La rubrique - Savoie

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Conservation Départementale du Patrimoine NUMÉRO TREIZE JUIN 2004 La rubrique DES PATRIMOINES de Savoie

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Conservation Départementale du PatrimoineN U M É R O T R E I Z E ■ J U I N 2 0 0 4

La rubriqueD E S PAT R I M O I N E S d e S a v o i e

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L’Assemblée départementale tient à porter une attention toujours plus grandeà l’amélioration de l’offre culturelle départementale auprès de tous les publics,

plus particulièrement en facilitant l’appropriation de chacun et l’accessibilité àchacun des patrimoines de Savoie. Elle est tout aussi attentive à la diffusion et à lavulgarisation des connaissances qui leur est liée. Ainsi, ce numéro d’été de la Rubrique paraît avec un nouveau cahier couleur et untirage augmenté, pour une plus large diffusion de l’actualité des patrimoines deSavoie. La qualité est une préoccupation au cœur des actions de valorisation patrimonialegrand public que j’ai tenu à impulser au cours de cette année 2004. Deux nouveauxguides réalisés par la Conservation départementale du patrimoine viennent d’êtreprésentés le 25 juin dernier ; ils accompagnent deux actions départementales complé-mentaires :– Le guide des sites, monuments et personnages célèbres présente le premier desItinéraires remarquables reliant, dès cet été, le château des ducs de Savoie, leprieuré-château du Bourget-du-Lac et l’abbaye de Hautecombe sur les traces de laMaison de Savoie. Ce circuit inaugure le dispositif d’incitation à la découverte dupatrimoine monumental qui sera progressivement étendu à tout le département enaccord avec les propriétaires des édifices et des sites.– Le guide des musées et maisons thématiques - objet du dossier de ce numéro -marque la volonté du Conseil général de promouvoir musées, maisons thématiqueset centres d’interprétation selon des critères de pertinence du discours muséogra-phique et des collections présentées. Par ce soutien aux collectivités et aux asso-ciations propriétaires qui ont en charge ces équipements structurants, vitrines despatrimoines de Savoie dans toute leur diversité et leur originalité, il s’agit de concourirà une promotion de qualité à la fois culturelle et touristique. Dans le département,des acteurs du patrimoine sont d’ores et déjà mobilisés, avec enthousiasme et profes-sionnalisme, pour coordonner grâce à ce nouveau Réseau des musées de Savoie,promotion, animation culturelle et actions de vulgarisation destinée au plus largepublic pour une meilleure appropriation du patrimoine qui contribuera, j’en suiscertain, à renforcer l’attractivité de notre département.

Jean-Pierre Vial

Président du Conseil général de la Savoie

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É D I T O R I A L

Le Grand Chemin Royalet le monument au duc

Charles-Emmanuel II de Savoie, inscrit à l’Inventaire supplémentaire

des Monuments historiques, arrêté du 22.07.1952,

Saint-Christophe-la-Grotte, aménagement du défilé des Échelles,

1667-1670.

ÉDITORIAL

La rubrique

La rubrique

des Patrimoines

de SavoieNuméro treize

Conseil généralde la Savoie

Conservation départementale du Patrimoine

Hôtel du département, BP 180273018 Chambéry cédex

Tél. (00-33-4) 04 79 70 63 60Fax (00-33-4) 04 79 70 63 01

E-mail [email protected]

Directeur de la PublicationJean-Pierre COUREN

Rédacteur en chefPhilippe RAFFAELLI

SecrétariatCaroline LANFANT

Crédit photographiqueJean-François Laurenceau, CDP

(couverture)Archives départementales

de la Savoie (pages 3 et 4) CAUE de la Savoie

(pages 6 et 7)Jean-Claude Giroud,

photothèque Musée Savoisien(page 8)

