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Mémoire de fin d’études - 2009/2010 - Master 2 Espaces, Société, Environnement Université de Poitiers, UFR SHA, Département Géographie Maxime PASSERAULT Soutenu en Septembre 2010 La Trame verte et bleue : Analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le Schéma Régional de Cohérence Ecologique Sous la direction de Arnaud PIEL, chef de département NPT DREAL Franche-Comté

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Mémoire de #n d’études - 2009/2010 -

Master 2 Espaces, Société, Environnement Université de Poitiers, UFR SHA, Département Géographie

Maxime PASSERAULT

Soutenu en Septembre 2010

La Trame verte et bleue :Analyse du concept et réflexions méthodologiques

pour sa traduction dans le

Schéma Régional de Cohérence Ecologique

Sous la direction de Arnaud PIEL,chef de département NPT

DREAL Franche-Comté

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« Aucun problème ne peut être résolu sans changer l’état d’esprit qui l’a

engendré »

Conseil National du Développement Durable – Première contribution (avril 2003) – Publiée le

5 mai 2003

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Sommaire

INTRODUCTION GENERALE ......................................................................................................................... 1

CHAPITRE I UN CONTEXTE FAVORABLE A UN VIRAGE DE LA POLITIQUE DE CONSERVATION ................................................................................................................................................ 7

INTRODUCTION : ..................................................................................................................................................... 9

I- BIODIVERSITE MENACEE : UN CONSTAT PARTAGE ......................................................................................................... 9

II- UN VIRAGE POLITIQUE NECESSAIRE ........................................................................................................................ 18

CONCLUSION : ...................................................................................................................................................... 28

CHAPITRE II LA TRAME VERTE ET BLEUE EN FRANCE : L’OPPORTUNITE D’UN CHANGEMENT DE POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE ? ................................................................... 31

INTRODUCTION : ................................................................................................................................................... 33

I- DU CONCEPT DE RESEAU ECOLOGIQUE A LA TRAME VERTE ET BLEUE ............................................................................. 33

II- LA FRANCE EST-ELLE CAPABLE DE SAISIR LE CONTEXTE GLOBAL..................................................................................... 57

III- DES RECOMMANDATIONS QUI DETERMINENT LES AXES DE L'ETUDE ............................................................................. 74

CONCLUSION : ...................................................................................................................................................... 78

CHAPITRE III MISE EN PLACE DE LA TRAME VERTE ET BLEUE EN FRANCHE COMTE......... 81

INTRODUCTION ..................................................................................................................................................... 83

I- LES CONTEXTES EN FRANCHE-COMTE : APPROCHE MULTISCALAIRE ............................................................................... 84

II- QUELQUES PRECONISATIONS POUR L’ELABORATION DU SRCE .................................................................................. 101

III – SCENARII PROSPECTIFS SUR L’ACCEPTATION DU SRCE ........................................................................................... 113

CONCLUSION ...................................................................................................................................................... 120

CONCLUSION GENERALE .......................................................................................................................... 123

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................ 131

ANNEXES ......................................................................................................................................................... 143

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Introduction Générale

Changements globaux et environnement

La société humaine, en particulier en Europe, a connu un profond bouleversement durant le

XIXe siècle au passage d'une société agricole et artisanale vers une société industrielle. En

effet cette révolution est marquée par de formidables progrès scientifiques, un bouleversement

des pratiques agricoles et une transition démographique. Ces changements marquent une

transition dans le développement de la société, avec l'intensification de l’agriculture,

l'exode rural et le développement de l'urbanisme, le développement des moyens de transports

et des infrastructures liées, et le développement de l'industrie et l'augmentation de la

consommation d'énergie. Mais c'est durant la seconde moitié du XXe siècle, avec la seconde

guerre mondiale, que ces phénomènes ont explosé. En un demi-siècle, la population humaine

est passée de 2,5 milliards d'individus en 1950 à plus de 6 milliards en 20001 ; et

parallèlement, la plupart de ses consommations ont été multipliées par 6 (Barbault &

Chevassus-au-Louis, 2004). Ces changements se sont déroulés en synergie avec une évolution

vers une société libérale caractérisée par une économie de marché et une culture du profit

maximal. Cette évolution a nécessairement eu un impact sur l’environnement : en effet, si la

durée de renouvellement d'un écosystème exploité est supérieure à la durée nécessaire au

retour sur investissement, cet écosystème est détruit, étant considéré à usage unique. On se

rend alors compte que « le comportement de père de famille du propriétaire soucieux de

préserver l’écosystème pour ses enfants est l’un des mythes les plus grossiers de l’idéologie

économiste ». (Trommetteur & Weber, 2004)

Tous ces bouleversements sociétaux ont donc entrainé des changements considérables. Tout

d'abord au niveau de l'occupation du sol avec en particulier une homogénéisation et une

fragmentation des milieux ; ensuite, au niveau de la qualité globale des écosystèmes avec

l'émission de pollutions multiples. L'ensemble de ces changements induits dans la dynamique

de la biosphère, directement ou non par les activités humaines sont appelés les changements

globaux.

1 Source : United Nation Population Division

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Ces changements globaux auxquels on assiste depuis un siècle n'ont donc pas été sans

conséquences pour l'environnement. Le développement de l'industrialisation et de la

consommation d'énergie a entrainé diverses pollutions et a en particulier accru l'effet de serre

lançant la planète dans un processus, en partie autoalimenté, de réchauffement climatique. De

plus, avec le développement des activités humaines, comme l'exploitation de matière première

(sylviculture, pêcherie...), l'agriculture, l'urbanisation et le développement des infrastructures

linéaires de transport, l'homme a considérablement modifié l'occupation du sol. On estime

entre 1/3 et 1/2 la surface terrestre modifiée par ce dernier (Vitousek et al., 1997). Or, la

modification d'occupation du sol représenterait la première cause de perte de biodiversité

(Abbadie & Lateltin, 2004), mais entrainerait également des modifications dans le

déplacement des sédiments, et participerait aux changements climatiques (Vitousek et al.,

1997).

Or, bien que l’humanité ait régulièrement su s’affranchir du milieu et des conditions

environnementales, son développement et celui des générations futures ne dépend pas

seulement des agrosystèmes, dont nous tirons notre subsistance, mais bien de l’ensemble des

écosystèmes de la planète (Barbault & Chevassus-au-Louis, 2004). Ainsi, lors de la

convention internationale de Johannesburg en 2002, ou déjà à Rio 10 ans plus tôt, il a été mis

en avant que le développement économique et social de l’humanité dépend de la santé à

long terme de l’environnement.

L'inquiétude pour la dégradation de l'environnement fut tout d'abord une affaire de

scientifique. La dénonciation de l’importance des effets de l’activité humaine sur

l’environnement tels que les disparitions d'espèces ou les changements climatiques par

quelques environnementalistes a ensuite progressivement trouvé écho auprès de multiples

acteurs aux intérêts les plus divers. Parallèlement à ces problématiques scientifiques, on

assiste à une forte médiation des problèmes environnementaux en particulier de l'érosion de la

biodiversité. Portées par quelques associations et des partis politiques se constituant autour de

ces thématiques, on assiste peu à peu à une diffusion de plus en plus globale de ces

problématiques environnementales qui envahissent le champ politique. Malgré une prise

de conscience des instances internationales, le relais se fait difficilement jusqu’aux échelles de

la mise en œuvre de politiques concrètes. Ce relais ne peut se faire que si l’on perçoit

l’ampleur des enjeux. Et l’histoire montre qu’ils ont été très longtemps sous-estimés. Les

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

premières politiques engagées, de protections ponctuelles face à un phénomène global,

s’avèrent inefficaces malgré plusieurs conventions internationales qui ont tenté de faire

prendre conscience de l’urgence et des enjeux. Sans politiques de grande ampleur ou avec

beaucoup de moyens, les actions menées restent dérisoires à la mesure des enjeux, de sorte

qu’aujourd’hui la situation est devenue préoccupante, toutes les évaluations récentes faisant

état d'une très grande érosion de la biodiversité (Teyssèdre, 2004).

Pour tenter de faire prendre conscience de l’importance des ces enjeux de biodiversité

énoncés en 2002 lors du sommet de Johannesburg, l'Organisation des Nations Unies déclare

en 2006 que 2010 serait ‘Année internationale de la biodiversité’. L’objectif est de faire

prendre conscience que la biodiversité est l’objet d’enjeux très importants pour le bien-être

des sociétés humaines. C’est un réservoir de ressources essentielles à la fois alimentaires,

pharmaceutiques, de matières premières. La grande majorité de ces ressources ne sont

renouvelables qu’à condition d’être exploitées de manière durable et adaptée. (Barbault &

Chevassus-au-Louis, 2004)

La biodiversité menacée

Beaucoup d’espèces, y compris les plus communes, voient leurs effectifs décroître d’année en

année, leur aire géographique se restreindre et risquent ainsi de disparaitre. On constate la

disparition d’une riche diversité de variétés de plantes et d’animaux, y compris domestiques,

ce phénomène étant global. Toute la communauté scientifique s’accorde à dire qu'aujourd’hui,

le taux d’extinction des espèces est entre 100 et 1000 fois supérieur au taux naturel, qu’il est

en grande partie le fait des activités humaines, et qu’il continue d’augmenter (May et al.,

1995 ; Smith et al., 1993 ; Harrison & Pearce, 2000). Ainsi, nous pourrions être au début de

la 6ème crise d’extinction massive de l’Histoire de la Terre (Leakey & Lewin, 1996). Cette

érosion de la biodiversité serait en premier lieu causé (Barbault & Chevassus-au-Louis, 2004)

par les changements d’utilisation des sols (Vitousek, 1992 ; Vitousek, 1994), par l’agriculture,

la sylviculture et les infrastructures de transport qui dégradent, fragmentent ou détruisent les

habitats naturels, mais également par les pollutions diverses, les invasions biologiques ou la

surexploitation. Une autre cause indirecte de cette érosion, liée au développement des

activités humaines, le réchauffement climatique, selon certains scénarios menacerait

d’extinction entre 15 et 37 % des espèces d’ici 2050 (Thomas et al., 2004). (Figure 2)

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Nous sommes face à un phénomène global qui se déroule dans le système complexe

biodiversité/écosystèmes inclus dans la biosphère. Ce système est d’autant plus complexe à

appréhender que nous en sommes partie prenante, et qu’il s’y joue l’avenir de l’Homme et de

ses sociétés et qu’y sont mêlés des enjeux économiques et écologiques. De manière plus

rigoureuse, il serait possible de parler d’un système Biodiversité/Sociétés Humaines dans

lequel interviennent les changements globaux et le fonctionnement des écosystèmes (Figure

1).

Figure 1 : schéma des interrelations au sein du système biodiversité et société humaine.

Une nouvelle réponse politique: la Trame Verte et Bleue

Malgré les efforts politiques à différentes échelles, mondiale, européenne, nationale et locale,

cette érosion se poursuit. Depuis la fin du XXe siècle, une nouvelle forme de politique

environnementale de conservation qui se veut plus globale a vu le jour : celle des réseaux

écologiques. Suite à des initiatives ponctuelles locales et nationales, cette politique c'est

déclinée au niveau paneuropéen. En France, cette politique est portée par le Grenelle

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Environnement et porte le nom de Trame Verte et Bleue (TVB). Sa mise en place à l'échelle

régionale est en cours ; elle est prévue pour fin 2012 par la co-élaboration Etat-Région du

Schéma Régional de Cohérence Ecologique (SRCE). Cette politique voit le jour dans un

contexte de développement durable, de cohérence politique et spatiale, de concertation et

démarche participative. Après les échecs des politiques environnementales précédentes, il est

intéressant de voir comment cette nouvelle politique est mise en place et comment ce nouveau

contexte peut aider sa réussite.

Pour réaliser cette étude, la région Franche-Comté semble être un bon objet d'analyse pour de

multiples raisons. Tout d'abord, par sa situation géographique frontalière avec un autre pays

(la Suisse) qui permettra d'aborder la question de la cohérence transfrontalière, et avec des

régions limitrophes qui sont à des niveaux d'avancements différents pour la réalisation de

cette politique. De plus, en Franche-Comté la réflexion sur le thème de réseau écologique est

déjà avancée par la réalisation de divers travaux de diagnostics par l'ancienne DIREN.

Aujourd'hui par fusion de différents services déconcentrés de l’Etat, la DIrection Régionale de

l'ENvironnement (DIREN) est devenue la Direction Régionale de l'Environnement, de

l'Aménagement et du Logement (DREAL). Ces réflexions sont donc reprises au sein de la

DREAL qui doit élaborer avec la Région le Schéma Régional de Cohérence Ecologique

(SRCE). Les réflexions qui nourrissent ce mémoire sont réalisées dans ce contexte de mise en

place du SRCE par la DREAL. Leur attente était que je dégage des orientations

méthodologiques pour guider la réalisation concertée du SRCE avec une importance

pressentie pour la concertation et l'association des acteurs sur ce dossier complexe.

Ce travail s’appuie sur une double analyse. La première s’attache à analyser le contexte à la

fois social, politique et scientifique dans lequel apparait le concept de Trame Verte et Bleue,

afin de repérer dans ce contexte les gages éventuels de réussite, les potentiels risques d’échec

de cette stratégie nouvelle de protection. La seconde analyse, enrichie par la première, nous

amène à traiter de l’opérationnalisation de la politique de la Trame Verte et Bleue, à travers

l’élaboration du Schéma Régional de Cohérence Ecologique en Franche-Comté. Notre

objectif est de fournir un ensemble de réflexions méthodologiques, permettant de faire de cet

outil un document d’aménagement du territoire pertinent, partagé, et efficace pour préserver la

biodiversité.

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Ce mémoire va donc s'intéresser dans une première partie au contexte à la fois politique et

environnemental de la mise en place d’une nouvelle politique de conservation de la

biodiversité et aux enjeux de la mise en place de cette nouvelle politique. Le début de ce

travail consiste en une définition du concept de biodiversité qui peut s’avérer polysémique

suivant que l’on soit scientifique ou non expert. Mais nous verrons que malgré des définitions

sensiblement différentes, ces visions se rejoignent sur la situation actuelle, les enjeux et les

causes de son érosion. Après un rapide aperçu international des différentes politiques menées

au cours de l’histoire de la conservation, nous verrons pourquoi une nouvelle vision de la

politique de conservation est nécessaire et quel est le contexte de naissance de cette nouvelle

vision.

Dans une seconde partie nous verrons pourquoi la politique de TVB est une opportunité pour

la France pour réaliser ce changement. Ainsi, après avoir détaillé ce qu’est la politique de

TVB, nous verrons sur quelles bases écologiques et sociopolitiques la France peut engager ce

changement. Quelques points clés qui auront alors été identifiés à l'aide du contexte global

seront discutés à la vue de la mise en œuvre de ce virage politique.

Dans la troisième et dernière partie, nous verrons comment cette politique, qui doit se mettre

en place à l’échelle de chaque région, va l’être en région Franche-Comté. Cette partie va

s’appuyer sur un travail de dialogue entre les échelles, plus porche du terrain, avec un aperçu

du contexte à la fois spatial et temporel, la rencontre de divers acteurs, la participation à des

événements d’information et d’échanges. Avec le travail réalisé, quelques questions clés et

enjeux lors de la mise en œuvre sont identifiés et discutés, permettant de déboucher sur des

propositions d’orientations méthodologiques pour la mise en place du SRCE. Nous verrons

ensuite que la manière dont le SRCE va être mis en place et accepté par les acteurs est

primordiale pour son application.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Chapitre I

Un contexte favorable à un virage

de la politique de conservation

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Introduction :

L’état de la biodiversité est aujourd’hui très alarmant. Toutes les études concordent et

dénoncent une érosion de plus en plus rapide de cette dernière au point de parler de 6ème

crise massive d’extinction. Malgré des perceptions différentes de ce qu’est la biodiversité,

tout le monde (scientifiques et non-experts), s’accorde sur le constat et les causes de cette

érosion. La naissance du concept de biodiversité dans les champs de la société est marquée

par une rupture au sein de chacun d’eux, les conduisant vers une considération globalisante de

la diversité du vivant. La première, touchant l’approche scientifique de la diversité du vivant

et la seconde touchant le cadrage socio-économique et politique (Barbault & Chevassus-au-

Louis, 2004). Un second constat sur lequel les gens s’accordent, c’est le bilan plutôt négatif

des politiques passés pour lutter contre cette érosion. On assiste toutefois actuellement à une

nouvelle vision de la politique environnementale qui risque de bouleverser les futures

décisions politiques.

I- Biodiversité menacée : un constat partagé

1 – biodiversité - définition

Le terme « biodiversité » est une contraction de l'expression « Diversité Biologique ». Cette

expression aurait été utilisée pour la première fois en 1980 par le biologiste américain Thomas

Lovejoy. D’après Burel et Baudry (1999), l'une des définitions les plus largement citée est

celle du US Congress Office of Technology Assessment de 1987 : « la diversité biologique

représente la variété et la variabilité des organismes vivants et des systèmes dans lesquels ils

se développent. La diversité peut être définie comme le nombre et la relative abondance des

éléments considérés. Les composants de la diversité biologiques sont organisés en plusieurs

niveaux, depuis les écosystèmes jusqu'aux structures chimiques qui sont les bases

moléculaires de l’hérédité. Ce terme englobe donc les écosystèmes, les espèces, les gènes, et

leur abondance relative. » (Burel & Baudry, 1999)

Le néologisme « Biodiversité » quant à lui aurait été utilisé pour la première fois par Walter

G. Rosen à l'occasion du National Forum on Biological Diversity (Etats-Unis) de 1986. Ce

néologisme donnera d'ailleurs le titre du compte rendu de ce forum rédigé en 1988 par

Edward Osborne Wilson (Aubertin et al., 1998). C'est sa première apparition dans une

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publication.

Il fait son apparition dans les dictionnaires dès le début des années 1990. Cependant, il ne sera

pas encore beaucoup utilisé. Pour preuve, en 1992 lors du Sommet de la Terre de Rio de

Janeiro, le terme utilisé est « Diversité biologique ». La définition qui en est faite est parmi

les plus acceptées par le public le plus large : « La variabilité des organismes vivants de toute

origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes

aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie; cela comprend la diversité au

sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. » (ONU, 1993).

En France, la Commission générale de terminologie et de néologie a ajouté le terme de

biodiversité au Vocabulaire de l'environnement du Journal officiel le 12 avril 2009 :

« biodiversité, n.f. : diversité des organismes vivants, qui s'apprécie en considérant la

diversité des espèces, celle des gènes au sein de chaque espèce, ainsi que l'organisation et la

répartition des écosystèmes. »

Ainsi, nous pouvons retenir de ces différentes définitions que la biodiversité correspond à la

diversité biologique à la fois des micro-organismes, des plantes et animaux, terrestres ou

aquatiques et qu'il est possible d’identifier 3 niveaux d'organisation :

- Diversité des gènes, indispensable au maintien d'une population d'une espèce.

- Diversité des espèces.

- Diversité des écosystèmes.

2- La biodiversité dans le champ scientifique

La diversité est reconnue depuis longtemps comme une caractéristique du vivant. L'une des

propriétés fondamentales du vivant est la diversification continuelle de ses composants. Celle-

ci se fait selon des processus de mutation et sélection naturelle pouvant conduire aux

processus de spéciation, évolution, extinction. La théorie de la sélection naturelle développée

par Charles Darwin renvoie au dialogue permanent entre les variants génétiques d'une même

espèce et les variations de l'environnement. Ainsi, un individu présentant une mutation

avantageuse (obtenue de manière aléatoire) par rapport à son environnement va avoir plus de

chance de se reproduire. Ce caractère étant héréditaire, la fréquence de cette mutation va

augmenter, pouvant se généraliser à toute la population. C'est le principe de l'évolution par

sélection naturelle. Ces théories évolutionnistes sous-entendent que l'environnement fluctue et

exerce une pression de sélection sur les espèces ou les variants génétiques d'une espèce. Ainsi,

plus la population est grande, plus la variabilité génétique entre ces individus est grande et

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

plus la probabilité de voir apparaître une mutation avantageuse est grande. La capacité

d'évolution en est alors plus grande.

Bien que la diversité biologique soit un fait accepté de la communauté scientifique, la

naissance du concept de biodiversité marque une rupture dans la manière de penser des

scientifiques. En effet, les différentes branches de la recherche, en fonction de leur spécialité,

n'en considéraient qu'une petite partie. Par exemple, systématiciens, écologues et

paléontologues ne s'intéressaient guère à la variabilité génétique, et la diversité des espèces ne

faisait pas partie des préoccupations des généticiens. Ainsi, les écologues qui ont commencé à

aborder, dès la fin du XIXème siècle, la diversité des espèces et ses relations avec le contexte

écologique ne s’intéressèrent pas immédiatement à la variabilité génétique sous-jacente.

Aujourd'hui les recherches considèrent la diversité globale, constituée par la diversité

génétique, la diversité des espèces et la diversité écologique, et traitent de leurs interactions, à

toutes les échelles (Barbault & Chevassus-au-Louis, 2004).

3- La biodiversité dans le champs politique et social : une vision des services

rendus

3.1 – Construction sociale

La seconde rupture qui fait suite à celle observée dans le champ scientifique, est encore plus

marquante et elle finit par orienter l’évolution de la première rupture. Elle est à l’origine de la

Convention internationale de Rio de 1992 (ONU, 1993). Elle fait de la biodiversité non plus

seulement un objet d'études scientifiques ou un simple constat biologique (ce qui est le cas

lorsque l'on parle de diversité biologique) mais un concept approprié par la société, ce qui

lui confère des dimensions sociales, économiques, politiques et culturelles. On passe d'un

questionnement scientifique issu des théories de l'évolution à des enjeux géopolitiques et

industriels : patrimoine commun de l'humanité, souveraineté des états sur leurs ressources,

dépôt de brevet sur le vivant, manipulation génétique, principe de précaution... (Aubertin et

al., 1998). On rejoint y compris les champs de la philosophie et de l'éthique. On parle alors de

« construction sociale de la question de la biodiversité » (Aubertin et al., 1998). Lors de cette

convention de Rio en 1992, de nombreux enjeux s’opposent mais les différentes visions

doivent trouver un terrain d'entente. Ce Sommet de la Terre constitue donc une étape de la

construction sociale des problèmes environnementaux (Aubertin et al., 1998). La

construction sociale d’un problème environnemental se fait lorsque des pratiques

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d'utilisation des ressources naturelles entrent en conflit avec des valeurs générales comme la

protection de l'environnement ou la protection de la vie. Le terme de biodiversité nait donc de

la confrontation des impératifs sociaux, économiques et écologiques. Ainsi, on ne se contente

plus de l’analyser mais on en préconise des usages durables et des partages équitables de ses

bénéfices. (Barbault & Chevassus-au-Louis, 2004)

Ce changement de perception et la réalisation d’une convention internationale impose une

uniformisation des représentations et des modes de protections, redéfinissant les rapports

entre l'Homme et la nature, commençant alors à percevoir la nature comme une marchandise.

Ce concept subit un processus de mondialisation (Aubertin et al., 1998). Cependant, ce travail

d’uniformisation des représentations n’est pas aisé. Selon l'échelle envisagée, la biodiversité

renvoie à des conceptions très différentes. Les différences de perceptions sont en effet

majeures : certains la conçoivent à l'échelle de temps de la vie sur terre et dans sa globalité,

d'autres ne l'envisagent qu'à l'échelle de temps court d'un projet de développement et ne

perçoivent que la partie du vivant qui peut être utilisée de manière rentable (Aubertin et al.,

1998).

La difficulté pour la société de trouver sa place vient aussi du fait que la diversification

biologique est intimement liée à la diversification des sociétés humaines par le façonnement

des paysages (Aubertin et al., 1998).

3.2 – Vision utilitariste des services rendus

La perte de biodiversité a des effets néfastes sur plusieurs aspects du bien-être humain, tels

que la sécurité alimentaire, la vulnérabilité face aux catastrophes naturelles, la sécurité

énergétique et l’accès à l’eau propre et aux matières premières. Elle touche également la

santé, mais aussi des aspects sociaux tels que la liberté de choix et les relations sociales dans

les populations les plus dépendantes de leur écosystème. (MEA, 2005)

Deux faits sont en effet avérés et montrent à quel point la biodiversité est bien un facteur

important de contrôle de la productivité primaire. Le premier est qu’une richesse spécifique

élevée procure à l’écosystème une capacité tampon vis-à-vis des variations de

l’environnement physique et biologique et, par conséquent, une certaine stabilité de son

fonctionnement face aux risques environnementaux. Le deuxième point de consensus est qu’il

existe une relation positive entre richesse spécifique et performance de l’écosystème, en terme

de productivité par exemple (Abbadie & Lateltin, 2004).

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

La perception utilitariste s’est donc progressivement imposée dans les approches de

préservation de la biodiversité. Par exemple la motivation pour la préservation de

l'écosystème forestier tropical n’est pas tant pour son intérêt en biodiversité en soi (vision

affective et éthique) mais pour son inestimable ressource génétique, pharmaceutique, en

matière première, etc. (Aubertin et al., 1998) ; pour exemple, il est possible de se reporter à

l’annexe 1 où sont listés pour exemple les services rendus par les zones humides.

De plus, les économistes théoriciens s’intéressant au problème ont appuyé cette vision. En

économie, on distingue deux types de biens : les biens économiques (rares et appropriables

entrainant des échanges marchands) et les biens gratuits (libres, abondants et disponibles pour

tous). Ainsi pour les économistes un problème environnemental tel que celui de la biodiversité

est du au passage de certains biens de la seconde vers la première catégorie. En l'absence de

règle, les intérêts individuels entrent en conflit avec les intérêts collectifs amenant la

surexploitation. La solution est de définir des droits de propriétés. Cela revient à un processus

de marchandisation du vivant comme solution au problème. (Aubertin et al., 1998)

Cette question de la valeur des choses a très tôt posé question. Adam Smith2 illustre cette

interrogation avec le paradoxe de l'eau et du diamant : « Il n'y a rien de plus utile que l'eau,

mais elle ne peut presque rien acheter […]. Un diamant, au contraire, n'a presque aucune

valeur quant à l'usage, mais on trouvera fréquemment à l'échanger contre une très grande

quantité d'autres marchandises.» Adam Smith soutient ainsi l'idée que la valeur d'un bien est

déterminée par la quantité de travail à fournir pour produire ce dernier. Ainsi, tout ce qui est

très utile ne suscite pas une très forte valeur (l'eau par exemple) et tout ce qui a une très forte

valeur n'est pas forcément très utile (comme un diamant). Cette phrase permet d'illustrer deux

challenges auxquels la société doit faire face : définir ce qu'est « la nature de la valeur » et

définir ce qu'est « la valeur de la nature ». Ce manque d'évaluation est une cause sous-jacente

aux dégradations observées aujourd'hui. (Communauté Européenne, 2008)

Des d’études et programmes d'évaluation sont alors lancés, visant à évaluer les services

rendus par les écosystèmes ou à leur donner une valeur. C'est le cas par exemple du

Millenium Ecosystem Assessment (2005) une étude mondiale lancée en 2000 et dans le

prolongement celui du The Economics of Ecosystems and Biodiversity (CE, 2008) en 2007.

(Encadré 1)

2 Dans l’ouvrage Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776.

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Encadré 1 :

Millennium Ecosystem Assessment, 2005. Ecosystems and Human Well-being: Synthesis. Island Press,

Washington, DC.

Le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan a lancé en 2000 une étude scientifique exhaustive, l’Evaluation

des écosystèmes pour le millénaire. C'est un programme de travail international conçu pour répondre aux

besoins des décideurs et du public en matière d’information scientifique relative aux conséquences des

changements que subissent les écosystèmes pour le bien-être humain ainsi qu’aux possibilités de réagir à

ces changements.

The Economics of Ecosystems and Biodiversity (Communauté Européenne, 2008)

Initiée lors du G8+5 de Heiligendamm en 2007, cette étude a pour but de promouvoir une meilleure

compréhension de la véritable valeur économique des services rendu par les écosystèmes et d'offrir ainsi des

outils pour prendre en compte cette valeur. La finalité de ce travail est de contribuer à développer des

politiques de protection plus efficaces et pour contribuer aux objectifs de la Convention sur la Diversité

Biologique de Rio (1992).

4- Les éléments du constat

4.1 – Une crise d'extinction majeure

Le processus d’extinction est un processus naturel et omniprésent. C’est un des fondamentaux

de la théorie de l’évolution. Les mesures du taux d’extinction sont souvent des estimations au

vu de notre connaissance des groupes systématiques considérés. Mais les valeurs les plus

fiables, obtenues pour les taxons les mieux connus et les mieux suivis comme les plantes et

les vertébrés révèlent un taux actuel d’extinction entre 50 et 560 fois supérieur au taux attendu

pour une biodiversité stable (Teyssèdre, 2004). Les valeurs calculées pour les autres groupes

moins connus (les insectes, etc.), sont par conséquent des estimations moins « vraies », mais

elles-aussi sont toutes supérieures à ce taux attendu (Teyssèdre, 2004). De manière globale le

MEA (MEA, 2005) estime que le rythme d'extinction, accéléré par les activités humaines, est

au moins 100 fois supérieur au rythme naturel. Jenkins et al. (2002) (dans Teyssèdre, 2004)

ont estimé à 15, 35 et 51% les nombres de populations de vertébrés respectivement forestiers,

marins et d’eau douce disparues depuis 30 ans à l’échelle mondiale. (Teyssèdre, 2004)

Toutes les estimations convergent. Le déclin important de la biodiversité mondiale ne fait

ainsi plus de doute. Or, un processus d’extinction n’est pas un phénomène instantané. Il fait

suite à une phase de déclin plus ou moins longue. Les extinctions actuelles témoignent donc

des impacts passés sur les écosystèmes. Or, les plus importants changements se sont déroulés

ces 50 dernières années (MEA, 2005). C'est pour cela que l'on constate que le déclin de la

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

biodiversité ne cesse de s'accélérer. Il s'est encore accru de 2005 à 2008 d'après le TEEB

report (CE, 2008). Aujourd'hui, on parle de perte substantielle et largement irréversible

de la diversité de la vie sur terre. (MEA, 2005)

Le problème de la biodiversité va bien au delà de la disparition des espèces. On l'a vu

précédemment, cela préoccupe l'humanité car l'érosion de la biodiversité menace le bon

fonctionnement des écosystèmes et par là même, l'existence même des services rendus

indispensables dont nos sociétés dépendent (Figure 1). Il existe une multitude de chiffres

alarmants : par exemple, dans les 300 dernières années, la superficie globale forestière a

diminuée d'approximativement 40%3, et depuis 1900 le monde a perdu à peu près 50% de ses

zones humides4. Ces tendances de modifications et dégradations de l'environnement font

que 60% des services examinés par le MEA (2005) ont été dégradés dans les 50 dernières

années. Le bien être de toute population humaine est fondamentalement et directement

dépendant des services des écosystèmes, et le niveau des bénéfices tirés de l'environnement a

chuté ces 50 derrières années de manière comparable à la diminution de la biodiversité (CE,

2007). Les modifications des écosystèmes augmentent par ailleurs la probabilité de

changements non linéaires (phénomène d'emballement, de changement brusque et

irréversible) dans les écosystèmes. On constate par exemple l'apparition de nouvelles

maladies, une dégradation de la qualité de l'eau, des zones marines sans vie, l'effondrement

des stocks de poissons, le décalage de régions climatiques, etc. Tous ces changements ont

donc des conséquences importantes sur le bien-être humain. (CE, 2007)

4.2 - Une érosion de la biodiversité principalement d’origine anthropique

Dans la Convention sur la Diversité Biologique de Rio de Janeiro (1992), la fragmentation des

habitats est reconnue explicitement comme une menace majeure pour la biodiversité,

davantage encore que la destruction ou l'altération directe des habitats par les activités

humaines. Avec l'expansion urbaine, le développement des infrastructures linéaires de

transport, les changements de pratiques agricoles, on assiste à une artificialisation des sols à

grande échelle fragmentant et morcelant les habitats naturels. Lorsqu'un habitat devient trop

fragmenté, le phénomène de morcellement lui-même peut conduire à sa disparition. Cette

3 Source : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

4 Source : Moser et al., 1996

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fragmentation isole et fragilise l'habitat et les populations d'espèces qui y vivent. Il devient

plus vulnérable aux pressions extérieures. Par son morcellement et la diminution de sa

surface, la proportion des espèces généralistes de lisière augmente au dépend des espèces

spécialistes. On assiste alors à une baisse de la diversité spécifique (Figure 2). (IFEN, 2006)

Figure 2 : Les impacts des activités humaines sur l'environnement et sur le processus d'érosion de la

biodiversité. (Pour des raisons de visibilité, les rétroactions ne sont pas indiquées)

4.3 - Un défaut de connaissance qui ne facilite pas la prise de décision

La question actuelle de la biodiversité se trouve donc au cœur d'un système complexe incluant

la société humaine, le fonctionnement des écosystèmes et les changements globaux, un

système dont tous les éléments interagissent (Figure 1). Comprendre la dynamique de ce

système, les processus naturels, l'effet de causalité à la fois direct et indirect, identifier les

enjeux économiques et écologiques, constituent un réel défi.

Face à toutes ces questions, notre niveau de connaissance est très insuffisant (Barbault &

Chevassus-au-Louis, 2004). Si le concept de biodiversité est assez connu, ce qui la compose

l’est en revanche beaucoup moins. La prise de conscience du problème de l’érosion de la

biodiversité s'est faite parallèlement à d’importants progrès dans l'acquisition de

connaissances. Mais avec les nouvelles découvertes, il a également été soulevé une multitude

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

de nouvelles questions. L’ampleur du travail restant à accomplir, en termes d’inventaire et de

compréhension de la biodiversité, apparaît aujourd’hui beaucoup plus considérable que dans

les années 1980 (Chevassus-au-Louis et al., 2004). Ce qui illustre tout à fait ce propos est le

gouffre qu’il existe entre le nombre d’espèces connues qui est approximativement de 1,7

million, et le nombre de 30 millions (fourchette de 5 à 100 millions) qui resteraient à

découvrir (Barbault & Chevassus-au-Louis, 2004). Par exemple, on estime à 1 million le

nombre d’espèces d’insectes connues sur 8 à 15 millions d’espèces au total et 70 000 espèces

de champignons sur peut-être 2 millions (Teyssèdre, 2004).

De même, nos connaissances en systématique, bien avancées pour des taxons comme les

vertébrés, montrent leurs limites quand on s’intéresse aux bactéries ou aux virus. Il devient

alors difficile de parler de nombre d’espèces. De plus, parmi les espèces bien identifiées,

celles dont l’écologie est bien connue ne sont pas nombreuses. Devant un tel défaut de

connaissance de la diversité du vivant, comment approcher la complexité des

dynamiques du système abordée précédemment et évaluer alors le rôle ou la place dans

l’écosystème des différents composants de cette diversité ? (Barbault & Chevassus-au-

Louis, 2004)

Cette complexité et notre ignorance rendent difficile le choix d’indicateurs à mesurer ou

incertaines les conclusions des études établissant des corrélations entre les évolutions de

différents paramètres. De plus, les mesures de l’évolution des paramètres identifiées ne

peuvent se faire que sur de longues durées pour mettre en évidence des tendances et

s’affranchir de facteurs aléatoires (CGDD-SOeS, 2010a).

