La Russie d'Aujourd'hui

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Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux Distribué avec Mercredi 21 mars 2012 Le ragoût remis au gout du jour Les secrets de la mode derrière le Rideau de fer À redécouvrir : une bonne vieille recette russe et l’art de la cuisson lente. Le costumier Alexandre Vassiliev présente une exposition sur les habits en vogue à l’ère soviétique. P. 8 P. 7 Tioumen, la capitale de la Sibérie occi- dentale, se fait un honneur d’accueillir des étudiants français pour des cursus inhabituels. À l’école sibérienne PAGE 3 PAGE 5 Voronej l’authentique Découvrez une ville située au cœur des « terres noires », où le passé et le présent cohabitent pacifiquement. Visitez l’atelier où sont fabriquées les plus grandes cloches du monde. Inquiétude budgétaire PAGE 4 Le zoo de Moscou a vu sa population d’ours blancs s’en- richir de sept nou- veau-nés dernière- ment. Les oursons ont été mis au monde par deux mères différentes en novembre 2011, mais ce n’est qu’en ce début de printemps que les visiteurs du zoo ont eu la possibili- té de les voir lors de leurs promena- des en plein air. PHOTO DU MOIS Une couvée d’oursons blancs La valeur ajoutée des études en Russie Cela peut ressembler au parcours du combattant : lourdeurs ad- ministratives, non-reconnaissan- ce des diplômes français en Rus- CAROLINE GAUJARD-LARSON LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI La qualité de l’enseignement universitaire russe a de quoi séduire les étudiants français mais les place devant un choix : double diplôme ou diplôme russe ? À Moscou ou en région ? Enseignement Atouts des universités russes pour les étrangers SUITE EN PAGE 3 Dans son programme électoral, Vladimir Poutine a promis des dépenses budgétaires qui alar- ment les économistes en raison d’une conjoncture économique mondiale incertaine. sie, barrière de la langue. Un séjour d’études en Russie ne s’im- provise pas. Mais à peser le pour et le contre, ces obstacles, pour les Français non russophones, sont largement compensés par la valeur ajoutée qu’apporte un diplôme russe. La qualité de l’en- seignement supérieur dispensé en Russie reste excellente, comme le sont les débouchés profession- nels d’un pays qui continue à connaître une croissance solide par rapport à l’Europe. Le double diplôme n’est cer- tes pas la seule solution, mais il a bien des avantages et la faveur des établissements français. Moscou : l’art de faire parler les murs Relance logique des dépenses militaires russes PAGE 8 PAGE 6 LOISIRS À l’instar de Pavel 183, l’artis- te de rue révélé par la presse anglophone, le graffiti est en plein essor à Moscou. Les murs illustrés fleurissent à de nom- breux endroits emblématiques de la capitale russe. Saison électorale oblige, les graffiti se colorent de politique. Cette nouvelle vague est dynamisée par Pavel 183, un créateur russe désormais aussi célèbre qu’énig- matique. Portrait de l’homme qui fait hurler les murs. Jugeant légitime le programme de réarmement annoncé par Vladimir Poutine, le politolo- gue français Philippe Migault estime qu’il ne constitue pas une menace pour ses voisins. Produit de Russia Beyond the Headlines SUITE EN PAGE 2 OPINIONS Pit adionsed dolorperat ad doloreet, conse vel utpat ali- quat iriusci lluptat. Liquatum verci bla conum vel essequat EN LIGNE SUR LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR Médecins clowns : le rire comme antidote à la maladie LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR/14344 Le 4 mars, 63,6% des élec- teurs russes ont voté pour un retour de Vladimir Poutine au Kremlin jusqu’en 2018. « Cela indique de la part de l’électo- rat une double volonté de voir assurée la stabilité du pays et de voir la réalisation des réfor- mes visées par le président ac- tuel, Dmitri Medvedev », nous explique Hélène Carrère d’En- causse, Secrétaire perpétuel de l’Académie française (lire l’en- tretien qu’elle a accordé à La Russie d’Aujourd’hui en page 2). Les opposants, qui étaient massivement descendus dans la rue après les élections légis- latives du 4 décembre, n’ont pas réussi à formuler des exi- gences concrètes au-delà de « Poutine, va-t-en ! », ni fédé- rer une société civile qui s’est réveillée pour la première fois depuis dix ans. L’opposition se prépare désormais aux prochai- nes échéances, notamment à celle du 5 mai, baptisée « La marche du million ». Comme l’a déclaré le blogueur Alexeï Na- valny, « les opposants se sont rendus compte de l’inutilité de négocier avec les autorités et n’ont donc pas l’intention de coordonner l’organisation de la marche avec le pouvoir », ce qui sera sans doute mal reçu au Kremlin. Que nous réserve l’im- prévisible « printemps russe » ? Le verdict sans surprise des urnes a refroidi le « printemps russe » REUTERS/VOSTOCK-PHOTO REUTERS/VOSTOCK-PHOTO PHOTOXPRESS PHOTOXPRESS PHOTOXPRESS LORI/LEGION MEDIA © RAMIL SITDIKOV_RIA NOVOSTI SERVICE DE PRESSE

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La Russie d'Aujourd'hui est une source d'informations politiques, économiques et culturelles internationalement reconnue. Elle propose une couverture médiatique réalisée sur le terrain par des journalistes possédant une connaissance en profondeur du pays, ainsi que des analystes et un vaste éventail d'opinions sur les événements actuels.

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Page 1: La Russie d'Aujourd'hui

Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux

Distribué avec

Mercredi 21 mars 2012

Le ragoût remis au gout du jour

Les secrets de la mode derrière le Rideau de fer

À redécouvrir : une bonne vieille recette russe et l’art de la cuisson lente.

Le costumier Alexandre Vassiliev présente une exposition sur les habits en vogue à l’ère soviétique.

P. 8

P. 7

Tioumen, la capitale de la Sibérie occi-dentale, se fait un honneur d’accueillir des étudiants français pour des cursus inhabituels.

À l’école sibérienne

PAGE 3 PAGE 5

Voronej l’authentiqueDécouvrez une ville située au cœur des « terres noires », où le passé et le présent cohabitent pacifiquement. Visitez l’atelier où sont fabriquées les plus grandes cloches du monde.

Inquiétude budgétaire

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Le zoo de Moscou a vu sa population d’ours blancs s’en-richir de sept nou-veau-nés dernière-ment. Les oursons ont été mis au monde par deux mères différentes en novembre 2011, mais ce n’est qu’en ce début de printemps que les visiteurs du zoo ont eu la possibili-té de les voir lors de leurs promena-des en plein air.

PHOTO DU MOIS

Une couvée d’oursons blancs La valeur ajoutée des études en Russie

Cela peut ressembler au parcours du combattant : lourdeurs ad-ministratives, non-reconnaissan-ce des diplômes français en Rus-

CAROLINE GAUJARD-LARSONLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La qualité de l’enseignement universitaire russe a de quoi séduire les étudiants français mais les place devant un choix : double diplôme ou diplôme russe ? À Moscou ou en région ?

Enseignement Atouts des universités russes pour les étrangers

SUITE EN PAGE 3

Dans son programme électoral, Vladimir Poutine a promis des dépenses budgétaires qui alar-ment les économistes en raison d’une conjoncture économique mondiale incertaine.

sie, barrière de la langue. Un séjour d’études en Russie ne s’im-provise pas. Mais à peser le pour et le contre, ces obstacles, pour les Français non russophones, sont largement compensés par la valeur ajoutée qu’apporte un diplôme russe. La qualité de l’en-seignement supérieur dispensé en Russie reste excellente, comme le sont les débouchés profession-nels d’un pays qui continue à connaître une croissance solide par rapport à l’Europe.

Le double diplôme n’est cer-tes pas la seule solution, mais il a bien des avantages et la faveur des établissements français.

Moscou : l’art de faire parler les murs

Relance logique des dépenses militaires russes

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LOISIRS

À l’instar de Pavel 183, l’artis-te de rue révélé par la presse anglophone, le graffiti est en plein essor à Moscou. Les murs illustrés � eurissent à de nom-breux endroits emblématiques de la capitale russe. Saison électorale oblige, les graffiti se colorent de politique. Cette nouvelle vague est dynamisée par Pavel 183, un créateur russe désormais aussi célèbre qu’énig-matique. Portrait de l’homme qui fait hurler les murs.

Jugeant légitime le programme de réarmement annoncé par Vladimir Poutine, le politolo-gue français Philippe Migault estime qu’il ne constitue pas une menace pour ses voisins.

Produit de Russia Beyond the Headlines

SUITE EN PAGE 2

OPINIONSPit adionsed dolorperat ad doloreet, conse vel utpat ali-quat iriusci lluptat. Liquatum verci bla conum vel essequat

EN LIGNE SURLARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

Médecins clowns : le rire comme antidote à la maladieLARUSSIEDAUJOURDHUI.FR/14344

Le 4 mars, 63,6% des élec-teurs russes ont voté pour un retour de Vladimir Poutine au Kremlin jusqu’en 2018. « Cela indique de la part de l’électo-rat une double volonté de voir assurée la stabilité du pays et de voir la réalisation des réfor-mes visées par le président ac-tuel, Dmitri Medvedev », nous explique Hélène Carrère d’En-causse, Secrétaire perpétuel de l’Académie française (lire l’en-tretien qu’elle a accordé à La Russie d’Aujourd’hui en page 2). Les opposants, qui étaient massivement descendus dans la rue après les élections légis-latives du 4 décembre, n’ont pas réussi à formuler des exi-gences concrètes au-delà de « Poutine, va-t-en ! », ni fédé-rer une société civile qui s’est réveillée pour la première fois depuis dix ans. L’opposition se prépare désormais aux prochai-nes échéances, notamment à celle du 5 mai, baptisée « La marche du million ». Comme l’a déclaré le blogueur Alexeï Na-valny, « les opposants se sont rendus compte de l’inutilité de négocier avec les autorités et n’ont donc pas l’intention de coordonner l’organisation de la marche avec le pouvoir », ce qui sera sans doute mal reçu au Kremlin. Que nous réserve l’im-prévisible « printemps russe » ?

Le verdict sans surprise des urnes a refroidi le « printemps russe »

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02 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.frcommuniqué de rossiYsKaYa GaZeTadisTribué aVec le fiGaro Politique

l’électorat a exprimé une volonté de stabilité

enTreTien Avec hélène cArrère d’encAusse

lA clAsse moyenne urbAine, très

éduquée, peut peser sur poutine

et fAire évoluer le systèmeque doit faire Vladimir Poutine pour maintenir la stabilité politi-que dans le pays ?Vladimir Poutine a été élu le 4 mars dernier dans des conditions qui doivent être prises en consi-dération : au premier tour avec un nombre important de voix, plus de 60%. Même si l’on peut penser que ce chiffre est un peu « gonflé » par des « bavures » électorales, le score est au mini-mum de 55%. Cela indique de la part de l’électorat une volon-té de voir assurée la stabilité du pays. Mais aussi une volonté de modernisation du système poli-tique russe. La modernisation implique que les partis d’oppo-sition puissent accéder aux élec-tions et aux institutions. Les ré-formes politiques proposées par le président Medvedev en ce sens doivent être appliquées. Enfin, des mesures d’amnistie sont né-cessaires ; la plus symbolique touche naturellement Mikhaïl Khodorkovski.

l’opposition russe dispose-t-elle de leviers forçant le président à li-béraliser le système politique ?L’opposition est en Russie tota-lement dispersée ; on l’a vu lors des manifestations de l’hiver der-nier où elle n’a pas pu jouer le rôle de guide politique ou de ras-sembleur. En parlant d’opposi-tion, je parle naturellement de l’opposition extérieure au sys-tème, c’est-à-dire des libéraux d’un côté, de l’extrême droite de l’autre. L’opposition libérale compte de remarquables person-nalités, comme Iavlinski, Nemt-sov, Kassianov, Kasparov, Lioud-mila Alexeeva et beaucoup d’autres. Parmi tous ces libéraux, le plus lucide paraît être Vladi-

mir Ryjkov, qui tente vainement d’organiser un regroupement de ses amis. Mais on constate leur faiblesse, leur incapacité à s’or-ganiser ensemble, ce qui conduit la société civile à se choisir des leaders sans assise politique, auto-proclamés, quasi « provi-dentiels ». En définitive, ce sont les citoyens, ceux qui ont mani-festé, même dispersés dans leurs revendications, c’est-à-dire la classe moyenne montante, très éduquée, des grands centres ur-bains qui peut, à terme, peser le plus sur Poutine et faire évoluer le système.

