La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of ...
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La Terre : plante vivante La tectonique des plaques
Impact N 145,1987 3
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Editorial
Prsentation
La tectonique des plaques, cl de dcodag Jos Achache
Flux de chaleur de la Terre et ressources Valiya M. Hamza
Accroissement et collision des continents en Asie du Sud-Est Charles S. Hutchison
e d'une plante vivante
gothermiques
: prospection
Bassins sdimentaires, tectonique des plaques et champs ptrolifres Bruce Sellwood
Des volcans et des h o m m e s Claude Jaupart
La sismicit du Japon : tremblements de Katsuyuki Abe
terre et tsunamis
Etude et ralisation des projets de construction parasismique Anand S. Arya
Les sondages grande profondeur dans la de la crote terrestre Oleg L. Kouznetsov
. presqu'le de Kola et la structure
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Avis aux lecteurs
Impact : science et socit est galement publi en anglais, en arabe, en chinois, en
coren, en espagnol et en russe. Pour obtenir des informations concernant ces di-
tions, prire de s'adresser :
Anglais : Taylor & Francis Ltd., Subscriptions Department, Rankine Road, Basing-
stoke, Hampshire R G 2 4 O P R (Royaume-Uni).
Arabe : Unesco Publications Centre in Cairo, 1 Talaat Harb Street, Le Caire (Rpu-
blique arabe d'Egypte).
Chinois : Institute of Policy and Management, Chinese Academy of Sciences, P . O .
Box 821, Beijing (Rpublique populaire de Chine).
Coren : Commission nationale de la Rpublique de Core pour l'Unesco, P . O . Box
Central 84, Soul (Rpublique de Core).
Espagnol : Universidad de Salamanca, Secretariado de Publicaciones, Intercambio
Cientfico, Apartado 325, Salamanca (Espagne).
Russe : Commission de l 'URSS pour l'Unesco, 9 Prospekt Kalinina, Moskva G-19
(URSS).
Les auteurs sont responsables du choix et de la prsentation des faits figurant dans leurs articles ainsi que des opinions qui y sont exprimes, lesquelles ne sont pas ncessairement celles de l'Unesco et n'engagent par l'Organisation.
Les textes publis peuvent tre librement reproduits et traduits (sauf lorsque le droit de reproduc-tion ou de traduction est rserv) condition qu' il soit fait mention de l'auteur et de la source. Un numro de la revue ne peut tre repris intgralement qu'avec l'autorisation de l'Unesco.
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Editorial : Impact en codition
Depuis sa cration en 1950, ce priodique a t dit par l'Unesco qui en assumait seule la responsabilit intellectuelle, ainsi que la fabrication et la commercialisation. A partir du prsent numro, une innovation intervient propos des deux dernires fonctions. Dsormais, la version franaise d'Impact paratra en codition avec la collaboration des Editions Eres, Toulouse, France.
L'Unesco garde la proprit du titre et la direction d'Impact, tandis que notre coditeur se charge de la fabrication et de la commercialisation.
Sur le plan du contenu nous continuerons l'approche qui confre Impact son identit et son statut propres. L'adoption de la formule de la codition constitue nanmoins une tape importante dans la vie de la revue.
Elle implique, d'abord, de pratiquer la vrit des prix. L a continuation d'Impact dpend d'une meilleure adquation entre les cots et les recettes. L'augmentation de nos prix est malheureusement forte, car les tarifs pratiqus jusqu'en 1986 taient maintenus un niveau trs bas, sans aucun rapport avec les cots. N o u s ne s o m m e s plus en mesure de continuer pratiquer ces prix. Nous esprons que nos abonns voudront bien faire preuve de comprhension et qu'ils demeureront fidles la revue.
Elle vise, ensuite, raccourcir les dlais de fabrication et assurer la rgularit des parutions.
Enfin, la codition devrait permettre d'accrotre la circulation de notre prio-dique, dj vendu dans plus de cent pays.
Fabrique plus efficacement, publie avec rgularit et diffuse plus largement, Impact sera assure de continuer de servir la communaut mondiale scientifique grce ses ditions franaise et anglaise, et aussi ses versions espagnole, russe, arabe, chinoise et corenne.
Le thme de ce numro est l'tude de la tectonique des plaques, et sa conception doit beaucoup M . Jos Achache de l'Institut de physique du Globe de Paris. Qu'il en soit chaleureusement remerci.
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Prsentation
Jos Achache
Voil des sicles que l ' h o m m e observe l'activit sismique et volcanique et qu'il en subit les effets souvent destructeurs. Les rapports des Anciens sur les catastrophes naturelles peuvent m m e compter parmi les premires observations gophysiques scientifiques. Pourtant, ce n'est que depuis cinquante ans que l'on c o m m e n c e comprendre les mcanismes qui sont l'origine de cette activit. Jusqu'alors, il semblait que les catastrophes naturelles pouvaient survenir n'importe quand et n'importe o.
Mais l ' h o m m e exploite galement la Terre pour assurer sa subsistance et sa production. A u xixe sicle, le dveloppement de l'industrie a m m e fait ressortir la ncessit d'une mise en valeur plus systmatique des richesses minrales. A cette poque, les mthodes de prospection taient encore largement empiriques car l'on ne possdait gure d'indications sur la rpartition des gtes mtallifres et des bassins houillers.
La formulation des principes fondamentaux de la tectonique des plaques au cours de la deuxime moiti de ce sicle a modifi la situation. Les sciences de la terre se sont orientes vers une conception globale de notre plante depuis la cinmatique et la dynamique des phnomnes de surface jusqu'aux couplages thermiques, mca-niques et chimiques existant entre le noyau, le manteau, la crote, les ocans et l'atmosphre. Examine sous ce nouvel angle, la rpartition des zones actives et des ressources naturelles la surface du globe s'explique par des mcanismes simples.
Il en a rsult que les nombreuses disciplines qui se rattachent la gophysique et la gologie ne pouvaient plus continuer emprunter des voies parallles et s'ignorer mutuellement. Elles taient devenues les instruments de tous les spcialistes des sciences de la terre qui souhaitaient tudier et comprendre les phnomnes naturels dont notre globe est le thtre. Ainsi la comprhension de la structure et, partant, du comportement mcanique de la lithosphre, qui constitue la premire tape de l'valuation des risques sismiques, passe par l'analyse de multiples param-tres diffrents tels que la vitesse des ondes lastiques, la gravit, la topographie, la tectonique diffrentes chelles, le flux de chaleur et le magntisme.
L'article qui suit dcrit les principes fondamentaux de la tectonique des plaques dans le contexte de leur dcouverte. Il montre qu' l'chelle mondiale cette thorie offre le cadre voulu l'tude des phnomnes naturels.
V . H . H a m z a reprsente la Terre c o m m e une norme machine thermique il serait plus exact de dire une centrale nuclaire qui fournit l'nergie ncessaire aux mouvements des plaques et tous les phnomnes de surface qui leur sont associs. Il dresse ensuite un tableau mondial des ressources gothermiques que l ' h o m m e peut
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Jos Achoche
domestiquer pour son usage. L'importance fondamentale de la chaleur sur la Terre est illustre en outre par le rle qu'elle joue dans la formation des richesses min-rales.
Aprs leur constitution, les dpts minraux sont transports par les plaques en mouvement. C . S . Hutchison montre c o m m e n t la tectonique des plaques concentre ces dpts le long de ceintures telles que les arcs volcaniques rsultant de la subduc-tion et les zones de collision intracontinentale qui sont particulirement dveloppes en Asie du Sud-Est.
B. Sellwood dcrit les conditions qui doivent tre successivement runies pour permettre la formation d'hydrocarbures. Bien que ces contraintes soient assez rigou-reuses, on peut expliquer, grce la tectonique des plaques, que plusieurs environne-ments fournissent un cadre propice. Cette thorie donne donc des indications sur la rpartition mondiale de nombreuses rserves.
Les ruptions volcaniques sont la manifestation la plus spectaculaire de l'acti-vit interne de la Terre. D a n s le cinquime article, C . Jaupart dcrit les principales caractristiques des volcans de notre plante et analyse leur impact sur les socits humaines. Chose surprenante, il montre que les volcans ne sont pas uniquement un facteur de destruction mais favorisent parfois le progrs.
K . A b e explique en dtail la sismicit du Japon et la survenue des tsunamis, dont certains sont provoqus par des tremblements de terre souterrains. Il montre comment cette activit se rpartit par rapport aux zones de subduction, notion fondamentale de la tectonique des plaques.
Ce que nous savons aujourd'hui de la tectonique des plaques nous permet de bien connatre la rpartition mondiale et la frquence des sismes. Cependant, la prvision prcise de phnomnes particuliers, notamment dans les rgions continen-tales, n'est pas encore notre porte. A . S . Arya montre que si la prvision n'est gure en mesure de contribuer l'attnuation des risques lis aux tremblements de terre, nous s o m m e s maintenant capables de concevoir et de construire des btiments parasismiques.
Dans le dernier article, O . L . Kouznetzov rend compte du projet de forage pro-fond entrepris par l'Union sovitique dans la pninsule de Kola. Ce travail illustre les limites fondamentales des tudes directes de l'intrieur de la Terre. Il montre cepen-dant que, m m e une profondeur relativement faible, les observations in situ peu-vent tre assez diffrentes des valeurs obtenues partir des observations de surface, alors que la dmarche de modlisation reste l'outil fondamental des spcialistes des sciences de la terre.
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La tectonique des plaques, cl de dcodage d'une plante vivante
Jos Achache
Depuis 1950, de nouveaux concepts se sont rapidement dvelopps dans le domaine des sciences de la terre. La faon dont nous nous reprsentons notre plante s'est trouve modifie de multiples gards jusqu' ce qu'on parvienne, enfin de compte, la thorie de la tectonique des plaques. Les phnomnes sismiques, volcaniques et tectoniques observs la surface du globe sont dsormais considrs comme une consquence d'une intense activit intrieure et leur tude ne peut plus tre dissocie de celle de la structure interne de la Terre. Cette approche globale aide puissamment comprendre la gense des catastrophes et mener de manire plus efficace les activits de prospection des ressources naturelles.
