La Scandinavie, intermédiaire entre l'Occident et l'Orient au Xe siècle (L. Musset)

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Monsieur Lucien Musset La Scandinavie, intermédiaire entre l'Occident et l'Orient au Xe siècle In: Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public. 9e congrès, Dijon, 1978. pp. 57-75. Citer ce document / Cite this document : Musset Lucien. La Scandinavie, intermédiaire entre l'Occident et l'Orient au Xe siècle. In: Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public. 9e congrès, Dijon, 1978. pp. 57-75. doi : 10.3406/shmes.1978.1273 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/shmes_1261-9078_1979_act_9_1_1273

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Monsieur Lucien Musset

La Scandinavie, intermédiaire entre l'Occident et l'Orient au XesiècleIn: Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public. 9e congrès,Dijon, 1978. pp. 57-75.

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Musset Lucien. La Scandinavie, intermédiaire entre l'Occident et l'Orient au Xe siècle. In: Actes des congrès de la Société deshistoriens médiévistes de l'enseignement supérieur public. 9e congrès, Dijon, 1978. pp. 57-75.

doi : 10.3406/shmes.1978.1273

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/shmes_1261-9078_1979_act_9_1_1273

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LA SCANDINAVIE INTERMÉDIAIRE

ENTRE L'OCCIDENT ET L'ORIENT AU Xe SIECLE

par Lucien MUSSET, professeur à l'Université de Caen

Avant d'entamer cette enquête succincte, il est indispensable d'en définir avec précision les cadres chronologiques et géographiques. Nous comprendrons le Xe siècle Scandinave comme coïncidant d'abord avec la grande pause qui sépare les deux âges des Vikings (v. 920-v. 980), puis avec le second âge des Vikings (v. 980-v. 1035) ; le terme en sera marqué par les dernières grandes expéditions suédoises vers les pays caspiens, dans les années 1030-1040 (1). Géographiquement, nous considérerons tout l'espace parcouru par les Scandinaves, du Turkestan vers le Sud-Est jusqu'à l'Islande vers le Nord-Ouest (nous n'avons, dans ce domaine de recherche, aucune information à glaner dans les pays plus lointains, Groenland et Vinland). Enfin nous écarterons intentionnellement le trop fameux problème de la part exacte tenue par les Suédois dans les origines de l'État russe (2).

I - LES SOURCES

La documentation écrite, base de toute recherche proprement historique, est ici plutôt décevante. Sans insister sur ce qui est bien connu, nous mettrons l'accent sur quelques faits nouveaux d'un réel intérêt.

L'épigraphie runique, source la plus sûre pour l'histoire du second âge des Vikings, n'offre pratiquement aucune information sur ce qui est antérieur à l'an mil (3). Les textes n'excèdent que très rarement quelques dizaines de mots, leur forme est volontairement concise et souvent poétique (surtout quand il s'agit de commémorer les défunts morts au loin), leur onomastique est très monotone : tout ceci limite fort la contribution apportée à notre recherche. Ces inscriptions sont cependant précieuses, assez nombreuses même pour qu'on ait pu en esquisser une exploitation statistique (4). Sans elles on ne saurait pas, par exemple, à quel point les Vikings suédois se partageaient entre Occident et Orient (avec même une légère prépondérance de l'Occident dans les provinces du Sud). Sans elles, l'idéologie de nouveaux riches qui présida à tant des derniers départs resterait inconnue. Sans elles, on ne saurait guère que l'Apulie vit se heurter Normands de Normandie et Suédois de l'armée byzantine.

Dans le domaine runologique, la grande nouveauté est cons-

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tituée par la multiplication des textes gravés sur bois trouvés dans le sous- sol des villes médiévales : nous l'évoquerons plus loin. Signalons aussi l'inscription suggestive de Stora Ryttern (Vâstmanland), trouvée en 1938 : «Gudlev a élevé cette stèle et ces pierres à la mémoire de Slagve, son fils , il mourut à l'Est au Khwarezm» (5). Le Khwarezm, en Uzbekistan, serait la plus lointaine destination attestée pour un Varègue, si l'on était bien sûr de la lecture du mot décisif : Karusm peut en effet être l'erreur d'un dyslexique (ce que le graveur du texte était sûrement) pour Karthum qui désigne la Russie ...

L'historiographie latine, à laquelle on doit une donnée fondamentale et irremplaçable - le passage des Annales de Saint-Bertin pour 839 qui atteste le premier que des Suédois avaient traversé de part en part l'espace russe, 13 ans avant leur première mention par "Nestor" - est, pour le reste, plutôt indigente. Ces dernières années ont pourtant apporté un document intéressant, mais sensiblement plus tardif : ce vrai roman des Varègues anglo-danois publié en 1974 par K.N. Ciggaar (6), qui complète l'historiographie des Scandinaves au service de Byzance. Rien de bien nouveau non plus parmi les sources grecques, qui n'éclairent guère que trois points : la route "des Varègues aux Grecs", les entreprises "russes" dans la Mer Noire, le rôle des Scandinaves dans la garde impériale (7).

L'historiographie musulmane intéressant le Nord vient d'être l'objet de nombreuses publications qui, tout en offrant des textes ou des traductions d'une grande utilité (8), ne renouvellent pas le problème. Mais un récit récemment découvert est assez prometteur : l'histoire du pays de Derbent (Transcaucasie orientale), mise au jour en 1952 par V. Minorsky et traduite en 1975 par Alf Thulin (9). Elle pose en termes nouveaux le problème des dernières entreprises russo-suédoises dans le monde caspien : la fameuse expédition d'Ingvar, partie de Suède centrale vers le pays des Sarrasins et où tant de jeunes gens célébrés par des textes runiques trouvèrent la mort, que l'on datait (sur la foi d'un texte islandais discutable) de 1040-41, ne se confondrait-elle pas avec les raids "russes" en Azerbaïdjan, attestés par cette nouvelle chronique en 1030- 1033 ? Cela obligerait à repenser toute la chronologie des inscriptions du Xle siècle suédois.

Reste rhistoriographie Scandinave et slave, qui ne commence sa carrière qu'au Xlle siècle. Ici non plus, rien de très neuf, sinon que l'accord des spécialistes se fait de plus en plus sur le caractère très littéraire des Sagas. La trame historique, certes, n'en est pas absente, mais on en a surtout retenu ce qui concourait à l'effet souhaité ; dans notre cas, l'effet d'exotisme, très apprécié, a pu conduire à monter en épingle les connexions lointaines des héros tant avec le monde byzantin et russe qu'avec le monde celtique et surtout irlandais. Il s'agit d'un trait du même ordre que celui qui, dans les textes historiques islandais les plus respectables (Islendingabôk, Landnàmabôk), amène à introduire, assez gratuitement, des datations par années de règne des souverains byzantins.

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Ce qui montre du moins cette curiosité profonde du monde extérieur que n'ont cessé d'entretenir les sociétés nordiques du haut moyen âge.