Prokhorov peut-il devenir le pivot de cette opposition ?Le cas Prokhorov est très signi-ficatif. C’est un candidat sans as-sise politique, auto-proclamé, symbole de la plus grande réus-site matérielle, mais aussi repré-sentatif d’une nouvelle généra-tion qui a séduit une part non négligeable des électeurs, en par-ticulier ceux-là mêmes qui, en manifestant, ont prouvé que le sens civique s’était développé en Russie et devenait une compo-sante du débat politique. Pro-khorov, avec ses 8% des voix ob-tenues lors du scrutin du 4 mars, est certainement la grande in-terrogation qui se pose à Vladi-mir Poutine. Si les personnalités libérales et leurs petits partis dis-persés décidaient de se rassem-bler autour de lui, ou surtout s’il créait, comme il l’a annoncé, un parti politique, peut-être Pro-khorov pourrait-il donner le si-gnal d’une unification de toutes les tendances libérales extérieu-res au système. Il ne faut pas sous-estimer l’intelligence poli-tique de Vladimir Poutine, qui

pourrait tenter de « récupérer » Prokhorov en lui faisant place au gouvernement. Il l’a déjà sug-géré. Un tel mouvement présen-terait pour lui un double avan-tage. En nommant ministre Prokhorov, Poutine montrerait qu’il a entendu le message des électeurs qui avaient voté pour ce candidat totalement étranger au système. Mais aussi, Vladimir Poutine l’intègrerait dans le sys-tème et priverait l’opposition li-bérale de cet allié éventuel si po-pulaire soudain.

est-ce que les facteurs déstabili-sants pour le Kremlin se trouvent uniquement à moscou (et saint-

Pétersbourg) ou bien en existe-t-il d’aussi importants dans les régions (caucase, Tatarstan, ex-trême-orient) ?Les facteurs de « déstabilisa-tion » ne sont pas le propre des grandes capitales russes. Mais il en est de différents qui s’an-nulent dans leurs effets, plutôt qu’ils ne peuvent se cumuler. Un certain séparatisme cauca-sien, un profond sentiment na-tional chez les musulmans de la Volga, l’isolationnisme de l’Extrême-Orient sont autant de problèmes qui se posent à Vladimir Poutine, qui doit éla-borer des propositions pour y répondre (le projet d’Union d’Eurasie, qu’il avait avancé dans son grand article des Izves-tia en septembre 2011, va dans ce sens). Mais ces tendances dif-férentes, parfois centrifuges, qui agitent l’espace russe ont pour effet premier de renforcer l’as-piration à la stabilisation du pays d’une majorité de la so-ciété. Le vote du 4 mars l’a mon-tré. La société russe veut des changements, et pas un seul type de changement (moderni-sation politique pour les uns, progrès matériel pour les autres…), mais en même temps elle ne veut pas de bouleverse-ments radicaux.

Propos recueillis parmaria Tchobanov

PosTe : secrétaire

PerPétuel de l’académie

française

Hélène Carrère d’Encausse est une historienne française spécialiste de la Russie, Grand-Croix de la Légion d’honneur. Elle est l’auteur, entre autres ouvrages, de L’Empi-re éclaté (1978), L’URSS de la Ré-volution à la mort de Staline, 1917-1953 (1993), L’Empire d’Eurasie, Une histoire de la Russie de 1552 à nos jours (2005), La Russie en-tre deux mondes (2010).

bioGraPhie

niKa GuiTinelA russie d’Aujourd’hui

finies, les grandes manifestations contre Vladimir Poutine ? les derniers rassemblements témoignent d’une baisse sensible du nombre de participants.

Les « mécontents » fatigués de descendre dans la rueopposition les leaders de la contestation, devant la difficulté de mobiliser leurs troupes, veulent passer à l’étape politique

tants de grâce, où tout semblait possible, ont laissé la place au constat morose que le combat serait très long et ne pouvait plus se limiter à des manifestations de rue.

Les leaders politiques et apo-

qui diffusent des reportages dis-créditant l’opposition, le blo-gueur Alexei Navalny propose d’élaborer une « machine de pro-pagande positive », un système décentralisé, dont les rouages se-raient constitués par chaque op-posant, qui se fixerait pour ob-jectif d’informer sa collectivité des exactions du régime.

« Le pouvoir va serrer les vis », ne doute pas le politologue Dmi-tri Orechkine. « Les réformes de Medvedev, ce sont des miettes pour endormir la contestation. Le pouvoir pense que la boîte de Pandore n’est pas ouverte et que tout va redevenir comme avant. Mais ce n’est pas terminé. Pou-tine a perdu Moscou et Saint-Pétersbourg (scores les plus bas à la présidentielle, ndlr). Et c’est par les deux capitales que l’his-toire s’écrit en Russie ».

Après trois mois de manifesta-tions de masse dans une ambian-ce euphorique, le mouvement de contestation s’est réveillé avec la gueule de bois, le 5 mars, quand le candidat Vladimir Pou-tine a été élu, officiellement avec 63% des voix. Malgré les dizai-nes de milliers d’observateurs volontaires qui ont relevé des milliers d’irrégularités dans le déroulement du scrutin, les ma-nifestations post-électorales n’ont plus rassemblé les foules de décembre et février. Les ins-

ils n’étaient que 20 000 personnes à manifester le 10 mars dernier.

vrier, le journaliste et coorgani-sateur Serguei Parkhomenko affichait un sourire placide. « C’est normal, nous devons mar-quer un temps d’arrêt pour com-prendre ce qui vient de nous ar-river, et nous avons parcouru un chemin colossal en 90 jours, as-surait-il. Il faut désormais réor-ganiser les rangs. Ceux qui se sont mobilisés ces derniers mois ne disparaîtront pas. Mais il faut remplacer le comité d’organisa-tion des manifestations par des comités pour les réformes, pour un nouveau gouvernement ».

Le politicien d’opposition Vla-dimir Ryjkov est convaincu que le combat ne fait que commen-cer. Néanmoins, aux défilés doit désormais succéder la routine fastidieuse qui permettra de ré-former le système de l’intérieur, prévient-il. Les réformes promi-

ses par le Président Medvedev à la suite des premières manifes-tations de décembre devraient permettre à l’opposition d’entrer officiellement en politique en créant des partis.

L’un des principaux acquis des derniers mois reste l’explosion de l’activisme citoyen grâce aux réseaux sociaux et à Internet. La désinformation par les médias d’État est un frein important à tous les efforts de ceux qui com-battent le régime. Pour contrer les chaînes contrôlées par l’État,

poutine en échec à moscou et saint-pétersbourg, rien ne saurait redevenir tout à fait comme avant

Paul duVerneTlA russie d’Aujourd’hui

l’europe et les états-unis ont accueilli avec tiédeur l’élection du premier ministre pour un troisième mandat présidentiel. mais les dirigeants occidentaux ont opté pour le pragmatisme.

L’élection de Vladimir Poutine saluée sobrement

diplomatie les réactions au scrutin russe

Le président américain a fini par féliciter Vladimir Poutine sa-medi 10 mars. Il a réitéré sa vo-lonté de poursuivre le « redémar-rage » des relations entre les deux pays, et même reculé la date du G8 spécialement pour que le sommet se déroule après l’entrée en fonctions du nouveau prési-dent russe, c’est-à-dire le 7 mai prochain.

Dans les autres centres névral-giques de la diplomatie mondia-le, les réactions ont parfaitement respecté le protocole habituel. Les principaux partenaires asia-tiques de Moscou, la Chine, le Japon et la Corée du Sud, ont utilisé la même phraséologie que d’habitude. Les régimes autori-taires entretenant des relations étroites avec Moscou ont cha-leureusement félicité Vladimir Poutine pour son élection, en par-ticulier Mahmoud Ahmadinejad (Iran), Hugo Chavez (Venezuela), Bachar El Assad (Syrie), Alexan-dre Loukachenko (Belarus) et Noursoultan Nazarbaïev (Ka-zakhstan).

Les réactions internationales suivant l’élection d’un chef d’État répondent à un protocole strict et illustrent la qualité des rela-tions bilatérales. Dans le cas de la présidentielle russe, Moscou scrute avec attention le choix des mots (félicitations… ou non) dans les messages de réactions offi-ciels et dans quel ordre. L’atti-tude critique des capitales occi-dentales envers l’état de la démocratie russe a toujours pro-fondément irrité Vladimir Pou-tine. Moscou revendique le droit d’être traité comme un égal par ses pairs du G8 et s’est frayé au cours des dix dernières années un retour au premier plan de la diplomatie mondiale.

Nicolas Sarkozy s’est distingué en étant le seul chef d’État euro-péen à féliciter Vladimir Poutine dès le lendemain de sa victoire à la présidentielle à l’issue du premier tour, le 5 mars. Les com-muniqués de presse britanniques et allemands publiés le même jour sont restés sobres, tandis que les réactions de la diplomatie européenne se faisaient rares. Le président de la Commission Jose Barroso et le président du Conseil de l’Europe Herman van Rom-puy ont d’abord gardé le silence alors qu’ils avaient chaleureuse-ment salué l’élection de Dmitri Medvedev en mars 2008.

De son côté, le président amé-ricain Barack Obama a attendu six jours pour téléphoner à son futur homologue russe. Six jours d’un silence pesant, alors que la Secrétaire d’ État Hillary Clin-ton et l’ambassadeur des États-Unis à Moscou, Michael McFaul, avaient rapidement réagi aux ré-sultats pour faire part de leur « soucis » à la suite de l’arresta-tion d’opposants russes contes-tant la validité du scrutin.

Le retard de la Maison Blan-che a immédiatement suscité l’in-dignation parmi les officiels rus-ses. Alexeï Pouchkov, nouveau président du Comité parlemen-taire pour les relations interna-tionales, déclarait dès le 5 mars qu’il s’agissait d’un « mauvais départ, si Obama veut des rela-tions correctes ».

