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L C1 p I RECHERCHES D'ART ET D'HJSTOT<E SUR 1-ARI3AYE DE BRA?TOME - UN " PIt0G1JS 1? 1ODAL SOUS LOUIS XIV LA SEIQNEURh1 DE BOURDILLE ET L'ABBAYE DE BRANTOME PAR GEORGES BUSSIÈRE, Membre de ]a Société historique et archéologique du Périgord, Gônseiller A la Cour dappel de Bourges. PÉRIGUEUX. IN] PRIMEIIJE DE LA DORDOGNE (ANC. DUPONT ET C0)1 1895 Document I - 0000005780

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IRECHERCHES D'ART ET D'HJSTOT<E

SUR 1-ARI3AYE DE BRA?TOME -

UN" PIt0G1JS 1? 1ODAL SOUS LOUIS XIV

LA SEIQNEURh1 DE BOURDILLEET

L'ABBAYE DE BRANTOMEPAR

GEORGES BUSSIÈRE,Membre de ]a Société historique et archéologique du Périgord,

Gônseiller A la Cour dappel de Bourges.

PÉRIGUEUX.IN] PRIMEIIJE DE LA DORDOGNE (ANC. DUPONT ET C0)1

1895

Document

I- 0000005780

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Extrait dL! l3uUci,, de la Société historique et archéologique du Périgord

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IIECI-JERCHES D'ART ET D'HISTOIRE

SUR L'ABBAYE DE BRÀETOME

UN PROCÈS FÉODAL SOUS bOUffi XIV

LA SEIGNEURIE DE' BOIIRDEI!JLE ET L'ABBAYE 11E BRATOIIIE

PREMIÈRE PARTIE

€alnt Sicaire Innocent, patron de l'abbaye de Brantôme-et snze,-njn du château de Bourdeille.

I

Les bas-reliefs sur bois de l'église abbatiale. - Le massacre dosInnocents, d'après Rapbaél. - Le fief deBourdoille disputé parLouis XIV â saint Sicaire. - Réquisitions de d'Aguesseau.

Saint Pierre, prince des apôtres, est le patron originel del'abbaye de Brantôme, c'est-à-dire que le monastère futfondé sous son invocation. Plus tard, la formule de dédicaceembrassa Saint-Pierre-et-Saint-Paul. Mais, dans les vieuxtextes, il n'est question qué de saint Pierre. Vers le xju siè-cle, il se vit supplanté ou tout au moins singulièrementeffacé dans- cette autorité tutélaire par un- saint qui a lerare avantage d'être inscrit avant lui au martyrologe. J'ainommé saint Sicaire, un glorieùx privilégié dans cette foule

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-4—anonyme d'Innocents que saint Mathieu rapporte avoir étémis à mort par Hérode, lors de la naissance du Christ.

Le prestige du nouveau patron s'affirma par un événementimportant, l'oblation faite & ses reliques par le sire de Bour-écule de tout ou partie de la seigneurie de ce nom. Et commeces reliques, transférées à Brantôme, étaient sous la gardedes religieux du couvent, cet acte de fdi et hommage mit laterre de Bourdeille dans la mouvance féodale de l'abbé deBrantôme. Les causes et les conséquences de cet acte sontintéressantes à étudier et à suivre. Elles éclaireht d'un jourprécieùx l'histoire de la célèbre abbaye. Cette lumière nenie parait pas indigne d'être même utilisée par l'histoiregénérale du moyen âge; au point de vue des moeurs féodales,et spécialement de l'influence séculière des reliques. Je megarde, bien entendu, de m'occuper de leur influence pure-nient spirituelle n'ayant pas â m'immiscer ici dans leschoses de la foi.

La tradition ou la légende, qui simplifie tout, en étaitarrivée, au bout de plusieurs siècles; à confondre dans lemême événement la translation des cendres de saint Sicairedans l'abbaye de Brantôme et la fondation de cette abbayepar Charlemagne. C'est par le même procédé de simplifi-cation que nombre de chansons de geste font jouer un rôleà Charlemagne dans des épisodes dont la date ne s'accordeguère avec celles de son glorieux règne. Le prestige desreliques du saint innocent devait naturellement s'accroîtredu prestige d'un tel introducteur. Aussi ne doit-on pass'étonner que les gardiens de ta précieuse dépouille aientépousé et propagé la légende dont l'authenticité sans doute,ne leur paraissait pas contestable. Nous en avons un bienremarquable témoignage dans ces deux bas-reliefs, disposésen deux panneaux rectangulaires à pans coupés, derrière lemaître-autel de l'église abbatiale et représentant, l'un, leMassacre des Iinwcenfs, ['autre, la Remue solennelle des reliquesà l'abbé de Branuime par le grand empereur d'Occident.

La reproduction photographique de ces deux panneaux,due à l'obligeant et habile concours d'un amateur brantômais,M. Dubarry, me dispense d'une description détaillée. Je

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-5—dois cependant m'arrêter sur le premier d'entre eux quiconcentre, dans une surface de I"CO de largeur sur 60 centi-mètres de hauteur, une scène à personnages nombreux,parfaitement mis en relief, malgré certaines négligences dedétail, et qui constitue, en somme, un tableau saisissant parl'habileté de son ordonnance et l'intensité de vie dont il estanimé. Ce morcectu, qui se ressent à coup sûr des difficultésd'exécution inhérentes à une sculpture de ce genre et decette dimension, mais qui en a triomphé dans l'ensemble, asuggéré sans doute bien des réflexions aux connaisseurs. Iln'a pu leur échapper qu'une maîtresse inspiration avait portélà son souffle puissant. En effet, le panneau est la repro-duction aussi exacte que possible d'une des dernières oeuvresde Raphaël, d'une partie de ces cartons fameux exécutés surles ordres du pape Léon X pour servir de modèles auxtapisseries d'Arras qui sont exposées dans les galeries duVatican (1). « Le maître, dit son historién Quatremère de•

Quincy (2), s'y est élevé au-dessus de lui-même. Le Mas-sacre des Innocents, ajoute-t-il, divisé en deux pièces de

» tapisserie , doit toutefois passer pour n'être qu'un seulsujet, quoique les figures en soient composées à part, sur

» chaque champ, de manière à pouvoir se raccorder entre» elles lorsqu'on les approche.... Les inventions de Raphaël,» avec le caractère de son style et de ses compositions, furent» si heureusement rendues par les ouvriers flamands qu'on

peut mettre en doute si dans aucun temps son génie eût» rencontré et pourrait encore trouver ailleurs par les mêmes» procédés un mode (le traductiàn plus digne de son

original.Il serait puéril assurément d'associer dans la même

louange les immortels tapissiers d'Arras et l'artiste cons-

1) Elles sont inscrites au catalogue sous les numéros 16, 17 et 18. Elles sont ap-pelées Àra;Xi.

(Q) Histoire de Raflait cl de ses ouvrages, par Quatremère de Quincy, 1835,3' édition, p. usa et suivantes. - On sait que Raphaël a donné aussi un Massacredes innocents peint A l'huile, conçu et exécuté dans une toute autre maniùre queles carions dont il est ici question.

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— o -..ciencieux qui s'est essayé à interpréter par un procédésingulièrement plus rebelle ce que l'aiguille flamandeavait si merveilleusement traduit. Ce n'est pas une raisonpour refuser au bas-relief brantômais le mérite d'être lacopie vivante et sincère d'un glorieux modèle, d'en évoquerl'auteur et d'avoir transporté dans, un coin de terre privi-légié quelque chose de sa pensée et de son génie. Quant,aumérité purement artistique de cette évocation, je laisse auxcritiques le soin de prononcer. Je ne crois pas toutefois ten-dre un piège condamnable à leur curiosité en les conviant àl'examen de cette'.oeuvre «laquelle je voudrais donner uneautre qualiflcatioi que celle dé copie. Car, il faut bien re-marquer que Baphaéln1 avait pas-voulu sur ses cartons faireune oeuvre à lui. C'était une matière, une sorte de canevasqu'il fournissait généreusement à des ouvriers connus ouinconnus, appelés à en faire leur oeuvré propre. Dans lescopies de ce Massacre des Innocent, fait de morceauxséparés et dispeiés aujourd'hui h ' tous les vents, 'il laissaiten quelque sorte lé champ libre à l'originalité. C'est danscette latitude qu'après la tapiseri, la gravure s'en emparaelle a tiré de ces'dessihs des 'planches de .premfei' ordre (1).La peinture surtout y. jeta )es.yeux. s'éttachan't à la' repro-duction des tapiseries, h défaut des cartons disséminés ouintrouvables. Je citera! Mos'nier, de Blois, au xv'rP siècle (.Plus près de nous, nous voyons le peintre Prud'hon , à sesdébuts, fasciné par l'idée d'une semblable traduction. « Je

pensai, écrivait-il de Borne en 1785,- en voyant les tapis-» series deRapl]aèl, que l'on nepourrait rien faire de mieux» que de faire une copie d'après l'une d'elles. Ce sont dans

U) Le Massacre des Innocents est divisé en trois tapisseries et non deux, commadit Q . tic Quincy . Ces troiscompositions ont été gravées en clair obscur par unartiste italien, au monogramme MDII (1344). Elles ont éte gravées aussi par Ang.liirclivogel (lais), par S 'éb Vouillemont i161i, par Louis Son,rneran (1779 cl 80),par Landon. - Le graveur anglais J. lliebardson réussit à réunir une cinquantainede fragments des cartons originaux—et en -grava 'un à l'eau4orle. -

(2) Ga;ette des araux—Âris, ' série, t. XSV, page 272.— A. Dupré,. Mol-tee surquelques peint-i-es blésois.

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ces admirables tapisseries où brille le plus éminemment» le génie divin de ce grand maitre. Après son Écolo d'AtM-

» nos, ce sont sés plus beaux ouvrages, et on pourrait dire» les seuls qui l'égalent dans le simple de la composition,» comme dans la force des caractères et de l'expression...s Le troisième sujet est le Massacré des Innocents, en trois

morceaux, dans lesquels l'expression d'une douleur active» est à son 1us haut point (I). »

Ces digressions flOLiS ramènent à notre bas-relief, dontl'auteur a été certainement agité des mêmes pensées que lesautres traducteurs de Raphaël dL qui a fait en entre cet effortde transporter la vie dù modèle dans une matière scabreusecomme l'est la sculpture sur bois. A un tel tour de force, onne peut refuser le catactère de l'originalité. Si l'on consulte,au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale, l'unedes gravures qui passe pour la reproduction la plus exacteet la plus complète du Massacre des innocents et qui doitavoir été faite d'après un groupement de tous les cartons dumaître sur ce sujet, on constate, en la rapprochant du bas-relief brantômais, que ce dernier, quelque grossier qu'il soitdans certains détails, est la reproduction presque littéralede la gravure. Le fond même sur lequel se meuvent lespersonnages a été scrupuleusement conservé. On remarqueseulement qu'à chacune des deux extrémités de droite et de -gauche, le sculpteur, gêné sans doute par i'exiguité du cadre,a omis de reproduire deux personuages que l'on voit en plusdans loeuvre de Raphaèl (2). Quoi qu'il soit, ce précieuxpanneau remplit suffisamment son but et rend à sa manièrel'ensemble complexe de la création initiale.-

Le second panneau est vraisemblablement du même sculp-tour. il parait ètre une oeuvre originale, puisqu'il reproduit

cil Ga;ette des veaux-Arts. L' série. T. III, page 18. - Prud'hon, sa v(e, ses oeu-vres, sa correspondance, par Ch. Clément.

(2) Je dois À l'obligeance cl à la compétence de M. Marco] Poète, archiviste-paléographe attaché 1. la Bibliothèque sainte-Ceneviève, cette vérification, qu'ila faite en controntant la photographie de M. Dubarry avec la gravure du Cabinetdes Estampes. . -

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un épisode -local qu'on voit se dérouler aux pieds de l'égliseabbatiale et de son antique clocher, enserrés non sans effortdans une encoignure du panneau. L'artiste a môme repré-senté la colline boisée qui domine le monastère et juqu'àl'entrée des grottes qui le complètent d'une façon si pitto-resque. Il est toutefois possible qu'en dehors de ces acces-soires tirés des lieux, le groupement des personnages, quimontre d'un côté l'abbé dans toute sa pompe suivi de tout lepersonnel du couvent, de l'autre Charlemagne lion moinspompeusement escorLé de ses pairs, ait emprunté ses ligueset sa manière à quelque oeuvre classique du môme caractère.Toujours est-il que la compositionLion de la scène n'est pas sansmérite, son exécution non plus. Peu importe que ce bas-relief ait, comme celui qui lui fait pendant, subi une colo-ration et des dorures un peu crctes et qu'il porte unmaquil-lage de plâtre destiné à affiner les détails. Ces cieux piècessont vraiment dignes du monument qui les abrite (1).

Telle était donc, dansune de ses expressions les plus heu-reuses, l'opinion généralement accréditée sur saint Sicaireet ses reliques, lorsque, sur 'la fin du xvrr siècle, la traditionfut exposée à la lumière d'un grand débat judiciaire. En 1694,l'abbé de Brantôme, intervenant dans une procédure desaisie immobilière dirigée contre la terre de Bourdeille, fitpratiquer à son tour sur -le même objet ce qu'on nommaitune saisie féodale. Ce genre de saisie consistait dans la main-mise du seigneur féodal sur le fief tributaire, faute par levassal d'avoir rempli ses devoirs de foi et hommage, ettendait k faire attribuer au saisissant les revenus de la terre.Ainsi, la prétention de l'àbhé était de ressusciter à sou profitce traité du moyen-âge, en -vertu duquel un sire de Bour-deille, ainsi qu'il a été dit , plus haut, avait inféodé • sa sei-gneurie à saint Sicaire. Comme le saint n'avait pu recevoirl'hommage en personne, le traité lui avait substitué, à cettefin, l'abbé s son lieutenant. » ---

(1) ces bas-reliefs, â eu juger pat' le style de leurs encadrements, - datentde Louis XIV. . -

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-9--En conséquence de la saisie immobilière, la terre fut

adjugée, en 1701, par décret rendu en la cour, au marquisJean Chapelle de Jumilliac-Cubjac. Dans l'intervalle, l'abbéavait réitéré sa saisie féodale et triomphé devant la qua-trième chambre des enquêtes, qui, par arrêt du 13 mai 1701,avait reconnu son droit aux fruits de la seigneurie, de 4694à 1699, si bien que l'entrée en possession du nouvel acquéreurlaissait subsister sur sa propriété, très légitimement acquise,une charge antérieure de vassalité qui faisait du seigneur deIJourdeille l'homme lige de l'abbé de Brantôme.. Le marquisde Jumilhac s'accommoda fort bien de ce vasselage; car, àpeine était-il propriétaire de la seigneurie qu'il s'empressaitd'en rendre honniage h l'abbé, qui était alors, comme onsait, un gros personnage, François-Louis Le Prestre deVauban, neveu du grand Vauban.

Cet hommage n'avait pas été rendu depuis des siècles.Sa résurrection ne tarda pas à faire surgir un compétiteurqui, par tradition et par état, était peu disposé à laisser rôderl'ombre de la féodalité autour de son empire. Ce conipé-titeur, c'était le roi. Il revendiquait pour lui seul la suzerai-neté dont se targuait l'abbé de Brantôme. A l'éncontre dol'arrêt de la chambre des enquêtes qui conférait implicitementà ce dernier la mouvance de la terre de Bourtleilte, le re-ceveur des domaines de la Généralité deGuyenne, défenseurattitré des prétentions royales, au point de vue fiscal,vint donner une nouvelle tournure à cet énorme procès.Sur son intervention, l'affaire fut portée en la grand'chambredu Parlement de Paris, suivant le privilège des causes où ils'agissait du domaine du roi. Elle eut cet avantage d'y trou-ver comme organe des intérêts de la couronne, nous dirionsaujourd'hui comme organe du ministère public, Henri-François d'Aguesseau, procureur général, alors âgé de 84 ans.D'Aguesseau était au point culminant, sinon de sa carrière,du moins de son talent. Il était originaire de Limoges, oùson père avait été intendant avant de l'être à Bordeaux. Lethéâtre et les acteurs du litige n'étaient donc pas des incon-nus pour le jeune magistrat. JI apporta à la défense de lasuprématie royale ou, si l'on veut, des prérogatives de l'État

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- 10 -sa puissance habituelle de dialectique, celle indépendancecl cette hauteur de vues, te sentiment profond (les temps etdes choses qui supplée dans la conscience du magistral bl'insuffisance et è. l'obscurité des textes et qui ramène néces-sairement la justice è. une solution de bon sens et d'équité.

Les deux mémoires produits par d'Aguesseau dans leprocès méritent certes d'élue étudiés au point de vue judi-ciaire. Nous devons nous borner ici è. en retirer l'essencehistorique, è. dégager de ce travail l'origine des prétentionsde l'abbé et la situation respective du monastère de Bran-tôme et de la seigneurie de Bourdeille, éléments purementaccessoires au procès qui sont naturellement diffus et épar-pillés dans l'oeuvre (1). 11 est donc è. peine be'soin de prévenirceux qui auraient la curiosité de les lire que la lecture en estdifficile, la matière étant par elle-même ardue, comme toutdémêlé en justice, et contenant une glose de droit qui n'ad'autre prétention que de satisfaire dos juristes ou deconvaincre des magistrats. Et puis, ces mémoires noustransportent au beau milieu d'un procès dont nous n'avonssous les yeux ni la procédure munIe ni le développementsubséquent, et par là même exigent un certain effqrt del'esprit pour mettre les choses au point et remplir les videsqu'eussent comblés les pièces absentes. Quant è. nous, nousaurons été parfois assez heureux pour rencontrer, en dehorsde ce précieux travail, des documents susceptibles d'enéclairer certains points. Mais, dans l'ensemble de notre étude,c'est d'Aguesseau qui nous aura fourni le 11E conducteur. Aprèsnous être trouvés en contact avec Raphadl • au début de cesrecherches, pouvions nous souhaiter meilleure fortune quede lier, chemin faisant, connaissance avec une des gloiresde la magistrature et des lettres françaises. C'est vraiment

(I) Œuvres complètes du chancelier d'À hot encan. Nouvelle édition, par ML Par-ilessus. (l'azis, Fanlin, 1919). Tomes VI et Vil. Première CI seconde requètes surla mouvance de le seigneurie (le Bourdeilles, - La première édilion des oeuvresde d'Âgues g eau (1769) se trouve à la bibliothèque communale de rérigueux. Lesdeux requeles y vont de la Page 473â la page 720 du tome VI. Mais je nie suis servide Fêdition de 'lolo,

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- il -une inappréciable aubaine que de faire une excurskle passé en aussi noble compagnie.

H

Retour sur le passé. - Sanglante rivalité des Montrent et desBourdeille. - Bernard. de Manmont, abbé de Erantéine, en 1280.Quoi est le donateur des reliques du saint?

Avant de rejoindre d'Aguesseau au rendez-vous que nousvenons de prendre avec lui dans cette pérégrination rétros-pective, reportons-nous au milieu du XIlf siècle, sous lerègne de saint Louis (1226-1270), à cette époque décisive denotre histoire où les compétitions féodales, généralementappuyées sur le droit du plus fort, voient enfin, se dresserdevant elles une justice, si llon parfaite, du moins efficace.Les cas féodaux sont maintenant jugés par un parlementque le roi a certainement fait à sa guise , mais dans un telesprit do mesure et de raison qu'il doive nécessairementétre obéi. L'ordonnance de 1234, révisée et confirmée denouveau ei.i 1204, nous fait connaître le personnel de la Courroyale sous salut Louis (1). Cette juridiction centrale estcomposée de barons, dè prélats, de chevaliers et de clercs.Dans cette composition d'élite, où une part était due auxgrands du royaume, ceux qui portaient le modeste titre declercs étaient les vrais savants et les juristes les plus retors.Retenons parmi ceux-ci le nom de maître Guéraud de Mau-mont, - « notre cher et fidèle clerc, dit un arrêt r6yal dute

mp s, - clilccti et fidolis cicflci nostt'i inagisivi G. de Ma(o-

Monte. (2).

Ce nom de Mauniont lui venait d'une terre située dans laparoisse de Milhac en Nontronnais, où ses ancêtres, un siècle

(1) Le ceinte Beugnot, Institutions dc saint Louis, pages 161 .103. Cité dans (esParlements de Francs, par ),Iérilliou, p. 37 (1863).

(9) Ohm. T. II, page 361.

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- 2 -auparavant, étaient de simples paysans attachés au serviced'un seigneur de Ventadour. Le prieur du Vigeois, dans untrès pittoresque récit, dèjà rapporté par notre érudit confrèreM. de Laugardière (t), raconte que vers 1150, lors d'unevisite faite à ce seigneur par le vicomte de Limoges, le pre-mier des Maumont éblouit si gentiment et si à propos l'illus-tre visiteur de la magnificence de sou maître que le maîtrereconnaissant anoblit le valet car, en ce temps, les grandsseigneurs jouissaient encore dit de conférer lanoblesse. Ce fut pour les Maumont le point de départ d'unegrande fortune. En effet, un siècle après, en même tempsque nous trouvons l'un d'entre eux, Guéraud ou Gérald ci-dessus nommé, dans les conseils du roi nous voyons sonfrère, Bernard de Maumont, appelé comme abbé à la tête del'abbaye de Brantôme.

Je dois ajouter que la maison de Mineront n'était pasarrivée là sans épreuves et sans donner au roi des témoi-gnages de son attachement. Après le néfaste traité de 1259,par lequel saint Louis avait cédé le duché de Guienne auroi d'Angleterre pour se donner la vaine satisfaction decompter un roi parmi ses vassaux, les seigneurs du Périgordet du Limousin, dont quelques-uns d'ailleurs étaient exclusde la cession par des conventions antérieures ou par desréserves insérées au traité, s'étaient trouvés dans une situa-tion indécise dont ils avaient profité pour opter, suivantleurs convenances et leurs avantages, entre la France etl'Angleterre. On voyait des châtelains passer sans scrupulesdu camp français au camp anglais et réciproquement onles voyait, à l'occasion, rentrer, avec la mémo aisance, dansleur vassalité première. C'était la politique du temps. L'idéede patrie, qui va se dégager enfin de cette anarchie, nedominait pas encore les passions féodales. Les Maumoutétaient restés Français.

Attachés à la fortune des vicomtes de Limoges, notamment

(I) Bulletin (lc la société historique du Périgord, t. VII, p. 451 (55W). - Lerécit original, reproduit aussi par Marvaud et par Mary Lafon, est dans la Novanibiiotheca du P. Labbe. (T. il, P. 522.)

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- ta -à celle de la vicomtesse Marguerite de Bourgogne, toutepuissante à la cour de saint Louis, ils avaient rencontré unehostilité acharnée dans une des grandes maisons du Péri-gord, dévouée aux Anglais, quoique maintenue dans le lotde la suzeraineté française, la famille de Bourdeille, quipossédait non seulement la seigneurie de ce noua, maisencore des terres importantes sur les confins du Périgord etdu Limousin. Un proche parent de noire abbé, Adérnar deMaumont, nommé gouverneur de Chalus en 1265, y fut as-siégé par Boson de Bourdeille, de terrible mémoire, qui letua de sa propre main. Boson s'empara en outre de ses deuxenfants, mit la main sur tous ses biens, en perçut les revenusCL y commit les plus odieuses exactions. Mais la justice royalevint mettre un terme à ces violences (l). Un décret de ban-nissement, fut tendu contre Boson son frère F3bles avait étél'objet d'une semblable mesure. Les Maumont, grâce à l'ap-pui du roi et des seigneurs de Limoges, se retrouvèrent,après la crise, plus riches et plus puissants que jamais.En 1280, Sous le successeur de saint Louis, l'année même oùBernard de Maumont était pourvu de l'abbaye de Brantôme,son frère Gérald, le conseiller clerc du parlement, déjà pro-priétaire en Limousin des terres d'Aixe et de Bré, et en pluschapelain (lu pape, qualifié dans un mémoire du temps de« grand et puissant tyran qui prenoit à. droite et à senes-tre (2), » recevait en don de Marie, fille de Marguerite deBourgogne, et de son époux Artur de Bretagne, la châtelleniede Chalus, possédée à moitié par les Bourdeille, et celles deChalusset et de Courbefy, ordinairement unies à Chalus (s).

