La teneur en lipides de la viande : une balance ...

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Les capacités de consommation des produits animaux tendent vers la satu- ration au sein de l’Union Européenne. Ce phénomène est lié à la satisfaction déjà atteinte des besoins nutritionnels primaires, et à une faible croissance démographique dans la plupart des pays européens (Lossouarn 2003). Il découle également de la liaison établie dans l’esprit des consommateurs entre une consommation excessive de pro- duits carnés et l’augmentation de l’ap- port alimentaire en graisses notamment saturées (Valsta et al 2005), et de sa relation possible avec certaines patho- logies fréquentes dans nos sociétés industrielles (cancers, désordres cardio- vasculaires, diabète ou obésité). Enfin, des crises alimentaires successives (Encéphalopathie Spongiforme Bovine (ESB), fièvre aphteuse, grippe aviai- re…) fortement médiatisées ont rendu les consommateurs relativement méfiants vis-à-vis de la sécurité sanitai- re des produits carnés. C’est pourquoi la maîtrise des qualités sanitaires en premier lieu, mais aussi la garantie d’une certaine homogénéité des pro- duits et l’amélioration de leurs qualités organoleptiques et diététiques sont devenues nécessaires au maintien de la consommation de viande. La quantité de lipides intramusculaires et leur com- position en acides gras apparaissent comme des acteurs importants de la genèse des qualités des viandes et des produits issus de leur transformation. En effet, de nombreux consommateurs européens citent le goût, la jutosité, et la présence de gras intramusculaire comme des facteurs clés d’appréciation de la qualité de la viande de porc par exemple (Ngapo et al 2003). Bien que les relations précises entre teneur en lipides intramusculaires et qualités sen- sorielles soient encore controversées (sans doute du fait de l’existence de valeurs «seuil» pour ces différents paramètres), il est généralement admis que la quantité de lipides dans le mus- cle influence positivement la flaveur, la jutosité et la tendreté de la viande, ainsi que son acceptabilité globale (Hodgson et al 1991, Fernandez et al 1999). A l’inverse, le dépôt excessif de lipides peut être un facteur de rejet dans l’acte d’achat, car il est souvent associé à une mauvaise image nutritionnelle. Cependant, il ne faut pas oublier que la teneur en lipides des muscles est en fait bien plus faible que celle des pièces de boucherie qui incluent également les dépôts intermusculaires ou sous-cuta- nés (Culioli et al 2003). En outre, la matière grasse apportée lors de la cuis- son contribue largement à la teneur en lipides des viandes cuites directement consommées (Geay et al 2002). Il n'en demeure pas moins que la compréhen- sion du déterminisme de la teneur en lipides dans le muscle reste un sujet de recherche important, en raison de nom- breuses incertitudes sur le sujet. De multiples facteurs contribuent à la variation de la teneur en lipides de la viande crue, comme le génotype, l’ali- mentation, l’âge, et les conditions d’éle- vage des animaux, ou l’origine anato- mique du muscle (Mourot et Hermier 2001, Wood et al 2004). Cependant, les mécanismes métaboliques qui président à l’établissement de la teneur en lipides intramusculaires restent mal connus mal- gré de nombreuses recherches effectuées sur ce sujet au cours de ces dernières années. La situation est compliquée par le fait que les lipides recouvrent des composantes chimiques et cellulaires très diverses. Au niveau chimique, les lipides sont soit des phospholipides (ou lipides membranaires de structure), soit des triglycérides (ou lipides de réserve), ces derniers constituant la fraction la plus variable de la teneur en lipides intramus- culaires. Au niveau cellulaire, les trigly- cérides sont stockés pour une part mineure (5-20 %) dans les fibres muscu- laires et pour leur plus grande part, dans des cellules spécialisées (les adipocytes) qui se développent le long des faisceaux de fibres (de l’ordre de 80 % des lipides totaux, Essen-Gustavsson et al 1994, Gondret et al 1998). Du fait de la coexis- tence de ces différents types cellulaires, la teneur en lipides intramusculaire pour- rait alors résulter d’un équilibre entre de multiples voies métaboliques actives dans les adipocytes comme dans les fi- bres musculaires. L’objectif de cette revue est de faire le point des travaux récemment entre- pris à l’INRA chez les mammifères producteurs de viande, et visant à caractériser les voies métaboliques impliquées dans le déterminisme de la teneur en lipides des muscles. Ces recherches ont pu être réalisées par la mise en commun de différentes compé- tences permettant ainsi une approche plus globale du déterminisme de la teneur en lipides intramusculaires. INRA Productions Animales, Décembre 2006 INRA Prod. Anim., 2006, 19 (5), 327-338 F. GONDRET 1 , J.-F. HOCQUETTE 2 1 INRA, Agrocampus, UMR1079 Systèmes d’Elevage, Nutrition Animale et Humaine, F-35590 Saint-Gilles, France 2 INRA, UR1213 Herbivores, F-63122 Saint-Genès Champanelle, France Courriel: [email protected] La teneur en lipides de la viande : une balance métabolique complexe La teneur en lipides intramusculaires est un des facteurs clé de l’acceptabilité globale de la viande par le consommateur. Plusieurs résultats récents ont souligné le rôle de la balance entre anabolisme lipidique et catabolisme énergétique dans le muscle, et l’importance du nombre d'adipocytes intramusculaires, dans le déterminisme de la teneur en lipides intramusculaires chez l’animal au stade d’abattage commercial.

