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Faculté de Médecine de Sousse Urologie Page 1 La transplantation rénale Dr Mehdi Jaidane I- Introduction - définitions : La transplantation rénale ou greffe rénale est le meilleur traitement disponible de l’insuffisance rénale chronique (IRC). Elle est supérieure à la dialyse en matière de qualité de vie, de survie, de morbidité, de coûts directs et indirects. On définit : - L’autogreffe : correspond à la transplantation du rein chez le même individu d’un endroit du corps vers un autre - L’isogreffe : correspond à la transplantation du rein entre deux jumeaux homozygotes génétiquement identiques - L’allogreffe : correspond à la transplantation entre des individus génétiquement distincts mais appartenant à la même espèce. C’est le mode de transplantation thérapeutique le plus pratiqué. - La xénogreffe : correspond à la transplantation entre individus d’espèces différentes. II – Historique : L’histoire de la greffe rénale remonte au début du 20 ème siècle : - En 1902, Alexis Carrel (Lyon) réalise les premières greffes réussies de rein sur l’animal, ce qui lui permet d’établir les règles de la suture vasculaire et de recevoir le prix Nobel en 1912. - En 1906, Jaboulay (Lyon) réalise la première greffe de rein d’animal (chèvre) sur une femme, suivie d’un échec. En 1910, Unger retente l’expérience avec un rein de singe, toujours sans succès. - En 1936, Voronoy (Kiev) réalise la première greffe de rein de cadavre chez un homme, suivie d’échec et du décès du patient. - La première greffe réussie a été réalisée en 1954 au Brigham Hospital (Boston) par Murray, Merril et Harisson entre deux jumeaux homozygotes avec survie prolongée (isogreffe). - La première allogreffe réussie a été réalisée par la même équipe en 1959 en utilisant l’irradiation totale du receveur comme traitement immunosuppresseur. - En 1962, première greffe réussie sous azathioprine. En 1963, utilisation de l’association azathioprine-cortisone. En 1966, apparition du cross-match lymphocytaire et du sérum antilymphocytaire. En 1982, apparition de la ciclosporine. - En 1986 : première greffe rénale en Tunisie. Décembre 2006 : 660 greffes réalisées en Tunisie. En 2007 : première greffe rénale à Sousse au CHU Sahloul …. III- Epidémiologie : L’insuffisance rénale chronique (IRC) est un problème de santé publique dans notre pays. Les principales étiologies de l’IRC en Tunisie sont le diabète et l’hypertension artérielle (HTA), suivies par les néphropathies glomérulaires et interstitielles (tableau 1). Entre 1987 et 2004, le nombre d’hémodialysés en Tunisie est passé de 500 à plus de 5000 patients. Parallèlement, le coût de la dialyse est passé de 5 à 75 millions de dinars et constitue un fardeau de plus en plus pesant sur le budget de la santé (fig 1). Le seul moyen de maitriser cette inflation du coût de l’IRC est l’augmentation du nombre de greffes rénales (environ une trentaine par an pour le moment).