C'était une éclatante revanche de la maison de Mariaientcontre la maison de Bourdeille. L'avènement de Bernard

(1)Voir Pesant les (ilisloiçe du Périgord, t. Il, pages; et suivantes). Le récit qu'ilrait de ces événc,nents est quelque peu confus et salas suite, nais rempli d'indi-cations utiles.

(2)Cité par d'Aguesseau (T. VI, P. 525-596), d'après les Archives de Pan.(3)Archives des Basses Pyrénées, 11.608. - Voir la savant travail do M. Clément-

Simon sur la vicomté de Lfmoqes dans le compte-rendu du congrès scientifiquetenu A Périgueux e" 1876, t. Il. -

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-- 44 -de Mimaient k l'abbaye de Brantôme fit cette revancheencore plu complète. Dans ce dédale de vieux textes, parhiices arrêts, ces contrats, ces débris de sèches procédures quinous ont été conservés, en présence surtout des édifices quion t été les témoins de tant de drames successifs et qui enportent les traces souvent énigmatique, la pensée ne peutse soustraire à la tentation de reconstituer de son mieux latrame des événements épars et de les lierdansieur enchaî-nement naturel. Tout circonscrit, tout local qu'il soit, le sujetoù je me suis aventuré exige cet effort de l'esprit. C'estpourquoi mon désir serait, dans le vague ou la complexitédes faits, de tenter ici autre chose quede les prendre telsquels au passage je nie risque donc à les interpréter par leurorigine, leurs milieux et leur suite, quitte k faire plus d'unedigression, tantôt en arrière, tantôt en avant, avec l'allureindépendante plutôt d'un touriste que d'un historien. Aussibien, rencontré-je enfin le guide que je me suis promis etqui va m'être un auxiliaire précieux. An moment où noussommes arrivés, à la claie où Bernard de Maumont devientabbé de Brantôme, la terre de i3ourdcille, celle dont le bourget le château de Bourdeine sont le centre et le chef-lieu, setrouve être dans la mouvance ou, si l'on veut, sous la suze-raineté de l'abbaye. A quelle époque remonte cette singu-lière inféodation? Quelle en est l'origine? D'Aguesseau sup--pose un seigneur de Bourdeille revenant de la croisade avecles reliques d'un des Saints Innocents, à qui l'on donne lenom de saint Sicaire, et les confiant à la garde des religieuxde Brantôme, dont il devient, par cet acte de piété et de, reli-gion, le vassal spirituel, vassalité qui, dans la forme, est dueau- monastère ou à son cher, mais qui , au fond , revientuniquement au saint sous- linvocation duquel le monastèreest consacré.

On ne sauroit presque nier, dit-il (1), que ce ne soit au plus tôtvers le onzième siècle que ces sortes de reliques ont commencé àêtre apportées en France. C'est en ce temps que les expéditions

(1) D'AgUesseau, t- VI, page 570.

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- f5 -d'outre-mer et les premières croisades ont 616 entreprises, et ce nefut qu'au retour de la 'l'erre Sainte que l'Occident s'enrichit, pourainsi dire, des dépouilles de l'Orient, par les reliques que chaqueseigneur s'empressoit de rapporter dans son pays. 0e n'est pas ici lelieu d'examiner si la foi de ces reliques est entièrement assurée, ousi les Orientaux n'abusèrent pas souvent en cc temps de la pieusecrédulité de nos pères mais, quoi qu'il en soit, il ne paroi.t pas pos-sible de faire remonter plus haut le transport des reliques de saintSicaire. »

Voilà qui entame singulièrement la tradition du dépôt desreliques par Charlemagne. Mais ce n'est qu'un aperçu secon-daire ce n'est pas la question fondamentale du procès.D'Aguesseau n'y insiste pas. Pour nous, la question a plusd'intérêt. Que déciderons-nous entre d'Aguesseau qui ren-verse la légende et Dessalles qui l'accepte sans hésitation ?Dessalles ne s'appuie sur aucune autorité sérieuse. Sansdoute, un vieux manuscrit deLoisel, rédigé d'après Réginon,qu'André du Chesne a fait figuier dans sa collection des/Iistoi'icns de la &ance (1), raconte que e Charlemagne, peude temps après avoir fondé en Périgord une basilique surles bords d'une rivière appelée la Brône en l'honneur dubienheureux Pierre, prince des apôtres, y déposa mi desInnocents qui avait été donné à son père par le pape romain(vad Romano) et dont l'aide et les mérites lui avaientmaintefois donné la victoire. Le lieu où la basilique u étéfondée, ajoute le manuscrit, s'appelle Brantôme. » Ce texte,S'il était authentique, lèverait à peu prés tous les doutes.

(t) historie fl'ancorurn seripteres, opera oc studio Andrem du Chesne,(1636), t. Il, p. 28. - Le bi pe du 'nanus'wi t de Loisel est Annales RerumEj'aneorum, que o Pippino et Cmu/o magne regihus geste saut, ah annoPost Cljristum natum DCCXII flaque oC onnurn DCCCXIV. Ex vetastoexemplari Aïs. Antonii Loiseiii , q u el) nune in Bih]ioth. iflusti'is vis!Francise! Thuani Jncobi-Avgusti liii! seivatur. - On lit en tete de Fave,'-Lissenient qui précède celle dernière publication Annales hi procul dubiosunt ildem iilsi, quos plebeio et rustico se,'rnone composites RheginoPromenais nhbos ad annuw DCCCXIV. .Secutam se ait, et que ex parie oCJatinam Je g u lam coprexisse...

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- 46 -Malheureusement, le passage qui a spécialement trait à saintSicaire ne faisait pas corps avec le manuscrit publié par duChesne. Il était écrit en marge du volume, d'une main unpeu plus récente (manu pavlo recontiore scripta). La méfianceest si légitime vis-à-vis des interpolations qu'il est permisde contester à cette addition la valeur historique que luiattache Dessalies. Sans aller jusqu'à y voir la main et lapensée d'un propagateur intéressé de la légende, la critiquehistorique a le devoir de n'en tenir compte que comme d'unécho de cette légende. Quant à Réginon, dans sa chroniqueoriginale (I) qui s'arrête à 814 et qui rapporte sommairementles deux incursions de Charlemagne en Aquitaine et la fon-dation du château de Fronsac sur la Dordogne, en 769, il n'adit un mot ni de la fondation de l'abbaye de Brantôme nidu transport des reliques de saint Sicaire par le futur empe-reur d'Occident. Sous ces réserves, la tradition ne me paraîtpas, comme à d'Aguesseau, absolument inadmissible. Onsait que, bien avant les croisades, notamment au vi e siècle,il se fit autour des reliques un mouvement d'opinion consi-dérable et qu'il en fut rapporté une grande quantité dePalestine en Europe. 0n sait aussi que ces restes vénérésconstituaient le cadeau le plus généreux qu'on pût attendred'un pape. Les princes ne cessaient d'en demander à Gré-goire le Grand, et les plus haut placés se montraient fortexigeants, témoin l'impératrice Constantine, qui ne postularien moins que la tète de l'apôtre saint Paul. Le Saint-Père,jaloux de conserver la dépouille intacte, s'en tint à l'envoide quelques paillettes qu'il détacha avec une lime des chai-nesIu glorieux martyr. Pépin le Bref, bienfaiteur do la pa-pauté, pouvait pousser loin ses exigences. On peut admettreque de non moins bonnes raisons l'aient forcé û se contenter

(1) Qormanicorum roruin quatuor celehriores vetustioros quo obronographiquorum nomme sent : Johonnes Turpinus, Rhe.gino ahbas Prumiensisdiocosis Travircn, Sigebertus, Lombortus. (Lutctia Dclxvi.) - Chroni-corum Poginonis de Origine gentis et zogum Francorum liber socundus.P. 27. -

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- 17 -des ossements d'un sain L alors un peu obscur. Mais, ce quisurprend, c'est que le monastère, doté par son fils (te reliquesmiraculeuses, qui viennent de faire Jours preuves sur leschamps de bataille, n'acquièe pas aussitôt par ce fait uneimportance et une notoriété extraordinaires et se trouve re-légué quarante ans plus tard dans la dernière catégorie desmonastères du royaume (I). Le sentiment des vraisemblancesPt des rapports historiques s'accommoderait mieux de lathèse de d'Aguesseau. Mais la tradition est Ut, spécieuse etséduisante, soutenue par une oeuvre d'ait du plus haut intérêt.11 ne peut que m'être agréable de n'avoir pas sujet de la re-jeter absolument (2).

(1) Constitt,twn de jnonasteriis z'egni Fi'aneort,uj quoi 1?e,i iaiiitia,n,donc, vol soles or,,tines dchent, Ex i'eter'i oodice mOi]ûstcrii Saneti Egidilapud Sep tirna nos. - Ami. 617. - haie sont u,e nec don,, nec militian,-(laie doLent, scd scias o,'ationts pro 5,9/Ide hnpet'atoris val, fihiorun, ejos,et sta/tilitate hnperii. in _4juitanJii ' .. . Monasterinn,B,'nntosm,u'ii (al. iii'antesmense). - Mabillon. T. li, p, ?IftS.

2) Je ne m'attarde pas à rechercher les origines do l'abbaye de Brantôme,rien plus que celles du culte local de saint Sicaire. Je signale toutefois laparenté qui parait exister entre la légende carolingienne de ce saint, tellequelle ressert du texte amplifié de Réginon et ries assertions du P. Duptty(p. 19'J) et la Idgehile dc la réception (aile en Aquitaine par Pépin-le-Bief dela 131e (le saint 'Jean-Baptiste et du corps de trois Innocents transportésmiraculeusement d'E gypte et déposés par te pète de Charlemagne à Saint-,lean-d'Angé]y. Cette dernière légende est taxée de mythe par les ActaSanetoj'um (t. Xxv, P . cés) et par d'autres écrivains rehgieux qui tient pasde peine à, démentrer que le Précurseur du Christ, dotit ha tête se I reuvait âce nstantinopte, ne pouvaitt 8tre bicéphale (don pie ceito h,ibea,nt,s , inqtiit6 iibe,'eus, arque duos Jeannes fuisse flcq/te un ,,,,a ipsuni fie,'! bicipiten) -Le lien, de Sainit-Jean-dA n gé ly n'en l'ut pas moinsus honoré, au siècle suivant,de la pieuse visite de t'arrière-petil-lits tic Pépin-le-Bref, pépin, roid'Aquitaine, fils de Louis-le-Déheunttire Le' royal visiteur y trouva-I-il ]esreliques en question,? Y furent-elles portées â ce moment? 'toujours est-ilque ],a du xi' siècle, dite de Ii!aillezais, n'apporte que ce Pépin fit,Par cidre de son père, le nionastôre de Saittt-Jean-d'Angéty, dans lequelturent transférés Je prétendit chef de saint Jean-Baptiste et trois des saint.aInnocents. Elle résume ensuite la t égen de de leur I t'a n si a li on ri' Egyp te, (l'a prèsUn antique manuscrit, et elle ajoute « Le même roi e (qui ne peut âtrePépin-le-Bre eontn,e disent par erreur les Acta Sancto,'um , mais Pépin

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:iii

Prestige des reliques de saint Sicaire au moyen âge, - Bas-relief

du XIII' siècle. - Caractère de l'inféodation de Bourdeille à saint

Sicaire.

Le champ n'en resté pas moihs ouvert aux versions con-traires. li se pourrait que la vérité se trouvât entre la légende

carolingienne et la thèse de d'Aguesseau. Saint Sicaire n'a

dû faire parler de lui qu'au milieu dit xr siècle, au temps du

merveilleux épanouissement religieux et architectural dont

la date fatidique de l'an 1000 avait donné le signal. C'est le

temps où l'on construisait le clocher, où Vabbaye , renaissait

triomphante de ses ruines. Mabillon rapporte, d'après des

d'Aquitaine) t construisit aussi le monos lôre de Sain t-Cyprien , en face dcPoil icrs, le 'no n ss1i'e de Brantôme .. . » Elimi n on g le merveiticu X : il reste

la fondation et le (lépôt tic reliques quelconques. Adéniar de Cltabanais, quiécrit avant le Chroniqueur de Naillezais (vers 1020) 'et qui critique le pue-

mie,' la légende associée ii la fondation (le Saint-Jean-d'Anééla', tient pourexacte celte fondation ;il tri bnée à Pépin d'Aquitaine. II faut le croire lorsqu'ilécrit que ledit Pépin fit ce couvent paf' ordre de son père, ainsi que celui de-

Shint-Cyprieru do Poitiers , celui de i3ranlô,nc, etc. •\oilà doue Saint-Jean-d'Angfl y et l3rantôune unis dans la même origine. C'est tin teint qui paraîtétabli. on pourrait nuéme aller Jusqu'à cette conjecture que k fondateur, ivresavoir doté Saint-Jean-d'Angély de la relique insigne, ayant. encore à sa dispo-sition les corps des mu oee,ul s, en fit (Ion pour pari ic à l'un des couvents qu'il

éd i fia au ménie temps, c'est -à -dire à Brantôme. .le ,i'insiste ras. Quant à latinte exacte de I' établis ement officiel de Brantôme, on dbi t la placer néees-sairemment un peu avant 817, d ale tic la consli tut ion d'Aix-la-Chapelle, danslaquelle I 'abbaye dc 13r,ntûme est mentionnée, lin groupe (le religieux n putoutefois dire constaté et recensé à l3ran t âme avant l'édification d'un asile -faisant figure de monastèu'e, Nais, en somme, la fon,lation royale inc Paraîtde Irds peu antérieure à 517. - Le Bollandis t e, auteur de la notice de saiutSicaire, émet l'hypothèse que l'enfant martyr est une simple victime des prali--

que» infanticides imputées aux Juifs an moyen âge. (Acta Sanctorum. Edit.

nùr'issirna, T. XIV, pIS?.)

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- 10 -textes qu'il n'y a pas sujet de récuser, qu'en 1000 ou 1062,un noble pèlerin venu d'Angleterre et qui passait pour êtrede sang royal, Albodène ouAlboin, reçut l'hospitalité chezles moines de Brantôme, et qu'ayant poursuivi son voyagejusqu'au pays des Butènes (Rouergue), il fit réédifier, entrePanat et Cassagnes, l'église (le Clairvaux, en ruine elle aussi,qui fut mise dans la dépendance de l'abbaye brantômaisesous les vocables de saint Pierre, de saint Thornas et saintSicaire (4). Le saint Innocent était donc l'objet d'un culteavant la première croisade.

Un siècle plus tard, en 1183, au commencement du règne(le Plnlippe-Auguste, un incident mémorable vient montrerle prix qu'attachaient t ce dépôt les religieux de Brautôme.A ce moment, la confédération des barons d'Aquitaine quis'étaient soulevés contre Richard-Coeur-de-Lion, à la voixde l'héroïque troubadour Bertrand de Born, venait de sedisloquer, laissant sans emploi de nombreuses bandes demercenaires. Ces soldats, livrés à eux-mômes et accrusvraisemblablement Sur leur passage de certains élémentsrustiques toujours prêts à la révolte, se divisèrent en deuxgroupes, dont l'un assiégea Brive et l'autre se porta vers lecentre du Périgord, visant de préférence Brantôme. On lesappelait les paillers, parce qu'ils portaient autour de leursbourguignots des rouleaux de paille destinés à. allumerl'incendie. « Ces fils des ténèbres n, comme les appelle lechroniqueur périgourdin Geoffroi, prieur du Vigeois (2),

(I) Mahi]lon. Annales Ordinis S. flene(licti. (Paris, 1704). - Lii,. 1X1.T. IV. P. 028 - Deal e'uct 'o monnsterio, dedicata luit ecc/osia in honoremseptchri Do,vini, s,sneti Pari , sancti que TI,omw et saneti Sie.vii -trlhiituin qui Ijranlosinensi ahhati,e, cajus l,aelen,,s colla est, sed ,nonacl,isdestituta, soli tilulo sancti Peu'] de Claie- Valle sou de Clans- Vallihus.--Lit trace hoc de ra con eeCii verlan t lu aune, quo litoc iusta,lratio ficta est,ailla anima, MLX. ailla MLXII pt'&l'ercntihus. - Voir aussi Cailla chais-(jaDe, 1. 11, p. 1460.

(2) Georroi; religieux de I'abba'a de Saint-Martial de Limoges, prieur duVigeois, fleurissait vers la fin du xci' siècie. Il dit lui-même qu'il eommenason 1m istoire au (dn)ps du ici Robert, et qu'il la dici u la troisième année nu

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mirent complètement à sac le monastère et la ville. Sanspain, sans ressources, sans refuge, réduits à errer de touscôtés à l'aventure (I), les moines n'eurent cependant qu'unsouci, celui de sauver leurs précieuses reliques. Ils firent ensorte que saint Sicaire obtint un asile au château de Jjour-deille. Ici, je me vois obligé de reproduire dans la teneurmème du texte latin une réflexion du narrateur s'appliquantà ce pieux transport

Eflicilzitr hospes, per quom, civis e'edditu-r .ospcs. n (2)

Il y a certainement un sous-entendu dans cette phrasealambiquée, ingénieusement distillée par une plume demoine du xr siècle. Je L'abandonne à la glose des amateurs -de quintessence, et je la traduis provisoirement ainsi

« Il devient un hôte, il devient un simple réfugié, celuipar qui un citoyen, un séculier, est sain et-saur. » C'est uneexclamation. Quel contraste! quelle situation que celle dece saint réduit à demander un gîte! quel bénéfice Pour celuiqui donne cette hospitalité Car voilà ce monsieur (traductionlibre du mot civis) désormais à l'abri du malheur. Peut-êtreaussi le boit du Vigeois a-t-il joué sur le double sens

roi Philippe-Augusle, on 1153 ... Et nous apprend lui-m&ne que son père.Geofroi de Broui!, était (le Clermont, près dExeideuil. - - Son ol,vrage seraitexcellent S'il y eut mir plus d'ordre. sDont Bouquet, Historiens de laFronce. Préfaces dit XL et dit Xli.

(I) Exu les tact! j'ci orl,cm vagi ferunl,u'. -

La Cli -oniqne du Pi-leu,' du Vigeois se trouve on entier (aus la eompi-Selon du P. Labbe iParis, 1657, t. H) qui n roue titre For,,, BihIiot]jecg,manusci-ipi - librorum rein»' - A qltiionicarum ju-rnsertirn flutu,-ieensiunaubon-irra co]leetio. - Le réel! du sac ile liraulônie est ii la page 334, § XL deIl partie. - Voici les quelques lignes qui précèdent la cita 11011 quo jeeom,ncn le o 1-1 cati mn dos I siS ni n Li oui s, du in alii ex e n gn a,'e,l t li ii va m , quartokalon,ias Mai-tU, die Sahbali asile quiiIluagesimaIn, chut Dominos dicat Orale,ne flot lhga rosIra jiienle vol Sahh,tIo.. lia craslinum cxlii il l)omiuiea quécnn toLur Esto mliii. Monachi cil m nec. dominai lice reru gi Oui ltahe,-enl, qu an.iopoints glob ail oorpo s- s pretiosi ana ri - - i s Si Cari j cc 'n p u In analt t ra n s ferreapiid castrum, quod dicutur Bordeille. Efneil.ur hospos, per quemn civis reddilt,,sosjaes.

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do mot hospes, - l'Amphitryon, qui dîne et l'Amphitryon oùl'on dmne,—et sur le sens égaement amphibologique dLl motsospeà, - celui qui sauve et celui qui est sauvé, - et a-t-ilvoulu suggérer, entre autres, celte interprétation admissi-ble «Il est bien le véritable hôte, le véritable hos pitalier, lesaint par qui un séculier, un profane, est élevé à. la dignité desauveur. » A ce compte, il pourrait y avoir quatre traductionsdifférentes, ce qu'a probablement voulu le subtil chroniqueur.Quoi qu'il en soit, l'insigne aubaine arrivée au sire de Bout--vieille est suffisamment soulignée. Le sire est l'obligé dusaint.

Ce texte témoigne au demeurant d'un lien établi entrel'abba ye de Brantôme et la seigneurie de Bourdeille. Lori-ginede.ces rapports est-elle dans l'événement raconté parle prieur du Vigeois et qu'il place i. la date du dimanche26 février 1183? Si les religieux détenteurs du corps dumartyr avaient eu, antérieurement. de son chef, droit d'accèset d'hospitalité dans le chMeau, le chroniquour ne les re-présenterait pas errants et vagabonds. Donc, il est logiquede conclure que le puissant voisin dit monastère, en resti-tuant quelque temps après aux religieux leur dépôt sacré,fut reçu pompeusement dans l'église à laquelle il rendaitson talisman et que ce l'ut là te point de départ de la fameuseinféodatioh. -

Je me permets d'avancer d'ores et déjà que la maîtressepartie du travail de d'Aguesseau, celle qui roule sur le carne-ftre et la portée d'un tel hommage, va s'adapter. à souhait àcette appréciation personnelle.

Dans cette même église rie Brantôme , il se trouvé unmonument contemporain qui remémore d'une façon trèsexpressive le culte dont saint Sicaire était l'objet. C'estencore un bas-relief représentant le Massacre des innocentsselon la donnée de saint Mathieu ou plutôt selon la donnéede l'époque. Il consiste dans une sculpture sur pierre dure,de 75 centimètres sur 80, encastrée dans le mur occidentalde l'église, à gauche du portail d'entrée, au-de5sus du béni-tier. Mais ce n'est pas là sa place originelle. il a été arrachéaux décombres d'un monument antérieur, après avoir subi

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-22—des mutilations qui paraissent accidentelles. Il forme deuxtableaux très distinctement séparés comme cieux pages d'unlivre ouvert ou deux panneaux de diptyque. Dans l'un estreproduite la scène du carnage, à laquelle préside le roiHérode assis sur un trône mi-roman mi-gothique. Derrièrele roi se tient le diable en personne lui soufflant à ['oreillede mauvais desseins devant lui, quatre soldats , donttrois présentent des enfants transpercés ou près de l'ôtreà ses pieds, deux mères éplorées. L'autre tableau figure lessaints innocents enlevés au ciel par les anges (1). Tout celaest d'un travail très naïf qui fait un contraste assezsensible avec l'imitation de Raphaill. Les costumes et lesobjets en fixent la date. Les sbires d'I-lérode ne sont pasantérieurs au xn° siècle: ils arrivent de la croisade. Le trôneroyal, les armes des meurtriers, la mentonnière d'une desfemmes ' 'ne dépassent pas le xm° siècle. L'artiste a em-prunté évidemment ses modèles aux choses et aux personnesde son temps. C'est devant cette image superposée sansdoute aux reliques du saint que les seigneurs de Bourdeilledurent remplir leur premiers devoirs de vassalité.

