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ÉlogespourlatrilogiedesTryllesd’AmandaHocking

«Lesoiroùj’aicommencéÉchangée,incapabledelelâcher,jen’aipaspum’endormiravanttroisheuresdumatin.Jedevaistravaillerlelendemain,ettoutelajournéejen’aieuqu’uneidéeentête:rentreràlamaisonpourlefinir.Oui,c’estaussibonqueça.»

—ATaleofManyReviews

«Échangéeestdécidémentunromanparanormalpourjeunesadultesd’unstylenouveau.Sonrythmedifférentnouschangedetouteslesfantaisies littérairesdugenre…J’aiparticulièrementapprécié lesuspenssentimental, ledéroulementréalistedel’histoired’amouret latrajectoirepsychologiquedespersonnages.Jelerecommandevivement.»

—I’dSoRatherBeReading

«J’aidévorécelivre.Jen’arrivaispratiquementpasàlelaisseravantd’allerdormir,etpendantmamatinéedeboulot,j’essayaisencored’enlirequelquespagesàl’arraché.C’estunpremierlivrevraimentsuper.Jemeursd’enviededécouvrirtoutelasérie.Amanda,s’ilte

plaît,écrisvitelasuite.Jecrèved’impatience!»—MidnightGlanceReviews

«J’aiadoréceroman!Lespersonnagessonttoutàfaitvraisemblables[…]etonnes’ennuiejamais.Sivousaimezlegenredefantaisieromanesquequivouslaissepantelantjusqu’auprochainépisode,jevousconseillevivementlalecturedecelivre.»

—TheLightUndertheCovers

«Pleind’action,desuspenseetderomance[…].J’aitrouvél’histoiretotalementfascinante.»

—ATrueReality

«Cettesérieconcentretoutcequ’onpeutimaginer:magie,mythologie,action,amour…Ah,l’histoired’amour!Ilestvraiqu’unamourinterdit a toujours quelque chose de très attrayant, surtout lorsqu’il se termine bien. Et je dois dire que j’adore la façon dont cela setermine.Jenevaisriendévoiler,biensûr,maislafinestparfaite.»

—DiaryofaBibliophile

«AmandaHockingestuneboufféed’airfraissurlemarchédelalittératureparanormalepourjeunesadultes.J’avaisdéjàludestonnes

de romans peuplés de vampires, loups-garous et autres fées, mais jamais de trolls. […] Échangéem’a entraînée dans une sérieromanesquepleined’aventuresexcitantesetdebravoure.»

—ThatBookishGirl

«Échangéeesttruffédeplusd’intriguesetdesecretsenfouisquen’importequelromanpourjeunesadultes.»—ReadMyMind

«Unlivrefacileàdigérer,quivousaccrocheetqu’onpeutdévorerenunaprès-midi.»

—FeedingMyBookAddiction

«J’aicomplètementadooooooréÉchangée.Dès lespremièrespages, jenepouvaisplusm’enextraire.Je“voyais” leromandansmatête.Uneexpériencedelectureincroyablequivousfaitvraimentpartagercelledespersonnages.»

—NovelsintheRun

«Ceromanhaletant[…]écritparuneauteuredontlesensdelanarrations’amélioredelivreenlivreestincontournable.»

—BewitchedBookworms

«J’ailucestroislivressuccessivementsurmonKindle.J’étaistellementsuspendueàl’histoirequejenepouvaispluslaquitter.Jelisaisdanslavoiture,àl’école,dansmonlit,àtableetdevantlatélé.Onpeutparlerd’obsession.»

—ReadingVacation

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«Hockingpossèdeledontrèsraredeforgerdespersonnagesetdeleslaissers’épanouir,untalentquepeud’auteurspartagent.Ellesaitcommentlesfaireévoluerdefaçonincroyablementréaliste.Jen’endiraipasplus.Toutcequejepeuxdire,c’est :Lisez-les!Ilssonttousétonnants!»

—TheFirst100Pages

« Amanda Hocking a réussi à inventer une histoire unique dans ce genre désormais saturé de romans écrits autant par des auteurs

indépendantsquepardesvétérans.Déchirée,avecsonrythmeendiablé,vousaccrochedèslapremièrepage.»—Fiktshun

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Copyright©2010AmandaHockingCopyrightpourUnjour:troispointsdevue(OneDay:ThreeWays)©2012AmandaHockingTitreoriginalanglais:TornCopyright©2013ÉditionsAdAInc.pourlatraductionfrançaiseCettepublicationestpubliéeenaccordavecSt.Martin’sPress,175FifthAvenue,NewYork,N.Y.10010.Tousdroitsréservés.Aucunepartiedecelivrenepeutêtrereproduitesousquelqueformequecesoitsanslapermissionécritedel’éditeur,saufdanslecasd’unecritiquelittéraire.Éditeur:FrançoisDoucetTraduction:AnneButcheretSophieBeaumeRévisionlinguistique:IsabelleVeilletteCorrectiond’épreuves:NancyCoulombe,CatherineVallée-DumasConceptiondelacouverture:MathieuC.DandurandMiseenpages:SylvieValoisISBNpapier978-2-89733-035-4ISBNPDF978-2-89683-973-5ISBNePub978-2-89683-974-2Premièreimpression:2013Dépôtlégal:2013BibliothèqueetArchivesnationalesduQuébecBibliothèqueNationaleduCanadaÉditionsAdAInc.1385,boul.Lionel-BouletVarennes,Québec,Canada,J3X1P7Téléphone:450-929-0296Télécopieur:[email protected]:ÉditionsAdAInc.France:D.G.DiffusionZ.I.desBogues

31750Escalquens—FranceTéléphone:05.61.00.09.99

Suisse:Transat—23.42.77.40Belgique:D.G.Diffusion—05.61.00.09.99ImpriméauCanada

ParticipationdelaSODEC.Nousreconnaissonsl’aidefinancièredugouvernementduCanadaparl’entremiseduFondsdulivreduCanada(FLC)pournosactivitésd’édition.

GouvernementduQuébec—Programmedecréditd’impôtpourl’éditiondelivres—GestionSODECCatalogageavantpublicationdeBibliothèqueetArchivesnationalesduQuébecetBibliothèqueetArchivesCanadaHocking,AmandaDéchirée(LatrilogiedesTrylles;2)Traductionde:Torn.Pourlesjeunesde13ansetplus.ISBN978-2-89733-035-4I.Beaume,Sophie,1968-.II.Titre.PZ23.H62Deb2013j813'.6C2013-940559-3

ConversionauformatePubpar:

www.laburbain.com

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PourMichaelWincott—laplusgrossecanailledetouslestemps.

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Déchirée

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UNRetour

Quand Rhys et moi débarquâmes devant la maison demon « frère »,Matt, à huit heures, il étaitheureux… au sens où il était surtout content que je sois en vie et que je n’aie pas disparu pourtoujours.Bienquefurieux,ilécouta,ébahietencontenantsarage, lavagueexplicationquej’avaisinventée.Au moins, je n’eus affaire qu’à lui. TanteMaggie, ma tutrice légale, n’était pas là quand nous

arrivâmes,etMattmeditqu’elleétaitpartiemechercherdansl’Oregon.Allezsavoirpourquoielles’étaitimaginéquej’avaisfuilà-bas.Rhysetmoi,assissurlecanapédéfraîchidusalonentourédescaissesquin’avaienttoujourspasété

déballéesdepuisnotreemménagementdanscettemaisondeuxmoisplustôt,observionsMattarpenterlapiècedelongenlarge.—Jenecomprendstoujourspas,dit-ilens’arrêtantpournousregarder,lesbrascroisés.—Iln’yarienàcomprendre,insistai-jeendésignantRhys.C’esttonfrère!Etrienqu’àlevoir,ça

sembleassezévident.J’avaislescheveuxfoncésetdesyeuxacajou.MattetRhysavaienttouslesdeuxlescheveuxblonds

et des yeux bleu saphir. Leur expression avait quelque chose de bien plus ouvert, et tous deuxsouriaientfacilement.Commefrappédestupeur,RhyscontemplaitMattlesyeuxécarquillés.—Qu’est-cequitefaitcroireça?demandaMatt.—Jenevoispaspourquoitunemeferaispasconfiance.Jesoupiraienlaissantretombermatêtecontreledossierducanapé.—Jenet’aijamaismenti!— Tu as juste fugué ! Je n’avais pas la moindre idée de l’endroit où tu te trouvais. C’est une

trahisond’importance!LacolèredeMattnemasquaitpasladouleurqu’ilressentaitencore,etsonvisageportaitlestraces

desonstress.Ilavaitlestraitstirés,lesyeuxrouges,fatigués,hagards,etildevaitbienavoirperducinq kilos. Je suis sûre qu’il s’était complètement effondré après ma disparition. Je me sentaiscoupable,maisjen’avaispaseulechoix.Matts’étaittoujourstropinquiétédemasécurité,dommagecollatéralàlatentatived’assassinatsur

moiparsamèreet tout.Toutesavie tournaitautourdemapersonned’unefaçon, toutcomptefait,assezmalsaine.Iln’avaitniemploi,niamis,niviepersonnelle.—J’aiétéobligéedefuir!OK?Jepassailamaindansmesbouclesemmêléesetsecouailatête.—Jenepeuxpast’expliquerpourquoi.Jesuispartiepourmasécuritéetlatienne.Jenesuismême

passûrequejedevraisêtreiciaujourd’hui.— Sécurité ? Que fuyais-tu donc ? Où étais-tu passée ? interrogea désespérémentMatt pour la

énièmefois.—Jenepeuxpasteledire,Matt!J’aimeraisbien,maisjenepeuxpas.Jen’étaispascertained’êtrelégalementautoriséeàluiparlerdesTrylles.Jesupposaisquetoutce

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quilesconcernaitdevaitrestersecret,mêmesipersonnenem’avaitexpressémentinterditdeparlerd’eux à des étrangers. Sachant queMatt ne me croirait pas de toute façon, je ne voyais pas bienl’intérêtdelemettreaucourant.— Tu es véritablement mon frère, dit Rhys à voix basse en se penchant en avant pour mieux

regarderMatt.Cequec’estbizarre.—Ouais,eneffet,accordaMatt,pourtantmismalàl’aiseparleregardinsistantdeRhys.Setournantversmoi,ilditd’untongrave:—Wendy,puis-jeteparler?Enprivé?—Biensûr.Jejetaiuncoupd’œilàRhys.Mecomprenant,Rhysselevaendemandantoùétaientlestoilettes.—Parlà,aprèslacuisine,réponditMattenpointantdudoigtversladroite.UnefoisRhysparti,Matts’assitfaceàmoisurlatablebasseetbaissalavoix.—Écoute,Wendy,jenecomprendsrienàcequisepasse.Jenesaispasjusqu’àquelpointtumedis

lavérité,maiscegarçonm’al’aircomplètementgivré.Jeneveuxpasdeluiàlamaisonetjenesaispascequiaputepasserparlatêtedevouloirl’amenerici.—Ilest tonfrère,dis-jeaveclassitude.Sérieusement,Matt, jamaisjenetementiraissurunsujet

aussiimportant.Jesuiscertaineàcentpourcentdecequej’avance.—Wendy…Mattsefrottalefrontensoupirant.—Jevoisbienquec’estceque tucrois.Maiscommentpeux-tuenêtresisûre?Jecroisquece

gaminteracontedeshistoires.—Non,pasdu tout.Rhysest lapersonne laplushonnêteque jeconnaisse,àpart toi.Cequiest

logique,puisquevousêtesfrères.JemepenchaidavantageversMatt.—S’ilteplaît.Donne-luiunechance.Tuverras.—Etsafamille?demandeMatt.Quil’aélevépendanttoutescesannées?Ilneleurmanquepas?

Sont-ilsaussita«vraie»famille,ouquelquechosedugenre?—Fais-moiconfiance,ilneleurmanquerapas.Etjetepréfèreàeux,dis-jeensouriant.Mattsecoualatêtecommes’ilnesavaitvraimentplusquepenser.Sachantqu’unegrandepartiede

lui refusait de faire confiance à Rhys et voulait le chasser de la maison, je n’en avais que plusd’admirationpoursaretenue.—J’auraisaiméquetusoishonnêteavecmoiàproposdetoutça,dit-il.—Jesuisaussihonnêteavectoiquejelepeux.Quand Rhys revint des toilettes, Matt s’éloigna un peu de moi et lui jeta un regard plein de

méfiance.—Tun’asdephotosdefamillenullepart,fitremarquerRhysenregardantautourdelui.C’étaitexact.Nousn’avionsaucunedécoration,rienquisoitaccrochéauxmurs,etnousnetenions

pas particulièrement à nous rappeler la famille.Matt, surtout, qui n’était pas exactement attaché ànotre…enfin,àsamère.

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J’avaisdûexpliqueràRhysquesamère,dérangéementalement,étaitenferméedansunecliniquepsychiatrique.Cegenredechosesestdifficileàavoueràquelqu’un,enparticulieràungarçonaussiimpressionnablequeRhys.—Ouais,noussommescommeça,dis-jeenmelevant.Bon,nousavonsroulétoutelanuit.Jesuis

crevée.Pastoi,Rhys?—Euh,ouais,moiaussi.Rhys semblaunpeu surpris parma suggestion.Même s’il n’avait pasdormi, il n’avait pas l’air

fatiguédutout.—Nousdevrionsdormirunpeuetparlerensuite.—Oh.Mattseremitlentementdebout.—Vousallezdormiricitouslesdeux,c’estça?IlregardaRhysavecindécision,puissetournaversmoi.—Oui.Iln’aaucunautreendroitoùaller.—Ah.Matt semblait clairement contre cette idée, mais il savait aussi qu’en n’acceptant pas Rhys, il

risquaitquejepartisseaussi.—Rhys,tudormirasdansmachambrepourcettenuit.—Vraiment?RhysessayaitdedissimulersajoiedecrécherdanslachambredeMatt,maiselleétaitmanifeste.Matt nousmontra nos chambres, ce quime fit un drôle d’effet, car lamienne était toujoursma

chambre, avec toutesmes affaires, telles que je les avais abandonnées quelques semaines plus tôt.Pendant que je m’installais, j’entendais Matt et Rhys discuter de l’autre côté du couloir. RhysdemandaitàMattdeluiexpliquerdeschosesdesplusélémentaires,parexemple,commentallumerlalampedechevet,cequiagaçaitMattetlemettaitmalàl’aise.QuandMattmerejoignitdansmachambre,j’avaisdéjàenfilémonpyjama.Bienuséetconfortable,

jel’adorais.—Wendy,maisquesepasse-t-il?chuchotaMatt.Ilrefermalaportederrièreluietlaverrouilla,commesiRhysétaitunesorted’espion.—Quiestvraimentcegarçon?Oùes-tuallée?—Jenepeuxpas tedirecequis’estpassépendantque j’étaispartie.Nepourrais-tu tecontenter

d’êtresimplementheureuxquejesoisderetour,saineetsauve?—Non,jenecroispas,ditMattensecouantlatête.Cegaminestétrange.Ilal’airétonnépartout.—Ilestétonnépartoi,corrigeai-je.Tun’aspasidéeàquelpointcettehistoirepeutêtreexcitante

pourlui.—Toutcecin’aaucunsens.Mattsepassalamaindanslescheveux.— J’ai grand besoin de récupérer, et ce qui se passe est trop énorme pour toi, j’en conviens.

Pourquoi n’appellerais-tu pasMaggie pour lui dire que je vais bien ? Je souhaite dormir un peu.Pendantcetemps-là,turéfléchirasàtoutcequejet’aidit.

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Mattlaissaéchapperunsoupirderésignation.—Bien,dit-il,avantquesesyeuxbleusneredevinssentdurs.Maisdetoncôté,essaiederéfléchirà

uneexplicationplausiblesurcequisepasseici.—D’accord.Jehaussailesépaules.Jepouvaisyréfléchir,maisjenelaluidonneraispas.LeregarddeMattseradoucit,sesépauless’affaissant.—Jesuisheureuxquetusoisderetour.Merendantcompteàquelpointtoutceciavaitététerriblepourlui,jecomprisquejenepourrais

plusjamaisdisparaîtrecommeça.Jefisquelquespasversluipourleprendredansmesbras.AprèsqueMattm’eutlaisséeseule,jemeglissaidansleconfortfamilierdupetitlitdemachambre.

ÀFörening,j’avaisdormidansunlittrèsgrandlitdeuxplacesgigantesque,etpourtant,jetrouvaismon lit étroitbienplusagréable. Jemepelotonnai sous lescouvertures, soulagéedeme retrouverenfindansunendroitsensé.Malgré l’adoration que Matt me portait, j’avais toujours eu le sentiment étrange que je

n’appartenaispasàcette famille.Mamèreavait faillime tuerquand j’avaissixans,prétendantquej’étaisunmonstreetquejenepouvaisêtresafille.Ils’étaitavéréqu’elleavaitraison.Unpeumoinsd’unmoisplustôt,j’avaisdécouvertquej’étaisunesubstituée:uneenfantéchangée

ensecretcontreunautre.Plusprécisément,j’avaisétééchangéeàlanaissanceavecungarçon,RhysDahl.J’avaiscomprisquej’étaistrylle.LesTryllessontenfaitdeséduisantsescrocs,dotésdelégerspouvoirsmagiques.Techniquement,j’étaisunetroll,maispasàlafaçond’unhorriblepetitmonstrevert.J’étaisplutôt

belleetdetaillenormale.Danslaculturetrylle,lacoutumedesubstitutionremonteàdessiècles.LaraisonpourlaquellelesTrylleslefontestqu’ilsveulentassurerlameilleureenfancepossibleàleurprogéniture.J’étaiscenséeêtreuneprincesse,àFörening,uneenclaveduMinnesotaoùviventlesTrylles.Ma

mère biologique, Elora, est reine des Trylles. Après avoir passé quelques semaines à Förening,j’avais décidé de revenir chez nous. Il y avait eu une scène entremoi etElora, qui refusait que jefréquenteFinnHolmessimplementparcequ’iln’étaitpasdesangroyal.Jem’étais alors échappée en emmenant Rhys. À Förening, Rhys avait fait preuve d’une sincère

gentillesse envers moi et il me semblait lui devoir quelque chose en retour. Je l’avais conduitjusqu’icipourqu’ilrencontreMatt,puisqu’ilétaitsonfrèreetnonlemien.Biensûr,jenepouvaispasracontertoutcelaàMatt.Ilm’auraitcruecomplètementfolle.Deplusenplusdétendue,jesavouraiscedélicieuxretouràlamaison.Ilnefallutpasplusdedix

minutesàRhyspourgâchercette sensationde réconfortquand ilpénétradansmachambre. J’étaispresqueendormieet legrincementde laportemefit reprendremesesprits.Commeje le luiavaissuggéré, Matt était descendu pour téléphoner, mais s’il apprenait que Rhys se trouvait dans machambre,ilnoustueraittouslesdeux.—Wendy?Tudors?murmuraRhysens’asseyantavecprécautionsurleborddulit.—Oui,marmottai-je.

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—Désolé,maisjen’arrivepasàdormir,ajouta-t-il.Commentfais-tu,toi?—Toutcelan’estpasaussiexcitantpourmoi.J’aivécuiciavant,rappelle-toi.—Ouais,mais…Àcourtd’arguments,ilhésita.Soudain,ilseraiditetretintsonsouffle.—T’asentendu?—Cequetudisais?Oui,maisj’aimeraismieux…Avantd’avoirputerminermaphrase,j’entendisaussiquelquechose.Unbruit,commesiongrattait

àlafenêtredemachambre.Étantdonnéque jevenaisd’avoiruneprisedebecavecdevilains trolls connus sous lenomde

Vittras,jem’inquiétai.Jemeretournaipourregarderparlafenêtre,maislesrideauxétaienttirés.Legrattage se transformaenunevéritable frappe sur les carreaux, etmoncœur semit à battre.

Rhysmedécochaunregardcrispé.Nousentendîmeslafenêtres’ouvriretlesrideaux,soulevésparlevent,segonflèrent.

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DEUXInterruptions

Ilpénétraavecélégancedans lapièce,commesi le faitd’entrerdansunechambreparune fenêtreétait une chose tout à fait naturelle. Ses cheveux noirs étaient lissés de manière impeccable versl’arrière et sa barbe naissante le rendait encore plus séduisant. Ses yeux, qui semblaient noirstellementilsétaientsombres,passèrentd’abordsurRhysavantdeseposersurmoi,aupointquej’enoubliaicomplètementderespirer.FinnHolmesvenaitdes’infiltrerdansmachambre.Comme d’habitude, même si j’étais si heureuse de le voir que j’en oubliai presque que j’étais

fâchéecontrelui,iltrouvaitlemoyendemestupéfier.Ladernièrefoisquej’avaisvuFinn,ilquittaitmachambredeFöreningaprèsunaccordpasséavec

mamère.Eloraluiavaitexpliquéqu’ilpouvaitpasserlanuitavecmoiavantdepartirpourtoujours.Nousnousétionsseulementembrassés,etFinnnem’avaitpasparlédesplansd’Elora,qu’ilvenait

d’accepter.Iln’avaitmêmepasprislapeinedemedireaurevoir.Ilnes’étaitpasopposéàEloraetn’avait pas décidé de s’enfuir avecmoi. Il s’était juste faufilé hors dema chambre, laissant Eloram’expliquerpourquoileschosess’étaientpasséesainsi.—Quefais-tulà?demandaRhys.Finndétachasesyeuxdemoipourleregarder.—Jesuisvenuechercherlaprincesse,évidemment,répliquaFinn,sansdissimulersonirritation.—Ahbon,mais…jecroyaisqu’Elorat’avaitassignéunautreposte,ditRhys,désarçonnéparla

fureurdeFinn.Ilbafouilla:— Je veux dire… enfin, c’est ce qui se disait à Förening… que tu n’étais plus autorisé dans

l’entouragedeWendy.Finn se raidit singulièrement en entendant les paroles de Rhys, lamâchoire tressaillant à peine.

Rhysbaissalesyeux.— C’est exact, admit Finn après un court instant de silence. Je m’apprêtais à partir quand j’ai

entendudirequevousaviezdisparuenpleinenuittouslesdeux.ElorasedemandantlequelseraitleplusapteàpisterWendy,j’aijugépréférablequecesoitmoi,surtoutaveclesVittrasàtestrousses.Rhysouvritlabouchepourprotester,maisFinnl’enempêcha.—ToutlemondesaitquetuasétéformidableavecWendyenlaprotégeantmagnifiquementaubal,

ajoutaFinn.Sijen’étaispasarrivé,tuseraissansdoutealléjusqu’àtefairetuerpourlasauver.—JesaisquelesVittrassontunemenace!répliquaRhys.Jesuisjuste…Noussommesvenusici

pour…Sentant sa confusion, je sautai du lit pour intercéder en faveur de Rhys, avant que celui-ci ne

comprîtcommentilavaitfinalementacceptédemesuivre,contresongré.CarlavéritéétaitqueRhysn’avaitpasvouluvenir.Mêmes’ilétaitdésireuxderencontrerMatt,inquietpourmasécurité,ilavaitrefusécatégoriquementquejequittelaprotectiondel’enclave.MalheureusementpourRhys,j’avaisusé de persuasion. Quand je regardais les gens en pensant à ce que je voulais obtenir d’eux, ils

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finissaientparlefaire,qu’ilsleveuillentounon.C’étaitcommeçaquej’avaisconvaincuRhysdes’enfuiravecmoi,etilmefallaitdétournerunpeu

laconversationavantqu’ilnes’enrendîtcompte.—LesVittras ont perdu un grand nombre de pisteurs dans ce combat, lançai-je. Ils ne vont pas

recommencertoutdesuite.D’ailleurs,jesuissûrequ’ilsenontassezd’essayerdem’attraper.—C’est tout saufvraisemblable,ditFinn,quiplissa lesyeuxpour scruter l’étonnementdeRhys

avantdemejeterunregardnoir.Wendy,tutefichesvraimenttantqueçadetapropresécurité?—Jem’en inquiète probablement plusque toi, dis-je en croisant fermement les bras.Tupartais

pouruneautremission.Sij’avaisattenduunjourdeplus,tun’auraisjamaissuquej’étaispartie.—Toutcelaétait-ildestinéàattirermonattention?décochaFinnenfulminant.Jen’avaisjamaisvuFinnaussiencolèrecontremoi.—Combiendefoisfaudra-t-ilquejeteledise!Tuesuneprincesse!Jenesuisrien!Ilfautquetu

m’oublies!—Qu’est-cequisepasse?Mattappelaitdepuisl’escalier.S’ilarrivaitettrouvaitFinndansmachambre,çairaittrès,trèsmal.—Jevais…fairediversion.Rhysmeregardapours’assurerque j’étaisd’accord,etcommej’acquiesçai, ilouvrit laporteet

sortit.Jel’entendisdireàMattqu’iltrouvaitlamaisonsuperbe,puisleursvoixs’évanouirentaufuretàmesurequ’ilsdescendaientl’escalier.JereplaçaimesbouclesderrièremesoreillesenrefusantderegarderFinn.J’avaisdumalàcroire

que,ladernièrefoisquejel’avaisvu,ilm’avaitembrasséesipassionnémentquejepouvaisàpeinerespirer.Jemesouvinsdespoilsdrusdesabarbesurmesjouesetdeseslèvrescontrelesmiennes.Je le détestai soudain pour ce souvenir, comme je détestai avoir si terriblement envie de

l’embrasserànouveau.—Wendy,tun’espasensécuritéici,ditFinnposément.—Jenepartiraipasavectoi.—Tunepeuxpasrester.Jenelepermettraipas.—Tunemelepermettraspas?memoquai-je.Jesuislaprincesse,dois-jetelerappeler?Quies-tu

pour me permettre quoi que ce soit ? Tu n’es même plus mon pisteur. Tu n’es qu’un harceleurexaspérant.Celasonnaitbienplusdurquejenel’auraissouhaité.NonqueFinnsemblâtd’ailleursjamaisblessé

parcequejeluidisais;cettefoisencore,ilsecontentademedévisager,imperturbable.—Jesavaisquejeseraisleplusrapideàtetrouver,etsitunerentrespasavecmoi,çan’estpas

grave.Unautrepisteurarriveratrèsviteettupourraspartiraveclui.J’attendraisonarrivéeavectoiafind’assurertasécurité.—Ilnes’agitpasdetoi,Finn!Mêmes’ilavait jouéunplusgrandrôledansmadécisiondequitterFöreningquejenevoudrais

jamais l’admettre, je n’étais pas partie juste à cause de lui. Je détestais ma mère, mon rang, mamaison,tout.Jen’étaispasfaitepouruneviedeprincesse.Finnmeregardaunlongmoment,essayantdecomprendrecequejevoulaisdire.Jem’efforçaide

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nepasparaîtremalàl’aisependantqu’ilmedévisageait.Sesyeuxs’assombrirentetsonexpressionsedurcit.—Est-ceàcausedumänsklig?medemanda-t-il,faisantallusionàRhys.Jecroyaist’avoirditde

nepastroplefréquenter.Lesmänskligsétaient lesenfantsdeshumainséchangéscontre lesbébés trylles. Ils campaientau

plusbasdelahiérarchietrylle,etsiuneprincesseétaitsoupçonnéed’avoirunerelationamoureuseavec l’und’eux, ilssevoyaient tousdeuxbannispour toujours.Celanem’inquiétaitguèrepuisquemessentimentsenversRhysétaientstrictementplatoniques.—Celan’arienàvoirnonplusavecRhys.Jemedisaissimplementqu’ilavaitpeut-êtreenviede

connaîtresafamille,dis-jeenhaussantlesépaules.CelanepeutpasêtrepirequedevivredanscettestupidebaraqueavecElora.—Bien.Danscecas, ilpeutrester ici,acquiesçaFinn.Quelqu’unveillerasurMattetRhys.Mais

toi,tudoisrentreràlamaison.—Cen’estpasmamaison.Mamaisonestici!m’écriai-jeenluimontrantlapiècedanslaquelle

nousnoustrouvions.Jeneviendraipas,Finn.—Tun’espasensécurité.Toutenbaissantlavoix,ilfitunpasversmoietmeregardadroitdanslesyeux.—Tuasvuceque lesVittrasont faitàFörening,Wendy. Ilsontenvoyéunearméeentièrepour

t’avoir.Ilposalesmainssurmesbrasetjeressentisunesensationdeforceetdechaleur.—Ilsnes’arrêterontpastantqu’ilsnet’aurontpaseue.—Pourquoi?Pourquoines’arrêteraient-ilspas?demandai-je.IldoitbienyavoirdesTryllesplus

facilesquemoiàenlever.Etqu’est-cequeçapeutfairequejesoisprincesse?Elorapeutparfaitementmeremplacer.Jesuissansintérêt.—Tuesbienpluspuissantequetunecrois.—Qu’est-cequecelaveutdire?Avantqu’ilnerépondît,unbruitretentit,enprovenancedupetittoitsituésousmafenêtre.Finnme

saisit par le bras etmemontra la porte de la penderie oùme cacher. D’unemanière générale, jen’aimaispasdutoutmeretrouverdansunplacardetqu’onmefermelaporteaunez,maisjesavaisqu’illefaisaitpourmeprotéger.J’entrouvris un peu la porte pour voir ce qui se passait et intervenir en cas de besoin. Bien

qu’énervéecontreFinn,jamaisjen’auraisacceptéqu’ilfûtànouveaublesséàcausedemoi.Finnse tenaitàquelquespasde la fenêtre, le regardbouillonnantet lesépaules redressées.Mais

quandlasilhouetteapparutdansl’encadrementdelafenêtre,ilsemitàricaner.Le gamin qui surgit en trébuchant sur le rebord de la fenêtre portait des jeans serrés et des

chaussuresviolettesauxlacetsdéfaits.Finn,bienplusgrand,letoisaitd’unairplutôtlas.—Hé,qu’est-cequetufaislà?demandalegarçonenrepoussantlamèchequiluitombaitsurles

yeux.Iltirasursonmanteau,quiluiallaittrèsmal.Ferméjusqu’aucou,lemanteauluiarrivaitàlataille,

sibienquelorsqu’ilsebaissaitoubougeait,ilremontait.

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—Jesuisvenuechercherlaprincesse.Ettoi,ilst’ontenvoyélapister?Finnhaussaunsourcil.—Eloraavraimentcruquetupourraislaramener?—Ouais,jesuisunbonpisteur.J’aidéjàrécupérébeaucoupplusdemondequetoi.—Ça,c’estjusteparcequetuasseptansdeplusquemoi,rétorquaFinn.Cegarçonmaladroit,âgédevingt-septans,paraissaitbienplusjeunequeFinn.—Ons’enfout.Eloram’achoisi.Fais-toiuneraison.Legarçonsecoualatête.—Tuesjaloux,ouquoi?—Nesoispasridicule.—Oùestlaprincesse,alors?Ilparcourutlachambreduregard.—Elles’estenfuiepourça?— C’est ma chambre, dis-je en sortant brusquement du placard, ce qui fit tressaillir le pisteur.

Inutiled’êtreaussiméprisant.—Hum,pardon,balbutia-t-ilenrougissant.Mesexcuses,princesse.Ilmefitunsouriremalassuré,suivid’unepetitecourbette.—DuncanJanssen,àvotreservice.—Jenesuisplusprincesseetjeneviendraipasavectoi.Jeviensjustedel’expliqueràFinn.—Quoi?DuncanregardaFinnavechésitationentirantànouveausursonmanteau.Finns’assitsurlebordde

monlitsansriendire.—Princesse,ilfautquevousveniez,vousn’êtespasensécuritéici.—Jem’enfiche,affirmai-jeenhaussantlesépaules.Jepréfèreprendrelerisque.—Çan’estquandmêmepassimalqueçaaupalais?Duncanétaitlapremièrepersonnequej’entendaisappelerlamaisond’Eloraaussispontanémentun

palais,mêmesil’onpouvaitadmettreeneffetquec’enétaitun.—Vousêteslaprincesse.Vousaveztout.—Jenevienspas.TudirasàEloraquetuasfaitdetonmieux,maisquej’airefusé.Unefoisdeplus,DuncanimploraFinnduregard.Cedernierhaussalesépaules,etcettesoudaine

indifférencedesapartmesurprit.Jem’étaisaffirmée,maisnem’attendaispasàcequ’ilm’écoutât.—Ellenepeutraisonnablementpasresterici,ditDuncan.—Ettucroisquejenesuispasd’accordavectoi?Finnhaussaunsourcil.—Tunesemblespastemontrertrèscoopératif.Duncantripotaitsonmanteauens’efforçantdefixerFinnpourluifairebaisserlesyeux,tentative

qui,jelesavais,seraitvouéeàl’échec.—Quecrois-tuquejevaispouvoir luidiredeplusquecequejeluiaidéjàdit?demandaFinn,

l’airétrangementimpuissant.—Serais-tuentraindem’expliquerquenousn’avonsqu’àlalaisserici?

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—Jesuislà,aucasoùvousnel’auriezpasremarqué,dis-je.Etjen’aimepasqu’onparledemoicommesijen’étaispaslà.—Sielleveutrester,ehbienqu’ellereste,ditFinnencontinuantdem’ignorer.Duncan,enrevanche,meregarda.—Nousn’allonspasl’enlever,etendehorsdeça,ilresteassezpeudechoix.—Nepeux-tupas…Duncanbaissalavoixenjouantaveclafermetureàglissièredesonmanteau.—…laconvaincred’unecertainefaçon,situvoiscequejeveuxdire?Larumeurdel’affectionqueFinnavaitpourmoiavaitdûserépandredansleterritoire.Blessée,je

refusaiquemessentimentssoientutiliséscontremoi.—Riennemeconvaincra,lançai-je.—Tuvois?Finnagitaitledoigtversmoi.Ilselevaensoupirant.—Nousferionsmieuxd’yaller.—Vraiment?Jeneparvinspasàdissimulermasurprise.—Ouais.Vraiment?renvoyaDuncanenécho.—Tuasditqueriendecequejepourraisfairenesauraitteconvaincre,c’estbiença?Finn se tourna versmoi. Sa voix était pleine d’espoir,mais ses yeuxme narguaient presque. Je

secouailatêtesanshésiter.—Bon,danscecas,iln’yaplusrienàdire.—Finn…Duncanessayadeprotester,maisFinnlevalamain.—C’estlavolontédelaprincesse.DuncandévisageaitFinnsansycroire,imaginantpeut-êtrecommemoiqu’ils’agissaitd’unesorte

de manœuvre de sa part. Quelque chose devait m’échapper, parce qu’il était évident que Finn nem’aurait jamais laissée.Biensûr, il l’avait faitquelques joursplus tôt,maisc’étaitquand ilpensaitquepartirétaitcequ’ilpouvaitfairedemieuxpourmoi.—Mais,Finn…DuncanessayaencoredeconvaincreFinn,quil’arrêtad’ungeste.—Nousdevonspartir.Son«frère»vafinirparnousrepérer,ditFinn.Jefixaiduregardlaporteduplacarddemachambre,commesiMattavaitpus’ytrouvertapi.La

dernièrefoisqueMattetFinnavaienteuuneprisedebec,celas’étaitmalpassé,etjen’avaisaucuneenviequecelasereproduisît.—Bon,mais…Duncans’interrompit,serendantcompteunpeutardqu’ilnedisposaitd’aucunemenacecontrel’un

oul’autred’entrenous.Ilmefitunenouvellebrèverévérence.—Princesse.Jesuissûrquenousnousreverrons.Jehaussailesépaules.

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—Onverra.Duncans’élançapourfranchirlafenêtredemachambreets’affalapratiquementsurletoit.Puis,il

sauta, s’écroulant à moitié au sol. Inquiet, Finn l’observa pendant un moment en tenant le rideauouvertd’unemain.Maisilnelesuivitpasimmédiatement.À la place, il se redressa pourme regarder.Ma colère etmes résolutions fondaient,me faisant

seulementespérerqueFinnn’allaitpasvraimentlaisserleschosesainsi.—Unefoisquej’auraifranchicettefenêtre,verrouille-laderrièremoi,ordonnaFinn.Assure-toi

quelesportessontbienverrouilléesetnelaisseentrerpersonne.Nevanullepartaprèslatombéedujouret,chaquefoisquetupeux,fais-toiaccompagnerparMattetRhys.Leregarddanslevide,ilsemblaitpenseràautrechose.—Mêmes’ilsnesontdansl’ensemblepasbonsàgrand-chose…Sesyeuxnoirssereposèrentsurlesmiens.Sonexpressionétaitpresqueimplorante.Illevalamain,

commes’ilallaitmetoucherlevisage,puislalaissaretomber.—Tudoisêtreprudente.—D’accord,promis-je.Comme il se tenait droit devant moi, je pouvais sentir la chaleur de son corps et son eau de

Cologne.Sesyeuxrivésauxmiens,jemesouvenaisdumomentoùilavaitentortillésesdoigtsdansmescheveuxetm’avaitattiréecontrelui,siprèsetsifortquejenepouvaisplusrespirer.Il était sipuissant etmaîtrede lui.Les rares foisoù il s’était laisséaller à sapassionpourmoi,

j’avaisconnulessensationslesplussuffocantesetmerveilleusesdemavie.Jenedésiraispasqu’ilpartîtetilnelesouhaitaitpasnonplus.Pourtant,nousavionstousdeuxfait

deschoixquenousnepouvionschanger.Ilhochaencoreunefoislatête,détournalesyeuxetfinitparenjamberl’appuidelafenêtre.Duncanl’attendaitprèsdel’arbreaupiedduquelFinnselaissalestementtomber.Delafenêtre,je

visFinnpresserlegarçon,quihésitait.Quandilspassèrentlelongdeshaiesquiséparaientnotrepelousedecelledesvoisins,jevisFinn

inspecter et vérifier qu’il n’y avait personne dans le secteur. Sans me lancer un seul coup d’œil,Duncanetluitournèrentlecoindelarueetdisparurent.Je fermai la fenêtreen laverrouillant soigneusementcomme ilme l’avaitdemandé.Le regarder

partir ainsi provoqua enmoi une terrible douleur.Même si ce n’était pas la première fois, je neparvenaispasàmefaireàl’idéedelevoirs’enaller,surtoutaprèsqu’ileutpersuadéDuncandemelaisser.S’ilcraignaittantqueçauneattaquevittra,pourquoimelaissait-ilainsisansprotection?Etpuistoutàcoup,celam’apparutclairement.Quellequ’eûtétémavolontéoucelledequiconque,

Finnnem’avait jamais laisséesansprotection.Quandilavaitcomprisque jeneviendraispasaveclui,iln’avaitpasvouluperdredetempsàparlementer.Ilattendraitdansl’ombrequejechanged’avisou…Jerefermaisoigneusement lesrideaux.Étrangementréconfortéeà lapenséequeFinnveillaitsur

moi,jedétestaisenmêmetempsêtreépiée.Mafenêtreétaitrestéeouvertesilongtempsqu’ilyfaisaitfroid,etjemedirigeaiversleplacardpouryprendreungroschandail.L’adrénalinequim’avaitenvahieaprèsavoirrevuFinnmetenaitéveillée,maisj’avaishâtedeme

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blottirdansmonlitmêmesijeseraisincapablededormir.Je m’installai donc dans mon lit, m’efforçant vainement de ne plus penser à Finn. Au bout de

quelques instants, j’entendisuncoupbruyantenprovenancedurez-de-chaussée.Mattpoussaun criquifutviteétouffé,etlamaisonsereplongeadansunprofondsilence.Jebondisjusqu’àlaportedemachambreetl’ouvrisentremblant,espérantqueFinnavaitessayéde

s’infiltrerparl’arrièreetqu’ilavaiteuunealtercationavecMatt.Puis,j’entendisRhyshurler.

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TROISInsensible

Rhyssetutsoudainement.J’eusàpeineletempsdemettreunpiedhorsdemachambrequej’entendisdespasdansl’escalier,etavantquej’eusseletempsderéagir,elleétaitlà.Kyra, une pisteuse vittra à qui j’avais déjà eu affaire, apparut sur le palier. Ses cheveux ébène

étaientcoupésàlagarçonneetelleportaitunlongmanteauencuirnoir.Agrippéeàlarambarde,ellese tenait accroupie. Dès qu’elle me vit, elle ricana, montrant plus de dents que ne le pourraitn’importequelêtrehumain.Jemeprécipitaisurelleencomptantsurl’effetdesurprise,maisjen’euspasdechance.Ellem’esquiva avant que je ne l’atteignisse etme lança un vif coup de pied dans l’abdomen. Je

trébuchaienarrièreenmetenantleventre,etquandellerevintversmoi,jelafrappaiauvisage.Imperturbable,Kyrasejetasurmoienmeretournantlecoup,bienplusfort.Jem’écroulaietelle

setintau-dessusdemoiensouriant,dusangdégouttantdesonnez.J’essayaidemeredresserpéniblement,maisellem’attrapaparlescheveuxenmesecouant.Jelui

décochaiuncoupdepiedpendantqu’ellemesoulevait,maisellemelerenditdanslescôtes,sifortquejehurlai.Elleritdesonboncoupetrecommença.Cettefois, jevis toutennoiretmavuesebrouillapendantunmoment.Àmoitié inconsciente, je

n’entendaisplustrèsbien.—Arrête!s’exclamaunevoixpuissante.À traversmesyeuxbouffis, jevisunhommemonter l’escalier encourantendirectiondeKyra.

Sous son chandail noir, il semblait plutôt grand etmusclé.Et quand il atteignit le palier,Kyramelâcha.—Allez,Loki,jeneluifaispasvraimentmal,ditKyra,savoixàlalimitedugémissement.Bienquecomplètementétourdie,j’essayaidemerelever,maisellemerefilauncoupdepiedqui

m’étenditàterre.—Çasuffit,éructa-t-il.Ellefitunpasenarrièreengrimaçant.Il se tint un instant au-dessus demoi, puis s’agenouilla. J’aurais pu le repousser etm’échapper,

maisjenemeseraispasrendueloin.Ilpenchalatête,medévisageantaveccuriosité.—Alors,c’estàcausedetoitoutceboucan?dit-ilcommepourlui-même.Ilapprochaetpritmatêtedanssesmains,sansmefairemal,maisenmeforçantàleregarder.Ses

yeuxcouleurcaramelmefixaient.Jevoulusdétournerleregard,maisn’yparvinspas.Undrôledebrouillardm’entourait,etbienquetoujoursterrifiée,jesentismoncorpsserelâcheret

moncerveauperdretoutevelléitédelutter.Mespaupièresétaienttroplourdespourquejeparvinsseàlesgarderouverteset,incapablederésisterdavantage,jem’endormis.Jerêvaid’eau,maisimpossibledemesouvenird’unechoseplusprécise.Moncorpsétaitglacéet

j’auraisdûtremblerdefroid,maiscen’étaitpaslecas.Pourtant,mesjoueschaudesreposaientsurquelquechosededoux.—Tuveuxdirequ’elleestprincesse?demandaMatt,savoixfaisantl’effetd’ungrondementsourd

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au-dessusdemoi.Matêtereposaitsursajambe,etplusjem’éveillais,plusjemerendaiscomptequemoncorpsme

faisaithorriblementmal.—Cen’estpourtantpasdifficileàcroire,enfait,ditRhys.Savoixsemblaitvenirdel’autreboutdelapièce.— Une fois que tu as pigé toute l’affaire trylle, la partie princesse n’est vraiment pas très

compliquée.—Jenesaispluscequejedoiscroire,admitMatt.J’ouvris les yeux avec peine.Mes paupièresme semblaient effroyablement lourdes, etmonœil

gauche, tout gonflé, me rappela l’endroit où Kyram’avait fichu un coup. La pièce tanguait, et jeclignaiplusieursfoisdesyeuxpouressayerdelarendrenette.Mavisionfinalementéclaircie,jenecomprispaspourautantcequejedistinguais.Lesolétaiten

terrebattueetlesmurs,enpierresbrunesetgrises,avaientl’airhumidesetendommagés.L’ensembleressemblaitàunvieuxsous-sol…ouàuncachot.Rhys,levisagetuméfié,faisaitlescentpasàl’autreboutdelapièce.Jetentaidem’asseoir,mais

toutmoncorpsmefaisaitmaletmatêtetournait.—Hé,doucement,ditMattenposantlesmainssurmesépaules,maisjenel’écoutaipas.Jeme redressai et m’assis, ce qui demanda un effort bien plus considérable qu’à l’habitude. Je

grimaçaienm’appuyantaumursituéàcôtédenous.—Tuesréveillée!lâchaRhysensouriant.C’était probablement la seule personne aumonde capable d’avoir l’air heureux dans ce type de

circonstance.—Comment te sens-tu ? demandaMatt, qui n’avait pas de bleus visibles,mais il était vrai qu’il

savaitmieuxsebattrequeRhysetmoi.—Super.Jementaiscommeunarracheurdedents.J’avaismalrienquederespirer.Étantdonnéladouleur

cinglantequejeressentaisàlahauteurdemondiaphragme,jedevaisavoiraumoinsunecôtebrisée,maisjenevoulaispasinquiéterMatt.—Quesepasse-t-il?Oùsommes-nous?—J’espéraisquetum’éclaireraissurcepoint,ditMatt.—Jeleluiaidéjàdit,maisilneveutpasmecroire,ditRhys— Où sommes-nous, alors ? demandai-je à Rhys, tandis que Matt haussait les épaules en

grommelant.—Jen’en suispascertain,mais jecroisquenous sommesaupalaisvittraàOndarike, répondit

Rhys.—Ondarike?—Lacapitalevittra,expliquaRhys.Maisjenesaispasexactementàquelledistanceellesetrouve

deFörening.—C’estbiencequ’ilmesemblait,soupirai-je.J’aireconnulaVittraquiaattaquélamaison.Kyraa

déjàessayédem’attraper.

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—Quoi?Matt,incrédule,écarquillalesyeux.—Cesgenst’avaientdéjàpoursuivie?—Oui,c’estpourçaquej’aidûpartir.Jerefermailesyeuxparcequ’ilmefaisaittropmaldelesgarderouverts.Lesolsedérobaitsous

mespieds.—Jetel’avaisbiendit,lançaRhysàMatt.Jenemenspassurcestrucs-là.Aprèstoutcequenous

venonsdesubir,j’imaginaisquetum’auraisdonnéunechance.—Rhysnementpas,dis-jeengrimaçant.Ilm’étaitdeplusenplusdifficilederespireretjenepouvaisplusinspirerqueparpetitesbouffées,

cequinefaisaitquem’étourdirdavantage.—Ilensaitbienplussurtoutceciquemoi.Jen’ysuispasrestéeassezlongtemps.—PourquoicesVittrassont-ilsaprèstoi?questionnaMatt.Queteveulent-ils?Jemecontentaidesecouerlatêtepournepasprendreànouveaulerisquedesouffrirenparlant.—Jenesaispas,réponditRhysàmaplace.Jenelesaijamaisvuss’acharnerautantsurquelqu’un.

Maisbon,c’estlapremièreprincessequejecôtoie,etilsontdesprédictionssursoncomptedepuisdéjàlongtemps.J’avaistoujoursvoulusavoircequ’étaientcesfameusesprédictions,maiscommetoutlemondene

medonnaitquedes réponsesvaguesàcesujet, toutceque jesavais,c’étaitqu’un jour, j’auraisdupouvoir.Enattendant,etsurtoutàcetinstantprécis,jenemesentaispaspuissantedutout.Parlermefaisaitsouffriretj’étaisenferméedansuncachot.Etpourcouronner le tout,nonseulement jen’avaispasréussiàmesauver,maisenplus, j’avais

entraînéRhysetMattdanscetraquenardavecmoi.—Wendy,çava?s’enquitMatt.—Oui,mentis-je.—Çan’apasl’airdebienaller,ditRhys.—Tuasperdutoutestescouleursettuarrivesàpeineàrespirer,ajoutaMatt.Jel’entendisseleverprèsdemoi.—Iltefautunmédecin,ouquelquechose.—Quefais-tu?luidemandaRhys.J’ouvrislesyeuxpourvoircequeMattcomptaitfaire.Sonplanétaitsimpleetévident.Ilsedirigea

verslaporteverrouilléepourcognerdessus.—Ausecours!Ilyaquelqu’un?Wendyabesoind’unmédecin!—Qu’est-cequitefaitcroirequ’ilsaurontenviedel’aider?demandaRhys,enéchoàmespropres

pensées.Kyran’avaitpashésitéàmeblesserfurieusementquandellem’avaitattrapée.—S’ilsnel’ontpasencoretuée,c’estqu’ilsneveulentpasqu’ellemeure.Matt,quiavaitcessédetapersurlaporteletempsderépondreàRhys,s’yremitaussitôt,enhurlant

àl’aide.Lesondecevacarmerésonnaitdanslapièceaupointquejenepouvaispluslesupporter.Matête

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cognaitdéjàsuffisamment.J’étaissurlepointdedemanderàMattd’arrêterquandlaportes’ouvrit.C’eûtétélemomentidéalpourRhysetMattdecontre-attaquer,maiscelaneleurvintpasàl’esprit.

Ilss’écartèrentjustedelaporte.LeVittraquim’avaitplongéedanslesvapesetquej’avaisvuàlamaisonentradanslapièce,etje

me souvins vaguement queKyra l’avait appelé Loki. Ses cheveux ébouriffésme semblaient d’uneclartésurprenantepourunVittra,presqueblonds.Àcôtédeluimarchaituntroll,quiressemblaitàunvéritabletroll;toutpetit,commeungnome,

maisd’apparencehumaine, avecunepeaugluante et brune. Il portait un chapeau, et des touffesdecheveuxgrisâtress’enéchappaientsurlescôtés.Bienqu’ilarrivâtàpeineàlahauteurdeshanchesdeLoki,lefaitqu’ilfutunvéritabletrolllerendait,d’unecertainefaçon,encoreplusintimidant.RhysetMattdévisageaientlegnome,bouchebée,etj’enauraiscertainementfaitautantsij’enavais

étécapable.Maisjepouvaisàpeinegarderlatêtelevée.—Tudisquelafilleabesoind’unmédecin?demandaLoki,lesyeuxposéssurmoi.Ilmeregardaitaveclamêmelégèrecuriositéqu’auparavant.—C’estKyraquiafaitça?demandalegnomed’unevoixexceptionnellementgravepourunetelle

créature.Il regardait Loki pour obtenir une confirmation, secouant la tête à la vue des blessures qu’elle

m’avaitinfligées.—Ilvafalloirlatenirenlaisse.—JecroisqueWendynepeutplusrespirer,ditMatt,dontlestraitssedurcissaienttantilseretenait.J’étaispersuadéequeseulmonétatl’empêchaitdesautersurLoki.S’illesblessait,ilsneseraient

plusenmesuredem’aider.—Bon,jevaisvoirça,ditLokienapprochantdemoid’unpasfermeetdécidé.Legnomerestaprèsde laportepourempêcherMattetRhysde tenterquoiquecesoit,mais ils

étaientbientroppréoccupésparmonétatpourenvisagerlamoindrefuite.Lokis’agenouilladevantmoietm’observaavecquelquechosequi ressemblaitàde l’inquiétude.

J’avaistropmalpourêtreeffrayée,maisjecroisquejen’auraispaseupeurdelui,detoutefaçon.Ilétaitphysiquementbienplusfortquemoi,aveccetteétrangecapacitéàm’étourdir,peut-êtremêmeplusqueça,maissanssavoirpourquoi,j’étaispersuadéequ’ilm’aiderait.—Qu’est-cequifaitmal?medemanda-t-il.—Ellepeutàpeinerespirer,alorspourcequiestdeparler!décochaMatt.Illuifautunmédecin

sur-le-champ.LokilevalamainpourfairetaireMatt,quisoupiralourdement.—Peux-tuparler?Lokicontinuaitdemedévisager.Quand j’ouvris la bouche, au lieu de parler, une fulgurante quinte de toux s’empara demoi. Je

fermailesyeuxenessayantdeluttercontreelle,maisjetoussaisifortquedeslarmescoulèrentsurmes joues. Puis, je sentis quelque chose d’humide. J’ouvris les yeux, le temps d’apercevoir destraînées rouges étalées sur mes jambes et les pieds de Loki. Je crachais du sang sans pouvoirm’arrêter.

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—Ludlow!criaLokiens’adressantaugnome.VachercherSara!Vite!

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QUATREVitriol

Loki s’accroupit devant moi en écartant Matt. Il devait se douter que Matt voudrait me tenir et,craignantuneruptureinterne,ilnevoulaitpasqu’onmebougeât.Mattprotestaavecvéhémence,maisLokicontinuad’expliquerquetoutiraitbien.Quelquesinstantsplustard,unefemmeapparut.Elleportaitdelongscheveuxnoirsrassemblésen

queuedechevalets’agenouillaàmescôtésenpoussantLoki.SesyeuxétaientpresqueaussinoirsqueceuxdeFinn,etj’ytrouvaisuncertainréconfort.—Jem’appelleSaraetjevaist’aider.Elleappuyafortementsamainsurmonventre,cequimefitgrimacer.J’avais si mal que je voulais hurler. Mais bientôt, la douleur diminua. Un picotement bizarre,

comme un engourdissement, me parcourut le corps, et il ne me fallut pas longtemps pour mesouvenirdel’endroitoùj’avaiséprouvécettesensation.—Vousêtesuneguérisseuse,murmurai-je,unpeusurprisequ’ellefûtentraindem’aider.Ladouleurdansmapoitrineetmonestomacavaitdisparu.Ellemitsamainsurmonvisagepour

faireégalementdisparaîtrel’œiltuméfié.—As-tumalailleurs?medemandaSarasanstenircomptedemaremarque.Elle avait l’air épuisée, effet secondaire de la pratique de guérison mais, outre cela, elle était

incroyablementbelle.—Jenecroispas.Jem’assisavecunelégèresensationdeflottementquifinitpardisparaître.— Kyra a sérieusement dépassé les bornes, dit Sara, comme pour elle-même. Comment vas-tu

maintenant?—Çava,affirmai-jeenhochantlatête.—Parfait.SaraselevaetfitfaceàLoki.—Ilfaudraquetumaîtrisestespisteursunpeumieux,dorénavant.—Ilsnesontpasmespisteurs,réponditLokiencroisantlesbras.Siquelquechosenevapasavec

lafaçondontilsfontleurboulot,voisçaavectonmari.—Jesuiscertainequemonmarin’aimeraitpasdutoutlamanièredontcettesituationaétégérée.Saraluijetaunregardsévère,maisilnepliapas.—Jetefaisaisunefaveur,réponditLokiposément.Etsijen’avaispasétélà,celaauraitétébien

pire.—Jenetienspasàparlerdeçamaintenant.Ellemejetauncoupd’œiletsortitdelapièce.—Ceseratout?nousdemandaLokiaprèssondépart.—Tuveuxrire.Matt,assisjusque-làsansbroncheràcôtédemoi,selevabrusquement.—Qu’est-cequevousattendezdenous?Vousn’avezpasledroitdenousretenirici!

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—Jeprendscelapourunoui.Lokimesourit,leregardabsent,etseretournapours’enaller.Mattessayadeluicouriraprès,maisLoki,déjàdehors,luiclaqualaporteaunez.Onentenditun

cliquetisdistinctifquandleverroufutfermé,etMatts’affalacontrelaporte.—Qu’est-cequisepasseici?hurlaMattentournantversmoi.Etcommentsefait-ilquetunesois

plusentraindemourir?—Tupréféreraismevoircrever?Jeredescendislesmanchesdemonchandailpourm’essuyerlevisageetôterlestachesdesang.—JepourraisfairevenirKyrapourqu’ellefinisseleboulot.—Nesoispasridicule.Mattsepassalamainsurlefront.—Jeveuxsavoircequisepasse.J’ail’impressiondenagerenpleincauchemar.—Net’enfaispas,çafinirapars’arranger,luidis-jeenmetournantversRhys.Disdonc,c’était

quoicedrôledegnome?Unvéritabletroll?—Jen’ensaisrien,réponditRhysensecouantlatête,àpeuprèsaussisurprisquemoi.Jen’enai

jamaisvuavant,maistusaisaussiqu’onessaietoujoursdefaireensortequelesmänksnesoientaucourantderien.—Jenesavaispasqu’ilexistaitdevraistrolls,dis-je.JefronçailefrontenessayantdemesouvenirdecequeFinnavaitpumeraconteràleursujet.—Jepensaisqu’ilnes’agissaitqued’unmythe.—Vraiment?medemandaMatt.Aprèstoutcequivientdesepasser?Tuchoisisdecroireenla

mythologiequitesemblelaplusplausible?—Jenechoisisriendutout,déclarai-jeenmelevant.Je me sentais meurtrie et pleine de bleus, mais c’était à des années-lumière de ce que j’avais

ressentienmeréveillant.—Jecroiscequejevois.Etça,jenel’aijamaisvuavant.C’esttout.—Tuvasbien?Mattm’observaitboiterautourdelapièce.—Ilfaudraitpeut-êtrequetufassesattention.—Non,çava.Jelerepoussai.Jevoulaissurtoutcomprendreoùnousétionsetvoirs’iln’yavaitpasmoyende

sortirdecetendroit.—Noussommesarrivésicicomment?—Ilssontentrésdanslamaisonpareffractionetnousontattaqués.Mattgesticulaitenmontrantlaporte,histoirededésignerLokietKyra.—Cetypearéussiànousendormirjenesaiscomment,etpourfinir,nousnoussommesretrouvés

ici.Nousnenoussommesréveillésquetrèspeudetempsavanttoi.—Épatant.Jepressaimespaumesdemainscontrelaporteetpoussaifort,commesielleallaits’ouvrir.Cene

futpaslecas,maisjedevaisessayer.

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—Hé,oùestFinn?demandaRhys, faisantéchoàdesquestionsque jecommençaisàmeposer.Pourquoines’est-ilpasopposéàtoutça?—Qu’est-cequeFinnaàvoirlà-dedans?interrogeaMattavecuntonpourlemoinssarcastique.—Rien.Maisilsetrouvequec’étaitmonpisteur.Unesortedegardeducorpssituveux.Tout en faisant unpas en arrière, je continuai de fixer du regard cette porte que je voulais voir

s’ouvrir.—Ilaessayédemeprotégercontretoutça.—C’estpourçaquetuespartieaveclui?s’enquitMatt.Parcequ’ilteprotégeait?—Situveux,soupirai-je.—Oùest-il?répétaRhys.Jecroyaisqu’ilétaitavectoiquandlesVittrassontarrivés.FurieuxenentendantqueFinns’étaitdenouveautrouvédansmachambre,Mattsemitàrâler.Je

l’ignorai.Jen’avaisaucuneenviedemebagarreravecluiàproposdepropriétéoudesessentimentsenversFinn.—Finnétaitdéjàpartiquandilssontentrés,ajoutai-jeaprèsqueMatteutterminésatirade.Jene

saispasoùilpeutsetrouveractuellement.Jenevoulaispas l’admettre,mais je trouvais toutdemêmeétonnantqueFinnm’eût laisséesans

protection.Peut-êtreétait-ilpartipourdebon.J’avaispenséque toutcecin’étaitquedubluffdesapart,maiss’ilétaitvraimentrestédanslesecteur,ilm’auraitprotégéeaumomentdel’attaque.Àmoinsquequelquechoseneluisoitarrivé.LesVittraspouvaientl’avoircapturéavantdesejeter

surmoi.Mêmes’ilnetenaitpasassezàmoi,ilprenaitsondevoirtellementàcœurques’ilnem’avaitpasprotégée,c’étaitqu’ilnelepouvaitpas.—Wendy?demandaRhys.IlmesemblequeRhysavaitparléauparavant,maistropoccupéeàpenseràFinnenregardantcette

fichueporte,jen’avaisrienentendudecequ’ildisait.—Ilfautquenoussortionsd’ici,dis-jeenmetournantversMattetRhys.—Évidemment,soupiraMatt.—J’aiuneidée.Jememordislalèvreavantdecontinuer.—Même si ce n’est pas lameilleure.Quand ils reviendront, j’userai de persuasion. Je peux les

convaincredenouslaisserpartir.—Tucroisvraimentqu’elleseraassezpuissante?Rhysdittouthautcequi,précisément,m’inquiétait.Jusqu’ici, je n’avais usédepersuasionque sur deshumains sansméfiance commeMatt etRhys,

maisFinnm’avaitexpliquéque,sansentraînement,mesdonsneseraientpasaussifortsquesouhaité.N’ayant pas encore commencé l’entraînement à Förening, je n’avais pas une idée exacte de mapuissance.—Honnêtement,jenesaispas,dus-jeadmettre.—Lapersuasion?MatthaussaunsourcilenobservantRhys.—Est-ce la chose dont tum’as parlé ? Ce trucmagique qu’elle est censée savoir faire sur les

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esprits?RhysopinaetMattlevalesyeuxauciel.—Jenesuispascenséesavoirlefaire,objectai-jefaceauscepticismedeMatt.Jesaislefaireetl’ai

déjàfait.—Quand?interrogea-t-il,dubitatif.— Comment crois-tu que je t’ai convaincu de m’emmener voir Kim ? lui demandai-je, faisant

allusion à la fois où il m’avait conduite voir sa mère, ma mère « d’accueil », à la cliniquepsychiatrique.Illadétestaitetnevoulaitenaucuncasquejelarevoie.Toutenculpabilisantterriblement,j’avais

utilisésurluilapersuasion,cariln’yavaitpasd’autremoyenpourmoid’allervoirmamèrepourluiparler.—Tuasfaitça?Lechocdelasurpriseetladouleurfutinstantanémentremplacéenluipardelacolère.Onaurait

ditqu’ilvenaitd’êtregiflé.Jebaissailesyeuxetmedétournai.—Tum’aspiégé?Commentas-tupu,Wendy?Tum’astoujoursditquetunemementiraisjamais

ettumefaisuncouppareil!—Cen’étaitpasunmensonge,répondis-jehonteusement.—Non,c’estpire!Matts’éloignaensecouant la tête,commes’ilnepouvaitsupporter lesimplefaitdese trouverà

mescôtés.—Jenepeuxpascroirequetuaiesfaitça.Combiendefoisl’as-tufait?—Jenesaispas,admis-je.Jen’aipassupendantlongtempsquej’avaiscedon.Maisunefoisque

j’aicompris,jemesuispromisdeneplusl’utiliser.Jedétestefaireça,surtoutquandils’agitdetoi.Cen’estpasbienetjelesais.—Seigneur,eneffet!tonnaMatt.C’estcrueletmanipulateur!—Jesuissincèrementdésolée.Jemetournaiversluipourleregarder,etsesyeuxremplisdedouleurmepeinèrent.—Jeteprometsquejenelereferaipas,enfin,plusjamaissurtoi.—Pardond’interromprecemomentd’effusion,maisilfaudraitpeut-êtrequenoussongionsàfiler

d’ici,lâchaRhys.C’estquoileplan?— Il faut que nous appelions quelqu’un, dis-je, heureuse d’écarter la pensée queMatt devaitme

détester.—Queveux-tudirepar«appelerquelqu’un»?Tuastontéléphoneportable?medemandaRhys,

toutexcité.—Non,jeveuxdire,appelerquelqu’untrèsfort.CommeMattafaittoutàl’heure.Jemontrailaportederrièremoi.—Nousn’avonsqu’àfrapperàlaporteendisantquenousavonsfaim,oufroid,ouqu’ilyaun

mort,quesais-je…Quandilsarriveront,j’useraidepersuasionpourqu’ilsnouslaissentpartir.—Ettucroisvraimentqueçavamarcher?demandaMatt,sansplusaucunetraced’incrédulitédans

lavoix.

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Ilmedemandaitjustemonopinion.—Peut-être.MonregardpassasurRhys.—Maisj’aiunefaveuràtedemander.Puis-jem’exercerd’abordsurtoi?— Bien sûr, répondit Rhys, manifestant en haussant les épaules qu’il me faisait une confiance

aveugle.—Qu’entends-tupar«exercer»?questionnaMattavecunepointed’inquiétude.Comme il se rapprochait deRhys, jeme rendis compte avec étonnement qu’il croyait enfin que

Rhysétaitsonfrère.IlvoulaitprotégerRhyscontremoi.Bienquecettereconnaissancemerassurâtetmeremplîtdejoie,jefuslégèrement(d’accord,énormément)peinéedevoirqueMattmeconsidéraitdésormaiscommeunemenace.—Jenel’aipasfaittrèssouvent.Je n’aimais pas le regard suspicieux queMatt posait sur moi et memis à arpenter la pièce en

pensantqueceladétourneraitsonattention.—Etçafaitunbonmomentquejenel’aipasfait.Cette dernière affirmation n’était pas entièrement vraie, puisque j’avais utilisé la persuasion sur

Rhyslaveille,maisjenetenaispasàcequ’ilréagîtcommeMatt.Moinsilyauraitdepersonnesquimedétestaientàcetinstant,mieuxcelavaudraitpourlasuite.—Alors,queveux-tufaire?medemandaMatt.— Je ne sais pas encore. Il faudrait juste que je m’exerce. C’est la seule façon pour moi de

renforcermondon.Malgré les réserves justifiéesdeMatt,Rhysn’yvitaucun inconvénient. Ilétaitcependantétrange

pour moi de pratiquer la persuasion en présence d’un témoin, surtout d’une personne qui y étaitvisiblementopposée,maisjen’avaispaslechoix.Jenepouvaisguèremepermettred’envoyerMattfaireuntourdanslapièceàcôtéouailleurs.JesentaisqueMattm’observaitintensémentducoindel’œiletc’étaitdéboussolant.Maisaprèstout,

mon entraînement y gagnerait peut-être.D’autant que je ne pouvais pas non plusme permettre dedemanderàn’importequelVittrad’allerfaireuntourpendantquej’essayaisdemanipulerlecerveaudugardien.Jedécidaidecommencersimplement.Rhysétaitdeboutfaceàmoietjememisàrépéterdansma

tête:Assieds-toi.Jeveuxquetut’assoies.Sesyeuxbleuscroisèrentlesmiensplacidementaudébut,puisunbrouillardlesvoila.Sonvisage

semblaserelâcheretsonexpressiondevintcomplètementvide.Sansunmot,ils’assitsurlesol.—Ilvabien?medemandaMatt,inquiet.—Oui,çava,réponditRhys,quisemblaitsortird’unprofondsommeil.Ilmeregardaitlesyeuxgrandsouverts.—Alors,tut’ymetsouquoi?—C’estfait.Jen’avaisencorejamaisparlédepersuasionauxpersonnessurlesquellesjel’avaispratiquée,etje

trouvaisbizarredelefaireaussiouvertement.

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—Dequoiparles-tu?Rhys fronçait les sourcils en nous regardant, Matt et moi, à tour de rôle, tout en essayant de

comprendre.—Tuasd’abordeul’aircomplètementdanslesvapes,etpuistut’esassisparterre,luiditMatt.—Pourquoit’es-tuassis?luidemandai-je.—Je…Ungroseffortdeconcentrationselisaitsursonvisage.—Jenesaispas.Jemesuisjuste…assis.Secouantlatête,ilmeregarda.—C’esttoiquiasfaitça?—Oui.Tun’asriensentideparticulier?demandai-je.J’ignorais totalement si ce que je faisais pouvait fairemal. Personne ne s’était jamais plaint de

douleurouautre,maisilétaitpossiblequ’ilsn’aientpaspupuisqu’ilsnecomprenaientpascequileurarrivait.—Non.Jen’aimêmepas…Ilsecouadenouveaulatête,incapabled’exprimercequ’ilvoulaitdire.— Je m’attendais à un grand trou noir ou quelque chose comme ça. Mais… je savais que je

m’asseyais.Pluscommeparréflexe,ouunpeucommequandonrespiresanss’enrendrecompte.Lamêmechose.—Hum.Jel’observai,pensive.—Lève-toi.—Quoi?demandaRhys.—Lève-toi,répétai-je.Ilmedévisageauncourtinstant,puisregardaautourdelui.Sonregardsedurcitetsessourcilsse

rejoignirent.—Quesepasse-t-il?interrogeaMattens’approchantdenous.—Je…jenepeuxpasmelever.—Tuveuxquejet’aide?offritMatt.—Non.Cen’estpasça.Rhyssecouaitlatête.—Biensûrquetupourraismehisser,jeveuxdire,tuesplusfortquemoietjenesuispascloué

physiquementausol.Maisc’estjusteque…j’aioubliécommentonfait?—Étrange.Jeleregardai,fascinée.Unefoisdéjà,j’avaisréussiàfairesortirMattdemachambreetilluiavaitfalluunmomentavant

qu’ilnepuisseyremettrelespieds.Cequisignifiaitquelapersuasionavaitdeseffetsderémanencequi,àlongterme,finissaientpardisparaître.—«Étrange»?observaMattavecdédain.Wendy,répare-le!—Iln’estpascassé,dis-jesurladéfensive.

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Mais la façon dontMattme regardaitme donna envie de disparaître sous terre. Jem’accroupisdevantRhys.—Regarde-moi,Rhys.—D’accord?Ilmeregardaenhésitant.Jen’étaispascertainedepouvoirrenverserleprocessus.Jen’avaisjamaisessayéauparavantde«

défaire » l’effet d’une persuasion, mais j’imaginais la chose facile. Et si ça n’était pas le cas, ilfaudraitqu’ilresteassispendantunesemaineoudeux.Peut-être.Au lieu de m’inquiéter des possibles répercussions, je concentrai toute mon énergie sur lui. Je

prononçaiseulementdansmatêteàplusieursreprises:Lève-toi.Celapritunpeuplusdetempsquelafois précédente,mais finalement, son regard se brouilla. Il cligna des yeux enme regardant et sereleva.—Ouf,çamarche,m’exclamai-jeenlâchantunsoupirdesoulagement.—Tuenesbiensûre?medemandaMatt,lesyeuxtoujoursbraquéssurRhys.Ayantl’airencoreplusdansleciragequ’avant,Rhysnequittaitpaslesoldesyeux.—Rhys?Çava?—Quoi?Rhyslevalatêteetnousobservaenclignantdesyeux,commes’ilvenaitjustederemarquernotre

présence.—Quoi?Ils’estpasséquelquechose?—Tuesdebout.Jeluimontraisesjambesetilbaissalesyeux.—Oh.Il souleva une jambe pour vérifier qu’elle fonctionnait toujours et ne dit plus rien pendant une

minute.Puis,ilmeregarda.—Jesuisdésolé.Dequoiparlions-nousdéjà?—Tunepouvaisplusterelever.Tutesouviens?luidemandai-jeavecunnœudàl’estomac.Peut-êtreavais-jevraimentcasséRhys.—Ah!oui.Ilsecoualatête.—Çayest,jemesouviens.Maisjepeuxmetenirdeboutmaintenant.C’esttoiquiasfaitça?—Wendy,jen’aimepastropquetujouesavecluicommeça,meditMattcalmement.MattregardaitRhystoutenmejetantunregardencoin.Ilessayaitdegarderunvisageimpassible,

maissesyeuxtrahissaientsapeur.J’avaiseffrayéMatt,maispasdelamêmefaçonquelorsquejem’étaisenfuie.Àcemoment-là,il

avaiteupeurpourmoi,maislà,ilsemblaitavoirpeurdemoi,cequimerendaitmalade.—J’aifinimaintenant.Jem’éloignaideRhys.Mescheveuxnoirsn’étaientpasattachés,etcommej’avaisunélastiqueautourdupoignet,jem’en

servispourlesattacherenunchignonlâche.

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—Quoi?medemandaRhysd’unairinquiet.Ilétaitvisiblementsortidel’étatdetransedanslequeljel’avaisplongé,maisjenevoulaispasle

regarder.Mattmerendaithonteused’avoirusédelapersuasionsurRhys,mêmesicederniernes’enétaitpasrenducompte.—Assieds-toi,suggéraMatt.—Pourquoi?Jen’enaipasenvie.—Assieds-toiquandmême,répétaMattd’untonplusferme.CommeRhysnerépondaitrien,Mattditencoreunefois:—Assieds-toi,Rhys.—Jenecomprendspaspourquoiilfaudraitabsolumentquejem’assoie.AufuretàmesurequeMattlebousculait,Rhyssemontraitdeplusenplusagacé,cequejetrouvais

bizarre,parcequejusque-là,jen’avaisjamaisvuRhysénervécontrequiconque.—Jesuistrèsbiendebout.—Tunepeuxpast’asseoir.Mattsoupiraetsetournaversmoi.—Tul’ascoincéautrement,Wendy.—C’estWendyquiafaitça?ditRhysenplissantlefront.Jenecomprendspas.Qu’as-tufait?Tu

m’asditdenepasm’asseoir?—Non,quandjet’aiditdet’asseoir,tun’aspasputerelever.Alorsjet’aiditdeterelever,ettune

réussisplusàt’asseoir.Jesoupirai,horsdemoi.—Jenesaisplusquoidiremaintenant.Jen’oseplusriendiredepeurquetuarrêtesderespirer,ou

jenesaisquoi!—Tupeuxfaireça?demandaMatt.—Jen’ensaisrien!Jelevailesbrasauciel.—Jen’aiaucuneidéedequoijesuiscapable.—Jenepeuxpasm’asseoirpendantunmoment,affirmaRhysenhaussantlesépaules.Cen’estpas

lafindumonde.Jen’aimêmepasenviedem’asseoir.—C’estsansdouteuneffetsecondairedelapersuasion,luidis-jeenarpentantnotrecellule.—Qu’importe, jem’enfiche,ditRhys.Çan’estpasgrave.De toute façon, jen’aiaucuneraison

particulièredem’asseoir.L’importantestquetusachesquetuescapabledelefaire.Tupeuxlefaire,nouspouvonssortird’ici,etquelqu’unàFöreningsauramedébloquer.OK?Légèrementmalàl’aise,jem’immobilisaipourregarderMattetRhys.Cedernieravaitraison.Il

fallait que je nous sortisse de là.Nousn’étions pas en sécurité, et l’incapacité deRhys à s’asseoirn’étaitquesecondaire.Jen’enavaisqueplusenviedenousfairesortird’iciauplusvite.—Vousêtesprêts,lesgars?—Àquoi?demandaMatt.—Àcourir.Jenesaispascequ’ilyadel’autrecôtédecetteportenicombiendetempsjepeuxles

retenir,déclarai-je.Maisdèsqu’ilsouvrirontlaporte,ilfautquevoussoyezprêtsàcouriraussivite

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etaussiloinquepossible.—TuvaslesStarWariser?demandaRhys, imperturbable.CommequandObi-Wandit :«Cene

sontpaslesdroïdesquevouscherchez»?—Ouais,maisjenesaispascombienilyadegardiens,nis’ilssontparticulièrementdangereux.CettepenséemeramenaàFinnetaufaitqu’ilavaitétéabsentdelamaisonaumomentdel’attaque.

Involontairement,jetressaillisetsecouailatête.— Sortons juste d’ici, d’accord ? Puisque nous ne pouvons prédire comment ça va se passer,

prenons les choses comme elles viennent. Cela vaudra toujours mieux que de rester assis ici, àattendrequ’ilsdécidentcequ’ilsveulentfairedenous.Parcequ’aumomentoùilslesauront,quelquechosemeditqueçaneserapaslajoie.Mattn’avaitpasl’airconvaincu,maisjepensaiqueriennel’auraitconvaincu.Toutecettehistoire

s’était transforméeenunépouvantablecauchemarparcequejen’avaispasvoulurestersagementàFöreningpourydevenirunefichueprincesse.Si je l’avais fait, riende toutcecineseraitarrivé.MattetRhysseraient sainset saufsdans leurs

maisons respectives, etFinn serait…bon, jene savaispasoù il serait,maiscertainementdansunemeilleuresituationqu’encemoment.L’espritenvahiparcettepensée,jememisàtaperdetoutesmesforcescontrelaporte.Monpoignet

mefaisaitmaltantjecognais,maisçam’étaitbienégal.

