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    Une conception purement sociale de la valeur et du travail productif

    Par Jacques Gouverneur (TEXTE PROVISOIRE, juin 2006)

    Rsum

    La valeur est ici dfinie comme travail indirectement social , c'est--dire comme travail reconnu socialement utile

    par la vente du produit. Cet unique critre permet dinclure dans le concept de marchandise, au mme titre que les biens

    matriels, lensemble des services (pour autant quils soient vendus).

    Ladoption du critre de travail indirectement social remet en cause la distinction habituelle entre activits de

    production et activits de circulation : dans la mesure o il y a vente, les unes et les autres produisent des marchandises et de

    la valeur. Une distinction nouvelle est cependant introduite entre les activits de circulation (qui prennent du temps) et les

    actes de circulation (qui sont instantans) : les premires relvent de la production au sens large et peuvent donner lieu la

    cration de valeur et de plus-value ; les seconds, par contre, ne peuvent crer ni valeur ni plus-value.

    L'adoption du critre de travail indirectement social remet aussi en cause les conceptions habituelles concernant le

    travail plus qualifi et le travail plus intensif. Ceux-ci ne crent pas plus de valeur que le travail moyen. Mais ils constituent

    des facteurs d'augmentation de la productivit et sont traits comme tels : limits une entreprise, ils donnent lieu un

    transfert de plus-value ; gnraliss l'conomie, ils donnent lieu une production de plus-value relative.Une distinction

    nouvelle est introduite entre exploitation conomique et exploitation physique, qui peuvent voluer en sens opposs.

    L'adoption du critre de travail indirectement social contribue galement remettre en cause les conceptionshabituelles concernant la valeur de la force de travail et les rapports entre celle-ci et le salaire montaire.

    Les positions non conformistes adoptes dissocient compltement la dfinition du travail productif et la dfinition des

    classes sociales. Sur le plan de la thorie conomique, les positions dfendues prsentent le double avantage de la rigueur et

    de la simplicit : dune part, elles rendent lapproche plus rigoureuse et plus cohrente ; dautre part, tout en tant justifies

    par le seul souci de cohrence conceptuelle, elles ont pour rsultat de simplifier la thorie et de faciliter lestimation

    statistique de divers concepts-cls.

    Lobjectif de cet article est de contribuer au dbat thorique sans cesse renouvel concernant les concepts

    marxistes de valeur et de travail productif. Ce dbat prsente un volet qualitatif et un volet quantitatif.

    Sur le plan qualitatif, il sagit de savoir quelles sont les activits productives. On sait que le travail

    productif peut tre entendu en deux sens : dans un sens large, le travail productif est le travail crateur de valeur

    et de revenu ; dans un sens strict, le travail productif est le travail crateur de survaleur et de plus-value. Quel'on considre le concept au sens large ou au sens strict, le travail productif est toujours un travail de production

    de marchandises. Do la question : les services sont-ils des marchandises au mme titre que les biens ? toutes

    les activits dans le secteur de production marchande contribuent-elles la production de marchandises ?

    Sur le plan quantitatif, la question est de savoir si les travaux considrs comme productifs crent tous la

    mme quantit de valeur et de revenu (de survaleur et de plus-value). On touche ici au problme des

    diffrences dans la productivit, dans l'intensit et dans la qualification du travail : le travail plus mcanis, plus

    intensif, plus qualifi ne cre-t-il pas plus de valeur que le travail moins mcanis, moins intensif, moins

    qualifi ?

    A ces deux questions, la tradition marxiste dominante apporte des rponses qui se basent, au moins

    partiellement, sur le contenu ou les aspects concrets des activits ralises. La qualit de travail productif est

    gnralement dnie un grand nombre dactivits immatrielles, et notamment aux activits de circulation et

    de surveillance : de par leur nature, toutes ces activits sont censes tomber en dehors du champ de lamarchandise. Dautre part, sur le plan quantitatif, une certaine conception du travail abstrait comme dpense

    dnergie aboutit considrer que le travail plus intensif ou plus qualifi cre davantage de valeur que le travail

    moyen.

    Aux deux questions souleves, nous proposons au contraire des rponses unifies et compltement

    indpendantes du contenu ou des aspects concrets des activits ralises. Pour dterminer quelles activits sont

    productives, pour dterminer dautre part la quantit de valeur cre par un travail productif, un seul et unique

    critre sera utilis : le critre de travail indirectement social, cest--dire travail reconnu comme socialement

    utile par la vente du produit. Ce mme critre, par ailleurs, nous amnera critiquer une autre tradition

    marxiste dominante, qui assimile la force de travail une marchandise et qui fait dpendre le salaire dune

    valeur de la force de travail prexistante.

    La section 1 prsente une classification du travail dans la socit capitaliste et prcise le concept de travail

    indirectement social (1.1). Nous dfendons ensuite lide que le travail abstrait (le commun dnominateur desmarchandises, la substance de la valeur) nest autre que ce travail indirectement social, et nous en dduisons

    notre point de vue concernant le travail productif, tant sur le plan qualitatif que quantitatif (1.2).

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    Les sections suivantes confrontent les conceptions marxistes traditionnelles et nos propres conceptions sur

    trois thmes : la section 2 traite du travail productif sur le plan qualitatif, la section 3 traite du problme en

    termes quantitatifs, la section 4 aborde le problme des rapports entre salaire et valeur de la force de travail. Les

    critiques adresses aux conceptions traditionnelles nous donnent loccasion de prciser notre point de vue et

    dintroduire de nouvelles distinctions conceptuelles.

    En guise de conclusion, la section 5 montre lintrt que nos conceptions radicales prsentent, tant sur le

    plan de la thorie conomique marxiste quau niveau idologique et socio-politique1.

    1. TRAVAIL ET VALEUR

    1.1 Le travail dans la socit capitaliste

    Le tableau 1 classifie les activits et les units de production en fonction des deux critres essentiels

    dfinissant une conomie capitaliste : production marchande (ou production non marchande) et travail salari (ou

    travail non salari).

    Tableau 1 : Une classification des activits et des units de production

    Production marchande Production non marchande

    Travailsalari

    A. Entreprises salariales

    A1. capitalistes

    A2. publiques

    (Vivent de la vente)

    (Travail indirectement social,travail htronome)

    C. Institutions dintrt public

    C1. publiques

    C2. prives

    (Vivent de financements

    publics)(Travail directement social,

    travail htronome)

    Travail

    nonsalari

    B. Entreprises indpendantes

    B1. individuelles

    B2. collectives

    (Vivent de la vente)(Travail indirectement social,

    travail htronome)

    D. Sphre non professionnelle

    D1. associations volontaires

    D2. mnages

    (Vivent du bnvolat)(Travail priv ou social,

    travail autonome)

    Les rectangles A et B comprennent toutes les entreprises produisant pour le march. Capitalistes ou non,

    travaillant pour le profit ou non, toutes les entreprises vivent en principe de la vente de leurs produits. Le travail

    qui y est ralis (par les salaris et capitalistes, ou par les indpendants) est du travail indirectement social,c'est--dire du travail dont l'utilit sociale n'est reconnue que de manire indirecte, par le biais de la vente des

    produits sur le march. Le travail y est en mme temps du travail htronome, c'est--dire du travail dont la

    reproduction est soumise des normes extrieures : les entreprises sont en effet soumises aux lois du march(elles ne se maintiennent que si elles rpondent la demande des acheteurs et si elles sont comptitives par

    rapport aux concurrents).

    Le rectangle C comprend les institutions dintrt public produisant des biens ou services non marchands.Publiques ou prives, elles vivent, non pas de la vente, mais de financements publics. Le travail qui y est ralis

    (par des salaris) est du travail directement social, c'est--dire du travail dont l'utilit sociale est reconnue de

    manire directe par l'autorit publique qui assure le financement. Le travail y est galement htronome, en ce

    sens que ces institutions sont soumises aux dcisions des pouvoirs publics (elles ne se maintiennent que si elles

    rpondent aux critres fixs par ces derniers, qui prennent en compte des lments trs divers : charge pour les

    finances publiques, besoins sociaux satisfaire, intrts partisans ou personnels des politiciens au pouvoir, etc.)

    Dans la sphre non professionnelle (rectangle D), les mnages et les associations volontaires vivent en

    principe du travail gratuit et du bnvolat. Le travail fourni peut tresocial(utile d'autres qu'aux producteurs

    1 Larticle puise largement dans des argumentations dveloppes au fil des pages de Gouverneur J., Les fondements de lconomie capitaliste.

    Introduction lanalyse conomique marxiste du capitalisme contemporain, Contradictions, Bruxelles, 3me et dernire dition, 2005, 387p.

    (voir en particulier les chapitres 1, 2 et 5 et les annexes 5, 6 et 7). Le livre peut tre command via le site www.i6doc.com (25 euros). Il peutgalement tre tlcharg gratuitement partir du mme site et reproduit librement.

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    eux-mmes) oupriv(utile aux seuls producteurs). Le travail est autonome, dans la mesure o ces units de

    production ne sont soumises ni aux lois du march ni aux dcisions des pouvoirs publics (elles se maintiennent

    tant que dure le bnvolat).

    Le tableau 1 ne dit rien sur la nature des productions effectues. En ralit, une mme production, dfinie

    par la nature du produit, peut se trouver dans deux ou plusieurs des rectangles distingus, voire mme dans

    tous (cest par exemple le cas de lenseignement et lducation). Une mme production peut aussi passer dune

    rubrique ou dun rectangle lautre selon lvolution politique (privatisation dentreprises publiques = passagede A2 A1).