Robert Durand (page 9)Jean-François Laurenceau, CDP

Pascal Lemaître, Crocodile,Philippe Raffaelli, CDP

(page 10)Jean-François Laurenceau, CDP,Le Grand Filon - site minier des

Hurtières, Maison des jeux olympiques d’hiver, Albertville,

Musée de Conflans (page 11)Musée régional de la vigne et du vin (pages 12 et 13)

Jean Delavest (page 14)Radio-Musée Galletti (page 15)

Ludovic Guillier, DCP, Jean-François Laurenceau, CDP,

Antoine Chéné, Centre Camille Juillan, CNRS (page 16)CCSTI Galerie Eurêka (page 17)Antoine Chéné, Centre CamilleJuillan, CNRS, Jean-Pierre Sehier

(page 18)Joël Serralongue,

Élisabeth Dandel, Art 2 Conseil(page 19)

Brigitte Pélissier, Laurent Guette,Galerie Chabanian (page 20)Jean-Louis Elzéard (page 22)

Jean-Claude Giroud, photothèqueMusée Savoisien (page 22)

RéalisationEditions COMP’ACT

Dépôt légal3ème trimestre 2004

Tirage 2800 exemplairesISSN 1288-1635

Conservation départementaledu Patrimoine de la SavoieDirectionJean-Pierre COUREN

conservateur en chef du patrimoine

Françoise BALLET, conservateur du patrimoinePhilippe RAFFAELLI, conservateur du patrimoineJean-François LAURENCEAU,assistant qualifié de conservationVinciane NEEL,assistante de conservationFrançoise CANIZAR, rédacteurNicole DUPUIS, adjointe administrativeCaroline LANFANT, secrétaireHervé FOICHAT, chargé de l’informatisationdes collections départementales et desnouvelles technologies

ont collaboré à ce numéro ■ Françoise BALLET ■ Corinne CHORIER, attachée de conserva-tion, Conservatoire d’art et d’histoire de Haute-Savoie (04 50 51 02 33) ■ Jean-PierreCOUREN ■ Jérôme DAVIET, chargé de mission à la CDP (04 79 60 49 28) ■ Jean DELAVEST,orfèvre à Bourg-Saint-Maurice, Espace Saint-Éloi, Séez (04 79 40 10 38) ■ Pierre DUMAS,Conservateur du Patrimoine, Musées d’Art et d’Histoire de Chambéry (04 79 33 44 48) ■Robert DURAND, Président du Comité départemental de Spéléologie ■ Hervé FOICHAT ■

Hubert JEANNIN, Directeur de CCSTI Galerie Eurêka (04 79 60 04 25) ■ Joël LAGRANGE,Archives municipales d’Aix-les-Bains (04 79 61 40 84) ■ Joëlle LEONI, Architecte duPatrimoine, CAUE de la Savoie, (04 79 96 74 16 - 04 76 32 71 62) ■ Jean LUQUET, Archivesdépartementales de la Savoie (04 79 70 87 70) ■ Vinciane NEEL ■ Dominique PANNIER-LECLERC, Directrice de la FACIM (04 79 60 59 00) ■ Joëlle PERRIER-GUSTIN, responsable du Radio-Musée Galletti (04 76 31 76 38) ■ Sandrine PHILIFERT, chargée de mission à la CDP

(04 79 60 49 28) ■ Philippe RAFFAELLI ■ Bernard RÉMY, professeur d’histoire romaine,Université de Grenoble ■ Joël SERRALONGUE, Archéologue, Service départemental del’Archéologie de Haute-Savoie (04 50 51 96 40) ■ Françoise VAISSE, coordinatricePatrimoine et animatrice, Musée régional de la vigne et du vin, Montmélian (04 79 84 4223) ■ Mireille VÉDRINE, Conservateur du Patrimoine, Musées d’Art et d’Histoire deChambéry (04 79 33 44 48)

