LA SOCIÉTÉ CAPITALISTE EN PERDITION :ENTRETIEN AVEC ALAIN ...

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Ils se moquent des Français xxx 3:HIKLKJ=XUYUU\:?c@s@n@d@a; M 01093 - 2833 - F: 4,00 E 4 s N° 2833 66 e année Du 2 au 15 février 2012 Paraît provisoirement les premier et troisième jeudis de chaque mois www.actionfrancaise.net LA SOCIÉTÉ CAPIT LA SOCIÉTÉ CAPITALISTE EN PERDITION : ALISTE EN PERDITION : ENTRETIEN ENTRETIEN AVEC VEC ALAIN DE BENOIST ALAIN DE BENOIST p. 16 16 2000 « « T OUT CE Q OUT CE Q UI EST N UI EST NA TION TION AL EST NÔTRE » AL EST NÔTRE » L’ACTION FRANÇAISE L'ESSENTIEL ÉCONOMIE Forum de Davos : dissonances capitalistes . . . . . . p. 2 Investissements du Qatar : la France est-elle à vendre ? . . . p. 2 SOCIÉTÉ Flux culturels et subversion sur Internet . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 5 NOS DIX AXES Famille et cohésion sociale . . . . p. 5 MONDE La Libye, de la dictature à l'anarchie . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 9 La diplomatie française en péril ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 9 ARTS & LETTRES La France d'A. Boudard . . . . . . p. 10 BD : art ou propagande ? . . . . . p. 11 HISTOIRE Passions irlandaises . . . . . . . . p. 12 IDÉES À qui appartient Jeanne ? . . . . p. 13 Picon-bière et cybercafé POMPIDOU. 1962. Voyage électoral dans le Cantal. Vous connaissez tous cette photo- graphie du futur président de la République, coude sur la nappe cirée, clope au bec, le regard madré du paysan propriétaire. Il y a toujours une façon d'être chez soi. C'était la manière de Pompidou. Une bonhomie qui n'était pas vraiment feinte, une com- plicité toujours retrouvée, naturelle et im- médiate avec des indigènes endimanchés devant le picon-bière d'après-messe. Et la conversation allait bon train. C'était le temps où la politique se faisait au café, où l'échange viril d'idées participait d'une France encore rurale. Et la ville, pour une fois au diapason avec la campagne, ac- compagnait cet élan. Zinc, bistrot, esta- minet, qu'importait le nom ! La France de 1914 comptait un débit de boisson pour moins de quarante habitants. A Paris, l'Action française elle-même était sortie du café de Flore. Un maire prudent, un conseiller général conséquent, un dé- puté averti étaient astreints aux visites régulières. C'était le poumon de la vie mu- nicipale. Et il n'était pas bien grave que les femmes en soient absentes. Faudra t- il vous rappeler qu'elles ne votèrent chez nous qu'à partir de 1945 ? Ci-gît le monde des cafetiers. Monde englouti. Fin des ter- roirs et de la politique au comptoir. Plus de tabacs enfumés, atmosphère conta- gieuse des films de Claude Sautet et où Mitterrand et Chirac maintenaient leurs visites par goût plus encore que par cal- cul. Au lieu et en place de quoi a surgi un monde de l'écran dans nos intérieurs bo- boïsés, aseptisés et virtuels. L'ère Obama, l'ère Sarkozy, c'est d'abord Internet ! On y vibre seul, en pantoufles, sur des sites formatés. Finis les empoignades sai- gnantes, les débats un peu vifs, les franches engueulades. Place aux concep- teurs de notre enfermement et de notre solitude. La politique elle-même, cadre par excellence de l'échange et de la so- ciabilité, entame son processus de déshu- manisation. Marc Savina ANTOINETTE, la petite sœur du prince Gaston de France, est née à Vienne (Autriche) ce samedi 28 janvier au matin. Elle est le deuxième enfant du prince Jean, duc de Vendôme, et de la prin- cesse Philomena. Nous nous associons pleinement à la joie de Madame la duchesse de Vendôme, de M gr le duc de Ven- dôme, du jeune prince Gaston et des grands-parents, M gr le comte de Paris et Madame la duchesse de Montpensier. Nous leur présen- tons nos très vives félicitations, et nous formons des vœux pour que Dieu donne à la petite prin- cesse Antoinette une heureuse et longue vie. P P a a g g es 3 & 4 es 3 & 4

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Ils se moquent des Français

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4 s y N° 2833 y 66e année y Du 2 au 15 février 2012 y Paraît provisoirement les premier et troisième jeudis de chaque mois y www.actionfrancaise.net

LA SOCIÉTÉ CAPITLA SOCIÉTÉ CAPITALISTE EN PERDITION :ALISTE EN PERDITION : ENTRETIEN ENTRETIEN AAVEC VEC ALAIN DE BENOIST ALAIN DE BENOIST pp.. 1616

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« « TT O U T C E QO U T C E Q U I E S T NU I E S T N AA T I O NT I O N A L E S T N Ô T R E »A L E S T N Ô T R E »

L’ACTION FRANÇAISE

L'ESSENTIEL

3 ÉCONOMIE

Forum de Davos : dissonances capitalistes . . . . . . p. 2

Investissements du Qatar : la France est-elle à vendre ? . . . p. 2

3 SOCIÉTÉ

Flux culturels et subversion sur Internet . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 5

3 NOS DIX AXES

Famille et cohésion sociale . . . . p. 5

3 MONDE

La Libye, de la dictature à l'anarchie . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 9

La diplomatie française en péril ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 9

3 ARTS & LETTRES

La France d'A. Boudard . . . . . . p. 10

BD : art ou propagande ? . . . . . p. 11

3 HISTOIRE

Passions irlandaises . . . . . . . . p. 12

3 IDÉES

À qui appartient Jeanne ? . . . . p. 13

Picon-bière et cybercaféPOMPIDOU. 1962. Voyage électoral dans leCantal. Vous connaissez tous cette photo-graphie du futur président de la République,coude sur la nappe cirée, clope au bec, leregard madré du paysan propriétaire. Il ya toujours une façon d'être chez soi. C'étaitla manière de Pompidou. Une bonhomiequi n'était pas vraiment feinte, une com-plicité toujours retrouvée, naturelle et im-médiate avec des indigènes endimanchésdevant le picon-bière d'après-messe. Et laconversation allait bon train. C'était letemps où la politique se faisait au café, où

l'échange viril d'idées participait d'uneFrance encore rurale. Et la ville, pour unefois au diapason avec la campagne, ac-compagnait cet élan. Zinc, bistrot, esta-minet, qu'importait le nom ! La France de 1914 comptait un débit deboisson pour moins de quarante habitants.A Paris, l'Action française elle-même étaitsortie du café de Flore. Un maire prudent,un conseiller général conséquent, un dé-puté averti étaient astreints aux visitesrégulières. C'était le poumon de la vie mu-nicipale. Et il n'était pas bien grave queles femmes en soient absentes. Faudra t-il vous rappeler qu'elles ne votèrent cheznous qu'à partir de 1945 ? Ci-gît le mondedes cafetiers. Monde englouti. Fin des ter-roirs et de la politique au comptoir. Plus

de tabacs enfumés, atmosphère conta-gieuse des films de Claude Sautet et oùMitterrand et Chirac maintenaient leursvisites par goût plus encore que par cal-cul. Au lieu et en place de quoi a surgi unmonde de l'écran dans nos intérieurs bo-boïsés, aseptisés et virtuels. L'ère Obama,l'ère Sarkozy, c'est d'abord Internet ! Ony vibre seul, en pantoufles, sur des sitesformatés. Finis les empoignades sai-gnantes, les débats un peu vifs, lesfranches engueulades. Place aux concep-teurs de notre enfermement et de notresolitude. La politique elle-même, cadrepar excellence de l'échange et de la so-ciabilité, entame son processus de déshu-manisation. q

Marc Savina

ANTOINETTE, la petite sœur duprince Gaston de France, est néeà Vienne (Autriche) ce samedi28 janvier au matin. Elle est ledeuxième enfant du prince Jean,duc de Vendôme, et de la prin-cesse Philomena.Nous nous associons pleinement àla joie de Madame la duchesse deVendôme, de Mgr le duc de Ven-dôme, du jeune prince Gaston etdes grands-parents, Mgr le comtede Paris et Madame la duchessede Montpensier. Nous leur présen-tons nos très vives félicitations,et nous formons des vœux pourque Dieu donne à la petite prin-cesse Antoinette une heureuse etlongue vie. q

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z 2 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2833 – Du 2 au 15 février 2012

Économie

Directeur de 1965 à 2007 : Pierre Pujo (?)

Directeur de la publication : M.G. Pujo

Directeur éditorial : François Marcilhac

Rédacteur graphiste : Grégoire Dubost

Politique : Jean-Philippe Chauvin,

Aristide Leucate, , Marc Savina

Société : Stéphane Blanchonnet,

Jean-Pierre Dickès, Michel Fromentoux,

Économie & Social : Philippe Lornel, Guy C. Menusier

Europe : Charles-Henri Brignac,

Grégoire Dubost, Guy C. Menusier

Monde : Philippe Maine, Pascal Nari

Arts & Lettres : Anne Bernet, Monique Beaumont,

Charles-Henri Brignac, Louis Montarnal

Histoire : Michel Fromentoux,

Yves Lenormand

Idées : Stéphane Blanchonnet,

Dimitri Julien, François Marcilhac,

abbé Guillaume de Tanoüarn

Abonnements, publicité, promotion : Monique Lainé

10 rue Croix-des-Petit10 rue Croix-des-Petits-Champs-Champs s

75001 Paris75001 Paris

Tél. : 01 40 39 92 06 - Fax : 01 40 26 31 63

wwwwww.actionfrancaise.net.actionfrancaise.net

[email protected]

[email protected]

[email protected]

ISSN 1166-3286

L’ACTION FRANÇAISE 2000

AF 2000

À mes amisARRIVÉ au soir de ma vie, ilest raisonnable pour moi derenoncer à certaines fonctionsque j'occupe encore en titresans avoir, avec ma santé dé-clinante, la puissance de tra-vail d'antan. C'est pourquoij'ai le regret de démissionnerde mon poste de rédacteur enchef de L'Action Fran-çaise 2000, poste que j'ai oc-cupé dare-dare pendant deuxannées après avoir assurépendant trente-huit ans, auxcôtés de Pierre Pujo, le secré-tariat de rédaction.Cela ne signifie évidemmentpas que je quitte l'AF ; jecontinuerai de traiter dansces colonnes qui me sontchères de sujets historiqueset de divers faits de société.De ma place désormais mo-deste, je servirai pour lemieux l'Action française detoujours, et je forme desvoeux bien sincères et bienamicaux à Marielle Pujo, di-rectrice, à François Marcil-hac, directeur éditorial, et àGrégoire Dubost, secrétairede rédaction, ainsi qu'àtoutes les autres bonnesplumes du journal, qui ont àmener la tâche aussi exal-tante que redoutable deconduire la barque d'un roya-lisme français vigoureux et sepréparant à la victoire.Que Dieu réchauffe leur âmeen cette année Jeanne d'Arc !Vive le roi ! q

Michel Fromentoux

En prologue au Conseil euro-péen de ce début de se-maine s'est tenu, durant cinq

jours à Davos, le 42e Forum éco-nomique mondial, le WEF selonson sigle anglais. Simple coïnci-dence, mais qui pourrait donnerà penser que les oracles du "grandcapital" déterminent les orienta-tions de l'Europe communautaire.Alors que, si l'on en croit les "dé-cideurs" eux-mêmes, le capita-lisme est en crise.

Des igloos dressés à proximitéMais on ne se défait pas aisémentdes clichés. Ainsi, nonobstant lesefforts du président et fondateurdu WEF, Klaus Schwab, pours'adapter à l'air du temps, la ré-union annuelle de Davos demeure,avec ses quelque 2 600 person-nalités de la finance et de la po-litique, un événement fortementconnoté. En témoigne l'activismenon seulement des classiques al-termondialistes mais désormaisdes Indignés qui, sous le vocabled'"Occupy WEF", emprunté auxcontestataires new-yorkais, ontdressé des igloos à proximité dusite davosien.C'est sans doute pourquoi, à moinsde trois mois de l'élection prési-dentielle, le pouvoir sarkozien ajugé préférable de ne pas trops'afficher aux côtés des "riches".Alors qu'en janvier 2011, NicolasSarkozy avait assuré le spectacle,cette année, c'est le ministre del'Économie, François Baroin, qui

s'est dévoué – en restant dansl'ombre de son homologue alle-mand, Wolfgang Schaüble.

Arrogance allemande

Signe du changement qui s'estopéré depuis un an, l'invité ve-dette de ce 42e Forum n'étaitautre qu'Angela Merkel, qui a pro-noncé le discours inaugural. Dé-laissant les spéculations concer-nant le projet de taxe sur les tran-sactions financières, « au sein dela seule zone euro s'il le faut »(« une folie », selon le Premier

ministre britannique David Ca-meron), le chef du gouvernementallemand n'a pas dévié de sa ligne.Préconisant pour l'UE une disci-pline budgétaire contrôlée par laCommission de Bruxelles et laCour de justice européenne,Mme Merkel a refusé que la Banquecentrale européenne puisse in-tervenir massivement en faveurdes États aujourd'hui en difficulté.C'est marche ou crève.Cette arrogante rigueur a inter-loqué une partie de l'assistance,qui méditait encore les propos"réformistes" de Klaus Schwab :

« le capitalisme, sous sa formeactuelle, n'a plus sa place dansle monde qui nous entoure »,avait déclaré, en préambule, le"gourou" du WEF, avant de recon-naître que « nous avons échoué àretenir les leçons de la crise fi-nancière de 2009. Une transfor-mation mondiale doit avoir lieud'urgence et cela doit commen-cer en rétablissant une forme deresponsabilité sociale. » Les ob-servateurs bienveillants ont pudiscerner là-dedans une allusionà la doctrine sociale de l'Église.À moins qu'il ne faille voir danscet aveu comme une resucée ducynisme libéral prêté à Tancrèdedans Le Guépard : « Si nous vou-lons que tout continue, il fautd'abord que tout change. »

Cybercriminalité

Quoi qu'il en soit, en pointant lesfailles de l'économie de marché,le président du WEF s'est faitl'écho de préoccupations large-ment partagées en Europe. À no-ter que, contrairement à l'an der-nier, les Asiatiques étaient fai-blement représentés, comme s'ilsne s'estimaient pas vraimentconcernés par une crise qui, jus-qu'à présent, a peu modifié leursobjectifs de croissance ; mais levent pourrait tourner.Dans le climat de pessimisme quia dominé ce 42e WEF, un docu-ment a retenu l'attention de nom-breux participants, politiques ouhommes d'affaires, c'est le rap-port soulignant les risques liés aucyberactivisme, un phénomènequi pourrait mettre à mal des gou-vernements comme des grandesentreprises. À l'exemple des opé-rations menées par le collectif depirates Anonymous. Face sombredu Net ou expression d'une légi-time désobéissance civile ? Le ca-pitalisme, réformé ou non, s'esttrouvé un nouvel ennemi. n

Guy C. Menusier

o FORUM DE DAVOS

Dissonances capitalistesQuelque 2 600 personnalités de la finance et de la politique se sont réunies en Suisse la semaine dernière. Sans Nicolas Sarkozy, mais avec, comme invitévedette, Angela Merkel, infatigable avocat de la rigueur germanique.

QATAR

La France est-elle à vendre ?Les investissements du Qatar suscitent des inquiétudes quant à leurs conséquences politiques.

LA FRANCE EST-ELLE À VENDRE ? On peut seposer la question, étant donné les milliardsalignés par l'émirat du Qatar en France : ra-chat du Paris-Saint-Germain et de palaces pa-risiens, prise de participation dans Veolia etVinci, acquisition des droits TV pour la Liguedes champions de football...Cette presqu'île, à peine plus grande que laCorse, dispose du revenu par tête le plusélevé de la planète. Sa richesse tient à sesressources en pétrole et surtout en gaz, quilui permettent de disposer du plus gros fondssouverain du monde. Menant une politiqueinternationale active, le Qatar cherche sanscesse des alliés et une reconnaissance sur lascène diplomatique. D'où sa présence aux cô-tés de l'OTAN dans la "croisade" contre Kha-dafi, mais aussi la co-organisation de la vi-site triomphale du président iranien au Li-ban en 2010.En dépit de cette opulence (ou à cause d'elle),la peur de manquer est permanente. D'où lesinvestissements tous azimuts, où la France

occupe une place de choix. Comme le rap-pelait l'un de nos confrères, le Qatar aimetellement la France qu'il a décidé de se lapayer ! Plus de deux milliards d'euros ont étéinvestis dans le domaine industriel, mais aussidans les casinos, la télévision et le sport. Té-moin de cette démesure, la volonté des Qa-taris de délocaliser chez eux le Tour de France2016. L'immobilier constitue un autre secteurprivilégié. Déjà propriétaires du Majestic etdu Royal Monceau, les Qataris avaient faitparler d'eux à l'occasion de la restauration,en grande partie illégale, de l'hôtel Lambertsur l'île Saint-Louis à Paris.

Au secours des banlieues...

Si l'on a beaucoup parlé, le mois dernier, del'arrivée de l'entraîneur italien Carlo Ancelottiau PSG, propriété de Qatar Sports Invest-ments, il a moins été question de l'annoncepar le Qatar de la création d'un fonds d'in-vestissement de 50 millions d'euros destiné àfinancer des projets économiques dans lesbanlieues françaises. Certes, l'État français,impécunieux, ne crache pas sur cet apportd'argent frais, mais, par là-même, ne laisse-t-il pas un pays étranger choisir ses investis-sements en fonction de la religion de telle outelle partie de la population ? Seule la ren-tabilité est censée importer aux yeux des Qa-taris. Pour ce qui est du rachat du PSG enjuin 2011, à l'évidence, le Qatar avait à cœur

de se faire un nom dans l'univers du football,dans la perspective de la Coupe du mondequ'il organisera en 2022. En ce qui concerneles motivations de ses investissements en ban-lieue, la question est plus ouverte...Le double jeu du petit émirat, à la fois in-terlocuteur modéré dans les conflits arabeset soutien des intégristes musulmans quandil finance les investissements sur le Vieux-Continent, ne surprend pas la classe politiquefrançaise, mais personne n'ose dénoncer samainmise sur les banlieues, qui pourtant peutrapidement dégénérer en une opération dedéstabilisation. Cela est d'autant plus in-quiétant que des appels d'Al-Qaida sont lan-cés en direction des musulmans habitant dansles banlieues françaises. Avec le relais effi-cace de la chaîne d'information continue laplus influente du monde musulman, Al Ja-zeera, propriété du Qatar, qui couvre le mondeentier... sauf le Qatar !Peu fréquentable, le Qatar est néanmoinstrès couru par la classe politique françaisequi dégouline pourtant de "démocratie" àchaque allocution. D'ailleurs, la sœur de Ra-chida Dati travaille pour le procureur géné-ral du Qatar. Comme le rappelait fort à pro-pos le député Lagarde, président du grouped'amitié France-Qatar, « la France aurait tortde ne pas nouer des relations commercialesavec ce pays ». Pour quelles contreparties ? n

Philippe Lornel

Angela Merkel accueillie par Klaus Schwab à l'ouverture du forum

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L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2833 – Du 2 au 15 février 2012 3 z

Éditorial

Ils se moquent des Français

Malheureusement, il est parfois des faits di-vers qui en disent plus long sur une politiqueque toutes les prestations dans les media !

Au moment où Sarkozy entamait, dimanche soir, unénième show télévisé, interrogé par quelques jour-nalistes complaisants, ces chiens de garde du pou-voir financier et politique qu'un récent film – d'ex-cellente qualité en dépit de quelques travers gau-chistes – dénonce de manière désopilante, onapprenait grâce à France Soir qu'un trafiquant dedrogue à peine âgé de trente ans venait d'être ar-rêté dans le 9-3 pour la...cinquantième fois ! Vousavez bien lu ! Et on vient après cela exiger, commeMaurice Szafran dans Marianne du 28 janvier, queClaude Guéant « ne se déshonore plus dans lecryptolepénisme », lequel n'aurait d'autre effetque de conforter Marine Le Pen dans le choix desFrançais, comme si, précisément, ce n'était pasl'absence de mesures réelles contre l'insécurité etl'immigration galopantes et non une prétendue "li-bération de la parole", alors même que les Françaisn'ont jamais été autant bâillonnés qu'aujourd'huipar tout un arsenal législatif répressif, qui condui-sait nos compatriotes à se détourner d'un systèmequi, jusque-là, tout en gouvernant mal, se défen-dait bien... Mais pour combien de temps encore ?