    Par ailleurs, le tableau suppose que tout le travail prest dans la sphre professionnelle (rectangles A, B, C)

    est du travail professionnel, et que tout travail prest dans la sphre non professionnelle (rectangle D) est du

    travail gratuit. En ralit, on peut trouver du travail gratuit en divers points de la sphre professionnelle : ainsi le

    travail prest par des membres de la famille dans le petit commerce, par les bnvoles dans les cliniques, etc.

    Inversement, on peut trouver du travail professionnel au sein de la sphre non professionnelle : cest le cas des

    salaris engags par les associations volontaires. Ces diverses exceptions naffectent cependant pas le caractre

    du travail prest dans lune ou lautre sphre. Gratuit ou non, le travail prest dans la sphre professionnelle est

    du travail htronome, soumis la validation du march (travail indirectement social) ou celle des pouvoirs

    publics (travail directement social). Gratuit ou non, le travail prest dans une association constitue du travail

    autonome, chappant aussi bien la validation du march qu celle des pouvoirs publics.

    Le tableau 1 suppose galement que chaque unit de production ne dispose, pour assurer sa reproduction,

    que dune seule source de revenus ou de financement : les entreprises marchandes vivent du prix pay par les

    acheteurs ; les institutions vivent de financements publics impliquant des prlvements obligatoires ; les

    mnages (en tant quunits de production et non de consommation) reposent sur le travail gratuit de leurs

    membres ; et les associations vivent du bnvolat (travail gratuit, cotisations, dons). La ralit est souvent

    diffrente, en ce sens quune mme unit de production peut disposer de plusieurs sources de revenus en

    proportions variables.2

    Les situations concrtes sont donc moins tranches que les distinctions thoriques : la

    frontire entre production marchande et production non marchande, en particulier, peut tre difficile ou mme

    impossible tracer3.

    1.2. La valeur comme travail indirectement social

    Si des marchandises distinctes s'changent sur le march, cest quelles ont un commun dnominateur

    pertinent pour le march. Celui-ci, on le sait, est le travail des producteurs : non pas le travail concret, mais letravail abstrait. Le travail concret, cest le travail envisag dans ses aspects matriels concrets, perceptibles : il

    diffre dune marchandise lautre et dune catgorie de travailleurs lautre, il est spcifique chaque

    marchandise et chaque catgorie de travailleurs. Le travail abstrait, cest le travail de production marchande

    envisag en gnral, en faisant abstraction des aspects spcifiques en question. Ce travail abstrait commun aux

    diverses marchandises est galement dnomm valeur. On peut donc dire, trs brivement, que le commun

    dnominateur des marchandises est la valeur4

    .

    Encore faut-il prciser ce quon entend par travail abstrait. Tous les auteurs sont daccord en principe

    du moins pour dire que le travail abstrait fait abstraction des aspects matriels propres au travail concret, qui

    diffrent selon les marchandises et selon les travailleurs. Nous ajoutons que le travail abstrait peut et doit faire

    galement abstraction des caractristiques sociales, dans la mesure o celles-ci peuvent diffrer selon les

    entreprises (entreprises indpendantes, capitalistes, publiques) et selon les producteurs (producteurs

    indpendants, capitalistes, salaris).

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    Ainsi, les entreprises marchandes peuvent reposer en partie sur des subsidespublics (compagnies de chemin fer par exemple) ou/et sur des

    cotisations de membres (clubs de football), sans compter les rentes lies la proprit dactifs (socits financires). Les associations

    peuvent galement vendre des services leurs membres ou des utilisateurs extrieurs ; elles peuvent bnficier, le cas chant, de

    subsides publics (pour financer les cots matriels ou le personnel engag). Les institutions exigent pour divers services un paiement

    individualisde la part des bnficiaires : frais d'inscription pour les tudes, timbres pour les actes dtat civil, etc. Et les productions des

    mnages peuvent ventuellement bnficier de certainssubsides publics (allocation de la mre au foyer).

    3 Ainsi, une crche finance moiti par la commune, moiti par les parents, relve tout autant de la production non marchande que de la

    production marchande. Un tablissement denseignement relve plutt de la production non marchande sil vit surtout de subsides

    publics,pluttde la production marchande sil vit surtout de paiements privs. Et ainsi de suite.4

    Nombre d'auteurs font une distinction entre la valeur et le travail abstrait : la valeur est une proprit des marchandises , savoir la proprit qu'elles ont de s'changer entre elles ; le travail abstrait est un type spcifique de travail, savoir le travail de production

    marchande envisag de manire gnrale. En adoptant cette terminologie, on dira que les marchandises ont de la valeur parce qu'elles

    ont comme commun dnominateur le travail abstrait. Le travail abstrait constitue la substance de la valeur des marchandises, les deux

    autres aspects constitutifs de la valeur tant sagrandeuret, d'autre part, son expression visible sous laforme dun prix.

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    Le travail abstrait, selon nous, est le travail envisag en retenant UN SEUL aspect social(moins vident,

    certes, mais bien rel), laspect de travail indirectement social : si le cordonnier, louvrier mtallurgiste,

    lemploy de banque, lingnieur et le top manager contribuent produire des biens ou services vendus sur le

    march, ils fournissent tous du travail indirectement social. Cest ce travail indirectement social qui constitue

    le vritable commun dnominateur des marchandises.

    Letravail indirectement social tant le commun dnominateur des marchandises, on peut dfinir celles-ci

    d'une manire prcise : la marchandise est leproduitdu travail indirectement social. Inversement, on peut

    dfinir la valeur de manire aussi prcise : la valeur est du travail consacr produire des marchandisesvendues. Crer de la valeur, c'est donc fournir du travail indirectement social, c'est participer la production de

    marchandises vendues sur le march. De cette conception de la valeur dcoulent plusieurs consquences

    importantes.

    En premier lieu, tout le travail prest dans le secteur de production marchande cre de la valeur,

    indpendamment du statut social des entreprises et des travailleurs, indpendamment de la nature concrte des

    produits vendus et des activits dployes. Les entreprises peuvent tre des entreprises capitalistes, publiques,

    indpendantes ; les travailleurs peuvent tre des salaris dexcution, des cadres, des capitalistes, des

    indpendants. Les marchandises produites peuvent tre indiffremment des biens ou des services. Quant aux

    activits dployes, elles peuvent tre de caractre technique ou administratif, manuel ou intellectuel, et elles

    peuvent s'exercer l'intrieur de n'importe quel dpartement de l'entreprise : production , vente ,

    administration gnrale , comptabilit , etc. (Ainsi, par exemple, dans lindustrie automobile : sagissant de

    cration de valeur, le travail des contrematres, des comptables et des agents commerciaux ne diffre pas du

    travail accompli par les ouvriers directement impliqus dans la chane de production : dans tous les cas, il sagit

    de travail effectu linitiative du capitaliste ayant engag ces salaris ; et dans tous les cas, cest la vente des

    voitures qui reconnat le bien-fond de cette initiative et lutilit sociale du travail accompli.) Par consquent,

    tous les travailleurs du secteur de production marchande participent la production de marchandises et de valeur,

    et le processus de production doit s'entendre dans un sens beaucoup plus large que la simple fabrication.

    En deuxime lieu, il faut insister sur le fait que la valeur implique la fois la production et la vente. La

    production en elle-mme n'est pas suffisante : tant qu'un produit n'est pas vendu, le temps de travail qu'il

    incorpore ne compte pas comme valeur, mais simplement comme du travail en qute d'une reconnaissance

    sociale. Seule la vente du produit assure cette reconnaissance sociale et transforme en valeur le travail

    incorpor. Par consquent, s'il est correct d'affirmer sans production, pas de valeur , il est ncessaire

    d'ajouter sans vente, pas de valeur 5.

    En troisime lieu, tous les producteurs se trouvent sur un pied d'galit en ce qui concerne la quantit de

    valeur nouvelle cre par le travail prsent. Rappelons la dfinition de la valeur : valeur = travail abstrait =

    travail indirectement social. Pour qu'il y ait cration de valeur, il faut et il suffit que le travail soit du travail

    indirectement social, c'est--dire qu'il contribue crer un produit vendu sur le march. On ne considre ni les

    caractristiques sociales variables des entreprises et des producteurs, ni les caractristiques concrtes des

    marchandises produites et des activits dployes. Si l'on fait ainsi abstraction de toutes les caractristiques

    concrtes des activits dployes, on fait donc abstraction entre autres du degr de mcanisation, d'intensit

    et de qualification du travail.

    Par consquent, du moment que soient vendus les biens et services la production desquels les travailleurs

    participent, on a : 1h de travail d'un travailleur quelconque = 1h de travail de n'importe quel autre travailleur = 1h

    de valeur. Ni le degr de qualification et d'intensit du travail, ni le degr de mcanisation, n'affectent donc laquantit de valeur cre par le travail prsent.

    Le degr de mcanisation, le degr de qualification et dintensit du travail ont une influence certaine sur

    la valeur des marchandises, mais non sur la valeur cre par le travail prsent. Deux prcisions simposent en la

    matire.