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Une civilisation sans frontièreProjet d’ouverture des archives judiciaires

en Savoie, Piémont, Vallée d’Aoste et Comté de NiceXVIe - XVIIIe siècles

Force est de reconnaître, qu’il s’agit dedocuments pragmatiques destinés à la

bonne administration des Etats – principalementlever au mieux les impôts – qui permettaient à laMaison de Savoie de tenir son rang dans lesgrands enjeux dynastiques, diplomatiques et mili-taires de l’Europe des Lumières. Les pouvoirs publics se préoccupèrent surtout deformaliser leurs relations avec les communautéset les titulaires de droits fonciers, par exemple enétablissant la Mappe sarde, le plus ancien cadastred’Europe, entre 1728 et 1738. Il paraît certainqu’une partie des populations vivait en dehorsdes procédures officielles comme en témoignentles fréquents dénombrements qu’il fallait repren-dre à peine achevés pour lever gabelles et autrestaxes.Déjà beaucoup d’historiens, à travers sociologie,toponymie, démographie, ont pressenti que l’his-toire vécue des populations différait de l’histoireofficielle. Au quotidien apparaît une sociétémontagnarde ouverte aux échanges et auxinfluences. Les documents historiques qui enrendent compte présentent des caractéristiquescontradictoires : leurs types sont peu nombreux.Mais paradoxalement, les séries constituées sonttrès volumineuses ; ce sont des dizaines de milliersde dossiers !Les archives judiciaires de l’Ancien régime consti-tuent une source d’information de premier ordresur la population, les mentalités, la propriété etl’agriculture de montagne, les déplacements, lecommerce et le troc, la toponymie et la langue,sur, en un mot, la Civilisation alpine. L’instruc-tion des affaires civiles et criminelles respectaiten effet des procédures rigoureuses, inspirées parla volonté du souverain d’apparaître comme ungarant impartial de l’ordre public face aux pou-voirs locaux. Les interrogatoires, parfois de villagesentiers, donnent des indications très précises,recoupées des centaines de fois à chaque affairesimilaire.En montagne, les communautés affranchies ontdû s’organiser pour administrer les bienscommuns, par exemple les pâturages, les res-sources en eau ou en bois, le bétail. Le pouvoircentral s’est appuyé sur leur autonomie pouraffirmer sa propre légitimité en faisant des syndics

de communautés des interlocuteurs privilégiéspour la fiscalité et l’ordre public. Ce modèle d’or-ganisation des communautés de montagne s’estlargement diffusé vers les vallées. Il expliquepourquoi, dans les Etats de Savoie, les archivesjudiciaires concernent souvent des différendsopposant les communautés à leurs seigneursrespectifs, ou les communautés entre elles.Beaucoup d’historiens se sont heurtés à l’absenced’inventaire pour un nombre de dossiersconservés de plusieurs centaines de mille. Enpratique, il est impossible de mener une étudesystématique des archives du quotidien. Il fautprocéder par sondage, avec le risque de mettreen évidence des événements particuliers commeles grands crimes ou la sorcellerie.Le développement, ces dix dernières années, debases de données informatiques très performantespermet d’envisager ce qui avait fait jusqu’icireculer les historiens : réaliser l’inventaire completdes fonds d’archives judiciaires, de façon àpermettre un accès complet aux chercheurs.Les services d’archives de l’Archivio di Stato diTorino, des Archives historiques du Val d’Aoste,des Archives départementales de Savoie et deHaute-Savoie (Assemblée des Pays de Savoie),des Archives départementales des Alpes-Mari-times proposent, avec la collaboration d’univer-

A R C H I V E S

L’histoire des régions alpines est écrite à partir des événements politiques,des données économiques et sociales générales qui ont pu être réuniespar les historiens. Les sources principales sont les archives desinstitutions des anciens États de Savoie, notamment, les archives des gouverneurs et intendants, les documents réunis par les secrétairesroyaux dans les grands fonds constitués au XVIII e siècle et actuellementconservés pour l’essentiel à l’Archivio di Stato di Torino. Ces sourcesdocumentaires sont d’un intérêt considérable.

