La Russie d'Aujourd'hui

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Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux Distribué avec Mercredi 21 novembre 2012 Le musée Zadkine rouvre à Paris Honfleur : le cinéma russe et l’Histoire Redécouverte du sculpteur russe dans une institution trentenaire remise à neuf. Le programme du 20ème festival offre un regard sur le passé sans oublier la Russie contemporaine. P. 7 P. 8 PAGE 8 Constructivisme Témoin de l’Histoire, le courant le plus avant-gardiste de l’architecture soviétique marque encore Moscou de son empreinte singulière. PAGE 3 Les 328 mètres de la tour Mercure City, qui compte 75 étages dans le quartier d’affaires Moscow City de la capitale russe, constituent depuis le 1er novembre un nouveau record européen. PHOTO DU MOIS La plus haute tour d’Europe Voguer au secours des corps et des âmes L’idée d’un navire-église lon- geant les rives de l’Ob a été lan- cée par le Père Alexandre Novo- pachine, recteur de la cathédrale Saint Alexandre Nevski. La pre- mière expédition a eu lieu en Société Sur le bateau d’une mission médico-spirituelle en Sibérie SUITE EN PAGE 3 La « capitale du nord » se veut une ville propre : les citoyens donnent l’exemple et la municipalité leur emboîte le pas. de louer un petit bateau », ra- conte le Père Alexandre. « Un ancien marin a accepté de faire le chemin avec nous. Nous avons choisi d’embarquer à bord d’un OM-378 appartenant au Comité écologique de la région de No- vossibirsk. C’est ainsi que la mis- sion a pris le large. La première fois, notre traversée a été longue. Nous avons accosté à une heure du matin, et tout le village était là pour nous accueillir, sur la plage ! Nous avons baptisé et prié jusqu’au petit matin, sur les rives de l’Ob. Pour cette première fois, le collectif a été créatif. Sur place, au lieu de prêtres, une équipe médicale nous attendait ». Produit de Russia Beyond the Headlines EN LIGNE SUR LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR Le Moscou de Boulgakov : de quoi perdre la tête ! LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR/16515 Qu’attendre de la réélection du président américain sur les relations entre Moscou et Washington ? L’avis de plusieurs experts. 1996, sous le nom de « mission apostolique Saint Andreï-le-pre- mier-appelé ». Un an auparavant, les prêtres s’étaient rendus dans la région de Novossibirsk à bord du Train de la Mémoire, pour le 50ème anniversaire de laVictoire de la « Grande Guerre Patrio- tique ». « Dans les années 90, les routes de la régions étaient en état d’abandon complet, de même que le transport fluvial. C’est à ce moment que nous avons décidé ELENA KLIMOVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI Une équipe missionnaire de l’église de Novossibirsk, compo- sée de prêtres et de médecins, descend chaque année le fleuve Ob à bord d’un navire-église. SUITE EN PAGE 5 Magnifique région montagneuse logée en plein cœur du conti- nent eurasiatique, la République de l’Altaï souffre de sous-déve- loppement et de la pratique du braconnage, qui menace plu- sieurs espèces en voie de dis- parition. Privée de chemin de fer et d’industrie, la région se tourne vers le tourisme vert, grâce à une nouvelle liaison aé- rienne directe depuis Moscou et quelques initiatives permettant aux autochtones de repenser leur relation avec la nature. Poutine et Obama L’Altaï joue la carte de l’écotourisme PAGES 2 ET 6 Verte St-Pétersbourg ALEKSEJ SMIRNOF LORI/LEGION MEDIA LORI/LEGION MEDIA PHOTOSHOT/VOSTOCK-PHOTO AP ALAMY/LEGION MEDIA

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La Russie d'Aujourd'hui est une source d'informations politiques, économiques et culturelles internationalement reconnue. Elle propose une couverture médiatique réalisée sur le terrain par des journalistes possédant une connaissance en profondeur du pays, ainsi que des analystes et un vaste éventail d'opinions sur les événements actuels.

Transcript of La Russie d'Aujourd'hui

Page 1: La Russie d'Aujourd'hui

Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux

Distribué avec

Mercredi 21 novembre 2012

Le musée Zadkine rouvre à Paris

Honfleur : le cinéma russe et l’Histoire

Redécouverte du sculpteur russe dans une institution trentenaire remise à neuf.

Le programme du 20ème festival offre un regard sur le passé sans oublier la Russie contemporaine.

P. 7

P. 8

PAGE 8

Constructivisme

Témoin de l’Histoire, le courant le plus avant-gardiste de l’architecture soviétique marque encore Moscou de son empreinte singulière.

PAGE 3

Les 328 mètres de la tour Mercure City, qui compte 75 étages

dans le quartier d’affaires Moscow City de la capitale russe,

constituent depuis le 1er novembre un nouveau record européen.

PHOTO DU MOIS

La plus haute tour d’EuropeVoguer au secours des corps et des âmes

L’idée d’un navire-église lon-geant les rives de l’Ob a été lan-cée par le Père Alexandre Novo-pachine, recteur de la cathédrale Saint Alexandre Nevski. La pre-mière expédition a eu lieu en

Société Sur le bateau d’une mission médico-spirituelle en Sibérie

SUITE EN PAGE 3

La « capitale du nord » se veut une ville propre : les citoyens donnent l’exemple et la municipalité leur emboîte le pas.

de louer un petit bateau », ra-conte le Père Alexandre. « Un ancien marin a accepté de faire le chemin avec nous. Nous avons choisi d’embarquer à bord d’un OM-378 appartenant au Comité écologique de la région de No-vossibirsk. C’est ainsi que la mis-sion a pris le large. La première fois, notre traversée a été longue. Nous avons accosté à une heure du matin, et tout le village était là pour nous accueillir, sur la plage ! Nous avons baptisé et prié jusqu’au petit matin, sur les rives de l’Ob. Pour cette première fois, le collectif a été créatif. Sur place, au lieu de prêtres, une équipe médicale nous attendait ».

Produit de Russia Beyond the Headlines

EN LIGNE SURLARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

Le Moscou de Boulgakov : de quoi perdre la tête !LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR/16515

Qu’attendre de la réélection du président américain sur les relations entre Moscou et Washington ? L’avis de plusieurs experts.

1996, sous le nom de « mission apostolique Saint Andreï-le-pre-mier-appelé ». Un an auparavant, les prêtres s’étaient rendus dans la région de Novossibirsk à bord du Train de la Mémoire, pour le 50ème anniversaire de la Victoire de la « Grande Guerre Patrio-tique ».

« Dans les années 90, les routes de la régions étaient en état d’abandon complet, de même que le transport fluvial. C’est à ce moment que nous avons décidé

ELENA KLIMOVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Une équipe missionnaire de

l’église de Novossibirsk, compo-

sée de prêtres et de médecins,

descend chaque année le fleuve

Ob à bord d’un navire-église.

SUITE EN PAGE 5

Magnifique région montagneuse logée en plein cœur du conti-nent eurasiatique, la République de l’Altaï souffre de sous-déve-loppement et de la pratique du braconnage, qui menace plu-sieurs espèces en voie de dis-parition. Privée de chemin de fer et d’industrie, la région se tourne vers le tourisme vert, grâce à une nouvelle liaison aé-rienne directe depuis Moscou et quelques initiatives permettant aux autochtones de repenser leur relation avec la nature.

Poutine et Obama

L’Altaï joue la carte de l’écotourisme

PAGES 2 ET 6

Verte St-Pétersbourg

ALEKSEJ SMIRNOF

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COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Politique

LES SUPPLÉMENTS SPÉCIAUX ET SECTIONS SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILLIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX: • LE FIGARO, FRANCE • LE SOIR, BELGIQUE• EUROPEAN VOICE, UE • THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE • SÜDDEUTSCHE ZEITUNG, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE •DUMA, BULGARIE • POLITIKA, GEOPOLITIKA, SERBIE • THE WASHINGTON POST, THE NEW YORK TIMES ET THE WALL STREET JOURNAL, ÉTATS-UNIS • ECONOMIC TIMES, NAVBHARAT TIMES, INDE • MAINICHI SHIMBUN, JAPON • CHINA BUSINESS NEWS, CHINE • SOUTH CHINA MORNING POST, CHINE (HONG KONG) • LA NATION, ARGENTINE • FOLHA DO SAO PAOLO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • TODAY, SINGAPOUR • UNITED DAILY NEWS, TAÏWAN • SYDNEY MORNING HERALD, THE AGE, AUSTRALIE • ELEUTHEROS TYPOS, GRÈCE • JOONGANG ILBO, CORÉE DU SUD. EMAIL : [email protected]. POUR EN SAVOIR PLUS CONSULTEZ LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR. LE FIGARO EST PUBLIÉ PAR DASSAULT MÉDIAS, 14 BOULEVARD HAUSSMANN 75009 PARIS. TÉL: 01 57 08 50 00. IMPRESSION : L’IMPRIMERIE, 79, RUE DE ROISSY 93290 TREMBLAY-EN-FRANCE. MIDI PRINT 30600 GALLARGUES-LE-MONTUEUX. DIFFUSION : 321 101 EXEMPLAIRES (OJD PV DFP 2011)

QUESTIONS & RÉPONSES

Poutine-Obama : c’est reparti !Deux experts russes de bords dif-férents examinent la question des relations russo-américaines après la réélection d’Obama.

Barak Obama reste le parte-naire américain de Moscou. Si ses positions sont moins agressives que celles de Mitt Romney, elles ne gomment pas pour autant les divergences. Le président du co-mité de la Douma d’État pour les Affaires internationales, Alexeï Pouchkov, et Alexeï Malachenko, du Centre Carnegie de Moscou, nous livrent leur avis sur les pro-blèmes les plus actuels et la dif-fi culté de les résoudre.

