La Tradition 1887-07 (N4)

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La Tradition (Paris. 1887) Source gallica.bnf.fr / MuCEM

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REVUE GENERALE des Contes, Légendes, Chants, Usages, Traditions et Arts populaires

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  • La Tradition (Paris.1887)

    Source gallica.bnf.fr / MuCEM

  • La Tradition (Paris. 1887). 1887-1907.

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  • N.4 Prix du Numro : Un franc. Juillet 1887.

    SOGIT DES TRADITIONNISTES

    LA TRADITION

    REVUE GNRALEdes Contes, Lgendes, Chants, Usages, Traditions et Arts populaires

    PARAISSANT LE 15 DE CHAQUE MOIS

    Abonnement : France, 13 francs. tranger, 15 francs.(Cotisation de Socitaire donnant droit au service de la Revue: 15 francs.

    PARISDUPRET, DITEUR

    3, rue de Mdicis, 3.

  • LIVRAISON DU 1er JUILLET 1887

    LES ANCIENS CONTEURS. II. LES AVENTURES DE TIL ULESPIGLE,par Henry Carnoy.

    MEDIA-RES, LGENDE DES PAMPAS, par Jean Desplas-POMES DE LA TRADITION. I. LE ROITELET, par Emile Blmout.LA LGENDE DES CHATS PARLANTS, par Charles Buet.EN REVENANT DES NOCES, CHANSONPOPULAIRE recueillie par Charles

    de Sivry.LA CHANSON DE MARGUERITE DANS LE FAUST DE AV. GOETHE,

    par le Dr Stanislao Prato.LES SORNETTES DE MA GRAND'MRE. I. JEAN-JEANNOT, par

    Iiopold Dauphin.LA RETRAITE ILLUMINE D'AUXERRE, par Maxime Lorin.LA PIERRE TREMBLANTE DE FAIRDHU, TRADITION COSSAISE,

    par Robert Mac-Gwenlyne.A TRAVERS LES LIVRES ET LES REVUES, par C. de Warloy.BIBLIOGRAPHIE. Henry Carnoy.PRIODIQUES ET JOURNAUX.NOTES ET ENQUTES.

    La Tradition parat le 15 de chaque mois. Le prix de l'abon-nement est de 12 fr. pour la France (15 fr. pour l'tranger).

    La cotisation des Socitaires est de 15 francs payables dansle courant du premier semestre de l'anne, et donnant droit l'envoi de la Revue.

    Les abonnements et les cotisations sont reus ds prsentchez M. A. DUPRET, 3, rue de Mdicis.

    Il sera rendu compte de tous les ouvrages adresss la Revue.

    Prire d'adresser les adhsions, la correspondance, les articles,changes, etc., M. Henry CARNOY, 33, rue Vavin.

    Les manuscrits seront examins par un Comit de rdactioncompos de MM. Emile BLMONT, Henry CARNOY, Raoul GI-NESTE, E. GUINAND, Charles LANCELIN, Frdric ORTOLI,Charles de SIYRY et Gabriel VICAIRE. Les manuscrits non ins-rs seront rendus.

    M. Henry CARNOY se lient la disposition de nos adhrents lejeudi, de 2 heures 3 heures, 33, rue Vavin.

  • LA TRADITION

    LES ANCIENSCONTEURSII

    LES AVENTURES DE TIL ULESPIGLE

    Peu de hros rels ou imaginaires ont obtenu une rputation .aussi durable que celle dont jouit l'aventurier allemand Til Ulespigle,ou plutt Thyl Ulenspiegel, dont le nom signifie littralement Miroir deHibou, si ce n'est Face ou Figure de Hibou (1).

    L'histoire de Til Ulespigle, compose vraisemblablement en allemandou en bas-allemand, ne tarda pas tre traduite en flamand, en franais,en latin, en anglais, en danois, en polonais ; on n'a jamais cess de larimprimer depuis quatre sicles. Les ditions qui en ont t faites endiffrentes langues sont innombrables. M. Lappenberg, dans son D. Tho-mas Murners Ulenspiegel (2), dont nous parlerons plus loin, en dcrit plusde cent. L'aventurier allemand a occup le ciseau et le burin des artistes ;plusieurs fois ses aventures ont t transportes sur la scne; l'imageriepopulaire a reproduit ses moindres faits et gestes ; son nom a passe dansnotre langue et a form les mots espigle employ par Ronsard et

    espiglerie ; de nombreuses publications priodiques ont paru sous sonenseigne ; enfin la Pologne, l'Allemagne et la Flandre se sont disputl'honneur de l'avoir vu natre.

    Au premier, abord, il est assez difficile de saisir la raison de cette popu-larit. Les aventures de Til Ulespigle forment une srie de facties, unde ces recueils comme il en fut compos beaucoup depuis le XIII jus-qu'au XVI sicle. Ce qui les caractrise cependant, c'est qu'elles sontattribues ainsi qu'il est arriv en Italie pour les facties de Gonellecl d'Arlotto un personnage unique que l'auteur fait voyager parmonts et par vaux travers l'Allemagne, dans le seul but d'obtenir uncadre assez large pour runir toutes les anecdotes relatives son hros.

    Et quel est cet aventurier? Un fils de paysans, un personnage extravagant, coureur de routes et de grands chemins, bohme errant, toujoursoccup imaginer quelque tour pendable qu'il jouera au premier venu,aussi bien ses compagnons de voyage, aux artisans qui lui donnent

    (1) Eule, hibou ; Spiegel, miroir.(2) D. Thomas Murners Ulenspiegel, herausgegeben von J. M. Lappenberg.

    Leipzig, T. O. Weigel, 1854. In-8 de XIV-470 p., avec planche et carte.

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    du travail, auxhteliers qui l'hbergent, qu'aux prtres de la campagne,aux voques et aux princes qui le prennent comme valet ou qui le reoi-vent leur table.

    Les facties de Til sont plus ou moins plaisantes, plus ou moins bienracontes ; elles ne sont spirituelles que par accident ; mais toujours oupresque toujours, elles se tranent dans la grossiret et l'ordure. Lehros n'est Ulespigle au sens franais du mot espigle que dans debien rares circonstances ; la plupart de ses actions sont inspires par unemchancet naturelle et gratuite, par des instincts pervers qui, bien loind'exciter le rire, n'amnent que la rpulsion et le dgot.

    Ces tours n'ont pas mme le mrite de l'originalit. Nos paysans* ivres,aux jours de foires et de marchs, racontent toutes ces facties grossires;seulement ils les altribuent des hros locaux ou au lgendaire duc deRoquelaure.

    Til Ulespigle est encore Jocrisse, mais un Jocrisse de convention quijoue son rle en conscience et qui, dans la coulisse, est le premier rirede sa navet voulue. Ce caractrenaturel ou fictifest galementbien connu du peuple ; c'est celui de Jean-le-Diot, de Gribouille, des ba-dauds, innocents, pauvres d'esprits de nombre de contes populaires, quiprennent la lettre les ordres qu'on leur donne ou les recommandations

    qu'on leur fait. Du reste il n'est gure de trait en ce genre attribu Til,qui ne se retrouve dans les collections des contes populaires de MM.Luzel,Blad, Sbillot, Cosquin, ou dans mes Contes picards. Je ne parle que dela France. Les traditions trangres offrent les mmes analogies.

    Ce ne serait point s'abuser que d'affirmer que les aventures de TilUlespigle ont d tout leur succs ce mlange de grossiret et desimplesse d'esprit qui nous offusque tant notre poque.

    Au temps o fut compos le livre, les facties et les contes ordurierstaient de mode avec les rcits grivois et obscnes. Les moines et les sei-gneurs, les honnestes dames elles-mmes, se dlectaient l'ou de ceshistoires qui correspondaient un degr particulier de civilisation ; lesnovelliristes italiens, latins et franais, surtout ceux qui composrentdes recueils de facties, ne faisaient que se conformer au got gnral.Aujourd'hui, ce got s'est pur au moins le got officiel ; on Demanquerait pas de traner le Pogge et Beroalde en cour d'assises ; on y abien tran nagure un diteur du Pogge ! Boccace, Amis, Chappuis,Rabelais ne seraient plus que des pornographes, et avec eux Margueritede Navarre, Charles-le-Tmraire et le dvot roi Louis XI !

    Les facties grossires n'ont point perdu cependant de leur faveurautant qu'on pourrait le croire. Le got s'en est conserv chez nos paysanset chez nos artisans. Les novelliristes avaient emprunt au peuple l'ideet le thme de leurs rcits ; ces rcits sont retourns au peuple. Et main-tenant encore, n'entendons-nous pas rpter ces plaisanteries frustes et

    grossires, tantt en joyeuse et intime compagnie, tantt la fin desrunions d'hommes et des banquets, lorsque le vin qui ptille a mischacun de bonne humeur ?

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    Til Ulespigle et cela le diffrencie des hros des recueils italiens defacties n'est qu'ordurier, mais nullement grivois ni obscne. Lesaventures du hros, comme le fait fort bien remarquer P. Jannet (1), nesont jamais immorales.

    Les critiques qui se sont occups des Aventures de Til Ulespigle, ayantremarqu que les facties de Til se retrouvaient dans les recueils ant-rieurs des novelliristes, en ont conclu que l'auteur de l'ouvrage allemandavait amplement puis dans ses devanciers et ses contemporains, notam-ment dans les Fabliaux franais, le cur Amis, le cur de Kalenberg, lesCento Novelle antiche, les Repeues franches, les Facties de Gonella et duPoggio, Morlini, Bebelius, et pour les additions faites aprs 1519, le re-cueil de J. Pauli, Schimpf und Ernst. Nous ne sommes pas de cet avis.Ces facties se retrouvent, ainsi que nous l'avons dit plus haut et ainsiqu'il serait facile de le prouver dans la tradition populaire non seule-ment de la France, mais encore de pays qui, comme la Russie mridio-nale, n'ont point connu les recueils des novelliristes (1); il nous paratpossible d'affirmer qu'elles sont antrieures au mouvement littraire duXIVe et du XVe sicles ; les crivains prcits ne firent qu'utiliser desthmes anciens, des rcits courants qu'ils n'avaient qu' saisir et noterau passage pour ensuite les enjoliver avec plus ou moins de grce, suivantleur talent. Qu'y a-t il d'tonnant ce que les novelliristes et les auteursde recueils de facties aient utilis les mmes rcits et les mmes traits ?Ils ne se sont pas davantage copis que ne se copient de nos jours lesrecollecteurs de contes et de chansons populaires, Blad, Luzel, Cosquin,Absjornsen, Pitr, Machado, Ortoli, P. Sbillot, Eugne Rolland, de Puy-niaigre, Ach. Millien, et tant d'autres qui, cependant, donnent les mmesrcits avec quelques simples nuances de dtail.

    Il est un autre argument historique que nous pourrions donner touchantcette question de l'origine du Til Ulespigle : les divers recueils cits plushaut par les critiques, datent pour la plupart de la mme poque quel'ouvrage allemand, quelques-uns mmes lui sont postrieurs, par exempleles Cento Novelle Antiche, Bebelius, Morlini, le Recueil de J. Pauli.

    Maintenant Til Ulespigle est-il un personnage imaginaire ou rel ?Lappenberg et Jannet croient son existence. Tout ce qu'on a pu invo-quer pour soutenir cette opinion se rduit des traditions, des indica-tions contenues dans des ouvrages relativement modernes, enfin desmonuments apocryphes. Les Allemands, adoptant les donnes du livre

    populaire, font natre Til Kneitlingen et le font mourir en 1350 Moelln,o l'on montrerait encore la pierre qui aurait recouvert son tombeau.Mais ce monument ne remonte pas au del du XVIIe sicle. Les Flamands

    (1) Les Aventures de Til Ulespigle, par P. Jannet. Nouv. Collection JannetPicard, 1 vol. elzvirien in-16. Paris, dit. Marpon et Flammarion.

    (1) Voir ce sujet la trs intressante collection des publie Heilbronn chez les frres Henninger. 3 vol. in-8 elzvir.

