LA SÉCURISATION DU PATRIMOINE RELIGIEUX

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LA SÉCURISATION DU PATRIMOINE RELIGIEUX GUIDE SUR LA PROTECTION DU PATRIMOINE CULTUREL 6

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LA SÉCURISATIONDU PATRIMOINE RELIGIEUX

GUIDE SUR LA PROTECTION DU PATRIMOINE CULTUREL 6

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LA SÉCURISATIONDU PATRIMOINE RELIGIEUX

Guide sur la protection du patrimoine culturel

Tome 6

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La reproduction de ce document est autorisée, sous réserve de mentionner la source et d’envoyer copie à l’UNESCO (1 rue Miollis 75015 Paris France). Le présent document doit être cité comme suit : © UNESCO, 2012. Guide sur la protection du patrimoine culturel, N°6. La sécurisation du patrimoine religieux, Unesco, Paris.

Directrice de la publication : Nao Hayashi-Denis assistée de Minji Song et de Hiba AbidTextes par : Stéphane Thefo (Criminal Intelligence Officer, Works of Art Unit, Drugs and Criminal Organizations Sub-directorate, INTERPOL)Avec le concours d’Edouard Planche (UNESCO) Illustrations et mise en page : Julie Blanchin (julieblanchin.com)

© UNESCO 2012CLT/2011/PI/H/2

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Partout dans le monde, le patrimoine religieux susciteles convoitises des voleurset trafiquants d’objets d’art.

Or, ces objets présententnon seulement un caractère sacrépour les populationsmais bien souvent également,un intérêt artistique et historique.

C’est pourquoi il s’avèreabsolument nécessairede préserver ce patrimoinecontre les actes de malveillance.

La mise en œuvre d’un certainnombre de mesures va permettrede limiter les risques d’atteinteà celui-ci.

La sensibilisation des populations, notamment des jeunes, à la valeurdu patrimoine religieux constitueun enjeu majeur.

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PRÉAMBULE

Ce manuel est destiné à toutes les personnes (religieux, fidèles, gestionnaires, propriétaires...) en contact avec le patrimoine cultuel et soucieux de mieux le protéger contre les actesde malveillance (vols, vandalisme, intrusions, voire incendies criminels ou terrorisme).

Les conseils délivrés peuvent être généralisés à des lieux de cultede différente nature et confession, et mis en pratique dansla grande majorité des cas.

Cependant, chaque site religieux revêt ses caractéristiques propres. C’est pourquoi certaines des mesures proposées ne sont pas adaptables partout.

Le patrimoine religieux est souvent très vulnérable.Il est néanmoins toujours possible de se prémunir davantage contre les atteintes au patrimoine.

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UNE MESURE PRÉALABLE ET INCONTOURNABLE :L’INVENTAIRE

1Réalisez un inventairede l’ensemble des objets présents dans l’édifice,avec des descriptifs détailléset des photos de bonne qualité qui permettront notamment d’identifier un objet retrouvé après un vol. Cet inventaireest impératif ! (possibilitéde se référer au « Guide pratique de documentation » et à la norme « Object ID » consultablesur le site internet de l’UNESCO).

2Tenir à jour cet inventaireet le conserver sous forme papier et si possible numérique, en plusieurs exemplaires dans différents lieux sûrs.

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DÉMARCHE A SUIVRE POUR SÉCURISER UN SITE

3Établir une analyse des risques et se poser les questions suivantes : « Y a-t-il des objets de valeur? », « Des objets sont-ils plus susceptibles d’être volés que d’autres? » ou encore « Est-il facile de s’en emparer? ». Ce bilan permet d’évaluerle niveau des risqueset d’envisager les mesuresà prendre pour les réduire.

4Les mesures de protectionà prendre visent à compliquer la tâche du voleur et créer des conditions défavorablesà un passage à l’acte.

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5La mise en sûreté du site requiert  « logique » et « pragmatisme ». Les solutions les plus simples et les moins onéreuses sont souvent les plus efficaces.

6Abordez la sécurisation d’une manière globale. C’est la conjonction de différents éléments qui va donnerun bon niveau de sûreté au lieu.