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CINQGnome

—Quoi?s’enquituneprofondevoixrauquealorsques’ouvraitunjudasrectangulairedanslebasdelaporte.Jemecourbaipouryvoir legnomequi était venuavecLoki.Sesyeuxétaient enfouis sousdes

sourcilsenbroussaille,etjen’étaispascertained’avoirunangledevuesuffisantpourexercersurluimapersuasion.Nimêmesicelafonctionneraitsurdevéritablestrolls.Ilssemblaientêtreuneespèceàpart.—Ludlow,c’estça?questionnai-jeenmesouvenantdunomqueLokiavaithurléquandilavait

demandédel’aide.—N’essaiepasdemebaratiner,princesse.Legnometoussa,seraclalagorgeetcrachaparterre.Avantdesetournerversmoi,ils’essuyale

visagedureversdelamanche.—Ilm’estarrivémaintesfoisdenepascéderauxcharmesdejeunesfillesbienplusbellesquetoi.—Jedoisallerauxtoilettes.Me disant que la franchise et le cynisme porteraient plus de fruits avec ce type d’individu,

j’abandonnaitoutsimulacred’amabilité.—Ehbien,allez-y.Pasbesoindedemanderl’autorisation.Ludlowéclataderireetcen’étaitpasjoliàentendre.—Iln’yapasdetoilettesici.Jenem’accroupiraipas,dis-je,dégoûtéeparcettepensée.—Alors,retiens-toi.Ludlowvoulutfermerlejudas,maisjebloquailepetitvoletdelamain.—Nepourriez-vousdemanderàungardiendem’accompagnerauxtoilettes?—Legardienici,c’estmoi,décochaLudlow,untantinetvexé.—Ah!vraiment?Je lui adressai un petit sourire en coin,me rendant soudain compte que tout ceci s’avérait plus

facilequejenel’avaiscru.— Ne me sous-estime pas, princesse. J’ai l’habitude de dévorer des filles comme toi au petit

déjeuner.—Alorsvousêtescannibale?lâchai-jeengrimaçant.—Ludlow,es-tuentraindeharcelercettepauvrefille?s’écriaunevoixvenantdufond.Ils’écartaetjevisapprocherLoki.—C’estellequimeharcèle!seplaignitLudlow.— Mais bien sûr, s’entretenir avec une ravissante princesse, quelle vie de chien tu mènes, lui

décochaLokisèchement,cequifitricanerMattderrièremoi.Ludlowgrommelaquelquechose,maisLokilevalamainpourlefairetaire.Ensuite,ilétaittrop

prèsdelaportepourquejepussedistinguersonvisage.LejudasétaitàhauteurdesyeuxdeLudlow,quiarrivaitàpeuprèsàhauteurdelatailledeLoki.—C’estquoileproblème?demandaLoki.

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—J’aibesoind’allerauxtoilettes.Jemepenchaidavantagepourmieuxlevoiràtraverslejudas.Jevoulaiscaptersonregard,mais

sesyeuxétaienttoujourshorsdemonchampdevision.—Etjeluiaiditdefairedanslacellule,ajoutaLudlowfièrement.—Oh!allons.Ellen’estpasunevulgairemänks.Nousn’allonspaslaréduireàunetellemisère!

leréprimandaLoki.Ouvrelaporteetlaisse-lasortir.—MaisMonsieur,jenesuispascensélalaissersortiràmoinsqueleroinelaconvoque,répondit

Ludlow,l’airinquiet.—Tucroisqueleroivoudraitqu’ellesoittraitéeainsi?demandaLoki.Legnomesetorditlesmains.—Aubesoin,tudirasàSaMajestéquetoutestmafaute.Ludlow opina à contrecœur. Il ferma le judas, sans que je l’en empêche cette fois. J’entendis

cadenasetverrouscliqueterens’ouvrant.—Jen’aimepasça,murmuraMatt.—Nousn’avonsguèrelechoix,luirépondis-jeàvoixbasse.Jenousaienvoyésenprison,ilfaut

quejenousensorte.La porte s’entrouvrit, et je reculai,m’attendant à la voir s’ouvrir en entier. Je pensais queLoki

entrerait,quej’utiliseraismapersuasionetquenousficherionslecamp.MaisluietLudlowrestaientcachésàl’extérieur.—Alors?demandaLudlow.Jenevaispastenircetteporteouvertetoutelajournée.Ludlowouvritunpeuplus,melaissanttoutjustelaplacepourpasser.Jemeglissaidel’autrecôté,

et à peine fus-je passée, il claqua bruyamment la porte. Je l’observai verrouiller à nouveau lesloquets.—Lestoilettessontparlà,ditLoki.Ildésignait leboutducouloir,quiétait faitdesmêmesbriquesfroidesethumidesquecellesqui

tapissaientnotrecellule.Lesolétaitsaleetdestorches,suspenduesauxmurs,éclairaientlepassage.—Merci.JesourisàLokiencaptantfacilementsonregard.Sesyeuxdorésétaienttrèsbeaux,maisj’écartai

cettepenséedemonesprit.Enmeconcentrantaussifortquepossible,jechantaiintérieurement:Laisse-lespartir.Laisse-moi

partir.Ouvrelacelluleetlaisse-nouspartir.Ilnefallutquequelquessecondespourquej’obtinsseuneréponse,maiscenefutpasdutoutcelleà

laquellejem’attendais.Unsourireperplexeapparutsurseslèvres,puissesyeuxpétillèrentd’unejoiemalicieuse.—Jepariequetun’asaucuneenvied’allerauxtoilettes,c’estça?Lokimesouritd’unpetitairsuffisant.—Je…quoi?N’encroyantpasmesyeux,jefulminai.Riennes’étaitpassé.—Jet’avaisbienditquenousnedevionspaslalaissersortir!s’écriaLudlow.—Ducalme,Ludlow,indiquaLoki,lesyeuxtoujoursbraquéssurmoi.Toutvabien.Elleestsans

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danger.Jeredoublaid’efforts,pensantquejen’avaispasessayéassezfort.Oupeut-êtreavais-jeaffaiblima

persuasion en l’utilisant sur Rhys récemment. Les guérisseurs étaient fatigués et usés après uneintervention.Jedevaisêtresemblableet,pourtant,jenemesentaispasfatiguée.Jerecommençaiàrépéterlesmêmesmotspourmoi-même,maisLokilevalamainpourm’arrêter.—Doucement,princesse,tuvastefairedumal.Ilrit.—Tuestêtue.Onpeutaumoinst’accorderça.—Etalors?Tuesimmuniséouquoi?luidemandai-je.Plusaucuneraisondenierquej’avaisessayélapersuasionsurlui.Ilétaitvisiblementaucourant.—Pasexactement.Tuesloind’êtreassezconcentrée.Ilcroisalesbrasetmeregardaaveclamêmecuriositéqu’avant.—Maisjedoisdirequetuesassezpuissante,malgrétout.—Jecroyaisquetulatrouvaissansdanger,intervintLudlow.—Elle l’est. Sans entraînement, elle est quasi sans pouvoir, expliquaLoki.Elle sera un énorme

atoutunjour,alorsquepourlemoment,ellen’estqu’unepetitemagiciennedesalon.—Merci,grommelai-je.Jemedépêchaideconcocterunnouveauplan.JepouvaisprobablementéliminerLudlow,maisje

necomprenaispascommentfonctionnaienttouslesverrous.Mêmesijeparvenaisàmedébarrasserdelui,jen’étaispassûredepouvoirouvrirlaportedelacellulepourlibérerMattetRhys.MaisLokiétaitlegrosproblème,surtoutdepuisquejesavaisquejenepouvaisexercermontalent

sur lui. Étant bien plus grand et plus fort que moi, il avait par ailleurs toute la latitude de meneutraliserd’unseulcoupd’œil.—Jetesensréfléchirdurement,ditLoki,unpeuimpressionné.Craignantqu’ilnesoitcapablede liredansmespensées, jemecontractaienessayantdeneplus

penseràrien.—Jenepeuxpasvoircequetuasentête.Sijelepouvais,jenet’auraismêmepaslaisséesortir.

Maismaintenantquetuesdehors,autantenprofiter.—Queveux-tudire?luidemandai-jeavecméfianceenm’écartantdelui.—Holà,tusurestimesl’intérêtquejeteporte.Lokisourit,trèscontentdelui.—Jepréfèremesprincessesenpyjamapropre.Mesvêtementsauraientpuêtre relativementcorrects s’ilsn’étaient tachésde sanget couvertsde

boueauxgenoux.Jesavaisbienquej’étaisdansunsaleétat,maiscen’étaitpasmafaute.—Désolée.J’ail’airgénéralementmieuxaprèsavoirétébattueàmort,répondis-je.Sonsourires’effaça.—Oui,bon,jenecroispasquetuaiesàtesoucierdetonallurepourlemoment.Lokirécupéravitesonairprétentieux.—Jecroisqu’ilesttempsquetuaillesvoirSara.—Monsieur,jetrouvequeçan’estpasunebonneidée,interrompitLudlow.

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MaisLoki,luilançantunregardnoir,luiimposasilence.—Etmesamis?questionnai-jeendésignantlacellule.—Ilsnevontnullepart.Lokisouritàsapropreblagueetjerésistaiàl’enviedeleverlesyeuxauciel.—Ça,jelesaisbien.Maisjenepartiraipassanseux.—C’esttonjourdechance.Tuneparspasnonplus.Lokifitunpasenarrièreenmefaisanttoujoursface.—Net’enfaispas,princesse.Ilssontensécurité.Allez.UnepetiteconversationavecSaraestdans

tonintérêt.—J’aidéjàrencontréSara,dis-jeavecunsemblantdeprotestationdanslavoix.Je jetai un nouveau coup d’œil inquiet vers la porte de la cellule,maisLoki s’était déjàmis en

marche.Jesoupiraietfinisparmeconvaincrequedeparlerauxinstancessupérieuresvaudraitsansdoutemieux pour plaider la libération deMatt etRhys.Même si je ne pouvais plaiderma propresortie.—Commentl’as-tusu?luidemandai-jeenlesuivant.Marchantdanslecouloircôteàcôte,nouspassâmesdevantplusieursportesidentiquesàcellesde

notrecellule. Jen’entendisen sortir riendeparticulier etnevisd’autresgnomesmonter lagarde,maisjemedemandaicombiendeprisonnierscroupissaientici.—Suquoi?— Que j’étais… tu sais bien… que j’essayais de te persuader, dis-je. Si ça ne marchait pas,

commentpouvais-tulesavoir?— Parce que tu es puissante, reformula Loki en montrant sa tête. C’est comme de l’électricité

statique.Jelesensquandtuessaiesd’entrerdansmoncerveau.Ilhaussalesépaules.—Tulesentiraisaussisiquelqu’unessayaitsur toi.Jenesuispascertainqueçamarcheraitpar

contre.—ParcequeçanefonctionnepassurlesTryllesousurlesVittras?demandai-jeendoutantqu’il

medonnâtuneréponsefranchetantjetrouvaisdéjàétrangequ’ilmeparlâtdequoiquecesoit.—Non,çamarche.Etsituavaissulefairecorrectement,jen’auraisriensentidutout,m’expliqua

Loki.Cependant,nous sommesplusdifficiles àmanipulerque lesmänks.Si tune t’assurespasdefaireuntravailsoignédepersuasionsurnoscerveaux,nouslesentons.Comme nous atteignions des marches, Loki grimpa quatre à quatre l’escalier sans m’attendre.

Aprèsm’avoirdévoilédesinformationsqu’ilauraitdûtaire,iln’avaitpasl’airinquietlemoinsdumonde par une possible fuite de ma part. J’en conclus qu’il était un bien piètre gardien et que,logiquement,Ludlowauraitdûavoirautoritésurlui.Après qu’il eut poussé les énormes portes en haut de l’escalier, nous nous retrouvâmes dans un

grandvestibule.Pasuncorridor,maisune immensepiècevoûtée.Lesmursétaientenboissombresoulignéderouge,etuntapischargédemotifségalementrougesoccupaitlecentredelapièce.Elleprésentait lemêmegenred’opulencequelepalaisdeFörening,maisenplussombreetplus

riche.Ellerenvoyaitplusl’imaged’unluxueuxchâteau.

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—C’estvraimentbeau,dis-jesansdissimulermasurpriseetmonadmiration.—Biensûr,c’estlademeureduroi.Lokimedévisagea,commesurprisdemastupéfaction.—Àquoit’attendais-tu?—Jenesaispas.Aprèscetempspasséausous-sol,j’imaginaisquelquechosedeplusrepoussantet

sale,déclarai-jeenhaussantlesépaules.Iln’yamêmepasl’électricitéenbas.—C’estpourl’effetdramatique.C’estuncachot.Ilmeconduisitdansuncouloirdécorédefaçonidentiqueaugrandvestibule.—Quesepasserait-ilsij’essayaisdem’échapper?lequestionnai-je.Commejenevoyaispersonned’autredanslecoin,jemedisquesijedoublaisLoki,jepourrais

sansdoutem’enfuir.Maispouralleroù?Et jeneseraispaspourautantcapablede libérerMattetRhys.—Jet’arrêterais,répondit-ilsimplement.—DelamêmemanièrequeKyrachezmoi?Merappelanttoutlemalqu’ellem’avaitfait,unesourdedouleurmesaisitaucôté.—Non.Unvoiled’afflictionqu’ilécartavivementpourmesourireavaitassombrisonvisagel’espaced’un

instant.—Jeteprendraissimplementdansmesbrasetteserreraisjusqu’àcequetutepâmes.—Lafaçondonttuprésentesleschosesal’airtrèsromantique.Jefislamoueenmerappelantcommentilm’avaitfaitperdreconnaissanceenmefixantduregard.

Celan’avaitpasétédouloureux,maispasforcémentplaisantnonplus.—C’estcommeçaquejel’imagine.—C’estunpeutordu,dis-je.Ilhaussalesépaulesenguisederéponse.—Pourquoim’as-tuenlevéeetamenéeici?—Jecrainsquetuneposestropdequestions,princesse,ajoutaLokid’untonpresquelas.Tuferais

mieuxdelesgarderpourSara.Elleauratouteslesréponses.Nousmarchâmesensuitesansdireunmot.Ilmeconduisit jusqu’auboutducouloir,enhautd’un

escalier recouvert demoquette en velours rouge, et puis dans un autre couloir, avant de s’arrêterdevantunedoubleporteenboisdécoréedevignessculptées.Desféesetdeslutinsgravésdansleboisévoquaientunevisionfantastique,danslaveinedeHansChristianAndersen.Lokifrappaavecuneélégancetoutethéâtrale,puisouvritlesportessansattendrelaréponse.Jele

suivis.—Loki!s’écriaSara.Tudoisattendred’êtreprésentépourentrerdansmesappartements!Sa chambre ressemblait au reste de la demeure.Un grand lit à baldaquin, défait et recouvert de

drapspourpres,enoccupaitlecentre.D’uncôtédelapiècesetrouvaitunecoiffeuse,devantlaquelleelleétaitassise,juchéesurunpetit

tabouret.Sescheveuxétaienttoujoursattachésenunequeuedechevalserrée,maiselleavaitchangédevêtements,arborantunelonguerobedesatinnoir.

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Quand elle se tourna pour nous regarder, le tissu bougea avec une élégante fluidité. Ses grandsyeuxbrunss’élargirentenmevoyantapparaître,maisellesehâtadeseressaisir.Àcôtéd’ellesetenaitungnome,dumêmetypequeLudlow.Bienqu’ayantessayédes’arrangeren

s’habillant d’un petit uniforme de majordome, sa physionomie était laide et son teint blafard. Delongscolliersparsemésdediamantsetdeperlespendaientdesesmains.Jenecomprispaspourquoiaudébut,puisjecomprisqu’illestenaitpourelle,telleuneboîteàbijouxvivante.Lorsquenousentrâmesdanslachambre,unebouledepoilsaboyaetsautadulitpours’arrêterjuste

devant nous. Il s’agissait seulement d’un loulou de Poméranie. Le gros de sa hargne était dirigécontre moi, et après que Loki lui eut intimé l’ordre de se taire, il se tint tranquille. Tout enm’observantducoindel’œilavecméfiance,lechienretournaprèsdeSara.— Je nem’attendais pas à te voir si tôt, dit Sara en se forçant àme sourire avant de lancer un

regardglacialàLoki.Jemeseraishabilléesij’avaissu.—Laprincessecommençaitàtrops’agiter.Lokis’allongeasuruncanapédeveloursplacéaupieddulit.—Aprèslajournéequ’elleaeue,jemesuisditqu’elleméritaitunepause.—Jecomprendsbien,maisjenesuispastrèsprêtepourtoutça.Toutendésignantsatenue,Saranemequittaitpasdesyeux.—Danscecas,tun’auraispasdûm’envoyerlacherchersitôt,luiretournaLokiensoutenantson

regard.—Tusaisbiencequenousdevionsfaire…Hochantlatête,Saras’interrompit.—Maispeuimporte.Cequiestfaitestfait,ettuasparfaitementraison.Ellemesourit,sonexpressiondevenantpresquechaleureuse.Ouaumoinsunpeupluschaleureuse

quecelledemamère,Elora.—Quesepasse-t-il?demandai-je.Mêmeaprèstoutcequ’ilsavaientfait,jenesavaistoujourspascequelesVittrasattendaientdemoi.

Toutcequejecomprenais,c’étaitqu’ilsnepouvaients’empêcherdemevouloir.—Oui,nousdevrionsparler.Toutenréfléchissant,elletapotaitlatabledesesdoigts.—Peux-tunouslaisseruneminute,s’ilteplaît?—Bien.Lokisoupiraetseleva.—Allez,Froud,viens.LepetitchiencourutjoyeusementversLoki,quil’attrapadanssesbras.—Lesgrandespersonnesontàparler.Le gnome déposa délicatement les bijoux sur la table et se dirigea vers la porte. Il marchait

lentementensedandinantàcausedesapetitetaille,maisLokipritsontempspourlelaisserpasserdevantafindesortiraprèslui.—Loki?luilançaSarasansleregarderjusteavantqu’iln’atteignîtlaporte.Arrange-toipourque

monépouxsoitaussiprêtànousrecevoir.

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—Commeilteplaira,réponditLokiavecunepetiterévérence.Ilportaittoujourslepetitchienet,ensortant,refermalaportederrièrelui,melaissantseuleavec

Sara.—Commenttesens-tu?medemandaSaraensouriant.—Mieux.Merci.Jen’étaispascertainededevoirlaremercier.Certes,ellem’avaitguérie,maisc’étaitbienàcause

d’ellequej’avaisétéblesséeenpremierlieu.—Tuvoudrassansdoutetechanger,affirmaSaraendésignantmesvêtementsetenselevant.J’ai

sûrementicideschosesquit’iront.—Merci,maisjemesoucieassezpeudesvêtementspourlemoment.J’aimeraisplutôtsavoirce

quisepasse.Pourquoim’avez-vousenlevée?Jesentaisl’exaspérationmegagnertoutenmedoutantquecelatransparaissait,maisellenesembla

rienremarquer.—Jesuissûred’avoirquelquechosepourtoi,continua-t-elle,commesijen’avaisriendit.Elleapprochad’ungrandplacardencoinetenouvritlaporte.—Çaserapeut-êtreunpeugrand,maisjesuissûrequecelaferal’affaire.Aprèsavoircherchéàpeinequelquessecondes,elleretiradelapenderieunelonguerobenoire.— Je me fiche complètement des fringues ! lançai-je. Je veux savoir pourquoi vous me

pourchassez.Jenepeuxvousdonnercequevousvoulezsanssavoirdequoiils’agit.Commeellesedirigeaitverslelit,jenotaichezelleunecertainegêne.Sonregardseposaitpartout

saufsurmoi.Etlorsquecelaseproduisait,elledétournaitlesyeuxaussitôt.Elleallaposerlarobesurlelit.—Vouslesavezrenvoyéspourquenouspuissionsparler,etmaintenant,vousneditesplusrien,

dis-je,deplusenplusfrustrée.—Celafaitsilongtempsquejepenseàcejour.Saratouchalarobeavecamourenlalissantsurlelit.—Voilàquenousysommes,etpourtant,jemesenssipeupréparée.—Sérieusement,quevoulez-vousdire?Son visage se teinta d’une expression douloureuse, pour redevenir impassible et retrouver la

sérénitéaffichéequelquesminutesplustôt.—J’espèrequetunem’envoudraspas,maisjevaism’habiller.Elleseretournapoursedirigerversleparaventquisetrouvaitdansuncoindelapièce.Unescènefantastique,identiqueàcellequiornaitlesportes,yavaitétépeinte,etunerobedebal

rougeetnoirependaitpar-dessus.Sarapritlarobeetpassaderrièreleparaventpoursechangerenprivé.—Savez-vousoùestFinn?interrogeai-je,unedouleuràlapoitrine.—Ils’agitdetonpisteur?medemandaSaraendéposantsarobesurleparavent.Jenevoyaisdépasserquelesommetdesatête.—Oui,dis-je,lagorgeserrée,enm’attendantaupire.—Jenesuispascertainedesavoiroùilsetrouve.Nousnel’avonspas,sic’esttaquestion.

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—Mais alors pourquoi n’est-il pas venume sauver ? Pourquoi vous a-t-il laissésm’attraper ?demandai-je.—J’imaginequ’ilsl’ontgardéjusqu’àcequ’ilsvousramènentici.Commeellepassaitlarobepar-dessussatête,sesparolesfurentuninstantétouffées.—Jeneconnaispastouslesdétails,maisjesaisqu’ilsavaientreçuordredeneblesserpersonne,à

moinsquecelanedeviennestrictementnécessaire.—Ouais,etlesordresdeKyraétaientdenepasmeblesser,n’est-cepas?Elleneréponditpasàmonsarcasme.—Pouvez-vousjustemedires’ilvabien?—Lokin’amentionnéaucundécès,dit-elle.—C’estluiquidevaitm’amenerici?Je regardai la porte ferméederrièrenous, comprenant trop tardque c’était à lui que j’aurais dû

posercesquestions.L’idéemevintdecouriraprès lui,maisàcet instant,Sarasortitdederrière leparavent.—Oui,etoutreles…démonstrationsdeKyra,Lokiarapportéquetouts’étaitbienpassé.Ellepassalesmainssursarobeetmedésignacellequiétaitsurlelit.—S’ilteplaît,habille-toi.Nousallonsvoirleroi.—Etilrépondraàmesquestions?Jehaussaiunsourcil.—Oui,jesuispersuadéequ’iltediratout,meréponditSara,lesyeuxbaissés.Jedécidaid’ycroire.S’iltentaitdetournerautourdupot,jeluirentreraisdedans.Jen’avaispasde

tempsàperdreavecdes réponsesvaguesetdesproposévasifs.MattetRhysétaientprisonniers,etRhysnepouvaitmêmepluss’asseoir.Mais il fallait aussi que je me fisse apprécier d’eux pour avoir une chance qu’ils acceptent de

relâcherMattetRhys.Sipourcelajedevaisenfilerunestupiderobenoire,qu’àcelanetienne.JepassaimechangerderrièreleparaventpendantqueSaracontinuaitdesepréparer.Ellemitl’un

descolliersquelegnomeavaitdéposéssurlatableetdéfitsescheveux.Noirs,raidesetbrillantsdanssondoscommedelasoie,ilsmerappelèrentceuxd’Elora.Jemedemandaicequ’Elorapensaitde toutcelaet commentelle réagirait.Allait-elle lancerune

missionpourmerécupérer?Savait-elleseulementquej’étaispartie?Aprèsquej’euspassélarobe,Saravoulutynouerunrubandansledos,maisjenelalaissaipas

faire.Elle tendit lesmainsvers la robe,etquand je luidemandai sèchementde laisser tomber, sonvisage prit une expression tragique. Ses mains restèrent suspendues en l’air pendant un instant,commesiellenepouvaitcroireàcequivenaitdesepasser.Puis,elleleslaissaretomberenhochantlatête.Sans rien ajouter, elle m’entraîna dans le couloir. Au bout, nous arrivâmes devant un autre

ensembledeportessymétriquesàcellesdesachambre.Ellefrappa,etpendantquenousattendionsune réponse, elle lissa encore une fois sa longue robe de dentelle pourpre et noire. Celle-ci étantparfaitementrepassée,jesuspectailàchezSaraunesortedetic.—Entrez,déclaraunevoixrauqueetpuissantederrièrelesportes.

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Avantdepousserlesportes,Sarafitunsignedetêtecommes’ilpouvaitlavoir.Lesmursde cette pièce, qui ne comportait aucune fenêtre comme toutes celles que j’avais vues,

étaientenacajousombre.Endépitdesa taille immense,elle ressemblaitunpeuàunecave.Àcôtéd’un mur entièrement tapissé de rayonnages de bibliothèque trônait un bureau massif en bois.Quelquesélégantssiègesrougesconstituaientlerestedumobilier.Faceànous,assissurlaplusgrandedeschaisesauxpiedsenboissculptésdemotifscompliqués,se

tenait un individu. Ses longs cheveux bruns lui tombaient dans le dos, sous les épaules. Il étaitentièrementvêtudenoir:pantalonsrepassés,chemiseetlonguevestequiressemblaitàunerobe.Ilétaitbeau,levisageunpeumarquébienqu’atteignantàpeinelaquarantaine.Assisluiaussi,Lokiselevaquandnousentrâmes.Froud,lepetitchien,avaittotalementdisparu,et

j’espéraiqu’ilsnel’avaientpasdévoréouquelquechosed’horribledugenre.—Ah!princesse.Le roi sourit dès qu’il me vit, mais ne se leva pas. Son regard passa sur Loki en un éclair de

secondeetildit:—Loki,tupeuxdisposer.—Merci,sire,réponditLokiensecourbantavantdefiler.Ilmedonnal’impressionqu’iln’appréciaitguèrelacompagnieduroi,cequinefitquem’inquiéter

davantage.—Alors,allez-vousm’expliquercequi sepasse?demandai-je toutdegoau roi,et sonsourire

s’élargit.—J’imaginequenousdevrionscommencerparlecommencement,dit-il.JesuisleroidesVittras.

Jem’appelleOrenetjesuistonpère.

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SIXRoisetcavaliers

Mapremièreréactionfutlapluslogique:Ilment.Penséeaussitôtsuiviede:Ets’ilnementaitpas?Elora,detouteévidence,avaitétéunemèreépouvantableetquinem’aimaitguère.Jepensaisàla

rencontrequejevenaisd’avoiravecSara.Elleavaitcaressémarobeavectantd’amourlorsqu’elleavaitdit:Celafaitsilongtempsquejepenseàcejour.Sara, à côté, se tordait les mains. Elle me regarda pour la première fois et me sourit, pleine

d’espoir.Pourtant,elleavaittoujourssurlevisageuneexpressiondetristessequejenecomprenaispas.Je ne lui ressemblais pas plus que je ne ressemblais à Elora. Leur beauté était inégalable et la

miennenel’atteignaitpas,maisSarasemblaitbienplusjeune,latrentaineàpeine.—Alors…J’avalaipéniblementmasaliveenessayantdeforcermaboucheàparler.JemetournaiversOren.—Tudisqu’Eloran’estpasmamère?—Non,malheureusement,Eloraestbientamère,dit-ilensoupirant.Mêmesicetaveudonnaitplusdevraisemblanceàsesparoles,ilsemadavantagelaconfusionen

moi.Ilauraitétéplusfacilepourluidementir.Sisonplanavaitétédemepersuaderderestervivreàses côtés enprenant fait et causepour lui, il n’aurait euqu’àprétendreque lui etSara étaientmesparents.Maisenm’annonçantqu’Eloraétaitmamère,jegardaisunlienavecelle,cequineluiprofiterait

probablementpas.—Pourquoimedis-tucela?—Tudoisconnaîtrelavérité.Jesaisqu’Eloraestunejoueuse.Chaquefoisqu’ilparlaitd’elle,ilavaitl’airamer,commesicelaluifaisaitmaldeprononcerson

nom.—Unefoisquetuconnaîtraslavérité,ilteseraplusfaciledefaireunchoix.—Dequelchoixparles-tu?demandai-jetoutenayantlesentimentdesavoirdequoiils’agissait.—Leseulquiaitdel’importance,biensûr.Seslèvrestressaillirentetilsouritcurieusement.—Celuiduroyaumequetugouverneras.—Pourêtretoutàfaithonnête,jeneveuxgouverneraucunroyaume,dis-jeentortillantunemèche

decheveuxquivenaitd’échapperàmonchignon.—Pourquoinepast’asseoir?ditSaraendésignantunechaisederrièremoi.Aprèsquejefusinstallée,ellepritunsiègeàcôtéduroi.—Ainsi…tuesmabelle-mère?dis-jeenluisourianttristement.Elleacquiesça.—Oui.—Ah!

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Jemetuspendantunmoment,ingérantcequ’onvenaitdemedire.—Maisjenecomprendstoujourspas.Eloram’aaffirméquemonpèreétaitmort.—Biensûrqu’ellel’afait,ditOrenenriantamèrement.Entedisantquej’étaisvivant,elleaurait

étéobligéedetelaisserlechoix,sachanttrèsbienquetunel’auraisjamaischoisie.—Maisalors,commentavez-vous…Jecherchailesmotsexacts.—Commentvousêtes-vous…misensemble…jeveuxdire…commentm’avez-vousconçue?—Nousnoussommesmariés,ditOren.C’étaitbienavantquejen’épouseSara,etcefutuneunion

assezbrève.—TuasépouséElora?demandai-je.Lacolèregrandissaitenmoi.D’abord,quand ilm’avaitditqu’ilétaitmonpère, j’avais imaginéuneaffaired’adultèrecomme

cellequelepèredeFinnavaitvécueavecElora.Jenepensaispasàuneunionofficielle,quechaquepersonnerencontréeàFöreningpouvaitconnaître.YcomprisFinn.Quandilm’avaitdonnéunaperçudel’histoiredesTryllesaucoursd’unerapide

leçon, au sujet de tout ce qu’une princesse devait savoir sur son passé, Finn n’avait fait aucuneallusionaufaitquemamèreavaitétémariéeauroidesVittras.—Oui,brièvement,ditOren.Nousnoussommesmariés,carnouspensionsqu’ilseraitpréférable

pournosdeuxroyaumesdes’unir.LesVittrasetlesTryllesayanteutantdedifférendspendantdesannées,noussouhaitionsrétablirlapaix.Malheureusement,tamèreestlafemmelaplusimpossible,imprévisibleetépouvantabledetoutelaplanète.Ilmesourit.—Bon,enfin,tulesais.Tul’asrencontrée.—Oui,jesaisàquelpointellepeutêtreimpossible.Jesentissubitementmonterenmoicommeunecurieuseenviedeprendresadéfense,maisjetins

malangue.Elora avait été froide, à la limite de la cruauté bien souvent, pourtant quand Oren se mit à la

dénigreràcepoint,celam’offensa.Cependant,jesourisetacquiesçaicommesiderienn’était.—Ilestmêmeincroyabledepenserquej’aipuavoirunenfantavecelle,dit-ilpluspourlui-même,

cequimefitfrémir.Jen’avaispasvraimentenviedemereprésenterEloraetOrenaulit,dansl’intimité.—Avanttanaissance,lemariageaétéannulé.Elorat’aemmenée,puiscachée,etjet’aicherchée

pendanttoutescesannées.—Tun’aspasététrèsbrillantàcetégard,décochai-je.Sonexpressionsedurcit.—Terends-tucomptequetespisteursm’ontbattueàdeuxreprises?Tafemmeadûmesecouriret

mesoignerpourquejenemeurepas.— Cela me navre au plus haut point. Nous avons d’ailleurs pris les mesures nécessaires à

l’encontredeKyra.Ainsi parlaOren, sansmanifester l’ombred’une excuse. J’espérai juste que ses paroles dures et

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pleinesderancœurfussentdirigéespluscontreKyraquecontremoi.—Maistun’auraispasététuée.—Commentenes-tusisûr?demandai-jeabruptement.—Appelleçadel’intuitionsouveraine,situveux,réponditOrenévasivement.J’allaisinsister,maisilcontinua.—Jenem’attendspasàcequetunoustombesdanslesbras.Jesaisqu’Eloraadéjàessayédete

convaincredesesbonssentiments,maisj’aimeraisquetuprennesquelquesjourspourapprendreàconnaîtrenotreroyaume,etdéciderpartoi-mêmesituveuxlegouvernerunjour.—Etsijedécidaisdenepasrester?luidis-jeenleregardantcalmementdanslesyeux.—Faisd’aborduntourduroyaume,suggéraOren.Bienqu’ilmesourît,letondesavoixétaitsansambiguïté.—Libèremesamis,laissai-jeéchapper.Toutes ces déclarations d’ascendance parentalem’avaient éloignée de la véritable raison dema

présencedanssonbureau.—Certainementpas,lâcha-t-ilaveclemêmesourireétrange.— Je ne resterai pas uneminute de plus si tu ne les libères pas, rétorquai-je le plus fermement

possible.—Non,tunepartiraspassinouslesmaintenonsprisonniers.Letonrauquedesavoixaccentuaitlasévéritédesesparoles.—Ilssontaucontrairepournousl’assurancequetuconsidérerasmonoffretrèssérieusement.Il me sourit, comme si cela devait compenser cette menace voilée, mais la pointe de malice

contenuedanssonsouriremepaniquadavantage.Lespoilsdemanuquesedressèrenttantjetrouvaisdeplusenplusdifficiledecroirequecethommeétaitmonpère.—Jeteprometsquejenepartirainullepart,dis-jeententantdedissimulerletremblementdema

voix.Situleslibères,jeresteraiaussilongtempsquetuvoudras.—Jeleslaisserais’enallerlejouroùjetecroirai,contra-t-ilavecraison.Lagorgeserrée,jem’efforçaidetrouveruneautrefaçondemarchander.—Quisontcesgensauxquelstutienstant?—Hum…Jesongeaiàluimentir,maisilavaitdéjàcomprisquejetenaisàeux.—Ils’agitdemonfrère,Matt,enfin…demonfrèred’accueiloupeuimporte,etdemonmänsklig,

Rhys.—Ilspratiquenttoujoursça?Orenplissalefront,désapprouvantvisiblementquelquechose.—Elora ne supporte le changement à aucun prix. Je le sais, pourtant, elle a toujours refusé de

rompreaveclatradition.Maistoutcelaesttellementdépassé.—Quoi?—Toutesceshistoiresdemänsklig,c’estdugaspillage,réponditOrenavecungestededédain.— Que veux-tu dire ? demandai-je. Que faites-vous des bébés que vous échangez contre les

substitués?

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Lorsqu’un bébé est déposé dans une famille d’accueil, il faut bien s’occuper en retour de celuiqu’onapris.—Nousneprenonspasdebébés,dit-il.MonestomacsenouaàlapenséedesVittrasassassinantdesenfants,commej’avaiscruunmoment

lesTryllescapablesdelefaire.—Nousnouscontentonsdeleslaisserdansleshôpitauxoùilssontnés,oudansdesorphelinats.Ce

quileurarriveensuiten’estpasnotreaffaire.— Pourquoi les Trylles ne font-ils pas la même chose ? demandai-je, car expliqué ainsi, cela

semblaitlogiqueetjemedemandaipourquoitoutlemondenefaisaitpasdemême.C’étaitplusaiséetmoinscher.—Au départ, ils les ont utilisés comme esclaves.Mais désormais, ils ne le font plus que pour

perpétuerlatradition.Ilhochalatête,commesicelaneluifaisaitnichaudnifroid.— C’est un débat sans intérêt de toute façon, ajouta-t-il en soupirant. Nous ne pratiquons la

substitutionquetrèsrarement.—Vraiment?Pour la première fois depuis ma rencontre avec Oren, j’eus le curieux sentiment de pouvoir

m’entendreavecluisurunpoint.—Lessubstituéscourentlerisqued’êtreblessés,perdusoupeuventnousrepousserensuite,ajouta

Oren.C’estdugâchisetceladétruitnotrelignée.Noussommesbienpluspuissantsqueleshumains.Si nous voulons quelque chose, nous n’avons qu’à le prendre. Pourquoi risquer de voir notreprogénituresouilléeparleursmainspataudes?Il avait raison,mais je n’étais pas certaineque sa conception soitmoralement préférable à celle

d’Elora,quipréconisaitlaroublardise,alorsquelui,prônaitlevolpuretsimple.—Elleatoujoursrefusédebousculerlestraditions.L’expressiondesonvisages’assombrissaitquandilparlaitd’elle.—Sadéterminationàvouloirséparerleshumainsdestrollsesttellementinébranlablequ’ellen’a

jamaisentrevul’hypocrisiedelachose;etsonentêtementneproduitfinalementquel’effetinverse,enliantirrémédiablementleursdestinées.Ellen’ajamaisvouluyvoirquel’avantagedefaireéleverlesenfantstryllespardesgardiennes.—Maisc’estunetoutautrechose,dis-je.Jemesouvenaisdemonenfanceauprèsdecettemèred’accueil,quiavaitessayédemetuer,etde

mesliensavecMatt.Jenepouvaisimagineraucunenounous’occupantd’unenfantdelamêmefaçon.—Exactement.Etc’estàcausedecelaquenotremariageaéchoué.Jetevoulais.Ellet’adonnée.Je savaisque son raisonnement était biaiséparune idée fausseque jen’arrivais pas à identifier.

Mais àma grande surprise, j’étais émue,même si je ne croyais pas tout ce qu’il disait. C’était lapremièrefoisqu’unparent,géniteurounon,avouaitqu’ilvoulaitvraimentm’avoir.—Est-cequej’ai…dis-jeenrefusantdemelaisserenvahirparl’émotion.Ai-jedesfrèresetsœurs

?OrenetSaraéchangèrentunregardquejeneparvinspasàinterpréter,etSarabaissalesyeuxpour

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regardersesmains,poséessursesgenoux.Elleétaitexactementlecontraired’Elora.Physiquement,pourtant, elles se ressemblaient beaucoup, avec leurs longs cheveux noirs et leurs yeux sombres,magnifiques,mais lessimilitudess’arrêtaient là.Saraparlaitpeu, touten témoignantd’unechaleurhumaineetd’unenaturesoumise,dontEloraétaittotalementincapable.—Non.Jen’aipasd’autresenfants,etSaranonplus,ditOren.CetteévocationsemblaattristerSara,cequimelaissasupposerquel’absenced’enfantn’étaitpas

sonchoix.—Jesuisdésolée,dis-je.— Elle est stérile, annonça Oren sans esprit de provocation ; cependant, les joues de Sara

s’empourpraient.—Hum…désolée.Jesuissûrequecen’estpassafaute,bafouillai-je.—Non,c’estvrai,c’estlamalédiction,ajoutaOrentrèsouvertement.—Pardon?m’enquis-jeenespérantavoirmalentendu.J’enavaisassezdusurnaturel.Lestrollsetleurstalentssuffisaient,sansyajouterdeshistoiresde

malédictionpar-dessuslemarché.—Lalégendeveutqu’unesorcièreéconduiteaitjetéunmaléficesurlesVittrasaprèsqu’onluieut

volésonenfantafindel’échangercontreunsubstitué.Sonsignedetêtesignifiantqu’iln’ycroyaitguèremerassuralégèrement.—Jen’accordepasbeaucoupdecréditàcettehistoire,qui,aufond,appartientà l’éternellesaga

racontantnostalentsetnosorigines.—C’est-à-dire?—Noussommesdestrolls,lesVittras,lesTrylles,toi,moi,Sara.Noussommestousdestrolls.Ilfitunamplegestedubrasautourdelui.—Ettun’aspasmanquéd’apercevoirlestrollsquiviventautourdenous,ceuxquiressemblentà

desgnomes?—TuveuxparlerdeLudlow?—Exactement.Cesontdestrolls,desVittras,commetoietmoi,expliquaOren,etleuranormalité

semblen’avoirenvahiquenotrecommunauté.—Jenecomprendspas.D’oùviennent-ils?—Denous,affirma-t-il,commesicelaallaitdesoi.Jesecouailatête.—L’infertilitéesttrèsprononcéecheznous,etparmilesraresnaissancesdontnouspouvonsnous

targuer,unebonnemoitiédonnedesgnomes.—Tuveuxdire…Jefronçailenez,abasourdie.—DesVittrascommetoietSaradonnentnaissanceàdestrollscommeLudlow?—Précisément,réponditOren.—Pourlecoup,c’esttrèsalarmant,dis-jetandisqu’Orenfaisaitunsignedetêteindiquantqu’ilne

désapprouvaitpastotalement.— Cette malédiction est causée par notre longévité, non par le fait d’une amère vengeance de

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vieillesorcière,maiselleexistebeletbien.Ilsoupiraetsourit.—Toi,manifestement,tuesbienplusbellequetoutcequenousaurionspuimaginer.—Vousn’imaginezpasàquelpointnoussommesheureuxdet’avoirparminous,renchéritSara.Àlavuedesonvisageconfiant,toutm’apparutclairement.JecomprissoudainpourquoilesVittras

me pourchassaient depuis si longtemps avec tant d’ardeur. Ils n’avaient pas le choix. J’étais leurdernierespoir.— Tu n’as pas épousé Elora pour unir vos deux peuples, dis-je en jaugeant Oren. Tu l’as fait

uniquementparcequetunepouvaisavoird’enfantavecl’unedestiennes.Iltefallaitunhéritierpourletrône.— Tu es ma fille, dit-il en élevant la voix, sans hurler, mais suffisamment fort pour qu’elle

résonnâtdanslapièce.Eloran’apasplusdedroitssurtoiquemoi.Turesterasavecnous,parcequetueslaprincesse,etquec’esttondevoir.—Oren.Majesté,imploraSara.Elleapasséuneterriblejournéeetelleabesoinderepos.Cetype

deconversationn’estpasrecommandétantqu’ellen’estpascomplètementguérie.— Et pourquoi n’est-elle pas complètement guérie ? décocha Oren en jetant à Sara un regard

glacial,quiluifitbaisserlesyeux.—J’ai fait toutceque j’aipupourelle, réponditSaracalmement.Etcen’estpasmafautesi,au

départ,elleaétéblesséedelasorte.—SiLokiétaitseulementcapabledesurveillersesfichuestroupes,grognaOren.Samauvaisehumeurn’étaitpassurprenante.Jel’avaissentiestagnersouslasurface.—Lokit’afaitunefaveur,Majesté,répliquaSarapoliment.Cequ’ilafaitvabienau-delàdeses

prérogatives.S’iln’avaitpasétélà,jesuiscertainequeleschosesauraientencoreplusmaltourné.—J’enaiassezdebatailleravectoiausujetdecetimbécile,conclut-il.Silaprincesseabesoinde

sereposer,montre-luisachambreetfiche-moilapaix.—Merci,sire.Saraselevaetexécutaunepetiterévérenceavantdesetournerversmoi.—Princesse,jevaistemontrertachambre.Je voulus protester,mais je compris que lemoment étaitmal choisi.Oren était prêt à s’énerver

contren’importequi,justeparcequ’ilenéprouvaitlebesoin,etjepréféraisquecenefûtpascontremoi.Unefoissortiedesappartementsduroietaprèsquelesportesfurentbienreferméesderrièrenous,

Sarasemitàmefairedesexcusesensonnom.Toutceciavaitétésiéprouvantpourlui.Celafaisaitdix-huitansqu’ilessayaitdemeretrouver,etEloraluiavaitrendulavieimpossible.Toutcelavenaitderessurgirenluicesoir.Sarasouhaitaitmefairecroirequ’Orenn’étaitpastoujoursainsi,maisquelquechosemedisaitque

c’étaitfortloindelavérité.Ils’étaitmontrételquelui-même,medonnantmêmel’impressiond’êtreplutôtdansunbonjour.Lorsquenousfûmesarrivéesdevantunechambrevoisinedelasienne,Saram’yfitentrer.C’était

uneversionpluspetiteetmoinsabondammentmeubléequelasienne,etellemefitdesexcusespour

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le manque de vêtements que le placard contenait. Leur demeure n’était donc pas aussi fournie envêtementspourmoiquecelledeFörening.Nonquecelamepréoccupât,carhabillementethabitationétaientlecadetdemessoucis.—Vousnevousattendeztoutdemêmepasàcequejeresteici?luidemandai-jependantqu’elle

faisaitletourdelachambrepourmemontreroùsetrouvaientleschosesutilesetallumerleslampes.Paspendantquemesamissontretenusprisonniersdanslecachot,n’est-cepas?—Ilmesemblequetun’aspaslechoix,réponditSaraprudemment.Savoixnecontenaitpasdemenacecommecelled’Oren.Ellenefaisaitqu’énoncerunfait.—Ilfautquetum’aides,dis-jeenfaisantappelàsonévidentinstinctmaterneletenmerapprochant

d’elle.Ilssontenbas,sanseauninourriture,etjenepeuxpaslesabandonnerainsi.—Jepeuxt’assurerqu’ilssontensécuritéetqu’ons’occuperabiend’eux.Ellemeregardadanslesyeux,pourmefairecomprendrequ’elledisaitlavérité.—Tantquetuserasici,ilsserontnourrisethabillés.—Celanesuffitpas,répliquai-je.Ilsn’ontnilitnitoilettes.Je n’évoquai même pas le charme que j’avais accidentellement infligé à Rhys sans pouvoir le

défaire,etquil’empêchaitdes’asseoir.— Je suis désolée, répondit Sara avec franchise. Je peux te promettre que je vérifierai tout et

veilleraimoi-mêmeàcequ’onlestraitebien.Maisc’esttoutcequejepeuxfaire.—Nepeux-tulesfaireinstallerdansuneautrepièce,parexemple?Lesfaireenfermerdansune

chambreinoccupée?L’idéequ’ilssoienttenusprisonniersnem’emballaitévidemmentpas,maisobtenirqu’onlessorte

ducachotauraitétéunpasdanslabonnedirection.—Orennel’autoriserajamais,celaseraitprendreuntropgrosrisque.Jesuisnavrée.Commeellemeregardait,impuissante,jecomprisquejenepouvaisrienattendredeplusd’elle.—Jevaistetrouverdesvêtementsplusappropriéspourdormir.Aprèssondépart,jem’assissurlelitensoupirant,laissantmoncorpssedétendre.Lesmontagnes

russesdesentimentsquej’avaisescaladéespuisdévaléesm’avaientépuisée.Malgrécetteimmensefatigue,jeneréussispasàm’endormir.Jen’yparviendraispastantquejene

sauraispassiMattetRhysétaientensécurité.

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SEPTCachotsethéros

Jenepeuxpasdirequej’avaisunplanentête,niquejesavaisoùj’allais.Saram’avaitapportédesvêtements:unpantalondeyogaetundébardeur,noirstouslesdeux.Aprèsm’êtrechangéeparcequejenetrouvaispasindiquédemebaladerenrobedusoir,jesortisàpasdeloupdanslecouloir.J’essayai de me rappeler le chemin emprunté par Loki pour me conduire jusqu’ici, mais les

lumières, qui avaient été tamisées, rendaient mon expédition dans ces lieux inconnus encore pluscompliquée.D’aprèsmonsouvenir,nousn’avionspasbifurquétrèssouventdanscescouloirs,cequidevraitsimplifierleschoses.Le plus difficile serait en revanche de savoir quoi faire une fois le cachot retrouvé. Peut-être

pourrais-jeutiliserlapersuasionsurlegardien.Ousic’étaitunautregnome,jepouvaisessayerdelemaîtriserpourluifaireouvrirlaporte.Je retrouvai l’escalier en colimaçon qui me conduisit seulement au rez-de-chaussée. Me restait

encoreàtrouverladescenteverslecachot.Lorsquej’atteignislebasdesmarches,j’entendisdesvoix.Medemandantsijedevaiscouriroume

cacher, je m’immobilisai, décidant que le mieux serait de me cacher dans un coin obscur. Je meprécipitaisousl’escalier,oùjemetapisenmefaisantaussipetitequepossible.Les voix augmentaient en approchant. Il s’agissait apparemment d’une discussion sur la façon

d’apprêter la meilleure courge. Mon cœur battait si fort que j’étais persuadée qu’ils pourraientl’entendre, et je retinsma respiration. Quelques instants plus tard, je vis passer les pieds de deuxgnomes.L’und’euxétaitunefemmeavecdelongscheveuxmiteux,quiluidescendaientennattedansledos.

Tous deux étaient très laids, mais à les entendre, ils semblaient inoffensifs. Ils avaient l’air plushumainsetnormauxquecertainsTryllesquej’avaispurencontreràFörening.J’attendis d’être certaine que les gnomes eussent disparu aubout du couloir pourme remettre à

respirernormalement.J’imaginaisquej’auraiseuledessusenlesattaquant,maisjen’avaisaucuneenviedefrapperdesinconnusauhasard.Enplus,ilsauraientpufairedubruitetalertertoutlemondeaupalais,ycomprisOren.Je sortis de sous l’escalier pour me retrouver quasi nez à nez avec Loki. Il était appuyé

négligemmentcontrelarampedesescaliers,leschevillescroisées.Jefaillispousseruncri,maismeretins,sachantquecelaneferaitqu’aggraverleschosesenattirantl’attention.—Salut,princesse,ditLokiensouriant.Onnedortpas?LuietLudlowm’appelaient«princesse»depuisledébut,etjepensaisqu’ilssemoquaientdemoi

etdemonrangchezlesTrylles.Aprèsavoirsuquej’étaiségalementleurprincesse,jecomprisqu’ilsnefaisaientlàquem’honorer.Pourtant, je savais bien quemon titre ne signifiait pas grand-chose pourLoki. Pour lemoment,

j’étaisaussiprisonnière.—Oui,j’étaisjuste…j’avaisfaim,bredouillai-je.—Histoireàpeineplausible,dit-ild’untonsceptique.J’aimeraisbienycroire.

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—Jen’airienmangédelajournée.Mêmesiçan’étaitquelapurevérité,mesnerfsavaienttantnouémonestomacquejenepouvais

mêmepaspenseràmanger.—Qu’as-tul’intentiondefaire,medemandaLokisanssesoucierdemonexcuseminable.Mêmesi

tutrouveslecachot,commentlessortiras-tudelà?—Jenevaispaslefairemaintenant.Tucourraisaussitôtmedénoncer,pasvrai?J’étudiai son regard en essayant d’y déceler quelque chose, mais il était aussi ambigu que

d’habitude.—Peut-être.Ilhaussalesépaulescommes’iln’avaitencoreriendécidé.—Fais-moipartdetonplan.Ilnemériteprobablementpasqu’ondérangequiquecesoit.—Qu’est-cequitefaitcroireça?—Turessemblesàquelqu’unquisesaboteraitelle-même,dit-il.J’allaisouvrirlabouchepourprotester,maismaflagranteindignationlefitrire.—Neprendspasçaaussipersonnellement,princesse,çanousarriveàtous!—Jenem’arrêteraipastantquejen’auraipassortimesamisdecetendroit.—Maintenantjetecrois.Ilsepenchaversmoi.—Toutvatellementmieuxquandtudislavérité.—Commesij’étaislaplusfourbe,dis-jeavecdédain.—Jenet’aipasmentijusqu’ici,dit-ilavecunsérieuxinhabituel.—Bon,danscecas,commentjefaispoursortirmesamisducachot?—Cen’estpasparcequejenetemenspasquejevaisrépondreàtesquestions.Ilsourit.—Bien.Jelestrouveraitouteseule.Quelque chose me disait qu’il ne m’en empêcherait pas, même si je ne comprenais pas bien

pourquoi. Si Oren apprenait qu’il avait ne serait-ce que fermé les yeux surmes plans de fuite, ilpasseraitunsalequartd’heure.Quand jepassaidevant luipourmedirigervers ceque je supposais être lehallprincipal, ilme

suivit.J’accélérailepasetilfitdemême.—Parcequetucroisquec’estparlà?medemandaLokiavecunepointedetaquinerie.—N’essaiepasdem’embrouiller,jeconnaismonchemin.Jenemeperdsjamais.C’étaitfaux,jemeperdaissouvent.—N’est-cepasunequalitétrylle,d’ailleurs?—Jenesaispas,jenesuispastrylle.Toinonplus,dureste.—Jesuisàmoitiétrylle,répondis-jesurladéfensive.Pourquoi cherchais-je àm’accrocher à cela ? Je n’avais envie d’être ni trylle, ni vittra, ni autre

chose. La bonne vieille condition humaine m’avait parfaitement convenu jusqu’à aujourd’hui. Etbizarrement, depuis que je me trouvais dans ce bourbier ethnique, je me découvrais quelque peuprotectriceàl’égarddesTryllesetdeFörening,commesijetenaisàeuxplusquejenecroyais.

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—Je te trouveplutôt fougueusecommeprincesse, fit remarquerLokipendantque jedévalais lecouloiravecdétermination.—Combiendeprincessesas-tuconnues?—Aucune.Ilpenchalatêteetréfléchit.—Jet’imaginaispluscommeSara.Ellen’estpasfougueusedutout,elle.—Saran’estpasmamère.Àl’instantoùnousatteignîmesleprincipalhalld’entrée,unesubiteenviedem’énervers’empara

demoi,maisjemecalmaienmerappelantquecen’étaitpaslemoment.Jevenaisjustedetrouverlecheminducachot,etmavéritableprioritéétaitd’ensortirMattetRhys.—Etmaintenant,quoi?demandaLokiens’immobilisantaumilieudelapièce.—Jedescendsetleslibère,répondis-jeenmontrantlesgrandesportesquipermettaientd’accéder

ausous-sol.—Non.Décidément,jen’aimepascetteidée,dit-ilensecouantlatête.—Biensûrqueçaneteplaîtpas.Tun’asaucuneenviequejelessortedelà.Moncœurbattaittrèsfortetjemedemandaijusqu’àquelpointLokiaccepteraitdecontinueràme

suivresurceterrain.—Çan’estpaspourça.C’estjustequeçanemesemblepastrèsintéressant.Ilrelevalesmanchesdesonsurvêtement,révélantainsilebronzagedesesavant-bras.—Etpourtoutdire,j’enaiassezdetoutça.Pourquoineferions-nouspasautrechose?—Non,jevaislessortird’ici,répliquai-je.Ilesthorsdequestionqu’onnousretienneprisonniers

ici.Iléclatad’unriresombreetsecoualatête.—Qu’ya-t-ildesidrôle?luidemandai-jeencroisantlesbras.—Tudisçacommesic’étaitmoiquivousretenaisprisonniers.Ildétournaleregard,maisquandilmeregardadenouveauavecsonsourireamer,jepusliredela

tristessedanssesyeux.—Ici,c’estOndarike.Noussommestousdesprisonniers,ajouta-t-il.— Et tu t’imagines que je vais croire qu’on te retient ici contre ton gré ? dis-je, incrédule, en

haussantunsourcil.Tutebaladespourtantlibrementdanscechâteau.—Toiaussi, fit-il remarquerenseretournant.Lesprisonsn’ontpas toutesdesbarreaux,et tu le

saismieuxquepersonne,princesse.—Ainsidonc,tun’espasl’hommedemainenchefduroi?—Jen’aipasditcelanonplus.Visiblementlasséparcetteconversation,Lokihaussalesépaules.—Cequejedis,c’estquepuisquejenepeuxrienpourtesamis,pourquoinepasnousintéresserà

autrechose?—Jeneferairiend’autretantqu’ilsn’aurontpasétélibérés,insistai-je.—Maistunesaismêmepascequejesouhaiteraisfaireàlaplace.Sonexpressionavaitchangé.Demorose,elleétaitdevenuegaie,etquelquechosedanssesyeuxme

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fitunecurieuseimpression.Jenemesentaispasmal,niétrange,commelorsqu’ilm’avaitendormie,non,celan’avait rienà

voir avec le pouvoirmagiquevittra.C’était justeun regardquime faisait comme…papillonner àl’intérieur.Avantquej’eusseletempsd’analysermonsentimentetcequeLokicherchaitàmedire,uncoup

très fort frappécontre lesportesprincipalesnous interrompit.Lecorridordans lequelnousétionscontenaitdeuxensemblesdeportes,cellesquiouvraientsurl’étageinférieuretlesplusgrandes,quidonnaientsurl’extérieur.Cellesdesappartementsduroietdelareinesemblaientnainesàcôté.Les coups reprirent de plus belle, me faisant bondir. Loki passa devant moi. Cherchait-il à me

protéger?Ouàmecacher?Quandlesportess’ouvrirentbrusquement,unimmensesentimentdejoiem’envahit.Tove, qui venait de propulser les portes grâce à son don, se tenait de l’autre côté, absolument

irrésistible. Tove était un Trylle malin et puissant que j’avais connu à Förening. Son caractèreantisocialetexcentriquem’avaitplu,maisc’étaitaussiladernièredespersonnesquejem’attendaisàvoirici.Sestalentsluipermettaientdefairebougerlesobjetsavecsonesprit,etrienquepourcela,ilétaitunprécieuxallié.Puis,jevisquil’accompagnait.Derrièrelui,DuncanetFinnattendaientqu’ileûtouvertlesportes

pourseprécipiteràl’intérieur.Moncœurfaillitexploserquandj’aperçusFinn.J’avaiseusipeurqu’iln’aitétéblesséoudenejamaislerevoir,maisilétaitbienlà.—Finn!Tuvasbien!Jem’élançaiversluienpassantdevantLoki.Jepassaimesbrasautourde luiet ilme renditmonétreinteavecune telle forceque jecompris

qu’il avait été inquiet àmon sujet.Mais à peine avais-je eu le temps dem’en rendre compte qu’ilouvritlesbraspourmerepousser.—Wendy,ilfautfiler,dit-ilcommesij’avaisprétenduêtrelàenvacances.—MattetRhyssontici.Ilfautd’abordleslibérer.JemetournaipourcommenceràexpliqueràFinnoùsetrouvaitlecachotetjevisqueToveavait

épingléLokicontrelemur,enhauteur.Deboutquelquesmètresenarrière,ilgardaitunemainlevéeversLoki,qui,ainsisuspendu,grimaçaitdedouleur.—Non,Tove!Neluifaitespasmal!criai-je.Tove me regarda, puis, sans poser de question, fit redescendre Loki et le relâcha. Essayant de

récupérersonsouffle,Lokisecourbaensetenantlescôtes.Tove n’était pas violent de nature,mais après la terrible bataille qu’il avait dûmener contre les

Vittrasquelquesjoursplustôt,onnepouvaitluienvouloird’êtreunpeutropsursesgardes.—Sortonsd’ici,ditDuncanenm’attrapantparlebras,commes’ilcherchaitàm’entraînerdehors.Jeluijetaiunregardagacéquiluifitlâcherprise.—Pardon,princesse.Maisilfautnousdépêcher.—Jeneparspas sansMatt etRhys,dis-je encoreune fois,puis jeme tournaiversLoki.Vas-tu

m’aideràlesrécupérer?Nos regards se croisèrent. Son arrogance avait cédé la place à une expression de douloureuse

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confusion, et je savais que ce n’était pas seulement à cause de ce que Tove venait de lui infliger.Quelquesinstantsplustôt,ilavaitcompriscequej’endurais,mêmes’ilsesavaitdansl’impossibilitédem’aider.Maintenantqu’ildisposaitd’unenouvellechance,j’espéraisqu’illasaisirait.—Nousreviendronsleschercher,ditFinn.Aprèsl’énormevacarme,personnen’avaitencoresurgidanslehallpourinspecterleslieux,mais

çan’étaitdésormaisplusqu’unequestiondeminutes.Etjesavaisqu’ilvaudraitmieuxpournousnepasnousretrouvernezànezavecOren.—Non.Nousnepouvonspaspartir,dis-je.Sinouspartons,illestuera.J’imploraiLokiduregard.—Loki,jet’enprie.—Princesse…Lokinefinitpassaphrase.—Tun’aurasqu’àdireauroiquenoust’avonsbrutalisé.Tupourrastoutnousmettresurledos,

affirmai-je.Ilnesaurajamaisquetunousasaidés.Lokinemeréponditpasimmédiatement,cequidutparaîtretroplongpourFinn.Celui-cis’éloigna

demoipourattraperbrutalementLokiparlebras.—Oùsont-ils?demandaFinn.Lokineréponditpas.Sachantquenousdevionsfairevite,jem’élançaiverslecachot,suiviedeprèsparToveetFinn,qui

traînaientLokiparlebras.—Parici,lançai-jeavecuneinquiétudefébrile.J’ouvris si brusquement la porte du sous-sol que je faillis tomber dans l’escalier,maisFinnme

rattrapaparlebras.Duncan,moinschanceux,trébuchasurseslacetsdéfaits.Jelevailesyeuxaucieletattendisqu’ilnousrejoignît.—C’est quoi ce bazar ? s’exclama-t-il en apercevant le gnome qui gardait la cellule deMatt et

Rhys.Cen’étaitpasLudlow,maisungnometoutcommelui.Touss’immobilisèrentàlavuedupersonnage.LaréactionatterréedeDuncan,deFinn,etmêmede

Tove,meplut.Jen’étaisapparemmentpaslaseuleàêtredéconcertéeparcetypedeVittra.Jen’auraissudiresicelaprouvaitqu’Orensavaitbiengarderunsecretousil’ondevaitattribuercelaàElora,maisj’euscommelesentimentqu’ilyavaitunpeudesdeux.—Peuimporte.Jem’approchaidelaporteaprèsavoirécartélegnomedemoncheminsansproblème.Ilnerésistaguère.Ennousdécouvranttouslesquatre,avecFinnquitenaitLokienotage,ilsavait

qu’il n’avait aucune chance. Il fit mine de détaler, mais Tove l’arrêta et le plaqua au mur pourl’empêcherdedonnerl’alarme.—Quelpiètreservicedegarde,fitremarquerDuncan.Il observait le gnome qui pendait du mur pendant que je me dirigeais vers les portes pour les

déverrouiller.—Nousnenousattendionspasvraimentàcetyped’invasion,ditLoki.

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Ilfitcetteremarquepéniblement,commes’ilavaitmal,oucommes’ils’adressaitàunpetitenfant.MaisilnefitaucunetentativepouréchapperàlapoignedeFinn.—C’étaitparticulièrementstupide,déclaraDuncanenriant.Elleestlaprincesse,quandmême.Nul

besoind’êtresorcierpourimaginerquenousviendrionslarécupérer.—Non,eneffet,réponditLoki,lesdentsserrées.—Jenecomprendspascesystème!dis-jeaprèsavoirtriturédesloquetsenpureperte.C’était leprocédédeverrouillageleplustarabiscotéquej’avaisrencontrédemavie.Jelevailes

yeuxversLoki.—Tusaiscommentfaire?Ilsoupira.Finnluisecoualebras.LokiobservaitFinncommemoi,maiscelui-cine leregardait

pas,carilavaitlesyeuxposéssurmoi.—Aide-la,c’esttout,ditFinnenluilâchantlebrasàcontrecœur.Sans un mot, Loki approcha de la porte pour la déverrouiller. Je l’observai, sans parvenir à

comprendrecomment il s’yprenait.Verrouset loquetscliquetèrentbruyamment,et j’entendisRhyscrierquelquechosedel’intérieurdelacellule.FinngardaitlesyeuxbraquéssurLokipourlecasoùilferaitungestesuspectetDuncanexaminaitleslieuxenfaisantdescommentairessurl’humiditéducachot.Dèsque laporte s’ouvrit,MattetRhysbondirent, renversantpresqueLokiaupassage.Toutà sa

joie,Rhysmesautaaucou.JenepusapercevoirleregarddeFinn,quejedevinaisfurieux,maisjevisenrevancheceluiqueMattdécochaitàFinn.Toutauraitpuvirerauchaos,maisnousn’avionspasletempsdenousappesantir.—Tuyespourquelquechose,n’est-cepas?demandaMatt,lesyeuxbraquéssurFinn.—Oh,Matt, laisse tomber,déclarai-jeenmedégageantde l’étreintedeRhys. Ilest làpournous

tirerd’affaireetilfautquenoussortionstousd’ici.Tais-toietfilons.—Nousdevrionsêtrearrêtéstrèsviteparquelqu’un,non?demandaDuncan,estomaquédevoir

qu’aucunecontre-attaqueneseproduisait.—Tirons-nousvite,indiquaMattensaisissantlaperchetendue.Tovelaissaretomberlegnomeplaquécontrelemur,ettouss’élancèrenthorsducachot.Je m’arrêtai pour regarder Loki, qui restait planté devant la porte de la cellule avec un air de

profondedétresse.Sonaudacedetantôtavaitcomplètementdisparuetsesyeuxdorésnemequittaientpas.—AttendsunpeuavantdedireàOrenquenoussommespartis,d’accord?luilançai-je—Commetuveux,répliquaLokisimplement.Ilme regardad’une façonqui réveillaenmoi lespetitspapillonnementsque j’avais ressentisun

étageplushaut.—Mercidenouslaisserpartir,dis-je.Mais ilne répondit rien.Sensibleàcequ’il avaitditplus tôt, je songeaià luidemanderdenous

suivre.Maisàpeineallais-jeluiproposerdefuiravecnousqueFinnmefitravalermonidée.—Wendy!m’appela-t-il.Je courus le rattraper. Le contact pourtant léger de sa main lorsqu’il prit la mienne me parut

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puissant, sécurisant et m’envoya une série d’agréables picotements dans tout le corps. Tandis quenous nous élancions dans l’escalier, le simple fait de tenir sa main me fit presque oublier qu’ilm’avaitblesséeetquenousétionsentraindenousenfuird’uneprisonennemie.L’airfroiddelanuitmesaisitensortant.Duncanouvraitlamarche,trébuchantdanslenoir,suivi

deprèsparRhys.ToveetMatts’arrêtèrenttouslesdeuxpourvérifierqueFinnetmoisuivionsbienlemouvement,Mattnouslançantdesregardsparticulièrementméfiants.La terre était glacée sous la plante de mes pieds, que branches et pierres cisaillaient. Quand je

ralentissais,Finnserraitmamain,cequimestimulait.L’airavait,commeenpleinhiver,uneodeurdepommedepinglacée,etj’entendisunechouettehululerauloin.Je jetaiuneseulefoisuncoupd’œilenarrière,maiscommelechâteaun’avaitquasimentpasde

fenêtres,jenevisqu’unemassesombresedresserauloin.LaCadillac argentée de Finn nous attendait en bordure de bois. La lune, dont la lueur filtrait à

travers les arbres, se réfléchissait sur la carrosserie. J’accélérai le pas, mais je n’aurais pas eul’énergiedecourirainsijusqu’àFöreningcommej’avaiscraintdevoirlefaire.Quandnousatteignîmesl’auto,Duncanavaitdéjàgrimpéàl’arrière,etMatt,quitenaituneportière

ouverte,attendaitquej’arrivasse.Rhys,deboutàcôtédelui,manifestaitplusd’anxiétéenpiétinantsurplace.—Montez!Allez!ordonnaFinnenlesregardantcommedeuxidiots.Tovefutleseulàs’exécuter,ens’asseyantàl’avantsurlesiègepassager.—Wendy,ditRhys.Jenepeuxpasm’asseoir.—Quoi?Exaspéré,Finnnousregardait,Rhysetmoi,àtourderôle.—J’aiutilisélapersuasionsurluietl’aibloqué…Commejemelançaisdansdesexplicationsmaladroites,Finnm’interrompit.—Dis-luijustederentrerdanscettefichuevoiture,ditFinn.Voyantquejenecomprenaispas,ilajouta:—Utiliselapersuasion.Fais-leasseoirdanslavoiture.Nousnousenoccuperonsenarrivantàla

maison.JeregardaiRhys,àpeinecapabled’apercevoirsesyeuxsouslapleinelune,maisjenesavaispassi

celaavaitdel’importance.Enusantdetoutemaconcentration,jeluidisd’entrerdanslavoiture.Ils’yinstallaquelquessecondesplustardenlaissantéchapperunprofondsoupirdesoulagement.—C’estsiiibondes’asseoir!dit-il.Unsentimentdeculpabilités’emparaànouveaudemoi.Matt entra dans la voiture après lui, sans fermer la portière. Il attendait que je vinssem’asseoir

derrière, près de lui, mais Finn, qui me tenait toujours par la main, me fit passer du côté duconducteur. Je m’assis, puis glissai pour m’installer sur l’accoudoir dumilieu pour que Finn eûtsuffisammentdeplacepourconduire.Mattsemitàrouspéter,maiscommeFinnmettaitlecontact,ilnepestapaslongtemps.Ildutclaquer

laportière,carFinnaccélérait.Denotrecôté,nousobservionsunsilencecrispé.Jecroisquenousnous étions tous attendus à ceque lesVittrasne lâchentpasprise aussi vite, surtout aprèsm’avoir

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pourchasséeavecautantd’acharnement.Cettefuitemesemblaitpresque…tropfacile.—C’estbizarre,ditDuncan,ilsn’ontrienfait.Ilsn’ontpasvraimentessayédenousarrêter.—Nousavonsquandmêmeunpeuendommagéleurtroupe,rétorquaToveenessayantdetrouver

uneexplicationplausible.Jesuissûrqu’unebonnepartiedeleurtrouperécupère,oubien…Ils’interrompit,n’osantsansdoutepasconfirmeràvoixhautequelesTryllesavaienttuécertains

desVittrasaumomentdeleurassaut.Duncanfitencorequelquesremarquessurl’étrangetédetoutel’affaire,précisantqu’Ondarikelui

avaitparutellementdifférentdecequ’ilavaitimaginé.Commepersonnen’ajoutarien,ilfinitparsetaire.J’avais réussi à m’installer aussi confortablement que mon siège me le permettait. Une fois en

sécurité,jepouvaisréellementm’abandonneràlafatigueetpeuimportaitsurquoij’étaisassise.Jeposaimatêtecontrel’épauledeFinn,exultantsecrètementderetrouversoncontact.Tandisque

jemelaissaisgagnerparlesommeil,lesimplefaitd’entendresarespirationm’apaisa.

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HUITPrédictions

Autantilavaitétébondem’endormirprèsdeFinn,autantleréveilfutdéplaisant.Jesouffraisencoredes derniers coups portés par Kyra, à quoi s’ajoutaient les courbatures causées par la positioninconfortabledanslaquellej’avaisdormi.Au moment où Finn s’arrêta devant la maison, je m’étirai et mon cou, tout tendu, me fit

horriblementmal.Jesortisdelavoitureenfaisantroulermesépaulespourmedétendrelanuque,etvisMattqui,bouchebée,admiraitlademeure.Ilfautdirequ’appuyéeauxfalaisesentourantlefleuveMississippi,elleavaitl’aird’unopulentet

somptueux palais.Recouverte en grande partie de vigne, elle était accrochée à la falaise, soutenueseulement par de fins piliers, et toute la façade donnant sur le fleuve n’était qu’une immense baievitrée. Jeme souvinsde l’impression fantastiquequ’ellem’avait faitequand je l’avaisvuepour lapremièrefois,maispourlemoment,j’étaistropencolèrepouravoirenviedelacontempler.J’auraisaiméexpliquerdestasdechosesàMatt,maisilfallaitd’abordquejeparlasseàElora.Elle

m’avaitencorementi.Sij’avaissuqueleroidesVittrasétaitmonpère,jamaisjen’auraisemmenéRhyschezMatt.Jenelesauraispasnonplusexposéstouslesdeuxaudanger.Quandnousentrâmesdanslademeure,jelaissaiRhysfairevisiterleslieuxàMatt.Nesachantpas

encore comment le débarrasserdu charmeque je lui avais infligé, j’avais choisi de lui intimerderesterdebout,laissantFinnetToves’occuperdeluiparlasuite.Finn me suggéra de commencer par me calmer, mais sans l’écouter, je m’élançai vers les

appartementsd’Elora.Ellenemefaisaitpluspeurdutout.Pasuneseconde.Orenauraitétécapabledemefairephysiquementmal.Elora,danslepiredescas,nepourraitquem’humilier.Lepalais étaitdiviséendeuxailes immenses, séparéesparune rotondequi servait égalementde

halld’entrée.Toutcequelepalaispouvaitcontenirdepiècesofficiellesse trouvaitdansl’ailesud,avecdessallesderéunion,unesalledebal,unegigantesquesalleàmanger, lasalledutrône,ainsiquelesquartiersdupersonneletlachambredelareine.L’ailenordaccueillaitdespiècesplussimples,commemachambre,leschambresd’amisetenfinla

cuisine.Lepetit salonde réceptiond’Elorase trouvaitauboutde l’ailenord,encoin.Deuxdesesmurs étaient entièrement vitrés et elle y passait les trois quarts de son temps à peindre, à lire ousimplementàsedétendre.—Quandallais-tum’annoncerqu’Orenestmonpère?lançai-jeenouvrantbrusquementlaporte.Elora,allongéesuruneméridienne,sagranderobesombreflottantautourd’elle,étaitd’unerare

élégance,même au repos. Si j’avais été jalouse de sonmaintien et de sa beauté dès l’instant où jel’avaisaperçue,jenelesconsidéraisplusmaintenantquecommeunefrêlefaçade.Elleagissaitpourlagalerieetjecraignaisqu’iln’yaitriendeprofondderrièretoutcela.Tandis qu’elle levait le bras pour se protéger les yeux, comme si la lumière avait été trop

aveuglante, jeme tenaisdebout sur le seuil de laporte, lesbras croisés.Commeelle était souventprisedemigraine,c’étaitpeut-êtreprécisémentlecasaujourd’hui.Oupeut-êtrepas,puisqu’elleavaitlaissélesstoresgrandsouverts,permettantàlalumièrefortedumatind’inonderlapièce.

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—Jesuisheureusedevoirqu’ilnet’estrienarrivé,dit-ellesanstoutefoisbougersonbras,cequiluiauraitpermisdemevoirvraiment.—Çam’enatoutl’air,dis-jeenapprochantpourmeplacerenfaced’elle.ÉcouteElora,ilfautque

tumedises lavérité.Tunepeuxpascontinuer ainsi àmecacherdeschoses si tu souhaitesque jegouverneunjour.Jeferaisunetrèsmauvaisereinesij’étaislaisséeainsidansl’ignorance.J’avaisdécidédememontrerraisonnable,plutôtquedeluilancerd’unseulcoupàlatêtetoutce

quej’avaisàluidire.—Ehbienmaintenant,tuconnaislavérité.Ellesemblaitdéjàlasséeparlaconversationquivenaitàpeinedecommencer.Ellefinitparbaisser

lebras,soutenantpéniblementmonregardirritédesesyeuxnoirs.—Pourquoimeregardes-tuainsi?—C’esttoutcequetuasàmedire?demandai-je.—Queveux-tuquejetedisedeplus?Eloras’assitd’unmouvementsoupleetgracieux.Commejenebattaispasenretraite,ellefinitpar

serelever,visiblementmalàl’aiseàl’idéequejelaprenaisdehaut.—Jevienstoutjusted’êtreenlevéeparlesVittras,dontleroiestmonpère,ettun’asrienàmedire

?Jelafixaiduregard,perplexe,etelles’éloignaverslabaievitréeenmetournantledos.—Jeseraisplussensibleàtadétressesitunet’étaispasenfuie.Ellecroisa lesbras sur sapoitrineen s’étreignantpresque touten regardantcouler la rivièreau

fonddelavallée.—Jet’avaisrigoureusementinterditdequitterl’enclave,ettoust’ontexpliquéquec’étaitpourta

sécurité. Après l’attaque, tu étais la mieux placée pour évaluer les dangers qui te guettaient si tupartais.Etpourtanttuespartie.Nevienspasmaintenantmereprocherlasituationdanslaquelletut’esmisetoi-même.—Aprèsl’attaque,jepensaisjustementqu’ilsétaienttropmeurtrisetterrifiéspourselancerdans

uneautreinvasion!m’écriai-je.Jen’imaginaispasquelesVittrass’acharneraientàcepointsurmoi,maissij’avaissuavantquiétaitmonpère,j’auraiscertainementenvisagéleschosesautrement.—Tutenaistondestinenmainlorsquetut’esenfuieettulesavais,réponditElorasimplement.—Bonsang,Elora!rétorquai-je.Laquestionn’estpasdesavoirsurquirejeterlafaute,d’accord?

Jeveuxsavoirpourquoitum’asmenti.Tum’asditquemonpèreétaitmort.—C’étaitcequ’ilyavaitdeplusfacileetdeplussimple,répliqua-t-elle,commesiceladevaittout

arranger.Elleavaittrouvéplusfaciledementirpourquejenechercheplusàluicompliquerlavie.—Quelleestlavérité,alors?luidemandai-jedirectement.—J’aiépousétonpèreparcequec’étaitcequ’ilfallaitfaire.Commeellen’avaitrienditdeplussurlesujetdepuislongtemps,jepensaisqu’elleallaits’entenir

àça,maisellecontinua:—LesVittrasetlesTryllessebattentdepuisdessiècles,peut-êtremêmedepuistoujours.—Pourquoi?