    Tout dabord, une mcanisation plus pousse et/ou un travail plus intensif supposent l'utilisation d'un plus

    grand nombre de moyens de production (machines et/ou matires), tandis qu'un travail plus qualifi suppose

    l'utilisation d'un plus grand nombre de moyens de formation (livres, tudes, etc.). Dans la mesure o les

    moyens de production et de formation doivent tre achets d'autres producteurs (hypothse d'une pure

    conomie de march), une heure de travail plus mcanis ou plus intensif ou plus qualifi aura pour effet de

    transfrerdavantage de valeur passe. Ceci affectera la valeur des marchandises produites (qui est la somme de

    5Cette insistance sur le double rle de la production et de la vente fait toute la diffrence entre la valeur conue comme travail

    indirectement social et la valeur conue comme travail incorpor (indpendamment de la vente). Ces deux conceptions de la valeur

    se retrouvent chez Marx.

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    la valeur passe transfre et de la valeur nouvelle cre) ; mais cela ne signifie pas que lheure de travail plus

    mcanis ou plus intensif ou plus qualifi crerait davantage de valeur nouvelle.

    De mme, un travail plus mcanis ou plus intensif ou plus qualifi entrane normalement une productivit

    accrue, cest--dire une production accrue de valeurs dusage par heure de travail, et de l une rduction de la

    valeur par unit de marchandise produite. Mais cela ne signifie nullement une production accrue de valeur par

    heure de travail : 1h de travail indirectement social produit toujours 1h de valeur, quel que soit le degr de

    productivit du travail.

    2. LE DEBAT SUR LES CONCEPTS DE MARCHANDISE ET DE TRAVAIL PRODUCTIF

    Que l'on considre le concept au sens large (travail crateur de valeur et de revenu) ou au sens strict

    (travail crateur de survaleur et de plus-value), le travail productif est toujours un travail de production de

    marchandises. Do la question : les services (vendus) sont-ils des marchandises au mme titre que les biens ?

    toutes les activits dans le secteur de production marchande contribuent-elles la production de marchandises ?

    2.1 La conception traditionnelle

    2.1.1. L'exclusion des activits de circulation et de surveillance

    Dans l'analyse du travail productif, Marx et la plupart des auteurs marxistes distinguent les activits de

    production d'une part, les activits de circulation et de surveillance d'autre part. La production comprend toutes

    les oprations techniquement ncessaires pour crer un produit donn. Ces oprations techniques sont entendues

    au sens large : elles comprennent, non seulement la fabrication proprement dite, mais aussi le transport, le

    stockage, la conservation, etc. La circulation comprend toutes les activits assurant les transferts de droits de

    proprit ou d'usage sur les produits ou sur l'argent, c'est--dire les activits rendues ncessaires par la forme

    marchande de la production : achat de moyens de production et de forces de travail, vente de produits, emprunt

    et prt d'argent. Ces activits s'exercent soit au sein de dpartements spcialiss d'entreprises de production

    (dpartements vente , finances , etc.) soit au sein d'entreprises spcialises (commerces et banques en

    particulier). Les activits desurveillance sont rendues ncessaires par la nature capitaliste de la production, avec

    sa division en classes : ces activits visent assurer la discipline dans l'entreprise (travail de la hirarchie de

    direction, des contrematres).

    Selon la conception marxiste habituelle, seul le travail de production (dans le secteur marchand) est

    productif : seul il cre des marchandises, de la valeur et du revenu (et donc de la survaleur et de la plus-value s'il

    s'agit de travail salari). Les activits de circulation et de surveillance constituent au contraire du travail

    improductif : elles ne crent ni marchandises, ni valeur ni revenu. Par consquent, les revenus obtenus dans

    l'exercice de ces activits impliquent, tout comme les salaires touchs dans la production non marchande, un

    prlvement sur le revenu global cr : il en est ainsi, notamment, pour les salaires et profits des entreprises

    commerciales et financires, de mme que pour les salaires verss aux employs des divers dpartements

    ralisant des activits de circulation ou de surveillance dans les entreprises de production marchande.

    Ce prlvement opr pour rmunrer les activits de circulation et de surveillance affecte les possibilits

    de profit et d'accumulation des secteurs productifs. Dans la mesure o s'accrot la proportion des travailleurs lis

    ces activits, dans la mesure o se rduit la proportion des travailleurs lis aux activits techniques de

    production, lconomie dans son ensemble rencontre donc des limites sa croissance.

    2.1.2.L'exclusion des services immatriels

    Lanalyse de la marchandise au dbut du Capitalenvisage uniquement le cas de biens matriels. De mme,

    lanalyse ultrieure du processus de production se concentre sur la fabrication de biens matriels. Alors que cette

    limitation sexplique par le contexte de lpoque (les services marchands taient trs peu dvelopps au 19e

    sicle), de nombreux auteurs en ont dduit que le concept de marchandise se limiterait par nature aux biens

    matriels, ainsi qu'aux services portant directement sur des biens matriels. Ainsi, selon eux, le transport et la

    rparation d'objets peuvent tre assimils la production de marchandises, mais non le transport de personnes,

    les soins aux personnes, l'enseignement, etc.

    Selon cette conception, les activits de production immatrielle constituent donc du travail improductif :

    elles ne crent ni marchandise, ni valeur, ni revenu. Les revenus perus dans l'exercice de ces activits

    impliquent un prlvement sur le revenu global cr dans la production marchande matrielle. Dans la mesure o

    s'accrot la proportion des activits immatrielles, lconomie rencontre des limites supplmentaires sa

    croissance.

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    2.2. Une conception alternative

    2.2.1.Principes

    Les conceptions traditionnelles rsumes ci-dessus dfinissent la marchandise, et donc le travail productif,

    en tenant compte du contenu concret des activits ralises. Le critre de travail indirectement social (travail

    humain valid par une vente sur le march) ne suffit pas pour dfinir la marchandise : il faut encore que le travailsoit affect des activits techniques de production (par opposition aux activits de circulation et de

    surveillance), voire des activits techniques de production matrielle (par opposition aux services immatriels).

    La conception alternative retenue ici dfinit la marchandise, et donc le travail productif, partir du seul

    critre de travail indirectement social (lequel constitue selon nous le vritable travail abstrait : voir supra,

    1.2). Ds lors qu'une entreprise quelconque vend des biens ou services, tout le travail prest dans cette

    entreprise compte comme travail indirectement social, comme travail crant des marchandises, de la valeur et du

    revenu (et donc de la survaleur et de la plus-value s'il s'agit de travail salari). Cette conception soppose

    doublement la conception traditionnelle.

    Dune part, les services sont ici analyss de la mme manire que les biens : ce sont des marchandises dans

    la mesure o ils sont vendus. Le contenu concret des services n'entre pas en ligne de compte, pas plus que leur

    caractre plus ou moins matriel ou immatriel : l'enseignement de la philosophie, par exemple, est moins

    matriel que le transport de l'acier, mais les deux sont des marchandises s'ils sont vendus. Et le travail qui produitces services compte comme travail productif.

    Dautre part, les activits de circulation et de surveillance, dans la mesure o elles sont situes lintrieur

    de la sphre marchande, dans la mesure o elles sont directement vendues ou bien sexercent au sein

    dentreprises qui russissent vendre leurs produits, ces activits constituent galement du travail indirectement

    social. Les travailleurs occups dans ces activits ralisent eux aussi du travail productif.

    Par consquent, toutes les activits de services, y compris les activits de circulation et de surveillance,

    contribuent, elles aussi, la cration du revenu global. En soi, leur dveloppement n'implique pas de

    prlvement sur le revenu global ni de frein la croissance de lconomie.

    2.2.2.Rponse deux objections

    a) La conception alternative dfendue ici admet que les services marchands participent la cration du

    revenu global (et de la plus-value globale s'ils sont produits dans des entreprises capitalistes). Cela veut-il direque des activits comme le commerce et la banque peuvent se dvelopper indfiniment, sans prjudice pour le

    systme ?

    La rponse est ngative, non parce que ces activits seraient improductives, mais parce qu' aucun secteur

    d'activit ne peut se dvelopper sans tenir compte des exigences de l'interdpendance gnrale, sans tenir compte

    des liens qu'il a ncessairement avec les autres branches (auxquelles il doit acheter ou vendre des moyens de

    production) et ventuellement avec les consommateurs (auxquels il doit vendre des moyens de consommation).

    b) La conception alternative dfendue ici aboutit supprimer la distinction entre activits lies la

    production (au sens strict) et activits lies la circulation . Les unes et les autres sont englobes dans le

    concept de travail indirectement social (s'il y a vente). Que reste-t-il alors du schma A M0 PM1+ A+

    et de la thse marxiste selon laquelle le revenu et la plus-value sont crs dans la production (P) et non dans la

    circulation (AM0et M1+

    A+

    ) ?En fait, il convient dtablir une distinction entre les actes de circulation et les activits de circulation.

    Les actes de circulation sont des actes juridiques (achat-vente, emprunt-prt, location) assurant destransferts de droits de proprit ou d'usage sur des marchandises et/ou sur de l'argent. Les actes A M0transfrent lentreprise la proprit ou l'usage des moyens de production et des forces de travail (simul-

    tanment, les vendeurs des moyens de production et les salaris deviennent propritaires de la somme d'argent

    paye par lentreprise). Les actes M1+ A+ transfrent l'acheteur ou l'utilisateur la proprit ou l'usage du

    produit fini (simultanment, lentreprise devient propritaire de la somme d'argent paye par l'acheteur ou

    l'utilisateur). Tous ces transferts de droits sont des actes instantans : ils se ralisent un moment prcis du

    temps, moment dtermin par les parties contractantes ou par la loi (par exemple : au moment de la parole

    change, ou de la signature du contrat, ou du paiement du prix, etc.).