Cette vassalité, dont le point de départ fut « l'oblationvolontaire qu'un seigneur de Bourdeille fit de sou chateauet de son bourg à saint Sicaire qu'on honorait avec une dévo-tion singulière dans l'église de Brantôme (2) », n'imposaitd'autre charge au vassal qu'un hommage de piété et de reli-gion et n'était pas de nature â le soustrairc,'. la suprématiede son suzerain temporel et effectif, qui était, à ce moment,le comte de Périgord, et, à défaut du comte, le roi de France.La nature, sinon le commencement de ce devoir, simplementreligieux, dont nous allons voir les curieuses conséquences,est examinée et déduite par d'Aguesseau avec une rareclairvoyance. Sa conclusion est que l'oblation faite à saintSicaire n'a pu causer aucun préjudice aux droits du véritableseigneur féodal. Le fiel conquis par l'abbé de Brantôme est,

(') Cc bas - relief, reproduit ci - cou tic, contient la roprésen ta lie ii de (roisInnocents. C'est le chiffre de lit légende rappetec page 17 (note 2).

(2) fl'Agucsseim, tome VU (2' requéle).

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P!R16IILVXJM 0E LA U000EN!. Bvss;ft, û. Dp.p)o.AJÉtflfl.

Bas relier pnirniLiF des INNOCENTSdans I'Eg!ise de Brantôme

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-23—ii son origine, ce que les juristes appelèrent plus tard nn'fieîde dévotion. Le transformer en fief féodal eât été une véri-table usurpation.

« Gomme ce n'est qu'à i'oceasion des reliques do saint Sicaire, quiavoiont été peut-âtre apportées par quelque seigneur do la maison doliourdeille, qu'on a conçu le dessein (le cette nouvelle mouvance,plutôt par voie (le protection que par une véritable inféodation, voilàpourquoi ce fief, ainsi établi, ou plutôt ainsi usurpé sur son premierseigneur, a été Porte à saint Sicaire; ce qui suppose qu'avant laconvention par laquelle ce changement a été foi!, ce fief ne dépendoitpas rie l'abbaye de Brantôme. Ce changement, qui est apparemmentl'unique fondement du droit de catie abbaye , est d'ailleurs d'autantplus vraisemblable qu'il se trouve des exemples de ces sortes 1econventions que la religion semblait consacrer en quelque manière.C'est ainsi que, dans la légende de saint Robert, premier abbé de laChaise-Dieu, il est dit que Raimond de Saint-Gilles, se trouvant privéde l'héritage de son père, se rendit à cotte abha)e, où, étant devantle sépulchre de saint Robert et -ayant mis l'épée sur l'autel, il la repritet fit hommage à saint Robert de la comté de Tholose , comme latenant de lui, si Dieu lui faisoit In gréce de l'obtenir, comme il le fitbientôt après:.. Pour ne point s'égarer dans une plus longue suited'exemples, c'est ainsi que, dans les derniers siècles, le roi Louis XImit le comté de Boulogne-sur-Mer sous la protection rie ta Sainte-Vierge et lui on donna le fief et l'hommage qu'il promit de lui rendredans la • personne rie l'abbé de Notre Dame de Boulogne. Telle fui,suivant toutes les apparences, la dévotion des seigneurs de flou,-dei]le pour les reliques de saint Sicaire de Brantôme ils lui corsa-cirent leur fief, ils voulurent le tenir de ce saint; et, comme ils nepouvoient lui en rendre l'hommage, ils substituèrent l'abbé de Bran-tôme en sa place, et ils voulurent quo cet- abbé reçut leur hommage,comme représentant saint Sicaire et comme son lieutenant. Mais cequ'ils ont voulu faire par là étoit-il en leur pouvoir? Et petit-on direqu'il soit permis â tout vassal d'être pieux envers l'église aux -dépensdo son seigneur, et de le frustrer de l'hommage qu'il lui doit, sousprétexte quo par les -mouvements d'une dévotion peu onéreuse, il veutavoir un saint pour seigneur? à peu près comme ces anciens Romainsqui ci'oyoient faire un acte de religion en dépouillant leurs héritiersde leur succession, pour la donner aux temples de leurs dieux.. - -Ainsi, le droit de l'abbé de Brantôme ne doit passer quo pour unepieuse usurpation dans son origine, dès te moment qu'il sera constant

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— 21 -quo l'hommage dont il s'agit n'est, à proprement parler, qu'un hom-mage de dévotion.1)

D'après les textes connus, ce n'est qu'en 1261 qu'on voitapparaitre ta première trace de l'hommage par lequellirma la suzeraineté de l'abba ye de Brantôme sur la puis-sante seigneurie. Cet i{omrnage était rendu dans 1'égli.eabbatiale. A. en juger par la forme d'un hommage ultérieurqui porte la date do 1364, l'abbé , revêtu de ses habitssacerdolaux. tenànt sa crosse h là main, devant l'autel desaint Sicaire, faisait face au sire homnnger, qui, deboutdevin( 10 môme autel, déclarait et reconnaissait qu'il tenaitdu bienheureux saint Sicaire et de l'abbé, son lieutenant,le chûteau de Bourdeille.

u Le lieu oh se rend cet hommage, dit encore d'Aguessenu, laposture de celui qui le rend, l'état de celui qui le reçoit, but concourtà faire voir que cette cérémonie est moins un véritable hommagequ'une espèce d'acte de religion par lequel les seigneurs de Pou,'-deille renouvelaient la consécration qu'ils avaient faite de leur chu-tenu à saint Sicaire de Brantôme. Cc n'est point dans un chhteau,ce n'est point dans le monastère, ou dans un autre lieu destiné àrecevoir la foi des vassaux de l'abbaye que cet hommage se rendc'est dans l'église môme, c'est à l'autel de saint Sicaire. Le vassalprétendu n'y parait pas dans l'état ni dans la posture ordinaire desvassaux il n'ôte point son épée, il ne se met pas h genoux, il demeuredebout devant l'autel (lu saint... Enfin, l'abbé qui reçoit cet hommagecomme lieutenant le saint Sicaire y est aussi debout devant l'autelet, dans la première origine, il devait y être avec sa crosse h la mainet révôln des ornements sacerdotaux. Cet usage n duré fort long-temps... Or, sur quoi un pareil usage aurait-il pu âtre fundé, si cen'est sur ce que le seigneur avait autrefois apporté les i'eliques desaint Sicaire dans l'églisô de Branlôme, que l'abbé les y avoit reçues,revAlu des habits sacerdotaux, et que peut-étre, dans ce moment-làmôme, le seigneur de Bourdeille avoit mis son château sous la pro-tection de saint Sicaire, s'engageant 'l'âme à lui en rendre hommageà l'avenir. u (2)

(t) DAqi,esseaa, I. VI, p . 571 (1'' ,'eqi,ôte).(1) D'Agacsseal,, I. VI, p. 57'i (1'' 'equéte).

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- 25 -Nous sommes au lendemain du traité de saint Louis avec

le roi d'Angleterre. Tout porte àcroire que l'inféodation étaitde date récente. C'était le temps où les Bourdeille marquaientde toutes façons leur intention de se soustraire à la domi-nation du roi de France. Quoiqu'il soit manifeste qu'ilscherchassent alors à se réfugier sous la bannière de l'étran-ger, il n'est pas moins certain que leur ambition secrèteétait d'échapper à toute autorité. Ici encore , d'Aguesseauplonge un oeil pénétrant dans leurs calculs, ne voyant.l'ori-gine de l'hommage que dans une dévotion peu éclairée etpeut-étre intéressée du seigneur de l3ourdeille qui n vouluavoir saint Sicaire pourseigneur, afin de n'en avoir point (4)...Qui peut ignorer que les seigneurs de ce temps-là, et surtoutceux qui étaient voisins des terres possédées alors en Francepar les rois d'Angleterre, aimaient mieux relever d'uneabba ye que du roi même? Sous prétexte de dépendre d'uneabbaye, ils ne dépendaient de personne; tantôt ils servaientleur prince légitime, tantôt ils se livraient à lin prince étran-ger. Ils se rendaient maîtres de leur seigneur même et dedéfenseurs qu'ils devaient être des abbés et des abbayesdont ils se disaient les vassaux; ils en devenaient quelquef'Qisles oppresseurs (2). »

Un jour vint où même la suprématie de l'abbé se fit sentirtrop pesante au seigneur de l3ourdeille. C'est que cettesuprématie tendait à dénaturer l'esprit de la conventioninitiale et à devenir, au point do vue féodal, une puissancetemporelle ou de droit commun. De là, conflit. L'abbé (3) et]es religieux de Brantôme, aux lins de la consécrationde leurs droits féodaux, firent assigner Bernard de i3our-

(I) DAgnessenu, 10mo VT, i>. 575.

(2) I/tld, j). 5V'.

(3) Nicolas, Ois d'une Ra,netorl, Le repaire de Ha ,nefort, ont ro I3rantôme etijourdeilic , était particulièrement mouvant dû l'abba ye, saris contestalion,avec devoirs fdodaux do droit commun. Sous Nico]as on rait en ordre leni'i'Iyroiuge. li serait. intéressant 'le rechercher si I'iulcrpoiolion dont j'aiparlé tinte de cette époq"c. -

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rA

- 20 -d&lle devant le parlement, le parlement de saint Louis,devenu celui de son fils Philippe-le-I-Iardi, dans leuel figureencore notre Gérald de Maumont. La marche de cc procèsparait avoir été compliquée et laborieuse. En désespoir decause, Bernard de Bourdeille excipa de l'incompétence duroi de Fiance et se réclama de celle du roi d'Angleterre (I).L'abbaye persista à offrir an parlement franeais la preuvede sa suzeraineté. Cette offre fut accueillie. C'était en 1273.L'enqùête dut être longue. Car le parlement ne statua surelle qu'en 1279. II est à remarquer que, dans I'frrèt qu'ilrendit, il ne futnullement question de l'inféodation à saintSicaire, il fut simplement jugé que Bernant de l3ourdeilleétait le vassal de l'abbé et du couvent de Brantôme (2). Cetarrêt faisait ainsi dériver le sens de l'hommage. C'est lui quiva devenir la pierre, ngulaire des, prétentions temporellesde l'abbaye.

(1) 011,,, (seine Dom in! ÂICCLXXÏIÏ. - 1Jernrdos, p051 tauRe erreimentaneja vit dicte,» eastru,u esse de feodo eor,undem (abbatis et con rpntosIirantolmensi.$) et, post ;iegociacionern Iiujusoodi adroavit esse de fcodoregis Angle, petons id ISIH5 logis A agile euriam super lice se ,trnitti...

Indicatun, fuit quod dictes Dernn,'dus non jiaberet ,odituni quem petehat,sot/ adm itte 'en ter ad pro ha rid,,oi feodoni s,u,n, o h bas et convent us p red/ct j- Cet anIL ne paolit pas avoir passé sous tes yeux glu d'Aguesseau.

(2) Cet arrût ne se trouve P?.S dans les 011m. Mais U ressort de l'oeuvrede d'Aguesseau qu'il e été produit au procès; où oc dernier représcu ta il lesinté,ôls du roi. -

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— 27 -

DEUXIÈME PARTIE.

LA GUERRE DES LÉGISTES CONTRE BOURDEILLE.

I

Division de Bourdeitie- en deux seigneuries. — Deux eI.tdoa.ix

cl deux cliAlciains dans la iiiêittc cnceifl(c.

En prenant les choses k la lettre, l'arrêt de 1279 qu'avaientobtenu contre Bernard do Bourdeille l'abbé et le couvent deBrantôme mettait simplement dans leur dépendance féodaleun castrnrn du nom de ]3ourdeille (1) ca-sliurn, terme équi-voque, source de difficultés ultérieures. Ce mot signifiera,suivant les besoins de la cause, tantôt un château, tantôtune terre entière. D'Aguesseau n'y voit qu'un château; l'abbéde Brantôme est évidemment d'un avis tout opposé. Pour

(I) A h),as et convenlus dioebant quod castruin de B9rde.lIti, quod idc,;aLkrnardus jonchai, eiat de !eodo sue ....t j udiea tum fuitl dictes ahhate,n etcon; cu tti,n iii lrntionein Suant Super jicc sutficienler pacha visse , et diotui,icas(ru,n de Dorde)iâ esse do l'ocde dicloru,n ahhatis cl con ,'en(s, et ah oisteneji deijerc. — Ce passage latin est extrait du 1,-avail de d'Aguesseau, quin'en cite pas plus long. L'air81 , non publié clans les 0)10,, est cependantninsi tnentionnô dans la Restitution d'un volume des 01h', do ht LéopoldDelisle Année 179, n' 804. « 13ourdeitlo est tenu on flet de l'abbé de Bran-tosme. (I). 30, v') Actes du Parlonient de Paris de butane (-t' . série en

volumes.) -

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- 28 -nous, qui avons déjà pris parti sur le fond de la querelle enenvisageant, avec, l'illustre chancelier, l'oblation primitivefaite à saint Sicaire comme un pur devoir de piété et dedévotion, nous attachons moins d'importance que les deuxparties adverses h l'interprétation de ce iernw élastique. Carune convention de ce caractère pouvait indifféremmentporter sur l'ensemble ou sur une partie seulement dodomaine assujetti, sans tirer à grande conséquence. Il estprobable que, dans cet esprit, les contractants originairesn'avaient stipulé rien de précis. On remarquera qu'il ne sub-sistait de la convention aucun titre écrit, h la date où noussommes, puisque c'est par voie d'enquête que les religieuxvenaient de faire leur preuve au parlement; - une enquètequi avait dure six ans. En somme, il n'en Goûtait pas plus auseigneur d'accepter la protection du saint pour la totalité desa seigneurie qu'il n'en coûtait au saint de la lui octroyerdans cette mesure. Mais du moment que la suzeraineté del'abbaye s'écartait de son principe spirituel, c'était une autreaffaire et, dès lors, la main-mise de saint Sicaire prenaitune signification grave. On comprend que le vassal ait,dés lors, cherché à restreindre le plus possible la sphère desa vassalité. On comprend aussi que le suzerain ait tenlé del'étendre à ses plu larges limites. 'l'eut compte fait, en estobligé de reconnaître que l'inféodation primitive avait ouvertaux religieux de Brantôme une brèche dans la place. L'arrêt'de 1279 élargissait singulièrement ce passage. Saint Sicaire,qui, dans le temps, était entré là en fugitif, revenait main-tenant en conquérant.

L'arrèt, toutefois, n'avait touché que Bernard de l3ourdeille, -qui n'était pas l'unique représentant de ta maison de cc non).Si tant est qud la condamnation embrassât autre chose queson château; elle ne dépassait pus les limites de son proprehéritage. En quoi consistait l'héritage ou la part de Bernard ?-Cette part n'était pas, ce semble, de toute la terre de l3our-deille.-La terre, dans sa totalité, comprenait environ quatorzeparoisses en un seul bloc, plus des annexes écartées. Maiselle avait été, à une époque vraisemblablement récente,divisée en deux lots, et ces deux lots avaient formé dès lois

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deux seigneuriesseigneuries dans une seule terre; Le partage présentaitcette singularité de faire deux corps distincts du châteaumême de Bourdeille, de cette forteresse de premier ordre,

en bon pays et de légière garde, si comme client les con-naissers en ce, et aussi à gratis profliz des guez o (I), assise,telle, qu'aujourd'hui, sur son pittoresque promontoire etenveloppée avec une apparence de parfaite unité dans laceinture que nous 1 avons encore sous les yeux. Il y avaitdonc deux châteaux en un sen!. Bien plus, te bourg de Bour-demie, groupé et entassé autour de ces bMimerits, était aussicoupé en cieux, et chaque seigneur en avait sa moitié. Quantait seigneurial, il avait été divisé, selon toute ap-parence, d'après le même principe d'égalité, et, si les deuxlots n'avaient pas la même étendue, ils devaient avoir lamême valeur. L'uh des domaines constituait ce qu'on a appeléle comté, l'autre la baromuc.

L'entrée de l'enceinte fortifiée de Bourdeille était au mêmeendroit (lue la porte actuelle, dont I'arcbitecti.ire est certai-nement postérieure à 1279. Cette entrée était communeau comte et, au baron. Après la porte, une avant-cour encoreexi gEante, et qui a dû garder sa disposition ancienne étaitégalement commune aux deux châtelains. Cette courfranchie, ils avaient encore une môme issue sur le terre-plein de la place forte, où se dressaient leurs manoirrespectifs. Des deux chàteaux, il ne reste plus que celui ducomte , à gauche de l'entrée. Le château du baron était àdroite , à la pointe opposée du promontoire: Il faut, bienentendu, faire abstraction du logis Renaissance qui paraîtavoir été construit entre ses deux aînés, empiétant un peusur les bâtiments de la baronnie, qui ont totalement disparu.Ce qui subsiste du château du comte appartient à deux épo-ques. De cette lin du Mir siècle, où notre récit nous a

(I) Prise de possession de la condé do Périgord au nom du due (l'Orl6aii,Je 26 juillet 1400. - Bourdcille. La possession et estai. cPJsoJJ,, y ehasW.(Preuves annexées il l'onvrage

de L. Dessalles , Périgucux et les deux dci'-

alors com tes de Périgord, p. 111.1

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- 30 -conduit, il resto le grand logis à deux étages composéschacun d'une salle immense l'intérieur en était éclairé pardes croisées gothiques. La cour oblongue et exiguë qui pré-cède ce bâtiment est clôturée par de larges murailles oùl'on retrouve emboîtés dans des constructions moins ancien-nes des fragments d'architecture de même style que le logis.Les adaptations postérieures au gothique sont du xtv° siècle.Le donjon qui surgit d'un des angles de cette cour et lesremparts extérieurs dans lesquels il vient confondre sa hasesont du même temps. Â la date où nous sommes, la guerreavait porté ses ravages sur ce point avancé de la forteresse,et la partie la moins ancienne fut édifiée pour la réparer.Ces i'éparatiofis valurent au château comtal, qui s'appelleraaussi le chdtcau du roi, le nom de c/icUocne nnf de Bour-deille (t).

Maintenant, si l'on veut avoir une idée approximative du.domaine dépendant de ce château, on en trouve un apertuauthentique dans l'inventaire de 400 dressé par Regnault

t) Dans un dénombrementL de I Ml, fait devau L le 'eh résen tau t dii roi (IcNa varie, alois suzerain de Ijourdeitle, on trouve le seigneur de Boiii'deillerendant hommage pour le château neuf. D'Aguesscau (T. VII, p. 544) cliicc Comme le sieur abbé de Vauban ne voudra pas sans doute appliquer cethommage à la baronnie, il faudra néeessai reine utl'apptiquer ait » Le-château neuf était donc alors 'le etjhiteau du comté, Il ne pouvait Otre question(lit Renaissahce, qui n'était pas encore construit. - Ou consultera avecfinit les descriptions qui ont été faites du château -rIe Bourdeitle, notammentcelles de M. J. de Verneilh dans le compte-rendu des séances du congrèsarchéologique de France lenu t' Péri gueux eu 1858 (p. 138 et suiv.) et dansle Ijultetin archéologique di, Périgord (T. MIt), accompagnées des beauxdessins de l'auteur. -Voir aussi cc qu'eu dit M. Léo D rosi yu dans le rit traccompte-rendu (tu congrès (p. 155). - Je signale enfin la notice sur Pour-doute qui se trouve dans l'ouvrage de lutte Les châteaux historiques de laFiance, écrite par Paul Perret et illustrée par Sadoux (Paris, Ondin , .1870).Je me permets de (lire que les illustrations en valent mieux qre le texte.Là, l'expression château ncufdésigde la construction Renaissance. - li sembleque tes auteurs de ces notices n'aient, en parlant des deux eliàteaux, penséqu'à ce dernier bâtiment et au château comtal encore existant. Ils ont faitabstractiout du château de la baronnie, dont cependant tes derniers vestigesn'ont disparu qu'à une époque récente,

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-3! -de Sens, bailli de Blois, lors de la prise de possession par leduc d'Orléans dit de Périgord, dans la mouvanceduquel, on le sait, se trouva le comté de Bourdeille (f). Leparagraphe que je cite dessine suffisamment le domaine.

Cy-après s'ensuit i'cslat des droiz, domaine, seigneurie, rentes etrevenues de la chu stellenic de )iourdeille û înoy déclarées par RaymondCuitant, lequel en fut prvost et fermier en l'année commencent àS. Jeîia.n-llaptzsie , L'an 1396, et finissent à ta S. Jehun ensuivent,l'an 1397, desquelles rentes et revenues antre enseignement je n'aypu trouver 7»T)' de ça.

Premièrement, dit lad. Ra ymond que aud. lieu a chastel appartenant auconte, touchent, â une place où souloit avoir chastal dont j'ai fait veuc surle lier, comme dessus est dit, lequel fut abatu et apartenoit it Arnault,sire en partie de Bourdeille â cause de ses prédécesseurs, par lequel lieun entrée commune entre le conte et lcd. Arnault et nu-dessus entréeseconde end. chaste[ du conte â lui apparlenant, icelle entrée seconde etchastel eul!emenL ; lesquelx deux lieux furent partiz et divisez ancien-nement entre deux frères; auxquels chasteaulx ahatu et entier appartientchoit cia chastellenie commune entra lad. conte et lcd. Arnoult ; lesquclxdroiz et justice sont divisez entre aulx; c'est assavoir que en lad. ehastel-lenie appartenent sent et pour le tout, à monseigneur 'e conte, .a 8 par-roisses c'est assavoir, la parroisse de Diras, la parroisse (Te Bussac, lapari'oisse de Pni-de-l'ourches, h parroisse de Valueil (J'aleuil), la par-misse de Félis (Sain t-Fdtix-de-Bourdeille), la parroisse de Paoussac(Panssae), la parroisse de Saint-Vivian (Saint- Vivien), la parroisse deSaint-Just' et la moitié de la parroisse de Bourdeilte, la moitié de la par-roisse de Layelle (Liste), la moitié de la parroisse de Bonaguet (La Cha-pelle- Gonaguet, jusques au Cailinu , et la moitié de la pnrroissc deLagulliac (Lôguillac-de-Cercles).

On peut se faire aussi une notion générale de la pari dubaron d'après les hommages rendus au' roi par ce dernierau xv0 siècle et que cite en passant d'Aguesseau, « pour

(1) Périgueux et les deux derniers comtes de Pév4jord, par L. IDessalles.- Preuves, p. 110.

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raison des seigneuries, terres et paroisses de Bourdeille,s de Saint-Julien, de Creyssac, de Boulouneix, de Saint-il de Va,Ieuil et de Paussac. il (1) La brièveté de cesdénombrements ne permet pas de reconstituer chaquedomaine 'Jans son exacte circonscription. La mention dePaussac et de Valeuil sur l'un et l'autre lot laisse entendreque les deux seigneurs avaient sur chacune de ces paroissesdes droits entremêlés. On n'aurait, pour s'en convaincre,qu'a se reporter â un long procès (lui surgit entre les deuxmaisons au xv' siècle au sujet de la paroisse de Paussac,dont elles se disputaient la propriété et sur laquelle aucune«elles paraît n'avoir eu de droit exclusif et universel. D'unefaçon générale, le comté avait ses terres ait sur la rivedroite de la Drône, avec une pointe avancée du côté de LaChapelle-Gonaguet, jusqu'aux portes de Péigueux. Labaronnie partait de lit gauche de la Drône qui la baignaitjusqu'à Brantôme elle se développait vers l'ouest et le nord,précisément dans la direction du berceau des Maumont, ets'arrêtait aux environs de Mareuit et de Nontron. On' cons-tatera toutefois que Saint-Félix, point extrême vers le nord,est indiqué comme étant du comté (2). Lit baronnie avait,en outre, en commun avec l'abbaye, le pariage de Brantôme,c'est-à-dire des droits de ce-seigneurie sur la ville et paroissede Brantôme et sur les paroisses de Saint-PaL'doux-de-Feixet de Cantillac. il m'a paru suffisant d'esquisser ici cettedélimitation dans un simple aperçu d'ensemble, le seul point

(1) D'Agucsseau. T. VI, p. 512.