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Jemerapprochaid’elle,maisellenemeregardapaspourautant.—Pourdifférentesraisons.Ellehaussalégèrementlesépaules.—LesVittrasonttoujoursétéplusvindicatifsquenous,maisnoussommespluspuissants.Celaa

donnénaissanceàuncurieuxrapportdeforces.Ilsonttoujourscherchéàtoutdiriger,plusdeterres,plusdegens.—Ettuascruquelefaitd’épouserOrenmettraitfinàdessièclesdebatailles?—Mesparentslecroyaient.IlsavaientarrangélemariageavantquejenerevienneàFörening.Commemoietmêmesielleenparlaitpeu,Eloraavaitétéuneenfantsubstituée.—Biensûr,j’auraispum’yopposercommetuascontestétonnom.Jedécelaiunedosed’amertumedanssesdernièresparoles.Quandj’étaisrevenuevivreauprèsdes

Tryllescontremongré,ilavaitétéprévuqu’aucoursd’unecérémonied’intronisation,j’abandonnemonprénomcontreunautre,soi-disantplusapproprié.J’avaisrefusé.Grâceàl’attaquedesVittras,quiavait faitcapoter lacérémonie, jen’avaispaseuà lechanger.Eloraavait finiparenconvenir,m’autorisantàgardermonprénom.Jedevenaisdecefait lapremièreprincessedenotrehistoireàavoirpulefaire.—Maistunet’yespasopposée?luidemandai-jeenignorantsapetitepique.—Non.J’aifaitpassermespropresdésirsaprès lebiendupeuple.Etc’estunechosequetuvas

devoirapprendreàfaire.Lalumièrebrillaitdanssescheveuxenformantautourcommeunhalo.Ellesetournaverslabaie

vitréeetlehalodisparut.—Siunsimplemariagepouvaitmettrefinàl’horreur,ilfallaitquejem’yplie.J’aipenséauxvies

etàl’énergiegaspilléesdesTryllesetdesVittras.—C’estpourçaquetul’asépousé,conclus-jeàsaplace.Etensuite,ques’est-ilpassé?—Pasgrand-chose.Nousnesommespasrestésmariéstrèslongtemps.Ellesefrottalebrascommepourfairedisparaîtrelasensationdefroidqu’elleseuleressentait.—Je l’avaisdéjà rencontréquelquesfoisavant lemariage,et il s’était trèsbiencomporté.Jene

l’aimaispas,mais…Elleneterminapassaphrase,etàlafaçondontlesmotsrestèrentsuspendusenl’air, jecompris

qu’elleavaitdûs’yattacher.Je ne pouvais vraiment pas imaginer Elora tenant à quelqu’un. Quand elle flirtait avec Garrett

Strom, cela ressemblait plus à du spectacle pour la galerie. Je ne suis pas certaine qu’ils sefréquentaientvraiment,maisilsemblaitteniràelleetnepassouhaiters’enéloigner.Enoutre,ilétaitunmarkis,cequifaisaitqu’ellepouvaitl’épouserquandelleenauraitenvie.FinnetRhysm’avaient tousdeuxmisedans laconfidenced’une longuehistoired’amoursecrète

entreEloraetlepèredeFinnaprèsledépartdemonproprepère.Commeilavaitétépisteuretmariéà la mère de Finn, ils n’avaient jamais pu s’afficher ensemble officiellement, mais Rhys avaitprétenduqu’ellel’aimaitvraiment.—Ques’est-ilpasséaprèsvotremariage?luidemandai-je.Perduedanssespensées,Eloraenfutbrusquementtiréeparmaquestion.

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—Çanesepassaitpastrèsbien,dit-ellesimplement.Iln’étaitpasfranchementcruel,cequiapeut-êtrerenduleschosesencoreplusdifficiles.Jeneparvenaispasàlequitter,entoutcaspaspouruneraisonvalable.Passansqu’ilyaiteudesconséquences.—Maisc’estbiencequetuasfiniparfaire?—Oui.Aprèsquetueusétéconçue,il…Elles’interrompit,cherchantsesmots.— Je ne pouvais plus le supporter. Je l’ai quitté juste avant ta naissance. Puis, je t’ai cachée. Je

voulaistrouverunefamilleassezfortepourtegarderetteprotéger,pourlecasoùilchercheraitàteretrouver.—Est-cepourcelaqueFinnacommencéàmepistersitôt?demandai-je.Habituellement, les pisteurs ne se lançaient à la recherche des enfants substitués que lorsqu’ils

avaientaumoinsatteintl’âgededix-huitans,autrementdit,lorsque,adultes,ilspouvaientpercevoirleurfondsenfiducie.Finnm’avaitpistéedepuisledébutdemadernièreannéeausecondaire,cequifaisaitdemoilaplusjeunedessubstituéesjamaisrevenuesàlamaison.Il avait prétendu que, parce que je déménageais trop, ils avaient eu peur de me perdre mais,

maintenant,jesoupçonnaisplutôtqu’ilsavaientcraintquejesoisd’abordenlevéeparlesVittras.—Oui, acquiesça Elora. Fort heureusement, je n’étais pas encore reine des Trylles quand nous

noussommesséparés.MêmesiOrenestroidesVittras,àl’époque,iln’étaiticiqueprince.Iln’avaitaucundroitsurleroyaume.Sinon,leschosesauraientpuévoluerdifféremment.—Quandes-tudevenuereine?demandai-je,oubliantmomentanémentcequejevenaisd’apprendre

surOren.Je ne pouvais imaginerElora en princesse.Bien sûr, jeune et inexpérimentée, il avait bien fallu

qu’ellepasseparlàelleaussi,maisilyavaitchezelleunetelleallureinnéequ’onavaitdumalàlavoirautrementqu’enreine.—Peudetempsaprèstanaissance.Elorasetournaversmoi.—Maisjesuisheureusequetusoisici.—J’aibienfaillinepasrevenir,décochai-jeenessayantdefairenaîtreenelleunpeud’inquiétude.Ellehaussaunsourcil,maisneditrien.—LeurpisteuseKyram’abattuecommeunchien.SiOrenn’étaitpasmariéàuneguérisseuse,je

seraismorteàl’heurequ’ilest.—Tune serais pasmorte,m’envoya-t-elle en guise de réponse, comme tous ceux à qui j’avais

expliquéqueKyram’avaitblessée.—Jecrachaisdu sang !Unecôtebriséem’aprobablementpercéunpoumon,ouquelquechose

commeça.Mescôtesmefaisaienttoujoursmaletjem’étaisbeletbienvuemourirdanscecachot.—Orennetelaisseraitjamaismourir,rétorquaEloraavecdédain.Elles’éloignadelafenêtrepourvenirs’asseoirsurlaméridienne,maisjerestaidebout.—C’estpossible,admis-je.MaisilauraitputuerMattetRhys.—Matt?

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Elleparuttroubléel’espaced’uninstant,affichantuneexpressionpeuhabituellechezelle.—Monfrère,enfin,monfrère«d’accueil»,oupeuimportecommentvouspréférezl’appeler.Comme j’en avais assez de devoir expliquer chaque fois qui il était, je décidai qu’à partir de

maintenant,jenel’appelleraisplusque«monfrère».D’autantque,pourmoi,c’étaitbientoujourscequ’ilétait.—Ilssontici?L’expressiondesonvisagepassadelasurpriseàl’agacement.—Oui,jen’allaispasleslaisserlà-bas.Orenlesauraittuésrienquepourmecontrarier.Jen’étaispascertainequecefutvraiounon,maiscelasemblaitplausible.—Vousavezdonctousréussiàvousensortir?Pendantunecourteseconde,elleeutl’airréellementinquiète.PasaupointoùMattsesentaitinquiet

biensûr,maiscelaressemblaitaumoinsàunsentimenthumain,prochedel’affection.—Oui,c’estbiença.FinnetTovenousontsortisdelàsansaucunproblème.Jefronçailessourcilsenmesouvenantdelafacilitéaveclaquellenousavionsfui.—Ils’estpasséquelquechose?demandaElora,quidevinaitmaperplexité.—Non, déclarai-je en secouant la tête.Et c’est bien ça le problème. Il ne s’est rien passé.Nous

sommessortisdelàpratiquementennousbaladant.—C’estbienparcequ’Orensouhaitaitqu’ilnet’arriverien,tusais.Ellelevalesyeuxauciel.—Ilesttellementarrogant,çal’atoujoursperdu.—Queveux-tudire?—Ilestpuissant,trèspuissant.Ilyavaitdansletondesavoixunepointed’admirationquejen’avaisencorejamaisperçue.—Ilatoujoursétépersuadéqu’ilpouvaits’emparerdecequ’ilvoulait,quandillevoulait,etque

personne ne l’arrêterait. Il est vrai que la plupart des trolls le craignent au point de ne jamais lecontredire.Etils’estimaginé,àtort,quejefaisaispartiedeceux-là.—Mais je suis ta fille. Il devaitbien sedouterque tu tenteraisquelquechose? luidemandai-je,

incrédule.—Commejeledisais,ilestterriblementarrogant.Ellesefrottalestempesetsecalasurlaméridienne.Eloraavaitundondeprémonition,ainsiquecertainspouvoirsentélékinésie.Jeneconnaissaispas

toutelagammedecetypededons,maisj’espéraisensavoirdavantagetôtoutard.Jemetournaipourregarderplusattentivementlestoilesaumoyendesquelleselleprédisaitlefutur.

Ilyavaitdanslapièceseulementdeuxpeinturesterminées,etuneautre,àpeineentamée,surlaquelleelletravaillaitencore.Deladernière,quineprésentaitqu’uneétenduedebleudansuncoin,jenepusrientirer.Lapremièredestoilesterminéesdépeignaitlejardindel’arrièreduchâteau.Ilcommençaitsousle

balconetdévalait lacolline,entièremententouréd’unmurdebriques.Laseulevisiteque j’yavaisfaiteavaitétéidyllique,grâceàlamagiedesTryllesquileconservaitenétatdeperpétuellefloraison.Dans son tableau, le jardin était couvert d’une fine couche de neige, qui miroitait et scintillait

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commedesdiamants.Maislecourant,quicoulaitdelachuted’eauverslafontaine,n’avaitpasgelé.Malgré le contexte hivernal, toutes les fleurs étaient écloses. Des pétales roses, bleus et pourpresluisaientsousunecouchedegeléeblanche,quifaisaitressemblerl’ensembleàunjardinexotiquedecontedefées.Eloraétaitextraordinairementdouéepourlapeintureetjeluiauraisfaitpartdemonadmirationsi

j’avaispenséquemonopinionluiimportaituntantsoitpeu.Labeautédecetableaumecaptivaittantqu’ilmefallutunpetitmomentpourremarquerquelquechosedesombre,dansuncoindelatoile.Unesilhouettesetenaitaubord,celled’unhommeauxcheveuxbeaucoupplusclairsquelesmiens,

mais les ombres en rendaient la lecture difficile. Comme il se tenait un peu à l’écart, son visagedemeuraittropfloupourêtrediscernable.Bienquejeneparvinssepasàledistinguerparfaitement,ilm’apparutcommemenaçant.Oubien

c’était cequ’Eloraavaitpu sedirequandelle l’avaitpeint, et en tout cas, cette aura transparaissaitfortement.—Quandas-tucomprisque lesVittrasm’avaientattrapée? luidemandai-je,merendantsoudain

comptequ’elleavaitdûlesavoirdepuisledébut.—Quand Finnme l’a dit, répondit-elle, l’air absent. Il est venu chercher Tove, puis il a filé te

chercher.—Ettuasjuste…J’étais sur le point de lui demander pourquoi elle les avait laissés partir sans le soutien d’une

troupe.Maismonregardfutsoudainaccrochéparsadeuxièmetoileetjem’interrompis.Celle-cimedépeignaitengrosplanàpartirdemataille.L’arrière-plannoiretgris,maisflou,ne

donnaitaucuneindicationsurl’endroitoùjepouvaismetrouver.Jeressemblaisàpeuprèsàcequej’étaisàcet instant,enbeaucoupmieuxhabillée.Mescheveuxétaientdéfaitsetmesbouclesbrunesjolimentcoiffées.Jeportaisunerobeblanchesuperbe,décoréedediamantsassortisàceuxdemoncollieretdemesbouclesd’oreilles.Maisleplusétonnantétaitquejeportaissurlatêteunecouronnefaited’argenttorsadéetornéede

diamants. Commemon visage ne témoignait aucune expression particulière, je n’aurais su dire sij’étaisheureuseoufurieused’êtrecouronnée,maisc’étaitbeletbienunportraitdemoienreine.—Quandas-tupeintceci?Jedésignai la toileenme tournantversElora.Sonbrasmasquait toujourssesyeux,maiselle le

soulevapourvoirdequoijeparlais.—Oh,ça.Ellelaissaretombersonbras.—Netemontepaslatêteavecça.Tudeviendraisfolleàforcedevouloirdécouvrir,ouprévenir,

l’avenir.Ilvautbienmieuxlaisserlesévènementssuivreleurcours.— Est-ce pour cela que tu ne semblais jamais inquiète au sujet de ma mort ? lui demandai-je,

surpriseparmaproprecolère.Elorasavaiteneffetquejenemourraispas.Elleavaitlapreuvequ’unjour,jeseraisreine,etelle

n’avaitmêmepaséprouvélebesoindem’eninformer.Ellesoupira.—Parmid’autreschoses.

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—Qu’est-ce que cela signifie ? lançai-je. Pourquoi faut-il toujours que tu sois si énigmatique àproposdetout?—Celaneveutriendire!Elleeutsoudainl’airagacée.—CettepeinturepourraitbiensignifierquetudeviendrasreinedesVittras.L’avenirestbientrop

impalpablepourpouvoirêtrecaptéoumodifié.Etcen’estpasparcequej’aipeintquelquechosequecelaarrivera.—Maistuavaispréditl’attaquedesVittraslorsdelacérémonied’intronisation,rétorquai-je.J’ai

vuletableau.Tuaspeintlasalledebalenfeu.—Ouietjen’aipaspuarrêterquoiquecesoit,répondit-elled’untonglacial.—Tun’asmêmepasessayé!Tunem’aspasprévenue,niannulélacérémonie!—J’aiessayédel’arrêter!Elle me décocha un regard noir qui m’aurait fait reculer peu de temps auparavant, mais plus

maintenant.—J’ai rencontré tout lemonde. J’enaiparléàchacun. Je l’aidit àFinnetauxpisteurs.Mais je

n’avais rien sur quoi m’appuyer. Je n’avais vu que du feu, des lustres et de la fumée. Aucunepersonne.Aucunepièce.Pasmêmeuneidéedumomentoùlachoseseproduirait.Sais-tucombiendelustres nous avons, ne serait-ce que dans l’aile sud ? Que devais-je faire ? Dire à tout le monded’éviterleslustresàtoutjamais?—Jenesaispas,balbutiai-je.Tuauraispufaire…quelquechose.—Jenecomprendsqu’aprèscoupcequesignifientmesvisions,ditElora,pluspourelle-même

quepourmoi.Et il envademêmeavecchacune.C’estpresqueplus contrariantpourmoidevoirl’avenir, puisque je ne sais pas ce que la vision signifie, et que je ne peux l’arrêter. C’est après,seulement,quetoutdevientévident.—Alors,finalementquedis-tu?m’enquis-je.Quejeneseraipasreine?—Non.Jedisquelapeinturenesignifierien.Ellefermalesyeuxetsefrottalesailesdunez.—Jesuisprised’uneterriblemigraine.Jenecroispaspouvoircontinuercetteconversation.—Bon.Commetuvoudras.Jelevailesmainsensigned’impuissance,sachanttrèsbienquejenepouvaisforcerEloraàrien.

J’avaisdéjàdelachancequ’ellen’aitpasappeléFinnpourqu’ilmevire.C’estalorsquejemesouvinsdelui:Finn.Jen’avaispaspuluiparlerpendantleretourenvoiture

àFöreninget,pourtant,j’avaistantdechosesàluidire.Je quittai le petit salon pour partir à la recherche de Finn. J’aurais dû me préoccuper d’autres

chosesencore,maisàcemoment-là,toutcequicomptaitétaitdemeretrouverseuleaveclui.Trouverunmomentoùnouspourrionsparlervraimentetoùjepourrais…Jenesaispas.Mais jedevais levoir.AulieudeFinn,jetrouvaiDuncan.Ilattendaitunpeuplusloindanslecouloir.Appuyécontrele

mur, il jouait avec son téléphone portable, mais quand je sortis de la pièce, il se redressa. Il megratifia d’un sourire timide et lâcha son téléphone, qui tomba aumoment où il pensait le fourrer

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rapidementdanssapoche.—Pardon.Duncanseprécipitapourramassersonportablelorsqu’ilmevit.—Jevoulaisjustevouslaisserseulequelquesinstantsavecvotremère.—Merci.Jecontinuaidanslecouloir,maisilmesuivit.—Pourquoim’attendais-tu,aufait?Tuvoulaisquelquechose?—Non,c’estmoivotrepisteurmaintenant.Vousvoussouvenez?Ilsemblaitembarrassé.— Et comme les Vittras veulent vraiment vous capturer, je suis aussi votre gardien de chaque

instant.—Bien,opinai-je.J’avaisespéréque,puisqueFinnm’avaitsauvé lavieunefoisdeplus, ilserait réhabilitécomme

monpisteur.—OùestFinn?Ilfautquejeluiparle.—Finn?balbutiaDuncan.Hum,iln’estplusvotrepisteur.—Oui,ça,jelesais.Cen’estpaspourdénigrertesqualités,maisj’auraisjustesouhaitéparlerà

Finnuninstant.—Non,ouais.Ilsecoualatête.—C’estjusteque…Medemandantpourquoiilétaitsigêné,jem’arrêtaipourl’écouter.—Jeveuxdire,iln’estplusvotrepisteur.Alors…ilestparti.—Ilestparti?Unefoisencore,jeressentiscecoupauplexus,maintenantfamilier.Cela n’aurait pas dû me surprendre et je n’aurais pas dû m’en offusquer. Mais la douleur me

transperçaànouveau,exactementcommequandilétaitpartiauparavant.—Ouais.Duncanbaissalesyeuxenjouantaveclafermetureàglissièredesonmanteau.—Vousêtesensécuritéaumoins.Ilabienfaitsonboulot,non?—Oui,dis-jesansréfléchir.J’auraispuluidemanderoùFinnétaitparti,etpeut-êtreaurais-jedû.Iln’avaitpaspus’enallerbien

loinaussivite.JesavaisqueFinndiraitqu’ilétaitpartipourmeprotéger,moietmonhonneur,ouuntrucdanscegenre.Maisjem’enfichais.Àcetinstantprécis,peuimportaientsesraisons.Toutcequejesavais,c’étaitquej’enavaisassez

d’avoirlecœurbriséàcausedelui.

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NEUFSous-estimé

ToveneparvintpasàdébloquerRhysparcequecelane faisaitpaspartiedeses talents.AprèsêtreremontéeaupremieràlasuitedemaconversationavecElora,jedusluienvoyerRhyspourqu’elleleremît d’aplomb. J’aurais pu l’accompagner,mais jemedis qu’Elora avait eu sadosedemapetitepersonnepourlajournée.AvantqueTovenerentrâtchezluisereposer,jeleremerciaipourtoutcequ’ilavaitfait.Sanslui,

jenesuispascertainequenousaurionspunousensortir.MêmesiOrenavaitfaitunpeurelâcherlasurveillance,Toveavaitréussiàpénétrerdanslaplaceetàtenirlestrollsàdistance.RhysavaitcommencéàinstallerMattdansunedeschambresinoccupéesprèsdelamienne,unpeu

plusloindanslecouloir.J’allaivoircommentilsesentait,suiviedeprèsparDuncan,quisemblaittropcontentd’avoirànepasmequitterd’unesemelle.Ilmefallutfairedespiedsetdesmainspourleconvaincrederesteràm’attendredanslecouloir.DuncannefaisaitpasconfianceàMattparcequ’ilétaithumain,maiss’ilcomptaitrestermonpisteur,ilfaudraitbienqu’ils’yfît.Deboutaucentrede lapièce,Matt,quin’avaitpourtant jamaisété legenredegarsà semontrer

déboussolé, avait l’air perdu. Il avait enfilé unpantalonde survêtement qui lui allait correctement,maislet-shirtétaitsiétriquéquejelesupposaiempruntéàRhys.—Alors?Commentçava?demandai-jeenfermantlaportederrièremoi.Sachant que Duncan attendrait dehors, je ne voulais pas qu’il nous écoutât. Je ne souhaitais

nullementparlerdechosessecrètes,jevoulaisjusteavoirunmomentd’intimitéavecmonfrère.—Hum…super?Ilmesourittristement.—Jenesaispas.Jesuissupposéallercomment?—Àpeuprèscommeça.—Riendetoutcecin’al’airréel,tucomprends?Matts’assitsurlelitensoupirant.—Jepassemontempsàmedirequejevaismeréveilleretsortirdecerêveabsurde.—Jesaisexactementdequoituparles.Jeme rappelais à quel point toutm’était apparu déroutant et inquiétant quand j’étais arrivée ici.

C’étaitd’ailleursencorelecaslaplupartdutemps.—Ilfautquejeresteicilongtemps?medemandaMatt.—Jenesaispas.Jen’yaipasvraimentréfléchi.Jevinsm’asseoirsurlelitprèsdelui.J’auraisfranchementpréféréqu’ilrestâtpourtoujours,mais

c’étaittropégoïste.—Jusqu’àcequetoutsecalme,disons.QuandlesVittrascesserontd’êtreunemenace.—Pourquoienont-ilsautantaprèstoi?—C’estunetrèslonguehistoirequejeteraconteraiuneautrefois.Je souhaitais le faire,mais jen’avaispas la forcedeme lancerdansune longueexplication.Du

moins,pastoutdesuite.

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—Maisilsvontarrêter,non?demandaMatt.J’opinaicommesij’ycroyaisvraiment.—D’icilà,ilfautqueturestesici.Jeveuxêtrecertainequetunerisquesrien.Jenesavaispascequ’Eloraenpenserait,maisçam’étaitégal.—Ouais,jeconnaisbiença,répondit-ilavecunepointed’ironiequimepinçalecœur.—Jesuisvraimentdésolée,Matt.—Tuauraispumeparlerdetoutça.—Tun’enauraispascruunmot.—Wendy.C’estmoi,OK?Iltournalatêteversmoietjeleregardaiàmontour.—Oui,jesaisquec’estdifficileàcroire,etsijenel’avaisvudemespropresyeux,jetrouverais

celaencoreplusdifficile.Maisjet’aitoujourssoutenue.Tuauraisdûmefaireconfiance.—Jesais.Pardon.Jebaissailesyeux.—Mais jesuiscontenteque tusois icipourpouvoir t’expliquerdeschoses.Çan’étaitpasfacile

pourmoideteteniràl’écart.Jeveuxplusqueçarecommence.—Bien.—MaistudevraisappelerMaggie,dis-je.Ilfautqu’ellesacheoùnoussommesetaussiqu’ellene

doitpasrentreràlamaison,pastoutdesuite.Jenesaispass’ilsiraientjusqu’àl’enleverpouravoiruneprisesurmoi.—Tuesensécuritéici?demandaMatt.Tunecoursvraimentaucunrisque?—Biensûr,affirmai-jeavecplusdeconvictionquejen’enavaisréellement.IlyaDuncandehors

pourveillersurmoi.—Cegarçonestuncrétin,rétorquaMattavectantdesérieuxquej’éclataiderire.—Non,nous sommesen sécurité.Ne t’inquiètepas, lui assurai-je enme levant.Mais tudevrais

appelerMaggie,etmoi,ilfautquejeprenneunedoucheavantdemechanger.—Qu’est-cequejevaisluidire?Jesecouailatête.—Arrange-toipourqu’elleneretournepasàlamaison.Je promis àMatt que je le reverrais plus tard pour lui en dire plus,mais que pour lemoment,

j’avais besoin deme détendre.Duncan tenta deme suivre jusque dansma chambre,mais je ne lelaissaipasentrer.Cenefutqu’unefoissousladouche,protégéeparlebruitdel’eauquicoulaitautourdemoi,queje

melaissaialleràsangloter.Jenesaispasvraimentpourquoijepleurais.C’étaitenpartieenraisondufaitqueFinnm’avaitdenouveauabandonnéedecette façon,maisaussi,et surtout, jen’enpouvaisplus.Jenemesentismieuxqu’unefoishabillée.Toutavaitfiniparbienseterminer,puisquenousnous

en sortions avec des blessures minimes. En outre, j’avais récupéréMatt. Je ne savais pas jusqu’àquandilpourraitresterprèsdemoi,maisaumoins,ilconnaissaitlavérité.Je savais aussi désormais pourquoi j’obsédais tant les Vittras. Bien sûr, le fait de le savoir ne

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rendaitpasleschosesplusfaciles,maisaumoins,jecomprenais.En y réfléchissant, le seul véritable point noir était l’absence de Finn. Une sourde douleur me

tenaillait,maisilmefallaitl’ignorer.Ilsepassaitbientropdechosesicipourquejemecomplussedanslamélancolie.Je détestais qu’il fût revenu. S’ilm’avait laissée tranquille pour que je ne le revoie jamais, cela

m’auraitfacilitéleschoses.QuandjeretournaivoirMattdanssachambre,j’ytrouvaiRhys,quiluitenaitcompagnie.Àmon

grandsoulagement,Eloraavaitréussiàledécoincer.Rhysmeditquejeferaisbiendecommencerbientôtmon « entraînement » afin demaîtrisermes dons. Je ne savais pas exactement ce que celasous-entendait,maisjenetenaispasàlecuisiner.Je m’assis sur une chaise rembourrée de la chambre deMatt, bien décidée à tout lui raconter.

PendantleurséjouraucachotdesVittras,Rhysluienavaitunpeudit,maisjesouhaitaiscomblerlesvides.JetrouvaissurtoutimportantqueMattentendîtleschosesdemabouche.Jecommençaiparledébut,expliquantcommentEloram’avaitéchangéecontreRhys.Jeluidisque

Finnavaitétéenvoyépourmepisteretmeramenerici,cequecelasignifiaitd’êtreprincesse,etpuisjeluiparlaidesTryllesetdeleurstalents.Pendantquejeracontais,Rhys,complètementabsorbé,medévisageaitsansunmot.Jenesuispas

certainequ’ileûtétéaucourantdetout.Matt,qui secontentadeposeroccasionnellementquelquesquestions,neditpasgrand-chosenon

plus. Sans paraître particulièrement anxieux ou dérouté, il s’était mis à arpenter la pièce dès quej’avais commencéàparler.Quand j’eus terminé, il s’immobilisaengardant le silencependantuneminute,absorbanttoutcequejevenaisd’expliquer.—Alors?demandai-jetandisqu’ilcontinuaitàsetaire.—Alors…ilvousarrivedemanger,ici?ditMattenlevantlesyeuxversmoi.Jesuismortdefaim.—Ouais,biensûr.Jeluisouris,soulagée.—Jen’appelleraispasnourriturecequ’ilsmangentici,ditRhysenricanant.Quittantlelitsurlequelilavaitétéassis,ilseleva,estimantquelaconversationétaitclose.—Queveux-tudire?demandaMatt.—Bien,pouravoirvécuavecWendy,tudoisbiensavoircequ’ellemange.Semblantserendrecomptequ’ilvenaitpeut-êtredefaireunegaffe,Rhyssereprit.—LesTryllesfontbienplusattentionàcequ’ilsmangentquenous.Ilsneboiventpasdeboissons

gazeusesetnemangentpasdeviande,parexemple.MattdévisageaRhyspendantunmoment,puissetournaversmoi.Etjevisapparaîtredanssesyeux

quelque chose que je n’avais jamais vu, ni ressenti auparavant. En une phrase, Rhys avait pour lapremière fois englobéMatt et lui-même dans unmême « nous », comme s’il s’agissait d’un clubauqueljen’appartenaispas.Jen’avaisjamais(etnepourraisjamaislefaire)considéréMattcommeunêtreinférieur,mêmesi

nous étions évidemment différents. Nous étions distincts et, en dépit de toutes les différencesparfaitementnaturellesquiexistaiententrenous,celamefitundrôled’effetd’entendreinsinuerpar

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quelqu’unquenousn’étionspasdelamêmeespèce.—Heureusement, jeconserveunstockdevraienourrituresurgeléeaucongélateur,ajoutaRhys,

tâchantdechangerl’humeurdumoment.Etjesuisplutôtboncuisinier.DemandeàWendy.—Ouais,ilsedéfendbien,mentis-je,maisjen’avaisplussifaimquecela.Monestomacs’étaitserréetj’étaismêmesurprisedepouvoirmeforceràleurenvoyerunsourire.—Allez.Allonsmangerquelquechose.Supposantsansdoutequedeparlersansinterruptionferaitmieuxpassersapetitebourde,Rhysne

parvint pas à se taire, et nimoi niMatt ne l’interrompîmes. Talonnés parDuncan, qui nous avaitemboîtélepasdèsnotresortiedelachambredeMatt,nousdescendîmesàlacuisine.LaprésenceconstantedeDuncanm’exaspéraitplusquecelledeFinnàsesdébuts,mêmesiDuncan

n’avaitrienfaitd’ennuyeux.Peut-êtreétait-ceprécisémentparcequec’était lui,etnonFinn,quimesuivait.Je tiraiun tabouretdesous l’îlotde lacuisinepourm’asseoiretvoir la façondontRhysetMatt

s’entendaient.Rhysfrimaitenfaisantladémonstrationdesestalentsculinaires,maisdèsqueMattlevitfaire,ilpritladirectiondesopérations.J’appuyaimonmentonsurmesmainsenlesobservant,enproieàtoutessortesdesentimentscontradictoirestandisqu’ilsparlaient,riaientetsetaquinaient.Unepartiedemoiétaitraviedevoirqu’ilss’entendaientetsecôtoyaientcommeilsauraientdûle

fairedepuisledébutdeleurexistence.PriverRhysd’ungrandfrèreaussimerveilleuxqueMattavaitétéuneffetsecondaireterriblementcrueldusystèmedesubstitution.Uneautrepartiedemoinepouvaittoutefoiss’empêcherdepenserquej’étaisentraindeperdreun

frère.—Est-cequeçavousennuieraitquejeprenneunpeud’eau?medemandaDuncanenmetirantde

mespensées.—Enquoicelamegênerait-il?Jeleregardaicommes’ilétait idiot,maisilnes’enaperçutpas.Oubiençaluiarrivaittellement

souventqu’iln’enétaitplusétonné.—Jenesaispas.CertainsTryllesn’aimentpasquedespisteursseserventdeleursaffaires.Il se dirigea vers le réfrigérateur pour y prendre une bouteille d’eau pendant que Matt tentait

d’expliqueràRhyscommentretournerunecrêpeauxmyrtilles.—Ah bon, mais comment fais-tu pourmanger et boire si tu ne te sers pas de leurs affaires ?

demandai-jeàDuncan.—Nousachetonslesnôtres.Leréfrigérateurtoujoursouvert,Duncanmetenditunebouteilled’eauendisant:—Vousenvoulez?—Ouais,biensûr,dis-jeenhaussantlesépaules.Ilserapprochaetmetenditlabouteille.—Tufaisçadepuislongtemps?—Depuispresquedouzeans,jecrois.Duncandécapsulasabouteilleetenbutunelonguegorgée.—Ouah,c’estfou,douzeansdéjà!

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—Es-tuvraimentlemeilleurqu’ilsaient?luidemandai-jeenessayantd’écartertoutscepticismedutondemavoix.Il avait l’air unpeu tropépatépar la capacitédeMatt à fairedes crêpes. Il nemanifestait pas la

sérénitéoulesérieuxdeFinn,maisencoreunefois,ilvalaitsansdoutemieuxpourluiqu’ilsoitaussidifférentdeFinnquepossible.—Non,admitDuncan,etsimaquestionledérangeait,iln’enmontrarien.Ilsecontentadejoueraveclacapsuledesabouteille.—Maispasloin.Monapparenceesttrompeuse,etj’imaginequec’estpourçaquejesuisbon.Les

gensmesous-estiment.QuelquechosedanslafaçondontilditcelamerappelasoudainementFrissons.Duncanavaitpeut-

êtreunpeudececharmemaladroitetdiscret.—Personnenet’ajamaisditqueturessemblaisaushérifDeweydelasériedesfilmsFrissons?—VousvoulezparlerdeDavidArquette?Jesuisquandmêmemieux,non?J’acquiesçai.—Oh,oui,absolument.Jenepouvaism’imaginerattiréeparsonphysique,mêmes’ilétaitplutôtséduisantdanssongenre.Rhysjuraquandunecrêpeatterritparterre.Patiemment,Mattessayadeluiexpliquercequ’ilfaisait

mal, etcommentyarriver,dumême tonqu’il avaitutilisépourm’apprendreà lacermessouliers,fairedelabicycletteetconduireunevoiture.C’étaitsiétrangedelevoiràprésentengrandfrèredequelqu’und’autre.—Wendy!criaWillaensurgissantdansmondos.J’eusàpeineletempsdemeretournerqu’elleétaitdéjààcôtédemoi.Ellem’entouradesesbraset

sonétreinteintensemetroubla.—Jesuissiheureusequetuaillesbien!—Hum,merci,dis-jeenm’extirpantdesonétreinte.WillaStrom,unpeuplusâgéequemoi,étaitlaseuleTrylleendehorsdeFinnàm’appeler«Wendy

», au lieu de « princesse », ce qui, je le supposais, suffisait à faire de nous des amies. Son père,Garrett,étaitleseulamid’Elora,etWillaavaitétéavecmoid’unegentillesseetd’unsecoursinouïsaprès lepremierdépartdeFinn.Sanselle, lacérémonied’intronisationauraitétéundésastreavantmêmel’attaquevittra.—Monpèrem’aditque lesVittras t’avaientenlevée, etqu’ensuite,personnene savait cequi se

passaitexactement.Willasavaitfairepreuvedesnobisme,maisl’inquiétudequiselisaitsursonvisageétaitsincère.—J’aicouruenapprenantquetuétaisrevenue.Jesuistellementcontentedetesavoirderetour.—Ouais,moiaussi,répondis-jesanssavoirsic’étaitl’exactevérité.—Duncan?Willaledévisageaitcommesiellevenaittoutjustededécouvrirsaprésence.—C’estuneblagueouquoi?Eloran’accepteraitjamaisquetusoissonpisteur.—Vousvoyez?Sous-estimé.Duncansourit.Commeilsemblaitentirerunecertainefierté,jeneledécourageaipas.

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—MonDieu!Ilfautquej’englisseunmotàmonpère.Willa fit passer d’un coup de tête les boucles de sa chevelure châtain parfaitement disciplinée

derrièresesoreilles.—Ilnepeutvraimentpasfaireça.—Çava,dis-jeenhaussantlesépaules.Jesuisensécuritéaupalais.Quepeut-ilm’arriverici?Willamedécochaunregardentendumais,fortheureusement,avantqu’elleajoutâtquelquechose,

Matt déclara que le petit déjeuner était prêt. Lorsque j’avais régalé Matt de mon histoired’appartenanceàlatributrylle,j’avaisvolontairementlaissédecôtétoutel’affairedel’attaquevittraetlefaitqu’Orenétaitmonpère.Jepensaisquecelal’auraittropdéboussolé.—Enmangeras-tuaussi?demandaMattàWilla.Enservantlescrêpes,bienélevécommeilsavaitl’être,ilinclutWilla.—Nousenavonsfaiténormément.—Ellessontàlamyrtille?Avecunairdégoûté,Willafitlamoueàlasimpleperspectived’enmanger.—Beurk.Pasquestion.—Ellessontvraimentbonnes.Mattfitglisseruneassietteverselle.Pour je ne sais quelle raison, nous n’aimions que peu de choses en réalité. Nousmangions en

généraldesfruitsfraisetdeslégumes.Bienqu’appréciantlevin,jen’aimaisaucunjusdefruits.Lescrêpesétantpréparéesavecdelafarineetdusucreraffinés,ellesnemeplaisaientpas,maisj’enavaismangépendantdesannéespournepasagacerMatt.—Tunevas toutdemêmepasmangerça?ditWilla, totalementécœurée,enmevoyantprêteà

plantermafourchettedansunmorceaudecrêpe.MattavaitégalementdonnéuneassietteàDuncan.Jesuiscertainequelescrêpesintéressaientaussi

peuDuncanqueWillaetmoi,maisilsuivitsagementlemouvementensaisissantsafourchette.—Ellessonttrèsbonnes,dis-je.Pendantdesannées,destasdegensm’avaientaffirméqu’ellesétaientdélicieuses,maisjedoutais

dunombredepersonnesquilesavaientgoûtéesdégoulinantesdesirop,àlafaçondontMattetRhysvenaientdelespréparer.Duncanetmoirefusâmeslesirop.Personne,enaucuncas,nepouvaitnousforceràenabsorber.—J’ai fait la cuisinependantdes annéespourWendy,ditMatt sans se soucier de la réactionde

Willa.Jesaiscequ’elleaime.Ilavaitengénéralplutôtréussi,maisilyavaitaussipasmaldechosesquejenemangeaisquepour

luifaireplaisir.Ilfautdirequej’auraiscrevédefaimsanscela.— Bien sûr, se moqua Willa. Comme si j’allais brusquement faire confiance à un mänks en

survêtementetàun«préado»pourmefairemescrêpes.—Willa,dis-je.Ilestmonfrère,OK?Alorslaissetomber.—Quoi?Ellepenchalatête,faisantminedenepascomprendre.—Ah!Tuveuxdirequ’ilesttonfrèred’accueil?

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—Oui.Jeprisunegrossebouchéequej’enfournaiaussisec.—Tusaisqu’iln’estpastonvraifrère…—Willa!décochai-je,labouchepleine,enrecrachantlemorceau.Çava,jecomprendslefrançais.

Maintenant,laissetomber.—J’arriveàcomprendrecommentceblaireaudeDuncanpeutmangerce truc, indiquaWillaen

lissantdelamainsarobehautecouture,pournepasmontrerqu’elleétaitvexéeparmasaillie.Maistoi,tuesuneprincesse.Ilesttropstupidepour…—Hé!ditMatt.AssisprèsdeDuncan,ils’arrêtademangerpourlafixerduregard.—J’aipigé.Tueschic,jolieetriche.Tantmieuxpourtoi.Maisàmoinsquetuveuillespasserde

cecôtépournouspréparerunbonpetitdéjeuner,jeteconseilledelafermeretdet’asseoir.—Ouah!Rhysrit.Iladoraitqu’onremetteWillaàsaplace.Elle fit la tête, mais ne dit rien. QuandMatt finit par se rasseoir pour manger ses crêpes, elle

s’installasuruntabouretàcôtédemoi.Dès la première fois où j’avais rencontréWilla, j’avais remarqué qu’elle affichait une certaine

suffisance.Elleétaitagréableavecmoiparcequ’ellesentaitbienquenousétionségales,maisaveclesautres,çan’avaitrienàvoir.—J’aisoif,ditWillaaprèsunmoment,avecunemoueboudeuse.Duncanselevaaussitôtpourluidonnerdel’eau,maisMattl’arrêta.Peusûrdelui,Duncanserassit.

Entantquepisteur,ilavaitpasséunebonnepartiedesavieàsurveilleretattendredessubstitués.Lespisteursétaienttraitésparlaroyautécommedupetitpersonnel.—Tusaisoùestlefrigo,déclaraMattentresesdents.Willaouvrit labouche,maisneditrien.Ellese tournaversmoi,espérantqueje luiviendraisen

aide,maisjenefisquehausserlesépaules.Ellesavaitoùétaitleréfrigérateur,aprèstout.Aprèsuneminuted’hésitation,ellefinitparseleverpourallerverslefrigo.Rhysriaitendouce,

maisMattluifitsigned’arrêter.Je trouvais toute l’affaire assez drôle. Finn avait été le pisteur deWilla, assez sévère dans son

genre.Maisellenel’avaitjamaisécouté,nitraitéavecautantderespectqu’ellevenaitdelefaireavecMatt,qui,pourtant,entermedehiérarchietrylle,étaitd’unrangbieninférieuràFinn.En l’espacedecinqminutes,Mattavaitétécapablede la remettreàsaplacemieuxquepersonne

n’avaitjamaissulefaire.Willanemequittapasde tout l’après-midi et semblamême soulagée lorsqueMatt etRhysnous

laissèrent. Rhys voulait jouer à un jeu vidéo de guerre ou un truc comme ça, mais je n’en avaisaucuneenvie.Àlaplace, je restaiavecWilladansmachambre.Duncanrestadehorspendantunmoment,mais

toutàcoup,j’euspitiédeluietlelaissaientrerpours’asseoir.Commeellerangeaitmesvêtementsparcequec’étaitcequ’elleaimaitfaire,assiseparterre,jeme

demandais en la regardant comment il était possible que tout ceci soit devenu ma vie. Elle les

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organisaitd’une façonque jenecomprenaispas,bienqu’ellem’eûtexpliquéplusieurs foisàquoicelaservait.Pendant tout ce temps, elle ne fit que répéter comment son entraînement lui avait plu.Willa, qui

avaitunpouvoirsurlevent,n’enavaitfaitaucuncasavantl’attaque.Mais désormais, elle voulait semontrer aussi forte et prête que possible. Elle pensait quemon

entraînementdevraitcommencer toutdesuite,parceque j’étaiscellequiavait leplusbesoind’êtrepréparée.Lasoiréecontinuadesedéroulerainsietjefusextrêmementsurprisedelavoirsejoindreànous

pourledîner.Cettefois-ci,ellemangeamêmecequeMattavaitcuisinéetj’eusvraimentl’impressiond’unmondeàl’envers.J’allaimecoucherpeudetempsaprès,maisjemetournaietmeretournaitoutelanuitdansmonlit

sans trouver le sommeil tant les pensées se bousculaient dansma tête. J’avais l’impression que jevenais juste dem’endormir quandquelqu’unme réveilla en sursaut. Je repoussai l’intrus pourmecacherensuiteauplusprofonddescouvertures.Jecomprisseulementaprèsavoirenfouimatêtedansmonoreillerquejeferaispeut-êtremieuxde

m’inquiéter de la présence d’un étranger dans ma chambre, surtout avec ces méchants trolls quiessayaientdem’enlever.

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DIXRepositionnement

—Bonsang!s’écriaToveKronerenquittantsubitementleborddemonlit.Bondissant presque du lit à mon tour pour me jeter sur l’intrus qui venait de me réveiller, je

m’assisetdécouvrisqu’ils’agissaitdeTove.Jenecomprenaispascequej’avaisbienpuluifaire.Ilmesemblaitpourtantque jen’avaisrienfaitd’autrequem’asseoir.MaisToveavaitdéjàfiléà

l’autreboutdelapièce,pressantlespaumesdesesmainssursestempes.Ilétaitcourbéendeuxetsescheveuxnoirstombaientsursonvisage.—Tove?Je lançai les jambes par-dessus le bord du lit pour me lever, et comme il ne répondait pas, je

m’approchaidelui.—Tove?Çava?Vousai-jefaitquelquechose?—Oui.Ilhochalatêteenseredressant.Ilavaitlesyeuxfermés,maisilgardaitlesmainssursestempes.—Jesuisdésolée.Qu’est-cequej’aifait?—Jenesaispas.Commequelqu’unquivenaitd’êtrefrappéauvisage,Toveouvrittrèsgrandlabouchepourétirer

sesmâchoires.—Jesuisvenuvousréveillerpourvotreentraînement.Etvous…—Jevousaifrappé?Commeilhésitait,j’essayaidel’aider.—Non,c’étaitdansmatête.Regardantpensivementauloinpendantuneminute,ilajouta:—Enfait,vousavezraison.C’estunpeucommesivousm’aviezfrappé,maisdansmatête.—Dequoiparlez-vous?—Avez-vousdéjàfaitcelaavant?Aprèsunegrossefrayeur,peut-être?Ilseretournapourmeregardersanssesoucierdemontroubletantilétaitpréoccupéparlesien.—Pasquejesache,maisjenesaismêmepascequej’aifait.—Hum.Ilsoupiraenpassantlamaindanssescheveux.—Vos talents sontenpleindéveloppement,maiscomme ilsdevraientbientôtarriveràmaturité,

c’estpeut-êtrecelaquisepassedéjà.Oupeut-êtreest-ceseulementàcausedemoi.—Quoi?—Jesuismédium,merappelaTove.Votreauraesttrèssombreaujourd’hui.S’ilnepouvaitpasliredanslesesprits, il ressentaitdeschoses.Commedemoncôté jeprojetais

très fort, je pouvais atteindre les cerveaux des gens comme Elora savait le faire et utiliser lapersuasion. Tove, lui, en bon récepteur, pouvait déceler les auras puisqu’il était plus sensible auxémotions.—Qu’est-cequecelaveutdire?demandai-je

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—Quevousn’êtespasheureuse.Distrait,Tovesedirigeaverslaporte.—Bon,habillez-vousvite.Nousavonsbeaucoupàfaire.Ilquittamachambreavantque j’eussepuensavoirplus. Jenevoyais toujourspascequeWilla

pouvaitluitrouver.Jen’auraissudiresielleétaitvraimentamoureusedeluiousil’intérêtqu’elleluiportait provenait de ce que la famille de Tove était puissante. S’il advenait que je fusse incapabled’assumermesresponsabilités,lesKroner,etToveenparticulier,étaientlessuivantspourl’accèsàlacouronne.Tove était pourtant beau garçon. Ses cheveux sombres brillaient d’un éclat naturel, et bien que

longsetpeudisciplinés,ilsluiarrivaientsagementsouslesoreilles.Sapeauavaitcettetonalitéverteindescriptible,sortedecouleurdemoussequiétait le lotdesTryllesspécialementdoués.Personned’autrenepossédaitunepeaudecettecouleur,saufpeut-êtresamère,maisenbienmoinsintense.Je ne savais pas pourquoi Tove devait m’entraîner. Je ne suis pas certaine qu’Elora l’aurait

approuvé,mêmes’ilavaitdesrelations.Ilétaitdesurcroîtfarfeluetunpeubizarre.DetouslesTryllesquej’avaispurencontrer,Toveavait les talents lesplusforts.C’étaitd’autant

plusétrangequ’engénéral,leshommesétaientmoinsdouésquelesfemmes.Maispuisquejesouhaitaismieuxmaîtrisermesdons,jemedisqued’ytravaillernemeferaitpas

demal,plutôtquedetraînertoutelajournéeànerienfaire.Jem’habillaienvitesseetsortisdemachambrepourtrouverToveetDuncanengrandeconversation.—Prête?medemandaToveennemeregardantpas.Ilpartitsansattendremaréponse.—Iln’estpasnécessairequetunousaccompagnesDuncan,luidis-jeenm’élançantderrièreTove.Duncancontinuanéanmoinsdemesuivrecommeàsonhabitude,maispluslentement.—Ilvautprobablementmieuxqu’ilvienne,ditToveenreplaçantsescheveuxderrièresesoreilles.—Pourquoi?questionnai-je,pendantqueDuncansouriait,ravidenepasêtreécarté.—Nousavonsbesoindequelqu’unsurquifairedestests,réponditTovecommesiderienn’était,

cequifitdisparaîtreinstantanémentlesourireduvisagedeDuncan.—Oùallons-nous?J’aurais aimé qu’il ralentît un peu, car je courais presque derrièreTove pour ne pasme laisser

distancer.—Vousavezentenduça?Toves’arrêtasibrusquementqueDuncanfaillitluirentrerdedans.—Quoi?Duncan regarda partout autour de nous, comme s’il s’attendait à voir surgir des attaquants de

derrièreuneportefermée.—Jen’airienentendu,dis-je.—Non,biensûrquevousn’avezrienentendu,lançaTove.—Pourquoidonc?Quevoulez-vousdireparlà?—Parcequec’estvousquiavezfaitcebruit,ditToveensoupirant,sansquitterDuncandesyeux.

Tuessûrquetun’asrienentendu?

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—Non,réponditDuncan.Celui-cimeregarda,dansl’espoirquejepourraisrendremoinsénigmatiquelecomportementde

Tove,maisjehaussailesépaules.Jen’avaispaslamoindreidéedecedontilparlait.—Quesepasse-t-il,Tove?luidemandai-jeenhaussantletonpourqu’ilmeregardeenfin.—Ilfautquevousfassiezattention.Tovedressal’oreillepourmieuxentendre.—Vousêtes silencieuse,maintenant.Maisquandvousêtesénervée, furieuse, effrayéeou irritée,

vousprojetezdeschoses.Jenepensepasquevouslemaîtrisiez.Jem’enaperçoisuniquementparceque je suis sensible.Duncan, lui, ne peut pas, comme ne peuvent d’ailleurs le faire la plupart desTryllesparcequevousneledirigezpasverseux.Maissijepeuxl’entendre,d’autreslepeuventaussi.—Quoi?Maisjen’airiendit,affirmai-je,deplusenplusagacée.—Vousavezpensé:J’aimeraisbienqu’ilralentisse,ditTove.—Jen’utilisaisaucunepersuasion,niriend’autredanscegenre,répondis-je,médusée.—Jesais.Vousmaîtriserezçaunjour,m’assura-t-il.Etilseremitenmarche.Il nous conduisit en bas. Je n’étais pas certaine de l’endroit où nous allions et fus totalement

surpriseparl’endroitoùilnousamena;lasalledebal,quiavaitétécomplètementdévastéelorsdel’attaque vittra. Avec ses sols en marbre, ses murs blancs rehaussés d’or, un plafond vitré et deslustresendiamants,elleavaitpourtantconnusesheuresdemagnificence,commetouteslessallesdebaldescontesdeféesdeWaltDisney.Après l’attaque, toutétaitdifférent.Leplafonddeverres’étaiteffondré,etpourprotéger lasalle

desintempéries,onavaitrecouvert letroubéantdebâchestranslucidesbleuclair,cequiproduisaituneétrangeambiancelumineuse.Deslustresbrisésetdeséclatsdeverreparsemaientlesol,demêmequedestablesetdeschaisescassées.Lesoletlesmursavaientéténoircisetendommagésparlefeuetlafumée.— Pourquoi sommes-nous ici ? demandai-je, ma voix se répercutant contre les murs de cette

immensesalle,bienquelesonfûtamortiparlesbâches.—J’aimebiencetendroit.Tovelevalesmains,utilisantsatélékinésiepourrepoussertouslesdébrisverslesmurs.—La reine sait-ellequenous sommes ici ?demandaDuncan,qui semblaitmal à l’aisedanscet

endroit.J’essayaidemerappelers’ilavaitétéprésent lorsde l’attaque,mais jen’avaisguèrepuyprêter

attentiontantilyavaitdemondeàsaluercesoir-là.Tovehaussalesépaules.—Jenesuispassûr.—Sait-ellequevousm’entraînez?interrogeai-je.Ilopinaenmetournantledospendantqu’ilregardaitailleurs—Pourquoim’entraînez-vous?Vosdonsnesontpaslesmêmesquelesmiens.—Ilssontsimilaires.Toveseretournapourmefaireface.

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—Etiln’yapasdeuxpersonnessemblables,detoutefaçon.—Vousavezdéjàentraînéquelqu’unavantmoi?—Non.Mais je suis lemieuxplacépour le faire avecvous, dit-il en commençant à relever ses

manchesdechemise.—Pourquoi?JelisaislamêmeperplexitédansleregarddeDuncan.—Vousêtestroppuissantepourn’importequid’autre.Personne,autrequemoi,neseraitcapable

devousaideràatteindrevotrepotentiel,cariln’yaquemoiquilecomprends.Ayantfinideroulersesmanches,ilposasesmainssurseshanches.—Vousêtesprête?—Jesuppose,dis-jeenhaussantlesépaules,peucertainedeceàquoijedevaisêtreprête.—Bougezça.Ildésignad’ungestevaguelesdébrisprésentsdanslasalle.—Vousvoulezdire,avecmonesprit?m’enquis-jeensecouantlatête.Jenesaispasfaireça.—Vousavezessayé?contraTove,lesyeuxbrillants.—Ehbien…non,admis-je.—Faites-le.—Comment?Ilhaussalesépaules.—Débrouillez-vous.—Quelbonprofvousfaites,dis-jeensoupirant.Toverit,maisjefiscommeilm’avaitdemandé.Jedécidaidecommencerpetitetjetaimondévolu

sur une chaise cassée tout près. Je la fixai enme concentrant aumaximum.La seule chose que jeconnaissaisvraimentétantlapersuasion,jepensaisyarriverdecettemanière.Jerépétaipourmoi-mêmedansmoncerveau:Jeveuxquecettechaisebouge,jeveuxquecettechaisebouge…—Non!lançaToveenmedéconcentrant.Vousprenezleschosesparlemauvaisbout.—Parquelboutdois-jelesprendre?—Puisqu’ilnes’agitpasd’unepersonne,vousnepouvezluidirecequ’elledoitfaire.Vousdevez

parveniràlabouger,ditTove,commesicelaéclaircissaitleschoses.—Comment?demandai-jeànouveau.Ilneréponditrien.—Celaseraitplusfacilepourmoisivousmel’expliquiez.—Jenepeuxpasvousl’expliquer.Çanefonctionnepasainsi.Enmarmonnant quelques remarques absurdes, jeme retournai vers cette chaise, histoire deme

remettreautravail.Jenepouvaisdoncpasluidiredebouger,maisjedevaislafairebouger.Commentfairepasserça

dansmapensée?Jelouchaiunpeu,commesicelapouvaitaider,etrépétai:Bougelachaise,bougelachaise.—Regardezcequevousavezfaitmaintenant,ditToveJecroyaisqueriennes’étaitproduitetpuisjevisDuncansedirigerverslachaise.

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—Quefais-tu,Duncan?demandai-je.—Bien,je…bougelachaise.Jecrois.Ilavaitl’airtroublémaiscohérent,etunefoislachaiseattrapée,encoreplusébahi,ilmeregardaet

demanda:—Etmaintenant,qu’est-cequej’enfais?—Dépose-lan’importeoù,luirépondis-jesansréfléchir.Puis,enmetournantversTove,jeluidemandai:—C’estmoiquiaifaitça?—Évidemment.Jepouvaisvousentendrehautetfort,etsivousaviezrenforcéunpeuplusvotre

persuasion,c’estmoiquiseraisallésaisirlachaise.Ilcroisalesbrassursapoitrineenmeregardantd’unefaçonvoisinedumécontentement.—Jen’aipascherchéàfaireça.Jeneleregardaismêmepas.—C’estpiredanscecas-là,n’est-cepas?demandaTove.—Jenecomprendspas,ditDuncan.Ilavaitreposélachaiseet,sansunnouvelordreàexécuter,avaitdécidédeserapprocherdenous.—Qu’est-ellesupposéefaire?demanda-t-il.—Ilfautquevousmaîtrisiezvotreénergieavantquequelqu’unnefinisseparêtreblessé.Toveme regarda solennellement, ses yeuxverts plantés courageusement dans lesmiens pendant

presqueuneminute,avantdeseretourner.Ilfitdesgestesautourdesatête,àpeuprèsdelamêmefaçonqueLokiquandcelui-ciavaitvoulumesignifierqu’ilsavaitquej’utilisaislapersuasion.—Vousaveztellementdechoses.Celasortunpeucommede…—Del’électricitéstatique?—Exactement!s’exclama-t-ilenclaquantdesdoigtsetenlespointantversmoi.Ilfautquevous

parveniezàlacanaliser,quevousmoduliezvosfréquences,unpeucommepouruneradio.—J’aimeraisbien.Dites-moicomment.—Cen’estpascommedetourneruncadran.Iln’yapasdeboutonarrêtetmarche.Ilmarchaitlui-mêmeencercleslongsetlents.—C’estplutôtquelquechosequevousdevezpratiquer.Unpeucommeunbébésurlepot.Ilfaut

apprendreàreteniretsavoirquandrelâcher.—Voilàuneanalogieparticulièrementprestigieuse,déclarai-je.—Vouspouvezbougerlachaise,ditToveabruptement.Maiscelapeutattendre.Ilfautd’abordque

vousappreniezàretenirvotrepersuasion.IlregardaDuncan.—Duncan,çanet’ennuiepasdefairelecobaye,n’est-cepas?—Bien…non?—Dites-luidefairequelquechose,n’importequoi.IlpenchalatêteennequittantpasDuncandesyeux,puissetournaversmoi.—Maisarrangez-vouspourquejepuisseentendrecequisepasse.—Comment?Jenesaismêmepascommentvousentendez,fis-jeremarquer.—Concentrez-vous.Concentrezvotreénergie.C’estimpératif.

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—Comment?répétai-je.Ilpassaitsontempsàmedemanderdefairedeschosessansjamaism’expliquercomment.Ilaurait

aussi bien pu me demander de construire une satanée fusée. Je n’avais pas la moindre idée decommentfaire.—VousétiezplusconcentréequandvousétiezprèsdeFinn,ditTove.Vousétiezplusancrée,au

sensoùl’électricitéestreliéeàlaterre.—Ehbien,iln’estpaslà,décochai-je.—Aucune importance. Ilne faisait riendespécial,continuaTove, imperturbable.C’estvousqui

aviezlepouvoir,vousquivousêtesancréeàlui.Dites-moicomment.Je ne voulais pas me souvenir de Finn, ni de la façon dont j’avais été proche de lui. Une des

principales raisons quim’avaient excitée à propos de cet entraînement, c’était que celam’éviteraitjustementdepenseràlui.EtvoilàqueToveétaitentraindem’expliquerqueFinnétaitlaclédemonsuccès.Charmant.Aulieudem’emportercontreTove, jem’éloignaidelui.Jedétestaiscettemanièrequ’ilavaitde

toutsavoirsansêtrecapabledetransmettresesconnaissances.J’étendismonbrasenfaisanttournermoncouautourdesonaxe,pourrelâcherlestensions.Duncanvoulutdirequelquechose,maisToveluifitsignedesetaire.Finn.Quandj’étaisprèsdelui,qu’est-cequejefaisaisdifféremment?Ilmerendaitfolle.Ilfaisait

battremoncœur trop fort etmonestomac senouait. Ilm’était difficile denepas le regarder sanscesse.Quandilétaitlà,jen’arrivaisplusàpenseràrien.Voilà,c’étaitça.C’étaitpresquetropfacile.QuadFinnétaitlà,jemeconcentraisuniquementsurluietcelacanalisaitmonénergie,enquelque

sorte. Lorsque la partie consciente demon cerveau se concentrait sur une chose, le reste demonespritrentraitenlui-même.Peut-êtremonénergieétait-elleentraindedevenirfolle,maintenantquej’essayaisdenepaspenseràFinn.Finn n’était pas la réponse.Mais quand il avait été près demoi, j’avais réussi àme concentrer.

Quandiln’étaitpas là, j’essayaisdenepluspenseràrienparceque toutmerappelaitsonabsence.Toutsedispersaitetcherchaitàseraccrocheràn’importequoi.Jefermailesyeux.Penseàquelquechose.Concentre-toisurn’importequoi.Finnme vint d’abord à l’esprit, comme il l’avait toujours fait,mais je le repoussai. Je pouvais

penser à autre chose.La chose à laquelle je pensai ensuite futLoki, et comme celame choqua, jel’écartaiinstantanément.Jenevoulaispaspenseràlui.Niàpersonned’autreenfait.Jepensaiau jardinà l’arrièredupalais. Il étaitmagnifiqueet je l’aimais.Eloraenavait faitune

superbe peinture, mais qui ne rendait pas entièrement la magie de l’endroit. Je me souvenais duparfumdesfleursetdeladouceurdel’herbesousmespiedsnus.Despapillonsvoletaientautourdemoietj’entendaislebabillagedufleuveauloin.—Essayezmaintenant,suggéraTove.Je me tournai pour regarder Duncan. Les mains enfoncées dans les poches, il me dévisageait,

bouchebée,épouvantécommesij’allaislefrapper.Enneperdantpasdevuel’imagedujardin,jememisàrépéter:Siffle«Ah!vousdirais-jemaman».C’étaittrèsbanal,àdessein.Jenevoulaispasle

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blesser.Sonvisageserelâcha,sesyeuxsevoilèrentetilsemitàsiffloter.Contentedemoi,jemetournai

versTove.—Alors?luidemandai-je,pleined’espoir.—Jen’airienentendu,déclara-t-ilensouriant.Excellenttravail.Toutlerestedelajournée,jecontinuaiàessayerdeschosessurDuncan.Lespremiersessaisnese

révélant pas douloureux,Duncan se détendit progressivement. Étant donné que je le faisais siffler,danser,applaudiretfairetoutuntasdenumérosridicules,onpeutdirequ’ilsemontraitd’unespritagréablementcoopératif.Tove se mit à m’expliquer ce qui s’était mal passé dans le cas de Rhys et de son incapacité à

s’asseoir.Ilsemblaitqueplusjemeconcentraisintensémentlorsquej’essayaisdepersuaderdesgens,pluslecharmerisquaitd’êtredifficileàdéfaire.Rhysétaithumain,cequirendaitsonespritplusmalléablequeceluidesTrylles,etlerendaitplus

perméableà lapersuasion. Jen’avaiseuaucunmalàobtenirqueçamarchesur lui. J’avaisusédebeaucoup trop d’énergie par rapport à ce qu’il aurait fallu. Il fallait que j’apprisse àmaîtriser lesdosesdepersuasionquej’utilisaispourarriveràmesfins.Biensûr,jepouvaisdéfairen’importequelcharmeàlafaçondontj’avaisfaitRhysseleveraprès

s’êtreassis,etviceversa.Maissansfocalisertropfortmonénergie, jepouvaispersuaderdesgenssanseffort,delamêmefaçonquej’avaispuobtenirdeDuncanqu’ilbougelachaise.Sachant qu’elle était potentiellement très dangereuse, je passai le reste de la journée à tenter de

restreindremonénergie.À la finde la journée, j’étaisépuisée.Lefaitque jen’avais rienmangéàmidin’arrangeaitrien,nonpasquejeressentaislafaimenaucunemanière.Toveessayadem’expliquerquetoutcecifiniraitpardevenirunesecondenaturechezmoi,unpeu

commederespireroudeciller,maisdansl’étatoùjemetrouvaisactuellement,ilm’étaitdifficiled’ycroire.Je raccompagnaiTove à la porte avant de regagnerma chambre pour une douche et une sieste.

Duncan redescendit dans sa chambre, au risque deme laisser seule pendant qu’il pouvait enfin sereposer.Fairelecobayen’avaitpasétédetoutreposnonplus.Enretournantàmachambre,jemetrompaidechemin.—Ça,c’estlareineSybilla,expliquaitWillaenmontrantunetoileaccrochéeaumur.Matt,àcôtéd’elle,admiraitletravaildel’artiste.—C’estunedes reines lesplus révérées. Jecroisqu’elleagouvernépendant laLongueGuerre

hivernale,périodebienplusterriblequ’elleenaeul’air.—Unlonghiver?semoquaMatt,etelleéclataderire.C’étaitunsonravissant.JenecroyaispasavoirentendurireWilladelasorteauparavant.—Oui,jesais.C’estidiot.Saqueuedechevallarendaitplusespiègle.Elleremitenplaceunemèchequienjaillissait.—Àdirevrai,toutçaestpassablementstupide.—Oui,jevoisbien,affirmaMattensouriant.—Salut,dis-jeenlesrejoignantaprèsquelquehésitation.

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—Oh,salut!Willasouritencorepluslargementalorsqu’ilssetournaientversmoi.Elleétaitcommetoujourshabilléeàmerveilleetresplendissait.Sonhautétaitdécolleté,etjusteau-

dessusreposaitunpendentifendiamant.Elleportaiténormémentdebijoux,dontunbraceletporte-bonheur,unautreauxchevilles,desbouclesd’oreillesetdesbagues,cequiétaittrèsàlamodechezlesTrylles,oùonétaitfascinéparlesbijoux.Mêmesij’enétaismoinsfolle,j’adoraislesbagues.—Oùétais-tupassée?medemandaMattsansparaîtreirriténiinquietlemoinsdumonde.Simplementcurieux.—Jem’entraînaisavecTove.Jehaussailesépaules,histoirededédramatiser,m’attendantàcequeWillameposemillequestions

àproposdeTove.Maisellenesemblapassurprise.—Etvous,quefaites-vous?—Envenanttechercherpourvoirsituvoulaisquenousfassionsquelquechose,jesuistombéesur

tonfrère,quiavaitl’aird’unpauvrepetitchienabandonné.Elleritlégèrementetilsecoualatêteavantdesefrotterlanuque.— Je n’avais rien d’un petit chien abandonné, grimaça-t-il en rougissant. Je ne savais pas quoi

faire,c’esttout.—Exact.Jemesuisditquejepourraisluimontrerunpeuleslieux.Willadésignaitlescorridors.—J’aiessayédeluiraconterl’histoiredetesimpressionnantsancêtres.—Jen’ycomprendspasgrand-chose,ditMattd’unairpresquelas.—Moinonplus,admis-je,cequilesfitriretouslesdeux.—Tuasfaim?medemandaMatt.J’étaisheureusedelevoirreveniràunsujetplusterre-à-terre,commedesepréoccuperdesavoir

sij’avaismangé.—J’allaisdescendreprépareràdînerpourmoi,Rhysetcettefilleaunombizarre.—TuveuxparlerdeRhiannon?suggéraWilla.—Oui,c’estça,acquiesçaMatt.—Elleesttrèssympa,ditWilla.Jen’enrevinspas.Rhiannon était lamänsklig deWilla, ce qui voulait dire qu’elle avait été la fille contre laquelle

Willa avait été échangée à la naissance. Rhiannon était amie avec Rhys, et elle était extrêmementgentille,maisjamaisjen’avaisentenduWillaparlerd’elleencestermes.—ElleetRhyssefréquentent,ouquoi?demandaMatt,s’adressantàWilla.—Jenesaispas.Elleesttrèsamoureusedelui,maisjenesaispassic’estréciproque.Willa avait l’air enchantée, alors qued’ordinaire, quand elle parlait deRhysoudesmänks, cela

semblaitl’ennuyeràmourir.—Alors,qu’endis-tu?demandaMattensetournantversmoi.Tuviensdîner?—Non,merci,dis-jeensecouantlatête.Jesuiscrevée.Jeprendsunedouche,etaulit!—Tuessûre?s’enquit-il.

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Jehochailatête.—Ettoi,Willa?Tuasdesplanspourledîner?—Hum.Non,dit-elleensouriant.J’adoreraisdînerici.—Super,déclaraMatt.Jem’extirpaidelaconversationaussivitequepossible.Toutcelaétaitplusqueperturbant.Willa

devenuesoudainbientropgentille,voilàqu’elleacceptaitdepartagerunrepaspréparéparunmänks.Sans parler de la façon dontMatt se comportait et quime semblait…pour lemoins étrange. Je

n’arrivaispasàcomprendrecequisepassait,maisj’étaissoulagéedem’éloignerd’eux.

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ONZEAh!vousdirais-je…

Une autre longue journée d’entraînement ne fit rien pour arranger mon humeur. En revanche, jemaîtrisaismieuxmesdonsetc’étaitdéjàbien.Maisilmedevenaitdeplusenplusdifficiledenepaspenser à Finn. Je croyais que le tempsm’aiderait à l’oublier,mais il n’en fut rien. La douleur nefaisaitqu’augmenter.Nouspassâmeslamatinéedanslasalledutrône,oùjen’avaisencorejamaismislespieds.C’était

unvéritableatriumsurmontéd’undômeenverre,quidominaitdetrèshaut lapièceronde.Lemurcirculairederrièreletrôneétaitentièrementvitré.Rappelantcelledel’extérieurdupalais,unevigneviergecouraitsurlesfrisesdoréesetargentéesquidécoraientlesmurs.Étantdonnéelahauteurdeplafond,lapiècenesemblaitpassigrande,etellen’avaitduresteaucune

raison de l’être. Tove expliqua en passant qu’elle était seulement utilisée pour recevoir desdignitaires.Un trône solitaire, capitonné d’un luxueux velours rouge, occupait le centre de la pièce. Deux

siègespluspetitsetmoinsélégantsl’encadraient.Letrônen’étaitpasenbois,maisenplatineciselécommedeladentelle.Ilétaitsertiderubisetdediamants.Jem’enapprochaiettouchaidélicatementlevelourssoyeux,pourconstaterqu’ilétaitneufettrop

moelleux pour avoir déjà servi. Les bras épais enmétal étaient étonnamment lisses au toucher. Jepassailamaindessus,faisantcourirmesdoigtssurlelaçagedesmotifstorsadés.—Àmoinsquevousn’ayezenviedebougercesiègeavecvotreesprit,ilmesemblequ’ilfaudrait

nousmettreàl’entraînement,ditTove.—Pourquoidevons-nousnousymettreici?Quittantlefauteuil,jemeretournaipourleregarder.Ilyavaitquelquechosedanscetrônequime

fascinaitetfaisaitparaîtretoutceciplusréelsansquejecomprissepourquoi.— J’aime cet espace, dit-il en désignant le vide autour de nous. Celam’aide à penser.De toute

façon,lasalledebalestentravauxaujourd’hui.Jem’éloignaidutrônepresqueàcontrecœurpourrejoindreToveetvoirquelleobscureleçonil

avaitencoreenréservepourmoi.Duncansetenaitàl’écartdansuncoindelapièce,histoiredenepasservirdecobayeetdepouvoirrécupérercematin.Tovesouhaitaitquejetravaillasseànouveauàrestreindremespensées,enutilisantcettefoisunetactiquequimeparaissaitencoreplusénigmatique.Jedevaismetenirfaceàunmuret,toutencomptantjusqu’àmille,mereprésenterlejardinetuser

depersuasion.Commejen’avaisutilisécettetechniquesurpersonneenparticulier,jen’auraissudiresicelamarchaitounon,maisTovemeditquel’importantétaitpourmoidecontracterlesmusclespsychiques de mon cerveau. Mon esprit devait alors apprendre à jongler avec des tas d’idéesdifférentes, dont certaines en conflit avec d’autres, ce qui me permettrait d’obtenir une meilleuremaîtrise.Pendant que jem’exerçais, il s’étendit sur le sol, allongé de tout son long sur lemarbre froid.

Duncan, qui avait fini par se lasser, s’assit sur le trône, une jambe se balançant sur l’un desaccoudoirs.Celam’agaça,maiscommejenesavaispasexactementpourquoi,jenedisrien.Jen’étais

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pasparticulièrementattachéeauxidéesaristocratiquesetn’allaispasembêterDuncanavecça.—Commentçava?medemandaTove,qui s’exprimaitpour lapremière foisdepuisunedemi-

heure.Nous étions tous restés silencieux pendant que jem’efforçais demaîtriser ce que j’étais censée

devoirmaîtriser.—Fantastique,marmonnai-je.—Parfait.Ajoutonsunechanson.Parleplafondvitré,ilobservaitlesnuagesfilerau-dessusdenostêtes.—Quoi?J’arrêtaidecompteretlaissaitombermapersuasionpourmeretournerverslui.—Pourquoi?—J’arriveencoreàvousentendre,ditTove.Certes,c’estmoinsflagrantqu’avant,maisilresteun

petitmurmurecommeceluiqu’onentendprèsdeslignesàhautetension.Ilfaudraitquevouspuissiezréduirecebruitdansvotretête.—Etfaireunmilliondechosesenmêmetempsvamepermettred’yarriver?demandai-jesansy

croire.—Oui.Vousdevenezdeplusenplusassurée,cequisignifiequevousapprenezàgarderdeschoses

dansvotretête.Ils’allongeaànouveau,mettantfinàladiscussion.—Maintenant,ajoutezunechansonàtoutça.—Quejedoischanter?m’enquis-jeensoupirantetenmeretournantverslemur.—PasAh ! vousdirais-je,maman, grognaDuncan.Allez savoir pourquoi, je n’arrivepas àme

débarrasserdecetair.—J’aitoujourseuunfaiblepourlesBeatles,ditTove.JejetaiunregardàDuncan,quigrimaçaitdesurprise.Ensoupirantànouveau,jememisàchanter

EleanorRigby.Jem’embrouillaiunpeuaveclesparoles,maisparchance,Toveneseplaignitpas.C’était déjà assez difficile de réussir ce que j’avais à faire, sans devoir en plus me souvenir desparolesd’unechansonquejen’avaispasentenduedepuisdesannées.—J’espèrequejenedérangepas.La voix d’Eloramit enmiettemon semblant de concentration et jem’arrêtai de chanter. Jeme

tournaiverselle.Duncansautadutrôneunpeutroptard.Eloraluiavaitdéjàlancéunregardmauvaisquinem’avait

paséchappé.Ilrougitenbaissantlatêteafinquesescheveuxtombentsursesjouesempourprées.—Pasvraiment,dis-jeenhaussantlesépaules.Pourunefois,j’étaisassezheureusedevoirElora,puisquecelasignifiaitquenousinterromprions

unmomentl’entraînement.Elle examinait la pièce avecmépris. Je ne compris pas bien ce qui provoquait chez elle un tel

mécontentement,danslamesureoùelleavaitcertainementétépourbeaucoupdansladécorationdeslieux.Elleavançadanslapièce,salonguerobeflottantautourd’elle.Toveneselevamêmepas,secontentantdelaregardernonchalamment.

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— Puis-je voir un instant la princesse en privé ? demanda Elora sans regarder personne enparticulier.Elleavaitréussiàsetenirdetellefaçonqu’ellenoustournaitledosàtouslestrois.Duncanmarmonnaquelquesexcusesen sortant. Il trébuchaen seprenantdans sesproprespieds.

Toves’éloignapluslentement,mettantunpointd’honneuràfaireleschosesàsonrythme.Passantlamaindanssescheveuxenbataille,ilannonçaconfusémentquenousnousverrionsquandj’auraisfini.—Jen’aijamaisaimécettepièce,ditEloraaprèsleurdépart.Ellem’atoujoursfait l’effetd’une

serreplutôtqued’unesalledutrône.Jesaisbienquel’idéederrièretoutçaétaitdemettrel’accentsurnosracinesnaturelles,voirevégétales,maiscelam’atoujourssembléerroné.—Jetrouveçajoli.Mêmesijecomprenaiscequ’ellevoulaitdire,ilmesemblaitquec’étaitquandmêmeunetrèsbelle

salle.Toutceverreluidonnaitunaspectélégant,quoiquelégèrementtropfastueux.—Ton«ami»resteavecnous?Elleavaitprudemmentchoisisesmotsetsedirigeaversletrône.Elleglissalesdoigtssurlebras

du fauteuil comme je l’avais fait auparavant, laissant ses ongles vernis en noir s’attarder sur desdétails.—Monami?—Oui.Ce…garçon.Matt,c’estça?Eloralevalesyeuxversmoipourvérifierqu’ellenesetrompaitpas.—Tuveuxparlerdemonfrère?insistai-jedélibérément.—Nel’appellepasainsi.Tupeuxpenseràluienlenommantcommetuveux,maissiquelqu’un

t’entendaitl’appelercommeça…Elles’interrompit.—Ilvaresteravecnousjusqu’àquand?—Jusqu’àcequejejugebondelelaisserpartirsansqu’ilnecourederisques.Je me redressai, me préparant à une nouvelle querelle, mais elle ne dit rien. Elle se contenta

d’opinerenregardantparlafenêtre.—Tunevaspasm’enempêcher?—Jesuisreinedepuisunbonmoment,princesse,dit-elleavecunpetitsourireencoin.Jesaisdans

quellebataillemelanceretjecrainsdenepouvoirgagnercelle-ci.—Alorstuesd’accord?demandai-je,incapablededissimulermasurprise.—Onapprendàacceptercequ’onapeudechancesdechanger,réponditsimplementElora.—Tuveuxlerencontrer,ounon?ajoutai-je,peusûredecequ’ilfallaitquejedisse.Jenevoyaispasbienpourquoielleavait tenuàmeparler,sicen’étaitpourmedired’arrêterce

quej’avaisentreprisoupourm’expliquerquej’avaismalfaitquelquechose.Carc’étaitlapremièrefoisqu’ellevenaitelle-mêmeàmarencontre.—Ilnefaitaucundoutequejelerencontreraiunjouroul’autre.Lissantsescheveuxnoirs,ellefitunpasversmoi.—Commentsepassetonentraînement?—Bien,dis-jeenhaussantlesépaules.Çan’estpasencoreparfait,maisçaavance.