Car Marianne, comme le reste des media soumis àl'oligarchie, commence à prendre peur : MarineLe Pen, dans des sondages tenus secrets, serait dé-sormais au coude à coude avec Sarkozy dont l'éli-mination au second tour de la présidentielle, déjàévoquée au lendemain des cantonales, en 2011,deviendrait une hypothèse de plus en plus cré-dible. Or ce « cataclysme démocratique » (dixittoujours Szafran) serait le signe d' « une Francedéfigurée, régressive, même si François Hollandeou un autre » – "tout" plutôt que la candidate na-tionale – « accède à l'Élysée après être passé parun face-à-face avec Marine Le Pen ».

Car pour nos faux rebelles, qui vivent dans leghetto doré du club Le Siècle ou qui en reçoiventles miettes, ce qui défigure la France, ce ne sontpas l'insécurité, l'injustice, voire la misère elle-même, qu'ils réduisent à de simples "sentiments"d'un pays réel qu'ils visent à remplacer, parce quetrop réel, justement, encore trop enraciné. Orc'est ce que souhaitent Terra Nova ou l'InstitutMontaigne, tous think tanks immigrationnistes, de"gauche" ou de "droite", qu'importe ?, qui inspirentnotre élite politique. Non, leur autisme est tel qu'àleurs yeux, c'est le fait de dénoncer les maux quien aggrave la portée, comme s'il suffisait de lestaire pour les rendre supportables – il est vrai qu'ilss'en protègent. Ils méprisent à ce point les Fran-

çais, surtout les plus modestes d'entre eux, qu'ilsne perçoivent plus que ce qui défigure le pays,c'est, par exemple, qu'une telle "chance-pour-la-France" puisse être arrêtée cinquante fois pourtrafic de drogue sans avoir été, dès la première,exclue définitivement du territoire national aprèsavoir purgé sa peine s'il est immigré, dénaturalisés'il est un Français récent ou interdit d'accession àla nationalité française s'il est né en France de pa-rents étrangers – car personne ne nous fera croirequ'il n'a pas commencé très jeune un tel palma-rès... Ne parlons pas de laxisme judiciaire : mêmelaxistes – et ils le sont, trop souvent –, les juges nefont qu'appliquer les lois. C'est donc le législateurqui autorise, à la racine, un tel laxisme... Mais, ilest vrai, le législateur est-il encore français ? n'est-il pas devenu européen ?

Cette politique de la cinquantième chance,conduite par Sarko-Guéant en accord avec lagauche hollandaise ou écologique, ne vise-t-ellepas surtout à acheter la paix des "quartiers" ? C'estd'autant plus vrai qu'au fond, l'oligarchie, qui n'estni de droite ni de gauche, mais de la finance, neconnaît que l'économie parallèle... Car ce quel'économie de la drogue est aux "quartiers", lemondialisme financier l'est sur le plan macroécono-mique : une même loi de fer qui met en coupe ré-glée "cités" comme États, un même cosmopolitismedissolvant des solidarités nationales, un même ar-gent déconnecté de l'économie réelle.

La boucle est bouclée : car c'est la politique de lacinquantième chance également que nos "déci-deurs" s'accordent, réforme après réforme, sommeteuropéen après sommet européen, et s'il est vraique notre Kim Jong-un national – il n'avait réquisi-tionné pas moins de neuf chaînes de radio-télévi-sion ! – a paru si fatigué, l'autre dimanche soir,qu'il ne semblait même plus convaincu par les der-niers mauvais coups qu'il avait décidé de porteraux Français avant la présidentielle, il demeure fi-dèle à lui-même : après le tropisme américain etla soumission à Obama, le tropisme allemand et lasoumission à Merkel – qui s'invitera pour le soutenirdans la campagne électorale ; après le bouclier fis-cal pour quelques-uns, l'augmentation de la TVApour tous (mais après les élections...) ; après lerefus de démanteler les calamiteux 35 heures endébut de mandat, profiter de ce même démantèle-ment pour mettre fin à la hiérarchie des normes (iln'a pas évoqué pour rien la figure de MargaretThatcher) et procéder à une dérégulation générali-sée de la législation sociale, avec, à la clé, pourles salariés, la célèbre liberté de mourir de faim –le texte de Maurras Libéralisme et Libertés, dé-

nonçant le caractère prédateur d'un certain capita-lisme redevenant d'une actualité brûlante – ; enfin,après une évocation attristée de notre désindus-trialisation, une opposition artificielle entre le"produire français" et le "consommer français", quijustifie la soumission de nos emplois, en France,aux caprices de la finance internationale. Le toutsur fond de confiance mensongère en l'Europe pournous sortir d'une crise qui commencerait à s'apai-ser alors même que la situation grecque évoque deplus en plus celle d'un peuple au bord du gouffre,de la famine et de la guerre civile. Toutefois lesommet européen du lundi 30 janvier a vu l'Alle-magne reculer : Merkel n'imposera pas de Gaulei-ter européen au peuple grec, car ce ne serait« pas raisonnable, pas démocratique, pasefficace », comme a commenté Sarkozy dans sonfrançais inimitable. Quant à la Tchéquie, elle re-nonce pour raisons "constitutionnelles" à adhérerau pacte budgétaire... Heureux peuple où le motconstitution a encore un sens : tel n'est plus le casdepuis bien longtemps de la France.

Le lendemain de la prestation de Sarkozy, Baroin,le ministre des Finances, annonçait la baisse denos prévisions de croissance pour 2012, qui passentde 1 % à 0,5 % : le président n'en avait pas pipémot, cela aurait assombri son optimisme de fa-çade. Toutefois, Hollande ne ferait pas mieux, quirefuse, lui aussi, de s'attaquer à l'origine de la ma-jeure partie de nos maux : l'"Europe" et l'euro. Parleurs mensonges, l'un et l'autre montrent leur mé-pris des Français. À eux de le leur rendre ! q

François Marcilhac

z NOTRE SOUSCRIPTION POUR L'AF

AVEC CE NUMÉRO se termine laliste de souscriptions que nouslançons chaque année pour lejournal de l'Action française.Merci à tous ceux qui nous ontapporté leur aide en 2011 mal-gré des temps difficiles.En 2012, pour la période élec-torale qui s'annonce, nous au-rons besoin de votre aide pourpermettre à L'ActionFrançaise 2000 de participer au

combat politique sans soucis fi-nanciers. L'Action Française2000 est le fer de lance denotre mouvement. Réservez-luivous dons en priorité (1).À coté de la souscription, voicice que vous pouvez faire pournous aider :- faire lire le journal autour de vous,- nous donner les noms de per-sonnes susceptibles d'être inté-

ressées par nos idées ; nousleur ferons un abonnement d'es-sai de quatre numéros,- si vous ne souhaitez pas vousabonner, nous indiquer les nomset adresses des points de venteoù vous souhaitez trouver L'AF 2000.

Merci d'avance.

Marielle Pujo

Priorité au journal

Liste n° 23Virements réguliers : François Favre(6 mois), 120 ; Mlle Annie Paul, 15,24.

Jean-Pierre Lopez, 5 ; Mlle Berna-dette Villanueva, 5 ; A.M. 400.

Total de cette liste 575,24 sListes précédentes 12 018,84 s

Total 12 594,08 s

1 - Les versements pour le journalsont à effectuer par chèque à l'ordrede Mme Geneviève Castelluccio, àL'Action Française 2000, 10 rue Croix-des-Petits-Champs, 75001 Paris.

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z 4 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2833 – Du 2 au 15 février 2012

Politique

PRÉSIDENTIELLE

Création du... SIELSOUVERAINETÉ, Indépendance et Libertés, li-bertés au pluriel, comme pour rappeler queles libertés concrètes, les seules qui impor-tent, exigent la souveraineté de l'État na-tional et l'indépendance de la patrie : tel estle nom, au fond assez maurrassien, du nou-veau mouvement politique fondé par les sou-verainistes Paul-Marie Coûteaux et Karim Ou-chikh, en vue de fédérer tous ceux qui sou-tiennent la dynamique lancée par Marine LePen sans souhaiter pour autant adhérer auFront national. Comme l'annonce son manifeste, diffusé le25 janvier auprès de la presse dans un grandhôtel parisien, le SIEL « entend réunir les pa-triotes, républicains trahis, gaullistes or-phelins, souverainistes dispersés qui sou-

tiennent la candidature de Marine Le Pen etsont prêts à conclure avec le Front national,comme avec les autres forces nationales quivoudront s'y joindre, un pacte de gouverne-ment de salut public ».

Là où Chevènement avait échoué

Favorables à la fois à la libre entreprise et àl'État stratège, Paul-Marie Coûteaux, porte-parole de Marine Le Pen, et Karim Ouchikh,conseiller de la candidate à la liberté d'ex-pression - il a fort à faire avec l'accumulationdes lois liberticides - observent, non sans rai-son, que « les causes de la décadence des na-tions européennes sont d'abord culturelles,c'est-à-dire intellectuelles, morales et spiri-tuelles : c'est pourquoi nous insistons sur latransmission des héritages, la restauration del'École, des enseignements classiques, descodes, des traditions, du patrimoine, en un

mot d'une civilisation française qui se pro-pose au monde comme une voie différente aumilieu de l'uniformisation générale ».C'est pourquoi le SIEL « se veut la matriced'un mouvement patriotique à vocation ma-joritaire, nécessairement divers, dégagé desexclusives et des logiques partisanes que notrepeuple réclame ». La balle est désormais dansle camp du Front national : à lui de montrerqu'il a définitivement rompu avec la logiqueprotestataire et de prouver sa maturité ensachant, sans arrière-pensée, passer des al-liances dans l'intérêt de la France, de la Franceseule. Et de réussir là où le Pôle républicainde Jean-Pierre Chevènement avait échoué.L'Action française, tout en étant naturelle-ment prévenue contre les vices inhérents aurégime républicain, ne peut que regarder avecsympathie la constitution d'un tel rassemble-ment national. q

François Marcilhac

OPINION

Sondages et démocratieEN CETTE PÉRIODE de cam-pagnes électorales, il n'est pasinintéressant d'examiner lesmoyens sur lesquels se fondela démocratie pour asseoir lepouvoir politique. Ce dernierest tributaire, dans ce sys-tème, de l'opinion publique,qui est subjective, aléatoireet versatile. Le choix des gou-vernants s'opère-t-il réelle-ment par le peuple ? N'est-ilpas dangereux de sacrifier l'in-térêt national au profit descalculs électoraux ?Pour atteindre les électeurs,un jeu de séduction fondé surles croyances, les jugementséphémères et les préjugéss'opère par l'intermédiaire desmédias qui exercent une véri-table emprise sur la liberté depensée et de choix des indivi-dus. C'est ainsi que se forgel'opinion publique, ce qui ex-plique sa versatilité dans unesociété submergée par lesmoyens de communication,avec un déclin des idéologiespolitiques. Le terrain devientpropice au développement dela mercatique politique quiprofite de la faiblesse de l'opi-nion, dont les convictions seforment et se déforment enpermanence, en fonction desmessages qu'elle perçoit.Le sondage de cette opinion aun effet réversible sur elle,quelles que soient les mé-thodes utilisées (sondages parquotas, enquêtes..) et lesanalyses recueillies à l'issuedes opérations d'investigation. En effet, un sondage qui dési-gnerait clairement un gagnantpourrait déclencher un mou-vement de ralliement parcontagion de la victoire ou,inversement, conduired'autres votants à se rallier àau candidat en difficulté. Ceretournement de sympathieest fort remarqué notammentdans le sport : on commencepar applaudir le champion entitre dont on sait qu'il gagneramais on admire la force quele perdant met à la tâche,tout en sachant pertinem-ment qu'il n'a aucune chancede s'en tirer gagnant. À cemoment, l'admiration du pu-blic est telle qu'il ne peut quel'encourager, lui souhaitantsecrètement victoire. De même, les sondages peu-vent conduire à une absten-tion chez ceux qui constatentque le candidat pour lequelils désirent voter est donnéperdant. Ils peuvent aussiprovoquer une volonté de vo-ter utile chez ceux qui nesont pas uniquement animéspar le désir de faire élire leurcandidat, voire une démotiva-tion (surtout au second tour)de ceux qui sont certains queleur candidat va gagner. Dansquelle mesure peut-ont alorsjustifier la légitimité du pouvoir ? q

Élie Hatem

Contrairement à ce que sonstatut de favori pouvait lais-ser supposer et à ce que les

media nous ont rabâché, FrançoisHollande est entré bien mal-adroitement dans sa campagne,en tout cas en ce qui concerne laquestion économique et sociale.Et même s'il a mieux réussi l'exer-cice du meeting de lancement decampagne – il faut dire qu'entreJospin et Royal, le PS nous a ha-bitués à tellement pire qu'on abien pu s'étonner un instant de laperformance du Bourget –, le can-didat socialiste a encore faitpreuve d'une nonchalance poli-tique digne de ses prédécesseursà la course présidentielle.

Redistribution

Nous ne reviendrons brièvementque sur deux propositions sym-boliques du candidat en matièreéconomique. La première s'estvoulue audacieuse et ultra-so-ciale : début janvier, après plu-sieurs imprécisions et revirementspartiels, il annonçait vouloir mo-duler le quotient familial en ins-

taurant un mécanisme de redis-tribution interne en faveur desfamilles les moins aisées.

Classe moyenne

En plus de nier le principe mêmede l'avantage fiscal consenti auxfamilles, élément d'une politiquenataliste, cette mesure ne feraitqu'accentuer la pression sur laclasse moyenne, peu dangereusepolitiquement, mais éternellevache à lait des gouvernants sou-cieux de satisfaire les bruyants"prolétaires", ou de ne pas brus-quer les indispensables mécènes.Selon les calculs du Trésor, le seuilpénalisant s'établirait en effet àenviron trois Smic (à peine plusde 3 000 euros nets mensuels parfoyer), ce qui contribuerait à éro-der un peu plus la frontière déjàmince entre les classes moyennesinférieures et les ménages ditsassistés.De cette proposition, pas un moten revanche dans le discours duBourget. Et pour cause : enten-due dans plusieurs versions etmême contredite par le porte-pa-

role de François Hollande lui-même, elle n'a suscité que peud'enthousiasme et pas mal d'in-quiétudes. L'enthousiasme, ce futpour dénoncer l'adversaire « sansnom » et « sans visage » de Fran-çois Hollande : la finance. Commequoi, de Robin des Bois à Don Qui-chotte, il n'y a qu'un pas. Ce futle point d'orgue de ce discoursfleuve, qui nous apparaît aussi ir-réaliste que surréaliste.

Modèles bancaires

Irréaliste car, sans parler de l'in-terdiction des produits toxiques(il fallait y penser !), la principalemesure avancée concerne la sé-paration de la banque de détailet de la banque d'investissement.Amusant, quand on sait que c'estprécisément le modèle de banqueanglo-saxon, alors que le modèlefrançais de banque universelle,quoi qu'on en dise, a plutôt tenubon... à une exception notable :Natixis, qui se trouve être le seulexemple français de banque d'in-vestissement non appuyée sur unréseau bancaire classique.

Surréaliste, car la charge est oséevenant d'un socialiste ayant votél'ensemble des traités européenset sans doute la plupart des dis-positions présentées au Parlementde Strasbourg. Ce pilier de la cam-pagne socialiste se révèle doncbien fragile et l'attaque très com-mode. Le clivage droite- gaucheva-t-il se cristalliser autour d'uneopposition virtuelle entre défen-seurs et promoteurs de l'ultrali-béralisme financier ? Trop facile :à part quelques marginaux deluxe, une immense majorité deFrançais s'accorde sur la critiquedu système financier, y compris lanébuleuse sarkozyste.

Feu sur l'Europe

Pourtant, l'un comme l'autre descandidats n'y pourront pas grand-chose : le préalable au retour dupolitique face aux puissances del'argent – qui ,en tout état decause, financeront la campagnede Hollande comme celle de Sar-kozy –, c'est de rompre radicale-ment avec la politique euro-péenne et l'euro. Car l'UE n'estpas du genre à laisser ses princi-paux disciples s'opposer à ses prin-cipes fondamentaux (libre circu-lation des biens, des capitaux etdes personnes).Mais le surréaliste le dispute auridicule lorsque François Hollandese prend à rêver : « Le rêve, c'estla confiance dans l'avenir, la dé-mocratie qui sera plus forte queles marchés, que l'argent, que lescroyances, que les religions. » Etc'est finalement bien du rêve queFrançois Hollande nous a vendu.Dans son discours, il aura pro-noncé plus de vingt fois « jeveux », le tout sans avancer lamoindre remise en cause de laconstruction européenne et de lamonnaie unique. Portées par unetelle vacuité, les injonctions ducandidat Hollande sont bel et biencondamnées à rester des "je veux"pieux. n

Pierre Marchand

o FRANÇOIS HOLLANDE

Je suis (pas) timide mais je me soigneAprès avoir lancé des attaques hésitantes contre le quotient familial, François Hollande a pris pour cible la finance sans nom ni visage. Ce faisant, bien qu'il se se drape dans ses habits socialistes, le candidat ne verse pas vraiment dans l'originalité.

Préparation dumeeting de François Hollande au Bourget le samedi 21 janvier

Page 5: LA SOCIÉTÉ CAPITALISTE EN PERDITION :ENTRETIEN AVEC ALAIN ...

o Le vainqueur des primairessocialistes (soutenues, rappe-lons-le, par les moyens pu-blics), le Corrézien d'adoptionFrançois Hollande, a tenu ladragée haute aux media auxordres, cette dernière semaine.Mais, tel un mouvement de ba-lancier, gageons que l'UMP,cette autre face de la médaillequ'est le Hollande, donc, pro-met de "redresser" la France enannonçant le mariage et l'adop-tion pour les homosexuels, l'eu-thanasie, le droit de vote desétrangers en France. Et tout çadans la posture la plus autori-taire qui soit, le néo-ascète,dans un accès d'égotisme ly-rique, se posant en recoursgaullien.

o Frédéric Rouvillois (Causeur,23 janvier) rappelle ces proposdu candidat socialiste tenus auBourget : « Avant tout effort,toute décision, toute loi, toutdécret, je me poserai uneseule question : est-ce que ceque l'on propose est juste ? Sice n'est pas juste, je l'écarte. »Décider en fonction du seul in-térêt de la France, au lieu dele faire à l'aune d'une impro-bable "justice", ne serait-il pasplus... juste ? M. Rouvilloisnote, en outre, qu'Hollande,« monarque républicain qui dé-cide de tout », revendique« sans devoir d'inventaire, l'hé-ritage de Mitterrand ». Soit.Sauf qu'un monarque en Répu-blique est soit un tyran, soit unroi fainéant. De ce point devue, notre vide sanitaire idéo-logique ambulant oscilleraentre Chirac et Sarkozy, l'intel-ligence et la culture mitterran-dienne en moins.

o Force est de reconnaître,malgré tout, qu'Hollande se po-sitionne très « clairement àgauche, beaucoup plus enclin àl'alliance avec les communistesqu'à la discussion avec ladroite » (Les 4 Vérités hebdo,24 janvier). Nous sommes pré-venus. Le visage de la France,déjà abîmé par des années d'ul-traviolets libérales-socialistes,frisera le mélanome malin sousles mêmes lampes à UV des dé-

magogues socialistes. À l'instarde Sarkozy qui redécouvrait hy-pocritement la nation en 2007,Hollande pourfend avec lemême cynisme, le « monde dela finance ». L'un draguait leslepénistes, tandis que l'autretente de s'attirer les voix despopuleux, qu'il exècre pour-tant, mais qui persistent à s'en-ticher plutôt de la fille Le Pen.

o Cela étant dit, ce "gau-chisme", vanté fièrementcomme la panacée par les"forces de progrès", est un in-curable cancer qui ronge notrepays depuis quarante ans. Dece point de vue, rien ne dis-tingue l'UMP, le PS et leurs sa-tellites respectifs, attendu quetous fondent leur action surune croyance indéfectible dansle progrès divinisé. Proposantune analyse serrée de la pen-sée du philosophe Jean-ClaudeMichéa (et de son « complexed'Orphée »), Alain de Benoist(Eléments, janvier-mars 2012)souligne parfaitement l'irréduc-tibilité entre la gauche, par dé-finition héritée des Lumières etsociologiquement bourgeoise,et le socialisme authentiquedéfendu par Pierre Leroux (l'undes inventeurs du mot). Celui-ci, nous rappelle Benoist, affir-mait que « la société n'est pasle résultat d'un contrat [maisque] loin d'être indépendant detoute société et de toute tra-dition, l'homme prend sa viedans la tradition et lasociété ». Une bien belle ré-flexion que Maurras eût puécrire, lui qui louait, dans unesemblable perspective sorelo-proudhonienne, l'alliance natu-relle du socialisme et du natio-nalisme, le premier ornant lesecond, comme un beau gant,une belle main, sous la condi-tion expresse que le premierfût libéré de « l'élément démo-cratique ». C'est précisémentcet ancrage dans un passé en-raciné qui fait défaut aujour-d'hui à Aubry, Hollande et leursépigones plus sûrs suppôts duMedef que tous les grands pa-trons du CAC 40.