Vladimir Poutine et dmitri medvedev sur la place du manège.

litiques de l’opposition tentent de faire contre mauvaise fortu-ne bon cœur. En descendant de la scène, après le rassemblement un peu mou du 10 mars dernier, qui n’a réuni que 20 000 person-nes contre les 100 000 du 4 fé-

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03LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.frcommuniqué de rossiYsKaYa GaZeTadisTribué aVec le fiGaro société

étudier en russie : le bon choix

« 37% des accords de double di-plôme passés entre des établis-sements russes et des homolo-gues européens sont d’ailleurs passés avec des établissements français », remarque Nicholas Masek, attaché de coopération universitaire à l’ambassade de France en Russie. Un pourcen-tage qui correspond à une cen-taine de programmes franco-russes. C’est la meilleure façon, estime-t-il, de mettre un pied en Fédération. L’appartenance à une université française par-tenaire dispense en effet de mé-saventures administratives et ménage quelques privilèges en matière de bourses et d’héber-gement. Elle facilite notamment l’obtention d’un visa étudiant.

l’enseignement du russe en france est en recul« Aujourd’hui, on supprime des postes d’enseignant de russe en France », regrette-t-on à l’am-

Si Moscou et Saint-Pétersbourg sont les deux villes russes qui attirent chaque année le plus grand nombre d’étudiants fran-çais, il est des destinations aux-quelles on ne pense guère. Tiou-men, en Sibérie occidentale, est de celles-là, bien qu’elle présen-

La Sibérie, une destination originale et en immersion totale

caroline Gaujard-larsonLa ruSSie d’aujourd’hui

micro-TroTToir

Ce qui les a incités à venir en russie

" J’ai choisi la Russie com-me destination d’année à l’étranger, obligatoire à

Sciences Po Paris, pour découvrir la culture et apprendre la langue. On s’y attache très vite. J’avais certains a priori qui se sont confir-més ou au contraire qui se sont révélés être faux. Il me paraît tout à fait nécessaire de vivre en Rus-sie pour comprendre le pays. Je passe ma troisième année au MGI-MO, où j’étudie le russe et les re-lations internationales. J’aimerais venir travailler en Russie pour une courte durée puis dans d’autres pays de la région du Caucase.hermine de La BoutreSSe

" Mes études slaves m’ont ouvert la possibilité de choisir une université en

Russie ou en Pologne pour un sé-jour d’échange. La Russie m’in-téressait davantage. Je viens de l’Université catholique de Louvain, en Belgique, et en dehors de mes études slaves, je suis des cours de politique, de russe, de polonais et de rédaction journalistique russe. Je suis ici pour un semestre. Je pense que mon échange sera uti-le pour ma carrière. Pour l’instant, c’est surtout une expérience in-téressante, mais qui finira par me servir d’une façon ou d’une autre.Bert deLeerSnijder

" La Russie est pour moi un pays très à part, qui n’at-tire que peu de monde en

Europe. Je suis venu de Sciences Po Paris faire un échange au MGU, où j’étudie le russe, la géopoliti-que, l’histoire de la philosophie. Je suis déjà ici depuis six mois, et je trouve que le peuple russe est fort, car la vie ici est parfois une vraie lutte. Les moments partagés sont en général très intenses, les Russes affichent leurs émotions. Je pense que cette expérience se-ra nécessairement un atout parce que je souhaite faire une carrière en relations franco-russes.maxime audinet

te de sérieux atouts pour qui veut s’initier à la culture russe en im-mersion totale. Léo et Pierre-Yves, respectivement étudiants à Sciences-Po et à l’École de management de Strasbourg, ont fait ce choix. En échange pour un an à l’université d’État de Tioumen, les deux Alsaciens ne tarissent pas d’éloges sur leur nouvel environnement, dont ils

vantent « l’accueil chaleureux de la population » et « la qualité des infrastructures universitai-res ».

« On nous chouchoute lorsqu’on est français à Tiou-men », sourit Léo. Le jeune homme avait le choix entre Mos-cou, Saint-Pétersbourg et Tiou-men : il a choisi la Sibérie pour découvrir la véritable âme russe et ne regrette rien. Avec ses 600 000 habitants, Tioumen est « une ville moderne dont le niveau de vie rivalise avec Saint-Péters-bourg ». Et « dans la mesure où l’on est très peu de Français ici, tout le monde nous aide », ajou-te Léo, qui espère débuter sa car-rière en Russie, pour quelques années au moins.

Pierre-Yves est tout aussi sa-tisfait de son choix. « Ici, on est logé en résidence étudiante avec des Russes, explique-t-il. Je ne parlais pas russe avant de venir, ça a été un peu difficile au début, mais j’ai rapidement progressé. Après quelques mois à Tioumen, je parle aussi bien le russe que l’allemand, qui était ma seconde langue ».

À lire

un guide pour les étudiantsLe Centre de Russie pour la scien-

ce et la culture a publié en octo-bre 2010, en collaboration avec le groupe L’Étudiant, le guide Étudier en Russie.

L’ouvrage présente les diverses possibilités qu’ont les étudiants français de faire leurs études en Russie, en leur fournissant un cer-tain nombre d’informations pra-tiques, mais aussi de témoigna-ges. Ce guide fait suite au premier volume, Pourquoi apprendre le russe ? (CRSC – L’Étudiant, Paris, 2007). Il est disponible partout en librairie.

des stages sous forme de volontariatLe principe du stage est moins répandu en Russie qu’en France, surtout celui du stage rémunéré, quelle que soit sa durée. Les sta-ges se font sur la base du volon-tariat. Pour Sarah, 25 ans, étu-diante à Moscou, « la contrepartie, c’est qu’il y a moins de pression que lors d’un stage rémunéré ». Quand Sarah ne suit pas les cours de l’université de l’Amitié des peu-ples, elle travaille à la rédaction de nouvelles sur le site Internet de

Memorial, une organisation non gouvernementale (ONG) russe de défense des droits de l’homme. « Ma principale tâche relève de la traduction pour le site anglais. J’ai choisi de postuler à Memorial qui reste la première organisation de défense des droits de l’hom-me dans le pays. De plus, son tra-vail est en lien avec la Cour euro-péenne des droits de l’homme de Strasbourg, dont le travail et le fonctionnement me passionnent ».

bassade française à Moscou. « Et la Russie n’a pas non plus une politique très active en matière d’enseignement du russe à

l’étranger ». Ce qui fait se poser le problème de la langue. Un non-russophone peut-il raison-nablement prétendre à des étu-des en Russie ? « Le niveau de russe habituellement exigé par les universités d’accueil est un niveau B1 (moyen) », précise Ni-cholas Masek. Ceux qui ne l’at-teignent pas ont toujours la pos-sibilité d’effectuer un stage linguistique – payant – avant le séjour ou de prétendre à l’un des quelques diplômes russes pour lesquels les cours sont dispen-sés en anglais. Reste que les pro-

fesseurs russes anglophones sont encore rares. « C’est un frein im-portant à la mobilité étudian-te », reconnaît l’attaché de coo-pération universitaire de l’ambassade. Sans compter qu’il est compliqué pour un Français de faire reconnaître en Russie son diplôme de licence pour in-tégrer un programme de maî-trise russe. Des pourparlers sont en cours pour créer de vraies passerelles d’ici à un an. Quen-tin, lui, a tenté l’aventure tout seul. Inscrit en maîtrise de scien-ces politiques au MGIMO (Ins-titut d’ État des relations inter-nat iona les de Moscou ) , spécialité Politiques et Écono-mies eurasiennes, il ne parlait que quelques mots de russe en arrivant. Il a donc opté pour un cursus où l’anglais est la langue d’enseignement. « Le MGIMO a adopté le système européen concernant les diplômes, préci-se-t-il, donc le diplôme sera re-connu en Europe et le système de notation est le même ».

management et gestion en très bonne placeParmi les disciplines qu’il fait bon étudier en Russie, le ma-nagement et la gestion sont en excellente place. C’est dans ces filières, le plus souvent, que les cours sont disponibles en an-glais. « Dans ces domaines, la France a une forte expertise ; du coup les Russes sont très de-mandeurs ». Ainsi, le double di-plôme MBA entre HEC et l’École de management de Saint-Pétersbourg est très bien classé, que ce soit en Russie ou à l’international. De là à effec-tuer son doctorat dans une uni-versité russe, la chose n’est pas aisée. En admettant que le di-plôme de maîtrise français soit re connu en Russie, se pose le problème de la validation de la thèse : même pour une thèse en cotutelle, les professeurs fran-çais sont pour l’instant exclus par les jurys russes.

Plusieurs établissements rus-ses entretiennent une tradition

d’accueil des Français. C’est le cas de l’université d’État de Tioumen en Sibérie (voir notre encadré), de l’université de l’Amitié des peuples de Moscou, de MGU ou encore de l’univer-sité d’État de Saint-Péters-bourg.

« Le principal avantage pour un étudiant français qui vient étudier en Russie est la crédibi-lité qu’il acquiert au regard des entreprises françaises ou inter-nationales implantées en Rus-sie, commente Nicholas Masek. Même si les programmes suivis sont en anglais, on suppose que l’étudiant parle russe. Parallè-lement à leurs cours, les étu-diants sont souvent amenés à effectuer un stage en entreprise (voir notre encadré). C’est un premier contact qui permet par-fois d’être recruté par la suite ». Tant que le stage n’est pas ré-munéré, le visa étudiant suffit. Les choses se compliquent dans le cas contraire : un contrat de travail nécessite en effet un visa de travail. Au palmarès des for-mations qui laissent présager une embauche en Fédération de Russie, on retiendra le manage-ment, l’ingénierie et le droit, même s’il existe encore très peu de doubles diplômes dans cette matière.

5 univerSitéS À douBLeS dipLÔmeS

1 mGimo. Une des universités russes les plus prestigieuses, l’Institut des relations Inter-

nationales (MGIMO) propose un programme de doubles diplômes avec Science Po Paris : Double Master en affaires internationales.

www.mgimo.ru ›

2 mGu. On peut obtenir un double diplôme en littéra-ture française/littérature

comparée à l’Université Lomonos-sov de Moscou, grâce à sa coopé-ration avec Paris Ouest-Nanterre-La Défense (ex Paris X).

www.msu.ru ›

suiTe de la premiÈre paGe

en liGne

Consultezlarussiedaujourdhui.fr/enseignement

Consultez notre dossier sur l’ensei-gnement en Russie :

• Comment les enfants d’expatriés étudient dans les écoles russes ; • Les certificats internationaux pro-posés par Skolkovo ; • Portrait de Sacha Gouschine, di-plômé de Paris Tech Télécom. Cet inventeur facilite la vie des étu-diants européens.

ar

na

ud

FiniStr

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an

Lepikh

ine

3 finec. La maîtrise en fi-nances coexiste avec le programme de l’Université

d’État d’Économie et de Finances de Saint-Pétersbourg et l’Univer-sité Paris Dauphine.

www.finec.ru ›

4 nsu. L’Université d’État de Novossibirsk offre un double diplôme d’ingé-

nieur en coopération avec l’École Polytechnique de Paris.

www.nsu.ru ›

5 L’Université d’État Lobat-chevski de Nijni-Novgorod propose, en coopération

avec l’Université Pierre Mendès-France Grenoble II, un programme de maîtrise (Master 1) en droit in-ternational et européen.

www.unn.ru ›

des études en russie confèrent une crédibilité auprès des multinationales installées dans le pays

Consultez le réseau social consacré aux étudiants français en Russie :

www.unifr.org

Page 4: La Russie d'Aujourd'hui

04 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.frcommuniqué de rossiYsKaYa GaZeTadisTribué aVec le fiGaro économie

en bref

Le groupe français Alstom a in-vité le maire de Moscou Ser-gueï Sobyanine à monter à bord d’un tramway Citadis spécia-lement importé de France pour l’occasion. Il s’agit d’une ver-sion, adaptée aux conditions climatiques russes, du Citadis qui équipe 52 villes dans le monde, dont 18 en France. Le PDG d’Alstom Patrick Kron s’est déplacé pour convaincre Moscou, qui a lancé un appel d’offres pour renouveler toutes ses lignes. Alstom, qui est allié avec le constructeur russe TMH, participe également à un appel d’offres à Saint-Pétersbourg.

Le gouvernement songe à ins-taurer un quota minimum de films russes sur les écrans do-mestiques, a révélé le quotidien Kommersant le 13 mars der-nier. L’objectif est de réserver au cinéma national 24% du temps de projection en salle. La mesure s’inspire des récents quotas imposés par les gouver-nements indien et chinois.