Ce tableau suffit à expliquer avec quelle attente les historiens se tournent, de plus en plus, vers la documentation archéologique. Sans aucun doute, celle-ci est riche de promesses. Comment ne pas être frappé de la coïncidence qui, en 1956, lors des fouilles de Helgô (cette factorerie du haut moyen âge découverte il y a 25 ans dans une petite île du Màlar, à l'Ouest de Stockholm), fit trouver, à proximité immédiate l'une de l'autre, une statuette de Bouddha en bronze, de provenance afghane, et une crosse épiscopale ou abbatiale d'origine presque sûrement irlandaise ? La réunion de ces deux objets, fabriqués sans doute vers 700, sur le même site de la Suède centrale, est la preuve même que la Scandinavie a pu, très tôt, mettre en contact Orient et Occident. A peine moins symbolique, à un autre niveau, est la coexistence, dans le mobilier modeste d'une tombe de Vâsterâs, fouillée en 1968, aux environs de l'an 1000, de 3 monnaies anglaises de Derby, Huntingdon et Londres, et d'un pendentif de type certainement estonien (10). Et comment ne pas évoquer, pour finir, cette extraordinaire frappe monétaire suédoise des années 1030, dont le droit copie des pièces émises à Byzance par Basile II et Constantin VIII (976-1025), tandis que son revers imite de très près une monnaie anglaise d'Ethelred II (11) ?

Mais l'enquête archéologique aussi a ses limites (12). Les esclaves, qui ont toujours dû constituer l'article de base des échanges, n'ont pu laisser de traces saisissables. Les conditions de conservation des tissus, autre grand objet de commerce, sont fort inégales selon les lieux : les soieries des tombes de Birka restent à peu près isolées. Le vin et le miel ont disparu. Enfin ce que l'on retrouve n'est pas toujours aisé à dater ou à localiser. D'où le caractère privilégié que prennent nécessairement les indices numismatiques, d'autant plus que la chance veut que, pour le Xe siècle, les principaux centres d'émission intéressant le monde Scandinave, à savoir le califat abbasside et le royaume anglo-saxon, aient frappé des pièces portant le nom de l'atelier et une date ou des indications aisément datables. Sans dissimuler que la circulation monétaire peut découler alors de facteurs étrangers au commerce (soldes, tributs, paiements fiscaux ou cérémoniels, collections), nous ferons le plus grand usage des apports de la numismatique au problème qui nous occupe aujourd'hui ; ils sont de plus les seuls à autoriser des constatations quantitatives (13).

II - LES INDICATEURS D'ÉCHANGES

Pour définir l'espace nordique, dans son sens économique, nous recourrons à la présence d'objets mobiliers (en bois ou en os le plus souvent) inscrits de textes runiques trouvés en milieu urbain. Cet ample usage des runes par des marchands du Xe au XHIe siècle est une acquisition toute récente de la runologie, à la suite des fouilles menées sur le site du comptoir hanséatique de Bergen au début des années 1960. Sans doute la plupart des textes sont-ils un peu plus récents que le second âge

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des Vikings, mais leur présence définit parfaitement les lieux où se rencontraient des marchands Scandinaves. Vers l'Ouest, on a 3 textes à Dublin ; vers le Sud 3 textes à Hedeby, 1 à Alt-Lubeck, 1 à Kamien Pomorskie ; vers l'Est un texte à Staraïa Ladoga (trouvé en 1950) et un à Novgorod -la-Grande (1958). Au Centre, ce sont les trouvailles massives de Bergen (plus de 400 textes), puis celles de Gamla Lôdôse (18 textes en 1969) et, à un moindre degré, de Ribe. Bien d'autres, sans doute, attendent les fouilleurs dans les couches profondes des stratigraphies urbaines.

Dans cet espace (en y joignant l'Islande, qui n'eut jamais de ville au moyen âge), mettons en place des indicateurs d'échanges. Ils seront surtout numismatiques. Traçons une ligne qui coupe l'espace nordique entre un domaine occidental et un domaine oriental (en faisant passer arbitrairement la limite sur la frontière actuelle entre Norvège et Danemark d'une part, Suèdede l'autre, pour la commodité des décomptes). Puis recherchons les apports orientaux à l'Ouest, les apports occidentaux à l'Est. Nous utiliserons a) pour l'Ouest, les monnaies sassanides et musulmanes (y compris celles des Bulgares de la Volga) (14), les monnaies byzantines (15) et, éventuellement, russes ; b) pour l'Est, les monnaies hiberno-norvégiennes émises à Dublin (bien qu'elles n'apparaissent que vers 1000) (16) et les monnaies ducales normandes émises à Rouen avant 1026 environ (17). Les monnaies anglaises ne seront pas comptées ici : elles font à peu près défaut avant la fin du Xe siècle (18) et se placent ensuite dans un autre contexte, celui des conquêtes danoises.

Il importe de noter que ces flux ne sont pas vraiment contemporains : les dirhems musulmans, qui constituent la grande masse des apports orientaux, se placent pour 90 % avant l'an 1000, les derniers étant de 1015 environ, tandis que nos indices occidentaux sont postérieurs, dans les mêmes proportions, à 990-1000 (19). Mais il est impossible de procéder autrement (20).

A l'extrême Ouest, les apports orientaux se résument à très peu près en monnaies coufiques frappées en Iran et surtout en Transoxia- ne ; la liste en est vite faite : 12 monnaies en Islande, 40 en Ecosse (jusqu'aux Orcades), 7 en Irlande, 71 dans les secteurs norvégiens et danois d'Angleterre, 1 ou 2 dans le reste de l'Angleterre. En Norvège la liste est plus complexe : environ 400 pièces coufiques, I Sassanide, 21 pièces byzantines, 1 bulgare, 1 russe. Au Danemark, environ 4 000 monnaies coufiques, 7 sassanides, 30 byzantines, 1 bulgare. Franchissons maintenant notre ligne de partage, le contraste est éclatant : en Suède environ 80 000 pièces coufiques, 150 sassanides, 450 byzantines, une quarantaine de bulgares, 5 russes ; en Finlande, environ 1 550 pièces coufiques, environ 35 sassanides et 2 ou 3 byzantines.

Inversons l'épreuve : les conclusions seront voisines, quoique

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les monnayages révélateurs soient plus indigents. A défaut de statistiques précises pour la Russie, commençons en Finlande : 8 trésors y recèlent des monnaies de Dublin et il n'y a aucune pièce normande (alors qu'une s'est aventurée à Zvenigorod au cœur de la Moscovie). En Suède, nous avons environ 300 pièces irlandaises et 9 normandes ; en Norvège 58 pièces irlandaises et 0 normande ; au Danemark 34 pièces hibemo-norvé- giennes et 2 normandes.

Deux évidences s'imposent : 1) Des monnaies venues du plus profond du Proche-Orient ont atteint l'Extrême Occident et des monnaies de cet Extrême Occident ont franchi la Baltique : l'espace nordique a vu circuler d'un bout à l'autre - mais évidemment en proportions différentes - des monnaies aussi bien orientales qu'occidentales ; 2) Mais la Scandinavie propre, tout en attirant les deux types d'apports, a joué le rôle d'une sorte d'écran : très peu de monnaies coufiques l'ont dépassée vers l'Ouest, très peu de monnaies occidentales l'ont dépassée vers l'Est. L'espace nordique n'est pas homogène : il juxtapose des espaces monétaires distincts, qui cependant s'anastomosent les uns aux autres, en permettant à l'occasion des transports de bout en bout.

C'est ce qu'aidera à préciser la cartographie des deniers de Rouen dans la moitié septentrionale de l'Europe (pièces émises de Guillaume Longue Ëpée - représenté par une monnaie dans le trésor danois de Terslev - à Richard II) : 5 sont signalées en Irlande, une quarantaine en Angleterre, une dizaine en Ecosse, 2 au Danemark, 9 en Suède, 3 sur la côte Nord de l'Allemagne et de la Pologne, 1 dans l'intérieur de la Pologne et 1 au cœur de la Russie. Rien ne prouve mieux que la Normandie ducale, avant le grand virage qui entraîna les Normands en Italie du Sud, était incorporée à l'espace nordique et communiquait, d

irectement ou indirectement, avec toutes les parties de celui-ci, à l'Ouest comme à l'Est.