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La transplantation rénale

Dr Mehdi Jaidane I- Introduction - définitions : La transplantation rénale ou greffe rénale est le meilleur traitement disponible de l’insuffisance rénale chronique (IRC). Elle est supérieure à la dialyse en matière de qualité de vie, de survie, de morbidité, de coûts directs et indirects. On définit : - L’autogreffe : correspond à la transplantation du rein chez le même individu d’un endroit du corps vers un autre - L’isogreffe : correspond à la transplantation du rein entre deux jumeaux homozygotes génétiquement identiques - L’allogreffe : correspond à la transplantation entre des individus génétiquement distincts mais appartenant à la même espèce. C’est le mode de transplantation thérapeutique le plus pratiqué. - La xénogreffe : correspond à la transplantation entre individus d’espèces différentes. II – Historique : L’histoire de la greffe rénale remonte au début du 20ème siècle : - En 1902, Alexis Carrel (Lyon) réalise les premières greffes réussies de rein sur l’animal, ce qui lui permet d’établir les règles de la suture vasculaire et de recevoir le prix Nobel en 1912. - En 1906, Jaboulay (Lyon) réalise la première greffe de rein d’animal (chèvre) sur une femme, suivie d’un échec. En 1910, Unger retente l’expérience avec un rein de singe, toujours sans succès. - En 1936, Voronoy (Kiev) réalise la première greffe de rein de cadavre chez un homme, suivie d’échec et du décès du patient. - La première greffe réussie a été réalisée en 1954 au Brigham Hospital (Boston) par Murray, Merril et Harisson entre deux jumeaux homozygotes avec survie prolongée (isogreffe). - La première allogreffe réussie a été réalisée par la même équipe en 1959 en utilisant l’irradiation totale du receveur comme traitement immunosuppresseur. - En 1962, première greffe réussie sous azathioprine. En 1963, utilisation de l’association azathioprine-cortisone. En 1966, apparition du cross-match lymphocytaire et du sérum antilymphocytaire. En 1982, apparition de la ciclosporine. - En 1986 : première greffe rénale en Tunisie. Décembre 2006 : 660 greffes réalisées en Tunisie. En 2007 : première greffe rénale à Sousse au CHU Sahloul …. III- Epidémiologie : L’insuffisance rénale chronique (IRC) est un problème de santé publique dans notre pays. Les principales étiologies de l’IRC en Tunisie sont le diabète et l’hypertension artérielle (HTA), suivies par les néphropathies glomérulaires et interstitielles (tableau 1). Entre 1987 et 2004, le nombre d’hémodialysés en Tunisie est passé de 500 à plus de 5000 patients. Parallèlement, le coût de la dialyse est passé de 5 à 75 millions de dinars et constitue un fardeau de plus en plus pesant sur le budget de la santé (fig 1). Le seul moyen de maitriser cette inflation du coût de l’IRC est l’augmentation du nombre de greffes rénales (environ une trentaine par an pour le moment).

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Tableau 1 : Causes de l’IRC en Tunisie Fig 1 : Coût de l’hémodialyse en Tunisie

Fig 2 : L’hémodialyse Fig 3 : La fistule artério-veineuse

Fig 4 : La dialyse péritonéale

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IV- Options disponibles pour l’insuffisant rénal chronique :

a) L’hémodialyse (HD): C’est le traitement le plus utilisé (> 80 % des cas). Elle peut se pratiquer en centre spécialisé ou à domicile à raison de 3 séances de 4 à 5 heures par semaine. Le principe repose sur le passage du sang dans un circuit extracorporel au contact d’un liquide de dialyse au travers d’une membrane semi-perméable (fig 2). L’épuration est réalisée par osmose. L’efficacité de l’hémodialyse est très inférieure à celle du rein (ce n’est donc pas un « rein artificiel ») puisqu’il s’agit surtout d’une épuration des molécules de bas poids moléculaire et qu’elle soumet à des changements brutaux et intermittents des volumes et des concentrations des liquides extracellulaires avec parfois des conséquences cliniques (fatigue, asthénie, crampes, hypotension…). La réalisation d’une fistule artério-veineuse est nécessaire et expose à des complications propres (thromboses, infections...) (fig 3).