La Terre a t longtemps considre c o m m e une plante vieillissante donnant des signes alatoires d'activit localiss, dont la structure gologique tait hrite du pass et fixe pour l'ternit. Cette conception statique tenait l'impossibilit de prospecter toute la surface du globe et de l'observer une chelle vritablement plantaire. A u contraire, l'ide qui c o m m e n c e s'imposer aujourd'hui est celle d'une plante en volution lente mais constante. Le premier tmoignage de cette activit interne permanente nous est donn par la rpartition des altitudes la surface de la Terre. E n effet, la topographie rsulte de l'action combine de l'activit interne, qui cre le relief, et de l'rosion. Si la Terre n'tait plus active, les montagnes auraient tendance s'roder, pendant que les valles et les bassins ocaniques s'empliraient de sdiments, de sorte qu'avec le temps, l'altitude moyenne tendrait vers zro. La ralit est toute autre, puisqu'une analyse l'chelle mondiale rvle une rpartition bimo-dale des altitudes moyennes, avec deux max ima -4500 m (profondeur moyenne des ocans) et + 100 m (lvation moyenne des continents) (voir figure 1). Une dynami-que, attestant que la Terre est une plante vivante, doit donc tre l'origine du maintien de cette topographie.
Mais les observateurs n'ont pas accs l'intrieur de la Terre et toutes les tudes des processus et des structures internes doivent s'appuyer sur des observations indi-rectes. C'est l un autre facteur qui a beaucoup compliqu notre tche. Il explique
Jos Achache est charg de recherches l'Institut de physique du globe de Paris. Ses travaux actuels ont trait l'analyse des mesures par satellite du c h a m p magntique terrestre, en privilgiant plus particu-lirement le c h a m p d'origine crustale et ses implications pour la dtermination de la structure profonde de la crote continentale. Son adresse est la suivante : Dpartement de gomagntisme et de palomagn-tisme, Institut de physique du globe de Paris, 4 place Jussieu, 75252 Paris (France).
7 Impact : science et socit, n 145, 7-23
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Jos Achoche
Figure 1
Graphique montrant le pourcentage de la surface terrestre diverses altitudes. La crte A correspond l'altitude moyenne des continents, la crte B la profondeur moyenne des ocans. D'aprs Allque (1984).
Pourcentage de surface terrestre
20% -
10% -
Niveau del mer
100m - 4 5 0 0 m Altitude
que les progrs des sciences de la terre ont souvent t lis ceux de la technologie. La dcouverte de structures de grande dimension - les plaques tectoniques - est une consquence directe des activits d'exploration de zones trs tendues du fond des ocans menes aprs la Deuxime Guerre mondiale par des navires ocanographi-ques modernes et bien quips. La rpartition des epicentres des tremblements de terre dans le m o n d e n'a pu tre tablie que grce la mise au point d'une nouvelle gnration de sismomtres extrmement sensibles. Plus rcemment, l'apparition des techniques spatiales a autoris une observation vraiment globale de notre plante. Ces techniques nous renseignent de faon remarquable sur les profondeurs de la Terre, permettent la surveillance continue des mouvements de la crote et offrent un nouveau m o y e n de prospection plantaire des ressources naturelles.
La masse stable et stratifie que se reprsentaient les scientifiques du XIX e sicle est dsormais remplace par un systme unifi dans lequel les mouvements de sur-face sont associs des processus internes de vastes chelles spatio-temporelles. O n ne peut comprendre les phnomnes superficiels sans tudier l'intrieur de la plante. Cette relation intime qui existe entre, d 'une part, la gologie de surface et, d'autre part, la gophysique et la gochimie internes est devenue le principe fondamental des sciences de la terre modernes.
D e la drive des continents la tectonique des plaques
La drive des continents
A u dbut de ce sicle, Alfred Wegener, mtoroligiste allemand, a lanc l'ide que tous les continents auraient autrefois constitu un bloc unique auquel a t donn le n o m de Pange ' (voir figure 2). Il y a quelque 300 millions d'annes, ce superconti-nent a c o m m e n c se disloquer. L 'Amrique , en s'loignant de l'Afrique, a donn naissance l'Atlantique. D e m m e , l'ocan Indien a rsult de la sparation de l'Afrique, de l'Inde, de l'Australie et de l'Antarctique. Cette hypothse de vastes dplacements horizontaux des continents la surface de la terre (sur des milliers de kilomtres) allait trs nettement l'encontre de toutes les thories gologiques de
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Tectonique des plaques
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Figure 2 Reconstitution par Wegener de la masse continentale de la Pange , il y a approximativement 200 millions d'annes. La Panthalassa (mot qui signifie toutes les mers ) est devenue l'ocan Pacifique, tandis que la Mditerrane est un vestige de la Tthys. La partie ombre reprsente le glacier polaire, qui aurait recouvert le sud du Gondwana au cours du Permien, ce qui explique les dpts glaciaires trouvs en Amrique du Sud, en Afrique, en Inde et en Australie. Adapt de Press et Siever (1978).
l'poque. Les processus gologiques c o m m e la formation des montagnes taient interprts, en effet, c o m m e le rsultat de dplacements verticaux locaux de la crote de faible envergure (quelques kilomtres). Le dbat entre les conceptions fixiste et mobiliste de l'histoire de la Terre tait ouvert.
L'hypothse de Wegener se fondait, pour commencer , sur les similitudes m o r -phologiques frappantes entre le littoral africain et celui de l'Amrique du Sud. Mais Wegener poursuivit son ide, faisant appel, pour accumuler des preuves de l'exis-tence de la Pange, la palontologie, la sdimentologie, la minralogie et bien d'autres disciplines. L a palontologie montre que des espces semblables ont vcu la m m e poque de part et d'autre de l'Atlantique Sud. U n grand n o m b r e de ces espces ( c o m m e les msosauriens) tant strictement continentales, les terres o on en a trouv des vestiges ont d tre relies dans le pass. La flore glossopteris du Carbonifre (datant d'environ 300 millions d'annes), bien incapable elle aussi de traverser un ocan, est nanmoins rpandue sur tous les continents de l'hmisphre Sud. Les dpts glaciaires de la m m e priode dlimitent une calotte polaire conti-nue quand tous les continents de l'hmisphre Sud sont placs dans la position correspondant l'hypothse de Wegener (figure 2).
La thorie de la drive des continents labore par Wegener a permis de c o m -prendre beaucoup d'autres observations qui restaient assez droutantes, mais elle a surtout eu le mrite de fournir la premire explication satisfaisante de la formation
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Jos A chache
des montagnes. Toutefois, Wegener n'a pas russi identifier les forces qui propul-saient les continents sur des distances aussi grandes et recelaient suffisamment d'nergie pour faire surgir des montagnes. A la suite de Sir Harold Jeffreys, eminent gophysicien britannique, la majorit des spcialistes des sciences de la terre rfut-rent la thorie de Wegener qui t o m b a peu peu dans l'oubli aprs vingt ans de controverse.
Les enregistrements du champ magntique
C o m m e son dclin, le renouveau de la thorie de la drive des continents est venu du R o y a u m e - U n i , vers la fin des annes 50, avec l'tude de l'aimantation naturelle des roches.
U n c h a m p magntique fort engendr dans le noyau existe la surface de la Terre. D e 2900 5000 k m de profondeur, le noyau externe est surtout compos de fer et se comporte c o m m e un liquide. C'est donc un bon conducteur lectrique. O n considre que le c h a m p magntique est constamment entretenu par des processus qui mettent en jeu la convection d'un fluide conducteur dans le noyau externe qui joue le rle d'une d y n a m o . Les roches crustales qui contiennent des minraux magntiques sont aimantes par le c h a m p cr dans le noyau. Cette aimantation peut parfois tre gele pendant des millions d'annes, crant dans les roches une aimantation rmanente parallle la direction du c h a m p ambiant de l'poque laquelle elles se sont formes. Cette proprit des roches crustales conserver le souvenir du c h a m p magntique terrestre du pass a t l'origine du renouveau de la thorie de la drive des continents.
Le c h a m p terrestre principal (le c h a m p engendr par le noyau) a deux proprits remarquables. Premirement, il est presque dipolaire ; en d'autres termes, il ressem-ble au c h a m p qui serait cr par un barreau aimant situ au centre de la Terre (figure 3). C'est pourquoi l'aiguille d'une boussole indique toujours le ple nord
Figure 3
Le champ magntique de la Terre ressemble beaucoup celui qui serait cr par un gigantesque barreau aimant situ au centre de la Terre et lgrement inclin par rapport l'axe de rotation.
Plev " N NordN gographique \
x \ N ^ ' Ple
'Nord / magntique^
y" /
/
\ \ i
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Tectonique des plaques
magntique. Deuximement, il subit des inversions de polarit au cours desquelles le Nord magntique bascule du ct du Sud gographique et rciproquement. L a premire proprit permet de dterminer la position du ple nord en mesurant la direction de l'aimantation dans les roches crustales n'importe quel point de la surface de la Terre. E n effectuant ce genre de mesures sur des roches provenant de divers continents, S . K . Runcorn et E.Irving2, gophysiciens britanniques, ont observ des disparits systmatiques dans la direction des ples magntiques dduite de roches du m m e ge mais d'origines diffrentes. E n outre, des roches d'ges diff-rents recueillies dans un lieu donn ont rvl une migration rgulire de la position des ples avec le temps. Cette apparente migration des ples impliquait que, soit ces derniers, soit les continents avaient vritablement driv. Toutes ces observations les ont amens conclure qu'il y avait eu effectivement drive continuelle des conti-nents. E n outre, ils ont pu montrer que les mouvements des continents ainsi calculs aboutissaient une position proche de celle propose par Wegener dans sa reconsti-tution de la Pange.
Expansion des fonds ocaniques
Mais le principal obstacle demeurait. Quelle pouvait tre la cause de ce mouvement
et quelle est la force qui est l'origine de la drive des continents? La rponse devait
venir de l'tude des fonds marins.
La carte topographique du fond des ocans rvle plusieurs caractristiques
dont la principale est un rseau de dorsales de 2000 4000 m de haut et d'environ
2000 k m de large qui sillonne les ocans Atlantique, Indien et Pacifique. Elles c o m -
portent une valle axiale analogue la rift valley de l'Afrique orientale. Autre
caractristique qui ne le cde qu' la premire en importance : des fosses profondes
bordent le nord et l'ouest de l'ocan Pacifique au long des les Aloutiennes, du
Japon, des Mariannes et des Philippines.