Aristide Leucate

L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2833 – Du 2 au 15 février 2012 5 z

Société

Au fil de la presseOù, s'il est des mots et des concepts à la mode, il en est aussi des candidats qui sacrifient à l'habituel marathon médiatique pré-électoral, surenchérissant dans la démagogie la plus grotesque et le mensonge le plus éhonté.

Le Forum économique mon-dial de Davos, qui a clôturéses travaux dimanche der-

nier, a planché, entre autresrisques planétaires, sur celui del'interconnectivité. Les experts duforum ont identifié, parmi une di-zaine de risques graves, l'hyper-complexité de notre société dontles infrastructures essentielles,telles que l'électricité, l'eau, legaz, les transports, les communi-cations et la circulation de l'in-formation, sont désormais à lamerci de groupes d'individus or-ganisés en réseaux parfois éphé-mères. Ceux-ci sont capables deprovoquer à très peu de frais desdévastations dans les domaineséconomiques, voire géopolitiques,quand il fallait autrefois mobili-ser d'importantes ressources à laseule disposition des États pour yparvenir.

Industrie en désuétude

C'est dans ce contexte qu'a surgil'affaire MegaUpload et la répliquedes Internautes. Si le grand pu-blic y voit la charge des ayants-droits, jusqu'ici contentés par deslois fortement rémunératricespour les producteurs de supportsd'abord, les fournisseurs d'accèsensuite, et, s'il en reste, les créa-teurs, il constate tous les joursque le marché des biens culturelss'est retourné et que le modèlede captation en cascade de la va-leur ajoutée est désuet.

Le combat des voraces contre lescoriaces, comme disait le députéJean-Pierre Brard lors des débatskafkaïens sur la loi "Création &Internet" (Hadopi), est lancé.L'agitation médiatique des faiseursd'opinion contre une nouvelle in-dustrie qu'ils ne comprennent pasvise à occulter le changement deparadigme qui a transféré le pou-voir du monde physique au mondevirtuel. Et la vraie question estlà. Jusqu'où iront les Anonymousdans leur riposte pour défendrece nouveau commerce des idéeset de l'art ?

Déni de service

MegaUpload était un site mondiald'hébergement de fichiers troplourds pour être transmis en piècejointe d'un courriel. Y cohabitaientfichiers légaux et illégaux au sensdes lois de copyright. Confisquerles serveurs amalgame gens debonne foi et pirates, et les péna-lise tous avant un quelconque ju-gement. Les réseaux alternatifscomme les Anonymous combat-tent autant pour la liberté d'ac-cès aux données transférables quecontre l'autonomie répressive d'ad-ministrations incontrôlables.En revanche, si bloquer les accèsau site du FBI, de l'Élysée, de laHadopi, de Vivendi, du Parlementeuropéen et d'autres grandes ins-titutions est devenu anodin àcause du bombardement média-tique incessant, l'affaire est riche

des prémices d'une anarchie re-venue. Certes, ce ne sont pour lemoment que les sites Internet ac-cessibles de l'extérieur qui sau-tent par déni de service (sur-charge des demandes d'accès), etpas encore les réseaux intranetbouclés sur eux-mêmes, mais despasserelles existent, construiteset bloquées par des humains etdonc franchissables et démon-tables par des humains.

L'enjeu capital de la cybersécurité

N'a-t-on pas vu les programmesinformatiques de commande descentrifugeuses nucléaires ira-niennes infectées par un virus is-raélien ? Des hackers devenus de-puis professionnels de la sécuritéont piraté des bandes magné-tiques et des documents classi-fiés, des codes d'accès sensiblesdans des organisations aussi pro-tégées que le Pentagone et laNasa, des codes bancaires dansdes comptabilités sécurisées oudes fiches signalétiques de police.Ces données peuvent être alté-rées et réinjectées, assorties decodes de prolifération. S'il s'agitde la conduite d'un réacteur ato-mique, de la route d'un navire oudu pilotage d'un aéronef, on frôlela panique. Il y a en plus des fous géniauxcomme l'Anglais Gary McKinnon,obsédé par l'invasion des lézards,qui casse l'informatique des com-mandements américains pour enextraire les preuves irréfutables.Mais les occupations coupables dequelques cerveaux enrichis en sy-napses ne sont rien à côté d'unesubversion cybernétique. Les Ano-nymous qui mènent un combat defourmis rouges contre l'autorité,permettent de déceler l'émer-gence des vielles recettes de dé-stabilisation de notre société, lerêve inachevé de leurs grands aî-nés, Bakounine, Kropotkine, Ma-latesta. Espionnage, sabotage,guerre électroniques sont des me-naces prises en compte au plushaut niveau des organisations dedéfense et l'attention des obser-vateurs est doublement captivéepar l'implication évidente des ré-seaux sociaux, grands ou discrets,dans les révoltes arabes. Ainsi le tapage médiatique autourde l'affaire MegaUpload occulte-t-il la prise de conscience par l'opi-nion de nouveaux dangers qui pla-nent sur nos sociétés, expulsantdu raisonnement de l'électeurmoyen le doute légitime quant àla capacité de nos dirigeants des'en prémunir et, le cas échéant,d'y faire face. Nous n'osons croirequ'on puisse éteindre un pays avecrelativement peu de moyens phy-siques, compensés par du talent.Et pourtant. n

Catoneoroyalartillerie.blogspot.com

o INTERNET

Flux culturels et subversionLa fermeture du site MegaUpload n'en est-elle pas la preuve ? Les États veillent sur la Toile ! Des pirates s'y engouffrent néanmoins, comme si de nouveaux horizons venaient de s'ouvrir à la subversion.

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z 6 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2833 – Du 2 au 15 février 2012

Nos dix axes

NÉGATIONNISME

Les "mémoires" contre la cohésionsocialeAUJOURD'HUI, les redresseurs de torts pré-tendent, de lege lata, imposer une concep-tion univoque de tel ou tel événement his-torique. Certes, de la loi Pleven du1er juillet 1972 jusqu'à la loi Gayssot du13 juillet 1990, du nom funeste de son ins-tigateur stalinoïde, sans oublier les loisTaubira de 2001 et Perben de 2004, quede chemin parcouru dans la criminalisa-tion légale et judiciaire de la liberté d'ex-pression - une nouvelle étape venant d'êtrefranchie avec la criminalisation de la né-gation de tout génocide légalement re-connu, qui concerne essentiellement le gé-nocide des Arméniens par les Turcs. Lesnouveaux délits d'opinion ont, depuis qua-

rante ans (sous l'œil complaisant de la Coureuropéenne des droits de l'homme de Stras-bourg), sévèrement contribué au déclin del'esprit français en pervertissant au cœurl'identité spirituelle de la France en tantque nation. L'archétype de la loi Gayssota encouragé, au nom d'un égalitarisme mé-moriel de principe, l'éclosion de singulari-tés noires, arméniennes, homosexuelles,féministes, etc., accentuée par l'effet d'uneimmigration extra-européenne massive queles pouvoirs publics n'ont ni réfrénée, niassimilée, et d'où émergent des récrimi-nations communautaristes réclamant leurpart du gâteau mémoriel. Les effets d'une telle hypermnésie sont loind'être négligeables, au point qu'ils susci-tent aujourd'hui un système idéologiquehoméostatique oblitérant tout débat libresur des questions ressortissant, a priori,plutôt à l'histoire et à la science politique,et qui se trouvent reléguées au rang demythe, par définition, ascientifique. Or,l'érection mythologique d'un fait historique

en vérité intangible, en le soustrayant àtoute critique, universitaire ou non, par-ticipe d'une régression intellectuelle quidébouche, à terme, sur un asservissementde la pensée au dogme marmoréen du po-litiquement correct.

Reductio ad hitlerum

En somme, par filiation logique, les lois li-berticides, Pleven, Gayssot, Taubira, cen-sées réduire au silence les opinions émisespar voie de presse, sont plus subtilementdestinées, en réalité, à orienter les débatset discussion qui se tiendraient à l'école oudans l'entreprise, dans un sens conforme àla doxa officielle, sous peine de lynchagemédiatique ou d'infamie judiciaire ruineuse.Quiconque dérive du discours officiel, même(et surtout ?) avec force arguments (cf. lespolémiques autour des professeurs SylvainGouguenheim et Olivier Pétré-Gre-nouilleau), encourt le risque d'être apo-stasié par une reductio ad hitlerum (lati-

nisme forgé par Leo Strauss) pouvantconduire à un véritable bannissement pro-fessionnel ou médiatique. C'est à la gaucheintellectuelle et politique, qui a pris l'es-prit public en otage, qu'il convient de s'enprendre. Commençons déjà par abroger leslois susvisées, tant pour libérer la recherchehistorique que l'expression d'opinions, mêmeles plus inaudibles, sous le seul garde-foude l'ordre public et des bonnes mœurs, no-tions recouvrant, a minima, la vie privée,l'intégrité physique ou psychique des per-sonnes ainsi que l'autorité et la sûreté del'État. Faisons de l'histoire une disciplined'édification du sens civique par l'ensei-gnement de l'exemplarité des faits et gestesde nos héros nationaux, sans gommer leschapitres les plus sombres, mais sans nonplus en surdéterminer la portée ad nau-seam. Enfin, cessons ce mémorialisme d'É-tat qui a pour effet d'engendrer un droit-créance d'un type particulier, le droit au"non-oubli". n

Aristide Leucate

Il est courant d'entendre au-jourd'hui ce qui est devenu leslogan de ma génération : « Cet

enfant sera heureux , puisque dé-siré. » Bien sûr, l 'argumentcontraire sera du coup tout aussijuste. Du reste, il m'a souvent étédonné pour justifier l'IVG : « Detoute façon, il n'aurait pas étéheureux, ce n'était pas un enfantdésiré. » Ce qui revient à dire quel'on soumet l'existence à un pro-nostic subjectif du bonheur, maisaussi que l'on fait entrer l'enfantet tout son parcours de vie dansun déterminisme enfermant telque le suggérait Freud.

Le désir en question

Le milieu éducatif constate quel'enfant, s'il est désiré, naît dansun contexte plus favorable d'unpoint de vue affectif et matériel.Mais ces conditions idéales ontaussi des conséquences nocivesqu'on ne peut ignorer. Si l'on fondetoute sa vie sur le désir, on nesaurait échapper à quelques ques-tions. Je veux un enfant, je dé-sire un enfant, j'ai envie d'unbébé, si on faisait un bébé... voilàou commence la duperie. En réa-lité on accueille sûrement mieuxl'étranger que l'enfant. Depuis lesplus anciennes traditions, l'étran-ger est un pèlerin guidé par Dieu.Il est reçu avec déférence, onécoute son histoire et on lui donneà boire et à manger.Imaginons d'accueillir un enfantcomme l'étranger, c'est-à-direcomme n'appartenant pas aucouple, ayant en lui-même lamarque de sa propre destinée, etdonc besoin de ses parents pourl'aider à la réaliser. C'est le fon-dement de la pensée de MariaMontessori : « déployer les qua-lités dont [l'enfant] contient legerme ». C'est ainsi que l'enfantdevient l'auteur de son dévelop-pement. Imaginons que l'on ne

cherche pas à donner un enfantà une famille, mais une famille àun enfant. Le désir d'enfant pourl'adolescente et la femme, celuid'être parents pour le couple, estfondateur et nécessaire. Mais leprojet d'avoir un enfant doit s'endistinguer. Ou plutôt le désir de-vient projet lorsque l'on passe dela recherche égocentrique (pri-maire) à la construction altruiste.L'enfant étant une personne(Dolto) il ne peut rester simpleobjet de désir.

Droit à l'enfant

La promotion de la contraceptionet, a fortiori, de l'avortement ontpour conséquence (en dehors dela question de la sacralité de lavie humaine) la réduction de l'en-fant à un bien de consommation.L'impact psychologique est im-mense et conditionne les nouvellesrègles du lien social. Cette modi-fication est très profonde dans lapsychologie des parents, commedans celle de l'enfant appelé àêtre plus tard parent à son tour ;ainsi, d'ailleurs, que dans la placequi lui est réservée dans le couple,

comme dans l'histoire familiale.Cela induit très naturellement unetendance nouvelle, projectivecelle-là. Si le vouloir de l'enfantchoisi au bon moment est bon,alors l'enfant lui même est bon apriori. Les parents projettent lebonheur d'avoir un enfant sur l'en-fant lui-même, lequel devient bonpar essence, sa présence étant lefruit d'une construction intellec-tuelle et, nécessairement, fan-tasmée des parents.Cette projection a deux consé-quences : d'une part, une pres-sion sur l'enfant dès son plus jeuneâge, car il est l'objet matérialisédu vouloir des parents ; d'autrepart, les parents étant très sou-vent incapables de différencierl'enfant d'eux-mêmes, sur un planpsychologique, ils font tout pourlui permettre naïvement d'ap-prendre la vie seul, par lui même.Cette tendance leur vient direc-tement de l'idéologie dominantequi prône une liberté accrue desadultes en dehors de toute réfé-rence communautaire protectrice,liberté que l'adulte voudrait pourlui-même et qu'il pense acquérirpar l'enfant-roi.

Cela entraîne une absence d'édu-cation, (educere, en latin, c'est"conduire hors de l'enfance"). Sur-tout ne rien transmettre de cequi nous a été transmis. C'est ainsique l'on procède, sous prétextede liberté et d'égalité, au déra-cinement de chaque individu li-vré nu aux appétits d'un systèmefondé uniquement sur un rapportde consommation.L'enfant n'est pas et ne sauraitêtre un simple réceptacle d'émo-tions, de désirs contrariés, detraumatismes plus ou moins grandset résiliables. Cela enfermeraitl'être humain dans un détermi-nisme inacceptable. En réalité,cet état est celui du nourrisson ets'atténue dès que le sujet peutposer un acte qu'il sait anticiper(naissance de la volonté). Je leconsidère quant à moi dès ses pre-miers mots comme une personnemorale, c'est-à-dire capable devolonté. Certes, sa responsabilitéest encore minime, mais, très tôt,l'enfant peut apprendre à s'inter-dire ou s'autoriser telles ou tellesactions. Et si l'éducateur lui dit"non", c'est pour lui poser un cadrepsychologique et donc des limitesstables, mais aussi pour éduquersa volonté.

Dissolution

Enfin, si la famille est une com-munauté naturelle, elle est aussiune communauté de destin.Certes, elle évolue et les liens sedistendent, mais la solidarité doitrésister à l'impact du monde. Au-jourd'hui, les familles volent sou-vent en éclats pour des raisonsmatérialistes. C'est la consé-quence d'une idéologie de la "dis-solution" qui est instillée dès lanaissance à chaque individu parla nouvelle idéologie de la famille.On voit les prolongements natu-rels de cette funeste tendancepar la remise en cause du ma-riage, la revendication de l'ho-moparentalité et la promotiond'une société asexuée par la théo-rie du genre (gender). Tout celaconcourt à l'atomisation de la so-ciété, pour l'avènement final d'unsystème dont un certain GeorgesOrwell avait déjà et depuis long-temps dessiné les contours. n

Jeanne MonneretÉducatrice de jeunes enfants

o FAMILLE

Des méfaits d'une idéologieL'évolution du rapport à l'enfant ne va pas sans conséquences psychologiquesni incidence sur les liens sociaux. En cause, notamment : une conception dévoyée de la liberté...

REDRESSER LA FRANCEAVEC CE DOSSIER consacré àla politique familiale et à lacohésion sociale, nous abor-dons deux points noirs nonseulement du quinquennatde Sarkozy mais surtout dela politique menée depuisprès de quarante ans par lagauche comme par la droite. De l'avortement au regrou-pement familial, tous lesdeux adoptés sous Giscard,la société est allée de Cha-rybde en Sylla, tant la poli-tique familiale et la cohésionsociale sont deux domainesentièrement liés. La perte démographique etla dissolution de l'unité denotre peuple, alourdies parla crise économique et so-ciale, rendent incertainl'avenir de la France, alorsmême que, parallèlement,aggravant le caractère morti-fère d'un communautarismede plus en plus arrogant, leparlement continue d'adop-ter, par électoralisme, à lademande de lobbies aussimultiples que variés, des loisliberticides qui interdisentaux Français de réagir ne se-rait-ce qu'en dénonçant lesmaux. Faut-il égalementévoquer la légalisation du"mariage" homosexuel et del'"homoparentalité", l'adop-tion d'un statut du beau-pa-rent ou l'abrogation de l'ac-couchement sous X ? enfin lalégalisation de l'euthanasie ?Que de menaces contre lacohésion familiale ou la vie,en perspective !Des réformes radicales, voiredes assurances constitution-nelles seront nécessaires enmatière de politique fami-liale et de cohésion sociale.Lisez et faites passer le message ! q F.M.

3 Nos "dix axes de salut natio-nal" sont présentés sur Internetà l'adresse suivante : http://www.actionfrancaise.net/craf/?POUR-REDRESSER-LA-FRANCE-LES

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L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2833 – Du 2 au 15 février 2012 7 z

Nos dix axes

Qu'est ce que la cohésion so-ciale ? Selon la Banque deressources interactives en

Sciences économiques et sociales(BRISES), qui est, en quelquesorte, la parole scientifique et po-litiquement correcte de l'Univer-sité, elle désigne l'« état d'une so-ciété dont les membres sont unispar des valeurs communes ou desrègles de vie communes acceptéespar tous ». Elle correspond « à lasituation d'un groupe fortementsolidaire et intégré ; en décou-lent l'existence de buts communs,l'attraction des individus les unspar rapport aux autres et enfinl'attachement des individus augroupe. Cette cohésion favorisedonc l'intégration des individus,c'est-à-dire la participation àun réseau de relations sociales qui confère aussi une identitépropre. » Cela suppose « un "es-prit de discipline", un respect desvaleurs et normes communes ;mais est-ce possible dans une so-ciété individualiste valorisant laliberté et l'autonomie des indivi-dus ? Et comment maintenir la co-hésion sociale sans laquelle il n'ya pas de société dans une sociétémarquée par la montée de l'indi-vidualisme ? »

Les pires injustices

Ce qui fonde le désir de vivre en-semble passe nécessairement parle partage d'un patrimoine com-mun, d'une histoire commune, quin'exclut pas la volonté de conti-nuer l'œuvre qui nous précède.En revanche, l'individualisme, quis'appuie sur le système libéral et"démocratique", constitue un obs-tacle au maintien de la cohésionsociale. En effet, ce système estfondé sur la compétition, dansune logique de méritocratie quiprône une égalité toute virtuellejustifiant les pires injustices :puisque nous sommes égaux, sinous ne réussissons pas, c'est quenous ne le méritons pas.Parmi les raisons qui concourentà la crise du lien social, on trouveévidemment le déclin de l'auto-rité et l'affaiblissement des liensfamiliaux. On pourrait ajouter quela disparition des églises dans lesvillages et les quartiers, la faillitedu syndicalisme et sa transfor-mation en lobbies dans le mondedu travail, la multiplication desgrandes surfaces et la disparitiondes petits commerces et autresestaminets favorisent égalementla perte du lien social. Il convientde noter enfin l'éloignement dupeuple des centres de décisions(administrations, finance mon-diale), où s'organise l'avenir denos sociétés. Dans l'introduction de son livreL'Homme révolté, Albert Camussoutient que l'idée d'injusticeconstitue l'origine de toutes lesrévoltes humaines. L'injustice so-ciale est celle que l'on vit le plus

difficilement, car elle est lanci-nante, répétitive, et rappelle auxplus défavorisés l'injure de leurcondition au quotidien. On sait,d'après l'Observatoire national dela pauvreté, qu'en 2010 huit mil-lions de Français se situaient sousle seuil de pauvreté (75 % du re-venu médian). Pas besoin d'êtregrand clerc pour deviner que lasituation a encore empiré en 2011.Dès lors, quelles formes doiventprendre les solidarités ? Quel doitêtre le ciment de la nation ?

