La transplantation intestinale - Inserm

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L a transplantation intestinale a connu un développement différent de celui des autres transplantations d’organes [1, 2]. Cette situation est liée aux caractéristiques immunologiques et bactériologiques de l’intestin grêle et à la qualité des résultats cliniques obtenus grâce à la thérapeutique de substitution que constitue la nutri- tion parentérale dans les situations d’« insuffisance intestinale ». L’intestin grêle est un organe com- plexe possédant de multiples fonc- tions : sécrétion, digestion-absorption, motricité. En outre, il présente cer- taines spécificités : la présence d’une flore bactérienne intraluminale abon- dante, source possible de complica- tions infectieuses par translocation bactérienne, une grande richesse en cellules immuno-compétentes situées au niveau de la lamina propria, ainsi que des plaques de Peyer et des gan- glions mésentériques. Ces propriétés font de l’intestin grêle un véritable organe lymphoïde susceptible de déterminer à la fois une réaction du greffon contre l’hôte (graft versus host, GvH) et d’être, plus que tout autre organe, la cible d’une réaction de rejet. La nutrition parentérale, développée depuis 25 ans, a permis la prise en charge de nombreux patients présen- tant des affections digestives graves [3]. La qualité de la nutrition paren- térale, même lorsqu’elle est prolon- gée, ne justifie pas d’envisager la transplantation intestinale de façon 323 La transplantation intestinale L’intestin est un organe complexe dont la transplantation a connu un développement moins important que celle d’autres organes. La qualité de la nutrition parentérale – thérapeutique de l’insuffisance intestinale – rend compte de cette situation. Les résultats actuels de la transplantation intestinale, nettement améliorés depuis l’utilisation du FK-506, justifient d’envisager plus largement cette théra- peutique. L’analyse de la survie actuarielle des greffons après transplantation intestinale, d’après les données du registre international, doit tenir compte des différences dans les protocoles thérapeutiques utilisés par les équipes. Elle atteint 60 % à quatre ans chez l’enfant, dans l’équipe qui en a la plus grande expérience. La transplantation intes- tinale ne peut être envisagée qu’en cas de complications vasculaires, métaboliques ou hépatiques limitant la pour- suite de la nutrition parentérale. La transplantation combi- née du foie et de l’intestin grêle est indiquée en cas d’hépa- topathie mettant en jeu le pronostic vital. ADRESSES O. Goulet : professeur des universités, praticien hospitalier. Service de gastroentérologie pédiatrique. D. Jan : professeur des universités, praticien hospitalier, service de chirurgie vis- cérale. N. Brousse : professeur des universités, praticien hospitalier. D. Canioni : maître de conférences des universités, praticien hospitalier. Service d’anatomie pathologique. S. Sar- nacki : assistante. Service de chirurgie viscé- rale. C. Ricour : professeur des universités, pra- ticien hospitalier, service de gastroentérologie pédiatrique. Y. Révillon : professeur des uni- versités, praticien hospitalier. Service de chirur- gie viscérale, hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris Cedex 15, France. SYNTHÈSE médecine/sciences 1997 ; 13 : 323-34 m/s n° 3, vol. 13, mars 97 Olivier Goulet Dominique Jan Nicole Brousse Danielle Canioni Sabine Sarnacki Claude Ricour Yann Révillon

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La transplantation intestinale aconnu un développementdifférent de celui des autrestransplantations d’organes[1, 2]. Cette situation est liée

aux caractéristiques immunologiqueset bactériologiques de l’intestin grêleet à la qualité des résultats cliniquesobtenus grâce à la thérapeutique desubstitution que constitue la nutri-tion parentérale dans les situationsd’« insuffisance intestinale ». L’intestin grêle est un organe com-plexe possédant de multiples fonc-tions : sécrétion, digestion-absorption,motricité. En outre, il présente cer-taines spécificités : la présence d’uneflore bactérienne intraluminale abon-dante, source possible de complica-tions infectieuses par translocation

bactérienne, une grande richesse encellules immuno-compétentes situéesau niveau de la lamina propria, ainsique des plaques de Peyer et des gan-glions mésentériques. Ces propriétésfont de l’intestin grêle un véritableorgane lymphoïde susceptible dedéterminer à la fois une réaction dugreffon contre l’hôte (graft versus host,GvH) et d’être, plus que tout autreorgane, la cible d’une réaction derejet.La nutrition parentérale, développéedepuis 25 ans, a permis la prise encharge de nombreux patients présen-tant des affections digestives graves[3]. La qualité de la nutrition paren-térale, même lorsqu’elle est prolon-gée, ne justifie pas d’envisager latransplantation intestinale de façon

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La transplantation intestinale

L’intestin est un organe complexe dont la transplantation aconnu un développement moins important que celled’autres organes. La qualité de la nutrition parentérale –thérapeutique de l’insuffisance intestinale – rend comptede cette situation. Les résultats actuels de la transplantationintestinale, nettement améliorés depuis l’utilisation duFK-506, justifient d’envisager plus largement cette théra-peutique. L’analyse de la survie actuarielle des greffonsaprès transplantation intestinale, d’après les données duregistre international, doit tenir compte des différencesdans les protocoles thérapeutiques utilisés par les équipes.Elle atteint 60 % à quatre ans chez l’enfant, dans l’équipequi en a la plus grande expérience. La transplantation intes-tinale ne peut être envisagée qu’en cas de complicationsvasculaires, métaboliques ou hépatiques limitant la pour-suite de la nutrition parentérale. La transplantation combi-née du foie et de l’intestin grêle est indiquée en cas d’hépa-topathie mettant en jeu le pronostic vital.

ADRESSESO. Goulet : professeur des universités, praticienhospitalier. Service de gastroentérologiepédiatrique. D. Jan : professeur des universités,praticien hospitalier, service de chirurgie vis-cérale. N. Brousse : professeur des universités,praticien hospitalier. D. Canioni : maître deconférences des universités, praticien hospitalier.Service d’anatomie pathologique. S. Sar-nacki : assistante. Service de chirurgie viscé-rale. C. Ricour : professeur des universités, pra-ticien hospitalier, service de gastroentérologiepédiatrique. Y. Révillon : professeur des uni-versités, praticien hospitalier. Service de chirur-gie viscérale, hôpital Necker-EnfantsMalades, 149, rue de Sèvres, 75743 ParisCedex 15, France.

SYNTHÈSEmédecine/sciences 1997 ; 13 : 323-34

m/s n° 3, vol. 13, mars 97

Olivier GouletDominique JanNicole BrousseDanielle CanioniSabine SarnackiClaude RicourYann Révillon

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prioritaire. De plus, il est souvent dif-ficile d’affirmer le caractère définitifde la dépendance vis-à-vis d’unenutrition parentérale.Ces deux facteurs n’ont cependantpas empêché le développement decette transplantation qui s’est nette-ment accéléré durant ces cinq der-nières années. L’analyse de la situa-tion actuelle nécessite un bref rappelchronologique des principales phasesde la transplantation intestinale.