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Les capacités de consommation desproduits animaux tendent vers la satu-ration au sein de l’Union Européenne.Ce phénomène est lié à la satisfactiondéjà atteinte des besoins nutritionnelsprimaires, et à une faible croissancedémographique dans la plupart despays européens (Lossouarn 2003). Ildécoule également de la liaison établiedans l’esprit des consommateurs entreune consommation excessive de pro-duits carnés et l’augmentation de l’ap-port alimentaire en graisses notammentsaturées (Valsta et al 2005), et de sarelation possible avec certaines patho-logies fréquentes dans nos sociétésindustrielles (cancers, désordres cardio-vasculaires, diabète ou obésité). Enfin,des crises alimentaires successives(Encéphalopathie Spongiforme Bovine(ESB), fièvre aphteuse, grippe aviai-re…) fortement médiatisées ont rendules consommateurs relativementméfiants vis-à-vis de la sécurité sanitai-re des produits carnés. C’est pourquoila maîtrise des qualités sanitaires enpremier lieu, mais aussi la garantied’une certaine homogénéité des pro-duits et l’amélioration de leurs qualitésorganoleptiques et diététiques sontdevenues nécessaires au maintien de laconsommation de viande. La quantitéde lipides intramusculaires et leur com-position en acides gras apparaissentcomme des acteurs importants de lagenèse des qualités des viandes et desproduits issus de leur transformation.En effet, de nombreux consommateurseuropéens citent le goût, la jutosité, etla présence de gras intramusculairecomme des facteurs clés d’appréciation

de la qualité de la viande de porc parexemple (Ngapo et al 2003). Bien queles relations précises entre teneur enlipides intramusculaires et qualités sen-sorielles soient encore controversées(sans doute du fait de l’existence devaleurs «seuil» pour ces différentsparamètres), il est généralement admisque la quantité de lipides dans le mus-cle influence positivement la flaveur, lajutosité et la tendreté de la viande, ainsique son acceptabilité globale (Hodgsonet al 1991, Fernandez et al 1999). Al’inverse, le dépôt excessif de lipidespeut être un facteur de rejet dans l’acted’achat, car il est souvent associé àune mauvaise image nutritionnelle.Cependant, il ne faut pas oublier que lateneur en lipides des muscles est en faitbien plus faible que celle des pièces deboucherie qui incluent également lesdépôts intermusculaires ou sous-cuta-nés (Culioli et al 2003). En outre, lamatière grasse apportée lors de la cuis-son contribue largement à la teneur enlipides des viandes cuites directementconsommées (Geay et al 2002). Il n'endemeure pas moins que la compréhen-sion du déterminisme de la teneur enlipides dans le muscle reste un sujet derecherche important, en raison de nom-breuses incertitudes sur le sujet.

De multiples facteurs contribuent à lavariation de la teneur en lipides de laviande crue, comme le génotype, l’ali-mentation, l’âge, et les conditions d’éle-vage des animaux, ou l’origine anato-mique du muscle (Mourot et Hermier2001, Wood et al 2004). Cependant, lesmécanismes métaboliques qui président

à l’établissement de la teneur en lipidesintramusculaires restent mal connus mal-gré de nombreuses recherches effectuéessur ce sujet au cours de ces dernièresannées. La situation est compliquée parle fait que les lipides recouvrent descomposantes chimiques et cellulairestrès diverses. Au niveau chimique, leslipides sont soit des phospholipides (oulipides membranaires de structure), soitdes triglycérides (ou lipides de réserve),ces derniers constituant la fraction la plusvariable de la teneur en lipides intramus-culaires. Au niveau cellulaire, les trigly-cérides sont stockés pour une partmineure (5-20 %) dans les fibres muscu-laires et pour leur plus grande part, dansdes cellules spécialisées (les adipocytes)qui se développent le long des faisceauxde fibres (de l’ordre de 80 % des lipidestotaux, Essen-Gustavsson et al 1994,Gondret et al 1998). Du fait de la coexis-tence de ces différents types cellulaires,la teneur en lipides intramusculaire pour-rait alors résulter d’un équilibre entre demultiples voies métaboliques activesdans les adipocytes comme dans les fi-bres musculaires.

L’objectif de cette revue est de fairele point des travaux récemment entre-pris à l’INRA chez les mammifèresproducteurs de viande, et visant àcaractériser les voies métaboliquesimpliquées dans le déterminisme de lateneur en lipides des muscles. Cesrecherches ont pu être réalisées par lamise en commun de différentes compé-tences permettant ainsi une approcheplus globale du déterminisme de lateneur en lipides intramusculaires.

INRA Productions Animales, Décembre 2006

INRA Prod. Anim.,2006, 19 (5), 327-338

F. GONDRET1, J.-F. HOCQUETTE2

1 INRA, Agrocampus, UMR1079 Systèmes d’Elevage, Nutrition Animale et Humaine, F-35590 Saint-Gilles, France

2 INRA, UR1213 Herbivores, F-63122 Saint-Genès Champanelle, FranceCourriel: [email protected]

La teneur en lipides de la viande :une balance métabolique complexe

La teneur en lipides intramusculaires est un des facteurs clé de l’acceptabilité globale de laviande par le consommateur. Plusieurs résultats récents ont souligné le rôle de la balance entreanabolisme lipidique et catabolisme énergétique dans le muscle, et l’importance du nombred'adipocytes intramusculaires, dans le déterminisme de la teneur en lipides intramusculaireschez l’animal au stade d’abattage commercial.

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1 / Rappels sur le métabolis-me glucido-lipidique dumuscle

Pour assurer la contraction des fibresmusculaires, le muscle doit disposerd’énergie (ATP) fournie par la dégrada-tion de différents substrats énergé-tiques, captés par et/ou stockés dans lemuscle. Le métabolisme énergétiquedans le muscle des animaux produc-teurs de viande a fait l’objet de plu-sieurs revues récentes (Hocquette et al2000 par exemple). Globalement, onpeut distinguer deux formes principalesde génération de l’énergie : la voieanaérobie glycolytique et la voie aéro-bie oxydative. L’activation préféren-tielle d’une de ces deux voies est fonc-tion du type de fibres constituant lemuscle, de la disponibilité en substratset en oxygène, et de l’intensité et de ladurée de l’exercice physique demandé.

La figure 1 présente les principalescomposantes du métabolisme énergé-tique musculaire. Le transport du glu-cose sanguin à l’intérieur du muscle estainsi facilité par un transporteur spéci-fique insulino-dépendant GLUT4, pré-sent à la surface des fibres musculaireset des adipocytes. Le glucose peut êtreensuite métabolisé par différentes voiesbiochimiques. Il peut être converti englycogène qui est sa principale formede réserve au niveau musculaire, ou enacides gras grâce à la lipogenèse denovo. Les principales enzymes impli-quées dans la synthèse de novo des aci-des gras sont l’acétyl-CoA carboxylase(ACC) et la synthase des acides gras(FAS), qui interviennent directementdans la conversion de l’acétyl-CoA issudu glucose en acide gras palmitique, etl’enzyme malique et la glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PDH)qui fournissent le cofacteur NADPHnécessaire à cette synthèse. Le glucosepeut également être partiellement

dégradé par la glycolyse anaérobie(dans laquelle intervient notamment laphosphofructokinase ou PFK) et recy-clé sous forme de lactate (grâce à l’ac-tivité de la lactate déshydrogénase ouLDH). Il peut enfin être complètementoxydé dans les mitochondries par lesenzymes du cycle de Krebs (par exem-ple, la citrate synthase considéréecomme un bon marqueur du nombre demitochondries) puis par les complexesde la chaîne respiratoire (par exemplele complexe IV ou cytochrome-c oxy-dase).