La taille du marché du ciné-ma connaît une croissance ré-gulière et frôle le milliard de dollars. Mais le cinéma russe ne représente que 16% du mar-ché. Les propriétaires de salles craignent qu’une telle mesure ne réduise leurs bénéfices sans pour autant améliorer la qua-lité des productions russes.

alstom tente de vendre son tramway

quota en faveur du cinéma russe

Le groupe français Bonduelle, spécialisé dans les légumes en conserve et les surgelés, a reçu l’autorisation du Service anti-monopole russe de reprendre 99% des parts de la société Koubanskie Konservy, détenues par un autre français, Cecab Group. Il s’agit d’une usine de production et de transforma-tion de légumes surgelés, lan-cée en 2007, et d’une exploita-tion agricole (6 000 ha de terrains en bail pour 25 ans) dans la région de Krasnodar. En janvier, Bonduelle avait an-noncé un accord avec Cecab sur la reprise des actifs commer-ciaux et agricoles de ce groupe en Russie et dans la Commu-nauté des États indépendants (CEI). Présent en Russie depuis 1994, Bonduelle possède une usine près de Krasnodar, à 30 km de l’usine de Cecab.

bonduelle élargit sa présence en russie

paul duVerneTLa russie d’aujourd’hui

fraîchement élu sur un programme très dispendieux, Vladimir poutine suscite un débat des économistes sur des modes de financement restant liés aux richesses naturelles.

poutine axe sa politique sur la manne des pétrodollars

budget Le cours du pétrole et des matières premières va-t-il suffire pour équilibrer le budget ?

de l’électricité à de grands grou-pes privés. Une mesure qui a per-mis, juste avant les élections, de réduire à un niveau record l’in-flation (4,2%). Les experts s’at-tendent à un retour de bâton dès que le gel sera levé plus tard cette année.

Selon Vladimir Poutine, les dé-penses budgétaires pour les pro-grammes sociaux vont représen-

ter environ 1,5% du produit intérieur brut russe (PIB). Le mi-nistre des Finances Anton Si-louanov le situe pour sa part à 2% du PIB, soit 26 milliards d’euros. Une étude de la banque d’État Sberbank – qui addition-ne toutes les dépenses budgétai-res promises par le nouveau pré-sident – place l’estimation entre 4 et 5% du PIB. L’expertise la moins favorable vient de l’agen-ce de notation Fitch, qui parle de 122 milliards de dollars, soit 8% du PIB.

Selon l’ancien ministre de l’Économie Andrei Netchaïev, « ce serait inquiétant, mais pas effrayant, si l’économie se trou-vait engagée dans une croissan-ce forte et stable. Malheureuse-ment, la menace d’une récession empirant en Europe, l’atterris-sage brutal de l’économie chinoi-

Difficile de dire à quel point les promesses électorales de Vladi-mir Poutine ont joué en sa fa-veur auprès de l’électorat. Ce qui est certain, c’est qu’elles ont beaucoup animé le débat parmi les économistes. Nombreux sont ceux qui ont émis l’hypothèse d’un virage à 180° après les an-nées de prudence budgétaire sous la houlette de l’ancien ministre des Finances Alexeï Koudrine.

Parmi les principaux postes de dépenses que la nouvelle ad-ministration s’est engagée à res-pecter, figurent un monumental programme de réarmement (520 milliards d’euros étalés jusqu’à 2020) et une augmentation mas-sive des salaires dans la fonction publique. Les traitements des po-liciers et des militaires ont été doublés en janvier dernier. Toute une série de très gros chantiers, comme les olympiades d’hiver de Sotchi (2014), l’organisation du Forum Asie-Pacifique cette année et la Coupe du monde de football en 2018, vont considé-rablement peser sur le budget fédéral.

L’effort ne concerne pas que le budget de l’État. Vladimir Pou-tine a également imposé un gel des prix du gaz, de l’essence et

se et la faible croissance améri-caine constituent un contexte extrêmement défavorable pour l’économie russe, qui dépend très fortement de la conjoncture in-ternationale pour l’exportation de ses matières premières ».

D’autres problèmes se profi-lent à l’horizon : la balance com-merciale reste positive, mais la tendance est à une dégradation rapide. La Russie continue de manquer cruellement d’investis-sements étrangers directs (par rapports à ses pairs des pays du BRIC - Brésil, Russie, Inde et Chine).

Chris Weafer, stratège en chef à la banque d’investissement Troika Dialog, note que « l’éco-nomie est en relativement bon état, avec un niveau actuel du baril de pétrole permettant d’ex-porter pour 690 millions d’euros par jour », mais il souligne que « le prochain gouvernement ne peut plus se contenter de tabler sur la manne pétrolière pour ob-tenir croissance et stabilité do-mestiques ». Le budget fédéral a besoin d’un baril à 115 dollars pour atteindre l’équilibre. Ces dernières semaines, le prix a os-cillé entre 120 et 125 dollars. Fin février, la banque américaine Ci-tibank estimait qu’un baril à 150 dollars en moyenne serait le point d’équilibre du budget russe. Le consensus des experts prédit une croissance de 3 à 4% de l’économie à condition que le cours du baril reste à des niveaux élevés que rien ne garantit dans un climat mondial morose.

Pour Chris Weafer, L’économie russe « a besoin de nouveaux vec-teurs de croissance venant d’ailleurs que de l’exploitation des ressources minérales. La Rus-sie doit améliorer le climat d’in-vestissement, faciliter la création d’entreprises et réduire le senti-ment de pays à risque qui lui colle à la peau ».

alexandra ponomareVaThe moscow news

depuis l’effondrement de l’union soviétique, le niveau de vie des russes a considérable-ment augmenté, d’où un véri-table boum de la consom-mation. mais la crise de 2008 fait toujours sentir ses effets.

La progression du niveau de vie marque le pas

consommation L’indice de confiance des russes en berne

Avec des salaires plus élevés, les citoyens partent plus souvent en vacances, la voiture est passée du statut d’objet de luxe à celui d’achat banal et en matière de lo-gement, le nombre de mètres car-rés par personne a augmenté de près d’un tiers. Toutefois, selon le Service des statistiques Rosstat, la tendance s’est arrêtée. La confiance des consommateurs n’est pas complètement revenue depuis la crise de 2008. Et le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté a de nouveau augmenté en 2011.

Avant la crise, la consomma-tion en Russie était très satisfai-sante par rapport à d’autres pays, fait remarquer le chef du service, Alexandre Sourinov. En 2008, chaque foyer dépensait en moyen-ne annuelle 9 852 euros, un chiffre qui place le pays à un niveau com-parable à la Croatie et la Letto-nie, mais loin derrière l’Alle magne, où une famille dépense 19 000 euros par an.

Il est cependant beaucoup plus édifiant de mettre en parallèle la Russie d’aujourd’hui et celle d’il y a vingt ans. Pour ce faire, le Ser-

contre 14,5%). Les dépenses pour les services sont passées de 14% à 27%.

Un autre indicateur utilisé par les sociologues pour analyser le niveau de vie est la répartition du temps quotidien du citoyen actif. On considère que plus long est le temps dont on dispose pour ses loisirs, plus la qualité de vie est élevée. Selon cette logique, la vie des Russes des deux sexes n’a pas beaucoup évolué au cours des 20 dernières années. Actuellement, le citoyen russe type travaille en moyenne un peu moins que celui de 1990 : l’exercice des fonctions professionnelles occupait 30% du temps quotidien (soit 7 heures 10 minutes) en 2008 contre près de 32% (environ 7 heures et 40 mi-nutes) il y a 20 ans. Le temps de travail des femmes a diminué de façon plus marquée : en 1990, il représentait 29% de la journée (environ 7 heures), il est désor-mais de 25,4% (environ 6 heures). Les femmes consacrent moins de temps aux tâches domestiques.

L’indice de confiance des consommateurs, qui mesure les at-tentes des citoyens, n’a pas retrou-vé ses niveaux d’avant la crise de 2008. En 2011, il est resté dans la zone négative à environ -7%, ce qui signifie que les pessimistes sont plus nombreux que les optimis-tes. À titre de comparaison, au pays où la confiance est la plus grande, la Suède, il était en novembre 2011 de 2,8%, et de -70%en Grèce, où règne l’incertitude. Le nombre de Russes vivant en Russie en des-sous du seuil de pauvreté est cer-tes en baisse par rapport à 1992. De 33,5%, il a été ramené à 12,6% en 2010. Mais il a légèrement re-monté à 12,8% l’année dernière. Finie, l’embellie ?

Article paru dansmoskovskie novosti

VoronoVa, TrifonoV, KoudinoVvedomosTi

la banque centrale souhaite profiter de la situation favorable sur les marchés pour vendre 7,6% de ses parts au sein de sberbank. À l’automne viendra le tour de la banque VTb.

Sberbank sur la voie de la privatisation

banque L’ État se désengage du secteur

té, indique le membre du conseil de surveillance de Sberbank Oulioukaïev, et que la transaction soit un modèle du genre : « C’est un titre très particulièr, sur lequel s’orienteront ensuite les investis-seurs dans le cadre d’un grand nombre de placements russes. Il faut faire preuve d’une grande res-ponsabilité ». La fenêtre suivante s’ouvrira en automne, estiment les financiers. VTB, une autre banque d’État, prévoit de s’y risquer. Le président de VTB, Andreï Kosti-ne, a déjà déclaré que la vente du paquet d’actions appartenant à l’État pourrait être conjuguée avec le placement d’actions nouvelle-ment émises.

Dans le courant de l’automne, la fenêtre devrait probablement être également ouverte, a déclaré le représentant de Gazprombank Zokine, principalement en rai-son des élections aux États-Unis : « Avant ce délai, il ne devrait pas y avoir de chocs importants sur [les marchés] ; il ne faut pas oublier que de nombreux élec-teurs aux États-Unis sont des par-ticipants actifs du boursier ». Les questions posées à la Banque cen-trale sont restées sans réponse. Les représentants de Sberbank, de VTB et des banques organisa-trices de la transaction se sont refusés à tout commentaire.

Article paru dansVedomosti

La plus importante opération de privatisation de cette année pour-rait avoir lieu en avril. La Ban-que centrale a décidé de céder 7,6% de ses parts dans Sberbank, ne conservant que le bloc de contrôle de 50% plus une action. Initialement, la Banque centrale avait fixé l’opération pour sep-tembre de l’année dernière, mais en raison de la dégradation de la situation sur les marchés, elle l’avait reportée sine die. En se ba-sant sur un prix de 100 roubles, le paquet d’actions de la Banque centrale est estimé à plus de 164 milliards de roubles (4,1 milliards d’euros). « Désormais, l’horizon de cotation a augmenté à 120 rou-bles l’action, mais la vente aura lieu à 100 [roubles] », explique un courtier. « Très probablement, le placement aura lieu durant la deuxième quinzaine d’avril à 100 roubles », renchérit le gérant d’un fonds d’actions. « Si j’étais sous-cripteur, je conseillerais de les pla-cer en avril », indique une autre source.

La Banque centrale ne s’inté-resse pas uniquement au prix. Elle s’attend à ce que le livre d’ordres soit rempli à trois fois sa capaci-

répartition des dépenses sociales

les achats de biens durables

115 dollarsPrix du baril de pé-trole correspondant au point d’équilibre actuel du budget russe.

690 milionsSomme engrangée chaque jour par la Russie grâce aux ex-portations de pétrole.