Historiquede la transplantationintestinale

Les premières transplantations del’intestin grêle ont été réalisées, chezl’animal, au début du siècle parAlexis Carrel. Il précisait dès cetteépoque que l’application cliniqued’une telle transplantation dépen-drait de la possibilité de contrôler lesphénomènes de rejet. En 1959, lestravaux de Lillehei et al. [4] chez lechien ont permis de montrer la sur-vie et la fonction de l’intestin grêleautotransplanté après quatre heuresde conservation hypothermique.Dans les années 1960, les cliniciens,confrontés au problème de la priseen charge thérapeutique après résec-tion étendue de l’intestin grêle,entreprirent les premières transplan-tations intestinales et perçurent leslimites de cette thérapeutique. Septtransplantations ont alors été réali-sées en utilisant un traitement immu-nosuppresseur associant corticoïdes,sérum antilymphocytaire et azathio-prine [2]. Les suites ont été domi-nées par des complications liées aurejet et à l’infection. La survie la pluslongue a été de 76 jours chez unefemme qui avait reçu un greffonHLA identique [5]. Durant la décen-nie suivante, l’intérêt porté à cettetransplantation a transitoirementdiminué, faisant place au développe-ment de la nutrition parentérale.L’apparition de la ciclosporine A, audébut des années 1980, a constituéun progrès décisif pour les transplan-tations hépatique et cardiaque.L’allotransplantation intestinaleexpérimentale a permis de montrerl’efficacité de la ciclosporine, admi-nistrée par voie intramusculaire chezle chien et intraveineuse chez le por-celet, dans la prévention du rejetet/ou le contrôle de la GvH [2, 6, 7].

Les résultats expérimentaux et la per-ception des limites de la nutritionparentérale prolongée ont conduit àaborder une nouvelle phase clinique.Cependant, les premiers résultats entransplantation isolée de l’intestingrêle sous ciclosporine ont été déce-vants ne permettant qu’à un seuladulte et un seul enfant d’être dura-blement autonomes grâce à leur gref-fon intestinal [8, 9].Deux événements importants sontsurvenus depuis 1990. Le premier estdû à D. Grant et al. qui transplantè-rent simultanément et en « mono-bloc » le foie et le grêle chez unefemme de 41 ans ayant subi unerésection étendue de l’intestin grêleen raison d’une thrombose mésenté-rique liée à un déficit en antithrom-bine III [10]. Cette patiente, traitéepar corticoïdes et ciclosporine, a sur-vécu plusieurs années. La réalisationde transplantations combinées dufoie et de l’intestin grêle est devenue,depuis, l’unique thérapeutique chezles patients, en particulier à l’âgepédiatrique, ayant développé une cir-rhose terminale alors même qu’ilsrestent dépendants d’une nutritionparentérale.En outre, l’utilisation, dès 1990 parl’équipe de T. Starzl à Pittsburgh(MA, USA), d’un nouvel immuno-suppresseur de la famille des macro-lides, le tacrolimus ou FK506, a per-mis une survie prolongée aprèstransplantation isolée de l’intestingrêle [11].

Résultats cliniquesactuels

Le registre international de la trans-plantation intestinale permet d’analy-ser les résultats cliniques [12]. Depuis1985, plus de 180 transplantationsintestinales ont été réalisées dans lemonde, essentiellement aux États-Unis, en France et au Canada. Envi-ron les deux tiers des receveursavaient moins de 20 ans (moins de5 ans, 46 % et 5-20 ans, 18 %). Il s’agitde transplantations isolées de l’intes-tin grêle (TIG) avec ou sans le côlon(38 %), de transplantations combi-nées foie-grêle (TFG) (46 %) ou detransplantations multiviscérales(TMV) (16 %) incluant l’estomac, lepancréas, le foie et l’intestin grêle.Les principales indications sont unsyndrome d’intestin grêle court

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(64 %), une diarrhée grave rebelle(13 %), une tumeur abdominale(13 %), un syndrome de pseudo-obs-truction intestinale chronique (8 %).Globalement, 51 % des patients survi-vent deux ans après la transplanta-tion. Les décès sont principalementliés à des infections (42 %), desdéfaillances multiviscérales (30 %) oudes lymphomes (11 %). Parmi les sur-vivants, 80 % des patients ont un gref-fon intestinal fonctionnel et sontsevrés de toute nutrition parentérale. La survie des patients et des greffonsdépend du type de traitement immu-nosuppresseur, ciclosporine ou FK506(Tableau I). Pour les transplantationsisolées de l’intestin grêle, la survie de68 greffons, 49 sous FK 506 et 20 sousciclosporine, est à 1 an respectivementde 60 % et 17 % (p < 0,001).Ces résultats doivent être interprétésavec prudence car ils concernent les10 premières années de la transplan-tation intestinale à travers l’expé-rience d’un grand nombre de cen-tres, sous des protocoles d’immuno-suppression très différents, et hors detoute étude contrôlée avec échan-tillonnage aléatoire (randomisée).Les résultats des principaux centresreflètent mieux la situation actuelle.Dans la série rapportée par l’équipe dePittsburgh, la survie actuarielle despatients à 18mois est de 62% pour lestransplantations foie-grêle, 64% pourles transplantations de l’intestin grêleet 86% pour les transplantations multi-viscérales [13]. Leurs plus récentsrésultats concernent 37enfants trans-plantés, 27 associant foie et intestingrêle et 10 de l’intestin grêle seul, etfont état respectivement de 40 % et

60% de survies des patients à quatreans [14]. Vingt-six transplantations,17associant foie et intestin grêle et 9de l’intestin grêle seul, ont été réaliséeschez l’enfant par l’équipe d’Omahaavec des survies respectives de patientsà un an de 73% et 100% [15]. Seulesquatre transplantations intestinalesintrafamiliales ont été réalisées durantcette période. Ce très petit nombrecontraste avec la relative simplicité dece type de transplantation et s’expliqueprobablement par les très médiocresrésultats observés à la phase initialesous ciclosporine. La survie après trans-plantation intrafamiliale est difficile àcomparer à celle suivant les transplan-tations avec des intestins de cadavre.Un certain nombre de donnéesimportantes peuvent être dégagéesdes premières transplantations del’intestin grêle réalisées durant cesdix dernières années initialementsous ciclosporine puis actuellementsous FK 506.