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    le font mourir Damme, o ils ont aussi son tombeau. D'aprs unrudit polonais, Ulespigle, slave de nation, aurait t enterr dans une

    proprit d'un seigneur Molinski, en Pologne. Ce savant, comme le fait

    remarquer P. Jannet, n'a pas pris garde que le nom Molinski (Du Mou-lin), n'est qu'une traduction assez libre du nom de Moelln (mhle,moulin).

    M. Lappenberg croit qu'un aventurier du nom de Til Eulenspigel avcu dans la basse Saxe dans la premire moiti du XIVe sicle, sortede bouffon qui jouait des tours aux paysans et aux artisans, faisait con-currence aux fous de cour et, comme tel, poussait des pointes l'tran-

    ger, en Danemark, en Pologne, et peut-tre jusqu' Rome.Til n'tait-il pas plutt un hros populaire, tel que Jean-le-Diot, Jean-

    de l'Ours, Jean-sans-Peur, et vingt autres, sur le compte duquel s'accumu-laient toutes les facties courantes? N'est-ce pas par le mme phnomneque se sont formes nombre de lgendes, comme celles d'Hercule, de

    Gargantua, de Jean-de-l' Ours,et aussi les merveilleuses aventures du hrosLa Rame dans les contes de chambre ? Ce phnomne est fort bienqualifi par M. Henri Gaidoz du nom de cristallisation lgendaire. Lepeuple a ses hros types qui, par leur caractre saillant, groupent lestraits traditionnels. En France, Gargantua personnifie la gloutonnerie ;Jean-de-l'Ours, la force ; l'Ogre, les instincts froces et les survivancesd'anthropophagie; Gribouille, la sottise et la simplesse d'esprit; etc. Leur histoire, crite au XVe sicle,telle qu'on pourrait la donner en reliantles pisodes, les contes et les lgendes auxquels leur nom est attach, leurhistoire n'embarrasserait-elle pas maintenant nos rudits ?

    Quoi qu'il en soit, les facties d'Ulespigle se retrouvant un peu de par-tout, d'abord dans les recueils antrieurs et postrieurs, puis clans latradition populaire, ne sont pas de l'histoire ; le hros ne saurait davan-tage tre historique.

    L'auteur ou plutt le recollecteur des Aventures de Til Ulespigle,n'a pas moins embarrass les critiques. La premire dition connue estcrite en haut-allemand ; elle fut imprime Strasbourg en 1519. C'estCette dition qui a t reproduite en 1854 par Lappenberg avec ds noieshistoriques, critiques et bibliographiques qui font de son livre un chef-d'oeuvre d'rudition. P. Jannet a traduit en franais l'dition de 1519. Lappenberg attribue cette rdaction Thomas Murner, le clbre cor-delier, n Strasbourg en 1475, mort vers 1533. A l'appui de cette opi-nion, il rapporte un tmoignage, dat de 1521, qui parait concluant.

    Les nombreuses ngligences et le style incorrect de cette dition de 1519,ne permettent pas de croire que Thomas Murner ait t autre chosequ'un traducteur. Le clbre cordelier a transport en haut-allemand unouvrage qui existait dj en bas-allemand peut-tre dans cette ditionprsume de 1483 qui est toujours reste introuvable. La prface, aureste, jette un certain jour sur cette question. Il n'y a dans ce mienmchant crit ni art ni subtilit, car je suis malheureusement ignorant de

  • LA TRADITION 101

    la langue latine, et ne suis qu'un pauvre laque, dit l'auteur anonyme.Cette prface est date de l'an 1500 ; la premire rdaction se trouveainsi chronologiquement fixe. L'dition de 1483 n'aurait donc jamaisexist. Voici, du reste, un autre passage qui montre que l'auteur de laprface est bien l'auteur de la premire recollection : Moi... ai t pripar plusieurs personnes de runir et mettre par crit, pour l'amourd'elles, ces rcits et histoires.... Thomas Murner a d se borner tra-duire cette recollection de 1500 qu'il a publie telle quelle et sans aucunssoins, ce qui se comprend fort bien d'un homme absorb par des travauxde toutes sortes comme l'tait le savant cordelier.

    A la lecture, on remarque que les aventures de Til sont ranges d'a-prs un ordre mthodique assez rgulier : histoires concernant l'enfancedu hros, aventures chez divers souverains, tours jous aux ecclsiasti-ques, aux artisans, aux paysans, aux aubergistes, enfin rcits relatifs sa mort. D'un autre ct, les renseignements gographiques, topogra-phiques et historiques sont donns avec une grande exactitude. Le recol-lecteur de l'an 1500 connaissait donc bien l'Allemagne qu'il avait dparcourir dans tous les sens. N'tait-il pas un de ces mnestrels errantsqui comme nos jongleurs allaient de bourg en ville raconter lesaventures des hros imaginaires, ou payer l'hospitalit qu'on leuraccordait gnreusement, en chantant des lieds et des complaintes ?Ainsi s'expliqueraient ces particularits que nous signalions prcdem-ment.

    Dans celte hypothse, le recenseur anonyme, n'aurait, comme autre-fois les rhapsodes, que coordonn les rcits circulant en Allemagne soitsur le hros Til Ulespigle, soit sur des hros similaires. Nous remontonsainsi bien plus haut que les premires annes du XVIe sicle, une po-que o n'avait encore paru aucun des recueils de facties dans lesquelson a prtendu que l'crivain avait puis. Il faut toutefois en excepterAmis et Kalender cits la fin de la prface de l'an 1500, vraisembla-blement par Thomas Murner.

    Quoi qu'il en soit, l'dition de 1519 (Strasbourg, Grieninger, in-4) futsuivie de nombre d'autres. Lappenberg en a dress une longue liste,certainement incomplte. Les plus intressantes, en ce sens qu'elles fontconnatre la faon dont ce livre s'est rpandu, plus ou moins transformet augment, sont les suivantes : II. Celle do Servais Kruffter, in-4,Cologne, 1520 1530, avec deux chapitres qui ne sont pas dans celle de1519; III. Une traduction flamande, Anvers, 1520 1530, contenant 46chapitres ; IV. Une traduction franaise, Paris, 1532, faite sur la tra-duction flamande ; V. Une dition allemande, Erfurt, 1532, in-4 ; X. Une dition allemande de Cologne, 1539, annonce comme traduitedu saxon, avec une prface date de 1483, (c'est l l'origine de l'opinionqui veut qu'il y ait eu une dition de 1483) ; XVI. Une traductionanglaise, Londres, 1548 1550, faite sur le flamand ou sur le franais ; XIX. Une traduction en vers latins faite sur le texte allemand par

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    AEgidius Periander (Gilles Omma), Francfort, 1567; XXIII. Une tra-duction danoise antrieure 1571 ; XXIV. Une traduction en versallemands faite par Fischardt, le traducteur de Rabelais, 1566 1571; XLIII. La Vie de Til Ulespigle en 36 planches, par Lagniet, 1557-63 ; LV-LVII. Deux ou trois ditions en polonais ; LIX. Edition franaised'Amsterdam, 1702 et 1703, augmente de huit histoires tires de diversrecueils, et qui n'ont aucun rapport avec le caractre d'Ulespigle ; XCIV-XCVIII. Deux ditions en franais par O. Delepierre (Voir ManuelBrunet, v. 1005) ; Enfin l'dition P. Jannet qui comprend tous lescontes de 1519, et, en plus, ceux de l'dition de Kruffter et de l'ditionde 1532.

    HENRY CARNOY.

    MEDIA-RESLGENDE DES PAMPAS

    Il y avait une fois un pauvre gaucho et sa femme qui vivaientmisrablement dans la pampa. Leur rancho (cahute) en ruine lesprotgeait mal contre les fantaisies de la nature, et les quelquespiastres que gagnait par ci par l le gaucho suffisaient peine sesmodestes besoins.

    Un jour que le mari et la femme taient tous deux silencieusementaccroupis autour de leur foyer fumeux, songeant leur noire mi-sre et prenant leur mate sans sucre, les chiens se mirent aboyer,puis, malgr les coups et les cris, s'lancrent dans l'habitation, endonnant tous les signes d'une invincible terreur.

    L'homme se leva, jeta un coup d'oeil la porte et vit s'approcher-un cavalier vtu d'un riche poncho (manteau) de vigogne, et qu'ilinvita mettre pied terre. L'inconnu descendit, attacha son magnifique cheval noir tout couvert d'ornements d'argent, et s'avanaen saluant gravement son hte.

    Sa figure tait maigre et basane, sa barbe noire, taille en pointe,ses moustaches releves en croc, ses yeux petits et vifs avaient unemobilit particulire et brillaient par moments d'un feu vif soudai-nement teint par un mouvement des paupires. La lvre sup-rieure tait lgrement releve vers le coin de la bouche, et l'en-semble de son visage dnotait la fois la ruse et l'hypocrisie,l'audace et le ddain.

    Le gaucho lui offrit son mate, en s'excusant, n'ayant plus, disait-il,,de sucre la maison ni de quoi s'en procurer, et dpeignit humble-ment sa misre.

  • LA TRADITION 103

    Il vous plairait donc bien d'tre riche, lui dit tout--coupl'inconnu.

    Riche ? non certes ; mais avoir au moins toujours de quoipayer ceux qui ne font point crdit de pauvres gens comme nous.

    Il ne tient qu' vous, dit le voyageur. Et comment ? Eh bien ! vendez-moi l'me de votre enfant, et vous ne man-

    querez jamais de rien. L'homme, voyant qu'il avait affaire Mandinga (le Diable) se

    dressa, effray, la femme se signa.Immdiatement une odeur de soufre emplit la chambre, la vision

    avait disparu. Sotte ! s'cria le gaucho, tu l'as vex et il est parti furieux.

    Qui sait ce qu'il va faire de nous maintenant ? Mais, dit la femme, comment aurais-je pu faire autrement? Eh ! parbleu, c'est en parlant qu'on se comprend. La propo-

    sition n'tait peut-tre pas si mauvaise, et tu n'avais pas besoin dele mettre en fuite.

    Comment, tu veux livrer notre enfant Mandinga ? Entre vendre et livrer... rpondit l'homme, songeur; enfin,

    laisse-moi faire. Le gaucho sella son cheval et se rendit une petite chapelle de la

    Vierge qui se trouvait non loin de l. Il s'agenouilla devant la sta-tue de la Vierge et lui raconta par le menu ce qui lui arrivait, lasuppliant de lui donner en cette occurrence un bon conseil et d'avoirpiti de sa misre.

    La Vierge, fort ruse, lui conseilla simplement de traiter sanscrainte avec Mandinga et de lui vendre l'me de son fils, mais aveccette condition qu'il lui remettrait elle d'abord l'enfant et qu'ilenverrait Mandinga le prendre la chapelle.

    Le gaucho, tout rassur, voqua donc Mandinga qui accourutaussitt. Ils furent bien vite d'accord, et le Diable ayant remis augaucho un gros paquet de billets de la Banque, se rendit l'endroitindiqu pour prendre livraison de son gage.

    La Vierge le reut d'abord trs poliment, puis fit force rsistancepour lui livrer l'enfant, disant qu'elle l'avait pay et qu'il tait elle.

    Le Diable s'emporta; il devenait insolent. La Vierge s'irrita, ilschangrent des mots un peu vifs ; elle le menaa finalement dugoupillon.

    Non, pas a, pas a! s'cria-t-il, terrifi, car personne n'ignoreque l'eau bnite cause au Diable de cruelles tortures.

    Eh bien ! lui dit la Vierge, transigeons : Prenons chacun lamoiti du petit ; accepte, ou tu n'auras rien,

  • 104 LA TRADITION

    Force fut bien Mandinga d'en passer par l, et la Vierge ayantpartag l'enfant en deux parties gales,' garda le ct droit et donnaau Diable le ct gauche.

    Mandinga partit, jurant bien qu'un jour ou l'autre il aurait lamoiti qu'on lui refusait, et il retourna dans ses palais souterrains.

    La Vierge, de son ct, donnait la partie qui lui tait chue unnom et un talisman qui devaient lui permettre d'arriver se com-plter.

    Le nom. c'tait Media-Res, qui signifie clans la langue des bou-chers la moiti d'un animal coup dans toute sa longueur ; le talis-man tait un scapulaire.