Fonds des procéduresdu Sénat de Savoie,Archivesdépartementales de la Savoie.

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sitaires compétents, de réaliser l’inventaire desprincipaux fonds d’archives, concernant le Sénatde Savoie, le Sénat de Piémont et le Sénat de Nice,de constituer une base de références et de compa-raison à l’aide du cadastre de 1730, de recenserles sources judiciaires accessibles relatives à laVallée d’Aoste pour créer une base commune dedonnées.Pour la première fois, une étude systématique dessources historiques, représentant une masse d’in-formation considérable et presque totalementinédite, intéressera l’ensemble des territoires desanciens Etats de Savoie.Les objectifs spécifiques du projet Une civilisa-tion sans frontière sont de pallier l’absence d’in-ventaire, d’offrir, grâce aux techniques de lanumérisation et d’Internet, un accès commun ettransfrontalier enfin de constituer les outils deréférence nécessaires pour analyser les docu-ments avant exploitation.La description des dossiers mais aussi les étudespréliminaires menées par les différents servicesd’archives ainsi que les études historiques exis-tantes montrent la possibilité de renouveler larecherche historique fondamentale sur les Alpesoccidentales : l’histoire du droit, la sociologie, ladémographie, la toponymie, la linguistique, l’his-toire des mentalités sont concernées.Au-delà de ces travaux spécialisés, historiens etarchivistes ont pu constater l’intérêt considérableque leur travail suscitait auprès du public : l’his-toire des familles et des villages est, en effet, unehistoire concrète et humaine pour peu qu’on larende accessible au plus grand nombre.L’accès à une masse considérable d’anecdotes,de noms de personnes, de faits de société pour-rait renouveler l’image des anciennes commu-nautés alpines, moins centrée sur les questionsd’identité et de nationalité mais plus imprégnéede réalité quotidienne dont les caractéristiquesculturelles, communes d’une vallée à l’autre, l’em-portent largement sur les différences et les parti-cularismes.L’accès aux archives de la civilisation alpine, enparticulier les procédures judiciaires et le cadastre,permettrait une floraison de travaux sur l’histoiredes familles et des villages, et pourquoi pas, d’ou-vrir le champ du roman historique, du théâtre…

Jean Luquet

Parmi ces sourcesjudiciaires, lesarchives du Sénat deSavoie constituentcertainement un desfonds majeurs. Cefonds des procéduresdu Sénat compteenviron 45 000dossiers,actuellement nonclassés et dontl’inventaire seulpermettrait un accèset une utilisation parles historiens. Tout leressort du Sénat deSavoie est concerné,mais entre la moitiéet les deux tiers desprocéduresintéressent leChablais, le Faucigny

et le Genevois, àproximité du foyerréformé de Genève.Les villes deChambéry et Annecysont également bienreprésentées, ainsique la Maurienne, laVallée d’Aoste et dansune moindre mesurela Bresse et le Bugey.

Quelques témoinsamusants de cesdocuments dans lavie quotidienneL’importance desarchives judiciairessur la vie quotidiennes’est conservée dansle langagecontemporain.Jusqu’à la fin du

XVIIIe siècle, lesdossiers deprocédures étaientconservés en liassesdans des sacs de linou de chanvre, puisposés ou accrochésdans des armoires.

Tant que laprocédure estouverte, le sac resteaccroché dansl’armoire : l’affaire estpendante. Quand la procédureest terminée, on coudle sac et on l’archiveen rayon : l’affaire est dans le sac.

Les procédures du Sénat de Savoie.

