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IUFM de l’Académie de Créteil VIBAREL CECILE Professeur Documentaliste Stagiaire Collège Guy Moquet, Villejuif LA SIGNALISATION : ACCES A L’INFORMATION ET AUTONOMIE DANS L’ESPACE CDI Conseillère Pédagogique : Nathalie MICHEL Directrice de Mémoire : Ariane MALRIEU Année universitaire 2003/2004

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IUFM de l’Académie de Créteil VIBAREL CECILE Professeur Documentaliste Stagiaire Collège Guy Moquet, Villejuif

LA SIGNALISATION :

ACCES A L’INFORMATION

ET AUTONOMIE DANS L’ESPACE CDI

Conseillère Pédagogique : Nathalie MICHEL

Directrice de Mémoire : Ariane MALRIEU

Année universitaire 2003/2004

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« Toi qui me lis, es-tu sûr de comprendre ma langue ? »

Jorge Luis Borgès La bibliothèque de Babel, Fictions, Gallimard, 1957.

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SOMMAIRE INTRODUCTION.................................................................................................................. 4

1 UN PROJET « SIGNALISATION ET SIGNALETIQUE » AU CDI......................... 6

1.1 Bibliothèque et CDI, une même logique d’usage ?.................................................... 6

1.1.1 Classer et signaler pour mieux accéder .............................................................. 6

1.1.2 L’enjeu de la signalisation au CDI..................................................................... 8

1.2 Etat des lieux au CDI du Collège Guy Moquet ......................................................... 9

1.2.1 La situation de l’établissement et son projet pédagogique................................. 9 1.2.2 Le fonctionnement du CDI et ses besoins........................................................ 10

2 FACILITER L’ACCES AUX RESSOURCES DOCUMENTAIRES 12

2.1 1 La conception du projet et son déroulement ........................................................ 12

2.2 Mieux se repérer dans l’espace CDI......................................................................... 14

2.2.1 S’orienter dans l’espace : le plan du CDI 14 2.2.2 Connaître les différents types de documents et leurs zones dans le CDI 15 2.2.3 Mieux utiliser les outils documentaires : le système de classement 16

2.3 Les aléas de la mise en œuvre.................................................................................... 18

3 UN PROJET POUR FAVORISER L’APPRENTISSAGE DE L’AUTONOMIE ? 22

3.1 La pertinence du projet mené ................................................................................... 22

3.1.1 De l’opportunité d’un projet mené en équipe................................................... 23 3.1.2 La valorisation du CDI..................................................................................... 24 3.1.3 Des apprentissages pour favoriser l’autonomie 26

3.2 Entropie et logique de classement au CDI ............................................................... 28

3.2.1 Classer, c’est penser ......................................................................................... 29 3.2.2 Ordonner pour être autonome .......................................................................... 31

CONCLUSION....................................................................................................................... 33

BIBLIOGRAPHIE................................................................................................................. 34

ANNEXES............................................................................................................................... 36

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INTRODUCTION

Les systèmes d’information, tout comme les bibliothèques, se pensent aujourd’hui en terme de service et développent ce que Y.F. Le Coadic appelle une « approche orientée usager »1. Une telle évolution d du secteur Documentation/Bibliothèque a favorisé, en ce sens, le développement de nouvelles techniques et de nouveaux besoins. Or, répondre à ces besoins, dans une logique de « libéralisation des usages », c’est, notamment, développer des actions de formation auprès de ces usagers. En effet, comment accéder librement, c’est-à-dire de façon autonome, au document et à l’information si l’on ne maîtrise pas le fonctionnement d’un lieu, d’un outil, d’un système de classement ?

Dans les CDI des établissements publics de l’enseignement secondaire, cette logique d’usage et de service doit, toutefois, être l’objet d’un accompagnement dans la mesure où la mission de l’Education Nationale, à travers les enseignants qui la représentent, n’est pas tant d’offrir un accès à tous les possibles, que de former les élèves à être de futurs citoyens responsables et autonomes, c’est-à-dire capables de se déterminer par eux-mêmes, à partir de la connaissance de leur environnement. En ce sens, la perspective de mener un projet concernant l’accès aux ressources à travers la signalisation, au CDI où je fus affecté cette année comme stagiaire, s’inscrivait pleinement dans cette problématique de l’autonomisation des élèves, qui me parait être essentielle dès les premiers apprentissages du collège. En terme de pédagogie documentaire, la question de l’accès à l’information ne consiste pas tant à « pouvoir » accéder aux ressources internes ou externes du CDI, qu’à « savoir » accéder aux documents et se repérer dans un espace. Dès lors, le premier des apprentissages documentaires consiste à se familiariser avec les codes d’organisation et de structuration du savoir et de l’information dans un CDI. L’apprentissage du « lieu CDI » constitue, en ce sens, la base de toute démarche documentaire. Or, par l’observation des usages au CDI, et à la faveur de discussions avec ma tutrice, j’ai pu faire, dès mon arrivée au collège Guy Moquet de Villejuif, le constat d’un déficit au niveau de l’organisation de l’espace du CDI et de la signalisation des ressources :

Espaces documentaires mal différenciés au sein de l’organisation spatiale générale Signalisation inexistante ou mal installée (invisible, trop petite, pas claire…) au niveau des étagères principales Etiquettes de signalétique des rayons mal proportionnées ou en mauvais état

J’ai pu observer, par ailleurs, que les élèves avaient du mal à se repérer dans le CDI, en particulier au niveau des documentaires, ne savaient pas trouver un livre, utilisaient rarement BCDI et semblaient ne pas faire le lien entre la notice et le document. De plus, ils

1 LE COADIC, Yves-François, Usages et usagers de l’information, Paris : ADBS : Nathan, 1997.

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demandaient systématiquement à « aller sur Internet », ignorant toute autre forme de recherche. Les IDD n’étant pas très développés au sein de l’établissement, il était difficile de mettre en place des créneaux officiels permettant d’élaborer des séances pédagogiques construites, afin de former les élèves à la recherche documentaire. Par contre, des séances de méthodologie, instituées pour toutes les 6°, étaient proposées, habituellement sur une heure de français. L’objectif de la méthodologie étant de familiariser les élèves de 6° avec le CDI, son organisation et son fonctionnement, c’est dans ce cadre que j’ai envisagé, avec le soutien de ma tutrice, un projet de signalisation avec une classe de 6°. Conçu en équipe avec le professeur d’Arts Plastiques, il s’agissait de faire réaliser la nouvelle signalisation du CDI par les élèves, après les avoir initié à l’organisation du CDI, de ses espaces et de ses modes de classement. Dans ce cadre, la question qui s’est posée à moi fut donc la suivante : en quoi le CDI peut-il favoriser, par son mode d’organisation, l’accès autonome des élèves aux ressources documentaires et à l’information ? A partir de cette problématique, j’ai fait l’hypothèse que si les élèves se familiarisait avec les logiques et les méthodes de classement et d’organisation du CDI, ils seraient mieux à même d’accéder aux ressources documentaires du centre, pour les utiliser de manière plus autonome. L’enjeu visait donc à faciliter l’accès aux ressources pour favoriser le développement de l’autonomie des élèves. Je me propose ainsi d’exposer, dans un premier temps, les conditions de la mise en place de ce projet « signalisation et signalétique au CDI ». Je décrirai, ensuite, les actions mises en place pour faciliter l’accès des élèves aux ressources documentaires et je présenterai, en dernière partie, une analyse évaluative de ces actions dont le but était de favoriser chez les élèves l’apprentissage de l’autonomie.

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1 UN PROJET « SIGNALISATION ET SIGNALETIQUE » AU CDI

1.1 Bibliothèque et CDI, une même logique d’usage ?

La bibliothèque est le lieu où l’on rassemble les livres et où on les conserve. A Alexandrie au III° siècle de notre ère, comme à Paris ou New York aujourd’hui, les grandes bibliothèques patrimoniales sont construites pour refléter la culture et répertorier tout le savoir d’une époque. Pour gérer ces lieux, il est cependant nécessaire d’organiser de façon méthodique la gestion des ouvrages en les répertoriant et en les classant selon des catégories définies. Cet art de gérer les bibliothèques, la bibliothéconomie, est à l’origine des systèmes de classement qui vont se mettre en place avec l’enrichissement progressif des collections au fil des siècles. C’est à la fin du XIX° que l’américain Melvil Dewey met au point un système de classement décimal qui sera ensuite repris et complété par Paul Otlet et Henri Lafontaine, en France, en 1905. Ce sont les premières classifications universelles qui ont pour objectif premier d’organiser les connaissances de façon normalisée. Elles permettront, également, de faciliter l’accès des collections aux utilisateurs des bibliothèques publiques et participeront, en ce sens, à la mise à disposition des collections et à leur plus grande visibilité. Ainsi, à l’image totalisante de la bibliothèque idéale, construite comme une forteresse qui garde les livres à l’abri des lecteurs, va s’opposer progressivement une autre image de la bibliothèque qui est avant tout au service des utilisateurs et dont la logique est celle de la consultation et de l’accessibilité. C’est cette logique d’usage qui prévaut aussi dans les CDI des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) depuis que les bibliothèques scolaires sont devenues, en 1974 et après plusieurs étapes, des Centres de Documentation et d’Information à l’usage des élèves. On est passé d’une logique de conservation à une logique de service dont le but est de diffuser une information personnalisée vers des publics différenciés. Au cours de leur histoire, les CDI ont donc évolués vers une volonté de rendre ces lieux plus accessibles et adaptés à un public d’adolescents.

1.1.1 Classer et signaler pour mieux accéder

Si l’on se réfère ainsi à l’histoire du livre et des bibliothèques, on peut dire que le propre d’une bibliothèque est bien de classer et de ranger des documents en catégories distinctes, selon un ordre qui facilite l’accès à ces mêmes documents. N’est-ce pas là la première méthode - au sens grec de methodos, « cheminement pour atteindre un but » - qui prévaut à l’organisation d’une bibliothèque ?

La notion de classement, aussi bien que la pensée des catégories, est une question fondamentale de la philosophie classique2 qui continue, encore aujourd’hui, de faire

2 En philosophie, Aristote a élaboré une théorie des catégories qui sera interrogée durant toute l’Antiquité puis au Moyen Age et jusqu’à l’Epoque Moderne. Cette pensée des catégories donnera lieu, en particulier, à un débat acharné connu sous le nom de querelle des universaux, opposant des penseurs nominalistes, tel le philosophe médiéval Pierre Abélard, aux réalistes qui se situent dans la lignée d’Aristote. Sur la question voir A. De Libéra, L’art des généralités, Aubier, 1999.