Un adage du monde du management énonce qu'« on ne peut pas gérer ce qu'on ne mesure

pas ». Et le défi actuel auquel nous sommes confrontés est bien celui-ci. Il faut gérer et

préserver cette diversité, celle-là même dont nous avons du mal à en percevoir l’étendue, en

identifier les rôles et en mesurer l’utilité. Or, dans le contexte où les changements globaux se

font de plus en plus rapides, il faut lancer des actions de préservation urgentes. Ce contexte

fait de l’approche séquentielle classique « décrire, comprendre, agir », une démarche

inadaptée pour lutter contre l’érosion de la biodiversité. (Chevassus-au-Louis et al., 2004)

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II- Un virage politique nécessaire

1- Les débuts de la politique environnementale : pas vraiment adaptés ?

1.1- Les débuts : des aires protégées pour quelques espèces (1853-1992)

L'apparition du phénomène de protection apparaît au sein de l'humanité avec les croyances

philosophiques et religieuses qui donnent aux paysages exceptionnels ou à certaines espèces

une valeur sacrée. C'est en partie ce courant de pensée qui va pousser quelques artistes à

inciter la création d'une zone protégée dans la forêt de Fontainebleau (en France) en 1853.

C'est également dans un objectif de protection d'un paysage remarquable que se crée le

premier parc national, celui de Yellowstone (Etats-Unis).

La mise en place d'aires protégées pour les paysages remarquables est progressivement

remplacée par un objectif de préservation d'espèces menacée. En effet, jusqu'au début des

années 1980 le problème identifié est la disparition d'espèces à grande charge émotive

(baleines, éléphants, pandas, tigres...). Les textes des institutions internationales visent alors

surtout les espèces en voie d'extinction et ont une vision conservationniste. Il se crée alors

l'Union Internationale pour la Protection de la Nature en 1948. En 1971 la convention de

Ramsar sur les zones humides, est principalement destinée à la protection des oiseaux d'eau.

En 1973, la convention de Washington sur le commerce international d'espèces de faune et de

flore sauvages menacées d'extinction (CITES) voit le jour pour empêcher le commerce des

espèces menacées. En 1979, l'Union Européenne décide de créer la directive « Oiseaux » qui

comme son nom l'indique vise la protection des oiseaux. D'après Aubertin et al. (1998), la

Stratégie Mondiale de Conservation de 1980, et le récent Global Biodiversity Assessment de

1995 serait clairement encore dans cette lignée conservationniste. Mais cette vision est quand

même tempérée dans ces documents.

En effet, petit à petit, l'idée qu'il est peu efficace de protéger l'espèce sans protéger

l'écosystème qui l'abrite entre dans les consciences (Aubertin et al., 1998). Avec les

avancées de la recherche scientifique et de la connaissance sur les causes de l'érosion de la

biodiversité, on se préoccupe de plus en plus des habitats, des écosystèmes et de leur

fonctionnement, et on commence à s'interroger sur le modèle de développement de la société.

1.2- biodiversité et développement durable (depuis 1992)

Cette prise de conscience se fait lentement. Bien que l'Union Internationale pour la Protection

de la Nature (1948) en changeant de nom en 1956 pour devenir l'Union Internationale pour la

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles (UICN) marque la perception précoce

de ces nouveaux enjeux que sont l’utilisation raisonnée des ressources naturelles pour le

développement de l’Homme, le pas n’est véritablement franchi que bien plus tard avec la

publication de la Stratégie Mondiale de la Conservation en 1980 (Génot & Barbault, 2004).

Ce texte souligne que les problèmes de l'environnement ne peuvent être résolus que par un

effort à long terme et par la conciliation des enjeux environnementaux et du

développement. Ainsi, même si cela paraissait utopique, il est question pour la première fois

de « développement durable », « la seule option rationnelle », « un type de développement qui

prévoit des améliorations réelles de la qualité de la vie des hommes et en même temps

conserve la vitalité et la diversité de la Terre », avec un écho de plus en plus large (UICN et

al., 1980). Ce texte a vu le jour dans un contexte favorable où les questions de

l’environnement et du développement étaient de plus en plus associées. Le débat a été lancé

par le rapport « Halte à la croissance » publié en 1972 par le Club de Rome. Il met en garde

contre les menaces du développement exponentiel sur les systèmes naturels. Ce dernier a

grandement nourri les débats de la conférence de Stockholm (1972) au cours de laquelle nait

le concept d’écodéveloppement, rapidement écarté lors de celle de Cocoyoc (1974). Mais la

pierre est posée.

Par la suite, le Rapport Brundtland de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le

Développement (CMED, 1987) définit le développement durable ou « sustainable

development » comme « un développement qui satisfait les besoins de la génération présente

en préservant pour les générations futures la possibilité de satisfaire les leurs. » et permet sa

large diffusion. Mais c’est quelques années plus tard que ce concept va gagner toutes ses

lettres de noblesse, en 1992 lors de la publication de la « Global Biodiversity Strategy » (WRI

et al., 1992) qui met en exergue l’importance de la sauvegarde des processus écologiques dont

notre survie dépend, mais tout en prêtant attention aux exigences de développement. Une

autre évolution majeure qu’apporte ce texte est dans la conception de la conservation de la

biodiversité. Il ne s’agit plus de protéger des espèces dans des exclos d’activités humaines,

mais de préserver les grands écosystèmes en laissant à l’Homme sa place à condition

qu’il en face bon usage.

Cette nouvelle vision, celle du développement durable, déplace les enjeux de protection de la

biodiversité des espaces de nature sauvage vers les espaces anthropisés tels que les

agrosystèmes, les zones urbanisées. Ce sont dans ces espaces où l’intervention humaine est

très présente que les enjeux de préservation sont primordiaux. On passe donc dans le même

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temps d’un intérêt pour les espèces rares et exceptionnelles vers des préoccupations pour les

espèces banales, ordinaires. (Chevassus-au-Louis et al., 2004)

Cette association des enjeux économiques, sociaux et environnementaux dans le

développement durable est perçue de 3 manières différentes. En effet, le concept de

développement durable apparaît plus flou et moins exigeant sur le plan de la préservation de

l'environnement que le concept « d’écodéveloppement » qui a d'ailleurs été écarté des textes

internationaux à l'occasion de la conférence de Cocoyoc (1974). La première perception que

l'on retrouve dans les textes officiels marque la prise de conscience que pour être durable, le

développement doit avoir un usage raisonné des ressources naturelles. La seconde pose la

question de l'équité sociale des modes d'exploitation de certaines ressources, écologiquement

viable mais pas équitable en termes de répartition des profits. La troisième, utilise les objectifs

de protection de la nature au service du développement et de la gestion des ressources.

Mais parler de gestion durable de la biodiversité a un tout autre sens que de parler de gestion

durable de ressources non renouvelables comme le pétrole, qui se résume à une gestion

économe. La gestion durable de la biodiversité revient à lui permettre durablement de

s’adapter, et donc d’identifier les processus à préserver ou renforcer pour permettre aux

générations futures de profiter de son évolution. (Chevassus-au-Louis et al., 2004)

D'après Aubertin et al., (1998), le Sommet de Rio de 1992 s'est organisé en fonction des

possibilités techniques et des rapports de forces du monde de l'industrie. Deux grands

mouvements se rencontrent alors, les conservationnistes autour de l'IUCN et les utilitaristes

autour de la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture). D'après

lui, ce n'est pas une grande réconciliation autour du développement durable mais la réduction

au souci commun de préserver le patrimoine génétique. Pour permettre l’essor des

biotechnologies, il faut préserver les matières premières par une exploitation durable. La

conservation de la biodiversité passe au second plan derrière le partage juste et équitable de

l'exploitation des ressources génétiques. La déclaration de Stockholm de 1972 allait déjà dans

ce sens ; et en 1983 la FAO avait déclaré dans son engagement international que les

ressources génétiques étaient patrimoine mondial de l'humanité. Ainsi, les défenseurs de

l'environnement comme les scientifiques font désormais passer la préservation de la

biodiversité par les enjeux de préservation des ressources génétiques (Aubertin et al., 1998).

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

1.3- un bilan pas vraiment positif

Les espaces naturels protégés ne répondent pas aux enjeux de biodiversité en termes de

surface. Il suffit pour comprendre cela de comparer la surface en protection réglementaire

(forte ou non) qui représente en 2002 1,8% du territoire métropolitain contre les 24% du

territoire identifiés comme Zones Naturelles d'Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique

(ZNIEFF)5. Dans bien des cas elles sont bien plus restreintes que la surface nécessaire au bon

fonctionnement des écosystèmes, et les espèces à large domaine vital ne peuvent y survivre

(Génot & Barbault, 2004)

De plus, ces espaces protégés représentent une forte attractivité et la sur-fréquentation induit

des impacts sur leur fonctionnement et donc leur efficacité. Ils sont de plus énormément

affectés par les influences extérieures telles que les pollutions (Génot & Barbault, 2004).

La création d'aires protégées dans lesquelles on exclut toute activité socio-économique et où

on implante une gestion « conservatoire » pose des questions d’utilité et de pérennité : en

effet, certaines espèces que l'on cherche à protéger sont liées à des activités humaines comme

par exemple des activités agricoles traditionnelles (Génot & Barbault, 2004).

L'approche espèce, souvent préférée à l'approche écosystème, est critiquée car elle ne

s'intéresse qu'à une infime partie de la diversité, majoritairement des espèces emblématiques

comme les vertébrés, alors que la perte de biodiversité est un phénomène global.

Comme le constate Ramade (1999) dans son livre Le Grand massacre, l'augmentation de la

surface des aires protégées depuis plus d'un siècle, n’a pas empêché le rythme

d'extinction des vertébrés de s'accroitre.

De plus en plus d'exemples montrent la pertinence de l'approche habitat contrairement à celle

des espaces protégés focalisée sur les espèces. En effet, une mise sous cloche de « bouts de

nature » sans changer la façon dont on gère le reste conduit inévitablement à une impasse

quant au règlement du problème de la biodiversité à long terme.

Une question centrale à l'heure actuelle est la fragmentation des habitats. Or, la dispersion

géographique des espaces protégés ne permet pas de répondre à cette problématique.

En synthétisant les résultats de plusieurs études prospectives, Teyssèdre (2004) arrive à la

conclusion que pour éviter une 6ème grande crise d’extinctions, il est urgent de changer de

stratégie de conservation. La préservation de la biodiversité va dépendre, outre la diminution

de nos émissions de CO2, de notre capacité à gérer les espaces anthropisés pour permettre à

bien d’autres espèces que l’Homme d’y prospérer et de se déplacer le long des gradients 5 Source : IFEN 2002 et Ministère de l'Environnement 1996, dans Teyssèdre (2004)

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climatiques. Il faut parvenir à une exploitation durable des écosystèmes terrestres et marins :

« Un pari difficile, qui implique un changement total des politiques habituelles

d’aménagement des territoires et de conservation, mais que nous devons absolument gagner

pour éviter une crise d’extinctions catastrophique ». (Teyssèdre, 2004)

En 2002, la communauté internationale s’est fixée lors du sommet mondial sur le

développement durable de Johannesburg en 2002 l'objectif de réduire le taux d’érosion de la

biodiversité à l'horizon 2010. L'Union Européenne, s'est fixée quant à elle l'objectif encore

plus ambitieux de la stopper. Mais selon l'Union International pour la Conservation de la

Nature, ces objectifs n'ont pas été atteints.

Les premières politiques qualifiées de « non-utilitaristes » on eu une grande difficulté à

promouvoir la protection de la nature sur de telles bases éthiques. Cela a conduit peu à peu,

vers le milieu du XXème siècle, à l’émergence d’un discours beaucoup plus utilitariste, selon

lequel les services rendus par la nature étaient mis en avant pour justifier la nécessité d’une

protection. Dans cette perspective, l'échec des efforts pour stopper l'érosion de la biodiversité

peut être attribué pour une part à l'échec de la mise en place de marché pour les services et les

biens commun et d'une valeur économique pour la nature sauvage.

Le manque d'information des autorités locales est également souvent à l’origine des atteintes à

la biodiversité, et nombreux sont les projets qui ont contribué à l'érosion de la biodiversité

juste par ignorance. (CE, 2008)

Il faut donc mettre en place une nouvelle stratégie de conservation sur des territoires plus

vastes, même moins fortement protégés, mais dont la gestion est plus écologique. Il faut

envisager une gestion plus globale des espaces et les considérer de manière

multifonctionnelle, que ce soit dans les espaces agricoles ou au cœur même des villes.

Autrement dit, faut changer de vision et cesser de considérer la nature comme ce qui reste

« sauvage » et en dehors des espaces aménagés.

2- Émergence d'une nouvelle vision de la politique environnementale

2.1- Le développement durable : des visions opposées mais qui se

rejoignent dans les faits.

Le développement durable est la confrontation entre enjeux environnementaux et enjeux du

développement. Autour de cette confrontation vont se rencontrer des éthiques différentes qui

répondent à des préoccupations difficilement compatibles (Chevassus-au-Louis et al., 2004 ;

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Rosa & Da Silva, 2005). On l'a vu lors du rapide survol de l'histoire, l'éthique des premiers

protecteurs de la nature à la fin du XIXème siècle était esthétique, voire même

théocentrique. Il fallait protéger la nature exceptionnelle, et respecter l'œuvre du « Créateur »

(Chevassus-au-Louis et al., 2004). Ces éthiques étaient très axées sur une perception humaine

très proche de l'anthropocentrisme.

Une seconde vision relativise la place de l'Homme dans la nature parmi les autres espèces et

remet en cause le droit que notre espèce s'est octroyé sur les autres espèces. Cela fonde le

courant biocentrique (tout être vivant à une valeur intrinsèque).

Un troisième mouvement fonde l'hypothèse controversée de Gaïa (du nom de la déesse

grecque de la Terre-Mère) avancée par James Lovelock (1970), qui considère la Terre comme

un être vivant (Lovelock, 1999). On reconnaît ainsi des droits propres à la planète que

l'Homme doit respecter. Il doit y vivre sans lui porter atteinte. C'est le courant écocentrique

(ce sont les écosystèmes, ou la biosphère, qui ont une valeur intrinsèque).

Ces différentes éthiques non-utilitaristes ont éprouvé d'importantes difficultés à promouvoir la

protection de la nature. Mais, à partir du milieu du XIXème siècle, avec l'appropriation par les

économistes du concept de développement durable on assiste à l'émergence d'une éthique de

protection de la nature beaucoup plus utilitariste, axée sur les services rendus et les bénéfices.

Ainsi, la vision des enjeux qui était centrée sur l'environnement est influencée par les éthiques

anthropocentriques du développement. Par le concept de développement durable, plusieurs

visions syncrétiques voient le jour.

La première, l'éco-éthique considère que le respect de la nature passe par les considérations

pour l'Homme actuel envers les générations futures. Deux éthiques se développent autour de

cette vision. L'anthropocentrisme étendu qui prend en compte les intérêts des hommes

actuels et futurs et le catastrophisme éclairé qui préconise d'éviter toute option présentant un

risque pour l'humanité. Ces éthiques sont qualifiées d’anthropocentrisme modéré (« weak

anthropocentrism ») par Rosa & Da Silva (2005). Elles constitueraient le fondement implicite

de la plupart des politiques environnementales.

La seconde vision est l'éthique de la coévolution qui part du principe que l'espèce humaine et

toutes les autres espèces sont en dépendance réciproques. Elle combine alors les approches

bio- et éco-centriques.

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D'après Rosa & Da Silva (2005), les éthiques de l'anthropocentrisme modéré, du bio- ou éco-

centrisme devraient converger dans la mise en œuvre des mesures de protection de la nature.

En théorie, dans un contexte anthropocentrique, les défenseurs de la nature doivent apporter la

preuve qu'une action va menacer la biodiversité. Les rôles sont inversés dans un contexte bio-

ou éco- -centrique, où les porteurs de projets doivent prouver que leur action ne va porter

aucune atteinte à la biodiversité. Cependant, concrètement, lors de la mise en œuvre d'une

politique ou d'un projet, les deux parties sont amenées à débattre et à amener des éléments de

justification. (Chevassus-au-Louis et al., 2004)

2.2- Natura 2000 : les débuts trop timides d’une vision du réseau

Plusieurs éléments de contexte vont motiver la création du réseau Natura 2000 :

- la dégradation de la biodiversité en majeure partie due à la fragmentation des habitats ;

- l'échec des politiques de conservation créant des aires protégées isolées ;

- la diffusion du concept de développement durable ;

- la diffusion des idées de gestion multifonctionnelle des espaces où sont liés les enjeux

biodiversité et socio-économiques ;

- la prise de conscience de la nécessité d'actions dialoguant entre les échelles et

dépassant les limites administratives ;

- la prise de conscience que la protection pour être efficace ne doit pas être axée que sur

les espèces, mais sur les habitats.

L'Union Européenne impulse, en 1992, la création d'un réseau d’espaces naturels ou semi-

naturels de grande valeur patrimoniale, baptisé Natura 2000. C'est une réponse aux

objectifs fixés lors du Sommet de Rio la même année. Cette création est marquée par la

directive « Habitats, Faune, Flore » (1992). Son réseau se compose de zones spéciales de

conservation (ZSC) et inclut des zones de protection spéciale (ZPS) désignées au titre de la

directive « Oiseaux » (1979 et 2009). Son objectif est de permettre la survie à long terme des

espèces et habitats parmi les plus menacés d’Europe, dits d’intérêt communautaire (CGDD-

SOeS, 2010a), listés en annexes des deux directives. C'est avec cette politique que sur le plan

international commence à se concevoir l'idée d'une politique de « cohérence écologique »

(Art. 10, voir encadré) et d'une stratégie de conservation permettant le déplacement des êtres

vivants. L'article 10 (voir encadré) de la directive européenne 92/43/CEE insiste sur

l'importance de prendre en compte les éléments permettant le déplacement des espèces lors de

la désignation des zones d'intérêt. Cependant, jusqu'à présent l'attention s'est portée sur la

désignation des sites eux-mêmes et beaucoup moins sur la mise en réseau de ces derniers.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Article 10 Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages « Là où ils l'estiment nécessaire, dans le cadre de leurs politiques d'aménagement du territoire et de développement et notamment en vue d'améliorer la cohérence écologique du réseau Natura 2000, les États membres s'efforcent d'encourager la gestion d'éléments du paysage qui revêtent une importance majeure pour la faune et la flore sauvages. Ces éléments sont ceux qui, de par leur structure linéaire et continue (tels que les rivières avec leurs berges ou les systèmes traditionnels de délimitation des champs) ou leur rôle de relais (tels que les étangs ou les petits bois), sont essentiels à la migration, à la distribution géographique et à l'échange génétique d'espèces sauvages. »

2.3- La démocratie environnementale

La Convention d'Aarhus, adoptée le 25 juin 1998 par la Commission Economique pour

l’Europe des Nations Unies (CEE-NU) est le pilier de la démocratie environnementale. Elle

représente le premier instrument international à promouvoir l’accès à l’information, la

participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière

d’environnement. Elle entre en vigueur le 30 octobre 2001. La France quant à elle ratifie la

Convention d'Aarhus le 8 juillet 2002. Elle y entre en vigueur le 6 octobre 2002 (voir loi n°

2002-285 du 28 février 2002 autorisant l’approbation de la Convention d’Aarhus et décret n°

2002-1187 du 12 septembre 2002 portant publication de la Convention d’Aarhus).

Cette convention stipule que toute personne a le droit d’être informée, de s’impliquer dans les

décisions et d’exercer des recours en matière d’environnement. Elle offre ainsi une place aux

citoyens dans les débats environnementaux, synonyme de bonne gouvernance.

Ainsi, la Convention d’Aarhus consacre trois droits fondamentaux pour les citoyens et les

associations qui les représentent :

- l’accès à l’information : lier la démocratie à la transparence administrative. Tout

citoyen sans justification peut demander des informations sur l'environnement auprès

des autorités publiques ;

- la participation au processus décisionnel : d'après le principe 10 de la déclaration de

Rio (1992) : « La meilleure façon de traiter les questions d’environnement est

d’assurer la participation de tous les citoyens au niveau qui convient. ». Le principe de

participation explique que « le corps social est pleinement associé à l’élaboration de

projets et de décisions publics ayant une incidence sur l’environnement, et dispose

d’une possibilité de recours une fois la décision prise » (Définition de la commission

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nationale de terminologie et de néologie, vocabulaire de l’environnement, JORF

n°0087 du 12 avril 2009) ;

- l’accès à la justice : ce droit permet de garantir la bonne application des deux piliers

précédents avec l’aide des tribunaux. Il offre ainsi aux citoyens et aux associations qui

les représentent, le droit de faire condamner et réparer les manquements des autorités

publiques en ce qui concerne l’accès à l’information et la participation du public aux

processus décisionnels. Conçu dans un sens large, l’accès à la justice vise également la

possibilité de contester toute violation de la législation environnementale, qu’elle soit

le fait d’une personne publique ou non.

Comme la conservation de la nature repose sur des lois scientifiques échappant au grand

public et à la contingence politique, il existe un risque que les politiques soient orientées par

ces choix objectifs. Bruno Latour (1999), cité dans Chevassus-au-Louis et al. (2004), critique

cette attitude faisant de la science écologique une « révélation […] éclairant l’humanité

plongée dans les ténèbres et lui imposant ses choix ». En effet, la biodiversité est à la croisée

des enjeux, sociaux, économiques, écologiques, et ils doivent pouvoir être examinés dans

toute leur diversité avec le même degré de légitimité. La question de la légitimité d'une

décision, n'est pas une question nouvelle et a longtemps été abordée dans la société par le

problème de la représentativité des acteurs économiques et sociaux.

Mais aujourd'hui, les débats autour de l'environnement posent de nouvelles questions.

Comment assurer la représentation politique de la biodiversité dans les débats de société ?

Quelles instances, pour quels représentants et avec quelle légitimité ? Pour beaucoup, il

revient aux scientifiques de représenter la biodiversité dans le champ social. Bruno Latour

(1999) cité dans Chevassus-au-Louis et al. (2004), insiste sur le fait que cette place ne doit

pas pour autant les rendre incontestables. L'enjeu des débats actuels est de savoir où placer le

curseur entre ce qui est acceptable, ce qui ne l’est pas ou qui nécessite compensation. La

difficulté d'objectivité d'une telle représentation ne peut trouver réponse que dans le

pluralisme des points de vue, et pas seulement le seul regard de l’expert scientifique

(Chevassus-au-Louis et al., 2004)

De fait, avec la démocratisation des enjeux et problèmes environnementaux, de plus en plus

de personnes s'intéressent à ces questions et prennent part aux débats.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

2.4- La biodiversité, l'affaire de tous

Avec l'appropriation du terme de biodiversité par le champ social, toutes les questions

rattachées à ce dernier sont également passées dans la société. Une étude récente montre que

le terme de biodiversité est familier à 2/3 des européens (38% en connaissent la signification

et 28% en ont déjà entendu parler sans savoir la définition). Une fois le terme expliqué, plus

de 8 européens sur 10 ressentent la perte de biodiversité comme un problème très sérieux à

large échelle. Cela montre à quel point cette problématique est passée dans le champ social

et est en cours d'appropriation. En effet, ces chiffres augmentent par rapport à 2007.

Cependant, seulement 5% des personnes interrogées se sentent très bien informées et 32%

seulement bien informées. Il y a donc encore un manque d'information et de communication.

Mais malgré cela, les européens s'approprient le problème et se sentent concernés. 70%

déclarent faire personnellement des efforts pour protéger la biodiversité et la moitié d'entre

eux aimerait faire encore plus ! En revanche 28% déclarent ne rien faire, mais parmi-eux,

70% expliquent c'est par ce qu'ils ne savent pas quoi faire. (Gallup Organization, 2010)

Il y a donc un désir d'agir, mais qui est freiné par le manque d'information. Des initiatives

nationales sont lancées pour informer et investir les gens dans la protection de la biodiversité

comme par exemple la création des Observatoires de la biodiversité pour répondre aux

objectifs des convention de Rio (1992), d'Aarhus (1998) et de la directive européenne

2003/98/CE sur les informations du secteur public. Par exemple, en France, le Grenelle

environnement de 2007, en mettant en place un observatoire de la biodiversité s'est fixé pour

objectif de créer des indicateurs de biodiversité permettant une passerelle entre les

scientifiques et le grand public. En effet le concept de science citoyenne ou science

participative, a tendance à se diffuser dans le monde pour permettre des acquisitions de

connaissance sur la biodiversité à grande échelle (Figure 3). Cette ‘citizen science’ est

particulièrement populaire dans les pays anglo-saxons. Par exemple, le Cornell Lab of

Ornithology (New-York) parraine une douzaine de projets d’étude qui s’appuient sur la

participation. En France, cela a aussi tendance à se développer. Tout d'abord au niveau

national avec quelques études regroupées derrière le programme Vigie-Nature du MNHN

comme par exemple l'observatoire des papillons qui associe chacun à l'échelle de son jardin.

Mais il existe aussi diverses initiatives locales comme par exemple en Deux-Sèvres où les

habitants sont invités à participer au suivi des hirondelles en comptant le nombre de nids

présents chez eux.

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Figure 3 : les relations entre les acteurs de la politique environnementale.

Conclusion :

L'apparition du concept de biodiversité modifie la vision de l'homme : il n'est plus considéré

comme un facteur de perturbation anthropique mais comme un acteur de son environnement

(Aubertin et al., 1998). Ainsi, ce bouleversement ne marque plus seulement un

décloisonnement entre les disciplines de la recherche en biologie mais également une

interdisciplinarité avec les sciences sociales et la géographie.

Ces changements ont contribué à ce que, dans tous les champs de la société, on mesure l'échec

des politiques passées. Les nouvelles connaissances scientifiques d’une part, les évaluations

de ces politiques d’autre part, ont permis de faire prendre conscience qu'il fallait réorienter la

politique.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Ces réorientations passent par une orientation prioritaire. Il faut permettre les déplacements

des individus, raisonner sur des aires plus vastes en amenant la nature dans les espaces

anthropisés grâce au développement durable et à une gestion plus globale, multifonctionnelle

et multi-échelle des espaces. En effet, les stratégies de conservation doivent aujourd'hui

s'articuler entre les différentes échelles de la politique environnementale. Aujourd’hui par

exemple, chaque niveau possède un réseau d'aires protégées : Natura 2000 pour l'Europe, les

Réserves Naturelles Nationales au niveau national, les Réserves Naturel Régionales et Parcs

Naturels Régionaux pour les régions, et les espaces naturels sensibles pour les départements

(Génot & Barbault, 2004). Tous ces espaces doivent être considérés dans leur

complémentarité.

Malheureusement, même si aujourd'hui toutes les dispositions étaient prises pour stopper les

changements globaux, les effets des décisions ne se feraient ressentir que dans plusieurs

décennies. En effet, on observe aujourd'hui un processus d'emballement, d'interaction entre la

cause et l'effet, avec des phénomènes de rétro-actions (Trommetteur & Weber, 2004). De plus,

ce sont les effets des changements passés que nous observons et ressentons actuellement. Or

les changements passés sont moins importants que ceux engendré depuis les dernières

décennies, dont nous ressentirons les effets « demain ». Il faut donc prendre conscience de

l'urgence d'une action, mais aussi du fait que les fruits de cette dernière ne se feront ressentir

que bien plus tard.

Malgré tout, le changement est en marche. On perçoit de plus en plus de progrès. Par

exemple, d'après la FAO (The Global Forest Resources Assessment 2010) 16 millions

d'hectares de forêts ont disparu dans les années 1990 contre 13 millions entre les années 2000

et 2010. De même, le Brésil et l'Indonésie qui avaient le plus fort taux de déforestation dans

les années 1990 ont significativement baissé ce taux de perte et développé des programmes

ambitieux de reboisement.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Chapitre II

La Trame Verte et Bleue en France :

l’opportunité d’un changement de politique

environnementale ?

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Introduction :

Par les processus de changements d'occupation du sol et de dégradation des écosystèmes,

causés par les activités humaines, la biodiversité diminue progressivement. Ce phénomène et

ses conséquences d'abord dénoncés par les scientifiques sont devenus une préoccupation

sociétale, cette question étant envisagée sous un point de vue utilitariste, et intégrée au sein

des enjeux du développement durable.

Jusqu'à présent les politiques traditionnelles de création de zones protégées isolées les unes

des autres se sont avérées inadaptées ; au regard des avancées scientifiques, elles ont

néanmoins eu le mérite d'apporter quelques constats utiles à la mise en place de nouvelles

politiques : il faut réfléchir à une articulation des différentes échelles des espaces protégés et à

leur mise en réseau pour permettre le déplacement des espèces ; il faut également concevoir

des politiques sur des zones plus vastes et multifonctionnelles, en intégrant la nature dans les

espaces anthropisés.

Une nouvelle conception de la politique environnementale voit ainsi le jour. Ce

bouleversement, initié par la démarche Natura 2000, se fait dans un contexte d'appropriation

et de démocratisation des ces problématiques. Ces principes qui s'imposent dans le champ

politique sont ceux qui fondent la nouvelle stratégie de protection de la biodiversité en

France : la Trame Verte et Bleue. Cette stratégie repose sur le concept de réseau écologique,

concept basé en partie sur les théories de l'écologie du paysage. Mais le contexte Français va-

t-il aider ou non à sa mise en œuvre et à concrétiser ce changement de conception de la

politique environnementale ? La Trame Verte et Bleue va en tout cas permettre d'identifier des

aspects incontournables qu'il ne faudra pas négliger pour assurer sa mise en place.

I- Du concept de réseau écologique à la Trame Verte et Bleue

1- Le réseau écologique

1.1- Inspiré des concepts de l'écologie du paysage et biologie des

populations

1.1.1 – Ecologie du paysage : entre sciences des écosystèmes et sciences de l’Homme.

L’approche de l’écologie du paysage a permis la conciliation entre les sciences de la nature et

les sciences de la société, en combinant deux disciplines, la géographie et l’écologie, étudiant

ainsi les structures spatiales mises en relation avec les processus écologiques, c'est-à-dire les

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interactions entre l’organisation de l’espace et les processus écologiques (Burel & Baudry,

1999). Elle s'intéresse aux systèmes écologiques à l’échelle à laquelle interviennent la plupart

des problèmes environnementaux, où l'on perçoit les effets de l'activité humaine et où se

prennent beaucoup de décisions d'aménagement. On parle d’écosystème. Abbadie & Lateltin

(2004) le définissent comme l’ensemble - des espèces / de leurs interactions, entre elles et

avec le milieu physique / des flux de matière et d’énergie - qui sont présents dans un lieu

donné. Ce n’est pas un système figé mais qui est en équilibre dynamique.

L’écologie du paysage s’est très tôt confrontée à des questions d’aménagement et de gestion.

L’un des ses objectifs est de fournir aux aménageurs des outils qui leur permettent d’évaluer

leurs actions sur l’environnement et le fonctionnement des écosystèmes.

1.1.2 –Les éléments de base du réseau : Taches-Corridors-Matrice

L'écologie du paysage est construite autour de 3 éléments qui permettent les études

comparatives : les taches – les corridors – la matrice. Dans un des textes qui ont fondé les

théories de l’écologie du paysage, Forman et Gordon (1981, dans Burel & Baudry, 1999),

distinguent différents éléments dans un paysage. La matrice qui est l’élément dominant et

englobant dans laquelle on distingue ici et là des taches formant une mosaïque, et qui sont

reliées ou non entre elles par des éléments linéaires contrastant avec la matrice et formant un

réseau, les corridors. Cette nomenclature a permis la description et la comparaison des

structures paysagères. Au sein des taches et des corridors, il existe un espace d’interactions

avec la matrice, appelée lisière, qui est à différencier du milieu intérieur. Pus la tache est

petite et/ou allongée, plus le ratio lisière/intérieur en superficie est élevé.

On distingue deux types de corridors : les corridors naturels comme les haies, les ripisylves, et

les corridors artificiels comme les routes ou les passages à faune. D’un point de vue structurel,

un corridor peut être continu ou discontinu, on dit alors qu’il est en pas japonais.

On reconnaît plusieurs rôles aux corridors (Thorne, 1993) : celui de voie de déplacement

privilégiée entre deux taches, celui d'habitat (source ou puits), celui de filtre ou même de

barrière. Par exemple, une haie dans un milieu ouvert reliant deux taches forestières va

permettre le passage des écureuils d'un patch à l'autre. Elle peut également constituer un

habitat pour de nombreux insectes ayant un faible espace vital. En revanche pour des espèces

de milieux ouverts comme les papillons, cette haie constitue un filtre voire même une barrière

qu'ils ne peuvent franchir.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Les corridors peuvent aussi être classés par rapport à leur fonctionnalité qui va déterminer

leur structure et leur forme (Bonin et al., 2007; Bloemmen & VanderSluis, 2004) :

- les corridors de migration pendulaire permettent les déplacements journaliers

indispensables à la survie des individus entre les zones de repos et de nourrissage par

exemple. Ils ont besoin d'être très fonctionnels ;

- les corridors de migration qui permettent à des populations de réaliser leur migration

entre leurs zones estivales et hivernales. C'est l'exemple des amphibiens qui doivent

relier leurs aires d'hivernage avec leurs aires de reproduction (Annexe 2). Ce sont des

corridors très spécifiques dont la fonctionnalité est plus importante que la qualité

écologique. Ils ont surtout un rôle de protection des individus et de canalisation du

flux ;

- les corridors de dispersion permettent aux individus d'une population centrale de

disperser vers de nouvelles zones de reproduction à coloniser. Ils doivent être assez

attractifs mais leur objectif est seulement de permettre le passage de quelques

individus dispersants.

- les corridors de liaison permettent de relier des zones d'habitat favorable pour

permettre aux espèces d'étendre leur aire de répartition en dispersant et colonisant.

1.1.3 – Le concept de fragmentation : notion relative

L’habitat d’un organisme est l’ensemble des taches qu’il peut utiliser. La disponibilité de cet

habitat correspond à sa quantité en surface totale mais aussi en un seul bloc, ce qui pose le

problème de la répartition spatiale de cette superficie (Burel & Baudry, 1999). La

fragmentation influe sur cette disponibilité. La sensibilité d’une espèce à la fragmentation va

dépendre de sa mobilité. Pour une espèce se déplaçant peu, un espace peut ne pas paraître

fragmenté alors qu’il peut l’être pour une espèce ayant un plus grand rayon d’action

quotidien. Dans un paysage fragmenté, il peut y avoir assez de place pour quelques individus,

mais pas assez pour une population viable (Burel & Baudry, 1999).

