenue par une action de l’individu percevant motivée par un but. Cela conduit Gibson à

distinguer les stimulations imposées des stimulations obtenues. Les premières renvoient aux

informations sensorielles sur lesquelles va s’opérer un traitement cognitif, alors que les

secondes permettent de saisir directement les informations issues de l’environnement. La

distinction entre ces deux types de stimulations est particulièrement bien illustrée dans le

cadre de l’étude des phénomènes de perception visuelle. Alors qu’un certain nombre d’erreurs

perceptives peuvent apparaître dans le cadre de l’obtention de stimulations imposées, ces

erreurs perceptives disparaissent lorsque l’individu est autorisé à interagir de manière active

avec son environnement (Leonova, 2004).

L’approche développée par Gibson considère donc l’activité perceptive comme une

activité d’exploration ayant pour objectif l’extraction de l’information présente dans

l’environnement avec pour but ultime l’action. Il s’agit là d’un processus dynamique ayant

pour objectif l’adaptation de l’individu à son environnement. Cette approche interactive du

phénomène perceptif se retrouve dans un des concepts centraux de la théorie de Gibson :

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

199

l’affordance. Celle-ci peut être appréhendée comme « les possibilités d’action offertes par un

environnement donné à un observateur donné » (Leonova, 2004, p.257) et est, à la fois,

subjective et objective. En effet, si les affordances ne sont accessibles qu’aux observateurs

actifs, elles existent dans l’environnement en tant que possibilités d’action indépendamment

des observateurs (Leonova, 2004). Dès lors, on comprend mieux pourquoi les chercheurs ont

étendu la théorie de Gibson à d’autres phénomènes que la perception visuelle, en particulier à

la perception sociale (Baron & Misovich, 1993; Beauvois & Dubois, 2000; Leonova, 2004;

McArthur & Baron, 1983; Mignon & Mollaret, 2002; Zebrowitz & Collins, 1997).

En matière de perception sociale, l’approche écologique s’oppose là aussi à l’approche

cognitiviste. D’ailleurs, les approches de la perception sociale qui ont eu recours à la théorie

écologique ont critiqué les approches classiques globalement sur les mêmes points que ceux

évoqués par Gibson dans l’étude de la perception visuelle (Leonova, 2004; McArthur &

Baron, 1983; Zebrowitz & Collins, 1997). Très globalement, les travaux conduits dans cette

perspective considèrent que 1) l’objectif de la perception est l’action, 2) les informations sont

accessibles aux observateurs par l’intermédiaire d’affordances sociales, 3) ces affordances

sociales sont présentes chez les individus, en particulier par l’intermédiaire de leurs

caractéristiques physiques, 4) l’identification des affordances sociales dépend des attentes63

des observateurs. D’un point de vue opérationnel, ces travaux accordent une importance

centrale à la prise en compte simultanée des déterminants propres à l’observateur et au

contexte. Ils privilégient le recours à des informations dynamiques et multimodales obtenues

dans le cadre d’interactions sociales réelles. Enfin, ils se sont également intéressés à des

variables jusqu’alors négligées par les théories cognitivistes, comme par exemple l’aspect

développemental de la perception sociale ainsi que l’impact des phénomènes culturels sur

cette perception (Leonova, 2004).

A ce jour, nombreuses sont les recherches qui supportent la validité d’une telle

approche (Leonova, 2004; Zebrowitz & Collins, 1997). La plupart de ces recherches se sont

centrées sur l’étude de l’exactitude de la perception des propriétés dispositionnelles des

individus à partir d’informations directement perceptibles (e.g. caractéristiques physiques,

voix, démarche). Ces travaux ont globalement montré que l’observation des caractéristiques

physiques d’autrui pouvait, dans certains cas, permettre d’accéder directement aux

caractéristiques personnologiques des acteurs (Leonova, 2004; Zebrowitz & Collins, 1997).

63 Ces attentes peuvent être soit innées, soit être le résultat des objectifs poursuivis par les observateurs.

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

200

Mais si les recherches en la matière ne manquent pas, en revanche peu d’entre elles ont étudié

les traits de personnalité en tant qu’informations relatives aux possibilités d’action à l’égard

d’autrui. Cette conception, qui considère les traits de personnalité comme des affordances

sociales, s’avère très proche de la théorie de la double connaissance développée par Beauvois

et Dubois (Beauvois, 1990; Beauvois & Dubois, 1992; Dubois & Beauvois, 2004). En effet,

rappelons que la théorie de la double connaissance (Beauvois & Dubois, 1992; Dubois, 2006)

postule que les traits de personnalité permettent aussi bien de décrire ce que sont les gens

(connaissance descriptive) que d’indiquer ce que l’on peut faire avec eux (connaissance

évaluative). Cette approche suppose également que le second type de connaissance ne découle

pas du premier mais qu’il est directement saisi dans l’interaction sociale. Cette proximité

théorique entre les concepts de connaissance évaluative et d’affordance a d’ailleurs conduit

Beauvois et Dubois (2000) à proposer une approche théorique permettant la synthèse, d’un

côté, des travaux de Gibson et, de l’autre, de leurs propres recherches. Intégrant certaines des

notions issues de l’approche écologique à leurs propres travaux sur la connaissance

évaluative, ces auteurs proposent d’envisager les traits de personnalité comme des

généralisations d’affordances. Une telle approche du concept de trait repose sur deux

arguments principaux. D’une part, le concept de trait peut être assimilé à celui d’affordance

parce qu’il véhicule des informations sur ce que l’on peut faire avec les gens, sur les

comportements que l’on peut adopter à leur égard (autrement dit les comportements CA).

D’autre part, les informations contenues dans la notion de trait dépassent le cadre de la seule

situation dans laquelle celles-ci sont obtenues et peuvent être étendues à d’autres cadres. En

ce sens, le concept de trait, parce qu’il transmet des informations générales sur les individus

au-delà de la spécificité des situations, permet de renseigner sur « les affordances qui peuvent

survenir lorsqu’on entre en contact avec cette personne » (Beauvois & Dubois, 2000, p.20).

Les recherches actuelles en matière de personnologie, on le voit, mettent l’accent sur

l’aspect fonctionnel de cette activité si présente dans la vie quotidienne. Souvent abordée

uniquement comme outil de connaissance, la personnologie apparaît également comme un

outil ancré dans l’action. Une telle fonction semble donc accorder à la personnologie un statut

particulier, notamment en ce qui concerne l’évaluation d’autrui. Si les traits de personnalité

transmettent directement de l’information sur ce que l’on peut faire avec autrui dans un

rapport social donné, ils apparaissent comme étant fondamentalement associés à la notion

d’évaluation. Cette idée, avancée très tôt par Beauvois (1976), considère la personnologie

comme l’outil par excellence de l’évaluation sociale. Pour cet auteur, la personnologie

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

201

apparaît comme un élément essentiel du modèle des différences individuelles (Beauvois,

1987a; Pansu & Beauvois, 2004) qui serait, lui-même, la manifestation cognitive du principe

de rotation du personnel dans les organisations (Etzioni, 1964). Ainsi, le fait d’attribuer un

trait à une personne reviendrait à permettre, non seulement de lui attribuer une certaine valeur,

mais également de classer cette personne par rapport à d’autres dans le cadre d’un rapport

social donné.

Mais si les traits de personnalité permettent de transmettre une connaissance sur la

valeur des gens dans un rapport social spécifique, il semble que le recours à une conception

unidimensionnelle du concept de valeur soit réducteur. Tout un ensemble de recherches,

certaines anciennes, d’autres très récentes, tendent à indiquer que la valeur sociale est un

concept multidimensionnel constitué de différentes facettes.

2. Vers une décomposition de la notion de valeur

Comme le souligne Kluckholn (1954, cité par Beauvois, 1995), « l’homme est un

animal évaluateur ». En effet, l’une des activités essentielles au maintien de la vie consiste à

être en mesure d’évaluer ce qui est bon pour soi et ce qui ne l’est pas (Peeters, 1999; Tesser &

Martin, 1996). Pour nombres de théories, le concept d’évaluation est envisagé comme étant

particulièrement lié au registre affectif (Lazarus, 1991). Mais si une forte correspondance

semble exister entre la notion d’évaluation et celle d’émotion (toutes deux peuvent prendre

des valeurs positives et négatives), il reste néanmoins que les deux ne vont pas forcément de

pair (Tesser & Martin, 1996). C’est en tout cas ce que soutiennent certains chercheurs qui

accordent à l’appareil cognitif un rôle primordial dans l’activité évaluative. Par exemple,

Mandler (1984, cité par Peeters, 1999) place ce dernier au cœur de l’activité évaluative en

partant de l’idée que l’évaluation serait dépendante de l’assimilation des stimuli perçus à des

schémas cognitifs préexistants. Mais d’autres conceptions mettent en avant l’importance de

l’évaluation en tant que processus biologique essentiel à la survie des organismes. Une telle

approche psychobiologique permet de comprendre l’existence de l’asymétrie généralement

observée entre valeur positive et valeur négative : face à des stimuli nouveaux, les individus

s’attendent à ce qu’ils soient positifs mais sont toutefois prêts à les rejeter immédiatement

s’ils leur semblent possible qu’ils soient négatifs (Peeters, 1999). Cette asymétrie

« positif/négatif » prendrait tout son sens dès lors qu’on la place dans une perspective

adaptative où l’objectif des individus consiste à maximiser les bénéfices potentiels issus de

l’environnement tout en minimisant les risques liés à cette utilisation de l’environnement

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

202

(Peeters, 1999).

Si l’évaluation peut être considérée comme le résultat de mécanismes affectifs et/ou

cognitifs dont l’origine est à trouver dans les impératifs de la survie des espèces, elle se

réfléchit au niveau du langage au travers des mots et du sens qu’on leur donne. Cette forme

d’évaluation a été étudiée par Osgood et ses collaborateurs dans le cadre de leurs recherches

sur le différenciateur sémantique.

2.1. Le différenciateur sémantique

Charles E. Osgood est à l’origine d’un vaste programme de recherches visant à

identifier la signification des mots (Osgood, 1962, 1969, 1979; Osgood et al., 1957).

Toutefois, plus que la dénotation des mots, Osgood cherche à identifier la nature de

l’organisation de leur connotation64. D’après lui, la signification connotative de tout mot, que

celui-ci désigne un objet physique ou une idée, peut être dérivée de la localisation de ce mot

dans un espace défini par un nombre restreint de dimensions. Pour réaliser leur cartographie,

Osgood et ses collaborateurs ont eu recours à un ensemble d’adjectifs organisés en échelle

bipolaire, représentant chacune une dimension potentielle (e.g. bon vs. mauvais, positif vs.

négatif). Leur objectif était de tenter d’organiser l’ensemble de ces échelles bipolaires à partir

d’un nombre restreint de dimensions indépendantes. Après avoir observé les corrélations entre

les échelles lors de descriptions de différents concepts, Osgood a constaté que trois

dimensions « élémentaires » semblent organiser l’ensemble des échelles. La première

dimension, désignée comme « évaluative », est fortement saturée par des échelles comme

« bon vs. mauvais », « gentil vs. méchant », ou encore « agréable vs. désagréable ». La

deuxième dimension, appelée « puissance », renvoie à des échelles comme « grand vs. petit »

ou « fort vs. faible ». Enfin, la troisième dimension, « activité », est saturée par des échelles

comme « rapide vs. lent » ou « jeune vs. vieux ». Cet ensemble tridimensionnel, la structure

E.P.A. (evaluation, potency, activity), semble se retrouver dans la plupart des cultures, bien

que les dimensions de puissance et d’activité se trouvent souvent confondues en une seule

dimension (le « dynamisme »). Ainsi, si le modèle originel proposé par Osgood propose une

organisation de l’espace connotatif sur la base de trois dimensions, il apparaît qu’une solution

bidimensionnelle puisse également rendre compte de l’organisation de la connotation des

64 Alors que la dénotation peut être définie comme la relation qui existe entre le mot et sa définition, la connotation renvoie à l'ensemble des évocations et associations qu’il véhicule (voir à ce propos Osgood et al., 1957).

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

203

mots (Beauvois, Dubois, & Peeters, 1999; Vonk, 1993). Une telle organisation

bidimensionnelle se retrouve également dans les travaux ayant étudié la structure des théories

implicites de la personnalité.

2.2. Les théories implicites de la personnalité

Evoquées pour la première fois sous leur appellation actuelle par Bruner et Tagiuri

(1954, cités par Schneider, 1973), les théories implicites de la personnalité (T.I.P.) désignent

les liens que font les individus entre les traits de personnalité (Beauvois, 1984a; Leyens, 1983;

Vonk, 1993; Yzerbyt & Schadron, 1996). De nature inférentielle, les théories implicites de la

personnalité seraient des théories naïves que possèdent les gens quant à la fréquence de co-

occurrences des traits de personnalité dans la population. Non seulement ces théories

intègreraient des informations sur la moyenne et la variance de chaque trait dans la population

mais également des informations sur les covariances entre traits (Cronbach, 1955, cité par

Schneider, 1973). L’une des particularités de ces théories est qu’elles dépassent la seule

organisation idiosyncrasique puisqu’elles sont relativement stables d’un individu à l’autre65.

Différentes structures ont été proposées pour rendre compte de l’organisation des

traits. C. A. Anderson et Sedikides (1991) en distinguent au moins trois. La première,

l’approche typologique, considère que les T.I.P. sont la manifestation de l’appartenance

conjointe des traits à des types de personnes valorisés et dévalorisés sous la forme

d’exemplaires ou de prototypes. De ce point de vue, les traits sont organisés en clusters

correspondant chacun à un type de personne spécifique. La deuxième, l’approche

associationniste, considère que les T.I.P. sont la manifestation de théories naïves sur les

covariations des traits de personnalité chez les individus. Ainsi, la croyance qu’un trait est

présent chez une personne dépendrait de la croyance concernant la présence d’autres traits

chez cette même personne. Enfin, la troisième structure, l’approche dimensionnelle, considère

que les T.I.P. sont la manifestation de l’existence de dimensions fondamentales de la

personnalité qui organisent les traits. Elle suppose que la façon dont les gens pensent aux

autres ne repose pas uniquement sur les covariations entre les traits mais sur quelques

dimensions plus générales. Bien que ces trois approches soient soutenues par de nombreux

résultats empiriques, nous nous centrerons volontairement ici sur les résultats de l’approche

dimensionnelle (Kim & Rosenberg, 1980; Rosenberg, Nelson, & Vivekananthan, 1968;

65 Une telle stabilité amène d’ailleurs certains chercheurs à douter de la capacité des théories implicites de la personnalité à rendre compte de l’organisation effective des traits de personnalité dans la population (Beauvois, 1984a; Leyens, 1983).

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

204

Rosenberg & Sedlak, 1972; Vonk, 1993). Cette approche tend à indiquer que la structure des

théories implicites de la personnalité est étroitement liée à celle observée dans les travaux

d’Osgood sur le différenciateur sémantique66. Les traits de personnalité semblent, là aussi,

s’organiser à partir de deux dimensions, la première correspondant à la dimension « valeur »

du système E.P.A., la seconde à la dimension « dynamisme ». Retrouvées au sein de

différentes cultures, ces deux dimensions semblent universelles, même dans les cultures où

l’utilisation de traits de personnalité pour décrire autrui s’avère peu marquée (Beauvois et al.,

1999). Différentes théorisations et appellations leur ont été données (Devos-Comby & Devos,

2000, 2001; Dubois & Beauvois, 2001; Fiske et al., 2002; Fiske et al., 1999; Judd et al., 2005;

Le Barbenchon, Cambon, & Lavigne, 2005; Peeters, 1992, 2002; Rosenberg et al., 1968;

Vonk, 1993; Wiggins, 1979; Wojciszke, 1997, 2005). Le plus souvent, les recherches publiées

se contentent de rendre compte de la nature de l’organisation des traits sans pour autant

chercher à remonter à l’origine de ces dimensions. Sans doute, ne s’y intéressent-elles pas

parce qu’elles considèrent que l’origine de cette valeur appartient au champ des phénomènes

affectifs, négligeant ainsi qu’elle puisse trouver son origine dans d’autres facteurs. Nous

évoquerons dans la partie qui suit deux approches qui situent différemment l’origine de

l’organisation des traits de personnalité67. La première, l’approche individuelle énoncée par

Peters (1992; 1999; 2002), avance que cette organisation répond à des impératifs

sociobiologiques. La seconde, l’approche sociétale proposée par Beauvois et Dubois

(Beauvois, 1995; Dubois & Beauvois, 2001), considère que si la valeur des traits peut être le

reflet des motivations individuelles, elle peut également trouver son origine dans les

impératifs du fonctionnement social.

2.3. Expliquer l’origine de la valeur des traits de personnalité

La première interprétation de l’origine de la valeur présente dans les T.I.P. est

proposée par Peeters (1992; 1999; 2002; Peeters, Cornelissen, & Pandelaere, 2003) qui la

situe à un niveau individuel. Cet auteur se base sur la potentielle universalité des deux

dimensions pour avancer l’hypothèse d’une origine sociobiologique. Les traits auraient une

plus ou moins grande valeur adaptative pour l’espèce humaine en général et ce, relativement

66 Osgood (1969) lui-même rapproche ses propres travaux de ceux des théories implicites de la personnalité. 67 Comme nous l’avons évoqué, d’autres théorisations ont été proposées pour rendre compte de la nature des deux dimensions de la valeur dans les T.I.P. Parmi ces dernières, notons par exemple la distinction entre les traits basés sur la moralité et ceux basés sur la compétence (Wojciszke, 1997, 2005) ainsi que celle entre les dimensions de la sympathie et de la compétence (Fiske et al., 2002; Fiske et al., 1999; Judd et al., 2005). Etant donné que ces travaux ne transforment pas fondamentalement la lecture des dimensions de valeur, nous ne les évoquerons pas plus ici.

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

205

indépendamment du contexte (Peeters et al., 2003). Peeters propose d’aborder cette valeur par

l’intermédiaire d’une double distinction. La première concerne la valeur en terme d’approche-

évitement. Elle oppose la valeur adaptative des traits, non pas pour les personnes les

possédant, mais pour autrui. Certains traits, comme par exemple généreux ou tolérant,

auraient des conséquences adaptatives inconditionnellement plus positives pour autrui que

d’autres, comme avare ou intolérant. Cette distinction opérée sur la base de la profitabilité des

traits pour autrui nous informe sur les potentialités d’interaction entre autrui et la personne

caractérisée par ces traits. Ainsi, une personne possédant des traits « profitables pour autrui »

est potentiellement abordable alors q’une personne possédant des traits « non profitables pour

autrui » est à éviter. La seconde distinction proposée par Peeters oppose cette fois les traits sur

la base de leur valeur adaptative pour la personne les possédant. Certains traits (e.g.

travailleur, compétent) auraient des conséquences adaptatives inconditionnellement plus

positives pour soi que d’autres (e.g. fainéant, incompétent). Peeters appelle cette seconde

distinction la « profitabilité pour soi ». Un certain nombre de résultats vont dans le sens de la

double distinction proposée par Peeters (Peeters, 1992). Par exemple, Wojciszke (1997) a

observé que la profitabilité pour autrui est particulièrement impliquée dans l’évaluation des

autres alors que la profitabilité pour soi l’est plus particulièrement dans l’évaluation de soi.

Wojciszke, Dowhyluk, et Jaworski (1998, cités par Wojciszke, 2005) ont mis en évidence

que, parmi un ensemble d’une douzaine de critères (e.g. contrôlabilité, stabilité temporelle et

intersituationnelle), seuls ceux de la profitabilité pour autrui et de la profitabilité pour soi

permettent d’expliquer l’évaluation globale des traits. Ces auteurs ont également observé que

la prise en compte de ces deux seuls critères expliquent presque toute la variance de

l’évaluation globale des traits (R²ajusté = .97).

La seconde interprétation de la composante évaluative des T.I.P. que nous évoquerons

a été proposée par Beauvois et Dubois (Beauvois, 1995, 2003b, 2005; Dubois, 2006; Dubois

& Beauvois, 2001; Pansu & Beauvois, 2004). Cette approche avance que l’origine de la

valeur sociale des traits est à chercher autant dans les motivations individuelles que dans les

nécessités du fonctionnement social – les premières étant déterminées en grande partie par et

dans le fonctionnement social –. Cette approche s’inscrit dans le prolongement des travaux de

Beauvois (1976; 1984a; 1995) sur la psychologie quotidienne où la personnologie tient un

rôle essentiel puisqu’en informant sur la valeur des gens dans un rapport social donné, elle

permet l’évaluation. Pour autant, Beauvois (1995) ne s’en tient pas à une conception

unidimensionnelle et propose de distinguer, d’un côté, la désirabilité sociale qui renverrait à

un registre de valeur affectif et, de l’autre, l’utilité sociale qui renverrait à un registre de

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

206

valeur ancré dans le social et plus particulièrement sur la base de la production de valeurs

économiques. D’un point de vue opérationnel, la différenciation entre désirabilité et utilité

peut être exemplifiée par la différence existante dans le sens commun entre une personne dont

on dit qu’elle « a bon ou mauvais caractère » et d’une autre dont on dit qu’elle « a ou n’a pas

de caractère » (Peeters, 1999)68. Si la première assertion nous renseigne sur le fait que nous

pouvons approcher la personne ou au contraire l’éviter, la seconde nous renseigne sur

l’adéquation de l’individu avec les options du fonctionnement social. Car « c’est le

fonctionnement social qui énonce ce qu’est un trait ou un caractère utile et ce qui ne l’est

pas » (Dubois & Beauvois, 2001, p.394). En effet, c’est sur ce point que l’approche proposée

par Beauvois et Dubois se distingue de celle de Peeters. Si les deux perspectives semblent

considérer l’origine de la désirabilité dans l’universalité des besoins et des motivations

humains, elles divergent quelque peu sur l’origine de l’utilité des choses. En effet, alors que

Peeters ancre la profitabilité pour soi dans une perspective sociobiologique, certains traits

étant plus avantageux pour soi de façon inconditionnelle (Peeters et al., 2003), Beauvois et

Dubois considèrent que l’utilité d’un trait ou d’une personne dépend fortement du contexte

dans lequel il ou elle est placé69. Pourtant, sur un plan empirique, ces deux approches sont

difficilement séparables puisque, bien souvent, les traits profitables pour autrui semblent

également être porteurs de désirabilité sociale. De la même façon, les traits profitables pour

soi semblent être également ceux fortement saturés d’utilité sociale (Le Barbenchon et al.,

2005). Quoiqu’il en soit, la conception duale de la valeur sociale énoncée par Beauvois et

Dubois a trouvé de nombreux supports empiriques (Cambon, 2000; Dubois & Beauvois,

2001; Le Barbenchon et al., 2005). Nous allons présenter quelques unes des recherches

attestant de l’intérêt de cette approche théorique.

2.4. Des résultats en faveur de l’intérêt d’une approche bidimensionnelle de la valeur

L’une des premières recherches ayant mis en avant une distinction entre les deux

composantes de la valeur, la désirabilité et l’utilité, est une étude réalisée par Gallay (1992,

cité par Dubois & Beauvois, 2001). Ce chercheur a observé que les deux facteurs qui

organisent les traits de descriptions personnologiques de cibles connues, d’une part, par leur

68 Notons toutefois que cet exemple s’applique également à la différenciation entre les traits profitables pour autrui et les traits profitables pour soi. 69 Pour reprendre la métaphore proposée par Beauvois (1984, 2005) sur la passance des bois, alors que pour Beauvois et Dubois, la passance des bois consiste à faire en sorte qu’un bois passe parfaitement dans un orifice donné, pour Peeters, certains bois passeront toujours indépendamment du type des trous (un petit morceau de bois passera toujours plus facilement qu’un gros pour peu qu’il soit plus petit que le plus petit des orifices du jeu éducatif du petit Léo).

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

207

positivité (vs. négativité) sur la dimension affective et, d’autre part, par leur positivité (vs.

négativité) sur la dimension utile renvoyaient bien, d’un côté à la désirabilité (aimé/non aimé)

et, de l’autre à l’utilité (tout pour réussir/rien pour réussir). La relation entre ces deux

composantes de la valeur et le modèle V.P.A. (Osgood et al., 1957) a été directement mise en

évidence par Cambon (2000). A partir des échelles du différenciateur sémantique, cet auteur a

montré que la désirabilité et l’utilité correspondaient bien à l’évaluation et au dynamisme

(puissance + activité) du modèle d’Osgood (voir également Beauvois, 2003b). Il a également

montré que la distinction entre utilité et désirabilité pouvait également permettre de

différencier les professions (Cambon, 2000, 2002, 2004; voir Le Barbenchon et al., 2005).

Plus particulièrement, cet auteur a mis en évidence que les professions liées directement à la

fonction de production du capital (e.g. production de biens destinés au marché) sont perçues

comme plus utiles que les professions d’entretien permettant de produire du capital (e.g.

maintenance des moyens de production, aide aux producteurs), les premières disposant d’une

« cote sociale » (Cambon, 2002, p.94) plus élevée que les secondes. A l’inverse, les

professions d’entretien sont perçues comme plus désirables que les professions de production.

Par exemple, un directeur d’usine est décrit par les participants comme plus utile que

désirable. En revanche, un directeur de service hospitalier est décrit comme plus désirable

qu’utile. Si cet exemple permet de mieux saisir la disjonction qui peut exister entre les deux

composantes de la valeur, il permet d’illustrer la spécificité que revêt la notion « d’utilité

sociale ». En effet, l’utilisation du terme « utilité » est ici à prendre dans un sens quasi-

économique (Beauvois, 2005) : l’utilité d’une personne correspond essentiellement à sa

capacité à produire des biens échangeables et commercialisables (Le Barbenchon et al., 2005)

puisque la production de valeurs économiques constitue « un principe fondamental

d’évaluation de tout objet ou personne » (Cambon, 2002, p.76). Plusieurs résultats attestent

d’une telle conception. En effet, dans une étude, Cambon (2000) a montré que les participants

décrivent plus des visages, initialement neutres, à partir de traits « utiles » lorsque ces visages

ont été associés à des indicateurs de richesse financière (e.g. billet de banque de grande

valeur, voiture de grosse cylindrée) que lorsqu’ils ne l’étaient pas.

Si ces premières recherches attestent de l’intérêt de bien différencier la désirabilité de

l’utilité, d’autres ont montré que la prise en compte de ces deux dimensions pouvait permettre

de mieux comprendre le jugement porté sur autrui. Par exemple, Devos-Comby et Devos

(2000; 2001) ont montré que la perception que les individus avaient de personnes

séropositives pouvait varier sur ces deux dimensions et cela en fonction des circonstances de

leur contamination. Ces auteurs observent que les individus devenus séropositifs à la suite

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

208

d’un « amour romantique » sont perçus comme plus utiles que les personnes devenues

séropositives à la suite d’un « amour hédoniste ». Cette différence ne se retrouve pas sur la

perception de la désirabilité des cibles.

Plus récemment, les chercheurs ont étendu cette distinction à d’autres domaines. Par

exemple, en matière de stéréotypes de genre, Testé et Simon (2005) ont montré que les traits

typiquement masculins était plus fortement associés aux personnes de haut statut (donc à

l’utilité) que les traits typiquement féminins. Inversement, les traits typiquement féminins

étaient plus fortement associés avec les personnes aimées (donc à la désirabilité) que les traits

masculins. Cette différence de valeur véhiculée par les traits se retrouve dans les

autodescriptions des participants. En effet, alors que les garçons se décrivent

préférentiellement à l’aide de traits masculins et les filles à l’aide de traits féminins, leur choix

se dirige de façon plus marquée sur les traits particulièrement saturés par la dimension de la

valeur impliquée dans le stéréotype. Dans un autre registre, Le Barbenchon et Milhabet

(2005) ont appliqué cette approche à l’étude de l’optimisme comparatif (Taylor & Brown,

1994). Ces auteurs ont mis en évidence que les personnes optimistes étaient perçues comme

plus utiles que celles ne l’étant pas. De ce point de vue, il semble que la réponse optimiste soit

préférentiellement associée à l’utilité des personnes plutôt qu’à leur désirabilité. Enfin, B.

Dompnier, Darnon, Butera, et Delmas (2005) ont mis en évidence que les différents buts

d’accomplissement (Darnon, 2004; Darnon & Butera, 2005; Elliot, 2005; Harackiewicz,

Barron, Pintrich, Elliot, & Thrash, 2002) n’étaient pas porteurs du même type de valeur

sociale. Alors que certains buts seraient porteurs de désirabilité (buts de maîtrise et de

performance-évitement), d’autres seraient porteurs d’utilité (buts de maîtrise et de

performance-approche).

A ce jour, de nombreuses recherches témoignent de l’intérêt qu’il peut y avoir à

dépasser une conception unidimensionnelle de la valeur sociale. En ce sens, la distinction

entre désirabilité sociale et utilité sociale semble posséder un intérêt heuristique certain dans

l’étude du jugement social. C’est donc tout naturellement que cette distinction a été prise en

compte dans l’étude des normes sociales de jugement.

2.5. Utilité/désirabilité et normes sociales de jugement

Dans le cadre de l’approche sociocognitive des normes sociales (Dubois, 2003b), le

concept de norme est fondamentalement associé à celui d’utilité sociale (cf. chapitre 2).

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

209

Rappelons que dès les premières formulations de la théorie de la norme d’internalité,

Beauvois (1984a) ancrait la valeur véhiculée par les explications internes, non dans les

besoins et les motivations inhérents à la nature humaine, mais dans les options du

fonctionnement social, en particulier dans les pratiques sociales d’évaluation (Beauvois & Le

Poultier, 1986; Dubois, 1994). Cet ancrage de la norme d’internalité dans l’utilité sociale a été

mis en évidence dans plusieurs recherches. Par exemple, Dubois (2000) a montré que si les

individus pouvaient adopter différentes stratégies de réponses en situation d’autoprésentation

(e.g. interne, autocomplaisante, modeste, externe), placés en position de juges ils jugeaient

plus favorablement les cibles internes que les autres et ce, indépendamment des stratégies

qu’ils avaient eux-mêmes mis en place pour se faire bien voir. Ainsi, si le paradigme

d’autoprésentation favoriserait davantage l’émergence de stratégies de type motivationnelles –

donc désirables – le paradigme des juges prédisposerait à la recherche de l’utilité sociale

(Dubois, 2000; Gilibert & Cambon, 2003). Une autre recherche menée par Cambon, Djouari

et Beauvois (2001, cités par Beauvois, 2003b) soutient également l’idée selon laquelle les

explications internes seraient plus porteuses d’utilité que de désirabilité. Dans cette recherche,

réalisée auprès d’étudiants, ces auteurs ont montré que des cibles très internes sont décrites

comme moins désirables mais plus utiles que des cibles moyennement internes. Ces auteurs

ont également observé des effets en partie similaires à ceux obtenus en matière d’internalité

sur d’autres normes, comme la norme de consistance (Channouf & Mangard, 1997; Mangard,

2004; Senemeaud, 2003) et la norme d’autosuffisance (Beauvois, 2003b). Les résultats ont

révélé que les cibles très autosuffisantes et celles très consistantes sont décrites comme moins

désirables que des cibles moyennement autosuffisantes et consistantes. En revanche, seules

les cibles très autosuffisantes sont décrites comme plus utiles que les cibles modérément

autosuffisante. A suivre ces résultats, on serait tenté de dire que la normativité est associée à

l’utilité plutôt qu’à la désirabilité (Beauvois, 2003b). Toutefois, des travaux récents (Dubois,

2005a; Dubois & Beauvois, 2005) nous éclairent sur ce point et démentent une telle

affirmation. Il a été en effet observé que si certaines normes semblent bien être associées à

l’utilité (e.g. norme d’internalité, norme d’autosuffisance), d’autres semblent plutôt être

porteuses de désirabilité (e.g. norme d’ancrage individuel). Ainsi, deux catégories de normes

semblent coexister : celles qui s’ancrent dans l’utilité – les normes de jugement d’utilité – et

celles qui s’ancrent dans la désirabilité – les normes de jugement de désirabilité –. Plusieurs

résultats disponibles à ce jour soutiennent une telle conclusion. Par exemple, Dubois (2005a,

étude 1) a montré que des étudiants placés en position de juges attribuaient plus de traits utiles

à des cibles fictives fortement normatives eu égard à la norme d’internalité et à la norme

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

210

d’autosuffisance qu’à des cibles faiblement normatives. Cet effet de la connaissance de la plus

ou moins grande normativité des cibles n’est pas observé pour l’attribution des traits

désirables. Les résultats obtenus dans une seconde recherche (Dubois, 2005a, étude 2) vont

dans le sens de ces conclusions en montrant que les étudiants attribuent plus de traits utiles et

moins de traits inutiles à des cibles fortement normatives en matière d’internalité et

d’autosuffisance et ce, indépendamment de leur normativité en matière d’ancrage individuel.

Inversement, les cibles connues pour mettre en avant leur normativité en matière d’ancrage

individuel se sont vu attribuer plus de traits désirables et moins de traits indésirables que

d’autres non ancrées individuellement, indépendamment de leur normativité en matière

d’internalité et d’autosuffisance. De tels résultats laissent à penser que la normativité à l’égard

de la norme d’internalité ou la norme d’autosuffisance entraînerait une attribution de valeur

sur la dimension de l’utilité. La normativité à l’égard de la norme d’ancrage individuel

entraînerait une attribution de valeur sur la dimension de la désirabilité.

Nous venons de le voir, de nombreuses recherches accordent à la personnologie une

place centrale dans la psychologie quotidienne. Qu’elle soit abordée en tant qu’outil de

connaissance sur le monde ou comme étant essentiellement orientée vers l’action, la

personnologie apparaît indissociable de la notion de valeur. A ce titre, la prise en compte des

deux dimensions de la valeur sociale peut permettre de mieux comprendre certains

phénomènes observés dans le cadre de l’étude du jugement social et celui des normes

sociales. C’est pourquoi, dans les études qui suivent, nous avons eu recours à ces deux

composantes de la valeur sociale. Cela devrait nous aider à mieux comprendre les variations

de valeur sociale observées dans les études précédentes.

3. Problématique de la seconde partie

L’objectif de la seconde partie de cette thèse est de pousser plus avant nos travaux sur

les différences de valeur au sein du registre interne. Les résultats que nous avons obtenus dans

les chapitres précédents – en particulier les études 3 et 4 – ont mis en évidence que la valeur

des catégories d’explications internes pouvait varier d’un paradigme à l’autre. Nous avons

expliqué ces fluctuations par le fait que les différents paradigmes utilisés ne mobiliseraient

pas la même composante de la valeur sociale. Cette hypothèse nous a amené à envisager

différemment nos hypothèses de départ. En effet, plutôt que de chercher à identifier quelles

sont les explications internes les plus porteuses de valeur, il nous a semblé plus pertinent de

Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur

211

nous interroger sur le type de valeur véhiculée par les différentes catégories impliquées. En ce

sens, il nous semble possible de nous interroger sur la possibilité de l’existence de variations

de valeur au sein du registre interne et ce, sur les deux dimensions de la valeur sociale.

Les études qui suivent ont été réalisées de façon à apporter quelques éléments de

réponse à ces questions. Dans le chapitre 6, nous présenterons trois études à partir desquelles

nous avons construit une mesure de désirabilité et d’utilité adaptée à la description d’une

population d’élèves de cycle primaire. Dans les chapitres 7 et 8, nous nous intéresserons aux

relations entre les explications causales et les deux composantes de la valeur.

212

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

213

CHAPITRE 6

CONSTRUCTION D’UNE MESURE DE DESIRABILITE/UTILITE

ADAPTEE AU CONTEXTE SCOLAIRE

L’objectif des études présentées dans ce chapitre est de construire une mesure de

l’utilité et de la désirabilité sociales adaptée à la description personnologique d’élèves de

cycle primaire. Force est de constater que jusqu’à présent, les travaux ayant étudié les deux

composantes de la valeur sociale se sont exclusivement centrés sur des populations adultes

(Cambon, 2000, 2002; Dubois & Beauvois, 2001; Le Barbenchon et al., 2005). Créer une

mesure adaptée à notre population d’intérêt était donc nécessaire pour tester nos hypothèses.

D’une part, il fallait s’assurer que les descriptions personnologiques des élèves s’organisaient

de la même façon que celles des adultes. D’autre part, étant donné la spécificité éventuelle des

traits impliqués dans la description d’élèves de cycle primaire, il nous fallait développer une

mesure de désirabilité/utilité composée des traits les plus adaptés pour décrire cette

population. Pour atteindre ces deux objectifs, trois études ont été réalisées. La méthodologie

employée dans chacune de ces études a consisté à demander à des enseignants de produire des

descriptions personnologiques d’élèves qu’ils connaissaient bien. Ces descriptions pouvaient

être guidées par l’intermédiaire de consignes invitant les participants à décrire, parmi les

élèves qu’ils connaissaient, ceux qui correspondaient à des caractéristiques particulières

énoncées à partir des dimensions utiles et désirables (études 5 et 6). Elles pouvaient également

être spontanées, les enseignants décrivant dans ce cas chaque élève de leur classe (étude 7)70.

1. Etude 5 : Sélection des traits et premières validations

Cette étude visait à vérifier que les traits de personnalité susceptibles de décrire des

élèves de cycle primaire pouvaient s’organiser autour de deux axes : l’utilité et la désirabilité.

70 Rappelons que les études 6 et 7 n’avaient pas pour seul objectif de nous permettre de créer notre mesure de désirabilité/utilité scolaire (cf. tableau 1). Elles s’intègrent chacune dans des programmes de recherches plus larges. Toutefois, pour des raisons de clarté, nous ne présenterons ici que les résultats de ces recherches concernant la structure de l’échelle de mesure. Certains résultats présentés seront donc réutilisés lorsque nous testerons spécifiquement nos hypothèses.

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

214

La méthode employée a consisté à demander à des enseignants en formation de décrire des

élèves qu’ils connaissaient à partir de traits de personnalité.

1.1. Vue générale

Des stagiaires enseignants ont été invités, à partir d’une liste de traits de personnalité,

à décrire différents élèves qu’ils connaissaient et qu’ils supposaient correspondre aux

prototypes d’élèves présentés par l’expérimentateur.

1.2. Méthode

1.2.1. Participants

Cent quarante deux stagiaires enseignants des écoles en deuxième année de formation

(PE2) à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres (I.U.F.M.) de Chambéry ont

participé à cette recherche.

1.2.2. Matériel

Le matériel était composé d’un dossier contenant un questionnaire et une liste de traits

de personnalité. Dans le questionnaire étaient présentés plusieurs profils d’élèves. Ces élèves

différaient les uns des autres sur leur degré de désirabilité sociale et sur leur degré d’utilité

sociale. L’opérationnalisation du degré de désirabilité des élèves consistait à décrire l’élève

soit comme une personne ayant « tout pour être aimée » (désirabilité positive : D+), soit

comme une personne étant « neutre quant à sa capacité à être aimée » (désirabilité neutre :

D=), ou encore comme une personne n’ayant « rien pour être aimée » (désirabilité négative :

D-). Le degré d’utilité des élèves était opérationnalisé d’une façon quasi-identique : l’élève

était décrit soit comme une personne ayant « tout pour réussir » (utilité positive : U+), soit

comme une personne étant « neutre quant à sa capacité à réussir » (utilité neutre : U=), ou

comme une personne n’ayant « rien pour réussir » (utilité négative : U-). Le croisement des

deux variables « désirabilité des élèves » et « utilité des élèves » a aboutit à la création de neuf

profils d’élèves distincts (cf. tableau 6.1.)

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

215

Tableau 6.1. Présentation des différentes conditions expérimentales de l’étude 5

Utilité Neutre Inutilité

Désirabilité D+U+ D+U= D+U-

Neutre D=U+ D=U= D=U-

Indésirabilité D-U+ D-U= D-U-

Le matériel était également constitué d’une liste de 150 traits de personnalité. Ces

traits ont été retenus à la suite d’une phase antérieure de tri au cours de laquelle neuf juges,

(des enseignants), avaient été invités à choisir, dans une liste de 300 traits (cf. Le Barbenchon

et al., 2005), les traits les plus susceptibles d’être utilisés par des enseignants pour décrire des

élèves de leur classe. L’objectif de cette préselection était de ne conserver que les traits les

plus adaptés pour décrire des élèves. De fait, les 150 traits présentés aux participants sont les

traits les plus cités par les neuf juges (cf. annexe IVa).

Enfin, l’ordre de présentation des différents profils dans le questionnaire a été

déterminé par l’intermédiaire de 10 tirages aléatoires. L’ordre de présentation des

caractéristiques des élèves sur les deux dimensions a été également contrebalancé de façon à

ce que les informations données sur les degrés d’utilité et de désirabilité apparaissent autant

de fois en première position qu’en seconde.

1.2.3. Procédure

Les données ont été récoltées lors de passations collectives dans les salles de cours de

l’I.U.F.M. de Chambéry. La passation s’est déroulée de la façon suivante. Pour chaque profil,

les participants ont été informés par l’intermédiaire d’une consigne écrite et reprise oralement

par l’expérimentateur que la tâche consistait à penser à un élève particulier, de noter son

prénom et de le décrire à l’aide de trois traits de personnalité issus d’une liste de 150. Ils ont

également eu la possibilité de décrire les différents élèves à partir d’autres traits de

personnalité que ceux présentés. Il leur suffisait alors de les mentionner par écrit.

1.3. Résultats

1.3.1. Extraction de la valeur des traits

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

216

Les descriptions personnologiques faites par les participants ont été codées de façon à

obtenir les fréquences de choix de chacun des 150 traits de personnalité proposés pour chacun

des 9 profils d’élèves. Les traits supplémentaires utilisés par plus d’un participant mais non

répertoriés dans la liste originelle (21 au total, voir annexe IVa) ont été également incorporés

au corpus de départ. Les données ainsi codées ont été intégrées dans une matrice composée en

ligne de 171 traits de personnalité et en colonne de neuf profils d’élèves. Cette matrice a été

traitée par l’intermédiaire d’une analyse des correspondances (Benzécri & Benzécri, 1980;

Hair et al., 1998). Etant donné que les profils d’élèves variaient sur deux dimensions, nous

nous attendions à ce que deux facteurs organisent la position des profils dans le nuage de

points.

L’analyse des correspondances révèle, comme attendu, que deux dimensions

permettent de rendre compte de la position des profils. Ces deux dimensions permettent

d’expliquer plus de 60% de l’inertie totale. L’observation de la position des profils sur les

deux dimensions permet de les identifier (cf. figure 6.1.).

-2

0

2

-2 0 2

Figure 6.1. Position des profils sur les deux premiers facteurs issus de l’analyse des

correspondances

D+U+

D+U=

D+U-

D=U+

D-U+

D-U= D-U-

D=U=

D=U-

Désirabilité

Util

ité

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

217

Alors que la première dimension (37.54% d’inertie expliquée) semble organiser les

profils d’élèves en fonction de leur niveau de désirabilité, la seconde (22.50% d’inertie

expliquée) semble répartir les profils en fonction de leur niveau d’utilité. Le premier axe

correspond donc à la dimension « désirabilité » et le second axe à la dimension « utilité ». Ces

premiers résultats nous permettent d’ores et déjà de considérer que l’induction expérimentale

a fonctionné correctement.

L’observation de la position des traits de personnalité sur les deux dimensions (cf.

figure 6.2.) permet de considérer que les traits se répartissent sur les deux dimensions de

façon homogène, même si la densité des traits parait plus faible au centre du nuage qu’en

périphérie.

-2

0

2

-2 0 2

Traits de la liste

Traits supplémentaires

Figure 6.2. Position des traits de personnalité sur les deux premiers facteurs issus de

l’analyse des correspondances

La figure 6.2. montre que les traits supplémentaires utilisés par les participants se

Désirabilité

Util

ité

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

218

répartissent globalement de la même façon que les traits issus de la liste originelle71. Cette

répartition des traits sur les deux axes nous permet d’obtenir des traits qui saturent fortement

une dimension et pas l’autre, de même que des traits qui saturent fortement (positivement ou

négativement) les deux dimensions simultanément. De plus, étant donné que les dimensions

extraites de l’analyse des correspondances sont par définition orthogonales, la corrélation

entre les coordonnées des traits sur chacune de ces dimensions est non significative, r (148) =

.05, ns. À partir des coordonnées des traits sur les deux dimensions, nous avons cherché à

comparer nos résultats avec les résultats présents dans la littérature sur la double composante

de la valeur sociale.