Ces indicateurs numistatiques permettent également de poser des jalons chronologiques. Ils prouvent que la naissance de l'espace nordique est bien antérieure au second âge des Vikings : le premier flux de l'argent musulman (qui a entraîné des pièces sassanides, frappées beaucoup plus tôt, mais non sorties plus tôt du monde iranien) atteint la Russie du Nord-Ouest au Ville siècle, la Suède centrale vers 750 selon U.S. Linder Welin et vers 800 selon J. Callmer (21), Gotland vers 780- 790, le Danemark vers 850, la Norvège du Sud vers 890, celle du Nord vers 910-920 (22). Le grand flot, qui a commencé à couler vers 800, a d'abord été absorbé par la Russie ; il n'a débordé sur la Scandinavie qu'après 835 environ, pour y déposer finalement au Xe siècle plus de métal qu'en Russie. Sensiblement plus tard, les monnaies byzantines atteignent la Suède vers 950, la Norvège vers 960, le Danemark vers 980- 1000. Les apports occidentaux sont malaisés à dater, vu leur petit nombre et le caractère tardif des frappes de Dublin ; mais soulignons que le denier de Guillaume Longue Ëpée trouvé à Terslev était arrivé au Danemark avant 960.

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La numismatique souligne encore la médiocrité des contacts entre le Nord et l'Occident musulman : sur plus de 80 000 monnaies arabes en Suède, 8 seulement viennent d'Espagne, et sur 400 trouvées en Norvège, 3 viennent d'Espagne, 1 du Maroc et 1 de Tunisie (23) ; évidemment il s'agit de pièces apportées d'abord par le commerce méditerranéen en Orient et venues de là dans le Nord.

Enfin le contexte des trouvailles aide à retracer les itinéraires parcourus. La présence dans le trésor de Holtan (Tr^ndelag), déposé peu après 950, parmi 65 dirhems (dont 50 du Turkestan) d'une pièce frappée en 949-50 par le prince bulgare Talib ibn Ahmad indique que la route suivie avait été celle de la Volga. Un autre dépôt du Nord de la Norvège, celui de Bodin, constitué aussi vers 950, comporte (à côté de 38 dirhems) tant de pennies frappés dans le Nord-Ouest de l'Angleterre, autour de Chester, qu'il est certain que sa moitié anglo-saxonne vint en Norvège en partant des établissements norvégiens des rives de la mer d'Irlande, tandis que sa moitié orientale (dont 37 pièces sur 38 viennent de Samarkand, Taschkent, Bukhara et Ferwan en Afghanistan) a très probablement suivi, elle aussi, la route de la Volga : on voit ici confluer, bien au-delà du cercle polaire, les deux courants qui nous occupent dans ce qu'ils ont de plus caractéristique.

Sans aucun doute le courant principal de l'argent islamique est parti de la Transoxiane, a suivi la route caravanière du Khwarezm à Bolgar que décrit Ahmad ibn Fadlan en 922, puis a traversé l'espace aujourd'hui russe par les voies fluviales, la Volga avant tout, plus tard aussi celle du Dnjepr et de la Dvina (24), pour atteindre en premier lieu l'île de Gotland - plus riche en trouvailles qu'aucun pays européen, Russie exceptée -, en second lieu le continent suédois, et se répandre à partir de là dans tout le monde Scandinave. Sans exclure tout à fait le butin militaire (c'est à lui qu'en voulaient sans doute jusqu'au Xle siècle les expéditions dirigées contre l'Iran et l' Azerbaïdjan), cet itinéraire apparaît surtout lié au commerce. Les trésors Scandinaves doivent représenter surtout le solde positif d'une balance des échanges mal équilibrée - et ceci d'autant plus qu'à côté des monnaies il est probablement arrivé aussi en Scandinavie des lingots d'argent (25) et des bijoux au poids (26).

Il est difficile de raisonner sur les apports byzantins, vu leur nombre limité ; dans un cas au moins - la partie grecque du trésor d'Oxar- ve à Gotland, déposé après 1120 - Ph. Grierson a rendu vraisemblable qu'il s'agissait d'une solde enfouie globalement.

Les courants d'Occident en Scandinavie sont plus délicats à caractériser. Sources annalistiques et épigraphie runique concourent à montrer que des Danegelds considérables, payés par les Anglais lors du second âge des Vikings, sont arrivés jusqu'en Suède centrale, ainsi que des soldes payées par Knut le Grand lors du licenciement de ses troupes (27). Mais il y a eu aussi des bénéfices commerciaux, moins considérables que dans le sens Est-Ouest. Souvenons-nous que les trouvailles de monnaies

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n'indiquent qu'une balance, et non un chiffre d'affaires : le commerce avec l'Occident devait être mieux équilibré que celui mené avec l'Orient.

Hors du domaine numismatique, les indicateurs d'échanges ne font pas défaut, mais il s'agit d'objets en plus petit nombre, souvent mal datables, et qui souffrent de l'inconvénient de n'être décelables que dans les fouilles de haut niveau technique, forcément assez rares. Nous nous bornerons donc à un échantillonnage rapide.

L'ensemble le plus significatif est constitué par les épées continentales trouvées sur les routes de l'Est et de l'Ouest, ces fameuses lames marquées ULFBERHT ou INGELRI, fabriquées sans doute vers le bassin de la Ruhr entre 800 et 1000, diffusées à partir des bouches du Rhin, souvent imitées et utilisées jusque vers 1100. Les derniers inventaires dénombrent environ 115 épées marquées ULFBERHT. La plus occidentale a été trouvée en 1901 en Islande (28) et Kirpicnikov en a recensé 16 en Russie centrale et méridionale (outre deux marquées INGELRI et une imitation locale portant un nom russe écrit en cyrillique) (29). Le tableau, ici encore, est celui d'un "espace nordique" relativement un, où circulent de bout en bout les mêmes importations, où l'on imite les mêmes modèles.

Les trouvailles de bijoux sont moins significatives. Les importations orientales sont relativement nombreuses en Scandinavie propre ("anneaux permiens", déjà cités, qui ne pénètrent qu'à peine en Norvège - 1 cas - et pas plus loin ; - broches, épingles et pendentifs finnois, et estoniens en Suède, mais dont a aussi quelques exemplaires à Kaupang près d'Oslo ; - œufs en céramique glacée de fabrication kiévienne trouvés à Gotland, à Sigtuna et à Lund, mais non au-delà vers l'Ouest (30), etc ...), mais elles ne se retrouvent guère plus à l'Ouest. De même pour les célèbres soieries découvertes au siècle dernier dans les tombes de Birka, qui viennent les unes - les plus fines - de Chine, et les autres - de qualité moyenne - de la Méditerranée orientale : on ne les rencontre pas ailleurs, sauf un unique débris à York au temps des Danois (31). Une direction de recherche prometteuse, mais encore peu explorée, concerne les emprunts des Varegues et des Suédois aux cultures des nomades cavaliers de l'Europe du Sud-Est : ici encore rien ne semble en avoir été transmis à l'Occident (32). Rien n'indique non plus que les verreries occidentales ou les bronzes des Celtes insulaires aient sérieusement dépassé la Scandinavie vers l'Est. Dans tous ces cas, la Scandinavie joua plutôt le rôle d'un point d'aboutissement ou même d'un écran que celui d'une place d'échanges.