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7Ne perdez pas de vue que la sécurisation des objets doit être compatible avec les nécessités du culte, la bonne conservation des œuvres, la valorisationde celles-ci, les exigencesde la préservation du bâtiment ou encore l’accueil du public.

8Enfin, tentez d’appréhenderle lieu avec les yeux d’un voleur !

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LES MESURES LIÉES À LA GESTION DU SITE

Beaucoup de ces mesures ne présentent aucun caractère spectaculaire et peuvent même paraître dérisoires.Soyez néanmoins certains qu’elles peuvent dissuader le voleur d’opérer, le déranger ou le faire échouer dans sa tentative.

9Sensibilisez les responsables religieux, la population et les services de police à la valeur du patrimoine abrité dans le monument (par voie d’affiche, conférence, livret ou panneau explicatif ).

10Appelez la populationà la vigilance, notez tout fait suspect et alertez si besoin le responsable local du patrimoine ou la police locale.

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11Les sites religieux sont souvent peu fréquentés et videsde toute présence humaine. Donnez l’impression que le lieuest « fréquenté » et qu’il est tout sauf à l’abandon.

12Tendez vers une présence humaine dans les lieux (recours à un gardiennage ou à des bénévoles). Rien ne la remplace.

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13Interpellez le visiteur pour le saluer afin que celui-ci se sente identifié.

15 Indiquez les comportements interdits par des panonceaux : usage du flash, tenue vestimentaire, nourriture...

14Lorsque les conditions le permettent, faites déposer les objets volumineux (sacs, casques, parapluies...) à l’entrée du bâtiment.

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16Entretenez les extérieurs du site. Évitez toute apparition de végétation « sauvage »ou d’espaces laissés à l’abandonà proximité de l’édifice.

17Entretenez également l’intérieur du bâtiment : éviter tout désordre et accumulation d’objets hétéroclites, procéder à un nettoyage régulier, éventuellement fleurirles lieux...

18L’impression d’une présence humaine peut être donnée par la diffusion d’un fond musical.

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20Apposez des panonceaux afin de communiquer avec le visiteur (mises en garde et interdits).

19Dans certains édifices, l’ouverture en grand des portes principales peut être conseillée afin de faire entrer la lumière et le bruitde l’extérieur dans les lieux. Le voleur pourra alors se sentir moinsà l’aise pour agir car susceptible d’être plus facilement repéré.

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21Éclairez les lieux sur le pourtour du site, recourezà des déclenchementsde lumière à l’approcheen extérieur et en intérieurou encore utilisezdes programmateurs de déclenchement de lumière.

22Ne laissez qu’une seule issuedu bâtiment accessible,de préférence à portée de vue.

23Ne laissez pas traîner échelles, escabeaux ou outils !Rangez-les, hors de portée.

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24Ne permettez pas de voir les objets de l’extérieur.

25Ne laissez pas les petits objets à portée de main, rangez-les dans un endroit sécurisé.

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26Ne jamais laisser un objetderrière une fenêtre situéeà hauteur d’homme, même si celle-ci est munie de barreaux. La fenêtre peut être briséeet l’objet passé à traversles barreaux, si celui-ciest suffisamment petit.

27Fermez à clé tous les endroits susceptibles de permettre au voleurde se cacher (par exempledans les églises : les portesdes confessionnaux, les accèsaux tribunes et la portede la sacristie).

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29Gérez les clés du monument.En connaitre le nombrede jeux et savoir qui en dispose. En limiter le nombre. L’éparpillement des clés accroît les risques de vol.

30Ne favorisez pas la découverte des clés. Rangez-les dans un endroit sécurisé.

28Matérialisez l’interdit d’accès à certaines parties du bâtiment, à l’aide de cordons et de panonceaux.

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31Les procédures d’ouvertureet de fermeture du bâtiment doivent prendre en compte la sûreté. Exercez une ronde vigilante avant de fermer le site.

32La ou les personnes en charge de cette tâche doivent être munies d’un sifflet et d’une lampe torche.

33Envisagez éventuellement de fermer le site à l’heure du déjeuner, créneau le plus vulnérable au regard des vols.

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34En cas de non gardiennage,il est possible de restreindre les horaires d’ouverture au public : ni trop tôt le matin, ni après la tombée de la nuit.