1.3.2. Test de la validité externe des coordonnées des traits sur les deux

composantes de la valeur

Si les résultats de l’analyse des correspondances tendent à indiquer que deux

dimensions (l’une correspondant à la désirabilité et l’autre à l’utilité) organisent bien les

descriptions personnologiques d’élèves de cycle primaire, il nous a semblé intéressant

d’estimer le degré de correspondance entre ces résultats et ceux obtenus dans la littérature.

Sur ce point, l’étude réalisée par Le Barbenchon et al. (2005) auprès d’étudiants semble

parfaitement adaptée, d’autant que la liste de 150 traits utilisée ici est issue de leur matériel.

La comparaison des normes qu’ils proposent pour chaque trait sur les deux dimensions et nos

propres données devrait nous permettre de nous assurer des validités convergente et

divergente de nos propres mesures de désirabilité et d’utilité (Campbell & Fiske, 1959; John

& Benet-Martinez, 2000). Pour ce faire, nous avons réalisé des corrélations entre les

coordonnées de chacun des 150 traits de notre étude et les scores obtenus par ces mêmes traits

dans l’étude de Le Barbenchon et al. (2005). Le tableau 6.2. présente les corrélations

obtenues.

71 Les positions des profils et des traits sur les deux axes ont été obtenues sans prendre en compte les traits supplémentaires. Ces derniers ont été intégrés dans l’analyse a posteriori. Cette méthode permet de connaître la position de ces traits sans qu’ils influencent directement l’analyse.

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

219

Tableau 6.2. Corrélations entre les résultats de l’étude 5 et ceux de l’étude de Le Barbenchon

et al. (2005)

Désirabilité (Etude 5)

Utilité (Etude 5)

Désirabilité (Le Barbenchon et al., 2005) -.90** -.14t

Utilité (Le Barbenchon et al., 2005) -.79** .38**

Note. N = 150, ** p < .01, * p < .05, t p < .10

Les corrélations révèlent que les mesures de désirabilité et d’utilité des traits

bénéficient tous deux d’une validité convergente satisfaisante. Cette dernière est attestée par

les corrélations significatives entre les deux mesures de désirabilité des traits (r = .-.90) et

entre les deux mesures d’utilité des traits (r = .38). Les corrélations indiquent que ces deux

mesures bénéficient également d’une validité divergente satisfaisante. En effet, la corrélation

entre les deux mesures de désirabilité des deux études (r = -.90) est significativement plus

forte (p < .001) que la corrélation entre la mesure de désirabilité des traits de l’étude 5 et la

mesure d’utilité des traits de l’étude de Le Barbenchon et al. (r = -.79). De même, la

corrélation entre les mesures d’utilité des traits des deux études (r = .38) est significativement

plus élevée (p < .0001) que la corrélation entre la mesure de désirabilité des traits de l’étude

de Le Barbenchon et al. et la mesure d’utilité des traits de l’étude 5 (r = -.14).

Au regard de ces résultats, nous pouvons considérer que les scores de désirabilité et

d’utilité des traits que nous avons dérivés de l’analyse des correspondances semblent

bénéficier d’une validité externe satisfaisante.

1.3.3. Sélection des traits les plus caractéristiques des deux composantes de la

valeur

Après nous être assuré de la validité externe de nos mesures, nous avons cherché à

identifier, parmi l’ensemble des 171 des traits de personnalité du corpus total, les traits les

plus porteurs d’utilité et/ou de désirabilité. Pour ce faire, nous avons choisi de recourir à

plusieurs critères de sélection. Le premier critère concernait la position des traits dans le

nuage de points. Afin de disposer d’une représentation optimale de ce nuage, nous avons

divisé l’espace en huit régions correspondant à différentes catégories de traits. La moitié de

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

220

ces catégories correspondaient à des traits mixtes : des traits désirables et utiles, des traits

désirables et inutiles, des traits indésirables et utiles, des traits indésirables et inutiles. L’autre

moitié des catégories correspondait à des traits saturant fortement une des deux dimensions et

pas l’autre : des traits désirables et neutres du point de vue de l’utilité et des traits indésirables

et neutres du point de vue de l’utilité, des traits utiles et neutres du point de vue de la

désirabilité, des traits inutiles et neutres du point de vue de la désirabilité. Dans chacune de

ces catégories, nous avons sélectionné les cinq traits les plus représentatifs sur la base de leur

position sur les deux dimensions. Le second critère a consisté à choisir, parmi les cinq traits

de chaque catégorie, les trois traits les plus fréquemment choisis par les participants72. Enfin,

le dernier critère que nous avons choisi a consisté à éliminer les traits synonymes d’autres

traits plus fréquents dans la même catégorie. Le recours à ces trois critères de sélection nous a

permis de sélectionner 24 traits de personnalité parmi les 171 de départ (3 par catégorie de

traits). Ces traits composent l’échelle de désirabilité/utilité scolaire (cf. tableau 6.3.)

72 Ce critère de sélection a aboutit au rejet de tous les traits hors liste.

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

221

Tableau 6.3. Scores des traits sur les dimensions de la désirabilité et de l’utilité ainsi que leur

appartenance à l’une des huit catégories

Désirabilité Utilité Catégorie

Agréable -0.72 -0.03 Spontané -0.55 -0.10 Volontaire -0.51 0.03

D+U=

Agressif 1.23 0.35 Pénible 0.85 0.14 Insolent 1.00 0.16

D-U=

Intelligent -0.29 1.01 Performant -0.40 1.12 Cultivé -0.33 0.95

D=U+

Inattentif 0.31 -0.77 Lent 0.34 -0.91 Faible 0.25 -0.88

D=U-

Réfléchi -0.71 0.75 Déterminé -0.52 0.64 Studieux -0.70 0.57

D+U+

Souriant -0.64 -0.60 Gentil -0.63 -0.39 Drôle -0.78 -0.38

D+U-

Envahissant 0.99 0.85 Arrogant 1.06 0.71 Egocentrique 0.88 0.51

D-U+

Immature 0.40 -0.52 Paresseux 0.50 -0.61 Passif 0.40 -0.64

D-U-

1.4. Discussion

Les résultats obtenus dans cette étude sont doublement intéressants. Sur un plan

théorique, conformément aux travaux sur les théories implicites de la personnalité (Kim &

Rosenberg, 1980; Rosenberg et al., 1968; Rosenberg & Sedlak, 1972; Schneider, 1973) et aux

travaux conduits plus récemment sur la double composante de la valeur sociale (Cambon,

2000, 2002; Dubois, 2006; Dubois & Beauvois, 2001; Le Barbenchon et al., 2005), ces

résultats indiquent que les différents profils d’élèves ainsi que les traits utilisés pour les

décrire semblent s’organiser dans un espace à deux dimensions. Ces deux dimensions

correspondent aux deux composantes de la valeur sociale : la désirabilité (dimension 1) et

l’utilité (dimension 2). Les comparaisons de nos résultats avec les normes proposées par Le

Barbenchon et al. (2005) vont dans ce sens. Il semble donc que les résultats obtenus à partir

des descriptions d’adultes s’appliquent également à la description personnologique d’élèves et

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

222

sont susceptibles de véhiculer des informations sur la valeur sociale de ces élèves. Ces

premiers résultats indiquent clairement que nos hypothèses quant aux relations entre

explications causales et les deux composantes de la valeur sociale sont, a minima,

empiriquement testables.

Sur un plan méthodologique, cette étude nous a également permis de sélectionner,

dans un ensemble de traits, 24 traits reliés de façon marquée à l’une ou l’autre de ces

dimensions. Ces 24 traits composent la première ébauche de notre mesure de

désirabilité/utilité scolaire. La validité interne de cette mesure a été retestée dans les deux

études suivantes. Ces deux tests supplémentaires sont importants pour au moins deux raisons.

D’une part, cela devrait permettre de vérifier la structure bifactorielle de l’échelle sur de

nouveaux échantillons. D’autre part, cela devrait permettre d’identifier les traits les plus

adaptés pour mesurer l’utilité et la désirabilité sociales afin de disposer d’une mesure plus

parcimonieuse de ces deux dimensions. Ce sont là les objectifs poursuivis par les études 6 et 7

que nous allons maintenant présenter de façon détaillée.

2. Etude 6 : Test de la structure de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire

2.1. Vue générale

Des stagiaires enseignants ont été invités à se mettre à la place d’un élève qu’ils

connaissaient bien et qui était supposé être caractérisé d’une certaine manière sur les deux

dimensions de la valeur sociale. Dans les faits, la tâche des enseignants consistait à décrire ces

élèves à partir de l’échelle de mesure de désirabilité/utilité scolaire.

2.2. Méthode

2.2.1. Participants

Cent treize stagiaires enseignants (PE2) à l’Institut Universitaire de Formation des

Maîtres (I.U.F.M.) de Grenoble ont participé à cette recherche.

2.2.2. Matériel

Le matériel était composé d’un dossier comprenant deux documents. Le premier était

un exemplaire du questionnaire d’internalité scolaire (version b) que nous avons utilisé dans

l’étude 4. Le second document était un exemplaire de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire

et était composé des 24 traits de personnalité sélectionnés sur la base des résultats de l’étude

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

223

5. L’ordre de présentation des traits dans l’échelle a été déterminé par l’intermédiaire d’un

tirage aléatoire.

2.2.3. Procédure

Les passations ont été effectuées lors de séances collectives sur le site de l’I.U.F.M. de

Grenoble. Au début de chaque passation, un questionnaire était distribué aux participants. Ce

questionnaire contenait, dans l’ordre, un exemplaire du questionnaire d’internalité (version b),

un exemplaire de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire ainsi qu’une fiche d’identification. Il

était indiqué aux participants qu’ils devaient répondre aux questions qui leur étaient posées en

suivant l’ordre d’apparition dans le questionnaire. Sur la première page du questionnaire, il

était indiqué aux participants qu’ils devaient penser à un élève qu’ils connaissaient et qu’ils

voyaient comme une personne qui a, soit tout pour réussir et tout pour être aimée (U+D+),

soit tout pour réussir et rien pour être aimée (U+D-), soit rien pour réussir mais tout pour être

aimée (U-D+), soit rien pour réussir et rien pour être aimée (U-D-)73. Après avoir identifier

leur cible, les participants étaient invités à imaginer les réponses qu’aurait données cet élève

au questionnaire d’internalité scolaire et à le décrire à partir de la liste des 24 traits de

personnalité issus de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire.

2.3. Résultats

Les données concernant les descriptions des élèves sur l’échelle de désirabilité/utilité

scolaire ont été soumises à différents traitements. Ces traitements visaient à 1) tester

l’homogénéité des descriptions personnologiques au sein des différentes conditions

expérimentales et à identifier d’éventuels déviants, 2) vérifier la structure bifactorielle de

l’échelle de désirabilité/utilité scolaire et sélectionner les traits les plus représentatifs d’une

seule des deux composantes, 3) tester la validité de la manipulation expérimentale des profils

à partir des scores factoriels des élèves obtenus à partir d’une version réduite de l’échelle de

désirabilité/utilité scolaire.

2.3.1. Test de l’homogénéité des descriptions personnologiques et

identification des déviants

73 Contrairement à l’étude 5, outre le fait qu’il s’agit ici d’un plan complètement intersujet, les variables « utilité des élèves » et « désirabilité des élèves » ne comprennent plus que deux modalités chacune (positif et négatif). Les conditions neutres n’ont pas été réutilisées du fait de leur grande proximité observée dans l’étude 5 avec l’un ou l’autre des pôles des dimensions.

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

224

Les données recueillies ont tout d’abord été traitées par l’intermédiaire d’une analyse

discriminante (Hair et al., 1998; Huberty, 1984). L’objectif de cette première analyse était

d’estimer la correspondance entre la classification des individus sur la base d’un critère

théorique (appartenance de l’individu à l’un des groupes expérimentaux) et celle réalisée à

partir d’un certain nombre de variables indépendantes (descriptions des enseignants sur les 24

traits). Dans le cadre de cette étude, nous avons cherché à nous assurer que la classification

des participants dans chacune des quatre conditions expérimentales correspondait bien à celle

que l’on pouvait déduire sur la base de la description de l’élève faite à partir de l’échelle de

désirabilité/utilité scolaire.

Afin de tester cette correspondance, nous avons réalisé une analyse discriminante avec

comme variables indépendantes les 24 traits de personnalité présents dans l’échelle de

désirabilité/utilité scolaire et comme critère de classification a priori l’appartenance des

participants aux différents groupes expérimentaux. Les résultats concernant la correspondance

entre la classification a priori et celle obtenue à partir des données sont présentés dans le

tableau 6.4.

Tableau 6.4. Correspondance entre la classification a priori et la classification obtenue sur la

base des descriptions des élèves faites par les enseignants

% de classification correcte 1 2 3 4

1. Élève utile et désirable 89.66 26 0 2 1

2. Élève utile et indésirable 93.10 1 27 0 1

3. Élève inutile et désirable 92.31 1 0 24 1

4. Élève inutile et indésirable 96.55 0 1 0 28

Total 92.92 28 28 26 31

Comme le montre le tableau 6.4., le niveau de correspondance entre les deux

classifications est très élevé. En effet, près de 93 % des participants ont été classés de façon

non ambiguë dans la catégorie correspondant à la classification a priori. Ces premiers

résultats permettent, d’une part, de constater que l’induction expérimentale a bien amené la

plupart des participants à se référer à des élèves dont les descriptions personnologiques sont

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

225

proches sur les 24 traits de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire. D’autre part, ils ont permis

d’identifier, parmi l’ensemble des participants, ceux ayant effectué une description

personnologique trop différente de la majorité des membres de leur groupe. Ainsi, sur les 113

participants de départ, huit n’ont pas été classés dans la catégorie correspondant à la

classification a priori. Ces participants, considérés comme des déviants dans leur groupe

respectif, ont été retirés de l’échantillon pour les analyses ultérieures. Le nombre de

participants est donc passé de 113 à 105 sujets.

2.3.2. Structure de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire

Le second ensemble d’analyses que nous avons mené a concerné plus particulièrement

les réponses des participants à l’échelle de désirabilité/utilité scolaire. Il s’agissait là de

vérifier la structure bifactorielle de l’échelle et de sélectionner les traits les plus

caractéristiques de l’une ou l’autre de deux dimensions.

Pour tester la structure de l’échelle, nous avons réalisé une analyse factorielle

(factorisation en axes principaux, rotation oblimin) sur les données (Fabrigar, Wegener,

MacCallum, & Strahan, 1999; Floyd & Widaman, 1995; Hair et al., 1998; Russel, 2002). Sur

la base de cette analyse, nous avons extrait deux facteurs non orthogonaux (r = -.37)

expliquant conjointement 53.12 % de la variance totale. Le premier facteur (39.04 % de la

variance), qui oppose les traits indésirables (e.g. insolent, arrogant, agressif) aux traits

désirables (e.g. agréable, gentil, souriant), a été identifié comme étant la dimension désirable.

Le second facteur (14.08 % de la variance) oppose quant à lui les traits utiles (e.g. performant,

intelligent, cultivé) aux traits inutiles (e.g. passif, faible, lent) et correspond à la dimension

utile. Les poids factoriels après rotation des 24 traits sur les deux facteurs sont présentés dans

le tableau 6.5.

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

226

Tableau 6.5. Poids factoriels des 24 traits de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire sur les

facteurs « désirabilité » et « utilité »

Désirabilité Utilité

Insolent .91 .05 Agréable -.90 -.02 Arrogant .87 .07 Agressif .85 -.08 Pénible .83 -.02 Egocentrique .81 .31 Gentil -.79 -.03 Souriant -.67 .06 Envahissant .65 .05 Paresseux .63 -.25 Inattentif .49 -.32 Drôle -.45 -.00 Immature .43 -.18 Spontané -.18 .04 Performant .08 .94 Intelligent .10 .83 Cultivé .06 .79 Réfléchi -.20 .74 Déterminé .05 .72 Studieux -.09 .70 Passif .38 -.51 Faible -.03 -.49 Lent .13 -.46 Volontaire -.44 .45

Globalement, l’analyse factorielle montre que l’organisation des 24 traits de l’échelle

de désirabilité/utilité scolaire obéit bien à une structure bifactorielle. Conformément à nos

attentes, ces deux facteurs non orthogonaux correspondent aux dimensions de la désirabilité et

de l’utilité.

Sur la base de cette analyse, nous avons sélectionné certains traits de façon à disposer

d’une version réduite de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire. L’objectif de cette sélection

était de créer une échelle composée de deux sous échelles non ambiguë mesurant l’une ou

l’autre des deux composantes de la valeur et cela de façon parcimonieuse tout en conservant

la validité de contenu (L. A. Clark & Watson, 1995; Cronbach & Meehl, 1955; John & Benet-

Martinez, 2000; Messick, 1995). Cette échelle se devait de contenir un nombre restreint de

traits ne saturant qu’une seule des deux dimensions. Elle devait également être composée

d’autant de traits positifs et négatifs saturant la dimension de la désirabilité que de traits

positifs et négatifs saturant la dimension de l’utilité. A partir de là, sur la base des poids

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

227

factoriels obtenus à partir de l’analyse factorielle et des résultats de l’étude 5, nous avons

choisi huit traits parmi les 24 de départ. Quatre de ces traits saturent la dimension de la

désirabilité et quatre autres saturent la dimension de l’utilité. Pour la dimension de la

désirabilité, les traits retenus sont « insolent » (D-), « pénible » (D-), « agréable » (D+) et

« gentil » (D+). Pour la dimension de l’utilité, les traits retenus sont « performant » (U+),

« intelligent » (U+), « faible » (U-) et « lent » (U-)74.

Deux analyses complémentaires ont été réalisées sur les données issues de la version

réduite de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire. La première a consisté à évaluer la

consistance interne de ces deux sous-échelles par l’intermédiaire de l’alpha de Cronbach

(Cortina, 1993; R. A. Peterson, 1994). Pour l’échelle de désirabilité, l’alpha s’élève à .91 et à

.77 pour l’échelle d’utilité. Eu égard au nombre restreint d’items impliqués dans les deux

analyses (seulement quatre), la consistance interne des deux sous-échelles peut être

considérée comme étant satisfaisante. La seconde analyse a consisté à réaliser une nouvelle

analyse factorielle sur les données. Cette analyse, qui confirme la structure bifactorielle de

l’échelle réduite75, nous a permis de calculer les scores factoriels de chaque description

d’élèves sur les deux dimensions. Ce sont ces scores globaux qui ont été utilisés lors du

traitement ultérieur des données.

2.3.3. Vérification de la manipulation expérimentale et de la sensibilité de

l’échelle de désirabilité/utilité scolaire réduite

Afin de vérifier que la manipulation expérimentale a effectivement produit des

variations sur les descriptions personnologiques des élèves sur les dimensions de la

désirabilité et de l’utilité, nous avons effectué deux analyses de variance, la première sur le

score global de désirabilité, la seconde sur le score global d’utilité. Nous nous attendons à ce

que les élèves « ayant tout pour être aimé » obtiennent en moyenne un score global de

désirabilité plus élevé que les élèves « n’ayant rien pour être aimé » (effet principal de la

variable « désirabilité de l’élève »). Inversement, nous nous attendons à ce que les élèves

« ayant tout pour réussir » obtiennent en moyenne un score global d’utilité plus élevé que

74 A noter que sept des huit traits sélectionnés (hormis le trait « gentil ») étaient déjà identifiés dans l’étude 5 comme des traits ne saturant fortement qu’une seule des deux dimensions. 75 L’analyse factorielle réalisée sur les huit traits de l’échelle réduite (factorisation en axes principaux, rotation oblimin) indique que deux facteurs non orthogonaux (r = .30) expliquent conjointement 60.22 % de la variance totale. Le premier facteur, correspondant à la désirabilité (41.09 %), est fortement saturé par les traits « agréable » (.93), « insolent » (-.85), « pénible » (-.82) et « gentil » (.81). Le second facteur, correspondant à l’utilité (19.13 %), est fortement saturé par les traits « performant » (.84), « intelligent » (.78), « lent » (-.54) et « faible » (-.53).

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

228

ceux « n’ayant rien pour réussir » (effet principal de la variable « utilité de l’élève »). Les

scores moyens de désirabilité et d’utilité obtenus par chaque profil d’élèves sont présentés

dans le tableau 6.6. Pour chacune des analyses, seuls les effets significatifs ont été reportés.

Tableau 6.6. Scores moyens de désirabilité et d’utilité des descriptions des élèves en fonction

de leur désirabilité et de leur utilité

Désirabilité Utilité

Elève désirable et utile 0.91a 1.02a

Elève désirable et inutile 0.75a -0.56c

Elève indésirable et utile -0.94b 0.30b

Elève indésirable et inutile -0.59b -0.76c

Note. Les scores indicés par une lettre distincte en colonne sont significativement différents à p < .05 (HSD de Tukey).

La première ANOVA, réalisée avec comme variable dépendante le score global de

désirabilité, met en évidence, comme attendu, un effet principal de la désirabilité de l’élève,

F(1, 101) = 234.52, p < .0001, �² = .70. Les élèves ayant tout pour être aimés (M = 0.83) sont

décrits comme plus désirables que les élèves n’ayant rien pour être aimés (M = -0.76).

L’interaction entre la désirabilité et l’utilité de l’élève est significative, F(1, 101) = 5.94, p <

.02, �² = .06. Les comparaisons post hoc (cf. tableau 6.6.) montrent que si l’élève ayant tout

pour être aimé et tout pour réussir est décrit comme plus désirable (M = 0.91) que celui

n’ayant rien pour être aimé et tout pour réussir (M = -0.94) et que celui n’ayant rien pour être

aimé et rien pour réussir (M = -0.59), il ne se différencie pas de l’élève ayant tout pour être

aimé et rien pour réussir (M = 0.75). De plus, l’élève n’ayant rien pour être aimé et tout pour

réussir ne se différencie pas de celui n’ayant rien pour être aimé et rien pour réussir76.

La seconde ANOVA, réalisée sur le score global d’utilité, révèle un effet principal de

l’utilité de l’élève, F(1, 101) = 141.32, p < .0001, �² = .58. Les élèves ayant tout pour réussir

(M = 0.66) sont décrits comme plus utiles que les élèves n’ayant rien pour réussir (M = -0.66). 76 Malgré la significativité du test de l’interaction sur le score global de désirabilité, sa décomposition par l’intermédiaire d’analyses post hoc ne met pas en évidence un pattern différent de celui que nous aurions pu obtenir dans le cas où l’interaction n’aurait pas été significative. Ce type de résultats peut être expliqué par une plus grande sévérité du test HSD de Tukey en comparaison de celui du contraste d’interaction.

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

229

L’effet principal de la désirabilité de l’élève est également significatif, F(1, 101) = 17.30, p <

.0001; �² = .15. Les élèves ayant tout pour être aimés (M = 0.23) sont décrits comme plus

utiles que les élèves n’ayant rien pour être aimés (M = -0.23). Enfin, l’interaction entre la

désirabilité et l’utilité de l’élève est significative, F(1, 101) = 5.31, p < .02, �² = .05. Les

comparaisons post hoc (cf. tableau 6.6.) montrent que si l’élève ayant tout pour être aimé et

tout pour réussir (M = 1.02) est celui qui est décrit comme le plus utile, celui n’ayant rien pour

être aimé et tout pour réussir (M = 0.30) est décrit comme étant plus utile que les élèves ayant

tout pour être aimés et rien pour réussir (M = -0.56) ou n’ayant rien pour être aimés et rien

pour réussir (M = -0.76), ces deux derniers ne se différenciant pas l’un de l’autre.

Au regard de ces résultats, il semble possible de conclure que 1) la manipulation

expérimentale a bien entraîné des variations dans les descriptions personnologiques des élèves

sur les deux dimensions et 2) que les scores factoriels obtenus sur la base de l’échelle réduite

de désirabilité/utilité scolaire reflètent bien les scores des élèves sur les deux dimensions. En

effet, l’effet principal de la désirabilité des élèves sur le score global de désirabilité explique à

lui seul environ 70 % de la variance totale du score global de désirabilité des descriptions des

élèves. De la même façon, l’effet principal de l’utilité des élèves explique environ 58 % de la

variance totale du score global d’utilité. Comme le montre le tableau 6.6., les deux élèves

« ayant tout pour réussir » sont décrits comme plus utiles que les deux élèves « n’ayant rien

pour réussir ». De la même façon, les deux élèves « ayant tout pour être aimé » sont décrits

comme plus désirables que les deux élèves « n’ayant rien pour être aimé ».

2.4. Discussion

Globalement, ces résultats indiquent que l’échelle de désirabilité/utilité scolaire est

apte à mesurer la désirabilité et l’utilité des descriptions que font les enseignants de leurs

élèves. Ils révèlent que les propriétés des 24 traits sur les deux dimensions sont relativement

stables d’une méthode à l’autre et d’un échantillon à l’autre. De plus, les résultats obtenus à

partir de la version réduite de l’échelle laissent entrevoir la possibilité de mesurer l’utilité et la

désirabilité de façon optimale avec un nombre restreint de traits. Afin de nous assurer de cela,

nous avons testé une dernière fois la structure de cette échelle réduite sur un nouvel

échantillon et à partir d’une méthode plus écologique. L’étude 7 a été réalisée à cet effet.

3. Etude 7 : Validation de l’échelle réduite de désirabilité/utilité scolaire en milieu naturel de

classe

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

230

3.1. Vue générale

Cette étude poursuivait plusieurs objectifs. L’un d’entre eux visait à tester la structure

interne de l’échelle réduite de désirabilité/utilité scolaire à partir de descriptions spontanées

d’élèves. Pour ce faire, des enseignants de classe de CE2 ont été invités à décrire chacun des

élèves de leur classe à partir de traits de personnalité.

3.2. Méthode

3.2.1. Participants

Quatre cent quatre vingt dix neuf élèves de CE2 et leurs 33 enseignants respectifs ont

participé à cette étude. Les participants sont ceux de l’étude 4 (cf. tableau 1, p.6).

3.2.2. Matériel et procédure

Le matériel utilisé dans cette étude est identique à celui que nous avons utilisé dans

l’étude 4. Celui-ci se compose de fiches individuelles contenant des informations

sociodémographiques (âge, sexe, catégorie socioprofessionnelle des parents), du questionnaire

d’internalité scolaire (version b) ainsi que de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire (version

complète). La procédure est identique à celle de l’étude 4. Les données ont été récoltées lors

de deux séances de passations collectives. Ces passations se sont déroulées en classe et ont été

effectuées à environ deux semaines d’intervalle (cf. tableau 4.11.). Lors des deux passations,

les élèves ont été invités à répondre au questionnaire d’internalité (paradigme

d’autoprésentation ; phase 1 : consigne standard ; phase 2 : consignes pronormative et contre

normative). Les enseignants, quant à eux, ont été placés en situation d’identification/jugement

(phase 1 : jugements disciplinaires ; phase 2 : identification à chacun de leurs élèves).

Parallèlement, ils devaient répondre au questionnaire d’internalité dans le cadre du paradigme

de l’identification (phase 2) et décrire chacun de leurs élèves à partir de la liste 24 traits de

personnalité issus de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire (échelle en 11 points par trait, de

0 « ne décrit pas du tout l’élève » à 10 « décrit tout à fait l’élève ») (phase 1). Les analyses

visant à tester la validité interne de l’échelle réduite ont été réalisées sur ces dernières

données.

3.2.3. Analyses statistiques

Les données récoltées ont été traitées par l’intermédiaire d’analyses factorielles

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

231

confirmatoires (J. C. Anderson & Gerbing, 1988; Fabrigar et al., 1999; Floyd & Widaman,

1995; J. M. Graham, Guthrie, & Thompson, 2002; Hair et al., 1998; Jöreskog, 1969; Kline,

2005; Russel, 2002; Wegener & Fabrigar, 2000). Les différents modèles ont été estimés à

partir de la méthode du maximum de vraisemblance (ML). Trois types d’indices ont été

utilisés pour déterminer l’adéquation des modèles testés avec les données (cf. encadré 1) : des

indices d’ajustement absolus (X²(df), X²/df, GFI, SRMR, RMSEA), des indices d’ajustement

incrémentiels (AGFI, CFI, NNFI, NFI), et des indices de parcimonie (AIC, X²/df). Concernant

ces deux derniers indices, plus la valeur est faible, plus le modèle est parcimonieux.

Toutefois, étant donné la nature très particulière de nos données, nous nous sommes

interrogés sur la capacité des modèles d’équations structurelles traditionnelles à être utilisés

dans le cas présent. Rappelons que les descriptions d’élèves ont été réalisées par un seul et

même enseignant par classe. De fait, il est possible que les scores obtenus par les élèves d’une

même classe sur les différentes variables mesurées soient plus proches les uns des autres que

les scores obtenus par les élèves d’une autre classe, créant ainsi une structure hiérarchisée à

deux niveaux : d’un côté, les élèves qui ont fait l’objet d’une description personnologique et,

de l’autre, les enseignants ayant décrit tous les élèves d’une même classe. Or, l’existence de

cette structure hiérarchisée peut contrevenir à l’hypothèse d’indépendance des résidus qui

sous-tend les modèles basés sur les moindres carrés ordinaires (voir pour revue Bressoux,

2000). Pour pallier ce problème, des extensions de ces modèles ont été développées. Ces

derniers, désignés sous le terme de modèles multiniveaux, permettent de prendre en compte

simultanément plusieurs niveaux emboîtés les uns dans les autres (Bressoux, 2000, 2001;

Bressoux, Coustère, & Leroy-Audouin, 1997; Bressoux & Pansu, 2003; Courgeau, 2004;

Duru-Bellat & Suchaut, 2005; Hox, 1995, 1998, 2002; Kashy & Kenny, 2000; Kenny, Kashy,

& Bolger, 1998; Maas & Hox, 2004; Snijders & Bosker, 1999). Si la non indépendance des

résidus est un problème pour les modèles MCO, elle s’avère également problématique pour

les modèles d’équations structurelles conventionnels. C’est pourquoi un certain nombre de

travaux se sont attachés à proposer des modélisations d’équations structurelles intégrant les

principes de la régression multiniveau. L’utilisation de ces modèles, désignés sous le terme de

modèles d’équations structurelles multiniveaux (Byrne, 2006; Hox, 1995, 2002; Kline, 2005;

Rabe-Hesketh, Skrondal, & Zheng, 2006), serait requise, d’une part, lorsque les observations

sont incluses dans des clusters et, d’autre part, lorsque les variables d’intérêt sont mesurées de

façon imparfaite à partir de plusieurs items (Rabe-Hesketh et al., 2006). La structure de nos

données étant constituée de deux niveaux emboîtés l’un dans l’autre et nos variables d’intérêt

(utilité et désirabilité) mesurées imparfaitement par l’intermédiaire d’items spécifiques (huit

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

232

traits de personnalité), l’utilisation de ce type de méthodologie statistique semble ici

particulièrement bien adaptée.

3.3. Résultats

Bien que les enseignants aient décrit chacun de leurs élèves sur les 24 traits de

l’échelle de désirabilité/utilité scolaire, nous n’avons analysé ici que leurs réponses sur les

huit traits qui composent la version réduite de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire77.

A suivre Byrne (2006), l’utilisation d’équations structurelles multiniveaux serait

justifiée lorsque le nombre de clusters est supérieur à 15 et lorsque les corrélations

intraclasses excèdent .10 (voir également Muthén, 1997). Pour déterminer dans quelle mesure

le recours à des modèles d’équations structurelles multiniveaux était pertinent dans le cadre de

cette étude, nous avons en premier lieu cherché à déterminer si nos données étaient bien

organisées de façon hiérarchique. Pour ce faire, nous avons calculé les corrélations

intraclasses78 des huit traits de personnalité avec comme variable de cluster la classe des

élèves. Ces analyses ont mis en évidence que, sur les huit corrélations effectuées, cinq étaient

supérieures à .10. Couplés avec le fait que le nombre de clusters (ici les enseignants) s’élève à

33, ces résultats nous amènent à penser que le recours à des équations structurelles

multiniveaux pourrait être plus adapté que l’utilisation d’équations structurelles

traditionnelles.

A partir des calculs des corrélations intraclasses, nous avons séparé les variances et

covariances intragroupe et intergroupe pour chacune des huit variables impliquées dans

l’analyse. Le tableau 6.7. présente les moyennes, écarts-types et corrélations des variables au

niveau des élèves (niveau intragroupe).

77 Une analyse factorielle (factorisation en axes principaux, rotation oblimin) réalisée sur les 24 traits indique que deux facteurs non orthogonaux (r=-.23) permettent d’expliquer 51,98 % de la variance totale. Ces deux facteurs correspondent bien à l’utilité (37,74 %) et à la désirabilité (14,24 %). 78 La corrélation intraclasse peut être considérée comme le rapport entre la variance intergroupe et la variance totale, elle-même correspondant à la somme des variances intragroupe et intergroupe. Plus la corrélation intraclasse est élevée, plus la part de la variance intergroupe dans la variance totale est élevée (Kashy & Kenny, 2000; McGraw & Wong, 1996; Shrout & Fleiss, 1979).

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

233

Tableau 6.7. Moyennes, écarts-types et corrélations entre les variables (niveau intragroupe)

1 2 3 4 5 6 7 8 1. Agréable 1 2. Gentil .70 1 3. Faible -.25 -.22 1 4. Insolent -.54 -.42 .05 1 5. Intelligent .28 .30 -.61 -.06 1 6. Lent -.22 -.21 .51 .04 -.48 1 7. Pénible -.66 -.56 .17 .66 -.16 .12 1 8. Performant .38 .32 -.60 -.12 .74 -.61 -.27 1 Moyenne 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 Écart-type 1.94 1.60 2.77 2.38 1.74 3.00 2.85 2.34

Le tableau 6.8. présente les moyennes, écarts-types et corrélations des variables au

niveau des enseignants (niveau intergroupe).

Tableau 6.8. Moyennes, écarts-types et corrélations entre les variables (niveau intergroupe)

1 2 3 4 5 6 7 8 1. Agréable 1 2. Gentil .75 1 3. Faible -.49 -.47 1 4. Insolent -.55 -.49 .36 1 5. Intelligent .69 .53 -.36 -.41 1 6. Lent -.67 -.51 .45 .48 -.51 1 7. Pénible -.59 -.42 .59 .54 -.45 .71 1 8. Performant .64 .54 -.61 -.41 .76 -.49 -.42 1 Moyenne 27.45 29.83 13.57 7.81 27.97 18.00 12.71 23.59 Écart-type 3.23 2.91 4.17 4.63 3.48 3.20 5.14 2.77

Afin de tester la validité de notre modèle théorique, nous avons testé plusieurs

analyses factorielles confirmatoires multiniveaux. Cette méthode, qui s’apparente au test de

modèle sur échantillons multiples, permet de tester simultanément une même structure

factorielle sur les différents niveaux impliqués dans les données. Pour chaque analyse, le

modèle d’intérêt est testé en parallèle sur la matrice intragroupe et sur la matrice intergroupe.

Les valeurs des indices d’ajustement obtenues renseignent sur l’ajustement du modèle aux

deux matrices.

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

234

Deux modèles distincts ont été testés. Le premier (modèle 1) portait directement sur

notre modèle théorique. Celui-ci supposait l’existence de deux facteurs latents non

orthogonaux, la désirabilité et l’utilité, reliés chacun à des items spécifiques de l’échelle.

Ainsi, la désirabilité devait avoir comme indicateur les traits « agréable », « gentil »,

« insolent » et « pénible ». L’utilité devait avoir comme indicateur les traits « performant »,

« intelligent », « faible » et « lent ». Le second modèle testait un modèle alternatif non

hiérarchique. Contrairement au modèle théorique, il supposait que les huit traits qui

composent l’échelle réduite s’organisent sur un seul facteur. Ainsi, le modèle 2 était composé

d’une seule variable latente dont les huit traits seraient les indicateurs. Les deux modèles ainsi

que leurs solutions sont présentés dans la figure 6.3.79

79 A noter que les analyses effectuées ont mis en évidence que les variances des facteurs latents au niveau intergroupe (niveau des enseignants) étaient significatives, et cela pour chacun des deux modèles testés. De tels résultats attestent de l’intérêt de recourir à des modèles multiniveaux dans le traitement de nos données.

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

235

E.68

E.86

E.38

E.47

LentPerformant

-.73*-.51*.92*.89*

PénibleGentil

-.53*-.54*.81*.99*

.92*

E.85

E.84

E.59

E.16

InsolentAgréable Intelligent Faible

Niveau 2Enseignants

UtilitéDésirabilité

Agréable Gentil Insolent Pénible

E.52

E.64

E.73

E.61

.86* .77* -.68* -.79*

Intelligent Performant Faible Lent

E.58

E.42

E.72

E.76

.82* .91* -.70* -.65*

.40*Niveau 1 Élèves

UtilitéDésirabilité

Agréable Gentil Insolent Pénible

E.88

E.90

E.98

E.94

.48* .43* -.21* -.35*

Intelligent Performant Faible Lent

E.60

E.45

E.73

E.77

.80* .89* -.69* -.63*

Niveau 1 Élèves Valeur

E.46

E.72

E.49

E.68

-.89*-.69*.87*.73*-.82*-.78*.89*.99*

E.57

E.62

E.46

E.10

Niveau 2Enseignants

Valeur

LentPerformantPénibleGentil InsolentAgréable Intelligent Faible

Figure 6.3. Résultats obtenus pour les modèles 1 et 2

a. Modèle 1 b. Modèle 2

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

236

Sur la base des résultats présentés dans la figure 6.3., il apparaît que, pour les deux

modèles, les relations observées entre les différents indicateurs et les variables latentes qu’ils

représentent sont significatives et dans le sens attendu, que ce soit au niveau des élèves

comme au niveau des enseignants. Concernant le modèle 1, nous avons observé que si au

niveau des élèves, la corrélation entre l’utilité et la désirabilité est plutôt moyenne (r = .40),

elle apparaît très forte au niveau des enseignants (r = .92). Concernant le modèle 2, notons

que sa solution indique qu’au niveau des élèves les relations entre les différents indicateurs et

la variable latente « valeur » sont relativement faibles, en particulier en ce qui concerne les

traits désignés dans notre modèle théorique comme désirables et indésirables. Un tel résultat

laisse préfigurer d’une éventuelle déficience de ce modèle quant à sa capacité à modéliser les

relations entre les variables à ce niveau.

Parallèlement à ces analyses, nous avons mesuré leurs valeurs sur différents indices

d’ajustement. Les mesures d’ajustement des deux modèles sont présentées dans le tableau 6.9.

Tableau 6.9. Valeurs des indices d’ajustement pour les modèles

Modèle 1 Modèle 2

X² (df) 154.62* (38) 837.46* (40)

X²/df 4.07 20.94

GFI 1 .73

SRMR .05 .14

RMSEA (90% CI) .08 (.07, .09) .20 (.19, .21)

AGFI 1 .52

CFI .95 .63

NNFI .93 .48

NFI .94 .62

AIC 78.62 757.46

Note. *p < .05

En regard des indices d’ajustement absolus (X²/df, GFI, SRMR, RMSEA) et

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

237

incrémentiels (AGFI, CFI, NNFI, NFI), il apparaît que le modèle 1 s’ajuste de façon

satisfaisante aux données80. Le modèle 2, quant à lui, obtient des valeurs très insuffisantes sur

tous ces indices. Il semble donc qu’un modèle unidimensionnel ne puisse rendre compte de

l’organisation des traits de l’échelle de façon satisfaisante. Enfin, les indices de parcimonie

(X²/df, AIC) indiquent que le modèle 1 est le modèle le plus parcimonieux.

3.4. Discussion

Globalement, les différents modèles structuraux réalisés indiquent que l’échelle

réduite de désirabilité/utilité scolaire repose sur une structure à deux facteurs. Le modèle

théorique (modèle 1) est satisfaisant du point de vue de son ajustement aux données et ce

même en comparaison d’un modèle plus simple reposant sur une conception

unidimensionnelle de la valeur (modèle 2).

4. Conclusion

Les résultats obtenus dans les études 5, 6 et 7 nous semblent intéressants à plus d’un

titre. Sur un plan théorique, ils attestent de la validité de l’utilisation des concepts d’utilité et

de désirabilité en contexte scolaire. Tout d’abord, les résultats obtenus dans l’étude 5

montrent que les traits de personnalité susceptibles d’être utilisés pour décrire des élèves

s’organisent sur les dimensions de la désirabilité et de l’utilité. De tels résultats vont bien dans

le sens de l’existence d’une double composante de la valeur (Beauvois, 1995; Dubois &

Beauvois, 2001). La comparaison des résultats de l’étude 5 avec les normes proposées par Le

Barbenchon et al. (2005) indique l’existence d’une correspondance entre nos mesures et les

leurs globalement satisfaisante et ce, sur les deux dimensions. De plus, l’organisation des

traits mise en évidence dans cette cinquième étude apparaît relativement stable puisqu’elle se

retrouve dans les études 6 et 7. Même si dans ces deux études, les deux composantes de la

valeur corrèlent positivement, l’importance relativement moyenne de ces corrélations atteste

de l’intérêt à bien séparer ces deux dimensions. L’étude 7 révèle même que si la désirabilité et

l’utilité peuvent être très fortement corrélées au niveau des enseignants, un modèle ne prenant

pas en compte la spécificité de ces deux dimensions ne permet pas de rendre compte de façon

satisfaisante des données.

Ensuite, si les résultats obtenus vont dans le sens de la conception bidimensionnelle de

80 Bien que la valeur du X² soit significative pour le modèle 1, nous ne pouvons pas conclure que ce modèle ne s’ajuste pas aux données de façon satisfaisante. Comme nous l’avons déjà évoqué, cette significativité peut n’être que la conséquence de la taille importante de notre échantillon (N = 499).

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

238

la valeur sociale défendue par Beauvois et Dubois (Beauvois, 1995; Dubois & Beauvois,

2001), la nature des traits qui composent l’échelle réduite de désirabilité/utilité scolaire tend à

indiquer que la désirabilité et l’utilité sont deux dimensions très proches des deux facteurs

organisateurs des T.I.P. identifiés par Rosenberg et al. (1968) sous les termes de « désirabilité

sociale » et de « désirabilité intellectuelle ». D’une part, parce qu’elle est particulièrement

bien représentée par des traits comme « agréable », « gentil », « pénible » et « insolent », la

désirabilité sociale semble bien correspondre à la même dimension que celle mise en évidence

par ces auteurs. D’autre part, étant donné que les traits qui saturent fortement l’utilité sont

« intelligent », « performant », « lent » et « faible », cette dimension semble correspondre à la

seconde dimension identifiée par ces auteurs, c’est-à-dire la « désirabilité intellectuelle ».

Mais le contenu de l’échelle réduite de désirabilité/utilité scolaire nous permet également de

situer les deux dimensions que nous avons identifiées par rapport au modèle proposé par

Peeters (1992; 1999; 2002). Ainsi les traits qui saturent la dimension de la désirabilité

pourraient également être abordés sous l’angle de la profitabilité pour autrui (e.g., agréable,

pénible) alors que ceux qui saturent la dimension utile semblent bien se différencier sur la

base de leur profitabilité pour soi (e.g., intelligent, faible). Pris dans leur ensemble, les

données recueillies en contexte scolaire concernant les deux composantes de la valeur sociale

tendent à indiquer que le contenu de ces composantes est relativement similaire à celui

observé auprès de populations d’adultes.

Enfin, les résultats de l’étude 7 soulignent que les données issues des études 5 et 6 à

partir de procédures expérimentales sont transposables à des situations de descriptions

personnologiques en milieu naturel de classe. Rappelons sur ce point que les descriptions

faites par les enseignants dans cette étude concernent les élèves de leur classe et, à ce titre,

peuvent être représentatives des inférences personnologiques faites quotidiennement par les

enseignants sur leurs propres élèves. De ce point de vue, les concepts d’utilité et de

désirabilité des élèves seraient donc susceptibles de permettre de mieux comprendre les

mécanismes qui sous-tendent les jugements scolaires. De par son importance dans l’activité

évaluative, la personnologie et ses deux composantes jouent, sans doute, un rôle essentiel

dans la construction des jugements sociaux81.