    Media-Res, ainsi pourvu, se rendit chez ses parents qu'il trouvafort inquiets sur son sort, Sa vue les effraya, il essaya de lesrassurer, les consolant de le voir si laid, n'ayant plus qu'un oeil,une oreille, un bras et une jambe, et leur annona qu'il allait partir la conqute de son autre moiti.

    Son pre lui donna son meilleur cheval, sa mre le revtit desmeilleurs vtements qu'elle put trouver dans la maison, et tousdeux le bnirent. Une fois en selle, il s'aperut qu'il oubliait sonrebenque (sorte de fouet trs court, de lanire de cuir) et le demanda.On le lui apporta, mais il le trouva trop lger ; on lui en donna unqui pesait trois arrobes et il s'en fut.

    Dans la plaine, il rencontra un taureau furieux, dont les yeux etles naseaux jetaient des flammes, et qui fona sur lui ; mais sonlazo s'abattit sur les cornes de l'animal et, descendant rapidementde cheval, il lui plongea son couteau dans la gorge.

    Aprs avoir taill dans le cuir une longue et paisse courroiequ'il assouplit soigneusement avec la graisse de l'animal, il repritsa route.

    Au dtour d'une lagune couverte de hautes herbes, il aperut untigre qui, ramass sur lui-mme et lui montrant les dents, luiordonna de retourner sur ses pas, Media-Res ne trembla pas poursi peu. Il fit tournoyer ses boleadoras et en frappa la bte. Celle-ci,avec un rugissement formidable, s'lana sur lui, mais le lourdrebenque s'abattit sur son crne et la fit rouler sur le sol. Sa peaudevint bien vite une magnifique couverture pour la selle de MediaRes.

    Le lendemain, aux premires clarts de l'aurore, Media-Res seremit en chemin. Il arriva bientt prs d'un petit bois dans lequelil entra pour y passer les heures les plus chaudes de la journe.Mais peine y fut-il qu'il se vit entour de flammes qui semblaientsortir de terre.

    Elles paraissaient se jeter sur lui et vouloir le dvorer, mais iltoucha son scapulaire et les flammes vinrent lui lcher le pied sanslui faire aucun mal, s'entrouvrant mme sur son passage.

  • LA TRADITION 105Il arriva ainsi jusqu'au bord d'un puits profond qui semblait p-

    ntrer jusqu'aux entrailles de la terre. De ce puits montait jusqu'lui le murmure de gmissements touffs. Il n'hsita point, attacha la sangle de son cheval, la longue courroie qu'il avait taille dansle cuir du taureau, se fit une sorte de tablier avec la peau du tigreet se laissa glisser dans le gouffre.

    Aprs tre ainsi descendu pendant plus de trois heures, il mitenfin pied terre. Mais entendant tout--coup des rugissementshorribles derrire lui, il se retourna et aperut dans un coin de lacaverne le tigre et le taureau qu'il avait vaincus. A leur vue il neput s'empcher d'clater d'un fou rire. Rugissant, mais tremblantdevant lui, les deux froces animaux prsentaient en effet le plusridicule aspect, l'un dpouill compltement de sa peau, l'autre n'enayant plus que sur la tte et au bout des pattes, tout juste ce queMedia-Res, en coupant sa courroie, avait jet comme inutile.

    Il s'avana rsolument dans la caverne et frappa dans ses mains.Une porte s'ouvrit, une servante parut. Mais cette servante taitsouverainement belle. Une expression d'extrme douleur rehaussaitla majest de son visage, et Media-Res se sentit frapp de respect,malgr les humbles vtements dont elle tait couverte.

    Il lui dit qu'il tait Mdia-Res et qu'il venait demander du travail.A ces mots, elle parut pouvante et, se jetant son pied, le sup-plia de renoncer son dessein. Elle lui dit que son matre n'taitrien moins que Mandinga qui la retenait captive, et qu'il avait jurde se venger de lui, indign qu'il tait d'avoir t tromp par laVierge, furieux surtout du piteux tat dans lequel, lui, Media-Res,avait mis son tigre et son taureau favoris.

    Il la releva, la rassura et lui promit de la dlivrer et de la rendreau roi son pre.

    Toute tremblante encore et toute mue d'un doux sentimentqu'avait fait natre en elle le courage du jeune homme, malgr sasingulire laideur, elle lui jura que s'il la dlivrait elle deviendraitson pouse ; puis elle introduisit Media-Res.

    Mandinga sa vue fit un bond comme pour sejeter sur une proie,mais Media-Res toucha son scapulaire et le diable interdit s'arrta.

    Il lui demanda d'une voix rude ce qu'il voulait; Media-Res,s'offrit pour dompter les chevaux ou pour garder le btail. Man-dinga l'engagea comme dompteur.

    Le lendemain, il fit runir les chevaux les plus fougueux etchoisit entre eux tous un animal terrible qui avait tu dix hommes,Ses naseaux jetaient des flammes comme un volcan; ses yeux san-glants roulaient furieusement dans leurs orbites. Media-Res lui jetale lazo et s'affirma sur son unique jarret avec une telle puissanceque, malgr ses efforts, l'animal, rageant, cumant, trangl par le

  • 106 LA TRADITION

    lazo, tomba lourdement sur le sol. Lorsqu'il fut entrav, Media-Reslui passa la bride, le sella, s'lana sur lui, le frappa coupsredoubls de son lourd rebenque, finit par le matriser et le ramenerau carrai couvert de sueur, puis, vaincu.

    Mandinga n'tait pas content. Le lendemain il se mtamorphosalui-mme en un cheval superbe et donna ordre son domestiquede l'indiquer Media-Res. Celui-ci vit bien l'instant ce dont ils'agissait, mais n'hsita point, heureux au contraire de l'occasionque lui fournissait Mandinga lui-mme.

    Une fois Media-Res en selle, Mandinga partit comme le vent;s'arrtant brusquement devant une immense fournaise qu'il avaitfait allumer dessein, il tcha d'y prcipiter son cavalier ; maiscelui-ci le frappa si cruellement de son rebenque, qu'il dut tomberpar-dessus la fournaise, et n'eut d'autre ressource que de s'aban-donner Media-Res.

    Notre hros prit alors son couteau et d'un mouvement rapidecoupa l'oreille de Mandinga. Puis il le ramena au palenque, l'attachasolidement avec le licol et rentra dans la maison. Il en fit sortir lajeune princesse et l'amena devant Mandinga, qui, pleurant de rage,ne pouvait parvenir se dlivrer, et rclamait grands cris sonoreille. Media-Res la lui montra de loin, et promit de la lui rendreen change de son autre moiti. Le diable eut beau jurer comme unpaen qu'il est, force lui fut de rendre ce qu'on lui demandait, caril ne pouvait rester ainsi : il n'est pire dshonneur pour un diableque de n'avoir qu'une oreille.

    Media Res, devenu tout--coup beau comme le jour, ramena laprincesse au roi son pre, et celui-ci, dans sa reconnaissance, nefit aucune difficult de les unir et de le choisir pour successeur.

    JEAN DESPLAS.

    POEMES DE LA TRADITIONI

    LE ROITELETUn jour qu'il gelait, qu'il gelait,L'Hiver, voyant le RoiteletLeste, pimpant, plein d'allgresse,Quand tout expirait de dtresse,Lui tint le langage qui suit : O donc tais-tu cette nuit ? J'tais nich, ne vous dplaise,Et j'tais nich fort l'aise,L, sous le toit d'une maison

  • LA TRADITION 107

    O, de belle et bonne faon,Les femmes faisaient la lessive. Bah ! nous verrons bien si j'arriveLa nuit prochaine jusqu' toi ;Au revoir, mon cher petit roi ! La nuit suivante, la froidureFut si svre, fut si dure,Que, dans la maison close, l'eauFut prise en bloc sur le fourneau.Le lendemain, comme la veille,Le Roitelet faisait merveille. Cette nuit, o donc tais-tu ?Lui dit l'Hiver rogue et ttu,Avec une colre bleue. Moi ? dans l'table, sous la queueD'une vache ; j'ai bien dormi,Fort bien ; et vous, mon vieil ami ? Gausse-toi ! nous verrons, pcore,Si tu railles longtemps encore. Ds le crpuscule, il gelaSi sec, si fort, que, ce soir-l,Chaque vache eut par la geleSa queue ses cuisses colle.Cependant le fin RoiteletDe bonne heure chantait, volait,Comme au temps de Pques-Fleuries. Hol ! c'est encore toi qui cries ?Lui dit avec stupeur l'Hiver,Roulant ses gros yeux gris-de-fer. Oui, c'est moi, qui, malgr la bise,Malgr le gel, vole et devise ;Voyez-vous, je suis si petit,Qu'un rien calme mon apptit ;Et partout je trouve un asile,Soit dans les champs, soit la ville. Assez ! mne un peu moins grand bruit!O te cachais-tu cette nuit ? Pas trs-loin ; j'ai fait la trouvailleD'un bon trou chaud dans la muraille,Contre le four du boulanger ;J'ai sommeill l sans danger,L me sont venus de doux rves. Dieu me damne, si tu ne crvesCette fois-ci ! grogna l'Hiver.

    Le soir, on lit un feu d'enferDans le four ; mais, devant la flamme,Le gindre, son fils et sa femme,Eurent tous trois le nez gel,Tant le froid devint endiabl !

  • 108 L TRADITIONSitt que du fond des tnbresSurgit l'aube aux pleurs funbres,L'Hiver, en se frottant les mains,S'en alla le long des chemins. Zul, zil, zal ! fit l'improvisteUne voix claire dans l'air triste ;Zul ! zil ! zal ! Qui donc piaille ainsi,Lorsque tout le monde est transi ?Demanda l'Hiver avec rage. C'est toujours moi, c'est mon ramage. Qui, toi ? Le petit Roitelet.Est-ce que mon chant vous dplat ?Me voici, perch sur la branche. Ah ! gredin, j'aurai ma revanche ;Ton caquet sera rabattu.Cette nuit, o te cachais-tu ?O te cachais-tu, sois sincre ! Mais tout simplement, dans la serreDu vieux chteau, dont le seigneurFaisait rveillon.par bonheur. Ce n'est pas toutes les nuits fte ;Apprends, intressante bte,Qu'il faudra dchanter ce soir. Or, la nuit, il fit un froid noir ;Et la bise ventra la serre,O tout prit en grand'misre.Petit Roitelet vit toujours ;Il savait mes belles amours,Il vint frapper ma fentre.Pan ! pan ! J'entends, j'ouvre ; il pntreDans la chambre, vole tout droitVers l'alcve, et, riant du froid,Se blottit, l'aile referme,Sur le coeur de ma bien aime.Loin des frimas, loin des autans,Jusqu'au retour du doux printemps,Ainsi qu'un bon petit gnie,Il nous a tenu compagnie.Quand, sur la neige, l'horizon,Avec sa barbe de glaon,Reparatra l'Hiver morose,En notre nid couleur de rose,Gai Roitelet qui nous es cher,Reviens vite narguer l'Hiver !Reviens ! Sois le vivant emblmeDe l'Amour vrai qui toujours aime,De l'Amour ail, roi plus fortQue la Froidure et que la Mort !

    EMILE BLMONT.

  • LA TRADITION 109

    LA LGENDE DES CHATS PARLANTSAu baron Stphane de Blonay.

    Il y a longtemps, bien longtemps... des annes avant le rgnede Teutobochus, lequel n'a jamais exist au dire d'aucuns, dessicles avant l'invention de la poudre canon par les Chinois dontl'empire s'tendait sur le globe avant l'apparition de l'homme dansl'Eden, au dire de l'historien Koung-Fu-Tse et du pote Li-Ta-P,trois soeurs vivaient en Chablais, dans la valle d'Abondance.

    Elles se nommaient Dana, Marianne et Germeline. On les disaitfilles d'un elf et d'une fe ; le peuple les accusait de se livrer lamagie, d'tudier la Kabbale et de pactiser avec l'ennemi de toutbien.

    Ces trois soeurs btirent un manoir au pied d'un rocher inacces-sible dans lequel tait creuse une salle immense, soutenue par despiliers de diamants dont les pidestaux taient de rubis, dalled'meraudes et domine par une coupole faite dans une seuleescarboucle. Cette salle servait leurs enchantements.