35Si un visiteur demande à voir l’édifice en dehors des heures d’ouverture, accompagnez-le et ne confiez jamais la clé sans formalité préalable (au minimum présentation d’une pièce d’identité et formulaireà remplir au préalable).

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36N’évoquez jamais la valeur marchande d’un bienavec des inconnus.

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37Aménagez l’entrée de l’édifice en installant une grilleou un vitrage anti-effraction pour que l’intérieur de l’édifice puisse être vu sans qu’il soit possible d’y pénétrer.

38Redoublez tout particulièrement d’attention en périodede travaux et en cas de présence d’échafaudages...

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39Faites de même, en période de festivités ou lors d’un événement majeur (changement d’année, finale d’un championnat sportif...).

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LA PROTECTION PHYSIQUE DU SITE

Elle vise notamment à empêcher un cambriolage nocturne.Les mesures prises doivent permettre de faire obstacle à une intrusion avec effraction ou à un enfermement volontaire dans les lieux au moment de la fermeture du monument.

40Rendez le pourtour du sitele plus hermétique possibleet n’oubliez pas de protégerles soupiraux, les impostes ou les accès par les toits...

41Mais souvenez-vous que dans la grande majorité des cas,le voleur entre et sortpar une porte.

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42Recherchez systématiquement l’homogénéité des protections, à savoir une cohérence dans la qualité des matériaux utilisés.

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43Privilégiez un seul accès principal qui s’ouvre avecune clé depuis l’extérieur.

44Cet accès principal doit être équipé de plusieurs pointsde condamnation et disposer d’une porte garantie contreles effractions.

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45Protégez de l’intérieur tous les autres accès secondaires par des barres de bâclage ou des bras de fer à maintenir bloqués par des cadenas de haute sécurité. Évitez toute serrure extérieure.

46Révisez régulièrementles ancrages des systèmesde condamnationdans le sol ou le bâti.

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47Protégez les fenêtres par des barreaux, notamment les plus basses et celles situées à l’abri des regards.

48Veillez à la solidité de ces barreaux (section suffisante, 14cms d’écart entre chacun, présence d’une traverse tousles 80 cms) ainsi qu’à la qualité des dispositifs d’ancragedans les murs.

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49Dans tous les cas portezune attention particulièreà la qualité des produits utiliséspour la protection.

50Complétez le dispositifde protection des fenêtrespar des grillages anti-projectionsou par des films anti-effraction.

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51Si des fenêtres disposent d’une crémone, verrouillez celle-ci par un dispositif adapté.

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52Meulez les têtes de vis des organes de condamnationou recourez à des têtes de vis complexes afin de rendreplus difficile l’exfiltration du voleur.

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LA PROTECTION PHYSIQUE DES OBJETS, DES MESURES LES PLUS SIMPLES AUX PLUS « LOURDES »

C’est un autre élément essentiel de la chaîne de sûreté.Il doit être rendu quasi impossible de voler un objet en journée.

53Placez hors de portée et à l’abri les objets les plus vulnérables, notamment les plus petitset les plus légers.

54Rangez en lieu sûr le petit mobilier et l’orfèvrerie. Éventuellementdans un coffre-fort...

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55Veillez aux emplacementsdes objets : évitez les recoins, les endroits à l’abri des regards, dans la pénombre, ou encore à proximité d’une sortie.

56Veillez également à ce que l’objet soit exposé à une hauteur suffisante pour être rendu difficile à atteindre.

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57Évitez de mettre des tables ou des bancs pouvant servir de marchepieds au-dessous des œuvres.

58Fixez les statues (sous le contrôle d’un restaurateur)à leur support ou au bâti.Il existe de nombreux procédés possibles.

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59Reliez les petits objets demeurant dans l’édifice avec du fil d’acier tressé ou tout autre procédé permettant de les solidariser

60Suspendez les tableauxavec un accrochage sécurisé. Bannissez les pitons et simples ficelles et privilégiez des pattesde fixation adaptées.

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61Dans les églises, recourezà des tiges en inox pour fixerles différents éléments des retables.

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62Envisagez de placer les objets de valeur ou fragiles dansdes vitrines sécurisées...

63ou profitez de l’existencede niches ou de renfoncements dans le bâti.