Cependant, ces remarques ne sauraient nous faire oublier que cette série d’études nous

a surtout permis de mettre au point une échelle de désirabilité et d’utilité adaptée à la

description personnologique d’élèves de cycle primaire indispensable pour nous permettre de

81 L’encadré 2 présentera une illustration de cette hypothèse en matière de jugements d’acquisition scolaire (cf. chapitre 7).

Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire

239

tester nos hypothèses concernant les relations entre les deux composantes de la valeur et les

différentes catégories d’explications causales. Rappelons que nous avons émis l’hypothèse

que les divergences de résultats observés dans l’étude 4 entre les différents paradigmes

mobilisés (autoprésentation, identification, identification/jugement) pouvaient être expliquées

par la spécificité de ces paradigmes à mettre en évidence soit la désirabilité des explications

soit leur utilité. Cette idée nous a amené à envisager la possibilité de l’existence de variations

de valeur au sein du registre interne, tant sur la désirabilité que sur l’utilité. Ainsi, toutes les

explications internes ne seraient pas désirables au même titre. De même, toutes les

explications internes ne seraient pas utiles au même niveau. C’est là l’objectif des études

présentées dans le chapitre suivant : étudier les variations de valeur des différentes catégories

d’explications causales sur les deux composantes de la valeur sociale.

240

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

241

CHAPITRE 7

L’UTILITE ET LA DESIRABILITE DES CATEGORIES

D’EXPLICATIONS CAUSALES

La question de la valeur des explications causales est centrale dans l’étude de la norme

d’internalité (cf. chapitre 2). Néanmoins, avec le développement des travaux sur le concept de

valeur sociale et sa séparation en deux composantes distinctes, l’étude des normes sociales de

jugement a connu une récente évolution (cf. chapitre 5). En effet, si certaines normes

semblent porteuses de désirabilité (e.g. norme d’ancrage individuel), la norme d’internalité

s’ancrerait fondamentalement dans l’utilité sociale (Cambon, Djouari, & Beauvois, 2001,

cités par Beauvois, 2003b; Dubois, 2005a; Dubois & Beauvois, 2005). Toutefois, deux

questions nous semblent pouvoir être posées à ce niveau. La première porte sur la généralité

de ce phénomène. Peut-on généraliser les travaux mettant en avant l’ancrage de la norme

d’internalité dans l’utilité à d’autres populations que des étudiants, comme par exemple des

enseignants ? Sur ce point, rien n’est moins sûr. En effet, les enseignants, de par l’inconfort

qu’ils pourraient ressentir à évaluer leurs élèves uniquement sur la seule base de leur utilité et

non de leur désirabilité, pourraient très bien « apprendre à aimer, ce qui, au départ, n’est

qu’utile et à ne pas aimer ce qui, au départ, ne l’est pas » (Dubois & Beauvois, 2001, p.402).

Cet apprentissage transiterait par l’intermédiaire des processus de rationalisation et

d’internalisation (Beauvois, 2001; Beauvois & Joule, 1981; Joule, 1999; Joule & Beauvois,

1998, 2002). De fait, en contexte scolaire, il est possible que les enseignants associent

l’internalité à l’utilité mais également à la désirabilité.

La seconde question rejoint notre préoccupation principale et concerne la prise en

compte d’autres critères de classification que la seule distinction interne/externe. Peut-on

observer la même variabilité de valeur au sein des registres interne et externe lorsque l’on

s’intéresse plus spécifiquement à la désirabilité des explications causales et à leur utilité ?

L’étude 3 a mis en évidence que le recours à une classification des explications causales plus

fine permettait de faire apparaître des variations de valeur invisibles à partir de la seule prise

en compte du lieu de causalité, tant au niveau des différentes catégories d’explications qu’au

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

242

niveau des différents paradigmes mobilisés. L’étude 4 nous a permis de mieux comprendre les

mécanismes qui sous-tendaient ces variations. Rappelons que certaines explications, comme

les explications internes/instables en terme d’effort pour les renforcements positifs, étaient

apparues aux yeux des mêmes enseignants fortement valorisées dans le cadre du paradigme de

l’identification mais non valorisées dans celui du paradigme d’identification/jugement.

Inversement, d’autres explications, comme les explications internes/stables en terme

d’habileté ne semblaient pas valorisées en identification et valorisées en

identification/jugement. Plutôt que de voir là, la manifestation d’un phénomène aléatoire,

nous avions émis l’idée que ces divergences de résultats pouvaient être la conséquence de la

spécificité des paradigmes utilisés. Cela nous amène maintenant à émettre de nouvelles

hypothèses sur la valeur des différents types d’explications manipulés. En effet, plutôt que de

chercher à déterminer parmi les différentes catégories d’explications internes celles qui sont

les plus porteuses de valeur, il nous est apparu plus pertinent de nous interroger sur le type de

valeur véhiculé par ces catégories. Sur ce point, les résultats de l’étude 4 nous semblent

particulièrement appropriés pour nous informer sur cette valeur. S’il est effectivement admis

que les paradigmes de l’autoprésentation et de l’identification mobilisent préférentiellement la

désirabilité des explications plutôt que leur utilité et si le paradigme d’identification/jugement

nous renseigne plus sur l’utilité des explications que sur leur désirabilité, nous pouvons donc

émettre des hypothèses relativement précises sur l’utilité et la désirabilité des différentes

catégories d’explications internes.

Les différentes hypothèses que nous pouvons dériver de l’étude 4 sont présentées dans

le tableau 7.1. En matière de désirabilité, nous avons émis nos hypothèses à partir des

résultats issus du paradigme de l’identification82. En matière d’utilité, nous nous sommes

basés sur les résultats obtenus à partir du paradigme d’identification/jugement.

82 Il nous a semblé en effet plus pertinent de nous baser sur les réponses des enseignants en identification plutôt que sur celles des élèves en autoprésentation. Ces derniers étant relativement jeunes (CE2), leurs réponses nous semblent susceptibles de moins bien refléter la désirabilité des explications que celles de leurs enseignants.

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

243

Tableau 7.1. Hypothèses concernant la désirabilité et l’utilité des différentes catégories

d’explications

Comportements Renforcements

Positifs Négatifs Positifs Négatifs

Interne/Instable D+U= D+U= D+U= D+U+

Interne/Stable D+U+ D=U= D=U+ D=U-

Externe/Instable D-U= D=U+ D-U- D-U=

Externe/Stable D-U- D-U- D=U= D-U-

Note. D+ : désirable, D= : neutre sur la désirabilité, D- : indésirable, U+ : utile, U= : neutre sur l’utilité, U- : inutile.

Comme le montre le tableau 7.1., nous nous attendons à ce que seules certaines

catégories d’explications internes soient valorisées sur la dimension de la désirabilité. Pour les

comportements positifs, nous nous attendons à ce que les explications internes en terme de

trait et d’intention soient désirables. En revanche, pour les comportements négatifs, seules les

explications internes/instables en terme d’intention devraient être porteuses de désirabilité.

Pour les renforcements positifs cette fois, nous nous attendons à ce que les seules explications

internes à être désirables soient les explications internes/instables en terme d’effort. Enfin,

pour les renforcements négatifs, seules les explications internes/instables en terme d’effort

devraient être positivement associées à cette dimension.

Sur la dimension de l’utilité, là encore, nous nous attendons à ce que seules certaines

catégories d’explications internes soient valorisées. Pour les comportements positifs, les

explications internes/stables en terme de trait devraient être les seules explications porteuses

d’utilité. Pour les comportements négatifs, aucune catégorie d’explications internes ne devrait

être particulièrement marquée sur cette dimension83. Pour les renforcements positifs, les

seules explications « utiles » devraient être les explications internes/stables en terme

d’habileté. Enfin, pour les renforcements négatifs, si les explications internes/instables en 83 Nous avons conscience que certaines de nos hypothèses sont problématiques puisqu’elles reposent sur le test de l’hypothèse nulle (Kluger & Tikochinsky, 2001; Rosenthal & Rubin, 1994). Toutefois, plutôt que chercher à tester véritablement H0, l’objectif de ces hypothèses est de mettre en évidence que certaines catégories d’explications apparaissent significativement reliées à une dimension alors que d’autres ne le sont pas à un niveau de puissance de test donné. Obtenir de tels résultats, s’ils ne permettent jamais de statuer sur une absence d’effet, nous permet toutefois de classer de façon ordinale les effets en trois catégories : les effets négatifs, les effets non significatifs et les effets positifs (voir à ce propos Frick, 1996).

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

244

terme d’effort devraient être valorisées sur l’utilité, les explications internes/instables en

terme d’habileté devraient être dévalorisées sur cette dimension.

Au-delà de permettre d’émettre des hypothèses précises sur la valeur véhiculée par les

différentes catégories d’explications internes, les résultats de l’étude 4 nous renseignent

également sur la valeur des catégories d’explications externes (cf. tableau 7.1.). Par exemple,

parce que les explications externes/instables en terme de chance pour expliquer la réussite

sont apparues associées négativement au jugement scolaire dans le cadre du paradigme

d’identification/jugement, nous pouvons nous attendre à ce que ce type d’explications soit

relié négativement à l’utilité.

Les deux études qui suivent visent à tester ces hypothèses. La première étude, basée

sur la méthode expérimentale, a pour objectif d’étudier les associations que les enseignants de

cycle primaire font entre les deux composantes de la valeur sociale et le questionnaire

d’internalité scolaire (version b). La seconde étude vise à tester nos hypothèses en milieu

naturel de classe.

1. Etude 8 : Mesure des associations entre les deux composantes de la valeur et le

questionnaire d’internalité scolaire

1.1. Vue générale

Des enseignants ont été invités à se mettre à la place d’un élève connu d’eux et ayant

des caractéristiques spécifiques en terme d’utilité et de désirabilité sociales. Après avoir

imaginé ce que cet élève aurait répondu au questionnaire d’internalité scolaire (version b), ils

devaient décrire cet élève à l’aide d’une liste de traits de personnalité.

1.2. Méthode

1.2.1. Participants

Les participants sont ceux de l’étude 5 (cf. tableau 1, p.6), soit 113 stagiaires

enseignants. Rappelons que huit d’entre eux ont été éliminés sur la base de leurs réponses à

l’échelle de désirabilité/utilité scolaire (cf. étude 6). Le nombre de participants final est donc

de 105.

1.2.2. Matériel et procédure

Rappelons qu’au début de chaque passation, un dossier a été distribué aux participants.

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

245

Ce dossier contenait, dans l’ordre, un exemplaire du questionnaire d’internalité scolaire

(version b) et un exemplaire de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire. Une consigne invitait

les participants à penser à un élève qu’ils connaissaient bien et qui était connu pour être soit

un élève désirable et utile (D+U+), soit un élève désirable et inutile (D+U-), soit un élève

indésirable et utile (D-U+), soit un élève indésirable et inutile (D-U-). Une fois l’élève choisi,

les participants devaient imaginer les réponses qu’aurait données cet élève au questionnaire

d’internalité scolaire et le décrire sur les 24 traits de personnalité de l’échelle de

désirabilité/utilité scolaire.

1.3. Résultats

Dans cette étude, nous nous sommes intéressés aux covariations entre les descriptions

des élèves réalisées par les enseignants à partir de l’échelle réduite de désirabilité/utilité

scolaire et les réponses des enseignants au questionnaire d’internalité scolaire (version b).

Pour ce faire, nous avons mis en relation les scores globaux de désirabilité et d’utilité avec les

réponses des participants au questionnaire à partir d’analyses de régression multiple84.

Comme dans les études 3 et 4, nous avons, dans un premier temps, traité les données

en intégrant dans les modèles de régression le score d’internalité. Dans un second temps, nous

avons réalisé de nouvelles analyses en intégrant dans les modèles les scores des différentes

catégories manipulées dans le questionnaire.

Les deux variables dépendantes (le score global de désirabilité et le score global

d’utilité) ont été obtenues à partir des scores factoriels des participants suite à une analyse

factorielle réalisée sur les huit traits de personnalité qui composent l’échelle réduite de

désirabilité/utilité scolaire (cf. étude 6)85.

1.3.1. Analyses à partir du score global d’internalité

Des analyses de régression ont été conduites dans la perspective de mettre à jour les

relations entre les deux composantes de la valeur sociale et le score d’internalité.

84 Dans ces analyses, nous n’avons pas pris en compte l’appartenance des participants à un groupe expérimental ou à un autre. Nous supposons en effet que la consigne devrait entraîner des variations, tant sur les scores globaux issus des descriptions personnologiques des participants que sur leurs réponses au questionnaire d’internalité. 85 Rappelons que cette analyse factorielle (factorisation en axes principaux, rotation oblimin) indique que deux facteurs non orthogonaux (r = .30) expliquent conjointement 60.22 % de la variance totale. Le premier facteur, correspondant à la désirabilité (41.09 %), est fortement saturé par les traits « agréable » (.93), « insolent » (-.85), « pénible » (-.82) et « gentil » (.81). Le second facteur, correspondant à l’utilité (19.13 %), est fortement saturé par les traits « performant » (.84), « intelligent » (.78), « lent » (-.54) et « faible » (-.53).

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

246

Plusieurs modèles de régression ont été réalisés. Notons que pour ne mesurer que

l’association unique entre le score d’internalité et une seule des deux composantes de la

valeur sociale, nous avons intégré dans chacun des modèles de régression le score des élèves

sur la dimension non utilisée en tant que variable dépendante. Ainsi, lorsque la variable

dépendante est le score global de désirabilité, les différents modèles de régression intègrent le

score global d’utilité en même temps que le score d’internalité. De la même façon, lorsque la

variable dépendante est le score global d’utilité, les modèles intègrent cette fois le score

global de désirabilité en même temps que le score d’internalité. Cette intégration successive

des scores globaux d’utilité et de désirabilité a pour objectif de contrecarrer la corrélation

existante entre les deux mesures (r = .33) de façon à ne prendre en compte que l’association

des explications avec une seule des deux dimensions en contrôlant l’association de ces mêmes

explications avec la seconde. Les différents modèles de régression réalisés sur le score global

de désirabilité sont au nombre de six. Le modèle 1 vise à tester la relation entre le score global

d’internalité et le score global de désirabilité. Le modèle 2 vise à tester si les relations entre le

score d’internalité et le score global de désirabilité varient en fonction du type d’événements

(comportements vs. renforcements) et de leur valence (positive vs. négative). Enfin, les

modèles 3, 4, 5 et 6 testent les relations entre les scores d’internalité spécifiques pour chaque

catégorie d’événements (comportements positifs, comportements négatifs, renforcements

positifs, renforcements négatifs) et le score global de désirabilité. Des modèles similaires

(modèles 1’ à 6’) ont été testés sur le score global d’utilité. Les résultats des modèles de

régression86 réalisés sur les scores globaux de désirabilité et d’utilité sont présentés dans le

tableau 7.2.

86 L’ensemble des variables intégrées dans ces modèles a été centré.

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

247

Tableau 7.2. Modèles de régression évaluant la relation entre le score global d’internalité attribué par les enseignants et les scores globaux

d’utilité et de désirabilité des descriptions des élèves

Variable dépendante : Score global de désirabilité Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3 Modèle 4 Modèle 5 Modèle 6

Score global d’utilité Score d’internalité global Type d’événements Valence des événements Interaction Type x Valence Score d’internalité : Comportements positifs Score d’internalité : Comportements négatifs Score d’internalité : Renforcements positifs Score d’internalité : Renforcements négatifs

.24** 41**

.32**

-.07 .05 .01

.22*

.44**

.32**

.14

.32**

.12

.27**

.36** R² .27 .11 .29 .13 .12 .24

Variable dépendante : Score global d’utilité Modèle 1’

Modèle 2’ Modèle

3’ Modèle 4’ Modèle

5’ Modèle 6’

Score global de désirabilité Score d’internalité global Type d’événements Valence des événements Interaction Type x Valence Score d’internalité : Comportements positifs Score d’internalité : Comportements négatifs Score d’internalité : Renforcements positifs Score d’internalité : Renforcements négatifs

.29** .09

.32**

-.01 .11 .07

.27**

.13

.33**

-.01

.32**

.07

.32**

.02 R² .11 .12 .12 .11 .11 .11

Note. Les coefficients de régression présentés sont standardisés (�). N = 105, ** p < .01, * p < .05, t p < .10

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

248

Le modèle 1 révèle que le score global d’internalité attribué aux élèves par les

enseignants est positivement et significativement relié à leur score global de désirabilité (� =

.41). Le modèle 2 indique que cette relation ne varie pas significativement en fonction des

événements et de leur valence. Les modèles 3, 4, 5 et 6 indiquent que le sens de cette relation

est toujours positif, bien que pour certains événements la relation n’atteigne pas le seuil de

significativité fixé. On notera surtout que l’internalité attribuée par les enseignants aux élèves

est reliée significativement à leur score global de désirabilité lorsqu’elle explique les

comportements positifs (� = .44) et les renforcements négatifs (� = .36). Lorsqu’elle rend

compte des comportements négatifs et des renforcements positifs, l’internalité attribuée n’est

pas significativement reliée à ce score.

Concernant l’utilité, aucun des modèles n’indique l’existence d’une relation

significative. Bien que le sens de cette relation soit positif pour trois catégories d’événements

sur quatre (la seule exception concerne les comportements négatifs), l’internalité des élèves

n’est pas reliée significativement à leur score global d’utilité lorsque l’on contrôle leur score

de désirabilité.

En résumé, nos résultats semblent indiquer que l’internalité est positivement associée

à la désirabilité des descriptions des élèves et non à leur utilité. Toutefois, afin de dépasser la

seule distinction interne/externe, nous avons réalisé de nouvelles analyses qui intègrent les

scores des différentes catégories d’explications.

1.3.2. Analyses à partir des scores des catégories d’explications

La méthode statistique employée est la même que celle utilisée précédemment.

Plusieurs modèles de régression ont été réalisés dans lesquels nous avons intégré un des 16

scores des catégories d’explications du questionnaire ainsi qu’un des scores globaux de valeur

sociale en fonction de la variable dépendante (score global d’utilité lorsque la variable

dépendante est le score global de désirabilité, score global de désirabilité lorsque la variable

dépendante est le score global d’utilité). Cette dernière variable a été intégrée de façon à ce

que les coefficients obtenus ne reflètent que la relation unique du score de chaque catégorie

d’explications avec une seule des deux dimensions. Au final, 32 analyses de régression ont été

réalisées. Les résultats de ces analyses de régression (16 pour chaque variable dépendante)

sont présentés dans les tableaux 7.3. et 7.4.

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

249

Tableau 7.3. Coefficients � des relations entre chacune des différentes catégories

d’explications et le score global de désirabilité

Comportements Renforcements

Positifs Négatifs Positifs Négatifs

Interne/Instable .31** .25** .33** .41**

Interne/Stable .27** -.19* -.27** -.05

Externe/Instable -.33** -.07 -.27** -.14

Externe/Stable -.13 -.10 .12 -.32**

Note. N = 105, ** p < .01, * p < .05, t p < .10

Concernant la désirabilité sociale, les résultats des différents modèles de régression

révèlent l’existence d’une hétérogénéité de valeur au sein du registre interne conforme à la

plupart de nos prédictions.

Plus particulièrement, pour les comportements positifs, les explications

internes/stables en terme de trait sont bien positivement associées au score global de

désirabilité (� = .27). Ces explications ne sont pas les seules à être reliées positivement à cette

dimension. En effet, plus les enseignants imaginent que l’élève explique ses comportements

positifs par des explications internes/instables, plus ils le décrivent comme désirable (� = .31).

Seul le score des explications externes/instables l’est négativement (� = -.33).

Pour les comportements négatifs, comme nous l’attendions, le score d’explications

internes/instables en terme d’intention est positivement associé à la désirabilité des élèves (�

= .25). En revanche, le score d’explications internes/stables en terme de trait est négativement

et significativement associé à leur désirabilité (� = -.19). En regard des résultats de l’étude 4,

nous nous attendions à que cette catégorie d’explications ne soit pas marquée sur cette

dimension. Il n’en est rien puisque plus les enseignants pensent que l’élève aurait recours à ce

type d’explications, moins ils le décrivent comme désirable.

Pour les renforcements positifs, les résultats sont conformes à nos attentes, au moins

en ce qui concerne les explications internes/instables en terme d’effort (� = .33). Plus les

enseignants pensent que l’élève explique ses réussites par l’effort, plus ils le décrivent comme

désirable. Notons toutefois que le score des explications internes/stables en terme d’habileté

est négativement associé à la désirabilité (� = -.27). Ce résultat peut paraître surprenant. Là

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

250

aussi, en regard des résultats antérieurs, nous nous attendions à ce que cette catégorie

d’explications soit neutre sur cette dimension. En matière d’externalité, seules les explications

externes/stables en terme de chance sont négativement liées à la désirabilité (� = -.27).

Enfin, pour les renforcements négatifs, les données vont dans le sens de nos

hypothèses puisque le score d’explications internes/instables en terme d’effort est le seul à

être positivement et significativement relié à la désirabilité (� = .41). Le seul score à être

négativement associé à cette dimension est celui des explications externes/stables en terme de

difficulté de la tâche (� = -.32).

Tableau 7.4. Coefficients � des relations entre chacune des différentes catégories

d’explications et le score global d’utilité

Comportements Renforcements

Positifs Négatifs Positifs Négatifs

Interne/Instable -.01 -.08 -.09 .24*

Interne/Stable .20* .10 .20* -.20*

Externe/Instable -.05 .13 -.18t -.04

Externe/Stable -.07 -.12 .06 -.01

Note. N = 105, ** p < .01, * p < .05, t p < .10

Sur la dimension utile, les résultats obtenus vont tout à fait dans le sens de nos

hypothèses sur l’utilité des explications internes. En effet, pour les comportements positifs, le

score d’explications internes/stables en terme de trait est bien positivement associé à l’utilité

des élèves (� = .20).

En revanche, pour les comportements négatifs, aucune catégorie n’apparaît

significativement reliée à l’utilité des élèves.

Pour les renforcements positifs, seul le score d’explications internes/stables en terme

d’habileté est lié positivement et significativement à l’utilité des élèves (� = .20). Le score

d’explications externes/instables y est négativement mais tendanciellement associé (� = -.18).

Enfin, pour les renforcements négatifs, les résultats vont encore une fois dans le sens

de nos prédictions. En effet, le score d’explications internes/instables en terme d’effort est

positivement et significativement associé à l’utilité (� = .24). Inversement, cette relation est

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

251

négative pour le score d’explications internes/stables en terme d’habileté (� = -.20).

En résumé, ces résultats indiquent l’existence de variations de valeur sociale au sein

du registre interne et ce, sur la désirabilité comme sur l’utilité. En effet, sur ces deux

dimensions, certaines explications internes apparaissent valorisées alors que d’autres semblent

dévalorisées. Cette hétérogénéité se retrouve également dans le registre externe et indique que

toutes les explications externes ne sont pas stigmatisées au même titre. Globalement, le fait

qu’une catégorie d’explications soit valorisée sur une dimension n’implique pas forcément

qu’elle le soit sur l’autre. Il est même possible qu’une catégorie d’explications soit valorisée

sur une dimension et dévalorisée sur l’autre.

1.4. Discussion

Les résultats que nous avons obtenus à partir du score d’internalité nous semblent

intéressants à plus d’un titre. Tout d’abord, si l’on s’en tient uniquement à l’opposition

interne/externe, il apparaît que l’internalité est reliée positivement à la désirabilité et non à

l’utilité. Plus les élèves sont décrits comme internes, plus ils sont décrits comme désirables. A

la lecture de ces résultats, il semblerait que l’internalité soit préférentiellement associée à la

désirabilité plutôt qu’à l’utilité. Une telle conclusion contraste donc avec celles émises sur la

base de travaux qui ancrent la norme d’internalité dans l’utilité plus que dans la désirabilité

(Cambon, Djouari, & Beauvois, 2001, cités par Beauvois, 2003b; Dubois, 2005a; Dubois &

Beauvois, 2005). Au moins trois explications non exclusives nous semblent pouvoir être

avancées pour rendre compte de cette divergence. La première est d’ordre statistique. Bien

qu’elle n’atteigne jamais le seuil de significativité fixé (p < .05), la relation entre l’internalité

attribuée aux élèves et le degré d’utilité de leurs descriptions personnologiques est positive

pour la plupart des quatre catégories d’événements. Cette absence de significativité peut être

due, tout simplement, à un problème de puissance de test87. Une augmentation du nombre de

participants pourrait peut-être alors suffire à rendre significative cette relation. Toutefois, si

cette explication peut justifier pourquoi, dans notre étude, l’internalité n’est pas reliée à

l’utilité, elle n’explique pas pourquoi celle-ci est reliée positivement à la désirabilité. Est-ce

propre à notre population ? Cette hypothèse ne peut pas être écartée. Contrairement aux

travaux conduits jusqu’à présent dans ce domaine où l’on demandait à des étudiants de juger

des pairs connus par leur degré de normativité (Cambon, Djouari, & Beauvois, 2001, cités par

87 Avec un seuil d’erreur � de .05 et un effectif total de 105 participants, la puissance de test associée à une valeur de .09 (bilatéral) s’élève à .14, ce qui s’avère très en deçà du critère d’acceptabilité en la matière (>.80, voir à ce propos Cohen, 1990).

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

252

Beauvois, 2003b; Dubois, 2005a; Dubois & Beauvois, 2005), dans notre étude, nous avons

associé la représentation que se font les enseignants des réponses données à un questionnaire

d’internalité par un élève spécifique à la description personnologique qu’ils font de lui. De

fait, la relation entre internalité et désirabilité que nous avons observée pourrait être due au

fait que les enseignants ont appris à considérer l’internalité comme désirable de par son

utilité. On rejoint par là les propos de Beauvois (1995) lorsqu’il énonce que « les utilités

sociales peuvent être ou devenir désirables sur la seule base du fait que ce sont des utilités

sociales » (p.376). Les enseignants, de par leur fonction d’évaluation et de formation,

pourraient apprendre à considérer que ce qui est utile est également désirable (Dubois &

Beauvois, 2001; Pansu & Beauvois, 2004).

A s’en tenir là, on pourrait conclure que ces deux explications suffisent à rendre

compte des divergences observées entre nos résultats et ceux disponibles dans la littérature.

Mais, la prise en compte de la spécificité des catégories nous invite à les dépasser. En effet,

ces résultats indiquent l’existence de variations de valeur au sein des registres interne et

externe à la fois sur la désirabilité et sur l’utilité. Rappelons-nous à ce propos des effets

observés dans les études 3 et 4 où l’on observait que le score d’internalité semblait être le

reflet de l’agrégation des effets des catégories qui composent ce score. Nous avions vu 1) que

la valeur véhiculée par le score d’internalité pouvait provenir de la valeur de certaines

explications internes plutôt que d’autres et 2) que les explications impliquées pouvaient varier

en fonction du paradigme utilisé. A étendre ce raisonnement aux relations entre l’internalité et

les deux composantes de la valeur sociale, il ressort que les variations de résultats quant à

l’ancrage de l’internalité sur l’utilité ou sur la désirabilité pourraient relever de cette même

logique. Cet ancrage pourrait dépendre de la composition du score d’internalité par certaines

catégories d’explications internes ancrées sur une dimension plutôt que sur l’autre. La valeur

accordée à ce score pourrait alors provenir, tout simplement, de la présence de certaines

catégories d’explications internes plutôt que d’autres dans le questionnaire. En effet, les

résultats des modèles de régression intégrant les scores des différentes catégories

d’explications, s’ils ne nous permettent pas de conclure véritablement sur ce point, indiquent

clairement que toutes les explications internes ne sont pas porteuses de valeur au même titre

et que cette valeur peut varier en fonction de la dimension considérée, utile ou désirable. Sur

ce point, plusieurs de nos prédictions – faites sur la base des résultats de l’étude 4 – se sont

avérées confirmées. Le tableau 7.5. présente ces prédictions ainsi que les résultats obtenus sur

la désirabilité.

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

253

Tableau 7.5. Comparaison des hypothèses avec les résultats de l’étude 8 sur la désirabilité

Comportements Renforcements

Positifs Négatifs Positifs Négatifs

A B A B A B A B

Interne/Instable + + + + + + + +

Interne/Stable + + = - = - = =

Externe/Instable - - = = - - - =

Externe/Stable - = - = = = - -

Note. A : valeur théorique, B : étude 8, + : catégorie valorisée, - : catégorie dévalorisée, = : catégorie non valorisée

Le tableau 7.5 révèle en premier lieu que, sur les 16 hypothèses portant sur la

désirabilité, 11 ont été non infirmées. Il ressort notamment que la désirabilité de l’internalité

est surtout le fait des explications internes/instables (intention pour les comportements et

effort pour les renforcements) indépendamment de la valence des événements et des

explications internes/stables qui mobilisent des traits pour les comportements positifs (voir

catégories + dans le tableau 7.5). Toutefois certaines explications internes comme celles en

terme d’habileté apparaissent dévalorisées sur cette dimension lorsqu’elles rendent compte

des renforcements positifs. Plus les enseignants pensent que les élèves ont expliqué leurs

réussites par l’habileté, moins ils les décrivent comme désirables. Une telle hétérogénéité de

valeur se retrouve au sein du registre externe puisque toutes les catégories d’explications

externes ne sont pas indésirables. Ce tableau présente également un autre intérêt. Il permet de

mieux comprendre certains résultats obtenus à partir du score global d’internalité. Rappelons-

nous, ce score était apparu significativement lié à la désirabilité pour les comportements

positifs et les renforcements négatifs. Or, si l’on considère que les effets du score d’internalité

sont le résultat de l’agrégation des effets des explications qui le composent, il n’est plus

surprenant de voir que le score d’internalité n’est pas significativement relié à la désirabilité

dans le cas des comportements négatifs et des renforcements positifs. En effet, pour ces deux

types d’événements, si l’une des catégories d’explications internes est associée positivement à

la désirabilité, l’autre l’est négativement. Le fait d’agréger ces deux catégories a pour

conséquence d’annuler leurs effets respectifs.

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

254

Un constat similaire peut être fait pour la dimension de l’utilité. Le tableau 7.6.

présente les hypothèses sur les relations entre les différentes catégories d’explications et

l’utilité.

Tableau 7.6. Comparaison des hypothèses avec les résultats de l’étude 8 sur l’utilité

Comportements Renforcements

Positifs Négatifs Positifs Négatifs

A B A B A B A B

Interne/Instable = = = = = = + +

Interne/Stable + + = = + + - -

Externe/Instable = = + = - - = =

Externe/Stable - = - = = = - =

Note. A : valeur théorique, B : étude 8, + : catégorie valorisée, - : catégorie dévalorisée, = : catégorie non valorisée

Là encore, il apparaît que la majorité des hypothèses issues de l’étude 4 s’est avérée

non infirmée. En effet, 12 d’entre elles sont conformes à nos prédictions. Comme pour la

désirabilité, toutes les explications internes ne semblent pas porteuses d’utilité. Certaines

semblent même dévalorisées sur cette dimension. C’est le cas, par exemple, des explications

internes/stables en terme de manque d’habileté pour les renforcements négatifs. Ce tableau

nous apporte également quelques éclairages sur les relations entre le score d’internalité global

et l’utilité. Bien que non significative, la relation entre le score d’internalité et l’utilité semble

varier en fonction des effets des catégories qui le composent. Comme on pouvait le supposer,

les événements où l’internalité apparaît le plus reliée à l’utilité sont ceux où une des

catégories d’explications internes est positivement reliée à l’utilité. C’est le cas des

événements positifs pour les comportements et les renforcements. Dans le cas des événements

négatifs, l’absence d’effet au niveau du score d’internalité pourrait provenir de causes

distinctes. Pour les comportements négatifs, cette absence d’effet pourrait être due au fait

qu’aucune catégorie d’explications internes n’est particulièrement porteuse d’utilité. Pour les

renforcements négatifs, l’absence d’effet pourrait provenir du fait que les deux catégories

d’explications internes qui composent le score global d’internalité ont des effets inverses

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

255

(positif pour les explications internes/instables en terme d’effort et négatif pour les

explications internes/stables en terme d’habileté). L’agrégation de ces deux catégories en un

même score d’internalité pourrait alors aboutir à une annulation réciproque des relations de

ces catégories avec l’utilité. De fait si les degrés d’utilité ou de désirabilité du score

d’internalité dépendent des catégories d’explications qui le composent, il n’est plus étonnant

d’observer des variations entre deux études n’utilisant pas le même questionnaire

d’internalité. En effet, on peut alors comprendre qu’un questionnaire composé d’explications

internes fortement utiles et peu désirables (e.g. les explications internes/stables en terme

d’habileté) puisse conduire les chercheurs à conclure que la norme d’internalité s’ancre plus

dans l’utilité que dans la désirabilité. Inversement un questionnaire comprenant des

explications internes s’ancrant fortement dans la désirabilité et peu dans l’utilité (e.g. les

explications en terme d’effort pour les renforcements positifs) conduirait à conclure que la

norme d’internalité s’ancre plus dans la désirabilité que dans l’utilité.

A ce stade de notre travail, nous pouvons avancer que 1) si certaines explications

internes semblent fortement valorisées, d’autres ne le sont pas, voire même sont dévalorisées,

2) cette valorisation n’a de sens que si l’on tient compte de la composante de la valeur sociale

sur laquelle elle s’exprime, 3) les relations entre le score d’internalité et les deux composantes

de la valeur sociale semblent être le résultat d’un phénomène d’agrégation. Dès lors, pour

pouvoir étudier la valeur sociale des explications causales, il semble nécessaire, d’une part, de

dépasser le seul critère interne/externe dans la classification des explications causales et,

d’autre part, de définir la dimension de jugement sur laquelle on souhaite étudier les effets des

explications. Cependant, si nos résultats plaident en faveur de ces deux points, il nous semble

nécessaire d’aller plus en avant en cherchant, à partir d’une autre méthodologie, à les

reproduire en contexte naturel de classe.

2. Etude 9 : Réplication et prolongement en milieu naturel de classe

2.1. Vue générale

Des enseignants devaient imaginer les réponses des élèves de leur classe au

questionnaire d’internalité scolaire (version b). Ils devaient également les décrire à l’aide

d’une liste de traits de personnalité et juger de leur niveau scolaire en français et en

mathématiques. Les données sont issues du même échantillon que celui des études 4 et 7 (cf.

tableau 1, p.6).

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

256

2.2. Méthode

Les participants sont les mêmes que ceux des études 4 et 7 (cf. tableau 1, p.6), soit 499

élèves de CE2 et leurs 33 enseignants. Le matériel utilisé et la procédure mise en place sont

identiques à ceux de ces études (cf. tableau 4.11.).

2.3. Résultats

Les données récoltées ont été analysées de la même façon que pour les études 3, 4 et

8. Un premier ensemble d’analyses a été mené en utilisant le seul critère interne/externe. Les

données ont ensuite été retraitées à partir des différentes catégories d’explications manipulées

dans le questionnaire d’internalité scolaire.

Comme dans le cas de l’étude 8, le score global d’utilité et le score global de

désirabilité ont été créés à partir des scores factoriels obtenus à la suite d’une analyse

factorielle (factorisation en axes principaux, rotation oblimin) sur les huit traits qui composent

l’échelle réduite de désirabilité et d’utilité scolaire (cf. étude 7)88.

2.3.1. Analyses à partir du score global d’internalité

Différents modèles de régression ont été réalisés. Ces modèles reposent sur un modèle

de base intégrant différentes variables de contrôle : le score moyen des élèves aux épreuves

standardisées, le niveau scolaire moyen de la classe, la catégorie socioprofessionnelle du père

des élèves, le sexe des élèves ainsi que leur statut de redoublant. Les variables dépendantes

sont respectivement le score global de désirabilité et le score global d’utilité. Nous avons ici

aussi (cf. étude 8) intégré dans chacun des modèles de régression le score des élèves sur la

dimension non utilisée comme variable dépendante.

Ainsi, pour chaque score global (l’un de désirabilité, l’autre d’utilité), six modèles de

régression ont été créés. Ils se différenciaient au niveau des différents scores d’internalité

testés. Le tableau 7.7. présente, tout d’abord, les six modèles testés avec comme variable

dépendante le score global de désirabilité89.

88 Cette analyse indique que deux facteurs non orthogonaux (r = -.37) permettent d’expliquer conjointement 59.95% de la variance totale. Le premier axe, correspondant à la dimension de l’utilité (42.48%), oppose les traits utiles (performance = .89 ; intelligent = .78) aux traits inutiles (faible = -.70 ; lent = -.66). Le second facteur, correspondant à la dimension de la désirabilité (17.47%), oppose les traits indésirables (pénible = .80 ; insolent = .77) aux traits désirables (agréable = -.79 ; gentil = -.68). Etant donné que les deux dimensions sont corrélées négativement, nous avons multiplié les scores factoriels obtenus sur la dimension de la désirabilité par la valeur -1 de façon à faciliter la lecture des résultats. 89 L’ensemble des variables intégrées dans ces modèles a été centré.

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

257

Tableau 7.7. Modèles de régression évaluant l’effet de l’internalité sur le score global de désirabilité

Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3 Modèle 4 Modèle 5 Modèle 6

Score moyen de l’élève aux épreuves standardisées Score moyen de la classe aux épreuves standardisées Profession du père (référence = cadre)

Artisan Profession intermédiaire Employé Ouvrier Autre

Fille Redoublement Score global d’utilité Score d’internalité global Type d’événements Valence des événements Interaction Type x Valence Score d’internalité : Comportements positifs Score d’internalité : Comportements négatifs Score d’internalité : Renforcements positifs Score d’internalité : Renforcements négatifs

-.08 .03

.02 -.03 .01 -.03 -.05

-.30** -.02

.35**

.17**

-.08 .05

.02 -.02 .00 -.03 -.06

-.31** -.01

.41**

.03

.06 .08*

-.10 .05

.01 -.03 -.01 -.05 -.07

-.25** -.03

.36**

.24**

-.09 .06

.01 -.03 .01 -.02 -.06

-.30** -.01

.43**

-.07t

-.09 .05

.02 -.02 .01 -.02 -.06

-.31** -.01

.41**

.02

-.09 .02

.03 -.02 .02 -.02 -.04

-.30** -.02

.38**

.19**

R² .31 .29 .33 .29 .28 .31 Note. Les coefficients de régression présentés sont standardisés (�). N = 499, ** p < .01, * p < .05, t p < .10

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

258

Le modèle 1 indique que le score global d’internalité perçue par les enseignants est

relié positivement au score global de désirabilité (� = .17). Plus les enseignants imaginent que

leurs élèves sont internes, plus ils les décrivent comme désirables. Toutefois, le modèle 2

indique l’existence d’une interaction significative entre le type d’événements et leur valence.

L’effet de l’internalité sur le score global de désirabilité est plus marqué pour les

comportements positifs et les renforcements négatifs que pour les comportements négatifs et

les renforcements positifs. Les modèles 3, 4, 5 et 6 confirment ce pattern de résultats. En

effet, la relation entre internalité perçue par les enseignants et désirabilité des élèves n’est

positive et significative que pour les comportements positifs (� = .24) et les renforcements

négatifs (� = .19). Cette relation n’est pas significative pour les renforcements positifs et

apparaît même tendanciellement négative pour les comportements négatifs (� = -.07).

Après avoir testé les six modèles sur le score global de désirabilité, nous avons retesté

les mêmes modèles sur le score global d’utilité90. Le tableau 7.8. indique que le score global

d’internalité perçue par les enseignants est positivement et significativement relié au score

global d’utilité des élèves (� = .17). Le modèle 2 indique que cette relation ne semble pas

varier en fonction du type et de la valence des événements. En effet, comme l’indique les

modèles 3, 4, 5 et 6, la relation entre l’internalité perçue et le score global d’utilité est positive

et significative pour les comportements positifs (� = .08), pour les comportements négatifs (�

= .09), pour les renforcements positifs (� = .14) et pour les renforcements négatifs (� = .07). A

suivre ces résultats, il semblerait bien que l’internalité soit associée à l’utilité

indépendamment de la catégorie d’événements considérée.

90 L’ensemble des variables intégrées dans ces modèles a été centré.

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

259

Tableau 7.8. Modèles de régression évaluant l’effet de l’internalité sur le score global d’utilité

Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3 Modèle 4 Modèle 5 Modèle 6

Score moyen de l’élève aux épreuves standardisées Score moyen de la classe aux épreuves standardisées Profession du père (référence = cadre)

Artisan Profession intermédiaire Employé Ouvrier Autre

Fille Redoublement Score global de désirabilité Score d’internalité global Type d’événements Valence des événements Interaction Type x Valence Score d’internalité : Comportements positifs Score d’internalité : Comportements négatifs Score d’internalité : Renforcements positifs Score d’internalité : Renforcements négatifs

.65** -.36**

-.06 -.06

-.12** -.09* -.04 -.00

-.10** .22** .17**

.68** -.36**

-.07t -06t

-.12** -.08t -.05 -.01

-.10** .27**

.03 .03 -.03

.67** -.35**

-.07t -.06

-.12** -.09* -.05 -.01

-.10** .24**

.08*

.68** -.36**

-.06 -.05

-.11** -.08t -.04 -.01

-.09** .27**

.09**

.67** -.36**

-.07 -.07

-.13** -.09* -.05 -.02

-.10** .25**

.14**

.68** -.37**

-.06 -.06

-.12** -.08t -.07* -.04

-.10** .25**

.07*

R² .56 .54 .54 .55 .56 .54 Note. Les coefficients de régression présentés sont standardisés (�). N = 499, ** p < .01, * p < .05, t p < .10

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

260

Après avoir testé les relations entre le score d’internalité des élèves perçu par les

enseignants et les deux composantes de la valeur sociale, nous avons cherché à mettre en

relation ces résultats avec ceux obtenus dans l’étude 4. Rappelons que dans cette étude

(paradigme d’identification/jugement), nous avions observé que le score global d’internalité

perçu par les enseignants était positivement et significativement associé au jugement moyen

qu’ils portaient sur leurs élèves. Or, nous avons également avancé l’idée que le paradigme

d’identification/jugement était une méthode particulièrement adaptée pour mesurer l’utilité

sociale plus que la désirabilité. Si tel est le cas, nous devrions nous attendre à ce que l’effet de

l’internalité perçue sur le jugement scolaire soit médiatisé par l’utilité des élèves et non par

leur désirabilité. En d’autres termes, plus les élèves seraient perçus par leurs enseignants

comme internes, plus ces derniers devraient les décrire comme étant utiles, et plus ils

devraient les juger favorablement. Bien que l’internalité perçue soit également reliée

positivement à la désirabilité des élèves, cette dernière variable ne devrait pas médiatiser

l’effet de l’internalité perçue sur le jugement scolaire.

Pour tester nos hypothèses, nous avons réalisé une analyse de médiation (Baron &

Kenny, 1986; Brauer, 2000; Kenny et al., 1998; MacKinnon, Lockwood, Hoffman, West, &

Sheets, 2002; MacKinnon, Warsi, & Dwyer, 1995; Muller & Judd, 2005; Preacher & Hayes,

2004; Shrout & Bolger, 2002)91. Toutefois, celles-ci impliquant deux médiateurs potentiels,

nous avons introduit deux modifications dans la procédure originale proposée par Baron et

Kenny (1986). La première concerne l’intégration des différentes variables de contrôle

présentes dans le modèle de base. L’intégration de ces variables dans l’analyse de médiation a

pour but de s’assurer de ne mesurer à chaque étape que la relation unique entre la ou les

variables indépendantes d’intérêt et la variable dépendante. La seconde modification consiste

à tester, non pas trois modèles de régression mais quatre. Le premier modèle vise à tester la

significativité de la relation entre l’internalité perçue et le jugement scolaire moyen tout en

contrôlant les effets des variables impliquées dans le modèle de base92. Le deuxième modèle

vise à tester la significativité de la relation entre le score d’internalité perçu et le score global

91 La réalisation d’une analyse de médiation implique trois variables distinctes : une variable indépendante, un médiateur, une variable dépendante. Elle nécessite de tester trois modèles de régression distincts. Le premier modèle teste la significativité de la relation entre la variable indépendante et la variable dépendante. Le second modèle de régression teste la significativité de la relation entre la variable indépendante et le médiateur. Enfin, le troisième modèle intègre les trois variables et vise à vérifier si la relation entre le médiateur et la variable dépendante persiste lorsqu’on contrôle l’effet de la variable indépendante sur la variable dépendante. De plus, la relation entre la variable indépendante et la variable dépendante doit au mieux disparaître (il s’agit alors d’une médiation complète) ou a minima diminuer de façon significative (il s’agit alors d’une médiation partielle) lorsqu’on contrôle l’effet du médiateur sur la variable dépendante. 92 Ce modèle correspond au modèle 1 testé dans l’étude 4.