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—Tut’entendsbienavecTove?Sesyeuxnoirsseposèrentsurlesmienscommepourmieuxm’étudier.—Oui,trèsbien.Quelquefûtcequ’elleavaitdétectéenmoi,celaavaitdûlaréjouirparcequ’ellemesourit.Elle

restaunmomentàbavarder,mequestionnaencoresurl’entraînement,maissonintérêts’affaditassezvite.Elles’excusa,prenantprétextedetâchesquil’attendaient.Unefoisqu’ellefutpartie,Tovevintreprendrel’entraînementavecmoi,maisjesuggéraiquenous

allionsplutôtdéjeuner.NousdescendîmesàlacuisinepourydécouvrirMatt,quipréparaitquelquechosepourluietWilla.Rhysétantenclasse,alorsiln’yavaitqu’eux.Willa envoya un raisin surMatt, qui le lui renvoya aussitôt. Elle pouffa. Si Tove remarqua cet

étrangebadinage,ilnefitaucuneremarqueàcesujetetlevaàpeinelenezdesonassiette.Ilmangeaitsansdireunmotpendantque,totalementsidérée,j’observaislecomportementdeMattetWilla.Je mangeai à toute vitesse, et nous retournâmes travailler, laissant Matt et Willa qui n’avaient

toujours pas fini leur déjeuner. Ni l’un ni l’autre ne semblèrent d’ailleurs se soucier lemoins dumondedenotredépart.Le restede la journéeneme laissaplusbeaucoupde tempspour repenserà l’attitudeétrangede

MattetWilla.Danslasalledutrône,l’entraînementsepoursuivitàpeuprèscommeils’étaitdéroulélematin.Enfindejournée,jecommençaisàmesentirfatiguée,maisnem’arrêtaipasavantqueToveeûtdéclaréquecelasuffisait.AprèsledépartdeTove,Duncanmesuivitàl’étagepuisque,quoiquejefasse,jeneparvenaispasà

m’en débarrasser. Je voulais être seule,mais je laissai Duncan entrer dansma chambre. Il nemesemblaitnitrèsgentilnidécentdelelaisserdeboutdanslecouloirtoutletemps.Ilavaitbeauêtregardeducorps,çan’étaitpasnonplusunmachobaraquéencostumeavecune

boucledansl’oreille.C’étaitungaminenjeanétriquéquej’avaisdumalàtraitercommeunemployédeservice.— Je ne comprends pas pourquoi vous détestez tant cet endroit, dit Duncan en admirant ma

chambre.—Jenedétestepascetendroit,répliquai-je,peuconvaincue.Jedéfismonchignondéfraîchipourétalermescheveux,puisjepassailesdoigtsdansdesboucles

rebelles.Duncanexaminaitdesaffairesquitraînaientsurmonbureau,touchantàmonordinateuretàmesCD.J’auraisétémécontentesicesobjetsm’avaientappartenu.Maistoutétaitlàquandjem’étaisinstallée.Bienquecefûtmachambre,trèspeudeschosesm’yappartenaientvraiment.—Pourquoiavez-vousfui?DuncansaisitunCDdeFallOutBoyetparcourutlalistedestitres.—Jecroyaisquetusavaispourquoi.Jemeglissaidansmonlit,m’immergeantdansleflotdecouverturesetd’oreillers,et jepliaiun

groscoussinquejeplaçaisousmatêtepourmieuxlevoir.—Ilmesemblaitquetuavaistoutpigé.—Quand?IldéposaleCDetseretournapourmeregarder.

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—Jecroyaisquejen’avaisjamaisl’airdecomprendrequoiquecesoit.—C’est exact, dis-je en écartant unemèche demon front.Mais chezmoi, quand tu es venume

chercher,jepensaisquetusavais.La première fois que je l’avais vu, il avait dit quelque chose. Je ne pouvais pas me rappeler

exactementquoi,maisilavaitlaisséentendrequ’ilétaitaucourantpourFinnetmoi.Ouauminimum,ilsavaitqueFinnavaitétédémisdesesfonctionsenraisondesessentimentspourmoi.Mêmesi jenesavaispluscequeFinnpouvaitbienéprouverpourmoi.Aupointoùj’enétais, je

doutaiscomplètementdelavéracitéetmêmedelaréalitédesessentiments.Nousnousétionsétendusensembledanscemêmelit,nousembrassant,tendrementenlacés.J’avaissouhaitéquecelaailleplusloin,maisFinnavaitarrêtéleschoses,prétendantqu’ilnevoulaitpasmeperturber.Peut-être,aufond,nem’avait-iljamaisvraimentdésirée.Danslecasinverse,ilneseraitpasparti,justecommeça.Impossible.— Je ne vois pas de quoi vous parlez, affirmaDuncan en secouant la tête. Je crois que je n’ai

jamaiscomprisvotredépart.—J’aidûl’imaginer,alors.Je roulai sur le dos en faisant face au plafond.Avant qu’il ne pûtm’en demander davantage, je

changeaidesujet.—Quevousest-ilarrivéalorsàtouslesdeux?—Quand?Ilétaitpassédel’inspectiondesCDàcelledemapetitecollectiondelivres.Ils n’étaient pas épouvantables, mais comme ils avaient été choisis par Rhys et Rhiannon, ils

n’étaientpasexactementma tassede thé.Hormisun livredeJerrySpinelli, jen’auraischoisimoi-mêmeaucundeceux-ci.—Chezmoi.Vousavez filé et lesVittrasm’ont enlevée.Que faisiez-vous?Oùétiez-vousdonc

partis?—Nousn’étionspasbienloin.Finnavaitprévuresterdanslesecteur.Ilpensaitquevousfiniriez

parchangerd’idée.Duncans’emparad’unlivrequ’ilfeuilletanégligemment.—Nousn’étionspaséloignésdeplusd’unpâtédemaisonsquandilsnousontsautédessus.Cetype

auxcheveuxblondshirsutesn’aeuqu’ànousregarderet,hop,nousétionspartis.—Loki,dis-jeavecunsoupir.—Qui?demandaDuncan.Jehochailatête.LesVittrasavaientdûsurveillerlamaisonenn’attendantqu’uneoccasionpoursurprendreFinnet

Duncan.Ilsavaientfondusureux,etLokin’avaitpluseuqu’às’occuperd’eux.Finnpouvaits’estimerheureuxqu’ilsnel’aientpasassommé.Kyra,desoncôté,avaitsembléenchantéedem’amocher.Elle avait dû arriver plus tôt pourme surprendre, pendant queLoki neutralisait Finn etDuncan.

Lokinesemblaitpasappréciertantqueçalaviolence,ets’iln’étaitpasintervenu,Kyram’auraitpeut-êtretuée.—Attendez.

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Duncan plissait les yeux en me fixant du regard, comme s’il était subitement en train decomprendrequelquechose.—Vousavezcruquenousvousavionsabandonnéechezvous?—Jenesavaisplusquepenser,répondis-je.Vousêtespartisalorsquejenem’yattendaispasdu

tout.Jenevoulaispasm’enalleravecvous,maiscommevousavezfilésanstropparlementer,j’aipenséque,peut-être…—Est-cepourcelaquevousavezboudéensuite?—Jeneboudaispas!J’avais juste été un peu déprimée aprèsmon retour. Etmême avant cela sans doute,mais je ne

croyaispasavoirboudé.— Je vous assure que vous boudiez, affirma-t-il en souriant. Nous ne vous aurions jamais

abandonnéecommeça.Vousétiezuneproierêvée.Finnnelaisseraitjamaisrienvousarriver.Retournéprèsdemonbureau,Duncans’étaitemparédel’iPod.—Jeveuxdire,ilneparvientmêmepasàvousquitter,alorsquevousêtestotalementensécuritéen

cemoment.—Quoi?Moncœurbonditdansmapoitrine.—Dequoiparles-tu?—Hein?Comprenantunpeutroptardqu’ilenavaittropdit,Duncanpâlit.—Derien.—Non,Duncan,queveux-tudire?Jem’assis,sachanttrèsbienquejedevaisfairesemblantdenepasattachertropd’importanceàtout

cela,maisjenepouvaism’enempêcher.—Finnestici?Tuveuxdireici,ici?—Jen’auraispasdûenparler,dit-il,horriblementmalàl’aise.—Tudoistoutmedire,insistai-jeenmeglissantauborddulit.—Non.Finnmetueraits’ilsavaitquejevousaiditquelquechose.Duncanbaissalesyeuxpourregardersespiedsettripotersaboucledeceinturecassée.—Jesuisdésolé.—Ilt’ademandédenepasmedirequ’ilétaitlà?questionnai-jeavecunnouveaucoupaucœur.—Iln’estpaslàausensdeprésentaupalais,non.Ilmarmonnaitenmeregardanthonteusement.—S’ilvousplaît,princesse,nem’obligezpasàvousledire;sijemeretrouveimpliquédansjene

sais quelle sordide histoire entre vous deux, je n’aurai plus jamais de travail. S’il vous plaît,princesse.Nemelefaitespasdire.Cen’estqu’aprèsqu’ileutprononcécesderniersmotsquejecomprisquej’avaislesmoyensdele

faireparler.Simapersuasionn’étaitpasassezfortepouragirsurdesgarscommeLokietTove,jel’avaisdéjàexpérimentéesurDuncan.Legarçonétaitassurémentsensibleàmescharmes.—Duncan,oùest-il?luidemandai-jeenleregardantdroitdanslesyeux.

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Je n’ai même pas eu besoin de chantonner la chose dans ma tête. Dès que je parlai, je vis sesmâchoiresserelâcheretsavisionsebrouiller.Soncerveauétaitterriblementmalléable,aupointquej’en fus gênée. Plus tard, il faudrait que je lui expliquasse la chose et que j’essayasse deme fairepardonner.—IlestàFörening,chezsesparents,ditDuncan,quiclignaitdesyeuxenmeregardant.—Sesparents?— Ouais, ils vivent un peu plus bas dans la rue, dit-il en désignant le sud. Vous suivez la rue

Principalejusqu’auxportesetprenezlatroisièmeàgauchesurunchemindegravier.Vousdescendezunpeulafalaise,etc’estlàqu’ilsvivent,dansunefermette.C’estlamaisonavecdeschèvres.—Deschèvres?m’enquis-jeenmedemandantsiDuncann’étaitpasentraindeseficherdemoi.—Samèreélèvedeschèvresangoras.Ellefaitdeschandailsetdeschâlesenlainemohairpourles

vendre.Ilhochalatête.—Maisj’enaitropdit.Jevaismeretrouverdansunsacrépétrin!—Non,çaira,luiaffirmai-jeensautantdulit.Jemeprécipitaivers lapenderiepourchangerdevêtements. Jen’étaispasmalhabillée,mais si

j’allais voir Finn, il fallait que j’eusse l’air mieux que bien. Duncan continua de protester en setraitantd’imbécilepourm’avoirtoutdit.J’essayaidelerassurer,maismonespritétaitdéjàailleurs.Jen’arrivaispasàcroirequej’eussepuêtreaussistupide.Jem’étaisimaginéque,dèsl’instantoù

Finn avait été démis de ses fonctions auprès de moi, il avait été aussitôt embauché pour pisterquelqu’und’autre.Etjemerendissoudaincomptequ’ilavaitdûyavoirunlapsdetempsmortavantledébutdesonemploisuivant,etqu’ilfallaitbienqu’ilaillevivrequelquepartpendantcetemps-là.S’iln’habitaitplusaupalais,lamaisondesesparentsdevaitlogiquementl’accueillir.Ilavaittrèspeuparléd’euxetilnem’étaitjamaisvenuàl’espritqu’ilspouvaientvivretoutprès.— Elora découvrira tout. Elle sait toujours tout, grommela Duncan comme je m’éloignais du

placard.—C’estpromis.Jenedirairienàpersonne.Enpassantdevantlemiroir,jedécouvrisquej’étaispâleavecunairfourbuetterrifié.CommeFinn

aimaitquemescheveuxnesoientpasattachés,jeleslaissaidéfaits,mêmesic’étaitunvraidésastre.—Ellefiniraparlesavoir,insistaDuncan.—Jem’arrangeraipourquetunesoispasviré,dis-je.Commeilmeregardaitavectoujoursautantdeméfiance,j’ajoutai:—Jesuislaprincesse.Ilfautbienquej’aieunpeudepouvoirtoutdemême.Ilhaussalesépaules,maisjevisquej’avaisréussiàlesoulagerunpeu.—Ilfautquej’yaille.Nedisàpersonneoùjesuis.—Ilsvontpaniquercomplètements’ilsnesaventpasoùvousêtespassée.—Ehbien…Jeregardaiautourdemoienréfléchissant.—Reste ici.Siquelqu’unvientmechercher, tudirasque jeprendsunbainetqu’onnepeutme

déranger.Noussommeschacunl’alibidel’autre.

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—Vousêtessûre?dit-ilenhaussantunsourcil.—Oui,mentis-je.Allez,jedoispartir.Etmerci.Duncan ne semblait toujours pas convaincu,mais je lui laissai assez peu de choix. Jem’élançai

hors du palais en essayant d’avoir l’air la moins suspecte possible. Elora avait placé pas mal depisteursensurveillanceautourdupalais,maisjeréussisàmefaufilersansqu’ilsmeremarquent.Enpoussantlesportespoursortir,jemerendiscomptequejenesavaismêmepaspourquoij’étais

tellementpresséedevoirFinn.Que ferai-jeune foisque je l’aurais revu?Leconvaincredeveniravecmoi?Lesouhaitais-jevraiment?Étant donné la façon dont les choses s’étaient soldées entre nous, après quoi étais-je en train de

courir?Jenepouvaisrépondreàcesquestions.Toutcequejesavais,c’étaitquejedevaislevoir.Jedévalai

larouteenlacetsverslesudenessayantdemesouvenirdesindicationsdeDuncan.

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DOUZEMembresdelafamille

Larouteengravierempruntaitunepenteescarpée.Sanslebêlementdeschèvres,jen’auraisjamaissusij’avaisprislabonnedirection.Au détour du chemin, j’aperçus la petite ferme blottie au creux de la falaise. Les vignes et les

buissons la cachaient au point que j’aurais pu ne pas la remarquer si ce n’était de la fumée quis’échappaitdelacheminée.Situéunpeuplushautsurunpréenterrasseaccrochéàlafalaise,l’enclosdeschèvresaulongpoil

blancdéfraîchiétaitprotégéparunebarrièreenbois.Lecielcouvertetlefroiddel’airneréussissaientpasàégayercepâletableau.Mêmelesfeuilles

doréesetrouges,unefoistombéesautourdelamaisondeFinn,avaientperdudeleuréclat.Maintenantquejemetrouvaislà,jenesavaisplusquefaire.Jepressaimesbrasautourdemoiet

meredressai.Allais-jefrapperàlaporte?Qu’avais-jeexactementàluidire?Ilétaitparti.Ilavaitfaitsonchoix,etjelesavais.Jemeretournaipourvoirlepalais,ensongeantqu’ilvalaitsansdoutemieuxquejerentrasseàla

maisonsanschercheràrevoirFinn.Unevoixdefemmem’arrêtacependantetjemeretournaiverslamaison.—Jevousaidéjàdonnéàmanger,ditlafemmequis’adressaitauxchèvres.Venantdelapetiteétablesituéeàl’autreboutdel’enclos,elletraversaitlepré.Lebasdesarobe

usée, qui balayait le sol, était tout crotté. Unmanteau sombre jeté sur les épaules, elle portait sescheveuxbrunsrelevésetattachésendeuxchignonssurlescôtés.Commeleschèvresl’entouraientenmendiantpourplusdenourritureetqu’elleétaitoccupéeàlesrepoussergentiment,ellenemevitpastoutdesuite.Lorsqu’ellem’aperçut,elleralentitlepasavantdes’immobiliser.Sesyeuxétaientaussinoirsque

ceuxdeFinn,etbienque trèsbeau,sonvisageavait l’airplus fatiguéque tousceuxque j’avaispucroiseràFörening.Ellenedevaitguèreavoirplusdequaranteans,etpourtant,sestraitsburinésetbrunisétaientceuxd’unepersonnequiavaitdûtravaillerdurtoutesavie.—Jepeuxvousaider?demanda-t-elleenseremettantenmarche.—Hum…Jeserrailesbrasautourdemoiplusfermementenregardantlehautdelaroute.—Jenepensepas.Elleouvritleportillon,repoussaleschèvresversl’intérieurdupréd’unclaquementdeboucheet

refermalabarrièrederrièreelle.Arrivéeàquelquesmètresdemoi,ellem’examinadehautenbas,d’unefaçonquejesentaispeubienveillante,enessuyantsesmainssalessursarobe.Ellefitunsignedetêteetsoupira.—Ilnefaitpaschaudparici,dit-elle.Vousnevoulezpasentreruninstant?—Merci,maisje…J’allaism’excuser,maisellem’interrompit.—Jecroisquevousferiezmieuxdeveniràl’intérieur.

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Elle se tourna et se dirigea vers la chaumière. Je restai dehors uneminute,me demandant si jedevaisounonm’enfuir,maiselleavait laissé laporteouverte, laissant lachaleur s’échapperde lamaison,enmêmetempsqu’unedélicieuseodeurderagoût.Leparfumdeslégumescuitsetpréparésavecamourcommecelan’existaitplusnullepart,toutcelasentaitsibon.Quandj’entraidanslamaison,elleavaitdéjàaccrochésonmanteauàlapatèreets’étaitapprochée

delacuisinièreventrue,poursaisirunecuillèreenboisettouillerleragoûtquifumaitdanslagrossemarmiteetembaumait.Lachaumièreétaitdotéeducharmemodesteetancienqu’ons’attendàtrouverchezlestrolls.Elle

me rappelait celledes septnainsdeBlanche-Neige.Le solen terrebattueétaitd’unbrunbrillantàforced’avoirétépiétiné.Latableaucentredelacuisineétaitenboisbrutépais.Unbalaiétaitappuyédansuncoinetunpot

de fleurs reposait sous chaque rebordde fenêtres, qui consistaient endepetitesouvertures rondes.Commelesfleursdujardincheznous,ellesseparaientdevioletetderosebienquelasaisondelafloraisonfûtlargementpassée.— Resterez-vous pour le dîner ? demanda-t-elle en émiettant quelque chose au-dessus de la

marmite.—Comment?interrogeai-je,surpriseparcetteinvitation.—J’aibesoindelesavoir.Elle se retourna pourme regarder en se frottant lesmains sur sa robe pour essuyer les épices

qu’ellevenaitdesaupoudrer.—Carjeferaidespetitspainssinousavonsunepersonnedeplusàdîner.—Oh,non,çava.Monestomaccommençaitdéjààgargouiller,maisjefisnondelatête,comprenantqu’elleavaiteu

peurquejem’imposeetquejen’étaispasréellementinvitée.—Mercibeaucoup.—Quevoulez-vousdonc,alors?Elle posa les mains sur ses hanches, et son regard était aussi dur et sombre que celui de Finn

lorsqu’ilétaitfâché.—Mais,je…vous…Jebafouillai,surpriseparlaquestion.—C’estvousquim’avezproposéd’entrer.—Vousrôdiezautourdecheznous.Jesaisquevousvoulezquelquechose.Saisissantuntorchonaccrochéprèsdubassinmétalliqueservantd’évier,ellesemitànettoyerla

tablequipourtantnemesemblaitpassale.—Pourquoinedites-vouspascequivousamène,qu’onenfinisse?—Savez-vousquijesuis?demandai-jedoucement.Jenevoulaispasavoirl’airarrogante,maisjenecomprenaispaspourquoielleréagissaitainsi.Et

siellesavaitquej’étaislaprincesse,pourquoiéprouvait-ellelebesoind’êtreaussicassante?—Biensûrquejesaisquivousêtes,dit-elle.Etjesupposequevoussavezaussiquijesuis.—Quiêtes-vous?luidemandai-je,mêmesijelesavais.

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—JesuisAnnaliHolmes,humbleservantedenotrereine.Ellearrêtad’épousseterlatableafindemeregarderdroitdanslesyeux.—JesuislamèredeFinn.Etsivousêtesvenuepourlevoir,iln’estpaslà.Moncœurauraitfondusijen’avaisétéaussiperturbéeparlamanièredontellemetraitait,comme

siellem’accusaitdequelquechose.Etjenesavaismêmepasdequoi.—Je…jene…bafouillai-je.Jesuissortiemepromener,carj’avaisbesoindeprendrel’air.Jene

cherchaisrienenparticulier.—Commetoujours,rétorquaAnnaliavecunsourirecrispé.—Vousmeconnaissezàpeine.Elleopina.—Peut-êtrebien.Maisj’aibienconnuvotremère.Elleseretournaenposantlamainsurledosd’unedeschaises.—Etjeconnaismonfils.Jecompristroptardd’oùvenaitsacolère.Sonmarietmamèreavaienteuuneaventureilyavait

fortlongtemps,etAnnalil’avaitappris.Alorsévidemment,ellem’envoulait.Pourquoin’yavais-jepaspenséplustôt?Etvoilàque jevenaisbouleverser laviede son fils, aprèsquemamère eutdétruit la sienne. Je

serrailesdents,comprenantsubitementquejen’auraisjamaisdûvenir.Jen’avaispasàennuyerFinn,niàheurtersafamilleplusqu’ellenel’avaitdéjàété.—Maman!Lavoixd’uneenfantappelad’uneautrepièceetAnnali,seressaisissant,fitminedesourire.La fillette, âgéed’environdouzeans, entradans lacuisineen tenantun livred’école toutabîmé.

Elleportaitdescouchesdevêtementsdéchirésconsistantenunerobeuséeetuntricotenlaine,maiselleavait l’air frigorifiéemalgré lachaleurde lamaison.Sachevelureétaitunfouillisdecheveuxfoncéssemblablesauxmiens,etelleavaitlesjouessales.M’apercevant,elleouvritgrandlaboucheetlesyeux.—C’estlaprincesse!—Oui,Ember,jelesaisbien,ditAnnaliavectoutelagentillessedontellesemblaitcapable.—Pardon,j’aioubliémesbonnesmanières,ditEmber.Elledéposasonlivresurlatablepourfaireunerapidepetiterévérence.—Ember,tun’espastenuedefaireça,pascheznous,lagrondaAnnalid’unairlas.—C’estvrai.Jemesensbêtequandlesgensfontça,assurai-je.Annalimedécochaundrôlederegardencoin.Quelquechosemeditqu’ellemedétestaitencore

plusdufaitquej’étaisd’accordavecelle.Commesijecherchaisàm’immiscerdansl’éducationdesesenfants.—OhmonDieu, princesse ! s’écria Ember en s’élançant pour contourner la table et venirme

saluer.Jen’arrivepasàcroirequevoussoyezcheznous!Quefaites-vouslà?Est-ceàcausedemonfrère?Ilestpartiavecmonpère,maisilrevientbientôt.Vousdevriezresterdîner.Toutesmesamiesvontêtremortesdejalousie,àl’école.Seigneur!VousêtesencoreplusbellequeFinnnousl’avaitdit!

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—Ember!tranchaAnnaliencomprenantqu’Embern’arrêteraitpas.Nesachantplusquerépondre,jerougisetdétournailesyeux.Mêmesijecomprenaisqu’ilpouvait

êtreexaltantde rencontreruneprincesse, jenevoyaispascequ’ilpouvaityavoird’excitant àmerencontrer.—Pardon,s’excusaEmber,sansquecelanerefroidîtpourautantsonenthousiasme.J’avaissupplié

Finndemeprésenteràvousetil…—Ember,vafairetesdevoirs,lançaAnnalisansnousregardernil’unenil’autre.—Jesuislàparcequ’ilyauntrucquejenecomprendspas,réponditEmberendésignantsonlivre

declasse.—Ehbien,passeàautrechose,alors.—Mais,maman!gémitEmber.—Toutde suite,Ember, rétorquaAnnali fermement, surun tonque j’avaisbienconnuquand je

vivaisavecMattetMaggie,etqu’ilsmegrondaient.Embersoupiraenreprenantsonmanuel,puisellerepartitverssachambreentraînantdespieds.Je

l’entendisencoregrommelerquelquechoseàproposdelaviequiétaitinjuste,maisAnnalil’ignora.—Votrefilleestcharmante,dis-jeunefoisqu’Emberfutpartie.—Nemeparlezpasdemesenfants,décochaAnnali.—Pardon.Jemefrottailesbras,sansplussavoirquoifaire.Jenesavaismêmepluspourquoij’étaislà.—Pourquoim’avez-vousfaitentrersivouspréférieznepasmevoir?—Commesij’avaislechoix.Ellelevalesyeuxaucielenretournantàsesfourneaux.—Vousêtesvenuevoirmonfilsetjesaisbienquejen’aipasledroitdevousenempêcher.—Jenesuispas…Jem’interrompis.—JevoulaisjusteparleràFinn,pasvousl’enlever.Jesoupirai.—Jevenaisjusteluidireaurevoir.— Vous partez quelque part ? demanda Annali en me tournant toujours le dos pendant qu’elle

touillaitsonragoût.—Non.Non,jenepeuxallernullepart,mêmes’ilexistaitunendroitoùj’aieenvied’aller.Jerelevailesmanchesdemonchemisierenbaissantlesyeux.— Je ne voulais vraiment pas vous importuner. Je ne saismême pas pourquoi je suis venue. Je

savaisbienqu’ilvalaitmieuxnepaslefaire.—Vousn’êtesvraimentpasvenuepourl’emmener?Annaliseretournapourmefixerduregardenplissantlesyeux.—Ilestparti,dis-je.Jenepeuxpasleforceràrevenir…Etjenelesouhaiteraispas,mêmesijele

pouvais.Jesuisdésoléedevousavoirdérangée.—Vousn’avezdécidémentrienàvoiravecvotremère.Annalisemblaitsurprise.Jerelevailesyeux.

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—Finnm’avaitditquevousneluiressembliezpas,maisjenel’avaispascru.—Merci,répondis-je.Jeveuxdire…Jeneveuxpasluiressembler.J’entendisdesvoixd’hommesau-dehors.Lesmursdelafermetteétaientincroyablementminceset

jejetaiuncoupd’œilparlapetitefenêtrequicôtoyaitlaporte.Àtraverslecarreaugauchiettrouble,jedistinguaideuxsilhouettesquiapprochaientdelamaison.—Lesvoilà,soupiraAnnali.Moncœursemitàbattrelachamadeetjeserraimesmainsl’unecontrel’autrepourlesempêcher

de trembler. Je n’avais toujours pas la moindre idée de ce que je faisais là, et en voyant Finnapprocherdelaporte,jen’eusqu’uneenvie:n’êtrejamaisvenue.Jenesavaisabsolumentpasquoiluidire.Ilyenavaitpourtanttellement,maisçan’étaitnilelieu,nilemoment.La porte de la chaumière s’ouvrit en laissant pénétrer un vent froid, dans lequel j’aurais voulu

pouvoirm’engouffreretfuir.Maisunhommemebloquait lepassage, l’airaussiahurietgênéquemoi.Comme il s’arrêta net sur le seuil, Finn ne put avancer. Pendant uneminute, ilme dévisageasimplement.IlavaitlesyeuxplusclairsqueFinnetleteintplushâlé,maisilyavaittantdeFinnenlui,quejesus

immédiatementquec’étaitsonpère.Ilétaitplutôtbeau,avecunepeauvisiblementplusdouceetdespommettesplushautesquecellesdesonfils.MaisFinnétaitbienplusrudeetfort.Jepréféraiscela.—Princesse,dit-ilaprèsunlongsilence.—Oui,Thomas,lançaAnnalisanschercheràcachersonirritation.C’estlaprincesse,maintenant,

entrezaulieudefaireentrerl’airfroiddanslamaison.—Jevousdemandepardon,ditThomasensecourbantdevantmoi.Ensuite,ilfitunpasenavant,permettantàFinnd’entreràsontour.Finnnefitpasdecourbetteetneditriendutout.Ilaffichaunvisagesansexpressionetsesyeux

étaienttropsombrespourylirequelquechose.Ilcroisalesbrassursapoitrineennemequittantpasdesyeux,sibienquejedétournaileregard.L’airmesemblaitirrespirable,etjenevoulaispasêtrelà.—Qu’est-cequinousvautceplaisir?lançaThomas,puisquepersonnenedisaitrien.Ils’étaitapprochéd’Annalietavaitposésonbrassurlesépaulesdesafemme.Ellerouladesyeux,

sansrepoussersonbras.—Jeprenaisl’air,marmonnai-je.J’avaisdumalàarticulertantmamâchoireétaitparalysée.Maisjemeforçai.—Nedevriez-vouspasrentrerchezvous?s’enquitAnnali.—Si.J’opinai,soulagéedepouvoirsaisircetteperchepourm’échapper.—Jeteraccompagne,ditFinn,quis’exprimaitpourlapremièrefois.—Finn,jenecroispasquecelasoitnécessaire,ditAnnali.—Jedoism’assurerqu’ellerentrebienàlamaison,réponditFinn.Ilouvritlaporteenlaissantentrerlefroid,quimefitl’effetd’unedélivrancetantl’airétaitdevenu

irrespirabledanscettecuisine.—Prête,princesse?—Oui.

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J’avançaid’unpasverslaporteenfaisantunvaguesignedelamainàAnnalietThomas,maissansmeretourner,carjen’avaisaucuneenviedelesregarder.—J’aiétéraviedevousrencontrer.DitesàEmberquejelasalue.—Vousêteslabienvenuequandvousvoulez,princesse,ditThomas.J’entendisAnnaliluiflanqueruncoupdecoudealorsquejesortaisdelamaison.Je respiraiprofondémentavantdem’engager sur la routeengravier.Lespierresblessaientmes

piedsnus,maisçam’étaitégal.JepréféraiscettesensationàlatensionbizarrequirégnaitentreFinnetmoi.— Il n’est pas nécessaire que tu m’accompagnes plus loin, dis-je doucement quand nous

atteignîmesleboutducheminengravier.Àpartirdelà,laroutesetransformaitenunlisseruband’asphaltequiconduisaitaupalais.—Si,jeledois,réponditFinnfroidement.C’estmondevoir.—Plusmaintenant.—Mon devoir est toujours de respecter les désirs dema reine, et son plus cher désir est de te

garderensécurité,dit-ilsuruntonpresquesarcastique.—Jemepassetrèsbiendetongardiennage.J’accélérailepas.—Quelqu’unsait-ilaupalaisquetuespartie?demandaFinnenmejetantunregardencoin,tandis

qu’ilmerattrapaitenaccélérantàsontour.Commentas-tusuoùj’habitais?Jene répondis rienparceque jenevoulaispascréerd’ennuisàDuncan,maisFinncomprit très

vite.—Duncan?Excellent.—Oui,Duncan remplitparfaitementsonoffice, rétorquai-je.Etc’estbienceque tudoispenser,

sansquoitunem’auraispaslaisséesoussaprotection.—Ce n’est pasmoi qui décide de qui doit te garder, répliqua Finn. Tu le sais très bien. Je ne

comprendspaspourquoitum’enveuxàcesujet.—Jenet’enveuxpas!J’accéléraiencore lepasetmarchai siviteque jecouruspresque.Celaneme réussitpas, car je

trébuchaicontreunepierrepointue.—Mince!—Çava?medemandaFinnens’arrêtantpourvoircequisepassait.—Oui,j’aibutésurunepierre.Jemefrottailepied.Commejenesaignaispas,jereprismamarche.Celafaisaitunpeumal,mais

j’ysurvivrais.—Pourquoineprenons-nouspastavoiture?—Parcequejen’enaipas.Finnralentitlepasenenfonçantlesmainsdanssespoches.Jeboitaisunpeuetiln’offritpasdem’aider.Jen’auraisdetoutefaçonpasaccepté,maislàn’était

pasleproblème.—Etc’estquoicetteCadillacquetuconduistoutletemps?

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—ElleestàElora.Ellemelaprêtepourtravailler,commeàn’importequelpisteurd’ailleurs.Maislesvoituresnenousappartiennentpas.Riennem’appartientenréalité.—Ettesvêtements?demandai-je,surtoutpourl’agacer.Jemedoutaisbienqu’ilsétaientàlui,maisj’avaisbesoindecontinueràargumenteràproposde

quelquechose.—Tuasvucettemaisonderrièrenous,Wendy?Finn s’arrêta en montrant la fermette. Nous avions avancé trop loin pour pouvoir encore la

distinguer,maisjeregardailesarbresquienbarraientlavue.—C’estlamaisondanslaquellej’aigrandietoù,probablement,jemourrai.C’estçaquej’ai.C’est

toutcequejepossède.—Jen’airiennonplusquisoitréellementàmoi,dis-je.Iléclatad’unriresombre.—Tunecomprendstoujourspas,Wendy.Lesyeuxbraquéssurmoi,ilsefenditd’unsourireamer.—Jenesuisqu’unpisteur,alorsarrêteunpeutoutça.Vatenirtonrôledeprincesse,faiscequ’ily

ademieuxpourtoi,etlaisse-moifairemonboulot.—Jen’avaispasl’intentiondet’importunerettun’aspasàmeraccompagneràlamaison.Meretournant,jemeremisàmarcherplusrapidement,etbienplusvitequemespiedsnel’auraient

voulu.—Jeveuxm’assurerquetuyarrivesentoutesécurité,répliquaFinnenmesuivantquelquespasen

arrière.—Situfaisjustetonboulot,alorsfais-le!dis-jeenm’arrêtantànouveaupourluifaireface.Mais

jen’enfaispluspartie,n’est-cepas?— Non, en effet ! cria Finn en s’arrêtant plus près de moi. Pourquoi es-tu venue chez moi

aujourd’hui?Tucroyaisqueçamèneraitàquoi?—Jenesaispas!hurlai-je.Maistunem’avaismêmepasditadieu!—Enquoisedireadieuaiderait-ilenquoiquecesoit?Ilsecoualatête.—Celan’aideenrien.—Si,çaaide!insistai-je.Tunepeuxpasm’abandonnercommeça!—Illefaut!Sesyeuxnoirsbrillantsmefaisaientchavirer.—Tudoisêtreprincesseetjenepeuxempêchercela.Jeneleferaipas.—Jecomprendsbien,mais…Mesyeuxseremplirentdelarmesetjeduslesravaler.—Tunepeuxpascontinueràtecomporterainsi.Tudoisaumoinsmedireadieu.Finnfitunpasdeplusversmoi.Sesyeuxconsumaienttoutd’unefaçonquin’appartenaitqu’àlui,

aupointquel’airglacésemblaitfondreautourdenous.Jemepenchaiverslui,toutencraignantqu’ilneremarquâtcombienmoncœurbattaittropfortdansmapoitrine.Jelevailesyeuxverslui,priantpourqu’ilmetouchât,maisilnelefitpas.Ilnebougeapas.

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—Adieu,Wendy,ditFinnsidoucementquejepusàpeinel’entendre.—Princesse!criaitDuncanauloin.JetournailatêtepourapercevoirDuncan,qui,unpeuplushautsurlaroute,agitaitlesbrascomme

unfou.Lepalaisétaitjustelà,derrièrelui,alorsquejenem’enétaispasvraimentrenducompte.JeregardaiànouveauFinn,etvisqu’ils’étaitéloignédemoietretournaitchezlui.—Ilteraccompagnerajusquecheztoi.FinnmontraDuncandudoigtenfaisantunpasdeplus.Commejenedisrien,ils’arrêta.—Tunemedispasadieu?—Non,rétorquai-jeensecouantlatête.—Princesse!criaencoreDuncan.Etjel’entendiscourirversnous.—Princesse,Matts’estrenducomptequevousétiezpartieetilallaitalerterlesgardes.Ilfautque

jevousramèneavantqu’ilnelefasse.—J’arrive.JemedirigeaiversDuncanentournantledosàFinn.JesuivisDuncanjusqu’aupalais,sansregarderuneseulefoisenarrière.J’étaisplutôtfièredemoi.

Jenel’avaispasincendiépournepasm’avoirparlédemonpère,maisj’avaisréussiàplacerunbonnombredechosesquejevoulaisluidire.—JesuisheureuxquecesoitMatt,etnonElora,quisesoitrenducomptequevousétiezpartie,dit

Duncanalorsquenousabordionsladernièrecourbeavantlepalais.Larouteasphaltéeavaitcédélaplaceàunealléedegaletsquiplaisaitdavantageàmesplantesdepieds.—Duncan,est-ceainsiquetuvis?demandai-je—Quevoulez-vousdire?—CommeFinndanscettemaison?Jeladésignaidupouce.—Tuvisdansunechaumièrecommecelle-ci?Jeveuxdire,quandtun’espasoccupéàpister?—Oui,àpeuprès,opinaDuncan.Jecroisquelamienneestunpeumieux,maisjevisavecmon

oncle,quiétaitvraimentunexcellentpisteuravantsaretraite.Maintenant,ilestprofesseuràl’écoledesmänks,cequin’estpastropmalpourlui.—Tuvisdanslecoin?demandai-je.—Oui.Ilmemontralesommetdelacolline,aunorddupalais.—Mamaisonestbiencachéedanslafalaise,maisc’estjustelà,unpeuplushaut.Ilmeregarda.—Pourquoi?Vousvoulieznousrendrevisite?—Non,pasmaintenant.Maismercipourtoninvitation.C’étaitjusteparcuriosité.Est-ceainsique

viventtouslespisteurs?—CommemoietFinn?Duncanréfléchituninstant,puisopina.

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—Oui,c’estàpeuprèscommeçapourtouslespisteursquitravaillentdanslesecteur.PendantqueDuncanpassaitdevantpourouvrirlesportesd’entrée,jem’arrêtaipourcontemplerle

palaissurl’immensefaçadeduquels’entrelaçaientdesvignesvierges.Quandlesrayonsdusoleillefrappaient,ilbrillaitmagnifiquement,d’uneblancheurpresqueaveuglante.—Princesse?Duncanm’attendaitdevantlesportesouvertes.—Toutvabien?—Mourrais-tupourmesauver?luidemandai-jeabruptement.—Quoi?—Sij’étaisendanger,accepterais-tudemourirpourmesauver?Est-cequed’autrespisteursont

déjàfaitça?—Oui,biensûr.Beaucoupd’autrespisteursontdéjàdonnéleurviepourleroyaumeet jeserais

honoréd’enfaireautant.—Nelefaispas.J’approchaidelui.—Sijamaistudevaischoisirentretavieetlamienne,sauvetapeau.Jenevauxpaslapeinequ’on

meurepourmoi.—Princesse,je…—Aucundenousn’envautlapeine,dis-jeenleregardantsérieusement.Nilareine,niaucundes

markisoumarksinnas.Ceciestunordredirectdelaprincesseettudoislesuivre.Sauve-toid’abord.—Jenecomprendspas.LevisagedeDuncansetroubla.—Mais…sic’estcequevousdésirez,princesse.—C’estlecas.Merci.Jeluisourisetentraidanslepalais.

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TREIZECaptif

ÀlagrandedéceptiondeTove,lasalledebalavaitétédéblayéedetouslesdébrisquijonchaientlesol,maislaverrièrebriséeétaittoujourscouvertedebâches.Tove,quiavaitappréciélaprésencedecesdébrisparcequ’ilsmefournissaientdequoim’exercer,seditqu’après tout, lesbâchesseraientplusfaciles.Duncan ne viendrait pas aujourd’hui. Je crois que sesméninges commençaient à être lessivées,

après que je les eus un peu trop sollicitées. Comme il avait ressenti de drôles d’ondes cérébraleslorsquej’essayaistropfort,nousnoussommestousditqu’ilseraitpréférablequ’ilaillesebaladerailleursquelquetemps.Pendantdesheures,j’essayaidefairebougerlesbâches,ettoutcequej’obtinsfutlapropagation

d’une légèreondulationde lamatièreplastique.Mêmecelameparaissaitdiscutable.Toveprétenditquec’étaitprobablementlefaitdemonaction,maisjesoupçonnaiscelled’unebourrasque.Jecommençaisaussiàavoirmalà la têteet jemefaisais l’effetd’une imbécile, lesbras levésà

poussersurriendutout.—Ilnes’estrienpassé,soupirai-jeenlaissantretombermesbras.—Essayezplusfort,répliquaTove,allongéausolàcôtédemoi,lesbrasrepliéssouslatête.—Jenepeuxpas.Jem’affalaisurlesold’unefaçonfortpeuféminine,maisjesavaisqueToves’enfichait.J’avais

mêmelesentimentqu’ils’étaitàpeineaperçuquej’étaisunefille.—Jenecherchenullementàmeplaindre,maisêtes-voussûrquejepeuxvraimentyparvenir?—J’ensuiscertain.—Certes,maissij’allaisjusqu’àlaruptured’anévrismeàforced’essayerdeschosesdontjesuis

incapable?—Maisnon,dit-ilsimplement.Levant lesbras enouvrant lespaumesdesmains, il fit bouger labâcheau-dessusde lui.Elle se

soulevaetse tenditentre lescordesélastiquesqui la retenaient,puisellese remitenplaceet ilmeregarda.—Faitesça.—Nepourrais-jeplutôtfaireunepause?demandai-jeenlesuppliantpresque.Jecommençaisàtranspirerdufrontetdesmèchesdecheveuxmecollaientauxtempes.—Sic’estvraimentnécessaire.Ilbaissalesbrasetlesrepliasoussatêteànouveau.— Si vraiment cet exercice est trop dur, il faudrait peut-être que vous travailliez davantage là-

dessus.Demain,vousrecommencerezavecDuncan.—Non,jeneveuxpluspratiquersurDuncan.Jeremontailesgenouxpouryposerunejoue.—Jen’aipasenviedeledémolir.—EtRhys?Pouvez-vousvousexercersurlui?

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—Non.C’estabsolumenthorsdequestion.Jefixaiunpointsurlesolenmarbreenréfléchissantuninstant.—Jeneveuxpasm’exercersurlesgens.—C’estpourtantlaseulefaçondeprogresser,ajoutaTove.—Jesais,mais…Jesoupirai.—Jen’aipeut-êtrepasenvied’yarriver.Jeveuxdire,exercercepouvoir,oui,ça,jeveuxbieny

parvenir. Mais je ne veux pas devoir l’exercer sur des êtres humains. Même sur des personnesmauvaises.Celanemesemblepascorrect.—Jecomprendscela.Ils’assitetcroisalesjambesentailleurensetournantversmoi.—Maisapprendreàrenforcervotrepouvoirnepeutêtreunemauvaisechose.—JesuispluspuissantequeDuncan,n’est-cepas?—Biensûr!dit-il—Danscecas,pourquoiest-celuiquimegarde?demandai-je.Sijesuisplusfortequelui?—Parcequ’ilestremplaçable,réponditTovesimplement.Jedusavoirl’airhorrifiée,carilsedépêchad’ajouter:—C’estainsiquelareinevoitleschoses,quelasociététryllefonctionne.Et…pourdireleschoses

honnêtement…jesuisd’accordaveccela.—Vousnepouvezpasdécemmentpenserquemavieaplusdevaleursimplementparcequejesuis

uneprincesse?questionnai-je.Lespisteursviventdanslamisèreetnousnousattendonsàcequ’ilsmeurentpournous.— Ils ne vivent pas dans la misère, mais en dehors de cela, vous avez raison. Le système est

totalementabsurde,ditTove.Lespisteurssontcouvertsdedettesdepuisleurnaissance,pourlasimpleraisonqu’ilssontnésicietqu’onnelesajamaisenvoyésrécolterunhéritagequelquepartdanslemonde.Ilssontserviteursàviedepèreenfils,cequiestunefaçonpoliedeparlerd’esclavage.Ettoutceciesttotalementinjuste.C’estseulementaprèsqueTovel’eutexpriméquejemerendiscompteàquelpointilavaitraison.

Lespisteursnevalaientguèremieuxquedesesclavesetc’étaitécœurant.—Maisilfautbienquevousayezdesgardes,continuaTove.D’unefaçonoud’uneautre,toutchef

vivantdanslemondelibredisposedegardesducorps,mêmelesvedettesdelachanson.Celan’ariend’effarant.—Oui,mais dans lemonde libre, les gardes du corps sont salariés. Ils choisissent leur travail.

Personnenelesforce.—VouscroyezqueDuncanaétéforcé?OuFinn?Ilssesontportésvolontairespourceboulot.

Touslefont.Vousprotégerestunimmensehonneur.Dureste,vivreaupalaisn’estpasnonpluscequ’ilyadepire.—Jeneveuxpasquequelqu’unsoitblesséàcausedemoi,dis-jeen le regardantdroitdans les

yeux.—Bien.

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Unsourirenarquoiss’installasurseslèvres.—Alors,apprenezàvousdéfendre.Bougezlesbâches.Prêteàdompterlesbâchesunefoispourtoutes, jemerelevai,quandlesonstridentd’unesirène

retentit.—Vousavezentendu?demandaToveenpenchantlatêteversmoi.—Oui,biensûr!criai-jepourêtreentenduepar-dessuslevacarme.—Jevoulaisjusteêtrecertaindenepasêtreleseulàl’entendre,indiquaTove.Cecimefitm’interrogersurcequ’ilpouvaitbienentendredanssatêteenpareilcas.Jesavaisqu’il

entendait des chosesquepersonned’autrenepercevait,mais si cela incluait desbruits commedessonneriesdesirènes,jecomprenaismieuxpourquoiilavaittoujoursl’airaussiperturbé.—C’estquoi?demandai-je.—L’alarmeincendie,peut-être?Ilhaussalesépaulesetsereleva.—Allonsvoir.Lesmainssurlesoreilles,jelesuivishorsdelasalledebal.Àpeineétions-nousdanslecorridor

que l’alarme se tut. Mais mes oreilles continuaient de vibrer. Nous étions dans l’aile sud, où seréglaient les affaires, et je vis dans le couloir surgir un certain nombre d’associés de la reine. Ilsexaminaientautourd’eux.—Pourquoicettesirènes’est-elledéclenchée?hurlalareinedepuislehalld’entrée.Sesparolesproduisirentunautreéchodansmatête.J’avaishorreurdecesordresqu’elle lançait

partransmissiondepenséequandelleétaitencolère.Jeneparvinspasàentendrelaréponseàsaquestion,maisilétaitclairqu’unegrosseagitationavait

lieu,ponctuéedegrognements,dehurlements,declaquementsdeportesetdebruitsdebagarre.Ilsepassait quelque chose en bas, dans la rotonde. Sans hésitation,Tove se dirigea vers l’endroit d’oùprovenaientlesbruitsetjeluiemboîtailepas.—Oùl’avez-voustrouvé?demandaElora,maiscettefoisjenel’avaispasentendudansmatête

puisquenousétionsassezprêtsduhalld’entréeetqu’ellecriaitassezfort.—Ilsebaladaitdansl’enceinte,ditDuncan.Jecourusenentendantlesondesavoix.Jenesavaispasdansquoiilavaitmislespieds,maiscela

nesentaitpasbon.—Ilvenaitd’assommerundesgardes,quandjel’aivu.Elora était debout aumilieu de la courbe de l’escalier quand j’atteignis le hall. Elle portait une

longue robe de chambre. J’en déduisis qu’elle était couchée, aux prises avec une de ses horriblesmigrainesquand l’alarmes’étaitdéclenchée.Elleobservait lapièceavecunhabituelairdedédain,toutensefrottantlestempes.Lesportesd’entréeétaientrestéesgrandesouvertes, laissantpénétrerunechutedeneigematinale

pousséeparlevent.Ungroupedegardessemblaitbatailleraucentredelarotondetandisqueleventsoufflaitparrafalesensecouantleslustresau-dessusd’eux.Duncansetenaitàl’écart,àmongrandsoulagement,carlabagarrenesemblaitpasàleuravantage.Cinq ou six gardes au moins essayaient de maîtriser un individu qui se débattait au milieu du

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groupe.Deuxd’entreeux,pourtantgrandsetmusclés,neparvenaientpasàmaîtriser le type. Jeneparvenaispasàvoirsonvisageparcequ’ilnefaisaitqueglisseraumilieud’eux.—Ilsuffit!hurlaElora.Soncrimetransperçalecerveauenprovoquantunedouleurintense.Tovecontinuaitdesetenir la têteàdeuxmainsenpressantfortementsursoncrâne,mêmeaprès

queladouleursefutdissipéedansmoncerveau.Aux ordres d’Elora, les gardes s’écartèrent en laissant l’individu seul au centre du cercle. Je

découvrisenfinquelétaitl’objetdetoutceremue-ménage.Ilmetournaitledos,maisc’étaitleseultrollquejeconnaissaisavecdescheveuxblondsaussiclairs.—Loki?lâchai-je,plussurprisequ’autrechose.Ilsetournaversmoi.—Princesse.Ilmefitunsouriredetraversetsesyeuxpétillèrentenmevoyant.—Tuleconnais?demandaElora,laboucheànouveaupleinedevenin.—Oui.Enfin,non.—Allonsprincesse,voyons,noussommesdevieuxamis,lâchaLokiavecunclind’œil.IlsetournaversEloraenessayantdelagratifierdesonsourireleplusconquérantetouvritgrand

sesbras.—Noussommestousdevieuxamisici,n’est-cepasVotreMajesté?Eloraplissadesyeuxenlefixantduregard.Lokitombasoudainsurlesgenouxavecunhorrible

crigutturaletsetintl’estomacàdeuxmains.—Stop!criai-jeencourantverslui.Laported’entréeclaquaaumêmemoment,faisantvacillerleslustres.EloraquittaLokiduregardpourleposersurmoi,maisheureusement,elleneprovoquapasenmoi

lamêmeatrocedouleur.Jem’immobilisaiavantd’atteindreLoki.Ils’étaitécroulé,lefrontcontrelesol enmarbre. Je l’entendais étouffer et chercher sa respiration. Il tourna la tête pourque jene levissepassouffrir.—Etpourquoidoncdevrais-jecesser?s’écriaElora.Unemainsurlaramped’escalier,ellel’agrippaitsifortquesespoignetsblanchissaient.—Cetrollaessayéd’entrericipareffraction.N’est-cepas,Duncan?—Oui.Duncan,quimeregardal’espaced’uninstant,n’avaitpasl’airtrèssûrdelui.—Jecroisbien.Entoutcas,ilavaitl’air…suspect.—Uncomportementsuspectnetedonnepascarteblanchepourtorturerunindividu!lançai-jeà

Elora.Sonexpressionne fitquesedurcirdavantage. Jesavaisqu’endisantcela jen’arrangeraispas la

situation,maisjenepouvaism’enempêcher.—IlestunVittra,n’est-cepas?s’enquitElora.—Oui,c’estexact,mais…Jem’interrompispourregarderLoki.

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Levisagetoujourscrispé,ilavaitréussiàs’asseoiretàseressaisirunpeu.—Ilaétébonavecmoiquand j’étais là-bas. Ilnem’a faitaucunmal, ilm’amêmeaidée.Nous

devrionsaumoinsluimontrericilemêmetypederespect.—Est-cevrai?luidemandaElora.—Oui,c’estvrai.Ils’assitsurlestalonspourlavoir.—J’aidécouvertque j’obtenaisplus facilementceque jevoulaisavecuneattitude respectueuse,

plutôtqueparuneinutileformedecruauté.—Commentt’appelles-tu?demandaElorasanss’émouvoirdesondiscours.—LokiStaad,dit-ilenlevantfièrementlementon.—J’aiconnutonpère.Unsouriren’ayantriendeplaisants’ébauchasurleslèvresd’Elora.Ilressemblaitplutôtàceluique

feraitunadulteaprèsavoirchipélebonbond’unenfant.—Jeledétestais.—Celamesurprend,VotreMajesté,déclaraLokienluisouriantlargement,dissipanttoutsignede

l’agoniedans laquelle il s’était trouvéquelques instantsplus tôt.Monpèreétaitun froidet sombrecrétin.Toutàfaitlegenrequevousaimez.—C’estamusant,parcequej’allaisjustementtedirequetuluiressemblesterriblement.Le sourire glacial d’Elora se figea alors qu’elle descendait les dernièresmarches de l’escalier.

Lokiavaitparfaitementréussiànepassetroubler.—Tuimaginessansdoutequetescharmestesortirontden’importequellesituation.Leproblème,

c’estquejenetetrouvepascharmantdutout.— C’est bien dommage, Votre Majesté, parce que malgré tout le respect que je vous dois, je

pourraisébranlertoutvotremonde.Elora éclata d’un rire qui résonnaplus commeun ricanement en se répercutant sur lesmurs. Je

voulais crier à Loki d’arrêter de la provoquer. J’aurais voulu savoir faire les transmissions depenséesdontElorausaittoutletemps.Maisjedevaisd’abordm’assurerqu’Eloran’allaitpastuerLokisur-le-champ.Ilavaitrisquésavie

àOndarikepourm’aider.Nousn’avionspasbeaucoupparlé,maisils’étaitmisendangerpourmoi.Avantdequitter le palais vittra, il y eut unmomentoù j’avais failli lui demanderdepartir avec

nous. Je ne l’avais pas fait et je n’étais pas sûre d’avoir pris la bonne décision. Quelque chosed’étrange sepassait entreLoki etmoi, une affinité particulièreque je ne comprenais pas et que jen’auraispasdûressentir.Cequim’avait leplus surprise lorsqueLokinousavait aidésànouséchapper, c’étaitqu’il avait

désobéi aux ordres. Il avait la charge des gardiens quime surveillaient et avait fait preuve d’uneinsubordinationpassibledepeinedemort.Etpourtant,ilavaitpréférémasurvieàsondevoir,défiantsonroietsonroyaume,quelquechose

queFinnneferaitjamais.Elora s’immobilisa devant lui. Loki, toujours à genoux, la regardait, et j’aurais préféré qu’il

abandonnâtcestupidesouriremoqueurquinefaisaitquelabraquer.

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—Tun’esqu’uneinfimecréaturesansimportance,dit-elleenle toisant.Je teferaidisparaître lejouroùj’enauraienvie.—Jesais,acquiesçaLoki.Sesyeuxnoirsbraquéssur lui,elle ledévisageasuffisamment longtempspourque jecomprisse

qu’elle était en train de lui faire un de ses trucs. Il ne se tordit pas de douleur, mais son sourirenarquoisdisparut.Ellesoupiralourdementavantdedétournerlesyeuxpours’adresserauxgardes:—Emmenez-le,dit-elle.Deuxdes gardes les plus grands vinrent saisirLoki sous les bras pour le soulever par-derrière.

Complètementassomméaprèscequ’Eloraluiavaitfait,Lokineparvenaitmêmepasàtenirdebout.—Oùl’emmènent-ils?demandai-jeàElorapendantquelesgardesl’emportaient.LatêtedeLokioscillaitd’avantenarrière,maisilétaitconscientettoujoursvivant.—Peuimporteoùilsl’emmènent,oucequiluiarrive,celaneteregardepas,chuintaElora.Elle lança un regard autour d’elle afin que les gardes se dispersent. Duncan s’attarda en

m’attendant, et Tove se tint quelques pas en arrière. Ce que j’aimais bien avec Tove, c’était qu’iln’étaitjamaisintimidéparmamère.—Un jour, je serai reine et je saurai ce qu’on fait des prisonniers, dis-je après avoir cherché

l’argumentlemoinsidiotpossible.Elledétournaleregardetneditrienpendantuninstant.—Elora,oùl’emmènent-ils?—Auquartierdesdomestiquespourlemoment,répondit-elle.Ellejetauncoupd’œilversToveetj’euslesentimentques’iln’avaitpasétélà,cetteconversation

aurait été passablement différente. Aurora, la mère de Tove, voulait renverser ma mère, si bienqu’ElorapréféraitqueniToveniellenesoienttémoinsd’unequelconquefaiblesseoud’untroubledesapart.Etautant jen’étaispasd’accordavecsesméthodes,autant jecomprisqu’ilvalaitmieuxrespectersesdésirsenlacirconstance.—Pourquoi?Ilnevapass’enaller?demandai-je—Non. Impossible. S’il essayait, avec ce que je lui ai fait, il s’écroulerait de douleur, répondit

Elora. Je sais que nous devons construire une vraie prison,mais le chancelier ymet toujours sonveto.Lerésultat,c’estquejesuisbienobligéedelegarderlàoùnousavonsdelaplace.Ellesoupiraetsefrottalestempes.—Nousauronsuneréunionpourdéciderdecequenousferonsdelui.—Queferons-nousdelui?demandai-je.—Tun’aurasqu’àassisteràlaréunionpourcomprendrevraimentcequesignifieêtrereine.Mais

tun’auraspasledroitdeprendresadéfense.Sesyeuxseposèrentsur lesmiens,dursetbrillants,ets’adressantdirectementàmonesprit,elle

dit:Tunepeuxpasledéfendre.Ceseraitunactedetrahison,etlaprisedepositionensafaveurquetuasmanifestée,mêmeinfime,pourraittevaloirl’exilsiToverapportaitlachoseàsamère.Elle semblait plus épuisée qu’un peu plus tôt. Sa peau lisse, habituellement d’une blancheur de

porcelaine, venait de laisser apparaître de nouvelles rides autour de ses yeux. Elle posa pendant

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quelquessecondeslamainsursonplexuspourreprendresonsouffle.—Ilfautquejem’allongeunmoment,ditEloraentendantlebras.Duncan,s’ilteplaît,conduis-

moiàmesappartements.—Oui,VotreMajesté.Duncan se précipita pour l’aider,mais en passant devantmoi, ilm’adressa une sorte de sourire

d’excuse.Jemecontentaidesecouerlatête,nevoyantpascequ’ilauraitpufaired’autre.LesVittrasavaient

essayé de me tuer ainsi que Finn, Tove et mon frère, en somme, presque toutes les personnesauxquellesjetenais,etLokifaisaitpartiedugroupe.Jen’avaispasledroitdeprendreladéfensedesVittras,maispourLoki,c’étaitdifférent.Mêmesi jesavaisque lefaitdesurgirainsiparaissaitsuspect,Lokin’avait rienfaitqui justifiait

qu’onletorture.Jen’étaispasd’accordqu’onlelaisseentièrementlibredesesmouvements,maisjevoulaisluiaccorderlebénéficedudoute.Jesouhaitaisdécouvrircequ’ilfaisaiticiavantdedéciderdel’enfermeretdejeterlaclé.Dèsqu’Elora futpartie, j’inspiraiprofondémentet secouai la tête. Jesavaisque jen’avais réussi

qu’àl’exaspérerunpeuplusetquecelan’arrangeraitrien.—C’étaitbien,meditTove.J’avaispresqueoubliésaprésence.Jemeretournaiverslui,pourconstaterqu’ilmesouriaitavec

unétrangeairdesatisfactionmêlédefierté.—Quevoulez-vousdire?J’aitoutfaitpouraggraverleschoses.Eloraestfurieusecontremoiet

ellereporterasacolèresurLoki.Deplus,jenesaismêmepaspourquoiilestlà,nipourquoiilestvenuicitoutseul.J’essaiedelesecourirsanssavoirquelssontsesvéritablesmotifs.—Non,çac’esttrèsmalpassé,concédaTove.Jevoulaisparlerdelaporteetdulustre.—Quoi?—AumomentoùEloratorturaitLoki,vousavezfaitclaquerlaporteetlelustreatremblé.Tovegesticulaitpourmontrerlesdeuxobjets,commesicelapouvaitavoirpourmoilemoindre

sens.—Ils’agissaitduvent,jecrois.—Non,c’estvousquiavezfaitça,m’assuraTove.C’était involontaire,maisvous l’avezfait.Et

c’estunprogrès.—Doncchaquefoisque jevoudrai fermeruneporte, il suffiraque j’appelleElorapourqu’elle

torturequelqu’un.Çaal’airassezsimple,aufond.—Connaissantvotremère,çanedoitêtretropcompliqué,ajouta-t-ilensouriant.Nousrepartîmesàl’entraînement,maisj’étaisdistraite.Jeneparvinspasàremuerquoiquecesoit

pendant le restant de la journée. Une fois Tove parti, je me dirigeai vers ma chambre. Je pensaid’abordpasservoirMatt.L’alarmequis’étaitdéclenchéeavaitdûluifairepeur,etRhysétaitencoreàl’école.Jefrappaiàlaportedesachambre,etcommeilneréponditpas,jem’aventuraiàl’intérieur.MaisMattn’étaitpaslà.Meremémorantl’attaquedesVittras,jen’étaispastrèsrassuréeàl’idéedenepassavoiroùilse

trouvait.Avant de décider dememettre à fouiller le secteur de fond en comble, je passai parma

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chambreyprendreunchandail.Là,jetrouvaiunmotdeMattpunaisésurmaporte.SuispartichezWilla.Deretourplustard.—MattSuper.Jedéchirailemotetretournaidansmachambre.Jeluiavaisdetoutefaçonditquejeseraisà

l’entraînementtoutelajournée.Iln’avaitdoncpasàm’attendre.Pourtant,j’auraisbienvoulupasserunmomentavecluipourdiscuter,tantcequisepassaitmetroublait.MaisilétaitpartiavecWilla,cequime semblait encoreplus troublant. Jenecomprenaispas cequ’ilspouvaient faire ensemble.Àquoipouvaient-ilsbienpasserleurtemps,euxquidevraientaucontrairesehaïr?Jem’écroulaisurmonlitetm’endormissansaucunmal.Jenem’étaispasrenducomptecombien

j’étaisfatiguée,etjecroisqued’avoirexercémestalentsm’avaitpassablementépuisée.

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QUATORZELesyndromedeStockholm

Après lagrosseattaquevittrademacérémonied’intronisation, jem’étaishabituéeauxassembléespourladéfensedupays.Nous nous retrouvions dans le centre de crise de l’aile sud. Lesmurs étaient tapissés de cartes,

parseméesdezonesrougesetvertes,symbolisantlesenclavesd’autrestribustrolls.Une immense table en acajou était installée à un bout de la pièce, à côté d’une planche à dessin

posée derrière. Pour je ne sais quelle raison, Elora et Aurora, la mère de Tove, debout à uneextrémité de la table, supervisaient les réunions ensemble. Aurora n’avait pas confiance dans lamanièredontEloraconduisait lesaffairesdu royaume,mais jenecomprenaispascommentElorapouvaittolérerqu’Auroraeûtunquelconquepouvoirdedécision.Deschaisesparsemaientlerestedelasalle,laplupartdépareilléesparcequ’ellesprovenaientdes

autrespièces.Puisquenosmèresdirigeaient lesdébats,Toveetmoiétions toujours lespremiersàarriver,cequinouspermettaitdechoisirnosplaces,ennousinstallantdepréférenceaufond.Outrenous,leshabituelsétaient:GarrettStorm,pèredeWillaetprobableamantdemamère;le

chancelier, un obèse blafard qui me reluquait d’une façon insupportable ; Noah Kroner, le pèresilencieuxdeTove;etunepoignéedemarkis,demarksinnasetdepisteurs.Maistrèsvite,lasallecommençaàseremplirplusquedecoutume.Desgensquejen’avaisjamais

vusjusqu’icis’installaient,parmilesquelsbonnombredepisteurs.Aucund’euxnepritunsiège,carilenmanquaitetqu’ilsauraientenfreintlesrèglesdepolitesse.Bienquejeluienjoignisdes’asseoirpartroisfois,Duncansetintdeboutderrièremoi.Sefrayantuncheminparmilafoule,Willasurgitquelquesminutesavantledébutdelaréunion.Ses

braceletscliquetaienttandisqu’ellepassaitdevantunpisteurenmesouriant,avantdevenirs’affalerdansunechaiseàcôtédemoi.—Désolée,jesuisenretard.Elleajustasajupeenlatirantsoussesgenoux,écartalescheveuxdesesyeuxetnoussourit.—J’ailoupéquelquechose?—Ilnes’estencorerienpassé,dis-je.—Ilyaunmondefou,non?ditWillaenjetantuncoupd’œilautourd’elle.Commesonpèrenous

regardait,elleluifitunpetitsignedelamain.—Eneffet,acquiesçai-je.Lachaisejusteenfacedemoiétaitvide.Tovelafaisaitbougerd’avantenarrièreavecsestalents

habituels.Lafoulelerendaitnerveux.C’étaittropdebruitpourl’intérieurdesoncrâne.Quandilrelâchaitun

peusespouvoirspourfairebougerdesobjetsàdistance,celafavorisaitladiminutiondesbruitsdanssatête,toutenl’aidantàneutraliserlesparasites.—C’estvraimentunegrosseaffaire?demandaWillaenbaissantunpeulavoix.J’aiapprisquetu

connaissaisleVittraqu’ilsontattrapé.—Jeneleconnaispas.

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Jesecouaimescheveux.—Jel’aivuchezlesVittrasquandj’yétaisretenue.Riendespécial.—C’esttoiquil’asmaîtrisé?demandaWillaàDuncanenleregardant.Plutôtquedemedemandersimonpisteuravaitaccompliquelquechose,elleluiposaitdirectement

laquestion.Willatraitaitnosgensavecunpeudedignitéhumaine,etçamefaisaitunpeupeur.Avantdesesouvenirquej’avaisdéfenduLoki,Duncanserengorgeacommeunjeunecoq.Ensuite,

sonexpressionviraàlahonteetilbaissalesyeux.—Jel’aivuassommerungardeetj’aiappeléàl’aide,c’esttout,dit-il.—Commentsefait-ilqu’ilnet’aitpasassomméaussi?luidemandai-je.Jen’avaispaseul’occasiondeparleràDuncandepuislaveille.Jem’étaisdemandécommentils

avaient pu capturer Loki alors qu’il aurait pu tous les plonger dans une léthargie profonde d’unsimpleregard.—Ilnepensaitpasavoiràlefaire.Duncanseredressaànouveaufièrementetjenedisrienquipûtlecontrarier.—Monallurel’atrompéetlesautresgardesl’ontaussitôtplaqué.—Qu’était-ilentraindefairequandtul’assurpris?demandaWilla.—Jenesauraisdireexactement.Duncanhochalatête.—Jecroisqu’ilregardaitparlafenêtre.—IlétaitprobablemententraindechercherWendy,ditTove,l’airderien,tandisquelachaiseen

facedelui,quiallaitetvenaitd’avantenarrière,finitpresqueparmeheurterlestibias.—Pardon.—Attention,dis-jeenéloignantmajambe.J’entouraimesgenouxdemesbras,etEloramedécochaunregardmécontent.Jeneremuaispas,

maisj’entendaissavoixdansmatête:Cen’estpasainsiqu’uneprincessedoits’asseoir.Commejeportaisdespantalons,jedécidaidel’ignoreretmetournaiànouveauversTove.—Pourquoisupposez-vousqu’ilmecherchait?luidemandai-je.Lokim’avaitlaisséefilerunefois,pourquoiaurait-ilessayédem’attrapermaintenant?—Ilvousveut,ditTovesimplement.—Tu es la princesse, fit remarquerWilla, comme si j’avais oublié.À ce propos, est-ce qu’une

soiréeentrefillesteferaitplaisircesoir?—Queveux-tudire?demandai-je.—Ilmesemblequenousnenoussommespasbeaucoupvuesrécemmentetjepensaisqueceserait

sympaquenousnousdistrayionsenregardantdesfilmsetennousfaisantlesongles,ditWilla.Tuasététropsoustensioncesdernierstemps,tuasbesoindetedétendre.—Ceseraiteneffetunbénéficepourvotreentraînement,sivouspouviezvouschangerunpeules

idées,renchéritTove.—Celameplairait,Willa,maisjepensaisdemanderàMatts’ilsouhaitaitfairequelquechosede

particulier, dis-je. Tout ceci a été terriblement déroutant pour lui et je n’ai pas encore pu passerbeaucoupdetempsaveclui.

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—Oh,Mattestoccupé.Willaréajustalefermoirdesonbracelet.—Cesoir,ilfaitquelquechoseavecRhys.Untrucdefranginsjesuppose.EnobservantTovebougerleschaisesd’avantenarrière,jem’efforçaidenepasmesentirfrustrée

parcequevenaitdedireWilla.MattetRhysavaientbesoindepasserunpeudetempsensemble,etdemoncôté,j’avaisététrèsoccupée.Cequiétaitbonpoureuxétaitbienpourmoi.Quelqu’unvints’asseoirsurlachaisedevantmoietTovepoussaunénormesoupird’agacement.

Elora le dévisagea, contrairement à sa propre mère, qui ne broncha pas. Je ne comprenais paspourquoicelaseproduisaitsouvent.AuroratoisaitvolontiersEloraetmoi,maisTovefaisaitdeschosesbienplusdéplacées.Ilfaisaitce

qu’ilvoulait,quandillevoulait.J’essayaisdefaireaumoinsunpeusemblant.—C’est vraiment bondé, remarquaWilla une fois encore, tandis que la salle se remplissait de

Trylles,àtelpointqu’ungrandnombredutresterdeboutetquemêmecertainsmarkisetmarksinnasnetrouvèrentpasdechaises.Elora s’éclaircit lavoix, sepréparant àouvrir la séance, lorsquedeuxautrespisteurs firent leur

entréedanslasalle.Bienqueparvenantàpeineàlesdistinguerd’oùj’étais,jereconnusFinnetsonpère,Thomas.Ilsse

trouvèrentuneplacedansuncoindelasalle.FinncroisalesbrassursapoitrineetThomass’appuyaaureborddelabibliothèquemurale.—Bien.Ilsontfaitappelauxgroscouteaux,murmuraTove.—Quoi?m’enquis-jeenquittantFinnduregard.—FinnetThomas,ajoutaTove.Ilssontlesmeilleurs.PardonDuncan,neleprendspasmal.—Pasdesoucis,réponditDuncan,etjecroisqu’illepensaitvraiment.— Nous allons devoir commencer cette réunion, dit Elora en haussant la voix pour se faire

entendrepar-dessuslebrouhaha.Au bout d’une minute, les conversations se turent. Elora parcourut l’assistance du regard, sans

toutefoiss’arrêtersurThomas,delamêmefaçonqueFinnévitaitdemeregarder.—Merci,ditAuroraavecunsouriredecirconstanceenfaisantunpasversmamère.—Comme vous le savez, un intrus a réussi à s’introduire dans le palais, dit Elora calmement.

Grâceànotresystèmed’alarmeetausang-froiddenospisteurs,ilaétéattrapéavantdepouvoirfairedesdégâts.—Est-ilexactqu’ils’agitdumarkisStaad?interrogealamarksinnaLaris.Cette Trylle angoissée avait déjà fait des commentaires sur ma coiffure sauvage et incongrue,

ajoutantquejamaisellen’auraitlecrandesecoifferdefaçonaussiextravagante.—Ils’esteneffetavéréqu’ils’agitbiendumarkisStaad,réponditElora.—Markis?chuchotai-je.CommeWillamejetaitunregardinterrogateur,jehochailatête.LokiStaadétaitdoncunmarkis?J’avaistoujourscruqueLokiétaitunpisteur,commeDuncanet

Finn.Lesmarkisetmarksinnasfaisaientpartiedelafamilleroyale,etàcetégard,ilsétaientprotégés.Ou aumoins étaient-ils dispensés des tâches les plus basses.Willa était unemarksinna et elle était

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pourtantunedespluséquilibréesetdesplussimplesquejeconnaisse.—Queveut-il?demandaquelqu’un.—Peuimportecequ’ilveut,répliqualechancelierenselevant,levisagedégoulinantdesueurpar

le simple effort de se tenir debout. Nous devons envoyer un message aux Vittras. Nous ne nouslaisseronspasmanipuler.Nousdevonsl’exécuter!—Vousnepouvezpasletuer!m’écriai-je.Eloramejetaunregardquimevrillalestympans.Danslasalle,toutlemonde,Finnycompris,se

tournaversmoi,etjefusmêmesurpriseparmapropreconviction.—Çan’estpashumain.—Nousnesommespasdesbarbares.Lechanceliers’épongealefrontenmegratifiantd’unsourirecondescendant.—Nousferonsensortequesamortsoitlamoinsdouloureuseetlaplusdoucepossible.—Lemarkisn’arienfaitdemal.Jemelevai,incapablederesterassisealorsqu’onprojetaitunassassinat.—Vousnepouvezpastuerquelqu’unsansmotifvalable.— C’est pour votre sécurité, princesse, répliqua le chancelier, déconcerté par ma réponse. Il a

essayéàplusieurs reprisesdevous enlever et devousblesser.C’estuncrimecontrenotrepeuple.L’exécutionestl’uniquesolutionsensée.— Ce n’est pas la seule, avança Elora prudemment. Même si c’est une solution que nous ne

pouvonsécarter.— Vous plaisantez, dis-je. Je suis celle qu’il a enlevée et je prétends qu’il ne mérite pas ce

châtiment.—Votrepointdevueseraprisenconsidération,princesse,ditAuroraenmedécochantsonfaux

sourirebienveillant.Desmurmuresmontèrentdelasalle.Sanspouvoirdired’oùilvenait,jesuiscertaineavoirentendu

le mot « trahison ». Quelqu’un devant moi marmonna quelque chose à propos du syndrome deStockholm,suivid’unricanement.—Hé,elleestlaprincesse,leurlançaWilla.Montrez-luiunpeuderespect.—Nouspouvonsfaireunéchangeaveceux,ditFinn,haussantlavoixpoursefaireentendrepar-

dessuslarumeurambiante.—Plaît-il?s’enquitAuroraensoulevantunsourcil,tandisqu’Elorafaillitleverlesyeuxauciel.—NousavonslemarkisStaad,continuaFinn.Aprèsleroi,ilestlapersonnalitélaplushautplacée

auroyaumevittra.Sinousletuons,nousn’avonsplusrien.Pourlesavoirprivésdeleurseulespoirdesuccesseurautrône,ilsreviendronttenterdecapturerlaprincesseavecbienplusd’acharnement.—TuproposesquenouscollaborionsaveclesVittras?demandaElora.—Nousnenégocionspasaveclesterroristes!hurlaunmarkis.Eloralevalamainpourlefairetaire.—Nousn’avonspasnégocié,etregardezoùcelanousamenés,ditFinnendésignantlasallede

bal.Durantlemoisdernier,lesVittrassontentrésàdeuxreprisesdanslepalaispareffraction.NousavonsperduplusdeTryllesdansladernièrebataillequ’enpresquevingtans.

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Jemerassis,observantFinnquidéfendaitsonpointdevue.Ilavaitunefaçonbienàluideméduserl’assistance,mêmes’ilnemeregardaitjamais.Desurcroît,toutcequ’ildisaitétaitjuste.— Il représente la meilleure monnaie d’échange que nous n’ayons jamais eue, dit Finn. Nous

pouvons utiliser le markis Staad pour les obliger à cesser leurs agressions. Ils ne veulent pas leperdre.—Ce n’est pas lui lameilleuremonnaie d’échange que nous ayons, l’interrompit lamarksinna

Laris.Lameilleure,c’estlaprincesse.Toussetournèrentpourlaregarder.—LesVittrasnesesont jamaisdéchaînéscontrenousàcepoint.Toutcequ’ilsveulent,c’est la

princesse,etenunsens,ilestvraiqu’ilsontdesdroitssurelle.SinousdonnonsauxVittrascequ’ilsveulent,ilsnouslaisseronttranquilles.—Nous ne donnerons pas la princesse, s’écria Garrett Strom en bondissant de sa chaise et en

levantlamain.Elleestnotreprincesse.Nonseulementelleestlapluspuissantedesprétendantesquenous ayons jamais eues,mais en plus, elle est une des nôtres.Nous n’avons pas pour habitude dedonnerauxVittraslesgensdenotrepeuple.—Maistoutcelan’arrivequ’àcaused’elle!Savoixdevenueplusperçante,lamarksinnaLarisselevaàsontour.—Toutceciestuniquementdûaumauvaistraitéquelareineasignéilyavingtansetdontnous

payonstousleprixaujourd’hui!—Voussouvenez-vousdecequisepassaitilyavingtans?demandaGarrett.Silareinen’avait

pasacceptécetraité,lesVittrasnousauraienttousmassacrés.— Il suffit ! cria Elora, et sa voix retentit dans mon crâne, comme dans toutes nos têtes. J’ai

proposé cette réunion pour que nous puissions discuter ensemble des solutions possibles,mais sivousn’êtespascapablesd’argumenterintelligemment,j’ymettraifin.Jen’aibesoindel’autorisationdepersonnepourdirigermesaffaires.Jesuisvotresouveraine,etseulemadécisionl’emportera.Pourlapremièrefois, jecomprenaispourquoiEloraétaitsidure.Sanségardpourelle, lesgens

présentsdanscettesallenefaisaientqueparlerdesacrifiersonenfantunique.—Pourlemoment,jevaisgarderlemarkisStaadaupalaisjusqu’àcequejedécidequoienfaire,

ditElora.Sijechoisisdelefaireexécuteroudel’échanger,ceseramadécisionetjevouslaferaiconnaître.Ellelissaquelquesplisinexistantsdesarobe.—Ceseratout.—IlfautréintégrerFinn,ditToveavantquelafoulenesedispersât.—Quoi?murmurai-je.Non,Tove,jenecroispasque…—Tous lespisteursdevraient êtreopérationnels à l’heurequ’il est, ajoutaTove sansm’écouter.

Touteslescigognessurleterraindevraientêtrerapatriées.FinnetThomasdevraientvivreaupalaistouslesdeux.Mêmesijepeuxm’yinstalleraussipourprêtermain-forte,celanesuffirapas.—Sicelapeutaider,Tovedemeureraaupalais,offritAuroraunpeutropvite.—Nousavonsd’autrespisteursenréserve,ditElora,maisjelavisregarderThomasducoinde

l’œil.Unnouveausystèmed’alarmeaétémisenplaceetlaprincessenerestejamaisseulesansgarde

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ducorps.— Ils ont envoyé un markis la récupérer, lui rappela Tove. Thomas et Finn sont les meilleurs

pisteursdontnousdisposions. Ilsont faitpartiedevotregarde rapprochéependantaumoinsvingtans.Elorasemblaconsidéreruninstantcetteproposition.Puis,elleopina.—Présentez-voustouslesdeuxàl’appeldemainmatin.—Oui,VotreGrâce,réponditThomasensecourbant.Finn ne dit rien. Avant de s’en aller, il décocha simplement vers Tove un regard circonspect.