Modalitésde la transplantationintestinale

Phase prétransplantation

• Prélèvement et conservation de l’intestinLa plupart des greffons intestinauxsont prélevés chez des sujets adultesou enfants en état de mort cérébrale.L’identité dans le groupe ABO estnécessaire. Il n’est guère possibled’exiger une compatibilité dans lesgroupes HLA pour des raisons essen-tiellement logistiques liées à la tolé-rance des greffons à l’ischémie.Cependant, la plus longue survie

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Tableau I

SURVIE DES GREFFONS ET DES PATIENTS À UN ET TROIS ANSAPRÈS TRANSPLANTATION, D’APRÈS LES DONNÉES DU REGISTRE

INTERNATIONAL POUR LA PÉRIODE 1985-1995 [12]

Type Traitement Nombre Survie (%) Survie (%)de transplantation immuno- greffons/ greffons/

suppresseur patients à 1 an patients à 3 ans

Grêle Tacrolimus 49 60/83 30/47Grêle Ciclosporine 20 17/57 11/50Foie + grêle Tacrolimus 65 60/66 40/40Foie + grêle Ciclosporine 18 44/44 28/28Multiviscérale Tacrolimus 17 59/59 43/43Multiviscérale Ciclosporine 11 41/41 41/41

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avant l’avènement de la ciclosporinea été observée au décours d’unetransplantation intrafamiliale [5].Depuis, plusieurs transplantationsintrafamiliales ont été réalisées [8,16]. Actuellement, seule la négativitédu cross-match est exigée, dans le butde prévenir la survenue de rejets sur-aigus.Les travaux expérimentaux ont per-mis d’étudier la conservation hypo-thermique de l’intestin grêle dansdes solutions comme le Ringer oul’Eurocollins [2], avec une préserva-tion satisfaisante de la morphologieet des activités enzymatiques intesti-nales après huit heures d’ischémiefroide. L’ischémie du greffon intesti-nal majore le risque de translocationbactérienne par rupture de la bar-rière muqueuse et augmente lerisque de rejet précoce [17, 18]. Lesméthodes de prélèvement et deconservation permettent actuelle-ment une préservation optimale desgreffons intestinaux. La solution del’université du Wisconsin plus oumoins modifiée est la plus utilisée[19]. Au plan chirurgical, les tech-niques de prélèvement varient selonles équipes, en fonction des condi-tions de l’intervention et de la néces-sité de prélever l’intestin grêle isolé-ment ou avec le foie et d’autresorganes intra-abdominaux. Le lavageintraluminal du greffon intestinal,ayant en particulier pour objectif dele décontaminer, n’est pas pratiquépar toutes les équipes [1, 11]. Lors-que le receveur a subi une résectionétendue de l’intestin grêle, le volumeréduit de la cavité abdominaleimpose d’utiliser des greffons issus dedonneurs ayant un poids corporelnettement inférieur à celui du rece-veur. La longueur d’intestin grêlepeut d’autre part être réduite enfonction de la taille de la cavité abdo-minale. Dans de nombreux cas, latotalité de l’intestin grêle a été trans-plantée [13, 14]. Il n’a pas été mon-tré que le rejet et/ou la GvH étaientplus fréquents si l’iléon était trans-planté. La transplantation d’un seg-ment iléal a un intérêt fonctionnelévident.

• Aspects immunologiquesCompte tenu de l’importance despopulations de cellules immunocom-pétentes au sein du greffon, la plu-part des travaux expérimentaux se

sont focalisés sur la prévention de laGvH. En utilisant des combinaisonssemi-allogéniques chez le rat, il a étémontré que la GvH peut être préve-nue par le traitement immunosup-presseur, l’exérèse des ganglionsmésentériques ou par l’irradiation dugreffon [7]. Cette dernière est impos-sible à réaliser en transplantationhumaine.Les cellules dendritiques, et l’expres-sion naturelle des antigènes d’histo-compatibilité de classe II au niveaudes entérocytes des cryptes rendentcompte de l’immunogénicité du gref-fon et du risque élevé de réaction derejet. L’utilisation, en prétraitementdu greffon, d’anticorps monoclo-naux anticlasse II ou antileucocytes,comme cela avait été proposé entransplantation rénale, pourrait dimi-nuer l’antigénicité du greffon et aug-menter sa tolérance [22, 23]. La per-fusion ex vivo d’intestins de rats dansles 24 heures précédant la greffe avecun anticorps spécifique des cellulesdendritiques et des macrophages etun anticorps dirigé contre les anti-gènes HLA-DR a permis un allonge-ment de la survie des greffons. Mal-gré ces résultats, une telle perfusionex vivo ne peut être envisagée chezl’homme.

Intervention chirurgicale

En cas de transplantation isolée del’intestin grêle, l’anastomose de laveine mésentérique dans le systèmeporte a des avantages physiologiqueset probablement immunologiques[2]. Cependant, lorsqu’il y a eu résec-tion étendue de l’intestin grêle, lepédicule mésentérique du receveurpeut être difficile à disséquer ouencore, du fait de son calibre réduit,il peut être exposé à une thrombosede la veine mésentérique. Des anasto-moses vasculaires hétérotopiquessont alors réalisées, d’une part, entrela veine mésentérique et une veineiliaque ou la portion initiale de laveine cave inférieure et, d’autre part,entre l’artère mésentérique supérieureet l’aorte sous-rénale (figure 1A). En cas de transplantation combinéedu foie et de l’intestin grêle, lesorganes prélevés en bloc sont reliéspar le pédicule portal et comportentun segment aortique comprenant letronc cœliaque et l’artère mésenté-rique supérieure. Le tronc porte du

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receveur est anastomosé latéralementsur la veine porte du bloc trans-planté. Le segment aortique est ana-stomosé dans la portion sous rénalede l’aorte du receveur [20]. L’anasto-mose biliaire est cholédoco-cholé-docienne ou bilio-digestive (anse deRoux en Y) (figure 1B).Les anastomoses digestives fontl’objet de nombreuses variantes.Deux principes doivent être respec-tés : (1) l’extériorisation du greffonau niveau d’une entérostomie per-met sa vision et un accès facile pourréaliser endoscopies et biopsies ;deux entérostomies sont parfois pra-tiquées, proximale selon un montage

de type Bishop Koop et distale, ter-minale ; (2) l’irrigation permanentedu greffon par les sécrétions diges-tives gastrique et biliopancréatiqueprévient la stase intraluminale,source de pullulation et de transloca-tion bactérienne [24, 25]. Elle per-met, en outre, l’utilisation précocedes greffons si un rejet évolutif ne lacontre-indique pas.La transplantation simultanée ducôlon est parfois nécessaire. Elle esttechniquement possible mais exposeà des risques infectieux liés à la florecolique [26]. Il est préférable de limi-ter la transplantation colique aucæcum et au côlon ascendant.