b) La dialyse péritonéale (DP): Son principe repose sur les échanges entre le sang et le liquide de dialyse à travers le péritoine. Le liquide de dialyse est injecté puis évacué de façon cyclique dans la cavité péritonéale à travers un cathéter fixe (fig 4). Différents protocoles existent : DP Continue Ambulatoire (à domicile), DP Intermittente (3 fois par semaine), DP Continue Cyclique (la nuit en utilisant un appareil spécifique..). La DP nécessite une motivation et une coopération du patient et expose à des complications propres surtout septiques (péritonite +++). c) La transplantation rénale : La dialyse (HD et DP) n’évite pas les complications à long terme de l’IRC : malades cardio-vasculaires, anémie, ostéodystrophie rénale, neuropathie etc… La plupart de ces complications sont évités à la suite d’une transplantation rénale qui reste le meilleur traitement en ce qui concerne la morbidité, la survie, la qualité de vie et le coût direct et indirect. V- Aspects légaux et éthiques : Différentes lois régissent la greffe d’organes en Tunisie : - Loi n° 91-22 du 25 mars 1991 relative au prélèvement et à la greffe d'organes : Des prélèvements peuvent être effectués à des fins thérapeutiques sur le cadavre d'une personne à condition qu'elle n'ait pas fait connaître de son vivant son refus d'un tel prélèvement, et qu'après son décès, le refus d'un tel prélèvement n'ait pas été manifesté par les membres de sa famille. (principe du consentement présumé) Le donneur vivant doit être une personne majeure, jouissant de toutes ses facultés mentales et de sa capacité juridique. Le consentement doit être exprimé librement devant le Président du Tribunal de Première Instance du lieu de sa résidence ou celui de l'établissement hospitalier. Ce consentement peut être retiré à tout moment sans formalités. - Loi n° 95-49 du 12 juin 1995 et décret n°97-1182 du 13 juin 1997 Concernant la création et l’organisation du Centre National pour la Promotion de la Transplantation d’Organe (CNPTO) - Loi n°18 de l'année 1999 amendant et complétant la loi n° 27/93 relative à la carte d'identité nationale Les opérations de prélèvement et de greffe d'organes sont gratuites. Tout commerce d'organes est interdit et est passible d'emprisonnement. Le donneur vivant doit être apparenté au receveur par les liens du sang ou par alliance. Le donneur décédé doit répondre aux critères de la mort encéphalique qui associent des signes cliniques (absence d’activité corticale et d’activité du tronc cérébral) et des critères paracliniques (EEG plat). Un procès verbal établissant la mort cérébrale doit être signé par deux médecins ne faisant pas partie de l’équipe de greffe.

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VI – Immunologie de la transplantation : 1) Les alloantigènes : Les alloantigènes sont les molécules dont le polymorphisme interindividuel est responsable des réponses immunitaires allogéniques. Ce polymorphisme est d’origine génétique héréditaire. Les principaux alloantigènes intervenant dans la greffe rénale allogénique sont les molécules des groupes sanguins (ABO, rhésus) et les molécules des complexes majeurs d’histocompatibilité (CMH) I et II. Les molécules du CMH sont des molécules présentatrices d’antigènes (peptidiques). Les molécules du CMH I sont présentes sur toutes les cellules nucléés alors que les molécules du CMH II ne sont présentes que sur les cellules spécialisées présentatrices d’antigènes : macrophages, lymphocytes B et cellules dendritiques. Ces molécules du CMH II interviennent dans l’activation des lymphocytes T. Les gènes codant pour ces molécules sont présents sur le chromosome 6 (fig 5): - Classe I : gènes HLA-A, HLA-B et HLA-C - Classe II : gènes HLA-DP, HLA-DQ et HLA-DR Ces gènes sont très polymorphiques et ont une expression co-dominante. Chaque individu possède deux allèles pour chaque gène. Chaque allèle est hérité d’un parent. Tous les gènes n’ont pas la même importance dans le rejet de greffe et pour la transplantation rénale les trois gènes importants sont : le HLA-A, le HLA-B et le HLA-DR. LE typage HLA du donneur et du receveur consiste donc à déterminer la combinaison des 6 allèles de ces trois gènes. Ces 6 allèles correspondent à deux haplotypes (un haplotype = 3 allèles) venant chacun d’un parent (fig 6). Il existe 88 gènes avec plus de 1000 allèles différents. Le nombre de combinaisons possibles est donc très élevé. Certains allèles et gènes sont plus fréquents que d’autres. Le gène le plus fréquent est le HLA-A2 (50 % de la population). Il existe une variation de la répartition des allèles et des gènes en fonction de la population, de l’ethnie, du pays et de la race. 2) L’allo-reconnaissance : Les molécules du CMH interviennent dans l’allo-reconnaissance (reconnaissance du « non soi ») qui aboutit à l’activation des lymphocytes T. Ceux-ci, une fois activés, vont initier et moduler les différents types de réaction immunitaire. Deux voies d’allo-reconnaissance sont décrites : la voie directe et la voie indirecte (fig 7).