1.1.4 - Connectivité

D’après Burel & Baudry (1999), les mouvements entre les taches distinctes de même type ou

non sont un processus essentiel en écologie du paysage. Ces mouvements se déroulent à

plusieurs échelles spatiales et temporelles. On peut parler d’un individu qui utilise différentes

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taches pour des activités ou des besoins différents de manière quotidienne, ou bien une

phénologie avec migration entre zone d’hivernage et de reproduction (Annexe 2), ou encore

quelques individus d’une population quittant une tache pour en coloniser une autre. Il s’agit là

du processus fondamental de maintien des métapopulations, qui sera abordé dans un point

suivant. La connectivité spatiale est le fait que deux taches de même type soient adjacentes ou

jointes dans l’espace par une connectivité fonctionnelle. Là encore, la capacité de

déplacement d’une espèce est déterminante. On distingue différentes connectivités :

structurelle qui concerne la proximité spatiale ; potentielle qui va dépendre des capacités de

déplacement des espèces considérées ; et réelle (qualité fonctionnelle). Une forte connectivité

structurelle peut s’avérer d’une très faible connectivité fonctionnelle. La matrice en milieu

terrestre n’est pas complètement hostile. Certains espaces de la matrice peuvent avoir une

fonctionnalité de corridors. On parle alors de perméabilité de la matrice. A l’inverse, on parle

de viscosité ou rugosité de la matrice, qui freine les déplacements. Cela conduit aux modèles

de coût-déplacement qui permettent d’évaluer les trajectoires potentielles qu’un animal peut

emprunter.

1.4.5 – Le continuum écologique

Un continuum écologique représente tous les habitats qu’une espèce est susceptible d’utiliser

au cours de sa vie pour satisfaire ses déplacements, sa reproduction, sa protection et accéder

aux ressources alimentaires. Tous ces habitats doivent donc impérativement être reliés.

1.4.6 – Métapopulation : la modélisation des populations en milieu fragmenté

La théorie biogéographique des îles (MacArthur & Wilson, 1967) explique que la richesse

spécifique sur une île, à un moment donné, est la résultante de deux processus dynamiques :

l’immigration qui dépend de la distance séparant les îles du continent et qui décroît avec le

nombre d’espèces déjà présentes (elles rendent la colonisation plus difficile et plus lente) ; et

le processus d’extinction qui dépend de la taille de l’île et qui augmente avec le nombre

d’espèces en compétition. Ainsi, la richesse spécifique est d’autant plus grande que l’île a une

superficie importante et qu’elle est proche du continent. Ce modèle a donné lieu à de

nombreuses controverses et n’a pas été complètement validé. Cependant, il a stimulé de

nombreuses recherches et initié la vision moderne de la dynamique des populations.

Ce modèle a en effet rapidement montré ses limites : lorsque la matrice est hostile, il est

possible de directement transposer cette structure de la théorie biogéographique des îles ;

cependant, en milieux terrestre, l’hostilité de la matrice est à modérer. Donc cette théorie a

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

cédé la place à la théorie des métapopulations énoncée par Levis (1970) : une métapopulation

est une population formée de sous-populations dispersées sur différents patchs, qui s’éteignent

et se recolonisent localement. La métapopulation se maintient si le taux moyen d’extinction

est inférieur au taux de migration. Ce modèle a servi de base à d’autres théories. Parmi elles le

modèle de Boorman et Levitt (1973) qui considèrent l’existence d’une grande population

centrale qui alimente de multiples petites sous-populations périphériques, ou encore le modèle

de Pulliam (1988) qui considère l’existence de taches « sources » pour lesquelles la

population s’accroît et disperse, et des taches « puits » pour lesquelles la population diminue

et disparait si elle n’est pas renforcée par les migrants des populations sources.

1.2- Principe et définition d’une politique de réseau écologique

Pour se maintenir et se développer, toutes les espèces vivantes animales ou végétales ont

besoin de circuler ou de se disperser dans leur habitat. L'espèce humaine ne fait pas exception.

Ainsi, avec le développement de sa société, elle a développé un réseau de communication

« artificiel » de plus en plus dense et efficace. Les autres espèces ont elles aussi besoin de

maintenir ces possibilités de communication et d'échange et donc d'un réseau fonctionnel

d'infrastructures « naturelles ». Ces infrastructures partagent les axes privilégiés de

déplacement que sont les vallées, les voies d'eau et leurs abords. Il existe donc un conflit, les

infrastructures artificielles étant de plus en plus nombreuses, de plus en plus étendues et de

moins en moins perméables. Les espèces ne pouvant ainsi plus assurer leurs échanges ou

déplacements sont contraintes à un isolement qui risque de conduire à leur extinction.

De plus, ce développement du réseau d’infrastructures contribue fortement à la fragmentation

des paysages (Lethuillier, 2007).

Tous ces apports de connaissances dans les différentes spécialités de l’écologie ont permis

d’arriver à certaines conclusions qui ont orienté la mise en place d’une politique de

conservation qui soit plus adaptée. Toutes ces découvertes ont appuyé l’idée qu’à long terme,

maintenir la biodiversité dans des milieux naturels protégés mais isolés les uns des autres

semble être insuffisant (Bennett, 2002). En effet, la connexion des habitats joue un rôle très

important pour la viabilité des espèces.

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1.2.1 – Fragmentation et taille des populations

Lorsqu’une infrastructure découpe un habitat en deux, cela rajoute un effet de lisière aux

abords de ces patchs nouvellement dissociés, ce qui diminue d’autant plus la superficie du

milieu intérieur. Ainsi, il ne faut pas raisonner seulement en termes de superficie perdue par le

passage d’une infrastructure linéaire au cœur d’un habitat. De plus, la fragmentation diminue

la taille des patchs, et le nombre d’individus diminue avec la superficie des patchs (Meffe &

Caroll, 1997). Or, une grande population a un potentiel génétique évolutif plus important, ce

qui lui permet de mieux résister aux diverses perturbations. Les petites populations sont donc

plus fragiles pour des raisons démographiques, génétiques et stochastiques, c'est-à-dire aux

aléas environnementaux.

1.2.1 – Maintien des métapopulations

Avec une structure en métapopulations, des petites sous-populations en communication ont

plus de chance de se maintenir. Les flux d’individus au sein d’une métapopulation génèrent

une variabilité génétique au niveau du paysage. Tout élément de connexion entre les taches

d’un habitat fragmenté devient alors primordial (Burkey, 1989 ; Joachim & Lauga, 2005) car

cela permet de réduire la fréquence des extinctions locales (Joachim & Lauga, 2005; Burel &

Baudry, 1999).

1.2.2 – Survie Individuelle et cycle de vie

Si on change l’échelle de perception, à l’échelle des individus, de nombreuses espèces ne

peuvent vivre dans les espaces trop restreints que représentent les zones protégées (Grenier,

2000). Mais le fait de relier ces espaces peut satisfaire les exigences écologiques des espèces

qui ont besoin d’une grande superficie pour accomplir leur cycle de vie. Pour certaines

espèces il faut des continuités complexes entre les différents habitats dont ils ont besoin lors

de leur cycle de vie (Annexe 2)

1.2.3 – Face aux changements climatiques

Avec les changements climatiques les espèces pour se maintenir doivent s'adapter. Cependant,

ces changements sont tellement rapides que certaines espèces, en particulier les espèces dites

longévives, c'est-à-dire à longue durée de vie mais fertilité faible, n'auront pas le temps de

s'adapter sur le plan génétique. L'adaptation possible pour ces espèces est alors le

glissement de leur aire de répartition. De tels phénomènes de migration ont déjà été mis en

évidence au cours de l'histoire de la vie sur terre. La paléoécologie, avec l'avancée des outils

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

de génétique, nous a appris beaucoup sur les phénomènes de migration-recolonisation au

cours des périodes de transition glaciaire-interglaciaire. Au cours de ces cycles, on sait

aujourd'hui que ces phénomènes se sont produits pour beaucoup d'espèces aussi bien des

mammifères que des végétaux ou des amphibiens. (Hewitt, 2000 ; Taberlet 1998). D’après

une méta analyse (Parmesan & Yohe, 2003) portant sur des données récentes de 30

publications, soit 279 espèces, il apparait que 51% des espèces recensées ont changé

significativement d’aire de répartition au cours des 20 à 140 dernières années ; ce changement

va dans le sens attendu par l’effet du réchauffement global : vers les pôles (en moyenne, de

6,1 (± 2,4) km par décennie en latitude au cours du XXème siècle) et/ou les altitudes

élevées(6,1 m par décennie en altitude au cours du XXème siècle), quel que soit l’écosystème

ou l’organisme.

Cependant, d'après l'étude prospective réalisée par Thomas et al. (2004), à partir d'une

simulation de réchauffement global de 0,8°C à 2,2°C pour 2050, celui-ci provoquerait

l'extinction de 15 à 37% des espèces de papillons, vertébrés et plantes terrestres. Ce taux

d'extinction varie bien sûr en fonction de l'intensité du réchauffement mais également en

fonction des capacités de migration. En effet si ces déplacements sont impossibles, ce taux est

multiplié par environ deux.

1.2.4 – Des précautions

Lors de la mise en place de corridors, il y a toutefois des effets moins bénéfiques dont il faut

avoir conscience. Si l'on crée des corridors au sein d'une matrice homogène, cela va

augmenter l'effet de lisière, c'est à dire de transition entre deux milieux favorisant l'installation

d'espèces généralistes. De plus, un corridor bénéfique pour une espèce peut nuire fortement à

une autre. Un corridor constitue une zone de vulnérabilité et peut augmenter l'exposition des

individus à la prédation, au parasitisme et à la compétition. La présence de corridors, en

facilitant la dispersion des êtres vivants, facilite par là même la colonisation des espèces

invasives ou la propagation de maladies. La liaison de deux sous-populations peut dans

certains cas avoir un effet inverse à celui escompté. Ce phénomène peut par exemple entraîner

la perte de variabilité génétique dans des trop petites populations ou bien la perte d'allèles

spécifiques en reliant des zones refuges.

D’après une étude réalisée par Henein et Merriam (1990, dans Burel & Baudry, 1999), la

présence de corridors de bonne qualité va avoir un effet positif, par rapport à une population

non connectée. Mais en revanche, la présence de corridors de mauvaise qualité va avoir un

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effet négatif par rapport à la configuration de base.

Si les corridors sont perçus potentiellement comme bénéfiques en ville, permettant

d’améliorer le cadre de vie, ils constituent aussi des espaces en zones urbaines qui ne pourront

être urbanisés. Au sein des espaces agricoles ou de sylvicultures intensives ces corridors vont

également avoir un impact socio-économique qu'il va falloir évaluer avec les acteurs

concernés.

Il faudra aussi prêter attention à la mise en œuvre de la politique et à la gestion des corridors

mis en place. En effet un corridor n'a d'intérêt que si la qualité du milieu qui le compose

contraste avec la matrice. Ainsi, un corridor de mauvaise qualité dans une matrice de

meilleure qualité sera inutile. De plus, les corridors de mauvaise qualité, qui sont souvent en

déséquilibre écologique, seront plus susceptibles de conduire les espèces invasives.

1.3- Une idée pas si nouvelle...

Dans différents pays d'Europe ou au delà, des projets réseaux écologiques à toutes les échelles

ont déjà été mis au point. L'idée d'un réseau « vert » avait déjà vu le jour dans de grandes

métropoles européennes telles que Londres, Moscou, Berlin, Prague, Budapest et Copenhague

où des systèmes de corridors verts ont été développés au début du XXème siècle. (Jongman et

al., 2006)

En ce qui concerne l’Europe, qui a pour projet un Réseau Ecologique Paneuropéen (REP), les

différents régimes administratifs, la fédéralisation et la décentralisation ont mené à une

grande diversité d'approches, ce qui ne facilite pas la coordination entre les différents

réseaux. Ces projets ont pu faire l'objet d'une législation, ou d’une planification stratégique

nationale ou régionale. Au delà des différentes stratégies entre les Etats, on constate aussi un

niveau de diversité infranationale de démarches et d'objectifs.

Cela signifie qu’entre le REP et ses applications, il existe une multitude d’échelles

intermédiaires aboutissant à des décisions et des applications pour différentes problématiques.

Il est ainsi possible de hiérarchiser le réseau en 4 niveaux (Jongman et al., 2006) : la méga-

échelle (des aires naturelles >10 000 km²) ; la macro-échelle (des aires > 1000 km² connectée

par des corridors ou pas japonais >10 km de large) ; la méso-échelle (aires > 10-100 km² et

connections de 0,1 à 10 km de large) ; micro-échelle (petites aires protégées < 10 km² et

connecté par des corridors < 0,1 km). Le réseau écologique à l'échelle du paysage se fait donc

dans une large fourchette d'échelle spatiale, depuis le méga- jusqu'aux projets micro-échelle.

Cette diversité d’échelle va donc se retrouver dans la mise en œuvre avec des projets à

l’échelle européenne, nationale ou très locale comme l’aménagement d’un passage à faune

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

(Jongman et al., 2006).

Des exemples sont fournis en annexe 3 pour illustrer les différentes échelles. On n’évoquera

ci-dessous que les réseaux suisse et paneuropéen qui ont un lien direct avec le travail présenté.

Le Réseau Ecologique National Suisse

Le découpage territorial en Suisse force à s’intéresser à 2 niveaux, le niveau fédéral et

cantonal. Au niveau fédéral, l’étude Réseau Ecologique National (REN) a été lancée en 1999

par l’Office fédéral de l’environnement. Cette étude avait pour but de contribuer à la

protection et à la qualité de la biodiversité, des habitats et du paysage, ainsi qu'au

renforcement des connectivités. Cette étude constitue la participation de la Suisse au Réseau

Ecologique Paneuropéen. Elle présente aussi les relations de fonctionnement du paysage au

niveau suprarégional et intercantonal et peut donc servir de base à la mise en place de

programmes régionaux (collaboration entre cantons). L’organisation administrative et le

partage des compétences en Suisse attribuent aux cantons la souveraineté sur la question

d’aménagement du territoire, et les cantons n’ont donc aucune obligation de mise en œuvre du

REN. Le REN n’est pas opposable aux documents d’urbanisme ; ce n’est pas un instrument

contraignant, mais incitatif qui vise à encourager les cantons à intégrer dans leurs activités

territoriales une stratégie d’interconnexion des habitats ainsi que la notion de réseau

écologique pour la sauvegarde de la biodiversité et du paysage. Le REN constitue donc un

outil d’information dont la prise en compte dans les documents d’urbanisme ou

d’aménagement reste libre aux cantons. Aucun outil de suivi ou d’évaluation de la mise en

œuvre du REN n’a d’ailleurs été développé. Les résultats ont été publiés en 2004 (Berthoud et

al., 2004) sous la forme de cartes au 1 :100’000 pour chaque réseau considéré.

En revanche, cette réflexion a été accompagnée d’un changement de politique de l’Office

fédéral de l’agriculture. Les mesures agri-environnementales ont été complétées par une

ordonnance sur la qualité écologique (OQE) permettant à la Confédération de verser des

incitations financières sur engagement volontaire de 6 ans pour les surfaces de compensation

écologique qui présentent des caractéristiques de qualité écologique et/ou qui sont localisées

selon une stratégie d’interconnexion régionale.

Réseau Ecologique Paneuropéen (REP) (Jaffeux, 2006 ; Bonin et al., 2007)

En 1991, une étude lancée par le gouvernement Néerlandais aboutit à un rapport intitulé

« Vers un réseau écologique paneuropéen » (EECONECT) (Bennett, 1991) qui propose une

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nouvelle stratégie pour la conservation de la biodiversité. Ce rapport fonde à l’époque de

grands espoirs sur la création future du réseau Natura 2000. Mais la directive européenne

« Habitat », approuvée en 1992, est très en deçà des objectifs et stratégies formulés par ce

rapport. En effet, elle ne comporte pas d'obligations pour les Etats membres de définir et de

protéger les corridors entre les sites Natura 2000 identifiés. Il s’agit seulement d'une incitation

de l'article 3-3 et 10 de la directive Habitat (1992). Et dans la mise en œuvre, la réflexion a

principalement porté sur la définition des sites, et les connectivités n'ont pas été étudiées

(Jongman et al., 2006).

C'est en 1995 que ce travail va être reconnu lors de la conférence ministérielle de Sofia

(Bulgarie). Lors de cette conférence, « un environnement pour l'Europe », les 55 pays

présents ont adopté la Stratégie paneuropéenne de la diversité biologique et paysagère. Le

plan d'action vise à mette en œuvre un réseau écologique paneuropéen cohérent, constitué

des aires protégées combinées avec d'autres habitats favorables et reliées par des corridors.

Cette stratégie permettrait d'assurer un bon statut de conservation des écosystèmes, des

espèces, habitats et paysages. Ainsi, en 2000, le Comité d'experts du Conseil de l'Europe pour

la constitution du REP et le Centre Européen pour la Conservation de la Nature (ECNC) ont

été missionnés pour commencer à développer la carte du REP. En 2003 à la conférence de

Kiev, l'engagement dans le REP s'est renforcé suite à l'objectif d'enrayer la perte de

biodiversité d'ici 2010, objectif adopté en 2002 après le Sommet de la Terre de Johannesburg.

Le projet a abouti à la création de cartes indicatives qui identifient les aires naturelles

d'importance européenne, les corridors existants entre ces dernières. Il cible les zones

naturelles ou de nouveaux corridors devraient être mis en place pour retrouver la connectivité

nécessaire aux espèces clés (Jongman et al., 2006). Ainsi, ECNC publie en 2002 la carte du

REP Europe Centrale et Orientale, en 2006 la carte REP Sud-est de l'Europe et Alterra publie

en 2006 (Jongman et al., 2006)la carte REP pour l'Europe de l'Ouest.

Ces cartes sont en partie réalisées à partir de contributions nationales. Cependant,

l'avancement des réflexions est très inégal. Ainsi, parallèlement à la constitution du REP, des

initiatives nationales et régionales pour les continuités écologiques voient le jour. Mais la

réalisation varie énormément, depuis le simple plan papier jusqu’aux politiques déterminées

avec des fonds conséquents. (Jongman et al., 2006)

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

2- la Trame Verte et Bleue : nouvelle forme de conservation

2.1 - Naissance d'une politique lors du Grenelle

En mai 2007 en France, le ministre de l'Ecologie de l'époque, Alain Juppé, annonce la mise en

place future d'un ensemble de rencontres politiques portant sur les thèmes de

l'environnement et du développement durable, sous le nom de Grenelle Environnement. Le

Grenelle peut être vu comme une nouvelle approche de planification et d'aménagement de

l'espace. Le Ministre de l'écologie suivant, Jean-Louis Borloo, a annoncé en Juillet 2007 les

grandes orientations du Grenelle environnement, marquant alors son commencement. Ces

grandes orientations ont initié la création de 6 groupes de travail, qui ont rendu leurs

conclusions à la fin septembre 2007.

- Groupe 1 : « Lutter contre les changements climatiques et maîtriser la demande

d’énergie »

- Groupe 2 : « Préserver la biodiversité et les ressources naturelles » qui recommandait

la mise en place d'une « Trame Verte nationale » pour « une gestion intégrée du

territoire qui préserve la biodiversité »

- Groupe 3 : « Instaurer un environnement respectueux de la santé »

- Groupe 4 : « Adopter des modes de production et de consommation durables »

- Groupe 5 : « Construire une démocratie écologique »

- Groupe 6 : « Promouvoir des modes de développement écologiques favorables à

l’emploi et à la compétitivité »

Ces groupes rassemblaient 40 membres dont la gouvernance était organisée sous la forme des

5 collèges. Ce mode de gouvernance permet la représentation de la société dans sa globalité.

Les 5 collèges sont l’État, les collectivités locales, les ONG, les employeurs et les salariés.

De fin septembre à mi-octobre 2007, les propositions de ces groupes de travail ont été

soumises à consultation. Fin octobre 2007 s'est alors lancée une phase de négociation avec des

tables rondes rassemblant des représentants des 5 collèges qui ont défini des grands axes

d'action. Suite au Grenelle, 34 comités opérationnels (COMOP) ont été mis en place.

Parmi ces comités se trouve le COMOP 11 (ou COMOP TVB) qui doit répondre aux

engagements 73 du Grenelle (TVB), mais aussi 112 (Acquisition de 20 000 ha de zones

humides), 113 (Bandes enherbées d’au moins 5 mètres), 114 (Continuité des écosystèmes

d’eau douce), 76 (Nature en ville) et 72 (Lutte contre la régression des surfaces agricoles). Ce

COMOP a été confié au Sénateur Paul Raoult avec un mandat de normalement 2 ans (fin

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2007- fin 2009). Ce comité, composé de collectivités, partenaires socio-économiques, ONG,

avec l'appui technique de l’ONEMA, du MNHN, du SETRA et du CEMAGREF, était chargé

de définir les voies, moyens et conditions requis pour la mise en œuvre de la TVB.

Les résultats du Grenelle environnement sont principalement la rédaction des deux lois

Grenelle. La loi Grenelle 1, de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle

Environnement est validée le 3 aout 2009 et publiée au journal officiel le 5/08/09. Elle

entérine les objectifs, donne un statut juridique au processus du Grenelle et retranscrit les

principales mesures adoptées à l'issue des tables rondes. Ces objectifs représentent les grandes

orientations écologiques pour la France.

La loi Grenelle 2, portant engagement national pour l’environnement, qui vise à concrétiser

dans la pratique ces orientations, a été adoptée le 29 juin 2010 et publiée au journal officiel le

12 juillet 2010.

2.2 – La Trame Verte et Bleue : inspirée du concept de réseau écologique

Une des mesures engagées par le Grenelle Environnement pour préserver la biodiversité est

de repenser l'aménagement du territoire en termes de réseau écologique, par la mise en

œuvre de ce que l'on appelle la Trame Verte Bleue (TVB). L'enjeu majeur de la TVB est de

reconstituer un réseau écologique cohérent en rétablissant les continuités entre les habitats

favorables permettant aux espèces de circuler et de rétablir des flux.

Pour faire comprendre ce qu'est la Trame Verte et Bleue, la Direction Générale de

l'Aménagement du Logement et de la Nature (DGALN) du Ministère de l'Ecologie de

l'Energie, du Développement Durable et de la Mer (MEEDDM) utilise la comparaison avec

un tissu. « Les fils de maille et les fils de trame confèrent la qualité à un tissu. Plus les fils

sont fragiles, ou manquants, plus le tissu risque de se déchirer. Il faut imaginer que chaque fil

de notre trame est une partie de la biodiversité : soit une espèce, soit un milieu, soit un

ensemble d'espèces en relations avec son milieu de vie... Au-delà d'un certain seuil de

dégradation, c'est le tissu (la biodiversité) qui est menacé. […] L'homme constitue l'un des

fils et son avenir dépend de la qualité de l'ensemble du tissu. » (DGALN-MEEDDM, 2009)

Ce réseau doit s'appuyer sur les zones protégées mais aussi sur les milieux non protégés. On

ne raisonne plus seulement en termes de nature remarquable mais aussi en nature ordinaire.

Pour des raisons conceptuelles, méthodologiques et même idéologiques (Chevassus-au-Louis

et al., 2004), un tel bouleversement n’est pas évident à faire accepter. De plus, le réseau

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

écologique va s'envisager à des échelles différentes qu’il va falloir articuler et mettre en

cohérence. Comme on le verra en troisième chapitre, certains acteurs éprouvent des

difficultés à changer de perspective.

La TVB se compose de différents éléments sur le modèle de l'écologie du paysage :

- des zones nodales définies sur la base des aires protégées et du réseau Natura 2000,

qui constitueront les habitats des populations ;

- des corridors reliant ces zones nodales. Pour la longueur des corridors et la distance

entre les zones nodales, il faudra réfléchir en terme de distance limite des capacités

visuelles ou olfactives des espèces considérées. Parfois un corridor peut être un

paysage entier comme une vallée. Plus il est large plus il est efficace ;

- des zones tampons qui jouent le rôle de protection des zones nodales contre les

activités humaines. C’est une gestion qui fait le compromis entre les activités

humaines et la protection ;

- Des zones d'extensions. Ce sont des zones contiguës sur lesquelles on oriente la

gestion pour aboutir à un milieu favorable qui intégrera par la suite la zone nodale

permettant l’agrandissement de sa surface ;

- des zones de développement. Ce sont des extensions non contiguës. Elles formeront

des zones nodales ou bien, si leur surface est trop faible, des espaces relais entre deux

zones nodales ;

2.3 – La Trame Verte et Bleue : Une nouvelle stratégie (Figure 4)

2.3.1 – Cadre conceptuel innovant

La politique nationale Trame Verte et Bleue est née au carrefour de deux courants d'opinion

devenus importants dans le débat public : l'un concernant la biodiversité qui est un enjeu

majeur en 2010, et l'autre concernant une demande de nature de proximité (espaces vert et

jardins). A cela s’ajoute l'inquiétude publique croissante face à la montée en puissance de la

catastrophe écologique, mais aussi une demande d'autres liens de solidarité, d'autres façons de

vivre ensemble dans l'espace urbain.

Cette politique de TVB, dans le contexte actuel de forte pression immobilière, constitue une

opportunité pour repenser l’aménagement urbain qui distingue deux types d'espaces : l’espace

bâti et l’espace libre. Ce dernier est à prendre en compte au même titre que le premier, et non

plus comme un espace à bâtir. S’engage ainsi une réflexion sur un aménagement intelligent

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de ces vides. Ainsi, des villes ont développé des outils novateurs qui prennent en compte de

manière indirecte ces problématiques de continuité écologique dans l’espace urbain, et qu’il

est intéressant de relever. Le PLU de Rennes mesure la perméabilité des sols et le lie à des

enjeux d’aménagements, le limitant à 90% en centre ville et à 40% en dehors. La ville de

Berlin est la première a avoir mis en place dans son centre ville le Coefficient de Biotope par

Surface qui mesure le potentiel biodiversité des parcelles et qui dicte des normes écologiques

à respecter pour tous les projets touchant à l’urbanisme. (MEEDM, 2010)

Cette politique est une opportunité pour envisager les vides aussi bien dans l’espace urbain

que rural et pour les protéger d’un urbanisme sans mesure. Pour promouvoir ces dispositions

il faut mettre en avant la multifonctionnalité de ces espaces. Ils permettraient un meilleur

cadre de vie, des zones de loisirs, des jardins communautaires, des zones agricoles en

contractualisation, etc., qui permettraient en parallèle de préserver la biodiversité.

Figure 4 : Les enjeux multiples autour de la Trame Verte et Bleue

La notion de Trame Verte et Bleue trouve ses racines dans l'analyse et les pratiques

paysagères. Son utilisation dans le Grenelle Environnement en fait un « outil d'aménagement

du territoire » (Loi Grenelle 1, JORF n°0179 du 5 août 2009; LOI n° 2009-967 du 3 août

2009 - Art 23) qui doit mettre en synergie les différentes politiques publiques, en milieu

rural mais aussi en milieu urbain avec une nouvelle conception de « la nature en ville ». Ce

pourrait même par ailleurs constituer un moyen privilégié de lier les politiques urbaines et

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

rurales en créant une liaison entre ces deux espaces de plus en plus séparés.

Son objectif est principalement de préserver la biodiversité à la fois remarquable et ordinaire,

« sauvage et domestique » (Loi Grenelle 1, JORF n°0179 du 5 août 2009; LOI n° 2009-967

du 3 août 2009 - Art 23) et son fonctionnement global, en assurant sa libre évolution sur le

territoire par le rétablissement des continuités écologiques entre les espaces naturels

indispensables à la survie des populations et des écosystèmes. Cet objectif nécessite de

raisonner à toutes les échelles du territoire, non seulement du local au régional, mais jusqu'au

national et même au continental. Cependant, la TVB ne se substitue aucunement aux autres

politiques déjà en place. Elle doit être vue comme un moyen de mettre en synergie et

d'articuler toutes ces politiques publiques avec un but commun, celui de préserver la

biodiversité.

Pour cela, elle va s’appuyer sur des documents à différentes échelles :

- niveau continental : Réseau Ecologique Paneuropéen ;

- niveau national : Schéma National de Cohérence Ecologique ;

- niveau bassin hydrographique : Schéma Directeur d’Aménagement et Gestion des

Eaux ;

- niveau régional : Schéma Régional de Cohérence Ecologique ;

- niveau intercommunal et communal : Schéma de Cohérence Territorial, Plan Locaux

d’Urbanisme, Carte Communale.

La Trame Verte et Bleue comme son nom l’indique est constituée de deux unités. Au début de

la démarche certains parlaient de Trame Verte et Trame Bleue. Cependant, une trop forte

distinction s’avère dangereuse car ces entités sont interdépendantes et indissociables.

Certains milieux illustrent très bien cette relation intime comme les zones humides ou les

ripisylves. Beaucoup d’espèces sont aussi dépendantes des deux milieux, pour leur cycle de

vie ou pour se nourrir. On est donc arrivé l’expression Trame Verte et Bleue avec :

- la composante terrestre, constituée des espaces importants pour la préservation de la

biodiversité et des espaces protégés ainsi que des corridors permettant de les relier et

les surfaces en couvert environnementales permanent (bandes enherbées, ripisylves) ;

- la composante aquatique, qui concerne les eaux de surfaces continentales et leurs

écosystèmes associés. Elle se compose des cours d'eau ou zones humides importantes

pour la biodiversité (classés art L214-17 Code de l’environnement ; ZHIEP ou non

classés). Elle contribuera aux objectifs européens de bon état écologique des masses

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d'eau superficielles pour 2015.

Il va de soi que la distinction doit être considérée à certaines étapes de la mise en œuvre, car

les outils juridiques, l’organisation territoriale et les acteurs sont différents. Mais ces espaces

doivent être gérés de manière intégrée et il ne faut pas en négliger les interfaces.

2.3.2 – Cadre National peu restrictif

Le cadrage national de la TVB est assuré par un document cadre décrit dans l’article L371-2

du Code de l’Environnement. Cet article a été ajouté par la loi Grenelle 2 (JORF n°0160 du

13 juillet 2010 ; Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 – Art 121) : les Orientations nationales

pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques, document

« élaboré, mis à jour et suivi par l'autorité administrative compétente de l'Etat en association

avec un comité national " trames verte et bleue ”. Ce comité regroupe les représentants des

collectivités territoriales, des partenaires socioprofessionnels, des parcs nationaux et des

parcs naturels régionaux, des comités de bassin, des associations de protection de

l'environnement agréées concernées ainsi que, le cas échéant, des personnalités qualifiées

[…] matière de protection de l'environnement. Sa composition et son fonctionnement sont

fixés par décret.

Les orientations nationales sont mises à la disposition du public, en vue de recueillir ses

observations, avant d'être adoptées par décret en Conseil d'Etat.

Ce document-cadre, […] comprend notamment : a) Une présentation des choix stratégiques

[…] ; b) Un guide méthodologique identifiant les enjeux nationaux et transfrontaliers […] et

comportant un volet relatif à l'élaboration des schémas régionaux de cohérence écologique

[…]. Il est complété par un volet spécifique relatif à l'élaboration des schémas régionaux de

cohérence écologique pour les départements d'outre-mer.

[…] Les documents de planification et projets relevant du niveau national, et notamment les

grandes infrastructures linéaires de l'Etat et de ses établissements publics, sont compatibles

avec les orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités

écologiques […] et précisent les mesures permettant d'éviter, de réduire et, le cas échéant, de

compenser les atteintes aux continuités écologiques […]. A l'expiration d'un délai fixé par

décret, l'autorité administrative compétente de l'Etat procède à une analyse des résultats

obtenus […] par la mise en œuvre du document-cadre […] et décide de son maintien en

vigueur ou de procéder à sa révision. […] Il est procédé à la révision du document-cadre

selon la procédure prévue pour son élaboration. » (Art L371-2 du Code de l’environnement,

ajouté par la loi Grenelle 2 n° 2010-788 du 12 juillet 2010).

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Le cadrage national est également assuré par les guides rédigés par le COMOP TVB. Ils sont

au nombre de 4. Le travail présenté ici s’est appuyé sur des versions provisoires des

documents, car les versions définitives n’étaient alors pas publiées en date de cette étude. Les

versions utilisées datent de mars 2010.

Le Guide 1 : à l'attention des décideurs, il a pour but d’expliquer la démarche TVB. Il

présente un historique du concept de réseau, les concepts mobilisés, les enjeux et rôles de la

TVB. Il explicite les 10 choix stratégiques de cette politique (1) en faveur de la biodiversité

qui doit (2) devenir le pilier de l'aménagement du territoire (3) tout en prenant en compte les

activités humaines et les enjeux socio-économiques. (4) Sa mise en œuvre devra respecter le

principe de subsidiarité et de gouvernance partagée. (5) Des critères vont permettre d’assurer

la cohérence nationale de sa mise en place, et (6) sa mise en œuvre doit se faire en cohérence

avec les autres politiques territorialisées. (7) Cette mise en œuvre devra mobiliser les outils

déjà existant. (8) Elle s’appuiera sur une identification cartographique des continuités dans les

documents d’urbanismes et elle sera également (9) prise en compte dans les projets

d’infrastructure. (10) La mise en place de cette politique devra permettre de mobiliser la

connaissance et sa mise en œuvre devra faire l’objet d’un suivit et d’une évaluation.

Le Guide 2 : est un guide méthodologique à l'attention des services des collectivités et en

particulier ceux des régions, et des services de l'Etat, pour l'élaboration du SRCE. Il a été

rédigé par le COMOP TVB en partenariat avec le MNHN, l’ONEMA, le MEEDDAT et

l’IFEN. Ce guide présente a) la structure et les composants de la TVB ; b) les critères de

cohérence nationale, qui devront être pris en compte par les régions lors de l’élaboration de

leur SRCE ; c) une analyse synthétique des expériences de réseau écologique ; d) une

proposition de méthode pour la réalisation d’une Trame Verte et Bleue régionale ; e) des

recommandations pour sa mise en œuvre.

Le Guide 3 est un document concernant la prise en compte de la trame verte et bleue dans les

projets de grandes infrastructures linéaires de l’État. C’est un document rédigé en

coordination avec le Cemagref Grenoble et SETRA. Il présente des méthodes pour rétablir les

connexions et identifier les points noirs. Il permet d’orienter les projets vers un moindre

impact, la préservation des réservoirs de biodiversité, indique comment s'adapter aux

corridors

Le Guide 4 est un document portant sur la TVB et l’urbanisme. Il est au moment de l’étude

en cours de rédaction.