    Marianne et Dana disparurent un beau jour. Elles taientmortes, car elles ne participaient nullement de l'immortalit deleur mre. Germeline vcut la vie de dix hommes. Elle se mariaet vit mourir avant elle quatre gnrations.

    Il lui restait un arrire petits-fils, le seigneur de Lucinge, quivivait au chteau des trois soeurs, qu'on nommait le chteau deFternes ou des Trois-Fes. Lorsqu'elle vit que sa fin approchait,elle remit son descendant une clef et un parchemin.

    La clef ouvrait le passage qui faisait communiquer le manoiravec la grotte merveilleuse ; le parchemin contenait la conjurationcrite qu'il tait ncessaire de lire pour que la clef fit son office.Ayant ainsi lgu sa puissance aux ans de la maison de Lucinge,Germeline rejoignit ses soeurs au tombeau.

    Ce pouvoir magique tait chu vers le milieu du treizime sicle un vieillard dbile et presque idiot, mari la plus belle, laplus fire, la moins vertueuse des chtelaines d'alentour quibrlait d'tre matresse du fatal secret. Le vieillard eut la faiblessede lui en faire part et peu de temps aprs il mourait.

    Cette veuve, nomme, par des traditions incertaines, Aurore deLescales, cette veuve prit le deuil en satin couleur de rose. Elledonna ses gens juste le temps de remplacer les tentures noires quiavaient servi aux funrailles de la chapelle de Fternes par deblanches draperies et des guirlandes de fleurs.

    Puis elle pousa en grande pompe un pauvre gentilhomme

  • 110 LA TRADITION

    Rupert d'Arbigny, mcrant dont le seul nom faisait tremblermontagnards et paysans trois lieues la ronde.

    Ce mesquin sire, initi au secret de la caverne, possda bienttune puissance d'autant plus redoutable qu'elle tait oculte.

    A cette mme poque vivait en la province de Chablais, un gen-tilhomme cadet, de la maison de Blonay, qui descend des rois deNeustrie, lequel avait nom Raoul et venait d'pouser la fille uniquedu seigneur de Maxilly que lui avait long dispute Rupert d'Arbi-gny. Il avait pris pour devise :

    Toutes servir, toutes honorer, pour l'amour d'une.

    Et, il vivait heureux en son manoir, faisant le bien, aimant l'-glise, veillant au bonheur de ses vassaux. Le 28 juin de l'an 1290,Raoul de Blonay fut appel en toute hte au chteau de Fternes,bien qu'il ft en petite amit avec le mchant sire d'Arbigny. Il

    partit nanmoins, promettant sa gente pouse, dame Alix, d'trede retour le mme jour.

    Mais la dame d'Arbigny, aprs l'avoir toute la journe entre-tenu de prouesses guerrires, de son mari et des splendeurs de samaison, le voulut retenir, pour la fte de nuit qu'elle donnait,disait-elle, aux fes ses bonnes cousines. Ce fut en vain, et commeRaoul prenait cong de ses htes, madame Aurore lui dit avec unsourire malicieux : Sire chevalier, vous pourrez avoir vous enrepentir !

    Il ne se soucia nullement de cette menace plaisante, se mit enselle et s'en fut ; il n'atteignit qu' la nuit close sa fort de Maxilly.Au beau milieu du carrefour de l'Etoile, il se vit tout coup en-tour d'une multitude de chats. Il y en avait de blancs, de noirs,de gris, de jaunes, de tigrs, de toutes couleurs et de toutes tailles...Dix mille ! cent mille, peut-tre.

    Mais le bon chevalier avait guerroy en Palestine; il ne craignaitrien, hors l'ternel Ennemi du genre humain. Assur qu'il y avait,en ce fait extraordinaire, un sortilge, il recommanda son me Dieu, tira son pe et se mit frapper d'estoc et de taille, sans trveet sans relche.

    Un affreux concert de miaulements faillit l'assourdir. Mais, ilbatailla tant et si bien que la terre se couvrit de cadavres.

    Enfin, il atteignit un chat norme, roux, velu, aux yeux scintil-lants, d'un superbe coup d'estramaon; l'animal creva en poussantun hurlement lamentable; il eut le crne fendu... Aussitt les chatsdemeurs vivants, s'enfuyant dans toutes les directions, disparu-rent, et le sire de' Blonay entendit des milliers de voix humainescrier, gmir, hurler, glapir : Rupert est mort !

    Le chevalier se hta se traverser la fort, sonna du cor, fit leverla herse et baisser le pont, et il courut au retrait de dame Alix qui

  • LA TRADITION 111

    l'attendait, inquite, et lui raconta ce qui lui tait arriv dans lecarrefour de l'toile.

    Un mignon matou blanc couch sur un pliant auprs de la ch-telaine, dressa les oreilles au rcit de cette aventure, et lorsque lechevalier narra de quelle belle estocade il avait navr le chat roux,le chat blanc s'cria avec un accent de violente surprise : Rupertest mort!

    Puis il sauta par le fentre et disparut.Au mme instant, la fort que le lit d'un torrent dessch spa-

    rait seule du castel, s'embrasa. D'effroyables miaulements reten-tirent, et pendant quatre mortelles heures, on put croire que le cieltait aux prises avec l'enfer.

    Ces faits sont constats par un acte notari, dress le mme jouret sign par plus de deux mille tmoins auriculaires.

    Mais o est l'acte ? O est le notaire ?

    Or, vers ces temps, dit la chronique, advint l'aimable accommodement des diffrends survenus entre trs haut et trs puissant prince, monseigneur Loys de Savoie et l'vque de Lau- sanne ; et fut, le dit accommodement, fait et conclu en la tour d'Ouchy, mon dit seigneur de Savoie ayant pour siens pleiges donn l'vesque, Jehan de Mont, messire Thomas de Gruyre, Raoul de Montricher, Pierre de Valliens, Pierre du Pont, Guil- laume Ghastonnay, le vidame de Moudon et Pierre de Blonay. Or donc, ayant fait leur office, tous gens de plume, et les susdits huit seigneurs s'tant engags, foi de gentilhommes et par crit envers l'vesque, bien fallut festiver, jusqu' nuit close avec le prlat, lequel leur fit bonne chre en sa tour d'Ouchy.

    Vers la fin du repas, Pierre de Blonay, qui tait le frre an demessire Raoul, vit l'incendie de la fort de Maxilly, jeter un san-glant reflet sur le lac Lman.

    De toutes parts on criait : Au feu !... L'an de Blonay se jetadans une barque et arriva, un peu avant minuit, au port d'vian.De l, il courut Maxilly, tout d'une haleine, et fut effray, lui quin'avait jamais eu peur, de ce sinistre spectacle. Une foule immensecontemplait, muette d'effroi, le gigantesque embrasement : cesarbres dvors par les flammes, ce brasier d'o s'chappaient desgerbes d'tincelles.

    Messire Pierre pressa de questions les tenanciers, grangers, et lesmtayers de son frre. Tous lui rpondirent avec un accent d'pou-vante ahurie :

    Rupert est mort I Bon ! rpondit le chevalier, peu m'importe que Rupert soit

    mort ou vivant! Qui est-ce Rupert? Qu'ai je faire de Rupert?

  • 112 LA TRADITION

    Pourquoi n'allez-vous pas au secours de mon frre, vous, ses ser-viteurs ?

    Les hommes firent semblant de s'empresser, mais les femmesgmirent lamentablement :

    Rupert est mort ! Blonay tout esbouriff de colre traversa le torrent, passa

    le pont-levis, la barbacane extrieure, et fit irruption dans lemanoir.

    Dans la cuisine il vit, accroupie prs de l'tre, dame Gothon, lasuivante de sa belle-soeur. Il l'interrogea courtoisement.

    La bonne vieille ne lui laissa pas le temps d'achever et s'criacroassant comme une corneille de cimetire :

    Rupert est mort !Devant la chapelle, le chevalier rencontra dom Pacifique, le cha-

    pelain, qui murmura, d'une voix sourde : Mortuus est Robertus ! Dans la salle des Aeux, il vit le petit page, Myrtil, cheval sur

    la balustrade d'une fentre, jambe de ci, jambe de l, les cheveuxau vent, la mine effront et hardie.

    L'enfant coutait le ptillement des flammes, le bruissement duvent, le grondement de la multitude, et paraissait se divertir infi-niment du spectacle de l'incendie. Il jeta un regard moqueur sur lefrre de son matre, fit claquer ses doigts au-dessus de sa tte, mon-tra ses dents blanches en un joyeux clat de rire, et chanta d'unevoix claire :

    Rupert est mort ! Puis, comme deux heures sonnaient au beffroi du manoir, un

    clair livide s'tendit comme une bannire dans les airs, laissantlire ces mots dessins en flammes bleues dans l'espace :

    Rupert est mort. Le coq chanta.Une clameur formidable compose de mille cris aigus, effroya-

    bles, stridents, retentit soudain.Une voix qui paraissait sortir des entrailles de la terre vocifra

    d'un ton lugubre : Rupert est mort ! Et tout retomba dans le silence ! Et les flammes s'teignirent

    sans avoir rien consum, laissant aux arbres leurs feuilles, auxfleurs leurs ptales, a la terre son manteau d'herbe

    Aprs quoi messire Pierre et messire Raoul furent tous deuxtrs heureux, et eurent tous deux beaucoup d'enfants.

    Rupert d'Arbigny, qu'on trouva le crne fendu au carrefour de'toile, dans la fort de Maxilly, fut enterr, sans crmonie, au

    pied d'un chne. La veuve de ce rprouv prit le voile en quelque

  • LA TRADITION 113

    monastre du pays de Savoie, et jamais plus on out parler d'elle.Quant au secret de cette lgende, qui n'a ni commencement ni

    fin, il est sans doute enferm avec les merveilleux trsors des fes,au fond de la grotte de Fternes que tous les touristes des bordsdu Lman vont visiter.

    Je l'ai narre comme elle me fut conte un matin d't, sur le

    grve, par un vieux bonhomme en cheveux blancs, qui faisaitscher ses filets au soleil,

    CHARLES BUET.

    EN REVENANT DES NOCESAllegro non troppo

    IIPour moi je ne l'ai gure

    Au bord d'une fontaine Mon ami m'a laisse.Je me suis repose ; La la la.L'eau me parut si claireQue je me suis baigne. VI

    La La La. Pour moi je ne l'ai gureIII Mon ami m'a laisse,III Pour un bouton de rose

    L'eau me parut si claire Que j'lui ai refus.Que je me suis baigne ; La la la.Avec une feuill' de chneJe mesuis-t-essuye. VII

    La la la. Pour un bouton de roseIV Que j'lui ai refus.IV Je voudrais que la rose

    Avec un' feuill'de chne Ft encore au rosier,Je me suis-t-essuye: La la la.Sur la plus haute branche,Le rossignol chantait. VIII

    La la la. Je voudrais que la roseV Ft encore au rosier,V Et que mon ami Pierre

    Chante rossignol, chante, Ft encore m'aimer.Puisque t'as le coeur gai; La la la.

    Chanson recueillie par CHARLES DE SIVBY.

  • 114 LA TRADITION

    La CHANSON DE MARGUERITEDANS LE FAUST DE W. GOETHE

    Dans la premire partie de Faust, dans la scne o Marguerite est en-ferme en prison, quand Faust se rend auprs d'elle tenant la main unpaquet de clefs, au moment o il arrive devant la porte de fer de la pri-son, Marguerite entonne la cantilne qui suif:

    Mein Mutter die Hur, C'est ma mre la prostitue,Die mich umgebracht hat, Qui m'a tue,Mein Vater der schelm, C'est mon pre le brigand,Der mich gessen hat, Qui m'a mange,Mein Schwesterlein Idein, Ma petite soeurHub auf die Bein, A dpos mes osAn einem Khlen Ort. Dans un lieu frais,Da ward ich schnes Waldvgelein. Me voil maintenant devenu unFliege fort ! Fliege fort ! joli petit oiseau des bois-

    Voie au loin ! vole au loin !

    Au premier abord, on est port croire que les paroles de cette canti-lne ont t inspires par la folie la pauvre Marguerite ; mais, en y r-flchissant, il est ais de reconnatre la fausset de cotte opinion, ainsi

    que l'inexactitude de l'hypothse que Goethe, ayant entendu une petitechanson franaise analogue, l'aurait fait rpter Marguerite dans saprison. Il semble, au contraire, bien plus probable que l'auteur ait en-tendu raconter un petit conte populaire allemand, dont cette cantilnefait partie, et que c'est de l qu'il a pu la tirer (1).