Des mesures gophysiques de toutes sortes effectues par des navires de
recherche ont permis de dterminer de nombreuses proprits fondamentales de la
crote ocanique. Des profils de sismique rflexion ont montr que cette crote est
beaucoup plus mince que la crote continentale et qu'elle est essentiellement c o m p o -
se de roches basaltiques et non de granites. L a couche de sdiments est aussi
tonnamment mince, eu gard l'ge des ocans et au taux de sdimentation
observ, et son paisseur augmente mesure qu'on s'loigne des dorsales. Des
mesures de la gravit ont rvl de fortes anomalies au-dessus des fosses et, un
moindre degr, des dorsales. Les dorsales mdio-ocaniques sont galement appa-
rues c o m m e des rgions o le flux thermique est anormalement lev, ce qui est un
signe d'activit volcanique. Toutes ces observations ont conduit la formulation de
l'hypothse de l'expansion des fonds ocaniques3 dans un article que son auteur
qualifiait lui-mme d'essai en goposie. Selon cette hypothse, les dorsales mdio-
ocaniques sont des zones d'accrtion o le fond de l'ocan est constamment renou-
vel par la remonte de matriaux du manteau. C e nouveau fond s'loigne ensuite
des dorsales volcaniques et traverse les bassins ocaniques. Parvenu au niveau des
fosses, il plonge et est rsorb dans le manteau, entranant les sdiments dposs au
cours de son voyage travers l'ocan. O n pense que le fond des ocans se dplace
constamment la surface de la Terre et se recycle par apport du manteau en moins
de 200 millions d'annes. Ce modle a t confirm par la rpartition plantaire des
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Jos Achoche
tremblements de terre tablie au dbut des annes 60 (figure 4). Elle montre que la grande majorit des sismes se produisent le long des dorsales et des fosses, et que prs de ces dernires, ils sont beaucoup plus violents et situs plus loin l'intrieur du manteau (jusqu' 700 k m ) .
La lacune qui subsistait dans la thorie de Wegener pouvait alors tre facile-ment comble. Les continents, au lieu de driver sur le manteau sous-jacent, sont entrans par le mouvement d'une couche superficielle relativement paisse compre-nant la crote, tant des ocans que des continents, et la partie suprieure du m a n -teau4. Cette couche, appele lithosphre, se forme l'endroit des dorsales mdio-ocaniques o les matriaux du manteau remontent, puis se refroidissent et se solidifient, et drive ensuite la surface de la Terre pour finir par replonger dans le manteau le long des fosses. E n fait, ds 1931, H o l m e s 5 avait soutenu que la drive des continents tait associe la convection du manteau et tait donc due des forces thermiques. D e fait, le manteau terrestre est chauff par la dsintgration d'isotopes radioactifs (de l'uranium, du thorium et du potassium). Etant donn que la temprature augmente avec la profondeur dans le manteau, les roches chaudes profondes prsentent une instabilit gravitationnelle par rapport aux roches plus froides et plus denses proches de la surface. Il en rsulte un mouvement de convec-tion o les roches froides descendent dans les profondeurs du manteau et o les roches chaudes montent vers la surface. C e comportement, qui, sur de longues priodes, est analogue celui d'un fluide, est longtemps demeur une nigme car il ne fait pas l'ombre d'un doute que le manteau est l'tat solide.
La preuve la plus convaincante de l'expansion des fonds ocaniques est fournie par les anomalies magntiques observes dans les ocans6. Les roches basaltiques de
Figure 4 Epicentres d'environ 30000 tremblements de terre enregistrs au cours des annes 1961-1967. Profondeur de foyer de 0 700 k m . Epicentres dfinis par le U.S. Coast and Geodetic Survey. Etabli sur ordinateur par M . Baranzangi et J. Dormn, Universit Columbia. A comparer avec la figure 5.
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Tectonique des plaques
75" 90' 105" 120" 135" 150" 165" 180" 1C5" 150" 135" 120" 105" 90" 75" 60" 45" 30" 15" 0" 15" 30" 45" 60' 75" 90*
Figure 5 Rpartition des principales plaques lithosphriques. D'aprs Turcotte et Schubert (1982).
la crote ocanique sont riches en minraux ferromagntiques et peuvent donc s'aimanter fortement. A u niveau des centres d'expansion, le basalte se refroidit dans le c h a m p magntique ambiant et s'aimante dans la direction parallle ce c h a m p . Ainsi, la direction du c h a m p au cours d'une priode donne est gele dans la portion de la crote cre durant cette priode. Etant donn que la crote ocanique se renouvelle constamment, son aimantation changera si cette direction change (en particulier si elle s'inverse), les fonds marins enregistrant, c o m m e une bande magn-tique, l'volution du c h a m p magntique terrestre, ou autrement dit ses inversions de polarit successives. E n rvlant systmatiquement la m m e succession d'inversions du c h a m p magntique, les profils des anomalies magntiques recueillis dans les ocans confirment que de telles inversions ont bien eu lieu (ce qui n'tait pas vident) et qu'une expansion symtrique des fonds marins se produit de part et d'autre des dorsales. E n outre, tant donn que les inversions du c h a m p peuvent tre dates en analysant les colonnes de sdiments, on dispose ainsi d'un m o y e n de mesurer le rythme de l'expansion ocanique.
La tectonique des plaques : un modle unificateur
Selon la thorie de la tectonique des plaques789- la couche externe de la Terre, la lithosphre, est compose de treize plaques rigides contigus, minces, mobiles les unes par rapport aux autres, avec des vitesses de l'ordre de quelques centimtres par an (figure 5). Le principe fondamental de cette nouvelle thorie est que la lithosphre est rigide et donc que le mouvement de chaque plaque obit des lois gomtriques simples. U n e fois dtermins les paramtres de ce mouvement (ce qui n'implique qu'un trs petit nombre de mesures), on peut prvoir les dplacements relatifs des plaques en n'importe quel point de leurs frontires. E n outre, cette proprit expli-que que toute l'activit tectonique observable sur notre plante - la majorit des tremblements de terre, des ruptions volcaniques et des mouvements orogniques -
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Jos Achoche
se produise aux frontires de plaques. Des tudes sismiques ont rvl l'existence
d'une couche de fusion partielle dans le manteau, situe immdiatement sous la
lithosphre. Cette couche, appele asthnosphre, autorise le mouvement de la litho-
sphre sur le manteau infrieur solide.
Une nouvelle conception de la Terre
Formes au niveau des dorsales, les frontires d'accrtion, les plaques convergent au niveau des fosses o l'une d'elles plonge dans le manteau selon un processus appel subduction. Dans certains cas, deux plaques peuvent glisser l'une contre l'autre sans qu'il y ait divergence ni convergence. La frontire est alors une faille transformante, c o m m e , par exemple, la faille de San Andreas en Californie, qui spare la plaque Pacifique de la plaque nord-amricaine. Plus au nord, la frontire entre ces deux plaques devient une zone de subduction, ce qui illustre le fait que la nature d'une frontire entre deux plaques donnes dpend de son orientation par rapport au mouvement relatif des plaques.
La majorit des phnomnes catastrophiques se produisant aux frontires de plaques, ils doivent tre lis aux processus qui y interviennent. A cet gard, les frontires d'accrtion n'ont pas un grand intrt car on n'y observe qu'une activit lgre et continue. E n outre, les dorsales sont situes au milieu des bassins ocani-ques, l'exception de l'Islande et de la Rpublique de Djibouti. Toutefois, leur tude est utile pour la prospection des minraux. Elles sont en effet le sige de minralisa-tions importantes associes l'activit volcanique et hydrothermale (voir l'article de H a m z a ) . Les failles transformantes sont galement rares sur les continents. Elles sont associes une intense activit sismique (le tremblement de terre de 1906 a dtruit la ville de San Francisco). D e grandes failles dcrochement horizontal analogues ces failles transformantes sont observes l'intrieur de certaines pla-ques continentales, ce qui laisse prvoir un comportement plus complexe de ces plaques (la faille d'Altyn Tagh en Chine, la faille nord-anatolienne en Turquie, etc.) et, c o m m e les failles transformantes, elles peuvent tre l'origine de sismes destruc-teurs.
Les zones de subduction ont tendance tre situes plus prs des rgions habites et elles reprsentent donc une cause majeure d'ruptions volcaniques ou de tremblements de terre dvastateurs. Les frontires de plaques convergentes sont galement des lieux o interviennent des processus gnrateurs de grands gisements minraux. L'Amrique centrale et l'Amrique du Sud fournissent un exemple typi-que de zone de subduction, l'endroit o la plaque des Cocos et celle de Nazca plongent sous celles des Carabes et de l'Amrique du Sud (figure 5). La fosse du Mexique-Prou-Chili et les Andes sont les principales caractristiques topographi-ques associes cette subduction. Cette zone est galement le sige des plus grands sismes jamais enregistrs ainsi que d'ruptions volcaniques meurtrires. Rien qu'en 1986, deux violents tremblements de terre ont frapp Mexico et San Salvador et l'ruption du volcan Nevado del Ruiz a dtruit la ville d 'Armero en Colombie. Des tremblements de terre se produisent sur la zone de failles qui spare la plaque plongeante de la lithosphre qui la chevauche. Des sismes dont le foyer se situe de plus grandes profondeurs (jusqu' 700 k m ) sont enregistrs l'intrieur de la plaque descendante (figure 6). Le long des zones de subduction, le volcanisme a une gom-trie particulire. Les volcans s'chelonnent rgulirement le long d'une ligne paral-
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Tectonique des plaques
Figure 6 Schma indiquant les caractristiques et les activits associes la subduction c o m m e celle de la chane de montagnes des Andes (proportions non respectes). Les tremblements de terre sont indiqus par des toiles noires.
lle la subduction. La distance entre cette ligne et la fosse dpend de l'angle de plonge de la plaque dans le manteau car le processus de fusion qui cre le m a g m a ne peut se produire qu' une profondeur donne. L'inclinaison de la plaque en subduc-tion est galement lie la nature des structures tectoniques qui se forment sur le bord avant de la plaque chevauchante. Lorsque l'angle de plonge est faible (inf-rieur 45), la zone de subduction est borde d'une chane de montagnes telle que les Andes en Amrique du Sud. Sinon, un bassin marginal se forme entre la fosse et le continent, c o m m e au Japon ou aux Mariannes o l'inclinaison de la plaque dpasse 75 (voir la figure 7 et l'article d 'Abe) .
Le volcanisme s'observe galement l'intrieur des plaques c o m m e par exemple
H a w a i , qui est situe au milieu de la plaque Pacifique (voir figure 5). Morgan 1 0 a
tent d'expliquer ce volcanisme par l'existence de panaches forms dans le manteau
infrieur qui, en s'levant, entrane une fusion partielle prs de la surface. Cette
observation bat en brche le modle prcdemment admis, suivant lequel le manteau
comprendrait de grandes cellules de convection et conduit envisager qu'elle y
intervient selon au moins deux chelles.