Ne surestimons d'ailleurs pas les rares importations qui ont filtré au travers de cet écran : il est sûr que les Scandinaves du Xe siècle ont eu un goût réel de l'exotisme et de l'objet de collection. Peut-être

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rend -il déjà compte de la venue du Bouddha de Helgô ; on l'a invoqué, avec de bonnes raisons, pour les deniers romains du haut-empire trouvés dans un contexte de l'âge des Vikings. Ne pourrait-on y songer aussi pour ces gens de Birka qui se sont fait enterrer avec des robes de soie ou des bonnets de soie décorés d'argent : achats faits dans les bazars de Bolgar ou de Byzance pour rappeler à ses compatriotes des voyages lointains ? (33). Bref, il s'agirait d'indices décelant la circulation des personnes plus que de grands courants commerciaux. Cela nous achemine vers un nouvel ordre de considérations : les déplacements attestés par les sources écrites.

III - LES DÉPLACEMENTS INDIVIDUELS

Nous partirons des textes runiques, les plus sûrs ; mais tous ou presque sont du Xle siècle et se limitent aux cas de morts lointaines. Comme ils ont été déjà bien souvent exploités, nous serons brefs à leur sujet (34).

Peu d'inscriptions attestent des déplacements d'Orient en Occident ou vice-versa, comme celle de Tystberga (Sô 173) à la mémoire de Holmsten : «il avait longtemps été à l'Ouest, il mourut à l'Est avec Ingvar», mais plusieurs, surtout dans le Sud de la Suède, attestent le partage d'une famille entre ces deux destinations : ainsi la pierre de Dalum (Vg 197) qui évoque deux frères, «l'un mourut à l'Ouest et l'autre à l'Est», ou celles de Berga (Vg 18 et 19) où deux beaux-frères avaient été l'un en Angleterre et l'autre «à l'Est avec Ingvar» (35). Comme la majorité des textes utilisables sont de provenance suédoise, les destinations occidentales sont moins souvent citées : une fois la Saxe, très souvent l'Angleterre (dont une fois Londres et une fois Bath), jamais l'Irlande ou la Gaule. Ils sont remarquablement détaillés, en revanche, sur les destinations orientales : Finlande (2 fois), Tavastland (1), Estonie (1),

Virland (= Estonie orientale, 3), Livonie (1), Semigallie (1), "chemin de l'Est" sans précision (5), Gardhartki, c'est-à-dire Russie (6 ou 7), avec

mentions de Novgorod et des rapides du Dnjepr, Grèce (30) et Balkans (1), "Lombardie", c'est-à-dire Apulie byzantine (3) (36), enfin "Serkland", c'est-à-dire Orient musulman (3), sans compter quelques pèlerins de Jérusalem.

Mais c'est par la motivation qu'ils donnent aux déplacements que ces textes sont surtout susceptibles de nous intéresser. Beaucoup de documents suédois déclarent sans fausse honte que la soif de l'or était le grand motif des expéditions : ainsi sur la pierre de Gripsholm (Sô 179), à propos de la dernière entreprise suédoise vers l'Est, celle d 'Ingvar : «ils sont partis avec courage au loin vers l'or ; à l'Est, ils ont donné à l'aigle sa pâture ; au Sud, ils sont morts dans le Serkland». Bien des défunts reçoivent un éloge pour s'être enrichis, certains se parent de surnoms attestant leur richesse, une richesse qui leur a souvent servi à acheter des terres, comme à Veda (U 209) Torsten qui se vante d'avoir «acheté

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cette ferme et acquis cette fortune à l'Est en Russie» ou, à Ulunda (U 972), le père de Kaar qui «partit plein de courage et acquit des richesses au loin en Grèce pour son héritier» .

Bien entendu, vu les règles du genre, la plupart de ces textes commémorent des décès survenus au cours d'entreprises plus ou moins militaires, que ce soit dans une affaire proprement Scandinave, comme celle d'Ingvar, ou au service du Basileus (Ragnvald, héros de l'inscription d'Ed, U 112, avait été "chef de la garde" ; quant à Rodfos, héros de celle de Sjonhem, G 135, «les Valaques le tuèrent par trahison alors qu'il était en expédition lointaine»). Un contexte commercial n'est plausible que dans une infime minorité de cas, quand le mort est qualifié de félagi "associé, compagnon" du survivant, comme sur la pierre célèbre trouvée en 1906 dans l'île de Berezanj à l'embouchure du Dnjepr : «Grane a fait ce tombeau pour Karl, son associé», mais elle ne date sans doute que de la fin du Xle siècle.

Un second groupe de déplacements individuels est connu par la tradition littéraire, surtout par les sagas. Certains sont des faits historiques, d'autres représentent un simple thème romanesque : la limite est souvent incertaine. Évoquons quelques cas significatifs, en nous souvenant que les sagas n'éclairent qu'une courte période de l'histoire russe et byzantine, entre 975 et 1050 (37) et que leur horizon, s'il va vers l'Ouest iusqu'en Amérique, laisse de côté à l'Est ce qui est au-delà de Staraïa Ladoga, Novgorod, Constantinople et le "Serkland" - on n'y entend parler ni de Kiev, ni de la Russie du Sud.

Il faut ranger au nombre des déplacements historiques ceux de trois princes norvégiens, Olaf Tryggvason (mort en 1000), Olaf Haraldsson le saint (mort en 1030) et Harald le sévère (mort en 1066), bien que la tradition ait beaucoup brodé. Le premier Olaf avait dans sa jeunesse été captif des Estes et racheté par un chef varègue qui collectait le tribut pour le grand-prince russe ; il avait été Viking en Angleterre et y avait reçu le baptême, puis il avait séjourné en Russie à la cour de Vladimir vers 980-990. Le second Olaf, avant de devenir saint, avait été le parangon des Vikings : sa saga le crédite de 17 expéditions, de la Finlande à l'Espagne ; baptisé à Rouen, puis mercenaire en Angleterre, il devint roi en 1016 et fut un temps banni en Russie en 1029 ; il s'occupa alors à des raids en Estonie et Courlande. Sa saga assure qu'étant roi il songeait à s'associer à un commerçant en étoffes de prix qui avait le centre de ses affaires à Novgorod (38). Harald le Sévère - qui dépasse notre cadre chronologique - est la dernière incarnation de ces Vikings omniprésents : parti d'abord en Russie (1031), il poussa jusqu'à Byzance, eut un haut commandement dans la garde, combattit en Sicile, revint en Russie et y épousa une fille du grand-pririce Jaroslav, retourna en Scandinavie en

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1045 et termina, comme on le sait, sa carrière en Angleterre en 1066.

La portée de ces aventures princières est difficile à apprécier. On entrevoit autour des princes russes tout un groupe de réfugiés et d'aventuriers nordiques, actifs surtout autour d'Aldejgjuborg (Staraïa Ladoga) et de Hôlmgardhr (Novgorod), souvent employés à tenter d'établir un protectorat russe en Estonie (39). Le reste peut n'être qu'affabulation.

Cependant, dans le cas de Harald le Sévère, l'historien peut, grâce à la numismatique, explorer plus avant quelles influences ces déplacements princiers ont charriées. La tradition nordique et occidentale insiste sur les trésors que Harald ramena de Byzance et leur donne des proportions légendaires (40). Depuis longtemps on en a rapproché les types clairement byzantins qui régnent dans le monnayage danois (autrement de modèle anglais) postérieur à 1046 : ce qu'il faut rattacher à la tentative que fit Harald pour s'implanter au Danemark avant la mort du roi Magnus en 1047. L'imitation fut surtout le fait du rival heureux de Harald, Sven Estridsen. Les modèles (transposés de l'or à l'argent) sont des frappes de Romain III, Michel IV, Constantin IX et Michel V, strictement contemporaines du séjour de Harald à Byzance (41).