Les acides gras constituent l’autresubstrat énergétique majoritaire dumuscle. Les acides gras à chaîne longuetransportés par la circulation sanguinese trouvent soit sous forme de triglycé-rides constituant les lipoprotéines, soitsous forme non estérifiée (acides graslibres liés à l’albumine). L'hydrolysepar la lipoprotéine lipase (LPL) deslipoprotéines riches en triglycérides est

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Figure 1. Schéma simplifié du métabolisme glucido-lipique intracellulaire.

Abréviations : ACC : acétyl-CoA carboxylase ; COX : cytochrome-c oxydase CPT-I : carnitine palmitoyl-transferase-I ; CS : citrate synthase ;EM : enzyme malique ; FABP : protéine de liaison intracellulaire des acides gras (H-FABP : forme musculaire ; A-FABP : forme adipocytaire) ;FAS : synthase des acides gras ; G3PDH : glycérol-3 phosphate déshydrogénase ; G6PDH : glucose-6-phosphate déshydrogénase ; HAD : hydro-xyacyl-CoA-déshydrogénase ; HMP : hexoses monophosphates ; LDH : lactate déshydrogénase ; LPL : lipoprotéine lipase ; PDH : pyruvatedéshydrogénase ; PFK : phosphofructokinase ; TG : triglycérides

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considérée comme l’étape limitantedans l'utilisation des triglycérides cir-culants par le muscle. Les acides grasainsi produits et les acides gras nonestérifiés sont internalisés dans lemuscle, le passage à travers les mem-branes plasmiques étant facilité pardes transporteurs spécifiques. Auniveau intracellulaire, les acides grassont liés à des protéines de liaison(parmi lesquelles on trouve les protéi-nes de liaison des acides gras ou FABPpour «fatty acid binding proteins»)jusqu’aux sites d'oxydation ou d'es-térification. La forme musculaireH-FABP est supposée orienter préfé-rentiellement les acides gras vers lessites d’oxydation intracellulaire. Laforme adipocytaire A-FABP est consi-dérée comme un marqueur tardif de ladifférenciation des adipocytes aucours de l’adipogenèse et donc dunombre d’adipocytes. Dans le muscle,les acides gras peuvent être dégradésdans deux types d’organites : les per-oxysomes qui dégradent partiellementles acides gras à chaîne longue jus-qu'au stade acétyl-CoA, et les mito-chondries responsables de l’oxydationcomplète des acides gras à chaîne lon-gue ou courte. L'entrée des acides grasdans les mitochondries est sous le con-trôle d'une enzyme spécifique, la car-nitine palmitoyl-transférase (CPT)-I,considérée comme l'étape limitante deleur oxydation. A l’inverse, les acidesgras peuvent aussi être estérifiés enprésence de glycérol sous forme degouttelettes de triglycérides dans lecytoplasme des fibres musculaires oudans les adipocytes intramusculaires.Le glycérol est obtenu à partir du glu-cose grâce à l’activité de la glycérol-3-phosphate déshydrogénase (G3PDH).Les triglycérides intramusculairespourront être par la suite dégradés enacides gras à la demande de l’organis-me, grâce à l’action de la lipasehormono-sensible (LHS) considéréecomme l’enzyme clé de la lipolyse.

Il est admis depuis longtemps qu’ilexiste une compétition entre l'oxyda-tion des lipides et celle des glucidespour la fourniture de l’énergie àbesoins énergétiques constants(Hocquette et al 2000). En effet, lecatabolisme des acides gras génère duNADH, de l'ATP et de l'acétyl-CoAqui inhibent la principale enzyme del'oxydation du glucose, la pyruvatedéshydrogénase (PDH), et épargneainsi les réserves en glycogène muscu-laire. Réciproquement, une stimula-tion du catabolisme du glucose dimi-nue l'oxydation des acides gras vial'inhibition de la CPT-I.

2 / Variabilité de la teneuren lipides entre muscles

La teneur en lipides des muscles esttrès différente selon la race, le systèmede production considéré, et pour unmême animal, selon le morceau prélevé(c'est-à-dire selon le(s) muscle(s) qui leconstituent).

2.1 / Teneur en lipides et fré-quence des différents types defibres musculaires

Au niveau métabolique, on distinguetraditionnellement trois types de fibresconstituant les muscles : les fibres oxy-datives, les fibres oxydo-glycolytiqueset les fibres glycolytiques. Au niveaucontractile, les fibres sont classées surla base de leur contenu en isoformes dechaînes lourdes de la myosine I (lente),ou IIa, IIx et IIb (rapides) associées àdes vitesses de contraction croissante.Pour la plupart d’entre eux, les musclessont en fait constitués de proportionsvariées de ces différents types de fibres,d’où des muscles oxydatifs, oxydo-glycolytiques (c'est-à-dire mixtes) ouglycolytiques.

Dans le cas du bovin, force est deconstater que les muscles des races ori-ginaires des pays anglo-saxons, et sur-tout du Japon, qui contiennent de 8 à11 % (pour la catégorie à la note de per-sillée la plus élevée aux USA) à plus de20 % de lipides (pour le Bœuf de Kobéau Japon), comportent également uneplus grande proportion de fibres oxyda-tives que ceux des races bovines fran-çaises à maturité physiologique plustardive, pour lesquelles la plupart desmorceaux contient moins de 6 % delipides avant cuisson (Hocquette 2004).A l'exception de la viande d'agneau, lesviandes des autres espèces (porc, lapin,cheval, volailles) sont généralementpauvres en lipides (Culioli et al 2003) ;parallèlement les muscles de ces espè-ces ont un caractère moins oxydatif quecelui des muscles de bovins. Notonscependant que le bison est une espèceaux muscles moins riches en lipidesintramusculaires que ceux de bovin,malgré leur caractère plus oxydatif(Agabriel et al 1998).