    Actes instantans, les transferts de droits impliquent cependant une quantit plus ou moins grande de

    travail, un nombre plus ou moins important d'activits diverses : ainsi, l'achat de la force de travail (ralise aumoment de la signature du contrat de travail) implique diverses activits comme l'organisation du recrutement,

    l'tablissement des contrats de travail, le paiement du personnel engag, etc. ; de mme, la vente de voitures

    (ralise par exemple au moment de la signature des contrats d'achat) implique diverses activits comme la

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    publicit, l'tablissement des contrats d'achat, la facturation des ventes, l'octroi de crdit, le recouvrement des

    dettes, etc. Toutes ces activits constituent les services de circulationou activits de circulation : celles-ci

    peuvent tre dfinies comme l'ensemble des activits effectues pour raliser les transferts de droits, ou encore

    comme l'ensemble des activits impliques par les actes de circulation.

    Une fois tablie la distinction entre actes et activits de circulation, la thse rappele ci-dessus resteparfaitement valable. Les actes de circulation (AM0, M1

    + A+) ne crent ni valeur, ni revenu, ni plus-value :

    ils ne font que transfrer des droits juridiques sur des marchandises incarnant une valeur donne, ou sur de

    l'argent symbolisant une valeur donne. Par contre, les activits de circulation contribuent crer de la valeur, durevenu et de la plus-value : elles sont comprises dans le processus de production au sens large

    6.

    2.2.3Intrt des deux concepts de travail productif

    Le travail productif au sens strict (travail crateur de survaleur et de plus-value) vise apprcier les

    possibilits de profit et d'accumulation du systme capitaliste. Cela signifie-t-il que le concept de travail

    productif au sens large (travail productif de valeur et de revenu) soit sans intrt pour apprcier les possibilits

    de profit et d'accumulation ? Il n'en est rien, et cela pour deux raisons.

    Tout d'abord, dans la mesure o une activit (non salarie) est productive de valeur et de revenu, elle se

    finance elle-mme et n'implique aucun prlvement sur la plus-value. Considrons par exemple l'activit des

    mdecins indpendants : leur travail est-il productif de valeur et de revenu ? Si oui, les revenus des mdecins

    correspondent la valeur cre par leur travail. Si non, ces revenus proviennent d'un prlvement sur les salaires

    et la plus-value crs dans l'ensemble de la socit : ils rduisent de ce fait le profit disponible et les possibilits

    d'accumulation.

    Ensuite, dans la mesure o une activit (non salarie) est productive de valeur et de revenu, elle peut

    indirectement augmenter le profitet contribuer ainsi financer l'accumulation. En effet, les producteurs non

    capitalistes se trouvent entrans dans les mcanismes de march et de transfert de revenu : s'ils sont moins

    efficients ou moins forts que leurs concurrents ou clients capitalistes, leur travail (pourvu qu'il soit productif au

    sens large, qu'il relve de la production marchande) cre de la valeur et du revenu, mais une partie de ce revenu

    leur chappe et vient grossir le profit et les possibilits d'accumulation capitaliste7.

    2.2.4Travail productif et classes sociales

    La distinction entre travail productif et improductif ne comporte aucun jugement moral sur les activits

    exerces : le salari travaillant dans une fabrique d'armements ralise un travail productif (si les armes sontvendues), le personnel enseignant fournit au contraire un travail improductif (dans la mesure o son produit n'est

    pas destin au march).

    La distinction ne vise pas non plus rpartir les salaris en deux classes sociales dont les intrts seraient

    censs contradictoires (les uns crant de la plus-value, les autres vivant de la plus-value cre). A cet gard, il

    faut souligner deux choses. Dune part, lessalaris improductifs fournissent du surtravail au mme titre que les

    salaris productifs. Comme dans le cas des salaris productifs, la dure de leur journe de travail dpasse

    normalement le temps de travail ncessaire la production de leurs moyens de consommation. Si un ouvrier de

    la sidrurgie et un petit fonctionnaire travaillent 8h et touchent un mme salaire reprsentant 3h de travail (travail

    ncessaire), tous deux fournissent un surtravail de 5h. Dautre part, le systme gagne augmenter le surtravail

    des uns et des autres : augmenter le surtravail des salaris productifs, c'est augmenter la cration de plus-value ;

    augmenter le surtravail des salaris improductifs, c'est rduire le prlvement sur la plus-value et donc

    augmenter le profit disponible.Distincts sur le plan de la cration de la plus-value, les salaris productifs et improductifs ne constituent

    pas pour autant deux classes opposes : les uns et les autres ont en commun d'tre obligs de vendre leur force de

    travail, d'exercer des activits considres comme indispensables (par les capitalistes ou les pouvoirs publics) et

    de fournir un surtravail qui profite au systme.

    Une remarque encore concernant les capitalistes. Une fois qu'on admet que la distinction entre travail

    productif et improductif n'est pas lie la question des classes sociales, on reconnatra sans peine que le travail

    6 Les profits du secteur financier (banques, assurances) ont selon nous une triple origine : 1. la plus-value cre par les salaris du secteur

    (qui sont bel et bien productifs de valeur et de plus-value dans notre conception) ; 2. les transferts de plus-value en provenance d'autres

    secteurs, dans la mesure o le secteur financier dispose d'un pouvoir de march suprieur la moyenne ; 3. les rentes financires, dues

    la pure proprit d'actifs financiers (elles sont comparables aux rentes foncires, lesquelles s'expliquent par la seule proprit du sol,

    indpendamment de tout travail).7Voir Gouverneur J., Les fondements de lconomie capitaliste, ouvrage cit, chapitre VI, section 1, p.145-150. Dans la mesure o les

    producteurs indpendants cdent une partie du revenu cr, ils se trouvent dans une situation analogue celle des producteurs salaris :

    comme eux, ils crent plus de revenu qu'ils n'en reoivent, ils crent plus de valeur qu'ils n'en consomment. Pour souligner cette analogie,

    on peut parler dans ce cas entre guillemets de plus-value , de survaleur , de surtravail des producteurs indpendants.

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    des capitalistes est productif, lui aussi : le travail des capitalistes dans la sphre de production marchande

    contribue la cration de la valeur nouvelle et du revenu global, tout comme le travail des producteurs salaris

    ou indpendants (voir 1.2). (La part des capitalistes dans la cration du revenu global est cependant minime, car

    leur travail ne constitue qu'une fraction minime du travail prsent prest dans la sphre de production

    marchande.)

    3. LE DEBAT CONCERNANT LE TRAVAIL PLUS PRODUCTIF, PLUS INTENSIF, PLUS QUALIFIE

    Les travaux considrs comme productifs d'un point de vue qualitatif crent-ils tous la mme quantit de

    valeur et de revenu (de survaleur et de plus-value s'il s'agit de travail salari) ? On touche ici au problme des

    diffrences dans la productivit, dans l'intensit et dans la qualification du travail.

    3.1. La conception traditionnelle

    3.1.1. La cration de valeur

    Dans la conception marxiste traditionnelle, le travail plus productifest celui qui, sans exiger une dpense

    d'nergie accrue de la part des travailleurs, produit plus de marchandises en un laps de temps donn (en unejourne de 8 h par exemple). Selon cette dfinition, le travail est plus productif (ou le devient) pour des raisons

    indpendantes de l'effort fourni par les travailleurs : la raison principale rside dans la mcanisation et le progrs

    technique, mais d'autres facteurs peuvent intervenir (progrs dans l'organisation, par exemple). Le travail plus

    intensif et le travail plus qualifiexigent, quant eux, une dpense d'nergie plus grande de la part des

    travailleurs : dans le cas d'un travail plus intensif, le travailleur dpense davantage d'nergie au moment mme du

    travail ; dans le cas d'un travail plus qualifi, il dpense un supplment d'nergiepralablementau travail, dans

    l'effort qu'il fait (et auquel d'autres contribuent) pour acqurir et conserver la qualification voulue.

    1. Les marchandises s'changent en fonction de leur valeur sociale, c'est--dire en fonction de la quantit

    de travail requise dans des conditions moyennes de productivit, d'intensit et de qualification en vigueur une

    poque donne. Les conditions moyennes de productivit ne peuvent tre apprcies qu' l'intrieur de chaque

    branche de production. Par contre, les conditions moyennes d'intensit et de qualification doivent tre apprcies

    la fois l'intrieur de chaque branche et au niveau de l'ensemble de l'conomie.

    Ce qui dtermine la valeur sociale des marchandises, ce sont tout d'abord les conditions moyennes de

    productivit, d'intensit et de qualification prvalant l'intrieur de chaque branche. Les marchandises ne

    peuvent s'changer en fonction du temps de travail dcoulant de la productivitdans chaque entreprise

    particulire : s'il en tait ainsi, chaque entreprise aurait intrt utiliser les techniques les moins performantes.