3) Le rejet de greffe :

a) Les rejets de greffe hyperaigu et accéléré : Le rejet de greffe hyperaigu apparait immédiatement après la transplantation (avant 24 heures) alors que le rejet de greffe accéléré apparait dans un délai de 24 heures à 5 jours après la transplantation. Ces deux types de rejet de greffe sont dus à une réaction immunitaire humorale. Cette réaction humorale est causée par des anticorps présents avant la transplantation (rejet hyperaigu) ou apparus dans les jours qui la suivent (rejet accéléré). Il s’agit d’anticorps anti-ABO ou d’anticorps anti HLA classe I. Le rejet hyperaigu est évité par le respect de la compatibilité ABO et la réalisation d’un cross match direct avant la greffe entre le sérum du receveur et les lymphocytes du donneur. Il est donc exceptionnel de nos jours. En dehors de l’incompatibilité ABO, les sujets exposés sont les receveurs sensibilisés par une grossesse, une transfusion ou une greffe antérieure. Les anticorps agissent par cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps (ADCC : antibody dependent cellular cytotoxicity : fig 8) ou par activation du complément. L’incompatibilité ABO et la présence chez le receveur d’anticorps anti HLA I du donneur sont des contre-indications absolues à la greffe. (Certains centres spécialisés dérogent cependant à cette règle en ayant recours à des protocoles complexes de désensibilisation/immunosuppression : plasmaphérèse, splénectomie…)

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Fig 5 : Les molécules du CMH Fig 6 : Exemple de transmission des 6 allèles

Fig 7: Les deux voies de l’allo-reconnaissance Fig 8 : L’ADCC

Fig 9 : Le rejet aigu : du à une réponse immunitaire cellulaire

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b) Le rejet de greffe aigu : Il survient 5 à 90 jours après la greffe de rein. Il est lié à une réponse immunitaire à médiation cellulaire (alloreconnaissance directe des cellules du donneur par les lymphocytes T auxiliaires du receveur). Cette réponse cellulaire entraîne l’iinfiltration massive du greffon par des lymphocytes T activés et des macrophages puis la destruction du greffon (fig 9). Ce rejet de greffe aigu peut être évité : - en respectant la compatibilité HLA, surtout DR, - en améliorant les conditions de prélèvement et de conservation du rein, - en assurant une immunosuppression adéquate et prolongée.

c) Le « rejet chronique » ou néphropathie chronique de l’allogreffe : Le rejet chronique survient après plusieurs mois voire plusieurs années et répond mal aux traitements. Son étiologie est multifactorielle et l’on préfère actuellement le terme de néphropathie chronique de l’allogreffe. Il s’agit d’un véritable « vieillissement accéléré » du rein. Parmi les étiologies on distingue : - des facteurs non immunologiques : hypertension, immunosuppresseurs, maladie rénale nouvelle ou récurrente, hyperfiltration glomérulaire, hyperlipidémie… - des facteurs immunologiques : survenue de un ou plusieurs rejets aigus, traitement immunosuppresseur suboptimal la 1ère année… La réaction immunitaire impliquée est à médiation mixte cellulaire et humorale. VII- Le donneur : Les critères généraux requis chez le donneur sont au nombre de trois : absence de maladie rénale, d’infection active et de pathologie maligne transmissible Les buts principaux du prélèvement rénal, quelque soit le donneur, sont au nombre de trois : diminuer voire annuler le temps d’ischémie chaude, préserver les vaisseaux rénaux et préserver la vascularisation de l’uretère

1) Le donneur vivant :

• Il doit être apparenté au receveur par des liens de sang ou d’alliance. • Il est récusé en cas de retard mental, de maladie rénale, de risque de

morbidité/mortalité per-opératoire important ou de maladie transmissible. • Une détermination du groupe ABO et un cross-match entre le sérum du receveur et

les lymphocytes du donneur sont des préalables à la greffe. Un ABO incompatible ou un cross-match positif interdisent la greffe (sauf protocoles spéciaux dans certains centres). • Si les deux reins ne sont pas équivalents en fonction, on prélève le plus mauvais. • Le bilan du donneur comprend toute une batterie de tests et d’examens :