    Il est dit dans ce conte (2) qu'un jeune homme fut tu par sa martre,coup en morceaux et donn manger son pre. La jeune soeur dumort runit pieusement ses os, et les enterra au pied d'un genvrier.Maisvoil qu'un nuage se forme autour de l'arbre ; de ce nuage se dtacheune flamme, et il en sort un charmant petit oiseau (3) qui voltige dansles airs en chantant :

    Mein Mutter der mich schlacht, C'est ma mre qui m'a tu,Mein Vater der mich ass, C'est mon pre qui m'a mang,Mein Schwester der Marlenicben, Ma petite soeur MariannineSucht alle meine Benichen, A runi tous mes petits os,Bindt sie in ein seiden Tuch, Les a envelopps dans un drap de soie,Legts uter den Machandelbaum. Et dposs aux pied d'un genvrier.Kywit. Kywit, wut vor'n schoon Vogel on ik. Kywit, Kywit! Et maintenant me

    voici devenu un charmant petitoiseau.

    La simple comparaison de la cantilne de Faust avec celle-ci en montrel'troite affinit, et l'on peut srement conclure que celle-l vient docelle-ci.

    De ce conte germanique sont sorties une foule d'imitations tant en Al-lemagne qu'ailleurs.

    Les frres Grimm, dans une note sur le conte prcit, mentionnent deuxvariantes recueillies par eux, et une autre trouve, au contraire, parMeyer. Des deux premires, l'une est de Mone du Palalinat, et l'autrehessoise ; celle de Meyer est souabe.

  • LA TRADITION 115

    Voici maintenant les versions de la cantilne de Goethe dans cescontes ; la Monse est en langue vulgaire :

    Mei Moddr hot mi toudt g'schlagen, Manire ma gorg,Mei Vaddr bot mi gesse, Mon pre m'a mang,Mei Schwester hot mi hinausgetragen, Ma soeur m'a enleve,I bin doch noh do ! Nanmoins, je suis encore ici !Kiwitt ! Kiwitt ! Kiwitt ! Kiwitt !

    La Hessoise : Meine Mutter Kocht mich, . Ma mre m'a fait cuire,Mein Vater ass mich, Mon pre m'a mang,Schwosterchen unterm Tische sass, Ma petite soeur tait sous la table,Die Knchlein all all auflass, Elle a ramass tous mes petits os,Warf sie bern Birnbaum hinaus, Et les a jets sur un poirier,Da ward ein Vgelein daraus, L je suis devenu un petit oiseau,Das singet Tag und Nacht. Qui chante jour et nuit.

    La Souabaise, dans E. Meyer (Volksmrchen aus Schwaben, no 2) : Zwich ! Zwich ! Zwich ! Zwich !Ein schnes Voglein bin ich, Je suis un charmant oiseau,Mein Mutter hat mich Kocht, Ma mre m'a fait cuire,Mein Vater hat mich gesst. Mon pre m'a mang.

    Sans la notice des frres Grimm sur les contes susdits et leurs diff-rentes versions, il est certain qu'on ne comprendrait gure la cantilnede Marguerite, ni la chanson analogue d'une nouvelle populaire cos-saise, dans laquelle un enfant sous la forme d'un oiseau, gazouille enchantant : Pew, wew, pew,wew (pipi wivi) (4) Pew, wew, pew, wew,My minny me slew. Ma mre m'a tu.

    Dans les Popular Rhymes of Scotland, de Chambers, se trouve un rcitintitul : Le pigeon blanc comme lait; cet oiseau n'est qu'un enfant tu parsa mre, apprt et cuit pour le dner du pre. Dans ce conte, l'oiseaumystrieux chante galement :

    Pion! pion I Ma mre m'a tu, Mon pre m'a mang, Ma soeur aramass mes os, El les a placs entre deux pierres blanches comme lait ; Etje suis devenu, devenu, Un pigeon blanc comme lait, Et j'ai dploy mesailes, et je me suis envol. (5)

    Dans un conte populaire du sud de l'Afrique (6) un homme, tu par sonfrre par jalousie, est galement chang en oiseau.

    Dans la France mridionale, surtout en Provence, il est assez communde voir que les contes populaires ne diffrent gure de ceux que nousavons mentionns; dans l'une de ces nouvelles, le coeur de l'homme tuest chang en un oiseau, qui chante :

    Ma mairastro, Piquo pastro, M'a boulil, Et perboulit, Mounpaire,lo lauraire; M'a manlsal, E'ronsegal, Ma surolo, La Lisoto, M'a plourat. E souspiral. Tsous un albre, M'a enlarrat. Riou, tsiou,tsiou ! Encaro, sou, biou.

    (Sur ce conte, voyez Le Globe, anne 1830, n 146).Une variante de ce conte, qu'on lit dans l' Armana prouvenau de 1863,

    page 25, prsente ces variations de certains vers : Dins la mastro ; Puis m'a deli ; Pii fa bouli. M'a manja. E ma-

    slega. E pieu, pieu ! Encaro siu viu I Dans Blad (Contes populaires de la Gascogne, vol. 1, II, n 7, La Martre),

    l'oiseau mystrieux chante ainsi :

  • 116 LA TRADITION

    Mairastro Piquo-pasto. Mes ne piquo, mes ne goasto. Tant depicquos. Tant de micos. M'a bourit, E rebourit. Riu, chiu, chiu, Soui encoro biu.

    Une variante tronque de celte cantilne gasconne nous est donne parLambert (page 104), dans ses Contes populaires du Languedoc ; la voici :

    Mairastro, pico paslo. Quan mes ne pico, mes ne gasto. M'a chacal erousegat. Ma sourelo m'a plourat. E souspivat.

    Dans M. Paul Sbillot, (Littrature orale de la Haute-Bretagne, IV, II ;Contes d'enfants, 11 2 : Les petits souliers rouges), l'enfant tu est mis cuire dans la marmite ; mais une voix dit la soeur, que sa mre invite souffler le feu :

    Petit feu, ma petite soeur ! Petit feu, ma petite soeur!

    A la porte un oiseau perch sur une branche de pommier cependantchante ainsi :

    Tu cuis ton petit frre;Tu cuis ton petit frre.

    Pour des variantes trs ressemblantes, voir : Sbillot, Contes populairesde la Haute-Bretagne, n 60 : Les souliers rouges. Dans la Littrature oralede la Picardie, de M. Henry Carnoy (deuxime partie, II, 1104, La mrecruelle), l'os de l'enfant tu dit:

    Ma mre m'a tu, Mon pre m'a mang, Ma soeur m'a mis dans unmouchoir sacr : Malheur ma mre qui m'a tu !

    Dans la tradition populaire du Brsil (7), prs d'un figuier o la cruellemartre a enterres vivantes, en l'absence de son mari, ses deux bellesfilles, une voix sort des racines.d'un arbrisseau, n des cheveux des deuxfilles enterres, et se lamente ainsi, tandis qu'un esclave essaye de lacouper avec une faux :

    Capinheiro de meu pai, No me cortes os cabellos; Minha mai mepenteava, Minha madrasta me enterrou. Pelo figo da figueira, Que Opassarinho picou.

    Les variantes portugaises de cette cantilne, qui se trouvent dans Theo-philo Braga (Contos tradicionaes do povo portuguez, n 27 : O figuinho dafigueira), et dans Adolpho Coclho (Contos populares portugueses, no 40 : .4menina e Ofigo) sont les suivantes :

    Variante de Braga : Variante de Coelho : No me arranques meu eabello,

    No mecarranquem os meus cabellos, Que minha me m'o croou,Que minha mq os creou, Meu pae m'o penteou,Minha madrasta os enterrou, Minha madrasta me enterrou;Pelo figo da figueira Pelo figo da figueira,Que O milhano levou (8). Que O passarinho levou.

    Dans un petit conte populaire catalan d'Uldecona, province de Tarra-gone, conte intitul Ursuleta, rapport par Manuel Sales y Ferr, dans larevue andalouse de Sville, El Folk-Lore andaloux (4e fascicule, n de juin1882, page 105), il existe une cantilne qui ressemble par la forme laprovenale et la germaine, pour ce qui a trait au chant habituel del'oiseau mystrieux, et l'onomatope plusieurs fois mentionne en alle-mand, en anglais, en franais, sur cette cantilne.

    Chirri, chi, chi, chio Ya soy muerto, ya soy vivo. Mi madrastra me

  • LA TRADITION 117ha malddo. Mi padre se me ha comido. Mi hermana Ursuleta. Me ha llo-rado y suspirado. Y los huesos me ha recogido.

    Dans Joseph Pitre (Fiabe, Novelle e racconti popolari della Sicilia, tomeIV, addition aux variantes et aux rcits), conte palermilain, no 79, Leroi de Naples, il est dit galement qu'un beau fils tu par sa martre etprsent par elle pour le diner de son mari, devient un oiseau qui, le len-demain, sort sous cette forme de dessous la terre o la soeur qui n'a-vait pas voulu manger de sa chair l'avait pieusement enseveli aprsavoir runi ses os. L'oiseau chante l'onomatope habituelle :

    Piu, piu, piu, Piou, piou, piou,M matri mi cuciu, Ma mre m'a fait cuire,M patri mi mangiau Mon pre m'a mang,M soru nu ni vosi, Ma soeur n'en a pas vouluMi misi dintra la fossa (?) Elle m'a mis dans la fosse.Piu, piu, piu. Piou, piou, piou.

    Une variante napolitaine de ce petit conte, ainsi que d'une cantilneanalogue, est insre dans le recueil de Franois Corazzini : Petit recueilde littrature populaire italienne, livre IV, conte no 16, Giovanniello et Ra-ziella. Dans ce conte, le mystrieux petit oiseau chante :

    Tata, tata u lungarone, C'est le papa, papa, le nonchalantChe faceva ogni boccone, Qui en faisait chaque bouche,Sora, sora, Raziella C'est la soeur, soeur, Raziella,C'aunava l'ussicella Qui recueillait, les petits os,E metteve u pizziticllu, Et plaait de ct les petits morceaux,Zi Zi Caurariello. Zi Zi Caurariello.

    En ce qui concerne d'autres variantes trangres au conte qui prcde,lequel a manifestement une troite connexion avec celui de l'oiseau Paon ouGrifon, dont on a d'innombrables rcits italiens ou trangers, voir : Ba-ring Gould, Curious Myths of the middle ges ; l'appendice l'ouvrage deEd. Henderson : Notes on the Folk-Lore of the Northern counties of Englandand Borders. M. Gould rapporte ici une variante du Devonshire (et autresde la partie septentrionale de l'Angleterre, ainsi que des ctes et parti-culirement, parmi les pays trangers, de la Grce et de la Hongrie) ana-logue au conte prcdent.

    Pour d'autres contes du mme genre, voir les notes des frres Grimm,aux nos 28 et 45, des Kinder und Hausmaerchen..., ainsi que les notes ces rcits du professeur Flix Liebrecht dans la revue allemande Germa-nia (1857).

    (1) Ce conte se trouve dans les frres Grimm : Kinder und Hausmaerchen,no 47, Der Machandalboom, (Le genvrier).

    (2) Rminiscence altre du mythe hellnique d'Atre.(3) Symbole de l'me ; dj Platon reprsentait aile l'me raisonnable.

    Suivant Buonarroti (Observations sur quelques fragments da vases) dans lesanciens monuments, pour reprsenter l'me, non seulement on y voit unejeune fille aile, mais souvent un papillon. Cfr. les vers suivants du Dante,24-26, Purgatoire, X :

    Non s'accorgete voi che noi siam venniNati a formar l'angelica farfallaChe vola alla giuslizia senza schenni ?

