La Sicile et les volcans Les Volcans de Sicile, entre eau ... · de Monte Fossa delle Felci et...

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ONTAGNES D’AILLEURS la ontagne & Alpinisme 2-2014 [71] [70] la ontagne & Alpinisme 2-2014 La Sicile et les volcans des îles Eoliennes sont une destination unique en Europe, permettant d’observer de nombreux phénomènes volcaniques « à deux pas de chez soi ». Les Volcans de Sicile, entre eau et feu L es îles Eoliennes sont au nombre de dix-sept, mais seulement sept sont habi- tées : Vulcano, Lipari, Sali- na, Alicudi, Filicudi, Panarea et Stromboli. Partons à la décou- verte de cinq de celles-ci, Alicudi et Filicudi étant les plus excen- trées. Nous quittons la Sicile pour aborder Vulcano. Elle est principalement connue pour son volcan « Cratere della Fossa » qui domine toute l'île. Un séjour sur celle-ci est l’occasion de visiter les deux ports : Porto di Ponente et Porto di Levante et ses fameux bains de boue aux vertus thé- rapeutiques. Vulcano est l’'île la plus méridionale de l’archi- pel éolien, elle n'est séparée de Lipari que par un bras de mer d'environ 800 m. Le géographe Elisée Reclus, en 1865, nous la décrit comme une île sauvage où vivaient quelques ouvriers qui extrayaient le soufre. Une histoire tumultueuse La dernière éruption de Vul- cano Fossa, le cratère principal, se produisit en 1886 et dura trois ans. Elle fut très violente, aucune coulée de lave ne fut émise mais des explosions très importantes expulsèrent des blocs de lave de plusieurs mètres cube à des centaines de mètres de hauteur allant jusqu’à retomber sur l’île de Lipari. Depuis il ne dégage que des fumerolles. Des gaz sou- frés qui s’échappent des fissures situées sur la bordure du cra- tère permettent d'y découvrir des sublimés, de fines aiguilles Texte et photos Julien Schmitz Le long du cratère sommital sur l’île de Vucano, entre mer, fumerolles et odeurs de souffre, une ambiance unique.

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ontagnes d’ailleurs

la ontagne & Alpinisme 2-2014 [71][70] la ontagne & Alpinisme 2-2014

La Sicile et les volcans des îles Eoliennes sont une destination unique en Europe, permettant d’observer de nombreux phénomènes volcaniques « à deux pas de chez soi ».

Les Volcans de Sicile, entre eau et feu L es îles Eoliennes sont au

nombre de dix-sept, mais seulement sept sont habi-tées : Vulcano, Lipari, Sali-

na, Alicudi, Filicudi, Panarea et Stromboli. Partons à la décou-verte de cinq de celles-ci, Alicudi et Filicudi étant les plus excen-trées. Nous quittons la Sicile pour aborder Vulcano. Elle est principalement connue pour son volcan « Cratere della Fossa » qui domine toute l'île. Un séjour sur celle-ci est l’occasion de visiter les deux ports : Porto di Ponente et Porto di Levante et ses fameux bains de boue aux vertus thé-rapeutiques. Vulcano est l’'île la plus méridionale de l’archi-pel éolien, elle n'est séparée de Lipari que par un bras de mer d'environ 800 m. Le géographe Elisée Reclus, en 1865, nous la décrit comme une île sauvage où vivaient quelques ouvriers qui extrayaient le soufre.

Une histoire tumultueuseLa dernière éruption de Vul-cano Fossa, le cratère principal, se produisit en 1886 et dura trois ans. Elle fut très violente, aucune coulée de lave ne fut émise mais des explosions très importantes expulsèrent des blocs de lave de plusieurs mètres cube à des centaines de mètres de hauteur allant jusqu’à retomber sur l’île de Lipari. Depuis il ne dégage que des fumerolles. Des gaz sou-frés qui s’échappent des fissures situées sur la bordure du cra-tère permettent d'y découvrir des sublimés, de fines aiguilles

Texte et photos Julien Schmitz

Le long du cratère sommital sur l’île de Vucano, entre mer, fumerolles et odeurs de souffre, une ambiance unique.