(2) M. le comte de Saint-Saud m'a Toit obligeamment communiqué ses Do-tes sur le domaine (le Bourdeille. J' y relève un l.oinnago qui montre qu'oneffet Saint-Félix était tians la mouvance du comté, leq'iel a ppartint plus lard,

comme on sait, au comte de Périgord 136G. - Marie Bayé n fait 1,0m -mage ai, comte de Périgord pour les terres cl possessions et mayne situé (laitsles paroisses de Félix et tic l3ordcille. i (Arcli. dép. de la Gironde. Série C

N. 4,143.) Les indications de cet utile dossier eorroboro,,t d'une fi,qo,i géné-rale la division ici adoptée. J'y vois aussi que le comté est qualifié de chaste!-

Jarde. Comme ce terme est parfois appliqué à la hai'on,,ic, il lie faut doue pasloi donner une. Signification exetusive. Sans cela, il embarrasserait maintefoisle chercheur.

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- 33 -utile à retenir étant la division de la terre de Bourdeille encieux seigneuries, quelles qu'en puissent être la valeur etl'étendue respectives. En somme, la terre de Bourdeifle,dans sa totalité, présenterait approximativement sur la carteactuelle du département de la Dordogne , au nord—ouest,entre Mareuil et Périgueux, une configuration ovale, d'unelongueur de 25 kilomètres et d'une largeur (le 15 kilomètres.Ce vaste domaine, si pittoresque, qui avait do beaux mor-cealix, mais des terrains ingrats, était celui dont le ministreHenri Bertin voulait, de moitié avec son frère Augustin,alors abbé de B,antème, Pli au midi, formerun duché de Lisle. à la veille de 1189.

Quel était, eu 1279, lé seigneur de chacun de ces domai-nes? B semble résulter d'indications éparses dans de vieuxtitres et généalogie de Bourcleille récemment publiéepar la famille, qu'à la fin du xw siècle, ou aitdu xiii 0 , une dame Tarés de Montmcrel ou mieux Tharie deMontmoreau, épousa, étant veuve, Hèlie W de Bourdeille,et qu'elle apporta le comté dans sa corbeille de mariage.D'oti le tenait-elle ? Question que je ne me charge pas derésoudre. Dans cette hypothèse, ilélie IV avait sans douteen proprepropre la baronnie, c'est-à-dire l'autre moitié de la terrede l3ourdeïlle. L'arbre généalogique de la maison dit que lesenfants de ce mariage fuient au nombre de quatre, Hélie V,Ebles Boson et Bernard (t). On pourrait admettre cette

(1) Maison de jiourdeiil p , en Péi'igoi'd. —Filiation complète établie sur titresdepuis 1044 fosqnen 1593. (Troyes. - L. Legleu. M nccc XCTEE.)

J'extrais de cet utile travail ]a pallieSe rapporte A la période dont jem'occupe ici. Je or change rien, si ce n 'est la disposition t4pographique

HéLI e 1V, Chevalier.Donation è L'abbaye tIc Chancelade conjointement

avec ses deux fils, Flé]ie et Ebles. Épouse Tarès deMontmorel. Qualre filst -

lléLlE V, seigneur de ourdbillc.EBLES, chevalier. Bosox. BEI,NARO.Beoit un hommage en 1230. _.. T. S. V. P.—

p-

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autre explication non moins plausible quHélie IV, titulairede l'ensemble, laissa, à sa mort, la dame Tharie, sa veuve,titulaire du comté. Quoi qu'il en soit, foui porte à croirequ'au décès d'FIélie IV, la baronnie échut à Héli V, son lus,et que cet Hélie la transmit aussi par héritage à son fils,Hèlie VI. Ce qui n'est pas douteux, c'est que, de l'autre côté,Ebies hérita de sa mère Tharie le comté de Bourdeille.

Ici, un point me préoccupe, c'est qu'Ehles qui, dans lagénéalogie susdite, est le frère puiné d'Hélie V, soit désigné,dans plusieurs titres, comme le fils aîné de la dameTharie (1).H&ie V aurait-il été d'un premier lit du jère? Passons. Onrisquerait de s'égarer dans cos origines obscures, où legénéalogiste Chérin , dont les notes sont cependant siabondantes et si sincères, n'a apporté que des lueurs. Il esttoutefois une question qu'il faut, dès à présent-, résoudre,coûte que coûte, pour la clarté de cette étude. L'arrêt de 1270fut-il rendu contre le propriétaire du comté ou contre celui

I1FLIK V (sosdlt).-Trois fils

1JJL[E VI, chevalier, - — - EIILES.lTIltn.seigneur de 13ourdcille. II suitsaint Louis en Palestine e,, 1248et fait son Les I amen t à Damietlele 14 décembre -1240, (archivesdu eh. do IIou,cleille) y élant

tombe malade. Épouse itgii Ùs-d'Àlbret. Quatre olifants

HdLIE VII, seigneur en partieEBLES.NADéE,IMOERGE.

de flou rdeille. 'l'iaasaetion avec ahhes,e tic t'érigueur.

J1dlie , Guillaume et Pierre (le-

M au cnoa t en 1303. Fait son-

testament 10 28 dôeenibre 1203. -Un fils unique Goy.

(1) ELolus do JJoede)id, primo qndlus Tinter ciieti .lje pnnrdi. - (Qliui . -T. II. Jngenlonlsde la Pentocélo do 1281. MAX.). - Detunet,, domina dicteThinis.... Eblo di, I3nndeliâ primo genilus et viii luit dictée tlom tan Tu ails,(Extrait des Archives de Pan par Lespine. Fonds Pdricord. T. XXXtLII". 203).

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- 85 -de la baronnie? ])'Aguesseau, que je retrouve ici, aprèsm'être écarté de lui un boit apporte une dialectiquesi serrée à démontrer que l'arrêt de 1279 rendu contreBernant porte .sur la baronnie de .Bourdeille , qu'il fauts'incliner devant ses raisons (l) Donc, à cette claie, Bernardétait propriétaire de la baronnie. Son droit de propriétépouvait être fondé sur un arranginnent avec un des quatreHélie sus-énoncés, hiritier originaire. Ce qui rue porteraitè adopter cette explication, c'est qu'aucun Hélie ne figuredans les litiges domestiques de cette période et qu'il estétabli qu'us Hélie de Bourdeille résidait dans le même tempsà Branlôrne , près de l'abbaye. Les ilélie étaient doncmomentanément éliminés do la terre de Bourdeille .J'aiPeu" de glisser ici sur le terrain périlleux des conjectures,rigoureusement interdit en matière de généalogie. J'aboutissimplement à cette conclusion de fait, que c'est sur la partde Bourdeille appelée la baronnie et possédée par Bernardqu'en totalité ou en partie le Parlement avait reconnu etconsacré la suzeraineté de l'abbé et du couventdo Brantôme.

II

Le comté de Bourdeille tombé en Commise au pouvoir de l'abbaye.-- Aliénation du comté par l'abbé en faveur de son frère.

Saint Louis, par arrêt de son Parlement,avait, comme onPa vu, condamné au bannissement Ebles de Bourdeille,héritier du comté pat sa mère Tharie et qualifié de chevaliercomme son père, ce qui confirme qu'il eut, à un momentdonné, rang d'aîné dans la maison. Son frère Boson mitalors la main sur l'héritage maternel. On connaît les méfaits

(I) Vo i t' nolanini en! sa prem è,-e PequQte• Œu n'es. l'orne VI, pages 521et suivantes.

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-- 86 -de ce terrible aventurier, qui fut, à son tour, en 1260, con-damné à lin séjour de treize ans au-delà des mers. Le roi enpersonne avait rendu la sentence le Parlement se permitde la censurer comme trop indulgente. Restait Bernard-Restait aussi la descendance du frère indiqué comme Famé,Hélie V. Mais cette descendance n'a rien à faire ici, pou'l'instant. Elle parait s'être temporairement installée, deguerre lasse, dans une résidence plus. calme que le châteaudes ancêtres, à Brantôme, à deux lieues de l3ourdeille, ets'être ainsi retranchée dans tille fidélité tardive à la cou-ronne de -Fronce (1). Bernard , dévoué aux Anglais, cuitnaturellement la pensée de se mettre aux lieu et place deses frères proscrits, dont le patrimoine se trouvait, en quel-que sorte, eu déshérence.

Evidemment, saint Sicaire avait été, dans le principe,institué -à la fois le protecteur de la baronnie et du comté,c'est-à dire de toute la terre alors dans une seule main.Car, on va voir l'abbé de ]3raniôme, à l'encontre des préten-Lions de Bernard sur celle dernière seigneurie, se lever enmaître et la revendiquer, non seulement comme son fiefspirituel , non seulement comme étant de sa mouvance

(t) Voici l'opinion très indécise (le Chérir il semi)ieroit qu'l-léIy deIlourdeille (11611e VI) avoii possédé le château de Dourdeille, qu'il en avoitdIA chassé pat- l3nzon de Ijou,'deitte cl qu'il espéroil de le recouvrer par lesecours du vieomle de Limoges. cependant cette conjecture ne s'accordepas avec le silence qu'observa l-161v de Hour-deilte lois des procéduresfaites contre ilozon de Ho t,rdei t le , lequel fui condamné, en i207 et 4265,par le roi saint Louis, è restituer ii In vicomtesse de Limoges cl auxseigneurs (le Mati mon t ce qu'il leur avait pris, 51,115 qu'il y soit fais aucunenemention d'l-lély de Boiti-deitic, ni de plainte de sa part. Ce qui donne tiende 5dupçounei' qu'après la mort du vteonsle de Limoges, a,-t'ivdc en 1269,

» il avaitapparemment fait quelqueaccommodement avec Bo zou de flou r-deille et en avoit tiré l'éqtuvalent de ce qu'il avoit eu dans le château do

» Ilourdeille, ,, - Mon humble avis est que l'arrangement se fit plutôt avecBernant. Voici en outre qui eonf'tu'ne ta résidence momentanée des l-ldlie àBrantôme s Il (11611e VI) fit son testament à Brtu,léme le 40 des calendes de

janvier 1270 par lequel il élit sépulture dans l'église de H,'anlôme auprèss de son pète et de ses ancêtres, s (Papiers Chérin,. Vol. fié. Verbe Hou,'-

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-37---temporelle et lui devant l'hommage lige, mais encore commelui revenant en propriété pleine et entière par droit deeomnlise. Le petit saint Sicaire, comme on l'appelle encore âJ3rantôme, croissait â vue d'oeil et donnait raison au vieuxproverbe aux Innocents les mains pleines.

Pour comljaltre cette redoutable compétition. Bernard seretourna encore vers son suprme appui, le roi d'Angle-terre. Mais il fut dit, dans tin arrêt du Parlement rendu auxassises de la Pentecôte de 1281 (1), que le roi d'Angleterren'aurait pas juridiction en ce cas. L'affaire fut clone retenuepar le Parlement français. lei, je traduis de mon mieuxl'arrêt prononcé par cette cour de justice, après qu'elle eutainsi proclamé son exclusive compétence. La décision nes'était pas Fait atiendre ; car elle est des mêmes assises de laPentecôte de 18I. Je cite, en tète, le sommaire qu'ena

deiIIe. - Bibi. nat.) .-. Chéria clii plus loin 'o Le lieu (le l3rarilôue sembledepuis ce lemps (120.fl avoir bld la résidence crlliiiaire de cet l-161v deDourdeille, ainsi que celle (le, ses lIls et poliis-nis, COiflhiiC I'ii.ihitaiiûn laplus sûre pou' où X, qlloyqu ' ils fussent toujours Co po ssessiOil du ne par lie

» le la cliij iellenie de Bourdellecelte résidence pourrait bien Cire le vravo fondement de l'a vassa htd de ces soigneurs (le l3ourdei lie, su CIII mis sons

la protection de l'abbaye (Ie Drantôine). o - Chérin ii';' évidemment aucunebide dc l'origine (te la 'ass;iliié il sciiilile avoir ignoré le procès où requit(l'A guesscli li. Il confond les doLm chî1icaux CL prend, ii 'non sens, le eluûteat,de la liaroluiiie pour celui dii comté, Au ,lemet,i'aul, (luoiqti ' il pense ii tortqu'il s'agisse ici (lu ekilea,i du comte, il arrive, sauf celte rectification,ii conlirnier notre inanibre de voir.Les ancêtres ei'1161y de Bourdelleo (lIChe \rll), dit-il en concluant, avoietut possédé un château ou forteresseo tlu,is le chéleau de Bourdelle, et la perle qu'ils cii avoleul fait ipifli'elII-» nient f'entlaioi les gIrelles parI icul i bres (In lcmlis do Buzot) avaient occasionneo tour résidence ii 13ranlème et pc'ul-Clre même leur (lépendance de l'abbaye,o (le l3ranlô,ne, ii

(1) iJjcl iii; fuit pci' ,rl'es t li in qo od i'ex A ny lie de dicto B,? ion ide on l'in"?1101? hnlie,'et. ( Qua . T. 11, l8l, Jirgemenis mie la Penicedic, Xx \'lll. - Voirdans Ryrner (i"wdci'a, de. Toute I, 2' partie, p. III) l'édit, par lequel Edoitaril,lits aiué du roi d'Angleterre, prend Bernard de Bourdeille sous sa protection

-Co '1260.

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- 88 -

donné M. Léopold DeUsle dans sa BesUtution d'un volumedes 011m (1)

An. 1281 - Arrêt eondwnznant Bernant de Bourde 111e â faire cesser

tous les empi1ehemen.is qu'il suscitait à l'abbaye (le Brantôme dans la

possession de la e/IûlcItenie 'le Bon.rdeille qui avait ôté commise au

profit de ladite abbaye, dont c'était je fief, par suite du bannissementprononcé par saint Louis contre Ebles de Boiu'deillé, frùi'e aind de

»

L'abbé et le convent de Brantôme ayànt (lit et 'exposé en justice, (levantnous, coutre Bernard de Bour'deille, écu yer, que le château et la châle!-lenie de Ijourdeille étaient dans leur fief et qu'Ebles (le Bourdeille, fr'reaîné dudit Bernard avait été par notre 'très cher seigneur et père, Louis,roi de Fiance, de glorieuse mémoire, banni de toute l'étendue de sortroyaume - que ledit Ehles avait,, en vertu d'une coutume de la terre,hérité dudit fief commue premier né, et l'avait en sa possession avant 8011

bannissement, sous condition de fidélité et hommage aux abbé et couvaitsus-nommds - lesdits ahb et couvent a yant dit quâ raison (le ces faits,Io fief leur revenait en commise, demandant à être entièrement délivrésdes empêchements que ledit Bei'nard leur apportait dans ladite ehètellenie,aPi rmant ait que, si ledit Bernard avait ou pouvait avoir un droitquelconque, dans le fief susdit la totalité en était échue en commiseauxdits abbé, et couvent, pour ce motif que, devant nous, ledit. Bcrnardavait désavoué tenir d'eux le château de llonrdeille et avait déclaré faus-

sement le tenir de l'illustre roi d'Angleterre - Sur ce, lesdits abbé etconvent exhibaient devant nous nos letttes contre ledit Bernard, â raisondesquelles et de beaucoup d'antres mo y ens proposés Par eux, ils dernan-daient d'être délivrés des empéchemnents ti eux apportés dans celte chAlet-lenie - puis , comme' ledit Bernard , spécialement et expressément

assigné A ce sujet devant notre sénéchal de Périgord, sur l'instance desditsabbé et couvent, n'avait proposé rien (Futile contre ce que desstts; -

comme ensuite, faute de di-oit t'ait par 'notre sénéchal dans la cause, lesus-nommé a yant interjeté appel par de \:ers nous, s'élit Irouvé , parl'effet de cet appel et l'a- ugemnent, relever de notre compétence, et que,cité devant noms en ' conséquence, il ne proposait rien d'utile contre ce

(t) .4 chus du Parie rata t de l'iris de l3ou tarie, 'lest itu t un, N' 2,3135.'-

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-C,- o, -

que dessus; - Finalement., par arrêt de noire cour, les deux nulles ouïes

et diligemment entendues clans les explications qu'il leur a plu de donner,il n été jugé que Ions les empêchements apport6s par ledit hernard

auxdits abbé et couvent dans ladite chàtel)enie cesseraient et que ces der-niers seraient maintenus clans la possession de ladite châtellenie (I).

Cette pièce importante , dont je ne trouve aucunemention clans le procès du siècle dernier, laisse entendreque l'héritage de la clame Tharie, c'est-û-dire le comté, échud'abord à Elles de Bourdeille, 6l,ait légitimement sorti desmains de, ce dernier, après sa condamnation, et tombé deplein droit dans celles de la congrégation suzeraine.L'occupation ultérieure de Boson n'élait donc envisagéeque comme une possession violente. Elle conservait cecaractère dans la personne de Bernard, que la contiguité deson propre domaine et le sentiment de l'honneur des Beur-deille devait provoquer sans cesse à la revendication et ît lavengeance. Mais l'arrôt de 181 venait mettre un frein à cesmouvements si naturels en assurant à l'abbé et aux reli-gieux de Branlôme la libre et entière jouissance de leurrécente conquéte. Il s'ait dans cet arrét du château et de lachâtellenie.

Ces deux termes embrassent-ils la terre entière de l3our-cleille, baronnie comprise? On serait [enté de le croire, étantdonné surtout que cette décision fasse grief è Bernard dudésaveu dont il s'est rendu coupable en déclarant tenir sesdroits, non de l'abbaye, mais (lu roi d'Angleterre. C'était làaussi, dans l'ancien cl oit, un cas de commise. La commise,en effet, était la confiscation du fief servant, an profit duseigneur féodal, pour désaveu ou félonie du vassal. Iln'est pas interdit de supposer qu'il y avait entente entrel'abbé de Brantôme et la branche des Hélio qui convoitait labaronnie et qui la reprit peut-étre de cette manière. Mais,de crainte de nous égarer dans de téméraires inductions,

(I) Ojiin, T. Il, Ju2enients do la Pentecôte de 1281. - XLIX.

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-—40—tenons-nous-en au comté. II est certain que la félonie d'Elj!escommettait au moins cette partie (le Bourdeille à ses soi-gneurs féodaux, l'abbé et l'abbaye (1). L'arrêt du Parlementconsacrait formellement cette dévolution.

Voila donc Bernard do Maumont, à sort avènement ill'abbaye de Brantôme, mon seulement seigneur suzerain dela baronnie de l3ourdeille. suivant l'arrêt de ,1279 , maisencore propriétaire du comté et peut-être de l'ensemble,suivant l'arr& de 1281. Où s'arrêtera la fortune de celtefamille? Où s'arrêteront ces représailles pacifiques, maisimplacables, contre les meurtriersd'Àdén,a p de MaumontLes l3ourdeill,e avaient lutté avec les armes. Les Maumont,aidés de la protection royale, combattaient avec les formesdu droit.. Nous sommes à la date où lés légistes triomphentenilu des batailleurs. Quelques réserves qu'on fasse sur lesprocédés légaux de l'époque, c'est une grande date dansl'histoire de France. Les Ma amont surent profiter descirconstances cii politiques très avisés. Malgré les avantagesacquis, le but. de la famillele n'était pas encore tout-à- faitatteint ses rancunes n'étaient peut-être pas entièrementsatisfaites, sa convoitise non plus. -Pourquoi ce comté de -Bourdeille, devenu, pour ainsi dire, un bien de main-morte,un fonds de communauté par sa consolidation au domainede l'abbaye, ne deviendrait-il pas un domaine privé et unpi'opre des Maumont? Le réve était exorbitant. Il n'en futpas moins réalisé.

(1) L'anuotateur des 011m voit dans cet ;,rrôt l 'opplieatioii dune coutumequ'aient ouicui- 'l'a citée, savoir, que le vassal, banni ou eo,idan,né pourail crime capital, comniettail, soit fief envers son seigneur immédiat Lacommise s'appliquait. il est vrai, à un gi-aud nombre de cas, qui bus se rap-portaient au devoir (Ii, vassal envers sou suzerain 'nais, il ne s'agit pasici(le CCS devoirs, coi' le bannissement ou la condamnation pou,- un eriniecapital lIe pouvait (Ire pi'eiioiied que par-le roi. Le suzerain, ou le couventde Brai,tàiiie, t'entra donc eu possession du fief, à cause d'un méfait eonirnisin r son vassal, mais qui ne lui avait poilé aucun prdj ud i ce.Lance ta eu'est-il certain de ce qu'il avance -? Le crime commis pat' Ehles pouvait fortNon (u-e un attentat à la fois contre le roi et coutre les Mauniout.T. tt, Note.)

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- 4! -L'abbé Bernard de Mautnont se concerta avec son frère

Gérald, le clerc du roi, que nous avons déjà vu au Parlement.A l'insu des religieux, tout en se portant fort pour eux ettraitant au nom de la communauté entière, il fit à son frère,eu bonne et due forme, donation du comté Je crois mèmequ'il alla jusqu'à lui donner, dans cet acte, la terre entièrede l3ourdeille. Mais lit dut être rectifiée plus tardet, en somme, il semble que la donation ne portât utilementque sur la moitié anciennement possédée par la darne Tharie.Il réserva, il est vrai, ait sa suzeraineté spirituelleen stipulant, comme abbé, eu sa propre faveur et en cellede ses successeurs, la rôinréodation du domaine, c'est-à-direen exigeant que l'honïmage lige fût rendu, tel que devant,par le titulaire du comté it l'abbaye de Brantôme. C'étaitpour l'abbaye, une faible part d'empire,â côté de la pleinepropriété qu'acquérait le donataire. .Instruits de la conibi -naison, les religieux du couvent se levèrent comme un seulhomme contre leur abbé. Voici, d'ailleurs, le contrat quisuscita ces protestations ou ce qu'en ont pu déchiffrer lesérudits. Je le traduis d'une copie qui se trouve dans les pa-piers Lespine et qui, est prise elle-môme sur l'expéditionfort endommagée de l'acte original (I). C'est Gérald de Mau-mont, le bénéficiaire de la donation, qui parle

[Ce' chùteau et celte châlellenie] de I3ourdeille avec haute et basse-justice, ainsi que leurs droits et appartenances quelconques , ladite feuedarne Tharie et ses époux, (le soit et en son nom, les avaient tenuset possédés, et Ebles de flourdeille, le premier né, et les autres fils de laditedarne Tliarie, les possédaient après la mort de celte dame. Pour cause dofélonies et de quantité de méfaits perpétrés et accomplis en grand nombrepar ce j'méiue Ebles el par ses frères contre lesdits abbé et couvent, cesbiens confisqués par ces derniers comme leur revenant et échus àenx en

1) I3ibliolirôq'mc nationale. Fonds Périgord. Tome XXXIII, I" 203. C'estracle inscrit ans Archives tics !Jasscs-Pyrânées sous ce litre assez niaI ap-pliqué - « Pirriage enlie Eblon (le Bon ,'deille et l'abbé de Brantôme, surla juridiction du lieu de B,'antôrne. . « (E. 70 . Camion).

u

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commise et â eux adjugés par jugement (le la cour du Seigneur Roi deFronce, ils les ont donnés et concédés â acus et a nos hé,'itiers ou ayanls-cause par donation pure et simple pour être possédés en fief perpétuel.