L a tectonique des plaques et l'valuation des risques sismiques
L'tude de la rpartition des tremblements de terre a jou un rle fondamental dans
la dcouverte de la tectonique des plaques. O n observe qu'ils sont concentrs au
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Jos Achoche
Extension Cration d ' u n . foss
Ocan
Sdiments plisss
Sdiments .volcaniques
^fi^^^i^m Fosse
Subduction de la crote ocnique
Formation de m a g m a par fusion partielle
Fusion partielle du manteau suprieur
Sdiments continentaux
Manteau
Figure 7 Souvent, un bassin marginal se forme derrire des arcs insulaires volcaniques o la crote ocanique plonge sous une marge continentale.
niveau des dorsales mdio-ocaniques, des failles transformantes et des zones de subduction. D a n s le cas de la subduction, on considre que les hypocentres (ou foyers) des sismes sont situs dans le plan de la plaque plongeante, jusqu' une profondeur de 700 k m (figure 6).
U n tremblement de terre rsulte de la libration soudaine de l'nergie lastique emmagasine dans la lithosphre par le mouvement continu des plaques. La rupture se produit gnralement le long de failles prexistantes lorsque la quantit d'nergie accumule dpasse le seuil de glissement des roches le long de ces failles. C'est pourquoi la prvision des sismes, en particulier dans les zones continentales, passe, dans un premier temps, par l'tablissement d'une carte dtaille de toutes les failles existantes. Il est galement important d'essayer de dater le dernier vnement qui s'est produit au niveau de chaque faille. E n fait, l'valuation des risques sismiques repose essentiellement sur l'identification d'une possible organisation spatiale ou temporelle dans la distribution et la frquence des secousses. Par exemple, on a observ la migration progressive vers l'ouest des epicentres des grands tremblements de terre qui se sont produits le long de la faille nord-anatolienne en Turquie depuis le dbut de ce sicle. E n outre, ces tremblements de terre sont survenus avec une quasi-priodicit d'une dizaine d'annes. L'tude de la rpartition de l'activit sismi-que le long des zones de subduction rvle quelquefois que cette activit est consid-rablement rduite dans certaines parties de ces zones, appeles gaps sismiques. O n suppose que l'nergie lastique s'y accumule puisqu'elle ne semble pas tre libre par microsismicit. Il y a donc une plus grande probabilit que de violents tremblements de terre s'y produisent.
O n parle plus frquemment d'valuation du risque que de prvision car aucune technique ne s'est encore rvle efficace pour prdire les tremblements de terre. Les gophysiciens chinois ont russi en prvoir quelques-uns, en particulier le grand
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Tectonique des plaques
tremblement de terre de Hai Cheng (1975), pour lequel un avis d'alerte a t diffus cinq heures seulement avant la principale secousse. U n e telle prdiction n'a t rendue possible que par la remarquable organisation de la socit rurale chinoise o les phnomnes naturels ont pu tre efficacement observs et signals. Mais le trem-blement de terre de Tangshan, qui a eu lieu environ un an plus tard dans une zone urbaine et qui a tu plus de 700000 personnes, n 'a pu tre prvu.
Plusieurs proprits du sol semblent se modifier avant les tremblements de terre et peuvent servir de signes prcurseurs. Les fissures et les crevasses des roches s'ouvrent et se dilatent, produisant une dformation locale du terrain sur de grandes distances. Les proprits lectriques du sol galement semblent tre altres. Des scientifiques grecs ont constat, avant des sismes, de fortes variations du signal lectrique enregistr dans le sol. Toutefois, aucune relation causale n'a t d m o n -tre entre les sismes et ces signes prcurseurs. L'eau semble jouer un rle important dans ces phnomnes. O n a constat qu'il y avait une corrlation entre le nombre de petits tremblements de terre et la quantit d'eau rsiduelle injecte dans le sol au moyen d'un puits profond Denver (Etats-Unis). L'eau peut faire office de lubri-fiant sur les failles et empcher ainsi l'emmagasinage d'une grande quantit d'nergie dans le sol, celle-ci tant alors libre par microsismicit et non sous forme de grands tremblements de terre.
La figure 4 montre qu 'un faible pourcentage des tremblements de terre se produit l'intrieur des plaques continentales, en particulier dans les rgions mditerrano-alpine et tibto-himalayenne. Ces tremblements de terre qui, dans certains cas, peuvent tre trs destructeurs rsultent de la collision de deux conti-nents (figure 8). E n raison de sa densit relativement faible, un continent ne peut pas plonger quand il atteint une zone de subduction. E n consquence, la convergence des deux plaques se traduit par la dformation d'une ou des deux masses continentales jusqu' ce qu'une position plus favorable (du point de vue nergtique) la subduc-tion soit atteinte. U n e collision entre deux continents c o m m e l'Inde et l'Eurasie produit une frontire de plaques plus diffuse qu'elle ne le serait dans les ocans. Le dbut de cette collision remonte une cinquantaine de millions d'annes. Et aussi surprenant que cela soit, l'Inde, aujourd'hui, continue d'avancer vers le nord une vitesse dpassant 2 c m par an. Ce mouvement continu a produit un raccourcissement crustal d'environ 2000 k m de la plaque asiatique. Tapponnier et ses collaborateurs " ont montr que cette convergence entrane d'importantes dformations loin vers le nord (jusqu' hauteur du lac Bakal). D e grandes failles rejet horizontal qui s'ten-dent sur plusieurs milliers de kilomtres se sont formes en Chine, et de vastes blocs crustaux s'chappent latralement le long de ces failles, permettant l'Inde de poursuivre sa drive vers le nord. Ces failles se sont formes en se propageant travers une crote non faille prcdemment. Il est donc trs difficile de prvoir les tremblements de terre qui sont lis ce phnomne.
La tectonique des plaques et les ressources minrales
Avec l'accroissement de la population et l'industrialisation d'un nombre toujours plus lev de pays, la demande mondiale en ressources minrales ne peut que grossir. E n fait, la consommation de ces ressources augmente plus vite que la population dans tous les pays industrialiss.
La transformation des ressources minrales et la fabrication de produits m a n u -
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Jos Achoche
Figure 8 Chane Zone de
Stades possibles de la collision des plaques : a) Convergence frontale entre u n e plaque de lithosphre continentale et une plaque de lithosphre ocanique ; b) Collision de continents, entranant la formation d'une chane de montagnes et d 'une ceinture m a g m a t i q u e et l'paississement de la crote continentale. Les m o u v e m e n t s des plaques peuvent s'arrter ce stade ; c) Il peut galement arriver que la plaque se brise et qu'une nouvelle zone de subduction apparaisse ailleurs. U n e zone de subduction teinte peut demeurer pour former une chane de montagnes l'intrieur d'un continent (par exemple l'Oural).
facturs ncessitent des quantits d'nergie sans cesse plus considrables. Contraire-m e n t a u x ressources minrales qui ne sont q u e recycles et disperses la surface de la terre par l'activit h u m a i n e , l'nergie est, d ' o qu'elle provienne (bois, c h a r b o n , ptrole, gothermie , nuclaire), irrmdiablement p e r d u e p o u r l'univers u n e fois utilise.
L ' h o m m e extrait les ressources minrales d u sol depuis des sicles et cette activit a pris u n e a m p l e u r impress ionnante avec le t e m p s . D e ce fait, la plus grande partie d e la surface des continents a t explore par les gologues et la plupart des gisements affleurant la surface ont p r o b a b l e m e n t t dcouverts. L'exploration future devra d o n c s'orienter vers les zones plus loignes et m o i n s accessibles c o m m e les fonds mar ins , les continents polaires, la crote p r o f o n d e et, plus tard, les autres plantes. Cette t endance est confirme par l'accent m i s aujourd'hui sur l'exploration ocan ique et polaire et sur l'tablissement de profils sismiques d a n s la crote p r o -fonde des continents par des consort iums placs sous le d o u b l e parrainage d 'orga-nismes scientifiques et industriels ( C O C O R P aux Etats-Unis et E C O R S en France). Dans ce contexte, les mthodes gologiques se primeront progressivement et seront remplaces par des techniques d'exploration et des concepts appartenant la gophysique et la gochimie. Tout d'abord, il sera ncessaire de mieux comprendre
volcanique subduction
Chane de montagnes
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Tectonique des plaques
les processus internes qui sont l'origine de la minralisation. Afin de mieux locali-ser les gisements, il sera primordial de connatre avec prcision la relation entre la tectonique des plaques et le dpt des minraux.
L'exploitation de ces gisements deviendra galement plus coteuse et l'activit minire future, en mer c o m m e sur les continents, ncessitera toujours plus d'nergie. Ce facteur, associ l'industrialisation rapide des pays en dveloppement, accrotra la demande d'nergie. L'intrt stratgique de nouvelles activits de recherche de ptrole risque donc d'tre mis en vidence dans un proche avenir.
La formation du ptrole
La formation et l'accumulation du ptrole impliquent une succession dtermine d'vnements et supposent que des conditions prcises soient runies. D e grandes quantits de matire organique doivent d'abord tre produites et emmagasines dans un milieu dpourvu d'oxygne, puis enfouies sous des sdiments o elles pourront rester piges. Il convient donc que le milieu ne soit pas soumis de fortes dforma-tions tectoniques qui provoqueraient la fuite ou l'altration des huiles en cours de formation stockes dans des sdiments poreux. Bien que ces conditions soient rigou-reuses, elles se trouvent toutes remplies dans l'ordre qui convient pour deux types classiques de formations qui rsultent l'une et l'autre du mouvement des plaques12: les bassins marginaux et les marges passives des continents.
Lorsque la subduction se produit le long de la marge d'un continent et que l'angle de plonge est suffisamment ouvert, une mer marginale se forme derrire l'arc dessin par la chane de volcans (voir ci-dessus et figure 7). Ces bassins sont particu-lirement dvelopps le long de la cte est de l'Asie : mer de Bering, mer d'Okhotsk, mer du Japon, mer Jaune, mer de Chine orientale et mer de Chine mridionale. Ce genre de milieu est favorable l'accumulation et la maturation du ptrole, puisque la matire organique est pige derrire l'arc insulaire et que la fosse, en dtournant la circulation ocanique profonde, empche l'oxydation. Le taux de sdimentation tant trs lev dans ces bassins, la matire organique dpose est facilement pige. Enfin, les forces tectoniques d'extension ne produisent que des plissements mineurs qui, associs aux couches de sel, peuvent crer des conditions propices l'emmagasi-nage du ptrole au cours des temps gologiques.