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2.3.3 – Une mise en œuvre multiscalaire

La mise en œuvre de la Trame Verte et Bleue (TVB) va donc se réaliser à des échelles très

diverses (DGALN, 2009). Par exemple, dans un projet de grande infrastructure, lors du choix

du fuseau, il sera important d’avoir une vue d’ensemble des grand corridors à l’échelle

nationale pour évaluer les impacts de tel ou tel fuseau ou bien les aménagements (passage à

faune) à réaliser pour les prendre en compte. A une échelle intermédiaire, par exemple pour un

cours d’eau, la construction d’une passe à poisson sur un ouvrage de type barrage. La TVB

sera aussi appliquée à des projets très locaux. Par exemple dans certains quartiers, on peut

prévoir des ouvertures dans les clôtures des jardins pour le passage de la petite faune. La

concrétisation de la TVB en France va donc reposer sur 3 niveaux emboités (DGALN,

2009) :

Les orientations nationales doivent être adoptées par décret en conseil d'Etat. Par ailleurs, le

cadrage national de la TVB devait se faire en partie par le Schéma National de Cohérence

Ecologique (SNCE). Ce document, qui devait venir en appui à la préparation des Schéma

Régionaux Cohérence Ecologique (SRCE), identifiant les spatialement les enjeux biodiversité

au niveau national, ne sera finalement pas réalisé en temps prévus. Aujourd’hui, au niveau

national on explique qu’il ne sera en fait qu’une simple agrégation des SRCE. Mais cet aspect

est en débat, certains estimant que le SNCE nécessite une réflexion à une autre échelle,

identifiant des enjeux nationaux parfois différents des enjeux régionaux. Cet aspect est donc

susceptible d’évoluer.

Le document à l’échelle régionale, le SRCE, doit être co-élaboré Etat-Région d'ici fin 2012.

C’est un document d’aménagement du territoire opposable qui doit être pris en compte par les

documents de planification, les projets de l’Etat ou des collectivités. Il doit se faire en

concertation avec l'ensemble des acteurs locaux, et soumis à enquêtes publiques. Ce document

doit faire dialoguer les différentes échelles d’analyses pour identifier et prendre en compte les

enjeux à la fois supra régionaux et infrarégionaux. C’est un document qui doit faire ensuite

l’objet d’un suivi et d’une évaluation tous les 6 ans. C’est un document évolutif. Il a pour

objectif dans son intégration de la TVB, de prendre en compte non seulement les espèces

patrimoniales, mais aussi la nature ordinaire.

Pour assurer la cohérence nationale entre les différents SRCE, différents critères ont été

développés. Parmi ces critères, on retrouve :

- la structure commune de la TVB organisée en réservoirs de biodiversité et corridors ;

- les zones désignées par la TVB qui s'appuient sur les zonages existants, tels que

Natura 2000, les aires protégées ;

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

- une liste des espèces déterminantes pour chaque région, proposée par le MNHN et

soumise à validation auprès des CSRPN. Ces espèces doivent être intégrées à la

réflexion nationale, pour assurer la continuité au niveau national et identifier les

espèces pour lesquelles la région à une responsabilité nationale en terme de

conservation ;

- une liste des habitats dits « déterminants TVB » ;

- la cohérence interrégionale et transfrontalière est un objectif de l’élaboration des

SRCE. Cela assure une forme de cohérence globale.

Il n’existe toutefois pas de critères nationaux d’exigence écologique pour qu’un site fasse

partie ou non de la TVB. En effet, la qualité des réservoirs de biodiversité va varier d’une

région à l’autre. Le seuil va dépendre du niveau global de préservation des espaces naturels

dans la région considérée.

Plus localement, « les schémas de cohérence territoriale [...] déterminent les conditions

permettant d’assurer [...] la préservation [...] de la biodiversité. » (Loi Grenelle 2 n° 2010-

788 du 12 juillet 2010 - Art 14 modifiant l’article L121-1 du code de l’urbanisme - rédaction

du 12 juillet 2010). De plus, «Les plans locaux d'urbanisme doivent être compatibles avec les

schémas de cohérence territoriale » (Art L. 111-1-1 du code de l’urbanisme modifié par la

Loi Grenelle 2 n° 2010-788 du 12 juillet 2010 - Art 13). Ainsi, au niveau local, les enjeux de

biodiversité et de TVB vont être relayés par les documents de planification en matière

d'aménagement de l'espace et d'urbanisme. Les SCoT, les PLU, ou les cartes communales

doivent prendre en compte le SRCE. Cette déclinaison dans les SCoT et PLU permet de

construire un projet de territoire qui intègre les problématiques de continuités écologiques et

de préservation des espaces naturels. Ils peuvent ainsi envisager 3 types de mesures pour les

espaces identifiés dans la TVB : (1) maintien et consolidation des espaces identifiés sans

modification du mode de gestion ; (2) maintien des espaces en mettant en place de nouveaux

modes de gestion conservatoire ; (3) création de nouveaux espaces avec changement de

l'occupation du sol. Cependant, il faut souligner que la moitié des communes rurales ne sont

pas couvertes par ces documents d'urbanismes (SCoT, PLU), ce qui pose donc le problème de

l’intégration pour ces territoires des problématiques TVB.

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D’après la loi, l’échelle départementale est également une échelle de mise en œuvre avec un

rôle à jouer. En effet, les DDT possèdent énormément d’information et le département

possède la compétence infrastructure routière et transport. Ainsi, « les départements peuvent

être maître d'ouvrage ou exercer une mission d'assistance à maître d'ouvrage […] pour tous

les travaux contribuant à la […] trame verte et la trame bleue d'un schéma régional de

cohérence écologique adopté. Ils peuvent, pour les missions autres que celles d'assistance à

maître d'ouvrage, mobiliser à cet effet le produit de la taxe départementale des espaces

naturels sensibles. » (Art L 371-5 Code de l’environnement – Loi Grenelle 2 ; n° 2010-788 du

12 juillet 2010)

La mise en œuvre concrète va s’appuyer sur les outils juridiques et contractuels

existants. Parmi ces outils quelques uns ont déjà été repérés. Cette question fait actuellement

l’objet d’une étude réalisée par la Fédération des PNR et la Fédération des CEN. (FCEN et

FPNR, 2010)

Les outils à l'échelle régionale :

(1) Contrat TVB avec les territoires de projets (EPCI, Pays, Syndicats Mixtes...) ; Intégration

d'objectifs TVB dans des documents contractuels (charte PNR, contrats de rivière...), ou dans

les documents règlementaires (documents d'urbanisme) ; réalisations de diagnostics

« continuités écologiques » et leur intégration lors de réalisations de travaux ; études et

programmes de suivis et évaluation des actions ; communication pédagogie et action globale

(2)Lancement d’appels à projets TVB

(3) Mise en place de « Contrats Nature Régionaux »

Les outils à l'échelle parcellaire (propriétaires et gestionnaires)

(1) Les contrats peuvent viser différents objets : le maintien des haies, de bosquets, ou de

mares... ; la gestion adaptée d’une parcelle, ou de la taille des haies.... ; la remise en bon état

d’un espace comme le curage de mare... ; la création d'éléments, comme la plantation de

haies... ; l’adaptation d'une activité de loisir pour le respect de la biodiversité...

(2) Il peut y avoir différents types de contrat : des contrats du code civil, rural, ou des

collectivités territoriales (bail, convention, prêt...). Mais aussi des Mesures Agri-

Environnementales, des conventions d'assistance technique, des chartes ou encore des contrats

N2000. Des espaces peuvent aussi faire l’objet d’une mutualisation via une association

syndicale autorisée (refuge LPO, contrat Jachère...)

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

3 – Le Schéma Régional de Cohérence Ecologique

Ce document proposé lors du grenelle constitue le cadre de référence de la mise en place de la

TVB. Il confirme que la TVB va devenir un facteur de mise en cohérence des politiques

d'aménagement du territoire.

« […] Le [SRCE] prend en compte les orientations nationales […] ainsi que les éléments

pertinents des schémas directeurs d'aménagement et de gestion de l'eau [ ].

Le [SRCE], […] comprend notamment, outre un résumé non technique : a) Une présentation

et une analyse des enjeux régionaux relatifs à la préservation et à la remise en bon état des

continuités écologiques ; b) Un volet identifiant les espaces naturels, les corridors

écologiques, ainsi que les cours d'eau, parties de cours d'eau, canaux ou zones humides

mentionnés respectivement aux 1 et 2 du II et aux 2 et 3 du III de l'article L. 371-1;

c) Une cartographie comportant la trame verte et la trame bleue […] ; d) Les mesures

contractuelles permettant […] la préservation et […] la remise en bon état de la

fonctionnalité des continuités écologiques ; e) Les mesures prévues pour accompagner la

mise en œuvre des continuités écologiques pour les communes concernées par le projet de

schéma.

[…] Le président du conseil régional et le représentant de l'Etat dans la région procèdent

conjointement à une analyse des résultats obtenus […] par la mise en œuvre du schéma […].

A l'issue de cette analyse, le conseil régional délibère sur son maintien en vigueur ou sur sa

révision. Le représentant de l'Etat dans région se prononce par décision dans les mêmes

termes. Il est procédé à la révision du schéma selon la procédure prévue pour son

élaboration. » (Art 371-3 du Code de l’Environnement, Loi Grenelle 2 n° 2010-788 du 12

juillet 2010)

3.1- Un diagnostic concerté

La loi Grenelle 2 (n° 2010-788 du 12 juillet 2010) modifie le code de l'environnement en y

ajoutant ces paragraphes :

« Un document-cadre intitulé " Schéma régional de cohérence écologique ” est élaboré, mis à

jour et suivi conjointement par la région et l'Etat en association avec un comité régional "

trames verte et bleue ” créé dans chaque région. Ce comité comprend l'ensemble des

départements de la région ainsi que des représentants des groupements de communes

compétents en matière d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme, des communes

concernées, des parcs nationaux, des parcs naturels régionaux, des associations de protection

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de l'environnement agréées concernées et des partenaires socioprofessionnels intéressés. Sa

composition et son fonctionnement sont fixés par décret. […]

[…]Le projet de [SRCE] est transmis aux communes concernées et soumis pour avis aux

départements, aux communautés urbaines, aux communautés d'agglomération, aux

communautés de communes, aux parcs naturels régionaux et aux parcs nationaux […]. Le

projet de [SRCE], assorti des avis recueillis, est soumis à enquête publique […] par le

représentant de l'Etat dans la région. A l'issue de l'enquête publique, le schéma,

éventuellement modifié pour tenir notamment compte des observations du public, est soumis à

délibération du conseil régional et adopté par arrêté du représentant de l'Etat dans la région.

Le schéma adopté est tenu à la disposition du public.

Dans les conditions prévues par l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme, le schéma régional

de cohérence écologique est porté à la connaissance des communes ou de leurs groupements

compétents en matière d'urbanisme par le représentant de l'Etat dans le département. […] »

(Art 371-3 du Code de l’Environnement, Loi Grenelle 2 n° 2010-788 du 12 juillet 2010)

Ainsi, le SRCE constitue un diagnostic écologique qui prend en compte les enjeux socio-

économiques. Son élaboration doit associer tous les acteurs du territoire grâce à un organe

de concertation régional appelé Comité Régional Trame Verte et Bleue (CRTVB). Ayant

conscience de la taille de ce comité très conséquent, le cadrage national conseille de diviser

par la suite ce CRTVB en comités techniques plus restreints pour le suivi de l’avancement de

l’étude. Cette étude va donc devoir mobiliser tous les acteurs du territoire pour mettre en

commun les données dont chacun dispose et repérer les enjeux et conflits. Les retours

d’expériences montrent que les données sont souvent très éparpillées entre les acteurs et qu’il

n’est pas aisé de les mobiliser pour une analyse conjointe. Ainsi, la concertation va se faire en

partie avec ces acteurs par un processus participatif.

Dans ces processus, d’association d’acteurs sur un territoire et de prise en compte à la fois des

enjeux environnementaux et socio-économiques, les Parc Naturels Régionaux ont déjà une

certaine expérience, acquise lors de la conception de leur charte.

Créés par un décret en 1967, au départ les PNR ont pour objectif de préserver le patrimoine

naturel, ce qui est différent des problématiques de biodiversité. En revanche, depuis quelques

années, dans le cadre de leur Fédération, leur politique s’oriente vers l’expérimentation du

développement durable. En 2007, on compte 44 PNR qui représentent 13% du territoire

national (FPNR, 2007).

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Ils ont donc naturellement investi la question de la TVB et sont devenus un terrain privilégié

d’expérimentation de la démarche TVB. Ils ont d’ailleurs beaucoup participé à l’élaboration

des stratégies de mise en place de la politique de TVB. Enormément d’informations et de

retours d’expérience proviennent de leurs initiatives.

3.2- Un document d'aménagement du territoire : une appropriation

nécessaire qui passe par ‘convaincre et non contraindre’

Le Schéma Régional de Cohérence Ecologique est un document d’aménagement du territoire

qui traduit juridiquement les enjeux de biodiversité et de rétablissement et protection des

continuités écologiques. C’est donc par définition un document opposable. Cependant, cet

aspect a fait naître un fort débat sur la portée juridique de ce texte.

L'opposabilité est le caractère d'un type de relation qui régit les rapports juridiques entre deux

ou plusieurs personnes. Cette notion qui figure dans l'engagement 73 du Grenelle de

l'environnement repose sur trois niveaux d’obligation :

- obligation de conformité : obligation d'identité pour la règle inférieure par rapport à la

règle supérieure. Il existe toutefois des moyens d'atténuer cette obligation ;

- obligation de compatibilité : obligation de non contrariété. La décision inférieure ne

doit pas empêcher l'application de la décision supérieure ;

- obligation de prise en compte ou de prise en considération : ne correspond

originellement pas à un terme juridique faisant référence à la notion d'opposabilité.

Mais elle tend à s'en rapprocher. En effet, elle est désormais ancrée, notamment par la

jurisprudence et par la doctrine administrative. Les principes de cette notion ont été

précisés en 2004 par une jurisprudence du conseil d'Etat : « l'obligation de prendre en

compte conduit à une obligation de compatibilité sous réserve de possibilité de

dérogation pour des motifs déterminés avec un contrôle approfondi du juge sur la

dérogation ».

La loi Grenelle 2 explique actuellement que : « […] Les collectivités territoriales et leurs

groupements compétents en matière d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme prennent en

compte les [SRCE] lors de l'élaboration ou de la révision de leurs documents d'aménagement

de l'espace ou d'urbanisme. […] Les documents de planification et les projets de l'Etat, des

collectivités territoriales et de leurs groupements prennent en compte les [SRCE] et précisent

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les mesures permettant d'éviter, de réduire et, le cas échéant, de compenser les atteintes aux

continuités écologiques que la mise en œuvre de ces documents de planification, projets ou

infrastructures linéaires sont susceptibles d'entraîner. Les projets d'infrastructures linéaires

de transport de l'Etat prennent en compte les schémas régionaux de cohérence écologique. »

(Art 371-3 du Code de l’Environnement, Loi Grenelle 2 n° 2010-788 du 12 juillet 2010)

Cette question de l'opposabilité a évolué au cours du processus de validation de la loi. En

octobre 2009, le Sénat adopte un projet de loi qui prévoit que le SRCE :

- respecte les orientations nationales ainsi que les éléments pertinents des SDAGE ;

- est pris en compte par les collectivités territoriales dans leur document

d'aménagement

- est pris en compte par les documents de planification et projets notamment

d'infrastructures linéaires, de l'Etat et des collectivités territoriales.

Les associations naturalistes telles que la ligue ROC ou France Nature Environnement

présentaient déjà dans un communiqué de presse conjoint du 25/11/09 que l'opposabilité allait

être un enjeu, et que cela allait déterminer si la TVB allait être à la hauteur ou non des

objectifs, être un « gadget ou un outil fort ».

Le 10 février 2010 les députés votent un amendement stipulant que les grandes infrastructures

linéaires de l'Etat devront être compatibles avec le SRCE. Cela est salué par les associations

environnementalistes. Ainsi, cet amendement se retrouve dans le projet de loi adopté le 11 mai

2010 par l'Assemblée Nationale :

- le SRCE est compatible avec les orientations nationales ainsi que les éléments

pertinents des SDAGE, ce qui marque un léger changement ;

- le SRCE est pris en compte par les collectivités territoriales dans leur documents

d'aménagement, ce qui ne change pas par rapport au texte précédent ;

- le SRCE est pris en compte par les documents de planification et projets notamment

d'infrastructures linéaires, de l'Etat et des collectivités territoriales, ce qui ne change

pas non plus par rapport au texte précédent ;

- on note donc l'apparition d'un paragraphe stipulant que les infrastructures linéaires de

l'Etat sont compatibles avec le SRCE.

Cependant, la Commission mixte paritaire qui s’est réunie le 16 juin et qui rassemblait sept

députés et sept sénateurs a décidé de revenir sur la nécessaire compatibilité des

infrastructures linéaires de l'Etat avec le SRCE au profit d’une prise en compte. Cette

modification perçue comme un retour en arrière et comme un affaiblissement de la TVB par

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

les associations naturalistes et certaines personnalités du champ politique a été lourdement

dénoncée. En effet l’Etat se disait vouloir être exemplaire. Mais le Sénateur Bruno Sido

explique que « dans la rédaction actuelle du texte, toutes les grandes infrastructures de l'Etat

doivent être compatibles avec le schéma de trame verte et bleue, or il faut que cela ne

concerne que les futures infrastructures et non pas celles existantes. […] Nous préférons par

ailleurs l'expression ''tenir compte'' plutôt que ''être compatible" […] sinon nous risquons de

nous enfermer dans un carcan, il faut un peu de souplesse »

Ainsi, avec cette portée juridique, le SRCE ne peut pas s’appuyer sur une stratégie forte visant

à contraindre. La stratégie à adopter est donc de convaincre, pour ce texte dont la réussite et la

portée concrète vont dépendre de son acceptation par l'ensemble des acteurs.

II- La France est-elle capable de saisir le contexte global

1- Le contexte écologique en France

1.1- La France : rôle essentiel pour la biodiversité

(les données présentées concernent seulement la France métropolitaine)

La France métropolitaine est le seul pays d'Europe à posséder de vastes territoires situés au

carrefour entre 4 domaines biogéographiques : atlantique, continental, alpin et méditerranéen

(Figure 5). Par sa situation géographique elle a donc un rôle majeur à jouer au niveau

européen pour la conservation de la biodiversité. 62% des types d'habitats d'intérêt

communautaire listés dans le cadre de la directive habitats sont présentes sur le territoire

métropolitain ; cette place particulière lui confère une diversité biologique importante.

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Figure 5 : Carte de situation de la France et la Franche-Comté dans le contexte biogéographique et

orographique européen.

1.1.1 – La Flore

La France est un des pays d’Europe les plus riches en espèces de plantes supérieures

(phanérogames et ptéridophytes), 40% des espèces européennes. Au total, ce sont 4900

espèces végétales, dont 486 très menacées et 800 menacées. Les enjeux de conservation sont

donc importants. Des familles de plantes sont vulnérables car représentées dans les

écosystèmes français, par un nombre très faible d'espèce : 48 familles n’ont qu’une seule

espèce, 102 familles en ont 5 ou moins, 27 entre 6 et 10 et 74 familles ont 10 espèces ou plus.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

(Duhautois et Hoff, 2000)

Il y a aussi un enjeu fort d’endémisme en France. On estime actuellement sur le territoire

métropolitain que 750 espèces sont endémiques, c'est-à-dire que la totalité de son aire de

répartition est à l’intérieur des frontières nationales, ou subendémiques, lorsque la majeure

partie de son aire de répartition est en France, ce qui représente 15% de la flore.

1.1.2 – La Faune

La France occupe l'un des premiers rangs pour la diversité des oiseaux, amphibiens,

mammifères et l'ensemble des vertébrés parmi les pays d’Europe (Duhautois et Morin, 1995).

On dénombre près de 531 espèces de vertébrés reproducteurs en France dont 109 sont

« strictement menacées » (Duhautois et Morin, 1995). Dans le tableau 1 sont énumérées pour

chaque catégorie le nombre d’espèces se reproduisant sur le territoire métropolitain et le

nombre d’espèces classées dans la catégorie strictement menacées de l’UICN. (Duhautois et

Morin, 1995 ; et SFF Secrétariat Faune Flore)

Tableau 1 : Statut de conservation des espèces se reproduisant sur le territoire métropolitain pour chaque

groupe faunistique. Source : Secrétariat Faune Flore, 1994

Ces données sous-estiment encore la diversité des espèces que l’on rencontre dans les milieux

métropolitains. Des études plus récentes font en effet état de 87 espèces de poisson d’eau

douce, 32 espèces d’amphibiens, 40 espèces de reptiles, 106 espèces de mammifères et 526

espèces d’oiseaux. (CGDD-SOeS, 2010a)

La France a de plus une lourde responsabilité en ce qui concerne la faune aviaire de par sa

position centrale sur l’axe de migration est-Atlantique entre la Sibérie, le Nord de l’Europe,

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l’Europe de l’Est et l’Afrique de l’Ouest. Elle abrite ainsi la 3e population d’oiseaux d’eau

hivernante d’Europe, derrière les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Par exemple, ce sont entre 500

000 et 600 000 limicoles (petits échassiers recherchant leur nourriture dans la vase) qui

hivernent annuellement sur les côtes métropolitaines, principalement sur le littoral atlantique,

ce qui représente, pour beaucoup de ces espèces, plus de 10 % de leurs populations

européennes. (CGDD-SOeS, 2010a)

1.2- Un état des lieux alarmiste

La France, à l’image de la situation planétaire connait une biodiversité qui diminue et un état

global de l’environnement qui se dégrade. Les menaces sur les milieux sont avérées, avec par

exemple pour les milieux humides, une multiplication des surfaces drainées et pour les zones

agricoles, une multiplication de l’usage des pesticides et des engrais (Duhautois et Morin,

1995). On l’a noté précédemment, ces menaces atteignent la biodiversité et ce phénomène

s’accentue.

Les derniers chiffres de la Liste rouge des espèces menacées en France publié par l’UICN en

2009 fait état d’un risque de disparition en métropole pour 1 espèce d’oiseaux sur 4, 1 espèce

d’amphibiens, de reptiles et de poissons d’eau douce sur 5, 1 espèce de mammifères sur 10,

ou encore 1 espèce d’orchidées sur 6.

Des études réalisées sur l’abondance des oiseaux, qui apparaissent comme étant de bons

indicateurs de l’état de la biodiversité du fait de leur position élevée dans les chaînes

alimentaires, sont préoccupantes. Les résultats obtenus dans le cadre du programme STOC

(Suivi Temporel des Oiseaux Communs) attestent d’un déclin de leurs populations de 14% au

cours de la période 1989-2009. Mais dans le détail deux tendances sont observées, avec une

diminution de l’abondance des espèces spécialistes au profit d’une hausse d’un faible

nombre d’espèces dites généralistes. Sur la période 1989-2009 un recul de 12 % pour les

espèces spécialistes des habitats forestiers (18 espèces suivies), de 25 % pour les espèces des

milieux agricoles (20 espèces suivies) et de 21 % pour les espèces des milieux bâtis (13

espèces suivies) est observé. En revanche les effectifs des espèces généralistes sont en

augmentation de 20 % sur la période 1989-2009 (14 espèces suivies). Ce phénomène atteste

de la fragmentation et de l’homogénéisation des milieux (CGDD-SOeS, 2010a) ; source

MNHN (CRBPO)).

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Les chiffres de l’évolution de l’occupation du sol appuient cette hypothèse. La part des

espaces artificialisés en France métropolitaine, de 5,1 % en 2006 (Source : Corine Land

Cover) ont augmenté de 3 % depuis 2000. Cette augmentation s’est principalement réalisée en

empiétant sur les espaces agricoles et elle est la cause principale de la perte d’espaces

naturels. Ces deux derniers espaces représentent respectivement en 2006 59,9% et 34,4% du

territoire (Source : Corine Land Cover). En effet 82 % des pertes de milieux naturels, forêts et

zones humides sont dues à l’artificialisation et 12 % à la mise en culture. (CGDD-SOeS,

2010a)

Ainsi, l’artificialisation augmente et grignote les autres espaces. L’équivalent d’un

département français est artificialisé tous les 10 ans, soit 60 000 ha par an (UICN, 2010b).

Cela est en partie la conséquence d’une urbanisation toujours croissante. Cette politique

d’urbanisation est en effet inadaptée au contexte actuel de nécessité d’utilisation de l’espace

de manière économe et respectueuse. En effet, la maison individuelle hors lotissement

correspond à 1/3 des constructions en France sur 2002-2006 ce qui correspond à 70% de

l'espace urbanisé par l'habitat. (Bordère, 2010)

2- Contexte sociopolitique en France

2.1 – La Stratégie Nationale pour la Biodiversité : un échec.

En 2001, l’Union Européenne s’est engagée à stopper l’érosion de la biodiversité à l’horizon

2010. En 2004, la France adopte alors sa Stratégie Nationale pour la Biodiversité pour

répondre à ces objectifs. Aujourd’hui, en 2010, à l’échéance de cette politique, la délégation

française de l’UICN constate que ces objectifs ne sont pas atteints et que « la France doit

redéfinir une nouvelle stratégie à la hauteur des enjeux et de ses responsabilités » (UICN,

2010a). Cette évaluation fait quand même ressortir quelques points positifs comme la

progression en nombre (+32%) et en surface (+20%) d’espaces naturels protégés. Et il en est

de même pour les financements dédiés à la protection de la biodiversité, notamment grâce à

l’implication des collectivités locales et des entreprises. Mais les actions menées sont

toujours « nettement insuffisantes » (UICN, 2010a) pour freiner l’érosion de la biodiversité

et les pressions qui s’exercent sur elle comme l’artificialisation ou l’intensification agricole

qui se poursuivent à un rythme important. Une simple révision de cette stratégie ne sera pas

suffisante d’après L’UICN (2010a) : elle doit être redéfinie et largement renforcée.

Ainsi, c’est cette année, en 2010, que la France révise sa Stratégie Nationale pour la

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Biodiversité (SNB). La nouvelle stratégie devra être prête pour 2011. L’UICN à la suite de

l’évaluation fait donc 10 recommandations pour la nouvelle stratégie à mettre en place

(UICN, 2010c) : (1). Adopter une nouvelle stratégie avec un objectif ambitieux pour 2020,

accompagnée d’un programme d’action précis et opérationnel ; (2). Assurer un portage

politique fort au niveau du Premier ministre et de chaque Ministre pour assurer une

intégration efficace de la biodiversité au sein des politiques publiques ; (3). Mettre en place

une nouvelle gouvernance pour passer d’une stratégie ministérielle à une véritable stratégie

nationale associant l’ensemble des acteurs, capitalisant leurs actions, favorisant leur

implication et les partenariats ; (4). Renforcer les capacités d’influence de la SNB et assurer la

cohérence des objectifs des autres politiques publiques avec ceux de la stratégie ; (5).

Renforcer les plans d’actions existants pour les transformer en de véritables documents

stratégiques et de mobilisation, et favoriser des actions transversales ; (6). Lancer de

nouveaux plans pour couvrir les domaines stratégiques manquants (éducation, économie,

industrie, culture…) ; (7). Promouvoir et accompagner l’élaboration de stratégies

territoriales de la biodiversité ; (8). Identifier et déployer les moyens financiers et humains

nécessaires ; (9). Mettre en place un système de pilotage et d’évaluation efficace ; (10).

Promouvoir la stratégie auprès du grand public pour mieux faire connaître les enjeux de la

biodiversité en France et les engagements pris.

2.2 – Les Français et la biodiversité

L’UICN dans son évaluation citée précédemment relève un manque de communication avec le

grand public (UICN, 2010c) et recommande de lancer des actions pour faire prendre

conscience aux français des enjeux de biodiversité.

Une enquête récente (CGDD-SOeS, 2010b) auprès des français montre que 6 Français sur 10

connaissent la signification du mot biodiversité. Parmi les individus qui avouent ne pas

connaître le sens du mot, 53% en donnent une définition juste. C'est par ailleurs un sujet qui

occupe depuis plusieurs années une place grandissante dans les médias français. Après des

apparitions timides lors des Sommet internationaux, depuis 2002 (avec l'engagement de

réduire son érosion) l'occurrence de ce terme ne cesse d'augmenter (Figure 6). En revanche,

les français ont une idée assez floue des causes de l'érosion de la biodiversité. En effet, ils sont

moins d’1 personne sur 5 à citer les pratiques agricoles intensives ou l’urbanisation et à peine

1 personne sur 10 à évoquer les modes de vie et de consommation des ménages comme

facteurs de dégradation. Bien qu’identifiée par les scientifiques comme l’une des causes

principales de l’érosion de la biodiversité en France, l’artificialisation du territoire à travers

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

l’urbanisation et la destruction des espaces naturels n’est que faiblement perçue comme une

pression par l’opinion. Ces résultats révèlent les difficultés qu’ont les individus à relier ce qui

dans leurs habitudes quotidiennes peut contribuer à la diminution de la biodiversité et donc

une difficulté à remettre en cause ces habitudes. Il y a donc encore un gros travail pour

amener à une prise de conscience globale.

Figure 6 : Occurrences du terme “biodiversité“ dans les dépêches de l’Agence France-Presse.

Source : Alternative Economique n° 196 : page 15

Cette préoccupation des français pour la biodiversité est apparue avec l’inquiétude pour la

préservation des espèces. Cette préoccupation, qui ne cesse de croître ces dernières années,

intervient dans la lignée de celle pour les changements climatiques et la qualité de

l'environnement (CGDD-SOeS, 2010b). Même si le réchauffement de la planète, la pollution

de l’air et de l’eau, sont les problématiques environnementales qui mobilisent le plus les

français, la disparition des espèces est leur 4ème préoccupation en matière d’environnement.

Les évolutions récentes montrent en revanche un recul de la mobilisation autour du

changement climatique alors que l’érosion de la biodiversité sensibilise davantage les

Français. (Figure 7)

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Figure 7 : Les préoccupations politiques environnementales des Français.

Source : CGDD-SOeS, 2010a – p.85.

2.3- les outils de la protection en France

2.3.1 – La situation actuelle : une augmentation globale des surfaces concernées

Pour la gestion et la conservation de la biodiversité, il existe une gamme d’outils variés. Ces

outils diffèrent dans leur approche, leurs objectifs et leurs modalités d'application. Ils ont pour

but d'être complémentaires et de répondre de la manière la plus adaptée à la diversité des

enjeux et des problématiques rencontrées sur le terrain. On distingue ainsi 4 grandes

catégories d'outils (CGDD-SOeS, 2010a) :

- la voie réglementaire interdisant ou limitant par décret, arrêté ou délibération du

conseil régional les activités humaines dans certains espaces. Cela correspond aux

cœurs de parcs nationaux, réserves naturelles (nationales ou régionales), arrêtés

préfectoraux de protection de biotope, réserves biologiques domaniales ou forestières,

réserves nationales de chasse et de faune sauvage. Depuis 1998, le nombre et la

surface des espaces naturels protégés ont progressé en métropole jusqu’à atteindre

1,26% du territoire en 2008. Cette hausse est principalement due à la création de

réserves naturelles.

- la voie contractuelle qui associe préservation du patrimoine naturel et développement

local. Elle est mise en place par une démarche concertée associant les différents

usagers du territoire en mettant en place une charte. Ce sont les aires d’adhésion de

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

parcs nationaux, parcs naturels régionaux (PNR) et parcs naturels marins ; on y

associe généralement les engagements internationaux pris par la France (convention

de Ramsar et programme « L’Homme et la Biosphère » de l’Unesco, dont les

démarches sont similaires). La surface de ces espaces à également augmenté ces

dernières années jusqu’à atteindre 15,3% de la surface métropolitaine en 2008. Cette

augmentation s’explique par le succès des PNR.

- le réseau Natura 2000 qui traduit l'application des directives européennes « Habitats,

Faune, Flore » et « Oiseaux », avec la création de zones spéciales de conservation

(ZSC) et de zones de protection spéciales (ZPS). Les sites concernés sont désignés par

l’État en concertation avec les acteurs locaux. En France, c'est la voie contractuelle

qui a été choisie pour la mise en œuvre des mesures de gestion au sein de chaque site.

Après un début de mise en place difficile, ce réseau couvre quant à lui aujourd’hui en

2010, 12,5 % du territoire métropolitain.

- la maîtrise foncière, qui par l’acquisition de terrains permet de soustraire aux

pressions foncières des zones d'intérêt et d’y mettre en place des mesures de gestion

favorables à la biodiversité. Ces acquisitions sont réalisées par le Conservatoire du

littoral et les Conservatoires d’espaces naturels.

2.3.2 – La Stratégie de Création des Aires Protégées : un politique à maintenir...

Parmi les objectifs de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité (SNB) adoptée en France en

2004 figure la volonté de limiter les effets de la fragmentation des habitats naturels qui, avec

leur dégradation, constituent les causes principales de l’érosion de la biodiversité dans les

pays industrialisés. La loi n°2009-967 du 3 août 2009 dite « Loi Grenelle I » s’inscrit dans ce

cadre. C'est cette loi même qui introduit également la TVB. Mais elle introduit un deuxième

outil, la Stratégie de Création des Aires Protégées (SCAP). Cette SCAP est fondée sur un

diagnostic national du réseau actuel et sur l’identification des projets de création à prévoir

dans les prochaines années, avec un objectif ambitieux : passer de 1,26% en 20086 à 2% au

moins du territoire terrestre métropolitain placé sous protection forte.

Cette stratégie repose, sur 2 niveaux. Des priorités nationales définies par l'Etat à partir de

diagnostics écologiques, et l'appui d'experts nationaux. L’Etat est aussi garant de la mise en

œuvre de cette stratégie et recense pour évaluation, les propositions régionales de création

d’aires protégées et le suivi de leur mise en œuvre. 6 Source : MEEDDM

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Les Préfets de région, en lien avec les collectivités territoriales volontaires (en particulier les

Conseils régionaux), avec l’appui technique des DREAL et scientifique des Conseils

Scientifiques Régionaux du Patrimoine Naturel (CSRPN), déclinent à l’échelle régionale, les

priorités nationales établies par l'État. Ce sont eux qui doivent formuler les propositions de

créations. C'est à cet échelon que se décident l’outil de protection adéquat et la méthode de

concertation à mettre en place.

2.3.3 – Natura 2000 : un handicap pour la mise en place de la TVB ?

La directive européenne 92/43/CEE « habitat » dans l'article 10, fait référence à la notion de

corridor écologique. Il est demandé aux États membres de mettre en œuvre un réseau

écologique cohérent en gérant les éléments du paysage qui ont une importance majeure pour

la faune et la flore. Ces éléments doivent faciliter la migration, la distribution géographique et

l’échange génétique des espèces sauvages. Ils peuvent être des éléments continus (comme les

rivières et leurs berges) ou jouer un rôle de relais (comme les étangs et les petits bois). La

modalité de mise en œuvre de ce réseau est laissée libre aux Etats.

Le début de la mise en place en France s’avère catastrophique. Un rapport présenté au

Sénat en 1997 décrit la directive avec ces mots : « un contenu intéressant mais une

application française en forme de psychodrame » (Le Grand, 1997). Ce rapport a été initié par

la Commission des Affaires économiques en juin 1996, alors que la mise en œuvre de la

directive Habitats tournait au drame dans le monde rural. En effet, face à ce texte mal connu

et mal interprété, avec une règle de jeu quasi inexistante et un défaut majeur de

communication les groupes sociaux ont adoptés une position défensive. Un groupe de travail

a donc été constitué pour analyser les raisons du phénomène et faire des propositions pour

relancer la mise en place.