Pendantquelerestedel’assistancesedissipait,jerestaiassiseprèsdeTove,WillaetDuncan.Garrett,Noah,lechancelieretdeuxautresmarksinnass’attardèrentpourparleràEloraetAurora.

Jesentaislacolèreintérieured’Eloraetjesavaisquejedevaisquittercettesalleavantqu’ellenemetombâtdessus.Maisj’avaisbesoind’unmomentsupplémentaire.—Tove,pourquoiavez-vousfaitcela?Ilhaussalesépaules.—C’estlameilleurefaçondevousgarderensécurité.—Etalors?demandai-jeenbaissantlavoix,sachantquedumondeautourdenouspouvaitnous

entendre.Pourquoiest-ilsiimportantdemegarderensécurité?Peut-êtrevaudrait-ilmieuxquelesVittrasmeprennent.LamarksinnaLarisaraisonaprèstout.Sitantdepersonnesdoiventêtreblesséesàcausedemoi,ilvautsansdoutemieuxquejeparte.—Larisn’estqu’unestupideetinfâmesorcière,coupaWillaavantquejeneparvinsseauboutde

ma pensée. Et personne ne te sacrifiera sous prétexte que les temps sont difficiles. C’est insensé,Wendy.—Lacourestfolleetparanoïaque.Iln’yariendenouveaulà-dedans.Tovesepenchaenavantenposantlescoudessursesgenoux.—Vousserezbonnepourvotrepeuple.Encorefaut-ilquevousviviezassezlongtempspourcela.—C’estrassurant.Jemereculaidansmonsiège.—Jeretournechezmoichercherunevalise,ditToveenselevant.—Vouscroyezvraimentnécessairedevousinstallericipourmeprotéger?luidemandai-je.—Sansdoutepas,admitTove.Mais j’aimemieuxcelaplutôtquederesterà lamaison,et ilme

seraainsiplusfaciledevousentraîner.—Bonpoint,dis-je.—Alors…WillasetournaversmoiaprèsledépartdeTove.—Tuasbesoind’unesoiréeentrefilles.Surtoutpuisquelamaisonvaregorgerdegarçonsàpartir

demaintenant.J’auraisacceptén’importequoi,pourvuquecelamesortîtducentredecriseavantqu’Eloraeûtune

chancedemefairelamorale.Etpuis,unesoiréeentrefillesnemesemblaitpassimalvenue.Willapassasonbrasdanslemienetnousquittâmeslapièce.Nouscampâmesdansmachambre toute lanuit. JepensaisqueWillavoulait jouer à essayerdes

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vêtements ou à un truc idiot dans ce genre, mais en fait, nous passâmes chacune un pyjamaconfortableafindepouvoirjusteflâner.Après la réunion, comme j’avais poséunequestion sur l’histoire entre lesTrylles et lesVittras,

Willaétaitalléechercherunlivredanslesaffairesdesonpère.Ellemelepassapourquejeleliseetréponditàmesquestionsautantqu’elleleput.Enéchange,jedevaisfaireunkaraokéavecelleetlalaissermefaireunepédicure.Jeneparcouruspasautantlelivrequejel’auraisvouluetjenetrouvaipasgrand-chose.LesVittras

attaquaient, les Trylles répliquaient. Parfois, lesmorts se comptaient parmilliers, d’autres fois, ils’agissaitsurtoutdedommagesmatériels.JerestaiéveilléebientroplongtempsavecWillaet,aumilieudelanuit, le livreavaitétéoublié.

NouschantionsetdansionssurdesmorceauxdeCyndiLauper.Willarestapourlanuit,etcommeelles’étalaentraversenoccupanttoutlelit,jedormistrèsmal.

Au matin, me sentant aussi en forme qu’une vieille serpillière, je titubai hors de la chambre. Jevoulaisdescendremangerquelquechoseetboirede l’eau,puisneplus rien fairependant troisouquatreheures.Duncanne traînaitpasdevantmachambrequandj’ensortiset jemefélicitaidecequ’ilavaitpu

enfindormirdansunechambre.Cen’estqu’aprèsavoirfaitquelquespasdanslecouloirquejecomprispourquoiilavaitpualler

dormir.Finn,lesmainsderrièreledos,avançaitversmoi.Jefulminaiintérieurement.Lescheveuxplaqués

en arrière, il était déjà habillé, vêtu d’un pantalon fraîchement repassé. Mes cheveux étaient toutébouriffésetj’avaisl’airaffreuse.—Bonjour,princesse,ditFinnenarrivantàmahauteur.—C’estça,rétorquai-je.Ilfitunsignedetêteenpassant.Jemeretournaipourvoirsiquelqu’und’autrel’appelait,maisil

n’yavaitpersonne.—Qu’est-cequetufais?demandai-je.—Montravail,princesse.Iljetauncoupd’œilpar-dessussonépaule.—J’arpentelescouloirspourvérifierqu’iln’yaitpasd’intrus.—Ettunemeparlerasmêmepas?—Celanefaitpaspartiedutravail,ditFinnencontinuantàmarcher.—Vraimentparfait,dis-jeensoupirant.Bêtement, une partie demoi avait été excitée à l’idée que Finn reprît du service au palais.Mais

j’auraisdûlesavoir.Lesimplefaitqu’ilsoit làtoutletempsnesignifiaitnullementqueleschoseschangeraiententrenous.Celaneferaitquerendrelasituationplusbizarreetdouloureuse.

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QUINZECapuletetMontaigu

—Pourquoies-tuici?demandai-je.Pourtouteréponse,Lokihaussaunsourcil.Sachambre,quin’étaitpasdutoutlacelluleàlaquellejem’attendais,se trouvaitdanslequartier

desdomestiques.Duncanm’avait expliquéque lepalaisavait autrefois regorgéde serviteurs,maisque les dernières décennies avaient vu une réduction importante du nombre de mänskligs et deTryllesvivantàFörening,cequiavaiteupourconséquencederéduireladomesticitéaupalais.Mêmesinousn’avionspasdecachot,jepensaisqueLokiseraitgardédansunendroitsimilaireà

celuioùj’avaisététenuecaptivechezlesVittras.Maiscecin’étaitqu’unechambresemblableàcelledeFinn,saufqu’ellen’avaitpasdefenêtres.Elleétaitpetite,avecunesalledebainattenanteetunlitàuneplace.Pourcouronnerletout,laportedelachambredeLokiétaitgrandeouverte.Unpisteurmontaitla

garde plus bas dans le couloir,mais il ne se tenaitmême pas près de la porte. J’avais convaincuDuncande ledistraireun instantpendantque jeparleraisàLoki,et iln’avaitpasétédifficilepourDuncand’entraînerlegardeunpeuplusloin.Lokiétaitétendusurlescouverturesdesonlit, lesmainsderrièrela têteet les jambescroiséesà

hauteurdeschevilles.Uneassiettedenourritureintacteétaitposéesurlatablebasse.—Princesse,sij’avaissuquetudevaismerendrevisite,j’auraismisunpeud’ordre.Avecunpetitsouriresuffisant,ildésignasachambre.Commeellenecontenaitquasimentrien,elle

nepouvaitêtreendésordre.—Pourquoies-tuici,Loki?répétai-je.Jemetenaisjustederrièreleseuildelaporte,lesbrascroisés.—Jenecroispasquelareineaimeraittellementquejeparte.Ils’assitenbalançantlesjambessurlereborddulit.—Pourquoinepars-tupas?demandai-jecettefois,cequilefitéclaterderire.—Jenepeuxplusm’enaller,maintenant,n’est-cepas?Lokiselevaetapprochademoinonchalamment.Quelquechoseenmoimeditquejedevaisfaireunpasenarrière,maisjen’enfisrien.Commeje

ne voulais pas que Loki détectât chez moi une faiblesse, je levai le menton. Il s’arrêta dansl’encadrementdelaporte.—Jenevoispascequit’enempêche.—Certes,maistamèreaplusd’untourdanssonsac,dit-il.Sijequittaiscettechambre,jeseraissi

maladequejenepourraismêmeplusmarcher.—Commentenes-tusisûr?—Parcequej’aiessayédem’enfuir,ditLokiensouriant.Jen’allaiscertainementpasmelaisser

arrêter par des douleurs physiques, mais je sous-estimais la reine. Elle est très, très bonne enpersuasion.—Çasepassecomment?Elles’estservidepersuasionpourtedirecequit’arriveraitsituquittais

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lachambre?demandai-je.Etmaintenanttunepeuxplust’enaller?—Jenesaispasexactementcommentfonctionnelapersuasion.Lasdelaconversation,Lokisedétourna.—Çan’ajamaisétémontruc.—C’estquoitontruc?demandai-je.—Çadépend.Lokihaussalesépaules,puiss’assitparterre,ledoscontresonlit.—Pourquoies-tuvenuici?m’enquis-je.Qu’espères-tuenretirer?—N’est-cepasévident?Ilmesourit,d’unairtoujoursaussimutin.—Jesuisvenupourtoi,princesse.—Toutseul?J’arquaiunsourcil.— La dernière fois que les Vittras sont venus ici, ils ont envoyé une armada et nous l’avons

vaincue.Quecroyais-tuaccomplirenvenanticitoutseul?—Jenepensaispasêtreattrapé.Ilhaussalesépaulesànouveau,trouvantmaquestionabsurde,commesilefaitd’êtreencaptivité

nereprésentaitrienpourlui.—Maisc’estcomplètement idiot !hurlai-je,exaspéréeparsonmanquedesérieuxdansune telle

situation.Tusaisqu’ilsveulentt’exécuter?—C’estcequej’aicrucomprendre.Lokisoupiraetfixalesolpendantunmoment.Quelquechosesepassaenfinenlui,carilsedéridaetseleva.—Jemesuislaissédirequetutebattaispourmoi.Ilapprocha.—Est-ceparcequejetemanqueraistropsijepartais?— Ne sois pas ridicule, lui décochai-je. Je ne cautionne pas le meurtre, même pour des types

commetoi.—Desgenscommemoi,hein?rétorqua-t-ilenhaussantunsourcil.Tuveuxdireunjeunehomme

charitableetdiablementjoligarçon,venudéstabiliserquelqueprincesserebelle?—Tuesvenum’enlever,pasmedéstabiliser,dis-je.Maisilécartacetteidéed’unreversdemain.—Sémantique.—Cequejenecomprendspas,c’estpourquoituesunravisseur,dis-je.Tuesunmarkis.— Je suis ce qui se rapproche le plus d’un prince pour les Vittras, admit-il avec un sourire

narquois.—Alors pourquoi diable es-tu là ? lui demandai-je. La reine ne me laisserait jamais partir en

missiondesauvetage.—Ellealaissécetautremarkisterécupérer,fitremarquerLokienfaisantréférenceàTove.Celui

quim’aplaquécontreunmur.

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—C’estdifférent.Ilesttrèsfortetiln’étaitpasseul.JefixaiLokiplusétroitementduregard.—Es-tuvenutoutseul?—Biensûr.Personnen’auraitétéassezstupidepoursejoindreàmoiaprèsladéculottéepriselors

detadernièrevisite.—Cela n’explique vraiment pas pourquoi tu es là, dis-je. Pourquoi t’engagerais-tu tout seul en

connaissantlesrisquesdel’entreprise?Sais-tuaumoinsàquelpointc’estdangereux?Tuaséclatéderirequandjet’aiditqu’ilsvoulaientt’exécuter,maisilssontvraimentdécidésàlefaire,Loki.—Tumemanquaistrop,princesse,etjen’aipaspum’empêcherdevenir.Bienqu’ilessayâtdetravestirsesparolesdesonhabituelseconddegré,jedécelaidanssonsourire

uneformedesincérité.—Arrêtedeplaisanter,dis-jeenlevantlesyeuxauciel.—C’estpourtantlaréponsequetuattendais,non?Quejedisequejesuisrevenuicipourtoi?Sansmettreunpiedhorsdelachambre,Lokis’appuyaauchambranledelaporteetsoupira.—Machèreprincesse,tuasunetrophauteopiniondetoi.Non,jenemesuispasportévolontaire.—Cen’estpascequej’aicru,rétorquai-je,unpeuvexéeetenrougissant.Sicen’estpastoiquias

décidédevenir,alorspourquoit’ont-ilsenvoyé?—Jevousailaisséspartir.Ilregardaleboutducouloir,d’oùDuncanavaitentraînélepisteurpourledistraireplusloin.—C’estleroiquim’aenvoyéafinquejeréparemonerreur.— Pourquoi avais-tu la charge de me surveiller à Ondarike ? Pourquoi toi, et non un pisteur

ordinaire?—Nousn’avonspasbeaucoupdepisteurs,parcequenousn’avonspasdesubstitués.Lokimeregarda.—Lesgnomes,quiexécutentunegrandepartiedusaleboulot,sontextrêmementvulnérables.Les

Vittrasquit’ontpoursuivieladernièrefoissontàpeinepluspuissantsquedesmänskligs,raisonpourlaquelle vous avez pu les vaincre. Je suis le plus fort ; c’est pour cela que le roi m’a envoyé techercher.—Quies-tu?luidemandai-je.Commeilallaitouvrirlabouchepouruneréponseamusanteetsarcastique,jelevailamainpour

l’arrêter.—Mamèreprétendqu’elleconnaissaittonpère.TuesprochedelareineetduroidesVittras.—Jenesuispasprocheduroi,s’opposaLokiavecunsignedetête.Personnen’estprocheduroi.

Maisj’aieuunehistoireaveclareine.Sara,lafemmeduroi,aétémafiancée,ilyalongtemps.—Ahbon?Lesbrasm’entombèrent.—Maiselleestbien…bienplusâgéequetoi!—Dix ans de plus.Dans notre communauté, c’est souvent ainsi que sont arrangés lesmariages

lorsqu’ily apénuriedeprétendants.Malheureusement, avantque jen’atteigne lamajorité, le roi adécidédel’épouser.

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—Tul’aimais?demandai-je,surprisemoi-mêmedeconstaterquej’yaccordaisdel’intérêt.—C’étaitunmariagearrangé!Lokirit.—J’avaisneufansquandSaraaépouséleroi.Jem’ensuisremis.Sarameconsidéraitcommeson

petitfrère,etc’esttoujourslecas.—Ettonpère?Eloram’aditqu’elleleconnaissait.—J’ensuispersuadé.Ilpassaunemaindanssescheveuxenchangeantdepiedd’appui.—EloraavécuaveclesVittraspendantunmoment.Justeaprèsleurmariage,elleetOrenontvécu

iciàFörening,maisdèsqu’elleaétéenceinte,Orenainsistépourqu’elles’installechezlui.—C’estcequ’elleafait?demandai-je,surprisequ’Elorasesoitlaissédictersaconduite.—Ellen’apaseulechoix,j’imagine.Quandleroiveutquelquechose,ilpeutsemontrertrès…Lokis’interrompit.—J’étaisàleurmariage.Lesavais-tu?Ilsouritàcetteévocation,etsoncomportementprétentieuxs’évanouit.Ilyavaitquelquechosede

désarmantdanslafranchisedecesourirelorsqu’ilétaitdébarrassédesonhabituelleraillerie,etdanscecas-là, ilétait incroyablementbeau.C’étaitréellementundesplusséduisantsgarçonsquej’avaisjamaisvus,aupointquependantuninstant,tombantsouslecharme,jefusincapablededirequoiquecesoit.—Tuveuxdireaumariagedemamèreetdemonpère?demandai-jeaprèsavoir récupéréma

facultédeparole.—Oui,acquiesça-t-il.J’étaistrèsjeune,âgédedeuxoutroisanspeut-être,etjenemesouvienspas

degrand-chose,saufquemamèrem’yaemmenéetqu’ellem’aautoriséàresterdebouttoutelanuitpour danser. Jeme rappelle avoirmarché dans le hall en jetant des pétales, ce qui n’était pas trèsmasculincommeaction,maisiln’yavaitaucunautreenfantdesangroyalàcemariagepourlefaire.—Oùétaientlesenfants?—LesVittrasn’enavaientpasetlesTryllesétaienttouspartiscommesubstitués,expliquaLoki.—Tutesouviensdumariaged’EloraetOrenalorsquetuétaisàpeineplusgrandqu’unbébé?Ileutunsourirenarquois.—C’étaitlemariagedusiècle,quandmême.Toutlemondeétaitlà.C’étaitunsacréspectacle.Jecomprissubitementqu’ilusaitcontinuellementdesarcasmeetd’humourpourmieuxmetenirà

distance,unpeucommeFinnseprotégeait soussonapparence rigide.Unpeuplus tôt,quandqu’ils’était remémoré sa mère, j’avais détecté en lui une lueur de franchise, la même que j’avais vuapparaîtreàOndarikependantmonemprisonnement,quandils’étaitmontrécompatissant.—Sais-tupourquoiilssesontmariés?—OrenetElora?demanda-t-ilenfronçantlessourcils.Tunelesaispas?—Jesaisqu’Orenvoulaitunsuccesseurautrône,quelesVittrasnepeuventpasavoird’enfantset

qu’Elora cherchait à réunir les tribus, dis-je.Mais pourquoi ? Pourquoi était-il si crucial que lesVittrasetlesTrylless’unissent?—Ehbien,parcequenousnousbattonsdepuisdessiècles,répliquaLokienhaussantlesépaules.

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Depuislanuitdestemps,sansdoute.—Maispourquoi?J’ailuleslivresd’histoireetn’aipastrouvéderaisonvalable.Pourquoinous

détestons-nousautant?—Jenesaispas,avoua-t-ilavecungested’impuissance.PourquoilesCapuletetlesMontaiguse

haïssaient-ilsdonc?—Le seigneur desMontaigu avait volé la femme de celui desCapulet, répondis-je. C’était une

histoiredetriangleamoureux.—Quoi?demandaLoki.JenemesouvienspasqueShakespeareaitécritcela.—Jel’ailuquelquepart,dis-jeenignorantlaquestiondeLoki.Maisçan’apasd’importance.Ce

quejeveuxdirec’estqu’ilyatoujoursuneraison.—Jesuissûrqu’ilyenaune,acquiesçaLoki.L’espaced’un instant, il laissa sesyeuxcaramelposés surmoi, son regardsemblantpresqueme

transpercer. Je me rendis soudain compte combien il était proche de moi et comment, dans cettechambre,nousnoustrouvionsàl’abridesregards.Baissantlesyeux,jefisunpasenarrièreenimplorantmoncœurdebattremoinsfort.—Maintenant,lesprincipessontdifférents,finitpardireLoki.LesVittrasenveulenttoujoursplus

etlesTrylless’accrochentàtoutprixàleurempireendécomposition.— Ceux qui ont un empire en décomposition sont plutôt les Vittras, le contrai-je. Au moins

pouvons-nousencoreprocréer.—Ooh,coupbas,princesse.Lokiportalamainàsapoitrinecommes’ilvenaitd’êtretouché.—C’estlavérité,non?—Ehoui.Ilabaissalamainetretrouvasonordinairesouriremutin.—Alors,princesse,quelesttonplanpourmesortird’ici?— Aucun. C’est ce que j’essaie de te dire depuis le début. Ils veulent te tuer et je ne sais pas

commentlesenempêcher.—Princesse!LavoixdeDuncanappelaitdepuisl’autreextrémitéducouloir.Jemeretournaipourl’apercevoirdevantlegardienagacé.JenesavaispascequeDuncanavaitpu

luiraconterpourleretenirsilongtemps,maisilsemblaitavoirépuisésesressources.—Jedoisyaller,dis-jeàLoki.—Tonpisteurtedonnerait-ildesordres?Lokijetauncoupd’œilversleboutducouloir,oùDuncanmesouriait timidement, tandisquele

gardienvenaitreprendresonposte.—Quelquechosecommeça.Maisécoute,ilfautquetutecomportesbien.Faiscequ’ilsdisent.Ne

créepasdeproblème,luidis-je,etilaffichauneexpressionexagérémentinnocente,dustyle«Quoi,moi?».C’estlaseulechancequimerestedepouvoirlesconvaincredenepast’exécuter.—Tesdésirssontdesordres,princesse,ditLokiavecunerévérence.Puis,ilmetournaledospourregagnersonlit.

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Legardienrevint,exécutantunerévérenceencoreplusbassequecelledeLoki.Jeluirépondisparunsourireavantdem’élancerdanslecouloir.Mêmesijen’étaispascertainequecelaauraitserviàquelque chose, j’aurais aimé pouvoir parler un peu plus longtemps avecLoki. J’aurais pu insisterauprèsdugarde,quin’étaitaprèstoutquemonsubordonné,maisjenevoulaispasquelarumeurserépandîtdanslepalaisquej’avaispassédutempsavecLoki.Enl’étatactueldeschoses,j’auraisprisunrisqueinutile.—Pardon,meditDuncanquandj’arrivaiàsahauteur.J’aiessayédelebloquer,maisilaeupeur

des’attirerdesennuis.Cequiestidiotpuisquevousêteslaprincesseetdonc,sapatronne,mais…—Çava,Duncan,lerassurai-jeensouriant.Tuasfaitcequ’ilfallait.—Merci.Ils’arrêtauninstant,visiblementenchantéduminusculecomplimentquejevenaisdefaire.—Sais-tuoùjepourraistrouverElora?demandai-jeenmarchant.—Hum,jecroisqu’elleestenréuniontoutelajournée.Duncanregardasamontreenmerejoignant.—Elledevraitencemomentpasserenrevuetouteslesconsignesdesécuritéaveclechancelier,au

casoùLokineseraitpasunintrusisolé.Je n’étais pas du tout certaine de la raison qui avait amenéLoki ici,mais je ne pensais pas que

c’étaitpourmefairedumal,niàmoiniauxhabitantsdeFörening.Ilavaiteul’airfâchécontreKyralorsqu’elleavaitusédeviolencecontremoiàOndarike,et iln’avaitblessépratiquementaucundesgardesquandilsl’avaientcapturéaupalais.SiKyraoud’autresVittrasétaientvenusaveclui,ilsseseraientcertainementbattusetm’auraientprobablementagresséeparlamêmeoccasion.Lokiétait-ilvenuicipourmeprotéger?Était-cesamanièredemepermettred’échapperànouveau

auxVittras?—JesuispersuadéequeLokiestunemenaceisolée,etqu’iln’enestmêmepasvraimentune,dis-

je.JenecroispaslesVittrasasseznombreuxpourlancerunecontre-attaque.—Est-cecequ’ilvousadit?J’opinai.—D’unecertainefaçon,oui.—Etvousluifaitesconfiance?demandaDuncansansuneoncedesarcasmeoud’irritation.J’avaislesentimentqu’ilcroyaitenmoninstinct.Sij’accordaisducréditàLoki,Duncanenferait

autant.—Oui.Jefronçailessourcils,unpeusurprisemoi-mêmeparlefaitquej’ycroyaisvraiment.—Jecroisqu’ilm’aaidéeàm’enfuird’Ondarike.—Jecomprends.Monexplicationluisuffisant,ilacquiesça.—IlfautquejeparleàEloraentêteàtête,dis-jealorsquenousatteignionslesescaliers.N’a-t-elle

pasunmomentdelibredanssonemploidutemps?—Jen’ensuispascertain,ditDuncan.Jecommençaiàgrimperl’escalieretDuncanm’emboîtalepasengardanttoujoursunemarchede

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distanceentrenous.—Ilvafalloirquejevérifieavecsonconseiller,maissivoustenezvraimentàluiparler,jepeux

mettrel’accentsurl’urgencedevotrerequêteafinqu’ellevousreçoiveentredeuxrendez-vous.—Ilfautvraimentquejeluiparle,dis-je.Situconstates,enlesinterrogeant,elleousonconseiller,

qu’ellen’apasdetempsàmeconsacrer, trouveunmomentoùelleseraseule.Je lacoinceraidanssonbains’illefaut.—Bien,indiquaDuncan.Voulez-vousquejecourem’enquérirdecelatoutdesuite?—Ceseraitfantastique.Merci.—Pasdeproblème.Ilsouritlargementet,toujoursheureuxdeserendreutile,repartitd’oùnousétionsvenuspouraller

trouverElora.Jedécidaid’allerjusqu’àmachambrepouryréfléchir.Entreleshistoiresd’enlèvement,deparenté,

d’entraînement avec Tove etmaintenantmes tentatives pour sauver Loki, la têteme tournait. Sansparler du fait qu’hier, lors de l’assemblée pour la défense du pays,mon propre peuple n’avait eud’autreidéeentêtequedemepoussersousunbus.Jemedemandaissicetendroitétaitvraimentfaitpourmoi.Jemefichaiséperdumentdegouverner

unroyaume,alorsquepouvaitbienm’importerdeportertelleoutellecouronne?SiOrensemblaitdiabolique,Eloran’enétaitpasloin.SijepartaisaveclesVittras,ilslaisseraientlesTryllestranquilles,etenqualitédeprincesse,cela

seraitsansdoutelameilleuredeschosesàfaire.—Wendy!s’écriaMattenmetirantdemespensées.J’étaispasséedevantsachambreenregagnantlamienneetsaporteétaitouverte.—Matt,répondis-jemaladroitementalorsqu’iljaillissaitdesachambrepourmetrouver.Ilétaittellementempresséqu’iln’avaitpaslâchélelivrequ’ilétaitentraindelire.—Désolée,jenet’aipasbeaucoupvucesdernierstemps.J’étaisassezoccupée.—Non,jecomprends,dit-il.Jen’étaispourtantpascertainequ’ilcomprenait.Serrantlelivrecontresapoitrine, ilcroisait les

bras.—Commentvas-tu?Est-cequetoutvabien?Personnenemeditrienet,aprèsl’attaquedel’autre

jour…—Cen’étaitpasuneattaque,lerassurai-jeenhochantlatête.C’étaitjusteLokiqui…—Letypequit’aenlevée?LavoixdeMatts’étaitdurcie.—Ouais,mais…J’essayai de réfléchir à quelque chose qui excuserait l’enlèvement, mais je savais que Matt ne

goberaitpasn’importequoi.—Iln’estqu’ungarçon,ilnepeutpasfairegrand-chosetoutseul.Ilsl’ontenferméettoutvabien.

Iln’yaaucundanger.— Comment peut-il n’y avoir aucun danger avec tous ces gens qui entrent ici par effraction ?

s’objecta Matt. La seule raison pour laquelle nous sommes là, c’est parce qu’ils prétendent te

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protéger,maiss’ilsn’yparviennentpas…—Noussommesensécurité,insistai-jeenl’interrompant.Cetendroitestremplidegardesetnous

sommesplusprotégésiciquen’importeoùailleursdanslemonde.Je ne savais pas si c’était la vérité,mais je ne souhaitais pas non plus queMatt sortît pour s’en

rendrecompteparlui-même.OrensavaitcombienjetenaisàMattetilauraitévidemmentutilisécelacontremoisi je luiendonnaisl’occasion.LameilleurechosequeMattpouvaitfaireétaitderestersousl’étroitesurveillancedesTrylles.—Jenecomprendstoujourspascequisepasseici,niquisontcesgens,finitpardireMatt.Jesuis

forcédetecroirealorsquejenesaismêmepassituesensécurité.—Jelesuis.Sincèrement.Net’inquiètepluspourmoi.Jeluisouristristement,merendantcomptequec’étaitlavérité.—Etpourtoi,commentçava?As-turéussiàtrouverdequoit’occuper?—Oui, j’aipassédebonsmomentsavecRhys,quiaété trèsgentil.C’estunchic type…bizarre

maisgentil.—Jetel’avaisdit.—Eneffet.Ilsourit.—Etjevoisquetuastrouvéquelquechoseàlire,dis-jeendésignantlelivrequ’ilserraittoujours

sursapoitrine.—Oui,c’estWillaquimel’atrouvé,enfait.Mattdesserralesbraspourmetendrelelivre,unouvrageenvieuxcuirpatinéetreliéàlamain.—Cesonttouteslesesquissesetlescroquisd’aménagementdupalaisdepuisdesgénérations.—Ahoui?Jeluiprislelivredesmainspourlefeuilleter.Lespagesjauniesétaientcouvertesdedessinsetde

planspourladécorationdesrésidenceslesplushuppéesoùavaitvécularoyauté.—J’aiditàWillaquej’étaisarchitecteetelleestalléecherchercelivrepourmoi.Mattapprochapourquejepusseadmirerlesdessinsdeplusprès.—Ilappartientàsonpère,jecrois.Jemesentissubitementstupide.LaseulevraiepassiondeMattavaittoujoursétél’architecture,et

nousvivionsdansunsomptueuxpalaisaccrochéauflancd’unefalaise.Ilétaitbienévidentqueceladevaitl’épater,commentn’yavais-jepaspenséplustôt?Mattcommençaàmemontrerdesdétailssurlesplans,m’expliquantcommeilsétaientingénieux.

J’opinaietmanifestaidel’étonnementquandcelasemblaitapproprié.JerestaiencoreunpeuavecMatt,puisretournaidansmachambremereposer.Jem’étaisàpeine

affaléesurmonlitquej’entendisfrapperàlaporte.Jemelevaiensoupirantpourallerouvrir.C’estalorsquejevisFinn,deboutsurleseuildelaporte,lesyeuxaussiombrageuxqued’habitude.—Princesse,j’aibesoindetoi,secontenta-t-ildedire.

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SEIZEMétier

—Pardon?dis-jeaprèsavoirrécupérémavoix.—Lareineatrouvéunmomentpourterecevoir,ditFinn.Maisilfautfairevite.Là-dessus,iltournalestalonsenvitesse.Aprèsavoirfermélaportedelachambrederrièremoi,je

lesuivisdanslecouloir.QuandFinns’enaperçut,ilralentitunpeu,cequisemblaitsignifierquejedevaislerattraper.—Oùest-elle?demandai-je.Commejenemepressaipaspourlerejoindre,ilmeregardarudement.—Oùdois-jeretrouverElora?—Jet’yaccompagne.—Cen’estpaslapeine.Jepeuxlatrouvermoi-même.—Tunedoispasresterseule.Ils’arrêtapourattendrequejel’eusserejoint,puisnousmarchâmescôteàcôte.—Cet endroit regorge de gardes. Je crois être capable deme déplacer dans un couloir jusqu’à

l’endroitoùsetrouveElora,luidis-je.—Peut-être.Jedétestaisdevoiremprunterlescouloirsavecluietfeindrequesaprésencem’importaitpeu.Le

silencedevinttropabsurdeentrenous.Jedécidaidelerompre.—Alors…çafaitqueleffetdetravailleravecsonpère?demandai-je.—C’estsatisfaisant,réponditFinn,quasientresesdents.—Satisfaisant?Jescrutaisonvisageàlarecherched’unsignecapabledetrahirunquelconquesentiment,maisil

étaitdemarbre.Sesyeuxsombresregardaientdroitdevantluietseslèvresrestaientpincées.—Oui.Jenevoispasdedescriptionplusappropriée.—Es-tuprochedetonpère?demandai-je.Commeilneréponditpas,jecontinuai.—Tusemblesentoutcastrèsprochedetamère.Elleal’airdetenirbeaucoupàtoi.—Iln’estpasfaciled’êtreprochedequelqu’unqu’onneconnaîtpas,dit-ilcalmement.Monpère

étaitabsentpendantlamajeurepartiedemonenfance.Quandilestrevenu,c’estmoiquiaidûpartirtravailler.—C’estbienquevoussoyezréunisencemomentpourcetravail.Celavouspermetdepasserun

peudetempsensemble.—Jepourraist’endireautantconcernantlareine.Ilmeregardaducoindel’œilavecunbrindetaquineriedansleregardquicontrastaitavecleton

glacialdesesparoles.—Tonpèresemblebienplusfacileàapprocherquemamère,m’opposai-je.Aumoins,ilal’air

vaguementhumain.—Tutesouviensquecemotestuneformed’insulteici,merappelaFinn.Nousluttonscontrecela.

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—Oui,c’estcequejevois,grommelai-je.—Jesuisdésolédelafaçondontleschosessesontpasséesàl’assembléepourladéfensedupays.Ilbaissalavoix,s’exprimantdecettedoucemanièreconspiratricedontiln’usaitquelorsquenous

étionsseulstouslesdeux.—Cen’estpastafaute.Enfait,tuesvenuàmonsecours.Jet’ensuisreconnaissante.—Jenesuispasd’accordaveccequis’yestdit.Finnralentitlepaspours’arrêterdevantunelourdeporteenacajou.—Niaveclafaçondontilsvousonttenurigueuràtoiettamèredecequis’étaitpassé.Maisilne

fautpasleurenvouloir.Ilssontjusteapeurés.—Jesais.Jem’arrêtaiprèsdeluienprenantuneprofondeinspiration.—Puis-jetedemanderquelquechose,situpeuxmerépondrehonnêtement?—Biensûr,dit-il,mêmes’ilsemblaitpeusûrdelui.—Necrois-tupasquejeferaismieuxdepartiraveclesVittras?Ilouvritgrandlesyeux.J’enchaînaiavantqu’ilnerépondît.—Jenedemandepassiçaseraitmieuxpourmoietjetiensàcequetumettestessentimentsentre

parenthèses, quels qu’ils soient, mais ne serait-ce pas dans l’intérêt des Trylles et des gens deFöreningquejepartechezlesVittras?—Lefaitque tuveuilles tesacrifierpourcesgensestexactement la raisonpour laquelle ilsont

besoindetoiici.Ilmeregardadroitdanslesyeux.—Ilfautqueturestesici.Nousavonstousbesoindetoi.Lagorgeserrée,jebaissailesyeux.Mesjouess’empourpraientetj’avaishorreurquelesimplefait

d’avoiruneconversationavecFinnpouvaitmemettredansuntelétat.—Elorat’attendàl’intérieur,indiqua-t-ilcalmement.—Merci,dis-jeenhochantlatête.Sansleregarder,j’ouvrislaportepourpasserdanslebureau.Jen’avaisjamaispénétrélecabinetprivédelareine,quiressemblaitenfaitàsesautresbureaux.

Beaucoupderayonnagesdebibliothèque,unimmensebureauenchêneetuneméridiennerecouvertedevelours,installéedevantlabaievitrée.Unepeintured’Eloraétaitaccrochéeaumur,etàlavuedescoupsdepinceau,j’auraispariéqu’ils’agissaitd’unautoportrait.Eloraétaitassiseàsonbureaurecouvertdepaperasserie.Unencrieràportéedemain,elletenait

prudemmentunstylo-plumeenivoireau-dessusdespapiers,commeeffrayéeàl’idéededevoirlessigner.Commeellen’avaitpasencorelevélatêteetquesachevelurenoirependaitdechaquecôtédeson

visagetelsdesrideaux,jen’étaispascertainequ’ellem’avaitvue.—Elora,ilfautquejeteparle.J’approchaidubureau.—C’estcequejemesuislaissédire.Dépêche-toi,carjen’aipasbeaucoupdetempsaujourd’hui.Quandellelevalesyeuxsurmoi,jefaillislâcheruncridesurprise.

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Je ne lui avais jamais vu un visage aussi défait. Sa peau, habituellement lisse et sans défauts,m’apparutâgéeetcommeridéeenunenuit.Sonfrontcomportaitdesplisprofondsquin’yétaientpaslaveille.Sesyeuxnoirsavaientlégèrementviréaublanccrémeux,commedanslescasdecataractedébutante.Une lignedecheveuxblancsparcourait sachevelure le longde la raiecentraleet jemedemandaipourquoijenel’avaispasremarquéelorsdemonarrivéeaupalais.—Alors,princesse,soupiraElora,quisemblaitagacée.Queveux-tu?—JevoulaisteparlerdeLo…euh,dumarkisvittra,bafouillai-je.—Ilmesemblequetuenaslargementassezditàcesujet.Ellesecoualatêteetunegoutted’encrequis’échappadustylotombasurlebureau.—Jenecroispasquetudevraisl’exécuter,dis-jed’unevoixplusassurée.—Tuasénoncétessentimentsd’unefaçononnepeutplusclaire,princesse.—Politiquement,celan’apasdesens,continuai-je,carjenevoulaispaslaisserleschosesenrester

là.Letuerneferaqu’inciterlesVittrasànousattaquerànouveau.—Quenousexécutionsounonlemarkis,lesVittrasn’arrêterontpas.—Justement !dis-je. Ilnesertà riende lesagresser.Tropdepersonnesontdéjà trouvé lamort

inutilement.Pourquoienaugmenterlenombre?—Jenepeuxpluslegarderprisonnierbienlongtemps,ditElora.Dansunraremomentdefranchise,sonmasquetombaetjevisqu’elleétaitexténuée.—Cedontjemeserspourleretenirestentrain…dem’épuiser.— Je suis désolée, dis-je simplement, peu certaine de savoir comment réagir à cet aveu

d’impuissance.—VotrejeuneMajestédevraitêtresatisfaitedemevoirchercherunesolutionencemoment.LafaçondontelleprononçaMajestéavaitquelquechosed’amer.—Queprojettes-tudefaire?demandai-je—Jesuisentraind’étudierd’ancienstraités.Elletapotaitlespapiersétalésdevantelle.—J’essaiede trouverun exemplede conventiond’échangepourquenouspuissions relâcher le

markisenachetantlapaixpournous.JenesaispassiOrencesseradevouloirt’enlever,maisnouspouvonsgagnerunpeudetempsavantqu’ilnelanceunenouvelleattaque.—Oh,fis-je,troubléel’espaced’uninstant.Jen’avaispasprévuqu’ellefassequoiquecesoitenfaveurdeLoki.—Qu’est-cequitefaitcroirequ’Orenpeutmonterunenouvelleattaque?LesVittrassemblenttrop

affaiblispourcombattredésormais.—TunesaisriendesVittrasetdetonpère,réponditElorad’untonàlafoislasetcondescendant.—Lafauteàqui?Sijesuisdansl’ignoranceàproposdetout,c’estparcequetum’ymaintiens.Tu

espèresquejevaisdirigerceroyaumetoutenrefusantdem’enparler.—Jen’enaipasletemps,princesse!lâchaElora.J’auraispariéavoirvuapparaîtredes larmesdanssesyeux,maisellesavaientdisparuavantque

j’enfussecertaine.—Jedésireraistantpouvoirtouttedire,maisjen’enaipasletemps!Tun’asbesoindesavoirque

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l’essentiel.J’aimeraisqu’ilensoitautrement,maistelestlemondedanslequelnousvivons.—Queveux-tudire?interrogeai-je.Pourquoin’enas-tupasletemps?—Jen’aimêmepasassezdetempspourcettediscussion.Eloramecongédiaavecunsignedetête.—Tuasdupainsur laplancheet j’aiuneréuniondansdixminutes.Si tuveuxque jesauve ton

précieuxmarkis,jetesuggèredefileretdemelaisseraccomplirmatâche.Jetraînaiencoreunpeudevantsonbureauavantdemerendrecomptequejen’avaisplusrienàlui

dire.Pourunefois,EloraétaitdemoncôtéetelleneferaitpasexécuterLoki.Ilvalaitmieuxquejepartisseavantdedirequelquechosequilaferaitchangerd’avis.Danslecouloir,jem’attendisàtrouverFinnpourm’accompagneràmachambre,maisàsaplace,

cefutTovequejevis.Appuyécontrelemur,iljouaitavecuneorange,l’airabsent.—Quefaites-vouslà?luidemandai-je—Ravidevousvoirmoiaussi,réponditToved’unairdétaché.—Non,jevoulaisdirequejenem’attendaispasàvoustrouverlà.—Jevenaisvoustrouverdetoutefaçon,c’estpourcelaquej’ailibéréFinn.Tovesouritensecouantlatête.—Jesuissupposéem’entraîneraujourd’hui?J’aimaisbienl’entraînementavecTove,maisj’auraistrouvépréférabledepouvoirprendreunjour

oudeuxdereposafindenepassaturercomplètement.—Non.Tovelançal’orangeenl’airalorsquenousnouséloignionsdubureaud’Elora.—J’habiteiciencemomentetjemesuisditqu’ilseraitbonquejevérifieoùvousétiez.—Oh,c’estvrai.J’avaisoubliéqueToves’installaitaupalaispourenassurerluiaussilasécurité.—Pourquoivousinquiéteràmonsujet?—Jenesaispas.Ilhaussalesépaules.—Vousavezl’air…—Monauraestdécoloréeaujourd’hui?luidemandai-jeenleregardantducoindel’œil.—Enréalité,oui,acquiesça-t-il.Elleestd’unbrundélavécesdernierstemps,presquejaunesoufre.—Jenesaispascequ’estlacouleurjaunesoufre,etmêmesijelesavais,jen’enconnaispasla

signification,dis-je.Vousparlezd’aurassansjamaisexpliquercequ’ellesreprésentent.—Lavôtreesthabituellementorange.Ilmemontra le fruit commesi celadevait illustrer sespropos,puis jouaavec sonorangeen la

faisantpasserd’unemainàl’autre.— Elle dégage inspiration et compassion. Elle devient violette lorsque vous vous trouvez en

présencedegensquevousaimez.Cetteaura-làdégageamouretprotection.—Ahbon?Jehaussaiunsourcil.—Hier, en réunion, lorsque vous vous êtes levée pour défendre quelqu’un en qui vous croyez,

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votreauraétaitdorée.C’étaitéblouissant.Toves’immobilisa,perdudanssespensées.—Etquesignifielacouleurdorée?demandai-je—Jenesaispasexactement.Jen’avaisjamaisrienvudetel.Celledevotremèreatendanceàêtre

grise teintéederouge,maisquandelleestenpleinereprésentationdereine,sonauraestparseméed’éclatsdorés.—Ce qui voudrait dire que le doré signifie… quoi ? Que je suis unemeneuse ? demandai-je,

incrédule.—Peut-être.Ilhaussaànouveaulesépaulesetseremitenmarche.Il descendit l’escalier, et bienquedésirantme retrouver seule, je le suivis. Ilm’expliqua tout ce

qu’ilsavaitàproposdesaurasetdelasignificationdeleursdifférentescouleurs.Lafonctiond’uneauram’échappaittoujours.Tovedisaitquecelaluipermettaitd’yvoirplusclair

danslecaractèred’unepersonneetsursesintentionsréelles.Quanduneauraétaitvraimentpuissante,illapercevait.Hier,pendantlaréunion,lamiennedégageaitautantdechaleurqu’enété,lorsqu’onseprélasseausoleil.Ilentraausalonetselaissatomberdansunfauteuilprèsdelacheminée,quin’étaitpasallumée.Il

commença à peler son orange et à en jeter les peaux dans l’âtre. Jem’assis sur le canapé le plusprocheetregardaiparlafenêtre.L’automne avait commencé à céder la place à un hiver précoce et une lourde neige verglacée

tombaitdéjà.Lebruitqu’ellefaisaitenheurtantlavitreressemblaitàceluid’unepluiedepiècesdemonnaie.—Quesavez-vousaujustedesVittras?luidemandai-je.—Hum?Tovemorditdanssonorangeetmeregarda.Lejuscoulaitsursonmenton.Jereformulaimaquestion.—Ensavez-vousbeaucoupsurlesVittras?—Unpeu.Ilmetenditunquartierd’orange.—Vousenvoulezunpeu?—Non,merci,rétorquai-jeensecouantlatête.Qu’entendez-vouspar«unpeu»?—Jevoulaisparlerd’unquartieroudeux,maisjepeuxvousladonnerenentiersivousvoulez.Ilmetenditl’orange,quejerefusaipoliment.—Non,jevoulaisquevousmedisiezcequevoussavezdesVittras,redis-je.—C’esttropvague.Tovegrignotaunautremorceaud’orange,puis fit lagrimaceet jeta le restedans le foyerde la

cheminée.Ilessuyasesmainssursonpantalonetregardaautourdelui.Ilavaitl’airailleursaujourd’hui,aupointquejemedemandaissilavieaupalaisn’étaitpaspesante

pour lui. Peut-être y avait-il trop demonde, avec trop de pensées prisonnières d’unmême espace.D’habitude,ilnevenaiticiquepourquelquesheuresàchaquevisite.

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—Savez-vouspourquoilesVittrasetlesTryllessebattent?demandai-je.—Non,dit-ilensecouantlatête.Jecroisquec’estàcaused’unefille.—Vraiment?m’enquis-je.—N’est-cepastoujoursainsi?Ilsoupiraetselevapourapprocherdumanteaudelacheminée,puisilbougealespetitesfigurines

enivoireetenboisquis’ytrouvaient,enutilisantpourlesdéplacertantôtsesdoigts,tantôtsonesprit.—J’aientendudireunefoisqu’HélènedeTroieétaittrylle.—Jecroyaisqu’HélènedeTroieétaitunmythe,dis-je.—Toutcommelestrolls.Il saisit une figurine en ivoire représentant un cygne enlacé par une liane de bois et le toucha

délicatementdudoigt,commes’ilcraignaitd’enabîmerl’ornement.—Quipeutdistinguercequiestréeldecequinel’estpas?—Etdonc?LestrollsetlesVittrassontlamêmechose?Quecherchez-vousàdire?—Jenesaispas.Tovehaussalesépaulesetreposalafigurinesurlacheminée.—Jenem’intéressepastropàlamythologiegrecque.—Bien.Jem’allongeaisurlecanapé.—Alorsquesavez-vous?—Jesaisqueleurroiestvotrepère.Ilarpentaitlapièce,portantsonregardsurtoutsansvraimentrienregarder.—Etcommeleroiesttenace,ilnes’arrêterapastantqu’ilnevousaurapaseue.—Voussaviezqu’ilétaitmonpère?luidemandai-jeenleregardant,ébahie.Pourquoinem’avoir

riendit?—Cen’étaitpasàmoidelefaire.Il regardait laneige tomberdehors.Approchantde lavitre, il y appliqua sapaumedemain,qui

laissauneempreintehumideàcausedelachaleurdesapeau.—Vousauriezdûmeledire,insistai-je.—Ilsneletuerontpas,ditTove,l’airabsent.Ilsepenchapoursoufflersurlavitre,quisecouvritdebuée.—Qui?—Loki.Lemarkis.Ildessinaquelquechosesurlabuéeavantdel’effaceravecsoncoude.—Eloram’aditqu’elleallaitessayerde…—Non, ilsnepeuventpas le tuer, assuraToveenme faisantdenouveau face.Votremèreest la

seulepersonne,outrevousetmoi,suffisammentpuissantepourleretenirprisonnier.—Attendez,attendez.Jelevailesbrasauciel.—Quevoulez-vousdireparpersonnen’estassezpuissantpour le retenir?J’aivu lesgardes le

maîtriserquandilaétécapturédanslehall.MêmeDuncanaaidéàledompter.

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—Non,lesVittrasfonctionnentdifféremmentdenous.Toves’assitàl’autreboutducanapé.—Nostalentsrésidentlà.Iltapadudoigtuncôtédesoncrâne.—Nouspouvonsremuerdesobjetsetmaîtriserlevent.—Lokipeutassommerdesgensrienqu’avecsonespritetlareinevittraestcapabledelesguérir

ensuite,dis-je.—La reine vittra a du sang trylle.Ceci remonte à une génération ou deux, et c’est ce qui lui a

permisdedevenirreine.QuantàLoki,ilestdumêmesangquenous,sonpèreétaittrylleavant.—Maintenantilestvittra?demandai-je,mesouvenantqu’Eloram’avaitditavoirconnulepèrede

Loki.—Ill’aétépendantunepériode,maisilestmort,ajoutaTovecommesiderienn’était.—Quoi?Pourquoi?—Trahison.Tovesepenchaenavant,etàl’aidedesonesprit,soulevaunvaseau-dessusdelatablevoisine.Je

voulaisclaquerdesdoigtspourluidiredemeprêterattention,maisjesavaisquec’étaitexactementcequ’ilcherchaitàfaireparcettemanœuvre.—Nousl’avonstué?demandai-je.— Non. Je crois qu’il a cherché à s’enfuir pour revenir à Förening et que les Vittras l’ont

supprimé,dit-ilensemordantlalèvre,toutenseconcentrantsurlevasequ’ilfaisaitflotterenl’air.—Oh,Seigneur.Jem’allongeaiunpeusurlecanapé.—CommentLokipeut-ilencoresupporterlesVittras?—JeneconnaispasplusLokiquejen’aiconnusonpère.Levaseredescenditseposergentimentsurlatable.—Jenepeuxpasvousdirecequ’ilspensent.—Maisvous,commentsavez-voustoutcela?—Vouslesauriezaussi,sic’étaitdansl’ordredeschoses.Tovesoufflaprofondément,apparemmentpluscalmeaprèsavoirbougécevase.—Étudier notre histoire fait partie de l’entraînement que vous avez entrepris.Mais à cause des

attaques,ilestplusimportantquevoussoyezpréparéeàvousbattre.—EnquoilespouvoirsdesVittrasdiffèrent-ilsdesnôtres?demandai-jepourenrevenirausujet

quimepréoccupait.—Lapuissance.Ilfléchitlebraspourmefaireunedémonstration.— Ils sont physiquement inégalables. Même leur esprit est plus impénétrable, ce qui rend

compliqué,pourdespersonnescommevousetElora,delesmaîtriser.C’estmêmeplusdifficilepourmoi de les bouger. Sinon, comme chez nous, plus ils sont puissants, plus ils sont élevés dans lahiérarchie,cequiexpliquepourquoiunmarkiscommeLokiestterriblementpuissant.—MaisvousavezenvoyévaldinguerLokicommeunrienaupalaisvittra,luirappelai-je.

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—Oui,j’yaibeaucoupréfléchi.Perturbé,ilfronçaitlessourcils.—Jecroisqu’ilm’alaissélefaire.—Quevoulez-vousdire?Pourquoi?—Jenesaispas.Lokim’alaissélemaîtriser,etici,illesalaisséslecapturer.Lepouvoird’Elora

surluiestréel,enrevancheceluidesautresgardes…Tovesecouanégativementlatête.—Ilsn’auraientpasunechancefaceàlui,s’ilnelepermettait.—Pourquoiferait-ilça?demandai-je.—Jen’enaipas lamoindre idée,admitTove.Mais ilestbienplus fortquenous tous.Elorane

seraitpascapabledeleretenirassezlongtempspourqu’ilsletuent.—Etvous?demandai-jetimidement.—Jecroisqueoui.Jeveuxdire,j’ensuiscapable,maisjeneleferaipas.—Pourquoi?—Jecroisqu’ilnefautpas.Iln’arienfaitpourblesserquiconqueici,pasvraiment,etjeveuxvoir

cequ’ilvafaire.Ilhaussalesépaulesenmeregardant.—Etvousnevoudriezpasquejelefasse.—Vousvousopposeriezauxvolontésd’Elorasijevousledemandais?Ilacquiesçad’unsignedetête.—Pourquoi?Pourquoiferiez-vousquelquechosepourmoietnonpourelle?—Maloyautévousestacquise,princesse.Tovemesourit.—JevousfaisconfianceetlesautresTryllesapprendronteuxaussiàlefaire,quandilsaurontvu

cedontvousêtescapable—Dequoisuis-jecapable?demandai-je,troubléeparl’aveudeTove.—Nousmeneràlapaix,dit-ilavectantdeconvictionquejen’eusplusrienàajouter.

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DIX-SEPTApathique

AprèsavoirentenducequeToveavaitàdireàproposdeLoki,j’eusenviedeluiparler.Ilnes’étaitpas montré très ouvert avecmoi, mais je voulais savoir pourquoi il était venu ici. Qu’espérait-ilgagnerenforçanttoutseullesportesdupalaisdesTrylles?Maisàmagrandedéception,lesgardiensdeLokiavaientrenforcéleurvigilance.Desrumeursausujetdemaconversationavecluiavaientcirculéetlesgardiensavaientdécidéde

sedonnerdeuxfoisplusdemalpourquejenepussel’approcher.Duncans’étaitfaittirerlesoreillespourm’avoirlaisséerencontrerLoki,etquandilrevintdedisgrâce,ilrefusaquejem’approcheduprisonnier.J’auraispuuserdepersuasionavecDuncan,maisjeluiavaisdéjàsuffisammentfatiguélecerveau

enpratiquantcelasurlui.SansenavoirencoreparléàTove,jem’étaisjurédeneplusmeservirdepersuasionsurquiconque.D’ailleurs,ilseraitaussibienpourmoiquejeprofitassedelajournéepourmereposer.Demain,je

reprendraisl’entraînement,etensuite,jepourraisessayerdevoirLoki.J’étaiscertainedetrouverunmoyenpourcirconvenirlesgardessansavoirrecoursàlapersuasion.Je ne restai pourtant pas longtemps toute seule.Duncanm’escorta jusqu’àma chambre et je n’y

étaispasinstalléedepuiscinqminutesqueRhys,quisortaitdel’école,m’yretrouva.Ilavaitfaitunepizza etm’invitait dans sa chambrepour regarder avec lui des filmsde sérieBetmedétendre encompagniedeMattetWilla.Comme je trouvais que je n’avais pas passé assez de temps avec chacun d’eux, j’acceptai et

demandai à ce que Duncan soit admis. Je m’assis sur le divan en veillant à laisser une distancerespectableentreRhysetmoi,maisjen’euspastropàm’ensoucier,cardetoutefaçon,Mattveillaitaugrain.Ilparaissaitcependantlâcherunpeudelestquantàsesdevoirsdegrandfrèreetsemblaitplusse

préoccuper de Willa, qu’il taquinait en riant avec elle. Mais ce fut elle qui me surprit plus quen’importequi.Ellemangeaitvraimentde lapizza.Mêmemoi, jen’enmangeaispas,maisWilla ladévoraitensouriant.Afindenepasfairecommelapremièrefoisoùj’avaisregardédesfilmsdanslachambredeRhys,

cette fois-ci, jem’arrangeaipournepasm’endormiravant la fin. Jem’excusaienpartant,pendantquetousregardaientencoreEvilDead.Enrouteversmachambre,jecroisaiFinn,quifaisaitsaronde.Jeluidisbonsoir,maisilfitmine

denepasmevoir.Duncans’excusaàlaplacedeFinnpoursaconduite,cequim’agaçadavantage.JenevoyaispaspourquoiFinndevaitlaisseràd’autrespisteurslesoindemeréconforter.Lelendemainmatin,Tovemeréveillaàl’aube.Commeilvivaitaupalais,iln’avaitplusderouteà

faire.C’étaitdurdeseréveillersitôt,maisl’insomniedeToves’étantaggravéedepuisqu’ilhabitaitici,jenepouvaisluienvouloirnimeplaindre.Nouspassâmesunelonguejournéeàtravailler.Àlacuisine,quiétaitordinairementdéserte,nous

trouvâmeslechefoccupéàpleintempsenraisondunombreplusimportantdegardesetdegensqu’il

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fallait nourrir au palais. Au grand désarroi de ce chef, Tove voulait m’entraîner à déplacer descasserolesetdespoêles.Jem’attendaisàquelquechosecommedansMerlin l’enchanteur,avec lesplatsquivoltigeraient,

mais il ne s’agissait pasde cela. Jeparvins à faire tenir en l’air deuxcasseroles en fonte et faillisdécapiterDuncanavecunepoêlequej’envoyaiàtraverslapièce.Unepartiedemoiétaitravieàl’idéed’avoirenfinpufairebougerdesobjetsavecmonesprit.Tove

prétenditquecelaavaitquelquechoseàvoiraveclafaçondontlaporteavaitclaquéquandEloraavaitfaitmalàLoki.Celaavaitdébloquéenmoiunpotentielénergétiquequi,jusque-là,nerépondaitpas.Lapartiedemoiquiétaitexcitéefinitparêtrecomplètementvidéeparcellequiétaitépuisée.Enfin

d’entraînement,jenem’étaisjamaissentieaussifatiguéedemavie.Duncanvoulutmesoutenirpourgrimperl’escalierjusqu’àmachambre,etbienquetentéeparlaproposition,jerefusai.Ilfallaitquejeparvinsseàgérertoutcelamoi-même.JenevoulaisplusquedespersonnescommeDuncanetFinn,nimêmeTove,risquentleurviepour

moi.Etmêmes’iln’étaitpasquestionqu’ilsperdentleurvie,jenevoulaisplusavoirbesoind’eux.J’étaisplusfortequelaplupartd’entreeuxetjesouhaitaism’ensortirtouteseule.Jesavaisquecelan’arriveraitpasenunjour,maisjetravailleraisaussidurquenécessairejusqu’à

deveniraussifortequecequ’onattendaitdemoi.Après une longue phase d’entraînement, je fis une courte pause. Nous devions assister à une

assemblée pour la défense du pays. Tove,Duncan etmoi nous y rendîmes en compagnie d’Elora,avecquelquesgardestriéssurlevolet.Quandnousarrivâmesdanslasalle,Finnetsonpère,Thomas,yétaientdéjà.Jeleurdisbonjour,etalorsqueThomasmerépondit,Finnm’ignora.Encoreunefois.Laréunionn’apportapasgrand-chosedeneuf.Eloranousfitpartdesderniersévènements.Iln’y

avaiteuaucunenouvelleentréeenforcedesVittras.Lokines’étaitpaséchappé.Ellepassaenrevueavec les pisteurs la composition de l’équipe de gardes. Je voulus lui demander quel était son planpour l’échangedeLoki avec lesVittras,maisElorame lançaun tel regardque je comprisque cen’étaitpaslemomentd’aborderlesujet.À la fin de la réunion, tout ce que je voulais, c’étaitme rendre dansma chambre, prendre une

longuedouchechaudeetmecoucher.Justeavantdepassersousladouche,jemerendiscomptequejen’avaisplusdesavonetmedirigeaiversleplacardducouloirpourenprendre.Moncerveaumefaisaitl’effetd’êtreengourdietcommecourt-circuité.Sanssavoirpourquoi,jene

sentaisplus lesextrémitésdemesorteilsnidemesdoigts.Unemigrainegagnaitmoncrânepar labaseducouetlavisiondansmonœilgauchesebrouillait.L’entraînementdecette journéeavaitétéplusdifficilequejen’avaisvoulul’admettre.Toveavait

suggéré à plusieurs reprises que nous fassions une pause, mais j’avais refusé et j’en ressentaismaintenantplusdurementleseffets.CefutsansdoutepourcetteraisonquejefushorsdemoiquandFinnpassaànouveauàmescôtés

sansmesaluer.J’étaissortieenpeignoirdanslecouloirpourchercherdusavonlorsquejel’aperçusqui faisait sa ronde. Je luidisbonsoirquand ilarrivaàmahauteur,maissansunmotnimêmeunsignedetête,ilpassasonchemin.C’enétaittrop;lecoupdegrâce.

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—C’estquoitonproblème,Finn?m’écriai-jeenlecontournantpourluifaireface.Ils’arrêtauniquementparcequecemouvementbrusquel’avaitsurpris.Ilmeregarda,bouchebée,

enclignantdesyeux.Jecroisquejenel’avaisjamaisvuaussiinterdit.—Biensûr,commetoujours,tunevasrienmedireettecontenterdemeregardersansbroncher.—Je…je…bégayaFinn.Jesecouailatête.—Non,vraimentFinn.Jelevailamainpourl’empêcherdecontinuer.—Si tu t’en fiches au point de ne pas te rendre compte que j’existe, inutile de temettre à faire

semblantmaintenant.—Wendy.L’airexaspéré,ilsoupira.—Jenefaisquemonboulot…—Peuimporte,lecoupai-jeenlevantlesyeuxauciel.Oùexactementest-ilinscritdanstafeuillede

route que tu doives te comporter comme un salop avec la princesse et l’ignorer ? C’est stipuléquelquepart?—Jefaissimplementdemonmieuxpourteprotégerettulesaistrèsbien.—J’aibiencomprisquenousnepouvionsêtreensemble.Etjenesuispasàcepointdépourvuede

volontéquelesimplefaitdetecroiserdansuncouloirm’obligeàtesauterdessus.Jeclaquailaporteduplacard.—Iln’yaabsolumentaucuneraisonpourquetusoisaussigrossieravecmoi.—Jenelesuispas.L’expressiondesonvisage,quis’étaitradoucie,seteintaitmaintenantdedouleuretd’embarras.—Je…Ilbaissalesyeux.—Jenesaispascommentjesuiscensémecomporterentaprésence.—Etpourquoisupposerquelemeilleurcomportementconsisteraitàm’ignorer?demandai-je.Àmagrandesurprise,jevisdeslarmesluimonterauxyeux.—Voilàpourquoi jenevoulaispas être ici, dit-il en secouant la tête. J’ai imploré la reinepour

qu’ellemelaissepartir.—Tul’asimplorée?questionnai-je.Maisc’enétaittrop.Finnn’imploraitpas.Ilavaitbientropdefiertéetdesensdel’honneurpourimplorer.Etpourtant,

ilavaittantsouhaités’éloignerdemoiqu’ilavaitdûimplorer.—Oui!Illevaledoigtversmoi.—Maisregarde-toi!Regardecequejetefais!—Tuasdoncconsciencedecequetumefais?demandai-je.Tulesaisetpourtanttucontinues?—Jen’aipaslechoix,Wendy!s’écria-t-il.Queveux-tuquejefasse?Dis-le-moi,situsaisceque

jedoisfaire.

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—Jeneveuxplusrienvenantdetoi,admis-jeentournantlestalons.—Wendy!Finnm’appela,maisjecontinuaidem’éloigner,déterminée.—Jesuistropfatiguéepourtoutça,Finn,marmonnai-jeavantd’entrerdansmachambre.Àpeineavais-jereferméquejem’appuyaicontrelaporteetquej’éclataiensanglots.Jenesaispas

pourquoi, d’ailleurs.Cen’était pas queFinnmemanquait.C’était plutôt comme si je ne parvenaisplusàmaîtrisermesémotions.Ellesm’envahissaientendéclenchantdespleursdésespérés.Jem’écroulaisurmonlitetdécidaiqueleseulremèdeseraitdedormirprofondément.

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DIX-HUITSecrets

IlfallutvingtminutesàDuncanpourmeréveillerlelendemainmatin.Ilessayad’aborddefrapperàlaporte,mais jen’entendis rien.Quand ilme secouaaprès être entré, celaneme réveillapasnonplus.Ilfutalorsconvaincuquej’étaismortejusqu’àcequeTovesurgissepourm’aspergerlevisaged’eau—Quesepasse-t-il,bonsang?m’écriai-jeenm’asseyant.De l’eau coulait sur mon visage et je clignai des yeux pour voir Tove et Duncan à travers les

gouttes.Tousdeuxsetenaientlatête.Moncœurbattaitfortetj’écartailescheveuxdemesyeux.—Vousl’avezencorefait,princesse,ditToveensefrottantlestempes.—Quoi?demandai-je.Qu’est-cequisepasse?—Cetteclaqueavecvotrecerveau.TovegrimaçaitencoreetDuncanavaitdéjàbaissésamain.—Nous vous avons effrayée en essayant de vous réveiller, et tout en dormant, vous avez réagi

violemment.Maiscelasedissipemaintenant.—Désolée.Jesortisdulitdansmonpyjamatouttrempé.—Celan’expliquepourtantpasladouche.—Vousnevousréveilliezpas.Duncanexpliquacequis’étaitpasséavecdegrandsyeuxremplisd’inquiétude.—J’aieupeurquevousnesoyezmorte.—Jet’aiditqu’ellenel’étaitpas.Toveluilançaunregardsanséquivoqueenouvrantgrandlesmâchoirespourlesétireretessayer

dedissiperladouleurprovoquéeparlaclaquequejeluiavaisaccidentellementoctroyée.—Vousallezbien?demandaDuncanenapprochantdemoipourdétecterd’éventuellesblessures.—Oui,jevaisbien,endehorsd’êtremouilléeettoujoursfatiguée.—Pasd’entraînementaujourd’hui,m’informaTove.—Quoi?Jemetournaivivementverslui.—Pourquoi?Jecommencetoutjusteàyarriver.—Jesais,maisc’est tropéreintant, répondit-il.Vousallezvous faireuneélongationouquelque

chosedugenre.Nouspourronsnousexercerdavantagedemain.J’essayaideprotester,maisdefaçonsipeuconvaincantequeTovenem’écoutamêmepas.Lefait

estqu’aprèsunebonnenuitdesommeil,jemesentaistoujourscomplètementépuisée.Toutuncôtédemoncerveaumeparaissaitétrangementengourdi,commesiunemoitiédemacervellesommeillait.Cequin’étaitévidemmentpaslecaspuisquejenevenaispasdesubirunaccidentcérébral.Maiseneffet,j’avaisbesoindefaireunepause.Tovepartitfairecequ’ilfaisaitgénéralementdesontempslibreetDuncanmepromitunejournée

dedétente,quecelameplûtounon.

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Dans l’ordredeschoses, ilme fallaitcommencerparôtermesvêtementsmouillés,puisprendreunedouche.Quandjesortisdelasalledebain,jetrouvaiDuncansurmonlitdéfait.Ildressaitlalistedes choses agréables qu’il serait possible de faire pendant la journée, mais rien ne me semblaitvraimentemballant.— Trouves-tu relaxant de bavarder avec des amis ? lui demandai-je en essuyant mes boucles

mouilléesavecuneserviette.Commej’avaistoujoursmalàlatête,jepréférais,pourchanger,gardermescheveuxdéfaits.—Oui,affirmaDuncansansconviction.—Bien.Danscecas,jesaisquoifaire.Jejetailaserviettesurunechaise,etDuncansedéplaçasurlecôtédulit.—Quoi?Duncanm’observaenplissantlesyeux.Commejen’avaispasmanifestéd’enthousiasmepourses

idées,ilsemontraittrèsméfiantenverslamoindredemesenvies.—Jevaisallerbavarderavecunami,dis-je.—Quelami?Sautantdulit,Duncanmesuivitdeprèsalorsquej’ouvraislaportedelachambre.—Justeuncopain.Jehaussailesépaulesenempruntantlecouloir.—Vousn’avezpastantd’amisqueça,fitremarquerDuncan.Commejefissemblantd’avoirl’airoffensée,ils’empressad’ajouter:—Pardon.—Çava.C’estexact,dis-jetandisquenouspassionsdevantleschambresdeRhysetdeMatt.—Oh,non.Duncansecoualatêtequandilcomprit.—Princesse,vousêtescenséevousreposer,etdureste,lemarkisvittraestloind’êtreunami.—Iln’estpasnonpluscequ’onpeutappelerunennemietjesouhaitejusteluiparlerunpeu.—Princesse,soupira-t-il.C’estunemauvaiseidée.—J’aibiennotétesinquiétudes,Duncan,etmêmesijenetienspasàabuserdemonautoritésur

toi,jesuistoutdemêmelaprincesse.Tunepeuxdoncm’enempêcher.—Vousnedevezpasluiparler,c’esttout,ajoutaDuncanenmesuivantdeprès.Lareineadonné

desinstructionsauxgardesaprèsvotredernièrevisite.—Situn’approuvespas,tun’espasobligédevenir,affirmai-je.—Biensûrquejeviens,rétorqua-t-il,irrité,enaccélérantlepas.Jenevaiscertainementpasvous

laisserluiparlerentêteàtête.—Jeconnaistescraintes,maistoutirabien.Jeleregardai.—Jeneveuxpasquetutemettesdansl’embarraspourmoi.Situdoisrester,trèsbien.—Non,pastrèsbien.Ilmeregardaitavecunairdereproche.—Mafonctionveutquejevousprotègeetnonl’inverse,princesse.Nesoyezpassipréoccupéepar

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mapropresécurité.Au moment d’atteindre l’escalier, un gros tapage se fit entendre. Quelqu’un frappait à la porte

d’entrée, ce qui n’arrivait jamais, car en général, les gens utilisaient la sonnette qui carillonnaitbruyamment.Étonnamment calme, Elora pénétra dans la rotonde et se dirigea vers la porte, la longue traîne

noiredesarobebalayantlemarbrederrièreelle.Nousétionstoujoursàl’étage,avecunevueplongeantesurElora,maiscommejenevoulaispas

risquerqu’ellemevît, jemebaissaipourmecacherderrière la rambarde.Duncanfitdemême.JedistinguaisparfaitementEloraàtraverslesbarreauxenbois.Elle était seule, et avantd’ouvrir laported’entrée, elle s’arrêtapour regarderderrière elle.Son

visageétaitpluslisseetavaitl’airmoinsvieilliquel’autrejour,maissescheveuxétaientparcourusdedeuxnouvellesmèchesblancheséclatantes.—Pourquoiva-t-elleouvrirlaporte?murmuraDuncan.Etsansaucungardeauprèsd’elle?—Chuuut!Jelefistaired’ungestedelamain.Nevoyantpersonneàl’horizon,Eloraouvritlaporte.Uncourantd’airglacials’engouffradansle

hall d’entrée et Elora dut retenir la porte pour l’empêcher de se refermer sous l’effet de labourrasque.UnefemmesefaufilaetElorarepoussalalourdeporteavectoutelagrâcedontelleétaitcapable.

Lacapuchedesacapevertfoncécachaitlevisagedelafemmequiportaitunerobeensatinbordeaux,dontlebas,humideetsaliparleséléments,flottaitautourd’elle.—C’esttellementgentilàvousd’êtrevenueparcetemps.Elorasefenditd’unsourire,lemodèlecondescendant.Elle remit ses cheveux en place de façon que les mèches blanches y soient moins visibles. La

femmeneditrienetElorafitungesteverslepremierétage,cequimeparutbizarre.L’ailesuddurez-de-chausséeétaitcelleoùseconduisaientlesaffairesduroyaumeetElora,aucontraire,dirigeaitsoninvitéeverssesappartementsprivés.—Venez,ditEloraalorsqu’elleetl’inconnuetraversaientlehall.Nousavonsbeaucoupdechoses

àvoirensemble.J’attrapai lebrasdeDuncanpournousprécipiterdanslecouloiravantqu’Eloranecommençâtà

monter les escaliers. Il n’y avait sur le palier qu’un placard à balais, dont j’ouvris la porte aussisilencieusementquejepus.Unefoisàl’intérieur,jetirailaportetoutdoucement,ennelaissantqu’unepetitefentepermettant

devoircequisepassait.Duncan,coincédansmondos,s’appuyaitcontremoipourtenterluiaussidedistinguerquelquechosepar le trou,et je lui filaiuncoupdecoudedans l’estomacpourqu’ilmelaissâtrespirer.—Aïe!grogna-t-il.Silence!grondai-je.—Vousn’êtespasobligéedehurler,chuchotaDuncan.—Jen’aip…

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J’étaissurlepointdeluidirequejen’avaispascriéquandjecomprisqu’enfait,jen’avaismêmepasparlé.J’avaisàpeinepensélemotqu’ilavaitentendu.Jevenaisdefaireletruchabitueld’Elora,quiconsistaitàparlerdirectementaucerveaudesgens.Duncan, tum’entends ? demandai-je dansma tête pour réessayer,mais il ne répondit rien. Il se

tenaitseulementsurlapointedespiedspourregarderpar-dessusmatête.J’auraisbienrecommencé,maiscommej’entendisEloraatteindrelehautdel’escalier,jepréférai

meconcentrersursonpassage.Ellesetenaitentrel’inconnueetleplacardàbalais,etjeneparvinspasàvoirlevisagedelafemme,toujoursàdemidissimuléparlacapuchevertedesacape.J’attendis quelques secondes qu’elles soient passées pour ouvrir la porte du placard. En me

penchant un peu, je vis leurs deux silhouettes s’éloigner dans le couloir. Elles passèrent devant lepisteur,leseulgardienaupremierétage,quimontaitlagardedevantlacelluledeLoki.Lerez-de-chausséegrouillaitdegardes.Ilyenavaitenpermanenceunoudeuxdansmonproche

environnementmais,enrevanche,lepremierétageétaitplutôtdésert.—PourquoiEloraferait-ellevenirquelqu’unàcetétage?demandaDuncanenfaisantunpasde

côtépouressayerdelesvoir.—Jenesaispas.Sais-tuoùellessedirigent?—Non,lareinenem’invitejamaisdanssesquartiersprivés,indiquaDuncan.—Ouais,moinonplus.Jedécidaid’espionner la reinepourcomprendrepourquoielleagissait si secrètement.Suiviede

près par Duncan, je longeai le mur, aussi étroitement que possible. Nous avions l’air de deuxpersonnagesdeLooneyTunesquand ilsessaientdesecacherderrièredesarbres longilignesoudepetitsrochers.Elora poussa une énorme porte au bout du couloir et je m’immobilisai. C’était sa chambre à

coucher.Jen’yavaisjamaispénétré,maisc’étaitcequ’onm’avaitexpliqué.Jemepressaicontrelemurenm’aplatissantautantque jepus, etquandElora se retournapour refermer laportederrièreelle,parchance,ellenelevapaslesyeux.—Qu’est-cequ’ellepeutbienfaire,nomd’unepipe?demandai-je.—J’allaisteposerlamêmequestion,ditLoki,meprenantcomplètementparsurprise.Sachambren’étaitqu’àuneoudeuxportesde l’endroitoùnousessayionsdenouscacher.Loki

s’adossa au chambranle de sa porte, aussi loin qu’il pouvait prétendre avancer dans le couloir et,commeils’adressaitàmoi,songardienledévisagea.Ayant concentré toute mon attention sur les déplacements d’Elora, j’avais oublié que Loki était

retenuprisonnieraumêmeétage.Jem’écartaidumuretmeredressaienlissantmescheveuxencoremouillésdumieuxquejepus.—Celaneteregardevraimentpas.Àdessein,jem’approchailentement,cequidéclenchachezluiunpetitsouriresuffisant.—Jem’enfichepasmal,maistoiettoncopainlà,ditLokiendésignantDuncan,vousavezl’airde

deuxrecaléssortisd’unesuperécoled’espions.—Jesuisravied’apprendrequetut’enfiches,dis-jeencroisantlesbras.—Maisjesuiscurieux.

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LefrontdeLokiseplissacommepourmanifesterunréelintérêt.—Pourquoiespionnes-tutapropremère?—Vousn’avezpasàrépondreàsesquestions,princesse,ditlegardienenjetantsurLokiunregard

oblique.Jepeuxfermerlaporteetvouspouvezvousenaller.—Non,çava.Jeluisourispolimentavantd’envoyeruncoupd’œilsévèreàLoki.—As-tuvuavecquiparlaitmamère?—Non.LesouriredeLokis’agrandit.—Etjepariequetoinonplus.—Toutcecinemeparaîtpastellementrelaxant,princesse,intervintDuncan.—Duncan,çava,jevaisbien.—Mais,princesse…Duncan!Àmagrandesurprise,matransmissiondepenséel’atteignitdenouveaudepleinfouetet

jemedépêchaid’enprofiter.Leregardant,jedisdansmatête:Jevaisbien.S’ilteplaît,entraînelegardienailleurs.—Bien.Duncansoupira.Ilsetournaverslegardien.—Laprincesseabesoind’êtreseuleunmoment.—Maisj’aireçudesconsignestrèsstrictes…—Elleestlaprincesse,ajoutaDuncan.Tenez-vousvraimentàdiscutersesordres?Autant que le gardien, Duncan semblait contre l’idée deme laisser seule. En s’éloignant, il me

regardaavecunairdereproche,etlegardemaugréaenexpliquantqu’ilauraitdestasdeproblèmessilareineapprenaitcequisepassait.—Jevoisquetuasapprisunnouveautour,ditLokiengrimaçant.—J’aiplusd’untourdansmonsac,dontcertainsquetunesoupçonnesmêmepas,dis-je.Lokiarquaunsourcilensigned’approbation.—Situveuxmemontrerunoudeuxtrucs,maporteesttoujoursouverte.Ilmontraitsachambre.Ilfitunpasdecôtépourmelaisserpasseraucasoùjesouhaiteraisentrer.Jene saispasceque j’avaisen têteexactement,mais je leprisaumot. Je franchis le seuilen le

frôlantlégèrementaupassage.Puisqu’iln’yavaitpasdechaise,jem’assissursonlit,aussidroitequepossible.Jenevoulaispasavoirl’airàl’aise,niluiinspirerdefaussesidées.—Faiscommecheztoi,princesse,plaisantaLoki.—Jesuischezmoi,luirappelai-je.C’estmamaison.—Pourlemoment,indiquaLokiens’asseyantsurlelit.Ils’arrangeapours’asseoirprèsdemoietjebougeaisurlecôtédefaçonàlaisserunmètreentre

nous.—Jevoiscequec’est,ajouta-t-il.—Tovem’aparlédetoi.Jesaiscombientuespuissant.— Et pourtant, tu viens seule dans ma chambre ? demanda-t-il en se penchant en arrière et en

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s’appuyantsurlesbraspourmeregarder.—Tusaiscommejesuispuissante,rétorquai-je.—Touché.—Connaissant ta force, le roi t’avait confié lamissiondeme surveiller, dis-je.Tum’as laissée

filer.—C’estunequestion?Lokidétournalesyeuxetôtauneéchardedesachemisenoire.—Non.Jesaisquec’estcequetuasfait.Jecontinuaideledévisager,espérantquecelafiniraitparluifairelâcherquelquechose,maisson

expressionnefitqueserenfrogner,commes’ils’ennuyaitdeplusenplus.—Jeveuxsavoirpourquoitum’aslaisséepartir.—Princesse,quandtuesentréedansmachambre,jepensaisquetuvoulaist’amuseretnonparler

politique.Roulantsurlecôté,ilfitlamoueetmeregardaenaffichantunfauxairabattu.—Loki,jesuissérieuse!—Moiaussi.Ilserassitbiendroit,enprofitantdel’occasionpours’approcherplus,unemainappuyéesurlelit

justederrièremoi,desortequesonbrasmefrôlaitledos.—Pourquoirefuses-tudemedirelaraisonpourlaquelletum’aslaisséem’enfuir?demandai-jeen

m’efforçantdegarderlemêmeton,toutenleregardantdroitdanslesyeux.—Pourquoitiens-tutantàlesavoir?demanda-t-ild’unevoixgraveetsérieuse.—Parceque.J’aibesoindesavoirsitutefichesdenousounon.—Etsic’étaitlecas?Ilgardalesyeuxbraquéssurmoienlevantlementonensignededéfi.—Tumeferaisexécuter,alors?—Non,biensûrquenon,dis-je.Ilhochalatêteenm’examinant,etsoudain,ilcomprit.—Tuesenfaitconsternéeparcetteidée.—Oui,exactement.Maintenant,vas-tumedirepourquoitum’aslaisséefiler?—Pourlamêmeraisonsansdoutequetuneveuxpasmetuer.—Jenecomprendspas.Jevoulaissecoueretbaisserlatête,maisj’avaistroppeurdebriserlecontactavecsonregard.Je

necherchaispasàuserdepersuasionsurluiouquoiquecesoitdanscegenre,maisc’estseulementenparvenantàmaintenirsonattentionquejepouvaisobtenirqu’ilcontinuâtdeparler.—Jecroisquetucomprends,princesse.Ileutdumalàavalersasaliveetprituneprofondeinspirationavantdecontinuer.— Je sais ce que c’est que d’être prisonnier et il m’a semblé réconfortant de voir quelqu’un

s’échapper,pourunefois.—Jeveuxbiencroireça,admis-je.Maispourquoirevenirensuiteici?Pourquoimelaisserpartir

sic’étaitpourrecommenceràmepoursuivre?