Libertés contre égalité

Sans principe fédérateur de la na-tion, il n'y aura pas non plus desolidarité. N'oublions pas que,pour Maurras, la nation est le pre-mier vecteur de protection so-ciale du peuple. Des hommes, desfemmes, des familles et des corpsconstitués qui cohabitent, avecdes règles partagées, dans unvaste espace historique, qu'ils re-connaissent comme un biencommun et supérieur, ont plus dechances d'être respectés que ceuxqui, isolés, sont livrés au pouvoirde capitalistes étrangers, ano-nymes et supranationaux.Notre tradition sociale est com-mune à celle de l'Église, dont lesroyalistes René de La Tour du Pinet Albert de Mun furent les pro-moteurs de la doctrine, en France,en pleine révolution industrielle.Le principe de subsidiarité, quidéfinit, en fonction de son degréde compétence, le niveau de res-

ponsabilité de chaque personne,groupe ou communauté naturelleou de destin, voit dans la nationle cadre ultime au-delà duquel iln'y a plus d'appartenance suffi-samment forte pour justifier uneréelle et résistante solidarité. Telleest notre spécificité : l'histoire dela France, qui s'est écrite sur plusde quinze siècles, a forgé des lienssolides et diversifiés qui permet-tent d'assumer la diversité de sespopulations tout en garantissantla cohésion de l'ensemble.L'Action française est profondé-ment attachée aux libertés qui sesont imposées tandis que laFrance se construisait. Mais leurpréservation suppose de revenirau principe de réalité, lequel, parnature, se méfie des idéologiesprométhéennes qui étourdissentl'esprit et réduisent l'homme àl'esclavage. Pour assurer la pro-tection sociale et garantir les li-bertés, Maurras parlait d'« in-égalité protectrice ». Une sociétésolidaire accepte les inégalités,et leur répond par l'équité. Dans cette perspective, pour ré-tablir une réelle cohésion sociale,il convient de considérer notrepays comme un grand territoirecomposé lui même d'une multi-tude de "micro-territoires", ce quiimplique de restaurer la notionde proximité. Comme jadis avecles villages, les hameaux, les quar-tiers... Habiter ensemble, c'est"co-habiter" et établir, sans quecela nécessite des mesures légis-latives particulières, des solida-

rités spontanées de bon voisinage.La partie est ardue car, pour lespouvoirs qui nous dominent, noussommes, avant d'être des ci-toyens, une masse de consom-mateurs individualistes à la re-cherche de produits de substitu-tion (de la télévision aux anti-dépresseurs) permettant de pal-lier le manque de rapports hu-mains et conviviaux. Aussi, de-vant l'échec relatif des politiquesde la ville, des chercheurs, en so-ciologie notamment, tentent-ilsde renouer avec la tradition del'organisation sociale de proximitépar le biais du "développementsocial territorial".

Approche territoriale

Quelques observateurs sociaux sesont en effet rendu compte du ca-ractère inadapté des méthodesdescendantes (ou distributives)d'action sociale dans les quartiersdéfavorisés, méthodes concoctéesdans des cabinets ministériels,dont les fonctionnaires surdiplô-més n'imaginaient pas autre choseque la construction d'équipementspublics et la distribution d'aidesindividuelles ou de subventionsaux associations "bien intention-nées". Parmi ces observateurs, unsociologue, Jean François Bernoux,préconise le diagnostic social surdes territoires identifiés 1. Ce dia-gnostic, qui vise à définir les caractéristiques humaines, natu-relles, économiques socio-profes-sionnelles, implique non seule-ment les acteurs institutionnelsmais également, dans toute sa di-versité, l'ensemble de la popula-tion évoluant sur le territoire étu-dié. Les méthodes proposées vi-sent à rendre chaque habitantacteur (à des degrés divers) del'étude et, par la suite, du projetcollectif. Dans l'anomie que tra-verse notre société, ce n'est paschose facile, car cela suppose quechacun se réapproprie ce qui con-stitue l'histoire commune avantd'envisager le devenir commun.Ce mode de mobilisation localeimplique, de degré en degré, parle jeu d'échanges et de concerta-tion interterritoriale, la transitionvers les niveaux local, régional etnational : ainsi, par un effet deseuil de compétence reconnu, setrouve justifiée la délégation d'au-torité vers ceux qui sont chargésd'agir à un niveau plus vaste.Toutefois, pour maintenir une co-hérence harmonieuse, il faut, auplus haut niveau de la société, unrassembleur : le roi est cette cléde voute qui garantira l'équilibredes forces dans ce jeu complexe.La royauté serait-elle si anachro-nique ? Existant dans de nombreuxpays et particulièrement en Eu-rope, elle n'a jamais compromisleur modernité.Le rapport Kepel 2, publié par l'ins-titut Montaigne, fait apparaîtreque la République, qui s'était tou-

jours adossée au nationalisme pourprotéger sa légitimité, est entrain, d'une certaine manière, descier la branche sur laquelle elleétait assise, en rejoignant le campdu libéralisme supranational et enabandonnant notre souverainetéà Bruxelles et Washington. Son re-jet de la nation pourrait bien luiêtre fatal. On pourrait s'en réjouir,mais c'est une mauvaise nouvelle,car, désormais, la nation, déjàmalmenée par le passé, se re-trouve sans défenseur au sommetde l'État, ce qui favorise l'éclosiond'un système de migrations conti-nues et mal maîtrisées, organi-sées sur un plan supranational etpromues au nom des droits del'"Homme"... pourvu que ce der-nier ne soit pas français.Il est pour nous assez difficile dedésigner l'ennemi : il n'a plus devisage à force d'en avoir trop !C'est pourquoi nous devons nousrappeler que la réponse est ins-titutionnelle. C'est le système quidoit tomber et c'est l'État poli-tique, arbitral, indépendant deslobbies, bref l'État royal, qu'ilconvient d'instaurer pour restau-rer la cohésion sociale de laFrance. n

Olivier Perceval

1 - Jean François Bernoux, Mettreen œuvre le développement social,éditions Dunod.2 - Gilles Kepel, enquête Banlieuede la République, éditée par l'Ins-titut Montaigne.

o SOCIÉTÉ

Les conditions de la cohésionAffaiblie par l'individualisme, le relâchement des liens familiaux ou le déclin de l'autorité, la cohésionsociale requiert le retour à la proximité et la présence d'un arbitre au sommet de l'État, garant de la mise en œuvre du principe de subsidiarité dans un cadre national revalorisé.

» ÉCOLES LIBRES

À la suite de la publication,dans notre précédent numéro,d'un entretien avec Anne Cof-finier, plusieurs lecteurs nousont demandé comment rece-voir L'Annuaire des écoles in-dépendantes. Celui-ci est dis-ponible auprès de l'associationCréer son école 25 rue Sainte-Isaure, 75018 Paris, à laquellevous pouvez adresser unchèque de 34 euros (portscompris) accompagné de voscoordonnées. Pour tout ren-seignement : 01 42 62 76 94.

» SOS TOUT-PETITS

Le samedi 11 février, l'asso-ciation SOS Tout-Petits orga-nise une « prière publique deréparation, d'intercession etde conversion » aux abords del'hôpital Tenon, un établisse-ment parisien où les avorte-ments ont repris en avril der-nier. Un cortège se formera à10 h 30 à l'angle de la rue dela Chine et de l'avenue Gam-betta. La fin de la manifesta-tion est prévue à 12 h 30.

En 2010, huit millions de Français se situaient sous le seuil de pauvreté.

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Monde

BELGIQUE

Un nouveau cardinalLE 18 FÉVRIER, au Vatican, leconsistoire créera vingt-deuxnouveaux cardinaux dont dix-huit de moins de quatre-vingtsans pouvant participer à un pro-chain conclave. Parmi eux, unBelge. Nombreux, mal informésdes usages, s'attendaient à voirle primat de Belgique, l'arche-vêque Mgr Léonard, coiffer labarrette. C'est un prêtre de Na-mur, ancien évêché de Mgr Léo-

nard, qui se voit distingué :Mgr Julien Ries. À quatre-vingt-douze ans, la barrette est la ré-compense de toute une vie.Déjà, en 2010 le pape l'avaitnommé "prélat d'honneur". Lenouveau cardinal est connu desvaticanistes pour son enseigne-ment des religions à l'universitécatholique de Louvain de 1968à 1991. Le fait que Mgr Léonardpasse son tour n'implique pasune disgrâce. Porte-parole del'Église en Belgique, le pèreScholtes a rappelé la règle ta-cite qui veut que tant que l'an-cien archevêque et cardinald'une province ecclésiastique

n'a pas plus de quatre-vingtsans et dispose donc toujours deson droit de vote, l'archevêqueen place ne peut pas être créécardinal. Ce qui est le cas. Lecardinal Godfried Daneels asoixante-dix-huit ans. q Ch.H.B

BÉNÉFICIANT désormais des fa-veurs de New Delhi, la Rafaleavait été recalé à l'automnedernier par le gouvernementsuisse, qui lui avait préféré leGripen suédois. Mais Dassaultétait revenu à la charge auprèsde la Confédération. Selon lapresse helvétique, l'avionneurfrançais aurait fait aux parle-mentaires suisses une contre-proposition écrite de 370 mil-lions d'euros moins chère quele Gripen, mais portant sur

dix-huit appareils au lieu des vingt-deux avions suédois prévus. Cettenouvelle offre serait assortiede prestations alléchantes pourles pilotes suisses : accès auxbases aériennes françaisestoute l'année, utilisation deszones d'entraînement superso-nique au-dessus de la Méditer-ranée. La décision définitivedu Parlement fédéral ne de-vrait pas intervenir avant lemois de juin. q G.C.M.

EN 2011, la presse mondiale aenregistré et répercuté l'inter-vention imprudente deM. Obama, actuel président desÉtats-Unis saluant la « granderévolution tunisienne » dans unlangage grandiloquent, pompeuxet vide. Cette prétendue révolu-tion survint après l'immolationpar le feu de MohamedBouazizi 1. Il s'ensuivit une cam-pagne systématique de faussesnouvelles qui intoxiqua l'opinionet déclencha des émeutes aucours desquelles des meneursexigèrent la démission du prési-dent Ben Ali : « Le président BenAli s'était enfui avec l'or de laBanque de Tunisie. » Ce fauxbruit fut démenti le jour même,puisqu'il fut révélé que l'or de labanque de Tunisie se trouvait àFort Knox aux États-Unis (bruitet mise au point émanaient de lamême origine, des mêmes ser-vices secrets). Ce jour-là égale-ment, on montra à la télévisionlocale des liasses de billets debanque entassés dans des ar-moires du palais de Carthage,autre joli montage censé exaspé-rer les Smicards. Enfin, dernieropprobre, on signala que ladeuxième épouse du successeurde Bourguiba était une « coif-feuse ». La grande tribu interna-tionale des snobs devait frémird'indignation : si cette dameavait été fille d'un diamantaire,cela aurait tout changé.Rappelons cependant que la Tu-nisie de Ben Ali connaissait lapaix depuis de longues années.Quelle horreur ! En outre, lesressources touristiques étaienten expansion, seule richesse dece pays pauvre. La femme mu-sulmane n'y était pas ensevelievivante sous les voiles abusifs etla polygamie disparaissait. L'ins-truction publique était favoriséeet formait des élites. La popula-tion ne souffrait pas de la fa-mine, autre scandale. Mais l'onn'avait pas le droit d'injurier lechef de l'État. Les ONG des"droits de l'homme" se moquaientdu peuple "khobziste" 2, vulgaire-ment attaché à son pain quoti-dien. Le président Ben Ali chassépar les stipendiaires de la CIA, lepeuple aura enfin la "liberté" de

la presse et le droit de crever defaim. Le sinistre scénario du dé-risoire "printemps arabe" a cu-rieusement été reproduit enÉgypte, en Libye et cherche às'étendre dans tout l'Orient,proche et moyen. Il aboutit àmettre en place des gouverne-ments "islamistes", racistes, anti-sémites 3 et anti-chrétiens. La"démocratie" états-unienne im-posée à grands frais de bombar-diers et de drones favorise ex-clusivement la prise de pouvoirdes "frérots". Les interventionsplus ou moins massives des ser-vices de la CIA visent à la des-truction totale des traditions despays arabes et musulmans. Ellesse fondent sur une prodigieuseignorance des réalités orientales,accompagnée d'une arroganceillimitée. Ces ingérences crimi-nelles entraînent l'annihilationde la femme musulmane, de lapersonne humaine ; elles ne dé-molissent pas seulement lesÉtats arabo-musulmans, ellescompromettent aussi gravementl'économie et les finances deWashington ; comme aux pirespériodes des invasions nazies,elles mettent en péril la civilisa-tion de l'humanité. q

Perceval

1 - Le véritable islam condamne lesuicide et, comme le catholicisme,il l'estime aussi coupable que l'as-sassinat. De même, il vénère Abra-ham, Moïse, Jésus et il tient Maho-met pour l'Envoyé inspiré qui achèvele cycle prophétique.2 - Khobz désigne le pain en arabeparlé au Maghreb et au Levant.3 - « Lors du rassemblement orga-nisé par Ernahdo pour accueillir lechef du Hamas à Gaza, les partici-pants étaient invités à s'essuyer lespieds sur le drapeau israélien. »(Marianne, 14 janvier 2012)

TUNISIE

Le criminel fiasco de la CIAOrchestré sous l'influence des États-Unis, le départ du président Ben Ali a plongé la Tunisie dans une situation chaotique.

Grève générale en Belgiqueet sommet européen àBruxelles, le même jour.

Un observateur eut cette formulelapidaire : « Deux camps se re-gardent, s'observent et ne se ren-contrent pas. » Les hiérarques eu-ropéens, les chefs d'État et leursdélégations ont, pour une part,été dirigés vers la base militairede Beauvechain. Les convois ontensuite gagné Bruxelles à vive al-lure, dans la brume, avec, en toilede fond, un paysage enneigé.Image négative ou non pour l'Eu-rope ? Oui, répondent 63 % desinternautes, non, rétorquent 34 %d'entre eux.La grève est discutée, contestée.Il n'en demeure pas moins qu'ellerépond à deux sentiments, la co-lère et l'angoisse. Depuis 1993, onn'avait plus connu de grève géné-rale en Belgique. Souvent divisé,le front syndical s'est ressoudé.C'est pourquoi on parle de Frontcommun rassemblant les chré-tiens, les socialistes et les libé-raux.Et cela bien que le Premierministre, Elio Di Rupo, soit nonseulement un socialiste mais le"patron" des socialistes franco-phones. On lui en veut, à lui et àson gouvernement, d'avoir pris desmesures sévères d'austérité sans

vraie négociation. Les leaders syn-dicaux sont à l'unisson. Pour le se-crétaire général des syndicats li-béraux, cette pratique se situe« à l'opposé de notre tradition dedialogue social ». Pour Anne De-melenne et les socialistes, « iln'est pas vrai qu'il n'y ait d'autresolution que l'austérité. On peutmutualiser les dettes et les rem-bourser à des taux d'intérêt nor-maux. »

Raisins de la colère

Quant à Claude Rolin, des syndi-cats chrétiens, il affirme que « sile gouvernement ne nous entendpas, l'écart entre les citoyens etleurs dirigeants deviendra abys-sal. Nous continuerons à agir pourque la raison obtienne gain decause. » Les leaders syndicaux nesont pas les seuls à tenir ce lan-gage. Ainsi, Jean-Jacques Viseur,l'actuel bourgmestre (maire) deCharleroi, a des mots très durspour le FMI qui enjoint à la Bel-gique d'observer l'austérité ou la"règle d'or" voulue par l'Allemagne.À ses yeux « la relance est la prio-rité absolue. L'Europe tue l'es-poir. » Faisant référence à Stein-beck et ses Raisins de la colère,il se dit convaincu que « l'on est

en train de créer la même pau-périsation ». Il est évident que,côté patronal, le ton est diffé-rent. Là, on parle de flexibilitédu travail, de compétitivité, dela nécessité d'observer les lois dumarché. Et au gouvernement, ons'arqueboute. Les fissures appa-raissent. Pour les libéraux fla-mands, il faut remettre en ques-tion l'indexation des salaires. Voilàque les sociaux-chrétiens flamandsemboîtent le pas. Songeons-y, dis-cutons-en...

L'indexation des salaires en débatCôté socialiste, on se raidit. Ja-mais nous n'y souscrirons ! Elio DiRupo l'a expliqué l'autre jour àAngela Merkel qu'il a rencontréeà Berlin. Reste que l'idée est lan-cée. Jusqu'ici, c'était une règlegravée dans le marbre de laconcertation sociale. Or, suite auxmesures gouvernementales, l'in-dice pivot est dépassé, ce qui im-plique que les salaires de la fonc-tion publique et les allocationssociales augmenteront de 2 % enfévrier. Aussitôt, la fédération pa-tronale de l'industrie technolo-gique fait retentir le bourdon.« Le gouvernement, avertit-elle,devrait combattre l'inflation. »Celle est remontée à 3,65 % et,disent les patrons, « ce sont lesentreprises qui la paient cash audétriment de notre compétitivitéet de l'emploi ».Au lendemain de la grève, chaquecamp tire sa conclusion. Les syn-dicats parlent de succès, les pa-trons concluent que cette grèveproclamée générale n'aura été quepartielle. Disons qu'elle fut trèssuivie en Wallonie, moins enFlandre, sauf à Anvers, et que legouvernement n'entend pas dé-vier de sa ligne de conduite. Ainsi,tout le monde tire à hue et à diafaisant valoir "sa vérité" qui coïn-cide avec son intérêt. Dans un telclimat la Belgique devient une co-cotte-minute. n

Charles-Henri Brignac

o CRISE

La Belgique en grèveLa mécontentement gronde en Belgique. Mais en dépit d'une grève très suivieen Wallonie, moins en Flandre, le gouvernement n'entend pas dévier de sa trajectoire, conforme aux canons de l'UE et du FMI.

SUISSE

Le Rafale en solde

Anne Demelenne appelle à mutualiser les dettes.

Mgr Julien Ries

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L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2833 – Du 2 au 15 février 2012 9 z

Monde

CONGO

Roman noir gare du NordLE CONGO VA MAl – celui qui apour capitale Kinshasa. C'est unfait divers qui s'est produit à Pa-ris qui l'atteste. À la sortie de lagare du Nord, alors qu'il se diri-geait vers une voiture qui l'at-tendait, un homme âgé, un Afri-cain, se voit pris à partie par ungroupe de jeunes noirs. Il est ta-

bassé, roué de coups. Les agres-seurs s'éparpillent. On appelle lessecours. Le blessé est transportéà Lariboisière. Là, on découvre son identité : ils'agit de Léon Kengo wa Dondo,âgé de soixante-seize ans ; dansson pays, la République démo-cratique du Congo, il est, en saqualité de président du Sénat, ledeuxième personnage de l'État. Àla dernière élection présiden-tielle, il s'était présenté contreJoseph Kabila en ne recueillantque 4 % des suffrages. Au premier

stade de l'enquête, on tend à at-tribuer l'agression à des jeunes del'UDPS, le parti de Tshisekedi donton sait qu'il s'est autoproclaméprésident de la République. Pour-quoi des membres de l'oppositionse seraient-ils attaqués à un autreopposant ? Sans doute parce queLéon Kengo a assisté à la presta-tion de serment de Joseph Kabila.Dans ce geste, on a pu voir unrapprochement entre les deuxhommes. C'est en tout cas une hy-pothèse. Kengo a dit « pardonnerà ses agresseurs ». n Ch.H.B.

LES PRINCIPES et les fonde-ments de notre politique étran-gère ont été bouleversés cesdernières années. Quelles sontles nouvelles donnes de cettepolitique et quelles en seraientles conséquences ?Depuis fort longtemps, la di-plomatie française était carac-térisée par une forme de léga-lisme : elle observait un strictrespect des normes et desprincipes du droit internationalpublic, impliquant le respectdes spécificités nationales etidentitaires des pays et celuide la souveraineté des États.