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tements, et si par mégarde elle glisse dans le bain, eh bien elle flottera, nous évitant d’aller la chercher sous la mousse. Mais pour l’instant c’est plutôt la grosse chaleur. Il est neuf heures du matin et déjà les maillots sont imbibés de sueur. Rapidement le chemin se perd dans un dédale de pierres, mais qu’à cela ne tienne, on remonte tout droit, le som-met étant à peu près visible tout au long de l’itinéraire. Plus haut apparaissent les premiers filons d’obsidienne, cette pierre volca-nique dure et tranchante. On ne peut s’empêcher de penser à ces hommes du IVe millénaire avant J.-C, qui furent attirés par la res-source économique offerte par l'obsidienne rejetée par le volcan du Monte Pilato. Elle était très recherchée car le travail du métal n'était pas encore répandu et elle constitua la base d’une extraor-dinaire prospérité pendant près

au-dessus de la mer. Un petit tour en bus local nous mènera au départ de notre randonnée, au pied d’une immense coulée de pierre ponce. On s’amuse à soupeser chacune d’entre elles, comme pour mettre en doute tout ce que l’on a pu entendre jusqu’ici, mais rien n’y fait, cette dernière est bien extrêmement légère. Pour notre confort, elle élimine les impuretés par frot-

de deux millénaires. Au sommet, l’atmosphère est déjà laiteuse, mais cette association mer et montagne est toujours aussi gri-sante. Le grand bleu caressé par les embruns forme des moutons à perte de vue. Au loin, l’île de Salina, prochaine étape, se pro-file telle une immense toupie. C’est un bateau de tourisme, une petite embarcation d’une dizaine de places, qui nous sert de taxi pour nous y rendre. Ce matin la mer est plutôt agitée, et chaque rebond de notre frêle embarca-tion est suivi d’une retombée fra-cassante contre les flots. Douche assurée pour chacun. Si vous n’étiez pas bien réveillé, eh bien c’est chose faite. Nous débar-quons à Santa Marina, à l’extré-mité sud de l’île. Il s’y trouve un petit lac salé d’où l’on tirait le sel qui servait à conserver les câpres. Ceux-ci se retrouvent dans toute la gastronomie locale, ajoutant un certain piquant aux plats de poissons.

Phare de la MéditerranéeLes câpres sont souvent associés à des recettes comportant des anchois et des olives. Face à nous, les volcans jumeaux et inactifs de Monte Fossa delle Felci et Monte dei Porri. Ils ont donné à l'île son nom d'origine grecque « Didyme » signifiant jumeaux. Culminant à 965 et 860 mètres d’altitude, ils fournissent une excellente échappatoire contre la chaleur et une vue imprenable. à la descente, n’oubliez pas de vous baigner, la mer y est si agréable !Le lendemain, un bref passage sur Panarea, le temps d’une bai-gnade dans une crique, et nous atteignons la célébrissime île du Stromboli. Le Stromboli éructe depuis plus de 3 000 ans. Il est ainsi dénommé « le phare de la Méditerranée », constituant un repère unique pour les naviga-teurs. Dans le village principal, la

population, de 300 personnes en hiver passe à plusieurs milliers en été. Sa partie immergée culmine à 924 m d’altitude, mais sa base s’appuie sur le fond marin à envi-ron 3 000 m de profondeur sur la croûte terrestre. C’est à 750 m d’altitude que se trouve le cratère

actif. Son observation montre que la bouche la plus active explose toutes les vingt à trente minutes, avec une colonne de cendres et de bombes très verticales mon-tant à une centaine de mètres de hauteur. Celles-ci dévalent le flanc nord-est, la Sciara del