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—Jetel’aidéjàdit.Ordresduroi.—Ilt’aenvoyéiciseul?—Pasexactement.Lokihaussalesépaules,maissansmelâcherdesyeux,metransperçantpresqueduregard.—J’aidemandéàvenirseul.Jeluiaiditque,puisquetumefaisaisconfiance,jepouvaisobtenir

quetureviennesavecmoi.Moncœurbondit.Jesavaisquej’auraisdûm’énerveretm’enprendreàlui,maisjenelefispas.—Tucroisvraimentcequetudis?luidemandai-je.—Jenesaispas.Mais jen’aipascherchéàplanifierquoiquecesoit.Toutceque jemedisais,

c’estquesilesautresvenaientavecmoi,ilsn’auraientdecessedet’avoirramenéeaveceuxetjenetrouvaispascelahonnête.—TunevasdoncpasessayerdemetraînerdeforceàOndarike?m’enquis-je.Ilplissaunpeudesyeuxcommes’ilréfléchissaitréellementàlachose.—Non.Ceseraitbientropd’ennuis.—Tropd’ennuis?interrogeai-je,sceptique.Nepourrais-tupassimplementm’étourdirànouveau

etmejetersurtesépaules?Oumieuxencore,pourquoinepasl’avoirfaitquandtuesarrivéici,aulieudetelaisseremprisonner?—Jenemesuispaslaisséemprisonner.Iléclataderire.—C’estvraiquejenemesuispasbattuautantquej’auraispu,maislàn’estpaslaquestion.Jene

voulaispast’emmenerdeforce.Jevoulaisjustefairecommesij’avaisessayé,pourqueleroin’aitplusderaisondevouloirmamort.Jepenchailatêtepourl’observer.—Tun’esdonciciqueparcequetucherchesàsauvertapeau?—Çaenatoutl’air,non?—Viens-tudemefairequelquechose?luidemandai-je.Je me sentais soudain un peu étourdie et mon pouls s’accélérait. Ses yeux caramel semblaient

m’hypnotiser et mon estomac faisait des siennes. La seule fois où j’avais éprouvé une sensationsemblableavaitétéaucontactdeFinn.EtjenevoulaissurtoutpasimaginerquejepouvaisressentirquelquechosedesimilaireavecLoki,commesi j’étaisattiréepar lui.JepréféraispenserqueLokim’avaitlancéundesessortilèges,unpeucommelorsqu’ilm’avaitendormie.—Commequoi?Lokihaussaunsourcilensigned’étonnement.—Jenesaispas.Quelquechosecommele tourdemagieavec lequel tum’ashypnotisée l’autre

jour.—Non.Jenefaisriendetel.Illaissaéchapperunlongsoupir,presquederegret.—Etjedoutefortquejenelerefasse.—Pourquoicela?questionnai-je.Il revêtit un sourire légèrement en biais tandis qu’il approchait plus près demoi. L’espace d’un

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instant, j’euspeurqu’il ne cherchât àm’embrasser, et commemoncœurbattait la chamade, jemerendiscomptequejecraignaisplutôtqu’ilnelefîtpas.Ilnemequittaittoujourspasdesyeuxetcefutmoiquibaissailesmienspourscrutersonvisage.

Avec son teint bronzé, lisse et sans défaut, une mâchoire solide et pourtant délicate, Loki étaitétonnantdanssongenre,etilmesemblequej’avaisessayédel’ignorerdepuislapremièrefoisoùjel’avaisrencontré.Ses lèvres allaient toucher les miennes quand il s’arrêta net. Je sentis le souffle chaud de sa

respirationsurmajoue.—Jeveuxsavoir si,quand tuesavecmoi, tu t’y trouvesde tonpleingréetnonparceque tuy

seraisforcée.Ils’interrompit.—Etlà,jevoisquetunebougespas.—Je…je…J’essayaidebafouillerquelquechoseavantdedétournerleregardetdesauterdulit.—Etalors,quisefichedequi,maintenant?Lokisoupiraets’allongeaànouveausurlelitenmeregardant.Inspirantungrandcoup,jecroisailesbrassurmapoitrine.—Wendy!criaDuncanduboutducouloir.JetournailatêtepourvoirFinn,qui,deboutdansl’encadrementdelaporte,nouslançait,àLokiet

moi,unregardnoir.—Princesse,tudoisquittercettepièceimmédiatement,ditFinn.Savoixsemblaitposée,maisjesentaisbienqu’àl’intérieur,ilfulminait.—Dequois’agit-ilexactement?demandaLokienmeregardantconfusément.Pourquoitousces

pisteurstedonnent-ilssansarrêtdesordres?Tuespresquereine.Tuaslepouvoirsurtout.—Tuferaismieuxdelafermeravantquejenet’yoblige,Vittra,décochaFinn,lesyeuxbrûlants,

enfixantLokiduregard.Desoncôté,Loki,quinesemblaitpasmenacélemoinsdumonde,semitàbâiller.—Finn…soupirai-jetoutenquittantlapièce.JenepouvaisparleràLokidevantFinnetnesouhaitaispasavoirunealtercationavecFinndevant

Loki.—Pasmaintenant,princesse,ditFinnentresesdents.Dèsquejefussortiedelachambre,Finnattrapalaporteetlaclaquaderrièrelui.Jeluifisface,me

préparantàletancerpoursonexcèsdezèle,maisilm’attrapalebrasavantquej’eneusseletempsetm’entraînadanslecouloir.—Finn,çasuffit!J’essayaidedégagermonbras,maisilétaitphysiquementbienplusfortquemoi.—Lokiaraison.Tuesmonpisteur.Cessedemetirercommeçaetdemedirecequej’aiàfaire.—Loki?L’airsceptique,Finns’arrêtapourmedévisager.—Tuas appelépar sonprénomunprisonniervittraqui a essayéde t’enlever et tuvoudraisme

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donnerdesleçonsdepossessivité?—Jenetedonnedeleçonsurriendutout!m’écriai-jeenréussissantàdégagermonbrasdeson

emprise.Maissijedevaislefaire,ceseraitpourt’expliquerquetuesunvéritablecrétin.—Hé,vousdevriezvouscalmerunpeu…tentades’interposerDuncan.Toutpenaudetinquiet,ilsetenaitàquelquesmètresdenous.—Duncan,n’essaiepasdem’expliquercommentfairemonboulot!lançaFinnenlemenaçantde

sondoigt levé.Tues lepisteur leplusnul et incompétentque j’aievudemavie, et à lapremièreoccasion,j’entoucheraiunmotàlareinepourqu’elleterenvoie.Crois-moi,c’estunefaveurquejetefais,carelledevraittoutsimplementtebannir!LevisagedeDuncanserenfrognaetpendantunmoment,jecrusqu’ilallaitsemettreàpleurer.Au

lieudecela,ilsecontentadenousregarder,bouchebée,puisbaissalesyeuxavantd’acquiescer.—Finn!hurlai-je.J’auraisvoululegifler.—Duncann’arienfaitdemal!CommeDuncantournaitlestalonspours’enaller,jelerappelai:—Duncan,non.Inutiledepartir.Ilcontinuasoncheminetjen’insistaipas.Peut-êtreaurais-jedû,maisjesouhaitaisd’abordm’en

prendreàFinn.— Il n’a fait que te laisser seule avec le Vittra ! s’écria Finn. Je sais que tu as des penchants

morbides,maisc’estleboulotdeDuncandet’empêcherd’agirainsi.— Je suis en train d’en apprendre davantage sur les Vittras pour mettre fin à cette bataille

lamentable!ripostai-je.Danscecadre-là,j’interrogeaisunprisonnieretjenevoispascequecelaad’extraordinaire.J’étaisenparfaitesécurité.—Ahoui,un«interrogatoire»,lançaFinn.Tunefaisaisqueflirteraveclui.—Flirter ? répétai-je en levant les yeux au ciel. Tu te comportes de façon infecte parce que tu

pensesquej’étaisentraindeflirter?Cen’estpascequejefaisais,etmêmesiçaavaitétélecas,çanetedonnenullementledroitdenoustraiter,moi,Duncan,oun’importequi,decettefaçon.— Je ne suis pas infect, insista Finn. Je fais mon travail. Du reste, ceux qui fraternisent avec

l’ennemi sont méprisés, princesse. Si lui ne te fait pas de mal, les Vittras ou les Trylles ne s’enpriverontpas.—Nousnefaisionsqueparler,Finn!— Je t’ai vue,Wendy, renvoya Finn. Tu flirtais. Tu avais même défait tes cheveux avant de te

faufilerdanssachambre.—Mescheveux?Jelestouchai.—Jenelesavaispasattachésparcequej’avaismalàlatêteàforced’entraînementetquiplusest,

jenemesuispasfaufilée.J’étais…Non,tusaisquoi?Jen’aipasàt’expliquerquoiquecesoit.Jen’airienfaitdemaletjen’aiaucuneraisonderépondreàtoninquisition.—Princesse…—Non,jeneveuxplusrienentendre!éclatai-jeensecouantlatête.Jeneveuxvraimentpasdecela

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maintenant.Va-t’en,Finn,c’esttout!Jeluitournailedospourreprendremarespiration.Jelesentaisquiattendaitdeboutderrièremoi.

Finalement,ilpartit.Jem’entouraidemesbraspourneplustrembler.Jenemesouvenaispasdeladernièrefoisoùj’avaispiquéunetellecolère,etjen’arrivaispasàcroirequeFinnaitpus’adresseràmoietDuncandecettemanière.Àl’autreboutducouloir,laportedelachambred’Elora,quifitunbruitens’ouvrant,metirade

mespensées.Sansprendrelapeinedemecacher,jelevailesyeuxpourvoirElorapousserlalourdeporte.Lafemmeàlacapevertesortit,etcommeellen’avaitpasremissacapuche,jepusdistinguerson

visage.EllesouritàElora,dumêmesourireplastiqueethypocritequ’elleavait toujourseu.Quandellem’aperçut,sonsourirenes’effaçapas.C’étaitAurora,etjen’avaisaucuneidéedelaraisonpourlaquelleellevoyaitmamèreensecret.

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DIX-NEUFArrangements

IlmefallutfaireungroseffortpourpersuaderDuncanderester.Jeletrouvaientrainderépétersondiscoursdedémission.Ilétaitterrifiéàlapenséed’avoirpunoustrahir,lareineoumoi,maisaprèsquej’eusréussiàluifairecomprendrequ’iln’enétaitrien,ilacceptaderester.Jepassailerestedelajournéeàmeconformeràchacunedesessuggestions,ycompriscellequi

voulait que je me reposasse tranquillement. Ce qui signifiait que, même si mon esprit parcouraitcentmètresàlaseconde,jedevaism’étendresurmonlitetregarderuneséried’épisodesdeMadameestserviesurlachaîneHallmarkencompagniedeDuncan.Maislapausem’avaitfaitdubien.Enmeréveillantlejoursuivant,ilnemesemblapasquej’avais

récupéré toute mon énergie, mais j’avais l’air suffisamment reposée pour que Tove proposât dereprendrel’entraînement.Pendantlaséance,j’expliquaiàTovequej’avaisusédetransmissiondepenséesurDuncan,etque

çan’avaitmarchéquelorsquej’étaisfâchée.Partantdececonstat,Tovepassalamajeurepartiedelamatinée à tenter de m’énerver pour que je m’en servisse. Quelques fois, ça marchait mais, dansl’ensemble,jen’étaisagacéequ’enpureperte.NousnouspréparionsàfaireunepausedéjeunerquandThomassurgit.Depuisqu’ilétaitrevenuau

palais,ilsurveillaitEloraetellel’avaitenvoyémechercher.—Alors…commençai-je, histoire de remplir le silencepar dubavardage tandis quenousnous

dirigionsversl’atelierd’Elora.Çasepassecommentdepuisvotreretouraupalais?Je le regardai.Mêmes’ilyavaitdans sonallurequelquechosedeplusdoux, sescheveuxbruns

lissés en arrière le faisaient ressembler davantage à Finn.Une chose étrangeme traversa l’esprit,qu’ilavaitl’aird’unhommeentretenu.—C’était différent à l’époque où je vivais ici,me réponditThomas de lamême façonposée et

détachéequeFinn.—Ahbon?m’enquis-je.—Lareineaimequ’onrefasseladécoration,ditThomas.—Ellenem’ajamaissemblétrèsamoureusedeladécoration,dis-jehonnêtement.—Lesgensnesontpastoujourscedontilsontl’air.Comme jen’avais rienà ajouter à cela,nouspoursuivîmesnotre chemin jusqu’aupetit salonen

silence.Thomasmetintlaportepourquej’entrassedanslapièce,oùjetrouvaiElora,allongéesursaméridienne.—Merci,Thomas.Eloraluisourit,d’unsourirequiétaitprobablementleplussincèrequejeluieussejamaisconnu.Thomas fit une révérence avant de s’en aller,mais il ne dit rien. Je trouvais cela presque triste.

Enfin,jel’auraispeut-êtreconsidéréainsisij’avaisapprouvéquemamèreaituneaventureavecunhommemarié.—Tuvoulaismevoir?demandai-jeàEloraenm’asseyantsurlecanapéleplusprèsd’elle.—Oui.J’auraispréférétevoirdansmonbureau,mais…

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Elle hocha la tête et s’interrompit, comme si je savais ce que cela voulait dire.Même simoinséprouvéequeladernièrefois,ellesemblaitencoreépuisée,maisenvoiederétablissement.—As-tufaitdesprogrèsaveclesVittras?demandai-jeencore.—Enfait,oui.Elora,quiétaitallongée,seredressadefaçonàs’asseoirunpeumieux.—J’aiétéencontactaveclareinedesVittras.ElletientbeaucoupaumarkisStaadpourdesraisons

quim’échappent,maiselleestdésireused’accepterunéchange.—Voilàuneexcellentenouvelle,dis-je,mêmesimonenthousiasmeétaitunpeuforcé.BienquecontentequeLokinesoitpasexécuté,jemesentaisbizarrementunpeutristedelevoir

partir.—Eneffet,acquiesçaElora.Ellen’avaitcependantpasl’airheureuse.Ellesemblaitfatiguéeetmélancolique.—Quelquechosenevapas?demandai-jegentiment.Ellefitunsignedetêtenégatif.—Non,enréalité,tout…suitsoncours.Ellelissasarobeens’efforçantdesourireunpeu.—LesVittrasontacceptédeneplusattaquerjusqu’àaprèslecouronnement.—Lecouronnement?m’enquis-je.—Lecouronnementlorsduqueltudeviendrasreine,expliquaElora.—Maisjeneseraipasreineavantunbonmoment,non?demandai-je,avecunecertainenervosité.Malgrél’entraînementintensifquej’avaissuivirécemment,jenemesentaisabsolumentpasprête

pourgouverner.—Jeveuxdire,untrèslongmoment,n’est-cepas?—Pasavantunmoment,non,ditEloraensouriantévasivement.Mais le tempsa ledondevous

rattraperplusvitequ’onnecroit.—Entoutcas,jenesuispasdutoutpressée.Jemereculaidanslefondducanapé.—Tupeuxgarderlacouronneaussilongtempsquetuveux.—C’estcequejeferai,meréponditElora,enriantcettefois.Maissonriresonnaitcreuxettriste.—Attends.Jenecomprendspas.Leroiaacceptédefairelapaixjusqu’àaprèsmoncouronnement,

non?Maisalors,nesera-t-ilpastroptardpourm’enlever?—Orencroittoujourspouvoirs’emparerdetoutcedontilaenvie.Etcommeilnedésirequece

quialeplusdevaleur,ilsaitquetuenaurasbienplusunefoiscouronnée.Ildoits’imaginerquetuserasensuiteunemeilleurealliée.—Pourquoiserais-jeunealliée?demandai-je.—Tuessafille,répondit-ellepresqueavecregret.Ilnevoitpaspourquoitunepartageraispasses

vues.Ellemefixaitdesonregardsombretoujoursdistant.—Tudoisteprotéger,princesse.Nefaisconfiancequ’auxpersonnesprochesdetoi,etpartousles

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moyens,défends-toi.—J’essaie,larassurai-je.JemesuisentraînéetoutelamatinéeavecTove,quitrouvequejefaisdes

progrès.—Toveesttrèspuissant,acquiesçaElora.C’estpourquoiilestessentielquetuleconservesprèsde

toi.—Ilestlogéauboutducouloir,nonloindemachambre,dis-je.—Ilestpuissant,poursuivit-elle.Maispasassezpourgouverner.—Jenesaispas,dis-jeenhaussantlesépaules.Ilesttrèsperspicace.—Etfarfeluetsouventirrationnel.Sonregardrestavaguependantunmoment.—Maisilestloyaletseratoujoursdetoncôté.—Oui…Jenevoyaispasbienoùellevoulaitenvenir.—Toveestunchictype.—Jesuissoulagéedetel’entendredire.Elorasoupiraensefrottantlatempe.—Jen’auraispaseul’énergiedemequerelleravectoiaujourd’hui.—Nousquerelleràproposdequoi?—Tove.Ellemeregardacommesic’étaituneévidence.—Jenetel’aipasdit?—Medirequoi?Jemepenchaienavant,totalementabasourdie.—Jecroyaistel’avoirsignifiétoutàl’heure.Sonfrontseplissa,marquantdavantagederides.—Toutvasivite.—Quoi?Commençantàm’inquiéterpourelle,jemelevai.—Dequoiparles-tu?—Tuviensàpeined’arriver,etjepensaisavoirplusdetemps.Ellesecoualatête.—Enfin,detoutefaçon,toutestarrangé.—Maisdequoiparles-tu?répétai-je.—Tonmariage.Elora leva les yeux versmoi, se demandant pourquoi je ne comprenais pas ce qu’ellem’avait,

selonelle,déjàexpliqué.—ToietToveserezmariésdèsquetuaurasatteinttesdix-huitans.—Ouah!Jelevailesmainsenfaisantunpasenarrière,commesiceladevaitmeprotégerdequelquechose.—Quoi?

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—C’estleseulmoyen.Elorabaissalesyeuxetsecoualatête,commepoursignifierqu’elleavaitfait toutcequiétaiten

sonpouvoirpourl’éviter.EtconnaissantsonaversionpourAurora,jen’eusaucunepeineàimaginerqu’elleavaittoutfaitencesens.—Pourprotégerleroyaumeetlacouronne,ajouta-t-elle.—Quoi?répétai-je.Maisjevaisavoirdix-huitansdanstroismois.—Aumoins,Aurora s’occupera de tout, dit Elora d’un ton las.D’ici là, elle saura préparer le

mariagedusiècle.—Non,Elora.Jelevaietsecouailesmainsverselle.—JenepeuxpasépouserTove!—Etpourquoidonc?s’enquit-elleenclignantdesyeux.—Parcequejenel’aimepas!—L’amourestuncontedeféesracontéparlesmänksàleursenfantspourqu’ilsleurdonnentdes

petits-enfants,ditEloraenécartantmaréponse.L’amourn’arienàvoiraveclemariage.—Je…Tunepeuxdécemmentpast’attendreàcequeje…Jesoupiraiensecouantlatête.—Jenepeuxpas.—Tudoislefaire.Elorasesoulevadesaméridienneenpoussantsursesbras.Puis,elleselevaetseretintunmoment

au dossier, comme si elle allait tomber. Une fois certaine d’avoir retrouvé son équilibre, elleapprochademoi.—Princesse,iln’yapasd’autresolution.—Desolutionàquoi?questionnai-je.Jepréfèrenepasêtrereineplutôtqued’épouserquelqu’un

quejen’aimepas.—Nedispascela!lançaElora,sonvenind’autrefoisayantcommeresurgidanssesparoles.Une

princessenedoitjamaisdireça!—Bien…Jenepeuxpas!Jerefusedel’épouser!Pasplusluiquequiconquecontremavolonté!—Princesse,écoute-moi.Elorasaisitmesbrasenmeregardantdroitdanslesyeux.—LesTryllespensentdéjàque l’ondevrait te renvoyerchez lesVittrasauprèsde tonpère,et il

n’enfaudraitpaspluspourréjouirAuroradetesavoirainsidestituée.—Peuimportelacouronne,ellen’ajamaiscomptépourmoi.—Unefoisdestituée,tuserasexiléepourallervivreaveclesVittras,etjesaisquetunepensespas

tropdemaldumarkisStaad,poursuivitElora.Ilestpossiblequetuaiesraisonencela,maisleroi,lui,estmauvais.J’aivécuavecluipendanttroisans,etj’aidûpartirquandtuesnée,cequiprouvecombiencethommeestmauvais.— Je ne retournerai pas chez les Vittras, dis-je. Je partirai vivre au Canada ou en Europe, peu

importeoù.—Ilteretrouvera.Etmêmesiçan’étaitpaslecas,tondépartsigneraitlafindenotrepeuple.Tove

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estpuissant,maispasassezpourdirigerunroyaumeous’opposeràOren.LesVittrasattaqueraientlesTryllespourlesexterminer.Orentueraittoutlemondeici,enparticulierceuxquetuaimes.—Tun’ensaisrien,dis-jeenreculantafind’éviterqu’ellenemetouchât.—Oui,princesse,j’ensaisquelquechose.Sesyeuxcaptèrentmonregard,sasincéritésanséquivoque.— Tu as eu cette vision ? demandai-je en me retournant pour trouver un tableau, une toile

dépeignantledésastredontelleauraiteulaprémonition.—J’aivuqu’ilsavaientbesoindetoi,ditElora.Ilsontbesoindetoipournepasdisparaître.Jenel’avais jamaisvueaussidésespéréeetcelameflanquaunesacréepeur.J’aimaisbienTove,

mais pas de façon romantique, et je ne voulais pas épouser quelqu’un que je n’aimerais pas d’unvéritableamour.Surtoutensachantquej’enaimaisvraisemblablementunautre.MaisEloraplaidaitsacausehabilement.Ellecroyaitsincèrementtoutcequ’elledisait,etmêmes’il

mefaisaithorreurdel’admettre,jesavaisqu’elledisposaitd’unargumentimparable.—Elora…Labouchesècheetlagorgeserrée,jenepusqu’ajouter:—Jenesaispasquoidire.—Épouse-le,princesse,ordonnaElora.Ilteprotégera.— Je ne vais pas épouser quelqu’un juste pour qu’il soit mon garde du corps, répondis-je

calmement.Tovealedroitd’êtreheureuxetj’aimeraisbienavoiraussicettechance.—Princesse,jene…Ellefermafortementlesyeuxenpressantsesdoigtssursestempes.—Princesse.—Jesuisdésolée.Cen’estpascontretoiquejemebats,dis-je.—Non,princesse,je…Elletenditlebraspours’accrocheraudossierducanapéetnepastomber.—Elora?Jemeprécipitaiverselleenplaçantmonbrasderrièresondospourlasoutenir.—Elora,qu’est-cequinevapas?Du sang coulait de ses narines, mais ça n’était pas un simple saignement de nez. J’avais

l’impression qu’une de ses artères avait rompu. Ses yeux basculèrent vers l’arrière et son corpss’amollit.Elles’évanouitdansmesbrastandisquejeparvenaisàpeineàlasoutenir.—Àl’aide!criai-je.Quelqu’un!Àl’aide!

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VINGTDynastie

Thomasaccourutlepremier.IlallongeaElorasurlesol,oùellefutprisedeconvulsions,commesiellefaisaitunepetiteattaque.Jem’étais accroupie près d’elle, mais Thomasm’écarta pour pouvoir s’en occuper. Assise par

terre en priant pour que mamère allât bien, je m’appuyai au canapé pendant qu’il essayait de laréanimer.—Wendy,ditFinn.Jenel’avaispasentenduarriver.Jeleregardaiàtraversleslarmesquibrouillaienttout.Ilmetendit

lamainpourquejemeredressasseetmeremissedebout.—VachercherAuroraKroner,ditThomasàFinn.Maintenant.—Bien,monsieur,réponditFinn.Metenant toujourspar lamain, ilm’entraînaprécipitammenthorsde lachambre,car toutn’était

désormais plus qu’une question de minutes. Comme en caoutchouc, mes jambes engourdies mefaisaientdéfaut,maisjem’efforçaisdelesfaireavancer.—RassembleTove,Willa etmêmeDuncan, dit Finn quand nous eûmes atteint le grand hall. Je

reviendraivouschercherensuite.—Qu’adoncElora?luidemandai-je.—Jen’aipasletemps,Wendy.Finn,quisemblaitvraimentpeiné,fitunsignedelatête.—Jereviendraitechercherquandilserapossibledet’endireplus.—Vas-y,dis-jeenl’engageantàfilerenvitesse.Finncourutjusqu’àlaported’entréeetsortitdupalaisenmelaissantdanslehall,seuleetpaniquée.DuncanmetrouvalàoùFinnm’avaitlaissée.Quandlesautrespisteursavaientlancélaprocédure

deconfinement,illesavaitentendusdirequ’Eloras’étaitévanouie.Jelesvoyaismaintenantcourirentoussens,cequin’arrangeaitenrienlefaitquemamèreétaitpeut-êtreentraindemourir.Duncansuggéraquenousmontionsdansmachambre,maisjenevoulaispasm’éloignerautant.Je

voulaisrestertoutprès,aucasoùquelquechoseseproduirait.Nousnousassîmesdanslesalon,oùilessayademeréconforter,sanssuccès.QuandFinn revint quelquesminutes plus tard accompagné d’Aurora, ils se précipitèrent dans le

couloir.Sarobeballonnaitderrièreelleetsescheveuxdéfaitsflottaientdanssondospendantqu’ellecourait.GarrettetWillasurgirentpeuaprès.Garrettdescendits’enquérirdel’étatd’EloratandisqueWilla

s’assit avec moi. Elle mit son bras autour de mes épaules en me rappelant à plusieurs reprisescombienEloraétaitforte.Riennesauraitl’arrêter.—Mais…etsiellemeurt?demandai-jeenfixantlefoyeréteintdelacheminée.Avecceventglacialquicinglaitlesvitres,ilfaisaitterriblementfroidausalon.Duncan,àgenoux

devantl’âtre,essayaitdepuisunmomentd’yallumerunfeu.—Ellenemourrapas,ditWillaenmeserrantplusfort.

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—Non,Willa,honnêtement,qu’arrivera-t-ilsilareinedécède?—Ellenedécéderapas.Willas’efforçaitdemesourire.—Nousn’avonspasànouseninquiéterpourlemoment.—Çayest,j’aipresqueréussiàallumerlefeu,déclaraDuncanpourchangerdesujet.—Maisc’estdugaz,Duncan,luiditWilla.Tun’asqu’unboutonàtourner.—Oh.Duncanfitcequ’elleditetuneflammevivemontadansl’âtre.Enobservant la tachedu sangd’Elora surma chemise, je fus surprise devoir dansquel état de

terreurj’étais.Jenevoulaisvraimentpasqu’ellemourût.Elle qui semblait toujours si forte, si pondérée, je me demandais combien elle souffrait en ce

moment. Aujourd’hui, nous nous étions retrouvées dans son atelier, alors qu’elle voulaitme voirdanssonbureau.Jecomprisqu’ellenes’étaitpassentieassezfortepourbouger.Ellen’auraitjamaisdû rester debout ou faire des efforts, encoremoins se quereller avecmoi. Sans le savoir, j’avaiscontribuéàaffaiblirsonétatdéjàfragilisé.Pourquoinem’avait-ellepasditcombienellesesentaitmal?Enréalité,jeconnaissaislaréponse.

Sonsensdudevoirpassaitavanttout.—Princesse,ditFinnenmetirantdemespensées.Ilsetenaitàl’entréedusalon,lestraitsduvisagetendus.—Ellevabien?L’apercevant,jesautaidemonsiègeenm’extrayantdesbrasdeWilla.—Elleademandéàtevoir.Enévitantdecroisermonregard,Finndésignal’atelier.—Elleestréveillée?Elleestvivante?Ellevabien?Sait-ellecequis’estpassé?Est-cequ’Aurora

l’aguérie?demandai-je.Tropdequestionsmesubmergeaientpourqu’ileûtletempsd’yrépondre,maisjeneparvenaispas

àmemaîtriser.—Ellepréféreratouttedireelle-même,ditFinnsimplement.—Çaluiressemblebien,dis-jeenopinant.Elleétaitréveillée,etsiellevoulaitmevoir.C’étaitbonsigne.WillaetDuncanmelancèrentdessouriresréconfortantsquiavaientpourtantdumalàmasquerleur

inquiétude.Jeleurdisquejeseraisvitederetouretquetoutiraitbien.Jenesavaispassic’étaitvraiounon,maisjedevaissoulagerleuranxiétéd’unefaçonoud’uneautre.Je remontai lecouloiravecFinn jusqu’aupetit salon. Ilmarchait lentementetposément. J’aurais

souhaitécourirversElora,maisjem’efforçaideresteràsahauteur.J’entouraimonbusteavecmesbrasenlefrottantdemesmains.—Elleestfâchéecontremoi?luidemandai-je.—Lareine?Finnsemblasurpris.—Non,biensûrquenon.Pourquoileserait-elle?

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—Jen’étaispasd’accordavecelle,quandelle…Peut-êtrequesi jenem’étaispasopposéeàcepoint,elleneseraitpastombéeaussi…malade.—Non,tun’yespourrien.Ilsecoualatête.—Enfait,c’estbienquetuaiesétéavecelleàcemoment-là.Encela,tul’assecourue.—Queveux-tudire?—Tuaspuappeleràl’aidepartapensée.Ilsetapalefront.—Nousétionstroploinetsitun’avaispasfaitcela,nousn’enaurionsriensu.Situn’avaispasété

avecelle,Eloraseraitactuellementdansunbienplusfâcheuxétat.—Qu’est-cequinevapasavecelle?luidemandai-jedirectement.Lesais-tu?—C’estàelledeteledire.J’auraisvoulupresserFinndequestions,maisnousétionspresquearrivés.Dureste,jenetrouvais

pasconvenabled’argumenteravecluidanscescirconstances.Soncomportementavaitentièrementchangé.Ilétaitplusgentiletplussombre.Ilavaitànouveauun

peulaissétombersagardeavecmoi,etmêmesijenecherchaispasàentirerparti, j’appréciaislasensation familière d’être près de lui sans qu’un immense mur se dresse entre nous. Il m’avaitmanqué.Aurora sortait du petit salon aumoment où nous arrivions. Sa peau, habituellement sans défaut,

avait pris une teinte grise. Ses yeux noirs étaient voilés, et sa coiffure tombait en bouclesdésorganiséesautourdesonvisage.Enessayantdereprendresonsouffle,ellese tenaitappuyéeaumurpournepasperdrel’équilibre.—Marksinna?Finncourutpasserunbrasautourd’ellepourlasoutenir.—Vousallezbien?—Jesuisseulementfatiguée,ditAuroratandisqueFinnl’approchaitd’unechaisedanslecouloir.Ellesedéplaçaitcommeunevieilledame,etsesoscraquèrentquandellefinitpars’asseoir.—Irais-tucherchermonfils?J’aibesoindem’allongeretjevoudraisqu’ilm’aideàrentreràla

maison.—Oui,biensûr,réponditFinnenmelançantunregarddésolé.Princesse,çanet’ennuiepasd’aller

voirlareinetouteseule?—Pasdutout.VachercherTove.Toutirabienpourmoi.Finn partit chercher Tove pour sa mère et j’entrai dans l’atelier. Je me sentais coupable

d’abandonnerAuroraseuledans lecouloir,ellequisemblaitsiépuisée,mais il fallaitquej’allassem’occuperdemapropremère.Laportedupetitsalonétaitentrouverteetjerestaiunmomentdanslecouloirpourobserver.Elora, allongée sur sa méridienne dans la même position que lorsque j’étais arrivée, était

maintenantrecouverted’uneétoledefourrurenoire.Sescheveuxailedecorbeau,quiavaientencoreéclairci, apparaissaient maintenant principalement blancs avec des mèches noires, au lieu ducontraire.Elleavaitlesyeuxfermésetlesangsursonvisageavaitdisparu.

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Garrettavaitapprochéunechaisepours’asseoirtoutprèsdesatête.Iltenaitunedesesmainsdansles siennes et la regardait avec inquiétude et adoration.Ses cheveux enbataille étaient encore plushirsutesqued’ordinaireetunpeudesangd’Eloratachaitsachemise.Thomasmontait lagardedel’autrecôté.Ilavait lamêmeattitudestoïquequ’onttouslespisteurs

quand ils sont de garde, mais ses yeux étaient douloureusement posés sur Elora. Son regard netémoignait pas de lamême intensité que celui deGarrett,mais il y brillait tout demême quelquechosecommelerefletdecequiavaitpuexister,desannéesplustôt,entreluietElora.Quand elle ouvrit les yeux, c’est Thomas qu’Elora vit en premier. La mâchoire de Garrett se

contracta.Ilserralesdents,maisneditrien.Ilnelâchapasnonplussamain.—Elora?lançai-jetimidementenentrantdanslapièce.—Princesse.Savoixétaitfaibleetellefituneffortpourmesourire.—Tusouhaitaismevoir?demandai-je.—Oui.Elleessayades’asseoir,maisGarrettplaçadoucementsamainsursonépaulepourl’enempêcher.—Elora,tudoistereposer,luidit-il.—Jevaisbien,dit-elleenlerepoussanttoutenseredressantpours’adosser.Ilfautquejeparleà

mafilleenprivé.Pouvez-vousnouslaisserunmoment?—Oui, VotreMajesté, dit Thomas en se courbant.Mais pour votre santé, s’il vous plaît, faites

attention.—Biensûr,Thomas.Ellelegratifiad’unsourireetilluifituneautrerévérenceavantdes’enaller.—Jeseraiunpeuplusloindanslecouloirsivousavezbesoindemoi,ditGarrettenhésitantàse

lever.Commeilnesedirigeaitpasverslaporte,Eloraleregardadurement.— Si vous avez besoin de quoi que ce soit, appelez-moi ou envoyez la princesseme chercher.

D’accord?ajouta-t-ilenfin.— Si cela peut vous fait sortir plus vite, j’accepte tout ce que vous voulez, conclut Elora en

soupirant.Garretts’arrêtaenpassantàcôtédemoi,commes’ilallaitmedirequelquechose,probablementde

ne pas m’affoler. Elora prononça son nom et il se dépêcha de quitter la pièce. Il ferma la portederrièreluietjeprissonsiègeàcôtéd’Elora.—Commenttesens-tu?luidemandai-je.—J’aicertainementdéjàétémieux.Ellereplaçasurellelacouverturedefourrurepours’installerplusconfortablement.—Maisjevaisvivrepourmebattreunjourdeplusetc’estcelaquicompte.—Ques’est-ilpassé?m’enquis-je.Pourquoit’es-tuévanouie?—Quelâgemedonnes-tu?demandaEloraentournantlesyeuxversmoi.Quelquesjoursplustôt,ilsétaientnoirs,maisàcetinstant,ilsportaientlevoilegrisdelacataracte.Ilétaitdifficiledeluidonnerunâge.Quandjel’avaisvuepourlapremièrefois,j’auraisditqu’elle

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avait environ cinquante ans. Une fort belle cinquantaine mais, même à ce moment-là, malgré samagnifiqueprestance,ellenesemblaitplustoutejeune.Etmaintenant,ainsiétendue frêleet fatiguéesursaméridienne,Elorasemblaitencoreplusâgée.

Elleavaitl’aird’unevieilledame.Jen’allaispasleluidire,bienentendu.—Hum…Quarante,peut-être?—Tuesgentille,maistumensmal.Elleseredressaunpeusursachaise,defaçonàsetenirpresqueassise.—C’estunechosequetuvasdevoirtravailler,carl’horribleréalitédelatâcheduchefimpliqueun

grandnombredemensonges.— Jem’entraînerai au bluff plus tard, dis-je. Tu as l’air bien, si c’est cela que tu demandes, tu

semblesseulementfatiguéeetabattue.—Jesuisfatiguéeetabattue,admitElorad’untonlas.Etjen’aiquetrente-neuf.—Trente-neufquoi?demandai-je,perplexe.Elleposasatêtesursamainpourmieuxmeregarder.—J’aitrente-neufans,dit-elleensouriantdavantage.Çaal’airdetechoquer.Jenet’enveuxpas,

bienque jesoisétonnéeque tun’aiespascompriscelaplus tôt. Je t’aiditque j’aiépousé tonpèrequandj’étaistrèsjeuneetquejet’avaiseueàl’âgedevingtetunans.—Mais…bafouillai-je.Est-cecelaquinevapascheztoi?Tuvieillistropvite?—Pasexactement.Ellesemorditleslèvres.—C’estleprixàpayerpourl’usagedenosdons.Quandnousnousenservons,ilsnousépuisentet

nousvieillissent.—Touscestrucsquetufais,commelesordresenvoyésparlapenséepourretenirLokiprisonnier,

celatetue?demandai-je.Elleopina.—J’enaipeur.—Maisalorspourquoilefaire?J’auraisvouluhurler,maisjegardaiuntonaussicalmequepossible.—Jecomprends,danslecasoùils’agitdesedéfendre,maisquetuappellesFinndecettefaçonau

quotidien?Pourquoilefaire,sicelatedétruit?—La transmissiondepenséen’estpascequinoususe leplus.Et jen’utilisecequinousépuise

qu’encasdestrictenécessité,commelorsqu’ilfautretenirunprisonnier.Cequimefatigueleplusestlapeintureprécognitive,quejenemaîtrisepas.Je regardai plusieurs des toiles qu’Elora avait posées contre la baie vitrée. De l’autre côté du

couloir,unepièceferméeàcléétaitrempliedesestableaux.—Queveux-tudire,tunelemaîtrisespas?questionnai-je.Tun’asqu’ànepaslefaire.—Jenepeuxpasvoircesimagesquiremplissentmatête.Ellefitungesteverssonfront.—Unpessimismeinsurmontables’emparedemoietnedisparaîtquelorsquejemelibèredeces

visions.Jenepeuxlesempêcherdesurgiretilm’esttropdouloureuxdelesignorer.Jedeviendrais

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follesij’essayaisdelesgarderenmoi.—Maiscelatetue.Jemelevaid’unbond.— Pourquoi donc enseigner aux autres Trylles à utiliser leurs dons, si c’est pour qu’ils

s’affaiblissentetvieillissenttropvite?—C’estleprixàpayer.Ellesoupira.—Nousdevenonsfoussinousnelesutilisonspasetnousvieillissonsquandnouslefaisons.Plus

noussommespuissants,plusnoussommesmaudits.—Qu’est-cequetuinsinues?demandai-je.Quejedeviendraifollesij’arrête?—Jenesaispasvraimentcequidoitt’arriver.Eloraposasonmentonsursamainpourmedévisager.—Tuesaussilafilledetonpère.—Quoi?Jesecouailatête.—Veux-tudirequec’estparcequej’aiaussidusangvittra?—Précisément.—Tovem’aparléd’eux.Ilm’aditqu’ilsétaienttrèsforts,maisjenelesuispas.Jeme souvins des bagarres que j’avais connues au cours dema brillante scolarité, et comment

j’avaisreçuautantdecoupsquej’enavaisdonné.—Jenesuispascommeça.—Certainssontphysiquementforts,clarifiaElora.JecroisqueceLokiStaadesttrèsfort.Simes

souvenirs sont exacts, il était capable de soulever un piano à queue à l’époque où il apprenait àmarcher.—Oui,ehbien,pasmoi.—Orenestdifférent.Ilest…Elles’interrompitpourréfléchir.—Tul’asrencontré.Quelâgeluidonnes-tu?—Jenesaispas,dis-jeenhaussantlesépaules.Unpeuplusjeunequetoi,sansdoute.—Quandilm’aépousée,ilavaitsoixante-seizeans,etc’étaitilyavingtans,ditElora.—Ouah.Quoi?Jemelevai.—Tuesentraindemedirequ’ilapresquecentans?Etqu’ilseraitplusquedeuxfoisplusâgéque

toi?Commentsefait-ilquetuaiesl’airplusâgéeetluiplusjeune?—Ilestenquelquesorteimmortel.—Ilestimmortel?Jeladévisageai,bouchebée.—Non,princesse, j’aiditqu’ilétaitenquelquesorte immortel,précisaEloraprudemment.Oren

vieillitaussi,maisbienpluslentement,etilguéritégalementtrèsvite.Ilestdifficiledeleblesser.Ilestundesderniers«pursang»delalignéevittra.

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—C’estcequifaitquejesuissispéciale?Est-cepourcelaquetunet’espasinquiétéelorsquejet’aiditquemamèred’accueilm’avaitpresquetuée?J’appuyaimesmainssurledossierdelachaisepourmetenir.—Tupensesquejesuiscommelui.—L’espoirestquetusoiscommenousdeux,réponditElora.QuetuaieslesdonsdesTryllespour

bouger et maîtriser les choses, et les aptitudes des Vittras à guérir. Il faut aussi que tu aiessuffisammentdeforcepourlesmaîtriser.—DouxJésus.Mesmainstremblaientetjedusmerasseoir.—Jecomprendsmieuxmaintenantlesémotionsd’unchevaldecourse.Jen’aipasétéconçue.J’ai

étécroisée.L’accusationfittressaillirElora.—Celanes’estpaspassécommeça,pasexactement,dit-elle.—Vraiment?Jelaregardai.—C’est pour cela que tu as épousémon père, n’est-ce pas ?Afin de pouvoir faire demoi une

parfaitepetitearmebiologique.Une fois fait, tu l’asquittépourmegarderpour toi toute seule.Etc’estpourcelaqu’alieumaintenantcettequerelleinterminable?Afindesavoirquimepossédera?—Non,cen’estpasvrai.Elorasecoualatête.—J’aiépousétonpèresurordredemesparentslorsquej’aieudix-huitans.Orensemblaitgentil

audébut.Tout lemondem’avaitditquec’était la seule façondemettre fin auxquerelles etque jepouvaisarrêtercesbainsdesangsijel’épousais.Alorsj’aiaccepté.—Quelsbainsdesang?demandai-je.LesVittrasetlesTryllessebattaientàproposdequoi?— Les Vittras sont en train de disparaître. Leurs dons se réduisent, ils n’ont presque plus de

ressources,etOrenatoujourssupposéqu’ilétaitendroitdepossédertoutcequ’ilvoulait.Eloramarquaunepausepourreprendresonsouffle.—Ilvoulaitprécisémenttoutcequenousavions.Notrerichesse,notrepopulation.»Maiscequ’ildésiraitpar-dessustout,c’étaitmonpouvoir,poursuivit-elle.Celuidemamère,au

départ.Quandellearefusésesavances,ilalancédesguerressansfincontrenous.Nousétionsalorsun grand peuple, possédant des villes un peu partout dans le monde, et il nous a réduits à lapossessiondequelquesterritoiresisolés.—Etc’estçaquetuasépousé?Unhommequimassacraittonpeupleparcequetamèren’avaitpas

vouludelui?m’enquis-je.—Ilsnem’ontpastoutexpliquéquandnousnoussommesfiancés,maisOrenavaitacceptédefaire

la paix en échange demamain.Mes parents pensaient n’avoir pas le choix etOren avaitmis sescharmes en action. Il n’a peut-être pas le don de télékinésie,mais il sait semontrer très persuasifquandilveut.— Alors tu l’as épousé et vous avez uni vos deux peuples. Qu’est-ce qui n’a pas marché ?

demandai-je.

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—Quelques villes se sont révoltées, car elles refusaient de se mélanger aux Vittras, dit Elora.Commemesparentsétaienttoujoursroietreine,ilsontessayédelesraisonner.Ilsnousontenvoyés,Orenetmoi,commeambassadeurspourlesfaireadhérerànotrepointdevue.»Danslapremièreville,desgensnousontquestionnés.Enfin,luienparticulier.Ils’estdébrouillé

pourlescharmer,etenusantunpeudemapersuasion,nousavonsréussiàconvaincremêmelesplusardentsopposantsdesejoindreàl’alliancevittra.Cecis’estavéréparlasuiteuneerreurfatale.» Jen’ai jamais aiméOren,mais audébutdenotremariage, il comptait pourmoi. Jemedisais

qu’unjour,jefiniraispeut-êtreparl’aimer.Cequejen’avaispascompris,c’estcombienildevaitseforcer pour paraître ainsi, et pendant notre tournée de propagande, sonmasque a commencé à secraqueler.»Nous nous sommes arrêtés dans un village au Canada pour une assemblée publique avec des

Trylles,commenousenavionseudansd’autresvilles.Eloramarquauneautrepausepourregarderparlafenêtre,verslefroidhivernal.—Toutlemondeétaitlà,ycomprislesenfantsmänskligs,touslespisteursetleursfamilles.» Quelqu’un a demandé à Oren ce qu’il espérait gagner avec tout cela, et pour une raison qui

m’échappe,çal’amishorsdelui.Enbaissantlesyeux,ellelaissaéchapperunprofondsoupir.—Ilacommencéàhurlerenagressantlesvillageoisetenlesattaquant.Commeilssesontmisà

répliquer…Orenlesatoustués.Nousétionslesdeuxseulssurvivants.» Il a ensuite raconté l’histoire à sa façon et je ne l’ai pas contredit, parce que je ne savais que

faired’autre.Mesparentsm’avaientconvaincuequenousavionsbesoindepaix.Orenétaitmonmarietjem’étaisfaitecomplicedumassacredesgensdenotrepeupleparcequejenem’étaispasopposéeàlui.Quandbienmêmejel’auraisfait,j’auraisététuéemoiaussi;maiscelanechangeaitrienaufaitquejen’avaisrienfaitpourlessauver.—Jesuisdésolée,dis-je,sanstropsavoircommentréagiràsaconfession.—Orenaétéconsidérécommeunhérosetmoi…Elles’interrompit,observant,leregardvide,lacouvertureenfourrurequilarecouvrait.—Pourquoies-turestéeaveclui?demandai-je.—Tuveuxdire,aprèsavoircomprisquej’avaisépouséunmonstre?medemandaEloraavecun

souriretriste.Jen’étaispasencorecommejesuisdevenue.J’étaisbienplusconfiantequemaintenant,pleined’espoiretdésireusedecroire,desuivre.Voilàaumoinsunechosedontjepeuxremerciertonpère,celledem’avoirfaitcomprendrequejedevaisdirigeràmontour.—Qu’est-cequit’afinalementpousséeàpartir?—Orenafaituneffortaprèsnotreretouraupalais.Ilaessayédesemontreraimable,aussigentil

qu’ilpouvaityparvenir.Ilnem’apasbattueniinsultée,maisilétaitcondescendantenverslamoindredemespenséesoudemesparoles.Delasorte,aumoins,nousétionsenpaix.Pasdeguerre.Pasdemorts. Ne serait-ce que pour ça, un mauvais mariage me semblait valoir la peine. Je pouvais lesupporteràlaconditionqu’iln’yaitpasd’autresmorts.»Puis,jesuistombéeenceintedetoiettoutachangé.Eloraseréinstallamieuxsursachaise.

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—Jen’avaispasencorecomprisquetuétaistoutcequ’ilavaitjamaisdésiré.Uneparfaitehéritièrepourletrône.Nousavionsessayépendanttroisansd’avoirunenfantetl’attenteavaitétépourluitrèsdureàsupporter.»Dèsqu’ilasuquej’attendaisunenfant,c’étaitcommesionavaittournéuninterrupteurenlui.Elorafitclaquersesdoigts.—Ilestdevenuencoreplusdominateur. Ilneme laissait jamaisquitter lachambre. Ilnevoulait

mêmepasquejesortedemonlit,aucasoùjepuisseteperdre.»Mamère etmoi avons commencé à chercher des familles d’accueil pour toi. Je savais que je

devaistelaisserpartircommesubstituée,nonparcequec’étaitcequenousfaisionshabituellement,maisparcequejenepouvaispaslaisserOrent’élever.MaisOrenn’apasvouludecela.Toutcequ’ilsouhaitait,c’étaitt’avoirpourluitoutseul.»Sibienque,lorsqueleroi,monpère,adécrétéquetudevais,commetouteprétendanteautrône,

partircommesubstituée,Orenm’aemmenéeàOndarike,oùilm’ainstalléeetenferméecommeuneprisonnière.»Deuxsemainesavanttanaissance,monpèreetmamèreontpénétréenforcedanslepalaisvittra

pourm’enlever.ToutcommedenombreuxTrylles,monpèreaététuépendantlabataille.Mamèrem’a emmenéedansune famillequ’elle avait trouvée en secret : lesEverly.C’était unedécisiondedernièreminute,maisilssemblaientpossédertoutcedonttuauraisbesoin.»Aprèstanaissance,je…Elles’arrêta,totalementperduedanssespensées.—Tuquoi?questionnai-jevivement,commeellenedisaitrien.— C’était ce que je pouvais faire de mieux pour toi, répondit-elle. Je sais que tu as eu des

problèmesavec ta familled’accueil,mais jen’avaisni le tempsni lesmoyensd’être exigeante. Jesouhaitaisseulementquetusoishorsdeportéed’Oren.—Merci,dis-je,sanstropdeconviction.—Dèsquetuesnée,jesuispartie.Tagrand-mèret’agardée;jen’avaispaslechoix.Ilfallaitse

dépêcherpourque lesVittrasneretrouventpas ta trace.Noussommespartiesnouscacherdansunendroit sûr, un chalet auCanada.Lorsqu’Oren vivait ici, nous ne lui avions pas parlé de tous nosendroitssecrets,carnousneluifaisionspasconfiance.Ellefermalesyeuxetinspiraprofondément.—Maisilnousatrouvéesdanslechalet.»Cemarkisquiteplaîttant?ditEloraenfaisantungesteendirectiondelachambredeLoki.C’est

sonpèrequiaconduitOrenjusqu’ànous.C’estluiquiafaittuertoutlemonde.»Orenatuémamèresousmesyeux,puisilajuréqu’ilterécupéreraitdèstonretour.Eloraavaitlagorgenouée.—Ilm’a laisséevivreuniquementpourque jevoiequ’il tiendrait sapromesse. Ilvoulaitque je

sachequ’ilavaitgagné.

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VINGTETUNConfessions

J’auraisvouluposerd’autresquestionsàElora,maiselleavaitdéjàl’airépuisée.Ellen’auraitjamaisvoulul’admettre,maisilétaitassezévidentqu’ilétaitpréférablequ’elledormepourrécupérerplutôtquedemeparler.Nousparlâmesencoreunpeu,puisjem’excusai.Avantd’atteindrelaporte,jemem’arrêtaietme

retournai.Eloras’étaitdéjàreculéesursaméridienne,lesmainsposéessurlesyeux.Garrettattendaitdanslecouloirenfaisantlescentpas.Thomassetenaitunpeuplusloinpourlui

laisserlechamplibre.QuantàAuroraetFinn,ilsétaientpartisdepuislongtemps.—Commentest-elle?medemandaGarrett.—Elleest…bien,jecrois.Jen’étaispassûredel’étatréeld’Elora.—Ellesereposeetc’estçaquicompte.—Bien.Garrettacquiesça.Ilfixaduregardlaportedupetitsalonpendantunmoment,puissetournavers

moi.—Votreconversationavecelles’estbienpassée?—Oui.Jemefrottailanuque.Jenesavaispastropquoienpenser.Eloraavaitétésifroideavecmoidepuisquejel’avaisrencontrée,glacialeaupointquejecroyais

qu’elleme détestaitmais, à présent, je n’en étais plus si sûre. Je n’avais aucune idée de ses vraissentimentspourmoi.Eloran’étaitguèreplusâgéequemoi lorsqu’elleavaitépouséunhommepresque trois foisplus

vieuxqu’elle;unhommequ’elleneconnaissaitpasetquis’étaitavéréimpitoyableetcruel.Maiselleavaitsacrifiésonbonheuretsonbien-êtrepoursonroyaume.Puis, elle avait tout risqué pour défendre l’enfant qu’elle portait, pour me défendre. Ses deux

parentsavaientperdulavieenl’espacedequelquesmois,assassinésparsonpropreépoux,pourunefilledontellenepourraitmêmepaspartagerl’enfance.Jemedemandaisiellemedétestait,siellem’envoulaitpourlamortdesesparentsetpourtousles

ennuiscausésparOrendepuismanaissance.Je ne savais pas combien Elora avait été proche de ses parents, mais avant la cérémonie

d’intronisation,elleavaitsuggéréquejeprennecommeprénomceluidesamère,Ella.EtEloraavaitépargnéLoki,dontlepèreavaitfaittuersapropremèreetfaillicausersamortetla

mienne.Pourtant,lorsquel’occasionluiavaitétédonnéedesevenger,ellenel’avaitpasfaitsurLoki.Jecommençaisàpenserquejel’avaistotalementmaljugée.L’insistance d’Elora pour que tout soit parfait afin que je devinsse reine devenait plus

compréhensible.Tantdechosesavaientétésacrifiéespourquejepusse,unjour,montersurletrônedesTrylles.J’eusmalaucœurà lapenséedemon ingratitudeàsonégardetdecequ’elleavaitdû ressentir.

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Aprèstoutcequ’elle,safamilleetlapopulationtryllesavaientfaitpourmoi,jeleuravaisdonnésipeuenretour.EnrelevantlesyeuxsurGarrettetenapercevantsonregardsoucieux,jemerendiscompted’une

autrechose.Safemme,lamèredeWilla,étaitdécédéebienavantqueWillaneretourneàlamaison.Jemedemandaisiellen’étaitpasmortedansunedesbataillesquemonpèreavaitengagéescontrelesTrylles,etsiGarrettn’avaitpasperduquelqu’unqu’ilaimait,àcausedemoi.—Jesuisdésolée,luidis-je,leslarmesauxyeux.—Dequoiparlez-vousdonc?Garretts’approcha,surprisparcettemanifestationd’émotion,etmitsamainsurmonbras.—Eloram’atoutdit.J’essayaidefairepasserlenœudquej’avaisdanslagorgeenavalantmasalive.—Toutcequis’estpasséavecOren.Jesuisnavrée.—Pourquoiêtrenavrée,Wendy?Toutcecis’estpasséavantvotrenaissance.—Jesais,maisj’ail’impressionque…j’auraisdûmieuxmecomporter.Quejedevraismieuxme

comporter, me repris-je. Après tous les ennuis que vous avez traversés, vous méritez une reineirréprochable.—C’estsûr,admitGarrettensouriant.Etdumomentquevouslesavez,c’estquenoussommessur

labonnevoie.Ilbaissaunpeulesyeuxpourmeregarder.—Jesuiscertainquevousserezunereineformidableunjour.Jenesavaispassijedevaislecroire;enrevanche,jesavaiscertainementquejedevaisfairetoutce

quiétaitenmonpouvoirpourquecelaseproduisît.Jenelaisseraispastombermonroyaume.Jenepouvaispas.Garrettdevaitallers’occuperd’Eloraetjelelaissailaretrouver.Thomasrestaderrièrelaporte,

montanttoujourslagardetoutenleurdonnantdutempsensemble.Duncan,WillaetMattm’attendaientprèsdel’escalier.EnapercevantMatt,jenepusmeretenir.Les

larmescoulèrentsurmesjouestandisqu’ilmeprenaitdanssesbras.Une fois que je fus calmée, nous pûmesmonter dansma chambre.Duncan nous apporta du thé

chaud et je le fis asseoir pour lui en servir une tasse. Je détestais qu’il se comporte comme unserviteur.Willaseblottitsurlelitàcôtédemoi,meréconfortantd’unemanièrequimefitpenseràtanteMaggie.Ellememanquait.—C’estvraiqu’ellesemeurt?demandaMatt.Ilétaitpenchésurmonbureauetfaisaittournersatassevideentresesdoigts.Commejen’étaispassûredecequeDuncanetWillaconnaissaientdemonhistoireetdecomment

lesdonsdesTryllespouvaientfairedutortàceuxquilespossédaient,jenevoulaispasendiretroppour qu’ils ne s’inquiètent pas, surtout Matt. Je laissai donc de côté les principales histoires decomplotsetmecontentaideleurdirequ’Eloraétaitmalade.—Jecrois,dis-je.Elle ne l’avait pas énoncé de la sorte, mais je l’avais vue vieillir avec une telle rapidité. Elle

semblaitsoudainâgéedesoixante-dixans,mêmeaprèsqu’Auroral’eutsoignée.

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—Quellepoisse,ditDuncanens’asseyantsurlecoffreaupieddemonlit.—Tuétaisentraindeluiparlerquandelles’estévanouie?medemandaWilla.Lecoudeappuyésurl’oreilleràcôtédumien,ellelevalatêtepourmeregarder.—Ouais.Lepire,c’estquejem’opposaisàtoutcequ’elledisaitquandcelas’estproduit.—Oh,pauvrechou.Willaétenditlamainpourlaposersurmonbras.—Maistusaisbienquecen’estpastafaute,hein?—A-t-elleditdequoiellemourait?demandaMatt.Lesridesdesonfrontsecreusaient;ilsavaitquej’avaisomisdeparlerdequelquechose.—TuconnaisElora.Jehaussailesépaules.—Ellen’estpastrèsprolixe.—C’estvrai,affirmaMattensoupirant.Cetteréponsesemblalesatisfaire.—Jen’aimepaslesmaladiesmystérieuses,c’esttout.—Ehbien,personnen’aimeça,ditWillaavecunepointedetaquinerie.—Àproposdequoivousquerelliez-vousaveclareine?demandaDuncanenchangeantdesujet.Jeluiensusgré,jusqu’aumomentoùjemesouvinsquelleétaitlaréponseàsaquestion.JedevaisépouserToveKroner.—Ohmince.Penchantlatêteenarrière,jemecognaiàlatêtedulit.—C’étaitquoi?demandaWilla.—Rien.Jesecouailatête.—Justeunstupidedésaccord,c’esttout.—Stupide?Mattvints’asseoirsurlelit,àmespieds.—Stupidecomment?—Tusaisbien.Deschosessansintérêt.Jepataugeais.—Eloraveuttoujoursquejesoisunemeilleureprincesse,plusponctuelleettout…—C’estvraiquetudevraisêtreplusponctuelle,acquiesçaMatt.Maggienecessaitdetelerépéter.Cette évocation de Maggie me brisa le cœur. Je ne lui avais pas parlé depuis que nous étions

revenusàFörening.Mattl’avaitfaituneoudeuxfois,maismoi,j’avaisévitésesappels.J’avaisétépasmaloccupéerécemment,maislavraieraisonétaitque,sij’entendaislesondesavoix,ellememanqueraitencoreplus.—Commentva-t-elle?demandai-jeentâchantd’oublierlapeinequejeressentais.—Ellevabien,réponditMatt.ElleestàNewYorkchezdesamis,trèsperturbéeparcequisepasse.

Jenecessedeluidirequetoutvabien,quenoussommesensécuritéetqu’elledoitsimplementfaireprofilbas.

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—Bien.—Il faudraitquandmêmeque tu luiparles,ditMattenme lançantun regardde reproche. Jene

peuxpasfairel’intermédiaireenpermanence.—Jesais.Grattantlapeinturefragiledematassedethé,jebaissailesyeux.—Jenesaispascommentrépondreàsesquestions.Commeoùnoussommes,etquandnousallons

revenir,ouquandjelareverrai.—Jenesaispasnonpluscommentluirépondre,maisjefaiscommesi,ditMatt.—Wendyaeuunedure journée, intervintWillaenvenantàmonsecours.Jenecroispasque le

momentsoitbienchoisipourluifairelaleçon.—Tuasraison.Mattluisouritavantdemeregarderpours’excuser.—Pardon,monintentionn’étaitpasdetetomberdessus,Wendy.—Non,çava,dis-je.Tunefaisquetondevoir.—Àl’heurequ’ilest,quesais-jeencoredemondevoir?réponditMattd’unairlas.Quelqu’uncognaàlaporteetDuncanbonditpourallerouvrir.—Duncan,arrête,dis-jeensoupirant.Tun’espaslemajordome.—Peut-être,maisiln’empêchequevousêtestoujourslaprincesse,ditDuncanenouvrantlaporte

demachambre.—J’espèrequejen’interrompsrien,ditFinnenmeregardant,sansprêterattentionàDuncan.Àlaminuteoùsesyeuxnoirsseposèrentsurlesmiens,marespirationsebloqua.Ils’arrêtasurle

seuildelaporte,sescheveuxnoirsunpeudéfaits.Savesteétait toujoursimpeccablementrepassée,maiselleportaitencorelestracessombresdusangd’Elora.—Non,pasdutout,répondis-jeenm’asseyantunpeuplusloin.—Enréalité,nousétions…commençaMattd’untonsec.—Nousallionspartirjustement,l’interrompitWillaensautantdulit.Mattluienvoyaunregarddereprocheauquelelleréponditparunsourire.—Nousétions justeen traindedirequenousavionsquelquechoseàvoirdans tachambre,pas

vrai,Matt?—C’estça,bougonnaMattenselevant.Finns’écartapourqueMattetWillapuissentpasser.—Maisnoussommesjustede l’autrecôtéducouloir,ajouta-t-ilenpassantdevantFinneten lui

décochantunregardd’avertissement.WillaattrapaMattparlamainpourqu’ilcontinuâtd’avancer.Etcommetoujours,Finnfitceluiqui

neserendaitpascomptedesmenacesdeMatt,cequinefitqu’énerverencorepluscedernier.—Allez,Duncan,insistaWillaenentraînantMatthorsdemachambre.—Quoi?demandaDuncanavantdecomprendre.Ah,oui.Je…Hum…J’yvais.Duncanfermalaportederrièrelui,melaissantseuleavecFinn.Jem’assisbiendroiteàl’extrémité

du lit,mes jambesballottantdans levide.Finnse tenait toujoursdeboutprèsde laporte, sans riendire.

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—Tuasbesoindequelquechose?dis-jeprudemment.—Jevoulaisvoircommenttuallais.Commeilm’observaitdesonregardcuisantquimebrûlait,jebaissailesyeux.—Jevaisbien,enl’étatactueldeschoses.—Lareinet’a-t-elledonnédesexplications?demandaFinn.—Jenesaispas.Jehochailatête.—Jenesaispassijeparviendraiunjouràcomprendrecemonde.—T’a-t-elleditqu’elleétaitentraindemourir?demandaFinn.L’entendreleprononcernefitquerendrelaréalitéencorepluspénible.—Oui,ellemel’adit.Commeellem’aexpliquécequifaisaitquej’étaissispéciale;quejesuisun

parfaitmélangedeTrylleetdeVittra.Unecuvéerêvée,ensomme.—Ettunemecroyaispasquandjetedisaisquetuétaisspéciale.C’étaitcequ’onpouvaitconsidérercommeuntraitd’humourdeFinn,quienprofitapoursourire,

sil’onpouvaitappelercelasourire.—Visiblement,tuavaisraison.Jetiraimescheveux,encoreemmêlésaprèsquejemefusallongéedessus,etypassailesdoigts.—Commentprends-tutoutcela?demandaFinnenapprochantdupieddemonlit.Ils’immobilisaprèsdelacolonne,touchantnégligemmentlesatindudessusdelit.—Êtrel’éluedesdeuxcampsdansuneépiquebatailleentretrolls?—Siquelqu’unpeutsupporterça,c’estbientoi,dit-ilpourmerassurer.Levantlesyeuxverslui,jediscernaidanssonregardunpeudesonattachementpourmoi.J’aurais

voulumejeterdanssesbrasetm’yretrouveràl’abri,protégée,etl’embrassersurlestempes,surlesjoues,sentirsabarbenaissantemegrifferlapeau.Mêmesic’étaitcequejesouhaitaisdésespérément(jelevoulaistellementquecelamefaisaitmal),

jesavaisquepourdevenirunegrandeprincesse,jedevaismeressaisir.Quitteàenmourir.—Eloraveutquej’épouseTove,laissai-jeéchapper.Jen’avaispaseul’intentiondeleluiannoncerdecettefaçon,sachantquecelagâcherait l’instant

présentenbrisantlamagiedumoment.—Alors,elletel’adit?répliquaFinnensoupirant.—Quoi?Jeclignaidesyeux,ahurieparsaréponse.—Queveux-tudireparellemel’adit?Tulesavais?Depuisquand?—Jenesaispasexactement.Ilsecoualatête.—Jel’aisuilyalongtemps,bienavantquejenevousrencontre,toietTove.—Quoi?Je le regardai, bouche ouverte, incapable de trouver les mots correspondant au trouble et à la

colèrequejeressentais.—Cemariageétaitprévudelonguedate,celuidumarkisKroneretdelaprincesseDahl,expliqua-

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t-ilcalmement.Jecroisquecelan’aétéfinaliséquetrèsrécemment,mêmesic’estcequenecessaitdevouloirAuroraKroner.La reinea toujourssuquec’était là sameilleureoptionpourgarder letrôneetteprotéger.— Tu le savais ? répétai-je, incapable de maîtriser ma douleur. Tu savais qu’elle voulait que

j’épousequelqu’und’autreettunem’enasjamaisriendit?Ilsemblaitsecouéparmaréaction.—Cen’étaitpasmonrôle.—Cen’étaitpeut-êtrepastonrôledepisteur,maisenqualitédegarsquim’aembrasséedanscelit,

si,ilmesemblequec’étaittonrôledemedirequejedevaisenépouserunautre.—Wendy,jet’airépétémaintesfoisquenousnepourrionsjamaisêtreensemble…—Medirequenousnepouvions être ensemblen’estpas lamêmechose, et tu le sais trèsbien,

l’interrompis-je.Commentas-tupu?Ilesttonami;ilestmonami,ettun’asjamaiseul’idéedemeledire?—Non,jenevoulaispasmemêlerdevotrerelation.—Temêlerdequoi?—J’aieupeurquetunetemettesàledétester,justepourennuyertamère.Jenevoulaispasdecela.

Jesouhaitaisquetusoisheureuseaveclui,ditFinn.Mêmesitunetemariaispasparamour,aumoinsseriez-vousbonsamis.Jepensaisquevouspourriezavoirunevieheureuseensemble.—Tu…quoi?J’eusl’impressionquemoncœursedéchirait.Pendantuninstant,jenedisplusrien.Jenepouvais

plusarticuler.—Tut’attendsàcequejel’épouse.—Oui,biensûr,ditFinnd’untonpresquelas.—Tunevasmêmepasessayerde…Jeravalaimeslarmesettournailatête.—QuandEloramel’adit,jemesuisopposéeàelle.Jemesuisbattuepourtoi.—Jesuisdésolé,Wendy,medit-ild’unevoixsombreetgrave.Ilapprochaetlevalamain,commes’ilavaitl’intentiondemetoucher,puisillalaissaretomber.—MaistuserasheureuseavecTove.Ilteprotégera.—J’aimeraisbien,pourunefois,quequelqu’uncessedeparlerdeluiencestermes!Exaspérée,jemerassisenreculantsurlelit.—Toveestunepersonne!Ils’agitdesavie!Nemérite-t-ilpasmieuxquededevenirgardedu

corpsàvie?—Ilyapire,danslavie,qued’êtretonépoux,réponditFinnposément.—Nefaispasça.Jesecouailatête.—Inutiledeplaisanter.N’essaiepasnonplusd’êtregentil,déclarai-jeen lui lançantunmauvais

regard.Tum’ascachécela.Pireencore,tunet’espasbattupourmoi.—Tusaistrèsbienpourquoijenepeuxpas,Wendy.Sesyeuxnoirsseconsumaientenmêmetempsqu’ilserraitlespoingscontreseshanches.

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—Maintenantquetusaisquituesetcequetureprésentespourceroyaume,tupeuxcomprendrequejenepeuxmebattrepourt’avoiràmoitoutseul.Tureprésentestropdechosespournotrepeuple.—Tuasraison,Finn,jenet’appartienspas,acquiesçai-jeavantdebaisserlesyeux.Jen’appartiens

àpersonne.En tout cela, j’ai le choix et toi aussi.En revanche, tun’as aucunement ledroit demepriverdumienenmedisantquijedoisépouser.—Cen’estpasmoiquiaiarrangécemariage,répliquaFinn,incrédule.—MaistupensesquejedoisépouserTove,etcommetun’asrienfaitpourempêchercela,quidit

quetunel’auraispasarrangétoi-même?J’essuyaimesyeuxetilneditrien.Jem’étendissurlelitenroulantsurleventrepournepluslui

montrerquemondos.Quelquesminutesplustard,jel’entendiss’enalleretlaporteserefermersurlui.

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VINGT-DEUXAccord

CommeilétaitprévudevoirarriverSaraElsing,lareinedesVittras,àquinzeheureslelendemain,pour récupérer Loki, des assemblées pour la défense du pays s’enchaînèrent toute lamatinée. J’yassistaiavecTove,AuroraKroner,GarrettStrom,lechancelieretunchoixrestreintdepisteurs,telsFinnetsonpère.Eloraneparticipaitévidemmentpasàlaréunion.Ellen’enavaitpaslasantéetneretrouveraitses

forcesqu’aprèsledépartdeLoki.Au moment de la pause déjeuner, Tove m’invita à me joindre à lui, mais je refusai. J’aimais

toujoursbienTove,maisjetrouvaisétrangedelecôtoyerdésormais,sachantquenousétionscensésnousmarier.Etpuis,jesouhaitaisavoiruneultimeentrevueavecLokiavantqu’ilnepartît.Ceseraitpeut-êtrela

dernièrefoisquejepourraisluiparler.Cette fois-ci, je ne me servis pas de Duncan pour faire le sale boulot. J’envoyai promener les

gardes moi-même. Ils protestèrent, mais avec un regard glacial, je leur rappelai que j’étais laprincesse.Ilm’étaittotalementégalquel’oncancaneensuite.PuisqueLokis’enallait,iln’yauraitdetoutefaçonplusdesujetdecommérages.—Oooh,j’adorequandtuesdéchaînée,lançaLokienvoyants’éloignerlesgardes.Appuyécontrelemontantdupieddesonlit,ilsouriait,contentdelui,commed’habitude.—Jenesuisnullementdéchaînée,dis-je.Jevoulaisjusteteparler.—Tuesvenuemedireaurevoir,sijecomprendsbien?Ilhaussaunsourcil.— Je sais que je vais terriblement temanquer,mais si tu souhaites éviter cela, tu n’as qu’àme

suivre.—Toutvabienpourmoi,merci.—Vraiment?Tunepeuxtoutdemêmepasprétendreêtreexcitéeparlaperspectiveduprochain

mariage.—Dequoiparles-tu?demandai-jeenmeraidissant.—J’aientendudirequetuallaisépousercemarkisinsipide.Lokifitunvaguegestedelamainenselevant.—Jetrouvececiridicule.Ilestennuyeux,inintéressantettunel’aimesabsolumentpas.—Etqu’ensais-tu?rétorquai-jesurladéfensive.Jemeredressai.—Lesgardienssontd’incorrigiblespipelettesparicietj’aitoutentendu.Ilmesouritenapprochantlentement.—Et j’aiégalementdeuxyeux. J’aibienvuquelsmélodramesse tramaiententre toietcetautre

pisteur.Fini?Frit?C’estquoisonnomdéjà?—Finn,répliquai-je.—Oui,c’estça.

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Lokiappuyasonépaulecontrelaporte.—Jepeuxtedonnerunpetitconseil?—Biensûr.Jeseraienchantéederecevoirlesconseilsd’unprisonnier.—Parfait.Loki se pencha aussi près demoi qu’il le put avant d’être pris de terribles douleurs pour oser

franchirleseuildesachambre.—N’épousejamaisquelqu’unquetun’aimespas.—Quesais-tudoncde l’amouroudemariage? luidemandai-je.Tuétais toutprogrammépour

épouserunefemmeplusâgéequetoidedixansavantqueleroinetelachipe.—Detoutefaçon,jenel’auraispasépousée.Lokihaussalesépaules.—Passijenel’aimaispas.—Etmaintenant,tuprétendsêtreintègre?décochai-je.Tum’asenlevéeettonpèreétaituntraître.—Jen’aijamaisprononcéunmotaimableàproposdemonpère,ditLokicalmement.Etjenet’ai

jamaisrienfaitdemal.—Tum’asenlevée!luilançai-jeànouveau.—Ahoui?Lokipenchalatête.—Cedontjemesouviensplutôt,c’estqueKyrat’aenlevée,etquemoi,j’aiessayédel’empêcher

de te battre àmort. Ensuite, quand tu crachais le sang, j’ai envoyé chercher la reine pour qu’ellet’aide. J’ai été gentil parce que tume l’avais demandé. Quels terribles crimes ai-je donc commisenverstoi,princesse?—Je…je…bafouillai-je.Jen’aijamaisditquetuavaiscommisdeschosesterribles.—Alorspourquoinemefais-tupasconfiance,Wendy?Il nem’avait jamais appelée parmon prénom, et l’affection que cela sous-entendaitme surprit.

Mêmesonregard,danslequelselisaitencoreunebonnedosedemalice,avaitquelquechosedeplusprofond.Quandilnes’efforçaitpasdesemontrerdiaboliquementbeau,ill’étaitréellement.Le lien que je voyais se tisser entre nousme troublait,mais je ne voulais surtout pas qu’il s’en

aperçût.Enoutre,peuimportaitlanaturedemessentimentspourlui.Ilpartaitlejourmêmeetjenelereverraisprobablementjamais.— Je te fais confiance, admis-je. Je te fais vraiment confiance. Je ne sais pas pourquoi et je ne

comprendspaspourquoitum’asaidée.—Tuveuxlavérité?Ilmesourit,d’unefaçonquisemblaitsincère.—Tuaspiquémacuriosité.—Tuasrisquétaviepourmoiparsimplecuriosité?demandai-je,sceptique.—Àpeinesortieducoma,laseulechosequit’importaitaétédesavoircommentallaienttesamis.