Immunosuppressionet traitements associés

• Traitement immunosuppresseurLes traitements immunosuppresseursont considérablement évolué aucours des dix premières années dedéveloppement de la transplantationintestinale. Initialement fondée sur laciclosporine, cette immunosuppres-sion n’a pas transformé l’évolutionde la transplantation intestinalecomme ce fut le cas en transplanta-tion cardiaque ou hépatique. Elle adonc été remplacée pour toutes leséquipes par le FK506 ou tacrolimus(Prograf®).

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Tronc porte receveur

Artère mésentérique greffon

Veine mésentériquesupérieure

receveur

donneur

Pancréas

Iléostomie

Artère mésentérique

supérieure

Veine mésentérique

supérieure

Voies biliaires

Estomac

Foie

Veine porte

Anastomoseduodénojéjunale

Aorte

Tronc cœliaque greffon

Aorte receveur

Anastomose bilio-digestive

Anastomose veine cave inférieuresuprahépatique-veine cave inférieure

Tronc porte donneur

A BFigure 1. Transplantation intestinale : protocole chirurgical. A : transplantation isolée de l’intestin grêle. Les anasto-moses vasculaires concernent la veine mésentérique supérieure du greffon et la veine porte du receveur, l’artèremésentérique supérieure du greffon et l’aorte du receveur. L’anastomose digestive proximale est duodéno-jéjunaleou jéjuno-jéjunale, avec iléostomie. L’anastomose iléo-colique n’est pas toujours réalisée à la phase initiale. Unevariante (encart) fait anastomoser entre elles les veines mésentériques supérieures du greffon et du receveur.B : greffon hépato-intestinal. Les organes prélevés en bloc sont reliés par le pédicule portal et comportent un seg-ment aortique comprenant le tronc cœliaque et l’artère mésentérique supérieure. Le tronc porte du receveur est ana-stomosé latéralement sur la veine porte du bloc transplanté. Le segment aortique du greffon donnant naissance àl’artère mésentérique supérieure et au tronc cœliaque est anastomosé à la portion sous-rénale de l’aorte du rece-veur. L’anastomose biliaire est habituellement bilio-digestive (anse de Roux en Y représentée ici).

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Initialement, chez l’homme, le FK506a montré son efficacité dans le traite-ment de rejets multiples et résistantsaux traitements conventionnels. Il aété utilisé comme immunosuppres-seur principal en transplantationhépatique chez l’adulte et chezl’enfant. Les survies d’allogreffes sontsupérieures à celles obtenues sousciclosporine, avec moins d’épisodesde rejet et des doses cumulatives decorticoïdes inférieures [27].Le FK506 est administré en perfusionveineuse continue dès la transplanta-tion, à des doses de 0,05 à 0,1 mg/kg/jour, pour obtenir une concentra-tion de 15 à 20 ng/ml de sang total.Dès la reprise du transit intestinal, leFK506 est administré par voie orale àdes doses de 0,2 à 0,3 mg/kg/jour endeux prises quotidiennes pour main-tenir, au-delà du quinzième jour, desconcentrations sanguines de 10 à15 ng/ml. La méthylprednisolone esttoujours associée selon des modalitésvariables. L’azathioprine est parfoisutilisée, mais souvent remplacée parle mycophénolate. L’efficacité duFK506 et les risques de syndrome lym-phoprolifératif liés à une immunosup-pression trop profonde ont fait aban-donner l’administration d’anticorpsmonoclonaux antiCD3 (OKT3®-Orthoclone®) ou polyclonaux (anti-thymoglobulines) au décours immé-diat de la transplantation.

• Traitement anti-infectieuxCompte tenu de l’importante conta-mination du greffon et des consé-quences de l’ischémie sur lamuqueuse intestinale, une antibio-thérapie systémique à large spectre,non néphrotoxique, est administréeà la phase péri-opératoire. Elle estsystématiquement associée à unedécontamination digestive. Celle-ci,en réduisant la stimulation antigé-nique d’origine bactérienne, pour-rait diminuer le risque de rejet dugreffon intestinal [17]. En cas dedonneur et/ou de receveur conta-miné par le cytomégalovirus (CMV),un traitement par aciclovir est systé-matiquement institué dans la plupartdes équipes [13, 15, 20].

Phase-post-transplantation

• Réaction du greffon contre l’hôteLa réaction du greffon contre l’hôte(GvH) était considérée comme un

risque majeur en raison de l’impor-tance quantitative et qualitative dutissu lymphoïde présent dans l’intes-tin grêle. En transplantation intesti-nale humaine, avec un greffon nonirradié, des études en cytométrie deflux ont permis de montrer que chezdes receveurs, 5 % à 40 % des lym-phocytes circulants provenaient dudonneur au cours des premièressemaines après la transplantation ; onnotait cependant l’absence de toutemanifestation clinique de GvH, [10,28]. En outre, il a été montré chezl’animal, et plus récemment chezl’homme [28], que la tolérance de lagreffe s’accompagnait du repeuple-ment du greffon par des cellules pro-venant du receveur. Des manifesta-tions cliniques de GvH, d’évolutiontoujours favorable, n’ont étéqu’exceptionnellement rapportéesau décours de transplantations com-binées du foie-grêle [10, 29, 32].Dans notre expérience de transplan-tation isolée de l’intestin grêle, enl’absence de signe clinique ou biolo-gique de GvH, l’existence de quel-ques glandes coliques isolées, nécro-tiques, entourées par un infiltratlymphoïde T, témoignait d’une GvHintestinale discrète chez deux enfantsau dizième jour après la transplanta-tion [30]. La GvH ne doit donc pasêtre considérée comme une compli-cation grave dans les limites d’unetransplantation intestinale.

• Rejet de greffe intestinaleUne immunosuppression précoce etlarge ne permet pas toujours de pré-venir un rejet aigu précoce ouretardé après deux à six mois. Sarapidité d’installation et sa gravité,qui peuvent compromettre le pronos-tic vital, justifient la recherche d’unrejet par des biopsies itératives quisont d’autant plus faciles à réaliserque l’extrémité distale du greffon estaccessible par l’entérostomie. Lessignes cliniques de rejet sont d’appa-rition tardive par rapport aux signesimmunohistochimiques ; le plus pré-coce est l’augmentation du débitd’iléostomie, alors que fièvre, dou-leurs abdominales et modificationsde l’aspect de l’entérostomie sontretardées et inconstantes, témoi-gnant déjà d’un rejet évolué et delésions histologiques importantes.Les biopsies de la muqueuse du gref-fon sont réalisées à la pince à succion