    Selon la conception traditionnelle, l'heure de travail plus productif doit donc compter comme un multiple de

    l'heure de travail de productivit moyenne, et inversement pour l'heure de travail moins productif : la premire

    cre plus de valeur sociale, la seconde moins. Le mme raisonnement vaut pour l' intensitdu travail :

    technique gale, si les marchandises s'changeaient en fonction du temps de travail individuel, chaque

    producteur aurait intrt excuter son travail le plus lentement possible. Lheure de travail plus intense

    impliquant une dpense d'nergie plus grande, elle doit donc compter comme un multiple de l'heure de travail

    d'intensit moyenne. De la mme faon, un travail plus qualifi implique, lui aussi, une dpense d'nergie plus

    grande (pendant le processus de formation) : pour que les producteurs aient intrt acqurir la qualificationvoulue, il faut que l'heure de travail qualifi (appel travail complexe ) compte comme un multiple de l'heure

    de travail de qualification moyenne (appel travail simple ).

    Ce qui dtermine la valeur sociale des marchandises, ce sont ensuite les conditions moyennes d'intensit et

    de qualification prvalant dans l'ensemble de l'conomie. Supposons qu lintrieur de chaque branche les

    producteurs travaillent avec le mme degr de productivit, d'intensit et de qualification. Supposons qu'il faille

    15h pour produire une marchandise B et 5h pour produire une marchandise C. L'change se fera-t-il dans la

    proportion 1B = 3C ? Cela n'est possible que si le degr d'intensit et de qualification du travail est le mme dans

    les deux branches. Si le travail est plus exigeant dans la branche B (s'il y est plus intensif ou requiert des

    qualifications suprieures), la proportion d'change 1B = 3C dtournerait les producteurs de la branche B vers la

    branche C. Entre branches, le travail plus intensif ou plus qualifi doit donc compter comme un multiple du

    travail d'intensit et de qualification moyennes l'chelle de l'ensemble de la socit : il cre plus de valeur

    sociale que le travail moyen.

    2. Ce qui prcde concernait les diffrences de productivit, d'intensit ou de qualification l'intrieur

    d'une mme branche ou entre branches. Qu'en est-il d'une augmentation du degr moyen de productivit,

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    d'intensit et de qualification dans une branche, et d'une augmentation du degr moyen d'intensit et de

    qualification dans l'ensemble de l'conomie ? Les rponses fournies dans le Capitalconcernent l'augmentation

    de la productivit et de l'intensit :

    - Une augmentation de la productivit moyenne dans une branche se traduit par l'augmentation de la

    quantit produite, mais non par l'augmentation de la valeur cre : pour une mme dure, le travail cre plus de

    produits, mais pas plus de valeur. L'augmentation de la productivit se traduit en ralit par une diminution du

    travail prsent par unit et par une diminution de la valeur unitaire des marchandises (travail prsent et pass par

    unit).- Une augmentation de l'intensit moyenne du travail dans l'conomie se traduit galement par une

    augmentation des quantits produites sans augmentation de la valeur cre (bien qu'il y ait une dpense d'nergie

    plus grande). Tout comme l'augmentation gnrale de la productivit, elle se traduit par une baisse des valeurs

    unitaires.

    3.1.2. L'effet sur le taux de plus-value

    1. Si la productivit ou l'intensit du travail augmententdans l'ensemble de l'conomie (ou du moins dans

    les branches produisant, directement ou indirectement, les moyens de consommation des salaris), la valeur

    unitaire des moyens de consommation salariale diminue. A dure de travail et salaire rel constants, le travail

    ncessaire diminue et le taux de plus-value augmente : on a affaire une production de plus-value relative 8.

    2. Si la productivit ou l'intensit du travail diffrentd'une entreprise l'autre au sein d'une mme branche,

    la valeur individuelle unitaire des marchandises produites dans les entreprises les plus performantes est

    infrieure la valeur sociale unitaire. En vendant leurs marchandises un prix dpassant la valeur individuelle

    unitaire, ces entreprises bnficient d'une plus-value extra , qui est assimile une cration de plus-value

    relative : dure du travail gale et salaire gal, ces entreprises connaissent un taux de plus-value suprieur,

    via la rduction du travail ncessaire de leurs salaris. Mais cette plus-value extra est appele

    disparatre lorsque les concurrents imiteront les mthodes des entreprises plus performantes.

    3.2. Une conception alternative

    3.2.1. Critique de la conception traditionnelle

    a) Pour les partisans de la conception traditionnelle, le commun dnominateur des marchandises et lasubstance de la valeur rsident dans la dpense dnergie (considre de manire abstraite, c'est--dire

    indpendamment de son application telle ou telle production ou tel travail spcifique). Dans la mesure o le

    travail plus intensif et le travail plus qualifi impliquent une dpense d'nergie plus grande, ils crent plus de

    valeur que le travail moins intensif et moins qualifi. Trois remarques peuvent tre souleves ce sujet :

    - Si la dpense d'nergie doit servir de commun dnominateur, il faut que l'unit de mesure en soit

    prcise, au moins sur le plan thorique (la difficult pratique de calculer concrtement la dpense d'nergie

    n'est pas en cause ici). Mais quelle unit de mesure commune peut-il y avoir pour comparer, par exemple, la

    dpense d'nergie d'un travailleur davantage manuel et celle d'un travailleur davantage intellectuel ? Ces deux

    dpenses dnergie relvent des caractristiques concrtes des travaux et ne sont pas comparables.

    - Si la substance de la valeur est la dpense d'nergie, il semble logique d'assimiler l'accroissement de

    l'intensit moyenne du travail un allongement de la dure du travail, et de considrer que l'un comme l'autre

    sont sources de plus-value absolue . C'est ce que font la plupart des adeptes de la conception traditionnelle ;

    le Capital, cependant, considre qu'un accroissement gnral de l'intensit du travail est sans effet sur la

    quantit de valeur cre9.

    - Si l'on considre un systme capitaliste plutt qu'un systme de petite production marchande, la dpense

    d'nergie n'intervient plus pour rguler les changes de marchandises. Dans un systme de petite production

    marchande, les marchandises s'changent en tant que produits du travail. L'quilibre des changes suppose

    logiquement que l'on tienne compte de la dpense d'nergie propre aux diverses branches : si la valeur sociale ne

    tenait compte que de la dure du travail et omettait l'intensit et la qualification du travail propres chaque

    branche, les producteurs dserteraient les branches impliquant un travail plus intensif ou plus qualifi. Dans un

    systme capitaliste, par contre, les marchandises s'changent en tant que produits du capital. L'quilibre des

    changes suppose que les diverses branches obtiennent un mme taux de profit moyen : sinon, les capitaux

    8 Dans la conception marxiste traditionnelle, cependant, l'augmentation de l'intensit, tout comme l'augmentation du degr de qualification,

    accrot le nombre de moyens de consommation ncessaires (voir 4.1) : ceci doit logiquement limiter la production de plus-value relative .

    9 VoirLeCapital, Paris, Editions Sociales, livre I, tome 2, p. 196-197 : seules les diffrences d'intensit entre pays entrent encore en ligne de

    compte.

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    dserteraient les branches caractrises par un taux de profit infrieur la moyenne. Mais l'quilibre des

    changes ne suppose pas que l'on pondre la dure du travail par le degr d'intensit et de qualification propre

    chaque branche : les capitaux ne dserteront pas les branches o les salaris doivent fournir un travail plus

    intensif ou plus qualifi (Le problme consistera ventuellement attirer les salaris vers les branches et les

    emplois impliquant un travail plus intensif et plus qualifi : en fonction des rapports de forces, il est possible

    mais non certain que des salaires plus levs doivent tre concds. Mais il s'agit l d'un problme de salaire et

    de valeur de la force de travail, et non d'un problme de valeur sociale des marchandises produites dans les

    diverses branches.)

    b) En assimilant la plus-value extra une production de plus-value relative , Marx adopte

    implicitement une nouvelle dfinition du travail ncessaire10

    et vacue la distinction entre plus-value et profit

    au niveau des entreprises (alors que cette distinction joue un rle essentiel au niveau des branches de

    production) : la plus-value cre dans l'entreprise est considre comme tant gale au profit obtenu. Du mme

    coup, le taux de plus-value se transforme en un simple rapport profit / capital variable, il varie selon les

    entreprises en fonction du profit obtenu : mme si toutes les conditions de travail sont identiques dans les

    diverses entreprises (mme salaire, dure, intensit, qualification), les salaris sont d'autant plus exploits que

    leur entreprise fait plus de profit ; inversement, dans le cas limite d'entreprises qui ne font aucun profit (comme

    les entreprises marginales survivant coup de subsides), les salaris ne seraient pas du tout exploits !11

    3.2.2. Principes alternatifs

    a) Selon nous, le commun dnominateur des marchandises (le travail abstrait, la valeur) doit faire

    abstraction de toutes les caractristiques concrtes du travail, y compris de son degr de technicit, de

    qualification ou d'intensit (voir 1.2). Ces caractristiques concrtes ne peuvent pas faire lobjet de

    comparaisons entre les diverses marchandises ni entre les divers producteurs.