Présence du bouclier antimissile

américain en Europe de l’Est

Alexeï Pouchkov : Je reste scep-tique sur la négociation concer-nant le bouclier antimissile, même si Obama a promis de faire preuve d’une plus grande souplesse. Elle sera fortement limitée par le Congrès, où chaque pas vers la Russie sera interpreté comme une trahison des intérêts nationaux.Alexeï Malachenko : Nous au-rons droit à un nouveau tournant dans la négociation et au fi nal, les Américains apporteront des modifi cations à leurs plans. Non pas à cause d’un revirement de la Maison Blanche, mais à cause du coût excessif du projet. En cette période de crise, les Améri-cains vont devoir limiter leurs ambitions. Reste à savoir si ce changement arrangera Moscou.

Le projet de loi « Magnitski » sur

les sanctions à l’encontre des fonc-

tionnaires russes

A.P. : En Amérique, les lois an-tirusses sont une tradition. La « loi Magnitski » vient remplacer l’amendement Jackson-Vanik. Et elle va forcément être approuvée. Mais le cabinet d’Obama désire qu’elle soit adoptée dans une ver-sion adoucie. Il est probable que la Russie n’y sera plus pointée comme le seul et unique sujet visé par cette loi.

A.M. : Elle sera adoptée mais sous une forme plus souple. La Mai-son Blanche n’a aucune envie de créer des tensions. Bien sûr, tout ne dépend pas d’Obama mais suite à sa victoire son infl uence s’est forcément accrue.

Détente sur la Syrie ?

A.P. : Les positions de la Russie et des États-Unis pourraient se rapprocher si Washington vou-lait bien comprendre qu’il devrait être question de l’amorce d’un dialogue interne en Syrie et non pas de soutien à l’un des groupes armés. Une telle prise de conscience reste peu probable.A.M. : Il y a plusieurs possibili-tés. Le plus réaliste, selon moi : les États-Unis vont soutenir une

intervention mais venant des pays arabes et non pas de l’Occident. Sous prétexte que la Syrie est un problème arabe. D’ailleurs, cette solution serait plus sage qu’une intervention armée des États-Unis.

Intervention en Iran ?

A.P. : Israël, le lobby israélien aux États-Unis et les républicains déçus par la défaite de Romney vont faire pression sur Obama pour qu’il prenne des mesures dé-cisives. Cela augmente les risques d’une intervention armée.A.M. : Du côté de l’Iran, il ne va rien se passer de signifi catif. Aux États-Unis, les présidents se suc-cèdent, à Téhéran rien ne bouge. Je ne pense pas que des frappes

contre l’Iran soient possibles. C’est la relation des États-Unis avec tout le monde musulman qui est en jeu.

Vers un redémarrage entre les

États-Unis et la Russie ?

A.P. : Le redémarrage a fait son temps. Du point de vue tactique, la formule a été efficace. Mais du point de vue global, comme pro-cessus susceptible d’améliorer vé-ritablement les relations entre la Russie et les États-Unis, elle n’a pas donné le résultat escompté.A.M. : Je pense que les Améri-cains vont changer de termino-logie. C’est le terme de « redé-marrage » qui a fait son temps. Mais ils lui trouveront indénia-blement un équivalent, peut-être plus discret. Obama ne veut pas créer de tensions.

Relation Obama-Poutine

A.P. : Obama a comme une dette morale envers le président russe. Avant sa première visite à Mos-cou, il a commis une maladresse en déclarant que Poutine avait un pied dans le passé et qu’il de-vait comprendre que la Guerre froide est terminée. Cette tirade a jeté un froid sur leur relation. Connaissant le caractère de Pou-tine, j’imagine que si son homo-logue américain se montre prêt à passer à des relations construc-tives, il y fera bon accueil.A.M. : Il est peu probable que ces deux hommes sympathisent. Il n’y a jamais eu de grand amour entre eux. Poutine avait plus de facilité avec Bush Junior. Les re-lations entre la Russie et les États-Unis étaient mauvaises, mais au niveau personnel, il y avait plus de compréhension. D’ailleurs, si Romney avait gagné, il en aurait été de même.

Propos recueillis par Igor Ïavlinskiy

Article publié dansIzvestia

D. TELMANOV, V. VOLOCHINEIZVESTIA

Les généraux et le complexe

militaro-industriel attendent du

nouveau ministre, Sergueï

Choïgou, qu’il mette fin aux

achats d’armes étrangères et à

la réorganisation du système.

Les militaires rêvent d’une annulation des réformes

Armées Le limogeage du ministre de la Défense Serdioukov, très impopulaire chez les gradés, pourrait compromettre la modernisation

La mission principale de M.Choï-gou est de gérer le patrimoine du ministère, y compris via la privatisation de biens superfl us. « M. Choïgou doit contrôler en personne toutes ces procédures », explique Viktor Moukharovski, rédacteur en chef de la revue Ar-senal National. Le nouveau mi-nistre doit régulariser le système des appels d’offre militaires. Au cours des dernières années, plu-sieurs contrats ont échoué sur fond de guerre des prix entre le ministère et le complexe milita-ro-industriel, qui appartient pourtant à l’État. « Ces questions doivent être réglées de manière

tirer chaque année 50 000 sol-dats engagés sous contrat et d’as-surer des logements aux militaires.

« Durant les 18 ans de son tra-vail au sein du ministère des Si-tuations d’urgence (MSU), M.Choïgou s’est comporté comme un dirigeant efficace, dé-signant aux postes clés les res-ponsables les plus dignes. En plus, la structure du MSU est similaire à celle de la Défense », estime Konstantin Sivkov, pre-mier vice-président de l’Acadé-mie des problèmes géopolitiques.

M.Sivkov estime que les prin-cipaux objectifs du nouveau mi-nistre sont de se débarasser du système de l’externalisation et de restaurer l’éducation militaire. En outre, l’expert estime néces-saire de revenir à la structure pré-réforme des forces armées, comprenant des divisions et des régiments (l’armée russe actuelle est organisée en brigades) et de renoncer à l’importation de ma-tériel militaire étranger.

Le vice-président du comité de la Douma pour l’industrie, Vladimir Gouteneev, estime que M. Choïgou devrait revenir au système d’approvisionnement autonome des forces armées. « Je ne peux pas imaginer une armée

en marche poursuivie d’hommes d’affaires dirigeant des hôpitaux et des cuisines mobiles ». Le dé-puté se prononce contre l’achat de matériel militaire étranger. « Personne ne nous vendra des armements dotés de technologies du dernier cri », estime M.Goute-neev.

Le président du comité de la Douma pour la défense, Vladi-mir Komoedov, s’oppose quant à lui à un retour en arrière, tout en critiquant le système d’exter-nalisation, qui « ne convient pas à notre armée. Peut-être faut-il utiliser quelques idées, mais glo-balement, ce système ne convient pas. Conclure un accord pré-voyant qu’un employé d’une en-treprise commerciale accom-pagne jour et nuit les soldats au combat n’est pas faisable ». Il es-time que le nouveau ministre doit avant tout s’occuper de la « ca-pacité opérationnelle » et amé-liorer les relations entre la Dé-fense et les entreprises militaires. « Il ne s’agit pas simplement de l’armée, mais aussi de l’indus-trie entière de notre pays. Des sommes géantes ont été dépen-sées pour le réarmement des forces armées. Il faut se servir de ce qui avait déjà été réalisé et avancer ».

Les dépenses militaires de la Russie

que le système fonctionne indé-pendamment du président ou du Premier ministre. M.Choïgou pourra sans aucun doute nor-maliser les relations entre la Dé-fense et les entreprises mili-taires ».

L’éducation militaire est le troisième problème auquel le mi-nistre sera confronté. Nombreux sont ceux qui, au sein de l’armée, estiment nécessaire de revenir sur la réforme de l’ancien mi-nistre Anatoli Serdioukov. Ils préconisent un retour au système de l’enseignement secondaire mi-litaire, suivi de formation dans les académies militaires.

Le soutien logistique pose pro-blème parce qu’il est actuelle-ment presqu’entièrement sous-traité à des organismes externes, dont la société Oboronservis. Cette dernière, engluée dans un scandale, a été la cause officielle du départ de M. Serdioukov. Le nouveau ministre a la tâche d’at-

Vladimir Poutine a envoyé un message de félicitations à Barack Obama et l’a invité à se rendre en Russie en 2013.

Alexeï Pouchkov, président du

comité de la Douma d’État pour

les Affaires internationales.

Alexeï Malachenko (Centre Carne-

gie), expert en relations interna-

tionales et spécialiste de l’islam.

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COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Société

PAULINE NARYCHKINALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La capitale du nord fait preuve

d’une conscience écologique

accrue qui se manifeste par des

initiatives individuelles et l’im-

plication des services publics.

Saint-Pétersbourg voit son avenir en vert

Suivez-nous sur Facebook et Twitter

Écologie Tri sélectif des déchets et opérations de nettoyage : les citoyens donnent un bel exemple d’éco-conscience

« Les gens sont prêts ! », as-sure Denis en se retournant. Nous assistons justement à la Confé-rence européenne écologique de l’ONG internationale Let’s do it (www.letsdoitworld.org) qui vient de se tenir à St-Péters-bourg début novembre : véri-table foire aux projets écolo-giques qui permet l’échange d’expériences et d’idées pour avancer en matière de protec-tion environnementale. Cette ONG est à l’origine de la vaste opération de nettoyage (Clean-Up Day) qui a eu lieu dans une centaine de pays le 15 sep-tembre dernier. « Cette année, nous étions plus de 70 000 bé-névoles à participer à la Jour-née Clean Up dans tout le pays et 4 500 à Saint-Pétersbourg », s’entousiasme Denis Stark.