  • 118 LA TRADITION

    Vedi pure, E. Cosquin, Contes populaires lorrains, n 57 : le Papillonblanc). Mme chez les Egyptiens, au dire de Maspero (Revue critique, 30 nov.1872, p. 340), l'me justifie pouvait, selon le Rituel funraire, prendre laforme d'un pervier d'or, du Phnix, de la Grue, de l'Hirondelle, et ainsi desuite. Mais, ajoute l'illustre gyptologue, prendre ces formes, ne dnotepas que l'me humaine passe dans le corps de la brute. Chacune de cesfigures que prenait l'esprit n'indiquait rellement que la comparaison del'me humaine l'Architype divin qui la reprsentait. Les trangers ainsique les compilateurs des livres hermtiques, se laissaient aisment tromperpar ces changements de forme.

    (4) A propos de cette onomatope du chant des oiseaux, je me souviensd'une cantilne populaire indite de Morozzo, onomatapique du gazouille-ment de l'hirondelle, dans lequel elle parle ainsi de son vol rflchi :

    Sun and, sun avgniia, Tania roba t'eu purt, Casa t'n 'as fat faciada sbi...ri?

    A propos de ces onomatopes, il est bon de rappeler galement les versde deux potes franais, l'un ancien, l'autre moderne, sur le chant de l'a-louette et du rossignol, rapports dans le onzime de ses XII Conti Pomiglia-nesi du regrett Vittorio Imbriani (page 260).

    Les premiers de Du Bartas (extraits de la premire semaine) sont les sui-vants :

    La gentille alouette, avec son tire-l'ire Tire l'ire l'ire, et tire-lianttire (sic) Vers la vote du ciel, puis son vol vers ce lieu Vire et dsiredire, adieu, Dieu, adieu, Dieu (sic).

    Voici maintenant le chant du pote moderne : Un rossignol chantait, sous la feuille. De son chant j'crivis ce peu

    sous sa dicte; De son chant mlodieux, plus agrable au coeur Que leplus doux parfum de la plus belle fleur. Ti, ti, ti, ti, pipit, tossit...Ihp, ti, ti, ti, ti, ritz. Ihp, lcho-tcho-tcho-tchou,psit. Tcharry,tcharry, tcharry, tcharrit. Tchi, tio, tio, tio, tio-tiossi. Koui, trrrrr-rrrrvrrrrt ! !!

    (5) Loys Brueyre, Contes populaires de la Grande-Bretagne, Paris, Ha-chette, 1875 ; Conte LXXI, p. 294-295.

    (6) Kletkes, Mrchensaal, III, 487.(7) Cf. Sylvio Romro, Contos populares do Brazil, no XVI : A madrasta

    (Sergipe) ; Celse de Magathes en a aussi recueilli une version dans la tra-dition de Maranhs.

    (8) Ces mots sont profrs par une voix sortant d'un rosier n surla tombe d'une jeune fille enterre vivante, et qui parle au pre tandis quecelui-ci se dispose couper ses jolies fleurs. Voir l'Episode de Polydoredans Virgile (Enide, ch. III, v. 22 etc), et celui de Pier delle Vigne dansl'Enfer du Dante, ch. XIII, V. 33 et suiv.

    Dr STANISLAS PRATO.

    Fano, le 9 juin 1887.Traduction de M. Antoine-Lucien Ortoli.

  • LA TRADITION 119

    LES SORNETTES DE MA GRAND'MRE(CONTES DU BAS LANGUEDOC)

    I

    JEAN-JEANNOT

    Pitchou, fas attention,? coummenci. (1) C'est toujours par cesmots en langue d'oc que dbutait la vieillemamette (2).

    Pierre-Marie, dit le tambour, un brave travailleur de terre et safemme, Jacqueline, avaient un fils dont l'esprit mal veill, malgrses douze ans bien sonns, les rendait fort chagrins. Le matre d'-cole essayait vainement d'apprendre alphabet et chiffres au petitJean. Rien n'y faisait. Jean grandissait vue d'oeil, ainsi que mau-vaise herbe, mangeait comme quatre, dormait comme une mar-motte, tournait ses pouces clans l'entre temps des repas et du som-meil, mais continuait ne rien savoir, ni lire, ni crire, ni compter.Il fut renvoy de l'cole et ses parents, trs ennuys, durent pren-dre le parti de le garder avec eux : ils l'occupaient aux petits tra-vaux de la maison.

    Un jour, son pre ayant achet un petit cochon de lait, dit Jean.

    Cours au march et dis au porcher de te donner le poueloun :tu me l'amneras.

    Jean va au march, trouve le porcher, rclame le poueloun etl'amne. Mais voici qu'aprs avoir trottin un brin, l'animal entts'obstine ne plus vouloir avancer en dpit des remontrances etdes coups de pied. Jean s'irritait.

    Alors se souvenant du vitrail de la vieille glise qui reprsentaitson patron, le petit saint Jean, portant l'agneau pascal sur sespaules, Jean trouve l'ide excellente, ne fait ni une ni deux, et

    charge lui aussi son cochon de la mme manire, et le voil parti,tout gaillardet. Hlas! mal lui en cuit...

    En arrivant la maison, le pauvre Jean avait une oreille et lesmains en sang et des gratignures sur toute la figure.

    Jacqueline tait dsole. Ah ! quel malheur ! disait-elle.Et le pre de le bousculer : Sacr bta ! tu aurais d, puisqu'il ne voulait pas marcher,

    l'attacher par le cou et le traner.

    (1) Petit, prtes-tu l'oreille ? je commence.(2) Grand'mre.

  • 120 LA TRADITION Je le ferai une autre fois, rpondit Jean, en pleurant de

    peur d'tre battu.Et Jean tint parole.A quelque temps de l, l'poque o les mnagres prparent

    pour l'hiver leur confiture de raisin, Jean, envoy en commissionchez un ami du Tambour, au bout du village, pour emprunter ungros chaudron de cuivre, le trana tant et si bien sur les cailloux dela route, que l'infortun chaudron en fut tout bossel et crev parparties ainsi qu'une pole marrons.

    Ah! mon Dieu... qu'as-tu fait encore? cria Jacqueline enlevant les bras au ciel. Me crever ainsi un beau chaudron neuf!...Fainant, tu n'est donc pas assez fort pour le porter sur tonchine.

    C'est mon pre qui m'avait recommand de le traner !... Jean n'en faisait jamais d'autres, et voil pourquoi au village de

    Corneilhan on l'avait surnomm Jeannot.Clic, clac, moun cont es acabat (1) . C cest par ces mots que

    grand'mre terminait invariablement les contes qu'elle me disait lesoir, la veille, en tricotant, les pieds sur les chenets, tandis quele vent de dcembre sifflait sa chanson aigre dans les rues noires etdsertes du Bziers d'il y a plus de trente ans bientt.

    LOPOLD DAUPHIN.

    LA RETRAITE ILLUMINE D'AUXERREAu commencement de ce sicle, quelques Auxerrois imaginrent une

    rjouissance fantaisiste trs borne, qui, peu peu, est parvenue prendreune grande importance. C'est la fte connue sous le nom de Retraite il-lumine d'Auxerre.

    La Retraite illumine n'a lieu que tous les cinq ans, d'ordinaire auprintemps, parfois en t, par une belle nuit sans lune. Six mois l'a-vance, on en commence les prparatifs.

    L'une des plus curieuses retraites illumines a t celle qui fut donnedans la nuit du 25 au 26 juillet 1857. Elle a t dcrite par Sommervilledans le feuilleton du journal l'Yonne, du 29 juillet, et par AlexandreDumas pre, dans le Monte-Christo du 20 aot suivant.

    La dernire fte illumine d'Auxerre a eu lieu dans la nuit du 20 au 21mai 1882. On peut, sans exagrer, valuer soixante mille le nombre descurieux qu'avait attirs cette fte ferique.

    Qu'on nous permette d'en rendre compte tout bonnement en suivant lesnotes que nous avons prises cette nuit-l.

    (1) Clic, clac, mon conte est achev.

  • LA TRADITION 121

    Il est dix heures du soir ; les toiles brillent dans le ciel sans nuages...Soudain, tambours et trompettes retentissent ; un murmure joyeux s'-lve dans la foule.

    La voici! la voici ! crient des milliers de voix.Les lumires des maisons s'teignent subitement. C'est la nuit noire...

    Mais voici un clair,un blouissemeat. La Retraite fait son entre dans labonne ville d'Auxerre.

    Voici des personnages allgoriques, des fantassins, des cavaliers, deschars, des palanquins, des carosses... Tout, tout, costumes, coiffures,casques, boucliers, drapeaux, chevaux, harnachements tout est illumin,tout brille, tout tincelle, sans qu'on puisse voir le foyer qui illumine cesmerveilleux dcors.

    Nous notons au passage :Des Cavaliers Japonais avec boucliers, trompettes et drapeaux ; les

    Sapeurs de la grande Arme ; un Tambour-Major, les tambours et claironsde zouaves ; la Pagode de l'empereur de la Chine, avec des musiciens chinois,trane par huit chevaux et qui n'a pas moins de 7 mtres de long sur lade hauteur ; la Princesse des Mauresques en palanquin ; la Fin deMardi-Gras (c'est Polichinelle ramen en brouette) ; le Marchand d'Ou-blis, (on ne voit que la bote) ; des Acrobates; un Saltimbanque et leThtre de Guignol ; les Hrauts du Prince Charmant ; le Carrosse et leCortge de Cendrillon se rendant au bal ; le Prince Charmant et son es-corte de princes et de grands seigneurs: une Voiture turque; leTemple d'Osiris (14 mtres de haut) ; le Dpartement de l'Yonne et sescinq arrondissements ; le Concours rgional ; des Tambours et desClairons ; la Musique pied ; des Fantassins ; une Bouquetire etses deux enfants; Dame Jeanne sur son ne ; Joseph Prudhomme ; le Marchand de Chaussons ; une Fruitire ; une Marchande de Lgu-mes ; les Pompiers ; un Instrument gnant (une contre-basse) ; lesVignerons ; un Tonnelier (on ne voit que le tonneau et la fiole); leChar allgorique de la ville d'Auxerre ; un Char d'enfants, promenadedes Amours sous Louis XV ; les Vignes animes ; le Char du triomphede Bacchus ; un Char indien (13 mtres de haut) ; un Triomphateurromain ; le Bucenlaure, mariage du doge et de l'Adriatique (ce char a 14mtres de haut et 12 mtres de long; il est tran par dix chevaux et ilcontient quatre-vingts musiciens'.

    La Retraite illumine offre un dveloppement de sept ou huit centsmtres. Toutes les pices, d'un grand got artistique, sont l'oeuvre desAuxerrois.

    Dessins, costumes, armes, ciselures, dentelures, dcoupures, fleurs,oiseaux, arabesques, peintures, toffes, effets de lumire, paysages, pers-pectives, tout est trait avec une lgret de main, une finesse de touche,une science des dtails et de l'ensemble, qui fait le plus grand honneuraux artistes.

    Nous ne pensons pas qu'il existe ailleurs un spectacle aussi orignal quecette magnifique Retraite illumine d'Auxerre.

    MAXIME LORIN

  • 122 LA TRADITION

    LA PIERRE TREMBLANTE DE FAIRDHUTRADITION COSSAISE

    Les Mac-Gwenlyne, descendants du clbre clan de ce nom

    possdent depuis des sicles, dans le nord de l'Ecosse, le vieux ma-noir de Fairdhu.L'entre principale de ce manoir est forme par unehaute vote ; la pierre qui sert de clef cette vote, dit la lgendepopulaire, se met trembler lorsqu'un membre de la famille desGwenlyne doit mourir.

    Alors, par la lande et les bruyres voisines, on voit vaguementerrer les fantmes des nobles lairds de Gwentyne, draps dans leurstartans et tenant la claymore dans leur main droite. Parmi cesspectres, on reconnat une ombre sans tte ; c'est celle d'Allan Mac-Gwenlyne qui fut dcapit et qui tient son chef de la main gauche.Et toutes ces ombres, tous ces fantmes des lairds du vieux clandes Gwenlyne se lamentent au clair de lune, rptant que bienttle vieux manoirsera en deuil, et qu'un noble laird les aura rejointsau sjour des morts. Puis les spectres poussent un grand cri, lapierre de la vote s'agite violemment, et les fantmes disparaissent l'instant prcis o meurt le Mac-Gwenlyne.

    D'aprs une vieille prophtie cossaise, le jour o la pierre tom-bera, le nom de Gwenlyne s'teindra.

    ROBERT MAC-GWENLYNE.