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problème3. La littérature, sous la plume de Georges Perec ou d’Umberto Eco, s’est aussi penchée sur cette idée du classement dans la mesure où elle concerne la pensée elle-même. Selon Perec, « toute bibliothèque répond à un double besoin, qui est souvent aussi une double manie : celle de conserver certaines choses (des livres) et celle de les ranger selon certaines manières » (Penser/Classer, Hachette, 1985). D’une façon humoristique, Perec rappelle qu’il existe différentes « manières de ranger les livres » et ce faisant, il souligne deux problèmes qui traversent le monde du livre et des bibliothèques, à savoir : Doit-on privilégier une logique patrimoniale de conservation ou une logique de consultation orientée selon les besoins des usagers ? Doit-on, par ailleurs, privilégier une logique de classement ou, au contraire, favoriser une certaine entropie ? Autrement dit, faut-il favoriser le livre ou le lecteur ? L’ordre structurant ou le désordre créatif ? Ces alternatives renvoient, en définitive, à la question de savoir comment faciliter, pour les utilisateurs d’une bibliothèque, l’accès aux ressources documentaires et à l’information ? Dans cette perspective, il est nécessaire, pour les bibliothèques de mettre à disposition le savoir qu’elles contiennent aussi bien par le choix d’un système de classement cohérent que par une bonne signalisation qui rende visible ce classement. On peut rappeler, ici, que la signalisation concerne, d’une manière générale, la disposition des signaux, destinés à se repérer dans un espace et aussi utilisés pour communiquer. La signalétique renvoie plutôt à la technique comme « ensemble des moyens de signalisation d’un lieu » (Y. Maury, 1998). En fait, signalisation et signalétique viennent du mot « signal », apparu en France au XII° siècle, pour signifier « un signe conventionnel destiné à faire savoir quelque chose, à véhiculer une information » (Le Robert). La signalisation consistera donc dans l’emploi de signaux concrets servant à s’orienter ou se repérer dans un espace donné. En ce sens, la mise à disposition des collections ou des ressources documentaires relève bien d’une réelle volonté de valorisation du fonds documentaire en aménageant au mieux l’espace documentaire et en concevant une signalisation adaptée au public. Pour reprendre le titre d’un article de Michel Melot4, « la forme du fonds » est ici déterminante. Elle concerne aussi bien l’aménagement de l’espace pour une bonne orientation des lecteurs, que la gestion cohérente du fonds à l’aide des techniques documentaires afin d’organiser l’information et de la rendre accessible aux utilisateurs par un système de classement adapté. L’enjeu est donc bien ici de rendre visible et claire l’information afin que l’utilisateur puisse y accéder de façon autonome. Pour les documentalistes qui travaillent en milieu scolaire, cette question de l’accès autonome aux ressources documentaires se pose de deux manières, ou à deux niveaux. D’un point de vue strictement documentaire, l’accès aux ressources correspond à la fonction « diffusion de l’information » de la chaîne documentaire. L’organisation de l’espace et la signalisation servent ainsi la fonction « sortie » du Centre de Documentation. Il s’agit donc, pour le professionnel, de s’adapter aux utilisateurs et à leurs besoins afin de proposer les services les plus adaptés en terme d’accueil, d’accès aux documents et d’aide à la recherche. Pour les professionnels exerçant en milieu scolaire, dans les CDI, cette question de l’accès autonome aux ressources touche aussi bien la communication que la pédagogie. La mission de

3 La question des universaux, soulevée par la philosophie classique, est reprise aujourd’hui par les sciences cognitives qui s’interrogent notamment, et en des termes renouvelés, sur l’universalité des concepts et sur la structuration de ces concepts dans le psychisme humain. 4 « La forme du fonds », paru dans La bibliothèque, sous la dir. De R. Figuier, Série « Mutations » N° 121, Autrement, 1994.

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l’enseignant-documentaliste consiste, entre autres choses, à initier au fonctionnement du CDI, à son organisation, à son système de classement. Il doit accompagner l’utilisateur et lui donner les moyens d’utiliser le CDI de façon autonome. La pédagogie documentaire prend ici une place prépondérante puisqu’il s’agit de former l’élève à une démarche de recherche d’information qu’il pourra transférer dans d’autres situations, tout au long de sa scolarité.

1.1.2 L’enjeu de la signalisation au CDI

Dans les CDI, comme dans les bibliothèques, la signalisation a trois objectifs principaux . Il s’agit, en premier lieu, d’attirer le public par une signalétique qui commence à l’extérieur même du lieu, pour en indiquer le chemin. Il s’agit, ensuite, d’aider l’usager à se repérer dans un espace qui peut être plus ou moins vaste. C’est le premier des services offerts par un centre de documentation. Enfin, il est possible d’aider le lecteur dans ses choix de lecture en mettant en valeur le fonds, les collections particulières, les modes d’emploi. Cela fait parti de la dimension de communication propre à l’activité d’un centre de documentation.

De plus, au CDI peut-être plus encore que dans les bibliothèques, la signalisation se conçoit en fonction des attentes précises d’un public spécifique. Elle est d’ailleurs reconnue comme une discipline à part entière, dans le prolongement de l’architecture. Idéalement, le documentaliste et l’architecte travaillent ensemble pour concilier utilité, esthétique et contenu informatif d’une signalisation efficace. Cependant, les documentalistes qui exercent en établissements scolaires participent rarement à toutes les étapes de conception et de mise en place d’une signalisation. Le plus souvent, il faut s’adapter à l’existant, avec toutefois la possibilité d’y faire des réajustements ou des rénovations. L’implication des documentalistes par rapport à la signalisation se fera plutôt au niveau des possibilités d’exploitation pédagogiques avec les élèves. En effet, la circulaire de missions des documentalistes (BOEN, 1986) aborde cette notion dans une perspective principalement pédagogique, qui recouvre les missions d’initiation et de formation des élèves à la recherche documentaire :

- L’initiation se fait généralement par le biais de la présentation du centre en début d’année, ce qui a pour but « d’instaurer entre les professeurs, les élèves et (le documentaliste) lui-même, un dialogue permanent sur les ressources disponibles, les modalités de leur classement, et les méthodes de recherche documentaire ». La visite du centre permet aux élèves de se familiariser avec le lieu CDI, de repérer les différents espaces et reconnaître les différents supports et types de documents, en même temps que les modes de classement qui leur correspondent.

- La formation elle-même est présentée par la circulaire comme « toutes initiatives »,

prises par le documentaliste, « pour amener les élèves progressivement à se repérer dans le CDI et connaître ses ressources et les différents types de documents ». Parmi ces initiatives se place notamment l’élaboration d’une signalétique adaptée au fonds et au public.

Une dernière question reste à poser. S’agit-il pour les élèves, par le biais de cet apprentissage du lieu CDI et de ses modalités d’organisation, d’accéder aux ressources documentaires ou à l’information ? Si le CDI est un espace d’apprentissage de l’autonomie, c’est parce qu’il permet, par son organisation spatiale, ses outils documentaires et les actions pédagogiques qu’il propose, de fournir aux élèves les moyens d’une véritable maîtrise de l’information. En ce sens, la première des missions du documentaliste sera de s’assurer de la capacité des élèves

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à accéder à cette information. Cependant, l’accès à l’information comprend non seulement la possibilité d’utiliser tant les ressources internes au CDI, que les ressources externes par le biais des technologies numériques, mais aussi et surtout de savoir aller au document, d’être capable de le retrouver après s’être repéré dans un espace parfois complexe et très structuré. Savoir se situer et s’orienter par rapport à un champ vaste et complexe nécessite de développer des compétences métacognitives qui permettront l’élaboration par l’élève d’un « savoir apprendre ». Ce dernier doit être capable de transférer, dans d’autres situations, sa capacité à se repérer et à s’organiser, afin qu’il soit plus autonome dans son travail et dans d’autres situations de la vie courante. Il s’agit donc bien de faciliter l’accès des élèves aux ressources documentaires mais dans le but qu’ils soient capables de trouver l’information pertinente, qu’elle se présente ou non sous la forme d’un document. Les conditions générales et institutionnelles de ce projet de signalisation étant ainsi posées, voyons maintenant comment la situation se décline de façon plus particulière au CDI du Collège Guy Moquet, où je fus affecté pour mon année de stage.

1.2 Etat des lieux au CDI du Collège Guy Moquet

Ma décision de mettre en place un projet de signalisation au collège fut motivée, au départ, à la fois par la situation de l’établissement en rapport avec son projet pédagogique et par les besoins propres au CDI.

1.2.1 La situation de l’établissement et son projet pédagogique

Le collège Guy Moquet, se situe à Villejuif, au cœur d’un quartier résidentiel, à proximité du centre ville. Récemment rénové, le collège est le seul établissement de la zone à ne pas être classé zone sensible ou ZEP alors qu’il recrute sur cette même zone de grande mixité sociale. Jusqu’à présent, les incidents restaient marginaux mais cette année a vu la situation se dégrader passablement. Cette situation est un peu particulière dans la mesure où le collège a accueilli, à la rentrée, un nouveau personnel. Outre le principal adjoint qui est aussi stagiaire, le collège a remplacé son intendant et sa CPE. Le nouveau personnel doit donc prendre le temps de connaître mieux le collège et de s’adapter à des fonctionnements qui sont parfois nouveaux pour lui. Par ailleurs, la population des élèves est sensiblement plus difficile que les années précédentes et le collège doit faire face à des incidents répétés, ce qui nuit à la bonne dynamique de projet qui caractérisait habituellement les équipes enseignantes. Toutefois, la taille du collège (485 élèves) et le nombre d’enseignants (35), ainsi qu’une ferme volonté de faire face aux problèmes qui s’y développent, contribuent à maintenir une facilité dans les échanges entre élèves et adultes. Les axes prioritaires du projet d’établissement se sont un peu modifiés par rapport aux années précédentes, en raison de la situation décrite et des faibles résultats obtenus, l’année dernière et encore cette année, au brevet des collèges. Outre les axes reconduits portant sur l’accompagnement des nouveaux élèves dans leur adaptation au collège (liaison CM2/6°, devenir collégien en 6°), la valorisation des projets pour donner du sens aux enseignements et la nécessité d’une aide aux élèves en difficulté, le projet actuel insiste sur l’importance de

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travailler à l’orientation des élèves de 3° mais aussi dès la 5°. Un soutien scolaire plus important est également mis en place ainsi qu’un rappel plus insistant du règlement et des règles de vie au collège. Au CDI, la volonté directrice de l’établissement de donner du sens aux apprentissages se manifeste par la mise en place de nombreux projets pédagogiques. Cependant, lorsque je suis arrivée dans ce collège, au début de l’année, un élément touchant plus à l’aspect gestionnaire du CDI devait être pris en compte : la nécessité d’une rénovation de la signalétique. Il m’a semblé toutefois possible de lier cette dimension de gestion du CDI à la préoccupation pédagogique en concevant un projet de réalisation de la signalisation par les élèves avec l’aide du professeur d’Arts Plastiques. Ce projet de signalisation s’inscrit donc dans un axe important du projet d’établissement, à savoir « Devenir collégien : des projets pour apprendre ». Il a pour objectif de faciliter, dès la classe de 6°, l’adaptation des élèves à l’établissement, notamment par la connaissance des lieux et des outils qui sont à la disposition des élèves. A cet égard, ce projet se situe dans la continuité de la liaison CM2/6° qui permet aux futurs collégiens de s’initier au lieu et aux nouvelles conditions de travail du collège. Effectivement, sur la classe de 6° que j’ai été amenée à prendre en charge, dans le cadre de mon projet, un nombre important des élèves connaissait déjà le CDI. De plus, j’ai construit ce projet de signalisation en relation avec les séances de méthodologie organisées, chaque année, pour les 6° afin qu’ils se familiarisent avec le lieu CDI et qu’ils acquièrent une première méthodologie de recherche documentaire. Les deux projets se complètent donc et sont conçus l’un par rapport à l’autre afin de favoriser l’acquisition, par les élèves, d’une plus grande autonomie au CDI.

1.2.2 Le fonctionnement du CDI et ses besoins

Pour mener à bien ce projet, il fallait d’abord, ainsi que le rappellent J. P. Accart et M.P. Réthy5, établir un état des lieux de la situation au CDI : mettre en évidence les mouvements de circulation des élèves, déterminer les points d’orientation, étudier les types de dispositifs signalétiques nécessaires en fonction des possibilités matérielles du collège, choisir un langage signalétique adapté au lieu et aux besoins des utilisateurs. Le CDI du collège est matériellement vaste et bien agencé. Clair et lumineux, il propose aux élèves un fonds assez riche en œuvres de fiction ainsi que des documentaires suffisamment variés pour répondre aux besoins des élèves. Toutefois, la signalisation au CDI présentait de nombreuses lacunes. Ma tutrice travaillant à mi-temps, elle assure, en premier lieu, les activités pédagogiques du centre ainsi que la gestion la plus urgente. L’opportunité d’une stagiaire présente au CDI rendait donc possible la mise en œuvre, cette année, d’un projet de rénovation de la signalisation existante. J’ai pu remarquer, par ailleurs, que les périodiques étaient rarement exploités et même les documentaires n’étaient consultés que ponctuellement et toujours avec notre aide. Les élèves ont, certes, une nette tendance, dès la 6°, à se précipiter sur Internet pour toute recherche documentaire. Mais j’ai aussi constaté que pour beaucoup d’entre eux, ils n’étaient pas

5 Le métier de documentaliste, Editions du Cercle de la Librairie, 1999.

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vraiment autonomes pour accéder aux documents. Il arrivait souvent qu’ils se promènent un long moment dans les rayons sans trouver ce qu’ils cherchaient ou alors ils demandaient systématiquement tel document sans chercher à essayer de s’orienter par eux-mêmes. Devant la demande de la documentaliste en place et forte de cette observation des élèves, je me suis inspirée, pour élaborer ce projet de signalisation, d’un projet précédent avec le professeur d’Arts Plastiques sur la calligraphie et la signalétique. Il s’agissait alors de faire réaliser, à des élèves non francophones, une carte de lecteur à partir d’un travail calligraphique. Avec ce même professeur, nous nous sommes mis d’accord pour mettre au point un projet plus vaste sur la signalisation au CDI avec une classe de 6°. J’ai conçu l’aspect technique en fonction des nécessités du CDI tandis qu’il prenait en charge l’aspect matériel de la réalisation des différents éléments de signalisation dont nous aurions besoin. L’aspect technique du projet consistait dans la réalisation de panneaux de polystyrène signalant les principales zones du CDI. Des étiquettes de signalétique devaient également être conçues pour indiquer sur les étagères les grandes classes de la Dewey. C’est ainsi que je me suis lancée dans l’aventure sans me douter des mises au point qui m’attendait… Toutefois, avant d’analyser les résultats d’un tel projet, il est temps d’exposer, maintenant, les différents éléments de sa mise en œuvre.