La levée de boucliers du monde rural est alors pour partie expliquée par la directive

européenne « Oiseaux » de 1979 (création des Zones de Protection Spéciales) qui entre elle

aussi dans le réseau Natura 2000. En effet, la mise en œuvre de cette dernière a rencontré

l'hostilité notamment des milieux cynégétiques et a suscité de nombreux contentieux. En effet,

cette directive ne donnait aucun détail sur la procédure de création de ces zones et les

difficultés de mise en œuvre de cette dernière en France n'ont pas été sans rapport avec celles

rencontrées pour l'application de la directive « Habitats ». Ainsi, depuis 1979 certaines ZPS

ont été créées sans la moindre concertation déclenchant des animosités. Les acteurs du

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

monde rural, qui regroupent sur le terrain tant les agriculteurs, propriétaires fonciers et

sylviculteurs que les adeptes de la chasse et de la pêche, avaient donc suffisamment en

mémoire cet exemple récent pour se montrer méfiants lors de la mise en œuvre de la directive

« Habitats ». Des réactions hostiles se font sentir également du côté des élus locaux. Par

l’application de la directive « Oiseaux », un inventaire des Zones Naturelles d'Intérêt

Ecologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF) débute. C’est à l’origine un simple outil de

connaissance scientifique. L’identification de ces zones s’est faite sans aucune concertation ou

même demande d’avis des propriétaires ou des collectivités territoriales concernées. Malgré

leur valeur juridique directe contestable, ces documents se sont vus reconnaître par différents

tribunaux administratifs une valeur juridique (indirecte) opposable aux autorités

administratives chargées de la gestion de l'espace. Ces documents que sont les ZNIEFF sont

alors considérés par certains comme l’expression d’un excès de pouvoir.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les inventaires proposés lors de la première

phase de désignation des sites ayant vocation à intégrer le réseau Natura 2000 qui ont été

confiés aux mêmes structures et selon la même méthodologie (absence de concertation) que

pour les inventaires ZNIEFF n’ont pas été acceptés. Ainsi, lors du printemps 1996, lorsque la

proposition de classer 13% du territoire est annoncée, une opposition générale du monde rural

et des collectivités territoriales se fait ressentir. Le gouvernement décide alors de geler

l'application de la directive Habitats.

En 1996/1997, une nouvelle stratégie de désignation des sites est alors mise au point et la

procédure est alors relancée. Un comité national de concertation est alors créé en 1996,

même si l’absence de représentants des collectivités territoriales est déplorée. De plus, la

désignation de chaque site fait l’objet d’une concertation et d’une recherche de consensus

local et la mise en œuvre se fait par voie contractuelle. Cette méthodologie à permis d’arriver

en 2008, à la constitution de l’essentiel de la partie terrestre du réseau Natura 2000 français.

(CGDD-SOeS, 2010a)

La concertation débute localement dès l'élaboration des propositions de sites. Chaque site est

doté d'un document cadre approuvé par le préfet, le Document d’objectifs (DOCOB). Il est

établi en concertation avec les acteurs locaux. Il contient la présentation générale du site, les

inventaires et cartographies des habitats et espèces, recense les pratiques humaines,

hiérarchise les enjeux et définit les orientations de gestion et les moyens financiers

d’accompagnement. L’élaboration de ce document est un travail d’appropriation locale par les

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acteurs qui cherchent à s’accorder sur des objectifs et des moyens. Il est établi par un

opérateur technique, choisi par l’état en concertation avec les acteurs locaux réunis au sein

d’un comité de pilotage (COPIL) spécifique du site. Ce COPIL est l'organe clé du processus

de concertation. Il est présidé par un représentant des collectivités territoriales présentes dans

le comité de pilotage ou à défaut par le Préfet ou son représentant. A ces représentants des

collectivités territoriales et de leurs groupements, viennent s’ajouter les représentants des

propriétaires et exploitants agricoles. Sa composition est souvent complétée par des

gestionnaires, des organismes consulaires, et des associations. C'est une instance de débat

avec pour mission principale d’examiner et d’amender les documents préparatoires élaborés

par l’opérateur, puis de valider le document d’objectifs final.

Les retours d’expérience attestent d’un réel intérêt pour la protection de la nature,

malheureusement tempéré par la longueur et la complexité des démarches administratives, la

lourdeur des procédures, et l’insuffisance des moyens financiers mis à disposition pour

atteindre les objectifs. Face à cela, les acteurs ont parfois délaissé les objectifs

environnementaux, et parfois cherché d’autres formes d’action. Ainsi, certaines communes

ont adopté une démarche individuelle et procédé à des aménagements qui auraient pu être

inclus dans Natura 2000.

Des problèmes de cohérence sont également signalés à l’égard des autres politiques publiques.

Il existe des contradictions entre certaines aides à l’agriculture et les objectifs

environnementaux fixés par Natura 2000. Un autre frein à la mise en œuvre de cette politique

sur le terrain est la difficulté de la concilier avec les politiques de développement économique.

Il ressort également de ces bilans de mise en œuvre de cette politique, l’importance de

l'animation et de la mise en réseau de tous les animateurs N2000 qui a été essentielle à la

réussite. C'est un des facteurs clés. Cette démarche à permis partiellement de compléter le

manque de connaissances, et a montré l’important travail restant à faire, en particulier en

phytosociologie et entomologie. (Maresca et al., 2006)

En revanche, cette politique a manqué de visibilité. Un trait marquant est le faible degré

d’information de la population des communes concernées et riveraines sur l’existence de ce

programme. Si le sigle évoque quelque chose à 54% des habitants, moins de 10% ont une idée

précise de ce qu’il recouvre (Maresca et al., 2006). Plus globalement en France, ce sont 31%

qui déclarent en avoir entendu parler (contre 21% pour les Européens) parmi lesquels

seulement 12% savent ce que c’est (CGDD-SOeS, 2010b)

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

2.4 – des politiques de plus en plus décentralisées

2.4.1 – Appropriation locale de la gestion de l'environnement

D’après l’article L121-1 du Code de l'urbanisme (Annexe 4) : les Schémas de Cohérence

Territoriale (SCoT), Plans Locaux d'Urbanisme (PLU) et les cartes communales

déterminent les conditions permettant d'assurer, dans le respect des objectifs du

développement durable :

(1) l’équilibre entre renouvellement / développement / restructuration / sauvegarde des

espaces urbains, et utilisation économe / préservation / protection des espaces agricoles et

naturels ;

(2) la diversité des fonctions et la mixité sociale, pour la satisfaction des besoins, sans

discrimination, avec une répartition géographique équilibrée et en diminuant les obligations

de déplacement individuel ;

(3) la maîtrise énergétique, la préservation de la qualité de l’environnement et de la

biodiversité, remise en état des continuités écologiques et prévention des risques.

Les documents d'urbanisme doivent permettre de préserver les espaces agricoles, forestiers,

naturels et les paysages. (Code de l’urbanisme art. L121-1, 1er alinéa). Le SCoT définit les

objectifs en matière de protection des paysages et détermine les espaces naturels et agricoles à

protéger (Code de l’urbanisme art. L122-1). Cela peut se définir à l'aide de documents

cartographiques (Code de l’urbanisme art. R122-3). Le PLU peut comporter des interdictions

de construction, et délimiter les zones naturelles, agricoles et forestières à protéger (Code de

l’urbanisme art. L123-1). Il peut également définir les prescriptions de nature à assurer leur

protection.

Le Schéma Régional de Cohérence Ecologique, pour sa mise en œuvre locale va devoir

s'appuyer sur ces documents d'aménagements et de planification. Or, la couverture du

territoire national par les SCoT est environ de moitié (DREAL FC – EDAD, 2010) (Figure 8).

Cela est problématique pour la bonne mise en œuvre de la Trame Verte et Bleue. En revanche,

les causes de ce demi-succès sont connues : (DREAL FC – EDAD, 2010)

- l'absence de réelle obligation réglementaire ;

- le coût d’élaboration d’un SCoT, jugé élevé ;

- le montage juridique complexe (impliquant souvent de créer une nouvelle structure de

type syndicat mixte) ;

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- les possibilités dérogatoires offertes par la loi, permettant de contourner les

interdictions sans passer par un SCoT (voir paragraphe suivant) ;

- l'outil SCoT est considéré comme un dispositif adapté à l’urbain et moins au rural. Le

seuil initial proposé par la loi SRU, de 15 000 habitants, permettait de mobiliser

également les territoires ruraux. Mais la loi urbanisme et habitat de 2003 en relevant

ce seuil à 50 000 habitants a fait naitre cette impression. La nouvelle modification à

venir issue du Grenelle 2 devrait toutefois revenir au seuil initial visant la

généralisation des SCoT.

L’article L 122-2 du code de l’urbanisme, issu de la loi sur la solidarité et le renouvellement

urbains du 13 décembre 2000 (loi SRU) et modifié par la loi urbanisme et habitat du 2 juillet

2003, est plus connu des praticiens sous l’appellation « règle des 15 km » ou « règle de

l’urbanisation limitée ». En effet, il s’agit d'interdire aux communes, comprises dans un rayon

de 15 km autour d’une agglomération de plus de 50 000 habitants, la modification ou la

révision du PLU qui permettrait l’ouverture à l’urbanisation de zones naturelles, ou de zones à

urbaniser délimitées après le 1er juillet 2002. Il existe cependant des dérogations lorsque cette

commune est incluse dans un périmètre de SCoT. C'est alors l’établissement public

responsable du SCoT qui peut lever cette interdiction. En l’absence de SCoT, la dérogation

peut être délivrée par le préfet, après avis de la chambre d’agriculture et de la commission

départementale de la nature, des sites et des paysages. Cette règle était déjà une mesure

d’incitation à élaborer des SCoT.

La nouvelle écriture de cet article (qui va entrer en vigueur le 13 janvier 2011) prévue par

l’article 17 de la loi Grenelle 2 (Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010) (Annexe 4) introduit

deux changements fondamentaux visant à la généralisation des SCoT. Le premier est le

retour du seuil de 50000 à 15000 habitants pour la ville au centre du périmètre de 15km à

compter du 1 janvier 2013. Le second conduit à la suppression de ce seuil pour 2017 pour

globaliser cette règle et généraliser les SCoT. Il sera toujours possible de recourir à la

dérogation, mais cela deviendra sans doute plus difficile. Par cette nouvelle écriture, le

législateur ambitionne un modèle de territoire entièrement couvert par des SCoT. (DREAL FC

– EDAD, 2010)

Cette loi devrait s'accompagner d'un possible transfert de la compétence « élaboration des

documents d’urbanisme » aux intercommunalités. Un amendement visant à imposer le

transfert de compétences d'élaboration des PLU en faveur des intercommunalités a été déposé

et finalement rejeté. Mais ce dernier a eu le mérite d'engager un débat parlementaire sur le

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

sujet : « Le mitage est une réalité de notre territoire. Les communes ont compétence en

matière d’urbanisme depuis trente-cinq ans et cela n’a empêché ni la consommation des

terres agricoles ni le mitage, bien au contraire. Avec la vue plus globale, plus cohérente que

nous proposons, il sera possible de lutter plus facilement, me semble-t-il , contre le mitage. »

Benoist Apparu. Extrait des débats parlementaires (DREAL FC – EDAD, 2010)

Figure 8 : Carte nationale des Schémas de Cohérence Territoriale et leur statut au 23 juillet 2010.

Source Observatoire des territoires, DGALN

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2.4.2 – Appropriation des outils de protection

Entre 1998 et 2008, le nombre d’aires protégées par voie contractuelle et engagements

internationaux a progressé d’un tiers en métropole (78 sites en 2008), soit un accroissement de

24 % en termes de surface. L’engouement des collectivités locales pour les Parc Naturels

Régionaux (PNR) explique en grande partie cette dynamique (CGDD-SOeS, 2010a). C'est un

outil qui permet la protection du patrimoine culturel et naturel en alliant les enjeux de

préservation de la nature tout en prenant en considération les enjeux socio-économiques. Ce

sont des périmètres qui ont eu beaucoup de succès auprès des territoires ruraux à forte

identité. Ces périmètres ont permis, sur des zonages de groupements de communes, de

prendre en compte la préservation des paysages, des habitats et pratiques traditionnelles,

permettant de manière indirecte la prise en compte des problématiques de biodiversité. La

stratégie nationale de la Fédération des PNR s'engageant de plus en plus pour les enjeux de

biodiversité également contribué à la dynamique.

Les collectivités locales se responsabilisent et agissent de plus en plus pour la biodiversité.

Ceci se voit très bien dans les montants qu'elles engagent dans leurs actions. En effet, le

montant des actions pour la biodiversité engagé par les collectivités locales représente la

moitié de la dépense totale en France pour la biodiversité. Sur la période de 1998 à 2008, ces

dépenses pour la biodiversité ont plus que doublé. En 2008, les communes contribuent pour

55 % à la dépense des administrations publiques locales pour les actions en faveur de la

biodiversité. (CGDD-SOeS, 2010a). (Figure 9)

Figure 9 : Répartition des parts de chaque financeur d'action en faveur

de la biodiversité et des paysages en 2008. Source : CGDD-SOeS, 2010a.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Mais cette montée en puissance des collectivités locales dans la gestion de la nature est aussi

en grande partie liée à la démarche Natura 2000. La participation des élus locaux aux

comités de pilotage a marqué leur premier réel engagement dans une politique globale de

protection de la nature. Elle leur a ouvert des perspectives en termes de financement, mais

aussi d’appropriation locale de la biodiversité. Mais une crainte actuellement se fait sentir

dans le réseau Natura 2000. En effet, avec la demande d'évaluation prochaine du réseau

N2000 par la Commission Européenne, la menace plus ou moins réelle et à plus ou moins

longue échéance d’une évaluation-sanction pourrait remettre en cause le mode d’application

des directives qui a été choisi.

Cette décentralisation pose certaines questions : Quelle sera la priorité donnée localement à la

biodiversité, par rapport à des objectifs d’aménagement (amélioration du réseau routier,

nouvelles lignes de train…), ou de développement économique ? Quelle capacité d’arbitrage

ont les collectivités locales face à des enjeux conflictuels ? Quelle résistance à des lobbies

régionaux ? Quelle capacité ont-elles à percevoir des enjeux qui se situent pour beaucoup à

une échelle beaucoup plus globale que leur territoire ? Et, une cohérence nationale est-elle

possible avec des actions pilotées localement ?

L’IUCN dans son évaluation de la stratégie nationale pour la biodiversité (UICN, 2010c)

évalue toutefois positivement cette prise en main par les collectivités locales et le

renforcement de la prise en compte de la biodiversité en ville, enjeu important qui nécessite

notamment de définir les modalités d’intégration des trames verte et bleue dans les documents

d’urbanisme (UICN, 2010c)

2.5- contexte de crise économique

Dans le contexte de crise que connait la France, on pourrait craindre que l'environnement

reste, comme il l'a été durant le siècle dernier, le parent pauvre de la politique. Mais les

évolutions semblent être plutôt positives. Entre 1998 et 2008, Alors que la production

intérieure brute n’a progressé que de 22 % en valeur, la dépense relative à la protection de la

biodiversité et des paysages a augmenté de 70 % pour atteindre 1,7 milliard d'euros en 2008.

Les dépenses accordées à la biodiversité ont même plus que doublé entre 1998 et 2008 alors

que la dépense pour la protection des paysages a seulement augmenté de 20%. Ainsi, en 2008

60% des dépenses sont accordées à la biodiversité. (CGDD-SOeS, 2010a). Les actions de

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protection de la biodiversité sont pour l'essentiel financées par les collectivités locales et

l’État. Ils couvrent ainsi 3/4 de ces dépenses.

Au sein de l’administration centrale, le financement est assuré à 58 % par le ministère en

charge de l’Écologie, le reste provenant d’autres ministères (Agriculture notamment).

Le 1/4 restant est financé sur des fonds privés provenant des entreprises. Cependant, la

proportion de cette part, depuis 1998 s'est érodée, passant de 45 % en 1998 à 20 % en 2008.

Des financements européens viennent également en appui des actions en faveur de la nature.

(CGDD-SOeS, 2010a)

III- Des recommandations qui déterminent les axes de l'étude

1- Des recommandations générales pour négocier le changement

1.1 – Des moyens en accord avec les objectifs ?

Dans son évaluation de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité (SNB), l'UICN explique

que « les actions qui ont été engagées n’ont donc pas été à la hauteur des enjeux » (UICN,

2010c). En effet, l'objectif de stopper l'érosion de la biodiversité pour 2010 nécessitait un

portage politique fort, avec une stratégie clairement identifiée et des actions définies. Ce qui

d'après cette même évaluation a manqué. De plus, le retour d'expérience de Natura 2000

montre qu'un frein à l'engagement dans cette politique était l'insuffisance de moyens

mobilisés. Ainsi, même si les sommes attribuées aux politiques de la conservation de la

biodiversité ne cessent de croitre ces dernières années, elles s'avèrent encore largement

insuffisantes pour atteindre un objectif aussi ambitieux que stopper l'érosion de la

biodiversité. Dans ses recommandations pour la nouvelle SNB de 2011, l'UICN explique que

cette politique de conservation doit être largement renforcée, à la fois par le portage politique

jusque dans les autres ministères, et en termes de moyens financiers et humains.

Cependant, le démarrage du dossier Trame Verte et Bleue fait naître quelques inquiétudes.

Aucune information n'est encore diffusée sur les moyens qui seront disponibles pour

l'élaboration et le suivi de cette politique. Et au niveau politique, les débats autour des textes

de loi et de la portée juridique des documents fait présager une nouvelle fois une volonté

politique insuffisamment affirmée. Pour exemple, l'opposabilité du Schéma Régional de

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Cohérence Ecologique face aux infrastructures de l'Etat, qui doit pourtant se montrer

exemplaire, à été réduite à une simple prise en compte. De plus, de nombreux documents ou

aides méthodologiques pour appuyer la mise en place du SRCE en région devaient être

produits au niveau national. Or, faute de moyens, beaucoup de ces projets ont été abandonnés.

1.2 – Une vision systémique pour une appréhension nouvelle du territoire

d'action.

La vision d'une politique de conservation mettant de petits habitats sous cloches est

maintenant dépassée. Il commence à être acquis que les habitats ne sont pas imperméables ou

hermétique ; qu'ils sont influencés directement ou indirectement par tout l'environnement

adjacent, voire distant. Cette vision plus globale a amené l'intérêt sur les relations au sein des

écosystèmes et sur comment se font les échanges ente les différents composants du système

(Chevassus-au-Louis et al., 2004). Cette vision systémique a forcé à s'intéresser aux paysages

dans leur ensemble et à engager des réflexions sur la gestion des espaces de manière plus

globale. C'est cette démarche qui a lancé les approches multifonctionnelles des habitats. Il

faut considérer le territoire dans son ensemble et par conséquent gérer cet espace mosaïque

comme un tout.

1.3 – Une mise en œuvre rapide : des démarches parallèles

Le rythme de diminution de la biodiversité et la rapidité des changements climatiques forcent

à une action rapide pour préserver la biodiversité. Cependant, notre manque de connaissance

et l’absence de recul quant au fonctionnement des écosystèmes, font que la construction

habituelle des politiques, linéaire et séquentielle, passant par les étapes de description,

compréhension, et gestion/action s'avère trop longue devant l'urgence de l'action à lancer. Il

apparait nécessaire, vu l’urgence, de se lancer dans une nouvelle méthode de construction de

politiques où ces étapes se développent simultanément, de manière interactive en se

nourrissant continuellement de l'avancée dans les autres activités. Ce processus aboutit à la

notion de « spirale d'apprentissage » (Chevassus-au-Louis et al., 2004).

De plus pour faire avancer notre connaissance, il faut revoir en partie les stratégies de

recherches dans ce domaine. Le modèle hypothético-déductif basé sur l’expérimentation en

milieu contrôlé, n'est pas vraiment adapté à la situation d'urgence et de manque de moyens

dans lequel nous sommes. Il existe d’autres approches concluantes, comme la recherche-

observation, un peu plus empirique et basée sur la description et le suivi spatio-temporel des

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phénomènes ou la recherche-action, qui implique des interactions étroites entre chercheurs et

gestionnaires d’une ressource ou d’un espace et qui teste l'influence des actions menées.

(Chevassus-au-Louis et al., 2004)

Ainsi, cette nouvelle politique environnementale nécessiterait un suivi et une évaluation qui

participeraient à compléter les connaissances et mettre à jour les savoirs, ce qui

permettrait d'aboutir à chaque révision de cette politique, à une action de plus en plus efficace

et adaptée.

1.4 Communication

L'UICN dans l'évaluation évoquée précédemment (UICN, 2010c) dénonce le manque de

communication de la dernière politique menée dans le cadre de la SNB. Ce manque de

communication est transversal à toutes les politiques environnementales. Si les Français

commencent à percevoir ce qu'est la biodiversité et le fait qu'elle soit menacée (CGDD-SOeS,

2010b), ils sont trop peu informés des politiques qui sont menées en sa faveur. Ce constat a

été également fait lors de l'évaluation Natura 2000 (Maresca et al., 2006).

Pour aboutir aux objectifs fixés, la politique va devoir devenir forte et contraignante. Pour

éviter de lever des animosités face à ces politiques, il est essentiel de communiquer sur les

objectifs, les enjeux et l'urgence de l'action. Cette lisibilité de la politique est le seul moyen

pour qu'elle soit acceptée et qu'elle puisse faire l'objet d'un consensus global. De plus, il

existe une réelle demande d'information de la part des citoyens, d'ailleurs prêts eux-aussi, à

leur échelle, à agir en faveur de la biodiversité (CGDD-SOeS, 2010b)

1.5 – la Cohérence par la subsidiarité des échelles

Il n'est pas encore acté, même si c'est un des objectifs de la TVB, que la politique de

conservation de la biodiversité doive être intégrée par toutes les politiques, dans le champ

social, économique... L'UICN recommande également un portage interministériel pour la

nouvelle SNB (UICN, 2010c).

Mais au delà de cette cohérence des différentes politiques, il faut une cohérence dans la

réalisation même du réseau écologique, ce qui passe on l’a vu par une vision globale. Le

réseau doit dépasser les limites administratives. De plus, des enjeux pour la biodiversité

interviennent à différentes échelles. L’établissement du Réseau Ecologique Paneuropéen a

permis l'identification de cœurs de biodiversité et de couloirs de déplacements d'importance

européenne. Ensuite, jusqu'au local, chaque niveau doit identifier ses propres enjeux en

prenant en compte le niveau supérieur et en se nourrissant des diagnostics et enjeux des

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

échelles inférieures. C'est l'articulation des échelles qui est indispensable pour une

identification des enjeux de biodiversité qui soit cohérente et qui prenne en compte la

multifonctionnalité des espaces. Il s’agit même de dépasser les frontières nationales pour

travailler avec les pays limitrophes.

Le principe de subsidiarité veut d’autre part que le travail soit réalisé à l'échelle la plus

adaptée. C'est pour cette raison qu'il est nécessaire de décentraliser l'identification des enjeux

car chaque région à ses particularités. Ensuite, la mise en œuvre locale, le dessin des

corridors à la parcelle, le dialogue entre les acteurs concernés ne peut pas se faire à l'échelle

régionale, mais doit l'être à une échelle plus fine. De plus c'est à cette échelle que les enjeux

socio-économiques sont les mieux appréhendés et spatialisés. Cette échelle permet aussi une

cohérence avec de plus en plus de politiques qui se gèrent maintenant au niveau

intercommunal. Evidemment, cette échelle locale, pour percevoir les enjeux qui la dépassent,

comme une connexion biogéographique, nécessite le recul que lui apporte l'échelle régionale.

1.6 – Une appropriation essentielle : concertation et démarche

participative

L’UICN souligne que la Stratégie Nationale pour la Biodiversité ne doit pas être seulement

une stratégie ministérielle mais qu’elle doit faire l’objet d’un portage global (UICN, 2010a).

Or elle déplore le peu d’implication des acteurs comme les associations, les collectivités

territoriales et les entreprises dans les actions de la SNB (UICN, 2010c).

Or, la politique Trame Verte et Bleue fera partie de la SNB 2011. Dans le premier chapitre de

cette partie 2, on a vu que la TVB et le SRCE avaient une opposabilité limitée. Or la mise en

œuvre de cette politique nécessite que le SRCE soit pris en compte par les documents

d’aménagement. Pour que cette transition se fasse au mieux, les acteurs politiques locaux

doivent accepter ce document. Il doit être concerté pour qu’il n’y ait pas de levées de

boucliers à la mise en œuvre, et pour qu’il soit accepté par les acteurs et utilisateurs de

l’environnement et de l’espace. Pour cela, il faut associer les acteurs très en amont, à la fois

lors de la conception de la politique par un processus de concertation, mais également déjà

lors de l’élaboration du diagnostic qui doit être partagé, et cela par un travail participatif.

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2- Les axes de travail de l'étude et les questions abordées

Ce contexte français va avoir une influence importante sur la mise en place de la Trame Verte

et Bleue et donc sur la mise en place du SRCE en région. L’identification des grands enjeux et

points clés qu’il va être primordial de prendre en compte lors de la mise en place du SRCE

ont permis d’orienter les réflexions de cette étude.

Ainsi, mon travail sur le terrain réalisé en Franche-Comté sera axé sur quelques aspects qu’il

ne faudra pas éluder si l’on veut que le SRCE soit un document d’aménagement du territoire

qui ait une utilité avérée pour la biodiversité.

Je vais donc m’intéresser au positionnement des acteurs face à cette question pour

commencer à identifier sur quels publics il faudra porter le plus l’attention et ou faire l’effort

de communication. Je m’intéresserai donc à leur compréhension des enjeux et des objectifs

visés par la TVB.

Je m’interrogerai également à la manière d’articuler les échelles, pour une prise en compte à

la fois les échelles supérieures et inférieures. Cette réflexion au sujet des échelles sera croisée

avec une seconde réflexion sur la concertation : en fonction de l’échelle considérée, la

concertation prendra-t-elle la même forme, associera-t-elle les mêmes acteurs ?

Une question très importante aussi est celle de la manière d’associer les différents acteurs,

si l’on veut une acceptation et une appropriation la plus globale possible.

Conclusion :

L’éthique, l’idéologie et la méthodologie de mise en œuvre de la Trame Verte et Bleue fait de

cette politique l’outil idéal pour négocier le virage sociétal et politique qui se dessine

aujourd’hui en faveur de la préservation de la biodiversité. Elle intègre les dernières avancées

en terme d’écologie du paysage et prend en compte les erreurs des politiques passés que les

scientifiques ont dénoncées. Avec les concepts de nature ordinaire, de nature en ville, et la

volonté d’associer le grand public, elle accompagne l’appropriation du problème de la

biodiversité qui devient un problème sociétal. Elle devrait permettre de répondre à la demande

croissante d’information et de nature de proximité. De plus, par les processus de sa mise en

œuvre, en associant des comités à 5 collèges, par les enquêtes publiques, la concertation et le

travail partenarial, elle répond à l’exigence de transparence des politiques, et à l’idéologie de

la démocratie environnementale. Elle accompagne également la démarche de cohérence des

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

politiques et de cohérence territoriale en s’appuyant sur l’intercommunalité et les documents

de planification. Il semble en effet, que l’intercommunalité prenne de plus en plus

d’importance dans la mobilisation des compétences.

Cependant, il ressort que tout cela ne sera pas aisé à mettre en œuvre. Il existe quelques

réticences à ces politiques environnementales dans le monde rural qui datent de la mise en

œuvre de Natura 2000. Le contexte de crise économique avec la limitation des budgets et

l’économie de moyens ne va pas non plus faciliter sa mise en œuvre. Si le gouvernement n’en

fait pas une politique réellement prioritaire, le manque de moyens humains et surtout

financiers est à craindre. Cette politique doit également faire preuve de pédagogie car elle doit

expliquer qu’il est nécessaire d’agir malgré le manque de connaissance. Et qu’il ne faut pas à

cause de ce manque de connaissance et de recul remettre en cause la nécessité d’agir vu

l’urgence. En effet, ce manque de connaissance se comblera au cours de cette politique qui est

évolutive. Il va donc être nécessaire d’investir de l’énergie dans le suivi et l’évaluation,

parfois négligés lors de la conception des politiques.

Pour les scientifiques, cette politique représente une opportunité très intéressante pour la

recherche. C’est en effet une expérience « grandeur nature » de réseau écologique à toutes les

échelles, du continent européen au local. Cette expérience sera un moyen de mieux

comprendre les interactions entre les échelles locales, régionales et globales des problèmes

d’environnement, une occasion unique de mise à l’épreuve des concepts de l’écologie du

paysage.

La France est ainsi à un moment charnière de sa politique environnementale. Elle est très

attendue car elle est en cours de révision de sa Stratégie Nationale pour la Biodiversité. En

octobre 2010, va se dérouler la 10ième conférence des parties de la Convention sur la

Diversité Biologique, à Nagoya, où un nouvel objectif et un nouveau cadre d’actions au

niveau international seront adoptés. La France va donc prochainement devoir s’engager sans

demi-mesure dans sa politique si elle veut parvenir à remplir ses objectifs pour la biodiversité.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Chapitre III

Mise en place de la Trame Verte et Bleue en

Franche Comté

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Introduction

Grâce aux avancées scientifiques et politiques abordées dans les précédentes parties, une

nouvelle stratégie pour limiter l’érosion de la biodiversité voit le jour. Elle s'appuie sur le

concept du réseau écologique et amène la nature au cœur même des espaces anthropisés et des

projets de territoire. Cette politique s'appuie donc inévitablement sur l'appropriation par la

société dans son ensemble des problématiques environnementales.

En France, cette stratégie est née lors du Grenelle Environnement de 2007. Elle porte le nom

de Trame Verte et Bleue (TVB). Une étape cruciale de sa mise en œuvre et de son

acceptation est actuellement en cours. C'est la réalisation du Schéma Régional de Cohérence

Ecologique (SRCE), document concerté d'aménagement du territoire qui doit être mis en

place à l'échelle régionale par une co-élaboration Etat-Région pour fin 2012.

Sa mise en œuvre sera étudiée dans cette troisième partie dans le contexte du territoire de la

région Franche-Comté. Nos réflexions ont pour objectif d’orienter les démarches de la

DREAL Franche-Comté dans la réalisation d’une feuille de route pour l’élaboration du

SRCE qui sera présentée aux différents services de l’Etat et à la Région. Cependant, Il ne

s'agit seulement que de réflexions sur la méthodologie et il est important de préciser que cette

dernière va devoir être mise au point par une collaboration entre le Conseil régional et la

DREAL. Ces réflexions n'engagent ni ne représentent le positionnement de la DREL ou du

Conseil Régional.

Cette étude va s'appuyer sur un travail bibliographique ainsi que sur la rencontre de différents

acteurs du territoire. Mais nous n'allons pas restreindre notre étude aux limites

administrative de la région Franche-Comté et nous nous intéresserons aussi aux retours

d'expérience de cette mise en œuvre régionale, ainsi qu’aux avancées des réflexions dans les

régions et pays limitrophes.

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I- Les contextes en Franche-Comté : approche multiscalaire

1 – Les réflexions sur les continuités écologiques : un contexte supra-régional

1.1 – Méthode de recueil des informations

1.1.1 – l’intérêt d’une approche supra-régionale

Le réseau écologique désigné par le Schéma Régional de Cohérence Ecologique doit être

cohérent au delà des limites administratives. En effet, les animaux dans leurs déplacements

ne connaissent pas de frontières. De plus, l'un des objectifs de la Trame Verte et Bleue est de

permettre aux espèces de pouvoir se déplacer librement pour faire face aux changements

climatiques et donc de pouvoir réaliser les déplacements nécessaires et la colonisation de

nouveaux habitats.

1.1.2 – Les régions limitrophes françaises

Pour prendre connaissance des initiatives des régions limitrophes françaises, mon travail s'est

appuyé sur la bibliographie disponible. Une collaboration avec Géraldine Rogeon, chargée

de mission TVB Grand-Est au Muséum National d'Histoire Naturelle a permis d'acquérir

une vision 'terrain' de ce qui se passe dans les régions limitrophes. Son travail consiste à

suivre l'élaboration de la TVB en Région auprès de la Franche-Comté, la Bourgogne, l'Alsace

et la Lorraine. Elle doit faire remonter au niveau national des informations concrètes sur le

déroulement et les difficultés rencontrées localement. J'ai également été directement en

contact avec Aurélie Tarrago, stagiaire à la DREAL Alsace qui travaillait également sur la

mise en place du SRCE.

1.1.3 – La cohérence transfrontalière

La région Franche-Comté est transfrontalière avec la Suisse et plus particulièrement avec les

cantons de Vaud, Neuchâtel et du Jura. Le système suisse donne une très forte autonomie aux

cantons. Ce sont eux qui possèdent la totale compétence pour ce qui est de l’aménagement du

territoire. Ainsi comme on l’a vu dans le chapitre précédent, le Réseau Ecologique National

(REN, 2004) publié par la Fédération, ne constitue qu’un document d’information. Chaque

canton est donc libre de l’appliquer ou non et avec la méthode et les moyens de son choix.

En plus de s'appuyer sur ce document, nous avons pris contact avec Antonio Righetti, qui

était alors le correspondant REN à l'Office Fédéral de l’Environnement et un des co-auteurs

du REN. Un questionnaire lui a été transmis et a permis d'identifier les méthodes, les retours

d'expérience et la portée du REN (Annexe 5). De plus, il nous a orientés vers les

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

correspondants cantonaux.

Nous avons ainsi pris contact avec ces correspondants cantonaux et organisé des rencontres en

vue d’une cohérence dans la mise en place du réseau écologique et la recherche de synergies

possibles.

- Canton de Neuchâtel : nous avons rencontré Marie-France Cattin et Philippe Jacot

Descombes (Office de la conservation de la nature) le 25/08/2010 ;

- Canton de Vaud : nous sommes entrés en contact avec Catherine Strehler-Perrin

(Conservatrice de la nature - Département de la sécurité et de l'environnement -

Service des forêts, de la faune et de la nature) qui dans le cadre du partenariat

nouvellement lancé, nous a invité à intervenir au cours de leur séminaire sur les

réseaux écologiques le 31/08/2010. Nous les avons également rencontrés en petit

comité le 02/09/2010.

- Canton du Jura : nos interlocuteurs, Laurent Gogniat (Responsable Domaine Nature

– Office de l'environnement) et Jacques Gerber (Chef de l'Office environnement),

ont accepté de nous rencontrer le 03/09/2010.

1.2 –L’avancement du projet dans les régions proches

L'avancement des réflexions dans les régions limitrophes est très inégal.

