La santé des médecins, ça compte - CMA · Dre Rhonda Church (N.-É.) Dre Deborah Hellyer (Ont.)...

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La santé des médecins, ça compte Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada Produit pour l’Association médicale canadienne par le Groupe de travail du Conseil d’administration de l’AMC sur la santé mentale et le Groupe de travail de l’AMC chargé de la Stratégie sur la santé mentale pour les médecins Expert-conseil externe D r Brent Moloughney Février 2010

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La santé des médecins, ça compteUne Stratégie sur la santé mentalepour les médecins au Canada

Produit pourl’Association médicale canadienne

parle Groupe de travail du Conseil d’administration de l’AMC sur la santé mentale et

le Groupe de travail de l’AMC chargé de la Stratégie sur la santé mentale pour les médecins

Expert-conseil externeDr Brent Moloughney

Février 2010

Table des matières

Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . iv

Sommaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

La santé des médecins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

La santé des étudiants en médecine et des médecins résidents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

Les sources de stress . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

Résumé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

Initiatives et services existants en santé mentale pour les médecins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

Lacunes à combler et défis à relever pour répondre aux besoins des médecins en santé mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

Élaboration d’une stratégie sur la santé mentale pour les médecins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

Vision. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

Le besoin d’une approche coopérative. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

Orientations stratégiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Pour aller de l’avant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

Annexe 1: Des services de santé mentale pour les médecins du Canada : sommaire, Joan M. Brewster, PhD . . . . . . . . . . . 23

Annexe 2 : La santé mentale et la stigmatisation dans la profession médicale, Jean E. Wallace, PhD . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

iv

Remerciements

Trois sources ont éclairé l’élaboration de cette stratégie : des documents commandés par l’AMC, le Groupe de travaildu Conseil d’administration de l’AMC sur la santé mentale et le Groupe de travail de l’AMC chargé de la Stratégie sur

la santé mentale pour les médecins.

Documents commandés par l’AMC :• Dre Joan Brewster, École Dalla Lana de santé publique, Université de Toronto (le sommaire figure à l’Annexe 1) et la• Dre Jean Wallace, Département de sociologie, Université de Calgary (le sommaire figure à l’Annexe 2).

Membres du Groupe de travail du Conseil d’administration sur la santé mentale :Dre Kathryn Bigsby (Î.-P.-É.)Dre Rhonda Church (N.-É.)

Dre Deborah Hellyer (Ont.)Dre Beverley Karras (Sask.)Dr Jean-Bernard Trudeau (Qc)Dr Guido Van Rosendaal (Alb.), présidentDr Blake Woodside (Ont.)

Membres du Groupe de travail chargé de la Stratégie sur la santé mentale pour les médecins :Dre Joy Albuquerque (Ont.)Dr Bob Fredrickson (N.-É.)Dre Mamta Gautam (Ont.), présidenteDre Jessica Guimond Hemmings (N.-É.)Dre Anne Magnan (Qc)Dre Dianne Maier (Alb.)M. Ali Okhowat (Ont.)Dre Sandra Roman (Qc)Dr Blake Woodside (Ont.)Dre Maura Ricketts, membre du personnel de l’AMC

Dr Todd Watkins, membre du personnel de l’AMCMme Susan Yungblut, membre du personnel de l’AMC

Expert-conseil externeDr Brent Moloughney

Sommaire

Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins constitue l’un des quatre piliers du Plan de l’AMC sur la santémentale, mais c’est aussi une stratégie autonome qui reflète l’intérêt que l’AMC porte depuis longtemps à la santé et au

mieux-être des médecins du Canada, ainsi que le leadership qu’elle exerce en la matière. La stratégie propose un cadre

pour une activité pluriannuelle de collaboration au cours de laquelle l’AMC cherchera à optimiser la santé mentale desmédecins, des médecins résidents et des étudiants en médecine.

Le besoin d’une stratégie se reflète dans le fardeau des problèmes de santé mentale et des maladies mentales chez

les médecins actifs et les médecins en formation. La santé physique générale des médecins est assez bonne, mais beau-coup d’entre eux sont en proie à la détresse reliée à des problèmes mentaux ou affectifs. Chez les médecins, les taux de

dépression et d’abus de l’alcool sont semblables à ceux de la population en général, tandis que les taux de suicide

dépassent ceux du grand public. Les médecins vivent de nombreux types de facteurs de stress liés à la nature du travailmédical, ainsi que des problèmes systémiques associés à la structure et au fonctionnement de notre système de santé.

On fait de plus en plus d’efforts pour fournir des services et des programmes afin de promouvoir et de protéger la santémentale des médecins, mais ceux-ci ont toujours beaucoup d’obstacles à surmonter, comme la culture et la stigmatisa-tion, par exemple, ainsi que des problèmes liés à la confidentialité et au permis d’exercer. Les médecins qui ont unemaladie mentale ont tendance à être traités différemment de ceux qui ont une maladie physique et souvent, on ne faitpas suffisamment de distinction entre la présence d’une maladie mentale et l’incapacité de pratiquer la médecine.

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Une santé mentale optimale pour tous les médecins

1. Faire mieux connaître les problèmes de santé mentale des médecins et accroître les connaissances et les compétences en la matière.

• Considérer sa propre santé comme une priorité.• Faire mieux connaître les risques ou signes de problème; efficacité des interventions et traitements; distinction entre la maladie et l’incapacité.• Diffuser des pratiques et des stratégies d’adaptation efficaces.• Demander de l’aide pour soi et pour les autres.• S’attaquer aux effets de la stigmatisation.

2. Améliorer l’accès à tout un éventail de programmes et de services de santé mentale pour les médecins.

• Offrir des programmes accessibles d’études et d’acquisition des compétences pour accroître la résilience.• Encourager chaque médecin à avoir son médecin de soins primaires.

3. Créer des milieux d’apprentissage et de travail qui appuient la santé mentale des médecins.

• Réduire le préjudice causé par la stigmatisation et les obstacles aux soins (ordres, assureurs, organismes qui octroient des privilèges, pairs).• Améliorer la vie au travail des médecins, des médecins résidents et des étudiants.

4. Surveiller, évaluer et étudier les besoins en santé mentale des médecins, ainsi que les services et les politiques en la matière.

•Répondre aux besoins des médecins en santé mentale (fardeau, services, éléments probants).• Promouvoir le financement de la recherche.• Évaluer les interventions.• Chercher des données communes sur les programmes de santé des médecins.•Analyser les politiques et les interventions des organismes de réglementation.

Vision

Orientationsstratégiques

Concepts clés

Projetsprioritaires

I — Campagne de marketingsocial.

II — Lancer un projet pilote d’éducation afin de bâtir et d’améliorer la résilience.

III — Améliorer l’accès à un médecin personnel.

IV — Mettre à contribution les organismes de réglementation.

V — Fournir de l’aide en recherche et en évaluation à chacun des autres

projets.

Les quatre orientations stratégiques présentées dans le schéma qui suit et décrites plus en détail dans la Stratégieserviront à guider l’action de l’AMC au cours des prochaines années. Compte tenu de l’ampleur des problèmes liés à la

santé mentale qui touchent les médecins et des défis à surmonter pour pouvoir s’y attaquer, un effort concerté soutenus’imposera pour mettre à contribution tout un éventail de partenaires et de bailleurs de fonds éventuels.

Cette Stratégie présente un cadre de conceptualisation des nombreuses initiatives interdépendantes sur lesquelles il

faudra se pencher. Pour commencer, l’AMC cherchera, en collaboration avec les associations médicales provinciales etterritoriales (AMPT), le Réseau canadien de la santé des médecins (RCSM), la Fondation médicale canadienne (FMC)

et des organisations nationales de médecins résidents et d’étudiants en médecine, à lancer un ensemble préliminaire de

cinq projets :I. Créer une campagne intégrée de marketing social portant sur la sensibilisation, les connaissances, les attitudes et

les comportements face aux enjeux de la santé mentale chez les médecins.

II. Établir un programme pilote de prévention primaire offrant de la formation et des compétences pour bâtir et promouvoir la résilience.

III. Améliorer l’accès aux soins pour les médecins en commençant par voir à ce que chaque médecin ait son médecinpersonnel.

IV. Mettre à contribution les organismes de réglementation pour déterminer comment ils abordent les questions desanté mentale et de maladie chez les médecins.

V. Étudier et évaluer les éléments constituants de chacun des quatre projets prioritaires ci-dessus.

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

IntroductionUne Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada constitue un élément clé du plan global de l’Associationmédicale canadienne (AMC) sur la santé mentale et vise à promouvoir et à protéger la santé mentale des médecins du

Canada. L’élaboration de cette Stratégie s’appuie sur l’intérêt que l’AMC porte depuis longtemps à ce domaine,

comme le démontrent ses politiques antérieures et l’attribution de ses ressources, ainsi que le leadership dont elle faitpreuve en la matière1,2; la création et l’expansion continue d’un Centre pour la santé et le mieux-être des médecins; la

planification, l’organisation et la présentation de conférences nationales et internationales sur la santé des médecins; le

lancement de l’Alliance internationale sur la santé des médecins (AISM); la facilitation du Réseau canadien de la santédes médecins (RCSM), réseau national d’organisations intéressées à promouvoir la santé et le mieux-être des médecins

du Canada, et la participation à ses activités. L’élaboration de cette Stratégie coïncide aussi avec l’intérêt accru quesoulèvent les questions de santé mentale au Canada3, y compris la création de la Commission de la santé mentale duCanada (CSMC).

Les rares études canadiennes qui existent montrent que la santé physique des médecins est très bonne comparative-ment à celle du grand public, mais que les médecins affichent des taux importants de problèmes de santé mentale(p. ex., épuisement, stress, détresse, problèmes de comportement, etc.) et de maladies mentales (p. ex., dépression, suicide, troubles liés à la consommation de substances et autres troubles psychiatriques). Dès leurs études en faculté demédecine, durant leur formation en résidence et tout au long de leur carrière de professionnels de la santé actifs, lesmédecins sont exposés à de nombreux facteurs de stress dont certains sont le reflet de défis systémiques posés par lastructure et le fonctionnement de nos systèmes de santé. Les médecins peuvent aussi être aux prises avec des obstaclesliés à la culture professionnelle qui les empêchent de reconnaître et de cerner des problèmes de santé mentale oud’autres maladies, et d’avoir accès à des soins. On a certes fait d’importants efforts jusqu’ici pour fournir des servicesaux médecins, mais une approche plus intégrée et continue des besoins des médecins sur le plan de la santé mentales’impose.

Cette Stratégie vise à énoncer les détails d’une démarche qui permettra d’améliorer et de protéger la santé mentaledes médecins, des médecins résidents et des étudiants en médecine du Canada. Même si elle est axée sur l’AMC, cettestratégie sera probablement pertinente pour beaucoup de personnes et de groupes, y compris les médecins et lesmédecins en formation, les formateurs de médecins, les associations nationales, les sociétés de spécialistes, les gouverne-

ments, les compagnies d’assurance, les associations de protection médicale, les organismes de réglementation, les

associations provinciales et les chercheurs.