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La démarche de l’Inventaire du patrimoi-ne, initiée par les associations du patri-

moine locales, et lancée par la municipalité d’Aix-les-Bains en 2002, a abouti à la signature d’uneconvention entre la ville et l’État (Drac Rhône-Alpes, service régional de l’Inventaire), en novem-bre 2003. Cette convention met en place uneéquipe constituée de deux chercheurs (État etVille) et d’un informaticien/photographe, dotéede matériel informatique et photographiquenumérique et logée à la Villa Russie. Le servicerégional de l’Inventaire Rhône-Alpes fourni l’as-sistance méthodologique et technique nécessai-re à l’entreprise. Le Département de Savoie aidel’opération d’inventaire par l’attribution de sub-ventions.L’Inventaire topographique de la ville d’Aix-les-Bains concerne l’ensemble du patrimoine bâti etnon bâti, public et privé, civil et religieux, ainsique le décor porté par les édifices (sculpture,peintures murales...). Il a pour but de fournir unevision globale de l’histoire de la cité, de son évolu-tion urbanistique, des différents monuments etdes habitations qui la composent, ainsi qu’uneanalyse de leurs relations les uns par rapport auxautres, le tout replacé dans le contexte écono-mique et social de la station thermale. L’aire d’étudeest la commune et les limites chronologiques s’en-tendent de l’Antiquité (en collaboration avec leService régional de l’Archéologie) à nos jours.La première année a été principalement employéeau récolement documentaire et à son analyse. Ils’agissait de rassembler les éléments bibliogra-phiques, iconographiques (cartes postales, photo-graphies anciennes…) et cartographiques connus,de les confronter et de les soumettre à un examencritique. L’inventaire peut s’appuyer sur une importantedocumentation : les plans de la ville, plans cadas-traux, les plans d’alignement, de voirie, les planstopographiques, donnent des indications essen-tielles sur l’évolution du bâti et des espacesurbains. Les principaux documents d’archivesutilisés sont les matrices cadastrales, les permis-sions de voirie ou permis de construire conservésaux Archives Municipales depuis 1860, et lesarchives de l’entreprise de travaux publics LéonGrosse dont les dossiers commencent en 1884.Nombreux sont également les travaux historiqueset les études sur la ville : rapports de fouilles duservice régional de l’archéologie, dossiers derecensement des monuments d’Aix-les-Bains,(Jean-François Esnault, 1983), recensement desparcs et jardins effectué par le CAUE de la Savoieen 1991, charte paysagère et architecturale com-mandée, par la Ville, à Michel Tassan-Caser en2003.Ce récolement documentaire va déboucher surune cartographie historique et thématique : le butest de ramener sur un fond de plan à mêmeéchelle la connaissance acquise sur la ville, actuel-lement dispersée sous différents supports, de

souligner les lignes de force du schéma urbain,d’actualiser et d’affiner les problématiques derecherche. Cette cartographie évolutive s’enri-chira des résultats des enquêtes de terrain tout aulong de l’Inventaire. L’enquête sur le terrain est réalisée parallèlement.Progressivement, quartier par quartier, est effectuéun recensement exhaustif des édifices, édiculeset ensembles bâtis et non bâtis. Leur nombre surla ville d’Aix-les-Bains est estimé à environ 8000.Pour chacun est établi une fiche d’identité quicomporte au minimum : la localisation exacte(adresse, parcelle cadastrale, coordonnées Lam-bert), la désignation de l’œuvre (dénomination,appellation, vocable) son état (restauré, remanié,menacé, désaffecté...), sa datation et son statut(privé, public…). Cette fiche peut être complétéede données historiques (étapes de construction,auteurs, maître de l’ouvrage, personnes célèbresrattachées à l’œuvre...), et descriptives (partiesconstituantes, matériaux, nombre d’étages, typo-logie...). Les données collectées (textes, photo-graphies, relevés d’architecture, cartes, biblio-graphie) sont organisées sous forme de dossierslocalisés sur le cadastre numérisé de la ville. Lacartographie numérisée permet d’établir des cartesde situation d’œuvre, d’analyse des données oudes cartes chronologiques figurant les grandesétapes de la formation de la ville avec localisa-tion des édifices et équipements structurants(thermes, parcs, ports, casino, grands hôtels..).Cette documentation a vocation à être publique.Les données recueillies alimenteront plusieursbases nationales du ministère, accessibles surInternet : Mérimée pour l’architecture, Palissy pourles objets mobiliers (décor porté par l’architec-ture), Mémoire pour les photographies et lesdocuments graphiques. Les bases validées par lesmaîtres d’ouvrage seront utilisées pour élaborerdes produits de diffusion destinés aussi bien auxchercheurs et historiens qu’à la création de pro-duits touristiques (expositions, publications, multi-média) mais aussi par les services d’urbanismede la ville. Grâce à cette démarche, un nouveaupas pourra être fait dans le domaine de la connais-sance de notre patrimoine.