Le Conseil Régional d’Alsace a lancé son Plan Régional pour la biodiversité en 2003 avec

pour objectifs le maintien et la densification des connexions écologiques, leur intégration dans

les plans d’urbanisme et d’aménagement du territoire et la gestion des points de conflit. Une

première cartographie est parue sur la plaine rhénane en 2003 puis complétée en 2008 par le

massif Vosgien. De 2003 à 2006, cette politique est restée expérimentale en plaine puis s'est

généralisée en 2007. En ce qui concerne la communication, elle s'est principalement appuyée

sur des plaquettes informatives. Il y a également une démarche de formation et d'information

des acteurs de l’aménagement comme les paysagistes, urbanistes, bureaux d'étude... Un

Comité Alsacien pour la Biodiversité, sur le modèle de gouvernance à 5 collèges, a vu le jour

le 16 juillet 2010. Il a en charge les dossiers en lien avec la préservation de la biodiversité

(SCAP, TVB…). Il est décliné en 4 groupes thématiques et un groupe technique qui a en

charge le suivi du projet SRCE. Avec un cahier des charges validé fin 2010, l’étude devrait

débuter en janvier 2011. L’enjeu principal est de faire concorder leur réseau avec les objectifs

et orientations nationales pour que cela devienne un SRCE. Un effort important va devoir être

réalisé en ce qui concerne la Trame Bleue.

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La Région Lorraine, en 2005, débute sa politique en faveur de la biodiversité visant à la

préservation des espaces et des espèces remarquables et ordinaires et une mise en œuvre

rurale et urbaine. Sa réalisation passe par la préservation et la restauration de corridors

écologiques. La Région a donc réalisé une analyse prospective concrète sur l’ensemble du

territoire lorrain afin de définir les interventions de la Région et des acteurs du territoire pour

la mise en place d’une Trame verte et bleue (TVB). Cette politique devrait permettre d’assurer

la cohérence des réseaux, de compléter les connaissances écologiques, de relier entre elles les

zones nodales et d’identifier les zones de ruptures de connexion. Une ébauche du futur

Comité Régional TVB va d’ailleurs être réunie d’ici fin 2010. La Lorraine intègre cette

politique dans un programme international, avec les pays de la Grande Région à savoir 2

Länder Allemands, le Luxembourg, et la Wallonie et communauté germanophone de

Belgique. Les conseils régionaux de Lorraine et de Franche-Comté ont pour objectifs de

mettre en place un groupe de travail transfrontalier.

En région Champagne Ardenne, le Conseil Régional et des collectivités ont lancé en 2009

un projet baptisé Symbiose et piloté de manière concertée par un comité technique

opérationnel d'une dizaine de partenaires. Ils partent de différents territoires pilotes avant de

généraliser la méthode développée. La mise en œuvre est volontairement très locale (à la

parcelle) pour développer une méthode simple et souple, éprouvée sur le terrain. Une étude

sociologique a également été commandée pour comprendre les points de divergences et de

désaccords créés par ce projet.

La région Bourgogne a démarré sa stratégie sur les corridors en 2007 par une étude préalable

régionale donnant un cadre d’aide à la décision. Cette étude doit identifier la Trame

Ecologique, définir un programme d’action, et ce à l’échelle régional et sur quelques

déclinaisons locales. Cette étude est suivit par Région et DREAL avec 5 comités : technique,

scientifique, de pilotage, d'association, d’information et associe également le CSRPN.

La région Rhône-Alpes a lancé, en 2007, une étude visant à cartographier les réseaux

écologiques de Rhône-Alpes. Le projet associe un très grand nombre d’acteurs régionaux.

Aujourd'hui il est presque aboutit.

1.3 - L’avancement du projet en Suisse

Au niveau fédéral, un diagnostic de continuités a donc été publié en 2004. Les objectifs de

cette étude 'Réseau Ecologique National suisse (REN)' sont différents de ceux de la Trame

Verte et Bleue au sens du Grenelle. Il s'agit plutôt d'un effort de diagnostic et de cartographie

à l'échelle nationale sur les enjeux de continuités écologiques, associant les principaux experts

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

techniques et scientifiques, mais sans volonté affichée de concertation. Le REN n'est d'ailleurs

pas en soi un document d'aménagement du territoire opposable. On retrouve en revanche,

même si elle n'est pas formalisée en tant que telle dans les documents produits, la question de

l'articulation entre les différentes échelles d'analyse et de réflexion. En effet dans la démarche,

une première version a été soumise aux cantons, qui pouvaient faire remonter leurs

commentaires. Les méthodes de représentation montrent également l'articulation entre les

échelles, du 1 :500'000 au 1 :100'000 et même lors de la validation auprès des cantons,

jusqu'au 1 :25'000. Les cartes représentent les sous-réseaux indépendamment, une carte bilan

et une carte schématique simplifiée. (Annexe 6)

Cette étude avait pour objectif d’informer les cantons et de stimuler leur réflexion. Mais la

méthode d’application est libre dans chaque canton.

Le canton de Neuchâtel appuie sa stratégie continuité écologique depuis 2001 sur une

politique agricole avec des exploitants volontaires qui s’associent et acceptent d’orienter leur

gestion et reçoivent en contrepartie des subventions de la Fédération. Ces orientations de

gestion se décident en concertation avec les parties concernées à savoir les agriculteurs. Mais

il ne se dessine pas un réseau écologique au même sens que la Trame Verte et bleue à savoir

une stratégie globale et cohérente sur l’ensemble du territoire.

Une démarche complètement différente est mise en place dans le canton de Vaud. Sur ce

territoire, on raisonne en sous-réseau et pas seulement dans l'espace agricole. L’ambition est

de de faire de la politique de continuité une politique touchant tous les Services pour amener

de la cohérence. Cette démarche pour identifier les zones noyaux (ou réservoir) devrait

s'appuyer sur un indice de patrimoine naturel qui dépend du nombre d'espèces présentes et

surtout d'un indice d'intérêt de ces espèces. Ainsi, les zones identifiées ne correspondent pas

nécessairement aux zones de biodiversité mais aux zones de présence des espèces

patrimoniales. En cela, elle diffère de la démarche française.

Le Canton du Jura quant à lui a été particulièrement prudent dans la mise en œuvre de cette

politique. C’est à l’image du canton de Neuchâtel, une politique agricole s’appuyant sur les

politiques de subvention de la Fédération. En revanche, si l’application de cette politique est

sur le point de démarrer, les réflexions ont débuté en 2004. La constitution interdisciplinaire

du groupe de travail a été un ingrédient indispensable au démarrage et à l’avancement du

projet. Le développement d’une vision commune a permis d’éviter le rejet ou le blocage du

projet. On souligne dans ce canton l’importance de la communication qui a du se faire entre

des organismes ou services administratifs parfois en conflit d’intérêts. Ce travail collaboratif a

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permis de parvenir à un projet où chacun trouve des bénéfices et a été une étape indispensable

pour pouvoir ensuite assurer une information claire, réaliste, facilement compréhensible,

concrète et motivante pour les agriculteurs adhérant au projet. La mise en œuvre s’appuie sur

des orientations de gestions qui sont déclinées suivant des régions paysagères et les enjeux

associés. Ce projet à permis de clarifier et formaliser les modalités d’application de la

politique fédérale et simplifie la démarche. Elle connait donc un énorme succès car les aides

de la Fédération sont particulièrement substantielles. Ainsi près de 60% de leur territoire

agricole pourrait bientôt être concerné par ce projet.

En revanche, la comparaison de méthode avec la France doit se faire avec prudence. Les

suisses ont une connaissance beaucoup plus précise et complète de la biodiversité sur leur

territoire. Les méthodes de diagnostic utilisées ne pourront donc pas de manière efficace

s’appliquer en France. De plus les territoires cantonaux sont bien plus petits que notre échelle

régionale. Leur politique de réseau s’appuie sur la politique agricole fédérale OQE

(Ordonnance sur la qualité écologique) qui engage des sommes significatives pour les

exploitants agricoles.

En ce qui concerne la question des enjeux transfrontaliers, des continuités sont déjà

identifiées dans le REN vers les pays limitrophes et en l'occurrence, la France. Mais ce n’est

pas le cas pour les cantons. Il va donc être important de s'appuyer sur le travail du REN pour

identifier ces enjeux et établir un réseau cohérent.

2 – Retour d'expérience sur la mise en place du SRCE

2.1 – Méthode de recueil des informations

Les contextes régionaux en France diffèrent pour ce qui est de l'avancement de la réflexion

autour du SRCE. Certaines ont déjà un diagnostic écologique de continuités finalisé, d'autres

n'ont pas encore entamé leur réflexion. Les retours d'expériences des différentes initiatives

régionales sont très constructifs lorsque l'on désire mettre en œuvre un projet. Pour obtenir ces

retours d'expériences j'ai participé à différents évènements de communication et d'échanges

autour de la Trame Verte et Bleue :

- Les PNR et la TVB : Journée de restitution de l'appel à projets, le 30 juin 2010 –

Paris ;

- Les Communautés et la TVB, le 26 mai 2010 – Creusot (Saône-et-Loire) ;

- Les journées d’échange technique ResO : de la communication à la concertation, le 8

juin 2010 – Montbéliard (Doubs), par le réseau des gestionnaires de l’eau (ResO) et

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

l’Association de Formation et d'Information Pour le développement d'initiatives

rurales (AFIP)

Un travail d'enquête auprès du réseau Trame Verte et Bleue des DREAL de France au

cours du mois de juin m'a également permis d'avancer sur cette perception. L'objectif de cette

enquête était d'avoir une vision globale de l'état d'avancement du SRCE dans les différentes

régions et des retours d'expériences sur les différentes méthodologies déployées. Ce

questionnaire à été construit sur internet à l'aide du logiciel libre LimeSurvey et hébergé sur

l'intranet du MEEDDM (Annexe 7). Chaque correspondant TVB DREAL a donc reçu un mail

l'invitant à compléter ce questionnaire en ligne. Cette démarche a été suivie par les

correspondants du ministère et plus particulièrement par Elodie Salles, chargée de mission

TVB MEEDDM/DEB. Ils ont d'ailleurs utilisé ces résultats dans le cadre de leur mission de

centralisation des informations.

Ce questionnaire m'a permis d'identifier les DREAL qui étaient dans les mêmes réflexions et

avec qui je suis alors entré en contact. Ainsi en prenant contact avec différentes personnes en

DREAL ou au MEEDEM/DEB, j'ai pu réaliser différents échanges sur les projets et l’état des

réflexions sur le SRCE.

Ces recherches se sont aussi également appuyées sur la bibliographie disponible.

2.2 – Retours d’expérience des Parcs Naturels Régionaux

La Fédération des PNR en 2005 désigne 3 parcs pilotes pour débuter les réflexions sur la

politique « réseaux écologiques » : PNR Lorraine, Brenne et Pilat. Plus tard, à la naissance de

la politique TVB, le MEEDDM lance auprès des PNR un appel à projet et en retient 5 qui

impliquent pas moins de 25 parcs.

Dans le cadre de l'établissement des chartes de parcs, une concertation doit se faire avec les

communes, les EPCI et les départements concernés. Ce projet de charte doit aussi être soumis

à enquête publique. Le(s) Conseil(s) régional(aux) la valide(nt) et la transmet(tent), via le

Préfet de Région, au Ministre en charge de l’Environnement (Code de l'environnement -

Chapitre III : Parcs naturels régionaux – art. R333-1 à R333-16).

Les éléments principaux des différents retours d'expériences sont de plusieurs ordres.

On notera tout d'abord les difficultés d'établissement du diagnostic de continuités

écologiques et de la mise en œuvre, dues au manque de connaissances ou au manque

d'actualisation des données spatialisées.

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90

Ensuite la mise en œuvre peut être freinée par la méfiance du monde rural devant une

politique issue du pouvoir central, après l'échec ressenti de Natura 2000, ainsi que par

l'inquiétude des porteurs de projet d'une restriction croissante des possibilités de

développement.

Les investissements nécessaires sont conséquents, en temps, en moyens financiers, mais il

est également nécessaire de s'investir dans un maximum de partenariats.

Par ailleurs, l'échelle régionale ne suffit pas, il faut pour certains enjeux comme par exemple

la sous-trame thermophile, avoir une vision locale pour permettre la mise en cohérence des

politiques.

Certains PNR ont également eu des difficultés pour la mise en œuvre de cette politique et en

particulier pour la mise en cohérence des initiatives régionales, départementales et des SCoT.

En ce qui concerne la communication, il est parait important d’avoir une entrée par la

biodiversité et les menaces sur cette dernière, avant d'aborder la Trame Verte et Bleue. Cette

politique apparaitra alors plus justifiée et donc mieux acceptée. Enfin, pour pouvoir mobiliser,

il est essentiel d'expliciter la démarche et insister sur deux aspects : ce que cette politique va

apporter à la biodiversité et à 'nous', porteur du projet, et ce que cela va leur apporter à 'eux',

acteurs, utilisateurs et élus du territoire.

2.3 – Retours d’expérience des DREAL

Plus de la moitié des Régions métropolitaines sont engagées en co-élaboration avec l'Etat,

dans des démarches d'étude préliminaire ou de lancement des Schémas Régionaux de

Cohérence Ecologique. Mais l'avancement est très inégal entre les projets d'identification de

continuités, de mise en place de comités de pilotage, ou de lancement d'études (Source :

MEEDDM et questionnaire DREAL en annexe 7) :

Etudes régionales spécifiques aux continuités écologiques ou études de préfiguration ou

d’élaboration du schéma régional engagées : Alsace, Aquitaine, Bourgogne, Languedoc-

Roussillon, Lorraine, Nord-Pas-de-Calais ;

Partenariat Etat/Région engagé en vue de l’élaboration du schéma régional : Ile-de-France,

Rhône-Alpes, Centre, Basse-Normandie, Auvergne, Midi-Pyrénées, Corse ;

Démarrage du partenariat Etat/Région sur la Trame verte et bleue : PACA, Bretagne, Picardie,

Basse-Normandie, Pays de Loire, Poitou-Charentes.

Il ressort de ces différentes expériences que le Comité Régional TVB devant réunir près

d’une centaine d’acteurs d’après la loi n’est pas un organe adapté pour les réflexions et le

suivi de l’étude SRCE. En effet, il est décliné en comités techniques, ou comités de pilotage

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

rassemblant alors un nombre d’acteur moindre. De plus, dans certaines régions, ce CRTVB

est inclus dans un comité plus global en charge des problématiques régionales de

biodiversité comme par exemple en Alsace où il se crée un Comité Alsacien Biodiversité.

2.4 – Autres retours d’expérience

Il ressort des débats de la journée destinée aux communautés urbaines et à la TVB que la

question de la nature en ville est une question à forts enjeux. C’est une question spécifique

qu’il faut dissocier de la question des espaces naturels et agricoles. De plus, la biodiversité

urbaine est souvent différente de la biodiversité en dehors de la ville. Les outils et les appuis à

la communication sont différents. Il faut aborder la communication en tenant compte du fait

que les citadins ne sont pas près à voir la ‘nature sauvage’ entrer en ville.

Un des principaux enjeux pour les continuités face à l’urbanisation, c’est de lutter contre

l’étalement urbain actuel et surtout contre l’urbanisation linéaire qui se fait le long des axes

principaux de communication et qui imperméabilise d’autant plus ces infrastructures. Il est

important d’éviter que deux communes se rejoignent le long d’un axe car il sera alors presque

impossible de rétablir une continuité écologique entre les deux côtés de cet axe formé par ces

communes, qui représentent alors une seule et même tache d’urbanisation continue.

Les gestionnaires de l’eau ont un important recul sur les processus d’association des acteurs et

de dialogue territorial. Le dialogue territorial comprend la médiation, la concertation, la

négociation et la communication/information qui sont des processus sensiblement différents

(Annexe 8). La concertation n’est pas un consensus ou un compromis. C’est « l’action de

projeter ensemble en discutant. Elle n’aboutit pas nécessairement à une décision et si

décision il y a, elle n’est pas forcement commune à tous les acteurs. Elle est animée le plus

souvent par une des parties en présence » (définition de l’Association de Formation et

d'Information Pour le développement d'initiatives rurales). Ce processus débute par le

repérage des acteurs concernés et une sensibilisation individuelle. Il est nécessaire de créer

une instance de concertation regroupant tous les acteurs, même s’il est possible de travailler

ensuite en sous-groupes. Mais les étapes clés doivent être validées collectivement. Tout ce

processus doit être transparent. Il est nécessaire d’expliquer les règles, et de tenir informé de

l’avancement de la démarche par des comptes rendus réguliers quelle que soit leur forme. Le

processus de concertation, pour sa réussite, nécessite un important travail de

communication et d’information. L’animateur du dialogue et de la concertation est la pièce

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centrale de la réussite de cette étape essentielle. Il a en charge la mobilisation des acteurs,

l’animation des réunions, et le suivi de la démarche. Il doit être considéré comme légitime par

l’ensemble des parties et doit garder une posture neutre. La concertation permet donc

d’aboutir à un diagnostic partagé par et avec tous les acteurs, même si tous ne seront pas

forcément d’accord. Le but de la concertation est principalement de s’assurer de ne pas passer

à côté d’un enjeu. (AFIP ; MENSCOM ; Jones-Walter et al., 2009)

3 – Le contexte en Franche-Comté

3.1- Méthodes

Le travail d'identification du contexte en Franche-Comté s'est beaucoup appuyé sur la

bibliographie et les études précédentes réalisées alors à la DIREN. En effet, ce service

déconcentré de l'Etat étant aujourd'hui intégré au sein de la DREAL, représente une

importante ressource d'information sur ce sujet. L’initiative de mener une telle démarche à été

initié par la DIREN qui a ainsi encadré la majorité des travaux en Franche-Comté. De plus,

c'est un interlocuteur privilégié pour la mise en œuvre des projets plus locaux de continuités

écologiques initiées depuis quelques années ici et là.

Un travail particulier a également été engagé auprès des gestionnaires de réserves et de

périmètres Natura 2000 (certains portent les deux 'casquettes'). Nous sommes intervenus une

première fois lors de leur réunion administrative du 02/06/2010 pour leur exposer notre

démarche et identifier quels seront nos interlocuteurs et quel est le meilleur moyen pour les

consulter. Il en est ressorti qu'il était intéressant de réaliser une journée d'information et de

participation et en parallèle lancer un questionnaire qui servirait de base de travail pour cette

journée et permettrait d’identifier les premières difficultés. Nous les avons donc rencontrés

une seconde fois le 15/06/2010 lors d'une journée des gestionnaires pour leur présenter ce

questionnaire (Annexe 9). Une journée d'information et de participation autour de la TVB

a donc été organisée à la DREAL le 06/07/2010. Le début de matinée était destiné à présenter

la TVB et la démarche SRCE, puis nos attentes pour cette journée. La fin de matinée et le

début d'après midi se sont déroulés par groupes de 15 personnes autour d'un atelier participatif

de mobilisation des connaissances, formalisation des enjeux et dialogue sur la démarche et

identification des points de blocages. Cet atelier participatif s'est conduit à l'aide de supports

cartographiques régionaux et suprarégionaux avec une carte schématique en 5 exemplaires à

compléter. Nous les avons invités à représenter sur ces cartes les enjeux pressentis pour 5

sous-trames de leur choix qui leur paraissaient primordiales en Franche-Comté. (Le détail de

cette journée est présenté en Annexe 10)

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

3.2 – Le contexte Géo-écologique

La région Franche-Comté a une position géographique très particulière, ce qui lui confère un

rôle important dans les enjeux de continuités à la fois françaises et européennes (Figure 10) :

elle constitue un espace intermédiaire entre le monde rhénan au nord et la liaison

rhodanienne au sud ; c'est également un espace charnière, avec un rôle d'articulation entre

les massifs montagneux et forestiers du Jura, des Alpes, de la Forêt Noire (en Allemagne) et

des Vosges.

Cette connexion repose en partie sur un territoire particulièrement riche de son patrimoine

forestier. Elle est couverte à 44% par la forêt et représente 5% de la surface forestière

nationale. C'est la deuxième région la plus boisée de France métropolitaine, après

l’Aquitaine (Source : INSEE).

La forêt franc-comtoise est caractérisée par une grande diversité : elle comprend 54 habitats

forestiers élémentaires, dont 46 sont reconnus d’intérêt communautaire (parmi lesquels 20

reconnus d’intérêt prioritaire) au titre de la « Directive Habitats Faune Flore » (Directive

92/43/CEE), ainsi que 18 habitats associés à la forêt (milieux aquatiques, landes, fruticées,

pelouses et prairies, tourbières et marais ou encore rochers et éboulis) (DRAF, 2000). Il existe

de forts enjeux associés aux espèces animales forestières comme le tétras, ou des espèces à

plus grande dispersion, comme le lynx ou le chat forestier. Pour le lynx on estime qu'il faut

une surface forestière minimum de 2 000 km² pour qu'une population soit viable et stable.

(Quiblier, 2007). Cela n'est possible que par l'interconnexion des différents massifs. Les

enjeux forestiers en Franche-Comté sont donc doubles : permettre la continuité entre les

différents massifs et assumer une responsabilité nationale pour la conservation des espèces et

habitats forestiers ou qui y sont associés.

Ainsi, l’un des enjeux pour la Franche-Comté est la nécessité de connecter le sud et le nord,

c'est-à-dire le Jura et les Vosges ainsi que les deux Bassins Rhodanien et Rhénan. Or, dans

cette région, la majorité des continuums sont organisés par l’histoire géologique

principalement le long d'un axe NE / SO : les vallées (le Doubs, la Saône, l’Ain, l’Ognon), le

massif jurassien, les plateaux (Haut-Jura, Second et premier plateau, avant plateaux...). Or les

vallées alluviales sont les zones les plus convoitées pour l’urbanisation, l’agriculture intensive

ou la construction d’infrastructures. Ainsi, les principaux axes de transport (A36, A39, LGV)

suivent cette direction séparant alors le Sud et le Nord.

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Figure 10 : Carte des enjeux de continuités écologiques suprarégionaux en Franche-Comté.

Outre ses massifs forestiers, la Franche-Comté possède également un important patrimoine

de milieux d’intérêt pour la biodiversité. Tout d’abord, elle est riche en milieux humides

diversifiés. Abritant les têtes de plusieurs bassins, elle abrite beaucoup d’espèces à forte

valeur patrimoniale (écrevisse à pattes blanche, apron du Rhône...). Parmi les habitats les plus

remarquables ont peut noter les tourbières, les zones humides d’altitude, la région des milles

étangs, les vallées alluviales, les bras morts de la basse vallée du Doubs… dont beaucoup sont

protégés au nom de la convention de Ramsar (Convention internationale de protection des

zones humides entrée en vigueur en 1975). Sa géologie et le réseau hydrographique ont

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

façonné avec le temps de nombreuses vallées Karstiques avec les milieux associés

intéressants pour la faune, comme les forêts de pentes, les falaises, mais aussi un important

réseau de cavités à chiroptères. En dehors de ces vallées encaissées, dans les vallées

alluviales, sur les plateaux ou la plaine, les enjeux se portent alors sur l’agriculture extensive

avec un important réseau de milieux agricoles extensifs comme les prairies inondables, les

milieux thermophiles tels que les pelouses sèches.

En Franche-Comté, le réseau Natura 2000 a tenté de prendre en compte tout ce patrimoine

précieux pour la réalisation du réseau. Aujourd’hui il couvre un peu plus de 15% du territoire.

Dès le début de sa mise en place, ce réseau a tenté d’intégrer la question des continuités. Il

couvre ainsi une grande partie des fonds de vallées. « La constitution des sites s’est en effet

basée sur le respect des noyaux de biodiversité et des corridors écologiques, ces couloirs de

communication entre les “ cœurs de nature ” » (Terraz & Profit, 2008).

Cependant, à l’image du reste de la France, la situation est plutôt alarmante pour la

biodiversité. Près de 10% des espèces protégées ou menacées de la flore régionale ont disparu

du territoire franc-comtois au cours du siècle dernier (source : DIREN). Et de multiples

espèces connaissent des diminutions d’effectifs plus que préoccupantes, comme par exemple

la pie-grièche grise ou le grand tétras.

3.3 – La réflexion Trame Verte et Bleue en Franche Comté

3.3.1 – En DIREN

En Franche-Comté, les réflexions sur les continuités écologiques ont débuté en 1999/2000

dans le cadre du Schéma de Services Collectifs de l’Espaces Naturels Ruraux (SSCENR) où

commence alors à dessiner un réseau écologique. Cette réflexion est formalisée lors de son

inscription comme objectif au Plan d’Action Stratégique (PAS) 2004-2007, mais elle n’est pas

mobilisatrice (DIREN Franche-Comté, 2004).

Jusqu’en 2007, la réflexion s’intéresse à la définition d’espèces cibles, aux méthodologies

mobilisables, aux différentes méthodes de modélisation en particulier « coût-déplacement »

(Ponchon, 2006) qui ont permis la modélisation d’un réseau écologique et des obstacles

(Coulette, 2007), puis aux méthodes s’appuyant sur la fragmentation. Ces dernières ont mis en

évidence une diagonale de fragmentation Sud-ouest/Nord-est liée aux infrastructures (LGV,

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voies ferrés, A36, A39, N83) et à l’urbanisation (Dole, Besançon, Montbéliard, Belfort)

(Lethuillier, 2007).

Ces réflexions aboutissent à la conclusion qu’il n’existe pas de méthode miracle pour réaliser

le diagnostic de continuités écologiques ; et les diagnostics obtenus avec ces diverses

méthodes ne sont pas très convaincants. Face à ce constat, les compétences de la DREAL sont

trop limitées pour ce qui est du développement de méthodes. Elle a donc engagé des

partenariats comme par exemple avec l’université de Franche-Comté dans le cadre de projets

de recherche appliquée (comme GRAPHAB), qui développe une méthodologie axée sur la

théorie des graphes.

Parallèlement à ces réflexions, des études et projet locaux, en particulier dans le cadre des

SCoT, poussent à mettre sur table les premiers travaux et à veiller à la bonne prise en

compte des continuités écologiques. A cette même période, le Grenelle de 2007 permet de

donner un nouveau souffle aux travaux réalisés par la DIREN en les mettant en valeur dans le

cadre du COMOP TVB. Ce contexte stimule alors la mise en valeur de ces réflexions dans

une publication validée par le CSRPN intitulée Cadrage Méthodologique et Sémantique qui

parait en janvier 2008. Ce document avait pour but de proposer un cadrage pour tout

diagnostic sur les continuités écologiques dans la région et ce indépendamment de l’échelle. Il

s’adressait ainsi aux bureaux d’études, collectivités, porteurs de projets... En effet, à partir de

2008 les réflexions se portent alors sur l’appui à la mise en œuvre. A la suite de ce document

technique, a été éditée une plaquette de communication au sujet de la Trame Verte et Bleue et

de la biodiversité qui est diffusée à l’ensemble des élus. Une étude ayant pour but de recenser

de manière la plus exhaustive possible les projets et retours d’expériences sur la mise en

œuvre de projets TVB est alors réalisée (Strub, 2008).

Des réflexions s‘engagent également sur la prise en compte des continuités dans les SCoT et

sur les méthodes de concertation. Ces études portent sur le SCoT de Montbéliard et celui de

Dole où s’est déroulé un atelier participatif en partenariat avec l’ENGREF utilisant la

méthode Chorématique. Dans le même temps, un projet est mené autour des infrastructures et

des continuités écologiques. Ce projet aboutira à la parution d’une étude sur l’identification

des points noirs (conflits faune-infrastructure) (Loisy, 2008) et sur la mise en place le

01/07/2008 d’un Groupe de Travail « Infrastructures et Trame Verte et Bleue ». Rogeon

(2009) publie les réflexions menées durant les premiers mois de ce groupe de travail. Ce

groupe de travail regroupe 26 organismes, aussi différents que des gestionnaires

d’infrastructure (RFF, SAPRR), des associations naturalistes (LPO, ATHENAS, CPEPESC),

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

des fédérations de chasse, des services de l’Etat et collectivités territoriales (ONCFS, CG, CR,

DDEA, DREAL). Il a pour but d’identifier les points noirs sur lesquels il faut agir, de

permettre une cohérence, la concertation, et la mise en commun de données, diagnostics et

efforts, ainsi qu’une économie d'échelle quant à l'ingénierie. En 2010 un suivi pilote des

passages à faune (auquel j’ai participé) s’est déroulé sur l’A36 dans ce cadre (Salamon, 2010).

La DIREN/DREAL s’engage alors dans une stratégie partenariale pour mobiliser les

différents services autour de la TVB, par des rencontres bilatérales entre autre avec la DIR Est

(Direction Interdépartementale des Routes), l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la

Faune Sauvage), l’ONEMA et l’Agences de l’eau… En juillet 2009 se crée également un

groupe de travail TVB interne aux services de l'Etat, piloté par le SGAR (Service Général des

Affaires Régionales).

3.3.2 – Collaboration avec la Région

La collaboration Etat-Région pour le maintien des continuités écologiques a été intégrée dans

le cadre du Contrat de Projet Etat Région 2007-2013 (CPER-Axe 6.3). Avant cela, la Région

s’intéressait peu aux travaux de la DIREN. L’élément déclencheur fut la territorialisation du

Grenelle qui a facilité la mobilisation de l'exécutif du Conseil Régional et la mise en valeur

des travaux de la DIREN Franche-Comté par le COMOP TVB. Le conseil Régional lance

alors une politique de contrats de rivière vers l'amélioration de la continuité écologique des

cours d'eau. De plus il crée la Plateforme du Patrimoine Naturel avec l'Etat (projet SINP) dans

le but de mettre à disposition des données naturalistes au bénéfice notamment de la

constitution des réseaux écologiques. Ainsi, cette volonté d'avancer sur la démarche TVB doit

se poursuivre dans ce sens (autour de septembre 2010) après la période d’installation de la

nouvelle équipe régionale. Un groupe de travail TVB interne aux services de l'Etat, piloté par

le SGAR, a pour ce faire été mis en place dès juillet 2009. La Région s'est également

mobilisée depuis l'été dernier sur ce thème de la TVB. Le service environnement a obtenu un

poste de chargé de mission biodiversité et Trame verte et bleue. De plus elle souhaite mettre

en place très rapidement un appel à projets appuyant la « Mise en œuvre de la Trame verte ».

La région désire intervenir auprès des intercommunalités. Un collectif de 5 stagiaires a permis

de définir les modalités cet appel à projet, réflexion à laquelle la DREAL a été associée.

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3.3.3 – Initiatives locales

Les démarches locales débutent en Franche-Comté par un travail de cartographie des

Infrastructures Vertes et Bleues dans l’aire urbaine de Belfort-Montbéliard en 2002 qui est

une déclinaison locale du SSCENR (2000). Suite à cela, une étude commandée par la DIREN

et publiée en 2005, a permis de préciser le fonctionnement des continuités écologiques

identifiées dans la zone centrale de l’aire urbaine.

Dans la lignée, la ville de Besançon se lance dans une étude sur l’intégration de la « Nature

en ville » qui est publiée en 2004. En 2006, une étude est réalisée sur le SCoT de Besançon

pour tenter de modéliser un réseau écologique (Ponchon, 2006). La ville de Besançon

s’attache à la mise en œuvre de ce projet de « Nature en ville » intégrant des espaces de nature

et des corridors dans un schéma de continuité. Elle a pour projet de réaliser un réseau entre

les collines qui entourent la ville, ainsi que de faire entrer dans ce réseau, la création du plus

grand refuge LPO de France.

Dans le pays Lédonien une ébauche de carte Trame Verte a été réalisée, cependant, mais elle

n’a pas intégrée dans le SCoT car jugée insuffisamment appuyée sur des méthodes

scientifiques, ce qui la rend peu ou pas opposable. L’identification de corridors écologiques

s’est réalisée pour l'instant à partir des seules études de cartes de la DIREN et de quelques

visites de terrain, ce qui est jugé également insuffisant. Dans le cadre du programme

LEADER, il y a en revanche des projets de défrichement et de gestion durable dont certains

ont intégré un aspect « réseau »

En 2009, lors de l'élaboration de son SCoT, le Grand Dole désirait intégrer à la fois dans le

SCoT et les déclinaisons locales que sont les PLU, les enjeux de continuités écologiques

identifiées dans un diagnostic et le PADD validés en 2007. Ainsi, en juin 2009, ont été mis en

place des ateliers participatifs dans le but d'expérimenter la mise en œuvre de la TVB à

l'échelle locale. Le grand Dole a également commandé une étude pour réaliser un diagnostic

précis des enjeux environnementaux pour le maintien et la restauration des continuités

écologiques.

Les fédérations de chasse de Franche-Comté s’investissent également dans la TVB. Ils ont

menés plusieurs suivis de fonctionnalité de passages à faune dans la région. Même si leur

intérêt se porte essentiellement sur la grande faune et le gibier, leur investissement aux

réflexions Trame Verte et Bleue et du groupe de travail « infrastructures et Trame Verte et

Bleue » n’est pas négligeable.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Il me semble essentiel d’aborder l’engagement du grand public lorsque l’on parle des

initiatives locales. En effet, quelle initiative peut être plus locale que celle de réaliser des

actions biodiversité dans son propre jardin. Un programme national Vigie Nature, lancé par le

MNHN, associe le grand public au suivi de la biodiversité. Ainsi, en Franche-Comté, par

exemple, l’Observatoire des Papillons de Jardins (OPJ), sans effort d’appui hormis une

communication discrète de la par du Conseil général du Territoire de Belfort, permet le suivi

de 6300 jardins avec 15790 observations sur l’année 2008. De nombreuses autres initiatives

sont de la même manière initiée et portées par les associations, en premier lieu les

associations de protection de la nature.

3.4 – L’expérience des gestionnaires de réserves et opérateurs N2000

3.4.1 – Retours d’expériences sur la perception des élus et Natura 2000

Les opérateurs Natura 2000 et les gestionnaires des Réserves Naturelles ont une connaissance

de la Trame Verte et Bleue (TVB) très hétérogène. Ils dénoncent ainsi le manque de

communication autour de la TVB. Cette lacune leur parait particulièrement inquiétante

auprès des élus qui pour se sentir impliqués et intégrés à la démarche, doivent être mobilisés

très tôt. En effet, avec ce défaut d’information, la TVB est perçue comme une couche

supplémentaire de protection dans une mille-feuille difficilement accepté et compris de

périmètres d’inventaires et de protection. Ce projet fait donc naître, par ignorance, de grandes

craintes chez des élus qui, par expérience du passé, ont peur de « subir » une nouvelle mesure

contraignant fortement leurs activités et craignent de se voir imposer « un nouveau Natura

2000 ». En revanche, il ne faut pas se contenter d’une communication écrite, mais des

réunions d’information et d’échange sont nécessaires, ainsi que la valorisation des retours

d’expériences pilotes.

Leur expérience montre qu’il faut être très vigilant dans l’enchainement des étapes entre le

diagnostic écologique réalisé par des experts, et la concertation avec les élus pour la

construction d’un projet de territoire. Tout d’abord il s’agit pour les experts de parler d’une

seule voix et d’être unanimes sur les enjeux et les priorités pour ne pas se décrédibiliser.

Ensuite, il ne faut pas que la séparation entre ces deux composants soit trop importante. Le

risque est que les experts fassent fi du territoire et que les élus fassent ensuite fi de l’avis des

experts. Cela conduirait au blocage du projet. Ainsi, il est important d’impliquer ces deux

composantes dans chacune des étapes.