    La seule chose qui reste comparable dans tous les cas, cest la dure du travail, ou plus exactement le

    temps pendant lequel les travailleurs mettent leur force de travail la disposition de lentreprise. Si deux

    travailleurs sont la disposition dune entreprise pendant 8h et si les produits quils ont contribu fabriquer

    trouvent acqureur sur le march, les deux travailleurs ont cr 8h de valeur. La quantit de valeur cre est

    donc indpendante de la productivit, de lintensit et de la qualification du travail. Elle dpend uniquement de

    deux faits de nature purement sociale : 1) la dure de lassujettissement du travailleur lentreprise et 2) la

    validation du produit par le march. A dure gale, un travail plus productif, plus intensif ou plus qualifi cre

    autant de valeur qu'un travail moins productif, moins intensif ou moins qualifi. A dure gale et salaire gal,les deux crent autant de plus-value

    12.

    b) L'accroissement de l'intensit du travail (et ventuellement de sa qualification) constitue un des

    moyens d'augmenter la productivit du travail et d'abaisser ainsi la valeur des marchandises. Il doit ds lors tre

    10Selon la dfinition de base, le travail ncessaire est le temps de travail pendant lequel le salari cre une valeur gale la valeur de sesmoyens de consommation. Selon la dfinition nouvelle, le travail ncessaire devient le temps de travail pendant lequel le salari cre un

    produit dont la vente rapporte un revenu net gal au salaire du travailleur : ce travail ncessaire dpend la fois de la productivit du

    travail prsent dans lentreprise et du prix de vente de la marchandise. Voir Gouverneur J.,Les fondements, p. 319-320.

    11 a) Lorsqu'il analyse la plus-value extra (Capital, livre I, t. 2, chap. XII, p. 11-12), Marx n'envisage pas la situation des entreprises

    marginales : toutes les entreprises de la branche sont sur un pied d'galit, sauf l'entreprise plus performante (o la valeur individuelle

    unitaire est infrieure la valeur sociale unitaire). Lorsqu'il analyse toute la hirarchie des valeurs individuelles unitaires ( Capital, livre

    III, t. 1, chap. X, p. 194-200), il n'envisage plus le problme de la plus-value extra et des diffrences de taux de plus-value selon

    les entreprises.

    b) Les auteurs hsitent en gnral utiliser le concept de valeur individuelle et emploient de prfrence lexpression temps de travail

    individuel (par opposition au temps de travail socialement ncessaire dterminant la valeur sociale). Le concept de valeur

    individuelle est cependant tout fait justifi : si une entreprise russit vendre ses marchandises, le travail consacr les produire

    constitue du travail indirectement social (donc de la valeur), peu importe le degr de productivit de lentreprise. Le concept de valeur

    individuelle apparat de manire explicite dans le passage en question du livre III du Capital(o il est oppos la valeur de march

    ou valeur sociale ).

    12 Ces principes s'appliquent clairement la production de services, o la simple attente de clients peut durer plus ou moins longtemps. A

    titre d'exemple, considrons le cas des salons de coiffure. Supposons que le processus de production est identique dans tous les salons, que

    chaque salon emploie un seul salari pendant 8 heures par jour, et que ce salari consacre une heure de travail prsent par client (pour

    simplifier, on ne tient pas compte du travail pass). Supposons galement que les salons reoivent en moyenne 6 clients par jour : la valeur

    sociale unitaire des services de coiffure est donc gale 1,33h (= 8h/6). Supposons maintenant qu'un salon davantage frquent traite 8

    clients par jour, tandis qu'un salon marginal n'en traite que 4 : la valeur cre quotidiennement par travailleur est gale 8h dans toutes lesentreprises, mais la valeur individuelle unitaire (par marchandise) est infrieure la moyenne dans le salon davantage frquent (8h : 8 = 1h)

    et suprieure la moyenne dans le salon marginal (8h : 4 = 2h). (Dans la mesure o le prix est le mme pour toutes les entreprises

    concurrentes, le transfert de plus-value habituel se produit ncessairement : le premier salon obtient un profit suprieur laplus-valuequiyest cre, au dtriment du salon marginal, qui peroit un profit infrieur la plus-value cre).

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    trait de la mme faon que toute autre cause d'accroissement de la productivit (dveloppement de la

    mcanisation en particulier)13

    :

    -Si l'intensit augmente dans l'ensemble de l'conomie (ou du moins dans des branches contribuant la

    production des moyens de consommation salariale), elle donne lieu une production de plus-value relative .

    -Si l'intensit du travail s'accrot dans une entreprise particulire, elle est l'origine d'une plus-value

    extra en faveur de l'entreprise en question. Mais cette plus-value extra n'est pas cre par les salaris de

    l'entreprise plus performante : elle provient d'une redistribution de la plus-value cre dans les entreprises

    moins performantes.Une telle conception ne remet nullement en cause l'intrt des entreprises intensifier le travail. Par

    contre, elle prsente l'avantage d'viter les contradictions dnonces ci-dessus : elle assure l'unicit du concept

    de travail ncessaire ; elle maintient la distinction essentielle entre profit et plus-value, aussi bien au niveau de

    chaque entreprise qu'au niveau des diverses branches ; et elle reconnat l'existence de l'exploitation dans toutes

    les entreprises, y compris dans les entreprises qui ne font pas de profit.

    3.2.3. Exploitation physique et exploitation conomique

    Selon nous, les salaris soumis un travail plus intensif ne fournissent pas plus de travail que les salaris

    travaillant moins intensivement ; dans le secteur marchand, les premiers ne crent pas plus de valeur et de

    revenu que les seconds ; dure gale et salaire gal, le taux de surtravail ou de plus-value sera le mme pour

    les uns et pour les autres. Nest-il cependant pas vident que les salaris soumis un travail plus intensif

    sont davantage exploits, que le taux de surtravail ou de plus-value est suprieur dans leur cas ? Pour rpondre

    cette objection base sur le bon sens immdiat il importe dtablir une distinction claire entre exploitation

    physique et exploitation conomique.

    L'exploitation conomique met en rapport des grandeurs conomiques de nature homogne (et donc

    commensurables) : soit des grandeurs montaires (plus-value, capital variable), soit des heures de travail abstrait

    (surtravail ou survaleur, travail ncessaire ou valeur de la force de travail). En termes conomiques, le salari est

    d'autant plus exploit que le taux de plus-value ou de surtravail est lev. Les facteurs influenant ce taux (s)

    sont la dure du travail prsent, le salaire rel et la valeur par moyen de consommation salariale (MC) :

    MCparvaleurrelsalaire

    prsenttravail

    V

    S's

    == - 1

    L'exploitationphysique, quant elle, se rfre des lments matriels de nature htrogne (et donc non

    commensurables) : d'une part, la dure, la pnibilit et l'intensit du travail (qui dterminent l'usure de la force de

    travail et affectent ngativement les conditions de vie du salari), d'autre part le salaire rel obtenu en

    contrepartie (lequel influence positivement les possibilits de rcupration de la force de travail ainsi que les

    conditions de vie du salari). En termes physiques, le salari est d'autant plus exploit que son travail est long,

    pnible et intensif et que son niveau de consommation est bas : la limite, on l'puise au travail et on le rduit

    la famine.

    Le degr d'exploitation conomique et le degr d'exploitation physique peuvent voluer dans le mme

    sens, mais aussi en sens contraire. Dans le mme sens : ainsi, un allongement de la dure du travail ou une

    rduction du salaire rel contribuent augmenter aussi bien le degr d'exploitation physique que le taux de

    plus-value ou de surtravail. En sens contraire : ainsi, un salaire rel accru entrane une rduction du degrd'exploitation physique, mais il peut aller de pair avec une augmentation du taux de plus-value ou de surtravail

    (si la valeur par moyen de consommation baisse plus que naugmente le salaire rel); inversement, et

    contrairement au sens commun, une exploitation physique plus forte en l'occurrence un travail plus intensif

    n'implique pas une exploitation conomique plus leve.

    D'un point de vue socio-politique, les salaris ragissent en fonction du degr d'exploitation physique, et

    non en fonction du degr d'exploitation conomique : ils ressentent de manire immdiate l'exploitation

    physique, alors qu'ils peuvent compltement ignorer l'exploitation conomique.

    13 En pratique, les diffrences dans le degr de mcanisation se combinentnormalement avec des diffrences dans la qualification et dans

    l'intensitdu travail. Une technologie plus avance requiert en effet des qualifications plus avances de la part des travailleurs (ingnieurs,techniciens...) chargs de concevoir, diriger et contrler le processus de production ; en mme temps, elle permet de renforcer l'intensit du

    travail exige de la masse des travailleurs subordonns la machine et son rythme. Mais ces diffrences simultanes dans la technique, la

    qualification et l'intensit du travail ne se traduisent pas par des diffrences dans la cration de valeur et de plus-value : elles affectent

    uniquement la hirarchie des valeurs individuelles unitaires et, par ce biais, la rpartition de la plus-value cre.

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    4. LES RAPPORTS ENTRE SALAIRE ET VALEUR DE LA FORCE DE TRAVAIL

    4.1. La conception traditionnelle

    Du fait que la force de travail du salari est vendue (loue) sur le march du travail , Marx et la plupart

    des auteurs marxistes la considrent comme une marchandise. Si elle est une marchandise, la force de travail

    possde, comme toute marchandise, une valeur ; et de mme que le prix des marchandises est fondamentalement

    dtermin par leur valeur, le prix de la force de travail, le salaire, est fondamentalement dtermin par la valeurde la force de travail.

    Cette approche traditionnelle dfinit la valeur de la force de travail comme tant la valeur des moyens de

    consommation socialement ncessaires , c'est--dire la valeur des moyens de consommation permettant au

    salari de satisfaire les ncessits considres comme normales dans un pays donn et une poque donne.

    Cette conception suppose donc que l'on puisse dterminer a priori quels sont les moyens de consommation

    socialement ncessaires . Connaissant ceux-ci, ainsi que leur valeur moyenne, on dtermine la valeur de la

    force de travail ; de l on dduit le salaire d'quilibre, autour duquel volue le salaire effectif (voir tableau 2).