- Sérologie HIV, HTLV-1, hépatites, CMV, syphilis, parfois EBV (chez l’enfant), - Recherche de diabète et d’HTA - NFS, chimie complète, bilan d’hémostase, ECBU, ECG, Rx thorax, évaluation

cardiaque, mammographie, frottis CV, bHCG, PSA, échographie abdominale, examen parasitologique et recherche de sang dans les selles … • La vascularisation des reins du donneur est étudiée minutieusement par une

artériographie ou un angioscanner avec reconstruction. • Le rein est prélevé le plus souvent par une lombotomie classique sous costale

(chirurgie ouverte) mais le prélèvement par laparoscopie est pratiqué dans certains centres. • Les études disponibles montrent que la survie du donneur est comparable à la

population générale. La mortalité et les complications graves sont exceptionnelles.

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2) Le donneur cadavérique :

• Il s’agit d’un sujet en état de mort encéphalique. • Le donneur « idéal » est un donneur avec les caractéristiques suivantes : fonction

rénale normale, pas d’HTA pas de diabète, pas de cancer, pas d’infection virale ou bactérienne, d’âge > 6 ans et < 50 ans, à sérologie négative pour la syphilis, les hépatites, le HIV et l’HTLV. Les contre-indications au prélèvement sont reprises dans le tableau 2. • La pénurie de donneurs a amené à accepter des critères plus larges dits « critères

étendus » (en anglais « Expanded Criteria Donor » ou ECD). Il s’agit de donneurs : - âgés de plus de 60 ans - d’âge situé entre 51 et 59 ans avec deux des facteurs de risque suivants : accident vasculaire cérébral, HTA, créatinine > 130 µmol/l. Le taux de survie du greffon est cependant inférieur avec ces critères étendus.

• Le typage ABO et HLA du donneur est bien sur indispensable • Le prélèvement des deux reins se fait le plus souvent dans le cadre d’un prélèvement

multi-organes (foie, pancréas, cœur …) (fig 10). Chaque rein est greffé à un receveur différent attribué en Tunisie par le CNPTO.

3) La préservation du greffon :

La préservation du greffon est primordiale quelque soit le statut du donneur. Il faut surtout diminuer le temps d’ischémie chaude (rein non perfusé à température ambiante). Idéalement ce temps devrait être nul. Il ne doit pas dépasser 20 minutes car au-delà les taux de retard ou de non reprise de la fonction du rein greffé augmentent significativement. Le rein prélevé est lavé (par perfusion dans l’artère) par une solution de conservation adaptée et refroidi à 4°C. Il existe différentes solutions de conservation : solution UW (Université du Wisconsin), solution de Collins... Il s’agit de solutions dont la composition tend à ressembler au liquide intracellulaire. Elles peuvent renfermer également de l’ATP et/ou des inhibiteurs des radicaux libres. Ces solutions ont pour but de protéger les cellules rénales contre les lésions induites par l’ischémie. Une fois lavé et refroidi à 4°C, le rein est dit « en ischémie froide ». Idéalement le temps d’ischémie froide devrait être inférieur à 30 heures. Dans tous les cas, il ne faut pas dépasser 48 heures car au delà les lésions rénales deviennent irréversibles. Il existe des machines à perfusion qui injectent en continu dans le rein un liquide colloïde froid. Ces machines permettent de porter le délai maximal d’ischémie froide à 72 heures (fig 11). VIII- Le receveur :

1) Buts du bilan chez le receveur : Un bilan étendu est mené chez le receveur. Les buts de ce bilan sont : 1) Établir le diagnostic de la néphropathie causale et son risque de récidive sur le greffon. Ce n’est pas toujours possible malheureusement. 2) Éliminer : une infection active, un risque per-opératoire élevé, un risque de non compliance avec le traitement immunosuppresseur, un cancer actif, des conditions techniques défavorables.