Des conditions analogues sont cres lors de la formation des marges passives, ou autrement dit des premiers stades de la fragmentation d'un continent. U n ocan troit et peu profond se constitue entre les deux masses continentales qui se sparent la suite de la phase initiale de fracturation (voir figure 9). U n e intense sdimenta-tion terrigne se produit et les principales forces tectoniques sont des forces d'exten-sion. La subsidence progressive des marges favorise la constitution de dpts de sel qui fournissent des piges efficaces pour les formations de ptrole.
Minraux
Les gisements minraux hydrothermaux, et en particulier les sulfures, reprsentent une proportion importante des minerais mtalliques connus. La rpartition de ces gisements la surface de la terre est troitement lie aux frontires de plaques. E n fait, la plupart des sulfures sont situs le long de frontires de plaques convergentes actives ou qui l'ont t (voir figures 7 et 9). M m e des gisements aurifres sont
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Jos Achoche
-Mer atlantiques-
Plaque amricaine - - ^ Plaque africaine
Ocan Atlantique *
c Dorsale mdio-Atlantique
Figure 9 Accumulation de gisements minraux et de ptrole au niveau des frontires de plaques : exemple de l'Atlantique Sud. a) La Pange se divise en deux continents (l'Afrique et l'Amrique du Sud) au niveau d'une frontire de plaque divergente. b) Sous l'action de l'expansion des fonds ocaniques, l'Amrique du Sud s'loigne. Des couches paisses de sel g e m m e , de matires organiques et de minraux mtalliques (qui conduisent la formation de ptrole) s'accumulent dans la mer Atlantique, c) L'expansion partir de la dorsale mdio-atlantique se poursuit, transformant la mer en ocan. Les minraux mtalliques continuent de s'accumuler aux alentours de la dorsale. Le sel provenant des couches paisses de sel g e m m e enfouies sous les sdiments des marges continentales constitue de vastes dmes qui pigent le ptrole et le gaz naturel produits par la matire organique.
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Tectonique des plaques
souvent dcouverts avec des sulfures dans des zones de convergence teintes. C o m m e
le montre l'exemple de la mer Rouge, o de riches gisements mtalliques sous-marins
ont t dcouverts, les dorsales mdio-ocaniques et les bassins ocaniques sont
galement le sige d'une minralisation importante (voir figures 7 et 9). Il semble que
la concentration au niveau des dorsales de mtaux extraits de matriaux du manteau
est due des processus hydrothermaux. Les sdiments dposs prs des centres
d'expansion actifs sont ensuite enrichis de fer, de manganse, de cuivre, de nickel, de
plomb, de cobalt, d'uranium, de chrome, de mercure, de vanadium, de cadmium et
de bismuth. Outre les clbres nodules polymtalliques, on trouve aussi du cuivre et
du manganse purs dans la crote ocanique. Lorsqu'un ocan se ferme, au cours de la collision de deux masses continentales,
c o m m e sur la figure 8, de petits fragments de lithosphre ocanique peuvent se trouver coincs entre les continents selon un processus appel obduction. Ces cailles de lithosphre ocanique dposes au-dessus de la crote continentale le long des zones de suture sont appeles ophiolites. La dcouverte de ces ophiolites a eu une importance fondamentale pour l'tude de la structure de la lithosphre ocanique et pour la comprhension des processus qui interviennent au niveau des dorsales. Naturellement, les ophiolites contiennent tous les gisements minraux caractris-tiques de la crote ocanique, mais les oprations d'extraction sont beaucoup plus faciles car elles sont toujours situes sur des continents.
U n grand nombre de ces zones de suture et des squences ophiolitiques qui leur sont associes se trouvent en Asie du Sud-Est (voir l'article de Hutchison). C'est une consquence de la structure en mosaque de ce continent, qui semble tre constitu de plusieurs blocs continentaux juxtaposs d'origine diffrente qui sont entrs en collision avec l'Asie et se sont ensuite souds elle au cours des 200 derniers millions d'annes. L'tude de la drive passe des continents, discipline connue sous le n o m de palogographie, nous permet de dterminer quelle a t la position des conti-nents et des zones de convergence teintes, et donc de localiser les squences ophioli-tiques, ce qui constitue un autre indice pour la prospection des minraux dans les rgions continentales. Les meilleurs exemples connus de ces ophiolites sont fournis par le massif du Troodos Chypre et la srie d ' O m a n , mais elles semblent tre largement rpandues sur l'ensemble des continents.
Conclusion : coup d'il sur l'avenir
C o m m e le montre la premire partie du prsent article, la connaissance que nous avons de notre plante a progress mesure que la technologie se perfectionnait. Des instruments plus prcis ont permis de dcouvrir de nouveaux phnomnes qui ont stimul la recherche scientifique.
Mais la Terre tant le sige de conflits entre les nations, son observation est devenue une ncessit stratgique. D e nombreux lments qui ont fait progresser l'laboration de la thorie de la tectonique des plaques sont dus des observations effectues des fins stratgiques. D e vastes oprations de bathymtrie ont t entre-prises au lendemain de la Deuxime Guerre mondiale, au cours de laquelle les forces et les navires allis avaient t constamment attaqus par des sous-marins ennemis. Le rle prpondrant de ces engins dans les conflits modernes avait ainsi t mis en vidence et les travaux visant dterminer avec prcision la profondeur des fonds marins s'taient trouvs stimuls. Puis, au dbut des annes 60, les Etats-Unis et
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l ' U R S S ont c o m m e n c constituer d'normes arsenaux nuclaires et ont engag des ngociations sur la limitation des armements. Afin de dceler les expriences nuclaires et en particulier les essais souterrains, les deux pays ont d mettre au point des sismomtres trs sensibles. Ces instruments ont permis d'tablir la carte de la rpartition mondiale des tremblements de terre, qui a contribu la dcouverte des diffrents types de frontires de plaques.
Le programme de forages ocaniques profonds ( D S D P ) a galement constitu une source majeure d'information sur la structure de la crote ocanique. L a construction d 'un navire remarquable, le Glotnar Challenger, a permis de le mettre en uvre. Grce lui, on a pu forer la crote sur plusieurs kilomtres de profondeur au milieu des bassins ocaniques et obtenir des carottes qui ont t analyses en laboratoire, opration qui a ncessit un moyen remarquablement prcis de mainte-nir la position du navire. C e navire avait t originellement financ et construit l'initiative du millionnaire H o w a r d Hughes pour essayer de retrouver un sous-marin sovitique qui avait sombr dans l'ocan Atlantique et gisait par 5000 mtres de fond.
Aujourd'hui, avec le dveloppement des satellites de tldtection, l'observation de la terre revt une importance encore plus stratgique, tant du point de vue militaire que du point de vue conomique. Les techniques spatiales constituent galement un outil unique d'observation des phnomnes naturels l'chelle plan-taire. Elles ont dj permis aux sciences de la terre d'accomplir des progrs dcisifs. E n outre, avec la politique internationale de libre accs toutes les donnes recueil-lies depuis l'espace, la tldtection devrait se traduire par d'importants avantages pour toutes les nations, m m e celles qui ne disposent pas de leur propre potentiel spatial, et devenir prochainement une technique puissante de recherche fondamen-tale, de prospection des ressources minrales et de surveillance des catastrophes naturelles d'origine mtorogolique ou interne.
Notes
1. Wegener, A . The Origins of Continents and Oceans. Londres, Methuen, 1924. 2. Runcorn, S .K. Continental Drift. N e w York, Academic Press, 1962. 3. Hess, H . H . History of Ocean Basins. Engel, A.E.J. ; James, H . L . ; Leonard, B .F . (dir.
publ.). Petrologic Studies: a Volume in honor of A.F. Buddington. Boulder, Geological Society of America, 1962.
4. Dietz, R .S . Continent and Ocean Basin Evolution by Spreading of the Sea-Floor. Nature. vol. 190, 1961, p. 854-857.
5. Holmes, A . Principles of Physical Geology. Londres, Nelson, 1945. 6. Vine, F.J. ; Matthews, D . M . Magnetic Anomalies over Oceanic Ridges. Nature, vol. 199,
1963, p. 947-949. 7. McKenzie, D . P . ; Parker, R . L . The North-Pacific: an Example of Tectonics on a Sphere.
Nature, vol. 216, 1967, p. 1276-1280. 8. Morgan, W . J . Rises, Trenches, Great Faults, and Crustal Blocks. Journal of Geophysical
Research, vol. 73, 1968, p. 1959-1982. 9. Le Pichn, X . Sea-Floor Spreading and Continental Drift. Journal of Geophysical
Research, vol. 73, 1968, p. 3661-3697. 10. Morgan, W . J . Deep Mantle Convection Plumes and Plate Motions. American Association
of Petroleum Geologists bulletin, vol.56, 1972, p. 203-213.
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Tectonique des plaques
11. Tapponnier, P. ; Peltzer, F . ; Le Dain, A . Y . ; Armijo, R . ; Cobbold, P. Propagating Extru-sion Tectonics in Asia, N e w Insights from Simple Experiments with Plasticine. Geology. vol. 10, 1982, p. 611-616.
12. Rona, P . A . Plate Tectonics and Mineral Resources. Scientific American. 1943, p. 86-95.
Pour approfondir le sujet
ALLEGRE, C.J. L'cume de la terre. Paris, Fayard, 1982. P R E S S , F . ; S IEVER, R. Earth. San Francisco, W . H . Freeman, 1978. T U R C O T T E , D . L . et S C H U B E R T , G . Geodynamics. N e w York, John Wiley, 1982. UYEDA, S. The New View of the Earth. San Francisco, W . H . Freeman, 1978.
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Flux de chaleur de la Terre et ressources gothermiques
Valiya M . Hamza
Les trs puissantes sources d'nergie prsentes dans es profondeurs de notre plante donnent naissance dans les couches de surface d'importants flux de chaleur. Dans certaines conditions, ces flux peuvent aboutir la formation de rservoirs d'nergie thermique l'intrieur de a Terre et jouer un rle non ngligeable dans les transports de minraux de d'hydrocarbures et la formation des gisements. La connaissance du rgime thermique du globe sera sans doute dterminante pour l'avenir de l'exploration et de l'exploitation des ressources nergtiques et minrales.
Le spectacle d'une fleur fane inspirait K u m a r a n Ashan, pote du Kerala, cette lamentation :
Ton sort d'aujourd'hui Sera demain le ntre Car si l'on y songe Rien n'est immuable Mme les hautes montagnes Et les mers profondes Quelque jour prissent.
