LA THEORIE QUANTIQUE DES CHAMPS Un demi...

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LA THEORIE QUANTIQUE DES CHAMPS Un demi-siècle du groupe de renormalisation La renormalisation a constitué pour la théorie des champs une percée qui Ta rendue respectable, c'était à la fin des années 40. Depuis lors, les méthodes de la renormalisation, en particulier celles du groupe de renormalisation, sont restées la pierre de touche des nouveaux développements théoriques. Dans cet article, réminent théoricien Dmitry Shirkov, auteur avec Nikolaï Bogolioubov de plusieurs de ces avancées, raconte l'histoire du groupe de renormalisation. La théorie quantique des champs (TQC) est le fondement du calcul dans le micromonde. Elle combine essen- tiellement la mécanique quantique et la relativité restreinte. Son ingrédient physique principal, le champ quan- tique, réunit deux notions de base de la physique classique (ou quantique non relativiste): les particules et les champs. Par exemple, le champ électro- magnétique quantique, dans des limites appropriées, peut se réduire à des photons (ou quanta de lumière) de type particule, ou à une onde décrite par un champ de Lorentz classique. Cela est vrai également du champ quantique de Dirac. La TQC, en tant que théorie des champs quantiques en interaction, introduit un phénomène remarquable: les particules virtuelles liées aux tran- sitions virtuelles de la mécanique quantique. Par exemple, un photon se propageant dans le vide (le vide clas- sique) subit une transition virtuelle en une paire électron-positon. Habituellement, cette paire subit ensuite la transformation inverse, l'annihilation en un photon. Cette succession de deux transitions donne lieu au phénomène de polarisation du vide (fig. l a ) . De ce fait l'espace vide de la TQC n'est pas le néant: il est rempli de paires virtuelles particule-antiparticule. L'interaction électromagnétique Fig. 1(a): Un photon se propageant dans le vide (classique) subit une transition virtuelle en paire électron-positon. Les diagrammes de Feynman constituent la méthode habituelle pour représenter ce type de processus. Les figures 1(b) et 1(c) montrent ces diagrammes pour la diffusion d'un électron par un proton. HELVETICA PHYSICA ACTA Compte rendu de la réunion de la Société Suisse de Physique k Iktw, ie 5 mai 195!. VOLUMEN XXIV MCMLl pp 317-3!? The normalization group hi quantum THEORY BY E, C. 0. STUKCKKUKHO AND A. PSTEBMANN (GENÈVE)*}. In order to discuss complex interactions, we generalize Dyson's method 1 ) in the following way: Consider a given n-th order contribution to the S-matrix Fig. 2: Cette note d'avant-garde de deux pages par Ernest Stûckelberg et André Petermann, publiée en 1951 et intitulée "Le groupe de normalisation en théorie quantique", est restée totalement ignorée. entre deux charges électriques (par exemple entre deux électrons ou entre un proton et un électron, etc.) consti- tue un autre exemple de polarisation du vide. Au lieu d'une force de Coulomb décrite par un potentiel, l'interaction en TQC correspond à un échange de photons virtuels, lesquels, à leur tour, se propagent dans l'espace-temps accompagnés par des paires virtuelles électron-positon (fig. le). La théorie de l'interaction des champs de rayonnement quantique (photons) et des champs de Dirac quantiques (électrons et positons) formulée au début des années 30 est appelée l'électrodynamique quantique (EDQ). Les calculs en TQC donnent habituellement une série de termes qui représentent les contributions des différentes composantes de la polarisation du vide (qu'illustrent les diagrammes de Feynman). Malheureusement, il s'avère que la plupart de ces termes sont infinis. Par exemple, la diffusion électron-proton comporte en plus du diagramme de Feynman de la fig. l b (diffusion de M0ller) certaines corrections radia- tives, telles que celle de la fig. le. Cette dernière contribution est infinie car l'intégrale diverge dans la région des hautes énergies - ou des lon- gueurs d'ondes courtes - pour les valeurs possibles de l'impulsion de la paire virtuelle électron-positon. Un D> Courrier CERN Septembre 2001 19

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LA THEORIE QUANTIQUE DES CHAMPS

Un demi-siècle du groupe de renormalisation

La renormalisation a constitué pour la théorie des champs une percée qui Ta rendue respectable, c'était à la fin des années 40. Depuis lors, les méthodes de la renormalisation, en particulier celles du

groupe de renormalisation, sont restées la pierre de touche des nouveaux développements théoriques. Dans cet article, réminent théoricien Dmitry Shirkov, auteur avec Nikolaï Bogolioubov de

plusieurs de ces avancées, raconte l'histoire du groupe de renormalisation.