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d’H. Noblett ou au cours d’une endo-scopie. Lorsque cette dernière meten évidence des lésions, elles corres-pondent à un rejet déjà évolué [31].Les toutes premières modificationsliées au rejet ne sont observées quesur des biopsies et par des techniquesimmunohistochimiques (figure 2A)[30, 32]. Les lésions sont strictementlocalisées à la muqueuse et se carac-térisent par la majoration de l’infil-trat lymphocytaire du chorion dont lesiège péricryptique est particulière-ment évocateur de rejet. L’identifica-tion des cellules composant cet infil-trat (CD4+, CD8+) est associée à larecherche de cellules T activées, acti-vation dont témoigne la synthèse durécepteur de l’interleukine 2 (CD25) ;l’expression des molécules HLA-DRsur les entérocytes des cryptes,témoigne de la sécrétion accrued’interféron γ par les cellules T acti-vées. L’infiltration par des macro-phages (CD68+, CD25+), la baisse durenouvellement des cellules entérocy-taires et les altérations des activitésenzymatiques de la bordure en brosseentérocytaire (saccharase, phospha-tases alcalines) constituent égalementdes signes précoces de rejet, maismoins spécifiques. Une nécrosefocale des entérocytes des cryptes etun œdème villositaire, détectés deuxà cinq jours après les premières modi-fications immunohistochimiques,sont les premières lésions morpholo-giques du rejet [32, 33].

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Figure 2. Images histologiques d’unebiopsie du greffon intestinal aucours du rejet aigu. A : iléon en coursde rejet à J13 post-transplantation. Ilfaut noter l’atrophie villositaire etl’infiltration par les lymphocytes T.B : même greffon après 48 h de trai-tement par méthylprednisolone àfortes doses. Les signes initiaux sontmajorés. C : même greffon après 48 hde traitement par le sérum antilym-phocytaire. On peut noter la régres-sion de l’infiltration lymphocytaire.(Clichés Dr N. Cerf-Bensussan.)

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Le rejet aigu est traité par l’augmen-tation des doses afin d’obtenir uneélévation de la concentration san-guine de FK506 et, si nécessaire, unbolus de méthylprednisolone troisjours de suite. La persistance oul’aggravation du rejet nécessitel’administration de sérum antilym-phocytaire ou d’anticorps anti-CD3.Un traitement approprié peut rapi-dement contrôler l’évolution decelui-ci. Le nombre des cellules CD3+

et CD25+ du chorion diminue et lesentérocytes des cryptes synthétisentde nouveau le Ki67, marqueur descellules en mitose. L’expression desantigènes HLA-DR sur les entérocytesdes cryptes disparaît quant à elle,plus lentement. En l’absence d’untraitement immunosuppresseur effi-cace, l’infiltration du chorion par descellules T et des macrophages CD68+

activés augmente rapidement. Paral-lèlement, la nécrose des cryptesdevient plus importante et s’associe àun élargissement des villosités intesti-nales (figure 2BC). Des polynucléairess’accumulent dans la lumière desvaisseaux de la sous-muqueuse puisinfiltrent le chorion et enfin lalumière des cryptes. Dans les cas lesplus sévères, l’atrophie villositaire esttotale et les structures épithéliales dela muqueuse sont totalementdétruites et remplacées par un infil-trat constitué de lymphocytes, demacrophages activés, et de polynu-cléaires [32, 33]. Malgré la sévéritéde ces lésions, une restitution ad inte-grum de la muqueuse peut être obser-vée en quelques semaines [32].La distribution irrégulière des lésionshistologiques de rejet a conduit àproposer de nombreuses méthodesdiagnostiques : tests d’absorptionintestinale, mesure de l’acide hyalu-ronique ou cytologie de l’effluent dugreffon, mesure de l’activité élec-trique de l’intestin transplanté, oudivers dosages biologiques tels quel’activité procoagulante du sérum oules taux sériques de N-acétyl hexosa-minidase. En dehors des études deperméabilité intestinale, dont la fiabi-lité n’est pas totale, et plus récem-ment des scintigraphies avec des leu-cocytes marqués au technetium99

[34], il n’existe, en fait, pas de testfacilement réalisable renseignant surl’état et/ou la fonction de l’ensembledu greffon. Cela justifie la pratiquede biopsies répétées aux extrémités

proximale et distale du greffon auxfins d’analyse histologique et surtoutimmunohistochimique.Le rejet subaigu prolongé ou chro-nique d’allogreffe intestinale se mani-feste cliniquement par des douleursabdominales, des signes de malab-sorption (diarrhée, entéropathieexsudative) et des troubles de lamotricité intestinale pouvant aboutirà un véritable syndrome occlusif. His-tologiquement, il s’accompagned’une atrophie villositaire totale, asso-ciée à des anomalies de l’épithéliumde surface, d’une fibrose de lamuqueuse, de la sous-muqueuse etdes couches musculaires, ainsi qued’une fibrose intimale des vaisseauxsous-muqueux (figure 3) [32, 33, 35].L’épithélium, le chorion, la sous-muqueuse et les couches musculairessont infiltrés par des cellules lym-phoïdes, surtout CD8+, et des macro-phages [32]. La présence de quelquescellules mononucléées CD25+ etl’expression intense des antigènesHLA-DR sur l’épithélium reflètentl’activation persistante des cellules Tinfiltrant le greffon. L’importantesynthèse du Ki67 par les entérocytesdes cryptes et la présence inhabituelled’entérocytes de surface synthétisantle Ki67 suggèrent une accélération durenouvellement épithélial [30, 32].

• Mécanismes du rejetLes lymphocytes T, sensibilisés dansles plaques de Peyer et réactivés dansla muqueuse intestinale par les anti-gènes allogéniques d’histocompatibi-lité (exprimés sur les macrophages, lescellules épithéliales et l’endothélium),induisent des lésions épithéliales derejet par des mécanismes qui ne sontpas totalement élucidés [36]. Cer-taines données provenant, soitd’autres types de greffe d’organe, soitde modèles expérimentaux de lésionsintestinales induites par les cellules T,comme la GvH, permettent de suggé-rer différentes hypothèses physiopa-thologiques [37].Au cours du rejet aigu, la destructionprécoce des cellules épithéliales descryptes pourrait être liée à une cyto-toxicité directe des cellules T ou auxlymphokines [38]. Une étude d’hy-bridation in situ a montré l’expressionaccrue de monokines, interleukine-1βet interleukine-6, de lymphokinestelles que l’interféron γ et de pro-téines toxiques telles la sérine estérase

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B au cours du rejet aigu de greffeintestinale, suggérant un mécanismeimmunitaire relayé par les macro-phages et les cellules T [39]. Ces cel-lules sécrètent, en réponse à un allo-antigène, des cytokines et desprotéines cytotoxiques responsablesde l’apparition des lésions épithélialescaractéristiques du rejet.