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2 FACILITER L’ACCES AUX RESSOURCES DOCUMENTAIRES

Lorsque j’ai pris mes fonctions au collège Guy Moquet, en septembre dernier, la question de la signalétique m’est apparue, très rapidement, comme un projet susceptible de donner lieu à un questionnement professionnel, d’autant plus qu’il faisait parti des nouveaux projets de ma tutrice pour le CDI. La question du signalement m’a tout de suite intéressée car j’estime que, touchant à celle de l’accès des utilisateurs aux ressources documentaires, elle se pose comme la première des nécessités d’apprentissage pour les élèves. Il m’a donc fallu mettre en place un projet et prévoir son déroulement. Ce fut l’occasion, pour moi, de mettre en place mon premier partenariat avec un enseignant.

2.1 1 La conception du projet et son déroulement En effet, lorsque je me suis décidée avec enthousiasme à prendre en charge ce projet, ma

tutrice m’a indiqué qu’un projet de « calligraphie et signalétique » avait été mené l’année dernière avec le professeur d’Arts Plastiques et une classe d’élèves non francophones, primo-arrivants. Ce précédent pouvait être un point de départ et l’idée de réaliser ce projet avec ce professeur fut lancée. Travaillant assez régulièrement avec le CDI, le professeur d’Arts Plastiques fut tout de suite d’accord et nous avons décidé d’impliquer plutôt une classe de 6° pour un certain nombre de raisons. Le projet de faire refaire la signalétique par des élèves devait nécessairement impliquer de les initier, en même temps, au fonctionnement et au mode d’organisation du CDI. Or, je me suis rapidement rendue compte que le travail pédagogique à faire avec les élèves recouperait, en partie, les différentes séances de méthodologie prévues pour les classes de 6°. En termes d’apprentissages documentaires, ce projet impliquait donc bien des apprentissages de niveau 6° et pouvait utilement compléter les séances de méthodologie. Cependant, au plan pratique, cela posait quelques problèmes d’organisation pour ne pas faire double emploi avec la méthodologie. Il fut donc convenu que je suivrais une classe de 6° pour la méthodologie et que les premières séances se dérouleraient dans le cadre du projet « signalisation », sur les heures du professeur d’Arts Plastiques. Je prendrais les élèves en demi groupe au CDI, chaque semaine. Ce choix d’organisation permettait, me semble-t-il, de donner plus de sens aux séances de méthodologie mais il pouvait aussi troubler les élèves qui ne sauraient plus si le travail relevait des séances de méthodologie ou du projet « signalisation ». Pour mener à terme un tel projet qui touche à l’identité du CDI, à l’image visuelle que le CDI donne à ses visiteurs, il fallait mettre en place un planning précis des séances et mener un début de réflexion pour savoir ce qu’il était important d’aborder, d’un point de vue documentaire, tout en tenant compte du niveau scolaire des élèves. Pour ce qui est du planning des séances et pour clarifier le projet auprès des élèves, nous avons prévu, avec le professeur, une séance de présentation du projet qui a précédé la présentation du CDI lui-même. Il s’agissait de proposer aux élèves un travail de réalisation en Arts Plastiques pour améliorer la signalétique tout en s’initiant au lieu CDI et à son mode de fonctionnement. Il était important de bien leur faire comprendre le lien avec les séances de méthodologie.

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J’avais mis au point un planning d’une douzaine de séances, au départ, mais qui s’est rapidement étoffé devant les réalités de la mise en œuvre. J’envisageais ainsi de consacrer trois séances construites autour de la signalisation mais qui reprendraient les éléments de méthodologie pour les 6°. Le planning6 prévoit donc une première séance de présentation du lieu CDI. Une séance suivante était nécessaire pour mieux définir et circonscrire dans le CDI la notion même de signalisation et son rapport avec les modes de classement propres au CDI. Enfin, je prévoyais une séance sur la classification et la cotation7. Selon le planning, les séances suivantes étaient consacrées à la mise en œuvre du projet, avec le professeur d’Arts Plastiques, dans sa classe, tandis que je continuerai les séances de méthodologie avec les mêmes élèves mais sur une heure de français. Je prévoyais, toutefois, d’assister à quelques séances, en classe d’Arts Plastiques, pour le suivi de la réalisation et les réajustements éventuels. D’un point de vue pédagogique, mon objectif, dans ce projet, était de permettre aux élèves de mieux s’approprier le lieu CDI et son fonctionnement et de valoriser le fonds en facilitant l’accès des élèves aux ressources documentaires. En étant mené en collaboration avec les Arts Plastiques, la mise en œuvre pratique de panneaux et d’étiquettes de signalisation me paraissait une opportunité intéressante pour mieux impliquer les élèves et donner plus de sens à leurs apprentissages documentaires. Ils pourraient voir une application pratique de leur travail pédagogique sur le classement, la cotation et la signalétique. Du point de vue des Arts Plastiques, les élèves pourraient manier les volumes, les couleurs et les matériaux dans le cadre d’un projet concret et valorisant pour eux puisque visible par toute la communauté éducative au CDI. Je prévoyais même l’inauguration de la nouvelle signalisation vers les vacances de Février… ce qui était très optimiste ! Pour construire mes séances, j’avais réfléchi, en amont, aux besoins des élèves qui doivent apprendre à se repérer dans ce lieu, plus ou moins nouveau pour eux mais toujours, en partie, mystérieux dans son fonctionnement. Mes observations de leurs comportements au CDI m’avaient confortée dans l’idée que, en dehors de leurs besoins personnels, ils étaient assez démunis quant à l’utilisation du CDI en tant que lieu de travail scolaire. La plupart du temps, ils viennent au CDI pour lire des BD ou des ouvrages de fiction dont ils repèrent très vite l’emplacement dans sa zone spécifique. Par ailleurs, ils demandent fréquemment de l’aide pour leur devoir mais ils ont rarement l’initiative d’aller chercher un dictionnaire ou une encyclopédie. Ils le demandent systématiquement au documentaliste présent. J’ai donc pensé que la connaissance du fonctionnement du CDI, pour des élèves de 6°, devait nécessairement tenir compte du fait qu’ils ne pouvaient pas tout comprendre et qu’il fallait concevoir ces séances dans un apprentissage progressif qu’il serait idéal de pouvoir poursuivre dans les classes suivantes. De ce fait, j’ai distingué, dans ma conception du projet, trois pôles d’apprentissages qui m’ont paru essentiels et que j’ai voulu lier entre eux, tout en les mettant en relation avec les séances de méthodologie, afin de mieux homogénéiser mon approche du CDI. Je partais du principe qu’il y a une relation entre le fait de se repérer dans l’espace (le lieu CDI), le fait de se repérer 6 Annexe 1. 7 Annexe 2, 3 et 4.

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dans le document (les clés du livre, les clés de lecture d’une page Web) et le fait de se repérer dans la base documentaire (notice BCDI). Autrement dit, la logique de construction de mes séances visait à montrer le lien entre le livre (ou document), le lieu où il est rangé et la notice qui le décrit et permet de le retrouver. Au départ je pensais qu’il me serait possible d’aborder tous ces points au cours du projet. J’ai vite revu mes ambitions à la baisse et j’ai préféré me concentrer sur la notion de lieu et de son organisation. Du point de vue des apprentissages documentaires en 6°, et par rapport à la réalisation concrète du projet, le plus urgent était, en effet, de leur apprendre, d’abord, à mieux se repérer dans l’espace du CDI, c’est-à-dire à comprendre la logique d’organisation de l’espace à l’aide d’un plan du CDI, d’appréhender la notion de classement des différents types de documents, de repérer les cotes sur les livres en rapport avec le système de classification…. Ce sont ces séances qui constituent, de manière privilégiée, le travail pédagogique du projet « signalisation » tel que je l’ai finalement mené. Ce sont ces séances que je vais maintenant décrire plus en détail.

2.2 Mieux se repérer dans l’espace CDI

Un élément clé du projet consistait à mettre en équation les besoins des élèves avec les contraintes et nécessités de la gestion documentaire. Du côté des élèves, les préoccupations documentaires doivent être pensées en terme de pédagogie. Pour moi, les questions qui ont présidées à la conception des séances, étaient les suivantes : qu’est-ce que le CDI, comment est-il organisé, comment se repérer dans un lieu complexe parce que multi support, pourquoi et comment classer, comment chercher un livre, comment le retrouver, qu’est-ce que je peux trouver au CDI ? Toutes ces questions ne sont pas nécessairement celles des élèves mais celles que je me suis posé, moi, en tant que documentaliste, dans la perspective de former ces élèves à l’utilisation du CDI. Pour ce qui est de la gestion documentaire, je me suis demandé comment je pouvais concevoir une signalétique claire et cohérente, en fonction des utilisateurs mais aussi en conformité avec les exigences d’une codification et d’une normalisation minimum. Il fallait également tenir compte de l’aspect matériel et pratique de la mise en oeuvre.

2.2.1 S’orienter dans l’espace : le plan du CDI

La première nécessité était de familiariser les élèves avec le lieu CDI en leur donnant les repères de base pour s’orienter dans les principales zones du CDI. J’ai utilisé, pour cela, la présentation du CDI qui est habituellement proposée aux élèves de 6°, dans le cadre des séances de méthodologie. Après avoir présenté aux élèves, avec le professeur d’Arts Plastiques, le projet de signalisation dans sa globalité, je me suis chargée de présenter, ensuite, le CDI et son mode de fonctionnement. La séance s’est déroulée en deux temps. J’abordais, d’abord, avec les élèves le terme « CDI », son règlement, ses modalités de prêt, son mode de fonctionnement général. Les élèves répondaient ainsi, au fur et à mesure, à un petit questionnaire sur le CDI. Ils

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devaient, dans un deuxième temps, parcourir les espaces du CDI et retrouver, à l’aide de la signalétique, les noms des différents espaces et les indiquer sur un plan muet qui leur avait été distribué auparavant. Cette première séance, comme j’ai pu l’observer avec d’autres classes de 6°, est généralement assez vivante et motive les élèves dans la mesure où ils doivent chercher, par eux-mêmes, des informations et se déplacer dans le CDI, être actifs. Par rapport au projet de signalisation, cette manière de procéder a eu un résultat positif aussi puisque les élèves ont été confrontés directement à l’utilisation de la signalétique. Ils se sont trouvés en situation de besoin d’information et ont pu constater les défauts de la signalétique existante. C’est à partir de cette première séance que j’ai organisé la deuxième séance prévue sur « la signalisation et la signalétique ». Mon idée, au départ, était de partir de leurs représentations sur la notion de signalisation, pour arriver à une définition de la signalisation, en distinguant les termes « signalisation » et « signalétique ». Mon objectif était de leur faire comprendre à quoi sert une signalisation au CDI et quels en sont les différents éléments. Je me suis rapidement rendue compte que cette séance était trop abstraite par rapport à eux et c’est en faisant, avec eux, le plan du CDI que j’ai décidé de partir de celui-ci pour la séance suivante. J’ai donc été amenée à réaménager ma 2° séance en fonction de cette première mise en œuvre sur le « terrain ». C’est ainsi que, pour cette 2° séance prévue, toujours au CDI et en demi groupe, mon objectif reformulé était de montrer, en partant du plan du CDI corrigé avec les élèves, qu’il existe différents types de documents et que ces documents sont rangés différemment selon leur nature. De là devait découler la nécessité de signaler correctement les espaces pour mieux s’orienter et être capable de localiser, dans ces espaces, les documents.