    Dans la logique de cette conception, les diffrences dans les salaires dquilibre s'expliquent par des

    diffrences objectives dans la valeur de la force de travail dfinie a priori. C'est ainsi qu'on explique notamment

    les carts de salaires entre travailleurs qualifis (ingnieurs, cadres, etc.) et travailleurs non qualifis

    (manuvres, etc.) : les moyens de consommation socialement ncessaires sont plus importants pour les

    premiers, la valeur de leur force de travail est donc plus grande, et leur salaire est logiquement plus lev

    14

    .

    Tableau 2 : Les rapports entre salaire et valeur de la force de travail

    1. La conception traditionnelle

    - Niveau des besoins nombre de MC ncessaires valeur FT

    - Productivit gnrale valeur par MC salaire dquilibre salaire effectif

    2.La conception alternative

    - Rapport de forcessalaire effectif nombre de MC achets valeur FT

    - Productivit gnrale valeur par MC

    Note : MC = moyens de consommation ; FT = force de travail

    4.2 Une conception alternative

    4.2.1. Principes

    Contrairement l'opinion majoritaire, nous considrons que la force de travail du salari n'est pas une

    marchandise, car elle n'est pas le produit d'un travail indirectement social (telle est la dfinition prcise de la

    marchandise : voir 1.2). D'une part, elle n'est pas le rsultat d'un processus de production habituel, processus

    rassemblant moyens de production et forces de travail pour crer une marchandise nouvelle, la force de travail

    du salari

    15

    . D'autre part, et plus fondamentalement, le travail qui contribue la formation et la reproduction dela force de travail ne constitue pas du travail indirectement social, c'est--dire du travail dont le caractre

    socialement utile dpendrait de la vente de la force de travail : le travail fourni dans le cadre des mnages

    (ducation, soins, etc.) n'a pas tre validpar le march, pas plus que le travail fourni dans le secteur des

    institutions dintrt public (enseignement, par exemple) ; quant au travail effectu dans le secteur de production

    marchande pour fabriquer les moyens de consommation ncessaires, il adj t validlors de l'achat de ces

    moyens de consommation.

    14 Selon la conception marxiste traditionnelle, les diffrences dans l'intensit du travail entranent, elles aussi, des diffrences objectives

    dans la valeur de la force de travail : un travail plus intensif implique une usure plus grande de la force de travail, usure plus grande qui doit

    tre compense par une consommation plus importante (nourriture plus substantielle pour rcuprer la dpense d'nergie, sances de

    relaxation pour vacuer le stress, etc.).

    15 La plupart des moyens de production ne seraient autres que les moyens de consommation utiliss par le salari. Mais peut-on parler

    d'une technique moyenne de production et d'une concurrence qui pnaliserait les producteurs gaspillant les moyens de production et

    qui avantagerait ceux qui les conomisent ? En quoi consisterait le travail prsent consacr produire la marchandise nouvelle , la

    force de travail ? Manger, lire, respirer, dormir constituent-ils du travail prsent ? Et faut-il conomiser ce travail prsent ?

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    Si la force de travail n'est pas une marchandise, son prix ne dpend pas d'une valeur prtablie, et il

    n'existe pas de salaire d'quilibre. Le salaire effectif dpend directement des rapports de forces sur le march du

    travail et s'tablit entre deux limites extrmes : la limite infrieure est donne par la ncessit d'assurer la

    reproduction physique des salaris, la limite suprieure est donne par la ncessit d'assurer le profit des

    entreprises. Le salaire obtenu dtermine son tour le pouvoir d'achat des salaris, c'est--dire le nombre de

    moyens de consommation effectivementachets : nul besoin, dans cette conception, de prciser a priori quels

    seraient les moyens de consommation socialement ncessaires . Connaissant les moyens de consommation

    achets, ainsi que leur valeur moyenne, on dtermine la valeur de la force de travail , c'est--dire la valeur desmoyens de consommation achets par le salari (voir tableau 2). En dfinitive, ce n'est pas le salaire qui dpend

    de la valeur de la force de travail : c'est celle-ci qui dpend du salaire16.

    Dans la logique de cette conception, les diffrences de salaires s'expliquent par des diffrences dans les

    rapports de forces auxquels sont confronts les divers travailleurs. C'est vrai pour les diffrences de salaires entre

    hommes et femmes, entre nationaux et immigrs, entre catgories professionnelles (ingnieurs et manuvres par

    exemple), entre secteurs (textiles et nergie par exemple), entre rgions. Toutes ces diffrences s'expliquent par

    des positions de force ou de faiblesse relatives sur le march du travail. Ces positions sont elles-mmes

    dpendantes de facteurs tels que le poids politique des groupes concerns, le degr de syndicalisation, la raret

    ou l'abondance de la main-d'uvre, la rentabilit du secteur, etc.17

    4.2.2. Critique d'explications concurrentes

    Les diffrences de salaires entre travailleurs qualifis et travailleurs non qualifis (par exemple entre

    ingnieurs et cadres, d'une part, manuvres d'autre part) sont souvent expliques par des considrations

    objectives , indpendantes des rapports de forces.

    a) Une premire explication objective a t signale plus haut : elle consiste dire que la valeur de la

    force de travail est diffrente, que les moyens de consommation socialement ncessaires sont objectivement plus

    importants pour les travailleurs qualifis.

    Cette explication n'est valable que pour un nombre limit de moyens de consommation, savoir les

    moyens de qualification (tudes, livres, stages, etc.) qui sont ncessaires pour acqurir ou conserver la

    qualification voulue et qui doivent tre achets par le salari lui-mme. L'explication ne vaut pas pour les

    moyens de qualification qui sont fournis gratuitement ou quasi-gratuitement au salari, sous la forme de biens et

    services financs par la collectivit ou par l'entreprise elle-mme. Et l'explication est totalementfausse en ce qui

    concerne les moyens de consommation habituels : si les besoins des cadres et ingnieurs sont plus levs que

    ceux des manuvres, c'est uniquement parce que le rapport de forces dont les premiers bnficient dans la

    socit leur permet de faire accepter cette dfinition plus large de leurs besoins .

    En ralit, le salaire plus lev des cadres et ingnieurs s'explique par le fait qu'ils disposent vis--vis des

    employeurs d'un rapport de forces plus favorable que les travailleurs non qualifis. Ce rapport de forces plus

    favorable tient avant tout leur position stratgique dans l'entreprise, au fait qu'ils exercent souvent par

    dlgation des fonctions typiques des chefs dentreprise (fonctions de commandement, d'organisation,

    d'innovation, etc.) ; il tient aussi leur raret relative, qui peut d'ailleurs tre dlibrment entretenue pour

    maintenir les privilges en vigueur.

    b) Une deuxime explication centre l'attention, non pas sur la valeur de la force de travail, mais sur la

    valeurcrepar la force de travail : le travail plus qualifi des cadres et ingnieurs crerait plus de valeur que le

    travail non qualifi des manuvres, ce qui justifierait les salaires plus levs des premiers.En ralit, le travail plus qualifi ne cre pas plus de valeur que le travail moins qualifi : du point de vue

    de la cration de valeur et de revenu, tous les producteurs se trouvent galit (voir 1.2 et 3.2).

    c) Parmi dautres explications, on invoque le manque gagner d aux tudes ainsi que les responsabilits

    plus grandes des fonctions exerces. Mais les carts de revenus constats sur lensemble de la carrire font bien

    16 Puisque la force de travail n'est pas une marchandise, le concept de valeur de la force de travail , strictement parler, n'a pas de sens.

    Nous l'utilisons pour nous conformer un usage tout fait gnral. Mais contrairement la conception courante, nous considrons la valeur

    de la force de travail comme tant gale la valeur des moyens de consommation effectivement achets, et donc comme tant dpendante du

    niveau du salaire.

    17 Dans une socit o les positions dominantes sont quasiment monopolises par des intellectuels nationaux et masculins, il est tentant de

    justifier les privilges salariaux des intellectuels, des nationaux et des hommes par des considrations soi-disant objectives, qui ont l'avantage

    de passer sous silence les rapports de forces rels. Si l'on cherche expliquer les carts de salaires par des carts objectifs dans la valeur de la

    force de travail, on risque de ngliger ces rapports de forces ou de ne pas leur donner toute l'importance voulue.

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    plus que compenser lentre tardive dans la vie professionnelle. Quant aux responsabilits, elles ne sont pas

    comparables, et largument pourrait tre retourn dans plus dun cas18

    .

    5. CONCLUSION

    Le travail abstrait commun aux diverses marchandises la substance de la valeur a t dfini en faisant

    abstraction de tous les aspects spcifiques du travail : on fait abstraction, dune part, de tous les aspectsmatriels variables du travail concret (y compris le degr de mcanisation, la qualification et lintensit du

    travail) ; on fait abstraction, dautre part, de toutes les caractristiques sociales variables selon les entreprises

    (entreprises indpendantes, capitalistes, publiques) et selon les travailleurs (producteurs indpendants,

    capitalistes, salaris). Le travail abstrait, cest le travail envisag en retenant le seul aspect de travail

    indirectement social.