A côté de ces différences majeuresentre espèces, de nombreuses recher-ches ont porté sur l'étude des relationsentre le type de muscle et la teneur enlipides intramusculaires pour un animaldonné. Ainsi, il a été observé que lesmuscles de la partie avant de la carcas-se (généralement plus oxydatifs) sont

souvent plus riches en lipides que ceuxde la partie arrière de l’animal. Parexemple chez le porc, les muscles tra-pezius et rhomboïdeus contiennentrespectivement 5-6 % et 3,5 % de lipi-des, alors que les muscles longissimuset semimembranosus n’en renfermentque 1,5 à 2 % en moyenne. Toutefois, ilne peut être fait de généralisation quantà un éventuel gradient antéropostérieurdans la teneur en lipides intramusculai-res. De plus, de nombreux exemplesindiquent qu’il n’existe pas de relationssimples entre la fréquence des types defibres musculaires à l’intérieur d’unmuscle et sa teneur en lipides intramus-culaires. Ainsi, par exemple, chez leporc (Beecher et al 1965, Morrison etCampbell 1971, Wilson et al 1976), lapartie rouge oxydative du muscle semi-tendinosus (composée de fibres de typeI pour environ 48 % des fibres) a uneteneur en lipides inférieure à celle de lapartie blanche glycolytique de ce mêmemuscle (composée d’environ 20 % defibres de type I). En revanche, il estdepuis longtemps admis que les fibreslentes oxydatives contiennent respecti-vement, 4 et 30 fois plus de triglycéri-des intracellulaires que les fibres rapi-des oxydo-glycolytiques de type IIA, etrapides glycolytiques de type IIB/X(Wakata et al 1990 chez le lapin).L’absence de relation entre la teneur enlipides intramusculaires et la fréquencedes types de fibres musculaires s’ex-plique par le fait que la majeure partiede la variation de la teneur en lipidesentre muscles est en fait liée à des dif-férences dans le nombre d’adipocytesintramusculaires situés entre les fais-ceaux de fibres (Gondret et al 1998).

2.2 / Capacité métabolique dumuscle et teneur en lipides intra-musculaires : un faux paradoxe

Chez le bovin et chez le porc, lesmuscles riches en lipides présententglobalement des capacités intrinsèquesélevées pour réaliser la lipogenèse denovo des acides gras puis leur estérifi-cation en triglycérides, même si l’ordrede classement entre muscles dans lesactivités des enzymes impliquées dansces voies ne suit pas strictement celuirapporté pour leur teneur en lipidesintramusculaires (tableau 1). Les mus-cles riches en lipides totaux se caracté-risent globalement par une activitélipoprotéine lipase (LPL) élevée(Hocquette et al 1998), c'est-à-dire parune capacité importante à réaliser l’hy-drolyse des lipoprotéines riches en tri-glycérides qui circulent au niveau san-guin. Cette étape est généralementconsidérée comme limitante dans le

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captage et l’utilisation des acides graspar les tissus périphériques (dont lemuscle). Toutefois, aucune corrélationsignificative n'a pu être mise en éviden-ce entre l'activité LPL et la teneur enlipides intramusculaires chez le bovin(Hocquette et al 2003). A l’inverse, lesmuscles à forte teneur en lipides totauxpossèdent souvent une faible activitéglycolytique, qu’elle soit estimée par lamesure de l’activité de l’enzyme géné-rant le lactate (LDH) ou par le calcul dupotentiel glycolytique musculaire.Enfin, les muscles riches en lipidespossèdent globalement une capacitéimportante à transporter les acides grasvers les sites d’oxydation (capacitémesurée par la quantité ou l’expressionde la protéine de liaison intracellulaireH-FABP), puis à les oxyder. Chez lelapin (Gondret et al 2001), une analyseen composantes principales à partir desdonnées recueillies dans trois muscles(semimembranosus proprius, cœur, etlongissimus) a permis d’établir un pro-fil métabolique expliquant 50 % de lavariation de la teneur en lipides intra-musculaires (figure 2). Ce profil est unecombinaison linéaire des variables nor-malisées décrivant la capacité de lipo-genèse de novo des acides gras (activi-tés de l’ACC et de la G6PDH), lacapacité d’hydrolyse des triglycérides

circulants (activité de la LPL), l’aptitu-de au transport des acides gras vers lessites d’oxydation (quantité de protéinede liaison H-FABP) et la capacité

d’oxydation des substrats (activités desenzymes HAD, citrate synthase, etCOX), opposées au métabolisme gly-colytique anaérobie (activité de laPFK). Cette opposition entre la capaci-té d’oxydation des acides gras et leniveau de la glycolyse anaérobie dansle muscle reflète très certainement lacompétition entre substrats dans lafourniture de l’énergie. La seule capa-cité du muscle à stocker l’énergie sousforme de lipides, mesurée par les acti-vités de la LPL et des enzymes de lalipogenèse, n’explique que 3 % de lavariabilité de la teneur en lipides entremuscles lorsqu’elle est considérée iso-lément de sa capacité oxydative(Gondret et al 2001).

En résumé, les muscles les plusriches en lipides sont donc ceux quisynthétisent plus d’acides gras in situmais aussi ceux qui utilisent d’avantageles acides gras comme fournisseursd’énergie pour la contraction des fibresmusculaires. Ce paradoxe apparentsuggère que les différences de teneursen lipides entre muscles de la carcassesont liées à l’importance plus ou moinsgrande des flux de lipides dans le mus-cle. En accord, des études chez le ratont montré par utilisation de traceursradioactifs que les triglycérides dumuscle sont soumis à un turnover rapi-de (Dyck et al 1997, Guo et Jensen,1998). La teneur en lipides plus élevéedans un muscle par rapport à un autres’expliquerait alors par une capacité à

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Tableau 1. Teneur en lipides intramusculaires et activités de synthèse et d'oxydationdes substrats énergétiques entre différents muscles de porc et de bovin.