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

261

de désirabilité en contrôlant les effets des autres variables impliquées dans le modèle de base

et celui du score global d’utilité. Le troisième modèle vise à tester la significativité de la

relation entre le score d’internalité perçu et le score global d’utilité en contrôlant les effets des

autres variables impliquées dans le modèle de base et celui du score global de désirabilité93.

Enfin, le quatrième et dernier modèle vise à tester les relations entre le score global

d’internalité perçu, le score global de désirabilité, le score global d’utilité et le jugement

scolaire moyen, tout en contrôlant les effets des autres variables intégrées dans le modèle de

base. La figure 7.1. présente les différents coefficients d’intérêts obtenus dans les quatre

modèles de régression réalisés94.

Figure 7.1. Analyse de médiations multiples de la relation entre l’internalité perçue par les

enseignants et le jugement scolaire moyen

Le premier modèle indique que la relation entre l’internalité perçue et le jugement

scolaire est bien significative et positive, toute chose égale par ailleurs (� = .16). Les

deuxième et troisième modèles indiquent que l’internalité perçue par les enseignants est

positivement associée à la fois au score global de désirabilité des élèves (� = .17) et au score

global d’utilité (� = .17). Enfin, le quatrième modèle indique, d’une part, que la relation entre

l’internalité perçue et le jugement scolaire n’est plus significative (� = .00) lorsqu’on contrôle

les effets des deux médiateurs et, d’autre part, que seule la relation entre le score global

93 Les deuxième et troisième modèles correspondent aux modèles 1 testés précédemment sur les scores globaux de désirabilité et d’utilité. 94 L’intégralité de ces coefficients présentés dans la figure 7.1. est à comprendre à performances des élèves, niveau de la classe, C.S.P. du père, sexe et redoublement contrôlés. Pour les coefficients reliant l’internalité perçue à l’une des composantes de la valeur sociale, la relation de cette variable avec l’autre composante est également contrôlée.

Score d’internalité perçu par l’enseignant

Jugement scolaire moyen

Score global de désirabilité

Score global d’utilité

.00 (.16*)

.02

.74* .17*

.17*

*p < .05

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

262

d’utilité et le jugement scolaire est significative (� = .74), la relation entre le score global de

désirabilité ne l’étant pas (� = .02). Afin de tester la significativité de l’effet indirect de

l’internalité perçue au travers des deux médiateurs, deux tests de Sobel ont été réalisés (Sobel,

1982)95. Le premier test réalisé avec le score global d’utilité en tant que variable médiatrice

indique que l’effet indirect du score d’internalité perçu sur le jugement scolaire moyen est

significatif, Z = 4.99, p < .0001. Le second test réalisé avec le score global de désirabilité en

tant que variable médiatrice révèle que cet effet indirect n’est pas significatif, Z = 0.92, ns. En

regard de ces résultats, seul le score global d’utilité des élèves peut être considéré comme un

médiateur de la relation entre l’internalité perçue par les enseignants et le jugement scolaire

moyen.

2.3.2. Analyses à partir des scores des catégories d’explications

Les données recueillies ont été retraitées en prenant en compte les différentes

catégories d’explications disponibles dans le questionnaire d’internalité scolaire (version b).

16 modèles de régression ont été réalisés. Ces modèles intégraient un modèle de base

comprenant le score moyen des élèves aux épreuves standardisées, le niveau scolaire moyen

de la classe, la catégorie socioprofessionnelle du père de l’élève, son sexe ainsi que son

histoire scolaire (redoublant vs. non redoublant). En fonction de la variable dépendante

utilisée (score global de désirabilité vs. score global d’utilité), l’autre composante de la valeur

sociale a été intégrée dans le modèle de façon à séparer les effets de ces deux dimensions (r =

-.37). Chacun des 16 modèles intègre un et un seul des 16 scores du questionnaire

d’internalité scolaire. Le tableau 7.9. présente les coefficients � de la relation entre chacun des

scores des catégories d’explications avec le score global de désirabilité.

95 Les deux tests de Sobel ont été réalisés sur la base des t de Student calculés pour tester la significativité des relations présentées dans la figure 7.1. Ces tests prennent donc en compte l’ensemble des variables de contrôle incluses dans les différents modèles.

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

263

Tableau 7.9. Coefficients � des relations entre les scores des différentes catégories du

questionnaire d’internalité et le score global de désirabilité

Comportements Renforcements

Positifs Négatifs Positifs Négatifs

Interne/Instable .12** .08* -.02 .25**

Interne/Stable .18** -.20** .04 -.08*

Externe/Instable -.12** .12** -.02 .07t

Externe/Stable -.17** -.07t -.01 -.18**

Note. N = 499, ** p < .01, * p < .05, t p < .10

Les résultats obtenus indiquent, là encore, l’existence de variations de valeur au sein

du registre interne. En effet, toutes les explications internes ne sont pas porteuses de

désirabilité.

Pour les comportements positifs, conformément à nos hypothèses, les explications

internes/stables en terme de trait sont positivement et significativement associées à la

désirabilité des élèves (� = .18). De plus, les explications/instables en terme d’intention

apparaissent également reliées positivement à cette dimension (� = .12). A l’inverse, les deux

explications externes (instables en terme d’action d’autrui et stables en terme de contrainte

extérieure) sont significativement et négativement associées à la désirabilité des élèves (� = -

.12 et � = -.17 respectivement).

Pour les comportements négatifs cette fois, les seules explications internes à être

positivement associées à la désirabilité des élèves sont les explications internes/instables en

terme d’intention (� = .08). Les explications internes/stables en terme de trait sont, quant à

elles, reliées négativement à la désirabilité (� = -.20). Ce résultat, s’il ne correspond pas à

notre hypothèse initiale, est toutefois conforme aux données de l’étude 8. De plus au sein du

registre externe, si les explications externes/instables en terme d’action d’autrui apparaissent

positivement associées à cette dimension (� = .12), les explications externes/stables lui sont

tendanciellement mais négativement associées (� = -.07).

S’agissant des renforcements positifs, contrairement à nos attentes, les explications

internes/instables en terme d’effort n’apparaissent pas significativement associées à cette

dimension.

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

264

En revanche, pour les renforcements négatifs, les explications internes/instables en

terme d’effort sont bien positivement associées à la désirabilité (� = .25). Cependant,

contrairement à nos attentes, les explications internes/stables en terme d’habileté sont

associées négativement à cette dimension (� = -.08). La seule catégorie associée négativement

reliée à la désirabilité est celle des explications externes/stables en terme de difficulté de la

tâche (� = -.18). Les explications externes/instables en terme de chance sont quant à elles

tendanciellement mais positivement associées à cette dimension (� = .07).

Concernant la dimension de l’utilité, les résultats obtenus confirment la plupart de nos

hypothèses (cf. tableau 7.10.).

Tableau 7.10. Coefficients � des relations entre les scores des différentes catégories du

questionnaire d’internalité et le score global d’utilité

Comportements Renforcements

Positifs Négatifs Positifs Négatifs

Interne/Instable .02 .02 .04 .11**

Interne/Stable .07* .10** .14** -.05

Externe/Instable -.03 -.01 -.18** .01

Externe/Stable -.05 -.12** -.02 -.11**

N = 499, ** p < .01, * p < .05, t p < .10

Pour les comportements positifs, seules les explications internes/stables en terme de

trait sont significativement associées à cette dimension (� = .07). Comme nous le supposions,

plus les enseignants pensent que leurs élèves ont choisi ce type d’explications, plus ils les

décrivent comme utiles. Il en est de même pour les comportements négatifs, les explications

internes/stables en terme de trait sont apparues comme étant positivement reliées à l’utilité (�

= .10). A l’inverse, seules les explications externes/stables en terme de contrainte extérieure

sont négativement associées à l’utilité (� = -.12).

Pour les renforcements positifs, les explications internes/stables en terme d’habileté

sont les seules à être positivement associées à l’utilité des élèves (� = .14). Inversement, la

seule catégorie d’explications externes à être négativement reliée à l’utilité est celle composée

d’explications externes/instables en terme de chance (� = -.18). Enfin, pour les renforcements

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

265

négatifs, conformément à nos hypothèses, les seules explications reliées positivement à

l’utilité sont les explications internes/instables en terme d’effort (� = .11). Toutefois,

contrairement à nos attentes, les explications internes/stables en terme d’habileté ne sont pas

significativement associées à l’utilité. Bien que négative (� = -.05), la relation n’atteint pas le

seuil de significativité fixé. Les seules explications à être associées négativement à l’utilité

pour rendre compte de ce type d’événements sont celles externes/stables en terme de difficulté

de la tâche (� = -.11).

Enfin, les dernières analyses effectuées ont consisté à tester les rôles médiateurs de

l’utilité et de la désirabilité sociales concernant les effets des différentes catégories

d’explications sur le jugement scolaire moyen (cf. étude 4). Comme pour le score global

d’internalité, nous nous attendons à ce que les relations entre les différentes catégories

d’explications et le jugement scolaire moyen soient expliquées plus par l’utilité et que par la

désirabilité. Pour ce faire, nous avons réalisé 16 analyses de médiations multiples. Pour

chaque analyse (une par catégorie d’explications), nous avons testé quatre modèles de

régression. Chacun de ces modèles intègre systématiquement les variables de contrôle

usuelles (le score moyen des élèves aux épreuves standardisées, le niveau scolaire moyen de

la classe, la catégorie socioprofessionnelle du père des élèves, le sexe des élèves ainsi que leur

statut de redoublant). Le premier modèle teste la significativité de la relation entre le score des

élèves sur la catégorie d’explications d’intérêt et le jugement scolaire moyen. Le deuxième

modèle teste la relation entre le score des élèves sur la catégorie d’explication d’intérêt et

l’utilité des élèves tout en contrôlant leur désirabilité. Le troisième modèle teste la relation

entre le score des élèves sur la catégorie d’explication d’intérêt et la désirabilité des élèves

tout en contrôlant leur utilité. Enfin, le quatrième modèle teste 1) si l’utilité des élèves est

reliée au jugement scolaire moyen lorsqu’on contrôle le score des élèves sur la catégorie

d’explications d’intérêt et leur score de désirabilité, 2) si l’effet du score des élèves sur la

catégorie d’explications d’intérêt sur le jugement scolaire moyen disparaît lorsque l’on

contrôle l’utilité des élèves ainsi que leur désirabilité. De plus, pour chacune des 16 analyses

de médiations multiples, nous avons testé la significativité des effets indirects impliquant soit

l’utilité des élèves, soit leur désirabilité par l’intermédiaire de tests de Sobel (1982).

Le tableau 7.11. résume les résultats les plus importants des analyses de médiations

multiples effectuées. La première colonne de ce tableau présente les coefficients de régression

entre les scores de chaque catégorie d’explications et le jugement scolaire moyen lorsque l’on

contrôle les effets des deux médiateurs. Dans cette colonne sont présentés entre parenthèses

les coefficients de régression des relations entre les différentes catégories d’explications et le

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

266

jugement scolaire moyen (cf. tableau 4.17.). Les deux autres colonnes du tableau 7.11.

présentent les résultats des tests de significativité des effets indirects (tests de Sobel) des

scores des catégories d’explications sur le jugement scolaire moyen à partir avec comme

variable intermédiaire soit l’utilité des élèves (colonne 2) soit la désirabilité des élèves

(colonne 3). Pour les relations entre les différentes catégories d’explications et les deux

médiateurs (modèles 2 et 3), le lecteur est invité à se reporter aux tableaux 7.9 et 7.10.

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

267

Tableau 7.11. Analyses de médiations multiples des relations entre les scores des différentes

catégories d’explications perçues par les enseignants et le jugement scolaire moyen

Jugement scolaire moyen

Test de Sobel (utilité)

Test de Sobel (désirabilité)

Comportements positifs

Interne/instable (intention) -.02 (.03) 0.72 0.85

Interne/stable (trait) -.00 (.09*) 2.13* 0.95

Externe/instable (autrui) .00 (-.04) -0.98 -0.90

Externe/stable (contrainte) -.01 (-.07*) -1.61 -0.89

Comportements négatifs

Interne/instable (intention) -.01 (.03) 0.74 0.86

Interne/stable (trait) -.02 (.02) 2.93** -1.13

Externe/instable (autrui) .05* (.07*) -0.15 1.22

Externe/stable (contrainte) -.04t (-.14**) -3.61** -0.94

Renforcements positifs

Interne/instable (effort) -.02 (.01) 1.11 -0.38

Interne/stable (habileté) .06* (.18**) 4.41** 0.76

Externe/instable (chance) -.07* (-.21**) -5.51** -0.35

Externe/stable (tâche) .03 (.01) -0.53 -0.18

Renforcements négatifs

Interne/instable (effort) -.02 (.14**) 3.04** 1.19

Interne/stable (habileté) -.03 (-.09*) -1.42 -0.97

Externe/instable (chance) .02 (.01) 0.26 -0.81

Externe/stable (tâche) .02 (-.14*) -3.23** -1.14

Note. Les coefficients de régression présentés sont standardisés (�). N = 499, ** p < .01, * p < .05, t p < .10

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

268

Les différentes analyses de médiations multiples réalisées indiquent que, sur les neuf

catégories significativement reliées positivement ou négativement au jugement scolaire, cinq

ne sont plus significatives lorsque l’on contrôle les scores d’utilité et de désirabilité des

élèves. Concernant la dimension de l’utilité, le test de Sobel indique l’existence d’un effet

indirect significatif pour trois d’entre elles. Ainsi, pour les comportements positifs, la relation

positive entre le score d’explications internes/stables en terme de trait perçu par les

enseignants et le jugement scolaire moyen, est complètement médiatisée par le score global

d’utilité des élèves. Plus les enseignants ont eu recours à ce type d’explications, plus ils les

décrivent comme utiles et plus ils les jugent favorablement. De la même façon, pour les

renforcements négatifs, la relation entre le score d’explications internes/instables en terme

d’effort perçu et le jugement scolaire moyen est également complètement médiatisée par leur

utilité. La dernière relation à être complètement médiatisée par l’utilité des élèves est celle

entre le score perçu d’explications externes/stables en terme de difficulté de la tâche et le

jugement des enseignants lorsque ces explications rendent compte des renforcements négatifs.

Trois autres catégories d’explications voient leur relation avec le jugement scolaire

moyen être, au moins en partie, médiatisées par l’utilité des élèves. Ainsi en est-il pour les

comportements négatifs, de la relation entre le score attribué d’explications externes/stables

en terme de contrainte. C’est également le cas pour deux des catégories des renforcements

positifs : d’un côté, les explications internes/stables en terme d’habilité et, de l’autre, les

explications externes/stables en terme de difficulté de la tâche. Notons toutefois que les effets

directs de scores perçus de ces catégories d’explications, bien que significatifs, s’avèrent

extrêmement réduits (�s < .07). Enfin, le test de Sobel indique l’existence d’un effet indirect

significatif transmis au jugement scolaire moyen par l’utilité et dont la relation directe

n’apparaissait pas significative. Cet effet concerne le score attribué aux explications

internes/stables en terme de trait96.

Une seule relation sur les neuf n’est pas expliquée, même partiellement, ni par l’utilité

des élèves, ni par leur désirabilité. Cette relation concerne les explications externes/instables

en terme d’action d’autrui. D’une part, l’introduction des scores globaux de désirabilité et

d’utilité n’a pas rendu non significative la relation entre ce score et le jugement scolaire

moyen. D’autre part, les deux tests de Sobel réalisés indiquent qu’aucun effet indirect n’est

96 Comme le soulignent Shrout et Bolger (2002), ce cas de figure peut se produire lorsque la variable indépendante et la variable dépendante sont trop éloignées causalement pour qu’une relation directe entre elles apparaisse significative. Toutefois, l’introduction d’une variable médiatrice peut mettre en évidence l’existence d’un effet indirect entre ces deux variables en transformant le test d’un effet direct distal en deux tests d’effets plus proximaux.

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

269

significatif. L’existence de cet effet ne semble imputable ni à l’utilité des élèves, ni à leur

désirabilité.

En résumé, sur les neuf relations significatives observées entre les différentes

catégories d’explications et le jugement scolaire moyen, huit sont au moins partiellement

expliquées par l’utilité des élèves telle qu’elle se manifeste dans les descriptions des

enseignants. Aucune de ces relations n’est expliquée par la désirabilité des élèves97.

2.4. Discussion

Les résultats de cette étude appellent à plusieurs commentaires. Tout d’abord, les

résultats obtenus à partir de la seule distinction interne/externe vont globalement dans le sens

de ceux obtenus dans l’étude 8. En effet, nous avons observé une fois de plus que l’internalité

perçue par les enseignants était reliée significativement et positivement à la désirabilité des

élèves telle qu’elle s’exprimait dans les descriptions des enseignants. Nous avons également

observé que cette relation n’est véritablement significative que lorsqu’il s’agissait de rendre

compte des comportements positifs et des renforcements négatifs. En ce qui concerne l’utilité,

contrairement à l’étude 8 où elle n’avait pas atteint le seuil de significativité statistique, la

relation entre l’internalité perçue et l’utilité des élèves apparaît significative et positive98. Ce

résultat nous semble d’autant plus intéressant que cette relation semble relativement stable au

travers des différents types d’événements expliqués. L’analyse de médiations multiples ainsi

que les différents tests de Sobel réalisés indiquent également que seule l’utilité des élèves peut

être considérée comme un médiateur de la relation entre l’internalité perçue et le jugement

scolaire moyen. Ainsi, bien qu’elle apparaisse également liée à la désirabilité, l’internalité

perçue n’aurait d’effet sur le jugement scolaire que par l’intermédiaire de l’utilité. Les

données obtenues vont donc dans le sens d’un modèle causal dans lequel, au-delà des effets

des variables de contrôle incluses dans le modèle de base, la perception des enseignants de

l’internalité de leurs élèves influence positivement l’utilité qu’ils leur attribuent, utilité qui,

elle-même, influence le jugement des enseignants. Si de prime abord, nos résultats semblent

diverger de ceux obtenus par Dubois (2005a) et Dubois et Beauvois (2005) sur la relation

entre internalité et désirabilité, ils confirment que l’internalité est bien associée à l’utilité. Pris

dans leur ensemble, ils suggèrent aussi que la personnologie, et en particulier l’utilité des

97 Un tel résultat n’est pas surprenant puisque que le score global de désirabilité des élèves n’est pas significativement relié au jugement scolaire moyen. 98 Contrairement à l’étude 8 où elle s’est avérée très faible, la puissance de test dans cette étude est plus que satisfaisante (>.96, bilatéral).

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

270

élèves, apparaît comme une variable médiatrice centrale dans la construction du jugement

scolaire (cf. encadré 2).

Encadré 2 : Vers un modèle personnologique de la construction du jugement scolaire

(adapté de B. Dompnier, Pansu, & Bressoux, soumis)

A la suite des travaux de Bressoux et Pansu (1998; 2001a), nous avons proposé, dans

l’encadré 1, un modèle visant à intégrer les principaux déterminants du jugement scolaire. Rappelons que ce modèle suppose que les jugements que portent les enseignants sur leurs élèves dans des disciplines spécifiques sont influencés par 1) les performances effectives des élèves dans la discipline, 2) les performances des élèves dans d’autres disciplines (effet de halo), 3) le niveau moyen de la classe dans la discipline (effet de contexte), 4) l’histoire scolaire des élèves (redoublant vs. non redoublant) et enfin 5) l’adéquation des élèves avec la norme d’internalité. Sur ce dernier point, le modèle propose une organisation des différentes variables liées à la normativité en une chaîne causale allant de la clairvoyance normative des élèves aux jugements disciplinaires. Ainsi, plus les élèves sont clairvoyants à l’égard de la norme d’internalité, plus ils émettent spontanément des explications internes à un questionnaire d’internalité, pour, in fine, être perçus comme plus internes par leurs enseignants et être jugé plus favorablement que d’autres. Enfin, plus les enseignants perçoivent leurs élèves comme internes, plus ils devraient les juger favorablement.

Une version améliorée de ce modèle a été présentée dans l’encadré 1 (voir également, Dompnier, Pansu & Bressoux, 2006). Il est représenté schématiquement dans la figure 7.2.

Jugement en mathématiques

Redoublement

Score de clairvoyance normative

Niveau moyen de la classe (mathématiques)

Score aux épreuves standardisées

(mathématiques)

Score d’internalité en consigne standard

Score aux épreuves standardisées (français)

D

D

Jugement en français

DD

+

+

-

-

-

-

+

+

+ +

+

++

+-

Niveau moyen de la classe (français)

Score d’internalité perçue par l’enseignant

Figure 7.2. Modèle intégratif amélioré (cf. encadré 1)

L’objectif de cet encadré est de proposer de prolonger notre réflexion première sur la

construction du jugement scolaire en cherchant à identifier plus précisément les processus à l’œuvre dans son élaboration. Plus particulièrement, à partir des recherches menées par Dubois et

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

271

Beauvois (2001) sur les deux composantes de la valeur sociale des personnes (cf. chapitre 5), nous supposons que ces deux composantes (utilité et désirabilité) devraient permettre de mieux comprendre les mécanismes qui président à la construction des jugements scolaires disciplinaires.

La personnologie : Un médiateur central dans l’évaluation scolaire

S’appuyant sur les premières idées de Beauvois concernant la personnologie et sur celles plus récentes en rapport à l’approche bidimensionnelle de la valeur sociale des personnes (Beauvois, 1976, 1984a, 1994, 2003b, 2005; Dubois, 2006; Dubois & Beauvois, 2001), nous nous attendons à ce que les inférences personnologiques jouent le rôle de variables médiatrices centrales dans la construction du jugement scolaire. Plus spécifiquement, nous supposons, sur la base des considérations théoriques déjà développées dans le chapitre 5, que de ces deux composantes de la personnologie, seule l’utilité occuperait une place centrale dans la construction des jugements scolaires disciplinaires. De cette conception découlent plusieurs hypothèses.

Premièrement, nous nous attendons à ce que l’utilité des élèves perçue par les enseignants soit fortement reliée à leurs jugements. Cette hypothèse découle des travaux sur l’effet de halo. Celui-ci étant généralement abordé comme l’effet de l’impression globale du juge sur des qualités spécifiques de la personne jugée, nous postulons que l’utilité peut être considérée comme une mesure de cette impression globale. Dès lors, l’utilité des élèves perçue par les enseignants devrait exercer une forte influence sur leurs jugements scolaires : plus les enseignants perçoivent leurs élèves comme utiles, plus ils devraient les juger favorablement.

Deuxièmement, nous supposons que l’utilité perçue par les enseignants soit en partie déterminée par les performances effectives des élèves dans la discipline considérée : plus les élèves ont des performances scolaires élevées, plus ils devraient être perçus comme utiles.

Troisièmement, nous supposons que l’utilité perçue par les enseignants soit fortement dépendante du contexte de la classe. Plusieurs recherches sur la personnologie et le modèle des différences individuelles (Beauvois, 1987a; Pansu & Beauvois, 2004), laissent supposer que la répartition des individus sur des dimensions psychologiques est essentiellement une activité comparative consistant à classer les individus les uns par rapport aux autres. En ce sens, l’utilité perçue par les enseignants devrait être fortement dépendante du niveau des élèves dans chaque classe : plus le niveau de la classe est élevé, moins les enseignants devraient juger leurs élèves comme étant utiles.

Quatrièmement, nous supposons que l’utilité perçue soit reliée à l’internalité perçue. Comme nous l’avons vu dans le chapitre 5, plusieurs recherches ont effectivement mis en évidence que la norme d’internalité s’ancrait préférentiellement dans cette dimension (Dubois, 2005a; Dubois & Beauvois, 2005) : plus les élèves sont perçus comme étant internes par leur enseignant, plus ils devraient être perçus comme utiles par ces derniers.

La conjonction de l’hypothèse 1 avec les hypothèses 2, 3 et 4 nous amène à émettre trois

nouvelles prédictions : - L’utilité des élèves perçue par les enseignants serait un médiateur de l’effet de halo

(hypothèses 1 et 2). - L’utilité des élèves serait également un médiateur de l’effet de contexte (hypothèses 1 et

3). - L’utilité des élèves médiatiserait l’effet de l’internalité perçue sur les jugements

disciplinaires (hypothèses 1 et 4).

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

272

Enfin, rien ne permettant, bien au contraire, d’exclure l’hypothèse selon laquelle les enseignants pourraient également associer l’internalité des élèves à leur désirabilité, nous nous attendons à ce que l’internalité perçue par les enseignants puisse être reliée à la désirabilité perçue. Cela pourrait être due à l’inconfort ressenti par les enseignants d’évaluer leurs élèves uniquement à partir de leur utilité, ce qui les conduirait via un processus de rationalisation et d’internalisation à « apprendre à aimer, ce qui, au départ, n’est qu’utile et à ne pas aimer ce qui, au départ, ne l’est pas » (Dubois & Beauvois, 2001, p.402).

Un modèle personnologique des jugements scolaires Le modèle théorique prédit que les jugements scolaires disciplinaires sont sous

l’influence directe de certaines variables : 1. Les performances effectives des élèves ont un effet direct positif sur les jugements des

enseignants dans la discipline correspondante : plus les scores des élèves à des épreuves standardisées sont élevés dans une discipline (français ou mathématiques), plus le jugement des enseignants devrait être favorable dans cette même discipline.

2. L’histoire scolaire des élèves influence les jugements des enseignants : les élèves qui ont redoublé une classe au moins une fois devraient être moins bien jugés que les autres, en français comme en mathématiques.

3. L’utilité perçue par les enseignants influence leurs jugements en français et en mathématiques : plus les enseignants perçoivent leurs élèves comme utiles, plus ils devraient les juger favorablement en français et en mathématiques.

Concernant l’internalité perçue par les enseignants, le modèle prédit que : 4. L’internalité perçue par les enseignants dépend de l’internalité exprimée spontanément

par les élèves : plus les élèves choisissent d’explications internes en consigne standard, plus les enseignants devraient les percevoir comme étant internes.

5. L’internalité perçue par les enseignants est déterminée par les performances effectives des élèves en français : plus les scores des élèves à des épreuves standardisées sont élevées dans cette discipline, plus les enseignants devraient les percevoir comme internes.

6. L’internalité perçue par les enseignants dépend, pour partie, du contexte de classe : plus le niveau est élevé, moins les enseignants devraient percevoir leurs élèves comme internes.

7. Etre clairvoyant devrait produire spontanément des réponses socialement adaptées : plus les élèves sont clairvoyants, plus ils devraient choisir d’explications internes sous une consigne standard.

Le modèle prédit également que l’utilité perçue par les enseignants est directement influencée par : 8. Les performances effectives des élèves : plus les scores des élèves à des épreuves

standardisées sont élevées en français et en mathématiques, plus les enseignants devraient les percevoir comme étant utiles.

9. Le niveau moyen de la classe : plus le niveau moyen de la classe aux épreuves standardisées est élevé, plus les enseignants devraient les percevoir comme étant utiles.

10. L’internalité perçue par les enseignants : plus les enseignants perçoivent les élèves comme internes, plus ils devraient les percevoir comme étant utiles.

En matière de désirabilité perçue par les enseignants, le modèle prédit que : 11. Seule l’internalité perçue par les enseignants est reliée à cette variable : plus les

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

273

enseignants perçoivent leurs élèves comme étant internes, plus ils devraient les percevoir comme désirables.

Enfin, le modèle prédit que les erreurs de certaines variables endogènes devraient être

corrélées. C’est le cas des erreurs des jugements disciplinaires (en français et en mathématiques) et des perceptions des enseignants concernant l’utilité et la désirabilité de leurs élèves.

Note méthodologique

Ce modèle théorique a été testé auprès de 499 élèves et leurs 33 enseignants (cf. tableau 1, p.6, programme de recherche 3). Les scores des élèves aux épreuves standardisées de français et de mathématiques, de même que les jugements relatifs à ces deux matières, n’ont pas été agrégés de façon à mettre en évidence l’effet de halo. Seuls les scores moyens de la classe en français et en mathématiques l’ont été de façon à éviter un éventuel problème de multicollinéarité sur la variabilité « utilité perçue » (r = .92). Les autres informations utilisées, sont identiques à celles déjà utilisées dans le modèle intégratif amélioré (cf. figure 7.2)

Les scores d’utilité perçue et de désirabilité perçue ont été obtenus à partir des scores factoriels issus d’une analyse factorielle (factorisation en axes principaux, rotation oblimin) réalisée sur les 24 traits qui composent l’échelle de désirabilité/utilité scolaire.

Résultats Les données recueillies ont été traitées à partir d’analyses de trajet. Le modèle théorique a

été estimé à partir de la méthode du maximum de vraisemblance (ML). Sa solution est présentée dans la figure 7.3.

Jugement en mathématiques

Jugement en français

Score d’internalité perçu par

l’enseignant

Score d’internalité en consigne standard

D.56

D.63Score de

clairvoyance normative

Score aux épreuves standardisées

(mathématiques)

Redoublement

* p<.05

.31* .11* .23*

.29*

.30*

.41*

-.40*

-.10*

-.11*

.33*

.27*

.56*

Désirabilité perçue par l’enseignant

D.71

D.97

Utilité perçue par l’enseignant

.63*

Score moyen de la classe aux épreuve

standardisées

Score aux épreuves standardisées

(français)

.03 .24*

.20*

.22*

.53*

-.12*

-.20*

.11*

-.20*

.47*

.75*

-.11*

D.96

D.95

.21*

.49*

Figure 7.3. Résultats obtenus pour le modèle théorique

Globalement, les résultats indiquent que la plupart des relations prédites sont

statistiquement significatives (p < .05) et vont dans le sens attendu. Conformément aux prédictions du modèle, les jugements des enseignants en français et en mathématiques sont reliés directement aux performances des élèves dans ces deux disciplines (français : β = .27 ;

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

274

mathématiques : β = .30). Les redoublants sont moins bien jugés que les non redoublants (français : β = -.11 ;

mathématiques : β = -.10). La perception des enseignants de l’utilité de leurs élèves est bien reliée aux jugements

disciplinaires (français : β = .63 ; mathématiques : β = .56). L’utilité perçue par les enseignants est prédit par les performances des élèves en français

(β = .33) et en mathématiques (β = .41), le niveau moyen de la classe à ces épreuves (β = -.40) et le score d’internalité perçu par les enseignants (β = .29).

La désirabilité perçue par les enseignants est reliée au score d’internalité perçu par les enseignants (β = .23).

Le score d’internalité perçu est relié, d’une part, au score d’internalité des élèves en consigne standard (β = .11) et, d’autre part, aux scores des élèves aux épreuves standardisées de français (β = .24).

Le score d’internalité en consigne standard est relié au score de clairvoyance normative (β = .31).

Une seule relation est non significative. Elle concerne la relation entre le niveau moyen de la classe aux épreuves standardisées et le score d’internalité perçu par les enseignants (hypothèse 6 : β = .03).

Au-delà de la significativité des relations prédites par le modèle, la pertinence de celui-ci

est également soutenue par ses valeurs sur les différents indices d’ajustement absolus et incrémentiels qui se révèlent toutes satisfaisantes (X²/df = 2.27 ; GFI = .98 ; SRMR = .04 ; RMSEA = .05 ; AGFI = .95 ; CFI = .99 ; NNFI = .97 ; NFI = .97).

Après avoir cherché la solution du modèle théorique, nous avons testé la significativité

des différents effets indirects attendus (Bollen, 1987; Muller & Judd, 2005; Sobel, 1982). Les résultats indiquent que tous les tests réalisés sont significatifs (p < .05). Le jugement des enseignants en français est bien sous l’influence indirecte des performances des élèves aux épreuves standardisées de mathématiques (Z = 7.65), du niveau moyen de la classe aux épreuves standardisées (Z = -8.52) et de la clairvoyance normative des élèves (Z = 2.35). De la même façon, le jugement des enseignants en mathématiques est indirectement influencé par les performances des élèves en français (Z = 7.50), le niveau moyen de la classe aux épreuves standardisées (Z = -8.89) et le degré de clairvoyance des élèves (Z = 2.34).

Discussion Les résultats obtenus dans cette étude appellent à plusieurs commentaires. Tout d’abord,

ils vont dans le sens des conclusions du modèle intégratif des jugements scolaires (cf. encadré 1, voir également B. Dompnier et al., 2006). Les jugements scolaires disciplinaires sont bien sous l’influence directe d’un certain nombre de déterminants comme les performances effectives des élèves dans la discipline correspondante ou leur histoire scolaire. L’internalité perçue par les enseignants est bien prédite par l’internalité exprimée spontanément par les élèves qui, elle-même, est influencée par le niveau de clairvoyance de ces derniers à l’égard de la norme d’internalité.

Plus encore, le modèle testé nous permet d’avancer dans la compréhension des mécanismes qui sous-tendent la construction des jugements scolaires. Celui-ci révèle que l’une des deux composantes de la personnologie, l’utilité sociale, joue un rôle essentiel dans la détermination des jugements disciplinaires. En effet, cette composante médiatise plusieurs des

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

275

effets des variables exogènes. C’est notamment le cas de l’effet de halo, de l’effet de contexte et de l’effet de l’internalité perçue par les enseignants. En ce sens, elle peut être considérée comme un élément central autour duquel se construit le jugement scolaire. Quant à la composante désirable, elle n’apparaît pas reliée aux jugements des enseignants. De tels résultats attestent donc, une fois de plus, de l’intérêt de séparer les deux composantes de la valeur sociale.

Enfin, au-delà des différentes implications liées à l’activité personnologique dans la construction des jugements scolaires, les tests des différents effets indirects révèlent que le degré de clairvoyance normative des élèves a un effet indirect significatif sur les jugements scolaires, à travers son impact sur les choix explicatifs spontanés des élèves. Ces résultats attestent de l’intérêt qu’il peut y avoir à favoriser chez les élèves l’émergence de la clairvoyance de la norme d’internalité.

Cependant, si les conclusions que nous pouvons tirer à partir du seul critère

interne/externe restent globalement conformes aux présupposés de la théorie de la norme

d’internalité, qu’en est-il dès lors que l’on a recours à une classification des explications plus

fine ? Les résultats obtenus à partir de la prise en compte des différentes catégories

d’explications vont dans le sens des résultats de l’étude 8. En effet, que ce soit sur la

désirabilité ou sur l’utilité, nous avons observé une hétérogénéité de valeur au sein des

registres interne et externe. Cette hétérogénéité ne semble pas être uniquement le reflet de la

distribution d’échantillonnage des coefficients de régression puisqu’un certain nombre de

résultats répliquent ceux de l’étude 8, indiquant ainsi une relative stabilité des variations

observées entre les deux études. Plus particulièrement, conformément à nos hypothèses, nous

avons observé que les explications internes/instables en terme d’effort peuvent être à la fois

utiles et désirables mais uniquement lorsque ces explications rendent compte de l’origine des

renforcements négatifs. Toujours en accord avec nos hypothèses, nous avons observé que les

explications internes/stables en terme d’habilité pour expliquer les renforcements positifs sont

fortement porteuses d’utilité sociale, bien qu’elles n’apparaissent pas spécialement marquées

sur la désirabilité. A noter également que cette variabilité au sein du registre interne concerne

aussi l’explication des comportements. En effet, dans le cas des comportements positifs, si les

deux catégories d’explications internes apparaissent désirables, seules les explications

internes/stables en terme de trait semblent porteuses d’utilité. Dans le cas des comportements

négatifs, alors que les explications internes/instables en terme d’intention semblent désirables,

celles internes/stables en terme de trait apparaissent indésirables mais utiles. Ces résultats en

matière de comportements nous semblent particulièrement intéressants puisqu’ils pourraient

peut-être expliquer certaines divergences de résultats obtenus dans la littérature. Rappelons

que si certains auteurs ont observé que les explications en terme de trait pouvaient être plus

valorisées que celles en terme d’intention (Beauvois et al., 1991; Beauvois & Le Poultier,

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

276

1986; Pansu & Gilibert, 2002), d’autres auteurs ont observé le résultat inverse (Castra, 1998;

Desrumeaux-Zagrodnicki & Rainis, 2000). Nos résultats laissent donc entendre que ces

affirmations pourraient s’avérer toutes deux justifiées si l’on considère qu’elles portent sur

des dimensions différentes, la première sur l’utilité, la seconde sur la désirabilité. Si nos

données ne nous permettent pas d’aller plus loin sur ce point, elles nous permettent toutefois

d’envisager la possibilité que la valorisation de l’une ou de l’autre de ces deux catégories

d’explications internes puisse dépendre tout simplement de la composante de la valeur sur

laquelle les participants se sont basés pour émettre leurs réponses.

Néanmoins, nous l’avons vu, ces variations sur les deux composantes de la valeur ne

sont pas propres au registre interne. Toutes les explications externes ne sont pas dévalorisées

au même niveau et certaines semblent même porteuses de valeur sociale. C’est le cas par

exemple, pour les comportements négatifs, des explications externes/instables en terme

d’action d’autrui et pour les renforcements négatifs, des explications externes/instables en

terme de chance. Seules cinq catégories d’explications externes sur les huit apparaissent

vraiment stigmatisées sur la désirabilité. De la même façon, seules trois catégories

d’explications externes semblent être dévalorisées sur l’utilité.

Pris dans leur ensemble, les résultats de cette étude vont dans le sens de la plupart des

hypothèses émises sur la base des résultats de l’étude 4. Les tableaux 7.12. et 7.13. permettent

de comparer les résultats de l’étude 4 et ceux de l’étude 9.

Tableau 7.12. Comparaison des hypothèses avec les résultats de l’étude 9 sur la désirabilité

Comportements Renforcements

Positifs Négatifs Positifs Négatifs

A B A B A B A B

Interne/Instable + + + + + = + +

Interne/Stable + + = - = = = =

Externe/Instable - - = + - = - +

Externe/Stable - - - - = = - -

Note. A : valeur théorique, B : étude 9, + : Catégorie valorisée, - : Catégorie dévalorisée, = : Catégorie non valorisée

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

277

Concernant la désirabilité (cf. tableau 7.12.), les résultats de l’étude 4 obtenus à partir

du paradigme de l’identification ont été répliqués pour 11 catégories sur 16. Le tableau 7.13.

nous permet également de conclure que les prédictions issues des données de l’étude 4

(paradigme d’identification/jugement) sont en accord avec les résultats obtenus sur la

dimension utile.

Tableau 7.13. Comparaison des hypothèses avec les résultats de l’étude 9 sur l’utilité.

Comportements Renforcements

Positifs Négatifs Positifs Négatifs

A B A B A B A B

Interne/Instable = = = = = = + +

Interne/Stable + + = + + + - =

Externe/Instable = = + = - - = =

Externe/Stable - = - - = = - -

Note. A : valeur théorique, B : étude 9, + : catégorie valorisée, - : catégorie dévalorisée, = : catégorie non valorisée

En effet, sur les 16 hypothèses de départ, 12 sont avérées non-infirmées. De tels

résultats sont également supportés plus directement par les analyses de médiations multiples.

Ces dernières indiquent clairement que les relations qu’entretiennent les différentes catégories

d’explications avec le jugement scolaire moyen proviennent de leur association avec l’utilité

des élèves et non avec leur désirabilité. En effet, sur les neuf relations mises en avant par le

paradigme d’identification/jugement entre les catégories d’explications et le jugement scolaire

moyen (cf. tableau 4.17.), huit sont expliquées, au moins en partie, par l’association entre les

catégories d’explications et l’utilité des élèves. Ainsi, comme nous l’avions supposé, le

paradigme d’identification/jugement semble donc particulièrement adapté pour mesurer

l’utilité des explications causales. Ces résultats permettent également de mettre en évidence

que l’effet de l’internalité perçue sur le jugement scolaire et celui de chaque catégorie

d’explications sur ce même jugement sont de même nature. Tous sont reliés au jugement

scolaire par leur degré d’utilité. Toutefois, si l’on considère que les effets du score global

d’internalité sont dépendants des effets des catégories d’explications spécifiques qui le

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

278

composent, un tel résultat n’a en fait rien de surprenant. Nous observons ici que les effets de

l’internalité sur le jugement scolaire et les deux composantes de la valeur sociale sont le reflet

des effets des différentes catégories d’explications internes. Il semble donc que les

conclusions que l’on puisse tirer des analyses réalisées concernant la valeur de l’internalité

dépendent de la valeur des catégories d’explications utilisées pour la mesurer.

3. Conclusion

L’objectif de ces deux études était d’étudier la désirabilité et l’utilité des catégories

d’explications causales manipulées dans le questionnaire d’internalité scolaire (version b). A

nous en tenir au seul critère interne/externe, nous avons observé une assez bonne consistance

des résultats entre les études 8 et 9. De ce point de vue, bien qu’ils ne supportent pas tout à

fait l’hypothèse selon laquelle la norme d’internalité s’ancre plus dans l’utilité que dans la

désirabilité (Dubois, 2005a; Dubois & Beauvois, 2005), nos résultats indiquent, tout de

même, que l’internalité peut être reliée à l’utilité et que l’effet de l’internalité sur le jugement

scolaire peut être expliqué par cette relation. A s’en tenir là, on peut conclure que ces résultats

vont, très globalement, dans le sens des propos tenus par les théoriciens de la norme

d’internalité. Pour autant, cela ne doit pas nous faire oublier qu’en cherchant à dépasser la

seule distinction interne/externe à partir d’autres critères de classification nous pouvons

aborder ces données sous une nouvelle perspective. Rappelons que les études 8 et 9 ont mis en

évidence de façon très consistante que la valeur des catégories d’explications causales pouvait

varier au sein du registre interne et du registre externe sur les dimensions désirable et utile.

Ces quelques résultats semblent donc indiquer que ce que nous avancions (études 3 et 4) sur

la préférence pour l’internalité comme reflet d’un phénomène moyen duquel pouvaient

s’écarter certaines catégories d’explications semblent pouvoir également s’appliquer à l’étude

de la valeur des explications causales sur la désirabilité et l’utilité. Toutefois, une telle

conception n’est pas sans poser quelques problèmes. Un premier problème, déjà évoqué dans

le chapitre 4, concerne les limites heuristiques d’un tel modèle. Le fait que celui-ci n’aborde

les explications causales qu’à partir du critère interne/externe limite fortement sa capacité à

discriminer les explications et à prendre en compte des variations sur les deux composantes de

la valeur. Si les explications internes semblent bien, en moyenne, plus désirables et plus utiles

que les explications externes, catégoriser exclusivement les explications sur la base de leur

orientation sur le lieu de causalité rend invisible des variations de valeur au sein des deux

registres causaux. Un second problème, indissociable du premier, porte sur les conclusions

Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales

279

qui peuvent être émises à partir d’un score global d’internalité. En effet, pour peu qu’on

considère que la valeur reflétée par le score global d’internalité soit le résultat de l’agrégation

de la valeur des catégories d’explications qui le constituent, l’ancrage de l’internalité dans

l’utilité ou la désirabilité est alors susceptible de varier selon les catégories d’explications

internes mobilisées dans le questionnaire lui-même. Par exemple, si la plupart des

explications sont utiles et neutres sur la désirabilité (e.g. les explications en termes d’habileté

pour les renforcements positifs), le score global d’internalité devrait être relié

préférentiellement à l’utilité et non à la désirabilité. Inversement, si le questionnaire

d’internalité est massivement composé d’explications internes désirables et neutres sur

l’utilité (e.g. les explications en terme d’intention pour les comportements positifs et négatifs),

le score d’internalité devrait être positivement associé à la désirabilité et non à l’utilité. De

fait, il semble que la définition que se donne le chercheur de ce que doivent être les

explications internes mobilisées dans son questionnaire peut avoir des conséquences non

négligeables sur les conclusions tirées sur la base du score global d’internalité. Sur ce point,

une approche plus fine de la classification des explications causales devrait limiter

l’ambiguïté inhérente à la classification des explications causales.

Pourtant, si une telle approche nous semble utile pour mieux appréhender la spécificité

des explications sur les deux dimensions de la valeur sociale, on peut se demander si elle

change véritablement la logique sous-jacente à la distinction interne/externe. Elle repose sur la

même idée, à savoir que certaines catégories d’explications sont en moyenne plus valorisées

que d’autres. En effet, dans le questionnaire d’internalité scolaire, chaque catégorie

d’explications est composée de trois explications différentes. La valeur de chacune de ces

catégories d’explications est déduite à partir d’un score global qui repose sur l’agrégation de

ces trois explications. On peut alors se demander si la valeur de chaque catégorie n’est pas, là

aussi, le résultat de l’agrégation de la valeur de chacune des explications qui la compose.