C’est un exemple révélateur de cette « tendance verte » pé-tersbourgeoise. Les citoyens s’organisent entre eux pour créer un véritable réseau dans la ville afin d’en préserver la beauté, comme l’association « Krasivyi Peterbourg » (www.

visses vivant dans la Néva. Ce cructacé est devenu une véri-table mascotte écologique avec son propre site Web où les en-fants peuvent sous forme lu-dique apprendre à protéger leur environnement. « J’ai vu comme il est compliqué d’épurer l’eau. Maintenant je referme le robi-net pendant que je me brosse les dents. Pas de gâchis », ra-conte Thimotée, 11 ans, après la visite guidée du Vodocanal (www.vodokanal.spb.ru/eng/).

En septembre dernier s’est tenu le premier Conseil écolo-gique municipal sur les pro-blèmes environnementaux, qui a permis de réunir les experts et de poser les bases d’une vé-ritable stratégie écologique jusqu’en 2030.

En attendant des actions concrètes, la culture et le diver-tissement restent un bon moyen de sensibiliser les masses. Alors rendez-vous au festival du fi lm écologique « Green Vision », qui se tient pour la quinzième année consécutive du 20 au 23 no-vembre à Saint-Pétersbourg.

Depuis les années 2000, ce sont les citoyens qui ont décidé de prendre les choses en main avec l’aide d’organisations non gou-vernementales (ONG).

« En 2003, nous étions une bande d’amis amoureux de la nature. À chaque balade dans la forêt ou virée sur la plage du Golfe de Finlande, nous reve-nions chacun avec 4 à 5 sacs pou-belles remplis de déchets. Nous avions besoin de renfort... », ra-conte Denis Stark, initiateur de l’association musora.bolshe.net (Fini les ordures). « Le mouve-ment s’est très vite développé par le biais des réseaux sociaux. En 2010, nous étions déjà 1 500 bé-névoles à Saint-Pétersbourg. En 2011, 9 000 ». Cette croissance exponentielle parle d’elle même.

vk.com/peterburg_krasiv) qui organise des raids photos pour dénoncer les insalubrités ur-baines. Ou bien le mouvement «  EkoSPB  » (www.vk.com/rsbor), qui s’attèle à promou-voir le tri sélectif des déchets.

« Le problème principal est d’ordre logistique bien sûr. On doit organiser le tri, assurer la tournée des points de collecte, trouver les centres de recyclage qui ont chacun leurs exigences, c’est une grosse organisation. D’autant que nous sommes qua-siment contraints à l’autofi nan-cement. Notre plus grosse ré-compense, c’est de voir notre mouvement grossir de 10 par-ticipants par jour et d’assister à la naissance de projets nou-veaux, d’initiatives indivi-duelles », se réjouit Alexeï Ego-rov, activiste de « EkoSPB ».

Mais la ville prend le pro-blème en amont et manifeste une nette volonté d’éduquer les jeunes générations afi n de les responsabiliser en matière d’en-vironnement, notamment grâce à l’implication et aux efforts

écologiques des services publics. C’est le cas du Vodocanal, la compagnie des eaux de Saint-Pétérsbourg chargée du traite-ment de l’eau de la Néva et de la fourniture en eau potable. Depuis 2005, le contrôle de la toxicité de l’eau se fait par l’ob-servation des colonies d’écre-

Traitement de l’eau de la Néva : les écrevisses veillent !

Prêtres missionnaires et médecins côte à côte

Avant la révolution, le clergé sui-vait des formations médicales et offrait également des soins aux habitants de villages isolés. Au-jourd’hui, la mission est compo-sée de 11 spécialistes. La majo-rité des médecins font le voyage une fois par an, sans rémunéra-tion autre que leur salaire et le remboursement de leurs frais de voyage. Les conditions de vie sont spartiates : une cabine pour quatre, avec des couchettes su-perposées dans un même com-partiment. Le réveil est à 7 heures. La mission débute la journée par un petit-déjeuner frugal, une prière, et deux heures de route jusqu’au village suivant. Les vil-lages parcourus sont situés dans un périmètre maximum de 100 km autour de la rive. Les mé-decins examinent entre 60 et 70 patients par jour. Au cours de leur

logue à Novossibirsk. On ap-prend à comprendre l’autre par les gestes, par le regard. Et par la pensée. Un médecin, lorsqu’il aime vraiment sa profession, ne peut pas ne pas croire en Dieu. Il comprend que certaines choses se produisent en dehors de sa volonté, de son savoir-faire ».

Un lieu de rencontreL’arrivée d’une mission, pour les villageois, apparaît aussi comme l’occasion de renouer les liens, de se confi er. « Cela fait deux ans que nous ne nous étions pas revus, raconte un patient. La mission est arrivée, et cela s’est fait na-turellement ».

« Difficile de convaincre les gens de se rendre en ville, à l’hô-pital des environs ! Certains n’ont pas l’argent, d’autres n’ont per-sonne pour garder les enfants », raconte un médecin. « Pour convaincre, il faut des prêtres. Même les autorités locales font appel à la religion dans de telles circonstances. Lors du dernier voyage, huit infarctus ont été dia-gnostiqués. On a aussi constaté du diabète, des maladies de la thyroïde, des cancers. Il est vrai que certaines maladies diagnos-tiquées lors de la première expé-dition ne sont plus réapparues. Mais il y en a d’autres...».

Le Père Konstantin se sou-vient d’une femme de 96 ans qui avait perdu son mari pendant la guerre et élevé seule ses 11 en-fants. « Je lui ai demandé : qui vous a aidée ? Vous êtes-vous re-mariée après la guerre ? Elle m’a répondu simplement : Mais je suis mariée ! Sa force spirituelle m’a impressionné. Un train a été lancé à l’image de notre navire. Il tra-verse la Russie. Mais personne n’a repris l’expérience du bateau. Et pourtant, combien de lieux ne sont pas traversés par les voies ferrés ? Des lieux qui ne sont ac-cessibles que par la seule voie fl u-viale... ».

SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE sionnaires visitent les écoles, les maisons de la Culture, les ma-ternités et les hôpitaux locaux. Là où il n’y a ni école ni maison de la Culture, ils s’installent dans

les rues. La natalité a fortement diminué, mais depuis quatre ans, elle est à nouveau en hausse. Dans les villages, elle dépasse à nou-veau la mortalité.

Pourquoi les médecins accom-pagnent-ils chaque année les prêtres dans leur mission ? Eux-mêmes sont incapables de l’ex-pliquer. Mais « le bateau change les rapports entre les hommes, explique Olga Fishova, radio-

SVETLANA SMETANINALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les méthodes du professeur

Vladimir Bazarnyi réhabilitent le

pupitre à l’ancienne, le porte-

plume et les cours séparés pour

garçons et filles. Leur succès

suscite l’engouement.

Remise en cause des idées reçues, dont la mixité

Éducation Du nouveau avec de l’ancien

sant l’épuisement de l’écolier, avec des conséquences sur la santé. En alternant fréquemment la position debout, puis assise, le risque disparaît.

Bazarnyi est aussi favorable à une éducation où les fi lles et les garçons sont séparés, en parti-culier dans les petites classes. Pas question d’interdire la commu-nication entre les deux sexes, mais de mener des cours diffé-rents tenant compte des parti-cularités d’acquisition des connaissances selon le sexe. Avant la révolution, fi lles et gar-çons étudiaient dans des écoles distinctes. En 1917, les bolche-viks avaient mis un terme à ce système jugé comme une « re-lique du passé ».

Certaines écoles russes y sont revenues. Les résultats sont pro-bants. Au lycée Harmonie, (Je-leznogorsk, en Sibérie), dans les classes mixtes, seul un élève par classe reçoit la mention très bien, alors que la proportion est de 25 à 35% dans les classes séparées. Aujourd’hui, en Russie, près de 2 000 écoles fonctionnent selon la méthode Bazarnyi. Leur po-pularité ne fait qu’augmenter.

Les salles de classe de l’école n° 760 à Moscou sortent de l’or-dinaire. À côté de chaque pupitre, un comptoir permet à l’élève de travailler debout. Toutes les 15 minutes, les enfants changent de position : l’enfant assis à son pu-pitre se lève, et inversement.

La plume et l’encrier sont de rigueur : le stylo bille provoque-rait une altération du rythme car-diaque, alors que la plume fait travailler la main de manière rythmée.

Il s’agit là d’observations faites il y a une trentaine d’années par le professeur Vladimir Bazarnyi. Selon celui-ci, presque toutes les maladies survenant à l’âge adulte sont liées aux conditions d’étude dès la petite enfance.

Dans une position assise pro-longée et inadaptée, l’énergie se transforme en nervosité, produi-

La méthode Bazarnyi proscrit les tables horizontales et la mixité.

La ville veut éduquer les jeunes générations et les responsabiliser en matière d’environnement

Pour convaincre parfois les gens de se soigner, « il faut des prêtres », explique un médecin en toute humilité

mission, ils auront vu au total 4 941 personnes, dont 615 enfants.

« Au début, nous avons été frappés par l’état d’esprit maus-sade des habitants. Dans les vil-lages, tout s’effondre : des champs délaissés, des fermes, des bâtisses et des industries réduites à l’état de squelettes. Dans la région de Bolotine, nous avons vu un vil-lage entier vivre sans électricité. Juste avec du kérosène. Et des enfants qui mouraient de faim. C’est terrible... Et malgré ces conditions sordides, nous avons constaté de la part des habitants un intérêt prononcé pour la vie spirituelle », témoigne le Père Konstantin Rabota, organisateur de la mission, qui a participé à la première expédition.

Renaissance progressiveAujourd’hui, les autorités locales affrètent des bus. Lorsqu’ils ar-rivent dans les villages, les mis-

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04LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Économie

ANDREÏ REZNITCHENKOLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Une alliance entre un groupe

russe et des sociétés tchèques a

été formée pour créer conjointe-

ment un réacteur nucléaire in-

dustriel à neutrons rapides sans

déchets radioactifs.