Nous, dans cette sorte de donation,' avons promis et promettons pourflous et pour nos héritiers et successeurs , à raison dudit fief, rie fairetenir et observer tout ce qui est contenu ci-après, savoir qu'à lotis lesabbés en particulier, au temps où ils en auront le titre, nous rendronsl'hommage lige avec serment de fidélité, que noirs défendrons fidèlementl'abbé, le couvent et leurs biens, et que, dans les autres fiers de cet der-

niers, en dehors dudit château et de ladite chtitellenie, nous ni nos suc-cesseurs ne ferons d'acquisitions, et spécialement dans la ville de Bm'a-tOme et en dedans des limites de ladite ville, sauf la volonté et le consen-tement desdits ahhL et couvent, et que nous n'exercerons aucune justice'sur leurs hommes taillables et justiciables, habitant et résidant dans laditechâtellenie, non plus que nous n'exercerons de justice quelconque sur lesautres individus ni su" les ma nouvriers dudi t monastère, si ce n'est dansles cas... de déportation, relégation ou bannissement, ou bien de mini-lation de membres 011 autres J peinesj .... qui pûssent ou di'issent êtreinfligées.

Nous promettons aussi que, si lesdits abbé et couvent dans l'avenir[étaient, en cas de guerre ou de procès, imposés par quelqu'un sur leditchâteau, nous les dédonimageriousi de plaids et de guerre et que si nousnous trouvions nous-mémes ou nos sueccsseurf dans la circonstance defaire ou d'élever dans ledit ch,àteau leu dans la ville un fort , à 'avènementde chaque nouvel abbé, nous serons ien,,s de le remettre à ce dernier unefois seulement sur sa réquisition, de tetk sorte qu'il ne puisse le garderque pendant un jour et nue n mit eh qu'il n'ait d'autre droit que d'y poser,en signe de seigneurie, sa crosse ou u,, autre eu,lmlê ne.

De m^mne, nous promettons pour nous et nos successeurs que uO,msn'exigeons des hommes desdits abbé et couvent , demeurant ou devantdemeurer â l'avenir dans ladite" châtellenie, ni quêtes, ni tailles, ni bla-dage, ni clédage, ni mai n-d'oeuvre, réservant seulement â nous à noshéritiers et successeurs ou avants-cause, le comt un qu'il est accoutuméde lever et tous uutres droits que lesdits hommes et les anciens officiersou rercepteum's , sur serment qu'ils seront tenus de faire, i'econnaitrontavoir été imposés d'ancienne date , - 'et lesdits hommes ne viendront kl'avenir aux assises de nos baillis ou de nos préposés [s'ils sont] appeléspour d'autres causes que les cas sus-énoncés,-

De même, nous promettons que nous ne transférerons pas ledit châteauen des mains plus puissantes, si cc n'est du gré et de l'auto risation'desditsabbé et couvent; et nous concédons à ces derniers ce qu'ils pourraient

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n Il—43—.

acquérir dans le fief de ladite châtellenie sous réserve (les devoirs etdroits des nôtres dans lesdits Bers.

De même, nous faisons remise et donnons décharge aurdits abbé etcouvent, pour nous et nos successeurs, de tons les dépens et frais qiîausujet dudit château, nous avons faits pour eux jusqu'à ce jour et que nousétions en droit de leur réclamer; et, pour l'observance de ce, nous obli-geons spécialement nos héritiers et successeurs, et nous promettonsd'observer toutes ces choses en vertu du serinent que nous avons prêté,suppliant notre Excellent prince Seigneur Philippe, par la grâce de Dieuroi de Fronce, qu'il lui plaise et qu'il daigne confirmer ce que dessus deson autorité royale.

En témoignage de ce qui vient d'être énoncé, nous avons commandéd'apposer notre sceau sur nos présentes.-

Donné le mercredi, la veille du bienheureux Hilaire, l'an du Seigneur1283.

Fait et donné à Brantérne, dans la maison d'Hélie .....(1).

Propriétaires accidentels et éphémères du comté, par lagrâce (le saint Sicà-ire, redevenus simples suzerains, parPellet de la donation ci-dessus rapportée, on comprendcomprend queles religieux de Brantôme aient manifesté leur dépit d'unetelle expropriation. Malgré la part seigneuriale, dès long-temps acquise, que le nouveau propriétaire de ]Bourdeillereconnaissait it l'abbaye et la protection qu'il lui promettait,malgré l'hommage lige avec serment de fidélité stipulé enfaveur du chef de leur congrégation, les moines durentjuger ce procédé comme une-exploitation sacrilège de leursdroits. -ils voyaient, nonobstant l'hommage réservé, leurrécente conquéte, en quelque sotte sécularisée entre lesmains du frère de leur abbé, qui devait la passerses propres parents. Ils étaient joués. Sans doute, enenvisageant les choses avec plus de calme, ils auraient 1u

(1) lI s'agit ici sans cloute de la maison qu'occupait depuis quelque temps àBrantôme la brandi e des 1161 e, alors représentée par l-1611e VII de Hou r-cleille, lequel va bientôt hire figure de propriétaire rIe la baronnie.

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se demander sils étaieit en mesure de sauvegarder avecleurs propres moyens, même avec le secours de leurs puis-santes reliques, une telle acquisition et si , par le nouvelacquéreur en si bonne posture auprès du roi, ils n'entraient

- pas aussi de plain-pied dans le giron protecteur de la royauté.Les Maumont, quelle que fùt l'insatiable ambition dc cettefamille, pouvaient leur apparaitre comme les instrumentsutiles de la politique tic la couronne, qui faisait flèche de -tout) bois contre l'anarchie féodale. Car, un puissant obstacleà la pacification locale, un repaire de redoutables batail-leurs, était comme abattu du coup. Mais, l'intérêt et ladignité froissée ne se paient pas de ces hautes raisons, 'luine sont senties que de la postérité.

111

Prise de possession violente de son abbaye par . Bernard do Mau-mont. - Intervention du pape. - La paix signée à Mareuil:

Les moines de Brantôme trouvèrent un aIUé résolu dansl'évêque de Périgueux, qui était alors Raymond d'Auheroche.Ce prélat vivait en rapports très tendus avec le sénéchal dePérigord il semble qu'il fut favorable aux Anglais. Lesénéchal, s'inspirant sans doute de la pensée royale et desintérêts de la royauté, soutenait les Maumoii t. Il rie faut pasd'ailleurs perdre de vue que la terre de Bourdeille étaitcontiguë à la seigneurie épiscopale, par le comté. L'évêqueavait certains droits sur Bourdeille (1). On comprend que le

(i) Une bulle dUrinin Il!. du 22 seplenihre lIS?, orclonnail que l'évqiie.de Périgueux, alors A dh(m, r de La Tour. eonsen-î t lotis les domaines flou(cern é1 ire jouissait. cl était appelée fi jour canon j quenacut , parmi lesquels.étaient expressément cités les fiefs relevant de. cet évêque, possédés par levicomte tic Limoges, le sire de Con,'don, el. Ceux de Saint-Astie,. d'Agonac,de La floebe-Saint-Chrislopiic , rl'Auhcroehede Bo,,rdeiflc . (flessalles.lfistoi,'e di, P;igord, I. I, p.- On verraplus loti' que lévûque lIavaitde droits suzerains que sur une faible partie de Bourdeille.

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nouvel occupant du comté ait échangé avec son voisin unregard de défiance. Sans aller plus avanl dans ces sentimentsintimes, ce - n'est pas sans une apparence de raison quel'évêque de Périgueux crut devoir à son tour élever sortautorité contre l'abbé de Brantômeet revendiquer pour luiseul le droit de faire, au nom de l'abbaye, une donation etUne réinféodation comme celles que venait de faire Bernardde Maumont. Mais, chef du diocèse, était il le chef del'abbaye? Cette question allait maintenant se poser avec lesautres. il prit les devants et la trancha de sa propre auto-rité c'est ce qu'on appelait la juridiction de l'ordinaire et,accueillant à bras ouverts les moines lui portant plaintecontre leur abbé, il épuisa contre ce dernier toutes les armesq u ' il paraissait tenir de sa situation hiérarchique. Ce fut unegrosse affaire. Il vaut la peine de la suivre. Nous n'avons,pour en reconstituer les diverses phases, qu'à consulterles pièces qui sont aux Archives du Vatican et que l'abbéLespine n'a eu garde d'omettre (Tans ses inestimables compi-lations (I). Car l'affaire alla en cour de Home. Nous re-trouvons d'abord un expo3é des premières hostilités dansune bulle du pape Nicolas 1V. du 12 septembre 1288, exposéapparemment rédigé d'après un rapport de l'évêque dePérigueux. il ne faut donc prendre le résumé que j'en faisque comme l ' écho d ' une opinion intéressée.

Dans la dénonciation adressée à leur évêque, le prieur etles moines de l3ranlôme s'étaient plaints de la dilapidationde leurs biens par leur abbé, « dilapidation monstrueuse(rn.onnitcr) qui atteignait son comble dans cette absorptionde la moitié de Bourdeille au détriment du monastère, spoliéainsi d'un revenu et d'un produit suffisants pour l'entretienconvenable de toute la congrégation. » L'évéque lit appelerl'abbé devers lui et lui demanda s'il était vrai qu'il eût dé-tourné de la sorte le château de liourdeille. - « Je n'ai fait,dit l'abbé, que travailler à la concession d'une partie de ce

(1) flibliothèqne nationale. Fonds PSrigoni, T. XXXIII, folios 20 et sui-vants.

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- 46 -chàteau à mon frère. Je lui en donnerais un meilleur, si jel'avais.» (I) Charitablement (ea2itauii'è), l'évêque l'engageaà révoquer cet acte fait en fràude de ses propres droits.L'admonestation resta lettre morte. L'évêque alors lançtcontre le récalcitrant un mandement qui le suspendait deson administration spirituelle et temporelle et dégageait lesreligieux de tout devoir d'obéissance envers lui. Bernard deMaumont ne s'émut pas davantage de cette mesure et con- -tinua même à célébrer les offices. Cela dura trois ans. Cestrois années, durant lesquelles la querelle couva jusqu'àl'éclat final, paraissent comprises entre 1283 et 1288. Unnouveau brandon de discorde s'agiia dans cet intervalle.Un canonicat fut assigné dans le chapitre de Périgueux àHélie de Maumont, frère du nouveau concessionnaire ducomté et du nouvel abbé de Brantôme. Par qui? Je l'ignore.Mais il semble que la main du sénéchal et partant du roi deFrance n'' fut pas étrangère. Ce qui est certain, c'est que,clans ce temps, le pape se plaignit à Philippe-le-Bel desniolestations que te sénéchal faisait subir de ce chef àl'évêque de Périgueux et qui étaient suggérées par l'influencedu nouveau sire de Bourdeillle auprès du sénéchal (2). Cefut sans doute cette circonstànce qui poussa t bout la pu-tience de l'évêque. Cette fois, il mit en mouvement l'officiaiet, sur l'avis de ce juge, il rendit une sentence qui enlevaità Bernard déMaumont la direction du couve]It de Brantôme

(É) In terrogat.us ah co ut juin predictuin east.i,,n, dist raxisset, respondereeonivit quod partem izujus dieU east,i trahi SUD prefato duxerat coneeden-ria,», ndieiens quod dounret cidoin cashiun, ,ne]ius si haheret:

(2) Dessailes rapporte ainsi bel incident, qu'il isole rie tons autres (Ilisloh-ndu Périgord, t. il, p. 74) « En 1286, le pape Nicolas 1V écrivit è Philippe-le-foi, ô propos des molestalions que le sénéchal dc Périgori faisait subirè l'évêque, on sujet d'un canonicat assigné ali Mie dé Mauni 0,11 dans te eh, -pitre de Péri gu clix, le priant de mettre tin ô Co trou bic, qui Provenait riesmauvais renseignemenls donnés au sénéchal p0,' réparti de Mourront, fréredilélie et conseiller du roi. (Voir colleci. Oré(pigny. Vol. lB. C.nienne.T. IX). » Il v n là une erreur dc date ou de U001 - Nicolas IV DII été papequ'en 1285.

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- 47 -et donnait aux 'religieux la faculté de nommer à sa placeune personne idoine. Les suffrages de la congrégation seportèrent sur un moine de l'abbaye, Hélie de Fayole.L'évèque, trouvant l'élu parfaitement propre û ses fonctions,confirma sa nomination, et les religieux ne reconnurent pasd'autre abbé.

Bernard de Naumont avait laissé faire, sans bouger desort continuant de dite la messe, résolu aussi dans sarésistance. Quels comptes devait-il à l'évêque, après tout?Cc n'est pas à Périgueux qu'était son supérieur. Où donc?En Auvergne, à la Chaise-Dieu, la métropole bénédictine. Levieil abbé de la Chaise-Dieu, Ebles de Montclar, non moinspréparé que les autres belligérants à entrer dans la mêlée,se leva de son siège abbatial et fit signe à l'évêque rie Péri-gueux de s'effacer (levant lui. On disputa quelque temps àl'amiable sur les prétentions respectives. La solution sefaisait attendre. Pour cri finir, OEaccord avec les Maumont,l'abbé de la Chaise-Dieu appela à 50]t secours le bras séculier.Les adversaires de l'évêque avaient clans le sénéchal dePérigord Je bras tout disposé à les seconder. il fallait deslettres royales pour 1e faire agir. On les obtint, « afin queledit sénéchal, lui ou un autre ou d'autres, piotégeat leditabbé dans ses droits, biens et possessions, contre les peitur-bateurs et violents envahisseurs, quels qu'ils fussent. »A ce point où le différend prend une tournure dramatique,empruntons, dans une traduction aussi serrée quo possible,le texte de la bulle de Nicolas IV (I), qui s'est encore à cetendroit approprié sans doute le récit de l'évêque de Péri-gueux -

ConCormémeni â la demande dudit Gérald, le sénéchal envoya un cer-tain Joliannet, sergent royal, pour l'exécution du contenu de ces lettres.Sur quoi. Johanue , e,isemhlc avec t'ahhd de la Chaise-Dieu et Me GéraldCL Bernard, accompagné d'une grande rni,liitude de gens aunés, se pot-

(Il BihI. nat. ID 0 ,,d» Périgord. T. XXXIII, f' 207. Copie prise par Lespineaux Archives du Vatican. (Reg. co!. N/eolaus 1111. BuIfarium .A,,. 9, 11.Tonie I, ? II-I.)

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tansur le monastère, au moment où l'abbé 11611e (de Favole), revêtu deses ornements sacrés, se disposait à officier solennellement, Éà l'autel desmesses, dans l'église ç'a couvent ne craignit pas de le saisir violemmentpar un acte sacrilège, (le l'enlrainer hors (lu monastère, de le lier, cl,ainsi lié et ignominieusement lr&né vers un autre endroit, de le livrerauxdiis Me Gérald et abbé de la Chaise-Dieu ou à d'autres ou à tin man-dataire d'iceux. Le prieur et la congrégation des moines de Brantômefurent, par le même Johannot et ses sergents, et aussi par l'abbé de laChaise-Dieu, chassés du monastère non sans un débordement d'injures.Et ces 10èmes Gérald et abbé de la Chaise Dieu emmenèrent de celtelocalité, ci-dessus appelée Brantôme, avec une téméraire audace, leditDélie et un des moines dudit monastère qui avait été fait prisonnier, etdès lors, ledit Délia n'a pu étre vu d'aucun (les SCfl5, ni étre retrouvé d'unemanière quelconque. On dit qu'avec les fem's aux pieds, ils sont délenusdans quelque château dudit. M' Gérald , gardés dans un atheux cachot.

Voilà pur l'exécution militaire. Une procédure en formela compléta. S'appuyant sur les lettres royales, les abbés dela Chaise-Dieu et de Brantôme assignèrent au Sénéchal lesmoines de Brantôme. Ceux qui tenaient d'llélie de Fayoledes prieurés, prévôtés ou autres obédiences dépendant dumonastère, en Turent dépouillés et expblsés les sergentsfirent main-basse sur tout ce qu'ils y trouvèrent; les moinesqui, à l'arrivée du sergent Johannet, avaient, parait-il, ferméles portes du couvent et fait obstacle à l'introduction del'ennemi (ne illuc idem Joli ancius corum iiib'odvceret ini.micos),furent par le sénéchal condamnés t mille livres tournois.La victoire de Bernant de Maumont était complète.

La cour de Borne, informée, s'émut de ce retour démesu-rément offensif. Nicolas IV, récemment promu pape, n'hésitaas à s'en plaindre au roi de Franco. Par lettres du 11 sep-

tembre 1288 (i), il lui demanda l'élargissement d'Hélie deFa yole et du religieux qui avait partagé son sort. « Il neconvient pas, écrivait-il, que tu supportes de telles choses

(1) Dib. nat, Vends Périgormi. T, XXXltt, P. 208. Copie de Lespine,d'après les Archives (lu Valican. Vol. in-P coté. rcrmul. Joh - XXtt, f' 333.Ep. 8195.

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-avec indifférence,indifférence, du marnent qu'ellesdéplaisent à Dieu,qu'elles nuisent au prestige du nom rayai, qu'elles portentune grave atteinte à la liberté de l'Église et qu'eues ontnotoirement pour effet une subversion sensible des intérêtsde la religion, sans compter une dissipation grave des bienset des droits du monastère, pour In conservation desquelstu es tenu de montrer ta sollicitude. » ii le priait, en consé-quence, de faire élargir immédiatement les prisonniers, afinqu'Hélie de F'ayole pût poursuivre librement soir

et ses autres agresseurs et obtenir complète justice. Ilterminait sa missive en réclamant une prompte satisfaction,faute de quoi il se verrait obligé, disait-il, « de recourir auremède, » an grand remède.

Nicolas IV,-homme circonspect, a savant et bien inten-tionné » (1), avait donné cet avis menaçant an roi de Franceen faisant à part soi ses restrictions. 11 était insuflisainrnentédifié sur le cas. 11 voulut se renseigner par lui-même. ilprit en conséquence l'affaire en mains avec l'intention visiblede ne pas brusquer les choses et d'éviter une faute. Aulendemain de la lettre à Philippe-le-Bel, par une bulle du4 septembre 1288, il donna mandat à l'abbé de Saint-Ferme,du diocèse de J3azas, et au doyen de Saint-Ililaire de Poitiers,de citer les frères Maumont, l'abbé de la Chaise-Dieu, etmême le sergent Johannet, k comparaître personnellementà sa propre audience pontificale, dans le délai de deux mois.Les autres délinquants étaient également assignés, maisavec faculté de se faire représenter. « Que s'ils dédaignaientde se rendre, disait-il à la fin, nous voulons non seulementqu'ils encourent dés lors sentence d'excommunicntion,-mais encore que Gérald et l'abbé de la Chaise-Dieu etBernardsoient privés parle fait de leurs bénéfices ecclésias-tiques, nonobstant toutes indulgences du siège apostolique,générales ou particulières, quelles qu'en soient la forme etteneur.

(1) Art de vérifier les dates, p. 800.

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- 50 -Gérald et Bernard se rendirent à l'appel pontifical. L'abbé

de la Chaise-Dieu fut excusé par son grand âge et se fit re-présenter. La comparution des Maumont changea les dispo-sitions de la papauté. Ces Maumont furent, ce semble, destacticiens consommés. Les préventions de Nicolas IV tom-bèrent devant leurs explications, fournies d'ailleurs contra-dictoiremeal avec les mandataires du parti adverse. Le papeconsacra ce changement d'opinion dans une lettre qu'ilécrivit, le 15 mars 1289 (I), aux trois principaux accusés« Par l'autorité des présentes, disait-il, nous vous absolvonsde la citation personnelle telle qu'èIle avait été formulée,et décrétons que vous en demeurez absous. » Il réservaitcependant la question du canonicat de Périgueux, laquelledisparut bientôt cia litige par la mort du chauoine Hélie deMaumont. Mais sa sympathie était visiblement acquise auxfavoris du roi de France. On en voit la marque, en dehorsde la solution propre du litige, dans la collation du titre dechapelains pontificaux - qu'il fit peu après à Gérald de Mau-mont et à son autre frère Hélie de Maumout (2).

Le litige entra dès lors dans la voie amiable. Le papecomprit qu'il n'en trouverait la solution que dans des conces-sions réciproques. Par une bulle du 7 septembre 1289, ildésigna Guillaume de Blaye, évêque d'Angoulême, commearbitre chargé de concilier et de départager les deux camps.Le compositeur mit le temps à remplir sa mission car il nerendit sa sentence u'en1294, longtemps après la mort de

(1) Ponds Périgord. T. xxxiri, ça 21. DiIectis Iflhis Rholo Casa Dai , Ointe-monten. et Be,-nardo Brantholmcn. Pctraqr Dioc. Monasteriorum ohbatihus,ord. f. Brai., oc ma glaire Geraido de Malomonte, con ton EccTj^ffl Bituricen.- Ce litre de Chantre dc Bourges, appliqué è Gérald et ajouté è loin tau-lies, appareiL ici pour la première fois. - (Areh. du Vatican. Reg. eut.Nicol. LIII. Buller, an 1.11. Tome I, ? 109.)

- (2) « Magisiros Gerolilum et 1-icliam do Malomoute, capellanos noatros,i-aIres ipsius Ber,ardi s dit pour la première fois la huile ci-après men-tionnée du 7 septembre 1289. Ils ne furent donc pas nommés chapelains,comme (lit M. de Lau1ardière, en 129 1i, (Bulletin, t. VII, P. 453.)

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- 54 -Nicolas IV. Les prisonniers avaient été élargis dans l'inter-valle Hélie de Fayole figure, en effet, comme assistant dansle procès-verbal d'arbitrage.

Cet arbitrage fut précédé de pourparlers, qu'on pourraitappeler les préliminaires de Mavthon. C'est dans la petiteville de ce nom, située en Angoumbis, sur les confins duPérigord, que fut conclu, entre les parties adverses, unemanière d'armistice, préalablement négocié Ør Hélie deMaumont doyen d'Angoulème (I), fondé de pouvoii's deGérald et de Bernard, ses oncles, et Guillaume Piérre, cha-noine d'Èvreux, fondé de pouvoirs de l'évêque de Périgueuxet des moines de Brantôrne. La paix fut, ce jour-là, 11 sep-tembre 1203, véritablement conclue. Il y manquait cependantquelque chose. Car l'évêque d'Angoulême ne la consacra etscella qu'au bout d'un an.