1,5%Déficit budgétaire pré-vu pour cette année. La Russie risque de voir ce chiffre exploser.

en chiffres

L’économie russe a besoin de vecteurs de croissance autres que l’exploitation des ressources minérales

vice des statistiques a comparé la structure des dépenses des consommateurs en 1990 et en 2010. Plus le revenu du ménage est élevé, moindre est la propor-tion de ses dépenses destinées aux produits de base. En re vanche, les dépenses en services aug mentent. Selon ce critère, les Russes vivent effectivement mieux. Au lende-main de l’effondrement de l’Union soviétique, la nourriture absorbait près de la moitié du revenu moyen des Russes, contre 30% seulement en 2010. On dépense moins en al-cool (1,7% contre 2,5%) et en ha-billement et chaussures (11%

phoToxpress

phoToxpress

© denis grishkin_ria novosTi

budget dépendant des prix du pétrole

Page 5: La Russie d'Aujourd'hui

05LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Régions

GRIGORI KOUBATIANELA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

La fortune des « Nouveaux Russes » et la quête de pos-térité des politiciens finan-cent les cloches de l’Église orthodoxe pour le plus grand bonheur d’un fabricant.

Le grand retour des cloches et de leur fabrication artisanale

Durant toute la pé-riode soviétique, les cloches s’étaient tues : brisées, em-portées à l'étran-ger, oubliées dans les locaux an-nexes des égli-ses. Avant la révolution de 1917, le volu-m e d e moulage annuel de cloches en Rus-sie atteignait 2 000 tonnes. La plus grande cloche au monde est la Tsar Kolokol du Kremlin, qui pèse plus de 200 tonnes. Aujourd'hui, la production de cloches renaît en Russie. La ville de Voronej est devenue l’un des centres de cet artisanat. En 1989, l'entrepreneur local Valery Anis-simov a ouvert à la périphérie de la ville une unité de fonte et de moulage privée. Depuis, il a coulé plus de 20 000 cloches.

Des Vietnamiens ont commandé une cloche de 250 tonnes.

Des cloches de tous âges et tous poidsLe premier carillon fut créé sous les ordres de Pierre 1er, avant d’être détruit dans un incendie en 1756. L’impératrice Elisabeth 1ère de Russie ordonna un nou-vel instrument qui, en 1856, se désaccorda et fut en conséquen-ce démantelé en 1858. Pendant

la Révolution, le carillon avait été sérieusement endommagé. En 2003, pour le 300e anniversaire de la ville de Saint-Pétersbourg, un nouveau carillon de 51 cloches, pesant 15 tonnes, fut inauguré. La plus grosse cloche pèse 3 075 kg, la plus petite, moins de 10 kg.

HEIDI BEHALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Voronej et son marché vous réservent des sensations d’un autre âge : curieux voyage dans le temps offert par une ville en partie rasée pendant la Seconde Guerre mondiale.

Voronej, ou le passé au présentDécouverte Voyage dans le temps et dans l’atmosphère d’une ville au caractère authentique, située au cœur des « terres noires »

C’est un « village » de près d’un million d’habitants, situé à 490 kilomètres au sud-est de Mos-cou, au cœur des fameuses ter-res noires (« Tchernoziem »), le grenier à blé de la Russie. Ces dernières années, elle s’est déve-loppée rapidement et donne aujourd’hui l’impression d’une petite cité débordante de monde et d’activité. Ni tramway ni métro ne circulent ici. Dans les auto-bus bondés, on fait passer ses roubles de l’arrière à l’avant et on attend que la monnaie fasse le trajet inverse. Faire du touris-me à Voronej signi� e sortir des sentiers battus.

Les habitants baptisent affec-tueusement « mer de Voronej » le lac de barrage qui divise la ville. C’est parce qu’ils se sou-viennent que Pierre le Grand fonda ici un chantier naval relié à la mer d’Azov par le Don. Le tsar vécut longtemps à Voronej et y développa sa � otte.

Sur la rive droite du lac de re-tenue se trouve le centre histo-rique de cette ville forti� ée âgée de 425 ans. Là, à quelques rues seulement du McDonald’s et de l’urbanisation, les rues escarpées qui dévalent la pente ne sont pas bitumées, les petites maisons co-lorées ne sont pas raccordées au tout-à-l’égout et les gens saluent aimablement les promeneurs qui passent devant leurs habitations. Sur la rive gauche du lac, que traversent quatre grands ponts, de nombreux quartiers mènent leur propre vie, véritables mi-crocosmes organisés autour des marchés, des cinémas et des cafés.

Toute l’année, les habitants de Voronej bravent la chaleur, le froid - selon la saison - et le chaos de la circulation routière : les rues et les trottoirs sont animés, et sur le marché central, on peine à se frayer un passage aux heu-res de pointe, même quand il fait -20°C. On imagine une brochu-re touristique évoquant une ex-périence de shopping inédite : les poissons sautent littéralement de leurs bacs dans les sacs des chalandes et les vieilles chan-sons à succès russes grésillant des postes radio ajoutent encore de l’authenticité à ce décor.

Pénétrons dans la halle du marché : au sous-sol sont alignés de petits stands de vente de sa-lades où Vera, Julia et Lena ten-

Valery a un peu plus de 55 ans. Il a appelé sa société « Véra », en l'honneur de sa femme, mais aussi en référence à la foi chré-tienne (Véra = Foi, en russe). Ses propos sont ponctués par les mots en slavon, sorte de latin slave. Ce ne sont pas les com-mandes qui manquent pour sa société. « Des Vietnamiens veu-lent nous commander une clo-che de 250 tonnes. Ce sera la plus grosse du monde », prédit Anis-simov.

Les premières années de pro-duction furent difficiles. Il fal-lait tout reprendre à zéro sans expérience ni connaissances. Va-lery a étudié la technique de la fabrication des cloches grâce à un livre du début du XXe siècle trouvé par hasard à la biblio-thèque Lénine de Moscou. Puis il est passé à la haute technolo-gie. Les modèles de cloches sont conçus sur ordinateur ; les icô-nes, dessinées par les peintres sur la cire, sont scannées et en-registrées dans une base de don-nées, puis le laser découpe les surfaces travaillées.

Pour Valery, la production de cloches n’est pas seulement une affaire rentable, c’est aussi une entreprise morale. Pour que l’usi-ne prospère, il faut réduire les frais en évitant d’acheter l'équi-

pement, très coûteux, à l’étran-ger, ce qui oblige à emprunter et devenir esclave de sa banque. Les vieilles recettes soviétiques et autres astuces doivent être ex-ploitées au maximum pour ré-duire les coûts de production.

« Il faut tout faire pour 10 fois moins cher. Pour transporter une cloche très lourde, il faut payer la location d’une grue Liebherr 650 000 roubles (16 250 euros) par jour. Mais il est possible de payer 5 conducteurs de tracteur 1 000 roubles (25 euro) chacun, précise Valery Anissimov. L'Égli-se n’a jamais acheté de cloches. Ce sont les « nouveaux Russes », en tant que mécènes, qui payent. L’argent est géré par les fonds intermédiaires sous la curatelle du ministère de la Culture ». Les députés, les sénateurs et les gou-verneurs souhaitent apporter leur obole à la fonte de la clo-che, en échange de leur nom, gravé dans le bronze. Pour eux, c’est un chemin tout tracé vers l'éternité, mais « le style des clo-ches, y compris les inscriptions, doit être obligatoirement ap-prouvé par le Patriarche ».

Les cloches russes sont plus lourdes que celles d’Europe. Pour les faire sonner, on utilise sur-tout le langage de cet « instru-ment » car à trop solliciter un tel géant de bronze, on prend le risque de démolir la chapelle ! Plus la cloche est imposante, plus le son est grave et porte loin. Aujourd’hui, malheureusement, le bruit des mégalopoles, enva-hies par le vacarme de la circu-lation et des chantiers, couvre de plus en plus le son des clo-ches, aussi lourdes soient-elles.

tent d’attirer la clientèle. Chez elles, les clients peuvent dégus-ter des assortiments de salades russes. Sur les stands de froma-ge aussi, on peut goûter les pro-duits : fromage blanc à la vanille et aux raisins, fromage de chè-vre fait maison ou cornichons malossol.

Tout autour de la halle, des babouchki sont assises sur des chaises pliantes devant leurs marchandises. Ce sont de peti-tes grand-mères dont on s’ima-gine qu’elles plantent et récol-tent dans leur propre jardin les poireaux ou les carottes terreu-ses qu’elles vendent. Ici, on achè-te les marchandises à des per-sonnes, pas à des marques. Dans un autre coin du marché, on trou-ve du pain complet et des petits pains frais.

Les amateurs de culture trou-veront à Voronej les repères rus-ses habituels : des monuments

à la gloire de Lénine ou du poète Sergueï Essenine, une � amme éternelle et autres monuments aux morts. Le musée Kramskoï et la galerie Visages de Voronej invitent à la contemplation. Il y a presque tous les jours des re-présentations au Théâtre d’Opé-ra et de Ballet, où les œuvres du répertoire classique comme Le Lac des Cygnes alternent avec des opérettes russes pleines de cris stridents et des interpréta-tions avant-gardistes de Mac-beth. Un autre spectacle qui vaut le coup d’œil : une représenta-tion de Cendrillon au théâtre de marionnettes Chout (« Le Bouf-fon »). On y a célébré récemment la journée mondiale des marion-nettistes.

En hiver, par une températu-re moyenne de -20°C, les pê-cheurs à la ligne pullulent sur le lac ; � n mars, ils affirment qu’une voiture peut encore rouler sur la

glace sans passer au travers. Ils sont heureux de voir des visi-teurs intéressés et racontent de bon cœur que la veille, un de leurs collègues est tombé dans l’eau, que « vite, vite » ils l’ont sorti des � ots glacés et qu’il s’est ensuite remis à pêcher. L’été, le climat continental se manifeste de nouveau : le thermomètre monte jusqu’à 40°C ; en septem-

bre et en octobre, le soleil chauf-fe encore longtemps.

C’est vrai, à Voronej, les odeurs sont parfois désagréables. Mais qui n’a pas de temps en temps une bouffée de nostalgie en hu-mant les gaz d’échappement d’un vieux tacot diesel ? À l’oreille aussi, les Lada, Volga et Gazelle russes créent une ambiance so-nore disparue en Europe. Les

Pour s’y rendreLa compagnie Polet Air-lines (www.polet.ru) pro-pose des vols pour Voro-

nej au départ de Moscou où des correspondances sont assurées à partir des aéroports Vnukovo et Domodedovo. Autre solution : la gare Paveletsky de Moscou, d’où part le train de nuit (10 heures de trajet).

Où se loger Un hôtel de standing élevé est à recommander dans le centre-ville : l’Art Hôtel

(www.arthotelv.com), qui propose une chambre double à environ 150 euros. Pour les routards, on peut conseiller l’Hostel Aschur (www.star-hostel.ru/gostinica_ajur.html). 12 euros la nuit et c’est à un quart d’heure à pied du centre.

Où se restaurer Le restaurant Pouchkine, dans le bâtiment en forme de « fer à repasser » situé

au n° 1 de la rue Pouchkine, pro-pose une cuisine russe de qualité.Le café-bar BARack O’Mama, comme l’indique le jeu de mots, n’a rien de très russe : tortillas et musique « live » au menu. Au n° 35 Prospect Revolutsii.

gens d’ici sont discrets sur leur attachement à leur ville. Ils ne l’aiment pas outre mesure, n’en sont pas � ers, ils en pro� tent sim-plement. Voronej manque peut-être de trottoirs bien balayés et de véhicules équipés de � ltres à particules, mais pas de cette vi-talité et de cette effervescence qui donnent à une ville son ca-ractère si particulier.