    A TRAVERS LES LIVRES ET LES REVUESI

    LA CHEMISE DE NOL.

    La fte de Nol tait autrefois clbre en grande pompe Rome.Sainte-Marie-Majeure passe pour possder les reliques de la Sainte-Crche. Pie IX avait institu des ftes imposantes que l'on dutabandonner cause des ivrognes qui transformaient en bacchanaleset en orgies les prires et les crmonies. Depuis 1853, on a fermles portes de Sainte-Marie-Majeure, et l'office se fait huis-closdans la chapelle Sixtine.

    Nous extrayons d'une correspondance du Soleil ces bien curieuxdtails sur une croyance des paysans de la campagne romaine :

    Que dans un village il y ait quelque paysan, dvor pur les fivres, agoni-sant dj, un miracle peut le sauver, la veille de Nol, et ce miracle a pourprincipe la charit. Ds le matin, tous les membres de sa famille se rpandentdans la campagne, et, venant frapper la porte des riches du voisinage, ils

  • LA TRADITION 123

    se font donner de ci de l, quelques poignes de chanvre, pour l'amour deDieu. Si, quand l' Anglus sonne, la rcolte est assez abondante, on se runitautour du foyer du mourant et les femmes se mettent battre le chanvre, lefiler, le tresser, et lorsque le fil est fait tisser la toile. Enfin la trame estfaite, il reste la tailler, la coudre, et ce chanvre tout l'heure peine pr-par se sera transform, avant minuit, en une chemise que le malade devramettre. Alors le salut est certain et les assistants heureux et confiants dansl'avenir unissent dans un alleluia leurs prires la Divinit cleste.

    Mais quelle fivre, quelles angoisses avant d'atteindre le rsultat dsir.Et du fond de son lit, le malade voit se drouler devant ses yeux cette fan-tasmagorie de femmes qui vont, viennent et s'agitent, silencieuses, clairespar les reflets rougetres de la flamme crpitant dans le foyer. Malheur aupauvre moribond, si les embches de l'esprit malin font avorter la tentative :car Satan, se mlant la tempte, qui gronde au dehors, entreprend parfoisde lutter contre l'oeuvre bienfaisante ; il souffle travers les fentes de la ca-bane disjointe, teint le feu et la lumire, cache les ciseaux, brise les aiguilles,grossit le fil et mle les cheveaux. Alors minuit sonne et la chemise est ina-cheve ; et, dans le silence de la nuit noire, les assistants plors entonnent leDe Profundis et les prires des agonisants. Car le mal a triomph dans lalutte et tout l'heure le moribond exhalera le dernier soupir.

    Quelle posie et quelle saveur particulire dans cette coutume qui sent bienson terroir. Mais le progrs est un grand dmolisseur de lgendes. Qui donc,dans cinquante ans, peut-tre, se souviendra encore de la Chemise deNol ?. .

    II

    CONTES ET CHANSONS POPULAIRES DU BRSIL.

    Dans le numro du 25 dcembre 1886 de la Revue politique et litt-raire, M. Lo Quesnel a consacr un long article aux Conlos et auxCantos populares do Brazil, que le Dr Sylvio Romero a publis der-nirement avec une introduction du traditionniste portugais bienconnu, M. Theophilo Braga.

    M. Theophilo Braga fait cette remarque juste que les traditions subsistentplus longtemps et se retrouvent plus intactes dans les villages que dans lesvilles, dans les provinces que dans les capitales, dans les colonies que dansles mtropoles. Les plus riches traditions potiques de l'Italie, les contes lesplus dors et les plus nafs de son enfance se conservent encore en Sardaigne,en Corse, on Sicile, tandis qu'ils sont perdus Rome, Florence et Naples. C'estdans les colonies d'migrants d'Arkhangel en Carelie, en Laponie, en Sibrie.que l'vque Porthau a trouv, en 1786, do quoi faire sa moisson de posiesnationales finlandaises ; de mme, c'est aux Aores. c'est Madre que l'ongarde le mieux, comme un prcieux trsor, le vieux romancero portugais. C'estde la bouche d'une dame de Goa que Silva a recueilli la Dunzella guerreira la damoiselle guerrire J, qu'il a pris pour thme de son pome, l'Hroned'Aragon. Le Brsil, cela va sans dire, ne saurait tre un gardien moins fidledes traditions potiques de la mre-pairie. Les chants populaires du Brsil, ditM. Braga, sont le dpt sacr de la vie morale et intellectuelle du Portugal,transmis par lui jadis ce pays nouveau.

    L est certainement leur principal intrt ; mais ils en ont aussi acquis unautre : sur ce vaste territoire o se trouvent runies les trois branches vrita-blement distinctes de la famille humaine, la race blanche, la race jaune et la

  • 124 LA TRADITION

    noire, ils ont acquis, dans l'ordre du sentiment, des caractres particuliers. On

    y sent l'hrosme primitif dos Portugais combin avec l'instinct dur des indi'

    gnes des bords de l'Amazone et le sensualisme des noirs de la cote. Dmlerces lments est un sujet intressant d'tude, et retrouver vivantes les vioillosmoeurs de la Lusitanio l'est encore davantage.

    Aprs ces observations, M. Lo Quesnel cite quelques chan-sons populaires fort intressantes, que nous regrettons de ne pou-voir donner ici cause de leur longueur. Puis, pour terminer :

    Ces deux volumes de chants populaires sont des trsors. Il en est do mmedu volume des Contes. Celui-ci n'est encore qu'un premier coup do piochedonn dans un riche filon. M. Romero nous prvient lui-mme que les rcits

    populaires qui ont cours au Brsil sont beaucoup plus nombreux que l'on ne

    pourrait le croire d'aprs la collection forme par lui. Il a voulu seulemontnous montrer ce qu'il y avait l do richesses oublies. Pour nous mettre mme d'en mieux distinguer la double source, il a. spar les rcits d'origineeuropenne de ceux d'origine indigne. Et c'est chose charmante de voir l'es-prit humain se mouvoir ainsi dans sa simplicit primitive et dans des milieuxsi compltement diffrents. Les notes et commentaires dont M. Sylvio Romeroa fait suivre les Contes populaires du Brsil donnent cette publication agra-ble une valeur scientifique.

    Nous n'ajouterons que cette observation. Les publications dansle genre de celles de MM. Sylvio Romero et Th. Braga sont des plusintressantes ; mais l'intrt scientifique ne serait-il pas plus grandsi quelque chercheur s'occupait de recueillir les traditions desIndiens Tupinambas et Botocoudos des bords de l'Amazone comme l'avait d'abord tent le DeHartt, et aussi celles des Ngreset des Mtis du Brsil, ainsi que l'a fait, par exemple, pour lesIndiens de l'Amrique du Nord,, l'auteur de Uncle Remus, et, tout der-nirement, M. Emile Petitot ?

    C DE WARLOY.

    BIBLIOGRAPHIEContes populaires des Provenaux de l' antiquit et du moyen-ge,

    par L.-J.-B Brengcr Fraud (1 v. pet. in-12, dans la Collection des Contes etChansons populaires, dite par Ernest Leroux). Ce volume, le onzime dela collection, est particulirement remarquable en ce qu'il dnote la fois chezson auteur non seulement un grand amour du traditionnisme, mais une remar-quable rudition spciale, et une patience de recherches peu commune. Il se diviseeu cinq parties relatives la priode Phnicienne, la priode Celto-lygienne, la priode Massaliote, la priode Gallo-romaine et la priode du moyen-ge. Trente-sept contes ou lgendes locales dont quelques-uns trs curieux etinconnus jusqu'alors, forment le fond do cet ouvrage que tous les Folk-loristes,tous ceux qui s'occupent de l'tude du pass et des traditions qu'il nous alaisses, liront avec plaisir et avec fruit. Chaque priode est prcde d'unetude o l'on reconnat une plume comptente. Le seul reproche que nousaurions formuler contre ce recueil est relatif un dfaut que l'auteur a lui-mme reconnu, lorsqu'il dit, plusieurs reprises, que le peu d'tendue duvolume l'empche d'aborder certains dveloppements curieux... Nous esp-rons que ces dveloppements trouveront leur place dans un autre prochainvolume.

    CHARLES LANCELIN.

  • LA TRADITION 125

    Comte Goblet d'AlvielIa. Histoire religieuse du Feu. 1 vol. in-8de 109 pages ; Tome 173 do la Bibliothque Gilon. Verviers (Belgique), 1887.Bibl. Gilon, 11, Pont St Laurent (0 fr. GO).

    Nous rendions compte dernirement de l'Introduction l'Histoire des Reli-gions, de M. G. d'A., et nous exprimions le regret de ne trouver dans ce volumequ'un sommaire, excellent du reste, du cours profess l'Universit de Bru-xelles par le savant mythographe belge. M. G. d'A se proccupe en ce momentdo combler cette grave lacune. Ainsi il vient de publier une Histoire religieusedu Feu qui sera lue avec le plus grand intrt non seulement par ceux quis'occupent do l'histoire dos religions, mais aussi et surtout par les traditionnis-tes. Nous esprons que cet ouvrage sera le premier d'une nombreuse srie danslaquelle le savant belge passera en revue les croyances et les religions de tousles peuples. L'homme, dit M. G. d'A., a divinis le feu ds qu'il a su le pro-duire, sinon plus tt, mais au mme titre et par la mme raison que les autresphnomnes naturels, et, en gnral, que tous les objets dont son imaginationtait frappe... Parmi ces phnomnes, le feu est un de ceux qui ont du inspi-rer les spculations les profondes, les mythes les plus riches et les plus ing-nieux, les rites les plus saisissants et les plus grandioses... Le culte du feu seretrouve dans toutes les priodes de l'volution religieuse. Chez nombre depeuples, on le voit non seulement traverser, mais encore favoriser le passagedu culte de la nature au polythisme, et du polythisme une conception uni-taire du monde. Il y eut un moment dans les sicles qui prcdent l'rechrtienne o il rgnait chez toutes les nations connues. Aujourd'hui mmeil se rvle, en quelque sorte,ankylos, par les mtamorphoses do nos langues,dans les lgendes de nos campagnes et jusque dans les rites de nos glises. Aces titres divers, il mrite un examen dtaill.

    Voici maintenant les litres des chapitres de l'ouvrage de M. G. d'A. :1. Le Feu, Dieu; II. Le dieu du Feu ;

    III. Le Feu cosmique; IV. LeFeu, mdiateur cleste ; V. Le Feu, exorciste ; VI. Le Feu, protecteur dela communaut ; VII. Le Feu, symbole du soleil ; VIII. Origine des mythesrelatifs au Feu ; IX. Mythes relatifs aux sources naturelles du Feu ; X.Mythes relatifs la production artificielle du Feu ; XI. Mythes relatifs aurapt du Feu.

    Angela Nardo Cibcle. Zoologia popolare Veneta specialmente Bel-lunese. Credenze, Leggende c Tradizioni varie. Tome IV des Curiosita popo-lari tradizionali publicate per cura di Giuseppe Pitre. 1 vol. in-8 do XI-168pages. Palermo, L. Podone-Lauriel, diteur, 1887 (4 fr.).

    Le quatrime volume do la collection sicilienne de M. le Dr Pitre, qui vientde paratre, est aussi intressant que ceux qui l'ont prcd. Ce volume est lecomplment local d'enqutes sur les noms,croyances, lgendes, contes et supers-titions, etc., relatifs aux animaux. Ou sait que la plus importante de ces enqutesest la Faune populaire de notre matre et ami M. Eugne Rolland (6 vol. in-8 ;Paris,Maisonneuve, 1879-1882). Les collections de M. Louandro (Epope des Ani-maux) et d'Angelo de Gubernatis (Mythologie zoologique, Londres, 1871), sontgalement citer dans cet ordre de recherches. Nous avons remarqu tout par-ticulirement dans le nouveau volume de la collection Pitre, les chapitres con-sacrs au Faucon, l'Abeille, au Boeuf, au Chien, au Cheval, au Ver--Soie, laChvre, au Coucou, au Coq, au Chal, au Grillon, au Loup, au Merle, l'Escar-got, au Serpent, la Taupe, etc.