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La santé des médecins

Depuis 25 ans, la santé des médecins suscite un intérêt croissant et l’on reconnaît de plus en plus le stress, l’épuise-ment, la maladie et l’incapacité chez les médecins. Il est crucial de comprendre ces enjeux et de les étudier, car cela

nous permettra d’optimiser la santé des médecins, de recruter et de garder des effectifs médicaux et d’assurer la viabilité

du système médical. Les données anecdotiques abondent certes, mais il y a peu d’études sur la santé des médecins auCanada et les rares qui sont disponibles présentent un taux de réponse relativement faible et comptent sur l’autodécla-

ration au sujet de la santé et des comportements de santé. C’est dans ce contexte qu’il faut interpréter les données

réunies jusqu’à maintenant.Un sondage réalisé récemment auprès des médecins du Canada a

révélé que plus de 90 % des répondants déclarent être en bonne ou

en excellente santé; pourtant, un peu plus de 20 % des médecins ontdit être incapables de ressentir de la joie ou s’être sentis déprimés

durant au moins deux semaines au cours de l’année précédente4. Enoutre, la majorité des médecins ont affirmé ne pas avoir eu de diffi-culté à travailler à cause de leur santé physique ou mentale au coursdu moins précédent, mais plus du quart (26 %) ont déclaré avoir eude la difficulté à travailler au moins une partie de l’année précédenteà cause de leur santé mentale. La prévalence de la dépression et de latristesse était plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Uneétude antérieure sur les taux de dépression durant toute la vie chez lesfemmes médecins des États-Unis a signalé des taux (19,5 %) com -parables à ceux de la population générale5. Ces données indiquentqu’il se peut que les médecins ne reconnaissent ou n’admettent pasl’effet important de la santé mentale (ce qui inclut l’épuisement, lesurmenage, le stress et l’anxiété) sur leur état de santé général. Il peuts’agir là d’un obstacle important qui les empêche de demander del’aide et d’améliorer leur santé mentale.

Les taux de suicide chez les médecins aux États-Unis et dans

d’autres pays sont plus élevés que ceux de la population générale6,

d’environ 70 % de plus chez les hommes médecins et de 2,5 à 4 foisplus chez les femmes médecins7. Dans l’ensemble de l’Amérique du Nord, on croit que la prévalence des problèmesd’alcool chez les médecins ressemble à celle de la population générale, même si on croit aussi que l’automédication auxmédicaments d’ordonnance en période de stress est plus élevée chez les médecins8.

La santé des étudiants en médecine et des médecins résidentsTout comme les médecins actifs, la majorité des médecins résidents et des étudiants en médecine signalent être en

excellente santé générale, même si une minorité importante a des problèmes de santé mentale.Un sondage mené auprès des médecins résidents du Canada a révélé que la majorité des répondants (> 80 %)

affirmaient que leur santé mentale était bonne ou excellente, tandis qu’un moins de 20 % la jugeaient moyenne àmédiocre9. Presque le tiers (30 %) des médecins résidents ont déclaré avoir eu un problème de santé mentale. Une syn-

thèse systématique d’études portant sur la santé mentale des étudiants en médecine des États-Unis et du Canada arévélé des taux de détresse psychologique constamment plus élevés chez les étudiants en médecine que dans la popula-

tion générale et chez des pairs jumelés selon l’âge10. Une étude plus récente effectuée dans sept facultés de médecine

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Points clés :• L’état de santé autodéclaré de la majorité

des médecins varie de bon à excellent,mais…

• Environ le quart des médecins signalentavoir de la difficulté à travailler au moinsune partie du temps à cause de leur état desanté mentale.

• La prévalence de la dépression est comparable à celle de la populationgénérale.

• La prévalence des problèmes d’alcool estsemblable à celle de la population générale,même si les taux d’utilisation de médica-ments d’ordonnance sont plus élevés.

• Les taux de suicide chez les médecins sontélevés comparativement à ceux de la popula-tion générale, en particulier chez lesfemmes.

des États-Unis a révélé des taux d’épuisement de 49,6 %; 11 % desétudiants ont dit avoir des idées suicidaires11. Une étude de cohorte

réalisée dans 16 facultés de médecine des États-Unis a révélé que letiers des étudiants en médecine buvaient excesssivement12. Au cours

d’une récente étude multicentrique portant sur les étudiants en

médecine et les médecins résidents des États-Unis, 12 % des partici-pants avaient une dépression majeure probable et 9 % de plus avaient

une dépression légère ou modérée probable13. Les taux de dépression

avaient tendance à être plus élevés chez les étudiants en médecine que chez les médecins résidents, et chez les femmesque chez les hommes. Près de 6 % des participants ont déclaré avoir des idées suicidaires.

Les sources de stressLes médecins font face à de nombreux facteurs de stress extrinsèques et intrinsèques14. Le stress intrinsèque à la presta-

tion de soins médicaux comprend le travail dans le contexte d’enjeuxd’une grande intensité émotionnelle, la souffrance, la crainte, leséchecs et la mort. Les périodes de garde la nuit, les longues heures detravail et une ergonomie médiocre sont des facteurs supplémentairede stress physique, auxquels s’ajoutent les changements systémiquesconjugués à des contraintes au niveau des ressources, le con-sumérisme accru et la transformation du rôle des médecins.

Les médecins et les médecins résidents du Canada parlentcouramment des conditions de travail et des facteurs de stress qui ysont reliés. Au Canada, 30 % des médecins sont d’avis que leurmilieu de travail ne les encourage pas à être en bonne santé4. Aucours d’un sondage réalisé en Alberta, les médecins ont indiqué quele stress a, sur leur santé, un impact grave (6 %) ou modéré (48 %)15.Dans une étude réalisée auprès des ophtalmologistes du Québec, plusdu tiers (35 %) ont signalé des taux élevés d’épuisement et dedétresse psychologique, les principaux facteurs de stress professionnel

provenant d’une montée de la demande de services, d’une pénurie d’ophtalmologistes, du volume de travail, de pressions budgétaires et de la formation répétée de nouvelles équipes de travail16.

Le tiers des médecins résidents du Canada ont déclaré que leur vie était « assez » ou « extrêmement » stressante9.Les contraintes de temps ont été la source de stress indiquée le plus souvent chez les médecins qui connaissent une résidence très stressante, mais le personnel infirmier et les médecins membres du personnel constituaient les sources les

plus fréquentes d’intimidation et de harcèlement. D’autres facteurs de stress sont les finances personnelles, la carrière,

la prise de décisions et les nouvelles responsabilités. On a peu d’information sur les facteurs de stress chez les étudiantsen médecine du Canada; des études réalisées ailleurs ont cependant révélé que les étudiants sont les plus stressés aumoment de la transition vers les années cliniques17 et indiquent que les niveaux de stress diminuent parallèlement à lahausse du niveau de formation13.

RésuméLa santé physique autodéclarée des médecins et des médecins résidents du Canada est assez bonne. On constate toutefois que des problèmes de santé mentale et des maladies mentales surviennent au moins aussi souvent chez les

médecins que dans la population générale et, dans certains cas, plus souvent. Les problèmes de santé mentale et de

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

Points clés :• Les médecins résidents et les étudiants en

médecine se disent en bonne santé générale,mais…

• On signale des taux importants de détresse,de dépression, d’abus d’alcool et d’idéessuicidaires.

Multiples sources de stress• Stress intrinsèque au travail : souffrance,

questions difficiles sur le plan émotionnel,échec, mort, etc.

• Physique : longueur des heures de travail,périodes de garde la nuit, ergonomiemédiocre.

• Pressions systémiques : charge de travail,contraintes budgétaires, pénuries demédecins.

• Formation : intimidation et harcèlement; car-rière, prise de décisions, nouvelles respons-abilités, transition vers le travail clinique,finances personnelles.

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

maladie mentale, comme la détresse, la dépression, l’abus de substances et les tendances suicidaires, sont aussi fréquentschez les étudiants et les médecins résidents. La section qui suit présente un bref aperçu de programmes et de services

existants en santé mentale pour les médecins.

Initiatives et services existants en santé mentale pour les médecins

Il y a un continuum possible de services et de programmes qui pourraient exercer une influence positive sur les problèmes de santé mentale et de maladies mentales chez les médecins actifs, les médecins résidents et les étudiants, et

y répondre. Ces programmes et services cherchent à améliorer la santé de chaque médecin et ont aussi un effet positif

sur leurs patients et leur pratique, ainsi que sur leur famille. Ce continuum s’étend des efforts déployés en amont pourcréer des milieux plus propices à la santé, à la prévention des problèmes de santé mentale avant leur apparition,

jusqu’aux interventions précoces et au traitement.Le tableau 1 présente de brèves descriptions et des exemples à divers points du continuum.Les possibilités de prévention et les interventions qui s’imposent dans le cas de problèmes de santé mentale et de

maladies mentales se chevauchent, mais ne sont pas identiques. Des milieux qui favorisent la santé et des interventionsde prévention primaire qui atténuent le stress et encouragent des stratégies d’adaptation plus saines devraient être bénéfiques pour les deux types de problème. Chez ceux qui ont des problèmes existants, les interventions peuventéviter l’exacerbation du stress et l’épuisement, mais il est plus difficile de prévenir l’exacerbation d’une maladie psychia-trique au-delà de l’identification précoce et de la première intervention. Des mesures comme le sommeil régulier(p. ex., aucune obligation de garde) peuvent néanmoins contribuer à éviter l’exacerbation de maladies psychiatriques.

Le domaine de la santé des médecins a évolué depuis quarante ans. Au début des années 1960, on cherchait prin -cipalement à identifier les collègues qui abusaient des drogues et de l’alcool, à les traiter et à les surveiller. On se rendaitde plus en plus compte qu’un pourcentage de cette population faisait aussi face au stress, à l’épuisement et à des maladies mentales comme l’anxiété, la dépression et le trouble bipolaire. Cette prise de conscience est à l’origine de lacréation d’un nombre limité de programmes de promotion de la santé des médecins au Canada qui visent à aider cesmédecins.

Au cours de la dernière décennie, les milieux de la santé des médecins ont déployé beaucoup d’efforts pour déstig-matiser la maladie chez les médecins et créer de meilleurs moyens d’aider ces derniers, et pour faire connaître les

ressources disponibles et en accroître l’utilisation. Beaucoup des initiatives décrites ci-dessus ont été pilotées par desorganisations comme le Centre de l’AMC pour la santé et le mieux-être des médecins, les programmes de promotionde la santé des médecins (PSM) et d’autres membres du Réseau canadien de la santé des médecins (RCSM) ou des

chercheurs clés dans ce domaine — qui s’intéressent tous à la santé des médecins et sont voués à celle-ci. Certaines de

ces mesures sont d’origine ponctuelle, découlant d’un nouveau besoin déterminé à un endroit précis à un momentprécis. Les programmes de promotion de la santé des médecins mieux établis offrent maintenant des programmes àtous les niveaux, ce qui comprend la promotion de la santé, l’intervention précoce, la surveillance et le traitement. Le

RCSM cherche à établir un système national pour définir des indicateurs communs, normaliser la collecte des données

et instaurer la prestation des services intégrés dans tout le pays. Cette évolution dans le temps est encourageante et desefforts de collaboration soutenus produiront des médecins en meilleure santé et des communautés en meilleure santé à

l’échelle nationale.Toutes les provinces canadiennes ont un programme de PSM pour aider les médecins qui ont des problèmes de

santé mentale. Ces programmes acceptent les appels non seulement des médecins, mais aussi des membres de leur

famille ou de collègues. L’effectif est composé de médecins conseillers ou de gestionnaires de cas dont les antécédents

varient. Après l’évaluation préliminaire, le programme de PSM dirige le médecin vers des services. Les médecins quiont des problèmes psychiatriques ou de toxicomanie sont dirigés à l’extérieur du programme de PSM, même si certains

programmes peuvent intervenir en surveillance des médecins. Les médecins peuvent aussi être référés à des intervenantspour une thérapie individuelle ou thérapie familiale, ou à un conseiller matrimonial. Même après avoir référé un

médecin à l’extérieur pour un traitement, le gestionnaire de cas du programme de PSM continue de coordonner et de

gérer le dossier des soins. La plupart des programmes de PSM acceptent des références des ordres et certains signalent àces entités les cas d’inobservation de contrats de surveillance.