* Estimée par la mesure des produits formés au cours de l'oxydation de l'acide oléique marqué.D'après Demeure 2000 chez le porc ; et Talmant et al 1986 (1), Piot et al 1999 (2), Bonnet et al2003 (3), Hocquette et al 1998 (4), 2004 et données non publiées (5) chez le bovin. Abréviations : ACC : acétyl-CoA carboxylase ; BF : biceps femoris ; FAS : synthase des acidesgras ; G3PDH : glycérol-3-phosphate déshydrogénase ; G6PDH : glucose-6-phosphate déshydro-génase ; H-FABP : forme musculaire de la protéine de liaison des acides gras ; HAD : hydroxy-acyl-CoA déshydrogénase ; LL : longissimus lumborum ; LT : longissimus thoracis ; LDH: Lactatedéshydrogénase ; LPL : lipoprotéine lipase ; PFK: Phosphofructokinase ; RA : rectus abdominis ;RH : rhomboideus ; ST : semitendinosus.

Figure 2. Relation entre la teneur en lipides de trois muscles prélevés chez des lapinsde race Blanc Néo-zélandais et leur profil métabolique glucido-lipidique (Gondret et al2001).

Composition mathématique du profil métabolique1 :Y = 0.32G6PDH + 0.28ACC + 0.37LPL + 0.37[H-FABP] + 0.35HAD + 0.40CS + 0.38COX – 0.32PFK1 Les différentes variables après normalisation contribuent de manière équivalente à la définition du pro-fil. Abréviations : ACC: acétyl-CoA carboxylase ; COX : cytochrome-c oxydase ; CS : citrate synthase ;G6PDH : glucose-6-phosphate déshydrogénase ; HAD : hydrocy-acylCoA déshydrogénase ; H-FABP :forme musculaire de la protéine de liaison intracellulaire d’acides gras; LL : longissimus lumborum ;LPL : lipoprotéine lipase ; PFK : phosphofructokinase ; SMP : semimembranosus proprius.

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déposer les acides gras en excès parrapport à la capacité propre du muscle àles oxyder.

3 / Variabilité de la teneuren lipides au sein d’unmême muscle en fonctiondu développement physio-logique des animaux

3.1 / Effet de l’âge et du poidsdes individus

Le dépôt de lipides dans le musclese produit tardivement au cours de la

croissance de l’animal. Chez le jeuneanimal, les triglycérides sont princi-palement localisés à l’intérieur desfibres musculaires. L’augmentationsimultanée du poids et de l’âge s’ac-compagne généralement d’une aug-mentation de la teneur en lipidesintramusculaires chez le porc commechez le lapin (figure 3), et des résul-tats similaires ont été obtenus chez lebovin en croissance (Pethick et al2005). L’accumulation de lipides dansle muscle est parallèle à une augmen-tation du nombre et de la taille desadipocytes intramusculaires chez lelapin (Gondret et al 1998), le porc(Chora 1996) et le bovin (Nicastro etal 2000). La cinétique de dépôt de ces

lipides est cependant fonction dugénotype des animaux mais aussi dumuscle considéré. Par exemple chezle porc, l’accumulation des lipidesavec la croissance est plus prononcéedans le muscle latissimus dorsi quedans le muscle biceps femoris(Kauffman et Safanie 1967). Certainsauteurs n’observent pas de variationsignificative de la teneur en lipideschez l’animal en croissance, probable-ment du fait d’une hétérogénéité dansles sites de prélèvements (Link et al1970) ou de variation dans le régimealloué aux animaux au cours de lapériode d’engraissement.

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Figure 3. Evolution de la teneur en lipides du muscle longissimus au cours de la croissance en fonction de l’espèce (les types géné-tiques sont indiquées entre parenthèses).

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3.2 / Balance métabolique etaccumulation des lipides avec lacroissance

Compte tenu de la complexité dumétabolisme énergétique musculaire, ilsemble illusoire de vouloir appréhenderle déterminisme de la teneur en lipidesintramusculaires par la simple mesured’une seule voie métabolique. Chez lelapin, Gondret et al (2004) ont réaliséune analyse en composantes principa-les à partir de variables mesurées dansle muscle longissimus, mais aussi dansle plasma (source de substrats énergé-tiques), dans le tissu adipeux et dans lefoie (sites majeurs respectivement, dela synthèse lipidique et de l’oxydation).Cette analyse a permis de définir unprofil métabolique dont l’évolution aucours de la croissance est responsablede 68 % de la variation de teneur enlipides intramusculaires (figure 4) entrel’âge de 10 semaines (2,4 kg environ)et 20 semaines (4,3 kg environ). Cetteapproche démontre ainsi mathémati-quement que l’élévation de la teneur enlipides du muscle au cours de la crois-sance de l’animal est liée à l’orientationdu métabolisme musculaire vers unecapacité lipogénique supérieure, maisaussi vers une diminution des capacitésde transport intracellulaire des acidesgras (quantité de protéine de liaisonH-FABP) et de l’oxydation mitochon-driale des nutriments (HAD et citratesynthase). De manière surprenante,l’activité de la cytochrome-c oxydase,enzyme de l’oxydation terminale desnutriments, est reliée positivement à lateneur en lipides intramusculaire dansle muscle longissimus du lapin en crois-sance. Il est intéressant de noter qu’unerelation similaire a été observée chez lebovin, cette fois lorsque l’on comparepour un même muscle des individus aupotentiel génétique de dépôt de lipidesdifférent (figure 5A).

L’accumulation des lipides au seind’un muscle au cours de la croissance del’animal résulte donc là encore d’unemodification de la balance métaboliqueentre synthèse et catabolisme des acidesgras en faveur de l’anabolisme, et nonde la régulation d’une seule voie méta-bolique. La seule mesure de l’activitéd’une enzyme impliquée dans la synthè-se des acides gras comme celle d’unindicateur de l’oxydation mitochondria-le, est donc insuffisante pour compren-dre et prédire l’évolution de la teneur enlipides intramusculaires au cours de lacroissance. Cette situation rend donccompliquée toute volonté d’orienter ledépôt de lipides dans le muscle par voienutritionnelle par exemple.

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Figure 4. Relation entre la teneur en lipides dans le muscle longissimus et le métabo-lisme glucido-lipidique du muscle chez des lapins de race Blanc Néo-zélandais entre10 et 20 semaines d’âge (Gondret et al 2004).