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2) Contre-indications à la greffe chez le receveur : Les contre-indications à la greffe chez le receveur sont : - un âge < 1 an ou > 65 ans - Une glomérulonéphrite chronique active ou un lupus systémique actif sont des contre-indications absolues à la greffe. L’amylose est une contre-indication relative puisque le taux de récidive sur le greffon est de 20 %. - L’existence des pathologies suivantes : cancer évolutif, infection évolutive, insuffisance cardiaque, insuffisance respiratoire, athéromatose diffuse, hépatopathie évolutive, uropathie sévère, infection par le HIV, troubles psychiatriques, toxicomanie, éthylisme. La greffe est par contre possible en cas de cancer traité efficacement chez le receveur mais après un délai variant de 2 à 5 ans en fonction du type de cancer.

3) Bilan et préparation du receveur : Il comprend (et la liste n’est pas exhaustive) : - Un examen clinique complet - NFS, Electrophorèse des protéines plasmatiques (EPP), chimie étendue, bilan d’hémostase, Frottis CV , Rx thorax , ECG , échographie abdominale, protéinurie, recherche de sang dans les selles, Intradermoréaction (IDR), PSA, ECBU … - Sérologie hépatite B et C, syphilis, HIV, CMV - Mammographie (femme), fond d’œil, examen dentaire - Typage ABO et HLA, recherche d’Ac anti HLA (si grossesse, transfusions..) - Des examens plus spécialisés sont indiqués en fonction des cas (explorations cardiaque, respiratoire..) - En cas d’artériopathie des membres inférieurs : écho doppler et/ou angiographie - En cas d’uropathie : UCR, cystoscopie, étude urodynamique.. La préparation du receveur vise à traiter ou équilibrer toute pathologie risquant de se compliquer au cours ou après la greffe et d’améliorer l’état général du receveur : Cure de désintoxication si toxicomanie, arrêt du tabac, traitement d’une obésité, d’une infection, cholécystectomie si lithiase vésiculaire, autres opérations, vaccinations .... Le ou les reins natifs seront enlevés (néphrectomie) en cas de tumeur, de lithiase rénale, d’infections récidivantes, de protéinurie importante, de polykystose ou d’hydronéphrose. IX- La transplantation : Elle se fait dans la fosse iliaque en extra-péritonéal. Une large incision iliaque permet de libérer les vaisseaux iliaques et de préparer une loge extra-péritonéale pour le greffon (fig 12). L’artère et la veine rénale sont anastomosés aux vaisseaux iliaques, parfois à leurs collatérales. L’artère rénale est généralement anastomosée en termino-latéral avec l’artère iliaque externe ou en termino-terminal avec l’artère hypogastrique. La veine rénale est généralement anastomosée en termino-latéral avec la veine iliaque externe (fig 13). L’uretère est réimplanté dans la vessie avec une technique anti-reflux (fig 14). X- Le traitement immunosuppresseur : C’est l’apparition du traitement immunosuppresseur qui a permis le succès de la greffe allogénique en permettant d’éviter et/ou de traiter le rejet de greffe. Il existe de multiples drogues et de multiples protocoles. Il y’a trois types de traitements : un traitement d’induction, un traitement de maintenance et un traitement du rejet aigu.

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1) Les drogues :

a) Les corticoïdes : - Ils restent essentiels dans le traitement immunosuppresseur. - Ils font partie du traitement d’induction (à forte dose), du traitement de maintenance (à faible dose) et du traitement du rejet aigu (en bolus). - Ils agissent en intracellulaire en inhibant la transcription des gènes des cytokines, à l’origine de leur action immunosuppressive. - Ils posent souvent le problème de leurs effets secondaires : diabète, œdèmes, ostéonécrose, ostéoporose, ulcère, arrêt de la croissance, hypokaliémie, troubles psychiques, infections….

b) Les inhibiteurs de la calcineurine :