formant des fleurs de cou-leur jaune vif. Merveilles de la nature, figées au beau milieu de ce paysage en perpétuel mouve-ment. L’odeur n’est pas des plus agréables, mais le spectacle y est unique. La température de subli-mation du soufre est d’environ 110°C, autant dire que des chaus-sures de montagne aux semelles épaisses sont obligatoires pour envisager de traverser les fume-rolles. Un petit saut de puce au-dessus d’un bras de mer et nous voici rendu sur l’île voisine. Lipa-ri, l'antique Meligunis, est la prin-cipale île de l'archipel. Autrefois elle était pourvoyeuse d'obsi-dienne alors qu’aujourd'hui c’est la pierre ponce qui fait sa renom-mée. L'habitat se répartit le long des deux anses de Marina Lunga et Marina Corta, non loin de l'an-tique acropole de la ville grecque et romaine qui se dresse sur un éperon de lave en surplomb

une ascension épique !On se souvient encore de l’ascension de la Montagnola le long des pentes de l’Etna. C’était pénible de remonter en pleine chaleur, parfois le long de blocs instables. Pourtant, une découverte à la descente dans les pentes de scories, ce mélange de poussières et de petites pierres qui roulent sous les pieds tel un tapis roulant. En fait, je crois que cavalcade serait plus adapté. En effet, il suffit de se laisser glisser pour rejoindre le refuge situé en contrebas. Aucun effort nécessaire et surtout un grand bonheur ! Le record reste à battre : 500 m de dénivelé parcouru en vingt minutes, et sans même avoir souffert des genoux.

Ci-dessus, une explosion du Stromboli est toujours impressionnante, et comme les nuages elles peuvent aussi rappeller des formes familières. Ci-dessous, lors de l’ascension du volcan Stromboli, vue sur une ancienne cheminée éruptive : le Stombollichio.

Ci-contre, sur l’île de Salina et ses vocans jumeaux, entre capres et vignes.

Sur les pentes de l’Etna (ci-dessous), sous saluons

les Genets en fleurs.

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comment y aller : Rejoindre Catane au pied de l’Etna. Avec la compagnie Alitalia, depuis Paris à partir de 400€ / depuis Lyon à partir de 250€Formalités : Une carte d’identité est suffisante.site sur italie : www.italia.itsicile : www.lasicile.comsyndicat d’initiative des iles eoliennes : www.aasteolie.infopour se rendre sur les îles : www.usticalines.itwww.siremar.it

situation : Avec ses 25 711 km2, la Sicile est la plus grande île de la mer Méditerranée.Villes principales : Palerme et Catane.population : 5 millions d’habitants.points culminants : Etna 3 321 m. iles eoliennes : Stromboli : 924 mLangue : ItalienMonnaie : Euro

Léon

ie S

chlo

sser

VuLcano : Le Gran cratere (390 m) et ses fumerolles de soufre. Depuis le débarcadère, remonter la route principale et bifurquer plus haut sur la gauche en direction de belles roches rouges. itinéraire évident. 3 h aller-retour.

Lipari : Le Monte pilato (478 m) pour ses carrières de pierres ponces et ses filons d’obsidienne. une belle traversée possible depuis porticello afin de rejoindre la grande plage de canneto via la montagne. Bus local le long de la côte afin de rejoindre le départ et retour à l’hôtel. itinéraire parfois assez complexe. 4 h de marche.

saLina : Le Monte Fossa (962 m) et sa réserve naturelle. une ascension soutenue dans une belle forêt peu fréquentée. Traversée possible depuis Malfa jusqu’à Lingua. Bus local

sur l’île pour se déplacer. 5 à 6 h de marche selon option choisie.

sTroMBoLi : une ascension unique de 924 m, afin d’assister au feu d’artifice nocturne. un souvenir exceptionnel pour une montagne incontournable. La randonnée est obligatoirement encadrée par les guides locaux. 5 h de marche.

eTna : Vaste édifice volcanique, les itinéraires y sont forts nombreux. on retiendra l’ascension de la Montagnola (2638 m) depuis le refuge sapienza (1900 m) qui permet d’approcher l’impressionante Valle del Bove, ou encore la montée au cratère sommital, selon ouverture. ambiance lunaire garantie. un téléphérique ainsi que des bus 4x4 permettent de s’en approcher sans effort.