Russie et Tchéquie visent un réacteur nucléaire « propre »

Énergie La technologie relève le défi environnemental du stockage des déchets

À la mi-octobre 2012, lors du Forum industriel atomique d’Eu-rope centrale « Atomex-Eu-rope », qui se tenait en Répu-blique tchèque, la société russe « KME-engineering » et 13 en-treprises tchèques ont signé un accord de coopération dans le développement d’un réacteur à neutrons rapides SVBR-100.

L’avantage de ce réacteur dont le fonctionnement est à base de neutrons dits rapides réside dans le fait qu’il consomme presqu’en-tièrement le combustible nu-cléaire et, par conséquent, ne pro-duit pas de déchets. Jusqu’à présent, les scientifi ques ne par-venaient à créer que des modèles

expérimentaux, et il n’existe pour le moment aucun réacteur industriel rapide dans le monde. « Les réacteurs rapides aideront à trouver la réponse à l’une des principales questions de la fi lière

nucléaire : que faire du combus-tible nucléaire usé ? La Russie, les États-Unis et la France ont accumulé une vaste expérience d’exploitation expérimentale de ces réacteurs, qui peuvent deve-

L’histoire des réacteurs « éco »

L’histoire du « domptage » des neutrons rapides a commencé en 1939 avec les conjectures du scientifique Enrico Fermi, qui pen-sait qu’il convenait de s’attendre, lors de la fission de l’uranium, à une émission de neutrons avec une énergie cinétique élevée, et que si le nombre des neutrons émis dépassait celui des neutrons absorbés, le chemin vers la réac-tion en chaîne serait ouvert. Les États-Unis ont été les premiers à mettre au point cette technolo-gie, devant la France. L’URSS a lancé en avril 1980 son premier

réacteur rapide au sodium BN-600 dans la centrale de Beloïarsk, qui s’est convertie en plateforme expérimentale pour tester les ca-ractéristiques d’exploitation des blocs énergétiques de ce type. En 25 ans de fonctionnement, le réacteur a démontré sa fiabilité, sa sécurité et ses performances. Aujourd’hui, la Russie développe cette technologie, construit un nouveau réacteur BN-800, élabore le projet BN-1200, et s’efforce de créer un réacteur à neutrons ra-pides capable de remporter un succès commercial.

nir une source fi able d’énergie », a déclaré le directeur de l’Insti-tut pour le développement sûr de l’énergie nucléaire de l’Aca-démie des sciences de Russie, le professeur Leonid Bolchov.

Des quantités énormes de com-bustible usé sont aujourd’hui ac-cumulées, et leur stockage pose un problème environnemental majeur. Selon le scientifi que, la mise au point de réacteurs à neu-trons rapides doit permettre de boucler le cycle du combustible nucléaire.

« Pendant le fonctionnement du BN-600, on a accumulé une énorme expérience. Les experts nucléaires russes ont perfection-né la conception du réacteur, et ont appris à manier le sodium comme fl uide de refroidissement. Si après avoir supporté tous les débats et obtenu toutes les li-cences, le BN-1200 voit fi nale-ment le jour, alors il pourrait de-venir le premier réacteur à neutrons rapides de grande puis-sance commercialement viable au monde », estime M. Bolchov.

Le projet SVBR-100, rejoint par des sociétés nucléaires eu-ropéennes, est l’évolution natu-relle de l’expérience acquise par la Russie dans l’exploitation de réacteurs à neutrons rapides plomb-bismuth dans des sous-marins nucléaires. Ce bloc éner-gétique possède un autre avan-tage concurrentiel important – il peut effectuer le dessalement de l’eau. Une usine nucléaire de des-salement avec un réacteur à neu-trons rapides BN-350 a été ins-tallée en 1972 dans la ville de Manguychlak (Kazakhstan), où elle dessalait de l’eau de mer pour toute la ville.

D’ici la fi n de l’année 2014, on prévoit de mener des travaux de recherche et de conception concernant le réacteur SVBR-100 et le bloc énergétique pilote, le lancement physique et éner-gétique étant programmé pour 2017. En fait, le SVBR-100 pour-rait devenir le premier réacteur commercial à faible puissance de quatrième génération, utili-sant du liquide de refroidisse-ment à base de métaux lourds. Sur la base des réacteurs SVBR-100 produits en série, on pourra équiper les centrales nucléaires de blocs énergétiques modulaires de faible et moyenne puissance, de 400-600 MWt (el), ce qui per-mettra d’assurer, grâce à leurs capacités, 10 à 15% de la pro-duction mondiale d’énergie nu-cléaire.

Assemblage du réacteur dans le secteur « propre » du block BN-800 à la station de Beloyarsk.

LENA SMIRNOVATHE MOSCOW TIMES

C’est une délocalisation à

l’envers, ou plutôt une

relocalisation : les couturiers

russes quittent l’Asie, où les

coûts montent, pour relancer la

filière textile dans leur pays.

Le rapatriement de la production textile est amorcé

Confection La Chine moins attractive

Désormais à l’honneur grâce à la Mercedes-Benz Fashion Week de Moscou, les créateurs de style qui ont rapatrié leur fabrication dans leur pays d’origine affirment que la stratégie n’est pas seulement patriotique, mais répond égale-ment à une logique commerciale.

« Ce n’est pas un coup de pub », a déclaré Olga Feldt, directrice générale de Kira Plastinina Style. L’entreprise vient d’ inaugurer une usine de fabrication dans la ré-gion de Moscou, dans le cadre d’un effort visant à transférer la pro-duction de l’Asie vers la Russie.

Kira Plastinina rejoint une liste de maisons de mode qui quittent une Chine où les coûts montent. L’exode pourrait être précisément ce dont a besoin la Russie pour relancer sa fi lière textile en dé-composition. Mais l’investissement initial dans les usines locales et le personnel spécialisé est si élevé qu’il est parfois plus intéressant de déployer la production dans les pays d’Europe de l’Est voisins.

La créatrice russe Kira Plasti-nina a investi presque quatre mil-lions d’euros pour ouvrir une pre-mière ligne de production à l’usine d’Oziory après dix ans de ferme-ture. Sa société prévoit de dou-bler ce montant en investissant dans une seconde ligne.

L’usine va produire 325 000 vê-tements par an, couvrant 100% de la marque haut de gamme de Plastinina et 15% de sa ligne de vêtements fabriqués en série pour les jeunes femmes de 14 à 25 ans. Ce chiffre devrait grimper à 40% lorsque la deuxième ligne de pro-duction sera lancée.

Les vêtements de la marque étaient auparavant fabriqués en Chine. Les cadres de l’entreprise insistent sur le fait que le démé-nagement est une étape commer-

La production de Plastinina a dé-

ménagé de Chine vers la Russie.

ciale logique. « Le lancement de la production dans la région de Moscou va nous permettre de sim-plifi er le chemin qu’une collection doit parcourir de la conception jusqu’au point de vente, dit Plas-tinina. Nous pouvons réagir plus vite aux demandes de nos clients, et nous adapter rapidement aux tendances mondiales ».

Plastinina a calculé que l’en-treprise réduirait son cycle de pro-duction de neuf à deux mois en réalisant les vêtements en Russie. Les coûts salariaux ont fortement augmenté, car les ouvriers chinois sont payés 80-100 euros par mois contre 700 euros pour les ouvriers russes. Plastinina affirme cepen-dant que le prix des vêtements restera identique car l’usine russe utilisera une technologie plus ef-fi cace. D’autres couturiers russes comme Masha Tsigal et Alexan-der Terekhov ont des ateliers à Moscou. Valentin Yudashkin, l’un des plus en vue du pays, fabrique ses principales collections à Mos-cou, et cherche à étendre sa ca-pacité de production russe.

Des obstacles perdurent. Les couturiers sont obligés d’assurer eux-mêmes la formation des ou-vriers textiles. Pour les produc-tions de moindre volume et de haute couture, il reste plus avan-tageux de produire certaines lignes de vêtements à l’étranger.

Article publié dansThe Moscow Times

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COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Régions

EMMANUEL GRYNSZPANLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Sans industrie, la splendide

région montagneuse de l’Altaï

mise sur le tourisme grâce à une

liaison aérienne avec Moscou et

des initiatives respectueuses du

cadre de vie comme de la faune.

L’économie au service de la nature

Tourisme La république de l’Altaï se tourne vers le micro-crédit pour exploiter ses richesses naturelles et préserver son environnement

Lassée de voir le monde moderne s’infi ltrer dans son environne-ment sans pouvoir en profi ter, Olga Savatova, 35 ans, a pris le taureau par les cornes : « Je suis restée trois ans au chômage, as-sise chez moi. Puis j’ai compris que le tourisme allait à la fois me permettre de me développer personnellement et d’apporter un revenu complémentaire à mon foyer ». Olga Savatova élève deux enfants à Gorno Altaïsk, la ca-pitale de la république de l’Al-taï, en Asie centrale.

Le déclic s’est produit en 2008 : « J’ai entendu parler d’une formation sur la transformation de la laine, et la conception de souvenirs et d’habits. J’y ai par-ticipé, j’ai été séduite et j’ai im-médiatement monté un atelier chez moi. Dès la première sai-son, j’ai vendu toute ma produc-

tion », se réjouit Olga Savatova, qui envisage désormais d’élargir son atelier. « Je fais travailler trois personnes », explique-t-elle en montrant un stand où sont exposées des fi gurines de laine représentant des animaux de l’Altaï, ces mêmes espèces qui symbolisent la région… et sont en voie d’extinction en raison du braconnage. Parmi elles, l’once (irbis ou panthère des neiges), et le moufl on des neiges (argali).