La théorie quant ique des champs

(TQC) est le fondement du calcul dans

le micromonde. Elle combine essen­

t iel lement la mécanique quant ique et

la relativité restreinte. Son ingrédient

physique pr incipal , le champ quan­

t ique, réunit deux notions de base de

la physique classique (ou quant ique

non relativiste): les part icules et

les champs.

Par exemple, le champ électro­

magnét ique quant ique, dans des

limites appropriées, peut se réduire à

des photons (ou quanta de lumière) de

type part icule, ou à une onde décrite

par un champ de Lorentz c lassique.

Cela est vrai également du champ

quant ique de Dirac.

La TQC, en tan t que théor ie des

champs quant iques en interact ion,

introduit un phénomène remarquable:

les particules virtuelles liées aux t ran­

si t ions virtuelles de la mécanique

quant ique. Par exemple, un photon se

propageant dans le vide (le vide clas­

s ique) subi t une transi t ion vir tuel le

en une paire é lec t ron-pos i ton .

Habi tuel lement, cette paire subi t

ensuite la t ransformat ion inverse,

l 'annihi lat ion en un photon. Cette

succession de deux transit ions donne

lieu au phénomène de polarisation du

vide (fig. l a ) . De ce fait l 'espace vide

de la TQC n'est pas le néant: il

est rempli de paires vir tuel les

part icule-ant ipart icule.

L'interaction é lect romagnét ique

Fig. 1(a): Un photon se propageant dans le vide (classique)

subit une transition virtuelle en paire électron-positon. Les

diagrammes de Feynman constituent la méthode habituelle

pour représenter ce type de processus. Les figures 1(b) et

1(c) montrent ces diagrammes pour la diffusion d'un

électron par un proton.

HELVETICA

PHYSICA ACTA

Compte rendu de la réunion de la Société Suisse de Physique

k Iktw, ie 5 mai 195!.

V O L U M E N X X I V

M C M L l

pp 3 1 7 - 3 ! ?

The normalization group hi quantum THEORY

BY E, C. 0 . S T U K C K K U K H O AND A. P S T E B M A N N (GENÈVE)*}.

In order to discuss complex interactions, we generalize Dyson's method1) in the following way:

Consider a given n-th order contribution to the S-matrix

Fig. 2: Cette note d'avant-garde de deux pages par Ernest

Stûckelberg et André Petermann, publiée en 1951 et

intitulée "Le groupe de normalisation en théorie quantique",

est restée totalement ignorée.

entre deux charges électr iques (par

exemple entre deux électrons ou entre

un proton et un électron, etc.) consti­

tue un autre exemple de polarisation

du vide. Au lieu d'une force de

Coulomb décrite par un potent ie l ,

l ' interaction en TQC correspond à un

échange de photons virtuels, lesquels,

à leur tour, se propagent dans

l 'espace-temps accompagnés par des

paires virtuelles électron-positon (fig.

l e ) . La théorie de l ' interaction des

champs de rayonnement quant ique

(photons) et des champs de Dirac

quant iques (électrons et posi tons)

formulée au début des années 3 0

est appelée l 'é lectrodynamique

quant ique (EDQ).

Les calculs en TQC donnent

habi tue l lement une série de termes

qui représentent les contr ibutions des

dif férentes composantes de la

polar isat ion du vide (qu' i l lustrent

les d iagrammes de Feynman).

Malheureusement, il s'avère que la

plupart de ces termes sont infinis. Par

exemple, la diffusion électron-proton

compor te en plus du d iagramme de

Feynman de la f ig . l b (di f fusion de

M0ller) certaines correct ions radia-

t ives, tel les que celle de la f ig . l e .

Cette dernière contribution est infinie

car l ' intégrale diverge dans la région

des hautes énergies - ou des lon­

gueurs d 'ondes courtes - pour les

valeurs possibles de l ' impulsion de la

paire virtuelle électron-posi ton. Un D>

C o u r r i e r C E R N Septembre 2001 19

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LA THEORIE QUANTIQUE DES CHAMPS

N U O V O C I M E N T 0 ORtJAKO D E L L A &OOIETÀ I T A L I A N A M PtSÏCA PHTTO GU A U P P i n PEli COKSIGLIO NAZÏONALE DEUX RICEUCHE

Vor.. I l l , X . S ih-rimn

Charge Renormalizatton Group In Quantum Field Theory.