Non-ingérence

Cela avait comme corollaire lanon-ingérence dans leurs af-faires internes et la sauvegardedes relations historiques denotre pays avec les entités aux-quelles nous sommes liés parune amitié traditionnelle, voirenaturelle. La France jouissaitainsi d'une respectabilité et de-venait le garant de l'équité etde la stabilité politique au ni-veau international. De ce fait,la plupart des traités étaientétablis en français, lequel futla langue d'usage en diploma-tie. Cela nous a permis de bé-néficier d'un rayonnement quis'est notamment manifesté parl'émergence d'un monde franco-phone, voire francophile. L'an-cien secrétaire général des Na-tions Unies et de l'Organisationinternationale de la Francopho-nie, M. Boutros Boutros-Ghali,prônait ce "monde" en souli-gnant que la francophonie n'estpas uniquement un phénomènelinguistique mais un mouve-ment socio-politique regrou-pant les pays et les entités quipartagent les valeurs millé-naires françaises, ceux qui yaspirent et ceux qui retrouventen la France une puissance derecours en vue de sauvegarderl'équilibre international. Ainsi, on retrouve l'influenceculturelle, politique et idéolo-gique de la France en Amé-rique latine, en Afrique, auMoyen-Orient, etc. Pour ne ci-ter qu'un exemple, rappelonsque le nationalisme de l'Actionfrançaise a influencé diversmouvements nationalistes enAmérique (de l'Argentine jus-qu'au Canada, en passant parle Mexique), en Europe et auMoyen-Orient (notamment lemouvement du Baath).Malheureusement, cette in-fluence s'est progressivementépuisée avec le mondialisme etl'émergence de l'Union euro-péenne qui ont affaibli la na-tion. À cela s'ajoutent les fai-blesses et les hésitations in-ternes dues aux différentesalternances du pouvoir républi-cain et le manque de volontédes politiques de maintenir leflambeau au niveau internatio-

nal mais aussi dans l'Outre-Mer.Le problème de la Nouvelle-Ca-lédonie ou encore la situationaux Comores en sont l'illustra-tion : Pierre Pujo a mené unlong combat pour la préserva-tion de Mayotte dans le gironde la France et a ardemmentœuvré pour le retour d'Anjouanà la France...Avec l'arrivée de Nicolas Sar-kozy au pouvoir, on assiste à unretournement de situation : lesfondements de notre diploma-tie connaissent un bouleverse-ment dont les conséquences se-ront connues dans les prochesannées, voire dans quelquesmois. L'atlantisme de NicolasSarkozy a aligné notre politiqueétrangère sur celle des États-Unis qui est sous l'influence degroupes de pression inhérents àla diplomatie américaine. Aprèsavoir regretté, en septembre2006, la non-intervention fran-çaise en Irak, qui avait pour-tant fait la quasi-unanimitédans la classe politique, il n'apas hésité à avoir recours à cemoyen en Libye, sous l'impul-sion de M. Lévy.

Libyens en colère

La France commence à récolterles fruits de cette interventiondans un pays avec lequel ellen'a pas de liens naturels ou his-toriques : non seulement elleperd de sa crédibilité en inter-venant dans un conflit interne,mais elle attire la haine chezbon nombre de Libyens. Les ré-centes manifestations à Tripoli,avec des slogans hostiles à laFrance, et l'assassinat d'un an-cien soldat en témoignent. Lespays voisins de la Libye se dé-tournent de la France malgréleur passé francophone, commela Tunisie qui multiplie descontrats commerciaux avec lesÉtats-Unis, et l'Algérie qui faitde même avec la Chine. Cette dernière récupère égale-ment des marchés en Afriquesubsaharienne, où notre pré-sence et notre influence sonten recul considérable. AuMoyen-Orient, les prises de po-sition contre le régime syriende Bachar El Assad allaient por-ter les mêmes fruits. Elles sontdevenues plus modérées et ré-fléchies depuis la mort du jour-naliste Gilles Jacquier, dans descirconstances obscures bien dé-crites dans Le Figaro du 20 jan-vier par Georges Malbrunot, quiaccuse clairement les rebellesde son assassinat. Il a fallu at-tendre la mort de quatre denos soldats en Afghanistan pourconduire Nicolas Sarkozy à an-noncer vouloir revenir sur cettepolitique interventionniste,contraire aux principes tradi-tionnels de notre diplomatie, àl'approche de l'élection prési-dentielle. q

Élie Hatem

INTERVENTIONNISME

La diplomatie française en péril ?Afghanistan, Côte d'ivoire, Libye... La France multiplie les entorses au respect de la souveraineté des États.

Ce qui se passe actuellementen Libye, à quelques enca-blures de l'Europe, dans un

pays situé entre l'Égypte et la Tu-nisie, sur le point de passer sousle contrôle des islamistes, estréellement inquiétant, et ce n'estlà qu'un euphémisme. On auraitpu penser que le sujet, en raisondu rôle déterminant joué par laFrance dans le renversement ducolonel Kadhafi, serait abordé aucours de la campagne électorale.Il n'est rien. Personne n'en parle,et pour cause : tout le monde, oupresque, a applaudi l'interventionfranco-britannique sous couvertd'une interprétation très flexiblede la résolution onusienne. Et,probablement, personne ne vou-dra en assumer les conséquences.Pas même BHL, disparu des écranset des ondes !

Messianisme illusoire

L'objectif était de préserver lapopulation civile libyenne, sur-tout les habitants de Benghazi,de la répression des forces du dic-tateur et d'instaurer la démocra-tie dans le pays. On oubliait quela "démocratie" n'était, ne pou-vait jamais être, l'aboutissementd'une révolution sanglante, sur-tout imposée par des forces étran-gères. On ignorait le passé et lesstructures sociales du pays. Les forces d'intervention occi-dentales se sont, heureusementdégagées et ne sont plus pré-sentes. Le chaos a remplacé laguerre et le sang coule partout.On évalue à plus de 30 000 lenombre de victimes des règle-ments de comptes entre factionsrivales depuis la chute de la dic-tature. Les prisons sont pleines,on ne sait exactement plus dequi, et la torture y est la règle.Human Rights Watrch, une ONGhumanitaire américaine à l'indi-gnation un peu moins sélectivequ'Amnesty Intenrational, la dé-nonce avec force, tout commeMédecins sans frontière, qui a dé-cidé de suspendre ses activitésdans le pays.À Benghazi, "capitale" de la ré-volution, la foule a envahi et dé-vasté le siège du CNT, gouverne-ment théorique du pays. Son vice-

président a été contraint à dé-missionner et aurait pris la fuite.L'insécurité est totale. À Tripoli,capitale supposée de la Libye, lesmilices se battent entre elles. Lesquartiers changent de main d'unjour à l'autre. Ailleurs dans lepays, un dangereux morcellementtribal s'installe. Les services pu-blics cessent de fonctionner.L'émigration massive vers l'Europene va pas tarder à reprendre. Ona même observé, ici ou là, la ré-apparition de slogans en faveurde Kadhafi, dont les partisans au-raient pris, au moins pendantquelques heures, le contrôle d'unecité d'importance, Beni Oualid,située à 170 kilomètres de la ca-pitale. Les "autorités" ont déclaréqu'il s'agissait d'un différend tri-bal. Rien n'est moins sûr.

Réserve occidentale

Que peut-il se passer désormais ?Une nouvelle intervention deforces internationales pour réta-blir l'ordre et l'autorité est tota-lement exclue. Elle serait d'ailleursaussi désastreuse que celle desforces des "coalitions" en Irak eten Afghanistan. Dans le climat éco-nomique et politique actuel, tout

le monde préfère, à Paris, àLondres, à Washington comme àRome, que l'on parle le moins pos-sible de la situation libyenne.

Un CNT fantoche

Les élections promises et la miseen œuvre d'une constitution "dé-mocratique" viennent d'être offi-ciellement ajournées. Personnen'a protesté à Paris ni ailleurs. Au-près de qui protesterait-on ? Il n'ya pratiquement plus d'autorité etle CNT est de plus en plus une fic-tion. La Libye risque donc de setribaliser, de retourner un siècleen arrière, de devenir une se-conde Somalie, terreau de l'isla-misme radical et de tous les ex-cès. Une centaine de tribus et denombreux clans pourraient se par-tager le territoire et se disputerses richesses. À une dictaturecertes exécrable, mais qui main-tenait la sécurité et l'unité dupays, assurait les services publicset était même susceptible d'évo-luer, pourrait succéder une anar-chie tribale sanglante, exporta-trice du terrorisme islamiste etmenaçante pour l'Europe. Quelimmense gâchis ! n

Pascal Nari

o LIBYE

De la dictature à l'anarchieLa chute du colonel Kadhafi n'aura pas suffi à pacifier la Libye, loin s'en faut. Privé de gouvernement, le pays semble plus que jamais livré aux passions tribales.

Des rebelles libyens en octobre 2011après la prise de Beni Oualid

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Arts & Lettres

LES ÉDITIONS Robert Laffont re-publient un à un les romansd'Evelyn Waugh, le grand écri-vain satirique anglais. Ce quinous donne l'occasion de nousrepencher sur cette figure ma-jeure du renouveau littérairecatholique d'Outre-Manche.La satire est un genre assezpeu pratiqué chez nous, sansdoute parce que nos auteurssont trop respectueux des pou-voirs établis ou qu'ils n'ont pas,comme les romanciers britan-nique, une société aristocra-tique avec ses us et coutumes,ses règles, son code, son éti-quette et sa ménagerie sous lesyeux, quoique sur son déclin etparce que sur son déclin, dontils eussent pu peindre les ex-centricités.

D'une noblesse à l'autre

L'œuvre romanesque d'EvelynWaugh (1963-1966) est un purproduit de la société aristocra-tique britannique de la pre-mière moitié du XXe siècle.Bien que n'appartenant pas parla naissance aux couches supé-rieures de cette société, il lafréquenta d'assez près, d'abordà Oxford où il termina sesétudes, puis dans les clubs etles salons londoniens, plus oumoins intellectuels, enfin auxmess d'officiers durant laDeuxième Guerre mondiale,pour en être le portraitiste etle satiriste idéal, étant à la foisdehors et dedans. Il fit même mieux que de lapeindre, il s'y identifia au pointde finir par tenir pour lui-mêmece rôle d'aristocrate conscientde responsabilités que ceux quil'étaient de naissance n'étaientplus capables d'assumer. Etcomme si de s'anoblir lui-mêmene suffisait pas, il se fit aussicatholique, comme FredericRolfe avant lui, lequel, sevoyant refuser par les autoritésecclésiastiques de son pays l'ac-cès au sacerdoce, imagina dansun roman autobiographique de se peindre sous les traits d'un pape de fiction tenant à la fois de saint François d'Assise, de Savonarole etd'Alexandre Borgia. Evelyn Waugh se situe au carre-four de deux traditions : celledu dandysme excentrique héri-tée de Wilde et de Firbank,qu'il illustra dans la premièremoitié de son œuvre, entre-prise sous le signe de la frivo-lité esthète et décadente, etcelle du sérieux newmanien etchestertonien, qu'avaient déjàcultivée Maurice Baring etMac Kenzie, et qu'il développaà partir de Brideshead Revisi-ted écrit juste à la fin de la guerre.Humour donc, et du plus noir,celui qui provoque le fou-rireou vous laisse interdit en fai-

sant refluer les mots dans lagorge pour la première partiede son œuvre. Mais humourpar défaut, par nécessité etpar désespoir. La perte étantcelle de l'innocence et de lafoi. L'humour est une denréede substitution que secrètentles organismes désespérés etexsangues. L'humour est ladernière cartouche de l'hon-nête homme scandalisé et en-ragé par ce qu'il voit. Et cequ'il voit, c'est la disparitiondes valeurs nobles, la décom-position d'une société et ladestruction sataniquement pro-grammée des âmes et descorps. On ne parlait pas encorede déconstruction ! Mais unedécomposition peut aussi don-ner à rire. Et quel rire ! CarWaugh a l'œil et le trait. Etdans sa rage à la Swift, il lecharge et le noircit encore.

Le masque du démon

Mais l'humour est aussi unmasque, le masque du démon.L'Anglais a acquis l'humourquand il a perdu la joie, l'inno-cence et la foi médiévales.Nous avons nous aussi Français,fils de la Révolution et du ra-tionalisme, perdu foi, inno-cence et joie. Et nous n'avonsmême pas gagné l'humour et le rire en retour...La foi, le gin, l'exercice de sonart et une correspondance sou-tenue avec son amie la roman-cière et historienne Nancy Mi-ford, furent les principaux sou-tiens de Waugh. Et Dieu,abrégeant ses dégoûts, l'en-leva à l'affection des siens àl'âge raisonnable de soixantetrois ans. q

Gérard Joulié

3 Evelyn Waugh, Une Poignée decendres, Robert Laffont, 392 p.,8,90 s ; Ces corps vils, 342 p.,8,90 s ; Le Cher Disparu, 175 p.,7,90 s ; Retour à Brideshead,606 p., 10, 90 s ; Grandeur et Dé-cadence, 314 p., 8,90 s.

3 La version longue de cette étudese trouve sur le site Internet del'Action française : http://www.actionfrancaise.net

o L'Action Française 2000 – D'oùvient votre intérêt pour l'œuvred'Alphonse Boudard ?o Pierre Gillieth - J'avais jadisdécouvert Alphonse par Mourird'enfance qui, finalement, est lemoins boudardien de ses livres,tant il est atypique dans sonœuvre, et retenu quant au style.Un peu comme le Voyage au boutde la nuit est presque le livre leplus classique et le moins célinienstylistiquement.

o Quelles sont les principales ca-ractéristiques de "sa" France ?o Je précise que "la France de"est le titre imposé de cette col-lection chez Xenia. Initialement,

ce livre devait s'intituler Les Écolesbuissonnières d'Alphonse Boudard.Alphonse n'avait-il d'ailleurs pasintitulé sa Comédie humaine à luiLes Vacances de la vie ? La Franced'Alphonse, c'est une France libre,libertaire, rebelle, croquant la viepar tous les bouts.

o En quoi lire Alphonse Boudardrevient-il à « prendre une leçonde vie » – et, sans doute, de liberté ?o Malgré toutes les épreuves tra-versées (guerre, prison, sanato-rium, République des Lettres...),Alphonse a gardé un rire rabelai-sien et une appétence de vie ir-résistibles. Toute son œuvre est

une ode à la vie, un bras d'hon-neur à tous les gâte-sauces et àtous les pessimismes. Œuvre su-blimée par tous les personnagesbigarrés et cocasses croisés lorsde ce sacré périple.

Moraliste sceptique

o Pour quelles raisons définis-sez-vous Boudard comme un« moraliste sceptique » ?o Boudard n'est pas Bossuet,La Rochefoucauld ou Chamfort.Mais le tragique de notre époquene lui a pas échappé. Il a eu desmots très durs, cruels mais hélastrès réalistes sur la Résistance(dont il fut un véritable acteur,ce qui rend ses critiques d'autantplus dures, comme celles d'un JeanPaulhan), sur le népotisme ger-manopratin, l'Église, le NouveauRoman, Mai 68, l'immigration, lasociété de consommation...J'ajoute qu'il a probablementdonné la meilleure définition duFrançais : « Le Français, cette sé-curité sociale dans le regard… »À rapprocher de l'éclairante phrasede Proudhon qui comparait, unsiècle plus tôt, le peuple françaisà « un cochon endormi après unesaillie ». Malgré tout, le Boudardmoraliste est enrobé d'une bonnedose d'éclats de rire. Boudard estun pessimiste joyeux et un auteurde très bonne compagnie ! n

Propos recueillis par Louis Montarnal

3 Pierre Gillieth, La France d'Al-phonse Boudard, préface de MichelDéon, 144 p., éd. Xenia, 14 euros.

o PIERRE GILLIETH

A. Boudard et sa FranceJournaliste et écrivain,collaborant régulièrement à la « revue autonome

de désintoxication idéologique » Réfléchir & Agir, Pierre Gillieth publie un hommage salubre et revigorant à Alphonse Boudard.

EVELYN WAUGH

Aristocratie et catholicismeReprésentant éminent de la langue et de l'humour britanniques, Evelyn Waugh était scandalisé par la décadence à l'œuvre dans la première moitié du XXe siècle.

CUISINE

Recettes de nos terroirsPetit prix, petit format pour ces carnets de recettes présentés sous solides couvertures cartonnées aux couleursfranches, illustrés de dessins en noir et blanc qui vous ouvrent les secrets de nos cuisines de terroir.

PREMIER et incontestable mérite de cette série,nous ne sommes pas là dans la grande gastronomieaux prix inabordables réclamant un savoir-faire pro-fessionnel mais dans le quotidien de nos régions au-trefois. Ces plats typiques, roboratifs, sont de lacuisine familiale qui, sauf exception, ne coûtait pascher à préparer et se trouvait à la portée de toutesles maîtresses de maison : une vraie cuisine de ter-roir, non revisitée, travaillant des produits locaux,parfois devenus introuvables car jugés trop mo-destes ou vulgaires.Jacques Messiant vous emmène dans le Nord, entreterre et mer, où l'on apprécie autant moules et cre-vettes grises que chicons, où le maroilles se déclinesous tous ses aspects, où la bière et le genièvre ar-rosent gibiers, viandes et volailles, un pays de sucreset de gaufres, de confitures et de gelées. Louis LeCunff chante une Bretagne humble qui faisait lapart belle aux poissons et coquillages. La viande

était plus rare, mais voici tout de même le kig hafarz des jours de fête, au bœuf version luxe, le gi-got à la bretonne, le canard nantais, le poulet aucidre, le chou farci, diverses façons de préparerl'artichaut du Léon, et les lichouseries : crêpes, far,galettes, kouign amann... Martine Nouet parle d'une Normandie opulente oùne manquait ni les produits de la mer ni ceux de laterre, tous généreusement arrosés de crème, cuitsdans le cidre et accompagnés de pommes. Ce quin'empêchait pas d'apprécier la bouillie de sarrasinou la teurgoule, dessert au riz dont le seul défautaujourd'hui est son temps de cuisson... Même variété dans les préparations vendéennes deLionel Guilbaud, quand poissons de rivière et demer abondaient, et belles volailles, et veau etbœuf, mais que l'on savait se contenter de co-chonnailles, voire de choux, mogettes et pommesde terre.Marc Faivre vante les mérites d'une cuisine com-toise faite pour tenir au corps quand il fait froid,cuisine de paysans qui savaient le prix des choseset où trouver dans la nature de quoi remplir les as-siettes. Grenouilles, poisson d'eau douce, fruits sau-vages donnent lieu à d'étonnantes variations. n A.B.

3 Jacques Messiant, Carnet de recettes de Flandre etd'Artois ; Louis Le Cunff, Carnet de recettes de Bre-tagne ; Martine Nouet, Carnet de recettes de Nor-mandie ; Lionel Guilbaud, Carnet de recettes de Ven-dée ; Marc Faivre, Carnet de recettes de Franche-Comté ; Ouest-France, 125 p., 8 euros.

Pierre Gillieth

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Arts & Lettres

Jacques Martin restera le créa-teur d'Alix, jeune Gauloiscontemporain de César qu'il

promena aux quatre coins de l'em-pire romain, reconstitué avec unerare maestria. Il initia cependantd'autres séries historiques, entreautres les aventures de Jhen cen-sées se dérouler dans les années1430-1440. Faute d'avoir lu lespremiers tomes, je ne puis diresi Thierry Cayman et HuguesPayen, ses continuateurs, sont de-meurés fidèles à l'esprit de la fic-tion primitive, mais ce dixièmealbum, Le Grand Duc d'Occident,prend d'emblée une tournure éso-térique et sombre assez déplai-sante. Jhen, le héros, maître ma-çon détenteur de savoirs secrets,passé au service de Gilles de Rais,revient de Venise, porteur d'ungrimoire réputé magique destinéau maréchal, mais les périls de lamer conduisent la nef à Brugesoù, à peine Jhen débarqué, le ma-nuscrit lui est dérobé. Ses soup-çons se portent sur le duc Phi-lippe de Bourgogne. De Martin, reste la reconstitutionméticuleuse, mais sombre et in-quiétante, de la cour bruxelloise.En ressort une image d'un MoyenÂge expirant en rupture avecl'ordre chrétien, fasciné par lamagie, le satanisme, les sociétéssecrètes, le tout utilisé pourcontrôler le pouvoir. Que Prelati,clerc dévoyé qui initia Gilles deRais au satanisme et à la pédo-philie, tienne là un rôle impor-tant, est révélateur. Rien d'inno-cent dans ce choix et cette des-cription, qui s'inscrivent dans uncourant général d'hostilité mar-quée à la foi catholique, sesdogmes et ses autorités. Peu deséries y échappent.