Pour se reconvertir, Savatova a aussi bénéfi cié d’un coup de pouce, sous la forme d’une bourse accordée par le Fonds Sodeïstvie, une ONG elle-même fi nancée par un projet conjoint entre Citibank et le World Wildlife Fund. L’ob-jectif commun des trois organi-sations est de « promouvoir le développement de PME liées au tourisme dans l’Altaï » à travers des bourses et des micro-crédits à taux réel nul. « Pour Citi, il s’agit d’argent injecté dans un projet social et environnemental qui n’est pas destiné à nous re-venir », explique Denis Denis-sov, porte-parole de la banque en Russie.

La république de l’Altaï

menace radicalement la biodi-versité ».

La promotion de l’écotourisme s’est logiquement imposée comme moyen de concilier les intérêts des autochtones et de

l’environnement. « Les crédits sont mieux que les bourses pour responsabiliser les entrepreneurs, qui par ailleurs n’intéressent pas du tout les banques habituelles. Nous tenons à ce que ceux qui habitent les parties les plus iso-lées de la république aient aussi accès à une aide. Dans certains villages, le taux de chômage at-teint les 90% », souligne Pahae-va. Savatova reconnaît qu’une aide fi nancière lui est indispen-sable : « Nous ne sommes pas sur un pied d’égalité avec les Russes venant de Moscou ou de Sibérie. Ceux-là bénéfi cient de-relations, de capitaux. Beaucoup ont pu acheter des terres. Tan-dis que les autorités ne font rien pour nous », déplore-t-elle.

La composition ethnique de l’Altaï explique la singularité de la région. L’essentiel de la popu-lation est composé de toutes pe-

tites ethnies comme les Tu-balars, les Telengits et les Chelkants, qui sont très ma-

joritairement adeptes du cha-manisme. Ils sentent leur

culture vulnérable au monde moderne et restent très attachés à leur mode de vie.

« Gazprom veut construire un gazoduc passant par un endroit qui est sacré pour nos anciens », s’indigne Savatova. « Je suis contre. Ils ont déjà construit des baraquements et jettent tout au-tour des bouteilles de vodka vides », poursuit-elle.

Une caractéristique des au-tochtones réside dans la force de caractère des femmes. « Elles sont à la fois plus ouvertes et plus entrepreneuses que les hommes », remarque Pahaeva, qui ajoute que « la plupart des 30 bénéfi ciaires de micro-crédits sont des femmes ».

Une force qui s’appuie sur la lucidité. Car, comme conclut Sa-vatova : « On ne nous aide pas pour nos beaux yeux, mais pour sauver la faune en disparition. C’est pourquoi nous devons à notre tour aider ces animaux auxquels nous devons tant ».

compte 200 000 habitants, pour l’essentiel vivant chichement de l’élevage dans un cadre monta-gneux ou semi-désertique. « Le niveau de vie est très bas et le taux de chômage, très élevé », remarque Tatiana Pahaeva, di-rectrice du Fonds Sodeïstvie et native de la région. « Le résul-tat, c’est que la tentation est grande de se livrer au bracon-nage d’espèces en voie de dispa-rition. Leur commerce sur le mar-ché noir est très lucratif, mais il

JAMES BROOKEVOICE OF AMERICA

Dans le monde infiniment

interconnecté d’aujourd’hui, la

république de l’Altaï, au fin fond

de la Russie, offre le comble du

luxe : un interlude sans internet

ni téléphone portable.

Le « Tibet russe » s’ouvre au monde extérieur, à petits pas

Al-taï veut dire « montagnes dorées » dans les langues turque et mongole

pics enneigés de Belukha seraient le sésame de Shambhala, la lé-gendaire « terre pure » synonyme de paix, tranquillité et bonheur.

Ses sommets et ses vallées es-carpées ont toujours fait de l’Al-taï le bout du monde. Absorbés il y a 250 ans par la Russie tsa-riste qui voulait tracer une fron-tière avec la Chine, les peuples des montagnes de l’Altaï n’ont jamais été inquiétés. À ce jour, parmi les 83 régions russes, la leur l’une des rares à ne pas être traversée par une voie ferrée.

L’isolement du « Tibet russe » a pris fi n cette année avec l’achè-vement de la construction d’une nouvelle piste d’atterrissage à l’aéroport de Gorno-Altaïsk, la capitale de la république (60 000 habitants). En juin, S7 Airlines a lancé des vols directs depuis Moscou. Au sol, le revêment de la piste Chouïski, une voie de 600

Lors d’un récent voyage dans cette région, j’étais déconnecté de mon bureau. En échange, je pouvais contempler le silence des forêts de cèdres, la grâce des che-vaux sauvages gambadant dans les prairies alpines et la beauté des rivières gorgées de glaciers qui fendent les montagnes acci-dentées de l’Altaï.

Au fond d’une gorge bordée par le Kazakhstan, la Chine et la Mongolie, l’Altaï est le site du point culminant de Sibérie, le Mont Belukha (4 500 mètres). Pour certains bouddhistes, les

km, est enfi n terminé. La route principale de la république se faufi le entre les montagnes dé-chiquetées de l’Altaï-Sayan. À la mi-septembre les mélèzes ex-plosent comme d’immenses feux d’artifi ce sur fond de cèdres d’un

vert profond. Les montagnes do-rées sont classées héritage mon-dial par l’UNESCO.

Les hauteurs sont la demeure des Argali, les plus gros moutons de montagne au monde. Un bé-lier peut peser jusqu’à 182 kilos, dont 28 kilos de cornes en tire-bouchon.

Et tout en haut de la chaîne alimentaire rôdent les léopards des neiges. Leur adaptation à l’altitude se mesure à leurs larges pattes leur permettant de mar-cher dans la neige. Les Argali et les léopards des neiges vivent au sommet du monde, allant du sud de l’Altaï vers l’est de l’Hima-laya et le Tibet. Ces deux gros mammifères sont des espèces en voie de disparition. L’Altaï leur offre une chance de survie.

Un quart du territoire de cette république de la taille de la Hon-grie pour seulement 260 000 ha-bitants, est protégé par des ré-serves naturelles, essentiellement des forêts montagneuses. Les Russes et les ethnies de l’Altaï voient leur avenir de plus en plus lié au marché de l’écotourisme.

James Brook est chef du bureau de Moscou de Voice of America. Le monastère féminin de Jean l’Évangéliste à Barnaul.

Photo du haut : défilé de costumes traditionnels pour les touristes.

L’isolement de la région a pris fin cette année avec l’aménagement de structures aéro-portuaires et routières

Les femmes de l’Altaï, « plus ouvertes et plus entrepreneuses que les hommes », engrangent les micro-crédits

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COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

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Préparé parVeronika Dorman

LU DANS LA PRESSEPURGE AU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

Vladimir Poutine a limogé le mi-nistre de la Défense Anatoli Ser-dioukov, un allié pourtant loyal. Serdioukov fait face à des accu-sations de corruption. C’est un scandale sans précédent au sein du pouvoir, qui suscite un grand nombre de questions : s’agit-il d’un règlement de comptes entre clans de l’élite dirigeante, d’une véritable opération « mains propres », ou bien d’un symp-tôme de la difficulté du Kremlin à renouveler ses hommes ?

SERDIOUKOV LE SACRIFIÉ

Ruslan PukhovTHE MOSCOW TIMES/ 13.12

LE GRAND MENAGE

EditorialVEDOMOSTI/ 12.11

L’ABSOLUTISME FLANCHE

Vladimir MilovGAZETA.RU/ 12.11

Poutine s’est servi de Serdioukov pour mener des réformes impi-toyables. Et Serdioukov s’est sur-passé. Avec une rapidité sans pré-cédent, les forces armées ont fait peau neuve, fondamentalement différente de l’Armée Rouge et de l’armée russe qui lui a succé-dé. Tout a changé : taille, gestion, structures, formation. Mais l’impla-cable réformateur Serdioukov est devenu handicapant pour un Pou-tine dont la base électorale vacille et qui dérive vers une politique plus conservatrice et populiste, à l’instar de Loukachenko en Bié-lorussie ou Chavez au Vénézuela. Poutine a décidé d’user de « thé-rapie populiste » en limogeant un ministre impopulaire.

Les observateurs assurent que la « purge des élites » tant attendue a commencé. L’idée d’une purge et d’un redémarrage au sein des élites n’est pas absurde. Un sys-tème politique qui n’est pas net-toyé naturellement grâce à des élections et l’activité de médias libres a besoin d’un mécanisme d’autopurification. Les limites d’âge sont sans cesse repoussées, il n’existe aucune règle de rota-tion, ne reste que la poursuite pour des délits réels ou inventés. La campagne contre la corruption aura sans doute des conséquences tragiques pour certains ; elle peut réellement porter des fruits, mais elle ne deviendra pas une poli-tique systématique.

Ce n’est pas Serdioukov qui consti-tue le problème, mais le fait que les conflits au sein du clan « pé-tersbourgeois » commencent à déborder dans l’espace public, avec des procès et des campagnes de diffamation dans les médias. C’est inédit pour un système aussi opaque et fermé. Cela reflète sans doute une situation compliquée au sein du pouvoir ; Poutine peine a rééqulibrer les forces depuis son retour au Kremlin. C’est évidem-ment lié à son affaiblissement po-litique récent. Sa cote de popula-rité est au plus bas. Pour autant, il ne faut pas s’attendre à une scis-sion au sein de l’élite, qui pourrait avoir des conséquences politiques réelles pour le pays.

UN PRÉSIDENT SANS PRÉJUGÉS

UN NOUVEAU REDÉMARRAGE ?

OBAMA GAGNE, MOSCOU RESPIRE

Mikhaïl

RostovskiPOLITOLOGUE

Arnaud

DubienEXPERT

Si Mitt Romney avait été élu, aucune catastrophe ne se serait abattue sur Moscou. Mais au lende-

main de l’élection, j’ai tout de même éprouvé un sentiment de joie et de soulagement.