Aussi, serait-il logique d’attendre une hétérogénéité de valeur au sein même des différentes

catégories explicatives. Par exemple, certaines explications en terme d’effort pourraient être

fortement porteuses de valeur sociale alors que d’autres ne le seraient que faiblement. En

d’autres termes, l’approche que nous défendions jusqu’à présent – sur la base d’autres critères

de classification (catégoriel ou dimensionnel) – reposerait, elle aussi, sur un phénomène

d’agrégation des explications. Bien qu’elle soit plus heuristique, du fait de sa plus grande

précision, elle serait soumise aux mêmes limites que la distinction interne/externe. Le chapitre

8 propose de dépasser cette question en s’intéressant à la valeur prise par ces explications à

leur niveau le plus désagrégé, c’est-à-dire au niveau des items eux-mêmes.

280

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

281

CHAPITRE 8

LA VALEUR SPECIFIQUE DE CHAQUE EXPLICATION SUR L’UTILITE

ET LA DESIRABILLITE

Dans les chapitres précédents, nous avons avancé l’idée que le critère interne/externe

était relativement limité dans sa capacité à rendre de compte de la variabilité des explications

causales en matière de valeur sociale. Au travers de nos études, nous avons effectivement

observé que la prise en compte d’autres critères de classification permettait de mettre en

évidence des variations autrement invisibles à partir de la seule dichotomie interne/externe.

Nous avons également avancé l’idée que, bien qu’elle ne permette d’étudier ces variations que

de façon limitée, la théorie de la norme d’internalité pourrait conserver une certaine validité à

un niveau général, pour peu que l’on accepte l’idée que cette théorie rend compte d’un

phénomène moyen de la pensée sociale. Toutefois, si une approche plus fine de la valeur des

explications causales nous semble présenter de nombreux avantages, il apparaît néanmoins

qu’une telle conception ne permet pas de pallier les limites que nous avons avancées

concernant la théorie de la norme d’internalité. Par exemple, notre hypothèse concernant

l’utilité des explications internes/instables en terme de manque d’effort pour expliquer les

renforcements négatifs consiste à supposer que ces explications sont en moyenne plus utiles

que les autres catégories d’explications internes pour expliquer ce type d’événements. Le

recours au concept de moyenne, là encore, laisse entendre la possibilité d’une variabilité

d’utilité au sein de ce type d’explications. Ainsi, de la même façon que la valeur du score

global d’internalité est le reflet du degré de valeur moyenne des scores des catégories

d’explications qui le composent, on peut également avancer l’hypothèse que la valeur des

scores des catégories d’explications est le reflet des effets moyennés des explications qui les

composent.

Une manière de dépasser ce problème d’agrégation peut consister à étudier les

explications plutôt que les catégories et à faire un parallèle direct entre la valeur des

explications causales et la valeur des traits. A l’instar de chaque trait de personnalité qui

dispose d’une valeur sur l’utilité et la désirabilité, toute explication causale pourrait être

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

282

caractérisée par sa position sur ces deux dimensions. Une telle conception n’est d’ailleurs pas

incompatible avec les travaux d’Osgood sur le différenciateur sémantique (Osgood, 1962,

1969, 1979; Osgood et al., 1957). Dans leurs travaux sur les mélanges de mots (word

mixture), ces auteurs ont observé que l’association spécifique de deux mots pour former une

nouvelle unité sémantique n’était pas équivalente à la simple combinaison des propriétés de

ces deux mots sur les différentes dimensions. Par exemple, les propriétés du mot hot dog ne

correspondent pas à la combinaison des mots hot et dog. A étendre cette logique à des suites

de mots plus complexes – comme des explications causales – il nous semble possible de

mesurer les propriétés spécifiques de chaque explication sur les deux dimensions. Chacune

d’entre elles pourrait correspondre à un assemblage de mots ayant une valeur non réductible à

la combinaison des mots qui le compose. De fait, les explications pourraient posséder des

propriétés spécifiques sur les deux dimensions de la valeur sociale.

Les analyses qui suivent ont pour objectif de tester quelques hypothèses qui découlent

d’une telle conception. Premièrement, nous avons cherché à identifier la valeur accordée par

les enseignants à chaque explication présentée dans le questionnaire d’internalité scolaire

(version b). Cette identification nécessitait de dépasser la singularité des effets observés dans

des études isolées et d’étudier la régularité des relations entre les explications et la

signification que les individus leur donnent. Un postulat fondamental sous-tend cette analyse :

la valeur que les explications véhiculent est stable d’un individu à l’autre et d’une méthode à

l’autre. Afin de tester cette idée, nous avons pratiqué de nouvelles analyses sur les données

des études 8 et 9. Dans les faits, celles-ci ont été retraitées de façon à évaluer la relation

unique qu’entretient chacune des 48 explications du questionnaire d’internalité et les deux

dimensions de la valeur sociale (utilité et désirabilité) à partir d’analyses de régression. Puis,

sur la base de ce premier ensemble d’analyses, nous avons cherché à savoir dans quelle

mesure les associations entre les explications et les deux composantes de la valeur sociale

étaient stables entre les deux études. Pour ce faire, nous avons réalisé une analyse en

composantes principales (A.C.P.) sur les résultats des analyses de régression. Enfin, sur la

base des scores factoriels de l’A.C.P., nous avons identifié le poids de chaque explication sur

la désirabilité et l’utilité. Ces poids, qui représenteraient la valeur accordée par les individus

aux différentes explications du questionnaire, devraient nous permettre de créer des profils

d’élèves spécifiques (e.g. élève utile, élève désirable, élève inutile et élève indésirable).

Notre deuxième objectif a consisté à tester la pertinence des scores des explications

sur les deux composantes de la valeur de façon à tester directement l’hypothèse selon laquelle

les élèves en autoprésentation et les enseignants en identification (cf. étude 4) auraient

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

283

préférentiellement recouru à la désirabilité des explications. Toujours à partir de modèles de

régression, nous avons cherché à montrer que la désirabilité des explications corrèle très

fortement avec la valeur des explications causales telle qu’on peut la mesurer à partir des

réponses des élèves (autoprésentation) et des enseignants (identification).

Enfin, le troisième et dernier objectif de ce chapitre était de mieux comprendre

l’intervention de la valeur des explications causales dans la formation du jugement des

enseignants. En particulier, l’hypothèse éprouvée ici était que la prise en compte de la

spécificité de cette valeur sur l’utilité et la désirabilité item par item devait permettre de mieux

prédire les jugements des enseignants sur ces deux dimensions que ne le permet le recours au

seul critère interne/externe.

1. Extraction de l’utilité et de la désirabilité des explications causales

1.1. Identification de la valeur de chaque explication sur les deux dimensions

Le but poursuivit ici est de tenter de dépasser les limites imposées par la catégorisation

des explications causales et de s’intéresser à la valeur spécifique de chaque explication sur les

deux composantes de la valeur sociale. Pour ce faire, les données des études 8 et 9 ont été

retraitées par l’intermédiaire d’analyses de régression. En effet, alors que ces deux études

visaient à mettre en évidence les relations entre les différentes catégories d’explications et les

deux composantes de la valeur sociale, les analyses que nous avons réalisées ici cherchent

plutôt à étudier les relations qu’entretient chacune des explications du questionnaire avec

l’utilité et la désirabilité, indépendamment de leurs propriétés dimensionnelles et de leur

appartenance catégorielle.

Concernant l’étude 8, les données ont été traitées par l’intermédiaire d’analyses de

régression avec comme variables dépendantes soit le score global d’utilité soit le score global

de désirabilité de chaque élève. Rappelons que la procédure mise en place dans cette étude a

consisté à demander aux enseignants de répondre au questionnaire d’internalité au nom d’un

élève qu’ils connaissaient et qu’ils devaient choisir sur la base de son utilité (U+ vs. U-) et de

sa désirabilité (D+ vs. D-). Pour mesurer l’association entre chaque explication et les deux

composantes de la valeur, nous avons réalisé autant de modèles de régression qu’il y a

d’explications dans le questionnaire. Ces modèles intégraient comme variables indépendantes,

d’une part, un des deux scores de valeur en fonction de la variable dépendante utilisée de

façon à séparer les relations des explications avec les deux dimensions (voir études 8 et 9).

D’autre part, chaque modèle de régression intégrait une variable catégorielle indiquant la

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

284

présence (codée 1) ou l’absence (codée 0) d’une explication du questionnaire dans la

description des élèves. 48 modèles de régression ont été testés sur le score global de

désirabilité et 48 autres modèles ont été testés sur le score global d’utilité. Seule la variable

« explication » variait en fonction des modèles. Les modèles portant sur le score global de

désirabilité ont été testé sous la forme suivante : Désirabilité = B0 + B1Utilité +

B2Explication, avec Explication : 1 = présence de l’explication et 0 = absence de

l’explication. Ceux portant sur le score global d’utilité ont, quant à eux, été testé sous la forme

suivante : Utilité = B0 + B1Désirabilité + B2Explication, avec Explication : 1 = présence de

l’explication et 0 = absence de l’explication. Ainsi, indépendamment de la dimension étudiée,

le coefficient B2 de chaque modèle nous renseigne sur la relation entre l’explication du

questionnaire intégrée dans le modèle testé et une des deux composantes de la valeur en

contrôlant la relation qu’entretient cette explication avec l’autre composante99.

Concernant l’étude 9, les données ont également été traitées par l’intermédiaire

d’analyses de régression avec comme variables dépendantes soit le score global d’utilité, soit

le score global de désirabilité de chaque élève. Rappelons que cette étude a consisté à

demander aux enseignants, entre autres, de répondre au questionnaire d’internalité pour

chacun de leur élève et de les décrire à partir de traits de personnalité. Etant donné l’aspect

écologique de cette étude, la procédure statistique utilisée ici a impliqué plus de variables que

dans le retraitement des données de l’étude 8. Plus particulièrement, les modèles de régression

ont intégré les scores moyens des élèves aux épreuves standardisées de CE2, le niveau moyen

de la classe à ces épreuves, la catégorie socioprofessionnelle du père des élèves, leur sexe, et

leur statut scolaire (redoublant vs. non redoublant) ainsi que leur score sur l’une des deux

dimensions de la valeur sociale en fonction de la variable dépendante utilisée. Comme

précédemment, 48 modèles de régression ont été réalisés et ce, sur le score global de

désirabilité des élèves et sur leur score global d’utilité. Chacun de ces modèles intégrait toutes

les variables précédemment citées plus une variable catégorielle dichotomique

(« Explication ») indiquant la présence (codée 1) ou l’absence (codée 0) d’une explication

donnée dans les réponses des enseignants émises au nom de leurs élèves. Les 48 modèles

99 La signification de cette variable catégorielle est du même ordre que celle de la variable « redoublement ». Le coefficient de régression lui correspondant indique la différence moyenne entre le groupe d’individus codé 1 et le groupe d’individus codé 0. Dans le cas de la variable « redoublement », le coefficient de régression exprime la différence de moyennes sur la variable dépendante entre le groupe des élèves non redoublants (0) et celui des élèves redoublants (1). Dans le cas des variables catégorielles utilisées ici, celles-ci expriment la différence sur la variable dépendante entre les élèves caractérisés par l’explication étudiée (1) et ceux n’étant pas caractérisés par cette même explication (0). Ce type de variable mesure donc le pouvoir discriminant de l’explication causale étudiée sur la variable dépendante. Nous supposons que cette capacité à différencier les individus peut être considérée comme un indicateur de la valeur des explications causales sur la dimension considérée.

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

285

portant sur le score global de désirabilité ont, quant à eux, été testés sous la forme suivante :

Désirabilité = B0 + B1Utilité + B2Explication + B3Performances + B4NiveauClasse +

B5Artisan + B6Profinter + B7Employé + B8Ouvrier + B9Autre + B10Redoublant + B11Fille.

Les 48 modèles portant sur le score global d’utilité ont, quant à eux, été testés sous la forme

suivante : Désirabilité = B0 + B1Utilité + B2Explication + B3Performances +

B4NiveauClasse + B5Artisan + B6Profinter + B7Employé + B8Ouvrier + B9Autre +

B10Redoublant + B11Fille. Comme dans les analyses précédentes, les coefficients de

régression B2 nous renseignent sur la relation entretenue par chaque explication avec l’une ou

l’autre des deux dimensions de la valeur sociale tout en contrôlant les effets des autres

variables intégrées dans le modèle.

1.2. Analyse en composantes principales sur les coefficients de régression

Les coefficients B2 de chacun des modèles testés dans les deux ensembles d’analyses

précédemment décrits ont été extraits sous leur forme standardisée (�) et modifiés par

l’intermédiaire de la transformation de Fisher100. Une fois les coefficients transformés, ils ont

été intégrés dans une matrice contenant en lignes les 48 explications du questionnaire

d’internalité scolaire (version b) et en colonnes les quatre variables de coefficients

correspondant aux relations entre ces explications et les deux composantes de la valeur sociale

dans les études 8 et 9. Une analyse en composantes principales (rotation oblimin) a été

réalisée sur ces données. L’objectif de cette analyse est de chercher à déterminer si les

coefficients de régression obtenus à partir des résultats des études 8 et 9 s’organisent bien

autour de deux facteurs correspondant aux deux dimensions de la valeur sociale. Un tel

résultat nous permettrait a minima de conclure sur la relative stabilité des relations observées

dans les deux études entre chaque explication et les deux composantes de la valeur.

L’analyse en composantes principales met en évidence l’existence de deux facteurs

non orthogonaux (r = .20) expliquant conjointement 77.57 % de la variance totale. Le premier

facteur, correspondant à la dimension de la désirabilité explique 47.34 % de la variance. Le

second facteur, qui correspond à l’utilité, explique quant à lui 30.23 % de la variance. Les

poids factoriels des variables représentant les relations entre chaque explication et les deux

dimensions dans les études 8 et 9 sont présentés dans le tableau 8.1.

100 Cette transformation a été utilisée de façon à pallier la tendance des coefficients de régression standardisés à ne pas être distribués normalement.

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

286

Tableau 8.1. Poids factoriels des variables de coefficients sur les deux facteurs issus de

l’analyse en composantes principales

Désirabilité Utilité

Désirabilité étude 9 .92 -.05

Désirabilité étude 8 .83 .05

Utilité étude 9 -.15 .93

Utilité étude 8 .21 .79

L’analyse en composantes principales met en évidence que les variables censées

mesurer la désirabilité des explications dans les études 8 et 9 saturent bien le même facteur.

Les variables censées mesurer l’utilité dans ces deux études saturent également le même

facteur. Parallèlement, la consistance interne des deux facteurs a également été testée par

l’intermédiaire de l’alpha de Cronbach101. Etant donné le nombre de variables impliquées

dans chaque test (seulement 2 par dimension), les valeurs obtenues tant sur la désirabilité (� =

.68) que sur l’utilité (� = .61) s’avèrent satisfaisantes.

A partir de l’analyse en composantes principales, nous avons extrait les scores

factoriels standardisés des explications sur les deux dimensions. Ces scores peuvent être

considérés comme une estimation du score « vrai » de chaque explication sur les dimensions

de la désirabilité et de l’utilité, indépendamment des méthodes employées dans les études 8 et

9 et des deux échantillons d’enseignants. Les scores factoriels des explications du

questionnaire sur les dimensions de la désirabilité et de l’utilité sont présentés dans le tableau

8.2. Ces scores permettent de réaliser une analyse descriptive approfondie de la valeur

véhiculée par ces explications.

101 Notons que les alphas de Cronbach réalisés sur ces données ne cherchent pas à mettre en évidence l’existence d’une consistance intra individuelle sur une dimension spécifique au travers différents items mais une consistance intra explication sur une dimension spécifique au travers différentes études.

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

287

Tableau 8.2. Scores factoriels de chaque explication du questionnaire d’internalité scolaire

(version b) sur les dimensions de la désirabilité et de l’utilité

Type d’événements Valence des événements Catégorie Désirabilité Utilité Saynète 1 (Cpt) Positive Intention 0.31 -0.74 Saynète 1 (Cpt) Positive Contrainte -1.53 -0.07 Saynète 1 (Cpt) Positive Trait 1.37 0.56 Saynète 1 (Cpt) Positive Autrui -0.47 0.14 Saynète 2 (Rft) Positive Effort -1.04 0.61 Saynète 2 (Rft) Positive Chance -1.04 -1.42 Saynète 2 (Rft) Positive Tâche 1.00 0.24 Saynète 2 (Rft) Positive Habileté 1.45 0.31 Saynète 3 (Rft) Positive Habileté -0.62 2.58 Saynète 3 (Rft) Positive Chance -0.78 -2.28 Saynète 3 (Rft) Positive Effort 1.17 -0.90 Saynète 3 (Rft) Positive Tâche 0.09 0.40 Saynète 4 (Cpt) Négative Contrainte -0.04 -1.41 Saynète 4 (Cpt) Négative Intention 0.40 0.36 Saynète 4 (Cpt) Négative Autrui 0.07 0.48 Saynète 4 (Cpt) Négative Trait -0.48 0.76 Saynète 5 (Cpt) Positive Contrainte -0.68 -1.05 Saynète 5 (Cpt) Positive Autrui -1.05 0.09 Saynète 5 (Cpt) Positive Intention 1.38 0.25 Saynète 5 (Cpt) Positive Trait 0.83 0.95 Saynète 6 (Rft) Négative Effort 1.08 2.63 Saynète 6 (Rft) Négative Chance -0.75 -0.08 Saynète 6 (Rft) Négative Tâche -0.12 -0.76 Saynète 6 (Rft) Négative Habileté -0.07 -1.73 Saynète 7 (Cpt) Négative Trait -1.60 1.15 Saynète 7 (Cpt) Négative Contrainte -0.72 -0.56 Saynète 7 (Cpt) Négative Autrui 1.76 0.18 Saynète 7 (Cpt) Négative Intention 0.07 -0.53 Saynète 8 (Rft) Négative Chance -0.25 -0.22 Saynète 8 (Rft) Négative Habileté -0.73 -0.22 Saynète 8 (Rft) Négative Effort 2.39 0.53 Saynète 8 (Rft) Négative Tâche -1.76 -0.06 Saynète 9 (Cpt) Négative Autrui -0.75 0.29 Saynète 9 (Cpt) Négative Intention 1.32 -0.12 Saynète 9 (Cpt) Négative Trait -0.46 0.75 Saynète 9 (Cpt) Négative Contrainte -0.20 -1.11 Saynète 10 (Cpt) Positive Trait 0.60 1.41 Saynète 10 (Cpt) Positive Autrui -1.18 -1.48 Saynète 10 (Cpt) Positive Intention 0.85 0.71 Saynète 10 (Cpt) Positive Contrainte 0.06 -0.30 Saynète 11 (Rft) Négative Chance -0.41 0.10 Saynète 11 (Rft) Négative Effort 1.52 1.17 Saynète 11 (Rft) Négative Habileté -0.25 -0.70 Saynète 11 (Rft) Négative Tâche -0.92 -0.83 Saynète 12 (Rft) Positive Effort 1.33 0.29 Saynète 12 (Rft) Positive Habileté -1.57 1.28 Saynète 12 (Rft) Positive Chance 0.57 -1.40 Saynète 12 (Rft) Positive Tâche -0.15 -0.25

Note. Cpt : comportement, Rft : renforcement.

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

288

Le tableau 8.2. met en évidence l’existence d’explications « critiques » en ce sens que

ces dernières saturent positivement une dimension et négativement l’autre. Ces explications

permettent donc de montrer que des informations distinctes concernant les deux composantes

de la valeur peuvent être communiquées par l’expression d’une seule et même explication.

C’est le cas, par exemple, pour la saynète 3 (renforcement positif) et l’explication

interne/instable en terme d’effort qui lui est associée « lorsqu’ils réussissent bien un contrôle,

certains élèves disent : c’est parce que je me suis donné à fond pour ce contrôle » qui apparaît

comme désirable (1.17) mais inutile (-0.90). A suivre cet exemple, il semblerait qu’expliquer

la réussite à un contrôle par ses efforts maximum soit la marque des élèves qui sont très

appréciés (désirables) mais qui en même temps ne réussissent pas à l’école. A contrario, pour

la saynète 12 (renforcement positif), l’explication interne/stable en terme d’habileté qui lui est

associée « Lorsqu’ils gagnent à un jeu à l’école, certains disent : c’est parce que je suis

quelqu’un de fort aux jeux » apparaît fortement utile (1.28) mais très indésirable (-1.57). Il

semble donc que cette explication soit susceptible d’être mise en avant préférentiellement par

les élèves qui réussissent à l’école mais qui ne sont pas appréciés par les enseignants. Cela

renverrait en quelque sorte à un manque de modestie de l’élève face à la réussite.

De plus, les différents scores calculés pour chaque explication nous permettent

également de mettre en évidence que la valeur des différentes catégories d’explications

semble bien dépendre des explications qui composent ces catégories. Conformément aux

résultats des études 8 et 9, la catégorie des explications internes (M = 0.38) obtient bien un

score moyen de désirabilité plus élevé que la catégorie des explications externes (M = -0.21).

Les explications internes (M = 0.47) apparaissent en moyenne également plus utiles que les

explications externes (M = 0.19). Un même constat peut être fait concernant les 16 catégories

d’explications de notre questionnaire. Par exemple, la catégorie des explications

internes/stables en terme d’habileté apparaît comme étant très utile (M = 1.39) et comme étant

plutôt neutre sur la désirabilité (M = -0.25). De même, la catégorie des explications

internes/instables en terme d’effort pour les renforcements négatifs apparaît à la fois désirable

(M = 1.68) et utile (M = 1.44).

Plus encore, le tableau 8.2. révèle l’existence d’une hétérogénéité de valeur au sein des

catégories d’explications. Par exemple, pour la saynète 2 (renforcement positif), l’explication

interne/instable en terme d’effort « lorsqu’ils sont félicités par le maître pour leur conduite en

classe, certains élèves disent : c’est parce que, ce jour-là, j’ai fait des efforts pour être sage »

apparaît comme indésirable (-1.04) mais plutôt utile (0.61). Cependant, notons qu’en

moyenne, cette catégorie d’explications est plutôt désirable (M = 0.49) et neutre sur l’utilité

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

289

(M = 0). Ainsi, ces quelques exemples semblent donc indiquer que 1) les explications causales

peuvent prendre des scores spécifiques sur la désirabilité et l’utilité relativement indépendants

l’un de l’autre, 2) la valeur prise par les différentes catégories d’explications peut être

considérée comme le reflet de l’agrégation de la valeur des explications qui les composent, 3)

la même hétérogénéité de valeur observée à partir du critère interne/externe peut être observée

au sein des différentes catégories d’explications.

Mais, au-delà de ces quelques résultats, le fait de mesurer l’utilité et la désirabilité de

chaque explication a l’avantage de nous permettre de créer des profils d’élèves spécifiques.

Ces profils devraient pouvoir nous permettre d’accéder au contenu des représentations des

enseignants en matière d’utilité et désirabilité des élèves.

1.3. Création de profils d’élèves spécifiques

A partir des scores factoriels de chaque explication sur les deux facteurs issus de

l’A.C.P., nous avons cherché à construire quatre profils d’élèves : un élève très utile, un élève

très désirable, un élève très inutile et un élève très indésirable. Ces profils d’élèves sont

caractérisés, pour chacun des 12 événements, par les explications saturant le plus fortement

(positivement pour les profils utile et désirable ou négativement pour les profils inutile et

indésirable) l’une ou l’autre des deux dimensions. Par exemple, pour la saynète 1,

l’explication interne/stable en terme de trait a été retenue pour le profil de l’élève désirable.

En effet cette explication obtient le score de désirabilité le plus élevé des quatre explications

(1.37). Cette même explication a également été retenue pour le profil utile puisqu’elle obtient

également le score d’utilité plus élevé (0.56). En revanche, pour le profil indésirable, c’est

l’explication externe/stable en terme de contrainte qui a été retenue. Cette explication obtient

effectivement le score de désirabilité le plus négatif (-1.53). Enfin, l’explication

interne/instable en terme d’intention a été retenue pour le profil inutile. Cette explication

obtient le score le plus négatif sur la dimension utile (-0.74) Le tableau 8.3. contient les

explications contenues dans chacun des quatre profils.

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

290

Tableau 8.3. Profils de réponses des élèves utile, désirable, inutile, et indésirable

Type d’événements Valence des événements Catégorie Profil

désirable Profil utile Profil indésirable

Profil inutile

Saynète 1 (Cpt) Positive Intention X Saynète 1 (Cpt) Positive Contrainte X Saynète 1 (Cpt) Positive Trait X X Saynète 1 (Cpt) Positive Autrui Saynète 2 (Rft) Positive Effort X X Saynète 2 (Rft) Positive Chance X Saynète 2 (Rft) Positive Tâche Saynète 2 (Rft) Positive Habileté X Saynète 3 (Rft) Positive Habileté X Saynète 3 (Rft) Positive Chance X X Saynète 3 (Rft) Positive Effort X Saynète 3 (Rft) Positive Tâche Saynète 4 (Cpt) Négative Contrainte X Saynète 4 (Cpt) Négative Intention X Saynète 4 (Cpt) Négative Autrui Saynète 4 (Cpt) Négative Trait X X Saynète 5 (Cpt) Positive Contrainte X Saynète 5 (Cpt) Positive Autrui X Saynète 5 (Cpt) Positive Intention X Saynète 5 (Cpt) Positive Trait X Saynète 6 (Rft) Négative Effort X X Saynète 6 (Rft) Négative Chance X Saynète 6 (Rft) Négative Tâche Saynète 6 (Rft) Négative Habileté X Saynète 7 (Cpt) Négative Trait X X Saynète 7 (Cpt) Négative Contrainte X Saynète 7 (Cpt) Négative Autrui X Saynète 7 (Cpt) Négative Intention Saynète 8 (Rft) Négative Chance Saynète 8 (Rft) Négative Habileté X Saynète 8 (Rft) Négative Effort X X Saynète 8 (Rft) Négative Tâche X Saynète 9 (Cpt) Négative Autrui X Saynète 9 (Cpt) Négative Intention X Saynète 9 (Cpt) Négative Trait X Saynète 9 (Cpt) Négative Contrainte X

Saynète 10 (Cpt) Positive Trait X Saynète 10 (Cpt) Positive Autrui X X Saynète 10 (Cpt) Positive Intention X Saynète 10 (Cpt) Positive Contrainte Saynète 11 (Rft) Négative Chance Saynète 11 (Rft) Négative Effort X X Saynète 11 (Rft) Négative Habileté Saynète 11 (Rft) Négative Tâche X X Saynète 12 (Rft) Positive Effort X Saynète 12 (Rft) Positive Habileté X X Saynète 12 (Rft) Positive Chance X Saynète 12 (Rft) Positive Tâche

Note. Cpt : comportement, Rft : renforcement.

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

291

L’analyse de contenu des profils montre que les profils utile et désirable sont

massivement internes (12 explications internes sur 12 pour le profil utile et 11 explications

internes sur 12 pour le profil désirable). A l’inverse, les profils inutile et indésirable semblent

massivement externes (9 explications externes sur 12 pour le profil inutile et 8 explications

externes sur 12 pour le profil indésirable). Il apparaît également que les quatre profils ne

semblent pas constitués des mêmes explications. En effet, le profil utile est composé

d’explications en terme de trait pour les comportements positifs (3 sur 3) comme pour les

comportements négatifs (3 sur 3), d’explications en terme d’habileté pour les renforcements

positifs (2 sur 3) et d’explications en terme de manque d’effort pour les renforcements

négatifs (3 sur 3). Le profil désirable, quant à lui, est composé d’explications en terme

d’intention pour les comportements positifs (2 sur 3) comme pour les comportements négatifs

(2 sur 3), d’explications en terme d’effort pour les renforcements positifs (2 sur 3) et par des

explications en terme de manque d’effort pour les renforcements négatifs (3 sur 3). Le profil

inutile est moins marqué sur les comportements, bien qu’il soit composé d’explications en

terme de contrainte pour les comportements négatifs (2 sur 3). Pour les renforcements positifs,

ce profil est composé d’explications en terme de chance (3 sur 3) et, dans le cas des

renforcements négatifs, par des explications en terme de manque d’habileté (2 sur 3). Enfin, le

profil indésirable est composé d’explications en terme d’autrui pour les comportements

positifs (2 sur 3), de trait pour les comportements négatifs (2 sur 3) et d’explications en terme

de tâche pour les renforcements négatifs (2 sur 3).

En résumé, l’analyse du contenu des quatre profils nous permet d’étudier les

représentations des enseignants en matière d’utilité et de désirabilité. Celle-ci montre que

l’élève utile serait un élève qui attribue ses comportements positifs comme négatifs à sa

personnalité. Lorsqu’il réussit, il penserait qu’il est intrinsèquement doué et lorsqu’il échoue,

il penserait que c’est parce qu’il ne s’est pas donné à fond. L’élève désirable, quant à lui,

aurait de bonnes intentions qui guident ses comportements positifs mais aurait du mal à

résister à ses envies (d’aller jouer ou de parler). Il ferait toutefois des efforts à l’école et

lorsqu’il échoue en classe, il penserait que c’est parce qu’il n’a pas assez travaillé. L’élève

inutile penserait que lorsqu’il fait une bêtise, c’est à cause des contraintes de l’environnement.

De plus, lorsqu’il réussit à l’école, il penserait que c’est à cause de la chance et lorsqu’il

échoue, ce serait dû au fait qu’il n’est pas intrinsèquement bon. Enfin, l’élève indésirable

attribuerait ses comportements positifs en faisant appel au pouvoir d’autrui et ses

comportements négatifs en faisant appel à sa personnalité. A l’école, il aurait tendance à

penser que ses échecs sont dus à la difficulté de la tâche. Un exemplaire de chaque profil est

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

292

présenté en annexes (cf. annexe IVb).

Bien entendu, les profils présentés ne sont que des exemples prototypiques déterminés

à partir des explications ayant des valeurs extrêmes sur les deux dimensions. D’autres

combinaisons de réponses sont envisageables. Il est en effet possible d’évaluer le degré

d’utilité et de désirabilité de profils d’élèves moins marqués que ceux présentés

précédemment. Nous reviendrons sur ce point dans le cadre de l’étude 10.

2. Autoprésentation, identification et valeur des explications causales

Après avoir mesuré les relations entre chaque explication du questionnaire

d’internalité scolaire (version b) et les deux composantes de la valeur sociale, nous avons

cherché à tester l’hypothèse selon laquelle les participants de l’étude 4 (élèves en

autoprésentation et enseignants en identification) ont basé leurs choix explicatifs sur la

désirabilité des explications plutôt que sur leur utilité. Si l’étude 9 nous a permis de montrer

que le paradigme d’identification/jugement était plus sensible à l’utilité qu’à la désirabilité, il

nous restait à montrer que la désirabilité de ces explications s’exprimait préférentiellement en

autoprésentation et en identification. Pour ce faire, nous avons retraité les données issues de

l’étude 4 à partir d’analyses des correspondances (Benzécri & Benzécri, 1980; Hair et al.,

1998). Ces analyses des correspondances ont été réalisées, pour la première, sur les

fréquences de choix des élèves concernant les explications du questionnaire en

autoprésentation et pour la seconde sur les fréquences de choix des enseignants concernant les

explications du questionnaire en identification. L’objectif de ces deux analyses était de

calculer deux scores de valorisation des explications du questionnaire, l’un à partir des

réponses des élèves et l’autre à partir de celles des enseignants. Ce score a été obtenu à partir

des variations de fréquences de choix des individus pour chaque explication en fonction des

différentes modalités du paradigme étudié.

2.1. Analyse des correspondances sur les réponses des élèves en autoprésentation

La première analyse des correspondances a été réalisée sur les réponses des élèves au

questionnaire d’internalité scolaire en autoprésentation (cf. étude 4). La matrice sur laquelle

celle-ci a été réalisée contenait en lignes les 48 explications du questionnaire et en colonnes

les trois consignes d’autoprésentation. Chaque cellule de cette matrice contenait le nombre

d’élèves ayant choisi une explication particulière pour une consigne donnée.

L’analyse des correspondances met en évidence une dimension expliquant 95.51 % de

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

293

l’inertie totale et sur laquelle se répartissent les trois consignes d’autoprésentation : la

consigne pronormative obtient un poids factoriel de .41, la consigne standard un poids de .27

et la consigne contre normative un poids de -.68. La dispersion des consignes sur la dimension

indique que cette dimension renvoie à la valeur des explications causales du point de vue des

élèves avec un pôle « valorisé » et un pôle « dévalorisé ». L’analyse des correspondances

montre également que les explications causales du questionnaire se répartissent sur un

continuum allant des explications les plus valorisées (lorsqu’ils aident le maître à ranger la

classe, certains disent « c’est parce que j’aime quand tout est en ordre ») à celles les plus

dévalorisées (lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice, certains disent

« c’est parce qu’on est obligé d’aider les autres à l’école »). La position de chaque explication

sur la dimension indique son degré de valorisation du point de vue des élèves.

2.2. Analyse des correspondances sur les réponses des enseignants en identification

La seconde analyse des correspondances a été réalisée sur les réponses des enseignants

au questionnaire d’internalité en identification (cf. étude 4). Cette analyse a été réalisée sur

une matrice dans laquelle les lignes correspondent aux 48 explications du questionnaire et les

colonnes aux deux consignes d’identification (élève idéal vs. élève non idéal).

L’analyse des correspondances réalisée met en évidence une seule dimension qui

explique 100% de l’inertie du nuage de points102. Cette dimension oppose la consigne

d’identification à l’élève idéal (.79) à celle d’identification à l’élève non idéal (-.79), ce qui

laisse entendre que cette dimension exprime la valeur telle qu’elle est perçue par les

enseignants. La position de chaque explication sur la dimension indique son degré de

valorisation du point de vue des enseignants. Les 48 explications se répartissent sur une

dimension allant des explications les plus valorisées (lorsqu’ils aident le maître à ranger la

classe, certains disent « c’est parce que j’aime quand tout est en ordre ») aux plus dévalorisées

(lorsqu’en classe, ils sont punis, certains élèves disent « c’est parce qu’on ne peut jamais rien

faire à l’école »).

La corrélation entre les scores de valorisation des explications en autoprésentation

(élèves) et en identification (enseignants) est significative, r(46) = .55, p < .0001. Il y a bien

une correspondance entre ces deux expressions de la valeur. Reste à savoir dans quelle mesure

ces deux scores reposent sur la désirabilité et sur l’utilité des explications causales. Les

102 Etant donné que la matrice des données n’est composée que de deux colonnes (consignes d’identification à l’élève idéal vs. l’élève non idéal), l’analyse des correspondances ne peut extraire qu’une seule dimension. En effet, le nombre maximal de dimensions potentiellement extraites correspond au nombre de colonnes moins une.

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

294

analyses qui suivent ont été réalisées dans ce but.

2.3. Tests des hypothèses concernant l’association entre la désirabilité et les

paradigmes de l’autoprésentation et de l’identification

Nous nous attendons à ce que les scores de valorisation obtenus à partir des analyses

précédentes soient préférentiellement reliés à la désirabilité des explications plutôt qu’à leur

utilité. Afin de tester cette hypothèse, nous avons mis en relation ces scores de valorisation

des explications avec leurs scores spécifiques de désirabilité et d’utilité à partir de modèles de

régression. Deux modèles de régression ont été élaborés. Le premier intègre comme variable

dépendante le score de valorisation en autoprésentation (modèle « élèves »). Le second

intègre comme variable dépendante le score de valorisation en identification (modèle

« enseignant »). Les résultats des deux modèles de régression sont présentés dans le tableau

8.4.

Tableau 8.4. Résultats des analyses de régression sur les scores de valorisation perçue par

les élèves et par les enseignants

Modèle « élèves »

Modèle « enseignants »

Score factoriel (désirabilité) .50** .72**

Score factoriel (utilité) .32** .27**

R² .41 .67

Note. Les coefficients de régression présentés sont standardisés (�). N = 48, ** p < .01, * p < .05, t p < .10

Conformément à nos prédictions, le score de désirabilité des explications prédit

significativement leurs scores de valorisation obtenus à partir des réponses des élèves (� =

.50) et de celles des enseignants (� = .72). Le score d’utilité des explications prédit également

leurs scores de valorisation obtenus et cela que ce soit à partir des réponses des élèves (� =

.32) ou de celles des enseignants (� = .27). Toutefois, les coefficients de régression

standardisés indiquent que, pour les deux scores de valorisation, l’effet de la désirabilité est

plus fort que celui de l’utilité dans l’échantillon d’explications considéré. Notons également

que les modèles réalisés expliquent une part importante de la variance des deux scores de

valorisation. Dans le cas du modèle « élèves », les scores de désirabilité et d’utilité expliquent

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

295

plus de 40 % de la variance du score de valorisation. Dans le cas du modèle « enseignant »,

ces deux variables expliquent plus des deux tiers de la variance du score de valorisation (67

%).

Ces résultats vont donc dans le sens de Dubois (2000) qui affirmait que le paradigme

d’autoprésentation mobilisait préférentiellement la désirabilité des explications. Ils indiquent

également que le paradigme de l’identification repose sur la logique similaire (voir à ce

propos Gilibert & Cambon, 2003). Ces résultats indiquent également que les scores de

désirabilité et d’utilité de chaque explication que nous avons calculés semblent bien

correspondre à la valeur que l’on aurait pu déduire des réponses des élèves en

autoprésentation et de celles des enseignants en identification.

Enfin, dans une dernière étude, nous avons cherché à montrer que l’intervention de la

valeur des explications dans le jugement des enseignants pouvait être mieux appréhendée par

l’intermédiaire de la prise en compte de la spécificité des explications causales sur les deux

composantes de la valeur sociale que par le seul recours au critère interne/externe.

3. Etude 10 : Paradigme des juges avec cibles aléatoires

Dans les analyses précédentes, nous avons montré que les explications étaient reliées

de façon spécifique à la désirabilité et à l’utilité. Toutefois, les relations mises en évidence

sont uniquement de nature corrélationnelle. En effet, les analyses effectuées reposent sur les

résultats des études 8 et 9. Dans ces études, les explications causales n’étaient pas manipulées

mais étaient choisies par les enseignants eux-mêmes lorsqu’ils répondaient pour les élèves-

cibles. Or, si les scores de désirabilité et d’utilité nous renseignent sur la connotation des

explications causales et que cette connotation guide le jugement, ces scores devraient

permettre de prédire les jugements de désirabilité et d’utilité des enseignants à l’égard

d’élèves connus par leurs réponses au questionnaire d’internalité scolaire. Parce qu’ils

tiennent compte de la spécificité de chaque explication du questionnaire, ils devraient même

permettre une meilleure prédiction des jugements d’utilité et de désirabilité que le recours à la

seule distinction interne/externe.

Pour rendre compte des mécanismes à l’œuvre dans la détermination des jugements de

désirabilité et d’utilité des enseignants, nous avons eu recours au modèle V.I.A. (Value,

Integration, Action) proposé par N. H. Anderson (2004)103. Sur un plan théorique, ce modèle

103 Le modèle V.I.A. présente, pour nous, l’avantage de reposer sur un ensemble restreint de principes facilement adaptables à notre problématique et dont la pertinence est soutenue par de nombreuses recherches (voir pour revue N. H. Anderson, 2004). Cependant, le fait d’utiliser ce modèle comme support théorique ne signifie pas

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

296

décompose les processus de traitement de l’information en trois phases successives. La

première phase, l’évaluation (V), consiste à transformer les stimuli physiques en

représentations psychologiques en fonction de l’objectif à atteindre (e.g. juger de l’agréabilité

d’une personne). La deuxième phase, l’intégration (I), consiste à intégrer les différentes

représentations psychologiques en une réponse implicite. Enfin, la troisième phase consiste à

transformer la réponse implicite en une réponse observable (e.g. jugement d’agréabilité).

D’après N. H. Anderson (2004), le modèle V.I.A. repose sur cinq principes fondamentaux. Le

premier considère que la règle d’intégration des représentations psychologiques est additive.

Le deuxième suppose que la réponse observée est une fonction linéaire de la réponse

implicite. Le troisième principe repose sur l’idée que les effets principaux sont des fonctions

linéaires de chaque variable. Le quatrième principe suppose que les stimuli n’interagissent pas

mais disposent d’une signification invariante. Enfin, le cinquième principe avance que la

phase d’évaluation et la phase d’intégration sont deux processus indépendants. Afin de mieux

comprendre l’intervention de la valeur des explications causales sur le jugement, nous avons

utilisé les principes du modèle V.I.A. La figure 8.1. présente le modèle sur lequel reposent

nos hypothèses.

que nous le considérons comme le modèle le plus adapté pour décrire les mécanismes qui sous-tendent le traitement de l’information. Notre objectif se limite ici à utiliser le cadre théorique qu’il propose pour mettre en évidence l’intérêt de prendre compte la valeur spécifique des explications causales dès lors qu’on souhaite étudier les effets de cette valeur sur les jugements de désirabilité et d’utilité.

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

297

Choix explicatif (saynète 1)

Choix explicatif (saynète 2)

Choix explicatif (saynète n)

Désirabilité de l’explication 1

Utilité de l’explication 1

Désirabilité de l’explication 2

Réponse implicite

(désirabilité)Description

personnologique de la cible

Évaluation (V)

Intégration (I)

Réponse (A)

Utilité de l’explication 2

Désirabilité de l’explication n

Utilité de l’explication n

Réponse implicite (utilité)

Figure 8.1. Modélisation des processus des jugements de désirabilité et d’utilité à partir du

modèle V.I.A.

La figure 8.1. présente un modèle des processus de jugement de désirabilité et d’utilité

adapté de la théorie de N. H. Anderson (2004). Ce modèle repose sur les mêmes présupposés

théoriques que le modèle V.I.A. La différence principale est qu’il propose de rendre compte

de l’évaluation et de l’intégration de deux dimensions simultanément : la désirabilité et

l’utilité. En effet, les explications causales choisies par la cible – qui ont ici le statut de stimuli

physiques – seraient évaluées en parallèle sur les deux dimensions et transformées en

représentations psychologiques en terme de désirabilité et en terme d’utilité. Ces

représentations seraient ensuite intégrées à partir d’une règle additive pour aboutir à une

réponse implicite en terme de désirabilité et à une réponse implicite en terme d’utilité. Ces

deux réponses implicites seraient par la suite combinées en une même réponse

comportementale sous la forme d’une description personnologique. La décomposition de cette

description personnologique en terme d’utilité et en terme de désirabilité permettrait

d’accéder au contenu des deux réponses implicites construites par l’intégration des

représentations psychologiques de la valeur des explications causales.

L’étude 10 a pour objectif de tester certaines prédictions issues de ce modèle. Une

première hypothèse est que le score global de désirabilité d’un élève (somme des scores de

désirabilité des explications choisies) devrait prédire significativement le jugement de

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

298

désirabilité que devraient émettre des enseignants à son endroit lorsqu’ils disposent de ses

choix explicatifs. Une deuxième hypothèse est que le score global d’utilité d’un élève (somme

des scores d’utilité des explications choisies) devrait prédire les jugements d’utilité émis par

des enseignants à partir de ses choix explicatifs. De plus, le score global de désirabilité devrait

uniquement être relié au jugement de désirabilité et non au jugement d’utilité. Inversement, le

score global d’utilité devrait uniquement être relié au jugement d’utilité et non au jugement de

désirabilité. Enfin, une dernière hypothèse est que le recours au score global d’internalité

devrait être moins prédictif des jugements de désirabilité et d’utilité que ne le sont les scores

globaux de désirabilité et d’utilité.

Notons toutefois que, bien que proches de celles émises dans l’étude 9, les hypothèses

testées dans cette étude ne sont pas des hypothèses de médiation. Il s’agit plutôt ici de

comparer deux façons d’aborder les caractéristiques d’un même matériel sur leur capacité à

expliquer les variations de jugement sur les deux dimensions. La première repose sur le

regroupement des explications causales à partir du seul critère interne/externe. La seconde

repose sur des mesures empiriques concernant la spécificité de chaque explication sur l’utilité

et la désirabilité104.