- Il s’agit de la ciclosporine (Sandimmun®) et du tacrolimus (ancien FK506, Prograf®). - La ciclosporine est un petit peptide d’origine fungique alors que le tacrolimus est un macrolide isolé de streptomyces spp. - Les inhibiteurs de la calcineurine font partie du traitement de maintenance. - Ils se fixent à des récepteurs intracellulaires → inhibent calcineurine → inhibent transcription cytokine (IL2) → inhibition sélective et réversible lymphocytes T. - Effets secondaires : néphrotoxicité +++ (dose dépendante mais irréversible), HTA, hypercholestérolémie, diabète et neurotoxicité (tacrolimus), alopécie (tacrolimus), hirsutisme et hyperplasie gingivale (ciclosporine) La néphrotoxicité dose dépendante impose souvent des dosages des taux sanguins de ces drogues. - Attentions aux interactions médicamenteuses ++ (surtout avec les médicaments agissant sur le cytochrome P450)

c) Les inhibiteurs de la synthèse des purines : - Il s’agit de l’azathioprine (Imurel®) et surtout du MMF (Mycophénolate Mofétil = Cellcept®). - Le MMF est plus spécifique et moins toxique et donc préférable. - Les inhibiteurs de la synthèse des purines font partie du traitement de maintenance. - Ils agissent en bloquant la prolifération des lymphocytes T par inhibition de la synthèse d’ADN. - Effets secondaires: toxicité hématologique (leucopénie, thrombopénie), hépatique (rare), digestive, infections virales ++

d) Les anticorps : - Il peut s’agir d’anticorps polyclonaux comme la thymoglobuline ou monoclonaux comme l’OKT3 (Muromonab®). - Ils font partie du traitement d’induction et du traitement du rejet aigu. - Ils agissent en se fixant sur les lymphocytes T → modulation/élimination des lymphocytes T circulants. - Effets secondaires: syndrome pseudogrippal, réaction anaphylactique (thymoglobuline), respiratoires : dyspnée, œdème lésionnel (OKT3).

2) Schémas thérapeutiques : Il existe de multiples protocoles mais schématiquement : - Le traitement d’induction associe des corticoïdes à forte dose et des anticorps - Le traitement de maintenance associe : un inhibiteur de la calcineurine + un corticoïde + un inhibiteur de la synthèse des purines. Le traitement est progressivement réduit par la suite. - Le traitement du rejet aigu associe des corticoïdes en bolus et des anticorps. Le traitement médical ne se limite pas au traitement immunosuppresseur mais peut aussi associer divers médicaments: bactrim® (prévention infection urinaire et pneumocystose), antifungiques, antiviraux, antiH2…

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XI- Les complications de la transplantation :

1) La non reprise immédiate de la fonction du greffon : Elle est due le plus souvent à une nécrose tubulaire aiguë causée par l’ischémie ++. La fonction du greffon revient dans un délai variable de quelques jours à 3 semaines. Le diagnostic différentiel se pose souvent avec les autres complications (vasculaires, urologiques, rejet hyper aigu, néphrotoxicité des médicaments…)

2) Le rejet : Le rejet hyper aigu est exceptionnel de nos jours grâce au respect de la compatibilité ABO et au cross-match sérum receveur/lymphocytes donneur. Le rejet accéléré est rare et difficile à contrôler. Le rejet aigu doit être reconnu précocement car le pronostic dépend de la rapidité du traitement. Il peut se manifester par une fièvre, une sensibilité et une augmentation du volume du greffon et une altération de la fonction rénale. Le diagnostic repose sur la biopsie rénale ++. Le traitement associe des corticoïdes en bolus et des anticorps et il est souvent efficace quand il est précoce.

3) Les complications vasculaires : - La thrombose artérielle : rare, due à une lésion de l’intima. Le traitement repose sur la thrombolyse ou la chirurgie avec un faible taux de succès, amenant souvent à une néphrectomie… - La thrombose veineuse : rare, liée à une prédisposition aux thromboses. Elle se manifeste par une sensibilité et un œdème du greffon avec un risque de rupture du rein. Le traitement est chirurgical - La sténose de l’artère rénale : causée par un défaut technique dans l’anastomose. Elle se manifeste par une HTA et une diminution de la fonction du greffon. Le traitement repose sur l’angioplastie ou la chirurgie

4) Les collections : - Il s’agit le plus souvent de lymphocèles +++. Si le lymphocèle est compressif, le traitement est chirurgical par marsupialisation. - Plus rarement c’est une collection de pus, d’urine ou de sang. Le traitement repose sur le drainage et/ou l’exploration chirurgicale.