Joël Lagrange

ARCHITECTUREL’inventaire du patrimoined’Aix-les-Bains

En haut, Reconstruction de la façade. Plan / Lubini,architecte, Aix-les-Bains,1885. Calque, encre,lavis, éch. 1/50 e (AC Aix-les-Bains : 1 O 182).

En bas, immeuble 10 rue Davat,Inventaire général, Ville d’Aix-les-Bains, ADAGP, 2004.

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Le principal intérêt du travail réalisé dansle cadre de cette campagne de relevés

d’architecture est de chercher à mettre en lumiè-re les caractéristiques d’une architecture verna-culaire, née des spécificités d’un territoire et descontraintes imposées à ses habitants. Ce n’estcertes pas un inventaire exhaustif des bâtimentsexistants, mais bien une recherche pour déter-miner les éléments communs issus de la capaci-té d’adaptation des hommes à leur milieu : repé-rer ces particularités, chercher à comprendre leurorigine – le pourquoi de leur existence –, voir leurévolution au fil des ans, comprendre quelle fut,à un moment donné, la réponse des hommes auxdifficultés particulières qu’ils rencontraient dansleur vie quotidienne. Quels abris réalise-t-onlorsque ni la pierre ni le bois ne sont présents enquantité suffisante pour abriter les activitéshumaines ? On utilise la terre, facilement dispo-nible. Et s’il s’avère que celle-ci possède des pro-priétés satisfaisantes pour être damée, on se dis-pense de la cuire au four ou de la sécher au soleil. Le second intérêt de ce travail de relevé, est depouvoir transmettre et faire connaître cette archi-tecture vernaculaire, car ces constructions sonten voie de disparition. D’une part parce que lesrègles sociales ont évolué au cours de la seconde moitié du vingtième siècle : les pratiques agri-coles ont été transformées et les bâtiments anciens

ne correspondent plus aux besoins des agricul-teurs d’aujourd’hui. Les granges ont été agran-dies, flanquées de hangars modernes permettantle stockage d’outils différents, plus nombreux etplus volumineux. Les maisons anciennes ont étéabandonnées pour des constructions plus récen-tes, souvent construites de l’autre côté de la cour,parfois conservées, parfois démolies. Ou encore,les habitants sont restés dans les vieux murs, maisont aménagé de nouveaux espaces, percé denouvelles baies, occupé les combles, remplacéles planchers par des dalles en béton, accolé ungarage… Les usages sont souvent modifiés :combien de granges traditionnelles en pisé del’Avant-Pays Savoyard ont-elles été transforméesen résidence, principale ou secondaire ? Perce-ment de baies, modification de toiture, omnipré-sence des enduits au ciment, etc. Lorsqu’il n’y a pas démolition totale – au buldozer– des éléments anciens. Toutes ces évolutions etces remaniements ne sont, en fait, que la conti-nuité de l’adaptation du bâti aux modes de viedes habitants, mais les techniques constructivesayant fort changé, cela se révèle dramatique pourla préservation et la connaissance de l’architec-ture vernaculaire. Comme il devient difficile detrouver des ensembles intacts, les quelquesdessins de ces relevés d’architecture acquièrent,au fil du temps, une valeur documentaire et parti-cipent à la conservation de la connaissance et dela mémoire de ce territoire. Un autre aspect positif de ce travail de relevé,peut-être le plus important, est d’avoir suscité larencontre et la discussion avec les habitants.