D'autres conséquences apparaissent dans l'histoire religieuse. Le culte de saint Olaf, répandu très tôt après la mort du roi en 1030, s'est largement enraciné à l'Ouest comme à l'Est. Bruce Dickins a recensé une trentaine de dédicaces d'églises aux Iles Britanniques (dont 2 en Irlande) ; des témoignages sûrs connaissent une église Saint-Olaf à Novgorod et une autre à Constantinople (42). Inversement les miracles posthumes du saint roi font également concourir à sa gloire 4 Varègues (2 de Novgorod, 1 chez des Slaves indéterminés, 1 de Constantinople) et un Norvégien de Dublin. C'est la preuve qu'à l'extrême fin du second âge des Vikings ces déplacements avaient créé - entre des minorités seulement, mais répandues de l'Extrême Occident au proche Orient - une sorte de communauté spirituelle.

Il faut aussi envisager brièvement le problème, souvent discuté, de la venue de 3 évêques arméniens jusqu'en Islande vers 1060, sans doute par la Russie (43). Une génération plus tôt, sans doute par l'intermédiaire Scandinave, d'autres Arméniens avaient atteint Rouen (44). La pénétration de goûts artistiques byzantins en Islande est attestée par les panneaux sculptés de Flatatunga du milieu du Xle siècle (45). Quelles que soient les connotations politiques de ces pénétrations orientales (il s'agissait sans doute de se soustraire à la suprématie du siège de Brème), elles attestent une libre circulation des personnes à travers tout l'espace nordique. Inversement il est notable que Sainte-Sophie de Constantinople ait possédé son nom propre en vieux norois, AE gisif (46).

Les sagas ajouteraient à ces données bien des épisodes éloquents. C'est dans la Laxdœla saga (c. 12) le marchand Gilli surnommé

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le Russe, qui vend à l'Islandais Hôskuld sur le marché des Brenneyjar (à l'ancienne frontière dano-suédo-norvégienne) la princesse irlandaise Melkorka. C'est dans la Grettis saga (c. 86) une querelle entamée en Islande qui se vide tout naturellement par un meurtre dans la garde va- rangienne du basileus. C'est dans la Landnâmabôk, plus sûre, l'histoire d'un Norvégien, Bjôrn surnommé "des pelleteries", qui avait commercé à Novgorod avant de devenir l'un des colons de l'Islande, tandis que son fils Skeggi faisait des ravages sur la route de l'Est et violait un tumulus royal au Danemark avant de revenir dans l'île subpolaire (47). Tout ceci signifie qu'au XHIe siècle, où l'on coucha par écrit les traditions qui inspirent les sagas, on conservait un vif souvenir - peut-être grandi par le recul, il n'importe - de ces temps où ,1a Scandinavie échappait au cloisonnement qui sépara ensuite l'Occident de l'Orient. Ce témoignage a au moins valeur de symbole.

IV - LA PORTÉE DES CONTACTS

ECONOMIQUES ET INTELLECTUELS

Que l'on ait pu, si on le voulait, circuler librement de l'Est à l'Ouest et inversement en passant par la Scandinavie au Xe siècle, la chose est donc claire. Dans quelle mesure le commerce, dans quelle mesure les échanges intellectuels utilisèrent-ils cette faculté ? C'est ce qui reste à déterminer.

Commençons par quelques considérations générales. Les distances rendent probable que - hors le cas des hommes, cette marchandise qui, si besoin est, se transporte elle-même - aucun trafic de masse n'a pu se développer de bout en bout. Ce que vient confirmer l'archéologie : les céramiques liées à ces trafics ne sortent guère, les unes de l'espace de la mer du Nord, les autres de l'espace baltique (il y aune quantité longtemps insoupçonnée de tessons provenant des pays slaves dans le sol des premières villes Scandinaves) (48). Les échanges ont dû se limiter à des articles de faible encombrement et de haute valeur ; provenaient-ils tous, en dernière analyse, d'un commerce loyal, ou avaient-ils été extorqués comme butin ou comme tribut, au moins pour partie, c'est ce que nous ne saurons jamais.

On entrevoit que l'essentiel des importations orientales en Scandinavie consistait en trois ou quatre articles : fourrures et pelleteries, miel et cire, tissus et accessoires d'habillement de luxe, tandis que les importations venues d'Occident reposaient sans doute sur les vins, les tissus de laine, les armes de qualité, la verrerie. Ces listes, très courtes, sont cependant en partie hypothétiques (par extrapolation de données plus récentes) et en tout cas peu documentées : c'est dire l'indigence de nos connaissances (49). Encore ne concernent-elles guère que les trafics qui avaient leur aboutissement principal en Scandinavie même, n'atteignant l'Orient ou l'Occident que par une sorte de ricochet. Quelles exportations vers l'Orient musulman justifiaient les énormes excédents de

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la balance des paiements que nous évoquions tout à l'heure ? Pour une part notable, probablement, il s'agissait de la revente à des acheteurs asiatiques de marchandises (fourrures et esclaves avant tout) que les Suédois s'étaient procurées à l'Est de la Baltique, dans l'espace aujourd'hui russe, et non d'exportations Scandinaves ou occidentales à proprement parler (50). D'autre part, les locations de mercenaires durent être aussi un facteur notable, mais les sources sûres font défaut ; rien n'indique que les soldes au service russe, sans doute les plus nombreuses, aient été réglées en numéraire, à la différence de celles gagnées au service grec (51).

L'archéologie apporte quelques compléments. D'abord la certitude que les itinéraires traversant la Russie remontaient très haut, bien avant que les Varègues aient atteint la Mer Noire. Sans parler de précédents dès l'âge du bronze, les trouvailles confirment qu'ils existaient dès la fin de l'époque romaine, notamment pour l'importation des verreries (52) et qu'ils survécurent durant l'époque franque, comme l'enseignent certaines des découvertes les plus spectaculaires de Helgô (53) ou d'ailleurs (54). La présence de Scandinaves sur la Volga et le Dnjepr à partir du IXe siècle semble plutôt une conséquence qu'une cause de ce trafic, mais elle ne put qu'en accroître le volume.

Quant aux itinéraires traversant la Mer du Nord jusqu'aux pays celtiques, ils ont aussi leurs antécédents préhistoriques et leurs solides attestations à l'époque franque (55). Ne parlons pas de ceux reliant les bouches du Rhin au monde nordique : on n'a jamais cessé de les parcourir. Ainsi il restait simplement à relier les unes aux autres ces grandes voies menant vers l'Orient et vers l'Occident : ce fut la fonction principale des Scandinaves (56), dès la fin du Ville ou le début du IXe siècle, et aussi le facteur essentiel de la prospérité de Hedeby jusqu'à l'aurore du Xle siècle (57).

Les Scandinaves furent sans nul doute les grands vecteurs des relations à longue distance. Mais, au niveau local, les recherches russes et polonaises montrent de plus en plus qu'ils profitèrent d'un réseau commercial préexistant : Khazare et Bulgare sur la Volga, Finnois et Slave en Russie du Nord, Slave en Russie du Sud, Balte et Slave sur les côtes bal- tiques. On ignore encore à peu près comment s'articulaient les échanges entre ces divers secteurs.