    Los documents recueillis sont bien intressants. Pourquoi cependant l'au-tour a-t-il cru. devoir employer l'ordre alphabtique pour la classification de sesmonographies? Le plan de M. Rolland nous semble prfrable.

    Comtesse Evelyn Martinengo-Cesaresco. Essays in the Story ofFolk-Songs. 1 vol. in-8 do XL-394 pages. London, 1886, G. Redway,diteur, York-Street, Covent-Gardon. (7 sh. 6 den.).

    Mme la Comtesse Martinengo-Cesaresco a publi tout rcemment sous ce mo-

  • 126 LA TRADITION

    deste titre d' Essays in the Story of Folk-Songs, un important ouvrage que lestraditionnistes ne pourront que consulter avec le plus grand profit et aussiavec le plus grand plaisir.

    Mme la comtesse Martinengo-Cesaresco aime les chants populaires et sait encomprendre toute la simplicit et tout le charme; la posie du peuple l'a char-me, et elle a voulu la faire aimer par le grand public qui, jusqu'ici, n'a passaisi la grande valeur de ces documents nafs gards comme un prcieux d-pt par les gnrations qui se sont succd dans le monde. Pour le tradition-niste, la prface de Mme M.-C sera peut-tre la partie capitale de cet ouvrage.On remarquera surtout dans ces Essais ravissants, bourrs de faits, mais tou-jours faciles lire, les chapitres consacrs aux chants populaires vnitiens, si-ciliens, armniens, provenaux et hellniques. A un autre point de vue, les tudes sur l'influence de la Nature et de la Mort, sur l'ide de la Fatalit, sur lesFtes du mois de Mai, sur les Berceuses, etc.. et ne manqueront pas d'intres-ser les folkloristes. Ce livre est, disent les Daily-News a treasure-house of Folk-Lore of varions kinds, and the matter is handled with much poetic apprciationand a good deal of learning. Mme Martinengo-Cesaresco possde bien sonsujet ; son ouvrage est une mine prcieuse de documents ; nous ne pouvonsque recommander ce volume aux traditionnistes et aux amateurs de posiepopulaire (1).

    Fernand Lafargue. Une Idylle Tati, 1 vol. in-12 ; Paris, 1887, Plon,rue Garancire (3 francs)

    Dans ce roman, qui mrite d'tre lu et relu, M. Fernand Lafargue, qui atudi tous les rites polynsiens, nous fait assister une trs curieuse crmo-nie en l'honneur de Tangaroa, le dieu suprme, frre et chef de tous les au-tres dieux. Il nous initie, chemin faisant, la puissance du tabou, qui constituele droit pour les prtres de l'ancienne religion tatienne do mettre on tatd'interdiction gens et biens. L'individu personnellement soumis l'action dutabou est exclu de tout contact avec ses compatriotes ; il ne peut se servirde ses mains ; il est oblig de ramasser ses aliments avec sa bouche, comme lesanimaux.

    Moralit : quand les prtres avaient envie d'un champ, ils le tabouaient. Cesont les mthodistes anglais qui les ont remplacs : peut-tre les doux habi-tants de la reine de l'Ocanie n'ont-ils pas gagn au change. M. Fernand Lafar-gue, du moins, ne se prononce pas l-dessus.

    OUVRAGES REUSJ.-M. Luzel. Contes populaires de la Basse-Bretagne. 3 vol,

    in-8 elzvir. Maisonneuve et Leclerc, 25, quai Voltaire (22 fr. 50).Misccllanca Folk-Lorica. Tome X de la Biblioteca popular de la

    Associacio d'Excursions Catalana. 1 vol. in-8 de VII-184 pages, avecmusique, Barcelone, 1887, libreria de Alvar Verdaguer, rambla del Mitji, 5(8 rais).

    Dubuisson d'Auxerre. Les trois Rves. 1 vol. in-12 de 238 pages.Auxerre, 1885. P. Simonnet, diteur (3 fr.).

    Biblioteca de las Tradiciones populares espanolas. Tomes VIII,IX, X, XI. 4 volumes in-12. Madrid, libreria de Fernando F, carrera de San-Geronimo, 2 (2,50 pesetas).

    Alcide Bonneau.Curiosa, Essais critiques de littrature ancienne igno-

    re ou mal connue. Paris, 1887, Isidore Liseux, diteur, 19, passage Choi-seul.

    Raoul Gineste. Le Rameau d'Or, posies. 1 vol. in-12, A. Lemerre,diteur.

    Nous rendrons compte de ces ouvrages prochainement dans la Tradition.HENRY CRNOY.

    (1) Une observation cependant. A la page 331, Mme M.-C. cite une chanson populaireflamande indite : Un jour un' pauv' dentellire, etc. Cette chanson n'est pas indite;on sait que l'auteur en est M. A. Desrousseaux, le chansonnier lillois bien connu, notrecollgue de la Socit des Traditionnistes. C'est le chef-d'oeuvre sans contredt de M.Cesrousseaux.

  • LA TRADITION 127

    NOTES ET ENQUTESConcert du cercle Saint-Simon. Nous avons assist, le mercredi

    11 mai, une soire bien intressante organise par M. Julien Tiersotavec le concours de jeunes artistes de mrite, MM. Gibert et Jacquin, MllesNocenzo, Bourneville et Auguez.

    M. Gabriel Monod, dans une improvisation charmante, a rappel l'audi-toire d'lite qui avait rpondu l'aimable invitation du Comit du cercleSaint-Simon, tout l'intrt scientifique, littraire et artistique qu'offrent lesmlodies et la posie populaires. Des crivains de talent, Richepin, Theuriet,Aycard, Gabriel Vicaire ont tent avec le plus grand bonheur de faire remon-ter la posie vers les sources vives de la posie populaire, tandis que les musi-ciens obtenaient le mme succs on s'inspirant des mlodies et des airs nafsde nos paysans. M. Monod pense, avec raison, que l'on doit recueillir pieuse-ment cette posie et cette musique traditionnelles.

    Le concert qui a suivi cette trop courte confrence a t des plus ravissants.Il a gagn tous les auditeurs la cause de la littrature populaire. Parmi leschansons qui ont t le plus apprcies, nous citerons :

    1. Le Mois de Mai. chant de qute de la Champagne, avec un refrain d'uncharme exquis : C'est le mai, mois de mai, c'est le joli mois de mail . 2. La Bergre aux champs, pastourelle du Centre (de caractre peu populaire). 3. Le Rossignol messager, chanson bien connue, mais toujours jolie. Troisjeunes Tambours, version de la Haute-Bretagne. Un des couplets surtout asoulev les applaudissements de toute la salle : J'ai trois vaisseaux dessus lamer jolie. L'un charg d'or, l'autre d'argenterie. Et le troisime pour emme-ner ma mie ! 4. Le Plongeur, thme bien connu galement, trait parUhland, et surtout par Schiller dans sa ballade de Charybde. 6. Pernette,complainte d'amour de la Franche-Comt ; une jeune fille rpond sa mrequi dit qu'on pondra son amant : Si vous pendez mon Pierre, Vous mependrez aussi, Et sur la mme branche, Nos deux coeurs s'uniront ! Auchemin de Saint-Jacques, Enterrez-nous cous deux . 7. La Bergre et leMonnieur, chanson dialogue de l'Auvergne; cette chanson farcie a t dtail-le merveille par M. Gibert et surtout par la charmante Mlle Auguez. 8. LePauvre Laboureur, chanson de la Bresse, et lamentable pope de la vie del'homme des champs ; l'air en est magistral comme la posie. 12. Les troisMatelots de Croix, version des ctes de Bretagne, sans doute celle qui a inspirJean Richepin, dans la Mer. 15. Les Transformations, version du Morvanpublie dernirement dans la Rev. des Tradit. pop. 1G. La Mort du Mari,version normande qui n'a rien envier au naturalisme le plus outr. 17. Enpassant par la Lorraine, version d'Anne de Bretagne, le clou de la soire assur-mont, qui a soulev tous les applaudissements.

    Nous adressons nos flicitations a M. Tiersot et ses collaborateurs.Les Voceri de l'Ile de Corse. Notre collaborateur Emile Blmont, crit

    dans le Monde Potique : Le recueil de M. Frdric Ortoli a t compos avecla passion d'un antiquaire et le got d'un pote. Il a une haute valeur littraire,La tradition du pays natal y est admirablement interprte.. Le volume toutentires!, plein de renseignements curieux et de notes prcieuses. Nous en fli-citons Frdric Ortoli, qui est un des plus estims entre les traditionistesfranais,

    L Presse et la Tradition. La Presse franaise et trangre a fait lemeilleur accueil la Tradition. Le Temps, la Justice, l'Estafette, le Rap-et, les Chroniques, le Rpublicain de la Savoie, les Alpes, la Mlusine, l'Ar-chivio, l'Indpendance Belge, le Patriote de l'Ouest, la Revue critique, la Revue deBelgique, The Bookseller, le Petit Rennais, ont signal notre revue dans les ter-mes les plus sympathiques. Nous leur envoyons tous nos remerciements.

  • 128 L TRADITION

    Correspondance. Plusieurs membres do la Socit des Traditions populai-res regrettent que notre revue n'ait pas paru assez tt pour avoir le temps d'a-dresser leur dmission au prsident do cette Socit.

    Ils nous assurent on mme temps de toute leur sympathie pour notre oeuvreet nous promettent leur adhsion aussitt que rglementairement ils aurontcess de faire partie de l'ancienne Socit. Nous leur adressons tous nos remer-ciements. M. le comte Goblet d'Alviella nous annonce la cration d'une sec-tion de traditionnisme la Socit d'Anthropologie de Bruxelles.

    Diner de la Tradition. Le deuxime dner de la Tradition a eu lieu lemardi 7 juin, au Rocher de Cancale, 70, rue Montorgueil, sous la prsidencede M. L. de la Sicotire, snateur do l'Orne. Assistaient au diner : MM. CharlesFustor, Frdric Ortoli, Gabriel Vicaire, Edmond Desombros, Paul Boulanger,Henry Garnoy, Madame A. Labey, etc.. Mme Labey, MM. Gabriel Vicaire etCharles Fuster,ont dit de ravissantes posies qui ont t chaleureusement applau-dies. On s'est donn rendez-vous pour le diner du mois d'octobre, alors queles adhrents seront de retour Paris.

    PRIODIQUES ET JOURNAUXRevue des Traditions populaires. Numro du 25 mai 1887. Supers-

    titions des civiliss. P. Sbillot. La Fiance jalouse. A. Gallon. Les Enfantsperdus. A Bon. Chanson de Mai. L. Gallet Jeux et Divertissements mili-taires N. Ney et A. Certeux. La Prface des Bons Buveurs. H. Corot. Fa-cties normandes. Victor Brunel. Le Vaisseau qui vole. Lon Sichler. Musique Scandinave. A. Tausserat. La Belle Barbiro. Ch. Beauquier. Bla-son populaire de la Belgique. A. Harou. Usages on Lorraine. F. Fertiault. Le Loup et le Renard. A. Callon.

    Mlusine. Numro du 5 mai 1887. L'Anthropophagie. Henri Gaidoz.Corporations, aie. H. Gaidoz. La Haute-Bretagne au XVIe sicle. A. de la Bor-derie. Chansons populaires de la Basse-Bretagne. F. M. Luzel. Le PetitChaperon Rouge. L'Ogre. P. Sbillot. La Fraternisation. H. Gaidoz Peau-d'Auo. Eugne Rolland. Les Saints de la Mer.

    Revista Lusitana. N 1(Porto,

    Livraria Porluguese de Lopes, sous laDon de M. Leile de Vasconcellos). Los Tziganes du Portugal. Ad. Coclho. OConde de Luz-Bella Tt. Braga. Le Juif-Errant en Portugal. D. Carolina deVasconcellos. Onomatologio portugaise. Leile de Vasconcellos. Contes afri-cains. D. C. Sclimidl Branco.

    Etymologies populaires portugaises. J. Moreira. Tradit. pop. alemtejonas. A. Th. Pires. Bibliographie.

    Le Temps 30 mai 1887. Chronique musicale. La Tradition; le Gaganlde Douai. J. Weber (Compte-rondu du n 2 do notre Reue. Tous nos remercie-ments l'minent critique du Temps).

    Le Nouvelliste do Lille. 31 mai. La Dpche do Lil