Composition mathématique du profil métabolique1 :Y = 0.22ACC + 0.35EM + 0.27G6PDH + 0.34COX - 0.36LPL - 0.29[H-FABP] - 0.33HAD - 0.37CS+ 0.24[PCAGL] - 0.28[PCglucose]

1 Les différentes variables après normalisation contribuent de manière équivalente à la définition du pro-fil. Abréviations : ACC : acétyl-CoA carboxylase ; EM : enzyme malique ; G6PDH : glucose-6-phosphatedéshydrogénase (enzymes de la lipogenèse) ; CS : citrate synthase (régulateur de l’activité des enzy-mes lipogéniques) ; LPL : lipoprotéine lipase (hydrolyse des triglycérides circulants et prélèvement desacides gras produits) ; H-FABP : transporteur intracellulaire d’acides gras, forme musculaire ;HAD : hydroxyacyl-CoA-déshydrogénase (enzyme de l’oxydation des acides gras) ; COX : cytochromeoxydase (enzyme de la chaîne respiratoire) ; PCAGL : concentration plasmatique en acides gras libres,intégrant les métabolismes du foie et du tissu adipeux ; PCglucose : concentration plasmatique en glu-cose, intégrant l’activité lipogénique du foie.

Figure 5. Relation entre l'activité cytochrome-c oxydase ou la quantité de protéine deliaison des acides gras adipocytaire (A-FABP), et la teneur en lipides intramusculaireschez le bovin et le porc.

A – Races bovines Angus, croisés Noir Japonais x Angus (NJxA) et Limousine présen-tant une différence importante de teneur en lipides dans les muscles rectus abdominis(RA), semitendinosus (ST) et longissimus thoracis (LT) (Hocquette et al 2003).

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4 / La balance métaboli-que explique-t-elle tout ?Exemple de l’effet du typegénétique des animaux

4.1 / Potentiel génétique etteneur en lipides intramusculai-res

Il existe de grandes différences dansla teneur en lipides intramusculairesselon le type génétique des animaux.Chez le porc par exemple, les races chi-noises (Meishan) et américaines(Duroc) présentent des teneurs en lipi-des de la viande plus élevées que cellesrencontrées dans les génotypes euro-péens (Large White, Landrace, ouPiétrain, Sellier 1998). Chez le bovin,les individus de race Angus et surtoutNoire Japonaise ont une teneur en lipi-des musculaires et une note de persilléebien supérieures à celles des animauxde races européennes Holstein,Charolaise, et surtout Blanc Bleu Belge(Zembayashi et Lunt 1995, Hocquetteet al 2004). Compte tenu de la corréla-tion génétique certes modérée maisnéanmoins positive entre la teneur enlipides intramusculaires et l’adipositéde la carcasse (Sellier 1998), il semblealors difficile de sélectionner simple-ment des individus sur la teneur en lipi-des intramusculaires sans accroître enmême temps l’adiposité globale del’animal. Ces observations ont depuislongtemps conduit les scientifiques àrechercher si des gènes spécifiquespouvaient être à l’origine de la varia-tion de teneur en lipides de la viande.L’incidence d’un gène à effet majeursur la teneur en lipides intramusculaires(MI pour Meishan Intramuscular fatgene) mais sans effet marqué sur l’adi-posité de la carcasse, a été démontréedans une population de porcs croisésentre races européennes et chinoises(Janss et al 1997), mais son existencereste encore à identifier pour les autresgénotypes porcins. Une dizaine à unevingtaine de loci ou QTL (QuantitativeTrait Loci) a été également identifiéesur différents chromosomes commeimpliqués dans la variabilité de lateneur en lipides intramusculaires ou depersillé de la viande, respectivementchez le porc (Bidanel et Rothschild2002, Stearns et al 2005) et chez lebovin (Kühn et al 2005). Certains deces QTL présenteraient une liaisonpositive avec la teneur en lipides intra-musculaires et le gras périviscéral(c'est-à-dire les dépôts de gras «inter-nes») indépendamment de la quantitéde gras sous-cutané chez le porc

(Gilbert et al 2004). Pour l’ensemble deces QTL, il reste cependant à identifierles gènes impliqués.

4.2 / L’hyperplasie adipocytai-re : phénomène majeur de la va-riabilité génétique de la teneuren lipides intramusculaires ?

Chez le bovin, différents auteurs ontmontré que les différences de teneur enlipides entre les races Angus,Limousine et Blanc Bleu Belge s’expli-quent pour 33 % à 47 % par des diffé-rences d’activité de la cytochrome-coxydase, plus élevée dans la race à forteteneur en lipides intramusculaires(Hocquette et al 2003, Barnola et al2005, figure 5A). Cependant, l’activitéde cette enzyme s’avère inadaptée pourprédire la variabilité individuelle de lateneur en lipides intramusculaires ausein d’une race bovine donnée (Barnolaet al 2005). En outre, les indicateursmétaboliques précédemment mis enexergue chez le lapin (cytochrome-coxydase, mais aussi H-FABP, HAD, etcitrate synthase) sont exprimés demanière comparable dans les musclessemitendinosus de taurillons Charolaisissus d’une sélection divergente pour lepotentiel de croissance, malgré une dif-férence de l’ordre de 20 % dans lateneur en lipides intramusculaires(Hocquette et al 2004). Seules les acti-vités de la cytochrome-c oxydase et dela citrate synthase sont réduites dans lemuscle rectus abdominis des taurillonsà fort potentiel de croissance et faibleteneur en lipides intramusculaires, com-parativement à leurs congénères sélec-tionnés pour une faible croissance mus-culaire. Enfin, deux groupes de porcscroisés Duroc x Large White constitués

au cours de deux générations successi-ves sur la base de la teneur en lipides dumuscle longissimus ne présentent pas dedifférences dans les activités des princi-pales enzymes de la lipogenèse ou del’oxydation mitochondriale des nutri-ments, et dans la quantité de protéineH-FABP (Damon et al 2006).