H . N. " R o n o i j u n o v and 0 . V . fcinitoi?

Stekiar Mathematical Institute of the Armfomy of Sciences a( the - JFO**-T»»R

(ricevuto i l 24 Novembre 1955)

Summary . — L ie differential equations are obtained for the mult ipl icat ive charge renormaHzation group in q u a n t u m electrodynamics and in psendo-scnlar meson theory w i t h two coupl ing constants. By the employment of these equations there have been found the asymptotic expressions for the electrodynamieat propagation functions in the «ul t rav io let» and in the « infrared » regions. T h e asymptot ic high momenta behaviour of meson

Fig. 3: Le terme "groupe de renormalisation", a été introduit dans

les articles précurseurs de Nicolaï Bogolioubov et Dmitry Shirkov

au milieu des années 50.

infini de ce genre est l 'analogue de l'énergie propre infinie de l'électron,

bien connue en électrodynamique classique.

Quand les théoriciens ont rencontré ces diff icultés dans les années 3 0 ,

ils sont restés perplexes: la première approximation en EDQ (par exemple

pour la diffusion de Compton) donne un résultat raisonnable (la formule de

Klein-Nishina-Tamm) alors que la seconde, mettant en jeu des effets de

polarisat ion du vide plus complexes, about i t à une contr ibut ion infinie.

La découverte de la renormal isat ion

Ce sont pr incipalement Bethe, Feynman, Schwinger et Dyson qui à la fin

des années 40 ont résolu l 'énigme. Ces célèbres théoriciens ont montré

que l'on peut regrouper les contr ibut ions infinies en un petit nombre de

combinaisons mathémat iques, Z, (en EDQ i = 1,2), correspondant à un

changement de normal isat ion des champs quant iques, ce qui en fin

compte abouti t à une redéfinit ion ("renormalisat ion") des masses et des

constantes de couplage. Physiquement, cet effet ressemble beaucoup au

processus classique "d 'hab i l lage" d 'une part icule qui interagit avec un

milieu environnant.

L'aspect le plus important de la renormalisation est que le calcul des

quanti tés physiques donne des fonct ions finies des nouveaux couplages

(comme la charge de l'électron) et masses "renormalisés": tous les infinis

sont incorporés dans les facteurs Z de la redéfinit ion-renormalisation. Les

valeurs "nues" de la masse et de la charge électrique n'apparaissent pas

dans l'expression physique. Cependant, les paramètres renormalisés doi ­

vent correspondre aux paramètres physiques, c'est-à-dire mesurés

expérimentalement.

Quand les calculs d'électrodynamique quantique avec la renormalisation

convenable ont fourni des résultats en accord étroit avec l 'expérimenta­

tion (par exemple le moment magnétique anormal de l'électron pour lequel

l'accord est de l'ordre de 1 sur 10 mil l iards), il est clairement apparu que la

renormalisation est une condit ion essentielle pour qu'une théorie donne

des résultats utiles.

Une fois que les infinis de la théorie des champs ont été éliminés comme

il se doit , les paramètres f inis obtenus deviennent arbitraires, mais en

Fig. 4: Evolution du transfert d'impulsion pour le carré de la charge

électrique effective en EDQ. Ici, la courbe théorique croissante

monotone est comparée à la mesure précise effectuée à la masse

du Z au collisionneur électron-positon LEP du CERN.

conformité avec les diverses mesures expérimentales possibles. Par

exemple, la charge électrique de l'électron mesurée à la masse du Z (au

collisionneur électron-positon LEP du CERN) donne pour la constante de la

structure f ine a une valeur de 1 /128 ,9 (la valeur utilisée dans l'analyse

théorique des événements du LEP) plutôt que la célèbre valeur de Mill ikan

1 /137 . Cependant, les expressions théor iques pour des quant i tés phy­

siques, comme les sections efficaces observées, devraient être invariantes

par rapport aux transformations de renormalisation équivalentes à la t ran­

sition d'une valeur de oc à une autre. Entre les mains de chercheurs astu­

cieux, cette invariance par rapport à l'arbitraire s'est transformée en l'une

des techniques des plus puissantes de la physique mathémat ique (on

trouvera une synthèse apportant davantage de détails techniques dans la

référence Shirkov 1993) .