Ainsi le pote, plusieurs dcennies avant que soient formules les thories modernes de l'expansion des fonds marins et de la tectonique des plaques, se consolait-il du destin tragique d'une fleur en voquant l'une des caractristiques originales de notre plante : le perptuel rajeunissement de son relief de surface. D e rcentes tudes des plantes ralises l'aide de sondes d'exploration de l'espace lointain ont montr qu' la diffrence d'autres plantes telluriques du systme solaire, la Terre est actuel-lement une plante en activit. Les recherches gologiques mondiales confirment qu'au cours des 3,5 milliards d'annes pour lesquels nous disposons de donnes gologiques, cette activit interne a modifi les formations rocheuses superficielles.
Valiya M . H a m z a dirige actuellement le Laboratoire gothermal de l'Institut de recherche technologique du gouvernement de l'Etat de So Paulo, Brsil, dont il est galement le coordonnateur de la recherche. D e 1974 1981 il a occup le poste de professeur associ l'Universit de So Paulo, et, auparavant, a fait des tudes en Inde et au Canada . L'auteur s'intresse la gothermie, la maturation thermale des hydrocarbures, au contrle de la chaleur dans les mines souterraines et l'aspect thermique du stockage souterrain des dchets nuclaires. O n peut le contacter par l'intermdiaire de Institute of Geosciences, Universit de So Paulo, Caixa Postal 20889, 05508 So Paulo, Brsil.
25 Impact : science et socit. n 145, 25-38
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Valiya M. Hamza
Si certaines des caractristiques de la surface de la Terre rsultent l'vidence d'interactions avec l'hydrosphre et l'atmosphre, il n'est pas douteux que sa m o r -phologie grande chelle est lie aux processus qui se droulent dans ses profon-deurs.
Bien que l'on connaisse trs mal la nature des forces l'uvre l'intrieur du globe, il est vident que l'nergie qu'elles requirent suppose l'existence de trs puissantes sources nergtiques, capables d'agir pendant des milliards d'annes. O n en a envisag plusieurs mais, l'heure actuelle, la plupart des spcialistes des sciences de la terre admettent que la chaleur d'origine radioactive produite l'intrieur de la Terre depuis sa constitution en corps plantaire solide contribue dans une mesure importante son bilan nergtique. Toutes les roches contiennent de faibles concen-trations d'lments radioactifs naturels, qui sont principalement l'uranium, le tho-rium et le potassium. A u cours de la dsintgration radioactive de ces lments, une partie de leur masse est convertie en nergie, laquelle, pour l'essentiel, se transforme finalement en chaleur. Si la quantit d'nergie thermique produite par la dsintgra-tion radioactive par unit de masse de roche c o m m u n e est faible, la quantit globale dgage sur de longues priodes peut tre trs importante. Celle que peut librer en l'espace d'une anne un kilomtre cube de roche de type granitique, par exemple, reprsente en moyenne l'quivalent de prs de 900 gigajoules (21 milliards de calo-ries). Il est raisonnable de supposer que le dgagement d'aussi importantes quantits de chaleur au fil de priodes gologiques de l'ordre de milliards d'annes peut produire des tempratures leves l'intrieur de la Terre et entraner la formation d'un important flux thermique en direction de la surface. Si le taux de dperdition thermique superficielle est moindre que le taux de production de chaleur, l'lvation continue de la temprature provoquera des phnomnes de fusion et dclenchera finalement une convection thermique. La question vient naturellement l'esprit de savoir si la Terre a connu pareil processus d'chauffement interne. L a connaissance que nous avons de l'histoire thermique de la Terre est, certes, rudimentaire mais l'examen de sa structure interne actuelle, telle que nous pouvons la dduire des
lithosphriques
Figure 1
Reprsentation schmatique de la structure interne de la Terre et tempratures infres.
1000
\ Profondeur
(km) Temprature (C)
6 370 >4 000
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Flux de chaleur de la Terre et ressources gothermiques
donnes gophysiques et gologiques dont nous disposons, livre, dans ce domaine,
bien des renseignements. L'tude sommaire de cette structure, reprsente schmati-
quement dans la figure 1, suffit se convaincre que la Terre est bien une plante
chaude, dont la temprature, en son centre, excde 4000 C . L'importance de l'acti-
vit volcanique et des coulements de lave atteste directement l'existence de tempra-
tures leves des profondeurs relativement faibles. Les tudes sismiques montrent
que certaines couches internes, constituant prs de 15 % du volume du globe terres-
tre, sont faites de matire fondue l'tat liquide. Les recherches gomagntiques
rvlent que le champ magntique de la terre nat dans ce noyau liquide, rsultant
probablement des mouvements circulatoires de fluides conducteurs qu'engendre une
convection thermique active.
Entre la couche relativement froide de la surface terrestre et le noyau liquide en
fusion se situe le manteau, o les tempratures varient entre 1000 et 3000C. Quel
type de mouvements peut-on escompter y trouver? D'aprs les sismologues, le m a n -
teau se comporte c o m m e un solide pour ce qui est de la propagation des ondes
sismiques. D ' u n autre ct, les tudes gophysiques concernant la rponse du m a n -
teau aux variations de charge superficielles sur de longues priodes montrent qu'il
est incapable de soutenir des variations de contrainte sur des priodes suprieures
1000 ans. D e rcentes recherches en laboratoire ont apport de prcieux lments
d'explication de ce comportement apparemment trange. A hautes tempratures, la
rsistance mcanique du manteau se trouve rduite au point qu'il ragit c o m m e un
solide aux variations de contrainte de courtes priodes, alors que son comportement
long terme est plutt, en ralit, celui d'un fluide trs visqueux. La simple logique
amne conclure que, dans ces conditions, ses mouvements internes ne peuvent tre
que relativement lents mais qu 'un effet d'entranement considrable d la viscosit
s'exerce sur les couches limites qui le confinent. O n peut supposer que cet effet
d'entranement se fait plus fortement sentir sur la couche suprieure froide, laquelle
pourrait tre pousse latralement ou vers le haut, ou encore attire vers le bas par
les mouvements de l'intrieur du manteau. C'est l la base de la thorie de la
tectonique des plaques, selon laquelle l'enveloppe la plus externe de la Terre, ou
lithosphre, peut tre considre c o m m e forme de plusieurs plaques rigides dont les
mouvements sont dans une grande mesure dtermins par les processus dynamiques
qui interviennent l'intrieur du manteau sous-jacent. La chaleur et la temprature
influenant fortement les caractristiques de ces mouvements, la mesure du flux
thermique qui traverse la lithosphre devrait apporter d'importants lments d'in-
formation sur la nature des processus qui se droulent dans les profondeurs de la
Terre.
Nature du flux gothermique
La quantit globale d'nergie thermique emmagasine l'intrieur du globe est
considrable; une estimation approximative la situerait environ 12 teraquads '
( peu prs 3 X 1 0 3 0 calories). Toutefois, les roches crustales, faiblement conduc-
trices, font office de couverture thermique et ne permettent qu' une fraction infime
de cette nergie, estime 1100 quads par an, de s'chapper vers la surface.
L'tude de la nature et des caractristiques de ce flux thermique ainsi que de ses
variations dans l'espace et dans le temps peut nanmoins jeter quelque lumire sur
les processus thermiques qui se droulent l'intrieur de la plante ainsi que sur les
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interactions de ce flux avec l'corce extrieure passive sur laquelle nous vivons. Cette tude constitue la gothermie, branche encore jeune mais nanmoins passionnante des sciences de la terre, qui traite des problmes du flux thermique terrestre et de l'tat thermique de l'intrieur du globe. L'histoire de la gothermie est relativement brve : les premires recherches scientifiques dans ce domaine ne remontent qu'au XVIIe sicle, poque o la rvolution industrielle qui s'amorait dans le m o n d e occi-dental a accru la demande de ressources naturelles, incitant les socits de prospec-tion minire mettre en exploitation les gisements souterrains. C'est l'environnement thermique hostile rencontr dans les puits de mine profonds qui a motiv les premires recherches sur la nature du flux gothermique. Ces recherches, conduites initialement dans les houillres, sont cependant restes infructueuses tant en raison de la difficult de concevoir des techniques de mesure satisfaisantes que faute d'une bonne comprhension de la nature physique de la chaleur. Malgr ces difficults, certains des premiers chercheurs sont parvenus se faire une ide relati-vement juste des caractristiques thermiques de la Terre. A cet gard, les lignes ci-aprs, crites en 1671 par Robert Boyle dans son tude des origines de la chaleur terrestre, sont particulirement remarquables :
J'ajouterai, titre de conjecture, que l'origine effective de la chaleur elle-mme rside peut-tre dans les parties profondes de la rgion souterraine, situes en des-sous des lieux jusqu'o l ' h o m m e a dj eu l'occasion et la capacit de creuser. Car il m e semble probable que dans ces entrailles encore invioles de la Terre se trouvent de grandes rserves soit de feu proprement dit, soit de chaleur extrme, ou (dans certaines rgions) de l'un et de l'autre, et qu' partir de ces gtes (si je puis les appeler ainsi) ou magasins de chaleur souterraine cette qualit se c o m m u n i q u e aux rgions moins profondes de la Terre, en particulier par les chemines, fissures, fibres ou autres voies souterraines ou encore par propagation de la chaleur travers la subs-tance des couches de sol interposes...
Et nous s o m m e s encore bien plus loin de connatre avec certitude la tempra-ture des rgions les plus intimes et (si je puis dire) les plus centrales de la Terre, dont nous ne savons si leur solidit est continue ou si elles renferment de vastes tendues de matire fluide...
Les premires tudes scientifiques systmatiques du flux thermique terrestre ont t entreprises au dbut du XIXe sicle, mais il a fallu attendre ces dernires dcennies pour assister un effort collectif de recherche au niveau mondial dans ce domaine. Les rcentes compilations des donnes publies montrent que des mesures du flux thermique ont t effectues en plus de 5000 points de la surface du globe. M m e si de vastes zones chappent encore l'tude, les donnes dj disponibles, qui sont rcapitules dans le tableau 1, mettent en vidence certaines caractristiques impor-tantes du flux gothermique.