La sentence définitive (2) fut rendue, le 10 août 4294, kMareuil, en Périgord, non loin du premier rendez-vous, àplus proche distancé, mais en dehors des territoires litigieux.Le couvent de Brantôme paraft avoir été convoqué en entier.Il est, en tout cas, représenté par seize religieux, procureur,prieur claustral, chantre, prieurs, prévôts et moines.. Ils ontavec eux, bien entendu, l'évêque de Périgueux. Du côtéopposé sont les deux frères, Bernard, abbé, et M' Géraldde Maumont. L'assistance comprend aussi de nombreuxtémoins requis pour la sincérité de l'acte, parmi lesquels unseil laïque, noble homme Robert de Montbron, chevalier,du diocèse d'Angoulême. Enfin, les deux notaires, GuillaumeFabre de Varno, de 1Angoumois, et Pierre do Bele,nys, duPérigord, officiers publics, clercs de la sainte Église ro-

(1) Cet Hélio n'est pas celui précédemment mis en scène comme chanoinecontesté de Périgueux. Le chanoine venait de mourir. On ne le voit doncplus figurer dans l'affaire. La sentence finale l'élimine ainsi Sch/ste demedia honw ,nemoriœ ivagistro Hclià do AL

(2)BibI. net . Fonds Périgord. T. XXXIII, ? 207. Copies prises par Les-pine aux Archives de l'an, où la pièce était ainsi classée Ch. 89. Cet. Beur-dédie, ir 5. havent, Monlignac, ? 490, v'

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- -mairie (I). L'acte rapporté que la réunion se tint dans lecimetière de la localité fin cimitevio ojwsdom bd,1. il y a lieude penser que les notaires n'instrumentèrent pas sur lestombeaux et que le mot ci;nctidre signifie ici un bâtimentplacé sur le terrain contigu à l'église, du genre de celui quiest visé dans une charte citée par Ducange, s ad re/tgiwntan lwn vivorum, non cd sepulturam mortuorum. s Mais peuimporte. La circonstance était grave, et grave aussi dut êtrele cad'e dans lequel la paix fut solennellement conclue.

Le procès-verbal dans lequel fut monûmenté cet accordest d'une étendue qui me fait reculer devant sa reproductionintégrale. La copie s'en trouve dans les papiers Lespine, oùil est aisé de la consulter. Je me bornerai donc à un résumédes articles essentiels. L'évêque d'Angoulême reconnaîtd'abord que le litige est à ce point embarrassant qu'on nepeut en préjuger l'issue judiciaire, élit proclame la hônhe foides parties adverses. En vertu de ses pouvoirs d'arbitre, ilmet radicalement à néant toutes les révocations, suspensions,excommunications et sentence prononcées, ainsi que toutesles procédures pendantes ou à suivre contre Bernard deMaumout qu'il maintient formellement dans sa qualité d'abbéde Brantôme, indemne de tout préjudice. Mais, en mêmetemps, il réintègre dans leur abbaye les moines expùlsés etleur restitue leurs adrnnist,'cition.s avec les fruits yaflérentsdepuis le commencement du litige, et dissout la congré-gation qui avait pris leur place. Hêlie de Fayole, élu naguère.contre Bernard, sera particulièrement rétabli dans ses droitsmonacaux, c'est-à-dire dans son prieuré de Saint-Laurent-des-Combes, en Saintonge ;il est en outre pourvu du prieuré

(I) Voici les noms latins des parties présentes :Raymundus Petrago,'ensisepiscopus; - Beniardus, ahbas; - magister Geraidus de Maio'nonte; -Aymericos Pontø, piocuvator et prmpositus ; -. Guilielmus l?igaudi, priotciaustialis; - Patios Gerdi, ca.oior; - Houas de Fayoiù, Salaison Mote,Malins de la Brandi, lichas de Chahanis,priores; — AynetusPaute,prapo-silos; - Guillelmus de Manhac, P. floijandi, Jicrius de Goyas, AymerieusPorjtii, junior, GnilJc.rmus Arnaldi, GuiJJe'mus Fulcaudi, lichas de laBrande, junior, et Bayrnundus Sa] velu (ou Chkssarcflij, monachi.

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- 53 -de Boudeillle; mais, tout cela, sous la condition que les reli-gieux de Brantôme adresseront au Souverain-Pontife et auroi de France des lettres supplicatoires dans lesquelles ilsreconnaîtront expressément et confirmeront « la donationet la réinféodation qui ont Ôté faites de la moitié du châteauet de la châtellenie de Bourdeille dépendances comprises,ayant appartenu jadis à la feue darne Tharie et à ses héri-tiers »; et, reproduisant dans sa senteuèe la teneur de cesactes quo nous avons déjà vue, l'arbitre ordonne que cettepartie du château, du bourg et de la chOElelleuie de Bour-deille reste à perpétuité à W Gérald et à ses héritiers, suc-cesseurs ou ayanls-cause, sauf les droits et franchises queles moines se réservent dans cet acte même. Quant à l'évêquede Périgueux, ft qui incombe aussi le devoir de ratifier ladonation et la réinféodation de Bourcleille, la sentence luireconnaît et lui restitue vaguement, sur tous les points nonréervés, les pouvoirs qu'il avait sur l'abbaye de Brantômeavant la querelle. Elle est plus précisé en imposant auxmoines l'obligation d'assister aux synodes épiscopaux, àmoins d'excuses plausibles. Elle rentre dans le vague enordonnant qu'il ne soit fait aucune atteinte au monastère dela Chaise-Dieu, dans la sujétion et dans les droits qu'il ditavoir sur celui de Brantôme. Mais les reconnaissancesfaites à la Chaise-Dieu par Bernard de Maumont depuis sonavènement ne sont pas reconnues comme ayant caractèrede force perpétuelle.

Le reste de la sentence vise des points accessoires, quimontrent la rivalité latente existant de longue date entreles seigneuries contiguës de Bourdeille et de l'évêché. Onlimitera les chcttellenies de Bourdeille et d'Agonac, cettedernièi'e épiscopale. M' Gérald fera deux hommages à l'évô-(lue de Périgueux pour les lieux de Biras et de Puy-de-Fourches et pour un fief qu'il tient d'un sieur Gay de Flupé.L'évêque a d'autres fiefs dans la châtellenie et dans le bourgde Bourdeille ces fiefs garderont leurs droits, sauf vérifi-cation.

Enfin, la sentence ordonne l'oubli réciproque des offenseset griefs; qui ne pourront revivre ni judiciairement , ni

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- 54 -autrement. « Que tous et, un chacun, y est-il dit, soient dèsl'instant libérés, quittes et indemnes et qu'ils se restituentmutuellement la paix, la grâcet l'amour.

Les parties souscrivirent dans Pacte à toutes ces conditiens. Au demeurant, Bernard de Maumont était consacréabbé de Brantôrne, Gérald de Maumont propriétaire ducomté de Bourdeille. Encore une fois, saint Sicaire avaitconduit ses protégés à la victoire.

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TROISIÈME PARTIE

DÉCADENCE DE LA SUZERAINETÉ, ABBATIALE.

Gérald de Maumont maître de Saint-P ardoux-la-Rivière.- Ses héritiers cèdent le comté do Bourdeille au roi de Franco,

Entre ses chkteUenies du Lirnousfn, Clialus . Cliabrol, Cha-lusset et Courbefy, qu'il devait k la générosité de sa puis-sante protectrice, Marguerite de Bourgogne, vicomtesse deLimoges, et cet imposant comté de Bourdeitie, qu'il venaitde conquérir par des subtilités légales, Gérald de Maumontavait, non moins à propos, mis la main sur un morceau fortappréciable , qui l)arache\Tait4 son empire 4ans la régionqu'on pourrait appeler les MOErches'du Périgord. Cette acquisi-tion, qui reliait, en quelque sorte, ses possessions limousinesà celles de Bourdeille contiguës k la banlieue de Périgueux,était la terre de Saint-Pardoux-la-Rivière, sise dans la chà-tellenie de Nontron. Le bourg de Saint-Pat'doux était voisindu berceau des Maumont il fallait bien que les Maumontplantassent, 1k aussi, leur bannière féodale. Ce fut encore.par la grâce très efficace de lavicomtesse Marguerite, ou plu-tôt par l'ingénieuse interprétation de ses volontés dernièresqu'il obtint cette précieuse enclave. En effet, Margue-

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rite de Bourgogne, châtelaine de Nontron et conséquem-ment propriétaire de Saint-Pardou,ç était morte en 1290,laissant un testament dont elle confiait l'exécutionà Géraldde Maumont et dont la clause essentielle quant ii la terre deSaint-Pardoux, était la fondation dans cette localité d'uncouvent de femmes de l'ordre de Saint-Dom inique. M. deLaugardière, dans ses inestimables Essais sur le iVontron .n ais,a fourni sur cette création les documents les plus abondantset les plus précis (-1), donnant ainsi le méritoire témoignagede l'utilité de telles monographies locales. On y voit que,par •l'effet du testament de Marguerite, sa seigneurie deSaint-Pardoux fut, en 1292, scindée en deux parties, dont lamoindre fut attribuée au monastère naissant et la partie do-minante aux possesseurs de la forteresse. Cette forteresse,Gérald de Maumont se la féserva, naturellement, quitte à larestituer un jour aux vicomtes de Limoges L'empreinteféodale laissée par lqs Maumont sur ce coin de terre se re-trouve dans le nom de La Salle-Maumont, qui désignait unfief, avec château, dans le bourg nième de Saint-Pardoux-la-Rivière. -

Des sommets de Courhefy, point culminant de la chaîneoccidentale des collines du Limousin, antique limite du paysdes Pétrocoriens (2), Gérald de Maumont pouvait voir se dé-rouler devant lui, it perte de vue, la plus riche partie de saconquéte. Le creftx des vallons, qui s'élargissaient de plus en -plus, en descendant vers leniididansladirection des régionslèrtiles , lui indiquait à vol d'oiseau le cours de la jolierivière de Drône, naissant •dans sa sauvage terre limousineet, pour ainsi dire â ses pieds, mais plus loin serpentant dansles plus riants paysages, baignant tour à tour ses meilleurs

(1) R. do Laugardière, Essais topo graphiques, historiques et biographi-ques, su, l'arrondissement de Nons-on. (Bulletin , t. IX pages 577 cLsuivantes).

(2) De nombreux auteurs ont vu dans la (ldsine000 ile Ce, urbefy lemoL Finesqui exprime une limite consoerdo de lou gue date. (V. de Goingues. - Ber-douce. Noms anciens de lieux du département. Introduction, pages 12 et 12.)

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bourgs ses meilleurs repaires, la belle abbaye de son frèreet ce fier château de Bourcleille, terre proise où il était en-tré triomphant, sans coup férir. En contemplant cette pitto-resque entrée du Périgord, (lui fut, comme on disaitjaclis, lagrande galerie des bandes féodales, vaste champ de batailleoù, depuis des siècles, le choc des armes n'avait cessé deretentir, il pouvait en effet s'applaudir d'avoir atteint son but,les mains nettes, sinon de violences, tout au moins de sanghumain. Il faut lui faire honneur de ce pacifique résultat.Il est un hommage aussi que nous devons rendre, au pas-sage, à la mémoire de ce petit-fils de paysans. L'acte de 1292dans lequel il se faisait faire la part du lion dans son arran-gement avec le couvent de Saint-Pardoux, stipulait en safaveur, outre tant d'autres avantages, le droit de conserverpour lui et ses successeurs les vigiles qu'il avait fait planterdans le terriioire de Saint Pardoux, du côté de son châteaude Chctlus-Chabrol, dernier confin de la zone viièo1e, etle droit de les augmenter à sa - convenance , d'acheter desterres et de faire toutes autres acquisitions dans ce territoire,en vue de l'extension à donner à son vignoble et de nouvel-les plantations de cette nature (1). Honneur donc auvigneron -

Gérald de Maumont se rendit à Paris pour faire hommageà Philippele-Bel de sa terre de Saint-Pardoux (2). Il saisitsans doute dans cc voyage l'occasion de se faire confirmerdans les bonnes grâces du roi. On a vu les hautes approba-tions qu'il obtint du reste de sa conduite.

« En conséquence, dit Chérin, il jouit paisiblement péri-

(1) « Co,vje,ssit etiain ,,obis et lw.j'edibu's et suecssoriljus nasilla vinons'quas feein,us plantare in territorlo Sancti-J'ai'dulphi vèrsus east,'urnnostruin de CIjasius Chah,'ul et quod possimus cas quantum nobisplacuerit augmentait et terras ombre vol alias acqui/'ei'a in dicto torritorioet in dictis vinais auqinentandis et amptiandis eut de no"o faciendissen plantandis ....(R. de La,igardire, lac. cil.)

() L'abbé c-les. - jl/onastèt'c de Saint-Fiant, cathédrale de Périgueux.(1871.) - 1'. 19. '

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dant sa vie de ce château de Bourdeille et de ses dépendan-ces et, après lui, ceux du nom de Maumont, ses héritiers.D'Aguesseliu (f) se trompe lorsqu'il avance que c'est , à sesenfants qu'il transmit son comté de Bourdeilie. « II en laissatrois, dit il. Élie, Guillaume et Pierre de Malomont. » On nepeut admettre que le chapelain du pape, chantre de Bour-ges, clûrc en Parlement, ait été marié. Il y avait, à vrai dire,des prôtres mariés au xiii o siècle. Mais ils sortaient de ladiscipline établie depuis Grégoire VII et formaient une rareexception. Je crois donc que les héritiers de Gerald furentles fils de son frère Adhémar, la victime de Boson de Bour-deille, et qu'il faut établir ainsi la parenté

ri Quatre frères:

Au,,,An. ognALo, BERNARD, II II,IE,

d'oùclerc en Parlement abbé tIc Brantôme. chanoine rie Pdri-comte 'de Bourdeitie. gueux, doyen de

st-Yricix.JIÉLIE,GUILLAUME, PIERRE.

doyend'Angoulême.

En 1303, l'abbé de Brantôme, Bernard,,était encore de cemonde, exerçant non moins paisiblement son autorité dèslors incontestée, et satisfait, au surplus, de la gloire de 'samaison. Mais Gérald, son frère, était mort. Bernard ne pré-tendit rien dans sa succession. Les neveux et héritirs deGérald, comme propriétaires du comté de Bourdeillepassèrent, le samedi avant le dimanche de La3tarc 1308, avecnoble homme Hélie de Bourdeille (ilélie VII), seigneur del'autre partie de la cliàtellenie, une transaction aux termesde laquelle ils autorisaient Hélie à . faire bMir une maison ouforteresse dans sa portion de châtellenie ou à réédifier celleque son père ou ses devanciers y avaient eue, à condition

(t) DAguesseau, t. VI. r . 602. (I requête.)

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qu'il fit ratifier la transaction par son fils Guy de Bourdeille,lorsque celui-ci aurait atteint l'âge voulu (1). Sur quoi,Chérin fait cette réflexion que les ancêtres d'Hélio deBourdeille avaient possédé un château ou forteresse dans lechâteau de Bourdeille et que la perte qu'ils en avaient faiteapparemment dans les guerres particulières du temps deBoson avait occasionné leur résidence à Brantôme « et peut-être même leur dépendance vis-à-vis de l'abbaye. » Cette der-nière hypothèse doit être rejetée pour les raisons qui ont étédéjà exposées: Mais le reste de l'observation est justifié parles présomptions les plus concordantes.

Hélio VII rentrait donc, selon toute vraisemblance, dansle château de ses pèses, après une dépossession assezlongue, et recueillait le bénéfice de sa confiance dans lafortune des Maumont et de sa conversion au parti du roi deFrance. li s'était trouvé parmi les tenants de Philippe-le-Bel, lors de l'ajournement dotiné au roi d'Angleterre par lesénéchal de Périgord, en 1293 (2). Les Bourdeille resterontdésormais français. Le roi n'aura plus à prendre ombrage deleur turbulence. Il est non moins sùr des Maumont Il avaitl'oeil cependant, sinon sur les châtelains, du moins sur leurchâteau, qui commandait un passage si important entre Li-moges etPérigueux. Il regardait aussi, non sans convoitise,ces places fortes de Châlits, de Chalusset, qui étaient lesclefs du Périgord et du Limousin. Une contestation qui sur-git entre les ayants-droit de la succession de Gérald de.Maumont, relativément à l'attribution de ses biens, luisuggéra Vidée de les mettre d'accord en se rendant acqué-reur de leursplaces fortes. L'un des trbis héritiers, Hélie,doyen d'Angoulême, venait de. mourir, laissant pour exé-cuteur testamentaire , Guillaume de Charme , official deParis. Les deux survivants nantirent ce haut personnage deleurs pouvoirs, et, en l'an 1307, Philippe-le-Bel, traitantavec Lui par échange, se rendit acquéreur du comté de

(1) BibI. nat. - Manuscrits Chérin. Vol. S. - Page 22.

(2) Oessalles, histoire du Périgord, t. H.

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- (30 -Bourdeille, des châtellenies de ChŒIus-Chabri et de Cha-

• lusset et donna en place aux Maumont les seigneuries deChâteauneuf, en Auvergne, et de Moret, dans le diocèse doSens (1).

Dans l'acte de donation du comté, passé en 1283 entrel'abbé et les religieux de Brantôme, d'une part, et Gérald deMaumont de l'autre, on avu que ce dernier s'émit interdit« de transférer son château de Bourdeille en des mains plus.Puissantes, si ce n'est du gré et de l'autorisation desditsabbé et couvent. » La sentence de 1294, eu confirmant cettedonation, en avait confirmé toutes les clauses. Les contrac-tants.de 1807 passèrent outre à l'interdiction. Les religieuxne furent appelés à donner aucun consentement. La mort deBernard, leur abbé, paraît remonter à cette date (2). En toutcas, ni lui ni son successeur ne donnèrent non plus leuradhésion. Cette adhésion eût été sans doute refusée de tou-tes parts; car le. comté de Bourdeille, passé aux mains duroi, cessait, de plein droit, d'être assujetti à un hommagequelconque envers 1àbbaye.

Les religieux de Brantôme n'espéraien t pas sans doute quele roi de France, devenu propriétaire d'une seigneurie vas-sale de leur abbaye, vint faire à Leur égard acte de vassalité,comme eut dû le fairê, en ce cas, un simple mortel. Il est àcroire que le roi n'eut cure d'un tel devoir.. D'Aguesseauexamine la situation juridique faite â l'abbé par l'acquisitionroyale. Toutes les fois qu'un fief passait cafte les mains duroi. il se présentait deux tempéraments ou bien le roicommettait un sujet capable de rendre l'hommage en seslieu et place et de s'acquitter de ses autres devoirs de fief,ou bien, il donnait une indemnité au seigneur suzerain,indemnité que le seigneur n'était pas en droit de refuser.« Telle était la jurisprudence qui s'observait, dans royaumelorsque le roi lit l'acquisition du comté de l3ourdeille,

(1)DAgucsseau. - T. VI,p. 508.— V. aussi Chérin. M. Cment-Simos'est mal expliqud sur cet éeliange.

e) Gaula chnistiana. - V' Bernard de Maumoni. (Tome II).

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?HOTOTVPI sI!RTtIAUD. RUE CADET. Pagis.

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-e -. -

- cl - -c'est-à-dii'e eTh1'khnée 43Ô1 - IL n'apparaît pas quePhilippe-le-Bel ait- fourni une compensation, sous l'une ou,Poutre forme. Quant à l'idée qu'il ait rendu directementl'hommage à l'abbé de Brantôme, d'Aguesseau la repousseavec hauteur, au nom des principes qu'il est chargé de dé-fendre. .. .. -

On a toujours cru, dit-il, que la majesté des empereursou des rois ne devait jamais s'abaisser aux pieds de leurssujets. pour s'acquitter d'un h'oinmage que -]es uns nepodvaient rendre et que les-autres ne devaient pas recevoir.C'est ce que répondit l'empereur Frédéric l e, à un seigneurparticulier qui lui demandait l'hommage a Non Icne?i se• fideliiate-m faccre, cion omne horninum gcnussib fidelitatem -• debeat (qu'il n'était pas tenu à l'hommage. du moment que -• l'hommage lui était dû par tout le- genre humain). » Nosrois, qui orft le caractère et le pouvoir d'empereurs dans.leur royaume, n'ont pas été inoin8 jaloux de cette préroga-:ti'e, qui est, pour ainsi dire, un apanage inséparable .de la.souveraineté » (2). L'abbaye de Brantôme voyait -donc:s'évanouir la dernière apparence de s

es droits fugitifs sur le

comté de Bourdeille. -.

Émancipation du comté. - Le pariage de Brantôme, -. Pocès -et accord sur les devoirs de la baronnie.. (1479.).- - -

Le roi de France, propriétaire du comté 4e Bourdeille,dispensé par son autorité souveraine de tout devoir féodal-is:à_vis de l'abbaye de Brantôme, n'èû restait pas moins'assujetti à w' importun voisinage, à la promiscuité de cetteplace forte sur laquelle se dressaient côte à côte sonchâteaucomtai et celui du sire de - Bourdeiileï propriétaire de labaronnie. J'entends bien que le rdV ne fit pas en personne -l'expérience de cette gênante communauté. Mais ses gens, ses,

(I) lYÀguesseau. Tome VI,- pag& 581.-- ---(2) ibid. page 529.- . -------: -

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officiers veillaient. Par eux, la politique royale fut nécessai -renient amenée à faite sentir la continuation de son influencesur ce coin de terre qu'elle ne s'était approprié que- par cequ'il méritait d'être surveillé. Aussi bien, la fierté desBourdeille n'avait pas abdiqué devant le royal intrus. La.royauté avait cru, dès l'abord, devoir mettre sa marquepuissante sur son acquisition. C'est sans contredit à ce mo-ment que, sut' l'ordre de Philippe-le-Bel, , furent bâtis ledonjon et l'avant-corps du château conital, constructionsqui sont, pour- ainsi dire, soudées à ces constructions plusanciennes, dont le dessin ci contre montre la masse inipo-sanie au-dessus du vieux pont sur la Drène. L'avant-corps,dont on ne voit qu'un des côtés, se perd dans la perspectivedu dernier plan. Par le donjon surtout, le roi affirmait sonautorité. Hélie Vil de Bourdeille se sentit-il humilié de cettedémonstration? Incontinent, il prit aussi la truelle, nevoulant pas que son château fit trop piteuse figure à côté decelui du roi. Il s'apprêtait à donner ou à rendre à sonrepaire un cachet de puissance féodale, quand survinrentles officiers royaux qui lui firent défense de continuer sestravauî. -

Chérin (1) résume les textes relatifs à cette procédure. llnous dispense d'y recourir. « Hély, dit-il, présenta requête» au Roy sur l'injustice de cet arrêt, exposant que lui et ses» prédécesseurs avoient joui du droit de haute et basse jus-» tice dans Le domaine où il faisoit bâtir une tour. 11» croyoit être en droit d'élever cet édifice. Sa requête fut» admise, et Sa Majesté, - poursuit respectueusement le sa-» vant généalogiste, - Sa Majesté, la même année, 4808, lui

permit, non seulement d'achever la voùte d'une tour qu'il» avoit commencée et de couvrir la voûte de cette tour,» mais même de faire en ce lied les ouvrages qui y seroient» nécessaires. Ce sont les termes précis portés dans la» permission du Roy. »

(I) Manuscrits Ché,'in. Vol. 34. - Verbo l3oordeille, f , 7 -s-'. (Bibliothè-que nationale,)- -

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Les gens 'du roi, néanmoins-, ne perdaient pas les maçonsde vue. Le fier baron abusa sans doute de la permission, etses travaux durent, polit à petit, prendre une tournure dxagé'rée. Le voisin mit le holà.. il fit rendre par son parlementun arrêt qui réduisit les constructions à une proportiondécente. -

o Vu, dit l'arrêt (t), Venquète à laquelle il n été procédé à cesujet; - Attendu qu'il en est résulté que les constructions et édifi-cations desdits forts et bâtiments nous étaient cc point préjudiciables,ainsi qu'à notre château, que ledit château et sa propre forteresse se -trouvaient dominés par la forteresse et les bâtiments commencés déjàen ce même endroit par ledit Hélie ; —Attendu que, par l'autorité denotre puissance supérieure, nouspouvons légitimement détruire et, à-plus forte raison, empêcher tous travaux qui pourraient nuire- à nosplaces fortes, - Il n été ordonné 'par jugement de notre Cour,nonobstant les raisons quelconques proposées du côté dudit Hélie,que tous les bâtiments susdits qu'il a édifiés de la sorte, s'arrêtent etdemeurent arrêtés en tel état qu'ils ne puissent avoir aucun comman-dement sur notre château et la forteresse d'icelui (2).