La victoire d’Obama permet d’espérer que les désaccords entre Moscou et Washington se-ront dus non pas à des principes idéologiques d’un autre âge, mais à des divergences liées aux inté-rêts nationaux respectifs. Il fut un temps où la Russie était à l’épicentre de la politique étran-gère américaine. Ce n’est plus aujourd’hui le cas que dans les discours de Mitt Romney.

Quelques jours avant la pré-sidentielle américaine, j’ai ren-contré à Moscou un ancien haut fonctionnaire de l’administration républicaine. Désormais, ses ac-tivités dépendent directement de bonnes relations entre la Russie et les États-Unis. Il affichait par rapport au résultat de l’élection à venir un fl egme impression-nant, pour ne pas dire une franche indifférence : « Qu’est-ce qui changera réellement si Romney gagne ? L’Amérique, de nos jours, a une marge de ma-nœuvre très réduite en matière de politique étrangère. Nos res-sources ne sont plus ce qu’elles étaient. Et le terrain sur lequel les États-Unis et la Russie se re-trouvent - aussi bien dans un sens positif que négatif - rétrécit tant en taille qu’en importance ».

Il ne s’agit pas d’éluder la question. La Chine et l’Iran sont maintenant au cœur des préoc-cupations des démocrates comme des républicains. Avant, c’est la Russie qui avait ce « privilège ». Aujourd’hui encore notre pays est un cheval de bataille qu’en-fourchent allègrement les Amé-ricains dont la jeunesse a coïn-cidé avec la Guerre froide.

Mais est-on en droit de sous-estimer l’importance de la rhé-thorique en politique ? Non, sur-tout pas. Les mots comme les pensées comptent. Ce n’est que dans leurs mémoires que les hommes politiques basent leurs décisions sur la nécessité du mo-

La Russie, comme la plu-part des pays du G20, s’est félicitée de la réélection de Barack Obama à la

Maison Blanche début no-vembre. Il faut dire que les dé-clarations de son challenger ré-publicain Mitt Romney - qui avait qualifi é Moscou « d’enne-mi numéro un » durant la cam-pagne électorale - n’étaient pas de nature à susciter beaucoup de sympathie au Kremlin. Pour autant, la reconduction de Ba-rack Obama à la présidence des États-Unis ne donne lieu à aucun optimisme particulier au sein des élites russes.

Certes, personne à Moscou n’a oublié ni ne regrette l’atmos-phère de la fi n de la présidence de George W. Bush. Les relations bilatérales étaient à l’époque exécrables. La deuxième vague d’élargissement de l’OTAN, les tentatives de Washington visant à faire rentrer dans l’Alliance l’Ukraine et la Géorgie, le dos-sier de la défense anti-missile

ment ou un concours de circons-tances favorables. En réalité, ils sont souvent guidés par des pré-jugés solidement ancrés.

En décidant d’entraîner son pays dans une guerre totale au Vietnam, le Président Johnson comprenait, à en croire ses bio-graphes, qu’il allait y sacrifi er l’esprit même de sa présidence alors qu’il voulait laisser dans l’histoire l’image d’un grand ré-formateur social. Le Vietnam lui a forcé la main : la guerre ou la

« grande société ». Il rêvait de celle-ci mais son esprit était pri-sonnier de la théorie des domi-nos tombant un à un dans le camp communiste.

Je ne suis pas certain que Rom-ney se serait lancé dans une aventure étrangère. Mais c’est

et la « guerre des cinq jours » entre Moscou et Tbilissi à l’été 2008 avaient profondément en-venimé les choses.

La remise à plat (le fameux « redémarrage ») annoncée par le vice-président Joe Biden début 2009, lors de la conférence an-nuelle sur les questions de sécu-rité à Munich, avait permis de restaurer les conditions d’un dia-logue plus serein. Les gestes de bonne volonté se sont ensuite multipliés de part et d’autre : le

Pentagone a ainsi revu ses plans relatifs au déploiement d’inter-cepteurs et de radars en Pologne et en République tchèque dans le cadre du projet de défense an-ti-missile, Washington a favori-sé l’entrée de la Russie dans l’Or-ganisat ion mondiale du

On ne sait rien des préjugés personnels de Romney. Obama est un pragmatique tourné vers l’avenir

La réélection de Barack Obama pourrait relancer le dialogue entre Moscou et Washington

leur attitude respective vis-à-vis des préjugés qui distinguait les deux candidats.

Obama est un homme prag-matique qui garde la tête froide, tourné non vers le passé, mais l’avenir. Romney est un homme politique aux préjugés person-nels peu clairs. Impossible de dé-chiffrer la pensée intime des gens, surtout celle de politiciens dont ne saura jamais à quel point ils croient à leur propre réthorique.

Mais plus il y a de préjugés à Washington, plus il y en a à Mos-cou - ils se nourrissent mutuel-lement. Au cours du premier mandat d’Obama, les réactions russes à la politique étrangère américaine ont été affectées par les préjugés les plus fous.

Des gens apparemment « nor-maux » étaient persuadés que le « printemps arabe » était un com-plot américain. Ces mêmes gens croient dur comme fer que le mouvement contestataire en Rus-sie résulte d’un stratagème tordu ourdi par les Américains, alors que de toute évidence, les troubles politiques prennent leur source à l’intérieur du pays.

J’ose à peine imaginer l’am-pleur qu’auraient prise les pré-jugés antiaméricains à Moscou si Romney avait convaincu l’élec-torat que la Russie restait « l’en-nemi géopolitique numéro un ».

Mikhaïl Rostovski est éditoria-liste à Ria Novosti.

Article publié dansRia Novosti

commerce (OMC), tandis que la Russie a durci le ton contre l’Iran sous la présidence Medvedev et s’est montrée très coopérative à l’égard de l’OTAN à la veille de son retrait d’Afghanistan en 2014. Les relations russo-amé-ricaines se sont donc normali-sées, mais le « reset » a paru s’es-souffler depuis quelques mois.

Les dossiers libyen et syrien, mais surtout les échanges plu-tôt vifs à propos de l’affaire Ma-gnitski ou la condamnation des Pussy Riots ont mis en évidence les risques de rechute.

L’acte 2 de la présidence Obama permettra-t-il de sur-monter défi nitivement le legs de la Guerre froide et de construire un partenariat nouveau entre la Russie et les États-Unis ?

Rien n’est moins sûr. Les per-ceptions restent très fi gées de part et d’autre, la confi ance fait défaut, et la relation bilatérale pâtit d’un agenda encore trop axé sur les questions de sécuri-té internationale. Les investis-sements américains en Russie sont par exemple inférieurs à ceux de la France.

L’évolution du dialogue entre Washington et Moscou dépen-dra aussi des personnalités qui seront nommées au cours des prochaines semaines dans la nouvelle administration améri-caine. La possible promotion de l’actuel ambassadeur américain auprès des Nations Unies, Susan Rice, à la tête du Département d’État, est perçue négativement par le Kremlin, alors que la per-sonnalité de l’ancien candidat à la présidentielle de 2004, John Kerry, est plus consensuelle.

Autre facteur d’incertitude : la Russie est en outre perçue comme désormais moins impor-tante pour les États-Unis, dont l’horizon stratégique se déplace vers l’Asie.

Cette situation pourrait au de-meurant se révéler favorable au renforcement des relations entre Moscou et les pays de l’Union européenne, à condition toute-fois que cette dernière s’extirpe du marasme économique et prenne la mesure du potentiel que représenterait un partena-riat ambitieux avec la Russie. Gageons que l’ampleur de la crise actuelle devrait favoriser la prise de conscience de la complémen-tarité entre les deux Europe.

Arnaud Dubien est directeur de l’Observatoire franco-russe.

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COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Culture

Le lecteur français a redécou-vert l’an dernier, grâce aux édi-tions Le bruit du temps, le récit kafkaïen des années de Gou-lag de Julius Margolin, Voyage au pays des Ze-ka, livre étouf-fé lors de sa première publica-tion en 1947, tant il contrariait l’air du temps.

L’éditeur et la traductrice poursuivent leur travail. Luba Jurgenson a exhumé des textes inédits, Huit chapitres sur l’en-fance, et un volet, Le Chemin vers l’Occident, qui constituent Le Livre du retour. Nous re-trouvons Julius Margolin là où nous l’avions laissé, à sa libé-ration en 1945. En haillons, af-famé, il arrive en relégation à Slavgorod dans l’Altaï. Au prin-temps 1946, la nouvelle tombe, invraisemblable : les Polonais déportés du Goulag sont rapa-triés vers Lodz et Varsovie. À Lodz, le rescapé du Goulag prend la mesure de l’ampleur de la Shoa. Puis vient le vrai départ, celui qui l’amène à fran-chir la frontière entre deux mondes, entre Varsovie et Paris.

C’est de Marseille qu’il re-gagne ensuite la Palestine. L’Héliopolis affrété par les or-ganisations juives prend la mer « vers l’Occident, l’Occident du cœur, l’Occident de la pen-sée… ». Un Occident qui ne correspond pas à une réalité géographique, mais politique, qu’il oppose à un Orient où l’on inculque le « respect du fouet […], où la Peur marche sur la pointe des pieds ».

À bord du navire, Margolin prend la plume et s’empresse de faire lire son premier récit à l’un de ses compatriotes, ex-pliquant son sentiment « d’être en dette à l’égard de quelqu’un… d’être obligé de faire quelque chose… pour ne pas être un sa-laud à (ses) propres yeux ». Son interlocuteur, jugeant qu’il est plus sain de tirer un trait sur le passé, prédit qu’avec le temps il renoncera peut être à « crier plus fort que la vie ». On l’a compris, Julius Margolin ne re-noncera jamais, mais devra porter seul sa croix.