Force est donc de conclure que labalance métabolique intramusculaireidentifiée comme étant à l’origine de lavariation de la teneur en lipides intra-musculaires au cours de la croissanceou entre muscles d’un animal donné,s’avère insuffisante pour rendre comptede la variabilité génétique. Ce paradoxeserait lié au fait que la majeure partiedes différences entre les animaux à fortou faible potentiel génétique de dépôtde lipides intramusculaires résulte dedifférences dans le nombre d’adipocy-tes présents dans le muscle de l’animal,que ce soit chez le porc (Damon et al2006) ou le bovin (Cianzo et al 1985).En conséquence, la sélection génétiqueprédisposerait à une hyperplasie adipo-cytaire prolongée qui serait le mécanis-me principal expliquant les différencesde teneurs en lipides intramusculaires.En faveur de cette hypothèse, une rela-tion positive a été identifiée entre lavariation génétique de la teneur en lipi-des intramusculaires chez le porc et lebovin, et la quantité de protéine de liai-son A-FABP considérée comme unmarqueur de l’adipogenèse (Hocquetteet al 2003, Barnola et al 2005, Damonet al 2006, figure 5B). Cette variationdans la quantité de protéine A-FABPdans le muscle expliquerait ainsi 58 %de la variabilité de la teneur en lipidesintramusculaires entre races bovinesAngus et Limousine, et croisés Angus x

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B – Population de porcs croisés Duroc x Large White présentant une différenceimportante de teneur en lipides dans le muscle longissimus lumborum (Damonet al 2006).

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Noir Japonais (Hocquette et al 2003),et de 53 % à 78 % de la variabilité dece caractère dans le muscle longissi-mus de porcs croisés Duroc x LargeWhite présentant une teneur élevéeou faible en lipides intramusculaires(Damon et al 2006). Ce paramètre estplus aisément mesurable dans lemuscle que le nombre d’adipocytesqui nécessite des mesures histolo-giques longues, ou que la teneur enlipides totaux qui nécessite souventune quantité importante d’échan-tillon. Cependant, un certain nombrede difficultés au moins d’ordre tech-nique limite l’utilisation de laA-FABP comme critère de sélectionou de discrimination. D’une part, lesprotéines de liaison des acides graspeuvent être régulées de manièrepost-transcriptionnelle. D’autre part,les méthodes disponibles à ce journ’ont pas toutes la même sensibilitéou la même reproductibilité. Pourl’une ou l’autre de ces raisons, aucu-ne différence significative dans laquantité d’ARNm codant pour laA-FABP n’a été observée entre tau-rillons Charolais sélectionnés demanière divergente sur la vitesse decroissance, en dépit de leur différen-ce de teneur en lipides intramusculai-res (Hocquette et al 2004). De même,Damon et al (2006) n’observent pasde relation entre la quantité d’ARNmde la A-FABP et la teneur en lipidesintramusculaires chez des porcs croi-sés Duroc x Large White. Il est doncplus judicieux de déterminer directe-ment la quantité de protéine A-FABPpar exemple par un test de typeELISA, mais cela nécessite de dispo-ser d’un anticorps réellement spéci-fique, ce qui n’est pas le cas cheztoutes les espèces. Enfin, l’ensembledes données concernant la relationentre la quantité de protéine A-FABPet la teneur en lipides intramusculai-res a été obtenu pour un nombre limi-té de génotypes et d’animaux. Or,Gerbens et al (2001) n’identifient pasde relation significative entre laquantité de protéine A-FABP et lateneur en lipides intramusculaireschez des porcs croisés Large White xLandrace, vraisemblablement parceque la population choisie n’a pas lebon allèle en ségrégation. L’intérêtpotentiel de la A-FABP comme mar-queur précoce de la teneur en lipidesintramusculaires doit donc être esti-mé sur un nombre plus important demodèles animaux.

5 / De nouvelles recherchessur la teneur en lipidesintramusculaires

5.1 / Recherches de gènes candi-dats

En parallèle à la recherche de QTL,plusieurs gènes ont été identifiéscomme candidats vis-à-vis du contrôlede la teneur en lipides de la viande.Ainsi, Gerbens et al (2000) ont suggérél’implication d’un polymorphisme auniveau du gène de la protéine de liaisonmusculaire H-FABP chez le porc.Cependant, une telle association entrela quantité de protéine H-FABP et lateneur en lipides intramusculaires n’apas été retrouvée dans les études ulté-rieures chez cette même espèce(Gerbens et al 2001, Damon et al2006). Une relation positive a égale-ment été mise en évidence entre lateneur en lipides du muscle et l’activitéde l’enzyme malique, identifiée commele principal fournisseur de NADPHpour la lipogenèse des acides gras chezle porc (Mourot et Kouba 1998). Chezle bovin (Kühn et al 2005), des associa-tions significatives entre l’augmenta-tion de la teneur en lipides intramuscu-laire et un allèle d’un gène particulieront été également mises en évidence,notamment pour la thyroglobuline (pré-curseur de deux hormones thyroïdien-nes), ou la diacylglycérol-O-acyltrans-férase (impliquée dans l’estérificationdes acides gras en triglycérides).Cependant, d’autres auteurs ne confir-ment pas ces observations dans diversmodèles animaux (Middleton et al1998, Damon et al 2006). Enfin, unpolymorphisme du facteur de transcrip-tion mitochondrial A (TFAM) qui régu-le la transcription et la réplication del’ADN mitochondrial, a été associé à lafois à la note de persillé et à l’épaisseurde gras sous-cutané chez des bovinsWagyu x Limousin (Jiang et al 2005).Son implication éventuelle dans d’au-tres races bovines comme chez d’autresespèces de mammifères reste à étudier.

5.2 / De nouvelles pistes grâce àla génomique ?

L’ensemble des données disponiblesrenforce ainsi l’hypothèse d’un déter-minisme très complexe de la teneur enlipides intramusculaires. Cette dernièresemble ainsi être la résultante à la foisd’un turnover élevé des acides grasdans le muscle, de l’orientation d’unebalance métabolique en faveur de pro-cessus conduisant au stockage des

acides gras dans les adipocytes intra-musculaires aux dépens de leur utilisa-tion dans les fibres musculaires, maisaussi à la capacité de prolifération et dedifférenciation des adipocytes intra-musculaires. Une analyse exhaustive etsurtout sans a priori qui consisterait àidentifier de nouveaux gènes dont l’ex-pression varie avec la teneur en lipidesde la viande, devrait alors permettred’en mieux comprendre le déterminis-me.