L' impressionnante histoire de

cette méthode mathémat ique élé­

gante maintenant largement ut i l i ­

sée dans divers domaines de la

physique théor ique et mathéma­

t ique a commencé il y a exacte­

ment un demi-s ièc le. Elle perce

d 'abord dans une première publ i ­

cation - une note de deux pages de

Ernest Stuckelberg et André

Petermann (1951) int i tulée "Le

groupe de normalisation en théorie

quant ique" (fig. 2) - qui passe tota­

lement inaperçue, même des spé­

cialistes en théorie quant ique des

champs.

Cependant, en milieu des années

50 , la méthode du groupe de renor­

mal isat ion util isée pour améliorer

les solutions approchées des équa-

Quand les calculs d'électrodynamique quantique avec la renormalisation convenable ont fourni des résultats en accord étroit avec l'expérimentation, il est clairement apparu que la renormalisation est une condition essentielle pour qu'une théorie donne des résultats utiles.

2 0 C o u r r i e r C E R N Septembre 2001

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LA THEORIE QUANTIQUE DES CHAMPS

Photo de groupe à la conférence 'Rochester' de physique des

hautes énergies de 1959 à Kiev. De gauche à droite: Staniey

Mandeistam (en partie caché), Murray Gell-Mann, Francis Low,

Harry Lehmann et Dmitry Shirkov.

tions deTQC devient un outil puissant pour étudier les singularités aux limites

aussi bien ultraviolettes (haute énergie) qu' infrarouges (basse énergie).

Plus tard, cette méthode a été transférée de la TQC à la statistique quan­

t ique pour analyser les transit ions de phase et de là à d'autres domaines

de physique théorique et mathémat ique.

Dans leur article important suivant (Stûckelberg et Petermann 1953) ,

les mêmes auteurs ont donné une formulat ion plus claire de leur décou­

verte. Ils y affirmaient explicitement qu'en TQC les transformations de renor­

malisation finies forment un groupe cont inu, le groupe de Lie, pour lequel

les équat ions différentiel les de Lie sont valables. Malheureusement cet

article fut publié en français, une langue méconnue de la plupart des théo­

riciens de l 'époque. En tou t état de cause, il n'est pas ment ionné par

Murray Gell-Mann et Francis Low dans leur impor tant art icle de 1954 .

Un modèle plus complet et transparent est apparu en 1 9 5 5 - 1 9 5 6 dans

des articles de Nicolaï Bogolioubov et Dmitry Shirkov. Dans deux brèves

notes en russe (Bogolioubov et Shirkov 1955a) , ces auteurs ont établi un

lien entre les travaux de Stûckelberg et Petermann et ceux de Gell-Mann et

Low et inventé un simple algorithme, la méthode du groupe de renormali­

sation (MGR - qui util ise les équat ions du groupe différentiel et la célèbre

fonct ion bêta) pour analyser de façon prat ique les asymptotes ultravio­

lette et infrarouge. Ces résultats ont rapidement été publ iés en anglais

(Bogolioubov et Shirkov 1956a, 1956b) puis inclus dans un chapitre spé­

cial d'une monographie (Bogolioubov et Shirkov 1959) et dès lors la MGR

Ernest C G Stûckelberg

est devenue un outil indispensable dans l'analyse des propriétés asymp-

to t i quesde la TQC.

Dans ces articles, le terme "groupe de renormalisat ion" apparaît pour la

première fois (f ig. 3 ) , ainsi que la notion capitale d'algorithme MGR - intro­

duisant un couplage (effectif) invariant. En EDQ, cette fonction est s imple­

ment une t ransformée de Fourier du carré de la charge effective de

l 'électron, e 2 ( r ) , d 'abord introduite par Dirac (1934) .

Qual i tat ivement le modèle physique décri t une charge électr ique

classique Q dans un mil ieu polarisable, un electrolyte par exemple. A une

certaine distance r de la charge, du fait de la polarisation du mi l ieu, son

champ de Coulomb varie comme une fonction Q(r) - la charge effective -

au lieu d'être une quant i té fixe Q. En EDQ, ce sont les f luctuations du vide

quant ique qui produisent la polarisat ion. La figure 4 montre l'évolution du

couplage effectif en EDQ ( a = e 2 / ï i c ) en fonct ion du transfert d ' impuls ion.