2.2.2 Connaître les différents types de documents et leurs zones dans le CDI L’intérêt d’une signalétique devait apparaître plus clairement aux élèves, en partant, comme je l’ai dit, de leur propre expérience du CDI lors de la 1° séance. Ils avaient été amenés à repérer les éléments de signalisation leur permettant de remplir le plan muet et ils s’étaient retrouvés confrontés à des difficultés diverses. J’ai opté pour une utilisation de ces erreurs et manques en exploitant, dans une première phase de la séance, la présentation des zones du CDI, à partir des difficultés qu’ils avaient eu à en trouver les noms :

- Reprenant leur plan, les élèves circulaient à nouveau dans les différents espaces en ma compagnie, pour que je leur présente de façon plus détaillée ces différents espaces. Ce qui permettait de faire une présentation plus approfondie des zones du CDI.

- Ce faisant, les élèves devaient me dire oralement quelles difficultés ils avaient rencontrés pour trouver l’information et remplir le plan, soit qu’un panneau était manquant ou trop petit ou mal placé, soit que l’information était absente.

- Enfin, je leur proposais une fiche de critique de la signalisation existante dans laquelle seraient notées toutes les insuffisances afin que nous puissions savoir sur quoi devait porter notre amélioration de la signalétique.

J’avais prévu, dans une deuxième phase, de faire le point sur cette notion de signalisation pour arriver à en donner une définition qui soit pertinente pour eux. J’ai opté pour une pédagogie

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qui part des représentations des élèves en essayant de les amener ensuite à l’explication adéquate. Nous avons donc commencé par un remue-méninges sur le tableau de papier. Les élèves devaient me dire à quoi le mot signalisation leur faisait penser. J’avais, bien sûr, de mon côté anticipé des exemples de signalisation : la signalisation routière, la signalisation dans le métro ou encore dans les grandes surfaces. Les élèves ont tous eu, au moins, une de ces références. Il a donc été facile de leur montrer comment des signes sont utilisés pour donner des informations, pour s’orienter et se repérer dans l’espace. L’étape suivante visait à leur faire chercher dans le dictionnaire les termes retenus lors du remue-méninges : signe, signal, signalisation et signalétique. Ensuite seulement, je leur donnais une définition précise et plus adéquate au monde du livre et des bibliothèques. J’ai utilisé la définition donnée par Yolande Maury dans son article d’Inter CDI8. Je soulignais, à partir de là, la nécessité de trouver au CDI une signalisation adaptée en rappelant à quoi cela servait précisément. Je faisais le rappel des zones que nous aurions à signaler :

- Le CDI, à l’extérieur (fléchage) - Les grandes zones du CDI (panneaux) - Les étagères qui supportent les ouvrages (étiquettes)

Je me suis rendue compte, surtout pour cette séance, qu’il y avait beaucoup d’activités différentes avec des notions difficiles à manipuler. J’ai essayé d’être concrète mais je me suis trouvée confrontée à la difficulté de manier des termes particulièrement abstraits comme signe, signal. Je ne suis pas sûre que les élèves aient bien saisis la différence entre « signalisation » et « signalétique ». Je me suis même demandé si une telle distinction était nécessaire à établir à ce niveau de leur scolarité. Cette difficulté s’est retrouvée lorsqu’il a fallu aborder la notion éminemment abstraite de classification et de classement.

2.2.3 Mieux utiliser les outils documentaires : le système de classement

Il n’était pas question, en effet, au niveau de la 6°, d’énoncer aux élèves tous les langages documentaires existants, ni même d’aborder la notion de thésaurus. Dans le cadre du projet, qui visait concrètement à réaliser des panneaux de signalisation et des étiquettes de signalétique, il était par contre nécessaire de présenter la notion de classification. J’ai donc réfléchi, comme nombre de mes collègues avant moi, à la meilleure façon d’entrer avec des 6° dans les systèmes de classement du CDI. Le fait d’aborder ces notions dans le cadre d’un projet concret facilitait, en partie, la tâche puisque je pouvais toujours recourir à des exemples concrets visant à resituer le classement par rapport aux besoins des élèves de retrouver un document. C’est le parti que j’avais pris puisque je souhaitais montrer le lien entre le livre, son emplacement physique dans les rayons et la notice qui permet de le retrouver. A ce stade des séances, toutefois, il n’était pas encore question de BCDI. L’enjeu était de montrer qu’il existe, au CDI, plusieurs logiques de classement et que ces logiques sont des constructions normatives. Il s’agissait alors, dans la logique de ce qui avait été fait avant, de partir des espaces du CDI que nous avions identifiés et de distinguer 3 grandes zones dans le CDI avec leur système propre de classement : la

8 Maury, Yolande, « La signalisation au CDI », Inter CDI, n°152, mars/avril 1998.

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fiction, les documentaires, les périodiques. Je préférais m’en tenir là et ne pas entrer dans les possibilités de classer différemment les autres types de document (audiovisuels, multimédias…). Cette 3° séance, conçue au départ, en trois phases, s’est avérée plus longue à mener que prévu. Après une phase d’observation des documents et de questionnement des représentations des élèves, j’intervenais de manière plus descriptive et théorique, pour terminer par des applications concrètes, sous forme d’exercices. Je pense que le contenu de la séance était trop ambitieux ou qu’il aurait fallut prendre plus de temps pour revenir sur certaines notions, manipuler plus longuement les documents et faire déplacer les élèves vers les rayons, de façon plus appuyée. En effet, après avoir établi un rappel des critiques qui avaient été faites, la fois précédente, sur la signalétique existante à l’aide d’une fiche de synthèse, je poursuivais la séance en abordant les différents types de classement à l’intérieur du CDI. Les élèves, regroupés par deux ou trois, devaient, dans un premier temps, observer les 4 ou 5 documents qui avaient été distribués. Je leur demandais de me dire oralement ce qu’ils observaient sur le dos du livre afin qu’ils repèrent la cote et, en comparant les ouvrages qu’ils se rendent compte des différences et du rapport entre la cote et le thème du livre. Je leur demandais, ensuite, comment, à leur avis, ils pourraient s’y prendre pour classer ces livres (par taille, par date, par thème…). La plupart du temps, ils répondaient par un classement thématique ou chronologique. Je souhaitais ensuite enrichir la séance par un apport théorique sur le classement tout en essayant de rester compréhensible. Partant d’un exemple de la vie courante (comment rangez-vous vos vêtement dans votre armoire ?), je tentais de faire le lien avec la bibliothèque en montrant que l’on a aussi besoin de ranger et donc de classer d’une certaine manière les ouvrages. Après avoir mentionné quelques références historiques sur la bibliothèque d’Alexandrie et son organisateur Callimaque9, qui sont généralement appréciées des élèves, on en vient à l’exposition des trois systèmes de classement utilisés au CDI. Différenciant le classement des documentaires, de la fiction et des périodiques, j’avais préparé des exercices d’application à intercaler entre chaque exposé pour faire des coupures avec les notions plus théoriques. Il fallait, pour chaque système de classement, définir un minimum de termes techniques comme classement, classification, cote, périodicité. Il était nécessaire également d’aborder dans ses grandes lignes le tableau de la classification Dewey que je leur avais distribué. Pour terminer la séance, j’avais préparé une fiche récapitulative concernant toutes ces notions. Je me suis rapidement rendue compte de la densité de mon programme mais je ne voyais pas vraiment comment il était possible d’aborder moins de choses, ni même d’une autre manière. En fait, lors des deux séances qui ont été nécessaires pour terminer le travail, j’ai constaté la forte hétérogénéité des groupes : sur les deux groupes que j’avais en charge, les résultats et les comportements différaient grandement. En évaluant les exercices, j‘ai relevé que, dans le premier groupe (qui était aussi le plus difficile, agité…) les notions transmises semblaient, dans l’ensemble, être passées, à l’exception de 2 ou 3 élèves sur la douzaine reçue au CDI. Le deuxième groupe fut moins réceptif et j’ai noté un plus grand nombre d’élèves en difficulté (au moins 4 ou 5 sur une douzaine). Ce groupe, en particulier, aurait mérité de consacrer plus

9 Le premier « bibliothécaire », à notre connaissance, qui ait décidé de diviser l’espace en rayons correspondant aux différents savoirs de l’époque (III° siècle avant JC).

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de temps à cette séance. Finalement, je pense qu’il aurait été plus judicieux de faire davantage manipuler les ouvrages par les élèves et qu’ils se déplacent eux-mêmes dans les rayons pour mieux faire le lien entre la cote sur le livre et la classe signalée sur l’étagère. Quoi qu’il en soit, il est sûr que cette séance a été celle qui m’a donné le plus de difficulté et qui a soulevé le plus d’interrogation sur le plan pédagogique. Elle est également celle qui m’a le plus apporté personnellement et sur un plan professionnel. Non seulement j’ai été amenée à réfléchir de façon plus concrète sur la transposition didactique, mais j’ai été aussi confrontée à la gestion de certains élèves difficiles. Ainsi, après une première période un peu hésitante, j’ai dû affirmer, plus fermement, les règles de travail et de comportement. J’ai même dû prendre des sanctions à l’encontre d’un élève particulièrement difficile. Du point de vue de la relation d’autorité, cette séance a joué pour moi un rôle libérateur car elle m’a permis de prendre mes marques face aux élèves et d’oser assumer une position personnelle. Je pense, en effet, que nous avons tendance, les premiers temps, à nous calquer sur notre tutrice puisque nous n’avons pas d’autre modèle. Il faut un certain temps, et la confrontation avec des situations limites, pour ajuster nos propres arguments et principes de régulation. Il se trouve que cette séance a aussi été l’objet de ma première visite des formateurs IUFM. Le bilan que nous avons été amené à poser, avec ma formatrice, a été pour moi très fructueux. Elle m’a fait prendre conscience de certains défauts d’organisation, comme le fait de préciser aux élèves s’il faut écrire ou pas, et surtout quelques règles de base en ce qui concerne l’utilisation du tableau (noter des phrases entières car les élèves recopient exactement comme c’est écrit !). Je fonctionnais, jusqu’à présent, avec des réflexes d’étudiante qui note de manière autonome un cours auquel elle assiste. Pour les élèves, il n’en est pas de même ! Je pense aussi qu’il est nécessaire d’apporter à la construction des séances un soin particulier au niveau du cadrage, de la structure et de poursuivre ce cadre structurant pendant la séance autant que faire ce peut. C’est, il me semble, un aspect pédagogique peu développé par les théoriciens de l’éducation mais qui s’avère, à mon avis, nécessaire pour favoriser le processus de structuration de la pensée des élèves eux-mêmes. Un cours bien structuré aide les élèves à se repérer et à acquérir des réflexes structurant pour eux-mêmes. A l’issue de ces séances, le projet s’acheminait vers sa réalisation matérielle. Nous avions convenu, avec le professeur d’Arts Plastiques, de commencer par la réalisation des panneaux de signalisation générale. Pour des raisons indépendantes de notre volonté, certaines séances n’avaient pu se dérouler selon le calendrier prévu au départ. Le temps passait et il nous fallait avancer. Nous avons donc essayé de simplifier au maximum la mise en œuvre des éléments de signalisation. Voyons maintenant ce qu’il en a été.