La maison de Bourdeitle, dont cet arrêt réfrénait encoreune fois l'essor, , n'avait plus qu'à se tenir tranquille dans lalimite des droits certains qu'elle avait sauvés du naufrage.Son indépendance politique était annihilée. Il lui restaitcelte baronnie qui devenait dès lors'u , ne simple exploitationseigneuriale, avec les devoirs -eLles avantages féodaux atta-chés à tout fief de condition. moyenne.. Parmi ces devoirssubsistait l'hommage dû à l'abbé de Brantôme, lieutenant desaint Sicaire, hommage redevenu, par la force des choses,notamment par la réintégration des Hélie dans- leur patri-moine, 'ce qu'il était aux temps primitifs, c'est-à-dire unpur hommage de dévotion, impuissant désormais.à dériverde son principe. - -

(4) Otim. T. Il. 4305. LXXXVI.(2) Omnia proedicta sic per cum o3diIicatfl rcponenti et i'eposita

tenebuntur in ta]i statu quod dicto castre nostro et ipsius fortalfrio nuiiatenus nosSei]t obesse.

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Mais on sait que la baronnie et le couvent n'avaient pasentre eux que ce lien mystique. Ils possédaient en communune seigneurie en pariage, la co-seigneurie dite de Bran-tôme, qui englobait -aussi une banlieue de quelque étendue.La composition de cette propriété indivise dut subir main-tes variations à travers les siècles, depuis sa lointaine on-gifle jusqu'en 1789 (1). Une telle association était une sourcede conflits. Mais on faisait des accommodements. Jereproduis , ci-après le résumé qu'a fait Chérin au vu despièces originales, d'une transaction intervenue à cc sujet en1324 (2). Il donne une idée de la complexité des droitsrespectifs. L'égalité de ces droits est particulièrement troubléePar la stipulation d'un hommage plein imposé au baron- deBourdeillOEà l'égard de l'abbé de Brantôme, hommage abso-lLlment indépendant des devoirs dus à saint Sicaire. Le tiaitéest conclu entre Hélie VIII de Bourdeille, petit-fils d'HélieVII et fils de Guy, représenté par son tuteur et curateur,d'une part, et l'abbé Séguin et le couvent de Brantôme, d'au-tre part :- -

FIély de Bourdeille est qualifié de noble homme et seigneur deBourdeille dans une transaction, passée le samedi après la fête del'Épiphanie de l'aainée 1324, entre lui assisté de Robert de Bràlhac,son tuteur et curateur, et l'abbé Séguin et les moines de l3rantôme,.par laquelle on voit qu'après avoir réglé leurs droits de juridiction

'haute et Lasse en communauté ou pariage sur les Paroisses deBrantôme et sur les paroisses de Saint-Pardoux (Saint-Pardoux-de-Feix), d'Avaleuil (ValeuiQ, de la floche (3), de flamefort, de Bourdeil-

(1) En dernier lieu, le pariage était composé, connue je l'ai dit dans la- deuxième partie de ce travail, de la ville et paroisse de Brantôme et des

Paroisses de Saint-Pardoux-de-Foix et de cantillac (Almanach de -, Guyenne de 1181). Il était un pou plus étendu au xiv' siécte.

2) Manuscrits Chérin. (UibL nat.) Vol. M. Verbo oit.

(9) ce doit flic La floche, près Agonac, ancien repaire noble avec justicesur un quai't dc la paroisse de Serges, mais je n'affirme lieu, car cet

- endroit est distant d'une douzaine de kilomètres (lu grodpe formé par tesautres localités désignées dans lénuméralinu,

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t

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les, Bélonis (Boulouneix), de Bella-Aqutt (13e1]oygue) et de Saint-Crispin (Saint-Crépin), il les quitte de 10 setiers de vin que lui et sesprédécesseurs noptei dom us de Bui'deliâ avaient coutume depercevoir, chacune année, dans le vignoble de la ville de Brantôme

,sur quelques-uns de ses habitants - qu'en récompense de cela,l'abbé et les religieux lui font remise et aux siens de 20 sels derente qu'il leur devait annuellement, à causé du legs que leur avaitfait I-Iély de bonne mémoire, sen aïeul, pour deux anniversaires qu'ilsdoivent faire chaque année, tant peur le salut de sen âme que de sesparents et prédécesseurs, ce qu'ils promettent de continuer égalementà l'avenir, lui faisant aussi remise de 2 setiers de vin qu'il leur doittous les ans, à la mesure de Brantôme, pour raison d'une plai-dure sise dans la ville de Brantôme, près de la maison d'Aymery deVigonnc.

Les autres conventions énoncées dans cet acte sont que la justicede la juridiction, tant à Brantôme qu'eut autres lieux ci-dessusnommés, sera exercée communément entre les parties par un jugequ'elles choisiront et institueront, pour cet effet, avec un sergent etun sceau pour sceller en leur nom des actes et sentences de leur juri-diction commune, et dont les émoluments appartiendront au viguier(de Brantôme) et au seigneur de J3ourdeille; - qu'en fera une prisoninfrà des murs de cette ville, peur y renfermer les malfaiteurs et ceuxdesdits lieux, et qu'aucun emprisonnement ne sera fait de quelqu'unqui ne sera point de la ville que du commun consentement du sei-gneur de Bourdeille et du viguier, lesquels, pour raison de leur pa-rage, auront, dans un lieu convenable, des fourches patibulairespour l'exécution des criminels; - qu'audit abbé de Brantôme reste-roui la supériorité et ressort de toutes causes et appellations, suivantla coutume ancienne, en toute juridiction haute et liasse sur Bran-tôme et sur ce qui y appartient au seigneur de Bourdeille, lequel etses successeurs, pour cette raison, seront tenus de lui faire hommageplein et à ses successeurs comme ses vassaux, et le même abbé auratoute la juridiction de Saint-Pardoux et de Cantillae, ci le seigneurde Bourdeille aura celle de Saint-Crépin.

La baronnie de l3ourdeille restait donc, .à divers titres, lavassale de l'abbaye. Mais c'en était fait de la vassalité ducomté. II s'était pourtant écoulé à peine quelques annéesdepuis que le propriétaire passager de cette portion de Bour-deille, Gérald de Maumont, s'était soumis à l'hommage lige

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avec serment de fidélité (t) envers l'abbé de Brantôme. Celas'était fait sous le couvert de la politique royale et avaitproduit les effets qu'on a vus. Le roi, en se substituant auxMaumont, s'était naturellement affranchi de ce devoir, sansrien changer aux autres résultats. Il n'y avait qu'à s'incliner:Mais voilà que bientôt le roi songe à se défaire de sa nou-velle acquisition. L'intérêt qu'il avait eu à tenir dans sa mainle comté de Bourdeilie a perdu, ce semble, peu à peu de sonimportance, si bien qu'un jour vient où Philippe VI de Vatois,neveu de Philippe-le-Bel et continuateur de sa politique, pro-fite d'une occasion avantageuse pour s'en dessaisir en faveurdu comte de Périgord. Nous sommes en 1338, au moment oùle roi, devenu par donation propriétaire de la terre de Ber-gerac, s'y heurte à certains droits qu'y possèdent les comtesde Périgord. Ce n'est, toutefois- qu'en 1343 qu'en échange deces droits, il leur livre le comté de Bour'deille. L'une etl'autre partie gagnait sans doute au traité. Mais le baron deBourdeille ne gagnait rien achanger de voisiu, car il nepouvait songer davantage à contrebalancer le puissant sei-gneur dont l'immense propriété venait s%ccroître d'un pré-cieux lambeau arraché à l'antique patrimoine des Bourdeille.Quant à l'hommage lige contracté par Gérald de Maumonten faveur de Brantôme, le nouvel acquéreur ne songea, pasplus que le roi, às'y assujettir. Le baron demeura l'homma-ger unique, hommager spirituel envers le lieutenant d g saintSicaire, hdmrnager temporel énvers le coseigneur de Bran-tôme.

J'ai émis l'opinion que la branche des 1-lélie ou des , baronsavait dé grandes obligations à l'abbaye de Brantôme, quil'avait aidée vraisemblablement à se tirer d'affaire dans latourmente où avait été si violemment éprouvée la fortune dela maison' de Bourdeille. On avait vécu eu bons voisins,peut-être en commensaux à Brantôme, pendant l'orage. Aussin'est-il pas téméraire d'avancer que les hommages tem-

(1) Jio'nagil1zn !itgiuni cum jiu'arnenio Edclitatis. (Voir ta traduction de cetengagement à la partie II, 11, du présent travail.)

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- 67 -porels stipulés en faveur de l'abbé acquittaient, dans unecertaine mesure, une dette de reconnaissance comme l'hom-mage à saint Sicaire acquittàit une dette de piété. Ces deuxhommages furent, longt.emps confondus dans un même céré-monial. Ce n'est que plus tard qu'on tiendra à préciser leurscaractères respectifs. Du premier procès-verbal détaillé decet acte géminé de vassalité dont on ait conservé le texte(l),procès verbal qui remonte à 1864, il résulte, en somme,que le 5 du mois d'avril de ladite année, 4rchamhaud deBourdeille fit hommage plein à dom ilélie de Brantôme,comme lieutenant de saint Sicaire pour la moitié des châ-teau et bourg dL lieu de Bonrdeille et qu'il lui rendit du couple même devoir pour la moitié de sa juridiction haute etbasse de Brantôme et pour les autres lieux mentionnés dansle pariage qui avait été fait, en 4324, entre le prédécesseurde cet abbé et feu noble Hélio de Bourdeille, père de lui M-chambaud

Il y est spécifié de quelle manière s'accomplissait alorsl'ensemble de la cérémonie « L'abbé, revêtu de son habit,n était debout, sa crosse à la main, devant l'autel de saintn Sicaire, et le seigneur de Bourdeille aussi dehouL, tète nue» et les mains jointes, devant l'abbé, qui reçut son hommagen en le baisant à la bouche, selon l'usage ordinaire. - Pré-» sents à ce : nobles Guide Creissac, Guillaume Hélio et Hé-» lie de Verdel, chevaliers; Boson de la Bardie, Guillaume» de Mareuil, seigneur des Bernardières, Goy de Monvel etn Guillaume de la touette, donzels, qui en furent les té-» moins. n -

La villedeBrantôme, comprise dans le pariage, se trouvait-ainsi avoir deux seigneurs. Pour elle, le sire de - Bour-deille paraît avoir été de trop. Il faut tenir compte de la fiertébourgeoise qui s'accentuait de plus en plus. C'était, k vraidire, affaire de pur sentiment, car les deux coseigneurs nefaisaient qu'un seigneur. Mais l'amour propre, non moinsque l'intérêt, gouverne les actions humaines. Peut-être aussi

(1) Voir jl/anuscz-ils Ché,'in, vol. Si, verho oit. (I) iLI. nat.).

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les bourgeois de Brantôme faisaient-ils peu de cas d'un gen-tilhomme soumis à des manifestations de vassalité enversleur abbé. Peut-être l'abbé favorisa-t-il en secret leur résis-tance. Toujours est-il qu'en 1428, Arnaud de Bourdeilles'étant présenté devant la ville de Brantôme pour y faire sonentrée, à titre de haut, moyen et bas tusticier, les habitantslui fermèrent leurs portes, et qu'il dût se retirer. L'affaires'arrangea.

II y retourna 'l'année suivante, le 44 janvier 4429. Guy de l3rol-•hiac, abbé de Brantôme depuis 4409, vint au-devant de lui avec ses-religieux, la noblesse et la commune de ce- lieu, pour lui rendre leshonneurs qui lui étaient dus, reconnaissant alors que le seigneur deBourdeille avait dans Brantôme haute, moyenne et basse justice. Lelendemain, 15 de ce mois, les habitants lui payèrent, comme seigneurde ce lieu, le droit annuel appelé Loconun. Le 46, ils lui demandèrentpardon à genoux, les mains jointes, de la rebellion qu'ils lui avaientfaite, l'année précédente, et ils lui acquittèrent l'amende qui leur avaitété imposée pour ce sujet. Après quoi, le seigneur de Bourdeille etl'abbé de Brantôme conjointement jurèrent sur l'autel de saint Sicairede conserver ces habitants dans leurs privilèges et libertés et reçu-rent d'eux, tant nobles que religieuc et autres, un serment de fidélitéportant que tous s'obligeaient également d'obéir au seigneur de Pour-deille, soit ensemble, soit séparément, et de recevoir les domestiquesde ce seigneur dans Brantôme de nuit comme de jour. Cette céré-monie finie, il se rendit avec l'abbé au lieu où se tenait la juridiction.Ils recommandèrent ensemble aux officiers de justice de la rendrebonne et brave aux habitants, et de tout ce qui vient d'être rapportéle seigneur de Bourdeille fit dresser un procès-verbal, dans lequel ilest quàlifié chevalier seigneur de l3ourdeille et de Brantôme (4).

Il s'était accompli auparavant un événement considérablequi avait fait passer de nouveau le comté de Bourdeille, tou-jours distinct de la baronnie, sur la tôle du roi de Franco;Le parlement avait prononcé au profil de la couronne la con-fiscation du comté de Périgord, dont dépendait le comté deBourdeille. L'histoire des faits qui amenèrent cette mesure

(1) Manuscrits Chérin, vol. 24, vorbo eIt. (flibI. nat).

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est connue (I). On sait aussi la suite. Chéries VI fit don desbiens confisqués à son frère, Louis, duc d'Orléans, par lettrespatentes du 23 janvier 1899, où Von trouve pour la premièrefois cette partie de la terre de Bourdeillé qualifiée de comté.La baronnie de Bourdeille changeait encore une fois de voi-sin, bais restait ce qu'elle était. Le baron continua à rendrel'hommag à l'abbé, dans les conditions usitées. Un cartu-laire, produit dans le procès . du xviii' siècle (2), énoncequ'en 1464 , Arnaud de Bourdeille rendit à l'abbaye deBrantôme un hommage pareil à celui de 1864.

Mais, l'accord fait par tolérance mutuelle sur le mode deprestation du double hommage spirituel et temporel ne pou-vait s'éterniser. Peu après cette date de 1464, on voit s'éleverà ce sujet entre le baron et l'abbé un grave litige devant leparlement de Bordeaux. Le sire de Bourdeil le consentait bienà rendre l'hommage stipulé dans la transaction relative aupariage, c'est-à-dire l'hommage temporel. Quant au devoirspirituel, il s'y rofusaitavec énergie, se récriant surla dénatu-ration de l'hommage que l'abbé voulait exiger do lui. L'abbésoutenait que l'hommage devait lui être rendu en formed'hommage plein, avec serment de fidélité (cum jviramcntofidelitatis), cet hommage étant pour lui abbé et non poursaint Sicaire. Et pour bien caractériser sa prétention, il enteidait le recevoir désormais sans être revêtu d'aucun orne-ment sacré, le seigneur de J3ourdeille étant, ail surplus,« tenu lui faire serment de fidélité accoutumé être fait entous hommages. D De son côté, le bàron prétendait .% qu'iln'était tenu faire ledit, hommage en cette forme, niais àmonsieur saint Sicaire , et à l'abbé de ladite abbaye ,comme son lieutenant, étant devant l'autel dudit saint,revêtu et tenant sa crosse en la main, et ledit seigneurde Bourdeille étant debout, et sans serment de féauté (8). »

(I) Pêriqueux et les deux derniers comtes do Périgord , par I. Dessalles,1847.

() D'Aguesseau, tome VI. o. 511

(8) D'Agucsseu, tome VI, p. 506.

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La contestation fui longue et dut embarrasser les juges.Il fallut en venir à un accommodement, dont les médiateursfurent Hélie de Bourdeille, archevêque de Tours, oncle dubaron en cause, et. Geoffroy de Pompadour (I), évêque dePérigueux, supérieur ordinaire de l'abhè.La transaction estdu 5 février 1479. Notre travail n'étant pas un recueil dedocuments originaux, mais une simple coordination Øe faitsjustifiés par des titres, il suffira, sans remonter aux sources,d'emprunter à d'Aguesseau les termes qui précisent la con-vention, quant à l'objet qui nous occupe

Au lieu que par les actes précédents, dit l'avocat du roi avec piècesà l'appui on avait confondu clatis un seul hommage la moitié de lajustice, ou autrement le pariage de Brantôme et la moitié du repairede flamefort avec celui do i)ourdeille, on commença per cette tran-saction à mettre une différence considérable entre ces hommages, etil fut réglé que celui du pariage de Brantôme et du repaire de Rame-fort, se ferait geniinis flcxis, capite discooperto, zoné cajolé, ,nanijn,scomplosis, - à genoux, la tête découverte, sans- le ceinturon, lesmains jointes, t, - avec serment de fidélité.

Il n'en est pas de même de l'hommage du lieu de-l3ourdeillc (l'hom-mage à saint Sicaire) .....On. convient 10 quo l'abbé, en recevantcet hommage, ne sera tenu d'être revêtu, ni avoir d'autre habillcmànïque le grand habit abbatial qu'il porte, ni aussi d'avoir sa crosse,Pour ce que les vêtements -de sainte église sont ordonnés pour le ser-vice de Dieu, et non pour recevoir hommage de personne; 2° qu'ausurplus, on suivra la farine de l'hommage contenu dans celui d'Aï-chambaucl de ]3ourdeille, de l'année 1364; 30 on règle ce qui regards

- le serment de fidélité demandé par labbé et refusé par le sieur de ilour-dcille, et on le règle en ces termes r Et tour cc que mondit sieur deBourdeitle dit et prétend qu'il n'est tenu faire serment de fidélité à-mordit sieurdel3rant6mc, en serafait un instrument à part, que touteset quantes fois qu'il apparaîtra par aucun ou aucuns autres hommages -précédant ou subséquent les dessusdits, ou autrement dûment, que

(1) Manuscrits Chéri,,, vol. 34, p. 21 (noie). - Je livra cc menu fait à noireconfràre M. Maltai, qui dans sen i,ltdres3ant tra yait sur Geoffroy de Pompa-dour, en cours de publication ,tans le iJullelin, -1894, p. 185. dit ii avoir rastrouvé trace des actes épiscopaux de cet évêque de 1470 û 1480.

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lesdits sieurs de Bourdéille aient fait, ou soient tenus faire ledit ser-ment de féautê, ou accordé en ce autre forme, meadÇt sieur de Bour-deille et ses successeurs seront tenus de faire àmon dit sieur de Bran-tôme et ses successeurs ledit serment de féauté en autre forme surce accordée (fl.

Ainsi, le sieur de l3ourdeille, continue d'Aguesseau, gagne pres-que entièrement sa cause pal' cet accommodement, puisque l'on con-vient que l'hommage sera rendu à saint Sicaire et non à la personnede l'abbé, conformément à l'acte passé par Archarnbaud , et que l'onexempte ce seigneur du serment de fidélité, jusqu'à ce que l'abbé ait

rapporté les titres en vertu desquels il puisse l'y assujettir, ce qu'iln'a pas encore fait, et qu'apparemment il ne fera jamais il n'y nqu'un seul chef que l'abbé gagne par cet aeeommodeinent c'est la dis-pense de se revêtir d'habits pontificaux pour recevoir l'hommage deBourdeille.

Eu exécution de cette transaction, ce seigneur rendit l'hommage quiest le dernier titre de l'abbé de Brantôme il est de la même date quela transaction, et est absolument conforme à celui de 1364, exceptéque l'abbé reçoit cet hommage sons être revêtu des ornements sacer-dotaux (2).

C'est cette transaction qui devait servir de hase aux con-closions de d'Aguesseau dans le procès soutenu contre le roipar l'abbé de Vauban, et à l'arrèt final que rendit le par-lemeni de Paris. Mais, avant d'arriver au terme de cette que-relle, il n'est pas sans intérêt de suivre rapidement et, pourainsi dire, à vol d'oiseau, à travers les trois siècles qui sont-encore devant nous, les.des1inés communes de l'abbaye deBrantôme et de la maison dede Bourdeille.

(1)Ce qui revient à dire, de la part (lu baron s Quand v ous aurez établique je vous dois pour I3ourdeitte autre chose qu'un' hommage de dévotion, jem'exécuterai et vous prûterai serment de fidélité: En attendant, restons-en là. »- Le serinent de fidélité était l'expression la plus étendue de la vassalité.

(2)D'Agucsscau, , tome VI, pages 565, 566 cl 567 (passim).

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Les Bourdeille redevenus propriétaires de la totalité de leur do-maine (4480). - La Confidence.— Désuétude de l'hommage à saintSicaire.

Au moment où cette convention de 1479 mettait les chosesau point entre la baronnie de Bourdeille et l'abbaye de Bran-tème, l'autre portion de Bourdeiile, le comté, qui n'avaitd'ailleurs aucun intérêt direct à la transaction, n'était déjàplus aux mains du duc d'Orléans. Cette seigneurie avait suivile sort du comté de Périgord, vendu à Jean de Bretagne, vi-comte de Limoges, qui en avait pris possession le tO décem-bre 1445. Le propriétaire de la baronnie était, à cette daterétrospective, Arnaud II de Bourdeille. Nous voyons, enmême temps, cet Arnaud gouverneur du château du comté:C'est lui qui fit la remise de la forteresse au nouveau châte-lain, par lequel il fut confirmé dans sa charge de gouver-neur. En somme, les Bourdeille étaient restés là, opiniâtre-ment fixés sur leur rocher, dans des alternatives de bonne etde mauvaise fortune, donna ht un respectable exemple d'at-tachement au berceau familial.- Ils s'étaient singulièrement relevés, à partir de cet Ar-chambaud dont il a été déjà parlé et qui fut, en outre, seigneurde La Tour Blanche. Quoiqu'on ait de lui un acte de foi ethommâge, du 9 février 1369, où il avoue tenir d'Edouard;princé d'Aquitaine, fils du roi d'Angleterre, « le chastel,ville, chastellenie et appartenances de La Tour Blanche, enla sénéchaussée d'Angoulême (1), » il faut croire Brantômelorsqu'il dit de lui et de son fils Arnaud Jr « qu'ils servirentfort bien leurs roys dé France, encontre les Anglais (2). » La

(1) Bulletin, tome VIII, 1881. Notes historiques sur des fiefs du comté doPérigord relevant de t'dvael,é d'AngouWine, par A. do Massougnes. (Piècesjustificatives, VIII), page 228.

(2) OEuvres complètes de Jfrantdrne , (édit. histoire de Fronce), tome X,P. OC. Opuscules.

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preuve en est, à l'égard d'Archambaud, dans une brddnnancgrendue au nom du roi par Duguesclin, le 9avril 1375, lui res-tituant tousses biens, donties Anglais l'avaient dépoUillé (1)et, ix l'égùd d'Arnaud, dans la marque de confiance que luidonna le roi en faisant de lui son sénéchal de Périgord. Maisla plus haute expression du relèvement de la famille futdans la progéniture du sénéchal, notamment dans noire .Ar-naud Il ci-dessus mentionné, o ce brave Arnaud de Bour-deille, comme di[ Brantôme, dont les histoires parlent de luy,qui fut faiet chevallier devant Fronsac (2), n et dans le cardi-nal 1-lélie de Bourdeille, successivement évêque de Périgueuxttarchevèque de Tours, qui honora ces deux sièges par sesvertus et dont la mémoire, je dois le dire, resta en meilleureodeur auprès de la postérité qu'auprès de son arrière-neveu,le célèbre chronique-ut, très marri (S) des générosités qu'ilfit aux églises au détriment de. sa famille. L'abbaye deBrantôme fut évidemment parmi ces bénéficiaires. Car nous-voyous le prélat et l'abbé dans de tels termes qu'ils sontfaits ensemble prisonniers par les Anglais, sur le chemin dePérigueux à Saint-Àntoine-d'Auberoche, vers 1450 (4).