La chronologie de ces développements est à peine moins incertaine. Il semble (quoique cela ait été contesté) que la route de la Volga vers le monde nordique connut son apogée vers 910-930, que celle du Dnjepr la supplanta vers le milieu du Xe siècle, tandis que, sur le versant baltique, la Daugava entrait en concurrence avec la Neva et le Volkhov comme voie d'accès à l'intérieur. Vers l'Ouest, le sommet des échanges proprements commerciaux semble se placer à une date plus tardive, dans la première moitié du Xle siècle. Mais tout ceci repose sur des impressions plus que sur des certitudes.

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L'archéologie urbaine commence à fournir des bases plus solides : ainsi les fouilles de Lund (58) ont donné, dans une couche du début du Xle siècle, un gâteau de cire pesant 13 kg, de provenance sans doute orientale, à côté de vases de steatite, de crânes de morses et de côtes de baleines venant de Norvège, de céramique slave ayant peut-être contenu du miel, de céramique rhénane de Pingsdorf pouvant avoir contenu du vin. Tous ces articles sont d'usage courant, leur présence ne peut s'expliquer que par le commerce, aucunement par le butin ou le goût des curiosités exotiques. Mais la confirmation, encore toute ponctuelle, ne porte que sur ceci : la Scandinavie du second âge des Vikings puisait à la fois aux sources orientales et occidentales. Rien ne prouve qu'elle transmettait des produits orientaux en Occident ou inversement sur une échelle appréciable. Seuls devaient filtrer de rares articles de luxe.

Sur le plan intellectuel, les conclusions sont assez voisines. Rien de bien durable ni de bien profond n'a été transféré d'Orient en Occident ou vice-versa. Le Xle siècle permet de dresser le bilan : le christianisme oriental, malgré les antennes poussées vers l'Ouest, ne s'est pas implanté au-delà de la Carélie et du lac Peïpous et les traces laissées par les anciens contacts se limitent à peu près aux planches gravées de Flatatunga (59), à ces monnaies danoises du milieu du Xle siècle dont la signification échappait sans nul doute à ceux qui les maniaient, enfin à des références assez artificielles dans les littératures norvégienne et islandaise. Les rares apports occidentaux qui ont pu parvenir au-delà de la Baltique avant 1040 ont dû y être ressentis comme Scandinaves, tant ils étaient mêlés à un contexte nordique.

Quand la Scandinavie cherchera à nouveau, au Xlle siècle, des contacts avec l'Orient, ce sera avant tout pour participer à l'idéologie toute occidentale des Croisades, par de tout autres voies et avec de tout autres moyens.

Jusqu'au début du Xlle siècle, le chemin de Jérusalem passa par la Russie ; ensuite il contourna l'Europe par Gibraltar et emprunta la Méditerranée. Le tournant est marqué par deux épisodes à peu près contemporains. En 1103, dernier représentant d'une longue tradition, le roi danois Erik Ejegod se rend en Terre Sainte par la Russie ; en revanche sous Magnus Barfod (mort en 1103) des Norvégiens, tendant vers le même but, empruntent la route maritime de l'Ouest (60), sans doute apprise de ces Anglo-Scandinaves qui, à la génération précédente, avaient pris ce chemin pour aller s'engager dans la garde de Kirjalax (c'est le nom nordique d'Alexis 1er Comnène) (61). Quand en 1107 Sigurd Jorsalafarer entreprit sa célèbre expédition en Palestine, il n'eut aucune hésitation sur son itinéraire d'aller : ce fut la circumnavigation de l'Europe ; il est vrai qu'il revint par terre.

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L'afflux de l'argent oriental avait alors cessé depuis près d'un siècle déjà (62). Malgré des arrivées sporadiques jusque vers 1110, les Varègues de Byzance avaient cessé de se recruter principalement en Scandinavie. Les liens avec la Russie s'étaient distendus jusqu'à disparaître après la mort de Jaroslav le Sage (1054). Bref la Scandinavie avait fini de jouer son rôle de médiateur avec les cultures orientales. En Occident, la fin du second âge des Vikings après la mort de Knut le Grand (1035) et surtout la conquête de l'Angleterre par les Normands en 1066 avaient entraîné un repli symétrique des pays du Nord sur eux-mêmes. Sans doute tout souvenir concret des anciennes relations n'avait-il pas disparu : les Gotlandais, notamment, surent le transmettre à la Hanse germanique, en ce qui touchait la Russie - mais ce fut dans un tout autre contexte économique et politique.

L'âge d'or des contacts entre Occident et Orient par l'intermédiaire de la Scandinavie ne doit d'ailleurs pas faire illusion : il parle à nos imaginations plus qu'il ne recouvre de réalités profondes. Ni l'Occident, ni l'Orient ne semblent avoir perdu rien d'essentiel quand, rattachée à l'Église latine, la Scandinavie, au cours du Xle siècle, opta définitivement pour l'Occident, se coupant pour longtemps des mondes orientaux. Seuls quelques intermédiaires, représentant un milieu étroit, localisé dans les grands foyers de traite, emporia comme Hedeby ou Birka, ou simples factoreries comme Kaupang ou Paviken, ont dû en souffrir, quand la rupture commença à s'esquisser, à la charnière des Xe et Xle siècles. Encore soupçonne-t-on que les nouvelles formes de commerce - que l'on résumerait volontiers par l'avènement définitif de l'économie argent et le déclin du trafic des esclaves - ainsi que les changements sociaux qui ont affecté l'artisanat leur ont finalement porté plus de préjudice que l'abandon des relations avec l'Extrême Occident et l'Asie occidentale.

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NOTES

1. Sur leur date précise, voir en dernier lieu l'article de A. THULIN cité ci-dessous note 9.

2. Renvoyons sur ce sujet au recueil collectif Varangian Problems (Scando-Slavica, suppl. 1), Copenhague, 1970 ; à la mise au point d'A. RIASANOVSKY, The Varangian question, Settimane ... di Spoleto, XVI, 1968, p. 171-204 et à l'état de la question donné par B. DELMAIRE, Les origines russes d'après les travaux soviétiques récents, Annales E.S.C., 1974, p. 151-165.

3. Nous nous permettrons de renvoyer une fois pour toutes à L. MUSSET et F. MOSSE, Introduction à la runologie, 2e éd., Paris, 1976, notamment p. 280 et suiv.

4. A. RUPRECHT, Die ausgehende Wikingerzeit im Lichte der Runeninschriften, Gôttingeh, 1958.

5. MUSSET, no 79, p. 399 ; RUPRECHT, n© 183, p. 161 , cf. T.J. ARNE, "Austr i Karusm" och Sàrklandnamnet, Fornvannen, 1947, p. 290-305.

6. Ed. Krijnie N. CIGGAAR, Rev. des Et. Byzantines, XXXII, 1974, p. 320-323.

7. Cf. D. OBOLENSKY, The Byzantine Sources on the Scandinavians in Eastern Europe, dans Varangian Problems, p. 149-164.

8. Les textes originaux ont été réunis pour la plupart par A. SEIPPEL, Rerum normannicarum fontes arabici, 2 vol. Oslo, 1896-1928 et traduits (en norvégien) par H. BIRKELAND, Nordens Historié i middelalderen etter arabiske kilder, Oslo, 1954. Beaucoup de textes sont en traduction allemande dans H.J. GRAF, Orientalische Berichte des Mittelalters uberdie Germanen, eine Quellensammlung, Krefeld, 1971 (annotation souvent discutable) et en traduction danoise dans S^ren S0RENSEN, De russisk-nordiske forhold i Vikingetiden, Copenhague, 1973.