5) Les complications urologiques :

- Les fistules urinaires ++ : d’origine urétérale le plus souvent (nécrose, défaut technique). Le traitement est chirurgical, parfois percutané (drainage du rein). - Les sténoses urétérales : en rapport avec un défaut technique ou parfois un rejet. Leur traitement est percutané (dilatation) ou chirurgical. - Le reflux vésico-rénal: s’il se complique d’infections récidivantes, il peut imposer une reprise chirurgicale. - Les lithiases sur greffon : il peut s’agir de lithiases préexistantes à la greffe passées inaperçues ou acquises. Le traitement est similaire au traitement des lithiases sur rein natif (LEC, endoscopie, percutané, chirurgie).

6) La néphrotoxicité du traitement immunosuppresseur : C’est un problème assez fréquent qui impose l’adaptation des doses grâce aux dosages sanguins, voire le changement du traitement…

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7) Les infections : L’immunosuppression expose aux infections. Il peut s’agir de : - Infections bactériennes : infections urinaires +++ (très fréquentes, imposent d’éliminer une uropathie), pneumonies ++, abcès paroi, infections à mycobactéries… - Infections virales : CMV +++, herpes, hépatite, polyomavirus (BK virus), parvovirus ... - Infections fungiques : candidoses, cryptococcose, aspergillose, histoplasmose… pneumocystose +++ (pneumocystis carinii) - Infections parasitaires

8) Les cancers : Leur fréquence est augmentée par l’immunosuppression et parfois par l’association d’une infection virale. Il peut s’agir de cancers cutanés, de lymphomes malin non hodgkiniens, de sarcome de Kaposi, de cancer du rein, de cancers du col utérin, de cancer de la vulve ….

9) Le « rejet chronique » ou néphropathie chronique de l’allogreffe : C’est un véritable vieillissement accéléré du rein qui est secondaire à des mécanismes immunologiques et non immunologiques. Il se manifeste par une dégradation progressive de la fonction rénale. Le diagnostic est fait par la biopsie rénale qui montre des lésions de fibrose interstitielle et de vasculopathie. Le traitement repose surtout sur les corticoïdes et il est peu efficace… 10) Les autres complications : Le diabète, l’HTA et l’hyperlipidémie sont des complications du traitement immunosuppresseur (surtout les corticoïdes). Ce traitement peut aussi entrainer d’autres complications : ostéoporose, atteinte neurologique, atteinte hépatique … Les maladies cardiovasculaires sont en fait la principale cause de morbidité et de mortalité chez le greffé du rein. Elles sont causées par l’athérosclérose qui est ici d’étiologie multifactorielle… La récurrence de la néphropathie initiale peut se voir sur le greffon, surtout quand le diagnostic n’a pas été fait avant la greffe. La grossesse est possible et est permise au moins deux ans après la greffe en l’absence d’HTA ou d’altération de la fonction rénale. C’est cependant une grossesse à risques : éclampsie, rejet, avortement, prématurité, hypotrophie fœtale… XII- Les résultats de la transplantation : - Survie du greffon à 1 an : 95 % pour le donneur vivant et 90 % pour le rein de cadavre. - Survie du greffon à 5 ans : 80 % pour le donneur vivant et 60 % pour le rein de cadavre. - 50 % des greffés finirons par mourir (de maladie cardiovasculaire surtout++) avec un rein toujours fonctionnel. 50 % des greffés présenterons une dysfonction du greffon (60 % par rejet chronique 40 % dysfonction d’autre cause : néphrotoxicité ...). - En Tunisie : la survie du greffon est à 80 % à 5 ans et 70 % à 10 ans. XIII- Conclusion : La transplantation rénale représente le meilleur traitement de l’IRC. Elle présente de bons résultats avec notamment de bons taux de survie au prix d’un traitement immunosuppresseur prolongé et de certaines complications.