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Voir notre diaporama surlarussiedaujourdhui.fr

Page 6: La Russie d'Aujourd'hui

06 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.frcommuniqué de rossiYsKaYa GaZeTadisTribué aVec le fiGaro opinions

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préparé parVeronika dorman

lu dans la presseEn prison pour crimE dE lèsE-majEsté ?

le 21 février dernier, des jeunes femmes cagoulées du groupe de punk-rock dissident « pussy riot » ont fait irruption dans la cathédrale centrale de moscou et ont chanté à tue-tête « marie, mère de dieu, chasse poutine ». deux d’entre elles, mères de jeu-nes enfants, ont été arrêtées par la suite et emprisonnées. de-puis, le débat ne tarit pas, dans tous les médias, sur l’attitude que devraient adopter l’église, les croyants, l’état.

l’éGlise sur la selleTTe Olga Allenovaogoniok

Trop près du pouVoirÉditorialgazEta.ru

qu’elles se repenTenT !Dmitri Stechinekomsomolskaya pravda

La haine des orthodoxes qui ac-cusent Pussy Riot provoquera un rejet de l’orthodoxie par une par-tie de la société. On entend déjà partout qu’une religion qui per-met d’incarcérer pour sept ans les mères de jeunes enfants est une mauvaise religion. Les hiérarques devraient montrer l’exemple de la dévotion chrétienne et pardonner les filles. Dieu les punira si elles le méritent. La société risque de se mettre en colère contre l’Égli-se, qui sera la première à pâtir de cette histoire. Une Église forte, re-posant sur le peuple et non sur les hiérarques, représente un concur-rent dangereux pour le pouvoir, qui tire en fin de compte profit de ce discrédit.

Si le patriarche Kirill parle de l’ar-rivée de Poutine au pouvoir com-me d’un « miracle divin », alors l’action anti-Poutine du grou-pe dans la principale cathédrale du pays ne peut être perçue que comme une insulte par l’Église et l’État. Les pouvoirs civils et reli-gieux transforment des jeunes im-pertinentes en victimes sacrificiel-les du régime. Si elles n’avaient pas été mises en détention avant le procès, il ne serait resté de la « prière punk » qu’une vidéo sur Youtube. Aucun croyant n’a vu sa foi faiblir après avoir regardé cette « prière punk ». En revanche, tous voient dans l’arrestation et dans la poursuite pénale une cruauté in-justifiée de l’Église et de l’État.

Il faut laisser sortir les punkettes d’une prison qui ne les rééduque-ra pas. La société peut répondre autrement. Il y a assez de croyants chez nous, et les musulmans se joindront sans doute aux ortho-doxes outragés. Quand on refuse-ra aux punkettes de louer un ap-partement, d’acheter du pain ou un billet de train, quelque chose changera peut-être chez elles. El-les comprendront qu’elles ont of-fensé un grand nombre de gens. Elles se sentiront mal à l’aise, avec une seule solution : le repentir pu-blic. Sur l’échafaud de la Place Rouge, là où elles ont accompli leur action précédente. Et je serai le premier à leur pardonner. Mais qu’elles se repentent !

la démographie soutient la croissance

evguéni Gavrilenkov

troïka dialog

malgré le reproche fait par certains au Servi-ce fédéral russe des statistiques (Rosstat)

sur le manque d’exactitude des chiffres du recensement de la po-pulation, les facteurs indirects tels que la hausse des ventes de détail, y compris dans le secteur alimentaire, confirment que la situation démographique n’est plus aussi catastrophique qu’il y a dix, voire même cinq ans.

En Russie, les points négatifs comme la faiblesse des institu-tions, la corruption, la fuite des capitaux, la forte dépendance à l’égard du prix du baril ont mal-heureusement tendance à éclip-ser les grandes avancées que connaît le pays. Cela a été par-ticulièrement flagrant en 2011, où les investisseurs étrangers se sont détournés de la Russie, in-voquant des risques politiques accrus et une importante fuite de capitaux.

Pourtant, la croissance écono-mique est toujours au rendez-vous et il est probable qu’elle se poursuivra cette année encore, malgré un léger ralentissement. Ce qui permet de conclure que les facteurs positifs sont plus nombreux que les négatifs.

Un des facteurs contribuant à maintenir cette croissance est l’amélioration de la situation dé-mographique. Selon Rosstat, fin 2009, la population russe était de 141,9 millions d’habitants ; en 2010, elle était de 142,9 mil-lions, un chiffre bien plus élevé que prévu. Et en 2011, elle aurait augmenté d’environ 100 000 per-sonnes pour atteindre 143 mil-lions de résidents permanents. La migration n’est pas la seule raison de cette amélioration dé-mographique.

En Russie, la population a ar-rêté de diminuer vers 2007-2008, pour se stabiliser, avant d’enre-gistrer une légère augmentation en 2010. Toutefois, le processus de déclin avait déjà ralenti quel-ques années auparavant pour laisser place à une dynamique plus forte que les pronostics « les plus optimistes ».

L’allongement de l’espérance de vie, qui avait chuté pour les hommes comme pour les fem-mes au début des années 90, est également un signe encoura-geant. En 2009, la moyenne de 68,7 ans était de nouveau attein-te (62,8 pour les hommes et 74,7 pour les femmes). Si l’on se fie

aux données de 2010-2011, ces chiffres continuent de grimper.

Depuis les années 2000, la na-talité augmente progressivement tandis que la mortalité baisse. L’accroissement naturel de la po-pulation reste négatif mais dans une moindre mesure que ces vingt dernières années. Les gran-des causes de mortalité propres à la population russe par rap-port aux pays développés, comme les accidents de la route, l’alco-ol ou la drogue sont toujours d’actualité mais les chiffres ont tendance à baisser. C’est, sem-ble-t-il, le résultat d’une amé-lioration du bien-être conjuguée à des mesures efficaces de l’ État pour stimuler la natalité.

Indéniablement, l’immigration a joué un rôle crucial dans la stabilisation démographique de la Russie. Les immigrés sont en majeure partie des personnes en âge de travailler, ce qui a contri-bué à renforcer la part de la po-pulation active (alors qu’une baisse de plus de 500 000 per-sonnes par an était attendue en 2006-2007). L’immigration a per-mis à la Russie de maintenir une certaine stabilité, sans avoir un plus grand nombre de bouches à nourrir par travailleur.

Le flux d’immigration le plus important a été observé au début des années 1990, venu en gran-de partie des ex-pays de l’Union soviétique. Après une période de baisse, l’immigration a repris de-puis six ou sept ans. Le fait plus marquant est que le flux ne pro-vient pas uniquement d’alliés proches mais également de la Géorgie ou des pays baltes.

Notons également qu’en 2011, le solde migratoire de la Russie était positif avec certains pays développés comme l’Allemagne et Israël (sans parler de la Grèce). Bien sûr, le volume des échanges migratoires avec ces pays est sensiblement moindre qu’avec l’Asie centrale mais force est de constater que la tendan-ce observée se confirme. Les in-vestissements directs à partir de ces pays s’accompagnent d’un renfort de capital humain, sou-

vent constitué de cadres supé-rieurs.

La Russie est-elle un pays at-tractif ? C’est une affaire de goût. Mais le solde migratoire positif est en tout cas un très bon signe. La Russie peut donc être une source de revenu pour des travailleurs immigrés, mo-tivés, qui vont peu à peu influer sur le milieu social et politique du pays. Toutefois, il ne faut pas omettre le rôle crucial joué dans cette amélioration démographi-que par les programmes sociaux de soutien à la natalité, ainsi que par le contexte de croissance économique qui a renforcé la confiance en l’avenir au sein de la population russe. Les autori-tés semblent aujourd’hui prêtes à prendre en compte l’importan-ce du facteur démographique et à adopter les mesures nécessai-res pour libéraliser les lois sur l’immigration. La politique so-ciale devra être axée sur le re-tour à l’équilibre démographi-que dans le pays, ce qui passe par une hausse de la natalité et une baisse de la mortalité.

Evguéni Gavrilenkov est éco-nomiste en chef à la banque d’investissement « Troïka Dia-log ».

article publié dans Vedomosti

les points négatifs comme la corruption ou la fuite des capitaux ont tendance à éclipser les grandes avancées

les autorités réalisent l’importance du facteur démographique et libéralisent les lois sur l’immigration

réarmement légitime

philippe migaultspécialEmEnt pour

la russiE d’aujourd’hui

les récentes déclarations de Vladimir Poutine, promet-tant un très ambitieux plan de réarmement des forces

armées russes, ont suscité bien des réactions en Europe occidentale. Le spectre d’un éventuel retour de la Guerre froide a aussitôt été agité par la presse. Pourtant, il suffit de s’en tenir aux faits pour comprendre que cette annonce ne constitue pas une menace.

Le Premier ministre russe a évoqué un programme de « réar-mement sans précédent ». Il ne s'agit donc pas d'un renforcement de l'armée russe mais d'une re-constitution de ses capacités mi-litaires. Celles-ci n’ont plus rien à voir avec celles de l’Armée so-viétique. En dehors d’un nombre réduit de missiles, d’avions de combat ou de navires modernes, l’arsenal est largement obsolète.

Les bombardiers stratégiques - comme leurs homologues améri-cains - n’ont plus guère de perti-nence dans un contexte où les défenses antiaériennes sont de plus en plus performantes. Les missiles intercontinentaux SS-18 et SS-19, les sous-marins de type Delta IV ou Typhoon, vivent leurs dernières années de service. Une nouvelle génération de matériels prometteurs, les sous-marins nu-cléaires lanceurs d’engins de la classe Boreï, l’avion de combat T-50, les missiles RS-24 Yars, S-400, S-500, sont en cours de développement ou d’acquisition. Mais il faudra des années pour qu’ils équipent l’ensemble des ré-giments ou escadrilles qui doivent aujourd’hui se contenter d'engins périmés.

Quant au degré d’investisse-ment « sans précédent » envisagé, ce n’est pas un véritable infléchis-sement politique. Certes les som-mes qui devraient être consacrées au réarmement des forces russes semblent colossales : 590 milliards d’euros sur dix ans... On dépasse le plan de réarmement engagé par Dmitri Medvedev sur la période 2011-2020 (474 milliards d’euros sur dix ans pour les acquisitions d’armement) et, à ce titre, il est effectivement justifié de parler

une nécessaire modernisation face à des menaces comme le fondamentalisme sunnite, entre autres

d’effort d’une portée inédite. Mais il faut comparer ce chiffre aux sommes investies par les autres puissances militaires majeures. Vladimir Poutine est prêt à consa-crer à la défense 78 milliards de dollars chaque année ? La Mai-son Blanche accorde 600 milliards au Pentagone. La Chine, qui dis-posait d’un budget de défense de 119,8 milliards de dollars en 2011, devrait atteindre les 238 milliards en 2015 selon des estimations américaines. Même l’Europe des 27, en pleine tourmente financiè-re, consent chaque année un in-vestissement de plus de 260 mil-liards de dollars à ses forces armées. Dans ce contexte, le pro-jet de Vladimir Poutine paraît net-tement plus mesuré…

Au demeurant, ce programme ne fait que prolonger l’ambitieu-se réforme des armées russes ini-tiée par l’administration Medve-dev sous la houlette d’un ministre de la Défense « de choc », Ana-toly Serdioukov. Depuis quelques années celui-ci mène un effort qui fait grincer bien des dents dans les rangs des généraux russes, mais qui ne pouvait plus atten-dre compte tenu de l’état de dé-labrement de l’appareil militaire. Si le Kremlin a gagné en Tchét-chénie mais aussi plus récemment en Géorgie, il le doit surtout à la vaillance de ses soldats, qualité qui a permis de compenser un pro-fond retard technologique.

Soulignons enfin que la Rus-sie est contrainte de se réarmer par un environnement menaçant. La Chine, qui monte rapidement en puissance, n’a pas oublié qu’un territoire vaste comme deux fois la France, le Primorié et le sud du Kraï de Khabaro-vsk, lui appartenait jusqu’aux fameux traités inégaux de 1858-1860… À long terme, la question d’un retour dans le giron de la mère-patrie chinoise de ses ter-ritoires riches en matières pre-mières se posera sans doute. Et Moscou n’en a pas fini avec le fondamentalisme sunnite, qu’il sévisse dans le Caucase ou en Afghanistan et en Asie centrale. Attentats-suicides, retour en force des Taliban… La Russie est en définitive confrontée aux mêmes ennemis que la France. Cette dernière refuse de nommer clairement son adversaire prin-cipal, mais sur les bords de la Moskova, on ne peut se permet-tre ce luxe. Comme le disait Trotsky : « La guerre ne vous in-téresse peut-être pas mais la guerre, elle s’intéresse à vous ».