2.3 Les aléas de la mise en œuvre

Il n’est pas inutile de rappeler, tout d’abord, que lors de la séance de présentation du projet, les objectifs documentaires et pédagogiques ont été clairement formulés aux élèves. Il leur a été demandé de porter à chaque séance un cahier de méthodologie pour écrire et coller leurs documents. Il leur a été aussi précisé les modalités d’évaluation. La longueur du projet en terme de calendrier a été rapidement évoquée. Je pensais, au départ, qu’un ensemble d’une douzaine de séances nous occuperait jusqu’aux vacances de février, ce qui leur paraissait déjà énorme. Le professeur d’Arts Plastiques m’avait, certes, interpellé sur le fait que les projets ne

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se passent jamais tout à fait comme prévu sur le papier mais je ne m’étais pas vraiment rendue compte de la dimension conséquente d’un tel projet, lequel demande autant de préparation méthodologique que d’anticipation technique pour la réalisation concrète des éléments de signalisation. A ce sujet, il était prévu, concrètement, de réaliser trois types de signalisation. Comme le rappelle Bertrand Calenge (1999), la signalisation est un outil d’orientation. Elle vise essentiellement à fournir des points de repère aux utilisateurs. Elle a trois fonctions :

• La signalisation extérieure indique, par un fléchage, le parcours vers la bibliothèque. • La signalisation d’orientation générale permet de repérer les principaux espaces à

l’intérieur de la bibliothèque. • La signalisation documentaire (signalétique proprement dite) est une sorte de

topographie du savoir qui organise l’espace en fonction des contenus documentaires. En fait, ces différents niveaux correspondent à la hiérarchisation de l’information. Un niveau général doit donc être marqué par des panneaux indicateurs des grandes zones documentaires. Un niveau large indique (par des panneaux) au-dessus des rayonnages, les grandes classes de la Dewey. Enfin, un niveau moyen, voire encore plus fin, concerne les étiquettes apposées sur les étagères avec leur correspondance sur les ouvrages (la cote). Au CDI, pour des questions d’espace mais aussi de pédagogie, il ne pouvait être question de complexifier la codification. Au contraire, nous étions plutôt dans une logique de simplification, tout en respectant une normalisation minimum. Il ne pouvait donc être possible d’installer trop de panneaux car, comme le rappelle Yolande Maury (1998), une surabondance de signes nuit à la visibilité. Il fallait faire un choix dans les niveaux de hiérarchisation à retenir tout en partant du point de vue du visiteur et non simplement de la logique du documentaliste (Calenge, 1999). Nous avons finalement opté, avec l’accord de ma tutrice, pour garder deux niveaux :

• Une signalisation générale des grandes zones du CDI à l’aide de panneaux suspendus. Pour des raisons techniques, il n’était pas possible d’accrocher les panneaux aux murs. Le matériau choisi pour la réalisation des panneaux (des rectangles de polystyrène) permettait aux élèves de retravailler assez facilement les formes, notamment à la scie à bois. Ils devaient, à partir de modèles de lettres donnés, recopier ou graver sur le rectangle le mot choisi parmi les 8 grands thèmes retenus :

- DICTIONNAIRES / ENCYCLOPEDIES - DOSSIERS DOCUMENTAIRES - DOCUMENTAIRES (en 3 exemplaires) - ORIENTATION / ONISEP - FICTIONS - PERIODIQUES - PARASCOLAIRE - ACCUEIL

• Une signalisation moyenne pour indiquer, à l’aide d’étiquettes (réalisées en papier

puis collées sur du carton épais et éventuellement plastifiées), les grandes classes de la Dewey. Il a été décidé d’utiliser, si possible, le code couleur en vigueur dans les écoles avec la marguerite. L’utilisation du code couleur permettait de faire le lien, pour les nouveaux arrivants au collège, entre le CDI et la BCD de l’école mais

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présentait, en même temps, une contrainte supplémentaire pour la gestion des documents puisqu’il impliquait, désormais, de coter les ouvrages avec des bandes de couleur. Pour éviter un surcroît de travail et une dépense supplémentaire pour le CDI, j’ai pensé que l’on pouvait peut-être se contenter d’apposer des pastilles de couleur sur les ouvrages pour chaque grande classe. Cela dit, même les seules étiquettes signalétiques réalisées avec la couleur, seraient un moyen supplémentaire de structurer l’espace et de rendre plus visible l’information.

La mise en place d’un fléchage, pour indiquer le parcours vers le CDI, a été finalement abandonnée par manque de temps. A titre indicatif, Yolande Maury (1998) rappelle qu’il peut être pertinent de spécifier également :

- Les outils à l’intérieur de chaque espace (système de classement, modalités de l’auto documentation)

- Les usages à respecter (règlement, modalités de prêt ou de consultation) - Les modes d’emploi (Internet, BCDI…)

Ces éléments n’ont pas été retenus dans le cadre de mon projet car cela demandait trop de travail avec les élèves. Il n’aurait pas été possible de tout réaliser en une année scolaire. Peut-être que ces éléments pourront être ajoutés par la suite. Enfin, comme l’affirme B. Calenge (1999), la ligne graphique de la signalisation influe sur l’image du CDI et son identité. En ce qui concerne ce projet, il était possible de faire trouver aux élèves des pictogrammes ou des dessins correspondants aux classes Dewey afin d’illustrer et de rendre plus vivants les panneaux de signalisation. L’objectif du professeur d’Arts Plastiques était aussi de donner à ses élèves un espace d’expression et de créativité. Le problème s’est posé de permettre ou non aux élèves de choisir des formes très particulières comme la forme du tag, par exemple. Cette graphie n’a pas été retenue car elle est peu lisible. Elle renvoie aussi à une image sociale qu’il n’est pas évident d’installer au sein de l’établissement. Dans la mise en œuvre technique, il a donc fallu concilier la logique normalisante du code signalétique avec l’aspect créatif des productions des élèves. Fallait-il leur demander de reproduire simplement les modèles de graphie donnés ou pouvaient-ils faire preuve d’inventivité et dans quelle mesure ? Le professeur tendait nettement vers la deuxième solution mais j’étais obligée de recadrer les élans dans le sens d’une lisibilité minimum pour des raisons techniques. En fait, très peu d’élèves se sont contentés de recopier simplement les modèles graphiques. Ils ont tous faits preuve d’un minimum d’imagination, y compris les élèves qui se montraient au début les plus timides. En voyant les autres s’exercer à manier la scie à bois ou se réapproprier la graphie de départ vers leur propre expression, ces élèves se sont aussi lancés dans des inventions plus personnelles. C’était d’ailleurs très intéressant de voir certains des élèves difficiles de cette classe s’investir avec plaisir dans cette réalisation. Ce fut pour moi une réelle satisfaction de les voir s’appliquer ainsi à leur travail ! Cet aspect de créativité et d’expression personnelle, artistiquement épanouissant pour les élèves, posait toutefois le problème, pour la documentaliste que je suis, de l’homogénéité des

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panneaux réalisés ! Qu’est-ce que cela allait donner dans le CDI ? A la question, digne d’un sujet de Capes, « faut-il favoriser l’ordre ou l’entropie ? », j’aurais été bien en peine de donner une réponse définitive, vu la joie des élèves à apporter une marque plus personnelle ! L’espace CDI est certes un espace à structurer, un espace qu’il faut rendre signifiant. Comme l’indique Y. Maury (1998), c’est « le premier acte pédagogique du documentaliste » et cette organisation de l’espace est réussie si, grâce à elle, « les parcours des élèves prennent du sens et si ces derniers acquièrent les moyens de leur autonomie ». Et si cette appropriation, par les élèves, du CDI et de ses normes passait aussi par l’intégration d’une certaine forme d’entropie, de créativité, de joie à manipuler ? C’est la question que m’a posé, finalement, la mise en œuvre de ce projet et à laquelle je voudrais maintenant tenter d’apporter quelques éléments de réflexion, à partir de l’évaluation des différents éléments de ce projet de signalisation.

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3 UN PROJET POUR FAVORISER L’APPRENTISSAGE DE

L’AUTONOMIE ?

Après avoir exposé, dans la partie précédente, les différentes actions menées auprès des élèves, il est maintenant possible d’évaluer la pertinence du projet dans ses différents axes et de tenter, pour finir, un retour réflexif sur la question de l’autonomie au CDI.

3.1 La pertinence du projet mené

Si l’on en croit Dan Sperber (1990), il faut, pour qu’un projet soit pertinent, qu’il y ait des « effets contextuels »10, ceux-ci faisant aussi bien appel à la notion de prospective, c’est-à-dire d’évaluation concrète des effets, qu’à celle de sélection de l’information adéquate. Or, il me semble que ces effets contextuels ne peuvent être saisis que par rapport à des objectifs qui s’inscrivent dans une démarche pédagogique donnée. Ainsi, le point de vue que j’ai adopté pour construire ma démarche s’inscrit dans une pédagogie de projets, pédagogie qui, à mon sens, était à la fois en accord avec la politique d’établissement et adéquate aux objectifs d’autonomisation des élèves ambitionnés par ce projet. Rappelons, comme l’indique Marcel Lebrun dans son ouvrage « Des technologies pour enseigner et apprendre »11, que la pédagogie de projets trouve son origine, au début du siècle, dans l’éducation nouvelle (Freinet, Claparède) qui proposait une alternative à la pédagogie transmissive où l’élève est passif et écoute le maître. Dans la pédagogie par le projet, l’objectif est l’acquisition de savoirs, savoir-faire … et son objectivation est la réalisation de quelque chose (de nouvelles connaissances, un objet technique, une production personnelle). L’enseignement vise ici à donner à l'élève les connaissances, les compétences nécessaires à la réalisation d’un projet. Il s’agit d’une pédagogie soucieuse à la fois des produits de l’apprentissage et de la réflexion sur les démarches qui ont été entreprises afin de les faire évoluer. Ceci étant posé, il me paraît important de mener maintenant un bilan du projet qui porte, à la fois, sur la démarche globale du projet et sur ses aboutissements (apprentissages des élèves, production matérielle). Ainsi, concernant ce projet de signalisation mené au CDI cette année, l’évaluation me semble pouvoir s’établir à trois niveaux : le travail construit en équipe avec l’enseignant, le bénéfice éventuel apporté au lieu « CDI » et les apprentissages documentaires des élèves à l’issue du projet. Dans tous les cas, l’objectif essentiel visait à favoriser les démarches d’autonomie des élèves, c’est-à-dire la possibilité, pour un élève, de « déterminer librement les règles auxquelles il se soumet » (Le nouveau petit Robert, 2003). La pertinence du projet sera donc évaluée en fonction de l’adéquation entre accès aux ressources et autonomie. Distinguons, maintenant, ces trois niveaux de façon plus précise.

10 Dan Sperber et Deirdre Wilson, La pertinence. Communication et cognition, Paris, Editions de Minuit, 1990. 11 Marcel Lebrun, Des techniques pour enseigner et apprendre, Bruxelles : De Boeck Universités, « Perspectives en éducation, 1999.

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3.1.1 De l’opportunité d’un projet mené en équipe Afin de favoriser l’apprentissage des élèves, le collège valorise, en effet, le travail en équipe et s’engage résolument dans une pédagogie de projets. Le dernier projet d’établissement (2002/2003) affirmait, ainsi, que « la pédagogie de projets garde pour l’ensemble de l’équipe éducative autant d’attrait que de valeur ». Dans cette perspective, le CDI mène, depuis plusieurs années, des actions pédagogiques avec les enseignants, même si celles-ci concernent certains enseignants plus que d’autres. Des professeurs de lettres, d’histoire et d’Arts Plastiques se sont donc montrés réceptifs, dès le début de l’année, aux projets qui pouvaient se faire avec le CDI. C’est ce qui explique, à mon sens, le fait que je n’ai pas eu beaucoup de mal à trouver un enseignant disposé à travailler avec moi. Dans ce contexte, et en raison de précédents projets menés avec le professeur d’Arts Plastiques au CDI, sur la calligraphie et la signalétique, l’idée s’est imposée de proposer mon projet à cet enseignant. Le fait de travailler en équipe impliquait, cependant, une organisation des rôles et une distribution du travail. Etant donné que le projet venait du CDI et touchait de près à son organisation, il me revenait d’en mettre en place les éléments concrets. J’ai donc soumis un projet écrit au professeur d’Arts Plastiques, après discussion avec lui sur nos objectifs, nos moyens et notre démarche générale. Je lui ai également proposé un planning des séances prévues. Une fois d’accord sur les modalités du projet, nous nous sommes lancés. Je dois reconnaître que si l’enseignant s’est montré très coopératif et disponible pour un conseil ou un avis pertinent, le fait de construire le projet moi-même m’a beaucoup apporté en terme de formation. Je peux dire aussi que si il n’y a pas eu de conflit à gérer c’est peut-être aussi que nos compétences étaient, dès le départ, bien distinguées : je m’occupais de l’aspect strictement documentaire (gestion et pédagogie) tandis qu’il prenait en charge la réalisation technique des panneaux et étiquettes. La collaboration était donc vraiment complémentaire. Ce fut, par ailleurs, une expérience enrichissante, à mon sens, de pouvoir mener ce projet en équipe avec un enseignant d’Arts Plastiques. Habituellement, ce genre de projet concernant la réalisation d’une signalisation demande un certain savoir faire technique qui est plutôt attribué à des enseignants de technologie. On associe aussi, généralement, un tel projet à des classes plus avancées dans le parcours scolaire car il demande aux élèves une plus grande habileté technique. En fait, avec le recul, je peux dire que faire ce projet avec des 6° comportait deux difficultés. Il était nécessaire de pouvoir évaluer, d’une part, les besoins techniques du projet tout en tenant compte des possibilités matérielles offertes par le collège et, d’autre part, de s’assurer de la capacité des élèves à s’impliquer dans un travail de longue haleine. Le point de vue de l’enseignant avec qui j’ai travaillé m’a été indispensable pour évaluer ce qu’il était possible de faire. Connaissant bien les classes, l’enseignant estimait qu’il fallait capter l’attention des élèves avec des activités diversifiées et valorisantes pour eux. C’est ici que l’aspect créatif entre en ligne de compte. Le résultat, au niveau de la production des panneaux de signalisation générale, s’est avéré plutôt satisfaisant. Certes, la signalisation obtenue peut pécher, du point de vue documentaire, par manque d’homogénéité dans la graphie mais, si l’on s’en tient à l’objectif principal qui était d’initier les élèves au CDI, tout en les motivant et en les impliquant dans le projet, nous