3.1. Vue générale

Des enseignants ont été invités à attribuer des traits de personnalité à des élèves fictifs

décrits à partir de leurs performances scolaires et de leurs réponses au questionnaire

d’internalité scolaire (version b). La méthode utilisée est le paradigme des juges, à la

différence près que les participants sont confrontés à une cible dont les réponses au

questionnaire d’internalité ont été déterminées de façon aléatoire.

3.2. Méthode

3.2.1. Participants

Cent trente enseignants ont participé à l’expérience. Parmi eux, 69 sont des stagiaires

enseignants des écoles à l’I.U.F.M. de Grenoble et de Chambéry en première (39) et en

deuxième année de formation (30) et 61 sont en poste en cycle primaire dans la région

grenobloise.

104 En effet, contrairement aux études présentées dans le chapitre 7 où nous avons mesuré l’utilité et la désirabilité des élèves perçues par leurs enseignants, nous mesurons dans ce chapitre l’utilité et la désirabilité des explications causales.

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

299

3.2.2. Matériel

Le matériel utilisé dans cette étude comportait un dossier concernant un élève fictif de

CE2. Ce dossier était composé de plusieurs documents. Un premier, le questionnaire

d’internalité scolaire (version b), était censé avoir été rempli par un élève fictif. A la

différence de la méthode classique, les réponses de cet élève ont été sélectionnées de façon

aléatoire. En effet, pour chacune des 12 saynètes, un tirage aléatoire a été effectué pour

déterminer laquelle des quatre explications devait être cochée. Le questionnaire final était

donc constitué de 12 réponses déterminées aléatoirement et indépendantes les unes des autres.

Cette procédure a été répétée pour chaque participant. De fait, on disposait d’autant de

questionnaires différents que de participants.

Le deuxième document était un dossier concernant les performances scolaires de

l’élève lors de quatre périodes de l’année scolaire (cf. annexe IVc). Pour chacune des

périodes, différentes aptitudes étaient évaluées sur une grille élaborée à partir du programme

de CE2 en français et en mathématiques. Le bilan de la première période impliquait sept

aptitudes en français et sept en mathématiques, celui de la deuxième période 12 aptitudes en

français et quatre en mathématiques, celui de la troisième période 11 aptitudes en français et

six en mathématiques et, enfin, celui de la quatrième période 12 aptitudes en français et six en

mathématiques. Chaque aptitude de l’élève pouvait être décrite soit comme acquise, soit en

voie d’acquisition, soit non acquise.

Le troisième document était une fiche indiquant les performances de l’élève aux

épreuves standardisées de français et de mathématiques. Ces épreuves indiquaient le score

global de l’élève dans ces deux disciplines ainsi que le détail des scores de l’élève aux sous-

épreuves des tests. Ces sous-épreuves étaient au nombre de quatre en français et de cinq en

mathématiques.

Trois profils d’élèves ont été élaborés : un fort, un moyen et un faible. Ils se

différenciaient au niveau de leurs performances, d’une part, sur les bilans des quatre périodes

et, d’autre part, sur les scores obtenus aux épreuves standardisées de CE2. Les valeurs prises

par ces trois profils d’élèves sur les bilans et sur les épreuves standardisées ont été choisies

sur la base des recommandations d’une enseignante en poste en classe de CE2 depuis

plusieurs années. Le sexe de l’élève ainsi que son âge ont également été contrôlés. Il s’agissait

pour les trois profils d’un garçon de 8-9 ans.

Enfin, le dossier contenait également une fiche sur laquelle les participants devaient

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

300

attribuer des traits de personnalité à l’élève cible. Pour ce faire, les enseignants devaient

choisir dans une liste comprenant les 24 traits de personnalité de l’échelle de

désirabilité/utilité scolaire trois traits qui, selon eux, caractériseraient le mieux l’élève dont ils

venaient de lire le dossier.

3.2.3. Procédure

Les passations ont été réalisées lors de plusieurs séances collectives sur les sites des

I.U.F.M. de Grenoble et de Chambéry et dans différentes écoles du département de l’Isère. En

début de séance, un dossier était distribué à chaque participant. Ceux-ci étaient informés

oralement et par l’intermédiaire d’une consigne écrite que le dossier contenait des

informations sur un élève de CE2 (performances aux épreuves standardisées de CE2, bilan

des quatre périodes scolaires, réponses à un questionnaire de situations scolaires). Après avoir

pris connaissance de ces informations, les enseignants devaient décrire l’élève en question à

partir de trois traits de personnalité parmi les 24 traits proposés.

3.3. Résultats

Les données ont été traitées par l’intermédiaire d’analyses de régression. Pour tester

nos hypothèses, différents modèles ont été construits. Ces modèles ont été testés sur deux

variables dépendantes : le score global de désirabilité des élèves et le score global d’utilité des

élèves. Ces deux scores ont été obtenus à partir des trois traits choisis par les enseignants. Ces

trois traits ont été transformés en deux scores continus distincts à partir de leur poids

respectifs sur les dimensions de la désirabilité et de l’utilité. Ne pouvant pas calculer ces poids

auprès de cet échantillon, nous avons utilisé comme pondération les poids de ces traits

obtenus par l’intermédiaire d’une analyse factorielle réalisée sur l’échantillon de 105

enseignants de l’étude 6. Les deux variables dépendantes représentent la somme des poids

factoriels des traits choisis par les enseignants sur chacune des deux dimensions. Ces scores

renvoient aux jugements de désirabilité et d’utilité des enseignants. La corrélation entre ces

deux variables est de -.29105.

Comme pour les études 3, 4, 8 et 9, différents modèles ont été créés à partir d’un

105 Les distributions de ces deux scores suivent toutes deux une loi normale (tests K-S de normalité non significatifs). La corrélation négative entre ces deux scores n’indique pas que les deux scores de jugements sont corrélés négativement. Elle n’est que le reflet de l’inversion des pôles négatifs et positifs du facteur « désirabilité » observée dans l’analyse factorielle présentée dans l’étude 6. Etant donné que cette inversion est produite arbitrairement par l’algorithme utilisé par l’analyse factorielle, nous avons choisi d’inverser le score de jugement de désirabilité de façon à faciliter la lecture des résultats.

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

301

modèle de base. Ce modèle de base intégrait, d’une part, la variable « niveau de l’élève »

appréhendée sous la forme de deux contrastes orthogonaux opposant, d’un côté, l’élève faible

à l’élève fort (contraste linéaire : -1 0 1) et, de l’autre, l’élève moyen aux deux autres

(contraste quadratique : -1 2 -1). D’autre part, il intégrait également une des deux dimensions

de la valeur qui n’était pas utilisée comme variable dépendante. Ainsi, pour les modèles testés

sur le jugement de désirabilité (VD), le modèle de base intégrait le jugement d’utilité.

Inversement, pour les modèles réalisés sur le jugement d’utilité (VD), le modèle de base

intégrait le jugement de désirabilité. L’introduction dans le modèle de base de la composante

de la valeur sociale non utilisée comme variable dépendante avait pour but de nous assurer de

ne mesurer que les effets des variables indépendantes sur une seule des deux dimensions.

Six modèles distincts ont finalement été créés. Trois modèles (modèles 1, 2 et 3) ont

été testés sur le jugement de désirabilité et trois autres (modèles 1’, 2’ et 3’) sur le jugement

d’utilité.

Le modèle 1 teste le modèle proposé par la théorie de la norme d’internalité. Ce

modèle vise à répliquer les résultats obtenus dans les études 8 et 9 concernant la relation entre

le score global d’internalité et la désirabilité. De fait, il intègre le score global d’internalité des

élèves comme prédicteur du jugement de désirabilité. Ce score a été obtenu en faisant la

somme des explications internes cochées dans le questionnaire d’internalité scolaire par

chaque élève fictif. Les réponses de chaque élève ayant été sélectionnées aléatoirement, le

score global d’internalité est donc une variable aléatoire discrète variant potentiellement de 0

à 12.

Le modèle 2 teste si les scores de désirabilité et d’utilité des explications, une fois

transformés en score global par élève, prédisent de façon différenciée le jugement de

désirabilité des enseignants à l’endroit des élèves fictifs. Ce modèle intègre deux scores par

élève fictif. Le premier, le score global de désirabilité des élèves, a été obtenu en pondérant

les réponses aléatoires de chaque élève au questionnaire par les scores factoriels des

explications sur la dimension de la désirabilité et en calculant la somme de ces douze scores.

Le second score, le score global d’utilité des élèves, a été obtenu de la même manière mais à

partir des scores factoriels des explications sur la dimension de l’utilité. Les scores de

désirabilité et d’utilité des élèves (r = .30) sont donc des variables aléatoires continues qui

peuvent varier de -13.41 à +16.00 pour le score de désirabilité et de -14.37 à +12.81 pour le

score d’utilité. Nous nous attendons à ce que, de ces deux scores, seul le score de désirabilité

des élèves prédise le jugement de désirabilité.

Enfin, le modèle 3 a pour objectif de montrer que le score global d’internalité n’est un

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

302

prédicteur du jugement de désirabilité que parce qu’il explique une part de variance commune

avec le score de désirabilité des élèves. Nous nous attendons donc à ce que l’effet du score

global d’internalité sur le jugement de désirabilité disparaisse lorsque l’on contrôle le score de

désirabilité des élèves. Le modèle 3 intègre donc simultanément le score global d’internalité

des élèves fictifs, leur score global de désirabilité et leur score global d’utilité.

Trois autres modèles ont été testés sur le jugement d’utilité. Ces modèles sont

identiques aux modèles précédents à ceci près qu’ils ont intégré comme variable dépendante

le jugement d’utilité. L’objectif du modèle 1’ est de montrer que le score global d’internalité

des élèves est bien relié au jugement d’utilité. Le modèle 2’ vise à mettre en évidence que seul

le score global d’utilité des élèves prédit significativement le jugement d’utilité. Le modèle 3’

vise à mettre en évidence que la relation entre le score global d’internalité des élèves et le

jugement d’utilité disparaît lorsque l’on contrôle le score global d’utilité des élèves.

Les résultats des trois modèles testés sur le jugement de désirabilité sont présentés

dans le tableau 8.5.

Tableau 8.5. Modèles de régression avec comme variable dépendante le jugement de

désirabilité

Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3

Contraste linéaire (-1 0 1) .19t .16 .18

Contraste quadratique (-1 2 -1) .24** .26** .24**

Jugement d’utilité .07 .10 .09

Score global d’internalité des élèves .19* .12

Score global d’utilité des élèves -.01 -.05

Score global de désirabilité des élèves .24** .21*

R² .18 .21 .22

Note. Les coefficients de régression présentés sont standardisés (�). N = 130, ** p < .01, * p < .05, t p < .10

Le modèle 1 indique que le score global d’internalité des élèves fictifs est

positivement et significativement relié au jugement de désirabilité (� = .19). Plus les élèves

fictifs sont internes, plus les enseignants les jugent comme désirables. Le modèle 2 indique

que seul le score global de désirabilité des élèves fictifs prédit positivement et

significativement le jugement de désirabilité des enseignants à l’endroit de ces élèves (� =

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

303

.24). Plus les élèves mettent en avant des explications porteuses de désirabilité, plus ils sont

jugés comme désirables. Le score global d’utilité des élèves n’est pas significativement

associé à ce jugement. Enfin, le modèle 3 révèle que le score global de désirabilité des élèves

continue de prédire le jugement de désirabilité lorsque l’on contrôle le score global

d’internalité des élèves (� = .21). En revanche, ce dernier ne prédit plus le jugement de

désirabilité lorsque l’on contrôle les scores globaux de désirabilité et d’utilité des élèves.

Les résultats des trois modèles testés sur le jugement d’utilité sont présentés dans le

tableau 8.6.

Tableau 8.6. Modèles de régression avec comme variable dépendante le jugement d’utilité

Modèle 1’ Modèle 2’ Modèle 3’

Contraste linéaire (-1 0 1) .63** .61** .62**

Contraste quadratique (-1 2 -1) .26** .27** .26**

Jugement de désirabilité .04 .06 .05

Score global d’internalité des élèves .12t .06

Score global d’utilité des élèves .21** .19**

Score global de désirabilité des élèves -.05 -.07

R² .51 .54 .54

Note. Les coefficients de régression présentés sont standardisés (�). N = 130, ** p < .01, * p < .05, t p < .10

Sur le jugement d’utilité, les résultats obtenus sont sensiblement les mêmes que ceux

obtenus sur le jugement de désirabilité. Le modèle 1’ indique que le score global d’internalité

est positivement mais tendanciellement relié au jugement d’utilité émis par les enseignants (�

= .12). Plus les élèves sont internes, plus les enseignants jugent ces élèves comme étant utiles.

Le modèle 2’ révèle que seul le score global d’utilité des élèves prédit significativement le

jugement d’utilité (� = .21). Plus les élèves mettent en avant des explications porteuses

d’utilité, plus ils sont décrits comme utiles. Le score global de désirabilité des élèves, quant à

lui, n’est pas significativement associé à ce jugement. Enfin, le modèle 3’ indique que seul le

score global d’utilité des élèves prédit positivement et significativement le jugement d’utilité

(� = .19). En effet, en contrôlant l’utilité et la désirabilité des élèves, le score global

d’internalité des élèves ne prédit plus ce jugement.

Enfin, nous avons comparé le pouvoir explicatif des modèles 1 et 2 et des modèles 1’

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

304

et 2’. En matière de jugement de désirabilité, le modèle 2 explique significativement plus de

variance que le modèle 1, Fincrémentiel(1,124) = 4.07, p < .05. En matière de jugement d’utilité,

le modèle 2’ explique significativement plus de variance que le modèle 1’, Fincrémentiel(1,124) =

7.20, p < .01. Au regard de ces seuls critères, les modèles 2 et 2’ semblent être les modèles les

plus parcimonieux pour rendre compte des jugements de désirabilité et d’utilité d’enseignants

à l’endroit d’élèves fictifs.

3.4. Discussion

Les résultats de cette dernière étude confirment clairement ceux obtenus à partir du

seul critère interne/externe dans les études précédentes. Comme le montrent les modèles 1 et

1’, le score global d’internalité des élèves est relié significativement et positivement à la

désirabilité des élèves et positivement mais tendanciellement à leur utilité. De ce point de vue,

nos résultats vont donc globalement dans le sens de la théorie de la norme d’internalité. De

plus, la manipulation aléatoire des réponses des élèves fictifs opérée dans cette étude nous

permet de conclure que la relation entre les explications causales et les deux composantes de

la valeur sociale peut être une relation de nature causale, ce que ne nous permettaient pas

jusqu’à présent de conclure les différentes études réalisées. Pourtant, si nos résultats vont bien

dans le sens de la théorie de la norme d’internalité lorsqu’on a recours au score global

d’internalité, un pattern de résultats bien différent semble se dégager dès lors que l’on intègre

les scores de désirabilité et d’utilité calculés à partir de l’observation empirique des relations

entre chaque explication et les deux composantes de la valeur sociale.

En effet, le modèle 2 indique que, de ces deux scores, seul le score de désirabilité des

élèves fictifs prédit significativement le jugement de désirabilité des enseignants à leur

endroit. Inversement, le modèle 2’ indique que seul le score d’utilité des élèves prédit

significativement le jugement d’utilité des enseignants. Ainsi, nous observons que les scores

de désirabilité et d’utilité des élèves fictifs prédisent bien de façon différenciée les jugements

de désirabilité et d’utilité des enseignants. De tels résultats sont, pour nous, d’autant plus

intéressants qu’ils ont été obtenus auprès d’un échantillon totalement indépendant de ceux sur

lesquels nous nous sommes basés pour déterminer les poids respectifs des explications sur les

deux dimensions. Sur cette raison, ils semblent attester de la validité des coefficients reliant

chaque explication avec les deux composantes de la valeur. En fait, les coefficients obtenus à

partir des données des études 8 et 9 semblent être de bons prédicteurs des impressions des

enseignants à l’endroit d’élèves connus, entre autres informations, par leurs réponses au

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

305

questionnaire d’internalité scolaire (version b). Ces résultats semblent également indiquer que

la règle additive de la phase d’intégration du modèle V.I.A. (N. H. Anderson, 2004) semble

avoir permis de rendre compte des opérations cognitives effectuées par les enseignants

puisque ceux-ci semblent avoir décrit les élèves sur la désirabilité et l’utilité à partir de

l’addition des poids respectifs des explications sur ces deux dimensions. Nos résultats

semblent donc bien aller dans le sens du modèle présenté dans la figure 8.1.

Enfin, les modèles 3 et 3’ indiquent que l’effet du score global d’internalité des élèves

n’est plus significatif sur les jugements de désirabilité et d’utilité des enseignants dès lors que

l’on contrôle les scores de désirabilité et d’utilité des élèves fictifs. Seul le score de

désirabilité des élèves reste un prédicteur significatif du jugement de désirabilité.

Inversement, seul le score d’utilité des élèves reste un prédicteur significatif du jugement

d’utilité. De plus, les comparaisons des pouvoirs explicatifs des différents modèles de

régression indiquent sans ambiguïté que les modèles prenant en compte les deux scores de

désirabilité et d’utilité des élèves sont meilleurs que les modèles issus de la théorie de la

norme d’internalité. A s’en tenir à ces résultats, il semble donc que, bien que le modèle

théorique proposé par la théorie de la norme d’internalité soit en mesure de capter les effets de

la valeur des explications causales sur les jugements de désirabilité et d’utilité des enseignants

à l’égard d’élèves fictifs, son pouvoir explicatif s’avère limité et ce, pour au moins deux

raisons. D’une part, étant donné que le score d’internalité prédit à la fois l’utilité et la

désirabilité attribuée, ce modèle s’avère peu discriminant sur ce point : il ne renseigne en rien

sur la spécificité des explications internes telle qu’elle peut être abordée à partir des deux

composantes de la valeur. D’autre part, il s’avère moins explicatif que le modèle prenant en

compte la valeur de chaque explication sur chacune des deux dimensions. Il semble donc

qu’un modèle ayant recours à la valeur spécifique des explications causales soit plus adapté

pour appréhender l’intervention de la valeur sociale de ces explications dans la formation

d’impression.

4. Conclusion

Les résultats issus du retraitement des données des études 8 et 9 ainsi que ceux mis en

évidence dans l’étude 10 révèlent qu’il est possible de mesurer la valeur des explications

causales au niveau des items eux-mêmes. Ces résultats vont également dans le sens de l’idée

que la valeur des explications que l’on pouvait inférer sur la base du critère interne/externe ou

à partir d’une classification plus fine, reposait sur la valeur spécifique de chaque explication

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

306

causale. Il semble donc que les résultats que nous avons obtenus dans les études précédentes,

tant à partir de l’opposition interne/externe que des différentes catégories d’explications, sont

bien le reflet d’un phénomène d’agrégation. Les différents scores créés et leurs effets

apparaissent donc dépendants du contenu des items du questionnaire d’internalité.

Nous l’avons vu, les explications causales présentes dans un questionnaire

d’internalité ne sont pas seulement envisageables en terme de catégories d’explications

spécifiques (e.g. les explications internes, les explications en terme d’effort). Elles véhiculent

également des informations sur les personnes qui les émettent. La distinction entre les deux

composantes de la valeur sociale nous semble permettre de capter, dans une certaine mesure,

ces informations. A partir de la prise en compte de la spécificité des explications sur ces deux

dimensions, nous avons pu mettre en évidence que les élèves pouvaient utiliser cette

spécificité dans le cadre de leurs stratégies d’autoprésentation. S’ils ont surtout mis en avant

des explications sur la base de leur désirabilité, ils ont également utilisé dans une moindre

mesure l’utilité de ces explications. La valeur véhiculée par les explications sur les deux

dimensions a également été utilisée par les enseignants lorsqu’ils ont répondu au nom de

l’élève idéal vs. non idéal. Il semble que, pour eux, la différence entre l’élève idéal et l’élève

non idéal soit principalement le fait de la désirabilité de leurs explications, même s’ils ont

également différencié ces deux profils sur l’utilité. Ces résultats semblent donc indiquer que

les élèves comme les enseignants sont en mesure d’identifier la valeur des explications

causales pour réaliser la tâche demandée. Un constat similaire peut être fait à partir des

résultats de l’étude 10. Dans cette étude, les enseignants semblent avoir basé leurs

descriptions personnologiques des élèves fictifs – au-delà des informations sur leurs

performances aux épreuves standardisées et leurs bilans scolaires – sur leurs réponses au

questionnaire d’internalité. Le fait que les scores de désirabilité des élèves corrèlent avec les

jugements de désirabilité émis à leur endroit tend à indiquer que les enseignants ont bien

utilisé la valeur spécifique des explications pour se faire une impression sur cette dimension.

De même, le fait que les scores d’utilité des élèves corrèlent uniquement avec les jugements

d’utilité indique que les enseignants se sont basés sur la valeur des explications sur cette

dimension pour inférer l’utilité des élèves. De plus, la prise en compte de la valeur spécifique

des explications sur les deux dimensions par l’intermédiaire de ces deux scores permet de

mieux prédire les jugements de désirabilité et d’utilité que ne le permet le recours à la

distinction interne/externe. Ces résultats semblent donc indiquer que les effets de la valeur

sociale des explications causales sur les jugements d’utilité et de désirabilité sont mieux

appréhendés à partir d’un modèle tenant compte de la spécificité de chaque explication plutôt

Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité

307

qu’un modèle différenciant les explications uniquement sur leur orientation interne/externe.

308

Chapitre 9. Conclusion générale

309

CHAPITRE 9

CONCLUSION GENERALE

L’objectif principal de cette thèse portait sur l’étude de la valeur des explications

causales. Nous avons situé nos recherches dans le cadre de la théorie de la norme d’internalité

(Beauvois, 1984a; Beauvois & Dubois, 1988; Dubois, 1994, 2003b), et dans la lignée des

travaux qui ont étudié les variations de valeur au sein du registre interne (Beauvois et al.,

1991; Beauvois & Le Poultier, 1986; Castra, 1998; Clémence et al., 1996; Desrumeaux-

Zagrodnicki & Rainis, 2000; Pansu & Gilibert, 2002). Le lecteur trouvera dans cette thèse des

résultats qui confirment des données antérieures concernant la plus ou moins grande valeur

sociale des explications internes et d’autres qui apportent des extensions nouvelles. Dans ce

dernier chapitre, nous reviendrons, tout d’abord, sur les principaux résultats de nos études et

préciserons en quoi ils permettent d’enrichir la discussion sur la valeur sociale des

explications causales internes dans l’explication des événements et des jugements sociaux.

Enfin, nous clorons cette thèse en soulignant quelques limites à ce travail et tracerons

quelques pistes de recherches futures.

En regard des nombreux résultats présentés, deux points nous semblent

particulièrement intéressants à retenir. Bien que portant sur des problématiques a priori

distinctes, ces points s’articulent tous deux autour d’une même idée : l’intérêt de spécifier les

objets sur lesquels on travaille, tant au niveau de la formulation des hypothèses que de la

mesure des objets eux-mêmes. Cette idée, centrale dans le perspectivisme (McGuire, 1983,

1999, 2004), est, pour nous, de première importance lorsqu’on s’intéresse de plus près à la

valorisation sociale des différentes explications causales. C’est donc dans cette optique que

nous discuterons l’intérêt de spécifier 1) la notion de jugement social, en particulier le type de

jugement social mobilisé lorsqu’on s’intéresse aux effets des explications causales sur ce

dernier et 2) la valeur sociale des explications causales.

Le premier point concerne la notion de jugement social. Préciser les différentes formes

que pouvait prendre le jugement social nous a permis de mieux situer les effets des

Chapitre 9. Conclusion générale

310

explications causales sur ce type de jugement en regard d’autres champs théoriques. C’est

ainsi que nous avons cherché à montrer que la prise en compte de l’aspect multidimensionnel

de la notion de jugement social pouvait permettre d’articuler l’approche sociocognitive de

l’internalité (Beauvois & Dubois, 1988) et l’approche attributionnelle des relations

interpersonnelles (Weiner, 1995). En effet, bien qu’elles semblent étudier une thématique

similaire – les effets des explications causales sur le jugement social – et qu’elles émettent a

priori des hypothèses contradictoires, ces théories n’abordent pas le jugement social à partir

de la même définition. Alors que l’approche sociocognitive de l’internalité s’intéresse au

jugement sur la valeur des personnes (e.g. pronostic de réussite), l’approche attributionnelle

opérationnalise ce jugement sous la forme d’un jugement de sanction (e.g.

récompense/punition, aide). Poser ainsi, une telle différence laisse entrevoir que les jugements

étudiés par ces deux courants théoriques renvoient à deux activités différentes poursuivant des

finalités particulières (sanction dans un cas, prédiction de réussite dans l’autre cas) dans des

situations également particulières (immédiates ou futures). Dès lors, il est fort probable que

chacune de ces approches puisse voir ses hypothèses confirmées par les données, pour peu

que l’on tienne compte de la spécificité de l’activité de jugement mobilisée. Les résultats de

l’étude 2 vont dans ce sens. Par exemple, ils mettent clairement en évidence qu’un élève

attribuant son échec à un manque d’effort occasionnel puisse être jugé favorablement dans un

cas (pronostic de réussite favorable) et défavorablement dans l’autre (sanction sévère). De

fait, la spécification de la notion de jugement social – et sa décomposition en différentes

dimensions – permet de dépasser les antagonismes théoriques de ces deux approches en les

rendant plus complémentaires qu’antinomiques. Se définissant l’une par rapport à l’autre à

partir de leurs limites respectives, l’approche sociocognitive de l’internalité et l’approche

attributionnelle semblent pouvoir s’enrichir mutuellement.

Si l’on admet cette interprétation en terme de différence de jugement social, il nous

faut alors reconnaître qu’elle vaut également lorsqu’on compare les résultats des études du

chapitre 3, en particulier ceux de l’étude 2 (jugement de pronostic), aux études des chapitres

qui suivent (jugement de compétence scolaire et/ou jugement bidimensionnel sur la valeur des

personnes). Rappelons que les résultats de l’étude 2 nous conduisaient à conclure, à partir

d’un jugement de pronostic de réussite future, que les explications en terme d’effort étaient les

plus valorisées du registre interne pour les renforcements et ce, que l’événement considéré

soit positif ou négatif. Pourtant, les résultats des études ultérieures (cf. chapitres 4 et 7)

tendent à indiquer que de telles conclusions ne s’appliquent plus vraiment, ou alors seulement

de façon partielle, lorsqu’on s’intéresse au jugement d’acquisition scolaire et aux jugements

Chapitre 9. Conclusion générale

311

sur les deux composantes de la valeur des personnes. A s’en tenir aux seuls résultats de

l’étude 2, les effets mis en évidence sur ces types de jugement semblent plus proches de ceux

obtenus sur le jugement de compétence que de ceux obtenus sur le jugement de pronostic. Il

semble donc possible de recourir à un jugement sur la valeur des personnes de plusieurs

façons et que l’opérationnalisation de ce jugement peut avoir des conséquences sur les effets

observés. S’ils nous renseignent tous deux sur ce que l’on peut faire avec les gens, le

jugement de pronostic et le jugement de compétence ne semblent pas complètement

assimilables. Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons pas, dans l’état actuel de nos données,

statuer sur les relations qu’entretiennent véritablement ces deux types de jugement. De

nouvelles recherches sont nécessaires pour s’attacher à comprendre la nature de ces relations.

Le second point mis en évidence par nos études concerne plus particulièrement

l’approche sociocognitive de l’internalité et l’étude des fluctuations de valeur au sein du

registre interne. Les résultats des études 3 et 4 (cf. chapitre 4) ont montré, dans l’explication

des renforcements comme dans celle des comportements, que le seul recours au critère

interne/externe pouvait masquer des variations de valeur non négligeables au sein du registre

causal interne. Plus spécifiquement, les études 3 et 4 ont mis en évidence que, si l’utilisation

du critère interne/externe amène à considérer que les effets de l’internalité sont relativement

homogènes au travers des différents paradigmes mobilisés, la prise en compte d’autres critères

de classification – catégoriels et dimensionnels – aboutit à des conclusions bien différentes.

En effet, ces critères additionnels nous ont permis d’observer 1) que toutes les explications

internes ne sont pas porteuses de valeur au même niveau, certaines d’entre elles pouvant

apparaître valorisées, d’autres neutres, et d’autres encore dévalorisées et 2) que la valeur

accordée par les participants aux différentes catégories d’explications peut varier en fonction

du paradigme utilisé. De telles différences seraient la conséquence d’un phénomène

d’agrégation. Si les individus valorisent certaines explications internes plutôt que d’autres, ils

ne valorisent pas les mêmes explications internes en fonction du paradigme dans lequel ils se

trouvent. Prises dans leur ensemble, ces différentes études indiquent que l’existence d’une

hétérogénéité de valeur au sein des deux registres causaux semble être une constante que l’on

retrouve dès lors qu’on dépasse la seule distinction interne/externe. Un tel constat nous

semble d’autant plus fondé que cette hétérogénéité se retrouve sur les deux composantes de la

valeur sociale. Les études 8 et 9 (cf. chapitre 7) ont mis en évidence, d’une part, que les

différentes catégories d’explications manipulées possédaient une valeur spécifique sur l’utilité

et la désirabilité et, d’autre part, que les fluctuations de valeur de ces catégories observées

Chapitre 9. Conclusion générale

312

entre les différents paradigmes mobilisés dans l’étude 4 pouvaient être attribuables à leur

ancrage respectif dans l’une de ces deux composantes de la valeur. Eu égard à ces remarques,

le lecteur serait en droit de se demander quelle position tenir à l’endroit de la théorie de la

norme d’internalité. La réponse à cette question est étroitement liée à la lecture que l’on veut

bien faire de la définition proposée par Beauvois et Dubois (1988). La norme d’internalité

porte sur la valorisation sociale des explications internes et en ce sens elle est l’expression

d’une tendance moyenne de la pensée sociale à valoriser certaines explications plutôt que

d’autres. Aussi, peut-il y avoir des cas où une explication interne ne soit tout simplement pas

plus, voire moins valorisée qu’une autre explication (quand bien même cette dernière serait

externe). Ainsi, cette tendance moyenne, de laquelle peuvent s’écarter dans l’absolu certaines

explications internes, satisferait les idéaux des sociétés démocratiques et individualistes.

Néanmoins, si la norme d’internalité traduit un phénomène moyen, il reste qu’à

l’instar d’autres travaux (Beauvois et al., 1991; Beauvois & Le Poultier, 1986; Castra, 1998;

Desrumeaux-Zagrodnicki & Rainis, 2000; Pansu, 1994, 2006; Pansu & Gilibert, 2002), nous

avons observé que certaines catégories d’explications internes étaient plus valorisées que

d’autres et ce, pour expliquer les renforcements comme les comportements. Ceci est

particulièrement vrai pour les explications qui font appel à l’effort individuel en matière de

renforcement négatif. Indépendamment du paradigme employé ou de la dimension de la

valeur étudiée, ce type d’explications apparaît systématiquement porteur d’un maximum de

valeur sociale (cf. études 1a, 1b, 2, 3, 4, 8, 9). Aussi, à suivre nos premiers résultats, il

semblerait que le recours à l’effort pour expliquer un échec (ou plutôt au manque d’effort) soit

socialement valorisé, les personnes mettant en avant de telles explications étant préférées à

d’autres. Pourtant, face à l’inconsistance de certains de nos résultats, d’un événement à l’autre

(positif vs. négatif, comportement vs. renforcement), d’un paradigme à l’autre, nous avons

préféré, plutôt que de persister dans cette voie, aborder la question de la valeur des différentes

explications sous un angle différent, en étudiant les liens entre les explications causales et les

dimensions de la valeur sociale (utilité et désirabilité). Nos résultats sur ce point (cf. études 3,

4, 8, 9), nous conduisent à penser que la question de la valeur des catégories d’explications

n’a véritablement de sens que si l’on tient compte de la dimension de la valeur étudiée

(Beauvois, 1995; Dubois & Beauvois, 2001). En effet, nous avons observé que la valeur de

ces catégories est susceptible de varier selon la dimension de jugement considérée.

En matière de comportements, la distinction entre les deux composantes de la valeur

nous a permis d’énoncer quelques hypothèses sur l’origine des divergences de résultats

observées dans la littérature. Comme l’ont montré les études 8 et 9, alors que les explications

Chapitre 9. Conclusion générale

313

en terme d’intention semblent être désirables et ce, que les événements expliqués soient

positifs ou négatifs, la valeur des explications en terme de trait sur cette dimension semble

dépendre de la valence des événements : désirables pour les comportements positifs et

indésirables pour les comportements négatifs. Un tel pattern de résultats ne se retrouve pas sur

l’utilité puisque les explications en terme de trait sont utiles indépendamment de la valence

des événements, contrairement aux explications en terme d’intention qui sont plutôt neutres

sur cette dimension. De telles variations de valeur sur la désirabilité et l’utilité pourraient

permettre d’expliquer les divergences de résultats observées dans la littérature. Ainsi, alors

que dans les études qui attestent de la valeur supérieure des explications en terme de trait, les

participants auraient répondu à partir de l’utilité des explications (Beauvois et al., 1991;

Beauvois & Le Poultier, 1986; Pansu & Gilibert, 2002), ils auraient davantage répondu sur la

base de leur désirabilité dans les travaux attestant de la valeur supérieure des explications en

terme d’intention (Castra, 1998; Desrumeaux-Zagrodnicki & Rainis, 2000). Pour peu qu’elle

s’avère pertinente, une telle interprétation irait dans le sens des présupposés de Beauvois

concernant l’utilité sociale des traits de personnalité. Si elles ne sont pas désirables

lorsqu’elles rendent compte des comportements négatifs, les explications personnologiques

seraient néanmoins porteuses d’utilité.

En matière de renforcements, la distinction entre désirabilité et utilité nous a

également permis d’aller plus en avant dans la compréhension de la valeur des différentes

catégories d’explications internes. A partir des quelques travaux existants sur le sujet (Pansu

& Gilibert, 2002), nous avions initialement émis l’hypothèse selon laquelle les explications en

terme d’effort devaient être les plus valorisées du registre interne et ce, indépendamment de la

valence des événements. Si certains de nos résultats vont dans le sens de cette hypothèse

(études 1a, 1b, et 2), d’autres (études 3, 4, 8 et 9) nous incitent à envisager la question de la

valeur des explications en terme d’effort sous un angle différent. Rappelons que si de telles

explications sont porteuses à la fois d’utilité et de désirabilité lorsqu’il s’agit d’expliquer un

échec, elles sont uniquement porteuses de désirabilité lorsqu’il s’agit de réussite. Ces

explications relèveraient en quelque sorte d’une double logique. D’une part, lorsqu’elles sont

mobilisées à la suite d’un échec, elles laisseraient entendre que la personne (e.g. un élève)

peut exercer un contrôle sur sa mauvaise performance et être en mesure de la modifier à

l’avenir106. D’autre part, mobilisées à la suite d’une réussite, les explications en terme d’effort

106 Le fait que les explications en terme d’habileté pour ce type d’événements apparaissent plutôt comme dévalorisées sur l’utilité semble aller dans le même sens. Lorsque les individus pensent que leurs échecs sont la

Chapitre 9. Conclusion générale

314

seraient la marque des élèves « gentils » et qui se conforment à ce que l’on attend d’eux dans

le système scolaire. Cela n’est guère surprenant si l’on considère que faire des efforts pour

atteindre la performance est une idée fortement ancrée dans l’éthique du travail (Weiner,

1995). Mais, à suivre nos données, si faire des efforts permet de se faire apprécier des

enseignants, ceux-ci tendent à penser que cela n’est pas forcément caractéristique des

personnes qui réussissent. Les résultats des études 8 et 9 et l’analyse du contenu des

représentations des enseignants sur les deux dimensions de la valeur (cf. chapitre 8) révèlent

que ces derniers pensent que les élèves utiles mobilisent préférentiellement des explications

en terme d’habileté pour expliquer leurs réussites. Cela tend à indiquer que les croyances des

enseignants en matière de réussite scolaire sont fortement guidées par « l’idéologie du don »

(Bourdieu & Passeron, 1964; Croizet & Neuville, 2004; Mugny & Carugati, 1985) en ce sens

que la réussite est intrinsèquement liée aux propriétés stables des personnes. Une telle

constatation n’est pas sans rappeler certains présupposés de la théorie de la norme

d’internalité, notamment ceux concernant l’origine de la valeur des explications internes.

Rappelons que d’après Beauvois (1994), « l’utilité des explications internes tient à

l’assimilation de la connaissance personnologique a) de l’évaluation des personnes (ce

qu’elles valent, leur utilité) et b) du diagnostique psychologique concernant ces personnes (ce

qu’elles sont en tant qu’hommes et femmes) » (p.60). En ce sens, les explications en terme

d’habileté seraient socialement utiles parce qu’elles sont le résultat de la naturalisation de la

performance par l’individu. Si cette thèse plaide en faveur d’un dépassement de la distinction

interne/externe dans l’étude de la valeur sociale des explications causales, les résultats

obtenus ne sont pas sans renforcer certains des présupposés fondamentaux qui ont guidé les

tenants de la norme d’internalité. Ainsi, la valeur des différentes explications sur l’utilité

pourrait dépendre de leur capacité à permettre aux évaluateurs d’accéder à une connaissance

sur les propriétés stables des individus, pour in fine, leur permettre d’évaluer et de distribuer

les renforcements sociaux.

Enfin, si l’usage des deux registres de la valeur des personnes – la désirabilité et

l’utilité – permet de mieux appréhender la spécificité des catégories d’explications internes,

elle a également permis de mettre en évidence que la valeur sociale des explications causales

pouvait être mesurée au niveau le plus désagrégé, à savoir celui des explications elles-mêmes

(cf. chapitre 7 et 8). Les quelques résultats présentés dans le chapitre 8 montrent qu’il est

possible, à partir des deux composantes de la valeur des personnes, de mesurer la valeur

conséquence de leur manque d’habileté, ils indiquent que l’échec a de fortes chances de se reproduire dans l’avenir.

Chapitre 9. Conclusion générale

315

sociale spécifique de chaque explication. Cela nous a été suggéré après avoir noté que le

recours à une classification plus fine ne semblait guère modifier le problème lié à l’agrégation

des données, la valeur des catégories pouvant, elle aussi, apparaître comme le reflet de la

valeur des explications qui les composent. Les données présentées dans le chapitre 8 montrent

l’intérêt qu’il peut y avoir à considérer la valeur des explications causales item par item

puisque chaque explication semble disposer d’une valeur relativement stable sur la désirabilité

et l’utilité. Elles révèlent aussi et surtout la possibilité de fluctuations de valeur au sein des

catégories d’explications elles-mêmes (e.g. internes/instables en terme d’effort,

internes/stables en terme d’habileté) : toutes les explications d’une même catégorie ne

disposent pas de la même valeur sociale. Dès lors, même si le recours à une classification plus

fine des explications causales permet de mieux appréhender la variabilité de la valeur de ces

explications, cela conduit à réduire les informations à une catégorie et à perdre de

l’information sur la valeur de chacune des explications. Procéder de la sorte nous a donc

permis de montrer que les scores de chaque explication sur les deux dimensions de la valeur

des personnes pouvaient permettre 1) d’appréhender plus finement les stratégies de réponses

utilisées par les participants – élèves en autoprésentation et enseignants en identification et 2)

de mieux prédire les jugements de désirabilité et d’utilité d’enseignants à l’égard des élèves

que ne permet le recours au seul critère interne/externe (étude 10). Appréhender ainsi la

valeur des explications causales présente, selon nous, un double intérêt. D’une part, cette

approche permet de mettre en évidence que la valeur sociale des catégories supra ordonnées

repose essentiellement sur la valeur des explications qui composent ces catégories D’autre

part, elle inverse la logique en vigueur jusqu’à présent dans les travaux sur la norme

d’internalité. Il s’agit donc là, non plus de chercher à connaître la valeur de certains types

d’explications causales (e.g. explications internes, explications en terme d’effort) mais plutôt

de chercher à déterminer la valeur véhiculée par ces explications à partir de leur capacité à

discriminer les personnes. De ce point de vue, les explications causales ne sont plus seulement

envisagées comme des exemplaires de catégories explicatives mais comme des unités

véhiculant une signification particulière et non réductible à une appellation catégorielle.

Ainsi, à suivre ces quelques remarques, il semble que la problématique de la valeur

des explications causales soit abordable à partir de trois niveaux distincts : le critère

interne/externe, les catégories d’explications et les explications elles-mêmes. Plutôt que de

chercher à déterminer lequel de ces niveaux est le plus adapté pour rendre compte de la valeur

des explications, nous pensons qu’il est plus heuristique de s’intéresser aux avantages et aux

limites de chacun d’entre eux. En effet, aborder les explications à partir du seul critère

Chapitre 9. Conclusion générale

316

interne/externe permet de rendre compte d’une tendance moyenne de la pensée sociale à un

niveau très général. Ce critère permet de mettre en évidence la tendance des membres des

sociétés occidentales et individualistes à préférer et à se diriger vers un certain mode

d’inférence causale : l’internalité. Un des points faibles de cette approche réside probablement

dans sa trop grande généralité qui peut faire courir le risque d’agréger des phénomènes

relevant de logiques potentiellement distinctes dans un même ensemble. Sur ce point, une

classification plus fine des explications causales nous semble particulièrement adaptée pour

mettre en évidence les spécificités de valeur des différentes catégories d’explications au sein

des registres interne et externe. Cette approche dispose d’une capacité heuristique plus

importante et permet des prédictions plus précises que ne le permet la seule distinction

interne/externe. Cette plus grande précision nous semble d’ailleurs à même d’augmenter la

capacité du modèle à être appliqué dans des situations réelles. Par exemple, dans les ateliers

de formation à la clairvoyance normative (Pansu, Py, & Somat, 2003), l’utilisation stratégique

de la valeur spécifique des catégories d’explications causales permet d’apprendre à des

personnes à faire face à des situations d’évaluations de manière efficace (e.g. en leur

apprenant à jouer des explications en terme d’effort pour expliquer des renforcements

négatifs). Néanmoins, bien que plus informatif, ce niveau de classification n’épuise pas toute

l’information sur la valeur sociale présente dans chacune des explications. Pour pallier ce

problème, il nous faut recourir à un niveau plus désagrégé en étudiant la valeur de chaque

explication. Celui-ci permet d’étudier, au plus près des items, la manière dont les individus

utilisent cette valeur pour 1) produire une image de soi à autrui (paradigme

d’autoprésentation), 2) répondre au nom de quelqu’un d’autre (paradigme de l’identification),

3) émettre un jugement sur une personne donné (paradigme des juges). Mais, parce qu’elle

étudie les explications pour elles-mêmes et non en tant qu’exemplaires d’une catégorie

donnée, la principale limite de cette approche est sa très faible capacité à permettre de

généraliser les résultats obtenus à d’autres explications que celles présentes dans le

questionnaire.

Pris dans leur ensemble, ces commentaires semblent donc indiquer, qu’en matière

d’étude de la valeur sociale des explications causales, le choix du niveau d’agrégation des

explications repose essentiellement sur les objectifs théoriques du chercheur. En fonction de

ses intérêts théoriques, celui-ci peut être amené à privilégier une approche plutôt qu’une autre.

Mais si ces objectifs guident la façon dont vont être abordées les explications causales, ils ont

également pour conséquence de limiter les conclusions émises à la suite des recherches

menées.

Chapitre 9. Conclusion générale

317

Limites et ouvertures

Si les résultats présentés dans ce travail de thèse apportent quelques éléments

empiriques à la question de l’étude des variations de valeur des explications causales, ils n’en

demeurent pas moins limités sur plusieurs points.

La première limite de ces travaux concerne la centration de nos études dans le milieu

académique (scolaire et universitaire). En effet, si travailler sur un type de population présente

de nombreux intérêts, cela a également pour conséquence de limiter la généralité des résultats.

Il ne peut en effet être exclu que certaines de nos conclusions ne soient valables que dans le

contexte éducatif. En regard des variations de valeur observées en fonction des paradigmes

dans les études 3 et 4, on peut être en droit de se demander si le dépassement du seul critère

interne/externe dans l’étude de la valeur des explications ne permettrait pas de mettre à jour

des variations de valeur jusqu’alors invisibles en fonction du milieu étudié (scolaire vs.

professionnel). Par exemple, on peut s’interroger sur le statut des explications en terme

d’effort dans le milieu de l’entreprise : sont-elles, comme dans le milieu éducatif, désirables et

neutres sur l’utilité lorsqu’il s’agit d’expliquer des réussites ?