PRATIQUE

IdéEs dE RAndonnéEs

itinéraire a été aménagé, et l’ac-cès aux cratères est réglementé. Chaque visiteur doit partir avec un guide local, ce dernier étant en contact permanent avec le centre volcanique. Cette fois, finis les bateaux, et retour sur le conti-nent. Continent ? C’est pourtant l’impression que nous avons tous ressentie lorsqu’après tous nos sauts de puces pour aller d’une île à l’autre, nous avons abordé

vue contraste avec la rougeur des dykes, anciennes cheminées vol-caniques solidifiées, puis isolées par l’érosion. Noir, rouge, ocre, jaune, vert, panache de fumée, et alternance de relief font de ce paysage un lieu magique, haut en couleur et en émotion. Un vol-can, c’est une montagne vivante ! Qui n’a pas approché les forges de Vulcain de près peut à peine imaginer les forces en présence. Vibrer à l’unisson avec les élé-ments : je retrouve là ma raison de vivre.

et des blocs de plus de trente tonnes retombèrent sur des mai-sons du village de Ginostra qui se trouve à 2 kilomètres des cratères. La dernière explosion notable se manifesta en avril 2003. Une par-tie du sentier bordant la Sciara del Fuoco, emprunté à l’époque pour atteindre le sommet, fut recouvert de cendres et de bombes volcaniques filant à plus de 300 km/h. Depuis, un nouvel

présente une large échancrure, la Valle del Bove. Cette grande val-lée d’effondrement est couverte de coulées de lave. Complète-ment minérale, elle a perdu ce qui lui restait de végétation avec l’éruption de 1991-1992. Présen-tant une forme en fer à cheval, ses mensurations sont fort impres-sionnantes, 6 km de long pour 5 km de large. En approchant cette dernière, on ne peut qu’être stupéfait devant une telle beauté naturelle. La noirceur des coulées de basalte se déroulant à perte de

Fuoco, et arrivent jusqu'à la mer. Cette succession d’explosion et d’éjection de bombes autour de la cheminée définit le dyna-misme éruptif dit strombolien. Cette régularité n’est toutefois pas celle d’un métronome et elle peut cacher quelques surprises. L’une des plus fortes explosions se produisit en septembre 1930. L’île se souleva de plusieurs mètres, créant un petit tsunami,

celle bien plus importante de la Sicile. Un transfert sur les pentes de l’Etna nous rapproche de ce géant, un massif à part entière avec une base d’environ 40 km de diamètre. Il culmine actuel-lement à 3 345 m d'altitude, mais celle-ci change souvent au gré des éruptions. Comme en témoigne le cratère nord-est : 3 263 m en 1932 ; 3 295 m en 1956 ; 3 323 m en 1964 ; 3 345 m en 1978, 3 318 m en juin 1989. Appelé localement « Mongibello », c’est le volcan le plus grand et le plus actif d'Eu-rope. Ses nombreuses éruptions sont souvent accompagnées de grandes coulées de lave, et c’est ainsi depuis plus de 2 000 ans.

l’Etna un véritable laboratoireTel un immense laboratoire à ciel ouvert, il attire les volcanologues du monde entier qui viennent observer les fureurs de la Terre et tester leurs techniques d'ana-lyse et de prévision. Son flanc est

Sur l’île de Lipari (ci-dessus), à l’approche du sommet du Monte Pilato. Photo de droite, le feu d’artifice du Stromboli au crépuscule. Les pentes lunaires de l’Etna, sous la Montagnola.