Il l’a appris, la vie ne fait que confi rmer le traumatisme d’en-fance lorsque sa nounou le re-garde se noyer sans réagir à ses appels… vous êtes sur le point de périr, et vos amis contemplent votre malheur, indifférents, le visage impassible. Telle est donc l’existence et nous avons ap-pris son amère leçon. Mais ce qui frappe chez cet homme qui sort de l’enfer, c’est une gour-mandise pour la vie, le goût re-trouvé des pommes, de la chair d’une femme, de l’animation des cafés de Marseille, d’un livre découvert… l’absence de haine et aussi, une volonté fa-rouche de comprendre, d’ana-lyser et de témoigner de ce qui se joue dans sa vie d’homme.

Christine Mestre

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Plus forte est la vie...

TITRE : LE LIVRE DU RETOUR AUTEUR : JULIUS MARGOLIN ÉDITION : LE BRUIT DU TEMPS TRADUIT PAR L.JURGENSON

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EMMANUEL GRYNSZPANLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

À l’affiche de la vingtième

édition : trois films sur la

Seconde Guerre mondiale, des

œuvres se situant à l’époque

actuelle et quatre premières ré-

alisations. Tout un programme.

Honfleur : un regard sur l’histoire et sur la Russie contemporaine

Grand écran Le festival du cinéma russe (du 20 au 25 novembre) fait la part belle au passé sans oublier le présent

Sept fi lms font partie de la sé-lection officielle. Une seconde sélection présente quatre pre-mières réalisations. La sélection Un nouveau regard sur l’histoire va révéler au public français la manière dont les cinéastes russes racontent le passé. Et c’est symp-tomatique : trois œuvres sur la Seconde Guerre mondiale, (dont Tigre Blanc, de Karen Chakhna-zarov, sélectionné pour représen-ter la Russie aux Oscars), plus un fi lm inspiré par la guerre de 2008 avec la Géorgie. L’acteur Aleksei Guskov, très remarqué par le public français pour Le Concert (sorti en 2009), sera pré-sent au festival avec son nou-

veau fi lm Quatre jours en mai [lisez l’entretien avec Guskov sur le site : larussiedaujourdhui.fr/16181, ndlr], qui fait partie de la sélection principale. Ce fi lm - également centré sur un épisode douloureux de la Seconde Guerre mondiale - ne devrait pas à Hon-fl eur susciter des débats aussi houleux qu’en Russie.

Les autres œuvres sélection-nées - à l’exception de L’Admi-ratrice, inspirée de la vie d’An-ton Tchekhov - se déroulent dans le monde contemporain. Koko-ko, d’Avdotia Smirnova, relate la collision entre une intellec-tuelle pétersbourgeoise un peu coupée des réalités et une pro-vinciale dévergondée mais fau-chée. Elles s’éprennent l’une de l’autre, mais les hommes sèment des embûches dans leur amitié improbable. Une comédie sans prétention où le talent de la pé-tillante Yana Trovanova saute aux yeux. La Journée d’un prof, de Sergueï Mokritsky, suit éga-

lement l’évolution d’un modeste intellectuel, celui-là bien au contact de la réalité russe, et qui proteste contre la dégradation de la culture, avec des côtés Don Quichotte. Voilà ce qui m’arrive, de Viktor Shamirov, parle sur un

ton léger, ironique, d’une tout autre catégorie d’individus : les parvenus moscovites. Gocha Koutsenko, acteur très populaire, incarne un père pris dans les dif-fi cultés de communication avec sa fi lle, qui doute des valeurs ma-térielles et qui semble gagné par une nostalgie de la Russie sovié-tique. Un fi lm clairement asso-cié à la tradition des toiles du Nouvel An, c’est-à-dire des co-

médies intemporelles. Dans Je serai près de toi, on passe à la tragédie lacrymale. Le destin brise la vie d’Inna, jeune mère célibataire, atteinte d’une mala-die incurable. Il lui reste peu de temps pour trouver les parents adéquats capables d’adopter son fils. Récits, de Mikhaïl Segal, touche au thème de la littéra-ture et à son influence mysté-rieuse et irrésistible sur la vie de personnages contemporains. Une comédie légère avec un scénario original soulignant les liens étroits entre les Russes et leur littérature. Les grands romans russes n’ont-ils pas fortement contribué à modeler ce pays ?

Dans la catégorie des débuts, la sélection est inégale. Ils sont tous partis est l’excellent démar-rage dans la fi ction d’un réali-sateur au nom exceptionnel : Gueorgui Paradjanov. Neveu du génial Sergueï Paradjanov, réa-lisateur iconoclaste (Chevaux de feu, Couleur de la grenade) et

dissident connu dans le monde entier. Gueorgui poursuit sur les traces de son oncle avec une œuvre originale, métissage ar-ménien et géorgien, recherche des racines, poésie indescriptible et folie toute caucasienne. Ivan atomique est une comédie pas-sable visiblement destinée à ras-surer le public russe sur l’inno-cuité de l’énergie nucléaire.

Sa fi lle, d’Alexandre Kassat-kine et de Natalia Nazarova, est un drame émouvant sur le deuil d’une jeune femme dans la pro-vince profonde. Ce fi lm a déjà été récompensé par la critique, avec un meilleur prix du pre-mier fi lm au festival Kinotavr de Sotchi et un prix de la critique FIPRESCI à Varsovie cette année. Reste à réunir les conditions pour qu’il rencontre un public nom-breux hors du circuit honorable mais peu rentable des festivals. Espérons qu’il trouvera un dis-tributeur français courageux à Honfl eur !

EN BREF

La Librairie du

Globe vivra !

Le plus beau des cadeaux pour le soixantième anniversaire de la Librairie du Globe, maison du livre russe à Paris, fondée à l’époque soviétique : au lieu de la fermeture, c’est la renaissance du magasin qui sera célébrée. Luttant depuis quelques années pour sa survie, la Librairie du Globe continuera à proposer un vaste choix de littérature russe au public parisien grâce au sou-tien de l’entrepreneur Iouri Ko-valtchouk. Désormais, le Globe aspire à se reconvertir en véri-table plateforme culturelle, of-frant des cours de russe, un club d’échecs, un studio pour enfants et un salon de thé, proposant en prime la vente de livres par Internet et un lieu de rencontres avec les écrivains russes proé-minents.

Pour en savoir plus sur la librairie, lisez notre article sur : › larussiedaujourdhui.fr/16281.

EMILY WRIGHTLA RUSSIE D’AUJORD’HUI

La commune du Bouveret, au

bord du lac Léman, en Suisse, a

été transformée, le temps de

cinq semaines, en un port de la

Volga pour le tournage du

dernier film de Nikita Mikhalkov.

Mikhalkov transporte la Volga sur l’eau du lac Léman

Tournage Le cinéaste russe n’a pu dénicher dans son pays les roues à aubes d’antan ...

fl euve d’Europe : la Volga. Dans le décor du Valais renaît un pay-sage russe des années 1920 !

En se promenant sur ce vieux port de la Volga au bord du Léman, les illusions vacillent entre vrai et faux, ancien et mo-derne, Suisse d’aujourd’hui et Russie d’hier. Des marchands russes d’un autre siècle circulent parmi des chevaux de l’armée suisse sur un ponton suisse de bois russe. Huit camions de 40 mètres cube ont été acheminés pour l’occasion. Des faux pavés en caoutchouc parsemés de paille étouffent le bruit des roues des charrettes. Le débarcadère a été repeint et porte maintenant le nom de Povoljsk. Et le goût local pour l’authentique est tel que des habitants ont demandé à garder ce décor après la fi n du tournage. Heinz Dill, le producteur exécu-tif suisse, explique le miracle par la vision du chef décorateur russe

Le réalisateur russe, connu en Europe pour Soleil trompeur, primé à Cannes en 1994, a eu l’idée de tourner les scènes russes de son nouveau fi lm, Un coup de soleil (adaptation du récit du même nom par Ivan Bounine, écrit en 1925) sur un lac connu pour ses montagnes pitto-resques… qui seront effacées au montage. Ce choix, à première vue étonnant, a été motivé par la disponibilité en Suisse de ba-teaux à vapeur avec roues à aubes, nécessaires pour mettre en scène la Russie du début du XXème siècle sur le plus grand

et les trucages sur ordinateur. C’est la première fois que Dill travaille avec des Russes et il s’en dit enchanté : « Malgré une dif-férence dans la culture de pro-duction, nous avons travaillé en harmonie et la rencontre hu-maine a été magnifi que ».

Les équipes de tournage russe et suisse échangent depuis plu-sieurs mois sur le logiciel Skype, se transmettant des plans et par-tageant leur savoir. « Nous avons reçu des photos d’époque, des croquis du chef décorateur de Russie et une liste de tons, de formes, de proportions. Un pat-chwork d’informations que nous avons interprété, et ils sont en-chantés du résultat ! », s’enthou-siasme le chef décorateur suisse Pascal Bailloud.

Il nous montre le bateau sur

La sélection du festival confirme l’obsession constante du cinéma russe pour l’histoire troublée du pays

De gauche à droite, clichés de trois des films sélectionnés : « Quatre jours en mai », « Je serai près de toi » et « Kokoko ».

lequel les acteurs et fi gurants se promènent en attendant de jouer la prochaine scène. Il s’agit du « Rhône », l’un des trois bateaux de la Compagnie Générale de Navigation utilisés pour le tour-nage. Il a été renommé « bateau volant » et a subi quelques mo-difications. Aux côtés du « Rhône », le célèbre navire « La Suisse » (1910), considéré comme le plus prestigieux du pays, et le « Montreux » (1904) ont été mo-bilisés.