ARCHITECTURE Eloge des charpentiers piseursde l’Avant-Pays savoyard

Une architecture hautement environnementale

Le CAUE de la Savoie a réalisé trois campagnes de relevés d’architecturedu patrimoine bâti dans le département dont les premiers tomes se sontintéressés à l’Adret de Tarentaise puis aux Bauges ; le troisième ouvrageconcerne l’Avant-Pays Savoyard. Longtemps terre de frontières, propicesaux échanges commerciaux et culturels, ce territoire se distingue par laprésence de bâtiments en pisé : une technique constructive particulière,largement diffusée dans le Bugey et le Nord Dauphiné. Joëlle Leoni,architecte du patrimoine, a mené cette campagne.

Le pisé, un patrimoine menacé.

Technique de banchage.

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Car le pisé ne laisse pas indifférent et il suffit pours’en convaincre de répertorier le nombre d’acti-vités ou d’articles qui lui sont consacrés, depersonnes qui s’y intéressent (élus, associations,organismes territoriaux, écoles, etc.). En tendantl’oreille, on entendra parler de « la vieille maisonqui s’écroule », de la « maison des grand-parents »ou encore du « bâtiment qui a été construit (avecl’aide de tout le hameau) l’année de naissance dema fille » : aucune de ces expressions n’est neutre.Les habitants sont généralement attachés à leursbâtiments en pisé, même s’ils ne les utilisent plusau quotidien, et cherchent à les entretenir dansla mesure de leurs moyens, ne serait-ce qu’envérifiant annuellement la toiture protectrice, enattendant de pouvoir, un jour peut-être, fairemieux. Ces propriétaires sont les premiers à ouvrirleur porte aux curieux d’architecture vernaculaireet sont généralement intarissables d’anecdotessur leur édifice, livrant bien des informations surles usages et les origines de certains éléments d’ar-chitecture que nous aurions bien du mal à devinersans eux. Ces personnes sont fières d’avoir puentretenir un bâtiment de caractère, généralementhérité de leurs parents. A l’opposé, certainspropriétaires se sont étonnés de l’intérêt quepouvait susciter leur « tas de terre », et ontdemandé des explications. Beaucoup ne soup-çonnent pas la valeur « culturelle » de ces bâtimentsqu’ils ont toujours côtoyés et dont la spécificiténe leur est guère évidente. C’est souvent par igno-rance que les propriétaires délaissent ces cons-tructions, dont les qualités thermiques sont pour-tant toujours connues et énoncées. Une autre raison de l’abandon relatif de cesmaisons par certains propriétaires est de ne passavoir si, à notre époque moderne, une construc-tion en terre pourrait être mise en valeur et le caséchéant… à quel coût ? Car une des difficultésprincipales en ce domaine, dans l’Avant-PaysSavoyard comme ailleurs, est la disparition deshommes dépositaires du savoir-faire du pisé. Suiteà l’avènement du « tout ciment - tout béton » et àla standardisation de la construction au cours dela seconde moitié du XX e siècle, le savoir-fairedes charpentiers-piseurs n’a plus été transmis. Lamain d’œuvre est devenue rare et chère condam-nant cette technique constructive. Il serait urgentde former des artisans à cette pratique si l’onvoulait préserver cette technique constructive,mais qui se lancera dans cette aventure alors quele bâtiment classique manque déjà de bras ? Leproblème semble sans réponse, et il apparaît d’au-tant plus important de préserver et d’entretenirles bâtiments existants que nous ne saurons peut-être pas, le moment venu, comment les restaurercorrectement.Pour conclure, il semble important de soulignerle regain d’intérêt pour le pisé depuis un certainnombre d’années. D’une part en raison de sesqualités thermiques : ces bâtisses, étant donnél’épaisseur de leurs murs, sont naturellementchaudes en hiver et fraîches en été. D’autre part,parce que ce mode de construction ne peut laisserindifférent à l’heure des « chantiers propres », des« bâtiments écologiques » et du « développementdurable ». Si utiliser la terre du lieu élimine lescoûts et désagréments liés au transport desmatières premières, il « suffit » ensuite, avec un