Philippe Migault est chercheur à l’Institut de Relations Internatio-nales et Stratégiques (IRIS).

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07LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.frcommuniqué de rossiYsKaYa GaZeTadisTribué aVec le fiGaro culture

Nous sommes en Ukraine, c’est l’été 42, l’occupation. Les na-tionalistes ukrainiens, qui ont soutenu l’Allemagne contre l’URSS, déchantent. La terreur a vite effacé le rêve d’indépen-dance, Ukrainiens et Russes s’épanouissent dans une colla-boration sous-tendue par la peur toujours présente. Plus tôt, en septembre 41, quelque 33 000 Juifs ont été massacrés dans le ravin de Babi Yar. Pianiste à l’Opéra de Kiev, Valentina Ma-leïeva vit avec sa fille, Pania, jeune femme d’une beauté ex-ceptionnelle, et toutes deux sont menacées de chantage par l’odieux Lozine, le metteur en scène de l’Opéra qui a décou-vert l’identité « mortellement dangereuse » du père de Pania, vraisemblablement juif.Dans Schubert à Kiev, Léonide Guirchovitch bouscule les rè-gles du roman, les glissements entre les voix de la narration sont fréquents et les frontières entre les espaces, ténues. Les héros de Schubert à Kiev, dont la vie gravite autour de l’Opé-ra, nous donnent l’impression d’être eux-mêmes les person-nages virevoltants d’un opéra. Décors de carton pâte, indica-tions scéniques, claquements de talons, rires forcés et mouve-ments trop amples, jusqu’à la sortie de scène de chacun à la fin du roman : « Le lecteur aura remarqué que nous avons com-mencé par les personnages se-condaires … c’est dans cet ordre que les chanteurs viennent sa-luer ». Est-ce là, pour Guircho-vitch, une façon de mettre la distance nécessaire pour éviter de décrire l’horreur ou une façon de nous dire que tous les êtres peuvent se transformer en bouf-fons collabos le temps d’un pas-sage sur la scène de la vie ? Car le lecteur ne trouvera pas dans Schubert à Kiev le moindre héros porteur d’espoir.Léonide Guirchovitch mène, parallèlement à son œuvre d’écrivain, une carrière musi-cale comme premier violon à l’Opéra de Hanovre. Schubert à Kiev est un peu la synthèse de ses talents, un roman d’une inouïe virtuosité linguistique, étrange, foisonnant, kaléidos-copique, émaillé de centaines de références musicales, litté-raires, historiques, au style par-faitement adapté au propos : l’écroulement de la culture ro-mantique, dont le nazisme est la dernière étape et Schubert le symptôme par excellence. C’est une métaphore poignan-te sur la fin d’un monde à l’is-sue d’un tournant historique radical : « Un jour cette guerre sera finie et, quel que soit le ré-sultat, il n’y aura plus de re-tour possible au passé ».

christine mestre

chronique liTTéraire

L’air de la fin d’un monde

TiTre : Schubert à Kiev auTeur : Léonide Guirchovitch édiTion verdierTraduiT par Luba JurGenSon

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nora fiTZGeraldLa russie d'aujourd'hui

le styliste et historiographe alexandre Vassiliev propose une rétrospective inédite au manoir Tsaritsyno à moscou : « la mode derrière le rideau de fer ». À voir jusqu'au 12 juin 2012.

comment on s’habillait derrière le rideau de fer

exposition un collectionneur de costumes, vedette de la télévision, ressort des toilettes de l’époque soviétique

Le projet a pris près de trois ans car il a fallu dénicher les objets pièce par pièce dans les placards des célébrités de l’époque. En l’absence d’un véritable musée de la mode, de nos jours en Rus-sie, la majeure partie de la ré-trospective provient de la col-lection privée du célèbre styliste et historien de la mode, Alexandre Vassiliev. « Pour la Russie, c’est la première exposi-tion d’une telle ampleur sur l’his-toire de la mode », a déclaré avec fierté Alexandre Vassiliev lors du vernissage. Même dans un total isolement et malgré les étalages vides des magasins, les vraies passionnées de mode trouvaient le moyen de s’habiller avec raf-finement. « Ce sont surtout les actrices de théâtre et de cinéma, les danseuses étoiles et les fem-mes de hauts fonctionnaires qui déterminaient la mode de l’épo-que », précise Vassiliev. Elles étaient les seules à pouvoir tra-verser la frontière, ramener des journaux de mode, du tissu et se faire faire des toilettes sophisti-quées, très enviées par leurs com-

patriotes moins chanceuses. Ces dernières étaient contraintes de faire retoucher les vêtements tris-tounets produits par les usines soviétiques et de se fabriquer leurs tenues avec les moyens du bord. Ainsi cette robe charleston taillée dans une véritable sou-tane de prêtre et une jupe de ten-nis transformée par d’habiles mains. Les pièces proviennent des garde-robes personnelles des ballerines Galina Oulanova et Olga Lepechinskaïa, de celles des actrices Ludmila Tselikovskaïa, Natalia Fateeva, Clara Loutchko, Ludmila Gourtchenko et autres stars du cinéma soviétique.Les mannequins et les vitrines d’accessoires se succèdent dans un ordre chronologique. Des pro-vocantes petites robes à paillet-tes et bibis des années 20, nous passons aux fastes tenues d’après guerre, toutes de tulle et de ve-lours. Puis, place aux années 50 avec leurs crinolines et tailleurs « New Look ». Dans la salle consacrée aux années 60, c’est le manteau de broquard pour-pre bordé de fourrure qui saute aux yeux. Cette pièce, si osée pour l’époque, appartenait à la ballerine Olga Lepechinskaïa. L’autre pièce originale est l’en-semble « Arc-en- ciel », panta-lon et tunique, qui provient de la garde-robe de la danseuse étoile Maïa Plissetskaïa. Cet en-semble lui fut offert en 1973 par

Pierre Cardin, quand elle était l’égérie de sa maison de mode. Commissaire de l’exposition qui se tient au musée Tsari tsyno à Moscou jusqu’au 12 juin, Irina Korotkik explique que l’époque soviétique « avait une relation très ambiguë avec la mode, qui était considérée comme un rési-du du passé bourgeois ». Cette époque,Vassiliev la connaît bien. Il a décoré son appartement pa-risien et sa maison d’été à Vilnius dans le style de l’aristocratie exi-lée, un hommage fin-de-siècle qui honore la beauté et les habitudes des jours révolus. En 1982, à l’âge

de 23 ans, Vassiliev épousa une jeune Française et s’installa à Paris. Le mariage fut bref, mais Alexandre est resté en France. Il a d’ailleurs beaucoup travaillé comme costumier pour le théâ-tre et le ballet français. À Moscou ces jours-ci, il ne peut plus descendre la rue Tverskaïa sans être abordé par des admi-rateurs. La raison en est la po-pularité de l’émission de télévi-sion « Verdict de la mode », dont il est l’animateur vedette, et qui taille en pièces le stéréotype selon lequel toutes les femmes russes portent des robes séduisantes,

des manteaux de vison et des ta-lons à la « Sex in the City» . Tren-te millions de téléspectateurs s’installent toutes les se maines devant le petit écran pour regar-der des pontifes de la mode ques-tionner sur leur style vestimen-taire des femmes ordinaires, qui se partagent entre leur travail et leur foyer, parmi lesquelles les candidates sont sélectionnées. « C’est une incroyable célébrité qui s’est abattue sur l’émission que j’anime depuis deux ans et demi, alors que j’ai écrit sur l’his-toire de la mode et habillé plus de 100 ballets », confie Vassiliev, présent sur le plateau en tant que « ministre du bonheur ». La population russe est féminine à 60% et les femmes ont du mal à trouver un partenaire. « Je veux rendre les femmes heureuses », assure le couturier. Alexandre Vassiliev a acheté son premier costume à l’âge de seize ans. Il a eu la chance, dit-il, que son père, un décorateur du Bol-choï, ait soutenu son désir de col-lectionner des costumes dès son adolescence. Aujourd’hui, il pos-sède plus de 10 000 pièces. Mais le plus gros de son temps est consacré à la télévision. Lors d’un épisode récent du « Verdict de la mode », une jeune mère de famille ordinairement vêtue est repartie chez elle avec une gar-de-robe ayant reçu la bénédic-tion d’Evelina Khromtchenko, co-animatrice du programme et tsarine de la mode russe. L’émis-sion se termine invariablement sur une note d’espoir : « les rêves deviennent réalité, cela peut vous arriver ». « Je veux les aider à se sentir plus sûres d’elles », dit Vas-siliev des femmes qui viennent sur son plateau. « Et si elles ne trouvent pas de mari, ce ne sera pas la faute de leur look ! »

bioGraphie

alexandre VassilievAlexandre Vassiliev donne des conférences en quatre langues à travers le monde en tant que pro-fesseur invité d'histoire de la mo-de et de scénographie.Il est propriétaire de l’une des plus importantes collections pri-vées de costumes russes de Hong Kong, Belgique, Grande-Bretagne, France, et d’autres pays. Pour sa promotion de l’art russe, il a été honoré par plusieurs prix, dont les médailles « SP Diaghilev », « Ni-jinsky V. », le titre de mécène, et la médaille d'or de l'Académie des Arts en Russie.

âGe : 54

profession : coStumier

daria moudroliouboVaLa russie d’aujourd’hui

« sotchi 255 » sort en salle. dans cette œuvre filmée à l’aide d’un téléphone portable, jean-claude Taki explore le potentiel d’une mise en images novatrice.

Elle s’est noyée dans une brume de pixelscinéma La mort d’une amie a inspiré à j.-C. Taki un nouveau genre poétique né du téléphone portable

histoire d’amour - « l’une des plus belles preuves de notre exis-tence dans ce monde », selon le réalisateur. L’histoire de Guillau-me et Irina émerge de la brume des pixels jusqu’à ce que la pré-sence d’Irina, désormais dispa-rue, ne devienne palpable dans la salle.

Le journal de Guillaume lu en voix « off » unit les différents segments du film. Les séquences qui accompagnent cette nouvel-le mise en images suivent une logique émotionnelle et non nar-rative. Les deux applats se su-perposent jusqu’à créer la cham-bre 255, un espace du troisième type, autant physique que men-tal. Dans son désir d’images, Taki capture des vues qui le fascinent, sans lien apparent avec l’histoi-re, et il les laisse reposer jusqu’à ce que se forment des lignes d’at-traction. Puis, du chaos des ima-ges émerge un puzzle.

On voit, dans Sotchi 255, tout à la fois la touche d’un réalisa-teur, d’un écrivain et d’un artis-

« Le 29 août, Irina s’enfonce dans la mer. Enterrement le 6 septem-bre ». C’est à partir de cet étran-ge courriel lui annonçant la mort d’une amie que Jean-Claude Taki a écrit l’histoire de Sotchi 255.

Guillaume, l’alter ego de Taki dans le film, part à Sotchi pour tenter de comprendre ce qu’il s’est passé. Mais, plutôt que de rechercher les raisons du drame, son enquête l’amène à explorer les liens qui l’unissaient à Irina. Puis, à son tour, Guillaume dis-paraît, laissant ses notes et des-sins dans sa chambre d’hôtel.