Le bon grain et l'ivraie

Prenons au hasard Les Éphémé-rides perdues, premier volet deL'Astrolabe de glace, scénario deLuca Blengino, dessins, somp-tueux, d'un peintre italien, Anto-nio Palma. Soliman le Magnifiqueveut récupérer à n'importe quelprix un ouvrage disparu de la bi-bliothèque impériale lors de lachute de Constantinople ; cetraité, œuvre d'un astronome per-san, contiendrait les secrets del'univers. Il se trouverait entre lesmains du pape Clément VII. Ba-shir Hafez, jeune mathématicienégyptien, est tiré de prison afind'aller à Rome récupérer l'inesti-mable ouvrage. C'est compter sansles reîtres du connétable de Bour-bon venus assiéger la ville...Aucun poncif n'est épargné : Églisecorrompue jusqu'aux os, papeignoble, islam lumineux et tolé-rant, détenteur de la vraie sa-gesse et de la vraie science. Maisil y a les illustrations, éblouis-santes, d'un véritable artiste ex-cellant aussi bien à peindre Rome,

Venise, Alexandrie, que des vi-sages, laids ou beaux, mais tousà cent lieues des caricatures or-dinaires du genre.

Chasse au trésor

Le contraste est frappant avec ledessin de la série Le Sang des Por-phyre de Yann Balac et Joël Par-notte. Aux environs de Saint-Malo,à la fin du XVIIIe siècle, KonanPorphyre, évadé du bagne où ilfut envoyé enfant après la pen-daison de sa famille de naufra-geurs, revient avec l'espoir de re-mettre la main sur le trésor queson père aurait caché avant demourir. Mais une sombre malé-diction plane sur les siens et biendes gens les poursuivent d'unehaine agissante. Il y a de l'inspi-ration dans cette histoire téné-breuse et violente, secouée detempêtes, drames, maléfices, se-crets et monstres. Mais, là aussi,l'important est de peindre une so-ciété arriérée, dominée par dessuperstitions tantôt païennes,tantôt vaguement chrétiennes,une noblesse cruelle, un ordresocial impitoyable, et peu im-porte que cet univers cauche-mardesque n'ait aucune espècede réalité...Un monde heureusement balayépar les Lumières, comme le rap-pelle une série signée Pierre Boisserie et Héloret, Eastern.Guillaume Montbrun, jeune Bre-ton à la tête chaude, doit, en1825, quitter la France afind'échapper à de mystérieux en-nemis. Sa fuite le pousse vers laRussie, accompagné de deux de-moiselles délurées qui semblenten savoir plus long que lui sur leur

destination. Un "eastern", c'est unwestern qui se passe loin versl'Est, évidemment. Lancé sur lestraces d'un régiment perdu de laGrande Armée, Montbrun lamperala vodka comme ailleurs le whisky,se bagarrera avec des moujiks plu-tôt que des cow-boys, chevau-chera sans répit et fera le coupde feu : toutes les lois du genresont respectées. Sans que l'on ou-blie en route l'éloge appuyé del'idéal révolutionnaire et la cri-tique des pouvoirs monarchiquesencore en place. Que GuillaumeMontbrun soit un personnage pi-caresque drôle et sympathiquecontribue à incliner le lecteur deson côté...

Angleterre victorienne

Revenons au surnaturel avecLa Madone de Pellini de FrançoisRivière et Riccardo Federici. Mé-dium, Nora de Wing disparaît àl'issue d'une séance de spiritismepour reparaître, amnésique, dansun orphelinat londonien, avec despapiers italiens. Persuadés queNora et Antonia sont une seule etmême personne, ses amis, l'écri-vain Henry James et le peintreGuibilati, découvrent qu'elle estaussi le sosie du modèle qui posapour la Madone de Pellini. Or, se-lon la légende, le peintre, assas-siné avant d'avoir achevé sa toile,n'aurait jamais trouvé le repos,ni son assassin, décidé par delàles siècles à empêcher que soitjamais terminé le chef d'œuvred'un rival honni.Là encore, le talent du dessina-teur italien qui excelle, à traversdes planches d'une sombre et pre-nante beauté, à rendre l'atmo-

sphère de l'Angleterre victorienne,sublime une histoire qui se veuthommage aux nouvelles fantas-tiques de James pleines de fan-tômes et d'âmes en peine. Ce quireste au terme de la lecture ? Lacroyance en la réincarnation...

Chamanisme

Réincarnation, évocation des es-prits, chamanisme : voilà les clefsd'une autre saga, La Croix de Ca-zenac. Du même auteur qu'Eas-tern, Pierre Boisserie, illustrée parÉric Stalner et Siro, elle en consti-tue le dénouement, à un siècled'écart et sur un ton dramatiquetrès différent. Détentrice du se-cret d'une cité perdue de Sibérie,et de puissants pouvoirs chama-niques, la famille Cazenac doit,pour y accéder, réunir quatre croixmagiques, et quatre grands cha-mans. Mais une mystérieuse so-ciété secrète allemande n'a ja-mais reculé devant rien afin d'ar-river la première à la cité perdue.Cela ressemble à Indiana Jones,avec une dimension ésotériqueplus appuyée, qui véhicule descroyances obscures et des pra-tiques dangereuses. Voilées parl'incontestable rythme d'un récitbien mené aux nombreux rebon-dissements, et une reconstitutionhistorique d'une grande qualitégraphique...Tout est bon qui attaque le chris-tianisme. Dal Pra'-Grella s'en sou-vient, qui illustre avec L'Ombredu temps une sottise un temps àla mode, selon laquelle le Christaurait, avant le début de sa pré-dication, longuement étudié dansun monastère bouddhiste d'où Ilaurait tiré l'essentiel de sa doc-

trine avant d'y retourner aprèsune parodie de crucifixion... Blas-phème ? Ceux des personnagesqui s'avisent de le dire sont aus-sitôt dépeints en dangereux fa-natiques hostiles à la science età la vérité, comme tous les chré-tiens, et, horreur, en partisans dumaccarthysme puisque l'histoireest censée se dérouler dans lesannées cinquante. Ce n'est pas lemoindre paradoxe d'une histoirequi dénonce la chasse aux Rougesen Amérique, et les tueries de la-mas tibétains par les communisteschinois... C'est que le lama estrespectable en proportion du mé-pris qui entoure le clergé catho-lique et ses fidèles. Le professeurBauer pourra-t-il ramener en Oc-cident la preuve, découverte aupéril de sa vie, de l'imposturechrétienne ? Le graphisme pre-nant et contrasté de l'albumcontribue fortement, une fois en-core, à faire passer le message.

Les secrets du Vatican

Chacun sait, depuis le Da VinciCode, combien l'Église, espèce demafia bimillénaire, excelle à fairetaire les détenteurs de la vérité...Elle en a les moyens, financierset techniques ! Yves Sente et Fran-çois Boucq vous en dévoilent l'unedes facettes, celle des douze Ja-nitores, sans rapport avec les Por-tiers de jadis, agents ultra secretschargés de la protection du pape,de la Curie et du Vatican ; char-gés aussi de la protection d'inté-rêts fort éloignés de ceux de lafoi. Vince, jeune Américain rompuaux arts martiaux, en quête de savéritable identité et d'un jumeaudisparu, est un Janitor. Sa mis-sion ? Démasquer le haut prélatqui livre des informations ultrasensibles à un réseau terroriste is-lamique. Les services de rensei-gnement du Vatican font partiedes fantasmes en vogue dans unmonde qui, totalement ignorantdes réalités du catholicisme, pré-fère adhérer à des légendes noirespropres à justifier sa détestationdu christianisme. Il est pourtantdifficile de croire au personnage,à son rôle et ses activités. On l'ou-blierait presque parce que Boucqdessine une Rome rayonnante quisuffirait, pour les amoureux de laVille éternelle, à faire passer toutle reste. n

Anne Bernet

3 Thierry Cayman, Hugues Payen,Jacques Martin, Le Grand Duc d'Oc-cident, Casterman, 48 p., 10,40 s ;Luca Blengino et Antonio Palma,L'Astrolabe de glace, tome I, Del-court, 56 p. plus cahier graphique,14,30 s ; Yann Balac et Joël Par-notte, Le Sang des Porphyre,tome II, Konan, tome III, Gwémon,Dargaud, 48 p., 13 et 13,50 s ;Pierre Boisserie et Héloret, Eastern,tome III, Oural, Dargaud, 48 p.,13 s ; François Rivière et RiccardoFederici, La Madone de Pellini,tome II, L'Orphelinat de Rosewood,Delcourt, 48 p., 12,90 s ; PierreBoisserie, Éric Stalner et Siro,La Croix de Cazenac, tome X,La Dernière Croix, Dargaud, 48 p.,13 s ; Dal Pra'-Grella, L'Ombre dutemps, Robert Laffont, 56 p.,13,95 s ; Yves Sente et FrançoisBoucq, Le Janitor, tome III, Les Re-venants de Porto Cervo, Dargaud,48 p., 13,50 s.

o LIVRES

BD : art ou propagande ?Le salon de la bande dessinée d'Angoulême permet de se pencher sur un mode d'expression littéraire parfois remarquable mais qui véhicule souvent une vision du monde et de l'histoire très particulière.

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Histoire

Avec Retour à Killybegs, SorjChalandon signe un des ro-mans les plus forts de ces

derniers mois. Un roman ? Certes,mais ici la fiction emprunte à laréalité à un point tel que l'on nedistingue plus très bien le terri-toire incertain où l'une et l'autrese chevauchent. Toutes deux re-couvrent l'histoire passionnée,cruelle, déchirante et déchiréede l'Irlande.

Une icône de l'IRA

Retour à Killybegs fait suite à unpremier récit, Mon traître. Lesdeux livres parlent de Tyrone Mee-han, un militant de l'IRA, l'Arméerépublicaine irlandaise. L'hommeest une icône du nationalisme ir-landais. Dans la vie réelle, ce personnage s'appelait Denis Mar-tin Donaldson. Il avait rejoint l'IRA dans les années soixante,avant que se déclenchent « thetroubles », comme il est d'usagede nommer la guerre civile qui en-sanglanta l'Irlande du Nord. Rienqu'entre 1969 et 2003, elle fit plusde 3 600 morts et près de 48 000blessés. Les deux récits de Cha-landon retracent ce conflit et soncontexte. Ils disent l'injustice so-ciale. Celle qui affame et humi-lie la minorité catholique. C'est une fresque où s'animent desacteurs de tous âges. Les enfantssont présents, broyés par la mi-sère et la violence. Très jeunes,comme Donaldson devenu Mee-han dans le roman, ils font leurspremières armes dans les Fianna,scouts nationalistes. Ils sont lesauxiliaires de l'IRA. Leurs mères,pour beaucoup, appartiennent àCumann na mBan, l'organisationdes femmes combattantes. Le ro-man est émaillé de scènes où laguerre, le bruit et la fureur qu'elleamène sont au coin de la rue, auseuil des maisons des ghettos ca-tholiques.Tyrone Meehan est un homme res-pecté, écouté, obéi, comme lefut Donaldson. Jusqu'à ce 10 avril

1998 où fut signé l'accord du Ven-dredi saint. La paix à laquelle onne croyait plus était là. Est-cepour ne pas faire mentir l'épithètede perfide qu'Albion ouvrit sesdossiers ? Elle révéla qu'elle avaitinfiltré l'IRA et que parmi sesagents, ces "traîtres", il y avaitDenis Martin Donaldson. Il comparut devant ses pairs. Lapaix étant signée, l'IRA le laissalibre. Libre et sans protection.Libre de se faire tuer. Il revint,seul, s'établir dans la ville de sonenfance, Killybegs. Couvert d'op-probre par les siens, même si safemme, envers et contre tous, luidemeure fidèle.

Tragique émotion

Il sait ce qui l'attend. Il ne fuitpas. Il "les" attend. Ils viendrontun après-midi. On retrouva soncorps « couché sur le ventre, dansle salon, devant la cheminée ».On sut quelques années plus tardl'identité des tueurs. Ils apparte-naient à une faction de l'IRA quirefusait la paix. Ils étaient deux.L'un avait soixante-neuf ans,l'autre trente et un. Tous deux ca-goulés. Ils ont raconté la scène :« Il n'a pas eu l'air surpris de nousvoir. Il n'a pas crié, imploré. Il atenté de s'enfuir vers la chambre,il a glissé et il est tombé. Il étaitau sol quand nous avons exécutéla sentence. »L'avouerai-je, l'œuvre de Sjor Cha-lendon m'a saisi, ému, bouleversé.Pour ce qu'elle est, mais aussiparce que les circonstances m'ontpermis d'entrouvrir la porte quidonne sur la tragédie irlandaise.Je ne relaterai ici que deux "mo-ments", l'un et l'autre ressentisintensément. Il y a bien des an-nées, j'ai rencontré chez elle lasœur de Michael Collins. Près deGalway, dans le petit logis où ellehabitait bien modestement. Elleme montra le stylo avec lequelson frère avait signé le traité departition laissant à la Grande-Bre-tagne les six comtés à majorité

IN MEMORIAM

Georges SouvilleNOUS AVONS APPRIS avec regret le décès de notreami et fidèle abonné M. Georges Souville, survenule 9 janvier 2012 à Aix-en-Provence, muni des sa-crements de la Sainte Église. Ses obsèques ontété célébrées le jeudi 12 janvier en la cathédraleSaint-Sauveur d'Aix-en-Provence et l'inhumation aeu lieu le 14 janvier, après la messe de 10 heuresen l'église d'Andouillé (Mayenne).Préhistorien de très haut niveau, directeur de re-cherche au CNRS, il fut l'auteur de L'Atlas pré-historique du Maroc et dirigea la revue Antiqui-tés africaines. Georges Souville était secrétaireperpétuel de l'Académie des Sciences, Agricul-ture, Arts et Belles Lettres d'Aix-en-Provence. Ilétait également membre de l'Académie desSciences d'Outre-mer. Il joua aussi un rôle discret mais efficace dans ledomaine des idées royalistes. Avec l'historien Vic-tor Nguyen, il organisa à l'Institut d'Études poli-tiques d'Aix les colloques "Charles Maurras". Entre

1968 et 1983, ces réunions d'universitaires et decompagnons de l'AF ouvrirent la voie, pour la pre-mière fois après la guerre, à des travaux dépas-sionnés sur les idées et le mouvement royalistes.Les communications réunies dans les Étudesmaurrassiennes sont des références importantespour comprendre notre courant de pensée. Il futsecrétaire général du Centre Charles Maurras etadministrateur secrétaire général des Amis de laMaison du chemin de Paradis.Homme d'une grande érudition et d'une trèsgrande gentillesse, Georges Souville a participéaussi longtemps que sa santé le lui a permis àtoutes les manifestations royalistes de larégion provençale. Il était également chevalier de l'ordre souverainde Malte, chevalier de l'ordre de Saint-Grégoirele Grand, grand maître honoraire des confrériesde pénitents de France et de Monaco.Avec l'assurance de nos prières pour notre ami,nous présentons nos condoléances émues àMme Georges Souville, son épouse, M. PierreSouville, son frère, ainsi qu’à ses neveux et nièces et à toute sa famille. q

protestante, Antrin, Armagh,Derry, Down; Fermanagh et Ty-rone. En signant, Michael Collinseut ces mots : « Avec ceci je signemon arrêt de mort. » Au cours dela guerre civile, les partisans d'Ea-mon De Valera le tuèrent lorsd'une embuscade. La sœur de Col-lins était persuadée que De Va-lera se trouvait sur les lieux. Rienne confirme sa version.

Les prisonniersen grève de la faim

L'autre "moment" de mon "intru-sion irlandaise" se situe au débutdes années quatre-vingt, lors desgrèves de la faim à la Maze pri-son. Les prisonniers de l'IRA refu-saient d'endosser l'uniforme desprisonniers de droit commun etexigeaient d'être reconnus commeprisonniers politiques. Pour cela,les uns après les autres, ils enta-mèrent une grève de la faim quine fit pas fléchir l'"Iron lady", ladame de fer, Margaret Thatcher.Même après que Boby Sands futélu à Wesminster. Elle le laissamourir. Les fonctions et chargesqui, à l 'époque, étaient lesmiennes, me permirent de visiterla Maze prison. J'y ai rencontrécelui qui avait pris la suite deBobby Sands. Il était au vingtièmejour de sa grève de la faim. Éma-cié, il gardait une déterminationintacte. Il me l'a dit. Il est mortaprès cinquante-neuf jours. Ilavait vingt-cinq ans. Fidèle à cethymne que ses compagnons et luisifflaient devant les blindés bri-tanniques, God save Irland,comme l'avait fait Tyron Meehanou Denis Martin Donaldson, "montraître" revenu à Killybegs. n

Charles-Henri Brignac

3 Sorj Chalandon, Retour à Killy-begs, Grasset 336 pages, 20 euros.

o ROMAN

Passions irlandaisesLa proclamation de la paix en Irlande s'accompagna de l'éclatement de véritésdouloureuses. Empruntant largement à la réalité, un roman illustre les soubresauts douloureux de la guerre d'indépendance.

FRANÇOIS-MARIE ALGOUD s'estéteint le 5 janvier 2012. Il fut unporteur d'espérance, comme, autemps des invasions barbares duIVe siècle, tant de laïcs et declercs qui préparèrent par leurténacité la renaissance de la ci-vilisation... L'espérance de Fran-çois-Marie Algoud n'était pas unbéat optimisme ; elle se nourris-sait d'une foi catholique che-villée au cœur et au corps etque venait renforcer la lecturequotidienne de Maurras, qu'il sa-luait comme un professeur depersévérance dans l'adversité, àl'instar des Capétiens. Maurrasentretenait la jeunesse d'espritde son disciple comme on a pule constater au dernier banquetd'Action française à la Mutualitéen 2007 où il reçut une longueovation.

Désiré Dutonnerre

Notre ami avait d'abord menéune campagne acharnée contrel'avortement et la pornograhie. llsignait alors ses pamphlets dunom de Désiré Dutonnerre. C'estainsi qu'il créa, dans les annéesquatre-vingt, le cercle de la Citévivante devenu plus tard l'Œuvrechrétienne de la Cité vivante,luttant toujours très vigoureuse-ment contre les incitations à laperversion des mœurs.Toutefois, il ne dénonçait passeulement ces aberrations dumonde moderne ; il en désignaitla responsable : la démocratie,qu'il appelait "démoncratie", carelle pervertit la culture et faitprogresser le satanisme. Pour épargner à la jeunesse lesmiasmes de la décrépitude reli-gieuse et morale, François-MarieAlgoud, véritable semeur desainteté, donna l'exemple dedeux mille jeunes saints, jeunestémoins, de leur foi de toujourset de maintenant, deux millejeunes qui, à moins de trenteans, ont servi jusqu'à l'héroïsme

la foi et la patrie, chacun ou-vrant une véritable porte vers le Ciel à nos yeux trop souvent blasés. Algoud revenait toujours à Maur-ras qui nous apprend à penserclair et marcher droit et auquel,outre de bonnes émissions à Ra-dio Courtoisie, il aura élevé unmonument : les trois tomes d'Ac-tualité et présence de CharlesMaurras, notamment le tome IIIconsacré au Grand siècle de l'Ac-tion française, faits chronolo-giques marquants de l'histoire denotre mouvement et de la Francede 1859 à nos jours. Ayant eul'honneur d'écrire la préface dece beau livre, je disais que cha-cune de ces dates était commeun battement de cœur de laFrance chrétienne. Aujourd'hui, c'est le cœur deFrançois-Marie Algoud qui s'estarrêté de battre ; il ne nouslaisse pas seuls. Son exemple etson œuvre sont toujours là pour,avec la grâce de Dieu, entrete-nir en nous la vaillance de lajeunesse. Vive Dieu ! Vive le roi ! q

Michel Fromentoux

3 L'essentiel de l'œuvre de Fran-çois-Marie Algoud a été publiée auxéditions de Chiré. On peut s'en pro-curer quelques exemplaires à nosbureaux.

IN MEMORIAM

François-Marie AlgoudCatholique fervent, pourfendeur de la dérive des mœurs, François-Marie Algoud était aussi un lecteur insatiable de Maurras.

Killybegs, le village natal du héros

Page 13: LA SOCIÉTÉ CAPITALISTE EN PERDITION :ENTRETIEN AVEC ALAIN ...