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pouvons nous estimer satisfaits car c’est sans doute dans cette dimension créative du projet que les élèves se sont le plus investis. Sur le plan matériel, l’enseignant d’Arts Plastiques était mieux à même de me guider sur la possibilité d’utiliser tel ou tel matériau avec les élèves. Je n’aurai pas pu mettre en place toute seule un tel projet sans une aide technique appropriée. Les résultats du projet, de ce point de vue, ne sont pas tels que je les imaginais, au départ, dans la mesure où j’avais moins de recul pour juger de ce que les élèves étaient capables de faire. J’avais conçu le projet à partir de mes propres catégories sans tenir compte du fait que ce sont les élèves qui feraient les panneaux. Je ne réalisais pas vraiment que ce « faire » impliquait de prévoir une marge dans laquelle les élèves pourraient s’exprimer librement tout en respectant un minimum de règles nécessaires à la visibilité du projet. C’est seulement en cours de réalisation que je m’en suis rendue compte. Finalement, cela m’a paru une bonne chose de voir que les élèves s’étaient réappropriés les éléments graphiques en les investissant de leur propre créativité. Au CDI, avec cette classe de 6°, le but n’était pas de créer la signalisation la plus parfaite, mais bien de faire que les élèves puissent se l’approprier. Cette dimension du projet a donc été, je pense, un espace d’autodétermination favorable à la prise d’autonomie des élèves. En ce qui concerne les étiquettes signalant les principales classes sur les étagères, j’ai souhaité rétablir l’équilibre en les obligeant, un peu plus, à suivre les normes imposées. Ils se sont donc contentés de réaliser des collages à partir de papier et de carton en respectant le code couleur que j’avais indiqué, pour chaque classe de la Dewey12. Cet aspect étant encore en cours de réalisation, je ne peux malheureusement pas donner d’indications supplémentaires sur sa réalisation finale. Un dernier élément me paraît important à noter en ce qui concerne l’évaluation du projet en lui-même. En effet, le fait de proposer ce projet en relation avec les séances de méthodologie fut, à mon sens, un élément favorable car il s’inscrivait, pour les élèves, dans un cadre déjà connu et structurant. Les élèves savaient, depuis le début de l’année, qu’ils auraient des séances de méthodologie prévues au CDI et ils ont donc pu relier, sans trop de problème, le travail demandé au CDI sur la signalisation avec ces séances de méthodologie. Je pense, d’ailleurs, qu’ils ne faisaient pas vraiment la différence entre les deux. Les objectifs étant les mêmes, le projet signalisation pouvait vraiment s’appuyer sur la structure existante des séances de méthodologie. Ce fut, pour moi, d’une aide précieuse dans la préparation de mes séances car je me suis inspirée de séances déjà testées par ma tutrice, ainsi que de séances proposées par le biais de sites Internet concernant la pédagogie documentaire comme, par exemple, « Savoir CDI » ou « Point Doc »13 . Dans un autre de ses aspects, le projet visait également à valoriser le CDI. Voyons comment cela s’est engagé.

3.1.2 La valorisation du CDI

12 Code couleur conforme au système de la « marguerite » utilisé dans les BCD. 13 Consulter la bibliographie.

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D’une manière générale, la mission du CDI est de créer des conditions d’exploitation pédagogique. En ce qui concerne l’apprentissage du lieu CDI, on peut souligner, plus particulièrement, deux directions importantes à donner à cette mission :

- Donner accès (donner la possibilité matérielle d’accéder aux documents et outils de recherche documentaire).

- Faciliter l’accès (former à la maîtrise intellectuelle de la recherche d’information en initiant, par exemple, au système de classement ou à la manipulation des outils documentaires…).

Un tel projet était donc, d’abord, une opportunité d’améliorer l’image du CDI à l’extérieur et, en ce sens, de contribuer à mettre en place une nouvelle identité du lieu, fondée sur son ouverture à la production des élèves. Il me semblait que cela pouvait être valorisant pour l’image du CDI et en conformité avec ses missions pédagogiques et techniques. En effet, un travail sur la signalisation permettait, non seulement d’améliorer la visibilité des documents, et donc de valoriser l’espace en le rendant plus accessible, mais aussi de permettre aux élèves d’investir plus facilement ce lieu dans la mesure où ils en auraient réalisé eux-mêmes les repères visuels. Pour paraphraser Marie Monthus (1997), ils ont appris le CDI en l’utilisant. Ce faisant, ils ont contribué à la valorisation du lieu au profit de toute la communauté éducative, comme il leur avait été d’ailleurs dit au début du projet. Ce fut, par là même, une valorisation de leur propre travail. Lors des séances de réalisation en classe, j’ai suivi leur progression et constaté, par exemple, qu’ils étaient fiers de me montrer leur travail. Ils s’impliquaient réellement en me sollicitant sans arrêt pour savoir si telle idée convenait, si ce serait lisible, si on pouvait introduire tel dessin, etc.… Je pense qu’en définitive ce travail les a, personnellement, valorisé. Du point de vue de l’usage du lieu, ensuite, il était important de donner à ce projet les moyens de participer à la formation documentaire des élèves. En ce sens, la signalisation participe d’une organisation matérielle cohérente des fonds documentaires. Elle contribue, par là même, à une meilleure efficacité de la recherche documentaire. L’accès direct aux rayonnages reste, pour beaucoup d’élèves, le seul moyen utilisé pour se procurer l’information. Il était important, également, de maîtriser les bases des techniques de cotation pour leur rendre le fonds le plus accessible possible. Le travail sur la signalisation permettait, ainsi, une approche globale des problèmes d’organisation de l’espace au CDI.

En terme de gestion documentaire, donc du point de vue du documentaliste, la cotation doit être cohérente et doit pouvoir évoluer et s’adapter à la fluctuation du fonds. De même, il faut concevoir une signalisation efficace des rayonnages en indiquant l’indice et sa traduction en clair, ainsi qu’en mettant à disposition le tableau de classification en usage au CDI. Pour améliorer encore la visibilité de la classification, j’ai d’ailleurs proposé de reprendre les couleurs de la marguerite pour faire un lien avec la BCD des écoles primaires. Par contre, il n’était pas possible d’imaginer faire une refonte totale, ni même partielle, du système de cotation. Ce dernier avait été mis en place par une précédente remplaçante de ma tutrice, très portée sur les techniques documentaires, et qui avait tendance à produire des cotes très spécialisées mais peu accessibles pour les élèves. Comme le souligne M. Monthus (1997), « le documentaliste met la technique au service de la pédagogie ». Le parti pris de ce projet était donc surtout d’impliquer les élèves dans une meilleure appréhension du lieu CDI. Il ne visait pas l’excellence technique. Au contraire, le point de vue que j’ai adopté est celui des usagers, donc des élèves. En ce sens, un CDI de

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collège ne relève pas de la même logique qu’une BU. Dans un collège, où l’on ne dispose pas nécessairement d’un fonds très spécialisé, il est tentant de simplifier la cote afin de faciliter l’accès des élèves aux documents. Toutefois, cette pratique ne favorise pas toujours le vagabondage autour d’un thème, ce que M. Monthus appelle « les trouvailles de proximité », puisque toutes les cotes d’une classe sont au même degré de spécificité. Au CDI, avec ma tutrice, nous avons pris le parti de simplifier les cotes mais l’essentiel est de garder à l’esprit qu’une cote n’est pas figée, qu’elle doit pouvoir évoluer avec le fonds. Ainsi, si le fonds est plus fourni pour une classe donnée, il peut être pédagogiquement utile de spécifier davantage la cote des ouvrages. Il est également important que la formation des élèves passe par des manipulations et des approches concrètes (utilisation de l’espace, choix d’une cote…). Ici les objectifs pédagogiques sont essentiels à préciser car il ne s’agit pas de tout dire mais de transmettre un apprentissage de la recherche. Si le langage documentaire n’est qu’un moyen, mis à la disposition des élèves pour aller vers le savoir et pour acquérir des démarches intellectuelles, il doit rester tout de même un instrument cohérent et efficace, c’est-à-dire formateur et structurant. C’est pourquoi, il était nécessaire de construire ce projet de signalisation en rapport avec des apprentissages documentaires sur lesquels je me propose de revenir, maintenant, plus en détail.

3.1.3 Des apprentissages pour favoriser l’autonomie J’ai pris le parti d’inscrire ma démarche dans une pédagogie active qui me paraît, au CDI encore plus qu’ailleurs, tout à fait indispensable. En effet, comme l’indique M. Monthus (1997), le documentaliste a une manière bien spécifique de former car « apprendre à utiliser le CDI, ce n’est pas seulement apprendre quelques techniques – voici où sont les objets, voilà comment les atteindre – c’est initier, pour que l’utilisateur apprenne en utilisant le CDI ». Autrement dit, le documentaliste forme par l’utilisation même des objets documentaires. Pour M. Monthus, « apprendre à utiliser le CDI n’a de sens que si c’est un moyen d’apprendre en l’utilisant ». C’est dans cette optique que j’ai essayé de construire mes séances pédagogiques, autour de trois axes :

- l’orientation dans les espaces du CDI et l’identification de ces espaces - l’identification des différents types de documents et leur spatialisation - l’initiation aux systèmes de classement du CDI

Or, les apprentissages documentaires des élèves doivent être conçu selon une progression qui, en ce qui concerne l’enseignement secondaire, va de la 6° à la Terminale. On ne peut prétendre aborder avec les élèves de chaque palier scolaire, tous les éléments d’un savoir informationnel complet. Il faut nécessairement se donner des objectifs limités en fonction des possibilités de chaque âge. De ce point de vue, ce qui m’a posé le plus de problème a été de transmettre des notions abstraites à des élèves qui ont encore besoin, en 6°, d’enraciner leurs apprentissages dans des manipulations concrètes. On peut, certes, déborder d’imagination pour inventer des applications concrètes à des concepts, il n’en reste pas moins qu’il faut bien, à un moment donné, aborder le concept en tant que tel. Je me suis aperçue, en ce sens, que les élèves étaient, par exemple, capables de comprendre tel principe de classement ou tel code. Ce qu’ils ont plus de mal à comprendre,