Et tu n’as pas cessé ensuite. Tu étais bonne. Et de toute ma vie, je n’avais rencontré une tellegénérosité.Ildétourna lesyeux, fixantunvaguepoint sur le solducouloir. Ilme semblaitqu’il essayaitde

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dissimuler la tristessedesonregard,mais je ladiscernai ;uneétrangesolitude,quicontrastait tantaveclasoliditédesonapparencephysique.Lokisecoualatête,commepourchasserlesentimentquil’avaitenvahiuninstant,puisilmesourit

detravers,d’unefaçonincroyablementlugubre.—Jepensaisque,pourunefois,lefaitd’agirdécemmentmevaudraitquelquerécompense.C’est

pourquoijet’ailaisséepartir,etpourquoijenet’aipasramenéeauroi.—Sitoutestaussihorriblequetuledis,là-bas,pourquoinerestes-tupasavecnous?demandai-je

sanstropréfléchir.—Non.Ilbaissalesyeux.—C’esttentant,maistonpeuplenel’autoriseraitpasetlemien…Disonsqu’ilneréagiraitpastrès

biensijenerentraispasàlamaison.Etquecelameplaiseounon,c’estlà-baschezmoi.—Jeneconnaiscesentimentquetropbien.Jesoupirai.MêmesiFöreningcommençaitàmefairel’effetd’êtreunpeuchezmoi,jenecroyais

pasqu’elleledeviendraitjamaiscomplètement.—Tuvois?Jetel’aidit,princesse.LesouriredeLokirevinttoutnaturellement.—Toietmoi,nousnesommesguèredifférents.—Tudiscelacommesiçaavaitdel’importance.—Celan’enapas?—Non,pasvraiment.Tut’envasaujourd’huietc’estpourrejoindremesennemis.Jelaissaiéchapperunprofondsoupir,toutenressentantunedouleurdanslapoitrine.—Avec un peu de chance, je ne te reverrai jamais. Parce que sinon, cela voudra dire que nous

seronsenguerreetquejedevraitefairedumal.—Oh,Wendy,c’estpeut-êtrelachoselaplustristequej’aiejamaisentendue,ditLoki.Ilavaitl’airdelepenservraiment.—Maislavienedoitpassystématiquementapparaîtreaussicatastrophiqueetsombre.Tunevois

jamaisleboncôtédeschoses?—Pasaujourd’hui.Je fis non de la tête. J’entendis Garrett m’appeler depuis l’autre extrémité du couloir, ce qui

signifiaitqueledéjeunerétaitterminéetlesréunionssurlepointdereprendre.—Jedoisrepartir.Jeteverrailorsquenousferonsl’échangeensemble,aveclareinedesVittras.—Bonnechance,ditLoki.Jemeretournaipourpartir.J’avaisàpeinefaitquelquespasquandj’entendisLokim’appeler.—Wendy!Ilsepenchaithorsdesachambreaupointquecelalefaisaitgrimacerdedouleur.—Sicequetudisestvraietquenousdevonsnousrevoiruniquementlorsquenosdeuxroyaumes

serontenguerre,toietmoineleseronsjamais.Jenetecombattraipas.Ça,jepeuxtelepromettre.Lesréunionssepoursuivirent,chacuneaumêmerythmeexténuant.Lesparticipantsn’enfinissaient

pasderépéterlesmêmeschoses.QuefairesilesVittrasrechignaientàfairel’échange.Quefairesi

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lesVittrasattaquaient.QuefairesilesVittrasessayaientdem’enlever.Etcelaaboutissaitchaquefoisàlamêmeconclusion:combattre.Toveetmoiuserionsdenosdons,

lespisteursseserviraientdeleurforceetdeleurstalents,etlechancelierseplanqueraitdansuncoin.Ladernièreétape,avantl’arrivéeofficielledelareinevittra,futdesignerletraité.Ilavaitdéjàété

envoyéchezlesVittraspourqu’Orenyapposesagriffe,cequ’ilavaitfaitd’uneencrerougesang.Garrettavaitensuiteapporté le traitéàEloradanssachambre,pourqu’elleyajoute lasienne.Unefoisqu’ilfutderetouraveclepapier,ilnerestaitplusqu’àattendrel’arrivéedeSaradanslecentredecrise.À deux heures trente, Elora relâcha Loki, qui promit de se tenir tranquille. Faisant fi de sa

promesse,ThomasetFinnletraitèrentcommes’ils’agissaitd’unebombeprêteàexploser.Puisquenousdevions rencontrer ladignitaired’unenationennemie, jemedisqu’ilvalaitmieux

quejemeprésentasseenvraieprincesse.Jem’habillaid’unerobevioletplutôtsombreetdemandaiàWilladem’aideràrefairemacoiffure.—Sijem’étaisdoutéquetuseraisaussimagnifique,jemeseraishabillépourl’occasion,plaisanta

LokilorsqueFinnetThomasl’amenèrentdanslecentredecrise.Finnleflanquabientropdurementsansraisonvalablesurunsiège,maisLokineprotestapas.—Pasdefamiliaritésaveclaprincesse,ditDuncanenluijetantunregardagacé.—Toutesmesexcuses,ditLoki.Jen’aimeraisd’ailleurspasêtrefamilieravecquiconqueici.Loki parcourut la pièce du regard.Duncan, Finn,Thomas,Tove, le chancelier etmoi étions les

seulsàattendrelavenuedeSara.Lerestedelamaisonsetenaitprêtaucasoùnousaurionsbesoind’aide,maisnousnevoulionspasdonneràSaral’impressionquenousl’encerclionsàsonarrivée.—Avez-vous changéd’avis et souhaitez-vousm’exécuter ? demandaLoki. Parce quevous avez

tousl’airdevousrendreàunenterrement.—Pasencore,dis-jeentripotantmonbraceletetenregardantl’horloge.—Quandalors,princesse?demandaLoki.Parcequ’ilneresteplusqu’unquartd’heureavantque

jenesoissortid’ici.Jeroulaidesyeuxetl’ignoraisimplement.Aumomentoùlasonnettetinta,j’étaisentraind’arpenterlapièce.Jebondispresqueenl’entendant.

Mêmesil’échangedevaitsepasserproprementetsimplement,jenesavaispastropàquoim’attendre.MonpèreavaitdéjàmentiettrahilesTryllesparlepassé.—Allons-y,dis-jeeninspirantprofondément.Letraitéquej’avaisenmainétaitunrouleaudepapiernouéparunrubanrouge.Jeconduisistoutle

mondejusqu’auhalld’entrée.DuncanmarchaitjustederrièremoietTovesetenaitàmadroite.FinnetThomastenaientchacunLokiparunbras,aucasoùilauraitdécidédesedémeneroudesebattre,etlechancelierfermaitlamarche.Deux gardes avaient fait entrer la reine et attendaient près d’elle. Elle se tenait au centre de la

rotonde, la capuche de sa cape retombée et les joues rosies par le froid. Des flocons de neigecollaientencoreàsarobepourpre.HormisLudlow,lepetitgnomequej’avaisvuchezlesVittras,elleétaitvenueseule.—Princesse.

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Enmevoyant,Saramesouritchaleureusement.Elle fitunepetite révérence,que je lui rendisenfaisantattentionqu’ellefûtidentique.—Reine.J’espèrequetuasfaitbonvoyage,dis-je.—Oui,endépitdesroutesunpeuglacées.Desesmainsgantéesdevelours,ellefitungesteverslesportesderrièreelle.—J’espèrequenousnevousavonspasfaitattendre.—Non,vousêtesarrivésàl’heure,l’assurai-je.—Elleestlàmaintenant,ditLoki.Jeneregardaipasderrièremoipourvoirs’ils’opposaitàFinnetThomas.—Vouspouvezmelaisserpartir?—Pasavantquel’accordsoitfinalisé,ditFinnenserrantlesdents.—Mareine,nepourrions-nousenfinir,s’ilteplaît?demandaLokiavecexaspération.Cepisteur

commenceàmetripoter.—Lemarkisnevousapasposé tropdeproblèmesaumoins?demandaSara, les joues rouges

d’embarras.—Pas trop, répondis-jeavecunpetit sourire.Sinousvous le rendons,vousacceptezdefaire la

paixjusqu’àmoncouronnement.C’estbiença?—Oui,acquiesçaSara.LesVittrasnevousattaquerontpastantqu’Eloraserareine.Maisdèsquetu

serascouronnée,lecessez-le-feuprendrafin.Je lui tendis le traité. Je m’attendais à ce qu’elle le déroulât pour vérifier son contenu, mais

visiblementdécidéeànousfaireconfiance,ellesecontentad’opinerànouveau.—Peuvent-ilsmelibérermaintenant?demandaLoki.—Oui,dis-je.J’entendis les bruits d’une altercationderrièremoi, puisLoki passaprèsdemoi en remettant sa

chemiseenplace,sousleregarddésapprobateurdeSara,tandisqu’illarejoignait.—Toutestréglé?demandaLoki.—C’estcequ’ilsemble,réponditSara.Princesse,tusaisquetueslabienvenueaupalais.—Jesais,admis-je.—Leroiasouhaitéquejetepassecetteinvitation,ditSara.SituretourneschezlesVittraspour

occupertaplaceàcôtédelui,iloffriral’amnistieàFöreningetàtoutesapopulation.Jebafouillai l’espaced’uninstant,nesachantquerépondre.Jenevoulaispasm’yrendreetjene

faisais aucune confiance au roi,mais il était difficile d’ignorer complètement cette proposition. Jevoulaisquetousceuxauxquelsjetenaissoientensécurité,ycomprisMattetFinn.Jelançaiuncoupd’œilversLoki,supposantqu’ilallaitmesourireoumetaquinerpourquejele

rejoignisse,maissonsourirenarquoisavaitaucontrairedisparudesonvisageetsesyeuxcaramelétaientpresqueemplisdeterreur.—Princesse,ditToveenmetouchantlebrasau-dessusducoude.Ilnousrestepasmaldetâchesà

accomplircetaprès-midi.Peut-êtredevrions-nouslibérernosinvités.—Oui,biensûr.Jesourisfaiblement.

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—Sivousvoulezbiennousexcuser,uncertainnombredetâchesm’attendent.—Certainement.Sarasourit.—Nousnesouhaitonspasabuser.—C’estaussibiencommeça.Semblantsoulagé,Lokimesourit.—Ondariken’estpasunendroitpouruneprincesse.—Markis,ditSarasanss’énerver.Ellefituneautrerévérence,quejeluirendis.Puis,elleseretourna.LegnomeLudlow,quin’avait

pasditunmot,ramassasatraînepourqu’ellenebalayâtpaslesol.Commeilssedirigeaientverslaporte,Lokifitminededirequelquechose,maisSaralefittaire.Iljetaunrapidecoupd’œilpar-dessussonépaulepourmeregarder.J’étaissurprisedevoiràquel

point j’avais de la peine qu’il s’en allât.Nous n’avions pas passé beaucoup de temps ensemble et,pourtant,jemesentaisétrangementprochedeluidepuislepremierinstantoùjel’avaisvu.Etbrusquement,dèsqu’ilfuthorsdemavueetdemavie,j’eusuneirrépressibleenviedepleurer.Unefoisqu’ilsfurentpartis,jepoussaiunprofondsoupir.—Celanes’estpastropmalpassé,dis-je.Etc’étaitvrai,enfait.Lapiredeschosesavaitétél’accumulationdetension.Lechanceliertranspiraitcommeunbœuf,maiscelan’avaitriendenouveau.JesourisàToveavec

gratitude.J’avaisaimél’avoiràmescôtés.Renfortetsoutiens’avéraientextrêmementimportants.—Cespetitsgnomesmedégoûtent,ditDuncanentressaillantrienqu’enpensantàLudlow.Jene

comprendspascommentilsfontpourvivreaveceux.—Jesuissûrqu’ilsn’enpensentpasmoinsdetoi,grommelaFinn.—Jepensequenoussavonstouscequ’ilnousresteàfaire,dit lechancelierentordantsesdeux

mainsgrassouillettes.—Quoi?demandai-je,n’ayantpaslamoindreidéedecequenousdevionsfaire.—Ilnousfautlesattaquerpendantquelatrêveestencours,répondit-il.Lasueurcoulaitdanssesyeuxperçantsetsoncostumeblancétaitcouvertd’auréoleshumides.—Leprincipemêmedelatrêveestlapaix,dis-je.Enlesattaquant,nousl’annulonsetnousrevoilà

enguerre.— Il faut les surprendre pendant qu’ils ne s’y attendent pas, insista le chancelier, lesmâchoires

tremblantes.C’estnotreseulechancedeprendreledessus.Jesecouailatête.—Non,c’estlaseulechancequenousayonsdenousreconstruireaprèsladernièreattaqueetde

trouverlesmoyensderésoudrececonflitàl’amiable.IlnousfautréunifieretrassemblerlesTryllespour être aussi forts que possible.Ou trouver ce que nous pourrons offrir auxVittras pour qu’ilscessentdenousimportuner.—Danscecas,noussavonscequenouspouvonsleuroffrir,déclaralechancelierenmeregardant.—Nousnenégocieronspasaveceux,lâchaFinn.Lechancelierledévisagea.

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—Bienentendu,tunenégociesrienavecpersonne.—Onnepeutécarterlanégociation,ditTove.AvantqueFinneûtletempsdeprotester,ilcontinua:—Nousn’allonsévidemmentpasleurdonnerlaprincesse,maisnousnepouvonséliminerd’autres

optionspourautant.Ilyaeuassezdemorts.Etaprèscesannéesdeguerre,personnen’ajamaisprisledessus.Ilnousfautdoncessayerquelquechosededifférent.—Exactement,acquiesçai-je.Etilseraitbondetirerpartidecettetrêvepourtrouverunesolution.—Vouspenseztrouverquelquechosedenouveauàmarchander?segaussalechancelier.Chacun

saitpourtantqu’onnepeutsefierauroidesVittras!—Qu’ilsoitfourbenesignifiepasquenousdevionsnouscomportercommelui,dis-je.—Etlaseuleraisonpourlaquellenousavonsgagnéladernièrebatailletientaufaitqu’elleaeu

lieusurnotreterrainetqu’ilsn’ontpasenvoyéleursmeilleurscombattants,ajoutaTove.Sinouslesrencontrionschezeux,ilsauraientledessus.Ilsnousécraseraientcommeilsl’onttoujoursfait.Nousdevonstirerleçondenoserreurs.—Bien ! s’exclama lechancelieren levant lesmainsen l’air.Faitescommevousvoudrez.Vous

aurezlesmainscouvertesdesang,pasmoi.Lechancelierbattitenretraite.JesourisàTove.—Mercipourvotresoutien,dis-je.—Jesuiscommeça,rétorquaToveenhaussantlesépaules.

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VINGT-TROISProposition

Après ledépartdeSaraetdeLoki, jemontai raconteràEloracomment jem’yétaisprise.Garrettétaitassisprèsd’elledans lepetit salonoùelleétaitallongée.Lacouleurdesapeaus’étaitunpeuilluminée,maisellesemblaittoujoursaussiépuisée.J’expliquaibrièvementleschoses.Tousdeuxsemontrèrentfiersdemoi.C’étaitmapremièretâche

officielledeprincesseet jem’enétaisbien tirée.Eloraaffirmaque j’avaisbienmené l’affaire.Enrepartant,jemesentistouteragaillardie.Surlechemindemachambre,jetombaisurTove,quirevenaitdelacuisine,avecunepoignéede

raisins.Ilm’enoffritun,maiscommejen’avaispasenviedemanger,jefisnondelatête.—Est-cequevousvoussentezunevraieprincesse,maintenant?medemandaToveengrignotant

quelquesraisins.—Jenesaispas.J’ôtailelourdcollierdediamantsquej’avaisportépourtenirlerôle.—Dureste,jenesaispassiceseraunjourlecas.J’aitoujoursl’impressiond’êtreunimposteur.—Entoutcas,vousavezl’aird’unevraieprincesse.—Merci.Jemeretournaiversluipourluisourire.—Etvous,vousavezétéformidableaujourd’hui.Vousétiezconcentréetroyal.—Merci.Illançaunraisindanssaboucheouverteetsourit.—J’aipasséuntempsfouàréorganiserlemobilierdemachambreavantlaréunion,çaadûaider.—Eneffet.Nousmarchâmes ensuite unpeu en silence, luimangeant ses fruits etmoi tripotantmon collier.

Pourtant,lesilenceentrenousnesemblaitpasbizarre,etjetrouvaiscelatrèsbien.Êtrecapabledesetrouveravecquelqu’unsansqueriennesoitforcé,étrangeoueffroyablementguindé.Jecommençaisaussiàcomprendrecequ’EloraetFinnvoulaientdire.Toveétaitfort,intelligentet

gentil,maissesdonsl’épuisaienttroppourqu’ilsoitunmeneur.Ilavaitaccompliuntravailétonnantenm’assistant et enme soutenant, et je savais qu’en n’importe quelle circonstance, il serait àmescôtés.—Alors.Tove avala son dernier raisin et s’arrêta. Il regarda le sol en replaçant ses cheveux derrière ses

oreilles.—Jesuissûrquelareinevousaparlédel’arrangementfaitparelleetmamère.Ils’interrompit.—Voussavez,ausujetdenotremariage.—Ouais.J’opinai,toutenmesentantétrangementmalàl’aisedel’entendreainsiabordercesujet.— Je n’aime pas les voir espionner et comploter à notre sujet comme si nous n’étions que des

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pionssurunéchiquier.Tovesemorditl’intérieurdelajoueetregardaleboutducouloir.—Celan’estpasbienetjel’aiditàAurora.Ilfautqu’ellecessedemetraitercommeun…Jene

saispas.Commeunpion.—Ouais.J’étaisbiend’accord.—Elle s’imagine tout le tempspouvoirmediriger et je saisquevotremère fait demêmeavec

vous.Ilsoupira.—Unpeucommesielless’étaientfaitdenousdesidéesbienprécisessurcequenousdevionsêtre

avantd’arriver,etqu’ellesrefusentdemodifierleuropinionmêmeaprèss’êtrerenducomptedequinousétionsvraiment.—Ouais,c’estvrai,dis-je.—Jesuisaucourantpourvotrepassé.Illevalesyeux,lesposantsurlesmiensunbrefinstant.—Auroram’aexpliquépourvotrepère.Ellem’aditquevous risquezdeperdre la couronneà

causedelui,enraisondeserreursdevosparents.C’estidiotparcequejeconnaisvotrepuissanceetvotreattachementaupeuple.—Merci?dis-jesansgrandeconviction.—Ilfautquevoussoyezreine.Quiconqueaunpeudesenscommunlesait.Leproblème,c’estque

laplupartdesgensnesaventrien.Ilsegrattalanuqueetchangeadepiedd’appui.—Jenechercheraienaucuncasàvousôtercela.Quoiqu’ilarrive,jamaisjenevousprendraila

couronneetjevousdéfendraicontrequiconqueessaieradelefaire.Jen’ajoutai rien à cela. Jen’avais jamais entenduToveparler autant et nevoyaispasbienoù il

voulaitenvenir.—Jesaisquevousêtesamoureusede…enfin,pasdemoi,dit-ilprudemment.Etjenesuispasnon

plusamoureuxdevous.Maisjevousrespecteetjevousaimebien.—Jevousrespecteetvousaimebienaussi,dis-jeensouriantfaiblement.—Maisilyaàlafoisplusieurschosesetaucune,ajouta-t-ilensoupirant.Celan’apasdesens.Je

veuxdirequevousavezbesoind’aidepourconserverletrôneetdequelqu’unàvoscôtés,etça,jepeuxlefaire.Mais…c’estjusteparcequejepenseque…jeleveux.—Quoi?demandai-je,etillevasesyeuxvertmoussesurmoienmeregardantintensément.—Est-ceque…Jeveuxdire,voulez-vousvousmarier?demanda-t-il.Avecmoi?—Je…euh…Jenesavaispasquoidire.—Sivousnevoulezpas,celanechangerarienentrenous,répliquaToveenvitesse.Jenevousl’ai

demandéqueparcequecelamesembleunebonneidée.—Ouais, affirmai-je sans savoir commentcontinuer, jusqu’àcequequelquesmots finissentpar

m’échapper.Jeveuxdireoui.Jeleveux.Jeleferai.Jeleferais…Jevousépouserai.

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—Ouais?Tovesouriait.—Oui.Lagorgeserrée,jem’efforçaidesourire.—Bien.Ilsoupiraenregardantleboutducouloir.—C’estbien,non?—Ouais,sansdoute,dis-je.Jelepensais.—Ouais,opina-t-il.Mais,jemesensnauséeux,maintenant.—Celamesemblenormal.—Bien.Ilopinadenouveau,cettefoisenmeregardant.—Danscecas,jevouslaisse…fairecequevousavezàfaire.Etjevaisfairedemême.—OK,opinai-je.—Trèsbien.Ilmetapagentimentsurl’épaule,puishochalatêteetpartit.Jene savaisvraimentpas ceque jevenaisd’accepter. Jen’étaispas amoureusedeToveet jene

pensaispasqu’illefûtdemoi.Nousnouscomprenionsetnousrespections,cequin’étaitdéjàpasmal.Maissurtout,c’étaitcedont

le royaume avait besoin. Elora était convaincue qu’épouser Tove était la meilleure chose qui pûtm’arriverainsiqu’auxTrylles.Jedevaisfairecequiétaitlemieuxpournotrepeuple,etsiceladevaitpasserparunmariageavec

Tove,qu’ilensoitainsi.J’auraispumeretrouvermariéeàquelqu’undebienpire.Après avoir changé de robe, j’entraînai Duncan avec moi jusqu’à la bibliothèque. Il m’aida à

trouverdebons livresd’histoiresur lesTrylleset jem’yplongeai.Finnm’avaitunpeudéblayé leterrainavantlacérémonied’intronisation,maissi jecomptaisgouvernerunjourcepeuple, j’avaisbesoindemieuxcomprendrequiilétait.Jepassai le restantde la soiréedans labibliothèque, rassemblant autantd’informationsque je le

pouvais.Recroquevillé sur l’un des fauteuils,Duncan finit par s’endormir. Il était tard quand je leréveillai pour qu’ilme reconduisît àma chambre. Je n’aurais su dire quel degré de protection unDuncanàdemiendormipouvaitm’apporterexactement,maisçan’étaitpasgrave,carjenepensaispasenavoirréellementbesoin.Lematinsuivant,jemerendisavecTovedansl’atriumpourunpeud’entraînement.J’étaiscontente

de revenir à la routine. Duncan nous accompagna, et même s’il dut remarquer quelque chose debizarreentreToveetmoi,ilneditrien.Celamefaisaitundrôled’effetd’êtrenouvellementfiancée,maisTovefitsonpossiblepourmetenirconcentréesurletravailàfaire.Jecommençaisàmieuxmaîtrisermesdonsetjelessentaisserenforcer.AyantassisDuncansurle

trône,jelesoulevaiau-dessusdusolsansquecelanemedemandâtautantdeconcentrationqu’avant.Unedouleursourdecommençaàm’élancerderrièrelesyeux,maisjedécidaidel’ignorer.

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QuandTovesoulevaunechaisepour la faire léviterencerclesetm’expliquercequ’ilsouhaitaitquejefisse,jenepusm’empêcherdepenseràElora.Fragiliséeparl’utilisationdesespouvoirsquil’avaientvidée,elleavaitl’airsivulnérable.Jesavaisquenousdevionsutilisernostalentspourrestersainsd’esprit,Toveenparticulier,pour

qui le fait d’user de ses dons était le seulmoyendenepas devenir fou.Mais celam’inquiétait. Jen’avaispasenviequ’ilfinîtcommemamère,envieillissantprécocement,pourmouriravantmêmel’âgedequaranteans.À la fin de l’entraînement, jeme sentais fatiguéemais heureuse. J’avais acquis une plus grande

confianceenmoiendevenantplusforte,cequimeplaisait.JeretournaivoirElora,quiétaittoujoursentrainderécupéreraupetitsalon.Elleétaitsortiedesa

méridienne,cequimesembladebonaugure,ets’étaitremiseàpeindre.Assisesuruntabouretdevantlabaievitrée,ellefaisaitfaceàunchevalet.Le châle qui l’enveloppait avait glissé d’une de ses épaules, mais elle ne semblait pas l’avoir

remarqué.Seslongscheveux,quiapparaissaientmaintenantplusargentésquenoirs,pendaientdanssondos.—Crois-turecommandédefairecequetufais?luidemandai-jeenentrantdanslapièce.— J’ai eu une terriblemigraine ces derniers jours et il faut que jem’en débarrasse, dit-elle en

donnantunlargecoupdepinceausursatoile.J’avançai pourme trouver derrière elle et mieux voir ce qu’elle peignait mais, jusque-là, il ne

s’agissait que d’un ciel bleu sombre.Elora cessa de peindre et posa son pinceau sur le rebord duchevalet.—Tuasbesoindequelquechose,princesse?Elletournasonvisageversmoietjefussoulagéedeconstaterquel’aspectlaiteuxavaitdisparude

sesyeux.—Non.Jesecouailatête.—Jevoulaisjustevoircommenttuallais.—Mieux,dit-elledansunprofondsoupir.Jeneseraijamaispluslamême,maisjemesensmieux.—C’estdéjàbien.—Oui,c’estcequejemedis.Elleseretournapourregarderlecielgrisparlafenêtre.Laneigeglacéeetleventavaientcessé,

mais le ciel demeuraitmaussade. Les érables et les ormes, qui avaient perdu presque toutes leursfeuilles,setenaientdroitsetnus,commemortspourl’hiver.Lesconifères,quiparsemaientlafalaise,avaient l’airfragiliséspar lemauvaistempsqu’ilsavaientsubi,certainesdeleursbranchesployantsouslepoidsdelaglacerestéecollée.—Tovem’ademandéeenmariage,luidis-je.Elletournalatêtepourmeregarderànouveau.—Etj’aiaccepté.—Tuasacceptél’arrangement?demandaEloraenhaussantunsourcilensigned’émerveillement.—Oui,acquiesçai-je.C’est…Sic’estcequ’ilyademieuxpourleroyaume,c’estcequejedois

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faire.Jehochailatêteànouveau,commepourmieuxm’enpersuader.—EtToveestunchictype.Ilferaunbonépoux.Àpeineavais-jeditcelaquejemerendiscompten’avoiraucuneidéedecequipouvaitfaireoune

pasfaireunbonépoux.Jen’avaispratiquement jamaisvécuauprèsdecouplesmariéset jen’avaisjamais eu de petit ami. Je ne savais pas dans quelle catégorie placer Finn, mais il ne devaitvraisemblablementpascompterpourgrand-choseàcetégard.CommeEloramedévisageaittoujours,j’avalaimasaliveenm’efforçantdeluisourire.Cen’était

paslemomentdem’angoisseràproposdecequej’avaisaccepté,etd’iciaumariage,j’auraisbienletempsd’apprendreàquoicorrespondaitlerôled’épouse.—Oui,j’ensuisconvaincue,murmuraEloraenregardantànouveausatoile.—Tul’esvraiment?—Absolument,dit-elleenmetournantledos.Jeneteferaipascequ’ilsm’ontfait.Sijesavaisque

tudoisaccomplirunechoseterribledansl’intérêtdesTrylles,jeteledemanderaisquandmême,carcelafaitpartiedetesdevoirs.Maisje t’expliqueraisexactementpourquoi.Jamaisjenete laisseraisdansl’ignorance.—Merci,dis-jesincèrement.Regrettes-tud’avoirépousémonpère?—J’essaiedenepasavoirderegrets,répondit-elled’untonlasenattrapantunpinceau.Ilestmal

venupourunereined’avoirdesdoutes.—Commentsefait-ilquetunetesoisjamaisremariée?—Quiaurais-jeépousé?JefaillisrépondreThomas,maiscelan’aurait faitquelamettreenrogne,puisqu’ellenepouvait

épouser un pisteur qui, de surcroît, était déjàmarié.Mais sa colère ne serait pas venuede là.Elleauraitétéfurieusequejeconnaissecettehistoire.—Garrett?demandai-je.Eloraémitunsonquiressemblaàunrire.—Ilt’aimeetestunmarkisdistingué.Ilremplitbienlesconditions.—Iln’estpassidistinguéqueça,dit-elle.Ilestgentil,oui,maislemariageestplusquecela.Jete

l’ai déjà dit, princesse, l’amour n’a rien à voir avec le mariage. C’est la mise à niveau de deuxgroupes,etjen’aieuaucuneraisondememettreauniveaudequiconque.—Tuneveuxmêmepastemarierpourleprincipe?Tunetesensjamaisseule?—Unereinepeutéprouverbeaucoupdechoses,maislasolitude,jamais.Ellelevasonpinceau,letenantjustedevantlatoilecommesielleallaitpeindre,maisn’enfitrien.— Je n’ai pas besoin d’amour ou d’un homme pour me sentir entière. Le jour viendra où tu

comprendrascombiencelaestvraipourtoiaussi.Lessoupirantspasseront,maistoi,turesteras.Jeregardaiparlafenêtresanssavoirquoirépondreàcela.Cetteidéeavaitquelquechosedenoble

etdigne,enmêmetempsquedetragique.Croirequejefiniraismavietouteseule,quejemourraisseule,n’avaitrienderéconfortant.—Deplus,jenevoulaispasqueWillasoitensituationd’accéderàlacouronne,ajoutaEloraense

mettant àpeindre.C’est cequi se serait produit si j’avais épouséGarrett.Elle serait alorsdevenue

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princesseetuneprétendanteautrône,etjen’ytenaispas.—Willa n’aurait pas fait une mauvaise reine, dis-je, étonnée moi-même de constater que je le

pensaisvraiment.Willa m’avait réellement surprise depuis que je vivais au palais et je croyais qu’elle avait

égalementmûri. Elle faisait preuve de générosité et d’une perspicacité dont je ne l’avais pas cruecapableaudépart.—Peuimporte,ellenedeviendrapasreine,c’esttoiquileseras.—Pasavantlongtemps,j’espère.Jesoupirai.—Ilfautquetusoisprête,princesse.Ellemeregardapar-dessussonépaule.—Ilfautquetutepréparesàcela.— C’est ce que j’essaie de faire, assurai-je. Je m’entraîne et je participe à toutes les réunions.

J’étudiemêmeenbibliothèque,etpourtant,jen’aitoujourspaslesentimentdepouvoirtenirlerôled’unereineavantdesannées.—Ilneterestepasdesannées,affirmaElora.—Queveux-tudire?Quandserai-jereine?Combiendetempsmereste-t-il?—Tuvoiscettepeinture?Eloradésignaunetoilequej’avaisdéjàvuedanssachambre,poséecontreuneétagère.C’étaitunportraitdemoiengrosplan,avecàpeuprès lamêmeapparencequemaintenant,sauf

que vêtue d’une robe blanche. Je portais sur la tête une couronne de platine travaillée garnie dediamants.—Etalors?Jeseraireineunjour.Nouslesavonsbientouteslesdeux.—Non,regardebiencettepeinture.Ellepointalemanchedesonpinceauverslatoile.—Regardetonvisage.Quelâgeas-tu?—J’ai…Jeplissailesyeuxenapprochantdelatoile.Jen’auraissudireexactement,maisjen’avaispasl’air

bienplusvieillequemaintenant.Jemeredressai.—Jenesaispas.Jediraisvingt-cinqans,peut-être.—Peut-être,admitElora,maiscen’estpasmonimpression.—Quelleesttonimpression?demandai-je.Ellemetournaledossansrienlaisserdeviner.—Commentdeviendrai-jereinedetoutefaçon?—Tu seras reinequand lesmonarquesaupouvoir serontdécédés, réponditElora, commeside

rienn’était.—Tuveuxdirequejedeviendraireineaprèstamort?demandai-je.Moncœursemitàcognerdansmapoitrine.—Oui.—Cequiveutdireque…

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Jedusinspirerprofondémentavantdepouvoircontinuer.—Quetupensesmourirbientôt.—Oui.Elleseremitàpeindrecommesinousétionsentraindeparlerdelapluieetdubeautemps,etnon

desamortprochaine.—Mais…dis-jeensecouantlatête.Jenesuispasprête.Tunem’asrientransmisconcernanttout

cequejedevraissavoir!—C’estpourcelaque je t’aibrusquée,princesse.Sachantque jen’avaispasbeaucoupde temps

devantmoi,ilfallaitquejesoisdureavectoi.Ilfallaitquejesoiscertainequetuserasàlahauteur.—Etqu’endis-tumaintenant?—Jepensequeoui.Elleseretournaversmoi.—Pasdepanique,princesse.Quelquesoit leproblèmeque tuaiesàaffronter, ilne faut jamais

paniquer.—Jenepaniquepas,mentis-je.Moncœurbattaitlesquatrecentscoupsetlatêtemetournait.Jem’assissurlecanapéderrièremoi.—Jenesuispasencoremorte,ajoutaElora,semblant toutàcoupunpeuennuyée. Il fautque tu

écoutesattentivementcequejedisetquetutiennescomptedetout.—Ilnes’agitpasdeça,dis-jeen ladévisageant. Jeviensàpeinede faire taconnaissance,nous

commençonstoutjusteànouscomprendreettevoilàentraindemourir?—Nesoispassisentimentale,princesse,megrondaElora.Nousn’enavonspasletemps.—Tun’espastriste?demandai-je,leslarmesauxyeux.Oueffrayée?—Princesse,vraiment.Ellerouladesyeuxetmetournaànouveauledos.—Jedoispeindremaintenant.Jeteconseillederetournerdanstachambrepourteressaisir.Une

princessenedoitjamaisêtrevueenpleurs.Jelalaissaicontinuersontableau.Monuniqueconsolationétaitqu’Eloraavaitditqu’uneprincesse

nedevaitjamaisêtrevueentraindepleurer,nonquejenedevaisjamaispleurer.Jemedemandaisicen’étaitpaspourcelaqu’ellem’avaitdemandédelaquitter.Nonpourquejepleurasse,maispourqu’ellepûtlefaire.

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VINGT-QUATRETryllique

Si Loki avait déjà eu le temps d’apprendre que mon mariage était planifié, il ne faudrait paslongtempspourquetoutlemondelesût.Pensantqu’ilseraitpréférablequemesamisl’apprennentdemabouche,jelesréunistousensemble.Willa et Duncan seraient probablement emballés, mais je ne savais pas comment Matt et Rhys

prendraientlachose.Sansdoutepasaussibien.Nousnousretrouvâmesdanslesalondel’étage,quiavaitautrefoisservidesalledejeuàRhys.Le

plafond était décoré d’une fresque représentant des nuages, et dans un coin, il restait une étagèrerempliedevieuxjouets.Matts’assitentreRhysetWillasurlecanapé,etDuncans’installaparterre,adosséausofa.—J’aiquelquechoseàvousdire.Jemetenaisdeboutdevanteux,jouantaveclabagueautourdemonpoucepourtenterdemecalmer

lesnerfs.Le regard suspicieux deMatt n’était pas fait pourm’aider. Rhys, par-dessus lemarché, souriait

commeunimbéciletoutexcité.Ilavaitétécontentquejel’inviteiciparcequenousnenousétionspasbeaucoupvuscesdernierstemps.IlavaitétéoccupéàdemultipleschosesavecMattetj’avaisentendudirequ’ils’étaitmisàfréquenterRhiannon.—Dequois’agit-il?demandaMattsuruntondéjàrude.—Debonnesnouvelles,insistai-je.— Alors lâche le morceau, s’écria Willa avec un sourire perplexe. Je n’en peux plus de ce

suspense.Elle avait essayé deme tirer les vers du nez avant l’arrivée des autres, mais je voulais le leur

annonceràtousensemble.—Jevoulaisquevoussachiezque,euh…Jem’éclaircislavoix.—Jevaismemarier.—Quoi?grognaMatt.—Sansblagues!lâchaWilla,lesyeuxbrillants.Avecqui?—Alorsc’estbienvrai?Duncanm’observait,laboucheouverte.Luiaussiavaitdéjàdûavoiréchodelarumeur.—AvecToveKroner.—Tove?demandaMatt,d’untonincertain.Cetypeestunfarfeluetjenecroyaismêmepasquetu

l’appréciais.—Non,jel’aimebien,dis-je.Ilestuntypebien.—Ohlà,là,Wendy!hurlaWilla.Pleined’enthousiasme,ellesautaducanapéenfilantpresqueuncoupdepiedàDuncansurlatêteet

courutversmoipourm’enlacer.—C’estgénial!Jesuissiheureusepourtoi!

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—Oui,félicitations,acquiesçaRhys.Quelveinard!—Jen’arrivepasàcroirequevousnem’ayezriendit,renchéritDuncan.J’étaisavecvousdeuxce

matin.—Ehbien,nousn’enavonspasencoreparlé,dis-jeenmedégageantdel’étreintedeWilla.Même

sijedoutequenoussoyonscensésenparler,j’aipenséquevousdeviezlesavoir.—Maisjenecomprendspas.Visiblementperturbéparcettenouvelle,Mattseleva.—Jecroyaisquetut’étaisemmourachéedecetautregars,Finn.—Ehbiennon,dis-jeenbaissantlesyeux.Jenesuisemmourachéedepersonne.Jelaissaiéchapperunsoupir.—Toutça,c’estdupassé.Jemesurprismoi-mêmeàpenserquecelapouvaitaussibienêtrevrai.Jen’avaispasexactement

oubliéFinn,maisj’avaiscommencéàadmettrequenousnepourrionsjamaisêtreensemble.Etcelan’étaitpasàcausedenotredifférencedeclasse,carj’auraisvaincucetobstacle,jemeseraisbattue,j’auraislégiféré.Mais cette perpétuelle absence de volonté que Finn mettait à me faire confiance, ce refus du

moindreeffortpourêtreavecmoi,toutceciavaitfiniparm’épuiser.Jenepouvaiscontinueràaimertouteseule,àsensunique.—Tonmariagevaêtremagnifique!Willamaintenaitsesmainscroiséesdevantsapoitrinepouréviterdesejeterencoreunefoissur

moipourm’enlacer.—Àquandlegrandjour?—Jenesaispasencore,admis-je.Dèsquej’auraidix-huitans.—C’estdansmoinsdetroismois!s’écriaMatt.—Ilnousresteàpeineletempsdenousypréparer!pâlitWilla.Ilvayavoirtantàfaire!Puis,ellegrimaça.—Oh,maisAuroravacertainementmettrelamainsurtoutça,n’est-cepas?—Oh.Ouais.Jemerenfrognaiàmontour,merendantcomptequej’allaisrécupérerlapirebelle-mèrequisoit.—J’aibienpeurqueoui.—Jesuisbigrementcontentd’êtreungarçonpournepasavoiràorganisercegenredechoses,

déclaraRhysavecunsourireencoin.—Lespréparatifs,c’estcequ’ilyadeplussympa,insistaWillaenpassantunbrasautourdemes

épaules.Choisirlescouleurs,lesrobes,lesfleursetlesinvitations!C’estleplusmarrant!—Wendy,tuessûrequecelateconvientvraiment?questionnaMattenmeregardantdanslesyeux.—Maisbiensûr,Matt,ditWillaenroulantexagérémentlesyeux.C’estlerêvedetouteslespetites

filles.Êtreunjourlaprincessequivaépousersonprincelorsd’ungrandmariagesomptueux.—Techniquement,Toveestunmarkisetnonunprince,fis-jeremarquer.—Bon,enfin,tuvoiscequejeveuxdire,rétorquaWilla.C’estuncontedeféesdevenuréalité.—Willa,arrêteunpeu.

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LeregardglacialdeMattseposasurWilla,quiseraiditetôtasonbrasdemonépaule.Ilsetournaversmoi.—Wendy,épousercegarçon,est-ceréellementcequetuveux?J’inspiraiprofondémentetj’acquiesçai.—Oui.C’estcequejeveuxvraiment.—Danscecas,ditMattàcontrecœur.Sic’estcequetuveux,jetesoutiens.Maiss’iltefaitdumal,

jeletuerai.—Jen’enattendaispasmoinsdetoi,répliquai-jeensouriant.Maistoutirabienpourmoi.Remplied’excitation,Willacontinuaitsonbabillageenénuméranttoutesleschosesfabuleusesqu’il

allait falloir planifier, mais je ne l’écoutais plus. Rhys et Matt, qui n’avaient vraiment pas envied’entendretoutça,s’esquivèrentpourallers’occuperàquelquechosedebienplusamusant.Entantquegardeducorps,Duncannepouvaits’enaller;dureste,ilsemblaitbienpluscaptivéquemoiparcequeWillaracontait.Ellefinitparselasserelle-même.Elleditqu’ellerentraitchezelleprendrequelquesaffaires,afin

depouvoir revenir tôt le lendemain, fraîche et disposepour commencer à tout organiser.Lorsquenousquittâmes lapièce,Willaétaitencoreen traindedresser la listede toutcequ’il fallaitqu’elleapportât.—Jetevoisdemain,d’accord?ditWillaenmeserrantlebras.—Ouais.—C’estsuperexcitant,Wendy,merappela-t-elle.Faiscommesi,aumoins.—Jevaisessayer,dis-jeenm’efforçantdesourire.Elleritdevantmonmanquedeconvictionavantdepartirpourdebon.Unefoishorsdusalon,je

m’appuyaiaumuràcôtédelaporte.Duncan,quisetenaitàcôtédemoi,neditrien.Willaavait raison.Toutecetteaffaire ressemblaitàuncontedefées.Maispourquoinevoyais-je

pasleschosesainsi?Enregardantdistraitementdans lecouloir, j’aperçusFinn,qui faisaitsa rondedusoir. Inspectant

l’ailenord,ilavançaitversmoi,maisquandilmevit,ils’arrêta.Sesyeuxsombresseposèrentsurlesmiensl’espaced’uninstant,puisilmetournaledosetrepartitensensinverse.Le lendemain, je me réveillai tout excitée à l’idée de m’entraîner et de ne plus penser à mes

fiançailles,maisj’étaisàpeineéveilléedepuisdixminutesqu’Aurorasurgitdansmachambre.EllearrivaavantqueWillan’eûtletempsdesemontrer,luicoupantainsil’herbesouslepied.Willan’enfutpastrèsheureuse,maisellefitdesonmieuxpourresterpolie.Nousnousretrouvâmesdanslagrandesalleàmanger,parcequ’Auroraavaittantdedocumentsà

étalerqu’illuifallaitlatablelapluslongue.Elleavaitapportédeslistesd’invitésavecdesplansdetables,deschartesdecouleursetdeséchantillonsdetissus,desmagazinesetdespatronsderobes,deslivres,bref,toutcedontonpouvaitrêverpourlancerlespréparatifsd’unmariage.— Il faut évidemment que nous organisions une fête pour les fiançailles cette fin de semaine,

puisque lemariage n’est que dans quelquesmois, ditAurora en tapant du doigt sur un calendrierqu’elleavaitétalésurlatable.Jem’assisenboutdetable,Aurorad’uncôtéetWilladel’autre.Auroraétaitpenchéesurlatable,

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sarobeverteflottantautourd’elle.Willa,lesbrascroisés,observaitAuroradehaut.—Avantlesfiançailles,ilnousfauttrouvervotrechartedecouleursetdresserunelistedesinvités

pourlemariage,ditAurora.— C’est trop tôt, indiquaWilla. Nous n’arriverons jamais à faire cela en même temps que les

préparatifsdelafêtedefiançailles,quin’estquedansquelquesjours.— Il faut que les invitations pour le mariage soient prêtes le plus tôt possible. Nous les

distribueronslorsdesfiançailles,ditAurora.Quelestlejourdevotreanniversaire,princesse?—Euh,le9janvier,dis-je.— Pourquoi faudrait-il distribuer les invitations ? demanda Willa. Ne pouvons-nous pas les

envoyerparlapostecommetoutlemonde?—Parcequenousnesommespastoutlemonde,rétorquasèchementAurora.Noussommestrylles

etnoussommeslaroyauté.Lacoutumeveutquenousdonnionslesinvitationsenmainspropres,lorsdesfiançailles.— Bien, dans ce cas, il nous faudrait au moins une semaine supplémentaire avant la fête de

fiançailles,ditWilla.—Jenevaispasmequerelleravectoiàcesujet,réponditAuroraenseredressantetensefrottant

lefront.Entantquemèredupromis,c’estmoiquilanceladatedesfiançailles.Cecineteregardepas.Jelesprogrammeetlespréparequandbonmesemble.—Bien.Willa leva lesmains au ciel, comme si cela lui importait peu,mais je voyais bien qu’elle était

furieuse.—Faitescommevousvoulez.C’estvotredroit.—Bon,alorsexaminonsd’abordlafêtedumariage.Aurorameregarda.—Quivoudriez-vousinviterpourvotremariage?—Euh…Jehaussailesépaules.—Willacommepremièredemoiselled’honneur,évidemment.—Merci.WillaenvoyaàAuroraunsourirenarquoisdesatisfaction.—Bienentendu.AuroraluisouritàpeineetinscrivitlenomdeWillasurunefeuilledepapier.—Quid’autreencore?—Jenesaispas.Jesecouailatête.—Jeneconnaispasbeaucoupdemonde.—Excellent.J’aipréparéunelistepourvous.Auroraattrapasurlatableunelistedetroispagesetmelatendit.—Ilyalàunnombredejeunesetintègresmarksinnastriéessurlevolet,quiferontdeparfaites

demoisellesd’honneur.

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—Ils’agitjustedeleursnomsetdequelquesfaitsauhasardlesconcernant,dis-jeenexaminantlaliste.KennaTomasadescheveuxnoirs,destachesderousseur,etsonpèreestlemarkisd’Oslinna.Celanemeditrien.Suis-jetenuedechoisirdesinvitésdansunelisted’étrangersenfonctiondeleurcouleurdecheveux?—Sivouspréférez, jepeux leschoisirpourvous,offritAurora.Mais je lesaiclasséesdansun

ordredégressif,delaplussouhaitableàlamoinsintéressante,pourvousfaciliterlatâche.— Je peux l’y aider, assuraWilla en s’emparant de la liste avant qu’Aurora eût une chance de

remettrelamaindessus.Jeconnaisungrandnombredecesfilles.Ellepassaimmédiatementaubasdelalisteetj’éprouvaisunepetitesatisfactionàconstaterqu’elle

choisissaitlesjeunesfillesqu’Auroraappréciaitlemoins.— Je ne peux pas juste avoirWilla ? demandai-je. Je suis sûre que Tove n’a pas non plus une

grandequantitédegarçonsd’honneur.Nouspourrionsnouscontenterd’unpetitmariage.—Ne soyezpas ridicule, ditAurora.Vous êtes la princesse.Vousnepouvezpas vous contenter

d’unpetitmariage.—Auroraaraison,admitWilla,regrettantdedevoirsemontrerd’accordavecAurora.Iltefautun

immensemariage.Ilfautleurfairecomprendrequetuesuneprincesseaveclaquelleilvadésormaisfalloircompter.—Nelesavent-ilspasdéjà?demandai-jehonnêtement.Willahaussalesépaules.—Iln’yapasdemalàleleurrappeler.—Puisquevotrepèreesthorscourse,Noahpeut le remplaceretmarcheravecvousdans l’allée

centrale,ditAurora,quiinscrivaitautrechosesurunboutdepapier.—Noah?interrogeai-je.Votremari?—Oui,c’estunbonchoix,répliquaAurora,l’airderien.—Maisjeleconnaisàpeine,dis-je.—Bien,maisvousnepouvezmarchertouteseule,ditAuroraenmejetantunregardconsterné.—Pourquoiest-cequeMattnepourraitm’accompagner?demandai-je.Ilm’apratiquementélevée,

detoutefaçon.—Matt?demandaAurora,sanscomprendre.Quandellesesouvintdequiils’agissait,elleplissalenezensignededégoût.—Cegarçonhumain?Certainementpas.Ilnedevraitmêmepasvivreaupalais,etsionapprenait

qu’ilestici,vousseriezlariséeduroyaume.—Bon,bon…Jemedépêchaidepenseràquelqu’und’autrequeNoah.—EtpourquoipasGarrett?— Garrett Strom ? s’enquit Aurora, atterrée, probablement ennuyée de ne pouvoir écarter ce

candidatparfaitementacceptable.—Ilestpresquesonbeau-père,décrétaWillaavecunsourirematois.Quesonpèremeprîtlebrascejour-làconstitueraitpourelleetsafamilleunsurcroîtdeprestige.Cen’étaitpourtantpaspourcetteraisonquejel’avaischoisi.J’aimaisbienGarrettetilétaitceque

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jepouvaisavoirdeplusproched’unefigurepaternelledécente,parici.—Sic’estlevœudelaprincesse,ditAurora,quieffaçaavecréticencelenomdesonépouxpourle

remplacerparceluideGarrett.Ellescontinuèrentainsi longuementet,auboutd’unmoment, jedusm’excuser.J’avaisbesoinde

m’extrairedeleursmesquineriesetautreschamailleriesquicommençaientàmepeser.Jedéambulaidanslecouloir,avecpourseulobjectifdemetrouvern’importeoù,pourvuqu’ellesn’ysoientpas.En approchant du centre de crise, j’entendis des voix. Je m’arrêtai et jetai un coup d’œil à

l’intérieur.Lechancelierblafardétait assisdevantunmonceaudepaperassesétalées sur lebureau.Finn et Tove s’entretenaient, debout de l’autre côté, et Thomas cherchait quelque chose dans labibliothèque.—Quefaites-vouslà,lesgarçons?demandai-jeenentrantdanslapièce.—Lesgarçonsiciprésentsontunplanimbécilequej’écoutemalgrémoi,réponditlechancelier.— Ce n’est pas idiot du tout, répliqua Finn en lançant un regard noir au chancelier, bien trop

occupéàépongerlasueurdesonfrontpours’enapercevoir.—Noussommesentraindechercherlemoyend’étendrelatrêve,expliquaTove.Nouspassonsen

revue des traités anciens passés avec les Vittras ou d’autres tribus pour voir s’il a pu exister unprécédent.—Vousaveztrouvé?m’enquis-je.J’approchaidubureaupourexaminerquelquespapiers.Laplupart étaientécritsdansun langage

que je ne comprenais pas, des symboles comme en russe ou en arabe. Quand j’avais exploré labibliothèque,j’avaisremarquéquec’étaitunecaractéristiquedestexteslesplusanciens.—Rienderévélateurpourlemoment,maisnousvenonstoutjustedecommencer,réponditTove.—Vousnetrouverezrien,rétorqualechancelierensecouantlatête.LesVittrasn’étendentjamais

leursaccordsdetrêve.— Quel genre de chose pourrait l’étendre ? demandai-je sans tenir compte des remarques du

chancelier.—Nousnesavonspasexactement,admitTove.Maisilarrivesouventqu’ontrouveicioulàdansle

langagedesfaillesutilisablescontreeux.—Desfailles?—Oui,commedansLenainTracassin,ditFinn.Quelquechosed’aussiastucieuxapuêtreglissé

dansundeleurstraités.Celaparaîtimpossible,etpourtant,onpeutparfoisrompreunaccordàcausedeça.—J’aientenduleurtraité.Ilnedisaitriendetel,hormisquelapaixs’arrêteraquandjeseraireine,

dis-je.Etquesepasserait-ilsijenedevenaispasreine?—Non,ilfautquetusoisreine,ditFinnens’emparantd’unlotdedocuments.—Maiscelaapporteraitunepaixinfinie,n’est-cepas?demandai-je.Sijenedevenaisjamaisreine.—J’endoutefort,ditTove.Leroitrouveraittoujoursunmoyendecontournerleproblèmeetcela

nelerendraitqueplusfurieux.—Mais…Jem’interrompisetsoupirai.

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—Iltrouveraunmoyendetoutcontournerdanscecas,ycomprisuneéventuelleextensiondelatrêve.Àquoibontoutescesrecherches?—L’extension n’est pas notre but,me dit Tove enme regardant.Nous trouverons une solution

intermédiaire, si c’est tout ce que nous pouvons faire pour l’instant, mais nous cherchons aussiquelquechosequimettefinàtoutcela.—Vouscroyezquecelaexiste?demandai-je.—Leroinecomprendquelaviolence,maugréalechancelier.Ilfautquenouslesattaquionsdès

quepossibleavectoutcequenousavons.—Nous avons essayé, rétorqua Tove, exaspéré.Maintes et maintes fois ! Le roi est immunisé

contrenosattaques!Nousneparvenonspasàleblesser!EnentendantlesparolesdeTove,quelquechosed’autrem’apparut.QuandilavaitparlédeLoki,il

avaitditque seulsElora, lui etmoiétionsassezpuissantspour le retenir etqu’iln’étaitmêmepaspersuadéquenouspuissionsl’exécuter.Or,leroiétaitencoreplusfortqueLoki.Personnen’avaitjamaisréussiàl’arrêter.Eloran’étaitpasassezpuissanteetToveétaittropfarfelu.

Maisj’avaislaforceduroietlespouvoirsd’Elora.—Vousvoulezquejetueleroi,dis-je.Vousvoulezprolongerlatrêvepourquej’aieplusdetemps

pourm’entraîner.Comme Tove et Finn n’osaient me regarder dans les yeux, je compris que j’avais vu juste. Ils

espéraientquejetuassemonproprepère.

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VINGT-CINQContedefées

Thomasattrapaungroslivresuruneétagèredelabibliothèqueetlelâchabruyammentsurlatable.Delapoussièrejaillitdelareliureencuir.Toveavaitétésioccupéàévitermonregardqu’ilfitunbondlorsquelebouquincognalatableavecunbruitsourd.—Voilàquipourraitservir,ditThomasendéplaçantlelivre.Maisc’estécritentryllique.—Qu’est-cequec’est?demandai-je,impatientedechangerdesujetpouréviterceluiduparricide.—C’est l’ancien langage desTrylles, expliquaFinn en désignant les documents que j’avais vus

écritsensignessymboliques.Iln’yaqueTovequisachelesdéchiffrer.—C’estunelanguemorte,ajoutalechancelier.Jenecomprendspascommentquelqu’unpourrait

encorelaconnaître.—Cen’estpassidifficile.Toveattrapalelivreetenfittournerlespages,cequifitvolerlapoussièremoisie.—Jepeuxvousl’enseignersivousytenez.—Oui,ilseraitbonquejel’apprenne,répondis-je.Maispasàlaminute.Noustentonsdetrouverle

moyend’étendrecettetrêve,non?Enquoipuis-jeêtreutile?—Examinecesdocuments.Finn,quiavaittriéunepartiedespapiers,m’entenditunepetitepile.—Regardesitupeuxtrouverquelquechosequiconcernedestraitésoudestrêves,mêmes’ilne

s’agitpasdesVittras.Toutpeutservir.Toves’assitdansundesfauteuilsencuirusépourparcourirlelivre.Jem’installaiparterreavec

maliassededocuments,prêteàplongerdanslejargonjuridiquetrylle.Celasemblaitécritdeboutenbout de façon énigmatique et sibylline.C’était souvent si obscur que j’eus à demander de l’aide àplusieursreprises.Jeme sentismoins embarrassée cependant quandTove appelaFinnpour lui demander de l’aide

afindecomprendreunpassage.Finnsepenchaau-dessusdufauteuilpourvoirlapagedontildiscutalasignificationavecTove.Ilm’apparuttellementétrangequeFinnetToves’entendentsibien.Finn,quiavaittoujourssemblé

d’unejalousieférocedèsquejeflirtaisavecungarçon,semblaittoutàfaitàl’aiseavecTove,àquij’étaispourtantfiancée.LorsqueFinn leva lesyeuxdu livre,sonregardrencontrabrièvement lemienet jepusy lireun

désirquirefaisaitsurface.Celam’avaitmanquéetjemedemandaiencoreunefoissij’avaisprislabonnedécision.—Princesse?Auroraappelaitdepuislecouloir.Mêmesijenefaisaisqu’êtreassiseparterrepourliredesdocuments,j’imaginaisqu’ellen’aurait

pas approuvé. Afin d’éviter une énième leçon de bonne conduite féminine, je bondis et posai lespapierssurlebureau.—Princesse?lançaànouveauAuroraenpassantlatêteparl’entrebâillementdelaporte.Ah!vous

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voilà. Et avec Tove, parfait. Nous avons besoin de vous pour passer en revue les détails desfiançailles.—Oh,c’estvrai,serappelaToveenmettantlelivredecôtéetenmelançantunsourireétrange.

Lestrucsdumariage.Ilfautfaireçamaintenant.—Ouais,acquiesçai-je.J’observaiFinnducoinde l’œil.Sonexpression sedurcit,mais ilne levapas lesyeux.Touten

suivantToveetAurora,quiexpliquaitcequenousavionsàfairepourlemariage,jelançaiunregardversFinnpar-dessusmonépaule.Aurora me retint en otage avec Tove bien trop longtemps, et Willa ne fit rien pour alléger

l’atmosphère.ÇaauraitététellementplussimplesiAuroraetWillas’épousaient.Lorsqu’Aurorasedécidaenfinànouslaisserpartir,mêmeWillasemblasoulagéedes’échapper.Duncanm’attendait,etnousdescendîmesàlacuisinepourdînerensemble.Toveretournatravailler

aucentredecrise,etWilladitqu’elleavaitunplan.Jesavaisquej’auraisdûaiderTove,maisj’étaismortedefaim.Ilfallaitd’abordquejemangeasseunmorceau.J’expliquaiàDuncancequeToveetFinnétaiententraindechercheretquecertainsdesdocuments

étaientécritsentryllique.Duncanmeditqu’ilpensaitavoirvuunlivresurlalanguetrylleàl’étage,dans le salon de jeu de Rhys, ce qui était logique, car il m’expliqua que bon nombre de mänkstraversaientunepériodeoùilsessayaientd’apprendrecegenredechoses.Jen’avaispasréellementbesoind’apprendretoutcelapourlemoment,mais j’avaisenviedeme

faireuneidéedecequ’étaitcettelangue.Dèsqueledînerfutterminé,jemedirigeaiverslesalon.Laporteétaitfermée,maiscommec’étaitunechosefréquenteaupalais,j’entraisansfrapper.Jen’essayaisnullementd’épier,maispuisqueMattetWillanem’avaientpasentendue, j’avaisdû

fairetrèspeudebruit.Oupeut-êtreétaient-ilsparticulièrementabsorbésparcequ’ilsfaisaient.Willaétaitallongéesur ledossuruncanapé,Mattau-dessusd’elle.Elleportaitune robecourte,

commeàl’ordinaire,etMatt,lamainposéesursacuisse,soulevaitlebasdesarobe.SonautrejambeétaitenrouléeautourdelatailledeMattetelleagrippaitsescheveuxblondsenl’embrassant.—Oh,monDieu!m’écriai-jesanslevouloir.—Wendy!hurlaWillatandisqueMattsautaitpoursedégagerd’elle.—Quesepasse-t-il?questionnaDuncan,prêtàbondirdevantmoipourmeprotégerd’unéventuel

danger.—Silence!hurlaWillaenremettantsarobeenplacepourserecouvrir.Fermezlaporte!—Oh,d’accord.Jetirailaportederrièremoiendétournantlesyeux.Ilsnefaisaientriendeparticulièrementexplicite,mais ilestvraiquejen’avaisencorejamaisvu

Mattensituationcompromettante.Luiquinesortaitpratiquementjamaisavecdesfilles,iln’enavaitguèreramenéàlamaison.Çamefaisaittoutdrôledeledécouvrirsexuellementattiréparquelqu’un.Quandjemedécidaiàleregarder,ilrougitsansoserreleverlatête.Lescheveuxtoutébouriffés,il

ne faisait que tenter d’aplanir les plis de sa chemise. Le rouge à lèvres deWilla avait laissé desmarquessursajoueetsabouche,maisjen’euspaslecouragedeleluisignaler.—Ouah!Vousdeux?

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Duncanleursourit.—BravoMatt.Jen’auraisjamaisimaginéWillacapabledesortiravecquelqu’unquinesoitpasde

saclasse.—Laferme,Duncan,lançaWillaenledévisageaetenreplaçantsonbraceletdecheville.—Nesoispasvulgaire,grognaMatt.Duncanfitunpasenarrière,commes’ils’attendaitàcequeMattlefrappât.—Etgarde-toibienderépétercelaàquiquecesoit,l’avertitWilla.Tusaiscequiarriveraitsicela

transpirait.Willaétaitunemarksinna,etmêmesisesdons,enmatièredepuissance,n’avaientrienàvoiravec

lesmiens,elleétaitunedesplusfortesquiexistaientencore.Mattétantunhumainissud’unefamilled’accueil, cela le reléguait au rang le plus bas de l’échelle sociale, plus bas encore que celui despisteursoudesmänks.SiMattdevaitêtreaccuséd’avoirsouillélesangroyaldeWilla,ilsseraientbannistouslesdeux.Sachant qu’ils étaient mes amis les plus chers, je ne voulais pas que cela se produisît. Non

seulement ils me manqueraient terriblement, mais il n’était pas impossible que les Vittras s’enprennentàeux.Pourleursécurité,ilfallaitdetoutefaçonqu’ilsrestentàFörening.—Biensûrquejenedirairien,répliquaDuncanencroisantlesdoigtssursoncœurensignedesa

bonnefoi.Jen’aijamaisrienditàpersonneàproposdeFinnetdelaprincesse.—Duncan,tais-toi,décochai-je.JenetenaispasnonplusàcequeMattseremémorâttoutcelaàcetinstantprécis.— S’il te plaît, ne sois pas fâchée, ditWilla, croyant que j’étais en rogne contre elle. Nous ne

voulions pas que tu découvres notre relation de cette façon.Nous attendions lemoment opportunpourt’enparler,maistuétaistellementprisecesdernierstemps.—Etcelanechangeenriennossentimentspourtoi,s’empressaMatt.Noust’aimonstouslesdeux

énormément,ajouta-t-ilengesticulantpoursemontrerdudoigtetdésignerWillasans la regarder.C’estmêmeunedeschosesquinousaréunis.Nousnevoulonspastefairedepeine.—Lesamis,jenesuispasdutoutpeinée,dis-jeensecouantlatête.Jenesuispasnonplusfâchéeet

encoremoinsétonnée.—Vraiment?Willapenchalatêtedecôté.—Non.Vouspassieztellementdetempsensemble,etàflirterlaplupartdutemps,qu’ilmesemblait

bienyavoiranguillesousroche.C’estjustequejenem’attendaispasàtombersurvouscommeça.—Pardon.Mattrougitdavantage.—Jenevoulaisvraimentpasquetunousdécouvrescommeça.—Non,çava.Jehaussailesépaules.—Cen’estpassiterrible.Je les regardai l’un après l’autre. Avec ses yeux sombres inquiets et ses boucles brunes qui lui

tombaient sur les épaules,Willa était très jolie. Elle avait déjà prouvé sa loyauté et sa gentillesse

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enversmoi.— Vous me semblez tous les deux bien assortis, dis-je finalement. Et je veux que vous soyez

heureux.—Nous sommesheureux,ditWilla en souriant et en échangeant avecMatt un sourire complice

doubléd’unregardamoureux.—Oui,noussommesheureux,renchérit-ilenquittantWilladesyeuxpourfinalementmeregarder.—Bien.Maisilfautquevoussoyezprudents.Jenetienspasàcequevoussoyezprissurlefait,

bannisetdéportésloindemoi.J’aibesoindevousdeux.—Oui,jesaisquetuasbesoindemoi,ditWilla.Auroratedévoreraittoutecruesijen’étaispaslà.—Nemerappellepasça.JegrimaçaienmejetantsurundesvieuxpoufsdeRhys.—Quandjepensequejenesuisfiancéequedepuisquarante-huitheuresàpeine.Toutlemondeest

terrifiéparlesVittras,maismoi,c’estcemariagequimetue.—Situneveuxpasl’épouser,nel’épousepas,ditMattens’assoyantsurlecanapéàcôtédeWilla.Ilavaitprissavoixdegrandfrèremécontent.—Tun’espastenuedefairequoiquecesoitquitedéplaise.—Non,ilnes’agitpasdeTove.Jesecouailatête.—Jesuiscontentedel’épouser.—Tues«contente»del’épouser?WillaéclataderireenplaçantsonbrasdansceluideMatt.—Commec’estromantique.—Tuauraisdûvoircommentilafaitsademande,dis-je.—Oùest tabaguede fiançailles,d’ailleurs?demandaWillaen regardantmesmains.Onest en

traindelamettreàtataille?—Jenesaispas.Jelevaimesmainsverseux,commesijem’attendaisàvoirsurgirparmagieunebagueàl’unde

mesdoigts.—Jen’enaipasreçu.—C’esthorrible!s’exclamaWillaenposantsatêtesurl’épauledeMatt.Ilvafalloirremédierà

celaauplusvite.J’entoucheraiunmotàAurorademain.—Non !m’écriai-je. S’il te plaît, ne lui en parle pas.Ellem’obligerait à choisir quelque chose

d’immonde.—Commentpourrait-ellevousobligeràfairequelquechose?demandaDuncan,assisparterreen

tailleurtoutprèsdemoi.Vousêteslaprincesse.Ellevousdoitlerespect.—TuconnaisAurora,soupirai-je.Ellesaityfaire.—C’estvraimentbizarre.Duncanmeregardacommes’ilmevoyaitsousunjournouveau.— Je pensais que la vie de la royauté était tellement différente de la nôtre, que vous aviez une

libertéabsolue.

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—Lalibertéabsoluen’existepas,répliquai-je.Puisquetupassesvingt-quatreheuresparjouravecmoi,tudoissavoirquellessontmesplagesdeliberté.— C’est totalement déprimant, dit Duncan en réfléchissant à la chose, les épaules rentrées. Je

croyais que votre vie était ainsi parce que vous êtes nouvelle dans le rôle,mais ça sera toujourscommeça?Vousdevreztoujoursrendrecomptedetousvosfaitsetgestes?—Ondiraitbien,acquiesçai-je.Lavien’estpasuncontedefées,Duncan.—Etvoussavezcequ’ondit,plusd’argent,plusdesoucis,intervintWilla.—Bon,voilàquiestrassurant,aumoins!dis-jeenmelevant.Commeça,toutvabienpourmoi.

J’ai encorebeaucoup à étudier ce soir. Je vais insérer unpeud’entraînement dansmon emploi dutempsavantdevoirAurorademain.Crois-tupouvoirl’occuperd’icilà?—S’illefaut,grommelaWilla.—Ne te surmène pas,me ditMatt aumoment où je sortais de la pièce. Profite de ton enfance

pendantqu’ilt’enresteunpeu.Tuesencorejeune.—Honnêtement,jecroisqueletempsdemonenfanceestrévolu,dis-jefranchement.

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VINGT-SIXOffre

Willasedégageaplustôtqueprévudestravauxpréparatifs.Elleprétextaundînerprogramméavecsonpère,maisjesuspectaisqu’ellenepouvaitplussupporterAurora.Nous étions dans la salle de bal. La toiture en verre, qui avait finalement été réparée, était

recouverted’unecouchedeneigedonnantà lapièce l’aspectd’unecave lugubre.Auroram’assuraquelaneigeseraitôtéeàtempspourmesfiançailles,commesicesujetavaitdequoim’inquiéter.Ellepapillonnaitdanslasalle,décidantdesendroitsoùl’onplaceraitlestablesetladécoration.Je

l’aidai aussi souvent qu’elle m’en lassait le loisir, c’est-à-dire fort peu souvent. Sa malheureuseassistantecouraitcommeunefolleentoussenspourfairetoutcequ’Auroraexigeait.Lorsqu’ellefinitparlacongédierpourlasoirée,j’étaisassiseaupianoàqueueetjejouaisledébut

deLaLettreàÉliseenboucle,seulepartiequejeconnaissais.—Vousdevriezprendredesleçonsdepiano,ditAurora.Ellelâchasurlepianounelourdechemisenoireremplied’informationsconcernantlemariage,ce

quifitvibrerl’instrument.— J’ai peine à croire que vous n’en ayez reçu.Dans quelle sorte de famille d’accueil êtes-vous

donctombée?—Voussaveztrèsbiendansquellefamilled’accueilj’aivécu.Sachantquecelalui tapaitsur lesnerfs, jecontinuaidejouerlesmêmesmesuresdeplusenplus

fort.—Vousavezrencontrémonfrère.— À ce propos, dit-elle en tirant de sa coiffure quelques épingles à cheveux pour laisser les

boucless’étaler.Ilfaudraitquevouscessiezdel’appelervotrefrère.C’estdemauvaisgoût.—Jesais,répondis-je.Maisc’estunehabitudequ’ilestdifficilederompre.—Ilyapasmald’habitudesquevousdevriezbriser.Ellepassalesdoigtsdanssescheveux.— Si vous n’étiez pas princesse, je ne prendrais même pas la peine de vous aider à vous en

débarrasser.—Ehbien,mercipourvosefforts,marmonnai-je.—Jesaiscommevousêtesfacétieuse,maisiln’yapasdequoi.Elleouvritsonporte-documentspouryfarfouiller.— Comme Frederique Von Ellsin n’a plus assez de temps pour vous dessiner une robe de

fiançaillessurmesure,ilvavousapporterdemainàmidisesplusbeauxmodèlespourquevouslesessayiez.—Formidable,dis-jesansmentir.Frederiqueavaitconçumarobepourlacérémonied’intronisationetj’avaisbeaucoupappréciésa

personnalité.—Princesse!lâchaAurora.Pourriez-vousarrêterdejouercemorceau?—Biensûr,acceptai-jeenfermantlecouvercledupiano.Ilsuffisaitdeledemander.

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—Merci.Auroramedécochaunsourirepincé.—Vousdevrieztravaillervosmanières,princesse.—Mes manières sont impeccables quand il le faut, soupirai-je. Mais pour le moment, je suis

fatiguéeetnousn’avonspasarrêtédelajournée.Pourrions-nousreprendretoutcelademain?— Vous pouvez vous estimer heureuse que je vous laisse épouser mon fils, lança-t-elle en

refermantbruyammentsondossier.Vousêtesmalélevée,ingrate,etdecefait,sansaucuneféminité.Votremèreafaillinousfairemassacreràplusieursreprisesetmonfilsauraitdûêtreprétendantàlacouronne, pas vous. S’il n’éprouvait pour vous cette fascination incompréhensible, il vous auraitrenverséeetauraitprislaplacequilerevient.—Ouah.Jeladévisageaislesyeuxgrandsouverts,nesachantabsolumentquerépondreàcela.—Cemariageestundéshonneur.Ellefitclaquersalangue.—Siquelqu’undécouvreunjourquecepisteurdeFinnvousasouillée,Tovedeviendralariséede

toutleroyaume.Elleplaçalesmainsdechaquecôtédesatête.—Vousneconnaissezpasvotrechance.—Vousavezcomplètementraison.Jemelevai,lesmainssurleshanches.— J’ai une chance fabuleuse que votre fils soit différent de vous. Je vais être reine, pas vous.

Reprenezvotreplace,marksinna.Pâlissantsoudain,ellelevaversmoisesyeuxnoirsremplisdestupeurenclignantdespaupières,

comme si elle n’en croyait pas ses oreilles.L’organisation de toutes ces fêtes était pour elle aussidifficilequepourmoiet,l’espaced’uninstant,elleavaitoubliésonrang.—Princesse,jesuissincèrementdésolée,bafouilla-t-elle.Jenepensaispascequej’aidit.Jesuis

terriblementtenduecesdernierstemps.—Nouslesommestous,luirappelai-je.Aurorafinitderassemblersesaffairesenbredouillantencorequelquesexcuses.Ellesedépêchade

quitterlasalledebal,expliquantqu’elledevaitrentrerchezelle.Jamaisellen’avaitfiléaussivite.Jenesavaispassi j’avaiseuraisondenepasmelaissermarchersur lespiedsparcettefemmemais,pourl’instant,peum’importait.Tout ce que je savais, c’était que je disposais enfin d’un rare moment de solitude, sans gardes

autourdemoi.PasdeDuncan,pasdeTove,nid’Aurora.J’avaisgrandbesoindeprendrel’air.Jemedépêchaiavantquequelqu’unnemetrouvât.Sij’attendais,jesavaisquequelqu’unsurgirait

pourmedemanderquelquechose,justehistoiredefairelaconversation,maisjen’avaispasenviedediscuter.J’avaissurtoutbesoind’unmomentpourrespirer.M’engouffrantdanslecouloirdel’ailenord,jesortisencourantparuneportelatéralequidonnait

surunétroitsentierdegravierbordédehauteshaies.Ilcontournaitlamaisonendescendantlelongdelafalaise,avantd’ouvrirsurunjardinravissant.

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Laneigequi recouvrait les lieux faisait tout scintillercommedesdiamantsà la lueurde la lune.Malgrélefroidhivernalquiauraitdûtuerlesplantes,touteslesfleursbleues,rosesetviolettesétaientécloses,lageléeblanchesaupoudrantleurspétaleslesrendantencoreplusbelles.Les lianesde lierreetdeglycinequigrimpaient le longdumurn’avaientpasperdude leurvert

intense.Mêmelapetitechuted’eauquicouraitaumilieuduvergerd’arbresenfleursn’avaitpasgelécommeelleauraitdûlefaire.Unefinecouchedeneigedurciecraquaitsousmespiedsnus,sansquecelamegênât.Jedescendis

lapentedelacollineencourantetenglissantparmoments,maissansjamaistomber.Commedeuxbancsdejardinincurvésétaientdisposésprèsdel’étang,jem’assissurleplusproche.J’adorais ce jardin, qui était pour moi comme un écrin magique. Je m’adossai et inspirai

profondément.Mon souffle se dispersa dans la nuit froide comme du brouillard, et la lune faisaitétincelerdefinesparticulesd’airgivrécommedescristaux.J’étaisrestéetroplongtempsenferméeaupalais.Lecraquementd’unebrindillemetirademespenséesetjemeretournaipoursaisird’oùvenaitle

bruit.Jenevispersonne,hormisuneombrequisedéplaçait le longd’unehaiecôtoyant lemurdebriques.—Quiestlà?demandai-je.Jepensaisqu’ils’agissaitdeDuncanoud’unautrepisteurvenumechercher.Commepersonnene

répondit,jecommençaiàmedemandersimonidéedeveniricitouteseuleavaitétébonne.Jesauraismedéfendre,maisjen’avaisaucuneenvied’avoiràlefaire.—Jesaisqu’ilyaquelqu’un.Jemelevaietmarchaiautourdubancenépiantàtraverslesarbres.J’aperçusunesilhouetteprèsdumur,tropéloignéedemoipourquejepussedistinguersonvisage,

maislalunequibrillaitluisaitdanssescheveuxtrèsclairs.—Quiestlà?répétai-je.Je me redressai pour avoir l’air la plus imposante possible, ce qui n’est pas simple pour une

princesseenrobe,seule,lesoirdansunjardin.—Princesse?s’enquitunevoixsurprisequej’entendisserapprocher.Quand la silhouette sortit dederrièreunarbrepour sedirigerversmoi, jeparvins finalement à

mieuxladistinguer.—Loki?demandai-je.Unsentimentdejoiem’envahit,immédiatementsuivid’uneinterrogation.—Quefais-tulà?—Jesuisvenutevoir.Ilsemblaitàpeuprèsaussidéconcertéquemoi.—Ettoi,quefais-tudehors?—Jesuissortieprendrel’air.Maisjenecomprendspas.Commentsavais-tuquejeseraislà?—Jenelesavaispas.Jesuisentréparici.Ildésignaitlemurderrièrelui.—Jen’aieuqu’àl’escalader.Tudevraisvraimentfairesurveillerlecoin.