Les résultats chez les médecins traités pour des troubles de toxicomanie aux États-Unis indiquent que les

programmes de PSM ont joué un rôle très positif 18, même si le résultat représente probablement un groupe choisi demédecins traités8. Les résultats du programme de PSM de l’Ontario portant sur le traitement de médecins aux prises

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

Continuum dʼintervention

Environnements depromotion de la santé

Préventionprimaire

Préventionsecondaire

Préventiontertiaire

Niveau d’intervention Description ExemplesPromotion de la santé Attention aux problèmes systémiques et

au milieu de travail afin d’avoir une incidence positive sur la santé

Établissement d’un équilibre entre lesheures de travail et la charge de travail,augmentation du personnel de soutien,installations récréatives, intégration dansla formation et la pratique d’habitudes desanté personnelles comme l’exercice, lanutrition et le sommeil suffisant

Prévention primaire Attention aux risques possibles d’appari-tion de problèmes, habituellement auniveau individuel

Apprentissage de la résilience, groupesd’atténuation du stress, programmes degestion de la fatigue; amélioration du travail d’équipe et des soins en collabora-tion; ateliers sur l’établissement d’unéquilibre travail–vie

Prévention secondaire Attention au dépistage précoce des prob-lèmes qui commencent à prendre formeet intervention

Accès facile aux services d’ évaluation etde conseil, ateliers sur l’adaptation à desévénements indésirables, litiges, transi-tions dans la carrière, façon de faire faceau changement et à des comportementsdifficiles

Prévention tertiaire Attention au traitement de problèmesétablis

Counselling intensif en service externe,traitement en service interne, médication,programmes de retour au travail, coordi-nation et gestion des cas

Tableau 1

avec une toxicomanie qui comportait cinq ans de surveillance ont été publiés récemment : 85 % ont terminé le programme avec succès19. On ne dispose pas de résultats provenant de tous les programmes canadiens de PSM, car les

propositions visant à recueillir des données communes entre tous ces programmes ne sont pas encore entièrementmises en œuvre20. Les programmes de PSM sont reliés par l’entremise du RCSM, qui vise à « créer un environnement

favorisant l’appui mutuel, le partage, les ressources et la promotion d’idées et d’innovations en faveur de la santé et du

mieux-être des médecins2 ». Outre les programmes de PSM, les médecins, les médecins résidents et les étudiants peuvent recourir au même éventail de services d’aide et de traitement que le grand public. On ne sait pas grand-chose

du résultat à long terme dans le cas des médecins qui retournent travailler après s’être rétablis d’une dépression sévère

récidivante ou d’une crise de trouble bipolaire. Les recherches préliminaires indiquent qu’il se peut que l’on doiveaccorder une attention spéciale à ce sous-groupe de médecins21.

Peu de programmes de promotion de la santé visent les médecins du Canada, même si beaucoup d’hôpitaux et

d’autres milieux de travail du secteur de la santé offrent des programmes de santé au travail. L’AMC participe avec11 partenaires nationaux aux travaux de la Coalition pour la qualité de vie au travail et des soins de santé de qualité qui

cherche à créer des milieux de travail plus sains et, en bout de ligne, à améliorer les résultats pour les patients-clients etle système.

De plus en plus, les programmes de PSM aident des médecins souffrant d’épuisement, de stress professionnel et defatigue. Ils offrent aussi des séminaires éducatifs, installent des présentoirs aux réunions d’organisations médicales etprennent contact avec les étudiants en médecine et les médecins résidents afin de les sensibiliser aux enjeux et de leurfaire mieux connaître leurs services. Beaucoup de facultés de médecine ont créé des programmes de mieux-être pourleur personnel enseignant et offrent une formation sur le mieux-être dans le contexte de leurs programmes d’études.Certaines d’entre elles organisent des « semaines du mieux-être » ou autres activités de sensibilisation. La Fédérationdes étudiants et des étudiantes en médecine du Canada (FEMC) travaille aussi à la préparation d’une « trousse dumieux-être ».

On voit aussi émerger d’autres options telles que le mentorat spécialisé (les « coachs de vie »), particulièrementpour ceux qui n’ont pas de psychopathologie importante afin de bâtir sur leurs forces personnelles et de les aider à s’épanouir personnellement et professionnellement22. Un modèle d’intervention précoce utilisé en Norvège, le VilaSana, vise à « prévenir l’épuisement, à améliorer la santé mentale et la qualité de vie et à renforcer la prise de conscienceet l’identité personnelle et professionnelle » et comporte des séances d’une seule journée ou d’une semaine23. Au suivi àun an, les médecins participants avaient moins d’épuisement émotionnel, le pourcentage de ceux qui étaient en congéde maladie à temps plein avait diminué et le nombre des médecins qui avaient suivi une psychothérapie avait aug-

menté. Ces résultats positifs font contraste à ceux qu’avait relevé une synthèse systématique d’interventions portant surl’épuisement chez les étudiants en médecine, les médecins résidents et les médecins, qui n’avait pas trouvé d’interven-tions efficaces24.

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

Lacunes à combler et défis à relever pour répondre auxbesoins des médecins en santé mentale

Si l’on envisage le fardeau imposé par les problèmes de santé mentale et la maladie mentale chez les médecins, compte

tenu de l’étendue des programmes et des services actuellement disponibles, il se dégage plusieurs thèmes. Le premier,

c’est que l’information disponible au sujet de l’état de santé mentale des médecins actifs et en formation est relative-ment limitée. Il s’agit certes d’un début important, mais l’information dont nous disposons repose en grande partie sur

des sondages occasionnels qui produisent un taux de réponse habituellement faible. En outre, la majeure partie de

l’information provient d’autres pays. Le tableau que ces renseignements permettent de brosser au sujet du fardeau desproblèmes de santé mentale au Canada et ailleurs est uniforme, mais les études existantes ne permettent pas vraiment

de bien comprendre l’interdépendance entre les causes ou l’efficacité relative des interventions.

Les médecins constituent un rouage crucial de nos systèmes de santé. Ces derniers, toutefois, ne sont pas néces-sairement sains pour ceux qui y travaillent. La prestation de soins dans des milieux moins fonctionnels ou de ressources

limitées peut alourdir considérablement le stress imposé aux médecins. Les expériences punitives et humiliantes vécuesdurant la formation et la pratique contribuent au stress global.

La multitude des facteurs systémiques en cause constitue une partie du défi à relever pour évaluer les besoins ensanté mentale des médecins et y répondre. Ces facteurs comprennent notamment les facultés de médecine et les programmes de formation supérieure, les organismes de réglementation, les chercheurs et leurs bailleurs de fonds, lesassureurs, les associations professionnelles et les organisations de soins de santé. Chacun a son propre point de vue etpeut contribuer à améliorer la promotion et la protection de la santé mentale des médecins. Les efforts, le dévouementet le leadership déployés jusqu’à maintenant pour fournir des soins individuels aux médecins, établir des programmesde PSM et innover sur le plan des services dans des contextes précis sont considérables. À partir de ces efforts, il faudracontinuer de chercher à créer un système plus coordonné de promotion, de prévention et de soin.

Comme groupe cible d’une série d’interventions, les médecins sont divers et isolés. Cet isolement peut être géographique autant que professionnel. Beaucoup de médecins sont travailleurs autonomes et peuvent travailler seulsou en petites équipes bénéficiant de moyens d’appui limités. Même dans les grands établissements de soins de santé, lesmédecins ont habituellement des privilèges, mais ils ne sont pas des membres à part entière de l’établissement. Commeils sont surtout travailleurs autonomes, il ne bénéficient pas nécessairement d’une assurance-maladie complète ou decongés de maladie rémunérés. C’est pourquoi l’obligation de prendre congé pour se faire traiter ou se rétablir entraîneune perte immédiate de revenu, sans parler des coûts.

Les personnes atteintes de maladie mentale sont victimes d’une stigmatisation générale dans la société, ce qui constitue un sujet d’intérêt important pour le CSMC. La stigmatisation est un phénomène social caractérisé par l’exclusion, le rejet, le blâme ou la dévalorisation découlant d’un jugement social défavorable à l’égard d’une personne

ou d’un groupe25. Quelle que soit la maladie, une pression culturelle s’exerce sur les médecins pour qu’ils ne soient pasmalades et puissent prodiguer des soins. C’est pourquoi les médecins

ont tendance à essayer de contrôler leur maladie et leur traitement26.

Dans le cas des problèmes de santé mentale, les médecins qui reconnaissent avoir des problèmes de santé mentale ou une maladie

mentale et qui demandent de l’aide sont victimes d’une stigmatisa-tion importante, ce qui alourdit ces pressions27.

La stigmatisation représente un défi pour l’identification et

l’intervention rapides. Les réaction de leurs pairs, des organismes deréglementation et de ceux qui accordent des privilèges, ainsi que

l’accès à l’assurance-maladie et l’assurance-invalidité, préoccupent les

9

StigmatisationPhénomène social vécu ou anticipé, caractérisépar l’exclusion, le rejet, le blâme ou la dévalori-sation, qui découle de l’expérience ou de l’an-ticipation raisonnable d’un jugement indésir-able posé par la société à l’égard d’une per-sonne ou d’un groupe.

Source : Weiss et Ramakrishna, 200625

10

Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

médecins. Par exemple, un sondage postal mené auprès des médecins du Royaume-Uni a révélé que les répercussions surla carrière constituaient la raison mentionnée le plus souvent par ceux qui ne dévoilent pas qu’ils ont une maladie

mentale28. Un sondage réalisé auprès des médecins des États-Unis a révélé que les médecins atteints de dépression demoyenne à sévère, comparativement à ceux atteints de dépression de minime à légère, étaient plus susceptibles de

s’autoprescrire des antidépresseurs et d’éviter de chercher à se faire traiter à cause de préoccupations liées à la confiden-

tialité29. Des études portant sur des étudiants en médecine et des médecins résidents ont révélé des préoccupationssoulevées par la réaction possible des facultés de médecine et des programmes d’études supérieures aux répondants qui

demandent de l’aide30,31.

L’embarras possible est un obstacle qui empêche les médecins de chercher à se faire soigner, car ils craignent quel’on croie qu’ils réagissent excessivement à une maladie banale, craignent de s’être trompés dans leur autodiagnostic et

hésitent à demander de l’aide pour des maladies moins définies

comme le stress, une difficulté sexuelle ou une dépendance à l’alcool32. La majorité des médecins du Canada ont un médecin

qu’ils considèrent comme leur médecin de famille33, mais les étudesportant sur les médecins qui ont leur médecin de soins primairesrévèlent qu’ils s’auto diagnostiquent et s’autotraitent toujours et pratiquent les soins de santé informels comme les « consultations de

couloir »2. Il peut aussi être stressant et difficile de soigner des collègues médecins, domaine où il ne se donne pas deformation explicite et systématique.