9. A. THULIN, Ingvarstâget -en ny datering ?, Arkiv for nordisk filologi, XC, 1975, p. 19-29.

10. H. JAANUSSON, Ett estniskt hànge ..., Fornvannen, 1971, p. 99-104.

11 . B. MALMER, Olof Skôttkonungs myntochandraEthelred-imitationer, Stockholm, 1965, p. 55-56 et pi. 5, no 7.

12. Bien mises en lumière dans notre cas par O. KLINDT-JENSEN, The evaluation of the archaeological evidence, dans Varangian Problems, p. 39-44.

13. Les principales sources pour l'histoire de la circulation monétaire dans l'espace Scandinave au Xe siècle sont celles-ci, auxquelles il ne sera plus renvoyé ensuite : Norvège : K. SKAARE, Coins and coinage in Viking Age Norway, Oslo, 1976 ; Suède : G. HATZ, Handel und Verkehr zwischen dem deutschen Reich und Schweden in derspà'ten Wikingerzeit Lund- 1974 ; Danemark : R. SKOVMÀND, De Danske Skattefund, Aarbefger for nordisk Oldkyndighed of Historié, 1942,

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p. 5-275. Rappelons aussi ici une fois pour toutes la grandiose interprétation d'ensemble de Sture BOLIN sur "Mahomet, Charlemagne et Rurik", publiée d'abord en suédois dans Scandia, XII, 1939, p. 181-222, puis en anglais dans Scandinavian Economie History Review, I, 1953, p. 5-39, enfin reprise en suédois dans son recueil Ur penningens historia, Stockholm, 1962, p. 154-184 (sans les notes). Tout en lui reconnaissant l'immense mérite d'avoir remarquablement posé les problèmes d'ensemble, nous tenterons, prudemment, d'en mettre à jour les données, sans sortir des limites posées par notre titre.

14. Voir avant tout U.S. LINDER WELIN, article Arabiska mynt dans Kulturhistorisk Leksikon for nordisk Middelolder (1956), et SKAARE, op. cit., p. 118. Pour les Bulgares, U.S. LINDER WELIN, Volgabulghariska furstar i svenska siïverskatter, Nordisk Numtsmatisk Unions Medlemsblad, 1967, p. 170-172.

15. N.L. RASMUSSON, Bysantinska mynt dans Kulturhistorisk Leksikon ... (1957) ; SKAARE, op. cit., p. 53-54 , HATZ, op. cit., p. 23.

16. R.H.M. DOLLEY, The Hiberno-Norse coins in the British Museum, Londres, 1966.

17. L. MUSSET, Les relations extérieures de la Normandie du IXe au Xle siècle d'après quelques trouvailles monétaires récentes, Annales de Normandie, IV, 1954, p. 31-38 ; M. DOLLEY, The continental coins in the Halton Moor find and other Norman deniers found in the British Igles, Hamburger Beitrage zur Numismatik, 1958-59, p. 53-57 et F. DUMAS, Le trésor de Fécamp, Paris, 1971, p. 58 et suiv.

18. Les données de l'article ancien de N.L. RASMUSSON, Nordens tidigaste import av engelska mynt, Fornvannen, 1934, p. 366-372 restent en gros valables.

19. C'est ce que souligne N.L. RASMUSSON au début de An Introduction to the Viking-age hoards, Commentationes de nummis saeculorum IX-XI in Suecia repertis, I, Stockholm ,1961, p. 3-16.

20. Sauf dans un cas, le trésor norvégien de Hon (seconde moitié du IXe siècle), il s'agit uniquement de monnaies d'argent, seules reçues en Scandinavie après le Vie siècle.

21. Voir le récent débat entre ces deux auteurs dans Fornvannen, 1974, p. 22-29 ; 1976, p. 175-185 et 186-190.

22. M. DOLLEY, K. SKAARE, Nytt lys over Skandinaviens nordligste skattefunn ..., Nordisk Numismatisk Arsskrift, 1960, p. 5-24.

23. U.S. LINDER WELIN, Spanish Umaiyad coins found in Scandinavia, Numisma- tiska Meddelanden, XXX, 1965, p. 15-25.

24. Selon SKOVMAND, op. cit., p. 202-204, ce second itinéraire recevait lui-même ses dirhems de la Volga moyenne : il ne divergeait du premier qu'à partir de Bol gar. H. ARBMAN croyait plutôt à deux itinéraires distincts, celui de la Volga suivi surtout par le butin, et plus ancien, celui du Dnjepr surtout commercial, et plus récent. Ce n'est pas le lieu d'en discuter.

25. Nous avons pour le Xlle siècle, vers 1140, à Lummelunda (Gotland) un lingot marqué en cyrillique d'un nom d'homme russe : survivance d'un usage ancien ? Cf. Jerzy NALEPA. Den fornryska inskriptionen Byleta pa en av silverbarrerna frâ Lummelunda Skatten, Fornvannen, 1971, p. 270-275.

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26. Notamment les "anneaux permiens", fabriqués sans doute chez les Bulgares de la Volga, qui se retrouvent en grand nombre à Gotland, en petites quantités en Suéde et au Danemark.

27. MUSSET, Runologie, p. 285.

28. J.P. LAMM, Fornvànnen, 1977, p. 81 et suiv.

29. A.N. KIRPICNIKOV, Russisk-Skandinaviske Forbindelser i IX-XII arh illustreret ved Vabenfund, Kuml (Ârhus), 1969, p. 165-189, repris en anglais dans Varangian Problems, p. 50-76.

30. H. ARBMAN, "Uppstândelseàgg" av glaserad 1er, Situne Dei (Sigtuna), 1945, p. 73-76. L'aire principale de distribution couvre la Volhynie et les pays entre Vistule et Oder : la route suivie pour atteindre la Scandinavie passait sans doute par la côte polonaise.

31. La trouvaille a été faite dans une rue qui porte encore un nom nordique :Cop- pergate ; cf. R.A. HALL, The Viking Kingdom of York, York, 1976, p. 25.

32 . Indications précieuses dans A. ALFOLDI, Wikinger und Reiterhirten, Fornvànnen, 1949, p. 1-22, et, pour l'armement, dans KIRPICNIKOV, cité note 29.

33. L'idée a été remarquablement présentée par J.P. LAMM, En spegel fran Paviken, Fornvànnen, 1971, p. 48-52.

34. MUSSET, Runologie, p. 280-287 et surtout S.B.F. JANSSON, Runinskrifter i Sverige, 2e éd. Stockholm, 1977, p. 41-93. Nous utilisons le système de référence des runologues suédois dont la clef se trouve dans MUSSET, p. 13.

35. Sur ces partages, cf. JANSSON, p. 75-76.

36. Atteinte par la route de l'Est, comme le dit explicitement la pierre de Djulefors (Sô 65) : «Vers l'Est il laboura fia mer J avec sa proue et il périt aux pays des Lombards».

37. Observation pertinente de F. BRAUN, Das historishe Russland im nordischen Schrifttum des 10 bis 14 Jh ., Festschrift E. Mogk, Halle, 1924, p. 150-196.

38. Snorri Sturluson, Ôlâfs saga hins helga, c. 66.

39. Cf. P. JOHANSEN, Nordische Mission, Revais Grundung ..., Stockholm, 1951, p. 67-69.

40. Une scholie d'Adam de Brème (éd. Schmeidler, p. 196, sch. 83) veut même que ce trésor ait été la source principale de la fortune de ... Guillaume le Conquérant!