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—Pourquoies-tulà?—Nefaispascellequineseraitpascontentedemevoir.Sonsouriremutinéclairaànouveausonvisage.—Jesuissûrquetuasétémalheureusedepuismondépart.—Pasdutout,décochai-je.J’aipréparémesfiançailles.—Oui,j’aientenduparlerdecettehorribleaffaire.Ilplissalenezensignededégoût.—C’estpourçaquejesuisvenu,pourtetirerdelà.—Metirerdelà?répétai-je.—Telunchevalierenarmurereluisante.Lokiouvritgrandlesbrasenmefaisantunerévérence.—JevaistejetersurmonépauleetescaladerlemurcommeRaiponce.—Raiponce s’est servie de ses cheveuxpour qu’unprince puisse s’y accrocher et grimper à la

tour,nonpours’enéchapper,répondis-je.—Pardonne-moi.LesVittrasnecroientniauxlégendesdebonnesfemmesniauxcontesdefées.—Moinonplus,dis-je.Etjen’aipasbesoinqu’onmesauve.Jesuisbienlàoùjesuis.—Oh,allez!dit-ilensecouantlatête.Tunecroispascequetudis,princesse.Enaucuncastune

devraisêtreenferméedansunhorriblechâteau,fiancéeàuncinglébarbant,etêtreobligéedesortirencatiminipouravoirunechancederespirerunpeud’airfrais.—Tesattentionsmetouchent,Loki,maisjesuisheureuseici.Or,mêmeaprèsavoirénoncélachose,jen’étaispascertained’enêtreconvaincue.—Jeteprometsunevied’aventures.Lokiagrippaunebranchepours’ybalanceretatterrirensuitesurlebancavecunegrâceétonnante.—Jet’emmèneraidansdesendroitsexotiques.Tudécouvriraslemonde.Jetetraiteraicommeune

princessedoitvraimentêtretraitée.—Toutcelam’al’airtrèsbien,répliquai-jeenluisouriant.J’étaisflattéeparlaproposition,mêmesijeneluifaisaisqu’àmoitiéconfiance.—Mais…pourquoi?—Pourquoi?Lokiéclataderire.—Pourquoipas?— Je ne peux pourtant pas m’empêcher de penser que tu essaies de me faire fuir mes

responsabilitésdeprincessetrylle,pourquejerejoignelacausevittra,dis-jehonnêtement.—Tupensesquec’estleroiquim’ademandédevenircesoir?Lokiritànouveau.—Leroimedéteste,meméprise,menacetouslesmatinsdemefairedécapiter.Lareineestvenue

merécupérercontresesvolontés.Toutcequ’ilvoulait,c’étaitquevousenfinissiezavecmoi.—Tuvois,jen’aivraimentaucuneenvied’allerretrouvercemonde-là,déclarai-jeavecunemoue

dedégoût.—Quiparlederetournerlà-bas?JetedemandedefuiravecmoilesTryllescommelesVittras,ces

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stupidesfamillesroyalesetleursrèglesimbéciles.Ilfaisaitdegrandsgestesautourdenous.—Est-cepourcelaquetuavaisl’airfurieuxquandSaraasuggéréquejevienneavecvous?—Ça,c’étaithorrible,admit-il.Pendantuneffroyableinstant,j’aicruquetuaccepteraisetquece

seraitlafindetout.Jepenchailatêteverslui.—Lafindetout?—Leroinet’auraitplusjamaislaisséerepartirettun’auraispassurvéculà-bas,expliqua-t-il.— Qu’est-ce qui te fait croire que je ne pourrais survivre face au roi ? demandai-je. Je suis

puissante,intelligenteetmêmecourageuseparfois.—C’estexactementpourça.Parcequetuesbonneetcourageuse,gentilleetbelle.Ilsautadubancpouratterrirjusteenfacedemoi.—Leroidétruittoutcequiestbeau.—Danscecas,commentas-tupusurvivresilongtemps?J’entendais bien garder un ton mutin, mais à peine avais-je posé ma question que ses yeux se

remplirentdetristesse.Illesbaissaaussitôt.—Cettehistoireesttroplonguepourcesoir,princesse,maisjepeuxt’assurerquemasurvieaun

prix.Ilavalaavecpeine,s’éclaircitlagorge,etsonsourireréapparut.—Maisdis-moi,neviens-tupasdemetraiterdebeaucourageux?—Pasdutout.Jerisenm’éloignantdelui,tropconscientedesaproximité.Ilsemblaitémanerdeluidelachaleur

enmêmetempsquetropdecharme.—Bon,etquesepasserait-ilsij’acceptaistonoffre?Oùirions-nous?Queferions-nous?—Trèscontentquetumeposeslaquestion.Sonvisages’illumina.—J’aiunpeud’argent,pasbeaucoupbiensûr,maisj’aipucacherquelques-unsdesvieuxbijoux

demamère.Sijelesmettaisengage,nouspourrionspartirn’importeoù,fairetoutcequinouspasseparlatête.—Celaneressembleenrienàunplanviable.—LesîlesVierges,réponditLokienvitesseavantdefaireunnouveaupasversmoi.Ilnefautpas

de passeport pour s’y rendre, et il n’y a là-bas aucun troll, d’aucune sorte. Nous passerions nosjournéesdansl’océanetnosnuitssurlaplage.Ils’arrêtaetsonsouriresincèremefitmal.—Justenousdeux,conclut-il.—Jenepeuxpas,indiquai-jeavecunsignedetête.Jedétestaismerendrecompteàquelpointl’idéedes’enfuirloindetouteslespressionsettensions

dupalaisétaittentante.—Jenepeuxlaissertomberleroyaume.J’aiundevoirenversluietsonpeuple.—Tun’asdedevoirqu’enverstoi-même,celuid’êtreheureuse!insistaLoki.

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—Non,cen’estpasvrai.Tropdechosesmeretiennentici,sansmêmeparlerdemonfiancé.—Nel’épousepas.Ilpouffarienqu’àl’idée.—Épouse-moiplutôt.—T’épouser?Jeris.—Tum’asditunjourquejenedevaismemarierqueparamour.—Oui,c’estvrai.Dansundesesraresmomentsdefranchise,Lokiétaitextraordinairementbeau.Ilapprochaencore

demoi,aupointquenousnoustouchionspresque.—Wendy,épouse-moi.—Ça…Jesecouailatêteensignedestupéfaction.—Çan’avraimentaucunsens,Loki.Jeteconnaisàpeineettues…tuesmonennemi.— Je sais. Je ne te connais pas non plus depuis longtemps,mais j’ai senti… quelque chose qui

passaitentrenousàlaminuteoùjet’aivue.Jesaisquetul’assentiaussi.Jebredouillai,cherchantàlecontrermaissansyparvenir.—Loki,uneconnexiondecetypenesuffitpasàconstruireunevieàdeux.—Jeme fichede savoird’où jeviensetqui est tonpeuple,dit-il simplement. Jepeux te rendre

heureuseettupeuxmerendreheureux.Nouspourrionsavoirunavenirmerveilleux.Sesyeuxposéssurlesmiensbrillaientcommedel’ormalgrélafaiblelumière.Unevaguesereine

m’envahit tandisqu’unesensationde relâchementmesaisitentièrement.Aumomentoù jecomprisqueLokiétaitentraind’essayerdem’endormir,lasensationpritfin.—Que vient-il de se passer ? lui demandai-je aumoment où le brouillard se dissipait demon

cerveau.Lokise tenaitàquelquescentimètresdemoiet jesavaisquejedevaism’éloignerdelui,mais je

n’enfisrien.—Jeneteferaipascela,dit-ilcalmement.Cequejet’aiditavantestvrai.Jeveuxêtrecertainque,

quandtuesavecmoi,c’estparcequetuleveux,etnonparcequetuyesobligée.—Loki…Jetentaideprotester.Ilmitsesmainssurmonvisageetellesmeparurentchaudesalorsqu’ellesauraientdûêtrefroides

aprèssonescaladedumur.Ilsepenchasurmoiets’arrêtaavantdem’embrasser.Sesyeuxplongésdanslesmienscherchaientuneformederésistance,maisjen’enopposaiaucune.Sa bouche contre lamienne, sa chaleurm’envahit. Il goûtait sucré et froid, et sa peau sentait la

pluie. Mes genoux faiblirent et mon cœur cognait contre ma poitrine. Ses mains se déplacèrent,s’emmêlantdansmescheveuxetmepressantcontrelui.Je jetaimesbrasautourde luiet je lesentis fortetpuissantcontremoi.Jeparvenaisàsentirses

musclescommeunmarbrechaudet je savaisqu’ilpouvaitm’écraser s’il levoulait.Mais la façondontilmetouchaitétaitpassionnéeetdélicateenmêmetemps.

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Je voulaism’abandonner à lui, à son invitation, mais la voix de la raisonme poursuivait.Mesentrailles,aprèsavoirpalpitécommedespapillons,semirentàsetordreenfaisantdesnœuds.—Non,Loki.Cherchantl’airpourrespirer,jeretiraimabouchedeseslèvres.Toutenfaisantunpasenarrière,

jeposaimesmainssursapoitrineafindelerepousser.—Jenepeuxpas,pardon.—Wendy.Levisagegagnéparuneexpressionvulnérableetdésespérée,Lokimeregardam’éloigneretcela

mefitmal.—Jesuisdésolée.Maisçan’estpaspossible.Craignantdechangerd’avissij’hésitaispluslongtemps,jemeretournaietcourusverslepalais.

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VINGT-SEPTSacrifice

Lesjourssuivantsfurentembrouillés.JefistoutmonpossiblepournepluspenseraubaiserdeLoki,niàladouleurterriblequej’éprouvaisàlapenséequejenelereverraisjamais.Ilfallaitjustequejecessassed’ypenserpourmepréoccuperuniquementdemonserment.L’entraînement avec Tove me donnait un lancinant mal de tête à l’arrière du crâne. Faire des

préparatifs avec samèreme faisaitmal également, dans cequime restait de cerveauvalide.Willaavaitfaitdesonmieuxpourjouerlesintermédiaires,maisAuroranesemblaitpasdisposéeàoubliernotreprécédentealtercation.CommeElorasesentaitmieux,ellenousrejoignitunaprès-midi.Jemedisaisquedel’avoiravec

nousdisperseraitunpeulestensions,maisiln’enfutrien.QuandAuroranes’enprenaitpasàmoi,elles’enprenaitàElora.Etquandellenelefaisaitpas,touteslesdeuxs’enprenaientàmoi.JepassailaplupartdemessoiréesavecDuncandanslabibliothèque,àétudierlepluspossiblela

vie des Trylles. Je trouvai un dictionnaire tryllique, que je dus consulter souvent pendant que jeparcouraisdesdocumentsanciens.Ilétaitimpossiblededevinerdequoiils’agissait,danslamesureoùlesTryllesn’utilisaientpasl’alphabetlatin.Ainsilemottrylliques’écrivait-ilТрыллиц.Assiseàlatableaveclapetitelampedebureaupourtoutelumière,jepassaismontempslenezdans

unlivre.Duncanparcouraitlesrayonnagespourtrouver,parmidescentainesdebouquins,celuiquiseraitleplusintéressant.Ilensavaitàpeineunpeuplusquemoisurl’histoiredesTrylles.—Onpasseunenuitblanche?Finnm’effrayatantquejefaillishurlerdepeur.Ilétaitdeboutauboutdubureauoùj’étaisassiseet

jenel’avaispasentenduvenir.—Ouais,jesuppose.Jepoursuivismalecture,m’efforçantderesterconcentréesurlespagesjauniesdulivreplutôtque

surFinn.Je ne lui avais pas parlé depuis que j’avais embrassé Loki, et d’une certaine façon, j’avais

l’impressionbizarredel’avoirtrompé.C’étaitd’autantplusstupidequej’étaisfiancéeàTove,etquecequecebonvieuxFinnetmoipartagionss’étaitenvolédepuislongtemps.—Ilfautquej’aillechercherquelquechose,ditDuncanensaisissantceprétextepoursortir.Il n’avait pas à le faire, dans lamesure où Finn etmoi n’avions besoin d’aucune intimité,mais

c’étaitgentilàluid’ypenser.Ilmelançaunsouriredesoutienavantdesedéfiler,melaissantseuleavecFinn.—Tucherchesquoi,exactement?demandaFinnenmontrantlapiledebouquinssurlebureau.—Toutetn’importequoi,dis-jeenhaussantlesépaules.Quelquechosemeditquejedevraispeut-

êtrecommenceràmieuxconnaîtremonhistoire.—C’estunehistoireimmense,ditFinn.—Ouais.Jem’enrendscompte.Jem’adossaiàmachaisepourpouvoirleregarder.Lafaiblelueurdelalampeneparvenaitguèreà

éclairersonvisage,maiscommesonexpressionétaitdetoutefaçonindéchiffrable,celan’avaitpas

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beaucoupd’importance.—Lesfiançaillessontpourdemain,dit-il.Neferais-tupasmieuxd’êtreàl’étageavecWillapour

tepomponnerettefairebelle?—Non.Jeferaicelademainmatin,dis-je.Jesoupiraienpensantàlalonguejournéequim’attendait.—Àcetégard,desfélicitationssontsansdoutedemise.—Vraiment?Jefermailelivrequej’étaisentraindelireetmelevai.Comme je ne voulais plusme trouver près de lui encore une fois, jemedirigeai vers l’étagère

pouryreplacerlelivre.Jen’étaispascertainequecesoitlebonemplacement,maisilmefallaituneexcusepourm’éloigner.—Tuvastemarier,ditFinnd’unevoixcalmeetposée.Desfélicitationssontappropriées.—Peuimporte.Jepoussailelivredanslerayonnageetmeretournaipourluifaireface.—Tunepeuxm’envouloirdetesoutenir,ajoutaFinnenteintantsesmotsd’incrédulité.—Jesuislibredet’envouloirpourcequebonmesemble.Jem’appuyaicontrel’étagère.—Maisjenetecomprendspasdutout.—Qu’ya-t-ilàcomprendre?—Tum’aspresquearrachélebrasparcequetucroyaisquejeflirtaisavecLoki,maislejouroùje

décided’épouserTove,tunoustraitestousdeuxcommesiderienn’était.—C’estcomplètementdifférent.LeVittraétaitmauvaispourtoi.Ilt’auraitfaitdumal.Toveestton

promis.—Monpromis?pouffai-je.C’estpourluiquetumeprotégeais?Pourêtrecertainquepersonne

nemesouilleraitavantqueTovenepuissem’avoir?—Non,biensûrquenon.Jenefaisaisqueteprotégertoi.Tonnom,tonimage.—Ah!Etc’estdonccequetufaisaisenenfonçanttalangueaussiprofondémentdansmagorge

l’autrejour?—Jenesaispaspourquoituéprouvestoujourslebesoind’êtreaussigrossière.Ilbaissalesyeuxensignededésaccord.—Jenesaispaspourquoiilfauttoujoursquetusoisaussicommeilfaut!répliquai-je.Nepeux-tu

medireaumoinsl’effetqueçatefaitquej’épousequelqu’und’autre?Tut’enfichescomplètement?—Biensûrquenon!criaFinn,leregardbrûlant.—Danscecas,pourquoinefais-turien?luidemandai-jeavecdeslarmesdanslesyeux.Pourquoi

n’essaies-tupasdem’enempêcher,aumoins?—ParcequeTovesauras’occuperdetoi.Iltedéfendra.Finnavaitlagorgeserrée.—Ilpourrafairepourtoi,etavectoi,deschosesquejenepourraijamaisfaire.Pourquoidevrais-

jet’enleverça?—Parcequetutiensàmoi.

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—C’estbienparcequejetiensàtoiquejenepeuxpas!—Jene tecroispas, indiquai-jeensecouant la tête.Tun’enas rienà faire,mêmequand jesuis

aveclui.Commentas-tuputemontreraussifurieuxquandj’étaisavecLoki?Tuasadmisêtrejalouxquandj’étaisenlacéeavecRhys.MaisquandjesuisavecTove,tut’enfiches.—Jenem’enfichepas.Ilsoupira,frustré.—Maisçan’estpaspareilpourmoiquandtuesavecTove.Celanem’ennuiepasautant.—Pourquoidonc?demandai-je,consternée.—Parcequ’ilestgai,Wendy!finitpardireFinn,exaspéré.J’étaistropabasourdiepourpouvoirréagir.JemerepassaichaqueinstantpasséavecTovepourme

rendrecomptequecequevenaitdedireFinnparaissaitfinalementévident.—Ilesthomosexuel?demandai-jecalmement.—Neluidispasquec’estmoiquitel’aidit,d’accord?Honteux,Finngrimaça.—Jenedevraispasfaireça.C’estuntrucintime,cen’estpasàmoidedévoilersasexualité.—Maisalorspourquoim’épouse-t-il?—Quet’a-t-ilditquandilt’ademandéeenmariage?—Iladit…qu’ilcroyaitenmoietqu’ilvoulaitquejedirigelepays.Jemeremémorailaconversation.—Qu’il le faisait pourme soutenir, pour notre peuple. Pour lesmêmes raisons quim’ont fait

acceptersaproposition.»Ilestgai,répétai-je.Aprèsavoirabsorbélanouvelle,uneautrechosemefrappa.—C’estpourcelaqueça t’estégal.Tusaisque jene l’aimepasetque jene l’aimerai jamaiset

donc, tu préfères que je l’épouse ? En revanche, tu croyais que j’aimais Loki, ou que j’aurais pul’aimer.—C’estbienplusgravequecela,Wendy,ditFinnensecouantlatête.Lokit’auraitblessée.—Maiscen’estpascelaquit’amisenrogne.Tuétaisjalouxquejepuisseenaimerunautre.Lacolèrem’envahit.—Tupréfèresquejeviveunmensongeplutôtquedetrouverlebonheuravecquelqu’und’autre.— Parce que tu crois pouvoir trouver le bonheur avec un markis vittra ? lança Finn. Il est

dangereux,Wendy.Jen’aijamaisfaitconfianceàcetypequitournaitautourdetoi.—Tuneluiaspasfaitconfianceparcequetusavaisquejel’aimaisbien!lançai-je.—Oui!s’écriaFinn.Ettunedevraispas.Ilestdangereux!—Tuneleconnaismêmepas!criai-jeàmontour.—Tuveuxt’enfuiraveclui?L’expressiondesonvisagesefigea,commepourtenterdecachersadouleur.—C’estçaquetuesentraindemedire?Quej’aiessayédet’empêcherdevivreuncontedefées

aveclui?—Non,cen’estpascequejedis.

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Jeravalaismeslarmes.—J’ai refusédem’enfuir avec luiparceque je savaisqu’il fallait que je reste icipour aider le

royaume.Maisjen’enrevienspasdecequetupeuxêtreégoïste.Tuprétendsquetoutcequetufaisestpourmoi,etsic’étaitvrai,tum’auraisencouragéeàêtreheureuseaulieudemecoincericiavectoi.—Commentpuis-jetecoincerici?interrogeaFinn.—Commeça!J’agitailesmainsentrenousdeux.— Je ne peux t’avoir et je ne peux pas vivre sans toi. Je suis coincée entre ces deux faits sans

aucuneéchappatoire.Jet’aime,jenepeuxm’enempêcher,maistoi,tut’enfiches!—Wendy.Sonexpressionseradoucitetilavançaversmoi.Enreculantd’unpas,jemecognaiàlabibliothèquesanspouvoirallerplusloin.Ilapprochapour

metoucher,maisjelerepoussai.—Non!criai-je.Leslarmescoulaientsurmonvisage.—Jedétestequetumefassesça.Jedétestequetumerendesfolle.Jetedéteste!Iltenditlamainpourécarterunemèchedecheveuxdemonfront.Jejetailatêteenarrière,maisil

neretirapassamain.Ils’étaittellementapprochéquejesentaissoncorpscontrelemien.J’essayaidelerepousservivement,maisilnebronchapas.Ilnebougeraitpas.Sesmains,poséessurmonvisage,meforçaientàluifaireface.Son regard noir et profondme coupait le souffle, comme toujours. Il traça une ligne avec ses

doigtslelongdelanaissancedemescheveux.Peuàpeu,jemelaissaidésarmer,maisledésirnemequittaitpas.Il se pencha sur moi pour m’embrasser, sa bouche pressée sauvagement contre la mienne. Un

frémissementintensejaillitdemoncœurpours’étendreàtoutmoncorps,quisemitàfrissonner.Sabarbenaissantemegriffaitlapeautandisqu’ilm’embrassaitdésespérément.Quandseslèvresparcoururentmoncou,jegémisenagrippantsescheveuxdemesdoigts.Lepoids

desoncorpsnousfitbasculercontrelabibliothèque,leslivress’écroulèrentautourdenous,etnousaveceux.—Finn!C’étaitlavoixdeThomasquirésonnait,etnousinterrompit.Toujoursallongésurmoi,Finncessadem’embrasser.Ilrespiraitbruyammentetparà-coups,sans

cesser deme dévisager.Dans ses yeux, je lisais le désir qui le consumait, enmême temps qu’uneformedeterreur.Ilcomprenaitqu’ilvenaitdefairequelquechosed’horrible,sanssavoircommentrevenirenarrière.—Finn!hurlaThomasànouveau.Lâche-laavantquequelqu’untevoie!—Bien,monsieur.Finnsedégageademoietserelevaentrébuchantsurleslivresétalés.Jetiraisurmarobeavantde

melever,beaucouppluslentementquelui.

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—Sorsd’ici!aboyaThomas.Vat’arranger!—Oui,monsieur.Pardon,monsieur.Finngardaitlesyeuxbaissés.J’essayaid’attraperunregardaupassage,maisilavaittrophonte.Il

s’enfuitdelapiècesansseretourner.—Jesuisdésolée,marmonnai-jesanstropsavoirquedire.J’avaisencorelegoûtdeFinnsurleslèvresetjesentaistoujourssabarbedequelquesjourssurma

joue.—Vousn’avezpasàvousexcuserauprèsdemoi,ditThomas.L’expressionaveclaquelleilmeregardaitétaitbienmoinsdurequecellequ’ilavaitréservéeàson

fils.—Ilfautvousprotéger,princesse.Regagnezvotrechambre,oublieztoutcequis’estpasséiciet

priezpourquepersonnenelesachejamais.—Oui,biensûr,opinai-jeenvitesse,toutenmarchantprudemmententreleslivres.J’étaispresquesortiedelabibliothèquequandThomasm’arrêta.—Monfilsneparlepasbeaucoupdesavie,ditThomas.Jem’arrêtaisurlepasdelaporte,meretournantpourleregarderpar-dessusmonépaule.—Nous n’avons jamais été proches l’un de l’autre. Ce travail est difficile. Il vous plonge dans

l’isolement,etc’estcequevousetmoiavonsencommun.—Jenemesenspasisolée,répondis-je.J’aitoujoursdumondeautourdemoi.—Vousavezeudelachance,maisiln’enserapastoujoursainsi.Ilpassasalanguesurseslèvres,marquantunepause.—Parfois,vousdevezchoisirentreamouretdevoir.C’estunchoixdifficile,leplusdurquevous

aurezàfaire,maispourlequeliln’existequ’uneseuleréponsejuste.—Etvousvoulezdirequecetteréponseestledevoir?demandai-je.— Je veux dire que, pourmoi, le devoir a toujours été la seule réponse, expliqua prudemment

Thomas.EtledevoirseratoujourslaseuleréponsepourFinn.—Oui.Jebaissailesyeux.—Jenelesaisquetrop.—Onregardesouventlespisteursdehaut.Illevalamainpourquejemetusseavantquejerépondisse.—Pas tout lemonde,maisbeaucoup.Onnousplaint.Maisnousmenonsuneviehonorableque

nousconsacronsaupeuple,enayantconsciencedel’importancedenotremission.Cellequicontribueàaméliorerlavieduroyaume.» La reine vit autant au service du peuple que le pisteur, si ce n’est davantage. Votre mère a

entièrement sacrifié sa vie pour son peuple. Il n’y a pas de plus grand honneur. Pas d’action plusélevée.Telestl’honneurquivousrevient,princesse.—Jesais,dis-je,encoreplusanéantieparcetteperspective.—Endéfinitive,vousapprendrezqueparlesacrifice,vousrecevrezplusquevousnedonnez,dit-

il.Ce fut un plaisir pourmoi dem’entretenir avec vous, princesse.Àprésent, je vais vous laisser

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regagnervotrechambre.—Oui,biensûr,dis-je.Thomasmefitunerévérenceetpartit.Jecourusjusqu’àmachambreentenantmarobepournepas

me prendre les pieds dedans. Àmon grand soulagement, mes cheveux défaits tombaient surmonvisage,carjen’auraispassupportéquequelqu’unyvîtlahontequej’éprouvaisàcetinstant,nileslarmesquitachaientmesjoues.

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VINGT-HUITHonneur

—Tuesmagnifique,assuraWillaàmonrefletpourlacentièmefois.Ellesetenaitderrièremoi,etdeboutfaceaumiroir,j’étaispersuadéequejeparaissaisadmirerma

robeblanche,alorsquejemereconnaissaisàpeine.Quelques jours avantmes fiançailles, j’avais embrassé deux garçons différents. Le plus étrange

étaitquejemesurprisplussouventàrepenseraubaiserdeLoki,quimesemblaitrétrospectivementtellement plus vivifiant, soufflant un vent nouveau surma vie. Bien que le baiser de Finnme soitapparumerveilleuxsurlemoment,ilm’avaitlaisséedépourvued’énergie.Lokim’avaitdemandédel’épouser tandisqueFinnm’avait repoussée,commeàsonhabitude,etcommeilcontinueraitde lefaire.J’avais voulum’effondrer en larmes après tout celamais, finalement, ce que je ressentais pour

LokiouFinnn’avaitpasd’importance.Celan’enavaitplus.J’étaisuneprincesseinvestied’undevoirenverssonpeupleetsonfiancé.ToveetFöreningméritaientlemeilleur,etjedevaismemontreràlahauteur.Ilfallaitquejedevinssecedontilsavaientbesoin.—Allez,Wendy.Willamepritparlebraspourm’entraîner.—Lafêtevacommencer.Tun’asplusletempsdetecontempler.J’opinaietlasuivis,pensantqu’ilmerestaitencoreunpeudetempspourmeressaisir,maisàpeine

étais-jesortiedemachambrequejetombaisurTove.Ilattendaitàlaporte.—Pardon,dit-ilenvoyantmonexpression.Monintentionn’étaitpasdevoussurprendre.—Non,çava.J’avaislabouchecommeanesthésiée,aupointqu’ilm’étaitdifficiledeparler.—Jevouslaisseensemble,lestourtereaux,déclaraWillaenmedécochantunclind’œilcomplice

avantdes’enaller.»J’espèrequecelaneportepaslapoissedevousvoiravantlafêtedefiançailles.Ilplongealamaindanssapoche.—Jenesaispastrèsbiencequeveutleprotocole,maisj’aiquelquechosepourvous.J’aipensé

préférabledevousledonneravantlacérémonie.—Vousn’aviezpasàm’offrirquoiquecesoit.—Oui,mais je l’ai fait,ditToveensortantunepetiteboîtede sapoche.Cela faitpartiedemes

attributions. J’aurais dûvous l’offrir quand jevous ai demandée enmariage,mais il faut direquec’étaitunedemandepassablementboiteuse.—Jen’aipastrouvé.Jeluisouris.—C’étaitadorable.—Bonenfin,j’espèrequelabaguevousplaira.Ilmetenditlaboîte,lecouverclerougetoujoursfermé.—Mamèreladéteste.

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—Danscecas,jesuissûrequejevaisl’aimer,dis-je.Ilrit.Jesaisislaboîte,quej’ouvrisavecdesmainstremblantes.C’étaitunanneaudepurplatineparsemé

depetitsdiamantsetsculptéenformedelierreenserrantunegrosseémeraude.—Oh,Tove,elleestmagnifique.Enlapassantàmondoigt,jefussaisieparsabeauté.C’étaitunebagueexquiseetunsibeaugeste.Bienqu’ilnem’eûtrienditetquejenevoulaispasluienparler, jesavaisqueFinnavaitraison.

Toveétaithomosexuel.Nousneserions jamaisamoureux l’unde l’autre,maisnousétionsamisetnouspouvionstrouveruneformedebonheurensemble.Avecunpeudechance.—Vraiment?Tovepassalamaindanssescheveuxavecunpetitsouriredesoulagement.—Bien.J’étaisvraimentinquiet.Jenesavaispasdutoutcequevousenpenseriez.—Non,elleestabsolumentparfaite.Jeluisourisavecdeslarmesdanslesyeux.—Bien.Ilsemorditleslèvres.—Vousêtesvraimentravissanteaujourd’hui.— Merci. Vous êtes également splendide, indiquai-je en désignant son costume. Belle

métamorphose,markis!—Merci,princesse.Ilmetenditlebras.—N’est-ilpastempsquenousnousrendionsànosfiançailles?—Certainement,dis-jeenpassantmonbrasdanslesien.Ensemble,nousmarchâmesjusqu’àlasalledebal,pourdevenirlesdirigeantsdontlepeupletrylle

avaitbesoin.

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Unjour:troispointsdevue(UNEHISTOIRETRYLLE)

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Unjour:troispointsdevue(UNEHISTOIRETRYLLE)

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1.FINN

Samedi28octobreL’automneétaitd’unfroidinhabituel.Delapluieverglaçanteétaittombéedrutoutelamatinée,cequin’avait pas empêché les voyageurs de venir à Förening pour la fête de fiançailles de la princesse.Depuis la fermette familiale blottie dans le creux de la falaise, Finn avait entendu les voitures quimontaientverslepalais.Àcausedelacérémonie,sonpèreétaitoccupéàgarderlepalaisencasdenouvelleattaquevittra.

Maisdepuislatrêveinstauréerécemment,Finnpensaitpeuvraisemblablequecelaseproduise.C’estpour cette raison qu’il avait demandé à la reine l’autorisation de ne pas faire partie du corps degardesenservicependantlesfestivités.Ils’opposait trèsrarementauxdésirsdeSaMajesté,maisilsavaitquecettefois, il lefallait.S’il

étaitunechosequ’ilavaitapprise,c’estqu’onnepouvaitpluslelaissergraviterautourdeWendy.Aprèscequis’étaitpassédanslabibliothèquelesoirprécédent,Finnétaitdécidéàmettrefinàsa

liaisonaveclaprincesse.Nonqu’ilsaientréellementdémarréquoiquecesoitdesérieux,maisleurrelationavaitdérapé.Il ne comprenait même pas son attirance pour elle. Incorrigible, elle le provoquait chaque fois

qu’ellelepouvait.Ilétaitmêmecertainque,parfois,ellenelecontredisaitqueparcequ’elleaimaitladiscussion.Bienqu’intelligente,elleavaitdesréactionsirrationnellesetselaissaitbientropsouventemporterparsesémotions.Prendresoind’elleallaitcontretoutelogique,etFinns’étaitjuréd’enfinir.Pasintégralement:illa

respectaitetnesouhaitaitquesonbonheur,maiscejeuqu’ilsjouaientdevaitcesser.MêmesiWendyn’étaitpasencoreenmesuredes’enrendrecompte,ilsavaitqu’elleseraitplusheureusesanslui.Etunjour,ilfiniraitluiaussiparêtreheureuxsanselle.Dèsqu’ilenauraitlachance,FinnquitteraitFöreningpours’employeràunetâchequileconduirait

aussiloinquepossibledelaprincesse.Pour le moment, il avait dû accepter d’aider sa mère à s’occuper des chèvres. Pendant ces

fiançailles, il n’était pas complètement certain que les Vittras n’attaqueraient pas et ne voulait pass’aventurertroploindupalais.Aucasoù.Aveccefroiddecanard,laplupartdeschèvresrestaientdanslapetiteétable.Commeellesavaient

renversé toutes les bottes de paille queFinn et sa famille avaient pris la peine d’empiler, Finn lesréinstallaitpourquelesbêtespuissentgrimperdessus.Au-delàduchampderrièrelui,ilentenditclaquerlaported’entréedelamaison,etsajeunesœur,

Ember,sortitpoursedirigerversl’étable,lesolcrissantsoussespieds.—C’estpasjuste,gémitEmber.Finnlançaunebottedepaillesaledanslepréetseretournaverselle.—J’imaginequetun’espasvenuem’aider.—Pasvraiment,rétorqua-t-elle.

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Embers’étaitdonnébeaucoupdemalpourbiens’habilleraujourd’hui,cequin’étaitpasfacileétantdonnélepeudejoliesrobesqu’ellepossédait.Annali,enbonnecouturière,luifaisaitpresquetoussesvêtements, mais comme Ember était un garçon manqué, elle préférait de beaucoup utiliser lesvêtementsqueFinnnemettaitplusetqu’illuipassait.La robequ’elleavaitmiseaujourd’huiétaitunpeupetitepourelle.Le tissubleu,qui luiarrivait

justeau-dessusdesgenoux,tiraittropsouslesbras.Sesbouclesbrunesétaientencoretoutesfrisées,maiselleétaitparvenueàlesretenirenarrièreavecquelquesbarrettesfixéesstratégiquement.Pourpouvoirsortiretmarcherjusqu’àl’étable,elleavaitenfilélesimmensesbottesencaoutchouc

desonpère,quicognaientlourdementlesol.—Toutlemondedansleroyaumevaauxfiançailles.Embers’appuyacontrelemurenregardantleplafond,oùroucoulaientquelquespigeons.—C’estpasjustequemamannemelaissepasyaller.—Toutlemondeyva,maispasmoi,corrigeaFinn.Mamannonplusetlaplupartdetesamisn’y

vontprobablementpas.— Mais toi, tu pourrais y aller, contra Ember en le regardant de ses yeux si sombres qu’ils

semblaientpresquenoirs.Tropgrandspoursonvisage,ilslafaisaientpasserpourplusjeunequesesdouzeans.—Maisjen’yvaispas.Il sedétournad’elle, espérantainsiéviterunenouvelleconversationàproposde laprincesse,et

s’emparad’uneautrebottedepaille.—Bien,danscecas,jedevraispouvoiryalleràtaplace.— Je n’y étais pas invité en tant qu’ami, lui rappela-t-il. J’aurais été là-bas pour assurer la

surveillanceettun’aspasencorereçuuneformationsuffisantepourgarderlepalais.—J’aicommencémaformation.Embercaressaitnonchalammentunechèvrequigrignotaitlebasdesarobe.—Ilnemeresteplusquetroisansavantd’obtenirmondiplômedepisteuretjesuislapremièrede

maclasse.—Jesuisbiencertainquetuesformidable,dit-ilenluisouriantpourmarquersasincérité,mais

ellecontinuaitdebouder. Ilyaura tantd’autres fêtesauxquelles tu seras invitée.Etune foisque tuaurascommencéàyassister,tuterendrascompteàquelpointellessontennuyeuses,sansintérêtetcommetuauraispréférén’yêtrejamaisallée.—Sûrementpas,marmonnaEmber.Finnsoupiraetapprochad’elle.Baissantlesyeux,elledonnauncoupdebottedansuncaillouqui

setrouvaitlà.Elleinspiraprofondément.Quandelleexpira,unpanachedebrumesortitdesabouche.—Çamefaitdelapeinededevoirteledire,Ember,maisnevapast’imaginerquelavieaupalais

estplusuncontedeféesqu’ici.Certes,lesrobesysontplusbelles,maisc’estàpeuprèstout,ditFinn.Ilfaitfroidetj’aifinidenettoyer.Sinousrentrionsdanslamaison?Embersecoualatête.—Jen’enaipasenvie.—Tuessûre?

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—Oui. Je préfère rester dehors àmegeler àmort avec les chèvres plutôt que de retournermebagarreravecmaman.Finncherchaquelquechosed’autreà luidire,maisEmberétait têtuecommeunemule.De toute

façon,elleregagneraitlamaisonquandelleauraittropfroid,etàenjugerparlachairdepoulequil’avaitdéjàgagnée,ellenetarderaitpasàrentrer.Quand il quitta l’étable, Ember le suivit, mais seulement pour arpenter lourdement la cour au

milieu des chèvres qui avaient décidé de rester dehors. Elle sauta dans une flaque d’eau glacée,éclaboussanttoutautourd’elle,visiblementpourlibérerunpeudesafrustration.La chaleur du foyer le surprit agréablement quand il ouvrit la porte de la maison. Même s’il

pouvaitcritiquerdurementsaviedepuissonplusjeuneâgeàFörening,aucunendroitaumondeneluisemblaitaussiaccueillantquelafermefamiliale.Finnnesavaitpasexactementcequesamèreétaitentraindefairecuire,maiscelasentaitaussibon

quedupain fraisà lacannelle.Annali, assiseà lavieille tabledecuisine, était en trainde repriserquelquespantalonsetvestesusés.Finnsavaitcoudre,maissamèreétaitbienmeilleurecouturière.—Tasœurestencoredehors?demandaAnnalienlevantlatêteversFinn.—Oui.Ellejouedanslepré.Finnapprochadel’évierpourlaversesmainscouvertesdecrasse.—Bien.J’avaispeurqu’elletentedes’infiltreràcettefête.Elle tirasur lefildesonaiguilleetregardasonfils.LesépaulesdeFinnseraidirentdèsqu’elle

mentionnalafêteetellefronçalessourcils.Finn finit de se laver les mains et se pencha sur l’évier métallique pour regarder par la petite

fenêtrerondesituéeau-dessus.IlvitEmbercontinuerdepataugerdanslepré.—Tusais,jepourraisl’emmenerlà-bas,ditFinnprudemment.Histoirequ’ellevoiedequoiçaa

l’air.—Non,répliquaAnnalisèchementensecouantlatête.Ilyatropdemonde,etçaneseraitbienni

pourtoinipourelle.—Maissiellevoyaitcequec’estvraiment,commec’estennuyeuxetàquelpointtoutlemondey

estguindé,peut-êtrefinirait-elleparneplusparlersansarrêtdelaprincesseetdupalais.Ellelesamissuruntelpiédestal.Annalibougonna.—Jemedemandedequielletientça.—Ahbon,alorsc’estmafaute?dit-ilensetournantpourluifaireface.—Jen’aipasditça.Toutencontinuantdecoudre,ellelevalesyeuxverslui.—Ilnes’agitpasseulementdetoi.Oudetonpère.C’estaussicesfichuesécolesdepisteurs.On

passetellementdetempsàenseigneràcesenfantsqu’ilsnesontriencomparésàlafamilleroyale.—Cen’estpashorribleàcepoint,insistaFinn.Annali n’avait pas complètement tort,mais elle exagérait grandement.On enseignait aux enfants

quelesTryllesdehautrangavaientplusdetalentsetquec’étaitàcelaqu’ilsdevaientleurrang.Unebonnepartdelaviedespisteursétaitcertesdévolueàlesprotéger,maisc’étaitaussiunetâchenoble

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etd’ungrandhonneur.C’étaitpeut-êtreuneformedenoblessedifférentedecelledelafamilleroyale,maisonapprenait

toutdemêmeauxenfantspisteursqu’ilsfaisaientpartieintégrantedelasociététrylle,qu’ilsétaientimportantsetavaientautantdevaleurquelesmarkisetmarksinnas.—C’estsuffisammenthorriblecommeça,soupiraAnnali.Ilyadesjoursoùj’aimeraispouvoir

sortirEmberdecetteécoleetl’emmenerloind’ici.—Pourquoinelefais-tupas?demandaFinn.S’éloignantdel’évier,iltiraunechaisepours’asseoirenfacedesamère.—Situdétestestantqueçacetendroit,pourquoinepars-tupas?Ellesecoualatête,faisantcommesiellen’yavaitjamaisréfléchi.—Oùirions-nousdonc?—Oùtuveux,répondit-ilavecunriresec.Tun’espasprisonnièreici.—Cen’estpasl’effetquecelafait,admit-elle.—Pourquoin’es-tupaspartie?demandaFinndoucement.Pendantuninstant,Annalineditrien.Bienqu’ilsn’enparlassentquerarement,ellesavaitqueFinn

étaitaucourantdecequis’étaitpasséentresonpèreetlareine.Ileutétéimpossiblequ’ilnelesachepas.Ilsvivaientdansunepetitemaison,oùAnnalietThomasavaientpasséunebonnepartiedesonenfanceàsequerellerausujetd’Elora.—Tonpèreneseraitjamaisparti.Annaliarrêtadecoudreenregardantsimplementlepantalonqu’elleréparait.—Etendépitdetout,jel’aimais.Jenepouvaislequitter.—Commentpeux-tuencorel’aimeraprèstoutcequ’ilt’afaitendurer?demandaFinn.—Non.Ellefitunsignedetêteenleregardant.—Tun’aspasàt’enfairepournotremariage.J’aipardonnéàtonpèreetc’esttoutcequicompte.—Situledis,répliquaFinn,quinesouhaitaitpaspousserplusloinlaconversationsurlesujet.— C’est pour cela qu’il est si important que tu t’éloignes de cette famille pendant qu’il en est

encoretemps.Elledéposasonouvrageetétira lebraspar-dessus la tablepourposer samainsur la sienne.Sa

peauétaitsècheetcalleuseaprèsdesannéesdedurlabeur.—Jesaispourquoitun’aimespaslareineetsafille,maiscen’estpaslamêmechosepourmoi,dit

Finn.—Non,c’estpire.Tupeuxavoirunevieheureuse,tupeuxaimerquelqu’unquit’aimeraenretour,

maisçanesauraitêtrelaprincesse.Jamais.Lesyeuxacajoud’Annalil’imploraient.—Tusaisquesitucontinuesdanscettevoie,tun’ytrouverasquemalheurpourtoietlaprincesse.

Ilfautquetupassesàautrechose.Lagorgeserrée,ilbaissalesyeux.—Jesais.C’estpourçaquej’accepterailepremierboulotvenupourm’enallerd’ici.—Bien.

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Elleluisouritfaiblement.—Tumemanqueras,biensûr,maisilfautquetut’occupesdetoi.Tavieentièrenedoitpasêtreau

servicedesautres.FinnretirasamaindecelledesamèreaumomentoùEmbersurgitdanslamaison.Lefaitd’être

restéedehorsnesemblaitpasavoirmodifié sonhumeur.Ellecommençaàôter sesbottesavecsespieds,maisquandAnnali lagronda,Ember lesenlevaprécautionneusementpour lesplacerensuiteprèsdelaporte.Bienqu’elleparûtdécidéeàbouder,Finnessayadeladérider.Illuisuggérademettreunpantalon

pourqu’ilpûtl’entraîneraucombat.Àl’écoledespisteurs,ilsapprenaientpasmaldetechniquesdedéfense,ycompriscellesdesartsmartiaux.Cela sembla lui convenir et elle se dépêchade se changer.Sonbut principal dans la vie était de

devenirungrandpisteur comme sonpère et son frère, et chaque instantqueFinnpassait à l’aiderdanssonentraînementlacomblait.C’estainsiqu’ilpassalerestedel’après-mididehors,danslaboueetsouslapluie,àenseigneràsa

sœuràsebattre.Nil’unnil’autrenesebattirentaussibienqu’ilsauraientpu,carilsavaienttouslesdeux l’esprit encore absorbépar cette histoire de fiançailles.Mais en leur faisant oublier combientousdeuxsouhaitaientsetrouverailleurs,celalesdétendittoutdemêmeunpeu.Etparfois,c’était toutcequeFinnpouvait fairedemieuxpour lui-même.Sedistraire jusqu’àen

oubliercequ’ilnepouvaitposséder.Ilavaitunefamillequil’aimaitetunemaisonrempliedechaleurmalgrésonhistoire,etilsavaitquetoutlemondenepouvaitendireautant.

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2.TOVE

Samedi28octobreIlneparvenaitpasàserappelerdesnomsdetoutlemonde.Dansl’ensemble,Tovesetrouvaitmêmeplutôtchanceuxdesesouvenirdunomdesafiancée.Cefutpourquoiquelorsqu’ilsétaientprésentésàdesgens,ToveparlaittrèspeuetlaissaitàWendylesoindefairelessalutationsrequisespendantlesfiançailles.Aumoins,lestadedesprésentationsdelacérémonieétait-ilachevé.Ilsvenaientdesedirigervers

lasalleàmanger.IlobservaWendy,assiseàcôtédelui,quisouriaitsilargementquecelasemblaitluifairemal.Sonauraétaitfroissée,d’unecouleurcacad’oie,etilsedemandaitpourlaénièmefoiss’ilavaitvraimentbienfaitdelademanderenmariage.Cela lui avait pourtant semblé lameilleuredes choses à faire sur lemoment.D’unpoint devue

politique,ilfallaitqu’ellerègnesurlepays,etsonsoutienainsiqueceluidesafamillenepouvaientquel’aider.Surleplanpersonnel,Tovenevoulaitpasqu’elles’obligeàfairecelatouteseule.Deplus,cen’étaitpascommesi l’unou l’autreavaitpuépouserquelqu’unqu’ilaimait.Maisau

moins, tousdeuxs’aimaientbien.Ilvalaitmieuxépouseruneamieplutôtquedepassersaviedansuneprisonfroideàl’imagedumariagedesesparents.Maisparfois,lorsqueWendysouriaitpolimentàunenouvelleinsultevoiléedesamère,Toves’en

voulaitdel’avoirainsiinvolontairementpiégée.Ilavaitfaittoutçapourl’aider,maispeut-êtreétait-ceparpurégoïsme, leurs fiançaillesempêchantAurorade luiposer tropdequestionsquantà sonmanquedepetiteamie.Toven’avaitquebrièvementenvisagédequitterFörening,d’acceptersonsortetd’êtrebanni.Mais

ilnepouvaitretournerdanslemondedeshumains.Sesdonslefaisaientsecomporterdefaçontropbizarre.Quandilsavaientcommencéàsemanifesteraudébutdesonadolescence,onl’avaitmisdeforcedansunhôpitalpsychiatrique.Serendrecomptequ’ilétaittrylleavaitétéuntelsoulagementpourlui.QuandFinnl’avaitpistéet

retrouvépourluiexpliquerqu’iln’étaitpasfou,quetoutcequ’ilentendaitetpercevaitétaitbienréel,çaavaitétéundesplusbeauxjoursdesavieC’estpourcelaqu’ilnepouvaitpartir.Renonceràlachancedepouvoirtomberunjouramoureux

étaitunlourdprixàpayer,maiscelavalaitlapeine.Pouvoirvivresaviehorsd’uninfâmeasiledefousétaitdéjàbienbeau.Maispeut-êtreétait-ilinjusted’exigerlamêmechosedeWendy.—Commentçava?luidemandaTovedoucement.—Hein?Elleétaitentraindesaisirdistraitementunefeuilledesaladedevantelle.Il n’avait pas mangé beaucoup lui-même, mais des évènements comme celui-ci lui faisaient

toujours perdre l’appétit. Bien qu’il eût passé la matinée à se vider de ses pouvoirs, sa têtebourdonnaitetilsentaitmonterdanssoncrâneunemigrainedepuislebasdelanuque.

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—Commentçava?répétaTove.Ilsepenchaenavantetposasesbrassurlatableaprèsavoirrepoussésonassiette.Elorafitunbruitavecsalanguequandilplaçasescoudessurlatable,maiselleneditrien.Laseule

chosepositivedecettefêteétaitqueWendysetrouvaitassiseàcôtéd’Aurora,etToveàcôtéd’Elora,cequileurévitaitàtouslesdeuxdefairelaconversationàdesétrangerspendantledîner.Tove,Wendyet leursparents,ainsiqueGarrettetWilla,étaient tousassisà lagrande tablede la

salledebaltoutjusterénovée.Assistousdumêmecôté,ilsavaientl’airdeparticiperàlaCène.Lesinvitésétaientinstallésunpeupartout,leursvoixserépercutantdanslasalledebalenungrondementsourd.—Super.Wendys’efforçadeluisourire.—Etvous?—Ilestencoretemps.Ilsepenchaversellepourluimurmurerquelquechosequelesautresnepouvaiententendre.—Nouspouvonsencoreannulertoutça.Sivousvoulez.—Non.Enbaissantlesyeux,ellesecoualatêted’unefaçonquineluiindiquapassiellelepensait.—Jeneveuxpas.—Tove,queconspires-tuencore?Aurorasepenchaenavantpourmieuxlevoir.—Nousnefaisonsquenousmurmurerdesmotsdoux.Toveluisouritlégèrementetelleplissalesyeux.—Tusaisbiencommentsontlesjeunesamants.Wendy rit d’un rire franc et son sourire était éblouissant. Elle rayonnait tant, quand elle était

heureuse,quemêmeluiappréciaitsabeauté.—Non.Sourianttoujours,ellelevalesyeuxversluietsonauraviraplusverslejaune.Ilavaitréussiàla

détendreunpeu.—Jesuisheureusequevoussoyeziciavecmoi;carsiçan’avaitpasétélecas,j’auraisdûfaire

toutcelatouteseule.Etvoussavezbienquelemalheuraimelacompagnie.—Jesais,approuva-t-il.Quelquechoseavaitdû sepasser enelle,parceque sesyeuxbruns semblaientpeinésetque son

sourires’évanouitsoudain.—Àmoinsquevousnecherchiezàmedirequevousnevoulezplusdetoutcela.Sivousvoulez

vous retirer, je ne vous en voudrais pas. Je ne faisais que blaguer en parlant dumalheur et de lacompagnie.Jeneveuxpasquevoussoyezmalheureux.—Non,jenesuispasmalheureux,réponditviteToveenl’interrompantpresque.Etjeneveuxpas

meretirer.Vousépouserestloind’êtrelapirechosequipuissem’arriver.Commed’êtrebanniduroyaumeetenfermédansunemaisondefous.Celaseraitbienpire.Maisil

neleditpas.Aulieudecela,illuisouritetelleparutsoulagée.

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Ilpritunegrandegorgéedevinensecalantsursachaise.Tove essayait de se convaincre du fait qu’il n’avait rien à se reprocher.Wendy savait qu’il ne

l’aimaitpasd’amour,etellenel’aimaitpasnonplus.Maistousdeuxétaientencorejeunes,etWendypouvaitunjourtomberamoureusedequelqu’unqu’ellepourraitépouser.Si cela se produisait, si Tove apprenait qu’elle était amoureuse de quelqu’un avec qui elle

souhaiteraitvivre,ils’écarteraitvolontiers.C’étaitlaconcessionqu’ilétaitprêtàfaire.—Vousdevriezfinirdemanger,princesse,ditAurora.Elleavaitbeaus’adresseràWendy,sesyeuxétaientbraquéssurlabaguedefiançaillesqueportait

celle-ci.Tovel’avaitlui-mêmechoisieetAuroraladétestait.Ellepassaunebonnepartiedelasoiréeàjeterdescoupsd’œilfurtifssurl’émeraude,cequifitsourireTovechaquefoisqu’ils’enaperçut.—Jecroisavoirfini,enfait.Wendyposasafourchettesursonassietteets’adossaàsachaise.—Tantmieux.Parcequelebalvabientôtcommencer.—Ilfautquenousdansions?rechignaTove.—Biensûr,ditElora.Latraditionveutquelesfiancésouvrentlebalàleurfêtedefiançailles.—Bon.Mais rien ne dit que l’amour aime danser devant des centaines d’étrangers,marmonna

Tove.—Lemariagen’a rienàvoir avec l’amour,ditElora, commesiToveavaitbesoinqu’on le lui

rappelât.Un domestique vint ramasser les assiettes vides, et l’orchestre semit à jouer. Samère avait fait

venir un orchestre de dix musiciens qui était installé au bout de la pièce, non loin de la tableprincipale.Avectouteslestablesquiencombraientlasalle,ilnerestaitpasbeaucoupd’espacepourlapistede

danse. Iln’yauraitpasdeplacepourplusquequelquescouples,maisçan’étaitpasgrave,puisqueseulsToveetWendydevaientdanser.Quandlesondel’orchestreaugmenta(Tovecrutquec’étaitunmorceaudeDebussy),Auroralui

lança un regard sévère. Malgré les parasites provoqués par la foule, il l’entendait clairement luidemanderd’inviterWendyàdanser.Ensoupirant,Toverepoussasachaisepourselever.Illuitenditlamainendemandant:—Puis-je?—S’illefaut.Wendymit samain dans la sienne.Dès qu’elle fut debout, un tonnerre d’applaudissements se fit

entendre.ToveguidaWendyautourdelatable.QuandilspassèrentderrièreAurora,celle-cisiffla:—Souriez.Ondiraitquevousallezàunenterrement!Lesapplaudissementscessèrentquandilsatteignirentlapistededanse,maistouslesregardsétaient

braquéssureux.Tovetrouvaittrèsembarrassantdesentirtouscesyeuxledévisager.Ils’efforçaderesterconcentrésurWendypourlesoublier.—J’auraisdûboireplusdevinpendantledîner,ditTovependantqu’ilss’essayaientàunevalse

lenteetquelquepeuétrange.

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—Pardon.Elleplissalefrontquandillaregarda.—Çava?Vousavezl’airunpeu…lessivé.—Tropdemonde,admit-ilengrimaçant.Avantlejourdenotremariage,ilfaudraquejepassela

nuitàbougertoutcequejepeux,afind’êtrecomplètementépuisé.—Est-cequeçaaidesivouspensezàautrechose?demandaWendy.Jeveuxdire,sinousparlons

pouroccupervotreesprit,celaaide-t-ilàécarterlebruitdefond?—Unpeu.—OK,alors…Elleregardaautourd’ellecommesiellecherchaitunsujetdeconversation.—Quelhymnechoisirons-nouspournotremariage?—Vouspensezqu’Auroran’enapasdéjàchoisiun?demandaToveavecunsourireironique.—Non,etjenelalaisseraipaslefaire,l’informaWendy.Toveavaitdûparaîtreimpressionnéparcequ’elleritunpeu.— Je sais bien que ceci est une sorte de fauxmariage,mais il sera pourmoi le seul et unique.

Puisqu’AuroraetWillachoisissenttoutlereste,jevoudraisaumoinsavoirmonmotàdirepourlachanson.Illavit.Àpeinependantuneseconde,maisilvitquesonauras’étaitassombrieendevenantpresque

noirequandelleavaitditqueceseraitsonuniquemariage.Son expression n’avait pourtant pas changé. Elle avait appris à mieux mentir, à faire semblant

d’êtrecequelesTryllesattendaientd’elle.C’étaitcertainementpourlemieux,maisunepartdeluifuttristedeconstaterqu’elleperdaitdéjàunpeudesoninnocence.—Àquellechansonpensiez-vous?demandaToveensedépêchantd’effacersonmalaise.—Jenesaispasenvérité.Wendyritànouveau.—Jen’aipasvraimentréfléchiàmonmariageavanttrèsrécemment.Maisjesaisquejeneveux

rienderingardnidesupercliché.—Alors,EndlessLoveestàécarter?plaisantaTove.—J’enaipeur.Ellepenchalatêteverslui.—Etvous?Aviez-vousunechansonentête?—Non,jenesaispas.Ilhaussalesépaules.—Jenepensaispasavoirmonmotàdire.— Pourquoi ne choisirions-nous pas quelque chose ensemble ? demandaWendy. Qu’est-ce que

vousaimez?—Euh…Tove réfléchit à une musique qu’il aimait bien et qui pourrait se montrer adaptée pour la

cérémonie.—J’aitoujourseuunfaiblepourEttaJames.

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—Vraiment?Wendyhaussaunsourcil.—Oui,vraiment.Pourquoisemblez-voustoujourssisurpriseparlamusiquequej’aime?demanda

Tove.VousetDuncanétiezchoquésquej’aimelesBeatles.—Jenesaispas;çamefaitsansdoutebizarredevousimaginerentraind’écouterdelamusique.Ellesecoualatête,faisantdansersesbouclesbrunessursesépaules.—Jenesauraisdirepourquoi.—Enfait,j’aimeénormémentlamusique,dit-il.Elleaideàréduirelebruit.—Sansdoute.Elleinspiraprofondémentetlefixad’unregardparticulièrementétrange.—Quoi?demandaTove,quicraignaitavoirfaitunebêtise.—J’ensaissipeusurvouset…Elles’interrompitetilattenditqu’elletrouvâtsesmotspourcomplétersapensée.—Etpourtant,jevaispasserlerestedemonexistenceavecvous.—Ehbien,celavouslaissepasmaldetempspourapprendre,non?Toveessayaitdesemontrerjoyeux,maisilsavaitcequ’ellevoulaitdire.Finalement,lemorceauseterminaàpointnomméetilsretournèrents’asseoir.Malheureusement,

ce n’était pas encore le moment de délivrance sur lequel comptait Tove. Les invités avaientmaintenantledroitdevenirjusqu’àleurtable,enprincipepouroffrirleursvœux,maissurtoutpourseplaindredequelquechose.Lechanceliers’arrangeapourmonopoliserunebonnepartiedutempsoctroyéàcettetradition.Les

gens faisaient la file derrière lui pour approcher de la table,mais il continuait à palabrer sans sesoucierlemoinsdumondedelagênequ’ilcausait.LapauvreWendyenfaisaitencoreunefoislesfrais,lespetitsyeuxperçantsduchancelierbraqués

sur elle. La seule chose positive était que, apparemment trop contrarié par la tournure qu’avaientprise les évènements, il ne put se permettre la moindre pensée obscène concernant la princesse.C’étaitpourToveunsoulagementdenepaslirelespenséessordidesdecethorribleindividu.—Pardon, je ne voudrais pas vous importuner, dit lemarkisBain en attirant à lui le regard de

Tove.Celui-ci avait été trop occupé à observer le chancelier pour remarquer le markis qui s’était

approchédelatable.—Euh,non.Vousnemedérangezpas.Tovecoinçasescheveuxderrièresesoreillesensepenchantsurlatable.—Pasdutout.—J’aiplusoumoinscoupélafile,admitBainhonteusementenmontrantdudoigt lechancelier,

qui continuait son incessant bavardage avecWendy.Mais je ne voulais pas forcément parler à laprincesse.Jeveuxdire,jelevoulais,maisvousétiez…disponible.—Commejesuiseneffetdisponible…toutvabien,luiditToveenluisouriant.Bain avait la charge du placement des substitués, et de ce fait, Tove l’avait déjà aperçu souvent

autourdupalais,maisilsnes’étaientjamaisentretenus.Tovel’avaittoutdesuiteremarqué,carBain

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possédait lesyeuxbleus lesplusbrillantsqu’il avaitvusde savie,d’une rareté incroyabledans lacommunauté trylle.C’étaitmêmesi rareque,dans tout le royaume,Toveneconnaissaitqu’unseulautreTrylleauxyeuxbleus.Celasignifiaitquequelquepart,plusieursgénérationsenarrière,undesancêtresdeBainvenaitde

Skojare,unetribudetrollspluspetiteetconnuepoursonattirancepourl’eau.Quoiqu’ilenfût,TovesefichaitpasmaldelalignéesanguinedeBain.Poursamère,celaavaitdel’importance,maissurdessujetscommecelui-ci,sonopinionnecomptaitpas.—Jevoulaisvoussouhaiterbonnechance,ditBain.—Chance?demandaTove,peucertaind’avoirbiencompris.—Pourvotrefuturmariage,ajouta-t-ilendésignantWendy,assiseàcôtédelui.EtToveserenditcomptetristementqu’ilavaitcomplètementoubliéqu’elleétaitlà.—Biensûr.Toveseforçaàsourireetopina.—Merci.—Jedoisdirequej’aiétéunpeusurprisd’apprendrequevousétiezfiancéàlaprincesse.Bainpassaunemaindanssescheveuxbrunsenbaissantlesyeux,commes’ilétaitgênéparcequ’il

venaitdedire.—Nonquevousnesoyezpasunbonchoix.Parcequevousl’êtes.Je…Tovesepenchaencoreplussurlatable,pourdired’unevoixétouffée:—Jevousassurequejesuislepremiersurprisd’épouseruneprincesse.Bain releva les yeux vers lui, laissant son regard s’attarder sur Tove un peu plus qu’il était

convenable.Àpeineunpeuplus âgéqueTove, il était élancé et plutôtmignon, unpeu commeunjeuneJohnnyDepp.Celafaisaitencoreplusressortirsesyeuxetlerendaitirrésistible.—Ehbien,jesupposequejevousverraiunpeuplussouventdanslesecteur,ditBainenfaisantun

pasenarrière.Puisquedésormaisvousallezvivreettravaillerici.—Super,ditToveavantdesereprendretrèsvite.Jeveuxdire,oui.Jevousverraiparici.Quand Bain quitta la table, Tove détourna les yeux à contrecœur. Il se cala dans son siège en

soupirant,puisremarquaquelechancelierétaittoujoursentraindemonopoliserWendy.—Vousavezeuvotretour,ditToveencoupantlechancelieraumilieud’unephrase.Filez.—Excusez-moi ? demanda le chancelier, interloqué, en ouvrant ses petits yeux aussi grand que

possible.Aurorase racla lagorgepourattirer l’attentiondeToveetessayerde l’empêcherd’être impoli,

maisill’ignora.—Vousm’avezbienentendu.Toveledévisagea.—Allez-y.Lechancelierbafouilla,maisfitcequiluiétaitdemandéensetordantlesmainstoutens’éloignant

delatable.Unefemmesurvintaprèslui,maisavantqu’elleeûtletempsd’ouvrirlabouche,WendylançaàToveunsourireentenduenarticulantsilencieusementlesmotsMercibeaucoup.Lafemmeleurfitderapidesfélicitations,cequiconstituaitunagréablechangementderythmepour

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lequelTovevoulutlaremercier,maisilavaitoubliésonnom.Heureusement,Wendys’interposapourlefaire,luiévitantainsideperdrelaface.Pendantquesepoursuivaitcequisemblaitêtreuneinterminableprocessiondesympathisants,Tove

se surprit en train de chercherBain des yeux aumilieu de la foule.Bien qu’il ne parvînt pas à leretrouver,celaconsolidaitsonengagementàépouserWendy.Ilyavaituneautreraisonégoïste,unequileculpabilisaitdavantage,quilepoussaitàlapiégerdans

toutceci.Cependant, iln’existeraitpourTovequ’une seule façond’instaurerde réelschangementsdans la société trylle, commeceluidepermettreàchacunde tomberamoureuxdequi ilvoulait. Ilfallaitqu’ileûtlepouvoir,qu’ilfûtroi.

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3.LOKI

Samedi28octobreTandisqu’ilfaisaitlescentpasdanssacellule,lalampevacillaau-dessusdeluietLokiluilançaunregard furieux. Il détestait le cachot, mais pas pour les raisons qu’Oren aurait souhaitées. Il luisemblaitsimplementtoujoursexagéréavecsesbriqueshumides,sonsolimmondeetlesgnomesàlaporte.Toutétaittropprévisiblepourêtreterrifiant.Nonseulementça,maisenplus,lebâtimentn’étaitpastrèssolide.Alorsqu’Orenpensaitavoirété

assezmalinpourenchaînerLokiaumuravecde lourdesmenottesetdeschaînesenfer, ilavaitpufacilementlesarracherdubéton.Àprésent,ilmarchaitdanssacelluleentraînantderrièreluiunblocdebriquesaccrochéàdeschaînes,maisaumoinspouvait-ilbougerlibrement.Lesloquetsdesécuritédelaported’entréecliquetèrentens’ouvrantetLokibougonna.—Situpensespasserautantdetempsavecmoi,sire,tuferaismieuxdemefaireinstallerdansla

suitenuptialeàcôtédelatienne,ditLokitandisquelaportecommençaitàs’ouvrir.Celat’éviteraitd’avoiràfairetoutcetrajetpourdescendrejusqu’ici.—Désoléedetedécevoir,maiscen’estquemoi,indiquaSaraenentrantdanslacellule.Lokis’immobilisapourlaregarder.Ilnepensaitpasqu’elleseraitvenueluirendrevisite.Elleavait

juréqu’elles’enlaveraitlesmainss’ilrataitsamission,cequiétaitlecas.Depuisqu’ilétaitrevenuàOndarike,elleneluiavaitmêmepasadressélaparole.Etlavoiciquiarrivaitaucachotenportantunplateauavecunpeudenourritureetunverred’eau.Il

l’observapourvoirsisonvisageneportaitpasdetracesdebleusoudemarques,etcommeiln’envitpas,ildétournalesyeux.—Queveux-tu?demandaLoki.—Envoilàdesfaçonsdeparleràsareine,ditSara.En entrant, elle ferma la porte derrière elle et remarqua qu’elle était sérieusement cabossée,

probablementenraisondestentativesdeLokipours’échapper.Ilavaitbeauprétendrequesavieluiimportaitpeu,ilnesebattraitpasainsis’ilnevoulaitsurvivre.—C’estvrai.Lokiluienvoyaunsouriremoqueur.—Pourquoinemejettes-tupasaucachot?Celameserviraitdeleçon.Oh,attends…—Tusaisbienquejenevoulaispasquetusoisenferméici,ditSara.Jen’aijamaissouhaitétevoir

ainsi.—Non?Ilsecoualatête.—Tunel’aspourtantpasempêchédem’enfermerici.—Etquedevais-jefaire,Loki?Saraapprochadelui,l’airsuppliant.—Tuaséchouéettulesais.

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Loki ne répondit rien. Il regardait par terre, lesmâchoires serrées. Comme il ne portait pas dechemise, Sara vit les traces toutes fraîches de fouet qui luimarquaient le dos. Pour lemoment, iln’avaitquepeudelignesrougevifsurlapeau.Mais le roi ne faisait que commencer. Il était connupour fairedurer ses châtimentspendantdes

mois,quelquefoisdesannées,entorturantsesvictimesinlassablement.—Jet’aiapportéàmanger,ditSaradoucementenluitendantleplateau.Ill’observaavecmépriset,pendantuninstant,Saraeutpeurqu’ilnejetâtleplateauausol.Aulieu

decela,iltenditlebraspourprendreleverred’eau,seschaînescliquetantcontreleplateauenmétal.Avantdeprendreunegorgée,ilmurmura:—Merci.Puis,ilavalarapidementleverred’eauetlereposasurleplateau.—Tuneveuxpasmangerunpeu?demandaSara.Ilfitnondelatête.—Tudevrais.Tudoisprendredesforces.—Ilvautmieuxquejeneretrouvepasmesforces,dit-ilenpassantunemaindanssescheveux.La

mortviendraplusviteainsi.—Nedispascela.Ellesemorditleslèvres.—Tunelepensespas.—Jenepensepasquoi?Lokiéclatad’unriresinistre.—Biensûrquesi!Orenvametorturerjusqu’àcequejecrève,alorsoui,autantenfinirleplus

vitepossible.C’estlaseulechosesensée.—Peut-êtrepas.Endisantcela,SaraneparvintmêmepasàregarderLokidanslesyeux.—Oui, ilne le ferapeut-êtrepas,admitLokid’un tonamer.Peut-êtreaurais-je lachanced’être

immortelcommeOrenetdepasserlerestedel’éternitédanscecachot.Pasmal,non?—Pourquoinel’as-tupastoutsimplementramenée?lançaSara,surpriseelle-mêmeparletonde

savoix.Elle avait toujours les yeuxbaissés, et quand elle releva la tête, ses yeuxbruns étaient pleins de

larmes.—Situavaisramenélaprincesse,tuneseraispaslà.Illaregardaunmoment,puissecoualatêteendétournantlesyeux.—Jenepouvaispasluifaireça.—Situtepréoccupesd’elle,tuauraisdûlefaire,continuaSara.Ilt’auraitmariéàelle.Tuaurais

puvivreavecellepourtoujoursengouvernantceroyaume.— Tout d’abord, tu sais aussi bien que moi que le roi n’abandonnera jamais le pouvoir,

désapprouva Loki. Il tient seulement à posséder la princesse parce qu’elle est le dernier jouet envoguechezlesTrylles.Ilnelalaisserajamaisluiprendrelepouvoir.—Ilvabienfalloirqu’ilseretireunjour,insistaSara.Illuifautunehéritière.

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— Il ne veut que d’une héritière qui se pliera à ses quatre volontés, dit Loki en se remettant àmarcher.Wendyn’arienàvoiraveclui.Ilferatoutcequ’ilpeutpourlabriser,pourlatransformerenunehorriblebrutecalculatrice.Illadétruira.—Non,jel’enempêcherai.Jelaprotégerai.—Tuveuxdire,commetum’asprotégé?Ilseretournaverselleenhaussantunsourciletellesemorditlalèvre.—J’aiessayé.Savoixsebrisa.—Maisiln’yavaitrienquejepuissefaire.—Jesais.Lokisoupira,regrettantcequ’ilvenaitdedire.— Je ne t’en veux pas. C’était mon choix. Le roi m’a envoyé la chercher. Je savais à quoi

m’attendresijenelaramenaispas.Etjenel’aipasfait.—Tun’avaispasàrevenir.Lavoixtremblante,elleposaleplateauausolpourpouvoirs’essuyerlesyeux.—AprèsêtrealléàFöreningl’autrejour,tun’avaisqu’ànepasrevenir.—Jenecomptaispaslefaire.Lokisetutuninstant,sedemandants’ildevaitluidireounonlavérité.— Le roi m’a renvoyé la chercher, sachant que j’avais réussi à gagner sa confiance, mais j’ai

demandéàWendyqu’elles’enfuieavecmoi.Etjelevoulaisvraiment.Sielleavaitditoui,jel’auraisemmenéeloindetoutça.—Maisellearefusé?demandaSara.La gorge serrée, il ne dit rien pendant une minute. Les épaules basses, il paraissait découragé

commeSaranel’avaitjamaisvujusqu’ici.—Finalement,toutestpourlemieux,ditLoki.Sielleétaitpartieavecmoi,sonpeupleauraitvécu

un enfer.Oren aurait prétendu qu’ils avaient brisé la trêve et ilsm’auraient gardé en otage. Il lesauraitattaquésavectoutcequ’ilpouvaitetlesTryllesn’auraientpaseudeprincessepoursedéfendre.—C’estpourçaquetuesrevenu,compritSara.Situétaisrestééloigné,Orenlesenauraitblâmés

etseseraitjetésureux.—Il lesaurait tuéset il l’auraitenlevée,acquiesçaLoki.Àseule finque jenesouffrepas, jene

trouvaispasquecebaindesangvaillelapeine.—Loki.Elleapprochadeluienessayantdemettresamainsursonbras,maisillarepoussa.—Ilfautquetut’échappes.Ellebaissalavoix,aucasoùlegardienauraitpul’entendre.—Jepeuxt’aider.—Jecroisqu’ilesttroptardpourmoi,Sara.Illuisourittristement.—Enrevanche,tudevraist’enallerpendantqu’ilenestencoretemps.Laportes’ouvritderrièreeux,etSaras’éloignadeluipromptement.

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Orenjaillitdanslapièce,lesmanchesdesachemisenoireretrousséesetleboutonsupérieurdéfait,commes’ilpensaitenfinir.Ilportaituneépéedanslamaindroite,lesdiamantsdelagardescintillantsursamain.—J’auraispréféréquetumedisesquetuvenaisvoirLokiaujourd’hui,ditOrend’unevoixrauque

ensouriantàsafemme.J’auraisput’épargnerlevoyage.—Jenefaisaisqueluiapporteràmanger.Saradésignaitleplateauausol.—Ilmesemblaitqu’ildevaitgarderunpeudeforce.—Maisnon,jen’aipasbesoindeforce.LokirepoussaSarad’unreversdemainenfaisantcliqueterseschaînesetenmontrantl’épée.—Leroivientpourmetuer.Lesourired’Orens’élargittandisqu’ilregardaitLoki.—Tupeuxplaisanterautantquetuveux;bientôt,tumendieraspouravoirlaviesauve.—Comment préfères-tu que jemendie, sire ? demandaLoki. Sur les genoux ?Parce que ça, je

peuxlefairetoutdesuite,situveux.—Loki,lerabrouaSara.—Mareine,veux-tunous laisser, s’il teplaît?demandaOrensans la regarder. J’aibesoind’un

momentseulavecnotreprisonnier.—VotreMajesté.Lesyeuxgrandsouvertsetpleinsdeterreur,SarasetordaitlesmainsenregardantOrenpuisLoki.—S’ilvousplaît,nefaitesriend’irréfléchi.—Jenefaisjamaisriendetel,lançaleroi.Maintenant,laisse-nous.SaralançaunregardversLokicommepours’excuser.Ilvoulutopiner,fairequelquegestequilui

ferait comprendreque ça allait, qu’elle pouvait s’en aller etmêmequ’il l’encourageait.Mais il nepouvaitpas.Silerois’enétaitaperçu,celaauraitpusignifierqu’elleavaitdemandélapermissiondeLokietSaraauraitfiniparpayercelatrèscher.Aucontraire,Lokinefitriend’autrequederegarderleroistoïquement.Saraquittalecachotsans

unmotniàl’unniàl’autre,etlaporteserefermaavecunbruitlourdderrièreelle.—Mafemmetienttropàtoi,ditOrensimplement.—Toutdépenddeceque l’onentendpar« trop»,déclaraLokienhochant la tête,commepour

considérer lachose.Dumomentque tues incapabled’aimerquiquecesoitpuisque tun’aspasdecœur,jesupposequ’uneinfimedosed’attachementteparaîtdéjàdetrop.Leroiéclataderirebruyammentetlevasonépéeenl’agitantenmêmetempsqu’ilparlait.Lokidut

faireuneffortpournepasgarderlesyeuxfixéssurlemétalquibrillaitdanslalumière.—Jevaist’accorderça,Loki.Jet’aitoujourstrouvédrôle.Jenel’aijamaisditàpersonne,maistu

mefaisrire.—Jemesuistoujoursprispourlebouffonduroi,ditLoki.—Ettul’asété.Untrèsbonbouffonmême.OrensefrottalementonetfitfaceàLoki.—Maissituavaisétébonàautrechose,nousn’enserionspaslà.Veux-tuquejetedisecequejene

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peuxvraimentpassupportercheztoi?—Moncharmede jeunehomme?Mastupéfiantebeauté?Mescheveuxindomptables?suggéra

Loki.—Tun’asjamaissuquandlafermer.Orenseretournaversluietbranditsonépée.IllapointatoutdroitsurLoki,etquandlapointedela

lametransperçasapoitrinejusteau-dessusducœur,Lokinebronchapasd’unmillimètre.Ilavalasasaliveencontinuantdefixerleroidanslesyeux.Orennepoussapaslalameplusprofondément.Leroiplissadesyeuxenledévisageant.—Jepourraistetueràl’instantmême.—Jem’attendaisàcequetulefasses,admitLoki.—Jesais.Orensouritlargement.—C’estpourcelaquejenevaispaslefaire.Il retira l’épée qui avait pénétré dans la poitrine de Loki en n’y causant qu’une blessure

superficielle. Sans bouger, Loki dut se retenir pour ne pas réagir à la douleur tandis que du sangcoulaitsursapeau.—Jeveuxtefairesouffriràlafaçondonttum’asfaitsouffrir.—Ahbon,tusouffres?décochaLoki.Tunesaismêmepascequec’estqueladouleur.Tun’as

jamais…AvantqueLokipûtfinirsaphrase,leroilepritentraîtreenlecognantdetoutesapuissanceàla

mâchoireaveclagardedesonépée.LesdiamantspénétrèrentlapeaudeLoki.LeroifrappasifortqueLoki dut rassembler toutes ses forces pour ne pas s’écrouler. Il refusait de donner àOren ceplaisir.Ilseredressa,crachantdusangsansyprêterattentionetsansquitterOrendesyeux.Sescheveux

étaienttombéssursesyeux,maisLokinelesrepoussapas.—Tupeuxesquintermonvisageetmescheveux,maisjeseraitoujoursplusbeauquetoi,ditLoki

ensouriantmalgréladouleurquiletenaillait.Baissantlavoixcommes’ilconspiraitavecLoki,Orensepenchaenavantpourluidire:—Jesaisquetuveuxquejetetue,Loki.C’estpourçaquejeneleferaipas.Jesaisaussiquetu

peuxàpeinesurvivresansinteraction.Mêmequandjevienspourtefrapper,celatemaintientenvie.Tun’attendsqueça.—Oh,oui,jemelanguistellementderecevoiruncoupdepoingdanslamâchoireouuncoupde

fouetdansledos,répliquaLoki.J’aiécritdejolispoèmessurlafaçondonttumebattaisquandj’étaisenfant.—Tunesaisriendelavéritabletorture,continuaOren,sansécoutercequeLokivenaitdedire.—Tuasraison.Leseffetsdecetteépéenesontriencomparésàceuxdubannissement.Jesuisprêt

àsupporterlaguillotinequandtuveux,pourvuquequelqu’unassisteauspectacle.—Tupeuxtoujourscontinueràplaisanter,maisiln’yauradésormaispluspersonnepourrirede

tesblagues,ditOrenenregagnantlasortie.J’interdisàSaradetevoiretauxgardesdeteparler.Tun’aurasplusrien.Quandjeseraisortid’ici,tonseulsouhaitseraden’avoirjamaisvulejour.

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—C’estcequej’aitoujourssouhaité,sire,ditLokienexpirantprofondément.Oren éclata de rire en quittant le cachot.Loki l’entendit rire longtemps après la fermeture de la

porte,pendantqu’Orens’éloignait.N’ayant aucun autremoyen d’exprimer sa frustration, il attrapa le plateau et le balança dans la

pièce.Celui-cis’écrasacontrelemur,secabossantavantderetomberparterre.Lokise jetadedoscontre lemurense tenant la tête.Àlavérité, ilnesavaitabsolumentpass’il

serait capable de survivre à tout cela. Isolement, tortures, constantes menaces de mort ; même sic’étaitexactementceàquoiils’attendait,celanerendaitpasleschosesplussupportables.—Aumoinsfaut-ilespérerquecetteprincesseenvaillelapeine,marmonnaLokipourlui-même.Maisàpeineeut-ilprononcécesparolesqu’ilseremitàpenseràelle;labontéqu’ilavaitluedans

sesyeuxetlefaitqu’ellel’avaitdéfenduensebattantpourluisauverlavie,alorsquesonpeupleàluinel’avaitjamaisfait.Ilsn’avaientpasséquepeudetempsensemble,maiselleluiavaitfaitéprouverplusdesensationsqu’iln’enavaitjamaisconnu.Elleenvalaittrèscertainementlapeine.Qu’importecequeluiferaitleroi,Lokirecommencerait

volontierstout,sicelasignifiaitqu’ilpourraitéviteràWendylemêmedestin.

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ÀPROPOSDEL’AUTEUREAMANDAHOCKINGfaitpartiedesauteursàsuccèsduUSATodayaveclatrilogiedesTryllesetsessix autres romans publiés à compte d’auteure. Après avoir vendu plus d’un million de livres,originellementparussurInternetsousformedelivresenligne,saproductionestconsidérée,àl’èrenumérique,commel’exempled’unformidablesuccèsd’autoédition.Ellevitdansl’ÉtatduMinnesota,oùelletravailleàlarédactiondesonprochainlivre.Rendez-vous

sur son site Internet auwww.amandahocking.blogspot.com ouwww.trylleseries.com (les deux sitessontenanglaisseulement).

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