On croyait l'idéologie du pro-grès dépassée, mise à malpar deux guerres mondiales

qui semblaient sorties du ventrefécond d'une modernité pourtantidolâtrée par les élites intellec-tuelles et politiques françaises de-puis le XIXe siècle. C'est oublierque le progressisme est intime-ment lié au système de valeursde notre modernité : à la démo-cratie considérée comme proces-sus, à l'individualisme qui lui estconsubstantiel et à tout l'héritagerévolutionnaire de la "tabula rasa".Comme le voyait très bien lemaurrassien Pierre Lasserre en1907, « en même temps que ledénigrement du passé civilisé, lemessianisme révolutionnaire im-posait à ses sectateurs l'idolâtriede l'avenir ou religion du pro-grès » (Le Romantisme français -Essai sur la révolution dans lessentiments et dans les idées auXIXe siècle).Tout un pan de l'écologie poli-tique témoigne ainsi d'une résur-gence de cette idéologie qui mêleoptimisme aveugle et foi dans unescience toute-puissante et pro-méthéenne. Sortir de la crise li-bérale ? Demandons plus de li-béralisme ! Sortir de la crise eu-ropéenne ? Demandons plusd'Europe ! Sortir de la nuisancede la technique 1 ? Demandonsplus de technique encore ! Il fautplus, toujours plus, et s'ancrerdans une perspective d'avenir. Al-ler de l'avant, voilà le mot d'ordrede la modernité. Et surtout nejamais poser son regard sur le ré-troviseur.Dans un texte publié le 29 no-vembre 2011 dans Le Monde,« Réussir la transition énergé-tique », le candidat à l'électionprésidentielle François Hollandecommençait en ces termes : « Lerôle de la politique, ce n'est pas

de faire peur pour ne rien chan-ger, c'est de changer pour vaincrela peur. Ce n'est pas de prolon-ger le passé, c'est d'engager le fu-tur. » Le même homme nous ditquelques lignes après : « Cettemutation prendra du temps – troisquinquennats. » Voilà un para-doxe qui saute aux yeux, mal-heureusement commun à toutesnos prétendues élites républi-caines. Penser la rupture d'avecle passé, c'est concevoir une dis-continuité qui ne sied pas à la po-litique. Celle-ci a en effet besoinde temps, d'un temps long pourmettre en place des réformes degrande ampleur et dont les ré-sultats sauront durer. De grandsprojets nécessitent plusieurs an-nées, parfois plusieurs décennies,et c'est d'autant plus vrai pour laquestion écologique.

Jeunesse orgueilleuse

Notre pays n'est pas un terrainvierge sur lequel on pourrait bâ-tir à volonté. Il possède des tra-ditions, une culture, une Histoirequi nous a forgés, qui communiqueavec nous et qui participe de notreêtre. Penser une politique à tra-vers le prisme unique de la nou-veauté, c'est considérer que nosancêtres n'ont rien à nous dire etcroire, dans notre orgueil, à uneautonomie complète de chaquegénération. Dés lors, tout projetpolitique de long terme est vain,chaque président républicain for-geant son discours sur le conceptde "rupture", tout en sachant quecelle-ci ne sera qu'éphémère, jus-qu'à l'élection du prochain prési-dent, cinq ou dix ans plus tard...Plus encore, les ministres chan-gent parfois tous les ans et les ré-formes ne cessent de s'accumuleret de s'annuler les unes les autres,leur laissant à peine le temps

d'agir et de se mettre en place.La frénésie du nouveau, phéno-mène général présent dans tousles domaines de la société (pen-sons également à l'art ou à la lit-térature, par exemple), semblebien constituer l'un des élémentsde définition de notre modernitédepuis le XIXe siècle.Les classiques pensaient le Beauet le Bien dans le respect des An-ciens et la continuité ; les mo-dernes, eux, se jettent en avantet n'aperçoivent plus de valeurque dans la nouveauté, dans l'in-édit. Pourtant, ces classiques ne nous sont pas étrangers. Ilstranscendent les siècles et leurvoix nous dit encore quelquechose de nous-mêmes. « Il y adonc une alternative », commel'a rappelé Paul Jorion dans LeMonde Économie du 28 novembre2011 : « Proclamer comme on lefait que la médiocrité et l'échecprésents reflètent fidèlement lanature profonde de l'espèce hu-maine est une insulte. L'Histoirea montré que l'on peut fairemieux. [...] Le temps est venu derendre la parole aux philosophesauthentiques. »

La voix de nos pères

Ce rappel de l'Histoire, cetteécoute de la voix de nos pères,c'est en somme ce que CharlesMaurras appelait l'empirisme or-ganisateur et qu'il résumait ainsidans Mes idées politiques : « lamise à profit des bonheurs dupassé en vue de l'avenir que toutesprit bien né souhaite à sonpays ». C'est cette méthode quela politique française devrait seréapproprier, pour conclure avecelle que la solution à la crise detemporalité que vit notre époquemoderne est un changement ins-titutionnel : une monarchie hé-réditaire, permettant à une fa-mille de garantir la continuité né-cessaire à la stabilité du pays età la résolution des enjeux poli-tiques actuels.« Les imbéciles [...] préfèrent s'enremettre au temps. La civilisa-tion du jour est nécessairementsupérieure à celle de la veille etcelle du lendemain lui sera net-tement supérieure pour la mêmeraison. Si les hommes ne s'y trou-vent pas à leur aise, et s'y dévo-rent entre eux comme des ratsdans une ratière, c'est que la ci-vilisation n'est pas celle d'au-jourd'hui mais de demain oud'après-demain ! L'homme est enretard sur le calendrier, voilàtout. Eh bien ! Nous en avons as-sez de ces bêtises ! » (GeorgesBernanos, La liberté pour quoifaire ?, 1953) n

Dimitri Julien

1 – Ici au sens heideggerien duterme : la prise en considérationdes moyens à l'exclusion des consi-dérations sur les fins.

L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2833 – Du 2 au 15 février 2012 13 z

Idées

o PHILOSOPHIE

Frénésie de la modernitéFaut-il « être absolument moderne », comme le prétendait Arthur Rimbauddans Une saison en enfer ? Aujourd'hui, des voix s'élèvent pour freiner le "progrès" nourri par la soif de nouveauté.

NOUS CÉLÉBRONS cette annéele sixième centenaire de lanaissance de Jeanne d'Arc, offi-ciellement le 6 janvier 1412 àDomrémy. Le président Sarkozys'est rendu sur place ce jour-là,mais Jeanne d'Arc ne faisaitpas partie de la liste officielledes commémorations prévuespour 2012. Motif ? C'est un per-sonnage religieux. Il ne peutpas être célébré par la Répu-blique laïque. Cette contradic-tion pratique offre une nou-velle occasion de nous deman-der : mais à qui appartientJeanne d'Arc ?Est-elle aux catholiques ? Maisc'est la sainte Inquisition qui l'aconduite au bûcher et il a falluattendre 1920 pour que l'Églisela déclare sainte. Près de cinqsiècles de retard !

Rivale de Marianne

Est-elle aux Français ? Ce n'estévidemment pas pour rienqu'on l'appelle "la sainte de lapatrie". Ce n'est pas pour riennon plus qu'elle est apparuecomme l'incarnation fémininede la France, rivalisant avecMarianne, comme un être dechair et de sang peut rivaliseravec une abstraction. Indiscu-tablement : avantage à Jeanned'Arc. N'empêche : il a fallu dutemps à l'État pour qu'il recon-naisse cette héroïne commesienne. Charles VII, quant à lui,fut sans doute presque soulagéd'apprendre sa capture et il nemit pas tout son poids dans labalance pour la récupérer. Parla suite, Jeanne est honorée defaçon continue à Orléans, qui,jusqu'à aujourd'hui, peut êtreappelé "sa" ville,qu'elle a déli-vrée et qui s'en souvient. Maisdans l'histoire politique fran-çaise, force est de reconnaîtrequ'elle ne pèse pas lourd. UnBossuet, dans son Cours d'his-toire de France à l'attention duGrand Dauphin, évoque « sa sirare vertu » et vante son habi-leté au combat, mais on sentbien que la nature de sa mis-sion lui échappe. Il ne dit riendu caractère décisif de son in-tervention. Il considère sa par-ticipation si brève comme pu-rement circonstancielle.Est-elle au peuple ? On peutdire qu'elle est du peuple. Onpeut souligner qu'elle ne per-dait pas une occasion d'affir-mer : « J'ai été envoyée pourla consolation des pauvres etdes indigents. » Elle courait susaux écorcheurs et autres ban-dits, membres des grandescompagnies qui mettaient lepays en coupe réglée, mais onne peut pas dire que son projetsoit un projet populiste.Est-elle aux femmes, commel'une de celles qui auraient faitexploser les barrières sociolo-giques entre les deux sexes ?« Je ne crains femme de Rouenpour filer ou pour coudre »,déclare Jeanne à ceux qui au-raient envie de la voir commeun garçon.

Depuis que nous avons décidé,avec Éric Letty et Anne-CécileFoubert, de proposer à quiveut de vivre 2012 "avecJeanne" (www.avecjeanne.fr),je dois dire que je suis surprisdu rayonnement de Jeanne àl'étranger : cela va des mangasjaponais à l'opéra russe deTchaïkovski. Le plus beau livresur Jeanne est écrit par unAméricain, Mark Twain, quiconsidère lui-même Le Romande Jeanne d'Arc comme sonchef d'œuvre.En réalité, ce qui frappe,lorsque l'on étudie ce person-nage unique, c'est sa solitude.Elle n'est pas soutenue par sonroi, elle est condamnée par sonÉglise... Cela contraste avecl'unanimité de l'hommage quilui est rendu après sa mort. Àcause de sa solitude, on peutdire que Jeanne n'appartient àpersonne. À cause de l'hom-mage qui, aujourd'hui, la su-blime, on peut dire que Jeanneappartient à qui se hausse auxdimensions de son génie spirituel. En elle, l'intérêt particulier dela patrie coïncide avec la re-vendication la plus élevée,celle du droit et de la légiti-mité, celle de l'humanité à tra-vers le respect du "droit desgens"... Elle est une Antigonede l'histoire de France, maisune Antigone, qui, jusque surson bûcher, réussit à imposer àses ennemis sa mission de"vierge et mère de l'ordre". Sonintervention n'est pas symbo-lique, comme est purementsymbolique l'action de l'Anti-gone de Sophocle, tentantd'enterrer ses deux frères mal-gré la barbarie de Créon. L'An-tigone chrétienne est toujoursune Antigone qui réussit, uneAntigone qui change la face del'histoire. « Va, va fille deDieu, Dieu t'aidera » disent lesvoix de Michel, de Catherine etde Marguerite, saints tous lestrois. Jeanne a cru et a suivises voix. Dans la Jeanne au bû-cher de Paul Claudel, on peutentendre sa réponse. Elle dé-clame sur son bûcher : « Jevas ! Je vas ! Je suis allée !C'est fait ! Je le tiens par labride ! Je ramène mon gentilroi ! Je le ramène à travers laforêt ! Je le ramène à traversla France ! » Jeanne, Antigonechrétienne, est le signe donnéaux cœurs droits que l'Espé-rance ne ment jamais, même sielle ne se réalise jamaiscomme on l'attend. q

Abbé G. de Tanoüarn

G. DE TANOÜARN

À qui appartient Jeanne ?

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z 14 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2833 – Du 2 au 15 février 2012

Pour un jeune Français

EN 1920, le duc d'Orléans fitcélébrer à Paris, dans la pa-roisse des rois de France, lecentenaire d'Henri V, comte deChambord, duc de Bordeaux,"l'enfant du miracle", fils post-hume du duc de Berry assassinépar un anarchiste en 1820.Henri V, bien que petit-fils deCharles X, le dernier roi Bour-bon, n'a pas régné. Il a étéécarté du trône par une suitede révolutions et d'erreurs po-pulaires. En 1830, c'est Louis-Philippe, un Orléans, qui futfait roi de Français ; en 1849, àla suite de la révolution de1848 qui avait institué la IIe Ré-publique, au lieu de rétablir lamonarchie légitime, on préféraélire comme président Louis-Napoléon Bonaparte, le futurNapoléon III ; et bien qu'en1871, on fut à "deux doigts" derétablir, une fois encore, lamonarchie légitime, les Fran-çais créèrent en 1873 la IIIe Ré-publique, qui, avec de nom-breux aléas, survécut jusqu'en1940. Je dois ajouter que le14 avril 1852, à la demande ducabinet du Prince, Alexis deTocqueville écrivit, à l'intentiondu comte de Chambord, unelongue note politique dans la-quelle il exposait les conditionsnécessaires au rétablissementd'une monarchie qui, selon lui,ne pouvait être que constitu-tionnelle.Dans L'Action Française du29 septembre 1920, CharlesMaurras fit paraître un grandarticle, faisant peut-être allu-sion à la note de Tocqueville :« Le Comte de Chambord avaitconfié aux autorités de l'espritles hautes prévisions que lesens national avait inspirées àsa grande âme », écrivai-il. Unpeu plus loin, dans un para-graphe qu'il intitule « Le siècledu piétinement ou du recul »,Charles Maurras explique com-ment celui qu'il appelle « le roiprophète » et « le pape de laLégitimité », bien qu'exilécomme « un pèlerin errant »avait, dans ses lettres et sesdiscours, donné aux Françaistant de « conseils de sagesse

prévoyante ». « Songez », écrit encore Maurras, « qu'il a fallu quatre ans de guerre etquinze cents mille morts pourrendre évidents ces besoinsélémentaires [le retour à lamonarchie] dont l'Action fran-çaise était presque seule às'occuper il y a dix ans ».Il poursuit dans un autre para-graphe intitulé « L'honnêtehomme » : « Le comte deChambord, avec sa douce etclaire opiniâtreté de voyant,donnait vers la fin de sa lettreau général de Saint-Priest,cette esquisse du programmeconciliateur et réparateur : unpouvoir fondé sur l'héréditémonarchique, respecté dansson principe et dans son ac-tion, sans faiblesse commesans arbitraire, le gouverne-ment représentatif dans sapuissante vitalité ; les dé-penses publiques sérieusementcontrôlées ; le règne des lois,le libre accès de chacun auxemplois et aux honneurs, la li-berté religieuse et la libertécivile conservées et hors d'at-teinte ; l'administration inté-rieure dégagée des entravesd'une centralisation excessive ;la propriété foncière rendue àla liberté et à l'indépendancepar la diminution des chargesqui pèsent sur elle ; l'agricul-ture, le commerce et l'indus-trie constamment encouragés ;et au-dessus de tout unegrande chose : l'honnêteté, quin'est pas moins une obligationdans la vie publique que dansla vie privée. L'honnêteté quifait la valeur morale des Étatscomme des particuliers. »Quelle superbe doctrine, quelbeau discours ! Pourquoi n'est-ce pas celui que l'on entend dela bouche des candidats àl'élection de mai 2012 ? Sansdoute parce qu'il est inconci-liable avec la démocratie, qui« est la mort », comme le di-sait Maurras, puisqu'elle im-plique le mensonge et la tromperie. q

Louis de Galice

Un nouveau livre-événementde Claude Hagège vient deparaître. L'éminent linguiste

y montre les liens privilégiés entrel'imposition planétaire de l'anglo-américain et l'épandage d'une"pensée unique" anglo-américained'apparence néo-libérale, qui dé-truit en fait les pensées natio-nales, particulièrement celle desa principale opposante française,et les personnalités et âmes despeuples. Ce livre marque uneétape importante de la carrièreet de la vie du professeur au Col-lège de France. C'est le fer fixéau bout de la lance des publica-tions antérieures, de L'Homme deparoles au Dictionnaire amoureuxdes langues, en passant par Halteà la mort des langues et Combatpour le français. Au nom de la di-versité des langues et des cultures.

Les cultures en guerre

Loin d'imiter certains "Immortels"qui, une fois élus, limitent leursservices publics à la poursuite deleurs œuvres et à leur participa-tion au dictionnaire de l'Acadé-mie, dans une observation dis-tanciée des agitations du monde,notre vivant mortel, livre aprèslivre, est passé de l'observationdes langues et de l'analyse aigüedes cadres et conditions de leursévolutions, à la découverte, puisà la dénonciation de plus en plusargumentée et véhémente, descauses de leur mort. Tout en res-tant mesuré dans ses propos, ildéveloppe sa formule-choc d'uncolloque de nos associations : « ils'agit bien d'une guerre » contreles autres langues et cultures. Me-née pour l'anglais, par le vecteuret le moyen de l'anglais, pour leplus grand profit culturel, éco-nomique, et politique de la "caste"

internationale, oligarchie finan-cière mondiale, de base encorelargement anglo-américaine. Cetempire traverse une phase de dé-clin, mais garde encore le pou-voir de dominer et de détruire,moins par les chars et les avionsque par le "soft power" décrit parses fascinés : Frédéric Martel, Oli-vier Poivre d'Arvor...

L'appel d'un réveilleur

Une guerre déjà décrite par YvesEudes dans La Conquête des es-prits, par Charles-Xavier Duranddans La Nouvelle guerre contrel'intelligence, par nos associationsaussi. Claude Hagège y a puisé. Illes cite tous. Il les prolonge. Esbrodelt (cela bouillonne) en lui.Risquons cette référence qu'ilaime : "cela Braudelt". Mais il vaplus loin et apporte à la "cause"le souffle de sa langue. Tout en -répétons-le - exerçant son sensaigu de la nuance, de la vérité.En illustrant par de brillantsexemples non seulement l'extra-ordinaire richesse des expressionshumaines, mais encore cettelangue anglaise qu'il connaît aumoins aussi bien que les plus fa-miliers de ses trente idiomes qu'onhésite dans son cas à qualifierd'étrangers. Dans Contre la pensée unique, ferde sa lance, Claude Hagège dis-sèque le ressort et les mécanismesde l'hégémonie de l'anglo-améri-cain. Et, en réveilleur, nous ap-pelle au sursaut. Il fonde son ap-pel sur la confiance tirée de sesracines : celles des bords sud etest de la Méditerranée, celles del'esprit français et parisien qu'il aabsorbé et incarne à un haut de-gré, et sur son regard mondial quilui fait voir et connaître les so-leils levants et montants de l'Asie

dont il ressent profondément lebesoin qu'en ont l'Europe et – ànouveau - la France. Chine, Ja-pon, Corée, Indonésie : parmitoutes les routes de la mondiali-sation ancienne, du fer, du sel,des caravelles, sa prédilection vaaux routes de la pourpre, de lasoie et des épices.

Un ennemi puissant

Pour lui, comme pour nos asso-ciations qu'il ne manque jamaisd'appuyer ou guider, on ne sauraitse contenter du "Indignez-vous !".Il s'agit d'abord de donner auxpeuples la pleine conscience del'action des forces décrites, en-core très puissantes, et de leurssupplétifs français, « collabos dela pub et du fric » selon MichelSerres. Le mot d'ordre qu'il nouspasse est le "Résistez !" que lesprisonnières aux longues peinesde l'enceinte d'Aigues Mortes écri-virent sur les murs de la tour deConstance. Pour lui, comme pournos associations, il est de la mis-sion et du devoir quasi naturelsde la France et des francophonesde montrer la voie de la résistancemondiale. n

Albert Salon

3 Albert Salon est docteur d'Etat èslettres, ancien ambassadeur et pré-sident de l'association Avenir de lalangue française.

3 Claude Hagège, Contre la pen-sée unique, éditions Odile Jacob,256 pages, 21,90 euros.

o FRANCOPHONIE

Vers la résistance mondialeFustigeant la "pensée unique", Claude Hagège appelle à la résistance, pointant plus particulièrement la domination de l'anglais. L'ambassadeur Albert Salon salue la parution de son dernier ouvrage.

L'ACTION FRANÇAISE 2000

Bulletin à retourner avec un chèque à l'ordre de la PRIEP à :L'Action Française 2000 10 rue Croix-des-Petits-Champs 75001 PARISCCP Paris 1 248 85 A

3 Civilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Prénom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Nom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3 Code postal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Commune . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Téléphone. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Courriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Premier abonnement (un an)o France . . . . . . . . . . . . .80 so Étranger . . . . . . . . . . .140 sAbonnement ordinaireo Un an . . . . . . . . . . . .125 so Six mois . . . . . . . . . . . .70 sAbonnement de soutien o Un an . . . . . . . . . . . .150 sÉtudiants, chômeurs, ecclésiastiques o Un an . . . . . . . . . . . . .70 sOutre-mer (un an)o DOM . . . . . . . . . . . . .135 so TOM . . . . . . . . . . . . .165 sÉtranger (un an)o Europe . . . . . . . . . . . .165 so Autres pays . . . . . . . . .178 s

BULLETIN D'ABONNEMENT

RELIRE MAURRAS

Éloge du comte de ChambordLe comte de Chambord, de jureHenri V, avait dessiné un programme salué par Charles Maurras un siècle après sa naissance.