•Complications infectieusesL’importance de l’immunosuppres-sion, majore le risque d’infectionsqui peuvent être de plusieurs ori-gines. Elles peuvent être liées aucathéter veineux placé à l’intérieurde la veine cave avant la transplanta-tion et nécessaire au cours de lapériode d’adaptation du greffon. Larecolonisation bactérienne du tubedigestif après l’arrêt de la décontami-nation digestive et/ou les épisodesde rejet, exposent au risque d’acci-dents infectieux par translocationbactérienne [24, 25].Les infections virales sont fréquentes,en particulier à cytomégalovirus(CMV), qu’il s’agisse de primo-infec-tions ou de réactivation que l’aciclo-vir ne prévient pas toujours [40].Compte tenu de ce risque, la sélec-tion devrait permettre d’écarter lesdonneurs porteurs de CMV. Des syndromes lymphoprolifératifsinduits par l’EBV ont été rapportésavec une incidence particulièrementélevée (15 %) après transplantationintestinale par l’équipe de Pittsburgh[41]. Ils sont d’autant plus fréquentsque l’immunosuppression est plusprofonde. Au début de l’utilisationdu FK506, les doses élevées adminis-trées par voie veineuse, avec une sur-veillance limitée des concentrationsplasmatiques, ont sans doute contri-bué à cette complication.

Autres transplantations

• Transplantation combinéehépatique et intestinaleAu-delà de sa justification dans cer-taines situations d’hépatopathie évo-luée, la transplantation combinée dufoie et de l’intestin grêle a soulevé laquestion de la tolérance induite parle foie. Chez l’animal, il existe, danscertaines combinaisons de souchesde donneurs et de receveurs, unetolérance spontanée du foie sansimmunosuppression [42]. Il a étémontré en outre que le foie était

capable d’induire la toléranced’autres tissus ou d’autres organesissus du même donneur comme lapeau, le rein ou le cœur [43]. Chezl’homme, la transplantation combi-née foie-rein, semble entraînermoins d’épisodes de rejet du rein[44]. Les premières survies prolon-gées après transplantation de l’intes-tin grêle sous ciclosporine ont étéobservées chez des patients ayant euune transplantation combinée foie-grêle [10]. En fait, les travaux expéri-mentaux chez le rat, en transplanta-tion combinée foie-grêle ou entransplantation multi-organes, ontdonné des résultats controversés [45,46]. Chez le rat de race PVG ayantreçu le foie d’un donneur de raceDA, l’intestin grêle, d’un autre don-

neur DA, transplanté 17 jours plustard est spontanément toléré [47].Histologiquement, il existe une infil-tration importante de la lamina pro-pria par des cellules mononucléées,maximale entre le 45e et le 70e jouraprès la transplantation. L’absencede lésions épithéliales suggère que,chez les animaux tolérant spontané-ment une greffe hépatique, les cel-lules alloréactives seraient capablesd’infiltrer le greffon intestinal sanspouvoir le rejeter [48]. Le foie pour-rait, ainsi, libérer des facteurssolubles, ou provoquer la délétion ouune anergie de clones de lympho-cytes alloréactifs. Aucun de ces méca-nismes n’est actuellement démontré.Des données récentes, chezl’homme, après une transplantation

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Figure 3. Gref-fon intestinalen rejet chro-nique 17 moisaprès trans-p l a n t a t i o n .A t r o p h i evillositaire, in-filtrat mononu-cléé du cho-rion. Il faut no-ter la fibrose etles lésions vas-culaires de lasous muqueu-se (pièce dedétransplanta-tion). (Cliché PrN. Brousse.)

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de l’intestin grêle ou une transplan-tation combinée foie-grêle montrentque des molécules d’adhérence(ICAM-1, E-sélectine) circulantessont à des concentrations plus éle-vées chez les patients ayant reçu ungreffon intestinal isolé [49].Depuis 1990, plus de 70 transplanta-tions combinées foie-grêle ont étéeffectuées chez des patients traitéspar FK506. L’incidence du rejet n’estpas significativement plus basselorsqu’on la compare à celle surve-nant après transplantation isolée del’intestin grêle [12]. La survie desgreffons et des patients n’est pas dif-férente à deux ans [12]. En réalité,ces résultats sont également difficilesà analyser en raison du nombre decentres où ont été réalisées ces trans-plantations. En outre, l’état cliniquedes patients adultes ou surtoutenfants est sensiblement différentsuivant qu’ils requièrent une trans-plantation isolée de l’intestin grêleou une transplantation combinéefoie-grêle en raison d’une insuffi-sance hépatique. La transplantationcombinée foie-grêle n’est en effet jus-tifée que lorsqu’il existe une hépato-pathie cirrhogène liée à la nutritionparentérale prolongée ou une autremaladie hépatique la justifiant.

• Transplantations multiviscéralesLa transplantation « en grappe » desorganes de la région cœliaque (foie,estomac, duodeno-pancréas, intestingrêle) ne représente que 16 % del’ensemble des transplantations intes-tinales actuellement rapportées [12].Le traitement immunosuppresseurn’est pas différent mais il pose desproblèmes techniques spécifiques.Les transplantations multiviscéralesne sont envisagées, en particulierchez l’adulte, que si la situation ana-tomique l’impose, notamment enprésence d’une tumeur envahissantla région cœliaque.

Fonctionsdu greffon intestinal

Les études, chez l’animal, ont montréque la transplantation intestinaleentraîne des perturbations del’absorption des hydrates de carbone,des lipides, de l’eau et des électro-lytes. De nombreux facteurs peuventen rendre compte : dénervation, in-terruption du drainage lymphatique,

lésions liées à l’ischémie et traitementimmunosuppresseur. L’utilisation del’axe digestif doit débuter précoce-ment, soit en utilisant la voie orale,soit en nutrition entérale pour assu-rer une trophicité optimale de lamuqueuse et réduire les phénomènesde stase digestive source de pullula-tion bactérienne intraluminale. Desanomalies de l’absorption du D-xylose et des graisses ont été obser-vées en transplantation humaine justi-fiant de limiter l’apport lipidique[50]. L’étude radiologique du transitintestinal met en évidence un péri-staltisme normal voire hyperactif[20]. Les enregistrements manomé-triques révèlent en revanche unedésorganisation des complexes myo-migrateurs interprandiaux en rapportavec l’interruption de l’innervationextrinsèque de l’intestin grêle [51].En l’absence de côlon chez le rece-veur, la transplantation colique asso-ciée présente des avantages physiolo-giques en termes de réabsorptiond’eau et d’électrolytes, de ralentisse-ment du transit intestinal et de pré-sence de facteurs trophiques grâce àla synthèse colique d’acides gras àcourte chaîne.On peut considérer actuellementque la transplantation intestinale per-met la restitution d’un axe entéralcapable d’assurer les fonctions dedigestion et d’absorption permettantl’arrêt de toute nutrition parentérale.