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c’est la notion de code comme telle ; ce niveau là d’abstraction restant encore pour eux difficile d’accès. En ce qui concerne l’orientation dans l’espace CDI, il fallait tenir compte des parcours des élèves et de leurs besoins. Orienter, c’est donner des points de repère dans un univers inconnu ou mal connu. Comme le souligne B. Calenge (1999), « c’est le cheminement qui est important ». S’approprier un espace, c’est être capable de se tracer ses propres itinéraires mais en se trompant et en pouvant revenir en arrière, éventuellement. On doit pouvoir mémoriser des repères. En ce sens, l’utilisation de pictogrammes ou de signaux mnémotechniques favorise cette mémorisation. Travaillant sur les panneaux de signalisation, les élèves ont demandé d’eux-mêmes à intégrer des dessins illustrant le mot reproduit. Par exemple, sur le panneau DICTIONNAIRES, ils ont dessiné des gros livres ouverts. Il aurait été sans doute fructueux de développer encore plus cet aspect mais le temps m’a manqué pour le faire. Par ailleurs, j’ai pu observer que lors de la séance de présentation du CDI, les élèves se sont assez facilement orientés dans l’espace. Ils ont, pour la plupart, bien repéré les principales zones du CDI et leur nom. Ce qu’ils ont moins bien compris, me semble-t-il, c’est l’usage que l’on peut faire d’une zone donnée, sa fonction propre ainsi que le rapport qui existe entre les différentes zones. Par exemple : A quoi sert la zone ONISEP ? Quelle différence y a-t-il entre FICTION et DOCUMENTAIRE ? Quelle est la spécificité des PERIODIQUES ? En fait, certaines zones sont peu connues parce que peu utilisées. Les espaces du CDI sont donc aussi à mettre en valeur en fonction de leurs usages et pas simplement pour les rendre visibles de loin. Avec le recul, je pense qu’il aurait fallu concevoir des séances pédagogiques davantage axées sur la mise en valeur du sens et de la fonction de chaque zone de manière concrète pour les élèves, en partant par exemple de leurs besoins scolaires. Il est nécessaire de rendre visible aussi les contenus des documents, c’est-à-dire privilégier une logique informationnelle et pas seulement s’en tenir au document physique. En mettant ces espaces physiques en relation avec des contenus, il est probable que les apprentissages des élèves gagneraient en signification. J’ai pu repérer, en outre, des difficultés au niveau de l’accès au langage documentaire qu’est la classification. En évaluant les exercices donnés au cours de la séance sur « la classification et la cotation », je me suis rendue compte qu’un certain nombre d’élèves n’avait pas assimilé les distinctions entre les trois systèmes de classement, ni les logiques qui sous-tendent ces classements. Comme je l’ai déjà indiqué, la séance était trop riche pour être abordée en une ou deux heures. Il aurait fallu se fixer des objectifs plus modestes ou se donner plus de temps pour revenir avec les élèves sur certaines notions, les impliquer davantage dans la manipulation des ouvrages et les faire se déplacer dans les rayonnages de façon plus pertinente. Quoi qu’il en soit, on peut en déduire, avec Calenge (1999), que les utilisateurs d’une bibliothèque ne font pas toujours « la relation entre l’intitulé et l’indice, entre le contenu des livres et la codification ». Ils se déplacent dans les rayons selon une logique cartographique. Ils lisent les indices comme un plan de Paris ! Il n’est donc pas toujours pertinent d’affiner les cotes des ouvrages. Les critiques que l’on peut faire des classifications relèvent, finalement, moins de leur nature intrinsèque que de l’usage que l’on en fait.

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Ainsi, pour Calenge, « à trop confondre dans l’aménagement des espaces la cotation utilisée pour le classement et l’indexation utilisée dans les catalogues pour une recherche, on transforme l’espace de libre accès en un vaste catalogue ordonné par référence aux sujets précis des documents engrangés, au lieu de prendre la référence de leurs divers publics butinant avec des besoins et comportements différents ». Il en résulte que l’espace de la bibliothèque doit être conçu en fonction des usages des publics, de leurs démarches qui favorisent, d’ailleurs, souvent le furetage. Ainsi, quand je faisais l’observation que les élèves utilisaient très peu le catalogue du CDI pour chercher un document ou qu’ils ne s’orientaient pas en fonction de la signalétique, je réagissais en professionnelle du livre qui se soucie plus de bibliothéconomie que des démarches d’usagers ! Pourquoi demander à des élèves, très jeunes qui plus est, de rentrer dans un système que les adultes usagers de bibliothèque ne maîtrisent eux-mêmes pas beaucoup mieux ? La démarche du butinage, du furetage paraît finalement presque suspecte quand elle concerne un public scolaire sensé être là pour apprendre et intégrer les normes du savoir et de la société. Il ressort de tout cela que le classement ne peut être simplement l’application d’une classification. La traduction du contenu d’un document dans un indice de classification est une opération technique qui concerne surtout le professionnel qui traite le document. Cette démarche n’est pas nécessairement reproductible au classement physique des documents qui concerne avant tout les usagers et leurs besoins. C’est d’ailleurs dans cette optique que les CDI de collège choisissent, généralement, de séparer la fiction des autres œuvres portant sur la classe 800, c’est-à-dire « littérature ». Ces choix de simplification procèdent de la volonté de prendre en compte les besoins des usagers. Cependant, il faut se demander dans quelle mesure la classification peut, également, être porteuse d’une codification formatrice parce que structurante pour les élèves ? Qui plus est, la normalisation est un outil de gestion et de communication. Dans un CDI, l’ordre, la norme, la gestion servent à localiser un document pour y accéder ainsi qu’à répertorier des contenus intellectuels pour les retrouver plus facilement. En tant que lieu de formation, le CDI peut être l’occasion de développer, par la manipulation des outils documentaires, le langage et l’abstraction. Initier consiste alors, non seulement à donner le mode d’emploi des objets, mais aussi à développer des ressources mentales. C’est précisément cette problématique du rapport entre ordre et entropie qui est au cœur de la logique documentaire du CDI et sur laquelle je voudrais, pour finir, porter un regard à partir de mon expérience de cette année.

3.2 Entropie et logique de classement au CDI

Il n’est pas inutile, pour mieux comprendre l’enjeu d’une telle problématique, de revenir sur cette question du classement, au sens philosophique que j’avais évoqué au début de ce mémoire. Ce détour permettra, à mon sens, de mieux cerner en quoi l’ordre, autrement dit la logique de classement, peut favoriser ou non l’autonomie.

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3.2.1 Classer, c’est penser Lorsqu’on s’interroge sur la notion de classement, deux questions se posent : A quoi sert de classer les choses ? D’où vient l’aptitude à classer ? La philosophie antique, et Aristote à travers elle, proposait déjà une théorie des catégories fondée sur une conception de l’ordre du monde comme reflet de la réalité divine. Cette conception réaliste s’opposera, au Moyen Age, à la conception nominaliste notamment défendue par Pierre Abélard, selon laquelle les catégories sont des schémas mentaux qui servent à décrire le monde, à nommer les choses. Sans ces catégories notre expérience du monde serait totalement désordonnée. Les catégories mentales imposent donc un ordre à la réalité qui est ainsi rendue moins complexe et plus compréhensible. A partir de Kant, cependant, la question n’est plus de savoir si les catégories sont un reflet, ou non, du réel mais de savoir comment ces catégories se forment dans le psychisme humain. C’est cette même question que posent les sciences cognitives actuelles dans des termes nouveaux : Comment se structurent les catégories mentales, à partir de quel moment un enfant découpe le monde en unités de sens ? La capacité de classement intervient très tôt chez l’humain, contrairement aux affirmations de Piaget pour qui cette capacité n’apparaissait que vers 3 ou 4 ans pour ne devenir opératoire que vers 7 ou 8 ans. Des études récentes ont montré que le nourrisson de quelques mois organise déjà ses images mentales. La capacité à catégoriser intervient donc très tôt dans le processus d’évolution de l’homme mais se complexifie progressivement. Des élèves de 6° n’ont donc pas la même capacité d’abstraction que des élèves plus âgés mais il est, cependant, bénéfique d’entraîner leur capacité à catégoriser le plus tôt possible. En fait, selon Georges Vignaux (1999), la catégorisation est le propre de la pensée car elle est nécessaire pour comprendre et pour agir. La catégorie est un réducteur de complexité et d’incertitude. Pour agir, il faut connaître son environnement et si on ne peut tout connaître, on peut, par le recours aux catégories, réduire une chose inconnue à son type général. Le paradoxe c’est que si les catégories mentales permettent de penser le monde en créant des objets stables, la nature ne se laisse jamais réduire à des catégories qui seraient fixées une bonne fois pour toute. On ne peut enfermer les choses dans des classements définitifs ou des étiquettes uniformes. Comme le rappelle G. Perec (1985), il peut être « tentant de vouloir distribuer le monde selon un code unique » mais, en fait, « ça ne marche pas, ça n’a même jamais commencé à marcher, ça ne marchera jamais ». Il est donc nécessaire, de ce point de vue et dans un objectif d’autonomisation, de montrer aux élèves que les systèmes de classement sont des constructions conventionnelles élaborées à partir d’un critère particulier. La philosophie définit le classement ou « taxinomie » comme l’étude des principes, des règles d’une classification. La classification se présente donc comme l’action de distribuer des éléments en catégories, d’organiser ces éléments selon un ordre. Classer c’est attribuer une place à une chose à l’intérieur d’une série ordonnée. Il existe plusieurs systèmes classificatoires possibles en fonction d’un critère adopté, en rapport avec un objectif. A partir du choix d’un critère de classification, on peut alors créer des catégories sous lesquelles seront rangées les choses. Le principe d’une classification décimale est un principe d’organisation du savoir selon une structure hiérarchique, allant du général vers le particulier. Il correspond à une conception compartimentée du savoir, tel qu’il s’est construit dans notre société selon les principes de la science positive, à partir du XVIII° siècle et surtout au XIX°. Il existe, cependant, d’autres systèmes de classification comme, par exemple, la classification à facettes mise au point par

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le bibliothécaire indien S.R. Ranganathan. Cette dernière est fondée sur l’analyse du contenu et sur la notion de facettes afin de pouvoir traiter un sujet sous différents aspects. C’est ici une conception transversale ou transdisciplinaire du savoir qui est retenue. Or, le monde éducatif est organisé selon un héritage disciplinaire qui reproduit cette organisation fragmentée et hiérarchique du savoir. Depuis les années 2000, une volonté de rupture avec ce découpage en disciplines a vu le jour sous l’impulsion des théories de la complexité, notamment sous l’égide d’Edgar Morin. La mise en place d’une démarche transdisciplinaire dans les apprentissages a ainsi été valorisée par le biais de nouveaux dispositifs comme les TPE en lycée et les IDD en collège. Si le CDI prend, souvent, une part active dans ces dispositifs, il peut aussi, à mon sens, favoriser un décloisonnement des savoirs par la démarche même qui est mise en place dans les procédures documentaires. Interpeller les élèves sur l’existence de ces langages documentaires que sont les classifications, les initier au mode d’organisation d’une classification et leur montrer qu’il existe différents types de classifications, tout ceci contribue réellement à éveiller les interrogations et à susciter un esprit critique. On peut, en outre, mettre en évidence le fait que l’évolution même des outils documentaires, grâce aux technologies numériques, interroge la pertinence des anciennes procédures des langages documentaires normalisés. L’interrogation en langage naturel sur Internet, notamment, a bousculé l’usage du thésaurus ou des interrogations en « mode expert ». En fait, si Internet simplifie beaucoup l’interrogation et rend possible de nouvelles manières de procéder (recherche plein texte, navigation hypertextuelle…), les spécialistes s’accordent plutôt, aujourd’hui, pour dire que les deux modalités de fonctionnement sont complémentaires. Il est ainsi parfois utile de procéder à des interrogations plus fines ou spécialisées qui nécessitent des outils documentaires plus complexes. Quoi qu’il en soit, ce qui est important pour les élèves est de percevoir la limite des systèmes proposés. Il faut que les élèves sachent, à un moment donné de leur scolarité, rompre avec la croyance en un caractère absolu et immuable de la logique classificatoire utilisée. Cela dit, il ne peut être question, à mon avis, de remettre en cause ces systèmes arbitraires au niveau du collège, encore moins de la 6°. Les élèves ont, au contraire, besoin de se construire des repères cohérents à un moment où ils sont confrontés à un nouvel environnement et à de nouvelles méthodes d’apprentissage. Le rôle structurant du CDI semble ici prépondérant. Cependant, il me semble qu’il est important de ne pas vouloir enfermer les élèves dans une logique trop formelle que nous pouvons avoir tendance, en tant que professionnel, à véhiculer. Comme je l’ai dit plus haut, le regard que l’on porte sur la classification est celui d’un documentaliste qui gère un fonds et traite des documents. Il faut savoir se mettre à la place de l’élève et susciter son intérêt, à partir des usages qui sont les siens. Comme le rappelle Georges Vignaux, dans « le démon du classement » (1999), il peut être dangereux d’enfermer les choses de façon exclusive dans des catégories qui peuvent finir par devenir discriminantes. C’est pourquoi, il n’était pas anodin de montrer qu’il y a, au CDI, plusieurs logiques de classement. Il aurait été intéressant aussi d’élaborer avec les élèves eux-mêmes un plan de classement pour les cdroms. Malheureusement, je n’ai pas eu le temps de traiter avec eux cet aspect qui renvoyait aussi à la nature des supports documentaires. Finalement, s’il est nécessaire de former les élèves, du moins au niveau de la 6°, à partir d’un cadre structurant, il ne faut pas perdre de vue l’usage que les élèves font du CDI. C’est là, précisément que réside, me semble-t-il, l’importance d’une formation des élèves et d’un

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apprentissage de l’autonomie car seul celui qui interroge peut vraiment savoir ce qu’il veut ! Encore faut-il pouvoir le formuler. En ce sens, s’initier au mode de classement et d’organisation du savoir, c’est-à-dire de la pensée, c’est un acte de formation au langage. La familiarisation avec un système structuré comme le CDI est alors un moyen efficace et cohérent de développer son langage et sa pensée. Or, maîtriser le langage, c’est être capable de construire son propre monde et d’être, par là même, plus autonome. Dans la mesure où l’effet structurant du CDI facilite l’accès au langage, ne peut-on pas dire que cette logique d’ordre favorise l’autonomie des élèves ?