Manifestation le 18 juin 2011 pour la défense de la langue française français

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L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2833 – Du 2 au 15 février 2012 15 z

Combat

o MARSEILLE - Dans la soirée du14 janvier, une dizaine de mili-tants de l'AF Provence se sont ré-unis pour un cercle de formationsur l'histoire de l'Action française,animé par Jacques Saint-Pierre etMichel Franceschetti. Furentabordés, entre autres sujets : lesluttes nationalistes de la fin duXIXe siècle, le rôle essentiel deCharles Maurras dans la conver-sion de l'AF au monarchisme, lanaissance des camelots du Roi,l'Union sacrée, la condamnationde 1926, les manifestations du6 février 1934, la mise en gardecontre la montée en puissance del'Allemagne. Une semaine plustard, le 21 janvier, les jeunes mi-

litants royalistes ont assisté à lamesse pour le repos de l'âme deLouis XVI. Ils ont prié dans la ba-silique, mais ils étaient égalementprésents à la sortie pour propo-ser L'Action Française 2000. Eneffet, cette commémoration estl'occasion d'un acte militant per-mettent de diffuser l'idée roya-liste, et pas seulement dans desmilieux acquis d'avance.La section s'est donné rendez-vousen février pour un second cerclesur l'histoire de l'Action française.Éclairés par les exemples de nosaînés, adaptés aux temps d'au-jourd'hui grâce à l'empirisme or-ganisateur, nous saurons agir pourla France et le Roi. n

o LYON - Après la messe pourLouis XVI et la France qui avaitattiré une centaine de personnesà la Croix-Rousse (le double del'année dernière !), les royalisteslyonnais ont répondu à l'appel del'Action française pour partagerla traditionnelle galette des roisde la section dans une chaleu-reuse ambiance. Il a été rappeléà cette occasion que les activi-tés militantes avaient repris avecun cercle par mois chez les étu-diants et des projets de venteset de collages. Le lendemain, unedélégation de salariés et d'étu-diants représentait la section lorsdes manifestations parisiennes du21 janvier. n

Président du Comitédirecteur d'AF

Stéphane BlanchonnetSecrétaire général

Olivier PercevalSecrétaire général

adjointRomain Hellouin

TrésorierGiovanni Castelluccio

SecrétaireadministratifMarie-Suzanne

de Benque d'AgutFormationMarc Savina

ProvincesPhilippe Castelluccio

MilitantismeJean-Baptiste

de l'AviathResponsableopérationnel

François Bel-Ker

Centre royaliste d'Action française10 rue Croix-des-Petits-Champs 75001 PARIS

[email protected]

» ÉRIC DE PORZAMPARC

IL ÉTAIT DES NÔTRES. Nous nesommes plus au temps de MariusPlateau, où nos anciens pleuraientleurs camarades, encore pleins devigueur, fauchés par la haine d'unsystème politique aux abois quipratiquait l'assassinat des oppo-sants. Démocratie que de crimescommis en ton nom... Et pourtant, nous voyons partir au-jourd'hui un militant qui, de laJeanne interdite à l'affaire Bou-darel, vécut tous les combats me-nés par la "bande à Roussillon",grâce auxquels le quartier Latinfut repris à l'extrême gauche etune nouvelle pierre, un roc, furentajoutés à l'histoire de l'AF. Éric de Porzamparc a été emportéà quarante et un ans par une leu-cémie, laissant une jeune veuveet quatre enfants, dont le derniera deux ans. C'était un chevalierdes temps modernes, quelqu'un defranc, loyal, fidèle en amitié, com-batif, bienveillant, sans haine nijalousie – ces médiocrités de l'âmejustifiant parfois des engagementspolitiques douteux, pas seulementchez les "méchants" d'en face. Éric,qui était catholique, s'était engagéfortement dans le mouvement desscouts d'Europe, où il a laissé,semble-t-il, un souvenir vivaced'abnégation, d'humilité et de sensdu service. Il n'a jamais oublié sonpassage à l 'AF et gardait des

contacts réguliers avec ses cama-rades de combats, notamment àtravers le réseau de SYLM, qui ale mérite de maintenir vivante lasolidarité entre royalistes. Je n'ou-blierai pas, mon cher Éric, ton re-gard droit et clair, ta fermeté deconviction et ta douceur de cœur.Salut mon camarade, repose enpaix et que Dieu te garde. n

Olivier Perceval

En ce samedi légèrement plu-vieux, dès le matin les mi-litants convergeaient vers

les locaux de l'Action française.Des ventes de journaux et desdistributions de tracts étaientprévues sur les différents sitesoù devait être célébrée unemesse à l'intention du roi martyr.Aucun incident à déplorer, sinonune interpellation des organisa-teurs de la cérémonie, sur le par-vis de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, par Mgr le comte deParis. Après explications avec lesintéressés il semblerait qu'il y aiteu un malentendu. Cela clôt ànos yeux l'incident 1. Dans l'après-midi, tandis que setenait une réunion du Comité di-recteur de l'Action française, étu-diants et lycéens ont fêté joyeu-sement les rois. À cette occasion,Antoine Desonay, notre respon-sable étudiant, mobilisa sestroupes sur les enjeux politiquesde 2012.

Le soir, nous étions réunis devantles marches de la Madeleine. Belleaffluence pour notre retraite auxflambeaux. Le cortège, pavoiséet éclairé par de nombreusestorches de cire, s 'ébranla à18 h 30. En tête, une jeune mili-tante portait la gerbe, suivie parla banderole d'Action française. Àl ' a r r i vée devan t l e squa reLouis XVI, le prince Sixte-Henri deBourbon Parme nous fit l'honneurd'une allocution – une leçon depolitique. Il rendit hommage auroi pour sa droiture et sa sainteté,mais regretta son manque de réa-lisme face à un bouleversementidéologique qu'il ne sut décrypter,pas plus que beaucoup de sescontemporains. Marc Savina nousraconta ensuite comment, sous laRestauration, les corps du défuntroi et de la défunte reine furentexhumés et enterrés en ce lieuavant d'être transférés à Saint-De-nis. Après le dépôt de la gerbe de-vant la porte de la chapelle ex-

piatoire, une minute de silencefut observée pour la famille royalemartyre, à laquelle nous avons as-socié les quatre soldats assassinésen Afghanistan et nos amis d'Ac-tion française décédés en ce moisde janvier.Puis nous nous donnâmes rendez-vous rue des Lombards pour notrebanquet royaliste. Cette année,les organisateurs avaient trouvéune belle salle dans une "cave"très spacieuse et très haute, avecune magnifique voute. Nous avionsretenu cent places, mais c'étaitlargement insuffisant et nousdûmes à la hâte coloniser en par-tie une salle à côté pour placerles retardataires.Le prince Sixte-Henri nous fit partde ses encouragements. Il insistasur le fait qu'il était heureux deconstater la jeunesse des mili-tants présents et que c'était ungage d'avenir. Il fut acclamé quandil nous affirma son attachementà l'Action française en rappelantqu'un illustre militant, Jacques deSansonnetti, vivait au château deLignières depuis plusieurs années.Puis il nous quitta sous des ap-plaudissements nourris.Tandis que le repas commençait,Olivier Perceval, Stéphane Blan-chonnet et François Marcilhac pri-rent successivement la parole, nonsans mal, car quelques tables si-tuées dans une salle qui jouxtaitla nôtre multipliaient les cris lesplus incongrus au moment mêmeoù nous réclamions le silence.Beaucoup de bruit, beaucoup dechants : ce banquet se dérouladans une ambiance chaleureuse.Il se termina vers minuit, heure àlaquelle il fallut nous quitter, nonsans saluer au passage les voisinsbruyants à la manière tradition-nelle des camelots du Roi... Il étaittemps d'aller goûter un repos mé-rité, car, le lendemain, il fallait ànouveau se mobiliser pour lamarche pour la vie. n

1 - Il va sans dire nous renouvelons,quant à nous,à Monseigneur lecomte de Paris et à Madame notrefidélité sans faille.

» AGENDA

o PARIS - Vendredi 3 février à19 h 15, le Cercle de Flore reçoitJean Sévillia, journaliste et histo-rien, qui traitera du sujet suivant :"Pour en finir avec la manipulationde l'histoire". Dans les bureaux del'Action française, 10 rue Croix-des-Petits-Champs Paris 1er (métroPalais-Royal). Entrée libre.

o GRENOBLE - Mercredi 8 févrierà 21 heures, le Cercle Philis de laCharce évoquera "l'Homme et lasociété". Contact : [email protected]

o PERPIGNAN - Samedi 11 févrierà 18 h 30, conférence de Marc Sa-vina, enseignant et rédacteur àL'Action Française 2000 : "LéonDaudet, une expérience parle-mentaire de l'Action française". Hô-tel des II Mas, 1 rue MadeleineBresse, 60330 Cabestany. La confé-rence sera suivie d'un diner au Pa-tio, le restaurant de l'hôtel. Par-ticipation : 30 euros. Chèques àl'ordre de M. Baux. Inscription etrenseignements : 04 68 66 76 06ou [email protected]

o NÎMES - Samedi 11 février à14 heures, réunion du Cercle Saint-Charles. Brasserie "Le Palace",angle Esplanade et rue Régale.Contact : 04 66 76 27 57 ou06 83 71 67 70.

o PARIS - Mercredi 15 février à19 h 15, cercle AFE-AFL animé parPierre de Meuse : "Initiation à lapensée maurrasienne". Dans les bu-reaux de l'Action française, 10 rueCroix-des-Petits-Champs Paris 1er

(métro Palais-Royal). Entrée libre.

o COMPTE RENDU

Une journée d'AF le 21 janvierMesse pour le repos de l'âme du roi martyr, vente à la criée du journal,galette des rois, cortège aux flambeaux, banquet animé...

Compte rendu d'une journée bien remplie.

Jean Sévillia prononcera une conférence à Paris

le 3 février

» AVEC JEANNE

Chaque mois, l'associationAvec Jeanne vous donne ren-dez-vous pour un colloque, undiner-débat, une sortie, etc.Pour être avertis de ses initia-tives, vous pouvez lui commu-niquer vos coordonnées àcette adresse : Avec Jeanne,23 avenue Rapp, 75007 Paris.Internet : www.avecjeanne.fr

Page 16: LA SOCIÉTÉ CAPITALISTE EN PERDITION :ENTRETIEN AVEC ALAIN ...

Édité par PRIEP S.A. au capital de 59 880 euros – 10, rue Croix-des-Petits-Champs, 75001 Paris – Imprimerie RPN – 93150 Le Blanc-MesnilNuméro de commission paritaire 0415I86761 – Directeur de la publication : M.-G. Pujo

Entretien

o L'Action Française 2000 – De-puis plusieurs années, vous dé-veloppez une vigoureuse critiquede la "Forme-Capital" dont votredernier ouvrage, Au bord dugouffre, constitue l'un des pointsculminants. Pourquoi affirmez-vous que « le système de l'ar-gent périra par l'argent » ?o Alain de Benoist – Ce n'est passeulement une formule, mais trèsexactement ce à quoi nous assis-tons aujourd'hui. La crise finan-cière mondiale qui s'est déclen-chée en 2008 aux États-Unis, etqui est encore appelée à s'aggra-ver dans les années qui viennent,en est la preuve. Ce ne sont as-surément pas les contempteursdu capitalisme qui en sont lacause, mais bien le système del'argent qui a évolué de lui-mêmevers la situation qui est la sienneactuellement. Dans le passé, ona souvent dit que le capitalismese nourrissait de ses proprescrises. Cela ne le prémunissaittoutefois pas contre l'indigestion.Les crises conjoncturelles ne doi-vent pas être confondues avec lescrises structurelles, qui sont descrises systémiques en ce sensqu'elles mettent en cause les fon-dements du système lui-même.La crise actuelle du système del'argent est une crise structurelle,et c'est pourquoi les remèdes quel'on tente d'appliquer se révélè-ront inopérants.

Toujours plus

Il faut bien comprendre que lecapitalisme se définit comme unrégime, non seulement d'exploi-tation permanente du travail vi-vant, mais comme un systèmed'accumulation illimitée du capi-tal. Il ne dégage pas des profitscomme une conséquence de cequ'il permet de produire, mais ilne produit qu'en vue d'augmentersans cesse ses profits. L'illimita-tion est son principe, ce qui estd'ailleurs assez logique puisquetoute quantité est toujours sus-ceptible de s'accroître d'une unité.Le principe moteur de la Forme-Capital (notion empruntée à Gé-rard Granel), se résume en deuxmots : « Toujours plus ! » Tou-jours plus de marché, toujoursplus de marchandises, toujoursplus de profits, toujours plus deréification des rapports sociaux,etc. Le déchaînement planétairede la Forme-Capital correspond àce que Heidegger appelait le Ges-tell. C'est en cela que le capita-lisme n'est pas non plus seulementun système économique, mais estaussi porteur d'une anthropologiequi lui est propre, fondée sur lemodèle de l'Homo œconomicus(l'homme en tant que producteur-consommateur cherchant toujoursà maximiser de manière égoïsteson meilleur intérêt personnel).Ce modèle s'impose à travers la

colonisation de l'imaginaire éco-nomique par les valeurs mar-chandes, ou plus exactement parla réduction de tout ce qui vautà la seule valeur d'échange.

o Comment la démocratie di-recte et participative que vousappelez de vos vœux pourrait-elle succéder aux démocratieslibérales, que vous définissezcomme des « oligarchies finan-cières dirigées par une NouvelleClasse capitaliste médiatiqueet politico-financière » ?o Je ne fais évidemment pas pro-fession de lire l'avenir. On peutnéanmoins penser que l'évidentépuisement du système parle-mentaire et représentatif pous-sera les citoyens à s'organiser se-lon des formes de démocratie leurpermettant de mieux décider pareux-mêmes de ce qui les con-cerne. Vous savez que je ne par-tage pas la critique "droitière" clas-sique de la démocratie comme "loidu nombre". La démocratie se dé-finit pour moi comme le systèmepolitique qui permet la participa-tion de l'ensemble des citoyensaux affaires publiques. Cette no-tion de participation est centrale.Elle l'était déjà dans la Grèce an-tique. Dans cette optique, lesélections ne sont qu'une techniqueparmi d'autres pour vérifier l'ap-probation ou le dissentiment. Jepartage l'opinion de Rousseau,mais aussi de Carl Schmitt, selonlaquelle une démocratie est d'au-tant moins démocratique qu'ellerepose sur la représentation. Lacrise de la représentation, encoreaggravée aujourd'hui par le fossé

qui ne cesse de se creuser entrele peuple et la Nouvelle Classe po-litico-médiatique, pourrait parcontraste faire apparaître l'inté-rêt de la démocratie de base, dela consultation directe et du prin-cipe de subsidiarité. Ces derniersentrent aussi en résonance avecle localisme, qui est la meilleuredes réponses que l'on puisse ap-porter aujourd'hui à la mondiali-sation. Que ce soit dans le do-maine politique ou économique,il faut relocaliser.

Universalisme

o Quelles sont les principales ma-nifestations de ce que vous ap-pelez l'« idéologie du Même » ?o Relèvent de cette idéologietoutes les doctrines, religieusesou profanes, qui pensent que leshommes sont essentiellementidentiques, et que les différencesqui les distinguent ne sont quetransitoires, superficielles, se-condaires ou négligeables. Decette croyance, qui tend (à tort)à interpréter l'égalité dans le sensexclusif de la Mêmeté, découleévidemment l'idée que les insti-tutions politiques et sociales peu-vent et doivent être partout lesmêmes, ainsi que le prétendaientles philosophes des Lumières.L'idéologie des droits de l'homme,l'idée d'une "gouvernance" mon-diale, la montée généralisée del'indistinction, et jusqu'à la théo-rie du "genre", dérivent elles ausside cette conviction fondamen-tale, qui n'est pas seulement no-cive, mais fausse. L'homme estindissociable de ses apparte-

nances singulières parce que nuln'appartient immédiatement àl'humanité. Nous n'y appartenonsque de façon médiate, c'est-à-dire par l'intermédiaire d'une cul-ture spécifique. Un Français (unItalien, un Chinois, etc.) n'est pas"homme avant d'être français" (ouitalien, ou chinois, etc.), maishomme en tant qu'il est français(italien, chinois, etc.). L'"idéolo-gie du Même" n'est finalementqu'un autre nom de l'universa-lisme, que je me garde bien deconfondre avec l'universel. La par-ticularité est une médiation na-turelle vers l'universel. Cervan-tès ou Goethe sont d'autant plus"universels" qu'ils ont été l'un plusespagnol et l'autre plus allemand.Vous connaissez peut-être ce jolimot de l'écrivain portugais MiguelTorga : « L'universel, c'est le lo-cal moins les murs. »

Critique du Dieu unique

o Votre critique du judaïsme etdu christianisme est connue.Qu'en est-il de l'islam ?o Votre question laisse entendreque je manifesterais une sorte defaiblesse coupable envers la reli-gion musulmane ! Tel n'est pas lecas. Ma critique du monothéismese relie à ma critique de l'"idéo-logie du Même", qui n'en estqu'une version sécularisée. Affir-mer l'existence d'un Dieu unique,c'est du même coup affirmerl'unité fondamentale de la "fa-mille humaine", cette unité pas-sant avant les différences entreses membres. Cela posé, on peutdiscuter à l'infini des mérites com-

parés des trois grandes religionsmonothéistes. J'ai pour ma partsurtout critiqué le christianismepour cette simple raison qu'il aincontestablement participé plusque le judaïsme ou l'islam à laforme historique de la culture eu-ropéenne à laquelle j'appartiens,et aussi dans la mesure où, pré-cisément, les grandes idéologiespolitiques de la modernité en re-présentent des formes séculari-sées en même temps qu'"héré-tiques" (les « idées chrétiennesdevenues folles » dont parlaitChesterton). Il en serait sansdoute allé différemment si j'avaisété juif ou musulman, ce qui n'est pas le cas.

Ambiguïté de l'islam

Le grand problème, c'est l'ambi-guïté du mot "islam", qui tantôtdécrit une religion, tantôt se rap-porte à une civilisation. Je prendsgarde de distinguer ces deux do-maines. Je peux ne pas nourrirde sympathie particulière pour lareligion musulmane sans pour au-tant me sentir tenu d'exécrer leshabitants des pays islamiques ouarabo-musulmans. Sur ce dernierplan, je m'en tiens à des analysesde type politique ou géopolitique.Elles m'enseignent que, dans lemonde multipolaire qui est entrain de s'instaurer sous nos yeux,il n'est pas de l'intérêt des Euro-péens de cultiver l'inimitié en-vers l'Islam civilisation. C'est pour-quoi je ne souscris pas à la doc-trine américaine du "choc descivilisations", théorisée par Sa-muel Huntington. C'est pourquoije déplore aussi que, dans les mi-lieux de droite, on soit passéd'une légitime critique des pa-thologies sociales nées de l'im-migration à une critique confu-sionniste de l'"islamisation", puisde l'"islam" tout court. L'excellent géopoliticien AymericChauprade écrivait tout récem-ment : « J'ai noté, ces dernierstemps, que chercher des querellesavec l'"ennemi musulman" étaitune pente à laquelle cédaient fa-cilement nombre de défenseursdes identités française et euro-péenne. Quand on entre dans cegenre de logique, il convient d'ob-server une règle de bon sens quiconsiste à se demander "pour quion roule vraiment". Il est évidentque tout ce qui conduit à l'ag-gravation des relations entre lespeuples européens d'un côté, lesIraniens, les Turcs et les Arabesde l'autre, sert les Américains etles Israéliens, mais certainementpas les Européens. Que les chosessoient dites clairement à ceux quipensent que Huntington a la so-lution : nous ne réglerons pas leproblème de l'immigration extra-européenne par la guerre avec lemonde musulman. » C'est aussimon avis.

o Comment expliquez-vous l'in-satiable – et louable ! – "libidosciendi" qui vous anime ?o On n'explique pas un tempéra-ment. J'ai toute ma vie été mûpar la curiosité, le désir deconnaître et la volonté de com-prendre. Je ne pense pas que cesoit un défaut ! n

Propos recueillis par Louis Montarnal

o ALAIN DE BENOIST

La société capitaliste en perditionLa réédition des Idées à l'endroit (éditions Avatar) et la parution d'un livre important sur la crise que nous traversons, Au bord du gouffre - La faillite annoncée du système de l'argent (éditions Krisis), sont l'occasion de dialoguer avec l'un des penseurs les plus aigus de notre temps.