Leur expérience sensibilise davantage les médecins aux répercussions des demandes de traitement et d’un diagnostic. Ilsauront probablement connu des cas de violation de la confidentialité ou de déclaration obligatoire. Les attitudes punitives àl’égard des médecins atteints de maladie mentale sont plus répandues que les réactions de soutien dans les organisations desoins de santé et les organismes de réglementation, ce qui peut dissuader les médecins de chercher de l’aide34. Les questionsde présélection de beaucoup d’assureurs et organismes de réglementation sont fondées sur l’existence d’un diagnostic ou sur

le fait d’avoir demandé des soins, et non sur l’existence d’une incapacité,ce qui préoccupe particulièrement. Un trouble qui empêche de se livreren toute sécurité à des activités professionnelles constitue une incapacité35. Les médecins atteints d’une incapacité ont besoin de soinset il faut modifier leurs fonctions médicales ou les suspendre. Laprésence actuelle ou antérieure de symptômes ou d’une maladie ne

signifie toutefois pas automatiquement qu’il y a incapacité. Comme lesignale l’Association des psychiatres du Canada, « les médecins peuvent être atteints d’une maladie mentale sans avoir d’incapacité professionnelle. Autrement dit, leur dépression, leur trouble de l’alimentation, leur alcoolisme ou leur trouble

obsessif-compulsif n’a pas évolué au point d’altérer leur ugement, leur compétence, leur sécurité ou leurs manières36 ».L’application des principes de la médecine du travail (p. ex., évaluation en vue du retour au travail) et de la prise en charge

des maladies chroniques aident énormément à répondre aux besoins des médecins atteints de maladie mentale.La distinction entre la maladie et l’incapacité n’est toutefois pas appliquée de façon universelle. Une analyse des

pratiques des ordres des médecins des États-Unis réalisée en 2006, au cours de laquelle on les a comparées à celles desannées 1990, a révélé qu’il y avait plus de chance que l’on demande aux candidats de répondre à des questions sur leur

passé plutôt que sur leur situation actuelle de maladie mentale et de consommation de substances37. Dans un sondage

réalisé auprès d’ordres des médecins des États-Unis, plus du tiers des ordres qui ont répondu ont indiqué qu’une

maladie mentale diagnostiquée suffisait en soi pour qu’on impose des sanctions aux médecins et que les médecins recevant des soins psychiatriques sont traités différemment de ceux qui reçoivent des soins médicaux38. Il n’y a pas de données comparables pour les organismes de réglementation canadiens.

IncapacitéTrouble physique, mental ou comportementalqui empêche de se livrer aux activités professionnelles en toute sécurité.

Source : American Medical Association, 200535

Maladie ou incapacité ?Un médecin peut être atteint d’une maladiementale sans avoir une incapacité professionnelle.

Source : Association des psychiatres du Canada 1997.36

Même s’il existe des traitements possibles pour les médecins malades, la honte et les expériences indésirables decollègues conjuguées à la méconnaissance des services disponibles constituent des obstacles énormes à la recherche de

soins8. Or, ces préoccupations ne sont pas sans fondement. Par exemple, un groupe de discussion de 116 médecins duRoyaume-Uni qui avaient eu une maladie mentale a révélé que même s’ils avaient plus d’empathie pour les patients et

s’ils comprenaient mieux la maladie mentale, les thèmes négatifs comprenaient la perte d’une carrière, l’ostracisation

par les collègues, le fait d’être considéré comme faible, incapable ou paresseux ou de ne plus être considéré comme un« bon médecin »39.

Élaboration d’une stratégie sur la santé mentale pour les médecins

Le besoin urgent d’une stratégie sur la santé mentale pour les médecins est clair. L’élaboration d’une stratégie de cette

ampleur posera certes des défis. Si l’on tient compte des médecins dans leur ensemble, les questions de santé mentale etde maladie mentale constituent un problème communautaire qui exige donc un ensemble complet d’interventions40.Cette section décrit :

• une vision de ce que l’on veut réaliser;• la contribution nécessaire d’un grand nombre d’intervenants;• les principaux éléments constituants ou piliers de la réponse, y compris les premières interventions prioritaires.

VisionLa présente stratégie vise globalement l’atteinte d’une santé mentale optimale pour tous les médecins. La santé mentaleconstitue un aspect clé de la santé et du mieux-être global des médecins tels que préconisés par le Centre de l’AMCpour la santé et le mieux-être des médecins. Le Comité sénatorial permanent a choisi l’expression « de l’ombre à lalumière » pour illustrer le besoin de répondre aux besoins souvent cachés et non satisfaits en services de santé mentalechez les Canadiens3. Dans cette optique et conformément à ce but, il faut aussi braquer des projecteurs puissants surles préoccupations et les problèmes importants des médecins sur le plan de la santé mentale et y répondre.

Le besoin d’une approche coopérativeCompte tenu de l’engagement de longue date de l’AMC et de ses partenaires provinciaux et territoriaux envers les

enjeux de la santé des médecins, il est clair qu’il faut faire preuve de leadership pour promouvoir et protéger la santémentale des médecins. Cela ne peut toutefois pas se faire dans l’isolement. Les lacunes et les défis décrits dans cettestratégie sont de nature surtout systémique et beaucoup de parties vont devoir contribuer et collaborer. C’est pourquoi

l’AMC, les AMPT et le RCSM devront conjuguer leurs efforts et collaborer avec beaucoup d’autres organisations pour

instaurer le changement qui s’impose. De même, beaucoup d’organisations et de milieux sont mieux placés pour déterminer comment ils peuvent améliorer le statu quo de façon optimale. La liste suivante présente des façons possibles pour divers intervenants du système de contribuer à un changement positif et vise à illustrer et non à

prescrire. Comme ce sont eux qui connaissent le mieux leur propre milieu, il se peut que ces intervenants du système

aient de meilleurs moyens à proposer pour aller de l’avant.

Médecins et associations professionnelles :

• S’engager à faire un effort soutenu et de longue durée; s’engager notamment à appuyer les programmes de PSM età créer des ressources à leur intention.

• Élaborer une stratégie d’éducation comportant une formation sur la résilience à l’intention des médecins.

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

• Faire preuve de leadership lorsqu’il s’agit de déterminer le besoin de changement, de sensibiliser, d’intervenir enfaveur de politiques de soutien et d’un éventail de services et de programmes efficaces, et de favoriser la solution de

problème et l’intervention collective chez des intervenants clés.• Favoriser le réseautage et l’entraide chez les médecins.

• S’attaquer à la stigmatisation dans la culture des médecins.• Préconiser et contribuer à créer un système de santé conçu de façon plus efficace qui fournira de meilleurs soins de

santé, ainsi qu’un milieu de travail plus sain.

Médecins :

• Participer à la création d’une communauté plus encourageante.

• Réduire la stigmatisation — se responsabiliser face à leurs propres activités qui peuvent contribuer à la stigmatisa-

tion.• Aider d’autres personnes dans le besoin, y compris prodiguer des soins à des collègues.

Facultés de médecine et programmes d’études supérieures :

• Favoriser le réseautage et l’entraide chez les étudiants et les médecins résidents.• S’attaquer à la stigmatisation dans le milieu de la formation et faire disparaître le « programme d’études caché ».• Appuyer des expériences d’apprentissage positives.• Appuyer un continuum de programmes et de services de traitement de problèmes de santé mentale et de maladies

mentales, y compris des approches saines de la résilience et de l’adaptation.

Organisations de soins de santé :

• Favoriser les milieux de travail propices à la santé (p. ex., Coalition pour la qualité de vie au travail et des soins desanté de qualité).

• Favoriser des façons d’améliorer la qualité des soins et la sécurité du patient (plutôt qu’un environnement de blâmeou géré par les erreurs).

• Se pencher sur les politiques et les comportements qui sont cause de stigmatisation face à la maladie mentale chezles patients et les membres du personnel.

Gouvernements :

• Travailler avec les employeurs et les fournisseurs de soins de santé à la création de structures de soins de santé plusefficaces qui offriront de meilleurs soins et de meilleures conditions de travail.

• Collaborer avec l’AMC et des associations partenaires pour fournir aux médecins des services plus complets.

• Fournir du financement afin de répondre de façon plus complète aux besoins en santé mentale des médecins (p. ex., évaluer les besoins; fournir des services dans tout le continuum; évaluer des programmes; effectuer des

recherches; etc.).

Chercheurs :

• Établir, avec des organisations de médecins et d’autres intervenants, des partenariats pour circonscrire des questions de recherche prioritaires, effectuer des recherches et diffuser des résultats sur l’occurrence et la prévention

des problèmes de santé mentale et des maladies mentales chez les médecins, les médecins résidents et les étudiants,et faire connaître des interventions en la matière.

12

Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

Organismes de réglementation :

• Se pencher sur la façon dont les politiques en vigueur, les questions de présélection, les enquêtes et la diffusion

publique des décisions peuvent renforcer la stigmatisation existante qui empêche de cerner rapidement les problèmes de santé mentale et de maladies mentales chez les médecins, et faire obstacle aux interventions en la

matière.• Revoir leur façon d’aborder les problèmes de santé mentale chez les médecins pour assurer qu’ils se concentrent sur

l’incapacité et non sur la simple existence d’un diagnostic ou le fait de chercher à obtenir des soins.

• Créer un contexte réglementaire qui protège le public tout en éliminant les obstacles qui empêchent les médecins

de chercher à faire diagnostiquer et traiter une maladie mentale. En collaboration avec les associations médicales,les programmes de PSM et les gouvernements, il pourrait être possible d’établir un mécanisme d’attribution du

permis d’exercice qui crée un « filet de sécurité » à la fois pour le public et pour les soignants.

Assureurs :

• Réduire les obstacles qui surviennent lorsque les médecins présentent des réclamations liées à des problèmes desanté mentale (p. ex., perceptions selon lesquelles les maladies mentales ne sont pas prises au sérieux, exigences relatives aux avis de spécialistes, etc.).

• Comprendre les conditions de travail du médecin et le niveau de complexité des tâches, ainsi que la santé mentalenécessaire pour pratiquer la médecine.

Portant spécifiquement sur ce que l’AMC et ses AMPT partenaires peuvent faire, la prochaine sous-section décritles quatre orientations stratégiques ou piliers qui constituent cette stratégie.

Orientations stratégiquesDans les sections précédentes, nous avons décrit une situation de thèmes récurrents, y compris la stigmatisation, la culture des médecins, les milieux de travail et de formation stressants, le manque d’information et un continuum sous-développé de services de prévention et de traitement. Dans la présente section, nous présentons quatre orientationsstratégiques qui guideront le travail effectué par l’AMC au cours des prochaines années pour protéger et promouvoir lasanté des médecinsi au Canada. Ces orientations consistent notamment à :1. Faire mieux connaître les problèmes de santé mentale des médecins et accroître les connaissances et compétences

en la matière.2. Améliorer l’accès à tout un éventail de programmes et de services de santé mentale pour les médecins.3. Créer des milieux d’apprentissage et de travail qui appuient la santé mentale des médecins.

4. Surveiller, évaluer et étudier les besoins en santé mentale des médecins, ainsi que les services et les politiques en la

matière.