Indicationsde la transplantationintestinale

• Chez l’enfant. Les résections éten-dues de l’intestin grêle responsablesd’un syndrome dit de « grêle court »ont, logiquement, représenté la pre-mière indication à la transplantationintestinale. Chez le nouveau-né, lessyndromes de grêle court sont laconséquence d’une atrésie étenduede l’intestin grêle parfois associée àun laparoschisis*, d’un volvulus dugrêle** postnatal, d’une entérocoliteulcéro-nécrosante. Après résectionétendue de l’intestin grêle, la plupartdes nouveau-nés peuvent acquérirune autonomie digestive après undélai qui dépend de la longueur etde la nature (jéjunum ou iléon) del’intestin grêle restant et de la pré-sence de la valvule iléo-cæcale et/oudu côlon [52]. Cependant, un petit

nombre d’enfants (environ 10 % à15 %) n’acquièrent pas d’autonomiedigestive après plusieurs années denutrition parentérale. Cette évolu-tion est liée, soit à la brièveté del’intestin grêle restant (moins de 10 à20 cm) soit à sa mauvaise fonctionmotrice lorsqu’il se situe en amontd’une atrésie ou lorsqu’il est inclusdans une péritonite plastique secon-daire à un laparoschisis ou à desinterventions chirurgicales multiples.Une résection étendue de l’intestingrêle est parfois effectuée chezl’enfant ou l’adolescent, pour unenécrose ischémique secondaire à unvolvulus ; cet accident mécaniquepeut être dû à une bride péritonéale,un mésentère commun ou unetumeur mésentérique. Chez cesenfants, l’adaptation intestinale, etdonc une absorption intestinale suffi-sante pour assurer les besoins decroissance, ne peut être obtenue quesi la longueur du grêle restant estsupérieure à 40 cm au-delà de l’anglede Treitz [52]. Un certain nombred’enfants, qui sont dans cette situa-tion anatomique n’acquièrent pasd’autonomie, même après 6 à 12 ansde nutrition parentérale à domicile.Dans toutes ces situations d’intestingrêle court, la transplantation nepeut être envisagée qu’après avoirformellement prouvé l’incapacité del’intestin grêle restant de s’adapteret/ou après une tentative d’allonge-ment chirurgical de l’intestin grêle,d’interposition d’anse ou de montaged’une anse intestinale à l’envers [53].En dehors de ces indications pure-ment anatomiques, la transplantationintestinale peut aussi être indiquée,chez l’enfant, dans deux autres typesd’affections à l’origine d’une dépen-dance définitive vis-à-vis de la nutri-tion parentérale : les troubles primi-tifs de la motricité intestinale(pseudo-obstruction intestinale chro-nique ou maladie de Hirschsprungétendue à l’intestin grêle), et les ano-malies constitutives de la muqueuseintestinale telles que l’atrophiemicrovillositaire et la dysplasie épi-théliale [54].

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* Agénésie localisée de la paroi abdominale latéro-ombilicale, créant un orifice par lequel se produitune évagination fœtale des viscères.** Torsion du grêle autour d’un axe représenté parson pédicule.

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• Chez l’adulteLes indications de la transplantationintestinale, sont les intestins grêlestrès courts non adaptables aprèsrésection subtotale ou totale. Ils sontsecondaires à des accidents vascu-laires, d’origine mécanique, trauma-tique ou athéromateuse, ayantconduit à une nécrose d’une partieou de tout l’intestin grêle. Lestumeurs ou infiltrations du mésen-tère, comme le syndrome de Gard-ner, et les séquelles d’intestin grêleradique ou les syndromes de pseudo-obstruction intestinale chroniquesont également des indications à latransplantation intestinale chezl’adulte [20]. La maladie de Crohnétendue à l’intestin grêle doit êtreconsidérée à part, bien que des trans-plantations aient été effectuées dansce contexte [13]. La maladie deCrohn pose le problème de sa réci-dive sur le greffon. Chez des patientsen nutrition parentérale prolongée,le nombre de candidats potentiels àune transplantation intestinale estévalué dans une étude britannique àdeux par an et par million d’habi-tants, qu’il s’agisse d’adultes oud’enfants [55].Au-delà des indications ainsi définies,se pose le problème de l’heure de latransplantation. En effet, la prise encharge des patients présentant uneinsuffisance intestinale anatomiqueou fonctionnelle a bénéficié depuisune vingtaine d’années des progrèsde la nutrition parentérale et dudéveloppement de la nutritionparentérale à domicile [3]. La survieactuarielle de patients adultes ennutrition parentérale prolongée a étérécemment analysée [56]. La survie àdeux ans chez l’adulte ayant un intes-tin grêle court (90 %) s’avère trèssupérieure à celle observée aprèstransplantation intestinale. Cette ana-lyse ne tient pas compte de la qualitéde vie et des complications de lanutrition parentérale qui peuventconstituer des indications à unetransplantation intestinale. La com-paraison de la survie en nutritionparentérale et de celle obtenue aprèstransplantation de l’intestin grêle,avec ou sans le foie, rend donccompte de la difficulté de poserl’indication d’une transplantationintestinale. Le faible nombre detransplantations effectuées à ce jourest lié à la qualité des résultats obte-

nus en nutrition parentérale mêmeprolongée et aux difficultés de latransplantation intestinale, surtout àla période initiale où seule la ciclo-sporine était disponible. Cependant,la transplantation permet, grâce à ungreffon fonctionnel, une autonomiedigestive (sevrage de la nutritionparentérale) tout en maintenant unétat nutritionnel satisfaisant et, chezl’enfant, une croissance normale[13]. Elle est donc théoriquementindiquée dans toutes les situations dedépendance prolongée ou définitived’une nutrition parentérale. Cepen-dant, la bonne tolérance actuelle dela nutrition parentérale, même pro-longée, [3, 56], justifie de peserchaque indication à la transplanta-tion en termes de risque iatrogène etde qualité de vie. La nutrition paren-térale est, actuellement, une théra-peutique efficace permettant d’atten-dre, avec une morbidité réduite, quela transplantation intestinale soit enmesure d’assurer une survie durableet de qualité [56]. A l’inverse,lorsque, les limites de la nutritionparentérale sont atteintes, notam-ment du fait de complications vascu-laires, infectieuses, hépatiques, méta-boliques ou psychologiques, latransplantation intestinale doit êtreenvisagée. La transplantation isoléede l’intestin grêle reste la premièreoption. La transplantation foie-grêleest, quant à elle, formellement indi-quée en cas d’hépatopathie cirrho-gène évolutive mettant en jeu le pro-nostic vital.