L’analyse du transcriptome permetd’envisager l’expression d’un grandnombre de gènes présents à un instantdonné dans un tissu, et ainsi d’identifierdes nouveaux gènes ou des groupes degènes dont l’expression est reliée à lacaractéristique d’intérêt. A titred’exemple, différentes études ont per-mis de caractériser le profil globald’expression des gènes entre différentstypes de muscles chez le porc(Wimmers et al 2005) et le bovin(Sudre et al 2003 par exemple). Deplus, des équipes coréenne (Cho et al2002) et australienne (revue de Lehnertet al 2006) ont identifié des gènes can-didats pour le contrôle de l’accumula-tion des lipides chez le bovin, à l’aidede micro-réseaux constitués de gènesde muscle et de gènes de tissu adipeux.Par exemple, Wang et al (2005) ontconfirmé par des approches transcripto-miques l’expression différentielle dansle muscle de la A-FABP entre racesbovines produisant des viandes richesou pauvres en lipides intramusculaires.Enfin, TePas et al (2005) ont récem-ment utilisé des micro-réseaux porcinsconstitués de 306 cDNA de musclessquelettiques afin de comparer le déve-loppement musculaire entre génotypesDuroc et Piétrain. Ils démontrent ainsique les deux génotypes, qui présententune teneur en lipides intramusculairesrespectivement élevée et faible au stadecommercial d’abattage, se caractérisentdès le 14ème jour de gestation par desdifférences dans le profil d’expressiondes gènes impliqués dans le métabolis-me des acides gras. Ces données ren-forcent ainsi l’hypothèse d’un détermi-nisme précoce dans l’accumulation deslipides musculaires entre types géné-tiques. Des programmes sont égale-ment en cours à l’INRA visant à carac-tériser le transcriptome du muscle maisaussi des adipocytes intramusculairesisolés chez le porc et/ou le bovin, enrelation avec la variation génétique dela teneur en lipides intramusculaires.Dans cet objectif, des collectionsd’ADNc bovin et porcin issues debanques multi-tissus (programmeAGENAE pour Analyse du GENome

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des Animaux d'Elevage), ou de musclescardiaque et squelettiques (Sudre et al2005 pour le muscle de bovin), sont encours de caractérisation ou d’exploita-tion.

Si les protéines proviennent de la tra-duction des ARNm, considérer le profilprotéique (ou protéome) comme lereflet exact du transcriptome est uneapproximation. En effet, un mêmeARNm peut donner plusieurs protéinesdifférentes, plus ou moins actives s’ils’agit d’enzymes. Des cartographiesprotéiques détaillées du muscle semi-tendinosus de bovin (Bouley et al2004) et du muscle longissimus de porc(Morzel et al 2004) ont été récemmentétablies. De même, nous avons récem-ment établi une spécificité certaine duprofil protéique des adipocytes intra-musculaires (muscle trapezius) chez leporc par rapport aux adipocytes isolésde tissus adipeux sous-cutanés

(Gondret et al 2006). Cette approchedevrait fournir à terme de nouveauxmarqueurs permettant de mieux com-prendre la relation entre l’environne-ment cellulaire, la fonctionnalité desadipocytes, et la teneur en lipides.

L’association de ces deux approchesde génomique fonctionnelle permettradans un avenir proche de suivre au plusprès le fonctionnement du muscle et deses cellules constitutives. Elle devraitpermettre à terme de mieux compren-dre le déterminisme de la variabilité dela teneur en lipides intramusculaireset/ou d’identifier de nouveaux prédic-teurs de cette variabilité.

Conclusion

La teneur en lipides intramusculairesdes animaux producteurs de viandeapparaît donc comme une caractéris-

tique dont les déterminismes génétiqueet métabolique restent très complexes.De ce fait, toute stratégie visant àmoduler la teneur en lipides du ou desmuscle(s) avant l’abattage de l’animalne peut probablement pas être basée surle contrôle d’un gène particulier oud’une voie métabolique unique. Lesapproches de transcriptomique et deprotéomique sont actuellement en pleinessor. Elles devraient permettre auxscientifiques de trouver de nouveauxmarqueurs ou ensemble de caractéris-tiques fonctionnelles associées à lateneur en lipides intramusculaires. Aterme, il s’agira de proposer des solu-tions afin d’assurer une viande de qua-lité constante et d’en améliorer lescaractéristiques sensorielles.

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La teneur en lipides de la viande : une balance métabolique complexe / 337

INRA Productions Animales, Décembre 2006

La teneur en lipides intramusculaires est une composante importante de la qualité des produits carnés, et en particulier de leur accepta-bilité sensorielle. Les facteurs susceptibles de modifier la quantité de lipides dans les muscles de l’animal au moment de son abattage sontmultiples, parmi lesquels son génotype, son type sexuel, son âge et son alimentation. Cependant, les déterminismes métaboliques ougéniques de la teneur en lipides intramusculaires restent mal connus. Des travaux récents montrent que l’importance des flux de lipidesdans le muscle et l’orientation d’une balance entre de nombreuses voies impliquées dans la lipogenèse des acides gras d’une part et leuroxydation d’autre part, seraient responsables de l’essentiel de la variabilité de la teneur en lipides intramusculaires durant la période post-natale. Les mécanismes précoces qui président au contrôle du nombre d’adipocytes intramusculaires (c’est-à-dire à la prolifération et dif-férenciation cellulaires) seraient majoritairement à l’origine des différences de teneur en lipides intramusculaires en fonction du géno-type de l’animal ou de la sélection génétique intra-race. Les approches à haut débit sans a priori, telles que la transcriptomique et la pro-téomique, devraient prochainement aboutir à l’identification de nouvelles cibles permettant le contrôle de la teneur en lipides intramus-culaires, indépendamment de l’adiposité corporelle des animaux.

Résumé

Muscle lipid content: a complex balance between various metabolic pathways.

Muscle lipid content plays a key role in various quality traits of meat and meat-derived products, including sensory acceptability. Differentfactors are involved in the variation of muscle lipid content in animals at commercial slaughter, including genotype, gender, age, and fee-ding. However, the underlying metabolic pathways and(or) the putative involved genes still remain to be clarified. Recent studies have putlight on the importance of fatty acid fluxes and metabolic balance between various pathways, rather than the control of one single path-way, to be responsible for variability in muscle lipid content during the postnatal period. Early events that determine the number of intra-muscular adipocytes (i.e., proliferation and differentiation of adipose cells) would be rather involved in breed and(or) selection-related dif-ferences in muscle lipid content. New targets may be identified in the future using transcriptomic and proteomic approaches, to controlmuscle lipid content independently of body or carcass fatness.

GONDRET F., HOCQUETTE J.-F., 2006. La teneur en lipides de la viande : une balance métabolique complexe. INRAProd. Anim., 19, 327-338.

Abstract

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