Ces quatre orientations stratégiques offrent un point de convergence pour un ensemble intégré de mesures quel’AMC et ses partenaires peuvent prendre afin de promouvoir et de protéger la santé mentale des médecins. La planifi-

cation et les interventions reliées à ces orientations stratégiques doivent nécessairement tenir compte des communica-tions avec la clientèle visée (c.-à-d. étudiants, médecins résidents, médecins actifs), du niveau de l’intervention

(c.-à-d. à l’échelle nationale, provinciale-territoriale ou locale-régionale) et la participation de certains partenaires enparticulier. Il peut aussi y avoir des organismes intermédiaires que l’AMC et ses partenaires pourront mettre à contri-

bution (p. ex., organismes de réglementation) pour le bénéfice d’une ou de plusieurs des clientèles cibles. Par exemple,

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

i Comme on l’a déjà signalé, le mot « médecins » inclut implicitement les étudiants en médecine et les médecins résidents.

afin de « faire mieux connaître les problèmes de santé mentale des médecin et d’accroître les connaissances et les compétences en la matière », il faudra se pencher sur des questions comme les suivantes :• Quels sont les rôles aux niveaux national, provincial-territorial et local ?• Quelles sont les principales similitudes et différences dans la formulation des messages et leur diffusion dans le cas

des étudiants, des médecins résidents et des médecins actifs ?• Qui sont les partenaires clés qu’il faudrait mettre à contribution dès le début pour planifier cet ensemble

d’interventions ?

• Quels groupes sont des « intermédiaires » possibles qui pourraient aider à atteindre les groupes cibles prioritaires

(p. ex., facultés de médecine pour atteindre les étudiants) ?• Comment pourrait-il être nécessaire d’établir un lien entre cet ensemble d’activités et les mesures qui s’inscrivent

dans d’autres orientations stratégiques? Comment faudrait-il les suivre ou les renforcer ?

Pour saisir ces différentes dimensions, il faut recourir à un « cube » de planification. Les modèles à base de cube

ont aidé à conceptualiser et à planifier des interventions dans de multiples dimensions41,42. Le cube facilitera l’analyseet la planification qui devront parcourir à des « cellules » en particulier ou des groupes de cellules du cube tout enmaintenant un lien avec la Stratégie d’ensemble.

Les sous-sections qui suivent décrivent plus en détail chacune des orientations stratégiques.

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

Une santé mentale optimale pour tous les médecins

1. Faire mieux connaître les problèmes de santé mentale des médecins et accroître les connaissances et les compétences en la matière.

• Considérer sa propre santé comme une priorité.• Faire mieux connaître les risques ou signes de problème; efficacité des interventions et traitements; distinction entre la maladie et l’incapacité.• Diffuser des pratiques et des stratégies d’adaptation efficaces.• Demander de l’aide pour soi et pour les autres.• S’attaquer aux effets de la stigmatisation.

2. Améliorer l’accès à tout un éventail de programmes et de services de santé mentale pour les médecins.

• Offrir des programmes accessibles d’études et d’acquisition des compétences pour accroître la résilience.• Encourager chaque médecin à avoir son médecin de soins primaires.

3. Créer des milieux d’apprentissage et de travail qui appuient la santé mentale des médecins.

• Réduire le préjudice causé par la stigmatisation et les obstacles aux soins (ordres, assureurs, organismes qui octroient des privilèges, pairs).• Améliorer la vie au travail des médecins, des médecins résidents et des étudiants.

4. Surveiller, évaluer et étudier les besoins en santé mentale des médecins, ainsi que les services et les politiques en la matière.

•Répondre aux besoins des médecins en santé mentale (fardeau, services, éléments probants).• Promouvoir le financement de la recherche.• Évaluer les interventions.• Chercher des données communes sur les programmes de santé des médecins.•Analyser les politiques et les interventions des organismes de réglementation.

Vision

Orientationsstratégiques

Concepts clés

Projetsprioritaires

I — Campagne de marketingsocial.

II — Lancer un projet pilote d’éducation afin de bâtir et d’améliorer la résilience.

III — Améliorer l’accès à un médecin personnel.

IV — Mettre à contribution les organismes de réglementation.

V — Fournir de l’aide en recherche et en évaluation à chacun des autres

projets.

Faire mieux connaître les problèmes de santé mentale des médecins et accroître les connaissances et les compétences en la matièrePour améliorer la santé mentale des médecins, il faudra modifier considérablement leur comportement tant individuelque collectif.

Projet prioritaire :

• Campagne intégrée de marketing social

Les concepts clés qu’il faudra aborder comprennent les suivants :

• Considérer sa propre santé comme une priorité.

• Faire mieux connaître les risques ou signes de problème : efficacité des interventions et du traitement; distinctioncritique entre la maladie et l’incapacité.

• S’attaquer aux effets de la stigmatisation sur la santé des médecins (p. ex., ne pas chercher rapidement de l’aide).

• Diffuser des pratiques et des stratégies d’adaptation efficaces.• Demander de l’aide pour soi-même et pour d’autres personnes.

Il s’agit là de messages à volets multiples qui vont à l’encontre d’attitudes bien ancrées et de normes socio -

culturelles visant un auditoire très averti. C’est pourquoi une campagne intégrée de marketing social s’impose pourfaciliter les changements de comportement dans les groupes visés. Le marketing social relié à la santé s’entend de

« l’application systématique du marketing, ainsi que d’autres concepts et techniques pour atteindre des buts com-portementaux précis, améliorer la santé et aplanir les inégalités43 ». Il s’agit d’un « processus de planification de pro-

grammes qui applique les concepts et les techniques du marketing commercial à la promotion d’un changementvolontaire de comportement44 ». Le marketing social n’est pas simplement une activité de promotion ou de commu-nication : il emploie plutôt un cadre conceptuel qui inclut « la théorie des échanges, la segmentation de l’auditoire, la

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

Orientations stratégiques :• Faire mieux connaître les problèmes de santé mentale des médecins et accroître les connaissances et les compétences en la matière.• Améliorer lʼaccès à un éventail de services et de programmes de santé mentale pour les médecins.• Créer des milieux dʼapprentissage et de travail qui appuient la santé mentale des médecins.• Surveiller, évaluer les besoins, les services et les politiques sur la santé mentale des médecins et effectuer des recherches en la matière.

Niveau de lʼintervention :•National•Provincial-territorial•Local-régional

Partenaires ou intermédiaires :• Facultés de médecine• Programmes de résidence• Établissements de soins de santé ou employeurs• Groupes professionnels (RCSN, AMPT, ACMR, FEMC• Bailleurs de fonds du système (gouvernement)• Organismes de réglementation

Groupes cibles :•Étudiants en médecine•Médecins résidents•Médecins

Stratégie sur la santé mentale pour les médecins — Dimensions

concurrence, le “marchéage”, l’orientation consommateur et la sur-veillance continue44 ».

Le volet recherche joue un rôle fondamental dans toute initiativede marketing social. Il faut comprendre les désirs et les besoins du

groupe visé pour guider la planification des interventions, et évaluer et

surveiller les interventions afin de déterminer les réactions des audi-toires à tous leurs aspects44. Le plan de marketing social doit respons-

abiliser, inspirer et catalyser le changement chez les médecins. Il est

vivement conseillé de mettre à contribution des professionnels du mar-keting social innovateurs et créatifs pour réaliser ce volet de la stratégie.

Il faut tenir compte de plusieurs enjeux dans cette orientation

stratégique. Dans une optique d’efficacité, l’élaboration coordonnéeavec les chefs de file nationaux bénéficiant de la contribution de parte-

naires provinciaux et d’associations serait attrayante, mais il faudrait alors que les besoins de l’auditoire et ses réactions auxinterventions se ressemblent suffisamment d’un bout à l’autre du Canada. L’étendue du chevauchement entre les enjeuxet les interventions visant les étudiants en médecine, les médecins résidents et les médecins constitue un autre problèmepossible d’effica cité. Il existe certes des enjeux culturels sous-jacents semblables, mais les différences sont importantes auxniveaux des cohortes d’âge, des étapes de la vie et de la nature des facteurs de stress entre ces trois groupes.

En outre, le plan de marketing social n’existe pas dans l’isolement des autres orientations stratégiques de lastratégie globale sur la santé mentale. Il faut donc intégrer les liens et le séquençage nécessaires. Par exemple, certainsdes messages clés (p. ex., distinction entre la maladie et l’incapacité; impact de la stigmatisation) peuvent constituer desbases utiles sur lesquelles s’appuyer pour entreprendre des échanges avec les organismes de réglementation. De même,certains messages pourraient inciter à chercher davantage d’aide, de telle sorte qu’il faudra tenir compte de l’effet de cesdémarches sur les services existants.

L’application et l’exécution d’un plan de marketing social bien conçu entraîneront manifestement un coût. Il y a unfacteur positif à prendre en compte : comme on ne s’attend pas à viser le grand public, il ne sera pas nécessaire d’acheter dutemps ou de l’espace dans des médias publics coûteux. Il faudrait néanmoins envisager tout un éventail de sources definancement et de partenariats possibles au-delà du budget des associations médicales nationales et provinciales-territoriales(p. ex., gouvernements fédéral et provinciaux, CSMC, contribution en nature de journaux, promoteurs de congrès, etc.).

Améliorer l’accès à tout un éventail de programmes et de services de santé mentale pour lesmédecins

Projets prioritaires :

• Établir un programme pilote de prévention primaire offrant un programme d’études et l’acquisition de compétences pour créer et accroître la résilience.

• Encourager chaque médecin à avoir son médecin personnel.

Concepts clés sur lesquels il faut se pencher :

• Offrir un programme d’études accessible et l’acquisition de compétences pour créer la résilience.

• Encourager chaque médecin à avoir son médecin de soins primaires.

Au niveau des programmes, un projet prioritaire possible consisterait à lancer, en collaboration avec les AMPT, unprogramme pilote de prévention primaire offrant aux médecins un programme d’études donnant accès à de la

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

Étapes du marketing socialProcessus itératif continu regroupant les éléments suivants :• Planification initiale• Recherche formative• Élaboration d’une stratégie• Élaboration de programmes et essai préalable

d’interventions matérielles et non matérielles• Mise en œuvre• Surveillance et évaluation

Source : Grier et Bryant, 2005.44

formation, des outils et des compétences pour acquérir et accroître la résilience. Ce programme s’inspirerait dutravail effectué par le Centre de ressources Villa Sana de la Norvège qui offre à la fois du counselling individuel d’une

journée et des cours en groupe d’une semaine « afin de prévenir l’épuisement, d’améliorer la santé mentale et la qualitéde vie et de renforcer la conscience et l’identité professionnelles23 ». Au cours d’un suivi effectué un an plus tard auprès

de plus de 200 médecins participants, on a constaté que le niveau d’épuisement mental était tombé à celui d’un échan-

tillon représentatif de tous les médecins norvégiens. L’AMC et ses partenaires pourraient lancer un projet pilote et évaluer un modèle inspiré de l’expérience norvégienne mais mettant davantage l’accent sur la prévention de l’épuise-

ment professionnel et de la fatigue extrême afin d’améliorer la santé mentale et la qualité de vie des médecins du

Canada et de renforcer les ressources personnelles et professionnelles mises à leur disposition.Une autre intervention au niveau individuel consisterait à encourager chaque médecin à avoir son médecin de

soins primaires, ce qui aurait des répercussions sur le nombre de médecins disposés et aptes à jouer ce rôle, ainsi quesur celui des médecins qui se lanceraient activement et de façon adéquate dans une telle relation. La majorité desmédecins disent qu’ils ont un médecin de soins primaires, mais il faut qu’il y ait davantage de médecins prêts à

accepter des médecins comme patients et qu’on les encourage à le faire. La prestation de soins à des collègues comportedes exigences et des aspects particuliers. On pourrait définir les meilleures pratiques sur la prestation de soins dans untel contexte et offrir un éventail de moyens de formation et d’appui. Il faut aussi des moyens de jumeler les médecinsde premier recours disposés à s’occuper de collègues médecins à ceux qui cherchent de tels services. Il faudrait probablement offrir ce service à l’échelle locale ou provinciale-territoriale, mais l’AMC pourrait faciliter le partage del’information au sujet des modèles existants (p. ex., Programme Code 99 de l’Université d’Ottawa45). L’autre dimen-sion dont il faut tenir compte porte sur les attentes à l’égard du rôle du médecin comme patient. Il faudrait tenircompte d’un grand nombre de ces aspects pour les intégrer dans le plan de marketing social.