Le point le plus remarquable que l'on observe est que la chaleur des profon-deurs de la Terre s'chappe un rythme plus rapide par le plancher ocanique que par la surface des continents, l'cart par rapport la m o y e n n e calcule pour les rgions continentales atteignant prs de 40 %. N o u s pouvons donc affirmer qu'il se dissipe davantage de chaleur dans l'hmisphre Sud que dans l'hmisphre Nord. Autre caractristique intressante, le flux de chaleur n'est pas uniforme sur l'ensem-ble de la surface du globe. D a n s les rgions continentales, les zones gologiques jeunes, qui prsentent une activit tectonique, se caractrisent par un flux thermique plus lev que celui qu'on observe dans les zones plus anciennes et sans activit
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Flux de chaleur de la Terre et ressources gothermiques
Tableau 1 Rcapituation des mesures du flux thermique et estimations de la dissipation thermique dans les rgions continentales et ocaniques (d'aprs Sclater et al., 1980)
Flux thermique moyen Dissipation Rgions Superficie thermique
m W / m 2 cal/mVjour (106km2) (10'cal/s)
a) Continentales
Afrique et Madagascar 49 1028 37,8 448 Amrique du Sud 53 1089 22,3 282 Amrique du Nord 54 1123 33,9 442 Australasie 64 1313 18,8 286 Antarctique 54 1123 17,6 229 Europe et Asie 60 1244 71,1 1024
Tous continents 57 1184 201,5 2711
b) Ocaniques
Pacifique Nord 95 1970 62,5 1425 Pacifique Sud 77 1598 76,7 1419 Ocan Indien 83 1719 69,5 1383 Atlantique Nord 67 1391 36,1 581 Atlantique Sud 59 1218 36,9 520 Bassins marginaux 71 1469 26,9 457
Tous ocans 78 1616 308,6 5771
c) Monde 70 1443 510,1 8519
tectonique. D e m m e , dans les rgions ocaniques, le flux thermique observ est lev dans les zones de dorsales mdio-ocaniques, et faible dans les bassins anciens et les zones de fosses ocaniques. L'analyse dtaille des donnes m o n t r e qu'en fait le flux thermique dcrot systmatiquement avec l'ge gologique que ce soit dans les rgions ocaniques ou dans les rgions continentales ; cette constatation est d'une grande importance pour la comprhension de la nature des p h n o m n e s thermiques profonds. V o y o n s c o m m e n t elle s'accorde avec le modle d y n a m i q u e actuel de la Terre.
Selon la thorie de la tectonique des plaques, les dorsales ocaniques sont des zones de circulation ascendante, les fosses ocaniques des zones de circulation des-cendante et les rgions intermdiaires des zones de circulation latrale l'intrieur d u manteau . D a n s les zones dorsales, le m a g m a remontant des profondeurs se refroidit et se solidifie au contact de l'eau de m e r , formant une couche limite superfi-cielle rigide. A mesure q u e la circulation latrale l'loign de la dorsale, cette couche se refroidit et, en se solidifiant progressivement de haut en bas, s'paissit. D a n s les zones de fosses, cette couche superficielle rigide subit u n entranement vers le bas qui la r a m n e l'intrieur d u manteau . O n constate que la distribution observe des valeurs leves, intermdiaires et faibles d u flux thermique concorde de manire tonnante avec le modle thermique prdit par la thorie de la tectonique des pla-ques. E n fait, le modle de la tectonique des plaques et la rpartition observe de ces valeurs d u flux thermique nous permettent de reconstituer la distribution des temp-
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Figure 2 Distribution idalise des flux thermiques de surface et des tempratures lithosphriques rsultant d'une cellule de convection du manteau.
ratures dans la lithosphre et dans le manteau sous-jacent. O n trouvera la figure 2 un exemple de distribution idalise des tempratures dans les parties ascendante et descendante d'une cellule de convection du manteau. C e modle prsente deux particularits intressantes : les panaches que forment les isothermes de haute temp-rature au-dessous des zones de dorsales et, au-dessous des zones de fosses, la plonge brutale des isothermes de basse temprature dans les profondeurs du manteau.
U n e autre observation intressante qui se dgage des rcentes tudes gothermi-ques est que les mcanismes de dissipation de la chaleur sont plus diversifis dans les zones jeunes prsentant une activit tectonique, que dans les zones plus anciennes et stables, m m e si la conduction reste le m o d e prpondrant et le plus frquent de transfert thermique. O n constate que, dans les zones o l'afflux de chaleur des profondeurs est important, la conduction ne suffit pas sa dissipation, et que d'autres mcanismes entrent enjeu. Les ruptions volcaniques et les coules de lave sont des manifestations spectaculaires du transport de chaleur associ un coule-ment massique tandis que les fumeroles, sources de vapeur, geysers et sources ther-males sont des exemples de l'expression superficielle du flux gothermique associ des coulements fluides. D a n s de nombreuses rgions, l'coulement fluide induit par une convection thermique active transporte d'importantes quantits de chaleur mais
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Flux de chaleur de la Terre et ressources gothermiques
les manifestations superficielles de ce transport sont limites par la prsence d'une couverture rocheuse impermable. D a n s certaines rgions telles que les massifs cris-tallins fissurs et les bassins sdimentaires, les coulements d'eau souterraine rsul-tant de la topographie peuvent transporter et redistribuer la chaleur sur de vastes superficies.
Il est clair que pour dresser un tableau raliste de la dissipation thermique sur l'ensemble du globe, il convient de prendre en considration l'incidence relative de chacun de ces mcanismes de transport de chaleur et l'tendue de leurs zones d'in-fluence respectives. L a tche n'est pas facile car, dans beaucoup de rgions, l'infor-mation ncessaire fait dfaut et l'on est contraint de recourir des estimations subjectives. O n peut nanmoins se faire une ide approximative de la perte globale de chaleur de la Terre, en rapprochant les donnes relatives au flux thermique par conduction de celles qu 'on possde sur les caractristiques gologiques et gophysi-ques pertinentes des rgions continentales et ocaniques. U n e dmonstration de cet exercice est faite dans la figure 3 : la surface terrestre y est divise en zones de flux gothermique lev, m o y e n et faible. D a n s les zones de flux thermique lev, qui sont surtout les zones de dorsales des rgions ocaniques et les zones jeunes des rgions continentales manifestant une activit tectonique, l'nergie thermique se dissipe la fois par convection et par conduction. Les zones de flux thermique m o y e n sont surtout les bassins sdimentaires, o l'amincissement de la crote faiblement conductrice permet une dissipation de chaleur suprieure la normale mais o la redistribution de la chaleur par advection influe sur la rpartition du flux thermique d la conduction. Restent enfin les zones tectoniquement stables du Prcambrien, o le flux thermique est faible et o la conduction est le m o d e dominant de transmis-sion de la chaleur.
Figure 3
Configuration approximative des principales zones de dissipation thermique dans le monde , sur la base de la rpartition des flux thermiques par conduction et des caractristiques gologiques.
Zones de dissipation thermique
Forte (>80 m w / m 2 )
F I Moyenne (60-80 m w / m 2 )
Faible (
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Examinons maintenant quelques-unes des consquences du cheminement du flux thermique travers les couches crustales. La chaleur et la temprature influent fortement sur le comportement mcanique de ces couches. Sous l'effet des contraintes tectoniques, les zones de basse temprature de la crote ont un compor-tement fragile, tandis que celles de haute temprature peuvent se dformer de faon ductile. Il en rsulte que, dans des environnements tectoniques comparables, le risque sismique est relativement plus faible dans les zones de haute temprature de la crote que dans les zones de basse temprature.
Dans certaines rgions o les conditions sont favorables, la circulation de la chaleur peut aboutir la formation de rservoirs d'nergie thermique. Lorsque ces rservoirs sont situs dans les couches proches de la surface, la chaleur qu'ils contiennent est exploitable : autrement dit, ils constituent des ressources en nergie gothermique. Il est logique de supposer que l'on a de fortes chances de rencontrer de tels rservoirs dans les rgions o le flux thermique est lev. Il ne fait pas de doute que la connaissance l'chelle mondiale des caractristiques de ces gisements d'nergie gothermique est d'un intrt primordial pour la planification de la mise en valeur des ressources nergtiques de nombreux pays. Etant donn l'importance de ces ressources pour les progrs de la socit moderne, il n'est pas inutile d'examiner d 'un peu plus prs cet aspect de la gothermie.
Ressources nergtiques gothermiques
L ' h o m m e s'efforce depuis le dbut des temps historiques de canaliser son usage les sources naturelles d'nergie, et la gothermie ne fait pas exception la rgle. Le principe en est en ralit connu depuis longtemps, mais il a pris une nouvelle impor-tance dans le contexte de l'expansion rapide des besoins nergtiques de la socit moderne. Prsente partout de par son association la chaleur naturelle de la Terre, l'nergie gothermique se trouve en gnral disperse dans l'corce externe du globe et son extraction des fins conomiques se heurte de formidables obstacles techno-logiques. Pour que son exploitation soit possible ou envisageable il faut que cette nergie se trouve pige ou concentre proximit de la surface ; c'est dans ce cas qu 'on parlera de ressources gothermiques.
L'existence de ressources gothermiques suppose la runion de trois lments fondamentaux : 1) une source de chaleur, 2) un rservoir confin mais permable et 3) un fluide transportant la chaleur vers la surface. Dans le cas de certaines res-sources, la permabilit doit tre assure artificiellement et dans le cas de certaines autres il faut recycler le fluide pour que l'exploitation puisse s'oprer en continu. O n peut, selon les caractristiques de ces facteurs, diviser les ressources gothermiques en plusieurs catgories. La classification prsente dans le tableau 2 distingue deux types principaux de ressources : les ressources ptrothermiques et les ressources hydrothermiques. D a n s les gisements ptrothermiques la majeure partie de la chaleur se trouve emmagasine dans la masse rocheuse, tandis que dans les gisements hydro-thermiques les fluides interstitiels transportent une fraction substantielle de l'nergie totale in situ. Ces catgories peuvent faire l'objet d'autres subdivisions, selon les caractristiques de l'environnement gothermique et gologique, les mcanismes de transfert de la chaleur et la temprature du rservoir.
O n estime que les ressources ptrothermiques offrent un important potentiel d'exploration future ; cependant, jusqu' prsent ces ressources n'ont t exploites
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Flux de chaleur de la Terre et ressources gothermiques
Tableau 2 Les catgories de ressources gothermiques et leurs caractristiques
Type Sous-type Environnement
Gothermique(*) Gologique
Mcanisme Temprature de transport du rservoir de la chaleur (C)
Ressources ptro-thermiques
Ressources hydro-thermiques
M a g m a partiellement fondu)
Roche sche chaude
D'origine radioactive
Convectives
Advectives
M / F
E/M
M / F
Volcanique
Corps intrusif
Massifs cristallins
Zones tectonises
Bassins sdimentaires
Injection de fluides extrieurs
..
.. ..
Recyclage de fluides naturels
..