Sotchi 255 navigue dans une zone trouble entre réel et fic-tion : réalisé à partir d’ images documentaires, le film est sur-tout l’évocation poétique d’une

il retrouve une certaine forme d’innocence au cinéma : il ne s’agit pas de tenter d’extraire un fragment du monde ni de fabri-quer une image, mais simplement de faire corps avec le monde et les personnages.

Contrairement à d’autres films réalisés à l’aide d’un portable où les téléphones étaient transfor-més en mini-caméras munies d’objectifs 35mm, Taki prend son outil à contre-emploi et en fait un objet sensoriel dont la capa-cité plastique relève plus du pin-ceau d’un peintre que du grain d’une caméra. Le film a été d’em-blée conçu pour le grand écran : Sotchi 255 perdrait toute sa poé-sie à être vu sur l’écran d’un té-léphone. De la brume, du bruit et des vibrations portées sur l’écran de cinéma à partir d’un téléphone, il naît la poésie d’un nouveau monde.

Première en présence de l’auteur, Jean-Claude Taki, MK2 Beau-bourg, 22 mars à 20h.

te plasticien. Déjà auteur d’un long métrage et de cinq courts réalisés en pellicule, Jean-Claude Taki a laissé de côté la caméra numérique et réalise désormais ses films entièrement à l’aide de téléphones portables. « J’ai tou-jours trouvé l’acte de filmer ri-dicule », avoue-t-il. Avec le télé-

phone, il pense s’être enfin approché de la fameuse « camé-ra-stylo » dont rêvait Godard : objet sans prétention, un porta-ble ne provoque pas de méfian-ce chez les sujets filmés. Ceux qui perdent tout naturel devant une caméra s’oublient face au portable. Quant au réalisateur,

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08 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Loisirs

vÀ L'AFFICHE

TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITELARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

Le maestro Mikhaïl Pletnev redon-nera vie aux œuvres peu connues d’Alexandre Glazounov. Accom-pagné du violoncelliste Gautier Capuçon, l’orchestre interprétera également la Symphonie concer-tante de Prokofiev.

www.sallepleyel.fr ›

L’ensemble Troïka, Alexeï Bi-rioukov, maître de la balalaïka, les grandes voix cosaques de Kou-ban et le violoniste virtuose Dimi-tri vous proposent un voyage au cœur de la musique, des chants et des ballets russes.

www.cala-lyon.com ›

Vadim Piankov nous embarque pour un voyage poétique et musi-cal. Baurin, Apollinaire, Brel, Pou-chkine, Blok, Okoudjava…Troublant écho entre les chansons russe et française. Piano, arrange-ments : Vadim Sher.

www.infos-russes.com/regions/ ›

BREL À MOSCOU, POUCHKINE À PARIS…DU 20 MARS AU 25 MAI, EN BANLIEUE

L’ORCHESTRE NATIONAL RUSSE JOUE GLAZOUNOVLE 26 MARS, SALLE PLEYEL, PARIS

LES NUITS DE MOSCOUDU 31 MARS AU 1 ER AVRIL, BOURSE DU TRAVAIL, LYON

RECETTE

Le ragoût remis au goût du jour

Une des constantes de la cui-sine russe, c’est la cuisson len-te. Cette tendance est accueillie avec enthousiasme par les fem-mes au foyer occidentales, grâ-ce à son principe « gain de temps » : on jette tous les in-grédients dans une cocotte, on règle la minuterie à 5 heures et hop, le dîner pour toute la fa-mille est garanti et l’après-midi vous appartient. Ce type de magie culinaire, qui tire ses origines des temps païens, était pris très au sérieux par les populations agraires de la Russie pré-révolutionnaire. Les Slaves païens croyaient que le feu et l’eau étaient des divini-tés supérieures et que leurs for-ces combinées étaient particu-lièrement puissantes. La cuisine, qui témoignait parfaitement de cette fusion, se faisait dans des fours traditionnels faits de bri-que et recouverts de cérami-que. Ils étaient intégrés dans le coin de chaque maison paysan-ne, occupant au moins un cin-quième de la pièce. Car ce four ne sert pas qu’à cuisiner, mais aussi à chauffer la maison. Plus qu’un four et un réchaud, c’était le véritable cœur du foyer. Sa construction était un événement collectif joyeux, sui-vi par une fête débridée. Une fois le four achevé, on y plaçait à l’intérieur un plat de kacha pour nourrir le « domovoï »,

l’esprit domestique capricieux qui vivait dans toutes les demeures, capable de faire des misères et semer la pagaille à moins d’être continuellement apaisé par de pe-tites offrandes. Durant les longs mois d’inactivi-té hivernale, les hommes somno-laient souvent allongés sur le four. D’où le mot « petchouchnik », de « Petch » (le four) et qui signi-fie « paresseux » ! On y cuisait du pain, séchait des herbes, faisait mijoter des soupes ou bouillir di-verses céréales telles que le sarra-sin ou l’avoine. Le ragoût classique russe s’appel-le simplement « viande en pot ». Des pots en terre cuite individuels couverts, contenant viande et lé-gumes, étaient placés dans le four. L’électricité et le gaz n’ont pas servi la recette, qui manque dé-sormais de saveur et de texture. Et l’ajout fréquent de mayonnai-se pour y remédier est un désas-tre. J’avais donc relégué la vian-de en pot aux oubliettes, jusqu’à un week-end récent. Tandis que la neige tombait et que mon mari s’appliquait à faire le « petchouch-nik » devant l’écran plat de la té-lé, je me suis retrouvée avec tous les ingrédients nécessaires sur les bras, et un défi culinaire en pers-pective. Quelques recherches et expérimentations plus tard, j’ai concocté un ragoût suffisamment bon pour apaiser le plus grincheux des « domovoï » !

Ingrédients :

Quatre pots en terre cuite indi-viduels ou une cocotte de 2-3 litres • 600 g d’agneau tendre ou de bœuf, en dés de 1,5 cm • 450 g de pommes de terre rou-ges, avec la peau, en dés de 1,5 cm • 3 grosses carottes, pe-lées, en dés de 1,5 cm • 1 grosse aubergine, en dés de 1,5 cm • 1 gros oignon jaune, grossiè-rement haché • 400 g de to-mates pelées en conserve, ha-chées • 250 ml de bouillon de bœuf ou de vin rouge, ou un mélange des deux • Un peu de farine • Trois filets d’anchois • 1 c. à soupe de zeste d’orange • 5 gousses d’ail écrasées • ⅓ tas-se de persil haché • 1 branche de romarin frais • 3 branches de thym frais • 2 c. à soupe de concentré de tomate • 3 c. à soupe de gros sel • 2 c. à soupe de poivre noir concassé • Huile végétale • Beurre.

Préparation :

1. Mélangez l’aubergine et le gros sel, placez dans une pas-soire, au-dessus d’un bol et laissez égoutter à température ambiante pendant 45 minutes. Rincez à l’eau froide et séchez avec un torchon. Disposez sur une assiette et passez une min au micro-ondes, à température maximale. Laissez de côté. 2. Préchauffez le four à 180°C. 3. Séchez les dés de viande

avec un torchon, roulez-les dans la farine. Faites chauffez de l’hui-le dans une cocotte et dorez la viande 30 secondes. 4. Ecrasez les filets d’anchois. Ajoutez l’ail écrasé, du gros sel, les herbes, le citron et le poivre. Mélangez jusqu’à l’obtention d’une pâte. Laissez de côté.5. Mélangez les tomates, le concentré de tomate, le bouillon/vin, dans un mixeur jusqu’à l’ob-tention d’un liquide onctueux. 6. Préparez les pots ou la cocot-te : beurrez les parois intérieures, disposez la viande au fond, badi-geonnez d’un peu de pâte d’an-chois, disposez une couche de pommes de terre, puis de carot-tes, puis d’aubergines, intercalant à chaque fois une couche de pâte d’anchois. 6. Versez la mixture de tomate pour couvrir le contenu. 7. Placez au four et laissez cuire pendant une heure et demie.

Jennifer EremeevaSPÉCIALEMENT POUR

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

P o u r c o n t a c t e r l a r é d a c t i o n : r e d a c @ l a r u s s i e d a u j o u r d h u i . f r S e r v i c e d e p u b l i c i t é s a l e s @ r b t h . r u t é l . + 7 ( 4 9 5 ) 7 7 5 3 1 1 4

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DARIA GONZALESLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

L’artiste russe Pavel 183 est devenu populaire dans son pays natal quand la presse britannique l’a comparé au célèbre Banksy. En mars, la campagne électorale lui a inspiré ses premiers graffiti politiques.

Les murs n’ont plus d’oreilles, mais ils parlent

Graffiti Pavel 183 : un artiste urbain dans un pays où la rue a retrouvé la parole

C’est la mort en 1990 du mons-tre sacré du rock russe Victor Tsoï qui a donné naissance au graf-� ti à Moscou. « Tsoï vit » : rue Arbat, un mur est depuis recou-vert de graffiti en l’honneur du chanteur. Puis ce fut au tour de l’entrée de l’immeuble où vécut l’écrivain Mikhaïl Boulgakov. Ce mur est gribouillé de dessins et de citations de son roman Maî-tre et Marguerite. Ces deux lieux sont à l’origine du mouvement de l’art urbain en Russie.

Ce sont ces murs qui ont pous-sé Pavel 183 à dessiner des 14 ans. Il possède deux diplômes à son actif mais refuse de dévoi-ler sa profession : « Ce sont mes outils, mon pinceau secret. Les journalistes ont écrit partout que j’ai étudié le design de commu-nication car j’avais mis ça sur mon site. En fait, c’était une bla-gue. Je me suis toujours moqué

des designers. J’ai fait beaucoup d’études : design, typo, psycho et philo ».

En Russie, la reconnaissance n’est arrivée que récemment, vé-hiculée par des articles du Guar-dian et du Daily Telegraph le comparant au graffeur anglais Banksy : « C’est triste, après 14 ans de vie artistique, d’être com-paré à quelqu’un. Moi, c’est moi, je ne ressemble à personne », in-siste Pavel, pour qui « l’art ur-bain russe prend sa source dans

le situationnisme révolutionnai-re, dans le Manifeste du poète Maïakovski. Pour simpli� er, c’est l’art de la révolution dans la rue. Je fais de la satire de rue ».

L’art est d’ailleurs une notion élastique : « J’ai un ami qui, en faisant la vaisselle, a découvert, dans les traces de ketchup d’une assiette, le pro� l de Lénine. Il a laissé cette assiette comme ça. Je pense que notre perception, c’est aussi de l’art ».

En 2005, Pavel a tourné un � lm, Le conte d’Alena-2005, où le visage bien connu de la peti-te � lle sur l’emballage du cho-colat soviétique devient le sym-bole anonyme de l’enfance moderne. Selon lui, chacun est obligé de se vendre, depuis tout petit, sans même le vouloir. Ce sont les règles du monde

d’aujourd’hui : « Pour gagner de l’argent, dans la Russie actuelle, pas la peine d’avoir la tête sur les épaules, tant qu’il n’y a pas de tête, pas de société civile. Be-linski disait : à Saint-Péters-bourg, on ne peut pas être artis-te ou fêtard, il faut au moins être artiste ou au moins fêtard ».

Pour Pavel, « la mission de l’art de rue est le dialogue avec les gens ordinaires. Pour cela, pas besoin de galeries, pas besoin de payer pour voir de l’art. C’est un jeu visuel à travers la ville. Je suis de nature plutôt ascétique. J’aime le silence, la solitude, la saleté » - faisant écho à Marcel Duchamp. Pavel évoque la re-cherche d’un équilibre, « sans le-quel on risque de devenir du ‘fast food’ avec un menu et des por-tions standardisées ».

« La mission de l’art de rue est le dialogue avec les gens ordinaires. Pas besoin de galeries pour ça ! »

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18 Avril

Reportage en Extrême-Orient