Outre l’élaboration et la mise en œuvre de programmes et de services individuels, il faut aussi procéder à une ana-lyste systématique des interventions et attribuer une priorité aux lacunes. À long terme, il serait souhaitable de tendrevers la capacité d’évaluer l’éventail des interventions dans tout le continuum et de pouvoir définir les lacunes àcombler, en ordre de priorité. L’application de cette réflexion systémique bénéficierait de partenariats provinciaux-territoriaux ou locaux bien établis et axés sur la collaboration, d’un continuum de modèles ou de programmes d’inter-vention efficaces et d’outils permettant de réunir l’information, d’analyser les écarts et d’établir des priorités. Même sil’on considère ici qu’il s’agit d’une initiative à plus long terme, certaines régions ou certains milieux (p. ex., facultés demédecine) pourraient être prêts à adopter cette approche. Dans un premier temps, l’AMC pourrait faire fonction de

centre d’information sur les interventions efficaces et les meilleures pratiques.Comme on l’a déjà signalé, l’information sur les stratégies efficaces de promotion de la santé et de prévention pri-

maire visant à promouvoir la santé mentale des médecins est limitée, car beaucoup des initiatives en cours n’ont pas

encore été évaluées. Il est donc impossible de formuler des recommandations précises sur des interventions en partic-

ulier. Il est clair qu’il faut évaluer les diverses interventions pilotes en cours (p. ex., dans les facultés de médecine) etnous aborderons la question plus en détail dans le contexte d’une autre orientation stratégique.

Créer des milieux d’apprentissage et de travail qui appuient la santé mentale des médecins

Projet prioritaire :

• Mettre à contribution des organismes de réglementation au sujet de la façon dont ils abordent les problèmes de

santé mentale et de maladie chez les médecins.

Concepts clés à aborder :

• Réduire le préjudice causé par la stigmatisation et les obstacles aux soins comme les diagnostics et les traitements

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

retardés (ordres, assureurs, organismes qui accordent des privilèges, pairs).• Améliorer la vie au travail des médecins, des médecins résidents et des étudiants.

Comme on l’a déjà dit, des études portant sur des ordres des médecins des États-Unis ont démontré une tendanceaux comportements plus stigmatisants au fil du temps37,38,46-49 et l’on croit qu’il existe une tendance semblable au

Canada. Il faut sensibiliser les organismes de réglementation à la distinction entre la maladie et l’incapacité.

L’incapacité du médecin, quelle qu’en soit la raison, constitue un enjeu critique dont la responsabilité appartient clairement aux organismes de réglementation. Il faut toutefois éviter aussi que ceux-ci ne stigmatisent des comporte-

ments. Comme les problèmes de santé mentale et les maladies mentales sont relativement courants chez les médecins,

il faut chercher à établir un équilibre optimal entre la gestion des médecins qui peuvent avoir une incapacité à cause deleur maladie et le fait de ne pas les empêcher de chercher de l’aide. Il est crucial de le faire d’une manière qui respecte la

confidentialité des soins de santé et les droits à la protection des renseignements personnels de la personne en cause.

D’autres pays ont analysé la question en profondeur, ce qui éclairera probablement nos efforts46-49.Avant de mettre à contribution les organismes de réglementation, il y a de nombreuses étapes préliminaires à

franchir qui s’inscrivent dans le domaine de l’orientation stratégique portant sur la recherche et l’évaluation. Ces étapesconsistent notamment à :• Évaluer et documenter les comportements ou politiques des organismes de réglementation qui pourraient être une

cause de stigmatisation.• Chercher à obtenir des médecins des expériences anecdotiques sur l’effet indésirable que les interventions ou les

politiques d’organismes de réglementation peuvent avoir sur eux (p. ex., diagnostic et soins retardés, suicide, etc.).On veut rendre les statistiques « réelles ».

• Réunir des commentaires d’autres parties qui peuvent avoir des opinions et des expériences quant aux processus ouaux décisions des organismes de réglementation (p. ex., ACPM).

• Déterminer les meilleures pratiques des organismes de réglementation du Canada et de l’étranger qui cherchent àétablir un équilibre approprié entre protéger le public et aider les médecins qui ont des problèmes de santé mentaleou une maladie mentale à demander de l’aide.

• Suivre l’initiative de l’American Medical Association (AMA) et collaborer avec elle afin de créer un gabarit offrantune terminologie modèle pour les demandes d’autorisation provinciale d’exercer la médecine qui ne soit pas discriminatoire à l’endroit des médecins et ne crée pas d’obstacles au diagnostic et au traitement approprié desmaladies mentales.

• Élaborer un plan intégré de sensibilisation et de représentation en utilisant des synergies stratégiques avec d’autres

interventions (p. ex., campagne de marketing social, travail du CSMC, etc.).

Après ce travail préparatoire, il faudra ensuite mettre à contribution les organismes de réglementation. Uneapproche nationale unifiée sera entreprise, tout en reconnaissant que les discussions peuvent progresser plus

rapidement dans certaines régions que dans d’autres et que les réussites pourraient servir d’exemples.Il y a de multiples autres sources de comportements stigmatisants à l’endroit des médecins. Les milieux d’appren-

tissage et de travail peuvent appuyer la santé mentale, mais ils peuvent aussi créer des facteurs de stress et renforcer descomportements indésirables. Les autres médecins constituent un groupe important et le plan de marketing social doit

tenir compte de ces comportements. Beaucoup de médecins sont travailleurs indépendants, mais ils sont souvent tribu-taires des privilèges accordés par les établissements et les autorités de la santé. Ces milieux peuvent constituer une autre

source de comportement stigmatisant en n’établissant pas de distinction entre la maladie et l’incapacité. Ces auditoires

cibles sont beaucoup plus nombreux que les organismes de réglementation, ce qui présente un plus gros défi logistiqueà relever pour les efforts de représentation. Il peut être préférable d’acquérir d’abord de l’expérience et d’avancer en

travaillant avec les organismes de réglementation pour corriger ensuite le tir afin d’aborder les organismes qui octroient

des privilèges. Les progrès réalisés avec les organismes de réglementation pourront aussi servir dans les efforts déployésauprès de ces organisations (c-à-d. « si la politique du collège est “x”, celle de votre organisation ne devrait-elle pas être

la même ? »). Il sera peut-être nécessaire que les AMPT et les partenaires mettent à contribution des organisations particulières dans le contexte de leurs efforts de représentation : tout dépendra du contexte local. En outre, l’AMC

continuerait de participer aux activités de la Coalition pour la qualité de vie au travail et des soins de santé de qualité.

Il faut s’attacher à l’amélioration de la vie au travail des médecins et des étudiants, ce qui chevauche des contextesde promotion de la santé sur le plan conceptuel. Comme on l’a déjà signalé, beaucoup d’initiatives font l’objet de

projets pilotes dans les facultés de médecine, au niveau tant prédoctoral que postdoctoral, mais l’évaluation des

retombées de ces interventions est incomplète. D’autres évaluations s’imposent et il faut en diffuser les résultats.L’amélioration de la structure et du fonctionnement des systèmes de santé du Canada constitue un domaine d’intérêt

clé pour l’AMC et les AMPT. La vision que l’AMC a pour la « transformation des soins de santé » entraînera des amélio-

rations systémiques qui pourraient avoir un effet direct et positif sur la santé mentale des médecins. L’amélioration desmoyens de soutien et l’allégement des facteurs de stress imposés aux médecins constituent une retombée implicite de ces

changements. Il faudrait donc considérer l’amélioration et la protection de la santé mentale des médecins comme uneretombée supplémentaire explicite, le cas échéant, d’efforts de restructuration de plus grande envergure.

Surveiller, évaluer et étudier les besoins en santé mentale des médecins, ainsi que les serviceset les politiques en la matièreCompte tenu de l’importance des médecins pour le fonctionnement des systèmes de santé, il existe relativement peud’information au sujet de leur santé. Le nombre des études pertinentes publiées au cours des dernières années a aug-menté, mais l’information sur l’ampleur des problèmes de santé mentale et des maladies mentales chez les médecinsprovient surtout de sondages dont les taux de réponse sont habituellement faibles. Il existe de l’information limitée surl’effet ou l’efficacité de programmes et de services existants. Néanmoins, il y a suffisamment d’information à l’heureactuelle pour éclairer l’élaboration et la mise en œuvre des premiers projets décrits dans les sous-sections qui précèdent.

Projet prioritaire :

• Volets recherche et évaluation pour chacun des quatre projets prioritaires

Concepts clés à aborder :

• Initiative de marketing social : il faut comprendre suffisamment les besoins et les désirs de l’auditoire cible pour

guider la planification des interventions, les évaluer et les surveiller de façon à déterminer les réactions des auditoires à tous les aspects de l’intervention.

• Médecin de soins primaires pour chaque médecin : surveiller le pourcentage des médecins qui ont un médecin de

soins primaires; évaluer le niveau d’engagement de chaque médecin à l’égard de son médecin de soins primaires;évaluer le niveau de confiance avec laquelle les médecins de premier recours prodiguent des soins à des collègues.

• Évaluation rapide du programme pilote de prévention primaire afin d’instaurer et d’améliorer la résilience :

conception d’un projet pilote éclairé par des éléments probants, évaluation de son incidence.• Stratégie de mobilisation des organismes de réglementation : procéder à une analyse des politiques.

Outre les volets recherche et évaluation qui appuient chacun des quatre projets prioritaires, il y a de multiplesdomaines supplémentaires sur lesquels on pourrait se pencher dans le contexte de cette orientation stratégique. Ilfaudrait notamment :• évaluer les besoins des médecins (en fonction du fardeau imposé par l’état de santé, des services existants et des

preuves d’efficacité50);

19

Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

• évaluer les interventions et les programmes existants;• préconiser le financement de la recherche sur les enjeux de la santé mentale des médecins;• chercher à réunir des données communes des PSM afin de décrire les services existants.

Il n’y a pas suffisamment d’information pour fixer maintenant d’autres priorités précises outre la liste ci-dessus.

L’AMC pourrait notamment organiser un atelier ou un autre exercice de collaboration entre des réseaux existantscomme les PSM, des chercheurs et des utilisateurs de réseaux de recherche, dresser une liste de projets possibles,

d’organisations responsables, de ressources requises et de sources possibles de financement et établir des priorités.