Les applications en TQC

Les toutes premières appl icat ions de la MGR incluaient les analyses des

asymptotes infrarouge et ultraviolette aussi bien que la résolution

(Bogol ioubov et Shirkov 1955b ) du "prob lème des fan tômes" dans les

modèles locaux renormalisablès de la TQC.

Le résultat physique le plus impor tant obtenu par la MGR a été la

découverte théorique (Gross et Wilczek 1973; Politzer 1973) de la "l iberté

asymptot ique" des modèles vecteurs non-abéliens. Contrairement au cas

de l'EDQ, les effets de la polarisation du vide sont ici du signe opposé du

fait des f luctuations des mésons vecteurs non-abéliens tels que les gluons.

Cela explique quanti tat ivement pourquoi les quarks interagissent moins >

C o u r r i e r C E R N Septembre 2001 2 1

Nicolaï N Bogolioubov (à gauche) et André Petermann (à droite).

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LA THEORIE QUANTIQUE DES CHAMPS

Fig. 5: La renormalisation à l'œuvre: correspondance quantitative

entre les courbes théoriques pour le carré du couplage effectif en

CDQ, as(Q2), et les données (publiées dans la récente synthèse du

groupe PDG sur les propriétés des particules).

Fig. 6: Certains résultats initiaux au collisionneur électron-positon

LEP du CERN ont montré que la variation des "constantes" de

couplage étayent l'idée d'une grande unification des interactions

forte, électromagnétique et faible.

à une distance plus courte, une idée qui est devenue la pierre angulaire de

la théorie des champs quant iques maintenant appelée chromodynamique

quant ique (CDQ - voir f ig . 5 ) . Une autre i l lustrat ion, cette fois plus

spéculative, est celle du "graphique des interactions" (fig. 6) qui a donné

naissance à l'idée d 'une grande uni f icat ion des interact ions forte et

électrofaible.

Au début des années 1970, Kenneth Wilson (1971) a inventé une version

spécif ique du formal isme du groupe de renormalisation pour les systèmes

stat ist iques. Elle étai t basée sur l ' idée de Kadanoff d 'un blocage, il

s'agissait plus précisément de moyenner sur une petite partie d'un grand

système.

Mathémat iquement , l 'ensemble des opérat ions de blocage forme un

semi-groupe discret, différent de celui de la TQC. Le groupe de Wilson a

alors été utilisé pour le calcul d' indices crit iques dans les transit ions de

phase. Outre les phénomènes crit iques (dans les années 1970 et 1980) il

a été appl iqué aux problèmes des polymères, de la percolat ion, du trans­

fert radiatif non-cohérent, du chaos dynamique et à quelques autres. La

démarche plutôt transparente du groupe de renormalisation de Wilson a

facil ité cette expansion. Kenneth Wilson a reçu le prix Nobel de 1982 pour

ce travail.

D'autre part, dans les années 8 0 , une formulat ion plus simple et géné­

rale du groupe de renormalisation en TQC a été découverte (Shirkov 1982,

1984) . Elle relie la symétrie du groupe de renormalisation à une notion

largement connue en physique mathémat ique , l 'auto-simi l i tude. Ici, la

symétrie GR apparaît dans le rôle d'une symétrie d'une solution particulière

par rapport à sa transformation de reparamétrisat ion. Elle peut être consi­

dérée comme une généralisation fonctionnelle de l 'auto-similitude, la s imi­

litude fonctionnel le.

Plus tard cette formulat ion a été app l iquée avec succès à quelques

problèmes de valeurs aux limites en physique mathémat ique, par exemple

aux problèmes de l 'auto-focalisation d'un faisceau laser dans un mil ieu

non linéaire (Kovalev et Shirkov 1997). Ici, la solution à symétrie de type GR

est décrite par un groupe mult iparamètres et permet d'étudier la structure

bidimensionnelle de la singularité de la solut ion.

Références

N N Bogolioubov et D V Shirkov 1955a Dokl.Akad. Nauk. SSSR 1 0 3 2 0 3 ;

ibid 3 9 1 (en russe). On trouvera une synthèse en anglais dans F Dyson

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N N Bogolioubov et D V Shirkov 1955b Dokl.Akad. Nauk. SSSR 1 0 5 6 8 5

(en russe). On trouvera une synthèse en anglais dans F Dyson 1956 Math.

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D V Shirkov, directeur honoraire du laboratoire Bogolioubov de physique

théorique, IURN, Doubna.

22 C o u r r i e r C E R N Septembre 2001