    Cette conception radicale du travail abstrait place sur un pied dgalit tous les producteurs du secteur

    marchand, et cela dune double manire :

    - Dune part, toutes les activits de la sphre marchande participent la production de marchandises, de

    valeur et de revenu (de survaleur et de plus-value sil sagit de travail salari). Aucune distinction nest faite

    entre biens et services : dans la mesure o ils sont vendus, les uns et les autres sont des marchandises, et tous

    les travailleurs des entreprises produisant ces biens et services sont productifs. Aucune distinction nest

    davantage faite entre activits de production , de circulation et de surveillance : dans la mesure o

    elles sont situes lintrieur de la sphre marchande, dans la mesure o elles sont directement vendues ou bien

    sexercent au sein dentreprises qui russissent vendre leurs produits, les activits de circulation et de

    surveillance constituent galement du travail indirectement social, et les travailleurs occups dans ces activits

    ralisent galement du travail productif.

    - Dautre part, pour autant que les produits soient vendus, les quantits de valeur et de revenu crs sont

    identiques dans tous les cas : en 1 heure de travail, nimporte quel producteur du secteur marchand cre 1 heure

    de valeur, quelles que soient (entre autres) la productivit, lintensit et la qualification du travail.

    Par ailleurs, en dfinissant le travail abstrait comme travail indirectement social et la marchandise comme

    produit du travail indirectement social, on est amen conclure que la force de travail salarie nest pas une

    marchandise et que le salaire nest pas lexpression montaire dune valeur de la force de travail

    prexistante. Tout salaire est le produit direct dun rapport de forces ; et cest le salaire qui, en dterminant le

    pouvoir dachat du travailleur, co-dtermine par ce biais la valeur de la force de travail .

    Les positions thoriques adoptes affectent-elles fondamentalement lanalyse du capitalisme ? Considrer

    que cest le salaire qui contribue dterminer la valeur de la force de travail (plutt que linverse) ne remet

    nullement en cause le cur de lanalyse marxiste : la thorie de la plus-value garde toute sa pertinence.

    Considrer que le travail plus productif, plus intensif ou plus qualifi ne cre pas plus de valeur et de revenuquun autre ne remet nullement en cause la thorie de la concurrence : les entreprises gardent le mme intrt

    innover, creuser un cart entre la valeur individuelle unitaire et la valeur sociale unitaire des marchandises (la

    moindre cration de plus-value dans ces entreprises est compense par des transferts de plus-value accrus). Par

    contre, considrer que tous les travailleurs du secteur marchand sont productifs de valeur et de revenu (de

    survaleur et de plus-value sil sagit de travailleurs salaris) revient largir le potentiel de profit et

    daccumulation du systme capitaliste. Ceci ne rsout cependant pas les contradictions et les problmesfondamentaux du capitalisme, notamment latrophie actuelle des marchs, due aux politiques no-librales

    restrictives et aux ingalits croissantes dans la rpartition du revenu global.

    Justifies par un souci de cohrence thorique, les positions adoptes ont aussi pour rsultat titre de

    sous-produit, pourrait-on dire de simplifier la thorie et de faciliter lestimation statistique de concepts-cls.

    La thorie se trouve simplifie, en particulier, du fait que la frontire entre travail productif (de valeur et

    de revenu) concide ici avec la frontire entre production marchande et non marchande (ce qui ne veut pas dire

    que cette dernire frontire soit toujours clairement dlimite : revoir la fin du 1.1). La thorie se trouve

    galement simplifie du fait quil nest plus ncessaire de dfinir a priori les moyens de consommation

    socialement ncessaires et la valeur de la force de travail des salaris.

    Quant lestimation statistique, elle est grandement facilite partir du moment o la quantit de valeur

    cre est indpendante de la productivit, de lintensit et de la qualification du travail : elle dpend uniquement

    18La responsabilit des ingnieurs chargs de mettre au point une locomotive est-elle plus grande que la responsabilit des ouvriers quiconstruisent et entretiennent la locomotive ou que celle des machinistes qui la conduisent ? Et si tout se joue avant 6 ans en matire

    d'ducation, la responsabilit de l'institutrice gardienne nest-elle pas infiniment plus grande que celle du professeur d'universit ? Cela

    justifierait une chelle de revenus exactement inverse...

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    de la dure du travail et mme, plus exactement encore, du temps de prsence du travailleur dans lentreprise, de

    la dure de son assujettissement lentreprise. Ds lors :

    - Il devient relativement facile de calculer la somme des valeurs et, de l, la grandeur de lquivalent

    montaire des valeurs (E), qui assure la liaison entre lespace des valeurs et lespace des prix et revenus : E =

    prix / valeurs = revenus / valeurs.

    - Connaissant E, on dtermine la valeur de la force de travail et le travail ncessaire dun salari

    concret ou dun salari moyen en divisant le salaire montaire par la grandeur de E. En soustrayant ce travail

    ncessaire de la dure du travail, on obtient le surtravail (la survaleur) et lon calcule le taux de surtravail ou deplus-value correspondant.

    - En divisant par E le prix effectif d'une marchandise, on obtient l'quivalent-travail du prix effectif ,

    qui constitue une approximation de la valeur sociale unitaire de la marchandise. Cette approximation est d'autant

    plus satisfaisante que l'on s'intresse la valeur d'un ensemble de marchandises (comme par exemple le panier

    de consommation achet par un salari) et/ou que l'on s'intresse l'volution de la valeur sur une certainepriode de temps (plutt qu' la mesure de la valeur un moment donn)

    19.

    Les positions adoptes sur le plan de la thorie conomique ont aussi un impact indirect au niveau

    idologique et socio-politique.

    Tout dabord, elles instaurent une galit fondamentale entre tous les producteurs marchands quant la

    cration de la valeur et du revenu. Insrs dans les rapports marchands en nimporte quel coin de la plante, lepetit paysan, louvrier non qualifi ou lemploy subalterne crent, dans le mme laps de temps, autant de

    valeur et de revenu ni plus ni moins que lexpert le plus qualifi ou le PDG le plus brillant. Les diffrencesdans les revenus que les uns et les autres obtiennentsexpliquent fondamentalement, non par une quelconque

    participation infrieure ou suprieure la cration du revenu global, mais par des rapports de forces

    ingaux.

    Ensuite, les positions adoptes dissocient compltement la question du travail productif et la question desclasses sociales. Loin dopposer salaris productifs, salaris improductifs et producteurs indpendants, elles

    suggrent au contraire une communaut dintrt face aux capitalistes.

    - Les salaris travaillant dans les institutions dintrt public (rectangle C du tableau 1) sont exploits tout

    autant que les salaris de la sphre marchande, dans la mesure o eux aussi fournissent un surtravail que le

    systme a intrt maximiser. Pour les uns et les autres, le degr dexploitation conomique dpend de la dure

    du travail et du salaire rel obtenu (en supposant donne la productivit gnrale et donc la valeur par moyende consommation). Pour les uns et les autres, le degr dexploitation physique dpend de la longueur, de

    lintensit et de la pnibilit du travail (en supposant donn le salaire rel).

    - Contrairement aux salaris, les petits producteurs marchands (rectangle B du tableau 1) ne subissent pasdexploitation directe au niveau de la production. Cependant, dans la mesure o ils sont moins efficients ou

    moins puissants que leurs concurrents ou clients capitalistes, ils perdent, via les mcanismes du march, une

    partie du revenu cr par leur travail (voir note 7). Eux aussi sont donc exploits par le systme. Pour eux aussi,

    le degr dexploitation conomique augmente avec la dure du travail, le degr dexploitation physique

    augmente avec la longueur, lintensit et la pnibilit du travail.

    19 a) Signalons ici que la valeur unitaire des marchandises constitue le concept le plus englobant et le plus adquat pour apprcier la

    productivit. En effet, la valeur unitaire tient compte la fois du travail prsent et du travail passrequis pour produire une marchandise.La valeur unitaire exprime donc la fois lefficacit avec laquelle les travailleurs produisent la marchandise en question et lefficacit

    avec laquelle les moyens de production sont produits et utiliss (ce deuxime aspect est nglig par les mesures habituelles de

    productivit, qui calculent la quantit produite par travailleur ou par heure de travailprsent). L'volution de la valeur par moyen de

    consommation (qui se calcule en divisant l'indice des prix la consommation par E) reflte l'volution de la productivit globale du

    travail (prsent + pass) dans l'ensemble de l'conomie.

    b) Sur lestimation statistique de ces concepts (E, valeur par moyen de consommation, travail ncessaire, taux de plus-value) et sur les

    diffrents concepts de productivit, voir Gouverneur J., Productive labour, price/value ratio and rate of surplus value : theoretical

    viewpoints and empirical evidence , Cambridge Journal of Economics, 1990, vol. 14, p. 1-27, ainsi que Gouverneur J., Les fondements

    de lconomie capitaliste, chapitre VIII, p. 240-243, et annexes 3 et 4, p. 295-307.

    c) Une mthode approximative pour estimer E est propose dans Les fondements, exercice 2.21, p. 78. Cette mthode plus

    suggestive consiste considrer le prix de lheure de travailtelle quelle est facture aux clients. Le prix de lheure facture aux

    clients est videmment suprieur au salaire horaire pay dans les entreprises considres : la diffrence donne une ide directe (bien

    quapproximative) de la ralit du surtravail. Le contraste entre labondance des statistiques sur le salaire horaire et leur absence sur le

    prix de lheure facture au client nest donc ni tonnant ni innocent : derrire lapparente neutralit des statistiques, lidologie dominantejoue pleinement son rle doccultation.