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64Envisagez de « sanctuariser » un lieu spécifique, dans le bâtiment, pour présenter un ensemble d’objets importantset créez des « espaces trésors ».

65Au moment de la fermeture, assurez-vous que les œuvres sont bien en place et qu’elles n’ont pas été manipuléesou déplacées.

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66Pour parer au risque d’incendie, assurez-vous de l’absence de toute source potentielle de feu. Vérifiez parallèlement les installations électriques et les remplacer en cas de vétusté manifeste.

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EN COMPLÉMENT, LA PROTECTION ÉLECTRONIQUE DU SITE ET DES OBJETS

Il s’agit bien d’un complément et on ne peut se reposer uniquement sur une alarme. L’expérience montre que le recours à ce type de moyen de protection nécessite une bonne étude préalable et qu’il doit être facile d’utilisation.

67Placez sous détection électronique l’ensemble des portes du monument (détecteurs d’ouverture)...

68Ainsi que les fenêtres (détecteurs spécifiques ou bris de verre).

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69Mettez sous alarme les volumes intérieurs, les passages obligés grâce à des détecteurs volumétriques bi technologie (infrarouge et hyperfréquence).

70Des barrières infrarouges peuvent interdire l’accèsà un espace particulier.

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71Protégez individuellement les œuvres par une détection électronique ponctuelle.

72Réfléchissez aux besoins età la compatibilité des dispositifs à installer au regard de l’exploitation de l’édifice. Une mauvaise gestion des systèmes génèrent des déclenchements intempestifs qui conduisent soit à la désactivation du système,

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soit à une perte de vigilance.

73Attention à la qualitédes matériels utilisés. Privilégiez des produits certifiés.

74Attention à la pause des matériels ! Les sirènes doivent être par exemple positionnées suffisamment en hauteur,hors d’atteinte afin de ne pasêtre neutralisées.

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75Choisissez des sirènes « flash » à déclenchement de lumière.

76Reliez les alarmes de préférence directement aux autorités policières les plus proches.

77Assurez une maintenance des dispositifs. Souscrivez un contrat d’entretien et effectuez des tests réguliers.

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LE RECOURS À LA VIDÉO-SURVEILLANCE 

Attention ! La vidéo-surveillance n’est pas « la solution miracle ».Elle n’est à envisager qu’en complément. L’expérience montre qu’elle peut avoir un effet très pervers en laissant à penser que « tout est sous contrôle », conduisant à se dispenser des moyensde protection de base et à faire baisser la vigilance.

78Évaluez les besoins et assurez-vous de l’intérêt du projet.

79Pour l’aide à l’enquête, grâce à un enregistrement d’images, il est nécessaire d’installer du matériel d’excellente qualité et de créer des conditions optimales.

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80Pour jouer sur l’effet dissuasif, il est possible de placer des caméras factices au coûttrès modique, facile à se procurer sur Internet. Des panonceaux de miseen garde peuvent être apposés en complément.

81Ne pas permettre aux visiteurs de visualiser les écrans où sont rapportées les images.

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QUE FAIRE EN CAS DE VOL ?

82Figez les lieux : préservez-les et prenez des mesures conservatoires afinde faciliter l’enquête.Prendre des photos des lieux.

83Déposez rapidement plainte auprès des autorités de policeen fournissant le descriptifet photos des objets dérobés.

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84Informez les servicesen charge du patrimoinedu vol.

85N’hésitez pas à fairede la publicité autour du vol.

86Et rappelez-vous : sans inventaire ni photographies, les chances de retrouver un objet volé sont quasi nulles (les conditions de restitution des objets ne se font, en cas de redécouverte, qu’à la seule vue d’un inventaire *).

* Convention de l’UNESCO de 1970

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CONCLUSION

Privilégiez en prioritéles mesures liées à la gestiondu site, tendez vers une présence humaine et ne négligez jamaisles protections physiques.

Enfin, n’oubliez pas quela protection du patrimoinereligieux est l’affaire de tous !

Pour toute information complémentaire liée aux volset au trafic illicite des biens culturels, vous pouvez consulter les sites internetdes organisations suivantes :

de l’UNESCO :www.unesco.org

de l’ICOM :http://icom.museum

d’INTERPOL : www.interpol.int

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Notes