Pour aller de l’avant

La mise en œuvre d’une approche pour la santé mentale des médecins qui soit pluriannuelle, intégrée et axée sur la

collaboration constitue une activité d’envergure nécessaire. La présente Stratégie établit un cadre de conceptualisationde nombreuses initiatives interdépendantes qu’il faut lancer. Il faudrait d’abord viser des éléments fondamentaux clés

qui faciliteront le progrès à l’égard d’autresaspects que l’on pourra aborder par la suite.Nous proposons quatre priorités pour commencer.

I. Campagne intégrée demarketing socialUne campagne de marketing social bienplanifiée permettra de s’attaquer aux lacunesdu savoir, à l’information erronée et auxcomportements moins efficaces chez les

médecins. On recommande vivement de recourir à l’aide d’une équipe de marketing sociale solide, professionnelle etinnovatrice qui a fait ses preuves. On s’attendrait à ce que le plan établi par cette équipe mettre véritablement à contribu-tion l’AMC et ses partenaires et clarifie probablement davantage la suite et l’exécution des autres étapes de la Stratégie.

II. Programme de prévention primaire afin d’instaurer et d’améliorer larésilienceUn projet pilote de perfectionnement professionnel visera la prévention primaire et offrira un programme d’études et

des outils pour instaurer la résilience chez les médecins. Le modèle norvégien est une option, et l’on s’attendrait à cequ’une proposition de financement comporte d’autres options possibles.

III. Un médecin personnel pour chaque médecinSi l’on veut améliorer le soin personnel et la santé mentale des médecins, chaque médecin doit avoir son propremédecin de famille. Il faudrait à cette fin déterminer les meilleures pratiques, donner de la formation aux médecins qui

jouent ce rôle et fournir des services d’inscription ou de jumelage. Là encore, des aspects du plan de marketing socialcomplétaient probablement cette initiative. La collaboration et l’intégration des efforts s’imposent.

IV. Mettre à contribution les organismes de réglementationUne analyse intégrée des politiques doit précéder la mobilisation des organismes de réglementation si l’on veut bien

Interventions prioritaires initiales• Élaborer une campagne intégrée de marketing social.• Lancer un projet pilote de prévention primaire offrant un programme

d’études qui vise à instaurer et améliorer la résilience. • Améliorer pour chaque médecin, l’accès à un médecin personnel et

son utilisation efficace.• Mettre à contribution des organismes de réglementation.• Fournir de l’aide en recherche et une évaluation à chacun des autres

projets.

comprendre les enjeux et les options connexes. Il serait avantageux que les efforts de mobilisation s’amorcent après ledébut de la mise en œuvre du plan de marketing social puisque certains des messages seraient pertinents (p. ex., effets

indésirables de la stigmatisation à l’intérieur de la profession, distinction entre l’incapacité et la maladie, etc.). L’analyseinitiale des politiques doit néanmoins précéder les efforts de mobilisation et peut commencer parallèlement au début

des travaux de marketing social.

V. Fournir de l’aide en recherche et en évaluation aux projets ci-dessusLa planification et la mise en œuvre de chacun des projets ci-dessus devront s’appuyer sur des recherches ou des analy-

ses des politiques, ce qui aura des répercussions sur la capacité. Des travaux en cours visent aussi à mieux comprendreles besoins en santé mentale des médecins et à évaluer des interventions existantes et futures.

Engagement soutenuAfin de commencer à appuyer une approche systémique d’un éventail d’options sur les plans de la promotion de la

santé, de l’évaluation et des soins pour les médecins, il est recommandé que l’AMC fasse fonction de centre d’informa-tion pour des interventions efficaces dans ce continuum, ce qui pourrait aussi avoir des liens avec le partenariat plusgénéral de l’AMC avec le CSMC en ce qui concerne les meilleures pratiques.Chacune de ces quatre priorités d’intervention représente des projets pluriannuels. L’AMC et ses partenaires devrontprendre l’engagement soutenu de diriger et d’appuyer ces initiatives.

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

Annexe 1 – Des services de santé mentale pourles médecins du Canada : sommaire

Joan M. Brewster, PhDÉcole Dalla Lana de santé publique, Université de TorontoLe 12 octobre 2009

Résumé La prévalence des troubles liés à la santé mentale chez tous les Canadiens et la disponibilité de traitements adéquatspréoccupent de plus en plus. Les médecins, collectivement, sont peut-être en relativement en bonne santé, mais ils sont

aux prises avec une détresse importante et ne sont pas davantage à l’abri des troubles psychiatriques que les autres

Canadiens. L’Association médicale canadienne a adopté un rôle de leadership en appuyant les services à l’intention desmédecins du Canada qui ont des problèmes de santé mentale, notamment par l’intermédiaire du Réseau canadien de la

santé des médecins. Ce rapport présente l’ampleur du problème, les services disponibles et les obstacles qui empêchentde les utiliser. Il est basé sur des documents publiés et des entrevues menées auprès de personnes-ressources clés quiconnaissent bien les services offerts aux médecins canadiens atteints de problèmes de santé mentale. Dans ce rapport,l’expression « maladie mentale » comprend les problèmes liés à l’alcool et aux drogues en plus d’autres diagnostics psy-chiatriques, ainsi que le stress professionnel. La maladie mentale est une affection qui se manifeste chez les personnes,mais les programmes de prévention et les interventions doivent viser au-delà des approches individuelles et instaurerdes changements systémiques pour améliorer la santé des médecins.

Sommaire et recommandations

Prévention

Il existe des programmes de prévention dans les facultés de médecine et les programmes de résidence, ainsi que danscertains milieux de travail, mais ces initiatives varient énormément et il n’existe entre elles aucune coordination. Peude ces programmes sont évalués systématiquement. La promotion de la santé et la prévention devraient dépasser l’approche individuelle et instaurer des changements systémiques afin de prévenir les problèmes de santé mentale. Les recommandations sont les suivantes :• Les initiatives de prévention doivent intégrer des enjeux liés au système de santé et aux milieux de travail en plus

d’offrir des programmes aux personnes en détresse.• Il faut encourager les médecins à toutes les étapes de leur carrière à adopter des habitudes de vie saines et à s’occuper de leur santé, notamment à avoir leur propre omnipraticien ou médecin de famille.

• Les facultés de médecine et les organisations de médecins résidents doivent formuler des approches coordonnéesles unes avec les autres.

Programmes de traitement et accès aux traitements

Il existe dans chaque province un programme de promotion de la santé des médecins (PSM) bien développé qui a sonpropre organisme de coordination, soit le Réseau canadien de la santé des médecins (RCSM). Les services offerts

varient toutefois entre les programmes, et vont du counselling de courte durée et des services de référence jusqu’à lasurveillance de longue durée après le traitement. Il existe aussi d’autres possibilités de traitement offerts par un éventail

de fournisseurs qui ne mettent pas à contribution les PSM et vont du counselling de brève durée jusqu’au traitement

intensif et au soutien de longue durée.

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

Les recommandations sont les suivantes :• Il faut élaborer des programmes d’intervention rapide sans dossier et confidentiels à l’intention des médecins à

toutes les étapes de la carrière. • Les programmes disponibles doivent faire l’objet d’une publicité généralisée et être gratuits, car le peu de visibilité

de ces programmes constitue un obstacle important. • Il faut s’efforcer de réduire la stigmatisation causée par la maladie et par la recherche d’aide au sein de la profession

médicale et collaborer avec les ordres des médecins et les compagnies d’assurance pour chercher à atténuer les

conséquences du traitement et de la surveillance. Si l’on considérait le stress vécu par les médecins comme un

aspect de la profession et non seulement comme un problème individuel, cela aiderait à atténuer la stigmatisation. • Les programmes de traitement et de surveillance doivent faire une distinction claire entre l’aide et les mesures

disciplinaires.

Recherche

Même si l’information anecdotique clinique abonde, on manque de données quantitatives sur la santé mentale desmédecins au Canada. Recommandations :• Il faut effectuer des études nationales sur la santé mentale des médecins, des étudiants en médecine et des

médecins résidents au Canada, y compris sur leur perception des besoins en services de santé mentale et sur l’utilisation qu’ils en font.

• Les programmes de santé des médecins du Canada doivent recueillir des données communes afin de faciliter larecherche sur ces programmes importants.

• Les programmes existants et futurs de prévention, de traitement et de surveillance doivent inclure des plans d’évaluation et procéder à des évaluations périodiques.

• L’AMC doit exercer des pressions auprès des organismes subventionnaires, y compris les Instituts de recherche ensanté du Canada, pour qu’ils augmentent le financement consacré à la recherche sur la santé mentale desmédecins.

• Il faut étudier le lien entre les problèmes de santé mentale chez les médecins et leur pratique, car une hypothèsede « pratique diminuée » à cause de problèmes de santé mentale sous-tend certaines approches actuelles.

Annexe 2 – La santé mentale et la stigmatisation dans la profession médicale : sommaire

Jean E. Wallace, PhDDépartement de sociologie, Université de Calgary

RésuméCette recension de textes sur la stigmatisation reliée à la maladie mentale dans la profession médicale devraitéclairer des stratégies efficaces de lutte contre ce problème important qui empêche souvent les médecins dans le

besoin de reconnaître leurs symptômes ou de demander de l’aide. Ces renseignements pourront aussi faciliter un

changement essentiel de la culture de la médecine qui s’impose pour faire disparaître les réactions punitives et discriminatoires associées aux maladies mentales chez les médecins et au fait pour un médecin de demander de

l’aide pour les remplacer par un climat qui encourage et appuie la responsabilité individuelle et le soutien collégialen faveur du mieux-être des médecins.

Introduction et définitionsLa stigmatisation est habituellement un phénomène social qui entraîne l’exclusion, le rejet, le blâme ou la dévalorisation découlant d’un jugement défavorable posé par la société à l’égard d’une personne ou d’un groupe. Lastigmatisation constitue un dissuasif puissant qui peut décourager les médecins de reconnaître qu’ils ont une mala -die mentale ou des problèmes de toxicomanie et les dissuader de demander de l’aide et de terminer avec succès unprogramme de traitement. Les préoccupations soulevées par la santé ou le mauvais état de santé des médecins onttendance à converger principalement sur la maladie mentale et la toxicomanie. On définit souvent l’incapacitécomme « tout trouble physique, mental ou comportemental qui nuit à la capacité de se livrer en toute sécurité à sesactivités professionnelles » (AMA, 2005:78-79). La distinction entre les médecins chez lesquels on diagnostiqueune maladie mentale ou des problèmes de toxicomanie et ceux qui ont une incapacité est particulièrement impor-tante — la maladie mentale n’est pas synonyme d’incapacité et les médecins atteints d’une maladie mentale quisui vent des traitements appropriés peuvent fournir aux patients des soins sécuritaires et de qualité.