Perspectiveset conclusions

L’immunosuppression nécessaire entransplantation intestinale justifie ledéveloppement de nouveaux médica-ments immunosuppresseurs. La rapa-mycine ou la 15-désoxyspergualineont été utilisées en transplantationintestinale chez l’animal mais iln’existe pas de résultats actuellementpubliés chez l’homme [57]. Des sur-vies très prolongées de greffons intes-tinaux ont été observées chez des ani-maux ayant reçu des injectionsintrathymiques de cellules spléniquesprovenant du même donneur [58].Les premiers résultats de la trans-plantation simultanée de moelleosseuse au cours de la greffe rénalechez l’homme confirment l’installa-

tion d’un microchimérisme mais nemettent pas en évidence de diffé-rences dans la survie des greffons àplus long terme [59]. La transplanta-tion de moelle osseuse simultanée àla transplantation intestinale s’estdéveloppée, mais le recul est insuffi-sant pour juger son efficacité.La transplantation intestinale estdonc devenue une réalité clinique,en particulier depuis l’utilisation duFK506. Un peu plus de cinq ansaprès l’introduction de cet immuno-suppresseur, les survies actuariellesdes greffons et des patients dépassentcelles qui sont observées après trans-plantation pulmonaire. L’avenir de latransplantation intestinale dépend,d’une part, du développement denouveaux traitements immunosup-presseurs et, d’autre part, de la sélec-tion des patients justifiant une telleapproche thérapeutique. Il est néces-saire de définir des critères précispermettant de considérer une insuffi-sance intestinale comme définitive etd’apprécier les complications pos-sibles de la nutrition parentérale ■

333m/s n° 3, vol. 13, mars 97

TIRÉS À PARTO. Goulet.

À PARAÎTREn° 4 - vol. 13

Avril 1997

Médecineet

Scienceà l’Université

McGillde Montréal

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SummarySmall intestinal transplantation

The management of patients with intestinal failure has benefited from pro-gress in parenteral nutrition (PN), especially home-based PN. Intestinaltransplantation is henceforth possible and appears now, under certainconditions, the logical therapeutic option. Since 1985, more than 180 small-bowel grafts have been performed, involving the isolated small bowel withor without the colon (38 %), the liver plus the small bowel (46 %) or seve-ral more organs (16 %). Two thirds of the recipients were under 20 years ofage, and indications were short-bowel syndrome (64 %), severe intractablediarrhea (13 %), abdominal cancer (13 %) or chronic intestinal pseudo-obs-truction syndrome (8 %). Fifty one per cent of the patients survived morethan two years after graft. Patient and graft survival depend on the type ofimmunosuppression, i.e. CyA or FK506. The results must be carefully inter-preted as they represent the first experience in numerous centers using dif-ferent immunosuppression protocols, without any randomization. Resultsobtained in the largest of these centers are more indicative of the currentsituation. This article reviews the main aspects of human intestinal trans-plantation with special focus on graft rejection in terms of immunohisto-chemical expression which is decisive for diagnosis and specific treatment.Functional grafts lead to gastrointestinal autonomy (weaning of PN) whilemaintaining satisfactory nutritional status and normal growth in childhood.Intestinal transplantation is theoretically indicated for all patients perma-nently or lengthily dependent on PN. However, as PN is generally well tole-rated, even for long periods, each indication of transplantation must becarefully weighed up in terms of iatrogenic risk and quality of life. WhenPN has reached its limits, especially those associated with vascular, infec-tious, hepatic or metabolic complications, intestinal transplantation mustbe considered. Transplantation of the small bowel alone remains the firstoption, as combined liver-small bowel grafting is indicated only in case oflife-threatening progressive cirrhogenic liver disease.

Université de MetzUFR Sci. F.A.

Ces journées sont placées sous le Haut Patronnage du Ministère del’Environnement

de la Commission des Communautés Européennes et de la Sociétéd’Écotoxicologie Fondamentale et Appliquée

Renseignements et inscriptions :

Centre des Sciences de l’Environnement : Professeur J.-F. Ferard/FC971, rue des Récollets – BP 94025 – 57040 Metz Cedex 1, France.

Tél. : (33) 03 87 75 81 81 – Fax : (33) 03 87 75 81 89

Centre desSciencesl'Environnementde

Thèmes principaux :

• Réglementation concernant les substances chimiques• Écotoxicologie : concepts et approches

• Devenir des substances dans l’environnement• Essais d’écotoxicité

• Écotoxicologie des effluents• Mutagénicité et cancérogénicité

ESSAIS D’ÉCOTOXICITÉ

ET DE CANCÉROGÉNICITÉ

DES PRODUITS CHIMIQUES

du 10 au 14 mars 1997au Centre des Sciences de l’Environnement

Cloître des Récollets – Metz

LyonLundi 5 et Mardi 6 mai 1997

Organisé par le Groupe de Rechercheen Auto-immunité de Lyon (GRAAL)

Inserm Unité 80 et Faculté RTH LaennecLes Séminaires d’Immuno-Dermatologiesont une mise au point régulière des pro-grès réalisés en immunologie fondamen-tale et clinique indispensables à la com-préhension de la physiologie et de lapathologie dermatologique. LesSéminaires durent 2 jours et comportentune succession de cours sur des sujetsmodernes d’immunologie dermatolo-gique qui associent des rappels de bases,des mises au point sur des notions plusrécentes et des revues sur des maladiesdermatologiques, des techniques diagnos-tiques ou des méthodes thérapeutiques.Les Séminaires d’Immuno-Dermatologies’adressent aux médecins, scientifiques,internes de spécialité, étudiants du 3e

cycle ainsi qu’à toute personne qui s’inté-resse à la physiologie de la peau, àl’immunologie ou à la dermatologie. Lesconférences auront lieu tous les ans. LeSéminaire 1997 s’intéressera plus parti-culièrement à la physiologie du systèmeimmunitaire cutané et muqueux, aux phé-nomènes de tolérance immunologiquecutanée, aux mécanismes de présentationd’haptènes et d’allergènes aux lympho-cytes T, à la détection des cytokines dansles tissus et dans le sérum, aux techniquesd’immunothérapie de contact et à l’inté-rêt des modèles animaux pour com-prendre la physiopathologie des derma-toses inflammatoires et auto-immunes.

OrganisationJean-François NICOLAS

Inserm U. 80 et Université Claude-Bernard Lyon 1

AdresseSÉMINAIRE

D’IMMUNODERMATOLOGIE/SIVInserm U. 80, 7e Étage, Faculté Laennec,

69372 Lyon Cedex, France.

SecrétariatMme Rose Doroumian

RenseignementsTél. : +33 4 72 11 01 71 – Fax : +33 4 78

77 87 70E-mail : [email protected]

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SÉMINAIRED’IMMUNO-

DERMATOLOGIE