La deuxième limite de nos travaux est liée au format de réponse du questionnaire

d’internalité utilisé dans les études 3, 4, 8, 9 et 10. Rappelons que, dans ce questionnaire à

choix forcé, les participants devaient choisir une et une seule explication pour chaque

événement proposé. Or, l’utilisation d’un tel format n’est pas sans conséquences sur les

résultats obtenus puisqu’il produit des corrélations artificielles négatives entre les explications

d’une même saynète : plus une explication est choisie, moins les autres le sont (voir à ce

propos Greer & Dunlap, 1997). La valeur des explications causales mesurée à partir de ce

questionnaire est donc une valeur relative qui dépend inévitablement de la valeur des autres

explications concurrentes.

La troisième limite concerne la procédure mise en place pour construire notre

questionnaire d’internalité. Au regard des résultats obtenus dans les différentes études, il

apparaît que les conclusions que l’on peut tirer à partir de l’utilisation d’un questionnaire

d’internalité semblent fortement dépendantes des items qui composent ce questionnaire. De ce

point de vue, les effets mis en évidence par le score global d’internalité semblent être le

résultat de l’agrégation des effets des explications internes impliquées dans son calcul.

Cependant, la pertinence de ce score repose sur un postulat méthodologique implicite : s’il a

effectivement vocation à rendre compte de la valorisation moyenne des explications causales

internes, il se doit d’être représentatif de l’ensemble des explications internes. En fait, le

problème que nous soulevons n’est pas spécifique à notre matériel, il est valable pour tout

Chapitre 9. Conclusion générale

318

questionnaire d’internalité et pose une question importante : celle de leur validité de contenu.

Or, d’après Cronbach et Meehl (1955) « la validité de contenu est établie en montrant que les

items du test sont un échantillon d’un univers pour lequel l’investigateur est intéressé. La

validité de contenu est ordinairement établie déductivement, en définissant un univers d’items

et en échantillonnant systématiquement à l’intérieur de cet univers pour établir le test »

(p.282). L’idée que les items doivent être échantillonnés au sein de l’univers des items

concernés nous semble être un point essentiel dans le processus de création d’un questionnaire

d’internalité. La notion d’échantillonnage regroupe globalement deux classes de méthodes

(Visser, Krosnick, & Lavrakas, 2000). La première, l’échantillonnage aléatoire, consiste à

sélectionner aléatoirement les observations au sein d’un ensemble donné, chaque élément

ayant par conséquent une probabilité non nulle d’être sélectionné. La seconde classe de

méthodes, l’échantillonnage non aléatoire, renvoie à la sélection arbitraire d’observations au

sein d’un ensemble, basée le plus souvent sur des critères théoriques ou pratiques. De ces

deux catégories de méthodes, la plus avantageuse – mais bien souvent la plus difficile à

mettre en œuvre – est l’échantillonnage aléatoire qui seul permet, à notre connaissance, de

pouvoir généraliser à d’autres observations que celles sélectionnées dans l’échantillon. Si ces

remarques s’appliquent aux études ayant recours au seul critère interne/externe, elles

s’appliquent également à une approche plus fine de la valeur des explications causales. Cette

approche a pour conséquence d’augmenter le problème de la représentativité des explications

causales puisque le nombre d’explications par catégorie diminue107. Pour ces raisons, il nous

est difficile de déterminer dans quelle mesure nos résultats peuvent être généralisés à d’autres

explications que celles utilisées dans notre matériel. Pour pallier ce problème de

représentativité, nous proposons de recourir à plusieurs mesures organisées en trois phases

successives. La première – la phase de production – serait similaire à la méthode utilisée par

Jouffre (2003) et consisterait à demander à des personnes issues de la population à étudier

(e.g. étudiants, élèves) d’émettre des explications causales pour expliquer des événements

donnés. La deuxième phase – la phase d’évaluation – consisterait à demander à d’autres

personnes issues de la même population d’évaluer 1) les propriétés des explications produites

en fonction des critères de classification choisis (e.g. interne, externe, effort, trait, intention)

ainsi que 2) leur plausibilité108 (Jouffre, 2003a; Le Floch & Somat, 2003). Cette phase

107 Rappelons que, dans le cas de notre questionnaire d’internalité, chacune des 16 catégories d’explications n’est constituée que de trois explications seulement. 108 D’après Beauvois et Ghiglione (1981, p.152, cités par Le Floch & Somat, 2003), « une phrase plausible est une phrase que l’on n’est pas étonné d’entendre, qui est naturellement dite par quiconque quelle que soit la situation ».

Chapitre 9. Conclusion générale

319

permettrait, d’une part, de s’assurer que les explications ont bien les propriétés supposées par

le chercheur et, d’autre part, de limiter l’univers des explications à celles susceptibles d’être

produites par les individus, en l’occurrence les explications plausibles. Enfin, la troisième

phase – la phase de sélection – consisterait, pour chaque saynète, à échantillonner

aléatoirement les explications au sein de l’univers d’explications qui intéresse le chercheur

(e.g. les explications internes, les explications externes, les explications en terme d’effort).

L’utilisation de ces trois phases dans la création d’un questionnaire d’internalité nous semble

en mesure a minima de garantir que les explications proposées sont bien représentatives de

l’univers d’items qu’elles sont censées représenter. Une telle procédure devrait permettre de

statuer sur la valeur de la catégorie d’explications causales étudiée à partir des explications

proposées aux participants. Elle devrait également permettre de pallier le problème évoqué en

conclusion du chapitre 7 concernant les conséquences de l’inclusion dans les questionnaires

d’internalité de certaines catégories d’explications internes plutôt que d’autres. A partir de

cette procédure, la sélection des items ne dépend plus essentiellement des choix

expérimentaux du chercheur puisqu’elle repose, d’une part, sur les explications fournies par

les individus et de la définition qu’ils en donnent et d’autre part, sur un échantillonnage

aléatoire.

Les recherches ultérieures auront donc pour objectif de dépasser ces limites. Mais,

plus encore, elles pourraient nous permettre de mieux comprendre les mécanismes qui sous-

tendent les phénomènes étudiés.

A partir de notre parcours de recherche, nous avons pu apprécier l’intérêt de l’un des

principes fondamentaux de l’approche perspectiviste de McGuire (1983; 1999) : la

confrontation empirique dans la création des hypothèses théoriques. Cette confrontation aux

données nous a amené à revoir nos hypothèses initiales et à en émettre de nouvelles dont nous

avons pu éprouver la pertinence et les limites. Tout en reposant sur les acquis des recherches

passées, ce travail de thèse, nous l’espérons, aura participé au développement de la question

sur la valeur sociale des explications causales.

320

321

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INDEX DES AUTEURS

A Aarts, 69 Abdelaoui, 13, 77 Abrams, 69 Abramson, 16, 27, 37, 48 Aiken, 142 Ajzen, 55, 58, 69 Albrecht, 35 Alfieri, 192 Allport, 190 Allred, 47 Altmaier, 56 Altman, 56 Amabile, 61 Amirkhan, 49 Anderson, 20, 22, 26, 34, 38, 40, 44, 55, 56, 59, 60, 93,

136, 203, 231, 295, 297, 305 Anderson-Gough, 93 Arkin, 30, 79 Arnoult, 38 Artiles, 46 Ashmore, 14 Atkinson, 22, 23, 29 Augoustinos, 74 Austin, 136 Averill, 44 Aymard, 1

B Baars, 9, 22, 191 Bailey, 38 Baltes, 72 Balzer, 136 Banaji, 98 Bargh, 53, 193 Baron, 199, 260 Barron, 208 Bassili, 192 Baumgardner, 100 Beauvois, 1, 3, 4, 15, 20, 52, 54, 66, 67, 68, 70, 71, 75,

77, 78, 80, 81, 83, 85, 86, 87, 91, 92, 95, 97, 99, 102, 104, 122, 125, 131, 136, 144, 146, 152, 154, 156, 171, 182, 189, 190, 195, 196, 197, 199, 200, 201, 203, 204, 205, 206, 209, 213, 221, 237, 238, 241, 251, 269, 270, 275, 278, 309, 310, 312, 313, 314, 318

Beckman, 55 Benassi, 63 Benet-Martinez, 74, 218, 226 Bentler, 136 Benzécri, 216, 292 Berkowitz, 45, 69

Berndt, 43 Bertone, 75, 86, 104, 125 Betancourt, 45 Bigot, 14 Bilsky, 70 Black, 136 Blair, 45 Blatier, 16, 64 Bolger, 231, 260, 268 Bollen, 270 Bonnet, 136 Bosker, 231 Boudens, 47 Boudon, 73 Bourdieu, 314 Bourjade, 1, 91 Bown, 69 Boyes-Braem, 191 Bradley, 30, 38, 48, 54, 55, 56, 79 Brauer, 260 Bressoux, 1, 3, 22, 77, 81, 82, 93, 94, 102, 108, 124, 130,

134, 136, 146, 231, 270 Brewer, 193 Briggs, 47 Brown, 54, 64, 208 Bruchon-Schweitzer, 13, 56 Bruner, 203 Brunswik, 198 Buss, 21, 26 Butera, 208 Byrne, 231, 232

C Cacioppo, 49 Cambon, 3, 75, 76, 77, 79, 85, 146, 156, 158, 204, 206,

207, 209, 213, 221, 241, 251, 295 Campbell, 218 Caprara, 44 Carugati, 314 Castra, 1, 81, 87, 91, 122, 154, 276, 309, 312, 313 Channouf, 85, 209 Chiu, 71 Choi, 2, 65, 71, 194 Chou, 136 Christensen, 69 Christou, 46 Chwalisz, 56 Cialdini, 69, 71 Cihangir, 69 Clark, 46, 226 Clémence, 1, 16, 88, 94, 309 Cobb, 44 Cohen, 251 Coladarci, 136

350

Collins, 14, 199 Comby, 207 Cook, 26 Coon, 65 Cooper, 13, 16, 136 Corneille, 193 Cornelissen, 204 Corroyer, 105 Cortina, 227 Courgeau, 231 Cousins, 65 Cousson, 56 Coustère, 231 Covington, 51 Crandall, 69 Croizet, 314 Cronbach, 74, 135, 165, 203, 226, 227, 286, 318 Cuddy, 102 Cunniff, 65 Curie, 72 Cutrona, 38

D Darnon, 208 Davis, 16, 53, 191 Deci, 14 Dell-Dolan, 22, 40 Delmas, 75, 208 Dépret, 54 Deschamps, 16, 21, 26 Desrumeaux, 1, 81, 88, 91, 122, 154, 276, 309, 312, 313 Desrumeaux-Zagrodnicki, 1, 81, 88, 91, 122, 154, 276,

309, 312, 313 Devos, 204, 207 Devos-Comby, 204, 207 Dijker, 45 Dijksterhuis, 69 Dill, 194 Dobles, 74 Doise, 40, 72 Dompnier, 22, 80, 102, 136, 190, 208, 270 Doubleday, 44 Drown, 42 Dubois, 1, 3, 4, 10, 13, 14, 15, 26, 52, 54, 60, 67, 68, 69,

70, 71, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 82, 83, 84, 85, 86, 97, 102, 104, 108, 118, 122, 125, 136, 146, 152, 155, 181, 182, 189, 190, 196, 197, 199, 200, 203, 204, 205, 206, 208, 213, 221, 237, 238, 241, 251, 269, 270, 278, 295, 309, 310, 312

Duff, 194 Duncan, 34 Dunlap, 317 Durkheim, 69 Duru-Bellat, 136, 231 Dusek, 136 Dwyer, 260

E Edge, 56 Elig, 25 Elliot, 208 Eshleman, 69 Etzioni, 201

F Fabrigar, 225, 231 Famose, 54 Fazio, 16 Figueroa-Muños, 48 Filisetti, 54 Fincham, 42 Findley, 13 Fishbein, 55, 58 Fiske, 102, 204, 218 Fleiss, 232 Floyd, 225, 231 Folkes, 48 Forsyth, 31 Foster, 74 Frick, 243 Frieze, 25, 26, 32, 33, 38 Furnham, 13, 64

G Gaunt, 192 Gawronski, 193 Gelfand, 66 Georgiou, 46 Gerbing, 231 Gergen, 98, 99 Ghiglione, 318 Gibson, 189, 197, 198, 199, 200 Gilbert, 15, 16, 61, 62, 189, 191, 192, 193 Gilibert, 1, 3, 75, 76, 77, 79, 81, 84, 89, 90, 92, 94, 95,

101, 108, 117, 121, 131, 146, 153, 158, 183, 184, 209, 276, 295, 309, 312, 313

Ginet, 85, 136, 147 Glick, 102 Goldberg, 197 Goldstein, 38 Gosling, 46 Graham, 10, 22, 23, 44, 45, 49, 51, 231 Gray, 191 Green, 1, 66, 75, 76, 77, 78, 136 Greenberg, 53, 55 Greenwald, 100 Greer, 317 Gregory, 15 Greitemeyer, 44 Griffin, 63 Gross, 31 Guarino, 44 Guingouain, 85, 136, 194 Guthrie, 231

H Hair, 136, 216, 224, 225, 231, 292 Hammond, 198 Hampson, 197 Hancock, 132 Hankin, 48 Hansen, 53 Harackiewicz, 208 Harmon-Jones, 45 Harris, 61 Harvey, 21, 26 Hayes, 260 Heckhausen, 26, 38

351

Heider, 2, 9, 15, 16, 17, 19, 20, 23, 25, 51, 53, 55, 60, 62, 97, 189, 190, 191

Henderson, 44 Henson, 69 Hewstone, 16, 40, 191 Higgins, 48, 53, 192, 193 Hill, 136 Hoffman, 260 Hofstede, 64, 69, 70 Hoge, 136 Holahan, 136 Hon, 65 Hox, 231 Huberty, 224 Hudley, 44 Hyde, 48

I Ibanez, 74 Ickes, 38, 45 Im, 13

J James, 102, 198 James-Hawkins, 102 Jaspard, 191 Jaspers, 42 Jaworski, 205 Jellison, 1, 66, 75, 76, 77, 78, 136 Jenkins, 57 Jennings, 38 Ji, 66 John, 74, 197, 218, 226 Johnson, 191 Jones, 16, 19, 38, 53, 61, 191 Jordan, 136 Jöreskog, 136, 231 Joseph, 136 Jost, 98, 99 Jouffre, 1, 13, 74, 75, 77, 84, 85, 108, 117, 122, 125, 318 Joule, 241 Judd, 102, 141, 204, 260, 270 Juvonen, 44, 46, 50, 97

K Kahneman, 53 Kakihara, 48 Kalechstein, 13 Kallgren, 69 Kashima, 102 Kashy, 231, 232 Kelley, 2, 15, 16, 27, 28, 34, 38, 49, 53, 56, 191 Kemmelmeier, 65 Kenny, 136, 231, 232, 260 Keppel, 105 Kidd, 45 Kim, 203, 221 Kitayama, 64 Kline, 136, 231 Klockars, 132 Kluger, 49, 243 Koomen, 45 Kowalsky, 48 Krantz, 26, 34, 36, 37, 38, 126

Krebs, 69 Krosnick, 318 Kruglanski, 21, 26, 99 Krull, 20, 193, 194 Kukla, 46, 97, 98 Kunda, 53, 55, 59

L Lane, 74 Langer, 2, 54, 63 Lavigne, 204 Lavrakas, 318 Layden, 38 Lazarus, 201 Le Barbenchon, 204, 206, 207, 208, 213, 215, 218, 219,

221, 237 Le Floch, 85, 318 Le Manio, 194 Le Poultier, 1, 72, 77, 78, 80, 83, 87, 91, 92, 95, 97, 104,

122, 131, 144, 153, 154, 171, 197, 209, 275, 309, 312, 313

Leary, 48 Lefcourt, 2, 10, 63 Legrand, 9, 22, 191 Lehman, 71 Leippe, 100 Lenel, 35 Leonesoi, 82 Leonova, 189, 194, 198, 199 Lerman, 24 Leroy-Audouin, 231 Lewin, 17 Lewis, 136 Leyens, 189, 195, 203 Li, 44 Liberman, 53, 192 Little, 72 Lockwood, 260 Loose, 14, 73 Louche, 81, 93 Luminet, 77, 81

M Maas, 231 MacCallum, 136, 225 MacKinnon, 260 Magnusson, 45 Maier, 63 Malone, 61, 193 Mangard, 16, 209 Manifold, 66, 77 Mantler, 42 Markus, 64 Marques, 69 Martin, 14, 82, 201 Martinez-Taboada, 69 Masclet, 81 Matteucci, 14, 46 Matz, 69 McArthur, 199 McAuley, 25, 31, 34, 35, 36, 38, 44, 126 McClelland, 141 McFarland, 30 McGillis, 191 McGraw, 232

352

McGuire, 3, 98, 99, 100, 101, 113, 119, 309, 319 McMillan, 31 Medsker, 136 Meehl, 74, 226, 318 Menec, 45 Mervis, 191 Messick, 74, 226 Meyer, 26, 28, 34 Mezière, 82 Mezulis, 48, 54 Michaels, 22, 29 Michela, 2, 15, 27, 28, 34 Mignon, 197, 199 Milhabet, 208 Miller, 35, 38, 47, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 65, 69, 72, 79 Mingat, 136 Mira, 197 Misovich, 199 Mohamed, 93 Mollaret, 190, 197, 199 Monteil, 136, 197 Morris, 65, 72 Moscovici, 99 Moskowitz, 65, 193 Mugny, 314 Mulaik, 136 Muller, 260, 270 Murdock, 46, 51, 97 Muthén, 232

N Nakayama, 16, 189, 197, 198 Nelson, 203 Nesdale, 44 Neuville, 314 Newman, 65, 72, 193, 194 Nierenberg, 38 Nisbett, 2, 17, 38, 61, 62, 65, 66, 136, 194 Norenzayan, 2, 65, 194 Nowicki, 13 Nuissier, 56

O Odbert, 190 Oettingen, 72 Omelich, 51 Opp, 71 Osborne, 193 Osgood, 190, 202, 204, 207, 282 Osterkamp, 74 Oyserman, 65, 71

P Paez, 69 Page, 42 Panaoura, 46 Pandelaere, 204 Pansu, 1, 3, 13, 22, 75, 77, 79, 81, 82, 86, 89, 90, 91, 92,

94, 95, 97, 101, 102, 108, 117, 121, 124, 125, 130, 131, 134, 136, 146, 153, 183, 184, 201, 205, 231, 252, 270, 276, 309, 312, 313, 316

Papet, 81 Passer, 27, 34, 125, 314 Passeron, 314

Pastorelli, 44 Paulhan, 56 Peeters, 190, 201, 203, 204, 206, 238 Pelham, 193 Peng, 2, 65, 66, 72 Peplau, 28, 34 Perry, 45 Pervin, 190 Peter, 51 Peterson, 16, 37, 63, 227 Pichot, 1, 14, 125 Pincus, 190 Pintrich, 208 Poignet, 81 Popper, 100 Postmes, 69 Pratkanis, 100 Preacher, 260 Prentice, 98 Presson, 63 Py, 75, 77, 79, 85, 136, 137, 147, 316 Pyszczynski, 53, 55

Q Quattrone, 61, 189, 192, 193 Quintard, 56

R Rabe-Hesketh, 231 Rainis, 1, 88, 91, 122, 154, 276, 309, 312, 313 Ramey, 13 Rascle, 13, 56 Read, 38, 53 Reeder, 193 Reisenzein, 44, 45 Reno, 69 Revelle, 22, 29 Reyna, 44 Rhee, 193 Richer, 35 Robert, 194, 196, 197 Roesch, 44 Rohan, 70 Roman, 65, 193 Rosch, 190 Rose, 35 Rosenberg, 203, 221, 238 Rosenthal, 243 Ross, 2, 14, 20, 26, 30, 38, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 61, 62,

79 Rothgerber, 69 Rotter, 2, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 22, 23, 64, 67 Rouanet, 105 Roumagnac, 1 Rubin, 243 Rude, 26, 34, 36, 37, 38, 126 Rudolph, 44, 45 Rule, 44 Russel, 24, 25, 31, 34, 35, 36, 38, 44, 56, 126, 225, 231 Ryan, 14

S Sampson, 73 Sappington, 43

353

Schachter, 23 Schadron, 203 Schaller, 71 Schellenberg, 42 Schmidt, 45 Schneider, 82, 190, 203, 221 Scholl, 16 Schwartz, 70 Sears, 121 Sedikides, 203 Sedlak, 204, 221 Seligman, 16, 27, 37, 63 Selleri, 14 Senemeaud, 209 Serlin, 20 Shaver, 42 Sheets, 260 Sherwood, 56 Shrout, 232, 260, 268 Siegel, 127, 145 Silvester, 93, 94, 97 Simmel, 16, 97 Simon, 208 Singer, 23 Skinner, 56 Skrondal, 231 Slusher, 60 Smith, 136, 191 Snijders, 231 Snyder, 48 So, 30 Sobel, 262, 265, 266, 267, 268, 269, 270 Somat, 75, 77, 79, 85, 104, 136, 137, 147, 316, 318 Spears, 69 Spector, 13 Spence, 46 Spicer, 35 Spratt, 51 Srull, 191 Stavrinides, 46 Steele, 13, 64 Steinmetz, 61 Sterckeman, 81 Stern, 66, 77 Stetsenko, 72 Stewart, 198 Stipek, 44 Strahan, 225 Stratton, 26, 27 Struthers, 47 Suchaut, 231 Suci, 190 Sulsky, 136 Sweeney, 38 Swendsen, 16, 64

T Tannenbaum, 190 Tarico, 25, 35 Tarquinio, 75, 77, 80, 86, 104, 125, 194, 197 Tatham, 136 Taylor, 54, 64, 208 Teasdale, 16, 27 Tesser, 201 Testé, 14, 70, 208 Thompson, 49, 231

Thrash, 208 Tikochinsky, 49, 243 Törestad, 45 Tremoulet, 16 Triandis, 65 Troadec, 54 Trognon, 83 Trope, 53, 62, 189, 192, 193 Trost, 69, 71 Tucker, 21, 26, 136 Tversky, 53 Twenge, 13

U Uleman, 65, 189, 192, 193

V Valle, 32, 33, 38 Vallerand, 35 Vazel, 85, 136, 147 Verette, 49 Visser, 318 Vivekananthan, 203 Voils, 65 Vonk, 203, 204

W Walden, 13 Ward, 57 Warsi, 260 Watkins, 37 Watson, 38, 226 Weary, 30, 79, 136 Weber, 46 Webster, 62 Weeks, 28, 34 Wegener, 225, 231 Weiner, 2, 3, 9, 10, 11, 12, 14, 15, 16, 20, 22, 23, 24, 25,

26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 35, 37, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 51, 53, 55, 56, 85, 93, 94, 95, 97, 98, 101, 104, 112, 116, 118, 126, 310, 314

West, 142, 260 Wetzel, 55, 59 White, 16 Widaman, 225, 231 Wiggins, 190, 204 Williams, 136 Wilson, 17, 136 Wimer, 28, 34 Winter, 65, 189, 193 Wojciszke, 102, 204, 205 Wong, 37, 41, 232 Wood, 69 Wyer, 191

X Xu, 102

Y Yamaguchi, 66 Yirmiya, 44

354

Yzerbyt, 102, 193, 203

Z Zarate, 65, 72, 194 Zebrowitz, 199 Zentner, 77

Zhang, 13 Zheng, 231 Zmuidinas, 51 Zucker, 44 Zuckerman, 30, 38, 79

355

INDEX DES TABLEAUX

Tableau 1. Synthèse des programmes de recherche et description des études _____________ 6 Tableau 1.1. Causes du succès et de l’échec en fonction du lieu de causalité, de la stabilité, et

de la contrôlabilité (d'après Weiner, 1979) ________________________________ 27 Tableau 1.2. Synthèse des résultats obtenus par Weiner et al. (1978, 1979) _____________ 30 Tableau 2.1. Synthèse de 6 recherches publiées ayant dépassé la seule distinction

interne/externe dans l’étude de la valeur des explications _____________________ 87 Tableau 3.1. Moyennes (et écarts-types) de chaque type d’explications et valeurs des tests de

contrastes des explications avec celle en terme d’effort d’occasionnel (F de Fisher et écarts-calibrés) en fonction de la valence de l’événement ____________________ 107

Tableau 3.2. Moyennes (et écarts-types) de chaque type d’explications et valeurs des tests de contrastes des explications avec celle en terme d’effort d’occasionnel (F de Fisher et écarts-calibrés) en fonction de la valence de l’événement ____________________ 111

Tableau 3.3. Moyennes (et écarts-types) des scores accordés par les participants sur les différents jugements en fonction de la valence des événements et du type d’explications fourni par l’élève ____________________________________________________ 115

Tableau 4.1. Répartition de l’échantillon d’élèves en fonction de la catégorie socioprofessionnelle du père, du sexe des élèves et de leur statut de redoublant___ 124

Tableau 4.2. Récapitulatif de la procédure de l’étude 3____________________________ 130 Tableau 4.3. Scores d’internalité (et écarts-types) en fonction du type de consigne, du type

d’événements et de leur valence (autoprésentation) _________________________ 132 Tableau 4.4. Procédure pas-à-pas d’ajustement du modèle (Lagrange Multiplier test).___ 140 Tableau 4.5. Modèles de régression évaluant l’effet de l’internalité perçue sur le jugement

scolaire moyen (identification/jugement) _________________________________ 142 Tableau 4.6. Corrélations (� de Spearman) entre les moyennes des différentes catégories du

questionnaire en fonction du type de consignes ____________________________ 146 Tableau 4.7. Scores de valorisation (et écarts-types) pour chaque type d’explications en

fonction du type d’événements et de leur valence (autoprésentation) ___________ 148 Tableau 4.8. Coefficients � des relations entre les scores des différentes catégories du

questionnaire d’internalité scolaire et le jugement scolaire moyen _____________ 151 Tableau 4.9. Synthèse des résultats obtenus dans le cadre du paradigme d’autoprésentation et

dans celui du paradigme d’identification/jugement _________________________ 155 Tableau 4.10. Répartition de l’échantillon d’élèves en fonction de la catégorie

socioprofessionnelle du père, du sexe des élèves et de leur statut de redoublant___ 159 Tableau 4.11. Récapitulatif de la procédure de l’étude 4___________________________ 162 Tableau 4.12. Scores d’internalité moyens (et écarts-types) en fonction du type de consignes,

du type et de la valence des événements (autoprésentation)___________________ 163 Tableau 4.13. Modèles de régression évaluant l’effet de l’internalité perçue sur le jugement

scolaire moyen (identification/jugement) _________________________________ 166 Tableau 4.14. Scores moyens d’internalité (et écarts-types) en fonction de la valeur des

élèves, du type d’événements et de leur valence (identification)________________ 168

356

Tableau 4.15. Corrélations (� de Spearman) entre les moyennes des différentes catégories d’explications en fonction du type de consigne_____________________________ 171

Tableau 4.16. Scores de valorisation (et écarts-types) pour chaque catégorie d’explications en fonction du type d’événements et de leur valence (autoprésentation) _________ 172

Tableau 4.17. Coefficients � des relations entre les scores des différentes catégories du questionnaire d’internalité et le jugement scolaire moyen (identification/jugement) 174

Tableau 4.18. Scores de valorisation (et écarts-types) pour chaque type d’explications en fonction du type d’événements et de leur valence (identification) ______________ 177

Tableau 6.1. Présentation des différentes conditions expérimentales de l’étude 5 _______ 215 Tableau 6.2. Corrélations entre les résultats de l’étude 5 et ceux de l’étude de Le Barbenchon

et al. (2005) ________________________________________________________ 219 Tableau 6.3. Scores des traits sur les dimensions de la désirabilité et de l’utilité ainsi que leur

appartenance à l’une des huit catégories _________________________________ 221 Tableau 6.4. Correspondance entre la classification a priori et la classification obtenue sur la

base des descriptions des élèves faites par les enseignants ___________________ 224 Tableau 6.5. Poids factoriels des 24 traits de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire sur les

facteurs « désirabilité » et « utilité »_____________________________________ 226 Tableau 6.6. Scores moyens de désirabilité et d’utilité des descriptions des élèves en fonction

de leur désirabilité et de leur utilité _____________________________________ 228 Tableau 6.7. Moyennes, écarts-types et corrélations entre les variables (niveau intragroupe)

__________________________________________________________________ 233 Tableau 6.8. Moyennes, écarts-types et corrélations entre les variables (niveau intergroupe)

__________________________________________________________________ 233 Tableau 6.9. Valeurs des indices d’ajustement pour les modèles_____________________ 236 Tableau 7.1. Hypothèses concernant la désirabilité et l’utilité des différentes catégories

d’explications ______________________________________________________ 243 Tableau 7.2. Modèles de régression évaluant la relation entre le score global d’internalité

attribué par les enseignants et les scores globaux d’utilité et de désirabilité des descriptions des élèves _______________________________________________ 247

Tableau 7.3. Coefficients � des relations entre chacune des différentes catégories d’explications et le score global de désirabilité ____________________________ 249

Tableau 7.4. Coefficients � des relations entre chacune des différentes catégories d’explications et le score global d’utilité _________________________________ 250

Tableau 7.5. Comparaison des hypothèses avec les résultats de l’étude 8 sur la désirabilité__________________________________________________________________ 253

Tableau 7.6. Comparaison des hypothèses avec les résultats de l’étude 8 sur l’utilité ____ 254 Tableau 7.7. Modèles de régression évaluant l’effet de l’internalité sur le score global de

désirabilité_________________________________________________________ 257 Tableau 7.8. Modèles de régression évaluant l’effet de l’internalité sur le score global

d’utilité ___________________________________________________________ 259 Tableau 7.9. Coefficients � des relations entre les scores des différentes catégories du

questionnaire d’internalité et le score global de désirabilité __________________ 263 Tableau 7.10. Coefficients � des relations entre les scores des différentes catégories du

questionnaire d’internalité et le score global d’utilité _______________________ 264 Tableau 7.11. Analyses de médiations multiples des relations entre les scores des différentes

catégories d’explications perçues par les enseignants et le jugement scolaire moyen__________________________________________________________________ 267

Tableau 7.12. Comparaison des hypothèses avec les résultats de l’étude 9 sur la désirabilité__________________________________________________________________ 276

Tableau 7.13. Comparaison des hypothèses avec les résultats de l’étude 9 sur l’utilité.___ 277

357

Tableau 8.1. Poids factoriels des variables de coefficients sur les deux facteurs issus de l’analyse en composantes principales____________________________________ 286

Tableau 8.2. Scores factoriels de chaque explication du questionnaire d’internalité scolaire (version b) sur les dimensions de la désirabilité et de l’utilité _________________ 287

Tableau 8.3. Profils de réponses des élèves utile, désirable, inutile, et indésirable_______ 290 Tableau 8.4. Résultats des analyses de régression sur les scores de valorisation perçue par

les élèves et par les enseignants ________________________________________ 294 Tableau 8.5. Modèles de régression avec comme variable dépendante le jugement de

désirabilité_________________________________________________________ 302 Tableau 8.6. Modèles de régression avec comme variable dépendante le jugement d’utilité303

358

359

INDEX DES FIGURES

Figure 1.1. Modèle général du champ de l’attribution (d'après Kelley & Michela, 1980) __ 15 Figure 1.2. Le modèle de l’analyse naïve de l’action de Heider (d'après Jones, 1990)_____ 19 Figure 1.3. Modélisation de la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation

(adaptée de Weiner, 1972) _____________________________________________ 24 Figure 1.4. Relation théorique entre le type d’attribution et le niveau résultant d’expectations

suite à un renforcement (d'après Weiner, 1972) _____________________________ 32 Figure 1.5. Différents modèles des relations entre les processus attributifs et les réactions

émotionnelles (d'après Russel & McAuley, 1986)____________________________ 36 Figure 1.6. La théorie attributionnelle des émotions et de la motivation (adaptée de Weiner,

1985a) _____________________________________________________________ 39 Figure 1.7. Les étapes du processus d’inférence de responsabilité (d'après Weiner, 1995) _ 43 Figure 4.1. Résultats obtenus pour le modèle théorique____________________________ 139 Figure 4.2. Moyennes cumulées des scores des différentes catégories d’explications en

fonction des trois consignes d’autoprésentation (étude 3) ____________________ 145 Figure 4.3. Moyennes cumulées des scores des différentes catégories d’explications en

fonction des trois consignes d’autoprésentation (étude 4) ____________________ 170 Figure 4.4. Moyennes cumulées des scores des différentes catégories d’explications en

fonction du type d’élèves (étude 4) ______________________________________ 176 Figure 5.1. Les modèles dominants de l’inférence dispositionnelle (d'après Gilbert, 1998) 192 Figure 5.2. Registres de connaissance et rapports sociaux (adaptée de Beauvois, 2005) __ 196 Figure 6.1. Position des profils sur les deux premiers facteurs issus de l’analyse des

correspondances ____________________________________________________ 216 Figure 6.2. Position des traits de personnalité sur les deux premiers facteurs issus de

l’analyse des correspondances _________________________________________ 217 Figure 6.3. Résultats obtenus pour les modèles 1 et 2 _____________________________ 235 Figure 7.1. Analyse de médiations multiples de la relation entre l’internalité perçue par les

enseignants et le jugement scolaire moyen ________________________________ 261 Figure 7.2. Modèle intégratif amélioré (cf. encadré 1) ____________________________ 270 Figure 7.3. Résultats obtenus pour le modèle théorique____________________________ 273 Figure 8.1. Modélisation des processus des jugements de désirabilité et d’utilité à partir du

modèle V.I.A. _______________________________________________________ 297

1

ANNEXES

2

3

TABLE DES MATIERES DES ANNEXES

Annexes I Programme de recherche 1 __________________________________________ 5

1. Annexe Ia : Matériel de l’étude 1a ____________________________________________ 5

2. Annexe Ib : Matériel de l’étude 1b ____________________________________________ 6

3. Annexe Ic : Matériel de l’étude 2 _____________________________________________ 7

Annexes II Programme de recherche 2 _________________________________________ 9

1. Annexe IIa : Fiche d’identification des élèves ___________________________________ 9

2. Annexe IIb : Résultats des prétests du questionnaire d’internalité scolaire (version a) 10

3. Annexe IIc : Questionnaire d’internalité scolaire (version a) _____________________ 18

4. Annexe IId : Consignes d’autoprésentation____________________________________ 20

Annexes III Programme de recherche 3 _______________________________________ 21

1. Annexe IIIa : Echelle de désirabilité/utilité scolaire _____________________________ 21

2. Annexe IIIb : Résultats du prétest du questionnaire d’internalité scolaire (version b)_ 26

3. Annexe IIIc : Questionnaire d’internalité scolaire (version b)_____________________ 28

Annexes IV Programme de recherche 4________________________________________ 31

1. Annexe IVa : Traits de personnalité__________________________________________ 31

2. Annexe IVb : Profils d’élèves spécifiques sur les deux dimensions de la valeur sociale 33

3. Annexe IVc : Bilans scolaires des élèves fictifs _________________________________ 37

4

Annexes

5

ANNEXES I

PROGRAMME DE RECHERCHE 1

1. Annexe Ia : Matériel de l’étude 1a

Consigne :

« Vous trouverez ci-dessous 2 saynètes retraçant brièvement un événement relatif à un

résultat universitaire. Pour expliquer cet événement 8 explications vous sont proposées. On

vous demande d’évaluer chacune de ces explications en indiquant l’intensité de votre accord

ou de votre désaccord avec chacune des explications proposées.

Plus le numéro que vous choisissez est élevé, plus vous indiquez votre accord avec

l’explication (1 = pas du tout d’accord ; 8 = tout à fait d’accord).

Note : vous ne devez entourer qu’un seul numéro par échelle »

Saynètes

Renforcement positif

Si vous réussissez brillamment un examen, c’est parce que :

• Vous faites toujours des efforts pour réussir vos examens.

• Vous vous êtes donné à fond pour cet examen.

• Vous êtes quelqu’un de compétent.

• Vous étiez particulièrement en forme cette fois là.

• Les enseignants vous préparent bien aux examens.

• On vous a aidé pour les révisions.

• Les questions posées sont généralement faciles.

• La chance était de votre côté.

Renforcement négatif

Si vous obtenez de mauvaises notes aux partiels, c’est parce que :

• Vous ne vous donnez jamais assez de mal pour réviser vos cours.

• Cette fois là, vous n’avez pas suffisamment révisé vos cours.

Annexes

6

• Vous n’êtes pas doué dans ce domaine.

• Vous n’étiez pas en forme au moment des partiels.

• Les enseignants sont particulièrement exigeants.

• Cette fois là, les enseignants ont été particulièrement sévères.

• Les matières sont plutôt difficiles.

• Vous n’avez pas eu de chance.

2. Annexe Ib : Matériel de l’étude 1b

Consigne :

« Vous trouverez ci-dessous plusieurs explications évoquées par des étudiants pour

expliquer la réussite ou l’échec à un examen universitaire. Ces explications sont au nombre de

16, 8 d’entre elles sont relatives à une réussite et les 8 autres sont relatives à un échec.

Votre tâche consiste à vous mettre, non plus en position d’étudiant, mais en position

d’évaluateur (i.e. à la place d’un enseignant). Après avoir pris connaissance des différentes

explications énoncées pour rendre compte d’une réussite ou d’un échec, nous vous

demandons d’indiquer, pour chacune d’entre-elles, si l’explication en question, est une

explication susceptible d’être faiblement ou fortement appréciée par l’évaluateur. Plus

précisément, vous devez d’attribuer une note allant de 1 (une explication très faiblement

appréciée par l’évaluateur) à 8 (une explication très fortement appréciée par l’évaluateur) à

chacune des 8 explications énoncées pour rendre compte d’un échec et d’une réussite

universitaire. »

Saynètes

Renforcement positif

Si j’ai réussi brillamment un examen, c’est parce que :

• Je fais toujours des efforts pour réussir mes examens.

• Je me suis donné à fond pour cet examen.

• Je suis quelqu’un de compétent.

• J’étais particulièrement en forme cette fois là.

• Les enseignants nous préparent bien aux examens.

• On m’a aidé pour les révisions.

• Les questions posées sont généralement faciles.

• La chance était de mon côté.

Annexes

7

Renforcement négatif

Si j’ai obtenu de mauvaises notes aux partiels, c’est parce que :

• Je ne me donne jamais assez de mal pour réviser mes cours.

• Cette fois là, je n’ai pas suffisamment révisé mes cours.

• Je ne suis pas doué dans ce domaine.

• Je n’étais pas en forme au moment des partiels.

• Les enseignants sont particulièrement exigeants.

• Cette fois là, les enseignants ont noté sévèrement.

• Les matières sont plutôt difficiles.

• Je n’ai pas eu de chance.

3. Annexe Ic : Matériel de l’étude 2

Consigne :

« Dans cette expérience, il vous est demandé d’imaginer que vous êtes une autre

personne. Plus particulièrement, il vous est demandé de vous mettre à la place d’un

enseignant d’une classe de CM2. Vous devez également imaginer que vous avez fait passer

récemment un contrôle important à vos élèves. Ce contrôle a ceci de particulier qu’il

n’attribue pas de note aux élèves mais qu’il indique seulement s’ils ont globalement réussi ou

globalement échoué. Quelques jours après avoir fait passer le contrôle, vous interrogez vos

élèves sur la cause principale qui pourrait expliquer leur réussite ou leur échec passé au

contrôle. La tâche que vous devez réaliser en tant qu’enseignant consiste à vous prononcer sur

un certain nombre de questions concernant les quatre élèves en fonction de leur réponse.

Dans un premier temps vous devez imaginer que vous devez distribuer à vos élèves

des récompenses ou des punitions. Pour ce faire, vous devez indiquer le niveau de

récompense que vous donneriez à chaque élève sur une échelle allant de –10 (punition très

forte) à +10 (récompense très forte). Dans un deuxième temps, vous devez vous prononcer

quant à la probabilité du passage en 6ème de chacun des quatre élèves. Pour ce faire, vous

devez indiquer votre pronostic sur une échelle allant de –10 (passage très peu probable) à +10

(passage très probable). Dans un troisième temps, vous devez donner votre perception du

niveau de compétence de chacun des quatre élèves. Pour ce faire, vous devez indiquer le

niveau de compétence que vous percevez sur une échelle allant de –10 (compétence très

faible) à +10 (compétence très forte). Enfin, vous devez donner votre perception du niveau de

Annexes

8

motivation de chacun des quatre élèves. Pour ce faire, vous devez indiquer le niveau de

motivation que vous percevez sur une échelle allant de –10 (motivation très faible) à +10

(motivation très forte). »

Élèves fictifs

L’élève A vous dit que, s’il a réussi le contrôle, c’est parce qu’il a fait beaucoup

d’efforts pour préparer ce contrôle là.

L’élève B vous dit que, s’il a réussi le contrôle, c’est parce qu’il est plutôt doué pour

ce type d’examen.

L’élève C vous dit, que s’il a échoué le contrôle, c’est parce qu’il n’a pas fait assez

d’effort pour préparer ce contrôle.

L’élève D vous dit que s’il a échoué le contrôle, c’est parce qu’il n’est pas très doué

pour ce type d’examen.

Annexes

9

ANNEXES II

PROGRAMME DE RECHERCHE 2

1. Annexe IIa : Fiche d’identification des élèves

Nom de l'élève.......................................................................................................... (cette information ne sera pas saisie informatiquement) Numéro de la classe Numéro de l’élève Sexe (féminin : code 0 ; masculin : code 1) Année de naissance Profession du père ..................................................................................................... (voir nomenclature INSEE des PCS) Profession de la mère ................................................................................................ (voir nomenclature INSEE des PCS)

Résultats de l’élève vus par l’enseignant(e)

Veuillez attribuer un score indiquant le niveau scolaire de l’élève en français et en mathématiques, allant de 0 (résultats très faibles) à 10 (résultats très bons). Entourez le score choisi parmi ceux présentés.