Oit comprend que, dans cet état de la maison, le baron deBourdeille, capitaine o'li gouverneur du château comtal, n'eût

(1) Maison do Ijourdeille en Périgord. (Filiation complète, déjà citée) -L'auteur do cotte généalogie attribue à Archambaitd l'honneur de la résistanceopposée aux Anglais, lors du siège de liourdeille, 'de 1269. II n'a peut-ôtrcpas pensé qu'Archambaud, à oc moment, n'était pas propriétaire du eb5teattpt'i noipal, c'est-ô-dire de la forteresse

Archanihalid ne parait avoir joué aucun rôle dans ce siège. Il n'est pasquestion de lui dans Froissart, pourtant plein de détails à ce sujet. (Liv. 1,partie il, chap. '164, 165 et 176.)-

(2) IirnnUi,ae, tome V, p. 293. Des cOEuronnols françois,

(3) Brantôme, tome lit, pages itt et 112 (le grand roy FranQois,) et p. 66(Opuscules).

(4)P. Dupuy, l'Es(at de TQqJise du Périgord, tome Il, p' 145. flrantôme etle 1'. Dupuy font d'Arnaud H un sénéchal de Périgord. 11-n'est. pas cependantô la suite de son père Arnaud P', dans la liste des sénéchaux de M. Ph. dolins red 011,

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- 74 -Pas l'air d'un simple gardien, malgré qu'il fût aux gagesdu. comte. Observons qu'il avait aussi les titres de seiflgneur de La Tour Blanche, de Brantôme, de Coutures, deBourzac, de Beauronne, de Douzillac et autres lieux. Enajoutant à toutes ces qualités celle de premier baron du Pé-rigord, il portait sans trop d'humiliation les clefs du châteaufort. It surveillait du mèrne oeil son domaine et là comté.Son autorité propre et son autorité d'emprunt lui donnaientles apparences d'une autorité complète. Ces apparences n'al-laient Pas tarder à devenir une réalité.

En 1450, Françoise de Bretagne, unique héritière du confiéde Périgord, avait épousé Alain d'Albret, qui n'avait alorsque dix ans. Elle lui avait porté en dot cette partie de softriche patrimoine et avec elle le comté de Bourdeille. Avec letemps,Àlain d'Albret devint un grand personnage. Suffisam-ment pourvu de toutes façons, iln'eut garde de conserver, àtitre de propriété, ce tronçon de seigneurie dont il avaitlaissé la surveillance à son voisin. Ce voisin était, en 1480,François, fils d'Arnaud (I). Conjointement avec sa femme, illui vendit le comté par acte du 10janvier de la mémé année.

Voici la substance de ce contrat

1°La seigneurie qu'on y vend y est dénommée le chàteau,qui appartenait à Alain d'Albret et à Françoise de Bretagne,auprès de l'ancien château que François de Buurdeitle,acquéreur, avait au même lieu, et l'on y ajoute ensuite la

(1) Notre érudit vice-président, M. Dujarric-Descombes, à qui je dois ren-dre cet hommage qu'il m'a inspiré l'idée du présent travail en m'indiquant lesdeux mémoires (te (['Aguesseau, o publié çà et là (tans le Bulletin (les docu-ments ou des articles excellents â consulter, relativement à l'histoire si inté-ressante de la maison de Bourdeille, qui est à faire. Voir notamment, au tomeXI, p. 881 Montre dos nohies de la baronnie de Dourdeiîle, vers 1470, ettome XIII, p. 822: Historique de la propriété di, comté de Périgord. Dans Cedernier article, ou voit François de Bouj'deille en telle situation de fortunequ'après le comté de ses aïeux, il achete à .Main d'Albret les terres de Colleset de Bertrie (1454).

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- 75-porti on. de la ville, des bourgs et cMtellenie de Bourdeille,qui appartenait au comte et 'a la comtesse de Périgord.

2° Les bornes- de ce qui est vendusont aussi marquées dansJe mémo titre, qui porte que -la seigneurie de Bourdeille,vendue par Alain d'Albret et par Françoise- de Bretagne, safemme, « va jusqu'à la rivière de Drône, à partir de la villede Périgueux, telle qu'elle se tient et s'étend jusqu'au cM-teau, et jusqu'à la portion de la ville, des bourgs etde lachatellenie dudit seigneur de Bourdeille, acquéreur. »

3' Le prix de cette vente est de quatre mille écus d'or pur,marqués au coin du roi de France.

-- 4° Les conditions principales de cette vente sont premiè-rement, que l'acquéreur rendra l'hômmage lige de ce qu'ilacquiert à Alain d'Albret et à ses successeurs au comté dePérigord et ; en second lieu, que les appellations des sen-tences rendues pâr le juge de cette- partie de Bourdeilleseront relevées par le juge du comté de Périgord (1).

Bien que signataire du contrat de vente, Françoise deBretagne vit cette aliénation avec dépit. Elle craignait sansdoute que le comte de Périgord, son mari, ne se fût impru-demment dépouillé d'une place forte plus sûre entre sesmains qu'entre celles d'un vassal dont la familleavait jouéenvers les vicomtes d&Limoges le rôle que l'on sait: « Il y n,

» dit un inventaire analytique du xvn' siècle (2), un méiioiren attaché audit contract contenant comme, en présence des

témoins nommés audit mémoire, ladite dame Françoise» de Bretagne proteste de la nullité dudit contract, disant» que souvantesfoi, elle avoit esté sommée par ledit sire» d'Albret, son mary , d'en faire ladite vendition, à quoy elle

(I) Résumé de dAguesseau. Tome VI, pageS 505 et 509, d'après la pièce originalequi est aux Archives des Basses-Pyrénées

(9) se dois à 71. le comte de Saint-saud la communication d'une copie de cetteprécieuse nomenclature qui se trouve en quatre cahiers manuscrits aux Archivesde la Gironde iG. 4143). Elle est inscrite sous ce titre dans iinhntalre impriméxvii' siècle. Analyse d'actes conservés aux archives de ta chambre des comptes

de peu et pouvant servir à déterminer la consistance du domaine- de périqord. -

_L'un de ces cahiers concerne exclusivement Bourdeille.

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sen'avoit voulu consentir, mains craignant de lui déplaire,

» elle estait contrainte de le faire, protestant de se pourvoir,» elle et ses enfants, en temps et lieu. » Alain d'Albret, quiavait en tête des affaires encore plus graves (1), n'eut curede celte protestation. Sa femme mourut d'ailleurs cette mêmeannée 1480.

Maintenant que la baronnie et le comté deBourdeille sontréunis sur la même tête, et sur la tête d'un Bourdeille,comme jadis, l'abbaye de Brantôme va-t-elle reprendre sasuzeraineté sur le bloc? Non. Saint Sicaire vient d'être réduit,Par le traité de l'année précédente, à sa part stricte d'autoritésur la seule baronnie. Il n'en soi-lira pas. Son influence aproduit tout son effet. Elle est désormais caduque, et lesabbés do Brantôme tenteront vainement de la ressusciter.Les choses sont arrangées de manière qu'on n'ait plusbesoin de lui. Aussi n'est-il plus question , pendant dossiècles, du fameux hommage. -ommage Le sire de Bourdeille rendl'hcrnmuge de droit commun à son suzerain naturel, qui est,jusqu'à fleuri W, le comte de Périgord, et, à partir d'Henri 1V,le roi de France; de telle sorte que, quand on parle du roi,dans l'espèce, c'est comme si l'on parlait du comte de Péri-gord et réciproquement, le comté ayant été finalement rat-taché â la couronne,

Arrivés Ét l'ère contemporaine de Pierre de Bourdeille, lecélèbre abbé nous arrête nécessairement au passage, d'autantplus qu'il a exercé une influence décisive sur ces relationsde l'abbaye de Brantôme et de la seigneurie de Bourdeille.Sa prise de possession de l'abbaye, eu 1558, marque en effetune péripétie des plus intéressantes dans ces fluctuationsféodales, où l'on ne sait, par moments, quel est celui, duseigneur ou de l'abbé, qui est le suzerain ou le vassal.L'avènement d'un Bourdeilie au siège abbatial, à cette date

(I) Sarde vie et ' a fortune ascendante de ce pelsonnage (homo grossus, ospect,cferos,ncstjcanus inpei-sond), on consultera avec fruit le curieux travail de M.Cléinez,t Simon 'Hmm d'Albret cita succession de nrctag?lc. (Congrès scientifiquede Frahce. Pou, 1873. T. 11, pages 933 et suivantes.)

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où les Bourdeille sont redevenus une puissance, ne pouvaitévidemment que favoriser léur émancipation, si déjà ellen'était pas complète. Elle le fut désormais à ce point que lesrôles s'intervertirent du tout au tout et que l'abbaye, quiavait conquis la seigneurie, en devint, sinon en droit, dumoins en fait, la très humble et très obéissante servante.En deux mots, voici comment.

Les abbés, à partir de François P, n'étaient plus à l'électiondes religieux, màis à celle du roi de France. Peu d'accorden cela avec la plupart des écrivains canoniques, Brantômea glorifié cette mesure en un dithyrambe débordant (1),La royauté avait épuisé l'action utile qu'elle pouvait retirerdes couvents. Maintenant, elle donnait les couvents k sesgentilshommes, c'est-à-dire à des laïques, qu'elle pourvoyaitainsi des bénéfices ecclésiastiques, qu'elle revêtait du titred'abbés, mais qui n'avaient sur la congrégation aucune auto-rité. Ils n'avaient qu'à faire rentrer leurs revenus. Aces fins,le moyen pour eux le plus commode était d'instituer, à leurplace, un religieux, membre ou non de la congrégation, quidevenait l'abbé spirituel au regard des moines et Le régisseurtemporel au regard du gentilhomme. C'est ce qu'on appelaitla confidence, sujet digne d'une étude spéciale, que le cadre-de ce travail nous permet à peine d'effleurer.

Brantôme ne s'avisa de prendre un mandataire de cettenature qu'en 1583, après avoir géré lui-méme son abbayependant vingt-cinq ans. Son premier confidentiaire paraîtavoir été Lespinasse, à qui succéda Pierre Petit, -dit la Cou-tancie, qu'il appelle le sieur C6utâgoo (2). Est-ce de Lespi-nasse qu'il parle lorsqu'il raconte qu'un méchant homme,qu'il ne nomme point, lit empoisonner « meschamment et

(t) Brantôme. hommes illustres et grands capitaines francois. - Le grand. BoyFrançois. ( T. III, pages 107 et suivantes,)

(2) Je rûtablis (e mot d'après la phonologie locale. La Coutancie est un hameausis dans le canton de Mareui]-sur-Belle et voisin do la ville de Brantôme. • Je donneet lègue te mailre Pierre Petit, elict (e sieur Contanho.... • nran(Ôme. Testament.(T. X, P. (24.)

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78 -innocemment son abbé .titulaire, un très homme de bien,certes? (1) ».A la mort de Brantôme (1014), Pierre Petit restaen place. Le Gallia cliristiana le mentionne comme le suc-cesseur de Brantôme (2). Ce n'est pas tout4-fait la vérité.

•Lb successeur de Pierre de Bourdeille, dans la jouissance dubénéfice, fut son neveu, Henri de Bourdeille, nommé Hnri Jet

• dans la généalogie de la famille, fait marquis dArchiac parlettres patentes du 4 mars 1000. Petit resta son simple régisse tir jusqu'en 162, date k laquelle, dit le Gallia cliristiana,« il contracta mariage. u Il ne saurait y avoir d'équivoque,

• malgré la construction amphibologique de la phrase latine.C'est le confidentiaire qui convola, et non le seigneur, quiétait marié depuis 1004. Dans la nomenclature des abbés,

- nous voyons encore, sous le numéro xxxiv, à la suite de ce«Pierre IX Petit», un Arnaud Barbut (Arnaldus li Barhut,qui fut uniquement le confidentiaire d'Henri de Bourdeille.« M. de Bourdeille (Henri I&), lit-on dans les Preuves de la» généalogie de Bourdeilie, extraites du cabinet Clairam-» baud (8), jouit pendant le cours de sa vie de l'abbaye de

Brantôme sous des noms de confidentiaires. » Après Barbut,qui céda la place en 1033, on voit paraître Henri Faucher,XXXV° abbé, encore simple régisseur. li gouverne d'abordsous Henri de Bourdeille, qui ne meurt qu'en 1042. Il gou-verne ensuite sous le fils d'Henri, Glande de Bourdeille, plus

• connu sous le nom de comte de Montrésor, qui avait- d'autrepart, tout laïque qu'il Ml, la riche abbaye de Lannoy, enBeauvaisis. « Outre cette abbaye, disent les Preuves de» Clairàmbaud, le comte de Monjrésor possedoit aussi celle» de Brantosme , devenue comme héréditaire dans sa» maison (4). »

Est-ce par compromis ou par complaisance que le pouvoirroyal fermait -les yeux sur cette simonie, condamnée par

(t) Brantôme (Le g,-ond 103/ François). T. 111, p136. -

(2) GaUla christiana. Tome II, p. 149e.

L ») Appendice des OEuvres de Brantôme (Édition Buchon). T. II, page 666.

(4) ibid. T. II, page 677.

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l'Église, et contre laquelle il fut amené lui-mème à seprononcer, dès l'avènement de Louis Xl1T,du vivant mêmed Brantôme? Cet-édit de 1610 parait être resté lettre-morte.En tout cas, il n'exista pas pour les de Bourdeille, et l'abbayede Brantôme, pour employer les termes mêmes de d'Agues-seau, qui touche à ce sujet en passant (fl, fut ainsi « possédéepar cette maison qui se l'était appropriée depuis longtemps

- par une confidence criminelle. » Dans ces conditions, lesrevendications féodales de l'abbaye vis-à-vis de Bourdeillen'étaient naturellement pas de mise. Un gentilhomme ne -pouvait condescendre à se faire l'hommager de son régisseur.L'hommage s'éteignit en la personne du seigneur par unesorte de confusion. Saint Sicaire n'eût plus voulu, commelieutenant, d'un abbé réduit à cet état de domesticité. Sa

- protection s'était retournée vers les Bourdeille. Dans cettepériode de délivrance, ils lui rendirent le seul hommagecompatible avec leur dignité reconquise. On y voit le nomde Sicaire, attribué pour la première fois comme nom debaptême it trois membres de la famille. C'était l'acquitanodin,mais expresif, d'un devoir ramené par la nature des choses

ses proportions originelles, pure satisfaction de religionou de conscience (2).

Toutefois, saint Sicaire n'a pas expressément renoncé à-sesdroits. Ses titres sont affirmés, de temps en temps, sur lepapier. C'est ainsi que, dans un hommage rendu, le 27 sep-

(1) p'Àguesseau. Tome VI, P. 50-1. - Voir Ibid, p. 540, et tome VII, p. 66. -Chopin <Traité de la Police ecclésiastique, traduite cia latin par Tournoi. - Paris.166-2. Tome IV, p. 37.) -

(2)André de Bourdeille, marquis d'Àrci,iae, sénéchal de Périgord, frère de notreabbé, eut six enfants. L'aîné, lienri I", qui continua la filiation directe, eut à sontour-

1' Frarm çois-Sicaire, vicomte et marquis do Bourdeille et d'Arcliiac, en qui s'étei-gnit la branche aînée des Bourdeille et qui légua son litre et ses siens à Claude IF,son cousin, de la branche de Itiastas (testament de 1668);

2' Claude, comte de Mdntrésor, mentionné comme 36' abbé de Brantôme, dont lafortune passa aussi dans la branche de Mastas,

La branche rie Mastas commence à Claude t", ais d'André, sus-nommé, qui euthuit enfants, parmi lesquels Wenri-Sitairc (1605-1636) et Pro nois-Sl7caire (16114640)- On ne trouve pas d'autres Sicaire dans la famille.

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- 811 -tembre 1541, par François de . Bourdeille; fils du précédentet père du chroniqueur, au roi de Navarre comme comte dePérigord; il est fait abstraction « d'un surplus » de la terrequi serait mouvant de l'abbé de. Brantôme (1). Je ne pensepas qu'il s'agisse ici de l'hommage relatif au partage. Bienplus tard, en 1624, dans un aveu solennel rendu par Henride Bourdeille aux commissaires nommés par le roi polir lavérification de son ancien domaine de Navarre et de Péri-gord, le vassal reconnaît d'abord que la tei're de Bourdeilleest tenue en fief du roi,comme comte de Périgord; mais ilen excepte ensuite la baronnie de l3ourdeille, qu'il dit êtredans la mouvance «des reliques du précieux corps et innocentmartyr saint Sicaire de Brantôme. » Simples énonciationssans portée et sans effet. L'abbé de Brantôme ne songe pasà s'en prévaloir. Et le roi continue seul d'être reconnu sei-gneur suzerain de Bourdeille. Nouveaux hommages an roi,en 1006, en 1679, sans exceptions ni restrictions. Mais, danun aveu présenté le 7 septembre 1680, on vit reparaîtreinopinément l'énonciation inquiétante qui s'était faufiléedans l'aveu de 1624. C'est assurément ce son de cloche quiréveilla enfin l'attention des abbés de Brantôme s après unsommeil de plus de deux siècles» (2).

Il ne faut pas croire toutefois que saint Sicaire fût déchude tout prestige. Il était encore l'objet d'un culte fervent àBrantôme, 'Seulement, sa tutélaire influence était passée desgrands au commun des mortels, et le seul hommage qu'ilreçût était celui de la foi populaire. Voici ce qu'en écrivait,en 1636, un frère Girard, dans une notice sur l'abbaye (3)qu'il adressait au P. Robert Quatrémaire, religieux bénédictinà Sain tGermain-des-Prés

Il est certain que Charlemagne, fondant le monastère, y laissa le

(1) Inventaire communiqué par M. de saint-saud, déjà cité.(2) D'Âguesscau. Tome \'l, pages 515 cl Sib.(3) Bibliothèque nationale. Fonds latin. N' 19,6m, pages i p i i 140,— Recueil do

pièces sur l'histoire de divers monastères bénédirtins formé nu xvii' et au xviii'siècle et intilulé Ronasticon aenedicflntgm verbo Brantôme.)— Voir aussi FondsPérigord. T. Xxxiii, p. 180,

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corps de saint Sicaire (Sycarius, en, latin), Innocent, que nous nions?avoir esté le Ils d'llérode. Ses reliques sont dans une très belle,grande et ancienne châsse, couverte de lames d'or et d'argent, doré,enrichie de très belles pierreries. Sa feule est très célèbre dans lepais, le second de ûiay, où il se fait un très grand concours de peu-ple (et, comme on luy a grande dévotion, aussi sent-on souvent sonsecours par de fréquents miracles, particulièrement sur les possédésou ceux qui sont à l'article de la mort, lesquels il tire comme dusépulchre, d'où vient que, le jour de sa faste, ou voit à In processionquantité de personnes affublées dans leurs suaires, qu'ils luy ontvoués dans leur maladie et qu'ils offrent au retour de la même pro-cession. Il est compté comme Patron (4), quoyque ce soit saint Pierre,l'esglise estant dédiée sous le nom de ce saint apôtre, »

Saint Sicaire ne tira pas du sépulcre ce quine pouvait étreressuscité, me par un miracle. Il ne lit pas revivre lemoyen âge en plein xvru » siècle. Le marquis de Jumiihac,qu'on a vu se rendre adjudicataire, en 4701, du domaineentier des l3ourdeille, eut beau, d'entente avec l'abbé deVauban, se soumettre d'emblée à l'antique hommage pourla totalité de sa seigneurie et trancher ainsi du fils depaladins, lui fils de simples malices de forges; ce simulacredé retour des croisades n'eut pas de lerjdemain, ou plutôtÉon lendemain futl'intervention du roi dans le procès nédes prétentions de l'abbé de Brantôme et la consécration des.droits revendiqué par la couronne. Le roi, en somme, parl'organe de d'Àguesseau, soit auquel il fautrevenir une dernière fois, avant de clore cette étude, nédisputait pas à l'abbé le privilège ,platonique de recevoird'un seigneur un témoignage de piété & l'adresse d'un saint.C'était là affaire de pures convenances religieuses; l'on pou-vait môme, sans inconvénient, laisser revivre dans cet esprit -la cérémonie tombée en désuétude. Mais le roi entendaitque cette manifestation de piété ne pût, en aucun cas et

(1) L'antiquité de ce patronage est établie, en dehors de ce qui a été dit dans lapreniiùre partie tic ce travail, par ut, extrait du Rouleau de Bertrand de Baux(vers 181) - t 110. ' ritutus sancti pari et sancti Sicarii Breultontensis,(Ro ulea,S des Morts clic 11' au IF' siècle, par Léopold De] isle. - 1e&6. - P. 889.)

Page 88: LA SEIQNEURh1 DE BOURDILLEbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/6faff9012556...pour refuser au bas-relief brantômais le mérite dêtre la copie vivante et sincère dun glorieux

82 -dans une mesure quelconque, se prêter, comme elle l'avaitfait jadis, à c une usurpation cachée sous le voile de la reli-gion. II entendait rester le seul seigneur féodal de 130w'-deille. Ce point admis, d'Agiiesseau devient très accom-modant -

La nature du fief étant une fdis connue, rien n'est Plus facile quede concilier les titrés du roi ovée ceux de l'abbé. Il ne faut que re-prendre pour cela le grand principe établi par le sieur de Mares(1)

ue les hommages de dévotion sont plutôt des effets d'une soumissionreligieuse que des actes d'une sujétion féodale et, par .conséquent,le droit que l'église acquiert par ces actes n'est point incompatibleavec celui qui appartient au sdritahle seigneur féodal ce sont deuxdroits différents, mais non pas contraires, qui, bien loin de se détruireFun l'autre, se concilient parfaitement le vassal n deux moitres,

la vérité, mais d'un ordrb différent; et, comme.. les devoirs de lareligion n'ont rien de contraire à ceux de la société, et que le môme-homme peut être en môme temps fidèle à Dieu et fidèle à son prince,rien n'empêche aussi que la môme personne no soit enga gée à l'églisepar un serment de dévotion et à un seigneur temporel par uneinvestiture féodale... Àinsi, il n'y n aucun inconvénient que le sei-gneur de Bouideille s'avoue toujours vassal du roi, quoi qu'il oitconsacré une partie de son fief à l'église de Brantôme, sous un nomqui n'a que l'appareftcé d'un fief et qui, dans te fond, n'estqu'unesoumission religieuse et de pure dévotion (2).

Conclusion simple et pr[onde, qui valait un arrêt. Lespirituel et le temporel, trop souvent confondus, quoique denature essetitieflement différente, se voyaient peu h peuramenés à leur légitimé sphère d'influence et d'aclion. Cen'est pas tout que d'admirer le « Readez â César » de l'Évan-gile. Il faut de telles intelligences pour le comprendre etl'appliquer.

G. BUSSIÈRE.

(-I) De Marc,, histoire dc hum. Liv. IX. chap..IV.(2) O'Aguesseau, t. VII, 9' requête.