650
90-650
30-150
90-350
30-150
* E - flux thermique lev ( 80 m W / m 2 ) M - flux thermique moyen (60-80 m W / m 2 ) F - flux thermique faible ( 60 m W / m 2 )
qu'avec un succs limit en raison des difficults technologiques que pose la mise au point des dispositifs ncessaires l'extraction de la chaleur du rservoir et son transport jusqu' la surface. Seules les ressources hydrothermiques font ce jour l'objet d'une mise en valeur commerciale - et encore le succs de leur exploitation dpend-il davantage de la dcouverte de zones chaudes permables que de celle de zones de hautes tempratures.
O n peut se faire une ide approximative de la distribution globale des ressources gothermiques en calculant la quantit d'nergie thermique emmagasine dans les trois premiers kilomtres d'paisseur de la crote (distance considre c o m m e la profondeur maximale de forage dans des conditions conomiques). Le problme principal, en l'occurrence, est le m a n q u e de donnes gothermiques et gologiques suffisamment dtailles, qui rend difficile, voire impossible, la ralisation d'estima-tions valables pour de nombreuses rgions, en particulier celles qui sont recouvertes par les ocans. Si l'on possde davantage de donnes gologiques en ce qui concerne les rgions continentales, les calculs doivent cependant se fonder dans la plupart des cas sur une estimation approximative subjective de la superficie des zones gothermi-ques. Les calculs prliminaires que l'on a effectus en subdivisant les zones consid-res en zones gothermiques de basse nergie et de haute nergie mettent nanmoins en vidence certaines caractristiques importantes de ces ressources. Les estimations de la base mondiale de ressources gothermiques (dans les limites d'une profondeur de 3 k m ) qui sont prsentes dans le tableau 3 montrent que l'importance quantita-tive de l'nergie gothermique est loin d'tre ngligeable par rapport la production nergtique mondiale obtenue partir des combustibles classiques, de l'hydrolectri-
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Tableau 3 Comparaison entre les estimations de base des ressources gothermiques des diffrentes rgions continentales et les taux de production nergtique pour 1975. Donnes tires de Rowley (982), McRae et Dudas (1977)
Ressources gothermiques Taux de production nergtique Rgion de base pour 1975
(106 quads)* (quads Van)
Hydro-Basse Haute Total Combus- lectricit Total
nergie nergie tibies et nergie ( 150C) classiques nuclaire
Amrique du Nord
Amrique centrale et Amrique du Sud
Europe occidentale
Europe orientale
Asie
Afrique
Ocanie
Monde
* 1 quad (quadrillion Btu) =
8,30
5,67
1,57
6,95
8,29
5,53
3,56
39,90
1015 Btu. 1
0,34
0,27
0,02
0,06
0,22
0,08
0,18
1,20
Btu (British
8,64
5,94
1,59
7,01
8,51
5,61
3,74
41,00
thermal unit)
63,96
11,61
17,36
52,11
26,39
13,02
3,91
188,40
= 1054,2 joules.
2,45
0,48
1,80
0,58
0,40
0,13
0,51
6,40
66,41
12,09
19,16
61,31
26,80
13,15
4,42
246,40
cit et de l'nergie nuclaire. Autre point vident qu'il convient de noter, la chaleur basse nergie - correspondant des tempratures infrieures 150C - constitue la majeure partie de ces ressources gothermiques totales : quoique ingalement rpar-tie, c'est la ressource la plus rpandue. E n revanche, les ressources haute nergie ne reprsentent qu'une faible fraction des ressources totales et leur distribution est extrmement irrgulire.
C o m m e n t ces ressources peuvent-elles tre mises en valeur au bnfice de l'hu-manit? D u bilan des utilisations mondiales de l'nergie gothermique au cours des toutes dernires dcennies il ressort que son prix de revient est en fait moindre que celui de l'nergie tire des sources classiques. Toutefois, elle est difficilement trans-portable sur de longues distances si elle n'est pas transforme en d'autres formes appropries d'nergie. L e rendement des centrales gothermiques diminuant forte-ment aux basses tempratures, la conversion en lectricit n'est r e c o m m a n d e que dans le cas des ressources gothermiques haute nergie, de tempratures suprieures 150 C . E n revanche, les applications directes de la gothermie sont d 'un bien meilleur rendement dans le cas de tempratures infrieures 150 C . L a plupart des ressources gothermiques tant de la catgorie basses tempratures , o n peut considrer qu'elles trouvent des applications idales dans l'agriculture, l'industrie et les services de caractre gnral. Les utilisations possibles des fluides gothermaux de basses tempratures sont rsumes dans la figure 4.
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Flux de chaleur de la Terre et ressources gothermiques
Figure 4
Spectre des applications possibles du contenu calorifique des ressources gothermiques basse nergie.
S w o
Production Traitement Industrie Production d'lectricit
o
lu1 Si
II
i n 11*
y
Rle de la gothermie dans la formation des gisements de minraux et d'hydrocarbures
Telle qu 'on les dfinit c o m m u n m e n t aujourd'hui, les ressources gothermiques sont des concentrations d'nergie thermique emmagasine dans le sous-sol. Cette concep-tion est toutefois relativement troite et le rle de la gothermie dans la formation des gisements de minraux et d'hydrocarbures dont l'importance est cruciale pour les progrs de la socit moderne a souvent t nglig. Avant l'avnement d u modle dynamique de la Terre issu de la thorie de la tectonique des plaques, la recherche des ressources minrales se faisait sans que l'on ait une connaissance claire des caractristiques de la distribution gographique et de la rpartition par ge des dpts de minraux. Les rsultats des programmes de forages en m e r profonde, en montrant que les bassins ocaniques contiennent d'innombrables gtes minraux, ont modifi notablement la thorie classique de la mtallogense. Les tentatives d'explication de l'origine de ces gtes minraux ocaniques par la thorie de la tectonique des plaques ont considrablement clair les processus de formation des minerais et la prsence de zones minrales autour du globe.
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Examinons les processus qui conduisent la formation de gtes minraux sur le plancher ocanique. Lorsque le m a g m a remontant des profondeurs de la Terre approche du fond de la mer au voisinage des dorsales mdio-ocaniques, sa tempra-ture descend au-dessous du point de liqufaction et il se forme une couche limite superficielle chaude. A mesure que la temprature continue de dcrotre, cette couche devient fragile et ne peut plus rsister aux fortes contraintes rsultant de la contraction thermique. Il se forme alors un vaste rseau de fractures et l'eau de mer froide pntre dans l'environnement chaud du m a g m a subsuperficiel. La chaleur et les ractions chimiques qui s'en suivent transforment l'eau de mer alcaline descen-dante en une solution acide chaude qui dissout par son action corrosive les mtaux prsents m m e de faibles concentrations. L'eau de mer se dcharge d'lments et de composs c o m m e le magnsium et certains sulfates, tout en se chargeant d'autres lments tels que le lithium, le potassium, le calcium, le baryum, le cuivre, le fer, le manganse et le zinc. La convection thermique ramne par les chemines permables cette saumure chaude riche en mtaux vers les fonds marins. A u contact de l'eau de mer froide, les mtaux dissous prcipitent, formant des gtes mtallifres. Les concentrations de dpts conomiquement exploitables ne se prsentent toutefois que dans des conditions gothermiques et gologiques favorables qui sont : l'exis-tance de vastes rseaux de systmes de fractures permables, de forts gradients thermiques dterminant les mouvements circulatoires dans les cellules de convection et la formation de couches de surface mettant le dpt l'abri de modifications ultrieures. Le processus de minralisation de la crote ocanique est schmatis dans la figure 5, tandis que la figure 6 prsente la rpartition gographique des gtes minraux forms par les sources chaudes des fonds marins.
Figure 5 Reprsentation schmatique du processus de minralisation par circulation hydrothermale dans la crote ocanique.
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Flux de chaleur de la Terre et ressources gothermiques
Dpts sur les fonds marins Dpts continentaux
Figure 6 Distribution mondiale des gtes mtallifres hydrothermaux sur les fonds ocaniques et les continents. O n pense que les gtes continentaux actuels se sont forms l'origine sur un fond marin. (D'aprs R o n a , 1986.)
La gothermie joue galement un rle important dans la formation des gise-
ments de ptrole et de gaz. D e rcentes avances dans l'tude de la maturation
thermique des roches sdimentaires ont rvl que la transformation des matires
organiques en ptrole et en gaz est un processus dpendant du temps et de la
temprature. Pour qu'il y ait production d'une vaste quantit d'hydrocarbures, il
faut que la matire organique soit cuite des tempratures dont la fourchette est
relativement bien dtermine. Dans les bassins sdimentaires, ces tempratures se
trouvent atteintes la suite de phnomnes de subsidence et d'enfouissement ainsi
que d'une intensification du flux thermique rsultant de la remonte de matires
asthnosphriques chaudes jusqu' la base de la crote. L'analyse l'chelle m o n -
diale des dpts d'hydrocarbures montre que la majorit des gtes gants sont situs
dans les bassins o le flux thermique est puissant. M m e l'intrieur d'un bassin
ptrolifre donn, on constate que les gisements commercialement exploitables sont
souvent associs des zones qui se trouvent tre des points chauds .
Et maintenant?
Les travaux de recherche et dveloppement consacrs la gothermie au cours de ces
dernires dcennies ont considrablement amlior la connaissance des processus
dynamiques qui se droulent l'intrieur de la Terre. L'analyse des donnes gother-
miques la lumire de la thorie de la tectonique des plaques a permis de construire
des modles rendant compte des principales caractristiques du rgime thermique de
la lithosphre. Les cartes mondiales que l'on a tablies de la dissipation gothermi-
que apportent des renseignements d 'un haut intrt pour la mise sur pied de pro-
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grammes d'exploration des ressources en nergie gothermique et des gtes mtallifres hydrothermaux.
Ayant lucid les mcanismes de base de l'activit thermotectonique l'chelle mondiale, la communaut internationale des gothermiciens est prte dployer de vastes efforts pour comprendre la nature des processus thermiques rgionaux locaux. U n e meilleure connaissance des processus qui se droulent l'intrieur du manteau ne devrait pas seulement nous permettre de mieux cerner les caractristi-ques rgionales de l'activit volcanique et sismique ; elle devrait aussi apporter des renseignements accessoires utiles l'valuation des risques qui sont associs ces phnomnes naturels.
Le recueil d'informations dtailles sur le rgime thermique souterrain est d'une importance considrable pour la fixation d'objectifs ralistes en matire d'explora-tion et d'exploitation de l'nergie gothermique et des ressources minrales hydro-thermales au niveau rgional c o m m e au niveau local. U n tel effort prsente un intrt immdiat pour l