En français

Résultats très

faibles

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Résultats très bons

En mathématiques

Résultats très

faibles

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Résultats très bons

Annexes

10

2. Annexe IIb : Résultats des prétests du questionnaire d’internalité scolaire (version a)

I/E : Lieu de causalité

S/I : Stabilité

S : significatif au seuil fixé

Résultats du prétest 1

Saynètes de comportements

1) Lorsqu’ils aident le maître à ranger la classe, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que la classe était sale » 28 3,93 S 4 28,49 S � « c’est parce qu’il me l’a demandé » 24 0,58 p<.44 30 6,72 S � « c’est parce que j’ai envie de ranger la classe » 42 39,09 S 39 28,49 S � « c’est parce que j’aime quand tout est en ordre » 41 35,37 S 33 12,30 S

2) Lorsqu’ils discutent avec leur voisin durant un cours, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce qu’il m’a demandé quelque chose » 29 5,23 S 33 12,30 S � « c’est parce que je veux lui dire quelque chose d’important » 41 35,37 S 29 5,23 S � « c’est parce que je suis quelqu’un de plutôt bavard » 41 35,37 S 35 16,95 S � « c’est parce que c’est difficile de ne pas discuter avec son voisin en classe » 20 0,21 p<.65 29 5,23 S

3) Lorsqu’ils écoutent bien la leçon en classe, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que le maître me l’a demandé » 26 1,88 p<.17 27 2,81 p<.09 � « c’est parce que je veux apprendre de nouvelles choses » 41 35,37 S 20 0,21 p<.65 � « c’est parce que la leçon est très intéressante » 27 2,81 p<.09 37 22,35 S � « c’est parce que je suis un élève sérieux » 39 28,49 S 30 6,72 S

Annexes

11

4) Lorsqu’ils regardent par la fenêtre durant une leçon, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que c’est une leçon ennuyeuse » 26 1,88 p<.17 2 35,37 S � « c’est parce que je suis un élève distrait » 39 28,49 S 23 0,21 p<.65 � « c’est parce que je n’avais pas envie d’écouter » 43 43,00 S 39 28,49 S � « c’est parce que quelqu’un a attiré mon attention dehors » 33 12,30 S 34 14,53 S

5) Lorsqu’ils s’appliquent sur leur cahier de classe, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que je suis un élève soigneux » 41 35,37 S 31 8,40 S � « c’est parce que le maître me l’a demandé » 29 5,23 S 30 6,72 S � « c’est parce que j’avais envie que mon cahier soit propre » 41 35,37 S 28 3,93 S � « c’est parce qu’il faut tenir son cahier propre à l’école » 38 25,33 S 30 6,72 S

6) Lorsqu’ils chahutent en classe, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que j’aime bien jouer en classe » 39 28,49 S 20 0,21 p<.65 � « c’est parce que la leçon était ennuyeuse » 32 10,26 S 4 28,49 S � « c’est parce que les autres ont commencé » 35 16,95 S 34 14,53 S � « c’est parce que j’avais envie de m’amuser » 43 43,00 S 37 22,35 S

7) Lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice, certains élèves disent :

I/E �² p S/I �² p

� « c’est parce que j’en avais envie » 42 39,09 S 36 19,56 S � « c’est parce qu’il faut aider les autres » 29 5,23 S 31 8,40 S � « c’est parce que j’aime bien aider mes copains » 38 25,33 S 29 5,23 S � « c’est parce qu’il m’a demandé de l’aider » 27 2,81 p<.09 34 14,53 S

8) Lorsqu’ils font leurs devoirs en vitesse et sans soin, certains élèves disent : I/E �² p S/I �² p � « c’est parce que c’est difficile de faire ses devoirs après une journée d’école » 26 1,88 p<.16 22 0,02 p<.88 � « c’est parce que je voulais m’en débarrasser » 42 39,09 S 34 14,53 S � « c’est parce qu’on m’a dérangé ce jour-là » 34 14,53 S 39 28,49 S � « c’est parce que je ne suis pas un élève très appliqué » 43 43,00 S 24 0,58 p<.45

Annexes

12

Saynètes de renforcements

1) Lorsque le maître les interroge et qu’ils ont une mauvaise note dans une matière, certains élèves disent :

I/E

p

S/I

p � « c’est parce que je n’ai pas assez révisé ma leçon » 31 25,48 S 33 33,00 S � « c’est parce que je n’ai pas eu de chance cette fois là » 24 6,82 S 31 25,48 S � « c’est parce que les questions posées étaient difficiles » 31 2,45 S 1 29,12 S � « c’est parce que je ne suis pas fort dans ce domaine » 31 25,48 S 15 0,27 p<.60

2) Lorsqu’ils réussissent bien un contrôle, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que je suis bon » 29 18,94 S 13 1,48 p<.22 � « c’est parce que la chance était de mon côté » 26 10,94 S 31 25,48 S � « c’est parce que je me suis donné à fond pour ce contrôle » 33 33,00 S 29 18,94 S � « c’est parce que le contrôle était facile » 25 8,76 S 1 29,12 S

3) Lorsque le maître fait des reproches sur leur travail en classe, certains élèves disent :

I/E

p

S/I

p

� « c’est parce que le travail demandé est dur à faire » 20 1,48 p<.22 3 22,09 S � « c’est parce que, ce jour là, je n’ai pas eu de chance » 18 0,27 p<.60 29 18,94 S � « c’est parce que je ne suis pas assez sérieux dans mon travail » 31 25,48 S 6 13,36 S � « c’est parce que je n’ai pas fait suffisamment d’efforts » 31 25,48 S 31 25,48 S

4) Lorsqu’ils ont de bonnes notes, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que j’ai bien révisé ma leçon » 31 25,48 S 28 16,03 S � « c’est parce que je suis intelligent » 28 16,03 S 17 0,03 p<.86 � « c’est parce que l’exercice était facile » 23 5,12 S 5 16,03 S � « c’est parce que j’ai eu de la chance » 24 6,82 S 31 25,48 S

Annexes

13

5) Lorsqu’ils sont punis pour n’avoir pas récité correctement une leçon, certains élèves disent :

I/E

p

S/I

p

� « c’est parce que je n’ai pas eu de chance ce jour là » 20 1,48 p<.22 28 16,03 S � « c’est parce que je n’ai pas pris assez de temps pour apprendre ma leçon » 31 25,48 S 33 33,00 S � « c’est parce que j’ai du mal à apprendre mes leçons » 22 3,67 p<.06 14 0,76 p<.38 � « c’est parce que c’est difficile de réciter une leçon devant le maître » 9 6,82 S 15 3,50 p<.06

6) Lorsqu’ils sont félicités par le maître pour leur conduite, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que j’ai fait beaucoup d’efforts pour être sage en classe » 31 25,48 S 5 16,03 S � « c’est parce qu’il y a des jours où j’ai plus de chance que d’autres » 23 5,12 S 30 22,09 S � « c’est parce que les règles de classe sont faciles à respecter » 20 1,48 p<.22 20 5,67 S � « c’est parce que je suis un élève plutôt calme » 31 25,48 S 17 0,27 p<.86

7) Lorsqu’ils sont convoqués dans le bureau du directeur, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que je n’ai pas eu de chance ce jour là » 19 0,76 p<.38 30 22,09 S � « c’est parce que je suis un élève plutôt agité » 30 22,09 S 13 1,48 p<.22 � « c’est parce que je n’ai pas fait assez d’effort pour être sage » 31 25,48 S 31 25,48 S � « c’est parce que c’est difficile de toujours rester tranquille » 2 25,48 S 10 5,12 S

8) Lorsqu’à l’école, ils gagnent à un jeu, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que j’ai fait beaucoup d’effort pour gagner » 29 18,94 S 28 16,03 S � « c’est parce que je suis doué » 27 13,36 S 17 0,03 p<.86 � « c’est parce que la chance était de mon côté ce jour là » 24 6,82 S 31 25,48 S � « c’est parce que c’est un jeu facile » 24 6,82 S 4 18,94 S

Annexes

14

Résultats du prétest 2

Saynètes de comportements

1) Lorsqu’ils aident le maître à ranger la classe, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce qu’on nettoie la classe quand elle est sale » 83 23,720 S 72 7,89 S � « c’est parce que le maître m’a désigné » 96 53,37 S 108 91,26 S � « c’est parce que j’ai envie de ranger la classe » 114 114 S 104 77,51 S � « c’est parce que j’aime quand tout est en ordre » 111 102,32 S 98 58,98 S

2) Lorsqu’ils discutent avec leur voisin durant un cours, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce qu’il m’a demandé quelque chose » 90 38,21 S 98 58,98 S � « c’est parce que je veux lui dire quelque chose d’important » 112 106,14 S 106 84,25 S � « c’est parce que je suis quelqu’un de plutôt bavard » 111 102,32 S 97 56,14 S � « c’est parce que c’est difficile de rester silencieux toute une journée » 46 4,25 S 83 23,72 S

3) Lorsqu’ils écoutent bien la leçon en classe, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que le maître me l’a demandé » 92 42,98 S 88 33,72 S � « c’est parce que, ce jour-là, j’avais envie d’apprendre de nouvelles choses » 111 102,328 S 106 84,25 S � « c’est parce que la leçon est très intéressante » 78 15,47 S 19 50,667 S � « c’est parce que je suis un élève sérieux » 112 106,14 S 90 38,21 S

4) Lorsqu’ils regardent par la fenêtre durant une leçon, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que cette matière est ennuyeuse » 75 11,37 S 60 0,32 p<.57 � « c’est parce que je suis quelqu’un de distrait » 108 91,26 S 88 33,72 S � « c’est parce que je n’avais pas envie d’écouter » 110 98,56 S 112 106,14 S � « c’est parce que quelqu’un a attiré mon attention dehors » 97 56,14 S 108 91,26 S

Annexes

15

5) Lorsqu’ils s’appliquent sur leur cahier de classe, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que je suis un élève soigneux » 111 102,32 S 98 58,98 S � « c’est parce que le maître me l’a demandé » 102 71,05 S 92 42,98 S � « c’est parce que j’avais envie que mon cahier soit propre » 113 110,04 S 83 23,72 S � « c’est parce qu’il faut tenir son cahier propre à l’école » 91 40,56 S 95 50,67 S

6) Lorsqu’ils chahutent en classe, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que je suis un élève chahuteur » 110 98,56 S 85 27,51 S � « c’est parce que la matière est ennuyeuse » 81 20,21 S 60 0,32 p<.57 � « c’est parce que les autres ont commencé » 100 64,88 S 103 74,25 S � « c’est parce que j’avais envie de m’amuser » 113 110,04 S 107 87,72 S

7) Lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice, certains élèves disent :

I/E

p

S/I

p

� « c’est parce que j’en avais envie » 110 98,56 S 103 74,25 S � « c’est parce qu’il faut aider les autres » 66 2,84 p<.09 87 31,58 S � « c’est parce que j’aime bien aider mes copains » 113 110,04 S 93 45,47 S � « c’est parce qu’il m’a demandé de l’aider » 100 64,88 S 106 84,25 S

8) Lorsqu’ils bâclent leurs devoirs à la maison, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que c’est toujours difficile de se remettre au travail après une

journée d’école » 67 3,51 p<.06 75 11,37 S

� « c’est parce que je voulais m’en débarrasser » 110 98,56 S 99 61,89 S � « c’est parce qu’on m’a dérangé ce jour-là » 103 74,25 S 111 102,32 S � « c’est parce que je suis un élève peu appliqué » 109 94,88 S 84 25,58 S

Annexes

16

Saynètes de renforcements

1) Lorsqu’ils ont une mauvaise note dans une matière, certains élèves disent :

I/E

p

S/I

p � « c’est parce que je n’ai pas assez révisé ma leçon » 112 106,14 S 108 91,26 S � « c’est parce que je n’ai pas eu de chance cette fois là » 94 48,04 S 110 98,56 S � « c’est parce que les contrôles dans cette matière sont toujours difficiles » 100 64,88 S 89 35,93 S � « c’est parce que je ne suis pas quelqu’un de fort dans cette matière » 109 94,88 S 69 5,05 S

2) Lorsqu’ils réussissent bien un contrôle, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que je suis un bon élève » 113 110,04 S 77 14,04 S � « c’est parce que la chance était de mon côté » 104 77,51 S 112 106,14 S � « c’est parce que je me suis donné à fond pour ce contrôle » 111 102,32 S 99 61,89 S � « c’est parce que la matière est facile » 101 67,92982 S 74 10,14 S

3) Lorsque le maître fait des reproches sur leur travail en classe, certains élèves disent :

I/E

p

S/I

p

� « c’est parce que le maître donne toujours des exercices difficiles » 101 67,93 S 79 16,98 S � « c’est parce que, ce jour là, je n’ai pas eu de chance » 95 50,67 S 112 106,14 S � « c’est parce que je suis quelqu’un qui a des difficultés à l’école » 107 87,72 S 58 0,04 p<.85 � « c’est parce que je n’ai pas fait suffisamment d’efforts » 111 102,32 S 107 87,72 S

4) Lorsqu’ils ont de bonnes notes, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que j’ai bien révisé ma leçon » 113 110,04 S 94 48,04 S � « c’est parce que je suis fort à l’école » 107 87,72 S 83 23,72 S � « c’est parce que les matières sont faciles » 91 40,56 S 73 8,98 S � « c’est parce que j’ai eu de la chance » 100 64,88 S 109 94,88 S

Annexes

17

5) Lorsqu’ils sont disputés pour avoir mal récité une leçon, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p

� « c’est parce que je n’ai pas eu de chance d’être interrogé ce jour là » 94 48,04 S 111 102,32 S � « c’est parce que je n’ai pas pris assez de temps pour apprendre ma leçon » 111 102,32 S 107 87,720 S � « c’est parce que j’ai toujours du mal à apprendre mes leçons » 109 94,88 S 80 18,56 S � « c’est parce que c’est toujours difficile d’apprendre correctement sa leçon » 62 0,88 p<.34 81 20,21 S

6) Lorsqu’ils sont félicités par le maître pour leur conduite, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que, ce jour-là, j’ai fait des efforts pour être sage en classe » 112 106,14 S 111 102,32 S � « c’est parce que, il y a des jours où j’ai plus de chance que d’autres » 101 67,93 S 100 64,88 S � « c’est parce que les règles de classe sont faciles à respecter » 85 27,51 S 88 33,72 S � « c’est parce que je suis quelqu’un de calme » 110 98,56 S 91 40,56 S

7) Lorsqu’ils sont punis, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que je n’ai pas eu de chance ce jour là » 94 48,04 S 112 106,14 S � « c’est parce que je suis un élève turbulent » 109 94,88 S 76 12,67 S � « c’est parce que je n’ai pas fait assez d’effort pour être sage » 110 98,56 S 108 91,26 S � « c’est parce qu’on ne peut jamais rien faire à l’école » 88 33,72 S 84 25,58 S

8) Lorsqu’ils gagnent à un jeu à l’école, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que j’ai fait beaucoup d’effort pour gagner » 110 98,56 S 105 80,84 S � « c’est parce que je suis quelqu’un de fort aux jeux » 106 84,25 S 85 27,51 S � « c’est parce que la chance était de mon côté ce jour là » 103 74,25 S 110 98,56 S � « c’est parce que les jeux à l’école sont toujours faciles » 95 50,67 S 86 29,51 S

Annexes

18

3. Annexe IIc : Questionnaire d’internalité scolaire (version a)

Toi, tu dirais plutôt comment ? 1) Lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice :

� certains élèves disent « c’est parce que j’en avais envie »

� d’autres disent « c’est parce qu’il faut aider les autres en classe »

� d’autres disent « c’est parce que j’aime bien aider mes copains »

� d’autres disent « c’est parce qu’il m’a demandé de l’aider »

2) Lorsqu’ils sont félicités par le maître pour leur conduite en classe :

� certains élèves disent « c’est parce que, ce jour-là, j’ai fait des efforts pour être sage »

� d’autres disent « c’est parce qu’il y a des jours où j’ai plus de chance que d’autres »

� d’autres disent « c’est parce que les règles de classe sont faciles à respecter »

� d’autres disent « c’est parce que je suis quelqu’un de calme »

3) Lorsqu’ils réussissent bien un contrôle :

� certains élèves disent « c’est parce que je suis un bon élève »

� d’autres disent « c’est parce que la chance était de mon côté »

� d’autres disent « c’est parce que je me suis donné à fond pour ce contrôle »

� d’autres disent « c’est parce que la matière est facile »

4) Lorsqu’ils bâclent leurs devoirs à la maison :

� certains élèves disent « c’est parce qu’après l’école, c’est toujours difficile de se remettre au travail »

� d’autres disent « c’est parce que je voulais m’en débarrasser »

� d’autres disent « c’est parce qu’on m’a dérangé ce jour-là »

� d’autres disent « c’est parce que je suis un élève peu appliqué »

5) Lorsqu’ils aident le maître à ranger la classe :

� certains élèves disent « c’est parce qu’on nettoie la classe quand elle est sale »

� d’autres disent « c’est parce que le maître m’a désigné »

� d’autres disent « c’est parce que j’ai envie de ranger la classe »

� d’autres disent « c’est parce que j’aime quand tout est en ordre »

6) Lorsqu’ils ont une mauvaise note dans une matière :

� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas assez révisé ma leçon »

� d’autres disent « c’est parce que je n’ai pas eu de chance cette fois-là »

� d’autres disent « c’est parce que les contrôles dans cette matière sont toujours difficiles »

� d’autres disent « c’est parce que je ne suis pas quelqu’un de fort dans cette matière »

Annexes

19

7) Lorsqu’ils chahutent en classe pendant une leçon :

� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève chahuteur »

� d’autres disent « c’est parce que cette matière est toujours ennuyeuse »

� d’autres disent « c’est parce que les autres ont commencé »

� d’autres disent « c’est parce que j’avais envie de m’amuser »

8) Lorsqu’en classe, ils sont punis :

� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas eu de chance ce jour-là »

� d’autres disent « c’est parce que je suis un élève turbulent »

� d’autres disent « c’est parce que je n’ai pas fait assez d’efforts pour être sage »

� d’autres disent « c’est parce qu’on ne peut jamais rien faire à l’école »

9) Lorsqu’en classe, ils discutent avec leur voisin :

� certains élèves disent « c’est parce qu’il m’a demandé quelque chose »

� d’autres disent « c’est parce que je veux lui dire quelque chose d’important »

� d’autres disent « c’est parce que je suis quelqu’un de plutôt bavard »

� d’autres disent « c’est parce que c’est impossible de rester toute une journée sans parler à ses copains »

10) Lorsqu’ils s’appliquent sur leur cahier de classe :

� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève soigneux »

� d’autres disent « c’est parce que le maître me l’a demandé »

� d’autres disent « c’est parce que j’avais envie que mon cahier soit propre »

� d’autres disent « c’est parce qu’il faut tenir son cahier propre à l’école »

11) Lorsqu’ils sont disputés pour avoir mal récité une leçon :

� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas eu de chance d’être interrogé ce jour-là »

� d’autres disent « c’est parce que je n’ai pas pris assez de temps pour apprendre ma leçon »

� d’autres disent « c’est parce que j’ai toujours du mal à apprendre mes leçons »

� d’autres disent « c’est parce que le maître donne toujours des leçons difficiles à apprendre »

12) Lorsqu’ils gagnent à un jeu à l’école :

� certains élèves disent « c’est parce que j’ai fait beaucoup d’efforts pour gagner »

� d’autres disent « c’est parce que je suis quelqu’un de fort aux jeux »

� d’autres disent « c’est parce que la chance était de mon côté ce jour-là »

� d’autres disent « c’est parce que les jeux à l’école sont toujours faciles »

Annexes

20

4. Annexe IId : Consignes d’autoprésentation

Consigne standard : « Je vais vous demander votre avis sur certaines choses. Ce n’est pas un exercice. C’est juste pour savoir ce que vous pensez. Il n’y a pas de bonne ni de mauvaise réponse. Vos réponses seront toujours bonnes si vous dites ce que vous pensez réellement. » Après la lecture de chaque item, dire : « toi, tu dirais plutôt comment, comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la première explication) ou comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la deuxième explication) ou encore comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la troisième explication) ou ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la quatrième explication) ?» Consigne pronormative : « Maintenant, je vais vous donner le même questionnaire à remplir. Mais cette fois, je vous demande de répondre aux questions en essayant de vous faire bien voir par votre maître(sse). Comme si vous vouliez que votre maître(sse) soit très content(e) de vous. » Après la lecture de chaque item, dire : « toi, tu dirais plutôt comment pour te faire bien voir de ton maître, comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la première explication) ou comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la deuxième explication) ou encore comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la troisième explication) ou ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la quatrième explication) ?» Consigne contre normative : « Maintenant, je vais vous donner, pour la dernière fois, le même questionnaire à remplir. Mais cette fois, écoutez bien, je vous demande de répondre aux questions en essayant de vous faire mal voir par votre maître(sse). Comme si vous vouliez que votre maître(sse) ne soit vraiment pas content(e) de vous. » Après la lecture de chaque item, dire : « toi, tu dirais plutôt comment pour te faire mal voir de ton maître, comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la première explication) ou comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la deuxième explication) ou encore comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la troisième explication) ou enfin comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la quatrième explication) ?»

Annexes

21

ANNEXES III

PROGRAMME DE RECHERCHE 3

5. Annexe IIIa : Echelle de désirabilité/utilité scolaire

Nom de l'élève.......................................................................................................... (Cette information ne sera pas saisie informatiquement) Numéro de la classe Numéro de l’élève

L’élève vu par l’enseignant(e)

Veuillez attribuer un score pour chaque trait présenté afin d’indiquer si

celui-ci décrit ou ne décrit pas l’élève. Ce score peut aller de 0 (ne décrit pas du

tout l’élève) à 10 (décrit tout à fait l’élève). Entourez le score choisi parmi ceux

présentés.

Souriant(e)

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Pénible

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Annexes

22

Studieux(se)

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Envahissant(e)

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Gentil(le)

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Paresseux(se)

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Egocentrique

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Annexes

23

Spontané(e)

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Lent(e)

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Performant(e)

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Intelligent(e)

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Immature

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Passif(ve)

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Annexes

24

Réfléchi(e)

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Cultivé(e)

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Insolent(e)

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Faible

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Déterminé(e)

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Agréable

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Annexes

25

Volontaire

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Agressif(ve)

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Inattentif(ve)

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Arrogant(e)

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Drôle

Ne décrit pas du

tout l’élève

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à

fait l’élève

Annexes

26

6. Annexe IIIb : Résultats du prétest du questionnaire d’internalité scolaire (version b)

Saynètes de comportements uniquement

1) Lorsqu’ils aident le maître à ranger la classe, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce qu’on est obligé de nettoyer la classe quand elle est sale » 76 42,71 S 58 7,51 S � « c’est parce que le maître m’a désigné » 58 7,51 S 83 64,18 S � « c’est parce que j’avais envie de ranger la classe » 89 86,04 S 87 78,40 S � « c’est parce que j’aime quand tout est en ordre » 87 78,40 S 76 42,71 S

2) Lorsqu’en classe, ils discutent avec leur voisin, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce qu’il n’arrête pas de parler » 64 16,04 S 59 8,71 S � « c’est parce que je voulais lui dire quelque chose d’important » 87 78,40 S 84 67,60 S � « c’est parce que j’aime bien discuter avec mes copains » 87 78,40 S 76 42,71 S � « c’est parce que c’est impossible de rester toute une journée sans parler à ses

copains » 39 1,60 p<.22 81 57,60 S

3) Lorsqu’ils s’appliquent sur leur cahier de classe, certains enfants disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que je suis un élève soigneux » 88 82,18 S 72 32,40 S � « c’est parce que le maître me l’a demandé » 74 37,38 S 62 18,84 S � « c’est parce que j’avais envie que mon cahier soit propre » 89 86,04 S 73 34,84 S � « c’est parce qu’on est obligé de tenir son cahier propre à l’école » 84 67,60 S 77 45,41 S

4) Lorsqu’ils chahutent en classe pendant une leçon, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que je suis un élève chahuteur » 85 71,11 S 56 5,38 S � « c’est parce que cette matière est toujours ennuyeuse » 59 8,71 S 58 7,51 S � « c’est parce que ce jour-là tout le monde était excité » 72 32,40 S 86 74,71 S � « c’est parce que j’avais envie de faire rire mes copains » 88 82,18 S 83 64,18 S

Annexes

27

5) Lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice, certains élèves disent :

I/E

p

S/I

p

� « c’est parce que je voulais faire plaisir » 84 67,60 S 83 64,18 S � « c’est parce qu’on est obligé d’aider les autres à l’école » 80 64,44 S 65 17,78 S � « c’est parce que j’aime bien aider mes copains » 90 90,00 S 63 14,40 S � « c’est parce que, cette fois-là, le maître voulait que je l’aide » 79 51,38 S 87 78,40 S

6) Lorsqu’ils ne font pas leurs devoirs à la maison, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que c’est toujours difficile de travailler après l’école » 38 2,28 p<.15 61 11,38 S � « c’est parce que je voulais aller m’amuser » 84 67,60 S 80 64,44 S � « c’est parce que mes copains sont venus me chercher pour jouer, à ce moment-

là » 63 14,40 S 81 57,60 S

� « c’est parce que je suis un élève pas très sérieux » 82 60,84 S 53 2,84 p<.10

Annexes

28

7. Annexe IIIc : Questionnaire d’internalité scolaire (version b)

Les mots entre parenthèses correspondent au texte de la version a du questionnaire qui

a été remplacé dans la version b. Les mots qui les ont remplacé sont soulignés et en italique.

1) Lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice :

� certains élèves disent « c’est parce que je voulais faire plaisir (j’en avais envie) »

� d’autres disent « c’est parce qu’on est obligé d’ (qu’il faut) aider les autres à l’école »

� d’autres disent « c’est parce que j’aime bien aider mes copains »

� d’autres disent « c’est parce que, cette fois-là, le maître voulait que je l’aide (qu’il m’a

demandé de l’aider) »

2) Lorsqu’ils sont félicités par le maître pour leur conduite en classe :

� certains élèves disent « c’est parce que, ce jour-là, j’ai fait des efforts pour être sage »

� d’autres disent « c’est parce qu’il y a des jours où j’ai plus de chance que d’autres »

� d’autres disent « c’est parce que les règles de classe sont faciles à respecter »

� d’autres disent « c’est parce que je suis quelqu’un de calme »

3) Lorsqu’ils réussissent bien un contrôle :

� certains élèves disent « c’est parce que je suis un bon élève »

� d’autres disent « c’est parce que la chance était de mon côté »

� d’autres disent « c’est parce que je me suis donné à fond pour ce contrôle »

� d’autres disent « c’est parce que la matière est facile »

4) Lorsqu’ils ne font pas (bâclent) leurs devoirs à la maison :

� certains élèves disent « c’est parce que (qu’après l’école) c’est toujours difficile de travailler après

l’école (se remettre au travail) »

� d’autres disent « c’est parce que je voulais aller m’amuser (m’en débarrasser) »

� d’autres disent « c’est parce que mes copains sont venus me chercher pour jouer à (qu’on m’a

dérangé) ce moment (jour)-là »

� d’autres disent « c’est parce que je suis un élève pas très sérieux (peu appliqué) »

5) Lorsqu’ils aident le maître à ranger la classe :

� certains élèves disent « c’est parce qu’on est obligé de nettoyer (nettoie) la classe quand elle est

sale »

� d’autres disent « c’est parce que le maître m’a désigné »

� d’autres disent « c’est parce que j’avais (ai) envie de ranger la classe »

� d’autres disent « c’est parce que j’aime quand tout est en ordre »

Annexes

29

6) Lorsqu’ils ont une mauvaise note dans une matière :

� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas assez révisé ma leçon »

� d’autres disent « c’est parce que je n’ai pas eu de chance cette fois-là »

� d’autres disent « c’est parce que les contrôles dans cette matière sont toujours difficiles »

� d’autres disent « c’est parce que je ne suis pas quelqu’un de fort dans cette matière »

7) Lorsqu’ils chahutent en classe pendant une leçon :

� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève chahuteur »

� d’autres disent « c’est parce que cette matière est toujours ennuyeuse »

� d’autres disent « c’est parce que ce jour-là tout le monde était excité (les autres ont commencé) »

� d’autres disent « c’est parce que j’avais envie de faire rire mes copains (m’amuser) »

8) Lorsqu’en classe, ils sont punis :

� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas eu de chance ce jour-là »

� d’autres disent « c’est parce que je suis un élève turbulent »

� d’autres disent « c’est parce que je n’ai pas fait assez d’efforts pour être sage »

� d’autres disent « c’est parce qu’on ne peut jamais rien faire à l’école »

9) Lorsqu’en classe, ils discutent avec leur voisin :

� certains élèves disent « c’est parce qu’il n’arrête pas de parler (m’a demandé quelque chose) »

� d’autres disent « c’est parce que je voulais (veux) lui dire quelque chose d’important »

� d’autres disent « c’est parce que j’aime bien discuter avec mes copains (je suis quelqu’un de plutôt bavard) »

� d’autres disent « c’est parce que c’est impossible de rester toute une journée sans parler à ses copains »

10) Lorsqu’ils s’appliquent sur leur cahier de classe :

� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève soigneux »

� d’autres disent « c’est parce que le maître me l’a demandé »

� d’autres disent « c’est parce que j’avais envie que mon cahier soit propre »

� d’autres disent « c’est parce qu’on est obligé de (qu’il faut) tenir son cahier propre à l’école »

11) Lorsqu’ils sont disputés pour avoir mal récité une leçon :

� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas eu de chance d’être interrogé ce jour-là »

� d’autres disent « c’est parce que je n’ai pas pris assez de temps pour apprendre ma leçon »

� d’autres disent « c’est parce que j’ai toujours du mal à apprendre mes leçons »

� d’autres disent « c’est parce que le maître donne toujours des leçons difficiles à apprendre »

Annexes

30

12) Lorsqu’ils gagnent à un jeu à l’école :

� certains élèves disent « c’est parce que j’ai fait beaucoup d’efforts pour gagner »

� d’autres disent « c’est parce que je suis quelqu’un de fort aux jeux »

� d’autres disent « c’est parce que la chance était de mon côté ce jour-là »

� d’autres disent « c’est parce que les jeux à l’école sont toujours faciles »

Annexes

31

ANNEXES IV

PROGRAMME DE RECHERCHE 4

8. Annexe IVa : Traits de personnalité

Liste des 150 traits de personnalité

Actif Affectueux Agaçant Agréable Agressif Amusant Angoissé Antipathique Arrogant Attachant Attentif Autonome Bagarreur Bavard Bête Borné Brusque Brutal Cachottier Calme Capricieux Charmant Collant Comique Consciencieux Courageux Cultivé Curieux Débrouillard Dépendant Déterminé Détestable Discipliné Discret Doux Drôle Dynamique Effronté Egocentrique

Egoïste Emotif Empoté Energique Enervant Entêté Enthousiaste Entreprenant Envahissant Etourdi Exaspérant Fabulateur Faible Fainéant Fier Fragile Franc Gai Gentil Grincheux Grossier Honnête Hypocrite Immature Impoli Impressionnable Imprévisible Impulsif Inattentif Incapable Indépendant Insolent Instruit Insupportable Intelligent Inventif Irréfléchi Irrespectueux Irresponsable

Jaloux Lent Lunatique Maladroit Malicieux Malin Matheux Méchant Menteur Mesquin Mesuré Méthodique Méticuleux Minutieux Modeste Moqueur Mou Mûr Naïf Nerveux Nonchalant Obéissant Obstiné Odieux Ordonné Orgueilleux Ouvert Paresseux Passif Pénible Perfectionniste Performant Persévérant Perspicace Pointilleux Posé Précis Prétentieux Prudent

Annexes

32

Puéril Raciste Raisonnable Rancunier Réfléchi Renfermé Réservé Respectueux Responsable Rigolo Rigoureux

Rusé Sage Sensé Sensible Sérieux Serviable Sociable Soigneux Solitaire Souriant Sournois

Spontané Studieux Susceptible Sympathique Têtu Tourmenté Travailleur Vantard Vif Violent Volontaire

Liste des 21 traits supplémentaires

Adorable Appliqué Brouillon Désordonné Dissipé Distrait Effacé Extraverti Hyperactif Intéressé Isolé Meneur Motivé Niais Pleurnichard Rêveur Sale Séducteur Suiveur Timide Transparent

Annexes

33

9. Annexe IVb : Profils d’élèves spécifiques sur les deux dimensions de la valeur sociale

Profil désirable 1) Lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice :

� certains élèves disent « c’est parce que j’aime bien aider mes copains »

2) Lorsqu’ils sont félicités par le maître pour leur conduite en classe :

� certains élèves disent « c’est parce que je suis quelqu’un de calme »

3) Lorsqu’ils réussissent bien un contrôle :

� certains élèves disent « c’est parce que je me suis donné à fond pour ce contrôle »

4) Lorsqu’ils ne font pas leurs devoirs à la maison :

� certains élèves disent « c’est parce que je voulais aller m’amuser »

5) Lorsqu’ils aident le maître à ranger la classe :

� certains élèves disent « c’est parce que j’avais envie de ranger la classe »

6) Lorsqu’ils ont une mauvaise note dans une matière :

� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas assez révisé ma leçon »

7) Lorsqu’ils chahutent en classe pendant une leçon :

� certains élèves disent « c’est parce que ce jour-là tout le monde était excité »

8) Lorsqu’en classe, ils sont punis :

� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas fait assez d’efforts pour être sage »

9) Lorsqu’en classe, ils discutent avec leur voisin :

� certains élèves disent « c’est parce que je voulais lui dire quelque chose d’important »

10) Lorsqu’ils s’appliquent sur leur cahier de classe :

� certains élèves disent « c’est parce que j’avais envie que mon cahier soit propre »

11) Lorsqu’ils se font disputés pour avoir mal récité une leçon :

� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas pris assez de temps pour apprendre ma leçon »

12) Lorsqu’ils gagnent à un jeu à l’école :

� certains élèves disent « c’est parce que j’ai fait beaucoup d’efforts pour gagner »

Annexes

34

Profil utile 1) Lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice :

� certains élèves disent « c’est parce que j’aime bien aider mes copains »

2) Lorsqu’ils sont félicités par le maître pour leur conduite en classe :

� certains élèves disent « c’est parce que, ce jour-là, j’ai fait des efforts pour être sage »

3) Lorsqu’ils réussissent bien un contrôle :

� certains élèves disent « c’est parce que je suis un bon élève »

4) Lorsqu’ils ne font pas leurs devoirs à la maison :

� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève pas très sérieux »

5) Lorsqu’ils aident le maître à ranger la classe :

� certains élèves disent « c’est parce que j’aime quand tout est en ordre »

6) Lorsqu’ils ont une mauvaise note dans une matière :

� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas assez révisé ma leçon »

7) Lorsqu’ils chahutent en classe pendant une leçon :

� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève chahuteur »

8) Lorsqu’en classe, ils sont punis :

� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas fait assez d’efforts pour être sage »

9) Lorsqu’en classe, ils discutent avec leur voisin :

� certains élèves disent « c’est parce que j’aime bien discuter avec mes copains »

10) Lorsqu’ils s’appliquent sur leur cahier de classe :

� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève soigneux »

11) Lorsqu’ils se font disputés pour avoir mal récité une leçon :

� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas pris assez de temps pour apprendre ma leçon »

12) Lorsqu’ils gagnent à un jeu à l’école :

� certains élèves disent « c’est parce que je suis quelqu’un de fort aux jeux »

Annexes

35

Profil indésirable 1) Lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice :

� certains élèves disent « c’est parce qu’on est obligé d’aider les autres à l’école »

2) Lorsqu’ils sont félicités par le maître pour leur conduite en classe :

� certains élèves disent « c’est parce que, ce jour-là, j’ai fait des efforts pour être sage »

3) Lorsqu’ils réussissent bien un contrôle :

� certains élèves disent « c’est parce que la chance était de mon côté »

4) Lorsqu’ils ne font pas leurs devoirs à la maison :

� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève pas très sérieux »

5) Lorsqu’ils aident le maître à ranger la classe :

� certains élèves disent « c’est parce que le maître m’a désigné »

6) Lorsqu’ils ont une mauvaise note dans une matière :

� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas eu de chance cette fois-là »

7) Lorsqu’ils chahutent en classe pendant une leçon :

� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève chahuteur »

8) Lorsqu’en classe, ils sont punis :

� certains élèves disent « c’est parce qu’on ne peut jamais rien faire à l’école »

9) Lorsqu’en classe, ils discutent avec leur voisin :

� certains élèves disent « c’est parce qu’il n’arrête pas de parler »

10) Lorsqu’ils s’appliquent sur leur cahier de classe :

� certains élèves disent « c’est parce que le maître me l’a demandé »

11) Lorsqu’ils se font disputés pour avoir mal récité une leçon :

� certains élèves disent « c’est parce que le maître donne toujours des leçons difficiles à apprendre »

12) Lorsqu’ils gagnent à un jeu à l’école :

� certains élèves disent « c’est parce que je suis quelqu’un de fort aux jeux »

Annexes

36

Profil inutile 1) Lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice :

� certains élèves disent « c’est parce que je voulais faire plaisir »

2) Lorsqu’ils sont félicités par le maître pour leur conduite en classe :

� certains élèves disent « c’est parce qu’il y a des jours où j’ai plus de chance que d’autres »

3) Lorsqu’ils réussissent bien un contrôle :

� certains élèves disent « c’est parce que la chance était de mon côté »

4) Lorsqu’ils ne font pas leurs devoirs à la maison :

� certains élèves disent « c’est parce que c’est toujours difficile de travailler après l’école »

5) Lorsqu’ils aident le maître à ranger la classe :

� certains élèves disent « c’est parce qu’on est obligé de nettoyer la classe quand elle est sale »

6) Lorsqu’ils ont une mauvaise note dans une matière :

� certains élèves disent « c’est parce que je ne suis pas quelqu’un de fort dans cette matière »

7) Lorsqu’ils chahutent en classe pendant une leçon :

� certains élèves disent « c’est parce que cette matière est toujours ennuyeuse »

8) Lorsqu’en classe, ils sont punis :

� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève turbulent »

9) Lorsqu’en classe, ils discutent avec leur voisin :

� certains élèves disent « c’est parce que c’est impossible de rester toute une journée sans parler à ses copains »

10) Lorsqu’ils s’appliquent sur leur cahier de classe :

� certains élèves disent « c’est parce que le maître me l’a demandé »

11) Lorsqu’ils se font disputés pour avoir mal récité une leçon :

� certains élèves disent « c’est parce que le maître donne toujours des leçons difficiles à apprendre »

12) Lorsqu’ils gagnent à un jeu à l’école :

� certains élèves disent « c’est parce que la chance était de mon côté ce jour-là »

Annexes

37

10. Annexe IVc : Bilans scolaires des élèves fictifs

Elève fort

Bilan des évaluations 1ère période Prénom : Cédric Sexe : Masculin Date de naissance : 14/08/1996

Classe de CE2

Français Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Maîtrise de l’ordre alphabétique X Notion de passé, présent, futur X Reconnaître l’infinitif d’un verbe X La phrase X La phrase interrogative X Lecture et compréhension X Lecture et oralisation X

Mathématiques Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Les nombres jusqu’à 1000 X Décomposer des nombres X Ecrire des nombres en lettres X Comparer des nombres X Ordre de grandeur X Géométrie : les solides X Tables de multiplication (×2, ×3, ×4) X Signature des parents :

Annexes

38

Bilan des évaluations 2ème période

Classe de CE2

Français Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Les 3 groupes du verbe X Présent des verbes du 1er groupe X Présent des verbes du 2ème groupe X Ecrire un texte connu en dictée X Les mots invariables X Les homophones :

a / à / as X est / et X

on / ont X son / sont X

Lecture et compréhension X Lecture et oralisation X

Mathématiques

Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Situation problèmes X Ecrire les nombres > 1000 X Les additions X Les calculs de produits X

Signature des parents :

Annexes

39

Bilan des évaluations 3ème période

Classe de CE2

Français Acquis En voie d’acquisition Non acquis Futur des verbes du 1er groupe X Futur des verbes du 2ème groupe X Mots invariables X Groupe nominal sujet et groupe verbal X Le son /S/ X M devant m, b, p X La cédille X Les phonies de la lettre G (ge, gu...) X Ecrire un texte sous la dictée X Lecture orale X Lecture compréhension X

Mathématiques Acquis En voie d’acquisition Non acquis Connaître les tables de multiplication < à 7 X Technique opératoire de la multiplication X Technique opératoire de la soustraction X Résoudre des problèmes : choisir la bonne opération X

Numération : les nombres > à 10000 X Mesure de segments X Signature des parents :

Annexes

40

Bilan des évaluations dernière période

Classe de CE2

Français Acquis En voie d’acquisition Non acquis Passé composé 1er et 2ème groupes X Imparfait 1er et 2ème groupes X Verbes aller, venir, faire aux 4 temps X Les constituants du GN : déterminant et nom X

Noms propres et noms communs X L’adjectif qualificatif X Le genre X Le nombre X Le son /j/ (ail, eil, …) X Les noms en oir, oire X Les noms en eur X Lecture compréhension X

Mathématiques Acquis En voie d’acquisition Non acquis Connaître les tables de multiplication (jusqu’à 10) X

Technique opératoire de la multiplication X Multiplier par 10, 100, … 20, 200, … X Technique opératoire de la soustraction X Numération (> à 1000) X Résolution de problèmes X Signature des parents :

Annexes

41

Elève moyen

Bilan des évaluations 1ère période Prénom : Cédric Sexe : Masculin Date de naissance : 14/08/1996

Classe de CE2

Français Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Maîtrise de l’ordre alphabétique X Notion de passé, présent, futur X Reconnaître l’infinitif d’un verbe X La phrase X La phrase interrogative X Lecture et compréhension X Lecture et oralisation. X

Mathématiques Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Les nombres jusqu’à 1000 X Décomposer des nombres X Ecrire des nombres en lettres X Comparer des nombres X Ordre de grandeur X Géométrie : les solides X Tables de multiplication (×2, ×3, ×4) X Signature des parents :

Annexes

42

Bilan des évaluations 2ème période

Classe de CE2

Français Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Les 3 groupes du verbe X Présent des verbes du 1er groupe X Présent des verbes du 2ème groupe X Ecrire un texte connu en dictée X Les mots invariables X Les homophones :

a / à / as X est / et / est X

on / ont X son / sont X

Lecture et compréhension X Lecture et oralisation X

Mathématiques

Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Situation problèmes X Ecrire les nombres > 1000 X Les additions X Les calculs de produits X

Signature des parents

Annexes

43

Bilan des évaluations 3ème période

Classe de CE2

Français Acquis En voie d’acquisition Non acquis Futur des verbes du 1er groupe X Futur des verbes du 2ème groupe X Mots invariables X Groupe nominal sujet et groupe verbal X Le son /S/ X M devant m, b, p X La cédille X Les phonies de la lettre G (ge, gu...) X Ecrire un texte sous la dictée X Lecture orale X Lecture compréhension X

Mathématiques Acquis En voie d’acquisition Non acquis Connaître les tables de multiplication < à 7 X Technique opératoire de la multiplication X Technique opératoire de la soustraction X Résoudre des problèmes : choisir la bonne opération

X

Numération : les nombres > à 10000 X Mesures de segments X Signature des parents :

Annexes

44

Bilan des évaluations dernière période

Classe de CE2

Français Acquis En voie d’acquisition Non acquis Passé composé 1er et 2ème groupes X Imparfait 1er et 2ème groupes X Verbes aller, venir, faire aux 4 temps X Les constituants du GN : déterminant et nom X

Noms propres et noms communs X L’adjectif qualificatif X Le genre X Le nombre X Le son /j/ (ail, eil, …) X Les noms en oir, oire X Les noms en eur X Lecture compréhension X

Mathématiques Acquis En voie d’acquisition Non acquis Connaître les tables de multiplication (jusqu’à10) X

Technique opératoire de la multiplication X Multiplier par 10, 100, …20, 200, … X Technique opératoire de la soustraction X Numération (> à 1000) X Résolution de problèmes X

Signature des parents :

Annexes

45

Elève faible

Bilan des évaluations 1ère période Prénom : Cédric Sexe : Masculin Date de naissance : 14/08/1996

Classe de CE2

Français Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Maîtrise de l’ordre alphabétique X Notion de passé, présent, futur X Reconnaître l’infinitif d’un verbe X La phrase X La phrase interrogative X Lecture et compréhension X Lecture et oralisation X

Mathématiques Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Les nombres jusqu’à 1000 X Décomposer des nombres X Ecrire des nombres en lettres X Comparer des nombres X Ordre de grandeur X Géométrie : les solides X Tables de multiplication (×2, ×3, ×4) X Signature des parents :

Annexes

46

Bilan des évaluations 2ème période

Classe de CE2

Français Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Les 3 groupes du verbe X Présent des verbes du 1er groupe X Présent des verbes du 2ème groupe X Ecrire un texte connu en dictée X Les mots invariables X Les homophones :

a / à / as X est / et / est X

on / ont X son / sont X

Lecture et compréhension X Lecture et oralisation X

Mathématiques

Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Situation problèmes X Ecrire les nombres > 1000 X Les additions X Les calculs de produits X

Signature des parents

Annexes

47

Bilan des évaluations 3ème période

Classe de CE2

Français Acquis En voie d’acquisition Non acquis Futur des verbes du 1er groupe X Futur des verbes du 2ème groupe X Mots invariables X Groupe nominal sujet et groupe verbal X Le son /S/ X M devant m, b, p X La cédille X Les phonies de la lettre G (ge, gu...) X Ecrire un texte sous la dictée X Lecture orale X Lecture compréhension X

Mathématiques Acquis En voie d’acquisition Non acquis Connaître les tables de multiplication < à 7 X Technique opératoire de la multiplication X Technique opératoire de la soustraction X Résoudre des problèmes : choisir la bonne opération

X

Numération : les nombres > à 10000 X Mesures de segments X

Signature des parents :

Annexes

48

Bilan des évaluations dernière période

Classe de CE2

Français Acquis En voie d’acquisition Non acquis Passé composé 1er et 2ème groupes X Imparfait 1er et 2ème groupes X Verbes aller, venir, faire aux 4 temps X Les constituants du GN : déterminant et nom

X

Noms propres et noms communs X L’adjectif qualificatif X Le genre X Le nombre X Le son /j/ (ail, eil, …) X Les noms en oir, oire X Les noms en eur X Lecture compréhension X

Mathématiques Acquis En voie

d’acquisition Non acquis

Connaître les tables de multiplication (jusqu’à10)

X

Technique opératoire de la multiplication X Multiplier par 10, 100, …20, 200, … X Technique opératoire de la soustraction X Numération (> à 1000) X Résolution de problèmes X

Signature des parents :