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3.4.2 –sceptiques et fatalistes face à la TVB

Les gestionnaires de réserves et les opérateurs Natura 2000 manifestent une certaine forme de

découragement. Ils ne cessent de travailler et s’investir, pour voir continuellement la

biodiversité continuer à s’éroder. Certains s’interrogent sur la plus-value de la TVB pour la

biodiversité, la percevant comme un périmètre supplémentaire. Ils estiment très justement

qu’il ne faut pas rajouter des outils là où il en existe déjà. Le SRCE va demander une

expertise technique très poussée et très couteuse pour finalement n’avoir qu’une opposabilité

très limitée ; et cela, malgré le fait qu’ils perçoivent la problématique de continuités comme

un enjeu primordial pour la biodiversité. En effet, ils craignent que la nature réglementaire

peu contraignante rende l’outil inefficace. Malgré tout, certains ont une vision plus

optimiste et espèrent que dans le cadre d’une concertation bien anticipée, les élus ainsi plus

impliqués, respectent par la suite leurs engagements et donc la démarche TVB.

Ils s’interrogent aussi sur la pertinence de l’outil en milieu agricole, alors que la question

agricole représente les plus gros enjeux biodiversité. Sur cette question, ils soulignent

l’importance de la question d'animation foncière et donc d'intégrer à la démarche un acteur

comme la SAFER. Mais ils manifestent également une inquiétude en ce qui concerne les

moyens mis à disposition, à la fois financiers et méthodologiques, et particulièrement en

moyens d’animation.

Pour la mise en œuvre en Franche-Comté, qui est une région relativement bien conservée, ils

estiment que l’enjeu premier de la TVB n’est pas forcément la restauration mais

préférentiellement le maintien ou l’amélioration des continuités écologiques existantes et

fonctionnelles. En revanche, si la région bénéficie d’un réseau naturaliste important qu’il

faudra mobiliser, il faudra mettre l'effort là où il n'y a pas de connaissance, où il n'y a pas

d'acteur, pour ne pas passer à coté d'enjeux. En effet, les réserves sont déjà des zones de

connaissances où l’animation est déjà active. Ils souhaitent également attirer l’attention sur le

fait qu’il existe beaucoup d’informations sur les enjeux de préservation dans les divers

organismes de la région et notamment dans les associations de protection de la nature.

Certains positionnements reflètent donc une idée floue sur les objectifs la TVB. En effet, il

ressort du questionnaire réalisé (Annexe 9) qu’ils ne se sont pas intéressés en détail au

contenu de cette politique (seuls 2 sur 7 ont pris connaissance des guides de cadrage national).

Cela a été illustré par un débat montrant l’incompréhension de l’objectif de la liste des

espèces déterminantes TVB.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

3.4.3 - Leur place dans la Réflexion SRCE

Les opérateurs Natura 2000 « font de la TVB » à l’échelle de leurs sites depuis de longues

années. Ils se sentent donc assez peu concernés par la TVB en tant qu’outil et estiment que les

problèmes de continuités écologiques au sein des sites Natura 2000 sont réfléchis et réglés

depuis longtemps. Ainsi, la TVB est une problématique extérieure à leurs zones d'action,

une question plus globale ; et ils ne se sentent donc pas tous vraiment concernés. En effet, ils

ont une vision très locale des enjeux à l'échelle de leur territoire et la prise de recul est une

démarche peu aisée qui leur est difficile. Les opérateurs et gestionnaires semblent avoir du

mal à avoir une vision régionale et encore moins nationale des enjeux de préservation de la

biodiversité et des continuités écologiques et dans ce contexte, à situer la/les responsabilité(s)

de la région Franche-Comté. Ils estiment qu’il existe des structures beaucoup mieux placées

pour répondre à ces questions (comme LPO, conservatoire de Botanique...) et ne se

considèrent pas comme les bons interlocuteurs. Cependant ils ont conscience que pour

beaucoup d’opérateurs le site Natura 2000 n’est qu’une partie de leur territoire d’action, et

s’appuyer sur leur expérience Natura 2000 sera un atout indéniable pour la mise en œuvre de

la TVB de manière plus locale sur les autres territoires hors Natura.

II- Quelques préconisations pour l’élaboration du SRCE

1 – Un Contexte du Grenelle à prendre en compte

Le Grenelle et ses suites, en particulier sa territorialisation, vont mobiliser les acteurs du

territoire sur des programmes différents, autre que la Trame Verte et Bleue, comme par

exemple la Stratégie de Création des Aires Protégées (SCAP), le Schéma Régional Climat Air

Energie (SRCAE), et ce dans le cadre du Groupe de suivi de territorialisation du Grenelle. Le

risque de ce soudain engouement pour les politiques environnementales décentralisées est de

tomber dans une comitologie excessive, chronophage et peu compréhensible rassemblant

souvent les mêmes acteurs. Ainsi, il nous semble judicieux de s'appuyer au maximum sur les

comités existants (exemple : pas de comité scientifique spécifique, mais un appui direct sur le

CSRPN) et d’étudier les possibilités de mise en place d'un seul comité régional qui pourra

accompagner les différentes démarches suite au grenelle. Parmi ces démarches, nous pensons

tout particulièrement à la TVB et la SCAP.

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2 - Analyse du positionnement des acteurs

2.1 - Typologie des zones de mise en œuvre

Les retours d’expériences de Natura 2000 ont permis de faire une typologie de mise en œuvre

de la politique en fonction du contexte, et qui justifie le positionnement des acteurs. (Maresca

et al., 2006)

Le type 1 correspond au conflit d’usage. C’est le cas lorsque des activités économiques sont

incompatibles avec les objectifs de protection, alors que sur cette même zone, une autre partie

le sont. C’est ainsi que certaines d’entre elles sont aidées et subventionnées, alors que d'autres

doivent payer des pénalités, ou des mesures compensatoires. Sur ces zones, les

investissements financiers sont élevés si l’on veut parvenir à mobiliser les personnes vers de

bonnes pratiques.

Dans le type 2, la mise en œuvre est facile et se déroule sans réelle opposition. C’est le cas des

zones où il n’y a pas d’enjeux économiques forts. Dans ces secteurs, le taux de réalisation

est élevé et pour des coûts relativement faibles car aucun impératif de développement

économique ne vient contrarier la mise en place des mesures de protection.

Le type 3 se déroule dans des zones où il y a une articulation forte entre les activités

économiques et le milieu naturel. Les activités économiques sont ici directement

dépendantes du milieu naturel ce qui conduit à un équilibre entre protection de la biodiversité

et développement des activités économiques. Les activités économiques ne sont donc pas

incompatibles avec les objectifs du programme et lorsqu’elles le sont, elles finissent par tirer

des bénéfices indirects de l’amélioration de la qualité du milieu. Sur ce type de zone,

l’objectif recherché est un équilibre complexe entre développement économique et protection.

Ainsi, leurs pratiques ne sont pas bouleversées. Les actions de protection ne nécessitent pas de

fonds très conséquents, mais en revanche un gros travail d’animation et de négociation entre

les différents acteurs pour parvenir à un équilibre satisfaisant tout le monde.

Ainsi, suivant la zone sur laquelle le projet intervient, le positionnement des acteurs sera

différent. Mais à l’aide d’un bon diagnostic, ce positionnement est possible à anticiper.

2.2 - L’agriculture

L’élaboration du SRCE doit nécessairement passer par la réalisation d’un diagnostic

écologique à l’échelle régionale qui intégrera les éléments essentiels des diagnostics socio-

économiques existants. Ce travail devrait permettre de clarifier les enjeux autour de

l’agriculture et même « des agricultures ». En effet il devrait identifier les différents modes

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

d’exploitation et l’intensité des enjeux associés. Cette spatialisation des pratiques permettrait

d’identifier des éco-territoires ou des bassins de production et ainsi d’adapter les interventions

à chacun des enjeux. (Teyssier, 2010).

Au niveau national, une réflexion a été menée par le COMOP TVB sur les aspects socio-

économiques de la Trame Verte et Bleue. Cette réflexion associait FNE – APCA – FNSEA –

FPF. Il en est ressorti quelques points clés sur l’agriculture. (Teyssier, 2010)

Tout d’abord, il a été identifié des risques que représente la TVB pour les agriculteurs et leur

production. :

- Diminution de la production agricole (perte de surface, changement des pratiques…)

- Contraintes organisationnelles : temps supplémentaire pour appliquer les contraintes

de gestion et déplacements supplémentaires (fragmentation spatiale et des temps

d’intervention)

- Dégâts aux cultures (circulation facilitée des pathogènes, et des grands gibiers)

- Remise en cause des choix stratégiques

- Difficulté de transmission de l’exploitation (foncier préempté)

Mais la mise en place de la TVB peu aussi représenter des opportunités pour pouvoir

produire différemment.

- Diversification des cultures, et ouverture à de nouvelles pratiques (production bois)

- Réduction d’intrants (auxiliaires, effet brise-vent des haies, qualité des sols et de l’eau)

- Préservation du foncier contre l’urbanisation

- Mise en valeur: signe distinctif, marque de pratique respectueuse

- Rémunération pour le service rendu

Le contexte actuel de pression urbaine sur certains territoires, de révision de la politique

agricole européenne, les difficultés que la profession rencontre, mobilisent les agriculteurs

pour la préservation de leurs espaces et la pérennisation de leur activité. L'espace agricole

devient rare et on note une réelle prise de conscience des agriculteurs, qui s'ouvrent à un

développement durable de leur activité, dans une nouvelle démarche dont l'idée serait de

travailler avec la nature et non contre la nature. La TVB s'inscrivant dans la démarche de

développement durable, elle pourra sûrement trouver sa place entre une agriculture intensive

et une agriculture bio particulièrement contraignante. Dans tous les cas, il faut être très

prudent sur la manière dont est amenée cette politique. Il ne s’agit pas de leur indiquer la

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manière dont ils doivent travailler, mais de les intégrer très en amont dans la démarche et les

inciter à participer activement pour qu’ils s’approprient la problématique. La démarche

Natura 2000 et son relatif succès auprès de nombreux agriculteurs montrent qu’ils sont prêts à

s’engager, contre compensation bien sûr.

La classification précédente des différentes zones de mise en œuvre de la politique est

transposable au contexte de la politique TVB. Le résultat de cette transposition est en accord

avec les réflexions du COMOP TVB (Teyssier, 2010) :

Le type 1 correspondrait à des zones création de nouveaux espaces comme des réservoirs de

biodiversité ou la création de corridors, nécessitant alors le changement d’usage et même

d’occupation du sol de certaines parcelles, notamment agricoles.

Le type 2 concernerait des zones où il y aurait une modification des modes de gestion mais

un maintien des espaces existants pouvant entrer dans la TVB, sur lesquels il se mettrait en

place une gestion conservatoire.

Le type 3 consisterait au maintien et à la consolidation des espaces existants pouvant entrer

dans la TVB, sans grosse modification du mode de gestion actuel.

2.3 - Une vision nouvelle difficile à faire partager

En rencontrant de multiples acteurs de l’environnement et des naturalistes, il est apparu qu’ils

ont des difficultés à percevoir le changement de vision qu’impulse actuellement la politique

TVB.

Tout d’abord, les naturalistes et gestionnaires ont eu durant des années une vision souvent

centrée sur les espèces, de par les politiques passées. Aujourd’hui ils re-transposent leur cadre

de perception à la TVB. Cette focalisation sur les espèces pose des problèmes durant le

dialogue et conduit à des incompréhensions préjudiciables pour la TVB. En effet, face à la

liste des espèces déterminantes servant pour la cohérence nationale, produites par le MNHN,

la principale réaction est le rejet du fait qu’elle ne prend pas en compte de multiples espèces

qui d’après eux vont donc être oubliées par la TVB. Par cette focalisation espèces, ils

redoutent qu’on s’intéresse aux grands mammifères et qu’on occulte les enjeux des autres

groupes faunistiques. Cette restriction dans la vision pose alors la question insoluble des

espèces prendre en compte pour réaliser le réseau. Les réflexions ont toutefois permis

d’avancer quelques réponses comme le fait de considérer des guides d’espèces aux exigences

différentes pour chaque habitat.

Une autre difficulté est liée au fait de commencer à s’intéresser à la nature ordinaire, c’est-à-

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

dire aux espèces communes ainsi qu’aux habitats urbains. Sur ces aspects là aussi, le

manque de connaissance est important du fait du manque d’intérêt des naturalistes, et des

politiques menées jusqu’à présent.

Un autre aspect assez mal connu et qui suscite de grandes inquiétudes est la problématique

des espèces invasives. En effet la création des corridors va indéniablement permettre le

déplacement de certaines espèces invasives. Par exemple, l’écrevisse à patte blanche (espèce

autochtone) ne peut pas survivre face à l’écrevisse américaine. Si dans certains cours d’eau

elle est encore présente, c’est que la prolifération des écrevisses invasives a été stoppée à

cause des différents seuils. Faut-il pour autant laisser tous les seuils en place, coupant ainsi la

continuité écologique des cours d’eau ? La question reste ouverte.

2.4 - La grille de lecture des élus

Le retour d’expérience apporté par Natura 2000 montre que le prisme de lecture des élus au

sujet de la question de protection de l’environnement est un prisme à trois facettes : les

moyens financiers et outils, la carte et le zonage, la règlementation et les contraintes.

Ainsi, en matière de concertation/communication, il faut être conscient que les élus attendent

en général une lisibilité sur ces trois points. Dans la mise en œuvre et le suivi des sites Natura

2000, il y a eu une prise de relais dans le portage au niveau local par les collectivités. Les

opérateurs indiquent que ce sont souvent les intercommunalités qui portent Natura et qui par

conséquent possèdent des données et l’expérience Natura 2000, et donc de la mise en œuvre

de mesures de concertations. Cette prise en main par les collectivités territoriales illustre

l’acceptation des politiques environnementales et la volonté des élus d’agir sur leur territoire,

à leur échelle, pour la biodiversité. Cependant cette année, vont arriver les études

d’incidences, ce qui risque de rendre les élus frileux. Il faut donc être prudent dans l’affichage

de la TVB et éviter trop de parallèle avec Natura 2000.

2.5 - Typologie de positionnement face à la TVB

Les rencontres avec les différents acteurs ont permis d’identifier des positionnements face à la

politique de la TVB, ce positionnement étant pour beaucoup déterminé par le niveau de

connaissance. Cette classification concerne des personnes qui ont déjà une bonne perception

de ce qu’est la biodiversité. Au cours des débats et échanges, on s’aperçoit que leurs

positions ne sont pas très affirmées pour certains et que la stratégie de communication,

explication, permet le passage des premières catégories vers les suivantes. En effet, ces

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acteurs cherchent encore leur positionnement face à cette nouvelle politique qui chamboule

leur vision de l’action pour la protection de l’environnement.

Qui ? Niveau de connaissance ?

Leur avis sur la TVB / le SRCE ?

Participation ? Ce qu'il faut faire ?

Les réfractaires et sceptiques : le manque de connaissance

Aucune connaissance ou très erronée sur les objectifs, la méthode, le potentiel, etc. Souvent beaucoup d’apriori (‘on dit’)

Document inutile pas opposable. Un périmètre de plus, un outil là où il en existe déjà plein. Ils considèrent que la réflexion sur laquelle il repose n'est pas bonne.

Considèrent n'avoir rien à apporter à ce projet et ne désirent pas consacrer du temps à un document qui ne va pas s’appliquer.

Reprendre tous les a priori et les déconstruire. Expliquer la méthode et les objectifs de la démarche. faire prendre conscience de l’opportunité d’un document d’aménagement du territoire.

Les indifférents : mise en perspective du potentiel du document

Souvent très peu au courant, très peu informés sur ce que c'est.

Un document pas opposable qui se superpose au zonage déjà existant.

Prêts à collaborer sans percevoir leur apport à la démarche. Considèrent qu’il existe d’autres interlocuteurs plus appropriés

Les informer du potentiel pour la biodiversité, ce que cela va permettre de mettre en place concrètement. Souligner l’importance d’un outil destiné aux professionnels de l’aména gement.

Les opportunistes : un peu frileux

Ils sont informés des possibilités d'action offertes. Ils perçoivent déjà ce que cela va leur permettre de mettre en place.

Ne savent pas vraiment si cela va être utile ou respecté. Restent perplexes face au devenir du SRCE.

Restent en retrait mais prêts à prendre le train en marche. Prêts à participer tant que cela ne leur coûte pas trop en investissement.

Les convaincre de la pertinence de cet outil et du fait que les élus devront y prêter attention. Mais que la réussite nécessite la participation de tous.

Les prêts à s'engager : de précieux relais au niveau local.

Au courant des méthodes de mise en place de l'opportunité d'un tel outil au service de la biodiversité

Ce document ne se suffira pas. Il faudra qu'il soit intégré dans les documents locaux.

Ils sont motivés et ont bon espoir en cette nouvelle manière d'envisager les politiques de préservation.

Les utiliser comme médiateurs au sein de leur réseau. Leur fournir les outils pour communiquer.

Tableau 2 : Positionnement des acteurs face à la TVB.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

3 – Mise en œuvre

En s’appuyant sur les différents retours d’expériences de tout type (locaux ou non, français ou

non...), quelques points clés de la démarche ont été identifiés.

Tout d’abord, il est essentiel de phaser le diagnostic de continuités écologiques et sa

transformation en document d'aménagement du territoire. Les quelques expériences de

concertation menées dans la région montrent qu'il est important de faire un effort d'inventaire

et de synthèse des enjeux entre scientifiques et techniciens avant de le soumettre à l'ensemble

des acteurs.

Les études réalisées à la DIREN Franche-Comté montrent qu’il n’existe pas vraiment de

méthode idéale. De plus des retours d’expériences dans d’autres régions ou notamment en

Suisse montrent qu’il n’y a pas non plus de bureau d'étude ayant développé LA méthode

miracle. En revanche, il faut valoriser au mieux les diagnostics existants et retours

d'expériences locaux, multiplier les éclairages, les échanges avec les spécialistes et non

spécialistes, compléter la connaissance locale pour aboutir à un état des lieux le plus exhaustif

possible. C’est en participant à la réalisation du SRCE que les acteurs vont se l’approprier au

mieux.

Un aspect sur lequel nous ne pourrons pas vraiment intervenir à court terme est le manque de

connaissance. Un ou deux ans d'études ne permettront pas de combler ce manque de

connaissance de fond sur la biodiversité ou la dynamique des populations. Il faut donc

concevoir un document qui traduise au mieux l'état de nos connaissances sur le sujet et

l'enrichir progressivement. C’est pour cela qu’il est essentiel d’accorder de l'importance au

suivi du SRCE, pour combler notre retard sur la connaissance en matière de biodiversité. Au-

delà de la consolidation de nos connaissances, ce suivi permettra de prendre du recul,

confirmer ou ajuster les enjeux de la politique. Il est donc fondamental de prévoir dans le

cadre du SRCE la production d'un état initial, une méthodologie et des moyens pour le suivi.

Ce suivi enrichira nos réflexions lors de la révision du document et permettra de mesurer

l'efficacité de la politique et des efforts réalisés.

Un autre aspect essentiel de la mise en œuvre est la gestion des échelles et cela aux différentes

étapes, du diagnostic, à la mise en œuvre en passant par la concertation.

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4 - Dialogue entre les échelles

4.1 – Les échelles temporelles

Jusqu'à présent on a abordé seulement l'échelle spatiale, car elle représente le principal enjeu

dans la TVB. Mais il est important d'intégrer aussi l'échelle temporelle. En effet, les projets de

reconstitution de corridors devront être en accord avec les pratiques passées. Il ne s'agit pas

par exemple de réimplanter des haies dans des paysages qui n’en n'ont jamais connu.

De plus, il va être essentiel d'intégrer cette échelle temporelle dans le suivi de la politique.

Certains indicateurs vont avoir des évolutions perceptibles sur long terme (en particulier la

fonctionnalité) alors que d'autres seront mesurables à court terme (les indicateurs structurels).

4.2 – Les échelles spatiales

A chaque échelle spatiale correspond un compromis entre –recul/cohérence– et –

opérationnalité/connaissance/degrés de concertation– (Figure 11).

Figure 11 : L'articulation des échelles dans la mise en place de la TVB.

Ainsi, tous les retours d'expérience convergent pour affirmer que le diagnostic TVB doit

s'appuyer sur plusieurs échelles d'analyse. Le SRCE, document régional, devra

nécessairement prévoir une prise de recul pour identifier des enjeux globaux de continuité

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

traversant son territoire, mais également la responsabilité de la région en matière de

conservation. Pour illustrer ce propos, on peut citer par exemple une étude réalisée par la

DIREN et la LPO de Franche-Comté, qui identifie les enjeux et les couloirs de migration de

l'avifaune (Paul & Weidmann, 2008). Mais le diagnostic de ce document devra aussi prévoir

quelques réflexions à des échelles infrarégionales et en particulier la mise en valeur des études

réalisées dans le cadre des projets locaux que l'on a vus précédemment. De plus, il y a sur le

territoire régional des enjeux particulièrement importants et très localisés (milieux

thermophiles, tétras). Ces zones d'intérêt particulier devront nécessiter des zooms dans

l'analyse des enjeux pour les faire apparaitre ensuite au niveau régional.

Ainsi, des enjeux de continuité ou de préservation vont être identifiés à chacune de ces

échelles. Il est donc important de réaliser une réflexion sur la sémantique qui permette de

comprendre l'échelle à laquelle on se réfère. Par exemple, il serait possible de décrire les

continuités à grande échelle en utilisant des termes tels que « axe de déplacement » ou

« couloirs », ou même encore, à l'image des projets d'infrastructures, le terme de « fuseau ».

Plusieurs études, dont le Réseau Ecologique Paneuropéen, utilisent d'ailleurs le terme

d'infrastructure écologique pour parler des continuités ; on pourrait alors réserver le terme de

corridor pour les représentations locales, à l’échelle du paysage ou de la parcelle.

Une étude sémiologique est d’ailleurs actuellement en cours par le CEMAGREF, pour étudier

les méthodes de représentation des enjeux à différentes échelles.

Chaque échelle implique donc des réflexions différentes et des acteurs associés à ces

enjeux différents. D'ailleurs les journées de participation ont montré que certains participants

ne se sentent pas à l'aise pour positionner des enjeux ou valoriser leurs connaissances à

l'échelle régionale ou biogéographique, et estiment alors ne pas être les interlocuteurs

légitimes pour ces réflexions. En termes de communication, il pourrait être utile de prévenir

les acteurs mobilisés sur cette réflexion TVB qu'ils seront amenés à sortir de leurs périmètres

classiques de réflexion pour prendre du recul ou faire le lien avec des initiatives plus locales.

Les acteurs locaux ne sont pas forcément habitués et à l'aise avec ces allers et retours entre les

échelles de travail. Une explication sur l'importance de la construction de ce dialogue entre les

échelles d'analyse et d'expertise semble aussi fondamentale.

Pour associer et intégrer l'expertise technique, les attentes et la connaissance de ces acteurs

locaux, il pourrait être opportun de réfléchir à des échelles intermédiaires de travail entre

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l'échelle régionale et la déclinaison dans les SCoT ou les projets locaux. Par exemple, une

échelle envisageable et cohérente avec les objectifs de la politique et des analyses socio-

économiques, serait l’échelle des unités paysagères régionales. Cette échelle de travail a

également été utilisée avec succès dans les cantons suisses où des enjeux écologiques

différents ont été identifiés pour chaque unité. Il est vrai qu'en termes d'expertise, de

compétence, ou de connaissance des enjeux, relativement peu de structures ou acteurs sont

directement concernés par l'échelle régionale.

Cette distinction des acteurs qui interviennent dans le diagnostic écologique se retrouve

également dans le processus de concertation. En effet, suivant l'échelle considérée, la

concertation devra s'appuyer particulièrement sur tel ou tel acteur

5 - La concertation

Dans l'établissement du SRCE, la concertation est une étape clé. C'est elle qui formalise la

transformation du diagnostic écologique en document d'aménagement du territoire. Cette

concertation autour du SRCE doit donc associer l'ensemble des acteurs depuis les

scientifiques et techniciens jusqu'au grand public en passant par les élus... D'après le cadrage

méthodologique national, c'est le Comité Régional TVB qui constitue l'organe de

concertation. Cette forme de gouvernance peut être considérée comme de la concertation

lorsqu’elle associe tous les acteurs et que le débat est présent et les idées prises en compte.

Dans la mise en place de ces comités, il faut s'interroger sur trois aspects pour juger de

l’opportunité d’intégrer un organisme : la compétence, la représentativité et l'implication.

Cependant, une concertation à l'échelle régionale sur des enjeux aussi globaux mobilise peu le

grand public, ou les avis sont alors très limités. En effet, les acteurs tels que le grand public ou

les gestionnaires d'espaces restreints, ou les acteurs socio-économiques localisés ont une

vision des enjeux, plus locale. Il serait donc possible d'envisager une concertation divisée en

secteurs. Une nouvelle fois on en revient à l'idée d'une échelle intermédiaire comme par

exemple les unités paysagères.

Mais la plus grosse partie du travail de concertation et de négociation va se dérouler à

l'échelle locale, au niveau de la traduction dans les documents d'urbanismes, mais aussi à

l'échelle des projets pour lesquels les enjeux vont se rapprocher de l'échelle parcellaire,

amenant le plus de conflits potentiels.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

6 - L'animation : un outil indispensable

6.1 - Un besoin d’animation à tous les stades

Dans les parties précédentes, détaillant les différents aspects de la mise en œuvre du SRCE,

on voit que l'information, l'animation et la communication ont des places primordiales. Pour

vivre, être pris en compte et mis en œuvre, le SRCE doit être compris et approprié par les

acteurs locaux. Pour ce faire, il faut prévoir dans le cadre et pour la mise en œuvre du SRCE

(jusqu'à sa révision) d'importants efforts d'animation :

- Travail préalable de communication et information sur la politique.

- Animation des acteurs du comité pour qu'ils restent mobilisés et s'assurer qu'ils

participent aux travaux participatifs.

- Sensibilisation des élus locaux pour qu'ils prennent au mieux en compte la politique

dans les documents d'urbanisme

- Appui au montage de projets permettant la réalisation concrète des actions TVB.

Ce travail sera très conséquent, car les expériences montrent un niveau global d'information

insuffisant.

6.2 - Un manque global d'information

Le besoin d'information du grand public et des élus est double. Il y a tout d'abord un important

travail à faire au sujet de la biodiversité en général. Ce n'est qu'une fois cette sensibilisation

effectuée que l'on peut communiquer de manière compréhensible au sujet de la TVB. Au-delà

du manque d'information des élus et du grand public, nos expériences nous montrent que la

plus-value de la démarche TVB n'est pas toujours comprise, y compris par des techniciens de

l'environnement, et qu'un important effort de communication et d'explication doit être

entrepris sur ce volet également auprès des acteurs de l’environnement. Il faudra aussi

intervenir auprès des acteurs socio-économiques, des agriculteurs, des bureaux d'étude, des

urbanistes...

Devant l'ampleur de la tache à accomplir, il est nécessaire de s'interroger sur qui va avoir en

charge ce travail d'animation et d'information des élus et autres acteurs.

6.3 - Le processus d'information et concertation

Le SRCE doit normalement être finalisé fin 2012. Et en région Franche-Comté, la création du

comité en charge du SRCE est prévue fin 2010. Ainsi, le temps manque pour réaliser

l'information avant cette date. Le travail d'information et de sensibilisation de ces acteurs se

fera donc lors de la création du comité dans lequel ils seront conviés. Mais il faut noter qu'une

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partie de la sensibilisation a déjà débuté de manière passive, de proche en proche, à partir des

différentes initiatives locales qui voient le jour et lors d'évènements comme les moments

d'information organisés par la fédération des Communautés Urbaines, la Fédération des

PNR... Cette animation devra se concentrer préférentiellement sur les secteurs où il n'y a

pas d'acteurs de l'environnement (naturalistes, gestionnaires de réserves, opérateurs Natura

2000) car il n'y aura là aucun relai, et c'est dans ces secteurs que les acteurs sont les moins

sensibilisés.

Dans le processus d'établissement du SRCE, deux phases de concertation ont lieu : une

concertation avec les experts puis une avec les politiques. Mais il faut être vigilant quant à

cette séparation, qu'elle ne crée pas de blocage ou de rejet. Ainsi l'animation doit permettre de

passer d'une phase à l'autre le plus naturellement possible en associant progressivement les

politiques à la première phase par un processus d'information.

Il faut avoir conscience que dans les phases de concertation, les contradictions sont normales

entre les acteurs, et c'est souvent la contradiction qui permet d'amener de la nuance.

6.4 - Les points sur lesquels insister

Pour une communication optimale, notre expérience nous a permis d'identifier des axes à

exploiter et des sujets particuliers sur lesquels insister.

Auprès des environnementalistes, il faut faire prendre conscience que le SRCE est un

document professionnel qui touche les acteurs du territoire. C'est un outil qui rend la

biodiversité accessible aux aménageurs et qui permettra la mise en cohérence du territoire.

Face à leur inquiétude de la faible opposabilité, il faut expliquer que l'obligation pourra venir

un jour et que 2012 constitue le premier pas, et qu'il faut donc se préparer. Auprès des

opérateurs Natura 2000, il faut leur rappeler que la mise en réseau fait aussi partie des

objectifs Natura 2000.

La TVB constitue une innovation, celle d'aborder la question de la préservation de la

biodiversité par l'angle de la fonctionnalité des milieux et des continuités écologiques, alors

qu'actuellement aucun document ne permet de formaliser ou synthétiser ces enjeux.

Pour mobiliser ou impliquer les gestionnaires d'espaces naturels, il faut leur faire prendre

conscience que cet outil peut répondre à leurs préoccupations de préservation de la

biodiversité en dehors de leur territoire et que cela pourrait avoir un impact positif sur le

secteur qu’ils gèrent : agir en amont sur le cours de l'eau, mobiliser des outils ou des

initiatives permettant d'intégrer leur réserve à un réseau par une gestion cohérente du

territoire.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Auprès des élus, on peut justifier la nécessité d'agir rapidement pour la biodiversité en

abordant cela sous l'angle des services rendus par cette dernière, et en indiquant que cela va

permettre une urbanisation plus cohérente, moins étalée et limiter ainsi l'aggravation des

problèmes que rencontrent actuellement ces collectivités en matière transport, accessibilité, et

répondre au besoin de proximité de la nature.

Il faut argumenter sur le fait que la TVB n'est pas un périmètre qui se rajoute aux autres ou

que ce n'est pas un outil qui vient remplacer ou s'ajouter à tout ce qui existe. Au contraire, elle

va intégrer tous les périmètres existants, et s'appuyer sur tous les outils déjà en place. Cela va

donner de la visibilité et de la cohérence à ce qui est déjà en place.

III – Scenarii prospectifs sur l’acceptation du SRCE

La prise en compte du Schéma Régional de Cohérence Ecologique dans les documents

d’urbanisme tels que les SCoT ou les PLU est une obligation, mais cette opposabilité est

faible. Ainsi, pour que ces documents de planification intègrent concrètement les

problématiques de continuités écologiques, il faut responsabiliser et sensibiliser les élus. La

loi ne permettant pas de contraindre, il est nécessaire de convaincre. Cette appropriation doit

donc nécessairement passer par un travail important d’animation du réseau d’acteurs au

sein des Comités, d’information sur les enjeux et les détails de la politique qui devrait

stimuler leur investissement, et enfin leur implication aux processus participatifs.

C’est sur ces différents aspects que se joue l’acceptation du SRCE, comme nous l’illustrons

ci-après au travers de trois scenarii.

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1- Rupture de concertation entre experts et politiques (Figure 12)

Ce premier scénario envisage que lors de la phase de transition entre le diagnostic de

continuités écologiques et la réalisation du document d’aménagement du territoire, un blocage

s’opère entre les experts et les élus. Ce blocage pourrait avoir plusieurs origines.

La première origine envisagée est le manque d’information général des élus, à la fois sur la

biodiversité et les enjeux associés. Ce manque d’information créerait naturellement un

manque de visibilité sur la pertinence de la politique. Comme le montrent les retours

d’expériences Natura 2000, les élus sont de plus en plus nombreux à se sensibiliser pour la

biodiversité, mais un manque d’information sur la politique TVB, ses objectifs et les détails

de sa mise en œuvre pourraient amener les élus à être méfiants face à cette politique qui leur

semblera « venir d’en haut » et qu’ils n’auraient pas pu s’approprier. Cette crainte les placerait

nécessairement dans une position défensive de refus et de blocage de tout le processus.

L’autre origine de blocage envisagée serait causée par une prise en compte insuffisante des

territoires lors du diagnostic écologique. Cette frustration pourrait avoir comme origine

l’impression des élus ou des acteurs socio-économiques de ne pas avoir été suffisamment

associés au diagnostic et leurs enjeux complètement occultés. Une autre cause pourrait être

dans une mauvaise transition entre la phase diagnostic et la phase de concertation. Si

l’animation ne fait pas le relais, durant le diagnostic, entre l’avancée des travaux et les élus, la

transition entre les deux sera trop brutale et les élus, parfois par principe, ne partageront donc

pas le diagnostic qui leur est imposé.

Dans les cas décrits, le diagnostic rencontrera une forte opposition et il pourra même être

refusé. Les débats qui s’en suivent alors font prendre énormément de retard au processus et

les acteurs du comité se démobilisent peu à peu. Le document finit par être accepté, mais

devient un document qui a perdu de sa pertinence au regard des enjeux identifiés. Ce

document vide n’étant pas vraiment pertinent ne trouve personne pour le porter, y compris

dans le milieu de l’environnement. Il est presque ignoré. Seule la contrainte règlementaire fait

qu’une ou deux lignes apparaissent à chaque fois dans les documents de planification,

n’aboutissant à aucune mise en œuvre. Les quelques initiatives locales qui s'étaient déjà mises

en place se maintiennent lorsque ce projet n’est pas trop contraignant sur le territoire et qu'il

est accepté par la population comme une plus-value pour le loisir ou leur cadre de vie. En

revanche, d'autres projets revoient leurs objectifs à la baisse, ou s'en désintéressent

complètement. L'espace continue à se fragmenter, l'étalement urbain diffus et linéaire

grignote l'espace naturel et agricole. La biodiversité continue à disparaître.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Figure 12 : Scénario 1, de rupture lors de la concertation entre les acteurs

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2- Document pas assez concerté ou approprié == inutile (Figure 13)

Dans ce second scénario, le diagnostic se déroule de manière adaptée. Il associe les élus ainsi

que les acteurs socio-économiques. Il identifie des enjeux de continuités écologiques qui

sont acceptés par tous et prend en compte également le territoire par l’intermédiaire des

enjeux socio-économiques et des pratiques culturelles. Il en résulte que le SRCE est validé.