3.2.2 Ordonner pour être autonome Il me semble, en effet, que le développement de l’autonomie, au CDI, passe nécessairement par l’apprentissage de règles de langage, des structures de pensée et d’organisation du savoir et de ses supports, c’est-à-dire autant d’éléments que permet d’aborder la formation au mode de fonctionnement d’une bibliothèque ou d’un CDI. Comme l’indique B. Calenge (1999), il faut faire entrer l’élève dans le « système bibliothèque ». Or, c’est bien ce caractère prescripteur de la bibliothèque qui permet aux usagers de se retrouver dans cette masse documentaire qu’est l’univers complexe de la bibliothèque. En ce sens, « la pédagogie de la bibliothèque est une pédagogie de l’autonomie » et les bibliothécaires savent bien que si l’on dicte des choix, si l’on impose un ordre, c’est pour ensuite être plus autonome. Autrement dit l’autorité14, l’ordre et la structure favorisent l’apprentissage de l’autonomie en donnant une base, un cadre. Cette limite structurante fournit des repères qui pourront, par la suite, être dépassés. Le problème consiste, cependant, à s’enfermer sans recul dans ces cadres et ces catégories pré-coordonnées. Il peut être dangereux de codifier, de catégoriser et de hiérarchiser à outrance car alors on bascule dans une forme d’exclusion. Si je distingue, par exemple, mon fonds de fiction jusqu’à séparer par genres littéraires (policier, science-fiction, fantastique, récit…), je peux favoriser, chez certains élèves, une tendance à se limiter à un genre particulier en fonction des goûts. Ce projet m’a donc permis de réaliser qu’au CDI, on navigue, de façon permanente, entre prescription et liberté en essayant de trouver un équilibre. Il me semble, toutefois, que dans ce monde extrêmement codifié et normalisé de la bibliothèque, la balance penche (trop) nettement du côté de la prescription. Les acquisitions sont sélectionnées en fonction des programmes scolaires, des contenus informatifs, du savoir prescrit. Le catalogue, dans sa construction même, privilégie certaines clés d’accès. Le classement, enfin, présuppose, comme on l’a vu, une certaine organisation du savoir. Le conseil même du documentaliste a tendance à privilégier certains documents plutôt que d’autres, etc… Au collège, même dans cet îlot de liberté qu’est la littérature de jeunesse, la prescription finit invariablement par pointer le bout de son nez. Il y a ainsi balancement incessant entre prescription et autonomie, ordre et entropie mais c’est cette situation paradoxale elle-même qui fait que l’apprentissage de la bibliothèque est un apprentissage de l’autonomie. A mon sens, le moment privilégié pour une pédagogie de l’autonomie me paraît, cependant, être celui où l’on peut adopter une démarche d’accompagnement et non de prescription,

14 Ne parle-t-on pas, en bibliothéconomie, de « liste d’autorité » pour désigner des langages normalisés ?

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démarche qui favorise l’action des élèves eux-mêmes en faisant appel à leur créativité. Calenge (1999) parle de « didactique libertaire ». Je trouve qu’il faudrait plus simplement favoriser une démarche par « essai-erreur » car elle met l’élève en situation de faire des choix sans qu’il soit pour autant livré à lui-même. Former les élèves pour être autonomes, c’est donc les rendre capable, en les initiant à des outils et des procédures, de se diriger par eux-mêmes dans les méandres d’une information souvent difficile d’accès. Il s’agit aussi d’une formation intellectuelle car apprendre à manipuler des codes et des langages aide les élèves à structurer leur propre pensée, à formuler un langage et permet d’acquérir des méthodes de travail nécessaires à leur réussite scolaire.

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CONCLUSION

Si le projet « signalisation au CDI», mis en place au cours de cette année de formation au métier de documentaliste, s’est avéré particulièrement porteur, c’est qu’il satisfaisait diverses attentes. Outre que le projet répondait à un besoin réel du CDI, de rénover la signalisation existante, il faisait appel à des connaissances et des compétences documentaires qui sont élémentaires dans la pratique du métier. D’un point de vue pédagogique, ensuite, il fallait que les élèves soient en mesure de comprendre le fonctionnement du CDI et sa logique d’organisation dans le but de favoriser le développement de pratiques autonomes, mobilisables tout au long de leur scolarité. Enfin, les capacités d’anticipation et de créativité des élèves étaient recherchées et soutenues, au cours de la réalisation du projet menée avec le professeur d’Arts Plastiques.

Le projet a été négocié en équipe avec l’enseignant et a fait l’objet d’une présentation claire aux élèves, en termes de moyens et de durée. Si le planning a dû être réévalué dans la longueur, les élèves ont cependant montré un réel intérêt et un plaisir évident au niveau de la réalisation finale. Il a permis, également, l’acquisition, par les élèves, de savoirs et savoir-faire documentaires nouveaux, d’une meilleure maîtrise de leur environnement et, sans doute, d’une meilleure affirmation d’eux-mêmes à travers la dimension créative du projet. Enfin, par sa réalisation et dans sa durée même, il m’a permis, en retour, de réfléchir à mes propres tâtonnements, mes propres « essais-erreurs ». Il reste, bien sûr, susceptible d’évolution de perfectionnement et aurait gagné à être mené, avec une même classe, sur plusieurs niveaux scolaires pour pouvoir aborder différents éléments dans une continuité. J’aurai souhaité également avoir plus de temps pour laisser place à davantage de moments réflexifs avec les élèves eux-mêmes, être plus à leur écoute. D’un point de vue pédagogique, enfin, j’ai appris de manière concrète que pour développer l’autonomie au CDI, il est nécessaire de prendre en compte l’élève, de partir de ses besoins, représentations, expériences et habitudes de travail. Il faut également pouvoir accompagner l’initiative, exploiter au mieux les moyens dont l’élève dispose et faire que ses tentatives se transforment en avancées et acquisitions. De ce point de vue, faire accéder les élèves à l’information et aux documents, en favorisant une démarche d’autonomie, consiste moins à transmettre des connaissances qu’à provoquer des situations d’apprentissage en suscitant, chez les élèves, l’anticipation et le choix. A cet égard, le travail en équipe avec l’enseignant d’Arts Plastiques, s’est avéré fondamental car il m’a permis d’inscrire la démarche documentaire dans une pratique disciplinaire qui est plus familière aux élèves. La motivation des élèves à la réalisation du projet m’a confirmé également dans la pertinence de mener une pédagogie active et de projet.

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BIBLIOGRAPHIE

LES TEXTES OFFICIELS

France. Ministère de l’éducation nationale.- Missions des personnels exerçant dans les Centres de Documentation et d’Information : circulaire n° 86 123 du 13 mars 1986.- Le B.O. en ligne : Bulletin Officiel de l’éducation nationale. [En ligne].- [réf. du 27 mars 1986, n°12].- Disponible sur Internet : <http://savoirscdi.cndp.fr/metier/TextesOfficiels/1980-1989/c860313.htm> Ce bulletin précise les missions des personnels exerçant dans les CDI des collèges et lycées, tant au niveau de la gestion documentaire que de la formation des élèves.

LA DOCUMENTATION

ACCART, Jean-Philippe et RETHY, Marie-Pierre.- Le métier de documentaliste.-Paris : Editions du Cercle de la Librairie, 1999.- Chap. II : Documentation, organisation et entreprise, pp. 75-88. Les professionnels passent par différentes étapes pour concevoir et mettre en place un service de documentation, notamment dans la dimension d’aménagement des espaces et d’orientation des usagers grâce à la signalétique.

CALENGE, Bertrand.- Accueillir, orienter, informer : l’organisation des services aux publics dans les bibliothèques.- Paris : Editions du Cercle de la Librairie, 1999. Les bibliothécaires se préoccupent de la meilleure façon d’organiser les services des bibliothèques pour accueillir et orienter les usagers en fonction de leurs besoins.

GASCUEL, Jacqueline.- Un espace pour le livre : guide à l’intention de tous ceux qui créent, aménagent ou rénovent une bibliothèque.- Paris : Cercle de la Librairie, 1993. Comment les bibliothèques proposent, par des animations et des organisations spécifiques de l’espace, une stratégie de l’offre documentaire à leurs usagers.

MAURY, Yolande.- « La signalisation au CDI ».- Inter CDI n°152, mars-avril, 1998. Approche générale des problèmes de signalisation (définition, objectifs et réalisation technique) appliquée aux CDI des établissements scolaires. Ministère de l’Education Nationale. Académie de Rouen.- Organiser l’espace CDI, Centre de Documentation et d’Information, un espace de formation des élèves. In Site de l’Académie de Rouen, [En ligne].- [Novembre 2000].- Disponible sur Internet : <http://www.ac-rouen.fr/pedagogie/equipes/doc/spip/IMG/pdf/cdi_org.pdf> La place de la documentation dans le système éducatif tient compte des évolutions technologiques actuelles, ce qui rend nécessaire de nouvelles réflexions sur l’organisation, l’aménagement et l’équipement des CDI avec une place importante accordée aux TICE.

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LE CLASSEMENT

DORTIER, Jean-François.- « Comment classer le monde ? ».- Sciences Humaines, n° 102, février 2000. Pour reconnaître les choses, l’esprit humain sait utiliser des catégories mais celles-ci sont-elles universelles ? Comment procède-t-on, d’autre part, pour penser et classer le monde ? PEREC, Georges.- Penser, classer.- Paris : Hachette, 1985. 184 p. Inventaire à la fois sérieux et absurde de nos manies de rangement et de nos petits plaisirs quotidiens autour du livre.

VIGNAUX, Georges.- Le démon du classement : penser et organiser.- Paris : Seuil, « Le temps de penser », 1999. 112 p. L’histoire de la pensée est une lente obstination à classer les choses pour leur donner du sens. Cette activité de classement n’est cependant pas propre au monde scientifique : Nous la partageons tous. Mais, pour l’auteur, à trop vouloir classer, on court aussi le risque de l'exclusion.

LA PEDAGOGIE DOCUMENTAIRE CHAPRON, Françoise.- Les CDI des lycées et collèges.- Paris : Presses Universitaires de France, 2001. A travers un rappel historique des CDI et des enjeux dont ils sont porteurs, l’auteur pose la question du rôle des enseignants documentalistes, aujourd’hui, par rapport aux transformations de la société et du système éducatif. MONTHUS, Marie.- Apprendre l’autonomie au CDI.- Paris : Hachette Education, 1997. Pour que les CDI soient des lieux d’apprentissage de l’autonomie, il est nécessaire de penser la démarche pédagogique en relation avec l’effet structurant du lieu CDI.

MULLER, François.- Pédagogie du projet et dilemmes.- [En ligne].- [Consultation mars 2004].- Disponible sur Internet : < http://francois.muller.free.fr/diversifier/> La pédagogie de projet oblige à des détours qui permettent de mettre en place des situations « obstacles » qui favoriseront l’apprentissage des élèves. Les enseignants qui mettent en œuvre cette pédagogie doivent assumer un certain nombre de dilemmes.

Savoirs CDI.- Espace CDI.- [En ligne].- [Mis à jour le 19 mars 2004].- Disponible sur Internet : < http://savoirscdi.cndp.fr/accueil.htm> Conseils techniques ou pédagogiques pour aménager, équiper ou restructurer un CDI.

SOUKLANIS, Sylvie.- Améliorer la signalétique existante au CDI : un projet interdisciplinaire.- In Site Académie de Créteil, Point Doc, [En ligne].- [Mise à jour octobre 2003].- [Consultation novembre 2003].- Disponible sur Internet : < http://www.ac-creteil.fr/Pointdoc/gestion/espace/espace.html> Présentation et mise en œuvre d’un projet de rénovation de signalétique dans un CDI. Dossier réalisé par une documentaliste au collège André Malraux de Montereau (Seine-et-Marne).

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ANNEXES

I- Le projet « Signalisation au CDI »

II- Séance 1 : « Présentation du projet et du CDI »

III- Séance 2 : « Signalisation et signalétique »

IV- Séance 3 : « Classification et cotation »