Quand au sujet du fi lm, le réa-lisateur Nikita Mikhalkov in-dique qu’« il s’agit des souvenirs d’un homme à propos d’une liai-son amoureuse incroyable, époustoufl ante. Ces souvenirs lui viennent au moment où il com-prend qu’il ne n’éprouvera plus jamais ces sentiments ».

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Page 8: La Russie d'Aujourd'hui

08LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Culture

larussiedaujourdhui.fr

P o u r c o n t a c t e r l a r é d a c t i o n : r e d a c @ l a r u s s i e d a u j o u r d h u i . f r S e r v i c e d e p u b l i c i t é s a l e s @ r b t h . r u t é l . + 7 ( 4 9 5 ) 7 7 5 3 1 1 4

Les légendes de Moscou au fil

des siècles

larussiedaujourdhui.fr 19 Décembre

ANNE VEKLITCHLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

« Une mécanisation perpétuelle

de la vie » : c’est en ces termes

que l’architecte Moisei Ginzburg

posait les principes du construc-

tivisme, une architecture pour

les temps modernes.

Le constructivisme, témoin de l’Histoire Architecture Quand le style avant-gardiste de l’époque soviétique recherchait un compromis entre l’utilitaire et l’innovation esthétique

Dans la Russie post-révolution-naire, l’usine a cessé d’être l’unique lieu de vie du glorieux travailleur. Le besoin de détente est apparu, et il lui fallait un es-pace. Le réseau de transport commençait à se développer, et la ville, qui devait être entière-ment repensée, connaissait une mutation sans précédent. La ré-volution et la Première Guerre mondiale ont totalement achevé de transformer l’ordre social.

L’homo sovieticus vit dans un appartement communautaire, où la vie collective est censée ré-pondre à l’accélération du rythme du travail. Offrant une alternative à ceux qui ne sont pas prêts à des changements aussi radicaux, les architectes de l’époque proposent des logements de type transitionnel, qui per-mettent de conserver un certain modèle familial.

Aujourd’hui encore, ce style architectural est visible sur des bâtiments comme la Maison du Narkomfi n, conçue par Moisei Ginzburg et Ignaty Milinis, si-tuée boulevard Novinski à Mos-cou, et mise à la disposition des experts qui travaillent sur la di-versité culturelle. Répertorié au Pa t r i m o i n e m o n d i a l d e l’UNESCO, l’immeuble de six étages conçu pour 200 habitants, d’une hauteur de 17 mètres, me-nace aujourd’hui de s’effondrer et nécessite une restauration ur-

gente. L’intérieur est composé d’une dizaine d’appartements, dont deux studios sur deux étages, avec des plafonds de 4,6 mètres de haut. Les habitants y accédaient par des couloirs d’en-viron 4 mètres de large, bordés de fenêtres.

À l’époque, celle des années 1920, les architectes affrontaient un défi de taille : adoucir les contrastes sociaux, fournir l’es-pace nécessaire à toutes les ca-tégories de population, répondre aux exigences de fonctionnaires de la NEP (« New Economic Po-licy »), le tout en harmonie avec la nouvelle ère industrielle.

À la recherche de nouvelles formes, les architectes se sont plongés frénétiquement dans la recherche de figures géomé-triques. Ils ont renoncé à « l’art

pour l’art », adoptant dans un même temps une nouvelle conception artistique qui consis-tait à rendre l’objet à la fois utile et esthétique.

Parallèlement aux logements, Moscou s’est rapidement dotée

Le ministère de l’Agriculture sur Krasnye Vorota (à gauche) et la maison Mosselprom à Kalashny ruelle.

Les projets moscovites de Le Corbusier

Le Corbusier a planché de 1928 à 1930 à Moscou sur deux projets. Le premier est la Maison des Syn-dicats (Dom Tsentrossoïouza) qui a été édifiée en 1936, dans la rue Myasnitskaïa, et abrite aujourd’hui un centre d’affaires et des bu-reaux. Le second (sur la photo) est le Palais des Congrès, qui de-

ÉTIENNE BOUCHELA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Début octobre, le musée

Zadkine remis à neuf a rouvert

ses portes au public parisien. Il

célèbre cette année son

trentième anniversaire.

Un musée rénové pour redécouvrir Zadkine et la poésie de l’instant

Arts plastiques Réouverture après travaux d’une insitution parisienne consacrée aux sculptures et dessins d’un grand artiste russe

l’œuvre sculptée d’un artiste protéiforme – également dessi-nateur et graveur. Les travaux ont permis d’agrandir l’intérieur, offrant la possibilité d’un agen-cement plus épuré. « Depuis la réouverture, les visiteurs sont dithyrambiques. Ils ont l’impres-sion de redécouvrir Zadkine », se réjouit Véronique Koehler, ad-jointe à la directrice du musée. De nouvelles œuvres jusqu’alors conservées en réserve sont ve-nues s’ajouter à la collection présentée au public, qui compte désormais soixante-dix pièces. Invisible depuis 1949, la sil-houette de l’imposante Rebecca

Rappelant les origines russes de l’artiste, le samovar installé dans l’entrée donne le ton : à l’écart de l’agitation parisienne, le musée Zadkine est un lieu pai-sible et convivial. Ce matin, les rayons du soleil traversent dé-licatement les baies vitrées et illuminent les murs d’un blanc immaculé. Le parcours présente

– près de trois mètres de hau-teur – capte l’attention.

Le visiteur pénètre dans un lieu intime : le sculpteur y vécut pen-dant près de cinquante ans avec son épouse, Valentine Prax. Fi-gure de l’École de Paris, qui ras-semblait les artistes étrangers venus s’installer à Paris, Ossip Zadkine posa ses valises rue d’As-sas en 1928, quand Montparnasse n’était encore qu’un faubourg bon marché. « Le musée a une iden-tité propre, puisque les œuvres sont présentées sur le lieu même où elles ont été créées », souligne la responsable. Aucune barrière ne tient le visiteur à l’écart,

« C’est un lieu vivant, qui respire avec la nature ».

ajoute-t-elle, car « on a voulu abo-lir tout principe de mise à dis-tance en présentant les sculptures comme si elles étaient en train d’être travaillées. L’idée, c’est de proposer une intimité sensorielle ». Plutôt que de noyer l’œuvre de Zadkine dans une surabondance

de dates, le musée privilégie une approche centrée sur le travail de la matière – calcaire, marbre, bois.

Dans les années 1960, Zadkine émet le souhait de léguer l’en-semble de son œuvre à la Ville de Paris, à condition qu’une institu-tion soit créée pour l’héberger. Sa volonté est honorée par Valentine Prax, si bien qu’en 1982, un musée Zadkine voit le jour à Paris, à l’endroit même où vécut le couple. Pendant un an, la rénovation s’est faite dans le respect de la confi -guration originale. Les pièces de l’ancienne habitation ont été conservées, à l’image du vestibule, qui abrite deux superbes ébènes donnant sur le jardin. « C’est un lieu vivant, qui respire avec la nature, qui vit au rythme des sai-sons, remarque Véronique Koehler. En général, au seuil des autres musées, le temps s’arrête. L’éclai-rage est fi gé, artifi ciel. Ici, la lu-mière change tout le temps. Vous pouvez revenir plusieurs fois, les œuvres apparaissent toujours sous un jour nouveau. C’est toute une poésie de l’instant ».

Le musée a une identité propre : les œuvres sont exposées sur le lieu même où elles ont été créées

d’un Palais du travail, de can-tines, de garages etc. Les urba-nistes prirent l’habitude d’écar-ter le superflu, grâce à une utilisation rationnelle et calcu-lée de chaque élément de la construction. Ainsi, la façade

d’une maison pouvait aussi être reproduite à des fi ns de décora-tion (sur des cages d’escalier ou des installations publiques).

Le verre était l’un des princi-paux matérieux utilisés. Les élé-ments en verre, souvent impo-

sants, reflètent à l’époque le progrès technique. En se démar-quant des murs en béton, ils in-carnent le style industriel. Ilya Golossov conçoit en 1925 la Mai-son de la Culture de Zuev. Les architectes expérimentent aussi des fenêtres d’un genre nouveau en combinant diverses figures géométriques. Unique projet de l’architecte et artiste avant-gar-diste El Lissitski, le siège du ma-gazine Ogoniok, dans la rue Sa-motetchny, symbolise un style autrefois impensable : un mé-lange de grandes vitres carrées et de petites fenêtres rondes.

On doit à Konstantin Melni-kov le plus célèbre édifice constructiviste de Moscou dans la rue Kriboarbatsky : la villa Arbat, aux fenêtres hexagonales, un chef d’ œuvre architectural composé de deux tours cylin-driques formant le chiffre 8.

La villa est régulièrement ré-novée, mais ce n’est malheureu-sement pas le cas d’autres bâti-ments construits entre les années 1920 et 1930, aujourd’hui mena-cés de disparition car ne fi gu-rant pas sur la liste des monu-ments protégés. À l’heure actuelle, plus de 26 réalisations constructivistes sont menacées de démolition, et des édifi ces tels que la villa Budenovski, Dubro-vka ou Pogodinski font l’objet de débats intenses. Andreï Ba-talov, expert en architecture, en explique l’enjeu : il s’agit « d’un héritage du modernisme sovié-tique, d’un intérêt universel. Les réalisations de l’époque doivent être préservées en tant que sys-tème et concept résidentiel. La reconstruction de nouveaux quartiers n’apportera rien d’autre à Moscou que tristesse et ennui ».

vait être érigé à l’emplacement de la Cathédrale du Christ-Sauveur lorsque celle-ci fut détruite par les Bolcheviks en 1931. Situé en face du Kremlin, le bâtiment devait y être relié par une artère spé-ciale. Mais le projet présenté par Le Corbusier au concours orga-nisé pour la circonstance n’a pas été retenu, sans doute parce que contrairement aux projets de ses concurrents soviétiques, aucune statue de Lénine n’y figurait !

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