Cependant, le manque d'animation en amont et en aval fait que la politique qui était

acceptée ne se met pas réellement en œuvre. Pour se sentir intégrés et concernés de près par

cette politique, la participation des acteurs et en particulier des élus était trop limitée, ce qui a

entrainé un manque d’appropriation de la politique lors de la réalisation du SRCE. N’étant pas

assez responsabilisés pour la mise en œuvre, une fois le SRCE validé, ils perçoivent leur

contribution à la politique comme terminée. Or l'enjeu de cette politique est qu’elle soit

ensuite portée au niveau local, intégrée dans les documents planification et que se mettent en

place des projets concrets. Ainsi, le SRCE pourtant intéressant sur le plan du diagnostic

de continuité s'avère inefficace sur le terrain pour la biodiversité. L’obligation

règlementaire fait que le RCE est pris en compte dans les SCoT mais les enjeux ne sont pas

retranscrits au niveau local.

Les projets qui étaient déjà lancés se maintiennent et un petit nombre ; de nouveaux projets

vont naitre, sur des zones où l'animation est très présente comme les réserves naturelles, PNR

ou réseau N2000. Cependant, il n'y a pas de cohérence au niveau régional dans les

continuités car les projets restent isolés.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Figure 13 : Scénario 2, un SCRE pas suffisamment approprié pour être mis en œuvre.

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3- Document concerté, approprié == acceptation (Figure 14)

Dans ce dernier scénario, les politiques et les acteurs socio-économiques sont intégrés à la

démarche de diagnostic écologique, même si au début cette implication est très distante et se

résume à de l’information. A travers le travail d’animation, ils suivent l’avancement du

diagnostic et commencent à avoir une visibilité des enjeux. Au fur et à mesure de

l’avancement du projet, ils sont de plus en plus associés et consultés. Un travail participatif

les responsabilise dans la réalisation de ce diagnostic. Au moment de la validation de ce

diagnostic, les acteurs politiques et socio-économiques ne sont pas étrangers aux travaux des

experts, auxquels ils ont participé. Le diagnostic est donc accepté et validé même s’il peut

subsister quelques point de désaccord. Un travail participatif est animé de manière à associer

et responsabiliser les acteurs locaux. Par ce processus chacun s'approprie les enjeux de

biodiversité et le SRCE. Leur contribution est l'assurance de leur acceptation et de

l'intégration de ces enjeux de biodiversité au niveau local.

Le portage local fait naitre de nombreux projets se développant de manière relativement

généralisée avec une couverture spatiale bien diffuse. Une grosse diffusion se réalise de

proche en proche depuis les communes centres, mais une partie des projets naissent aussi

isolément grâce à l’animation locale de certains porteurs, (opérateurs N2000, gestionnaires de

réserves, PNR...) et se diffusent. Cette diffusion et couverture généralisée conduit à une

cohérence dans les continuités au niveau régional.

On a alors une TVB mise en place autant en milieu rural qu’en milieu urbain et qui permet

protéger les espaces naturels. Elle limite également l’étalement urbain et le force à se

densifier, par une planification plus durable. Elle limite aussi l’urbanisation linéaire le long

des axes de transport. Cela va permettre de résoudre par la suite ou d’éviter l’aggravation des

problèmes que sont l’accès aux transports, services, infrastructures, etc.

Cette généralisation de la politique TVB se fait en parallèle de la politique incitant la

réalisation des SCoT sur tout le territoire national. En effet l’obligation règlementaire de

prise en compte des SRCE lors de la réalisation de ces documents facilite d’autant la

généralisation des projets de continuité et donc de la cohérence du réseau écologique.

Cette acceptation et appropriation de la TVB a un autre effet positif. Il offre une nouvelle

visibilité des périmètres et outils de protection existant améliorant ainsi la compréhension

et l’acceptation de ce millefeuille.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Figure 14 : Scénario 3, un réseau écologique en place grâce à un travail d’animation pérenne.

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Conclusion

La Région Franche-Comté est comme beaucoup d’autre régions, en pleine réalisation du

Schéma Régional de Cohérence Ecologique (SRCE). Ce document est la déclinaison

régionale de la politique de Trame Verte et Bleue développé en France pour faire face à la

fragmentation et aux changements climatiques qui font disparaitre de manière accélérée la

biodiversité. Cette question est en grande partie menée par la DREAL qui est en pleine

rédaction d’une feuille de route pour guider la réalisation de ce document.

Cette mise en œuvre ne doit pas se faire indépendamment du contexte, à la fois conceptuel

et spatial. En effet, il existe en France de multiples expériences pilotes, ou des régions dans

lesquelles la réalisation de ce document est plus avancée, et qui possèdent de nombreux

retours d’expériences. En effet il y a actuellement une importante effervescence autour de ce

dossier. Les régions limitrophes sont, elles aussi, plus ou moins avancées dans la réalisation

de leur SRCE et nos diagnostics de continuité doivent être partagés pour assurer les

continuités au delà des limites administratives. En revanche, avec les cantons frontaliers qui

n’ont pas identifié d’enjeux transfrontaliers, tout est à construire. Ils sont en revanche désireux

de cette coopération internationale, et la base d’indentification d’enjeux transfrontaliers va

donc pouvoir s’appuyer sur l’étude Réseau Écologique National.

L’aboutissement du document SRCE est essentiel en Franche-Comté. En effet cette région

est au cœur d’enjeux nationaux et même européens, en particulier pour la connexion des

massifs montagneux. Cette mise en œuvre va pouvoir s’appuyer sur quelques initiatives

locales. Cet appui va s’avérer essentiel car le dossier est pour l’instant très mal connu de la

totalité des acteurs. Ils ne perçoivent pas les objectifs, éprouvent des difficultés à intégrer

cette nouvelle vision de la politique de protection s’appuyant sur la biodiversité, la nature

ordinaire, ainsi que des difficultés à raisonner à différentes échelles. Le document devant être

concerté, il est essentiel de s’assurer de la compréhension de tous les acteurs.

Il en ressort que l’animation du dossier auprès de tous les acteurs va être primordiale. Il

faudra à la fois communiquer et informer sur les enjeux de biodiversité, sur la politique, ses

objectifs et sa plus-value, et stimuler les acteurs pour qu’ils s’investissent dans le travail

participatif. Cette appropriation va s’avérer essentielle pour la vie à venir du SRCE, qui

doit être intégré aux documents d’urbanismes pour sa mise en œuvre et la considération des

enjeux à l’échelle locale. Pour aider cette mise en place, un travail d’animation,

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

d’accompagnement et de formation des élus, bureaux d’études et acteurs socioprofessionnels

est indispensable. Cette animation pérenne pourrait par exemple être confiée à des structures

se situant à l’interface entre les services de l’Etat et la Région, et des différents acteurs des

territoires locaux. Parmi ces structures, on peut imaginer une agence de l’environnement

comme celle de la communauté d’agglomération de Montbéliard ou bien ALTERRE en

Bourgogne.

Mais en tout cas, si on peut effectivement regretter la relativement faible portée juridique et

réglementaire de la TVB, la démarche n'en présente pas moins l'intérêt de construire avec

l'ensemble des acteurs du territoire un projet partagé et cohérent pour la biodiversité.

Cette démarche TVB permet aussi d'étudier et de préciser, en dehors des périmètres

d'inventaires ou de protection, le rôle des espaces de "nature ordinaire".

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Conclusion Générale

Mise en œuvre de la Trame Verte et Bleue

Dans le contexte actuel de changements globaux entrainant une érosion rapide de la

biodiversité, l’urgence d’agir a poussé la France à mettre en place une nouvelle politique de

conservation basée sur une nouvelle stratégie politique qui s’inspire de politiques déjà mises

en place dans différents pays et à différentes échelles. En effet, les politiques de protections

mises en œuvre jusqu’à présent se sont avérées pour partie inefficaces.

De multiples bouleversements sociétaux ont permis ce changement de politique. Tout d’abord,

l’appropriation par toute la société du problème de la biodiversité. Cette prise de

conscience a donné plus de poids au discours des scientifiques qui dénonçaient l’inadéquation

entre les causes du problème à savoir la fragmentation, et les solutions apportées par les

politiques de protections. Ce portage du problème par la société a permis l’émergence du

concept de développement durable, permettant l’association entre la conservation de la

nature et le développement, jusqu’alors considérés comme antagonistes. Ainsi, les politiques

de protection pouvaient être transférés des sanctuaires de « nature sauvage » aux espaces

anthropisés ; cela a été facilité en zone urbaine par la demande des habitants en nature de

proximité. On a donc dans le même temps commencé à parler de nature ordinaire.

Cette nouvelle stratégie repose sur un principe, né des avancées en écologie du paysage, celui

de création de réseaux écologique pour lutter contre la fragmentation et permettre aux

espèces de s’adapter face aux changements climatiques. Cette politique, appelée Trame Verte

et Bleue est actuellement à un instant essentiel de sa mise en œuvre, la réalisation du

Schéma Régional de Cohérence Ecologique, un document d’aménagement du territoire

opposable qui devra être pris en compte à l’échelle locale dans les documents de planification

et qui doit être finalisé pour 2012. Ce document, co-élaboré Etat-Région, doit être un

document concerté. La concertation est prévue par l’association, lors de sa réalisation, d’un

comité régional Trame Verte et Bleue associant la totalité(ou bien des représentants) des

acteurs de l’environnement et de l’aménagement. Cependant, l’opposabilité de ce document

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est faible. Sa mise en œuvre locale et son intégration dans les documents d’urbanismes vont

alors dépendre de l’appropriation du SRCE par les acteurs et en particulier les élus locaux.

Cette appropriation doit passer par un processus participatif pour se faire au mieux. Tous les

acteurs doivent être associés à la démarche de réalisation du SRCE et d’identification des

enjeux.

Cette politique a déjà été lancée sur des territoires pilotes et les retours d’expériences sont

plutôt positifs. La naissance de divers projets locaux montre le désir d’implication des

collectivités locales. Il est vrai que cette tendance s’observait déjà par le portage de Natura

2000 par les collectivités territoriales et l’investissement de ces dernières dans la création de

Parc Naturels Régionaux. Et elle est confirmée par l’augmentation de leurs dépenses en

matière de protection de la biodiversité. Cette volonté est donc de bon augure pour la prise en

compte du SRCE dans les SCoT. En Franche-Comté et ailleurs, beaucoup de projets se

mettent en place à l’échelle des SCoT. Il semble donc que c’est une bonne échelle pour

l’appropriation et le support d’une mise en œuvre locale et cohérente. La politique TVB va

donc profiter du contexte des années à venir, visant à la généralisation des périmètres de

SCoT à l’ensemble du territoire français.

Cependant, malgré la volonté observée des politiques à s’approprier les politiques de

conservation pour les appliquer sur leur territoire, il faut être prudent. La mise en place de

certaines politiques de protection (directive oiseaux, zonage ZNIEFF, directive habitat) qui

ont été ou que l’Etat a tenté de mettre en œuvre sans concertation, a laissé des traces dans le

monde rural et chez les élus. Il reste ainsi une crainte des politiques qui viennent ‘d’en

haut’. Il va donc falloir être vigilant dans la manière d’amener cette nouvelle politique.

Dans la mise en place de cette politique, il y a donc des étapes à ne surtout pas négliger. Le

manque de connaissance des acteurs dans leur globalité représente un premier risque de

rejet de cette politique. Un manque de visibilité sur la biodiversité et ses enjeux entraînerait

l’incompréhension face une telle politique. Il va également être essentiel d’expliquer la

politique, quels sont ses objectifs, les principes de sa mise en œuvre, en insistant sur les

aspects nouveaux qu’aborde cette politique novatrice. Parmi les aspects amenant une forte

incompréhension, il a déjà été identifiés certains points comme les espèces déterminantes, la

prise en compte de la nature ordinaire, l’articulation des échelles et le manque de

connaissance qui devra être comblé par le suivi.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

A toutes les étapes de la mise en œuvre, le travail d’information, d’animation des comités

pour mobiliser les acteurs, de concertation et de travail participatif vont être essentiels

pour l’appropriation. Et une fois validé, il faudra poursuivre cet effort pour s’assurer de la

prise en compte des enjeux, et de la mise en œuvre sur le terrain. Dans l’idéal, il aurait fallu

réaliser un travail de sensibilisation préliminaire et de rencontre des acteurs avant le

lancement de la mise en œuvre de la politique. Cependant, les impératifs du calendrier

poussent à lancer le Comité régional au plus tôt et il ne faudra donc être vigilant pour que ne

soit pas occultée cette étape d’information, sensibilisation et responsabilisation.

Ce ne sont pas là les seules craintes quant la mise en œuvre de cette politique. D’autres

aspects sont indépendants de la volonté des personnes chargées de la mise en œuvre de cette

politique. Et l’actualité n’est pas rassurante quant à ces craintes, qui s’avèrent de plus en plus

fondées.

Le Grenelle environnement, politique d’action ou simple affichage ? :

Le premier écueil est que le Grenelle est une politique très ambitieuse qui décide de mettre

en œuvre une multitude de projets en parallèle, et il existe un réel risque de noyer les

volontés, et de démobilisation. De plus, en face de ces politiques ambitieuses, les moyens ne

semblent pas à la hauteur des objectifs. En effet, la conjoncture de restriction de moyens

budgétaires et humains n’aide pas la mise en place de telles politiques.

Mener de front des politiques territorialisées avec des thématiques relativement proches

(autour du thème de l’environnement) et la création de multiples comités crée également un

réel risque de démobilisation. Les acteurs mobilisés à ces différents projets sont souvent les

mêmes et les citoyens qui participent aussi. Et ce phénomène semble également se dérouler au

niveau même de l’autorité centrale. Par exemple pour la réalisation du SRCE, le cadrage

national devait fournir divers outils et guider les réflexions en région ; or, ces outils n’ont pas

vu le jour.

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Le deuxième écueil a été énormément dénoncé par divers courants

chez les écologistes ainsi que par certaines personnalités scientifiques.

Pour certains comme Philippe Hervieu, conseiller régional en

Bourgogne du groupe Europe Écologie, « Le Grenelle est la plus forte

opération massive de greenwashing politique qui ait jamais existé. »

(Source : interview Dijonscope). Pour expliciter ces propos, il parle

d’un processus permettant au pouvoir de verdir son image, de lui

donner une étiquette ‘écolo’ alors que derrière cette image, les actions

ne correspondent pas vraiment à l’affichage. C’est l’idée du capitalisme vert utilisée dans

l’affiche ci-contre, invitant à des réunions débats pour réaliser des contre propositions au

Grenelle 2. En effet, beaucoup de ces écologistes ont été déçus de la tournure du Grenelle

environnement, à l’image de la fondation Nicolas Hulot qui a décidé de se retirer de la

démarche. Il semble en effet que le gouvernement n’assume pas une politique claire. Cette

politique annonce de multiples changements, des progrès dans la considération de

l’environnement, mais finit par reculer sur les engagements annoncés, à l’image de

l’opposabilité du SRCE.

De plus le manque de moyens accordés à ces différentes

politiques (comme l’illustre la caricature ci-contre) qui

ont pourtant des objectifs très ambitieux interroge sur la

volonté réelle de leur mise en œuvre. Au cours de la

table ronde organisée au Salon de l’Agriculture en mars

2010, Nicolas Sarkozy a déclaré : l’environnement, "ça

commence à bien faire" (Source : France-info). Des

propos qui ne laissent présager rien de bon sur la mise en

œuvre des mesures du Grenelle de l’environnement.

Mais cette réalisation du SRCE, même si on peut regretter sa faible opposabilité, le manque

de moyens qui seront peut-être mobilisés, le manque de connaissance qui force à la réalisation

d’un document imparfait, cette démarche présente néanmoins l'intérêt de construire sur

l’ensemble du territoire et avec l'ensemble des acteurs du territoire un projet partagé et

cohérent pour la biodiversité. Elle se veut transversale et va donc permettre d’amener la

question de la biodiversité au sein de l’ensemble du champ politique comme l’urbanisme,

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

les loisirs... Cette démarche TVB permet aussi d'étudier et de préciser, en dehors des

périmètres d'inventaire ou de protection, le rôle des espaces de "nature ordinaire". Elle

réintègre la nature au cœur même de nos sociétés et de nos espaces, qui ont tenté de l’exclure

durant des siècles.

Analyse Critique de l'expérience professionnelle :

Cette étude s’est déroulée dans le cadre d’un stage dont la mission était de proposer une

feuille de route pour l’élaboration du SRCE en région Franche-Comté, au sein de la DREAL,

ainsi que d’apporter des pistes sur la concertation et l’analyse du positionnement des acteurs.

Tout d’abord cette étude m’a permis d’aborder les modalités de mise en œuvre d’une politique

dans un service d’état. Cet aspect là est très important car le fait de représenter l’état a eu un

impact incontestable sur les réactions des acteurs que j’ai rencontrés. Difficile de mettre en

place un processus de collaboration, les relations étant très orientées : soit l’Etat représente

une ressource potentielle, soit il amène une contrainte sur laquelle il faut négocier. De plus, le

représenter à l’échelle locale signifie porter les projets et les relayer auprès des collectivités

territoriales. Or, lorsque le ministère n’est pas au point sur certains aspects, il faut en fournir

des justifications au niveau local. Mais ce qui est important, c’est qu’il faut ensuite faire

remonter ces remarques.

S’ajoute à cela le fait que la DREAL représente un regroupement récent de différents

services :l’un des objectifs du regroupement était de permettre une meilleure coopération et

cohérence, mais il faut admettre que la communication entre les services n’est pas encore

parfaite.

Un travail partenarial est très difficile à mettre en place. Il s’agit en premier lieu d’identifier

l’interlocuteur adéquat. Un interlocuteur technique représente l’avantage de s’affranchir de

trop de protocole et d’échanger concrètement. En revanche, il possède une autonomie et des

libertés d’initiative limitées. Un interlocuteur politique, en revanche, permet de planifier des

stratégies, mais dans des échanges nécessitant certaines formes protocolaires, et donc

davantage de temps. En fonction de ces contraintes, et des objectifs recherchés, il est

important de solliciter interlocuteur adéquat. La communication en tant que représentant de

l’Etat en direction des collectivités territoriales est toujours stratégique. Il est parfois

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opportun de commencer par prendre contact avec les techniciens, pour leur faire part de

certains projets, qu’ils porteront ensuite auprès de leur hiérarchie. L’acceptation est ainsi

souvent facilitée.

Ce travail partenarial demande énormément d’investissement en temps. Il nécessite

l’identification des interlocuteurs de chaque structure. Il faut ensuite les convaincre de

l’importance de leur participation, en ayant identifié ce que cela apporte au projet, ce que le

projet leur apporte, et ce qui est attendu d’eux. Très souvent, les partenaires se mettent dans

une position passive d’attente et il est difficile d’obtenir des initiatives et un passage vers une

position active. Cela nécessite des efforts d’animation, de communication, et de médiation. Et

il faut bien admettre qu’autour de sujet de l’environnement, compte tenu du faible enjeu

financier perçu, certains acteurs sont plus difficiles à mobiliser

L'environnement est un univers très controversé. Il existe des incertitudes scientifiques à tous

les niveaux (diagnostic, expertise, évaluation, causes et conséquences...) et souvent les choses

sont facilement remises en question.

Même les acteurs de l’environnement, dont les objectifs sont souvent communs, se querellent

autour de quelques points, qu’il s’agisse d’objectifs opérationnels ou de méthodologie. La

légitimation des démarches auprès des acteurs socio-économiques s’accorde mal avec ces

débats. Sur un dossier qui, on l’a vu, remet en cause des manières de penser la protection de

la nature, nécessite le développement de connaissances nouvelles sur la biodiversité et sa

préservation, il est important que l’animation soit associée à une expertise minimale

concernant la biodiversité et son étude.

Le dossier qui m’a été confié impliquait avant tout une réflexion sur les enjeux de la Trame

Verte et Bleue, et la stratégie permettant de mobiliser efficacement les acteurs, afin d’aboutir à

l’élaboration du SRCE. Les connaissances acquises lors de l’année de Master ont été très

utiles, dans la prise en compte des différentes échelles territoriales, des compétences des

différentes collectivités territoriales et leur capacité à se mobiliser. Mais ce travail n’a pu se

réaliser qu’en prenant par ailleurs appui sur des compétences acquises au préalable concernant

l’écologie.

Cette expérience professionnelle est donc avant tout marquée par la mise en évidence de

l’intérêt d’associer une double compétence universitaire, celle d’un master en Ecologie,

Evolution, Biodiversité et Biométrie, et celle du master Diagnostic Socio-spatial, Enjeux

Environnementaux et Prospective Territoriale. La conduite de la mission qui m’a été confiée

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

n’aurait pas pu se réaliser sans mesurer les enjeux pour les différents acteurs. Mais la

réflexion que j’ai pu porter n’aurait pas non plus eu la même légitimité sans être appuyée par

une expertise des problématiques de biodiversité.

La mission réalisée a été aussi l’occasion de mesurer à quel point les deux compétences

associées trouvaient un point de rencontre évident : la réflexion autour de la notion d’échelle.

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

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portant engagement national pour l'environnement (1)

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Acronymes AFIP : l’Association de Formation et d'Information Pour le développement d'initiatives rurales

APCA : Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture

Cemagref : Institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement

CEN : Conservatoires des Espaces Naturels

CRBPO : Centre de Recherches par le Baguage des Populations d'Oiseaux

CSRPN : Comité Scientifique Régional pour la Protection de la Nature

DGALN : Direction Générale de l’Aménagement du Logement et de la Nature

DIREN : Direction Régionale de l’Environnement

DREAL : Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement

EPCI : Etablissement Public de Coopération Intercommunale

FCEN : Fédération des Conservatoires des Espaces Naturels

FNE : France Nature Environnement

FNSEA : Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles

FPNR : Fédération des Parcs Naturels Régionaux

IFEN : Institut Français de l’Environnement

MEA : Millenium Ecosystem Assessment

MEEDDAT : Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement

du Territoire

MEEDDM : Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de la Mer

MNHN : Muséum National d’Histoire Naturelle

OFEV : Office Fédéral de l’Environnement (Suisse)

ONEMA : Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques

ONG : Organisation Non-Gouvernementale

PLU : Plan local d’Urbanisme

PNR : Parc Naturel Régional

REN : Réseau Ecologique National

REP : Réseau Ecologique Paneuropéen

SCAP : Stratégie de Création des Aires Protégées

SCoT : Schéma de Cohérence Territoriale

SDAGE : Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux

SETRA : Service d’Etude sur les Transports, les Routes et leurs Aménagements

SNB : Stratégie Nationale pour la Biodiversité

SNCE : Schéma National de Cohérence Ecologique

SRCE : Schéma Régional de Cohérence Ecologique

STOC : Suivi Temporel des Oiseaux Communs)

TEEB : The Economics of Ecosystems and Biodiversity

TVB : Trame Verte t Bleue

UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature

ZSC : Zones Spéciales de Conservation

ZPS : Zones de Protection Spéciales

ZNIEFF : Zones Naturelles d'Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Table des Figures

Figure 1 : schéma des interrelations au sein du système biodiversité et société humaine. ................... 4

Figure 2 : Les impacts des activités humaines sur l'environnement et sur le processus d'érosion de la

biodiversité. ........................................................................................................................................... 16

Figure 3 : les relations entre les acteurs de la politique environnementale. ........................................ 28

Figure 4 : Les enjeux multiples autour de la Trame Verte et Bleue ...................................................... 46

Figure 5 : Carte de situation de la France et la Franche-Comté dans le contexte biogéographique et

orographique européen. ....................................................................................................................... 58

Figure 6 : Occurrences du terme “biodiversité“ dans les dépêches de l’Agence France-Presse. ....... 63

Figure 7 : Les préoccupations politiques environnementales des Français. ......................................... 64

Figure 8 : Carte nationale des Schémas de Cohérence Territoriale et leur statut ................................ 71

Figure 9 : Répartition des parts de chaque financeur d'action en faveur de la biodiversité et des

paysages en 2008. ................................................................................................................................. 72

Figure 10 : Carte des enjeux de continuités écologiques suprarégionaux en Franche-Comté. ............ 94

Figure 11 : L'articulation des échelles dans la mise en place de la TVB. ............................................. 108

Figure 12 : Scénario 1, de rupture lors de la concertation entre les acteurs ...................................... 115

Figure 13 : Scénario 2, un SCRE pas suffisamment approprié pour être mis en œuvre. .................... 117

Figure 14 : Scénario 3, un réseau écologique en place grâce à un travail d’animation pérenne. ...... 119

Table des Tableaux

Tableau 1 : Statut de conservation des espèces se reproduisant sur le territoire métropolitain pour

chaque groupe faunistique ................................................................................................................... 59

Tableau 2 : Positionnement des acteurs face à la TVB. ....................................................................... 106

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE ......................................................................................................................... 1

CHAPITRE I UN CONTEXTE FAVORABLE A UN VIRAGE DE LA POLITIQUE DE CONSERVATION ................................................................................................................................................ 7

INTRODUCTION : ..................................................................................................................................................... 9

I- BIODIVERSITE MENACEE : UN CONSTAT PARTAGE ......................................................................................................... 9

1 – biodiversité - définition ............................................................................................................................. 9

2- La biodiversité dans le champ scientifique ............................................................................................... 10

3- La biodiversité dans le champs politique et social : une vision des services rendus ................................. 11

3.1 – Construction sociale .......................................................................................................................................... 11

3.2 – Vision utilitariste des services rendus ............................................................................................................... 12

4- Les éléments du constat ........................................................................................................................... 14

4.1 – Une crise d'extinction majeure ......................................................................................................................... 14

4.2 - Une érosion de la biodiversité principalement d’origine anthropique .............................................................. 15

4.3 - Un défaut de connaissance qui ne facilite pas la prise de décision ................................................................... 16

II- UN VIRAGE POLITIQUE NECESSAIRE ........................................................................................................................ 18

1- Les débuts de la politique environnementale : pas vraiment adaptés ? .................................................. 18

1.1- Les débuts : des aires protégées pour quelques espèces (1853-1992)............................................................... 18

1.2- biodiversité et développement durable (depuis 1992) ...................................................................................... 18

1.3- un bilan pas vraiment positif .............................................................................................................................. 21

2- Émergence d'une nouvelle vision de la politique environnementale ........................................................ 22

2.1- Le développement durable : des visions opposées mais qui se rejoignent dans les faits. .................................. 22

2.2- Natura 2000 : les débuts trop timides d’une vision du réseau ........................................................................... 24

2.3- La démocratie environnementale ....................................................................................................................... 25

2.4- La biodiversité, l'affaire de tous .......................................................................................................................... 27

CONCLUSION : ...................................................................................................................................................... 28

CHAPITRE II LA TRAME VERTE ET BLEUE EN FRANCE : L’OPPORTUNITE D’UN CHANGEMENT DE POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE ? ................................................................... 31

INTRODUCTION : ................................................................................................................................................... 33

I- DU CONCEPT DE RESEAU ECOLOGIQUE A LA TRAME VERTE ET BLEUE ............................................................................. 33

1- Le réseau écologique ................................................................................................................................ 33

1.1- Inspiré des concepts de l'écologie du paysage et biologie des populations ....................................................... 33

1.1.1 – Ecologie du paysage : entre sciences des écosystèmes et sciences de l’Homme. .................................... 33

1.1.2 –Les éléments de base du réseau : Taches-Corridors-Matrice..................................................................... 34

1.1.3 – Le concept de fragmentation : notion relative .......................................................................................... 35

1.1.4 - Connectivité ............................................................................................................................................... 35

1.4.5 – Le continuum écologique .......................................................................................................................... 36

1.4.6 – Métapopulation : la modélisation des populations en milieu fragmenté ................................................. 36

1.2- Principe et définition d’une politique de réseau écologique .............................................................................. 37

1.2.1 – Fragmentation et taille des populations ................................................................................................... 38

1.2.1 – Maintien des métapopulations ................................................................................................................. 38

1.2.2 – Survie Individuelle et cycle de vie ............................................................................................................. 38

1.2.3 – Face aux changements climatiques ........................................................................................................... 38

1.2.4 – Des précautions ......................................................................................................................................... 39

1.3- Une idée pas si nouvelle... .................................................................................................................................. 40

2- la Trame Verte et Bleue : nouvelle forme de conservation ....................................................................... 43

2.1 - Naissance d'une politique lors du Grenelle ....................................................................................................... 43

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2.2 – La Trame Verte et Bleue : inspirée du concept de réseau écologique .............................................................. 44

2.3 – La Trame Verte et Bleue : Une nouvelle stratégie (Figure 4) ............................................................................ 45

2.3.1 – Cadre conceptuel innovant ....................................................................................................................... 45

2.3.2 – Cadre National peu restrictif ..................................................................................................................... 48

2.3.3 – Une mise en œuvre multiscalaire .............................................................................................................. 50

3 – Le Schéma Régional de Cohérence Ecologique ....................................................................................... 53

3.1- Un diagnostic concerté ....................................................................................................................................... 53

3.2- Un document d'aménagement du territoire : une appropriation nécessaire qui passe par ‘convaincre et non

contraindre’ ............................................................................................................................................................... 55

II- LA FRANCE EST-ELLE CAPABLE DE SAISIR LE CONTEXTE GLOBAL..................................................................................... 57

1- Le contexte écologique en France ............................................................................................................ 57

1.1- La France : rôle essentiel pour la biodiversité .................................................................................................... 57

1.1.1 – La Flore ...................................................................................................................................................... 58

1.1.2 – La Faune .................................................................................................................................................... 59

1.2- Un état des lieux alarmiste ................................................................................................................................. 60

2- Contexte sociopolitique en France............................................................................................................ 61

2.1 – La Stratégie Nationale pour la Biodiversité : un échec. ..................................................................................... 61

2.2 – Les Français et la biodiversité ........................................................................................................................... 62

2.3- les outils de la protection en France ................................................................................................................... 64

2.3.1 – La situation actuelle : une augmentation globale des surfaces concernées ............................................. 64

2.3.2 – La Stratégie de Création des Aires Protégées : un politique à maintenir... ............................................... 65

2.3.3 – Natura 2000 : un handicap pour la mise en place de la TVB ? .................................................................. 66

2.4 – des politiques de plus en plus décentralisées ................................................................................................... 69

2.4.1 – Appropriation locale de la gestion de l'environnement ............................................................................ 69

2.4.2 – Appropriation des outils de protection ..................................................................................................... 72

2.5- contexte de crise économique ............................................................................................................................ 73

III- DES RECOMMANDATIONS QUI DETERMINENT LES AXES DE L'ETUDE ............................................................................. 74

1- Des recommandations générales pour négocier le changement ............................................................. 74

1.1 – Des moyens en accord avec les objectifs ? ....................................................................................................... 74

1.2 – Une vision systémique pour une appréhension nouvelle du territoire d'action. .............................................. 75

1.3 – Une mise en œuvre rapide : des démarches parallèles .................................................................................... 75

1.4 Communication .................................................................................................................................................... 76

1.5 – la Cohérence par la subsidiarité des échelles.................................................................................................... 76

1.6 – Une appropriation essentielle : concertation et démarche participative ......................................................... 77

2- Les axes de travail de l'étude et les questions abordées .......................................................................... 78

CONCLUSION : ...................................................................................................................................................... 78

CHAPITRE III MISE EN PLACE DE LA TRAME VERTE ET BLEUE EN FRANCHE COMTE......... 81

INTRODUCTION ..................................................................................................................................................... 83

I- LES CONTEXTES EN FRANCHE-COMTE : APPROCHE MULTISCALAIRE ............................................................................... 84

1 – Les réflexions sur les continuités écologiques : un contexte supra-régional ........................................... 84

1.1 – Méthode de recueil des informations ............................................................................................................... 84

1.1.1 – l’intérêt d’une approche supra-régionale ................................................................................................. 84

1.1.2 – Les régions limitrophes françaises ............................................................................................................ 84

1.1.3 – La cohérence transfrontalière ................................................................................................................... 84

1.2 –L’avancement du projet dans les régions proches ............................................................................................. 85

1.3 - L’avancement du projet en Suisse ..................................................................................................................... 86

2 – Retour d'expérience sur la mise en place du SRCE .................................................................................. 88

2.1 – Méthode de recueil des informations ............................................................................................................... 88

2.2 – Retours d’expérience des Parcs Naturels Régionaux ........................................................................................ 89

2.3 – Retours d’expérience des DREAL ...................................................................................................................... 90

2.4 – Autres retours d’expérience ............................................................................................................................. 91

3 – Le contexte en Franche-Comté ............................................................................................................... 92

3.1- Méthodes............................................................................................................................................................ 92

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

3.2 – Le contexte Géo-écologique ............................................................................................................................. 93

3.3 – La réflexion Trame Verte et Bleue en Franche Comté ...................................................................................... 95

3.3.1 – En DIREN ................................................................................................................................................... 95

3.3.2 – Collaboration avec la Région ..................................................................................................................... 97

3.3.3 – Initiatives locales ....................................................................................................................................... 98

3.4 – L’expérience des gestionnaires de réserves et opérateurs N2000.................................................................... 99

3.4.1 – Retours d’expériences sur la perception des élus et Natura 2000 ............................................................ 99

3.4.2 –sceptiques et fatalistes face à la TVB ....................................................................................................... 100

3.4.3 - Leur place dans la Réflexion SRCE ............................................................................................................ 101

II- QUELQUES PRECONISATIONS POUR L’ELABORATION DU SRCE .................................................................................. 101

1 – Un Contexte du Grenelle à prendre en compte..................................................................................... 101

2 - Analyse du positionnement des acteurs ................................................................................................ 102

2.1 - Typologie des zones de mise en œuvre ........................................................................................................... 102

2.2 - L’agriculture ..................................................................................................................................................... 102

2.3 - Une vision nouvelle difficile à faire partager ................................................................................................... 104

2.4 - La grille de lecture des élus .............................................................................................................................. 105

2.5 - Typologie de positionnement face à la TVB ..................................................................................................... 105

3 – Mise en œuvre ...................................................................................................................................... 107

4 - Dialogue entre les échelles .................................................................................................................... 108

4.1 – Les échelles temporelles ................................................................................................................................. 108

4.2 – Les échelles spatiales ...................................................................................................................................... 108

5 - La concertation ...................................................................................................................................... 110

6 - L'animation : un outil indispensable ...................................................................................................... 111

6.1 - Un besoin d’animation à tous les stades ......................................................................................................... 111

6.2 - Un manque global d'information ..................................................................................................................... 111

6.3 - Le processus d'information et concertation .................................................................................................... 111

6.4 - Les points sur lesquels insister ......................................................................................................................... 112

III – SCENARII PROSPECTIFS SUR L’ACCEPTATION DU SRCE ........................................................................................... 113

1- Rupture de concertation entre experts et politiques (Figure 12) ........................................................... 114

2- Document pas assez concerté ou approprié == inutile (Figure 13) ........................................................ 116

3- Document concerté, approprié == acceptation (Figure 14).................................................................... 118

CONCLUSION ...................................................................................................................................................... 120

CONCLUSION GENERALE .......................................................................................................................... 123

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................ 131

ANNEXES ......................................................................................................................................................... 143

Page 148: La Trame verte et bleue - Ministère de la Transition ...€¦ · pressentie pour la concertation et l'association des acteurs sur ce dossier complexe. Ce travail s’appuie sur une

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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE

Annexes