41. D faut toujours partir de P. HAUBERG, De l'influence byzantine sur les monnaies de Danemark au Xle siècle, Congrès int. de numismatique, Paris, 1900, p. 335-345, à compléter par K. SKAARE, Heimkerhr eines Waràgers. Die Munzpràgung Harald Hardrâdes in Danemark, Dona numismatica W. Hàvernick, Hambourg, 1965, 99-111 ; Ph. GRIERSON, Harold Hardrade and Byzantine Coin-types in Denmark, By zantinische Forschungen, 1966, p. 123-140 ;G. HATZ, op. cit., p. 85 ; SKAARE, op. cit., p. 67-68 et surtout par M.F. HENDY, Michael IV and Harold Hardrada, Numismatic Chronicle, 1970, p. 187-197.

42. B. DICKINS, The cult of s. Olave in the British Isles, Saga-Book of the Viking Society, XII, 1939, p. 53-80 ; église à Novgorod : Ada S. Olavi, éd. G. Storm,

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Monumenta Historica Norvegiae, p. 142, c. 14 et inscr. runique U 687 ; c'était sans doute l'église des Gotlandais : JOHANSEN, op. cit., p. 84 ; Constantinople : Ada S. Olavi, p. 135, c. 3.

43. La source fondamentale est VIslendingabôk d'Ari Thorgilsson, c. 8. Les principales mises au point sont celles de F. MACLER, Arménie et Islande, Rev. de VHist. des Religions, LXXXVH, 1923, p. 236-241 et de J.A. HELLSTRÔM, Biskop och landskapssamhàlle, Stockholm, 1971, p. 18. Nous rejetons les interprétations hasardeuses de M. M. Larusson (ermskir = de l'Ermland, alors païen !) et de S. Jônsdottir (ermskir = ermites). Sur la route possible, cf. les suggestions de Ya. DACHKEVITCH, Les Arméniens à Kiev jusqu'à 1240, Rev. des Et. arméniennes, X?1973-74, p. 336-340 (référence signalée par M. Dédéyan).

44. Inventio et miracula S. Vulfranni, éd. J. Laporte,Me7. Soc. Hist, de Normandie, XIV, 1938, p. 35, c. 17 (sous Richard II).

45. Publication de base de Selma JONSDOTTÏRyByzônskd6msdagsmyndiFlatatungu, Reykjavik, 1959 ; études de Kr. ELDJARN dans Acta archaeologica, XXIV, 1953, p. 81-lOl,etdeEJM.MAGER0Y,/&{U, XXXII, 1961, p. 153-172.

46. G. SIGURS, Thèse dactylographiée, Paris IV, 1975, p. 231. Nous estimons qu'il n'y a aucune donnée sûre à retenir de l'article hautement hypothétique de O. JANSE (Har Emund den garnie sôkt infôra den grekisk - katolska lâran i Sverige ? Fomvannen, 1958, p. 118-124) sur de supposées missions orientales en Suède.

47. Landnàmabok, Hauksbok, c. 140 (la version dite Melabok ajoute des détails interpolés sur ce commerce des peaux). Sur ces textes littéraires renvoyons une fois pour toutes à H.R. ELLIS DAVIDSON, The Viking Road to Byzantium. Londres, 1976.

48. Voir par exemple R. BLOMQVIST, Die âlteste Geschichte der Stadt Lund, dans Vor- und Fruhformen der europaischen Stadt im Mittelalter, Gôttingen, 1974, II, p. 128-145 (aux p. 133 et suiv.).

49. Celles offertes par les sources écrites nordiques et musulmanes sont résumées par ELLIS DAVIDSON, op. cit., ch. VII, p. 97-106.

50. C'est ce que souligne l'important article de H. ARBMAN, Sverige och Ostern under Vikingatiden dans Proximo Thule, Stockholm, 1962, p. 156-166.

51. C'est ce qu'indique le trésor d'Oxarve, cité plus haut. Mais justement les monnaies byzantines n'ont atteint le Nord qu'en petit nombre : l'essentiel des soldes était-il habituellement dépensé sur la route du retour à travers la Russie ?

52. G. EKHOLM, De orientaliska glasens vâgar mot Norden, Fomvannen, 1956, p. 246-266.

53. Notamment la statuette de Bouddha. Pour des importations simplement venues des Pays Baltes, cf. B. NERMAN, Ostbaltiskt frân Yngre Vendeltid bland fynden frân Helgôn, Fomvannen, 1956, p. 148-152.

54. Par exemple la bourse en peau de varan (un lézard de l'Inde) trouvée à Lângô, paroisse de Tâsjô, Ângermanland.

55. Sur les liens Irlande-Scandinavie, renvoyons à l'étude d'histoire de l'art de J.E. FORSSANDER, Irland-Oseberg, Kungl. hum. Vetenskapssamfundet i Lund, Ârsberattelse, 1942-43, p. 294-404. Sur les liens Estanglie-Suéde, mise au point de G. SPEAKE, A 7*n century coin pendant ..., Medieval Archaeology, XIV, 1970, p. 1-16.

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Page 20: La Scandinavie, intermédiaire entre l'Occident et l'Orient au Xe siècle (L. Musset)

56. Et sans doute aussi, à un moindre degré, des Frisons ; mais ce n'est pas le lieu de rouvrir ce débat, toujours assez âpre.

57. Voir en dernier lieu H. JANKUHN, Fruhe Stâdte im Nord-und Ostseeraum (700-1100 n. chr.), Settimane ... di Spoleto, XXI, 1973, p. 153-201.

58. BLOMQVIST, art. cité note 48, p. 133 et suiv.

59. Voir ci-dessus note 45. Les apports byzantins dans l'art gotlandais, incontestables, se placent bien plus tard, guère avant la seconde moitié du Xlle siècle : cf. A. TUULSE, Vast och Ôst i Gotlands romanik, Fomvannen, 1971, p. 154- 172 : leur contexte est hanséatique. Le fameux suaire byzantin en soie de Knut le Saint à Odense est venu à l'extrême fin du Xle siècle par l'Italie normande : cf. en dernier lieu F. HOFFMANN, Die heiligen Kônige ..., Neumunster, 1975, p. 126.

60. Heimskringla, Saga de Magnus Nu-Pieds, c. 20. H est vrai qu'ils ne parvinrent pas au-delà de la Sicile.

61. Voir le texte publié par CIGGAAR, cité ci -dessus note 6.

62. La cause en fut, semble-t-il, la cessation des grandes émissions de dirhems en Transoxiane, par épuisement des mines, et non la rupture d'un itinéraire commercial, encore que la ruine de Samandar et de Bulgar par Sviatoslav en 968- 969 ait pu jouer son rôle (cf. les textes d'Ibn Hauqal et Idrisi cités par BIRKE- LAND, op. cit., p. 48-50 et 70.).

P.S. Depuis la rédaction de ce texte en février 1978, deux publications notables ont vu le jour sur le problème varègue. L'une est uniquement archéologique : N.J. DEJEVSKY, The Varangians in soviet archaelogy today, Mediaeval Scandinavia, X, 1977, p. 7-31 (revue du travail accompli depuis les Varangian Problems cités ci-dessus note 2). L'autre exclut à peu près l'archéologie et les problèmes économiques : S. BLOND AL et B.S. BENEDIZ, The Varangians of Byzantiums, Cambridge, 1978 (refonte d'un ouvrage publié en islandais en 1954).

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