Analyse des données probantesLes données tirées des publications démontrent que les maladies mentales chez les médecins et la stigmatisationconstituent un thème de recherche important. On présente des éléments probants sur la prévalence des maladiesmentales et des toxicomanies dans la profession médicale, les conséquences qui en découlent pour les médecins

atteints d’une maladie mentale, ainsi que les répercussions que le problème peut avoir sur le soin des patients,

selon que les médecins sont traités efficacement.Données probantes sur les maladies mentales, les toxicomanies et l’incapacité chez les médecins : Les

médecins sont en général en meilleure santé physique que la population moyenne, mais en plus mauvaise santé

mentale. Il est généralement reconnu qu’environ un médecin sur dix aura un jour un problème de toxicomanie et

la prévalence de la dépression semble comparable à celle de la population générale. Le nombre exact de médecinsatteints d’une incapacité en Amérique du Nord est inconnu et les statistiques publiées sur la prévalence varient

énormément.Faits indiquant que certains facteurs peuvent prédisposer les médecins aux maladies mentales et aux

toxicomanies : Une conjugaison de facteurs liés aux antécédents des médecins, à leur personnalité, à leur forma-tion et à leur vécu au travail peut contribuer à la toxicomanie et aux maladies mentales et les y prédisposer. Les

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

personnes qui ont certains traits de personnalité semblent attirées par la médecine, où elles semblent acceptées de façondisproportionnée. Ces caractéristiques peuvent contribuer à leur réussite en médecine et entraîner par la suite des diffi-

cultés émotionnelles et une dépression. Les médecins disent ressentir les pressions des patients et des collègues pouravoir l’air en bonne santé même lorsque ce n’est pas le cas, parce qu’on établit souvent un lien entre la bonne santé et

la compétence médicale. On a aussi laissé entendre que les organisations médicales n’appuient pas autant les médecins

qu’elles pourraient le faire, ce qui peut aussi contribuer davantage à la dépression et au suicide chez les médecins. Éléments de preuve démontrant que des médecins qui souffert de toxicomanie et ont reçu le bon traitement

peuvent être des fournisseurs de soins de santé efficaces et sécuritaires : De nombreuses études rigoureuses ont visé à déterminer dans quelle mesure les médecins qui reçoivent le bon traitement contre une toxicomanie peuvent recom-mencer à travailler et être des fournisseurs de soins de santé efficaces et sécuritaires. Les preuves démontrent que chez

les médecins aux prises avec une toxicomanie qui entreprennent un traitement intensif suivi de soins et de surveillance

intégrés de longue durée, les taux de réussite à long terme sont de l’ordre de 70 % à 90 %. Il n’y a pas autant de données sur l’efficacité des traitements ou sur les taux de rétablissement des médecins aux prises avec une dépression ou

d’autres maladies mentales qui n’ont aucun lien avec les toxicomanies, même si les possibilités de traitement sont engénéral abondantes et efficaces. D’autres études s’imposent pour évaluer l’efficacité du traitement en ce qui concernespécifiquement les troubles de santé mentale d’ordre purement psychologique.

Éléments de preuve démontrant que les médecins qui vivent avec une toxicomanie ou une maladie et qui nesont pas traités risquent de fournir aux patients des soins de moins bonne qualité et de commettre davantage d’erreurs médicales : L’aptitude à travailler des médecins est liée à la sécurité des patients lorsqu’un rendement insatis-faisant peut causer un préjudice aux patients. Les médecins vivant avec une toxicomanie ou une maladie mentale nontraitée peuvent constater que leur aptitude à pratiquer la médecine diminue. Par exemple, les éléments de preuve démon-trent que l’incapacité des médecins peut avoir de sérieuses conséquences sur le soin des patients pour ce qui est des habi-tudes d’établissement d’ordonnance du médecin, des décisions sur les congés, de la communication avec le patient, de laprescription d’examens, de l’observation du traitement par le patient et de la satisfaction des patients à l’égard des soins.

Éléments de preuve démontrant que les médecins vivant avec une toxicomanie ou une maladie non traitéerisquent des résultats à long terme plus graves et même mortels : Il est souvent difficile d’identifier les médecins auxprises avec une maladie mentale ou une toxicomanie parce qu’ils répriment et nient habituellement tout problème.Comme les premiers symptômes sont souvent imprécis, les toxicomanies et les maladies mentales chez les médecins sontpresque toujours au stade avancé lorsque les signes avertisseurs deviennent évidents pour leur entourage. La dépression etl’abus de substances n’ont pas seulement une incidence sur le comportement du médecin au travail : ils peuvent modi-fier son rendement clinique et contribuer à d’autres toxicomanies, à la rupture de relations et au déclin de la santé

physique. Le suicide constitue le résultat le plus tragique pour les médecins malades ou atteints d’une incapacité et les

deux plus importants facteurs de risque associés au suicide sont souvent la maladie mentale et la toxicomanie.

Comment la stigmatisation perdure-t-elle ?Les médecins atteints d’une incapacité sont souvent difficiles à identifier parce que les manifestations de l’incapacité

varient tellement, de même que varient les caractéristiques des médecins productifs en bonne santé. Cette section décritcomment la stigmatisation perdure à cause de la culture de la médecine et de la formation en médecine, des perceptions

des médecins et de leurs collègues et des attentes et des réactions des systèmes de soins de santé et des organisations.La culture de la médecine et la formation médicale : La culture de la médecine et des facultés de médecine per-

pétue la situation et empêche les médecins de reconnaître les symptômes de maladie mentale chez eux-mêmes ou chez

des collègues, et de bons médecins peuvent vivre avec une maladie mentale. Les étudiants en médecine apprennentrapidement à attacher une faible priorité à leur propre santé et à avoir l’air en bonne santé sur le plan physique, même

lorsqu’ils sont malades.

Les perceptions des médecins et de leurs collègues : Les médecins hésitent à reconnaître tout problème psychologique ou à en parler ouvertement et leurs collègues hésitent à s’entraider en cas de besoin. Des collègues

peuvent attendre avant de signaler leurs préoccupations au sujet d’un médecin qui a peut-être une incapacité, envoulant le protéger contre les répercussions négatives découlant de la stigmatisation, la honte, la perte de revenu et les

interventions touchant le permis d’exercice. Ils peuvent craindre de se tromper dans leur évaluation de la situation et

ne pas connaître les étapes à suivre ou les ressources disponibles. Beaucoup de médecins se retrouvent aux prises avec ledilemme éthique qui les oblige à choisir entre la protection de la vie privée de leur collègue atteint d’une incapacité et

la sécurité des patients. Souvent, la protection de la vie privée du collègue l’emporte.

Les attentes des organisations et des systèmes de santé : Les préoccupations au sujet de la maladie mentale et del’abus de substances chez les médecins se sont toujours exprimées sous forme de mesures disciplinaires visant à assurer

la sécurité des patients plutôt que le traitement du médecin en cause. Les systèmes et les organisations de santé

contribuent souvent à créer un environnement plus punitif au lieu d’appuyer les médecins vivant avec une maladiementale, ce qui peut les dissuader fortement de demander de l’aide.

Qu’est-ce qui doit changer?La recherche montre que pour être efficaces, les programmes de lutte contre la stigmatisation doivent fonctionner à demultiples niveaux en visant les personnes, les structures et les systèmes. L’éducation semble constituer une stratégieimportante là où il est essentiel de faire mieux connaître les enjeux et de promouvoir l’opinion selon laquelle la sociététrouve inacceptables les attitudes préjudiciables à l’égard des maladies mentales. On analyse plusieurs pointsstratégiques de changement, dont les attitudes des facultés de médecine et de la profession médicale, la compréhensiondes médecins qui ont une maladie mentale et de ceux qui sont en convalescence, les réactions auxquelles ils font face,ainsi que les réactions des systèmes et des organisations de soins de santé où travaillent les médecins.

Les facultés de médecine et la formation en faculté de médecine : Beaucoup de médecins aux prises avec des problèmes de toxicomanie plus tard au cours de leur carrière ont probablement montré des vulnérabilités dès la facultéde médecine. Il faut apprendre aux étudiants en médecine et aux médecins résidents à reconnaître les signes de détressechez eux-mêmes et leurs collègues, à reconnaître quand il faut demander de l’aide, à se sentir en sécurité et appuyéslorsqu’ils demandent ou offrent de l’aide. Les facultés de médecine et les programmes de résidence doivent aussi évaluer leur influence sur les attitudes des étudiants à l’égard de l’autosoin et du mieux-être et la façon dont ils les orientent en la matière.

Les médecins et la profession médicale : L’efficacité avec laquelle la profession médicale identifie le problème etintervient pour le compte de ses membres doit changer. La culture de la médecine doit effectuer un virage pourencourager les médecins à demander de l’aide pour eux-mêmes et leurs collègues lorsqu’ils sont à risque. Les milieux

médicaux doivent aussi apprendre à mieux appuyer les collègues en convalescence. Il faut en général informer les

médecins de la disponibilité de ressources qualifiées auquel il est possible de faire appel rapidement, en toute confi-dence et sans intervention des organismes disciplinaires.

Les organisations et les systèmes de santé : Il faut effectuer un virage qui fasse disparaître les réactions punitives etdiscriminatoires associées à la maladie mentale chez les médecins et à l’encontre des médecins qui demandent de l’aide,

afin d’encourager et d’appuyer au contraire la responsabilité individuelle et l’appui collectif à l’égard du mieux-être desmédecins. Il faut aborder la santé et le mieux-être des médecins d’une façon plus proactive qui encourage et appuie la

responsabilité individuelle et favorise et appuie une intervention précoce lorsque la santé et le rendement se détériorent.

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada

Remerciements Je remercie les membres du Groupe de travail de l’AMC sur la Stratégie pour la santé mentale des médecins deleurs suggestions et commentaires utiles et constructifs.

Référence1. Substance abuse among physicians. Chicago : American Medical Association; 2005. H-95.955. Disponible : www.ama -assn

.org/go/policyfinder.

Liste de recommandations

1. Les facultés de médecine, la profession médicale et les systèmes et organisations de santé doivent être sensibilisésaux questions de santé et de mieux-être des médecins et encouragés à adopter des mesures proactives pour

promouvoir et appuyer la santé et le mieux-être des médecins.

2. Les facultés de médecine, la profession médicale et les systèmes et organisations de santé doivent être sensibilisés

aux questions de santé et de mieux-être des médecins et encouragés à faire connaître ces questions et à promou-

voir des pratiques efficaces de mieux-être et d’adaptation des médecins pour eux-mêmes et leurs collègues.

3. Les facultés de médecine, la profession médicale et les systèmes et organisations de santé doivent être sensibilisés

aux risques, signes et symptômes de la maladie mentale et des toxicomanies chez les médecins et leurs collègues.

4. Les facultés de médecine, la profession médicale et les systèmes et organisations de santé doivent être renseignés ausujet de la disponibilité des ressources pour les médecins dans le besoin et être encouragés à en faire la promotion.

5. Les facultés de médecine, la profession médicale et les systèmes et organisations de santé doivent être sensibilisésaux avantages de l’obtention du traitement approprié pour les médecins, avantages tant personnels que pour leurspatients et leur carrière, et encouragés à en faire la promotion.

6. Les facultés de médecine, la profession médicale et les systèmes et organisations de santé doivent être sensibilisésaux répercussions négatives de la stigmatisation liée à la maladie mentale lorsqu’il s’agit de reconnaître les symptômes et de demander de l’aide.

7. Les facultés de médecine, la profession médicale et les systèmes et organisations de santé doivent être sensibilisés àla distinction critique entre la maladie mentale et l’incapacité et être encouragés à faire connaître cette distinction.

8. Les facultés de médecine, la profession médicale et les systèmes et organisations de santé, y compris les organismesde réglementation, doivent être sensibilisés à la nécessité de séparer complètement l’identification des médecinsdans le besoin des interventions disciplinaires et être encouragés à faire la promotion de cette attitude.

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Une Stratégie sur la santé mentale pour les médecins au Canada