peu d’eau et de temps, d’enlever le toit pour queles murs fondent et redeviennent poussière : pasde gravats à transporter ni de déchets à incinérer,les bois comme les tuiles peuvent partiellementêtre employés pour une autre construction, etc.Ces points positifs sont peut-être à l’origine d’uncertain nombre de pratiques actuelles, tant dansnotre pays pour la réalisation de constructionsneuves en pisé avec la mise au point de pisoirsmécaniques afin de limiter le nombre de brasnécessaires, tant sur d’autres continents pourréaliser des bâtiments peu coûteux dans des paysoù la seule richesse est parfois l’abondance de lamain d’œuvre. Il reste à trouver le moyen derestaurer nos bâtisses locales à moindre coût, sipossible sans les dénaturer, à moins que nous necontinuions à compter sur les quelques proprié-taires passionnés qui cherchent à réaliser eux-mêmes, au rythme de leur temps libre, de leursmoyens et des informations disponibles, ce queles générations précédentes réalisaient au quoti-dien.

Joëlle Leoni

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ARCHITECTURE

Détail

Ouvrage en vente auprès du CAUE et du Syndicat Mixte del’Avant-Pays Savoyard.

Relevé architectural.

accès originelmaçonnerie de pierre

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P A T R I M O I N E

I N D U S T R I E L Avant 2018, toutes les entrées de mineinexploitées devront être foudroyées

ou obturées pour des raisons de « mise en sécu-rité ». Nous vivons donc un moment privilégiépour sauver l’ampleur et la beauté des ancienstravaux souterrains : au Spéléo Club de Savoie,une petite équipe archive tout ce qui peut l’êtresous forme de photos, de films, de plans des tra-vaux, de documents. Afin de porter témoignagesur ce patrimoine industriel menacé, nous envi-sageons la publication d’un livre.

Un peu d’histoireDès la Protohistoire, le cuivre a été exploité dansles Alpes de Savoie. Les premiers vestiges attestésdatent de 1 450 ans avant J.-C., vers Peisey-Nancroix en Tarentaise et d’autres de 1000 ansavant J.-C., vers Termignon en Maurienne. Selonla tradition, Durandal, la célèbre épée du paladinRoland, proviendrait de la mine de fer desHurtières. Au XIIIe siècle, apparaissent les pre-miers documents. Trois grandes époques histo-riques se distinguent.Au Moyen Âge, mines et artifices appartenaientà la noblesse inféodée à la Maison de Savoie. Depart leur importance stratégique et économiqueles mines étaient intégrées à la politique dessouverains. En 1343, on ouvrit quatre mines enHaute-Maurienne, à Fourneaux, Modane et Termi-gnon mais en 1348, la Savoie fut ravagée par laGrande peste. L’extraction minière fonctionna auralenti pendant 150 ans. Au XVI e siècle, la famillepiémontaise Castagneri de Châteauneuf déve-loppa la métallurgie des Hurtières. En 1566, desconcessions minières furent accordées au marquisde La Chambre. En 1570, à Argentine et Epierre,les établissements étaient dirigés par des spécia-listes et financiers lombards.En 1729, le roi Victor Amédée II précisait que« n’importe qui pouvait rechercher pour travaillerles mines, dans tous les Etats du roi. Les matières

extraites des mines ne pourront être exportée horsde nos états sous peine d’amende et de confisca-tion du minerai ». Sous son règne, les dépensesmilitaires dépassaient le tiers des revenus de l’Etat.L’argent, le plomb, le cuivre devaient être livrésà l’Hôtel des Monnaies de Turin ou au Bureau del’Artillerie à un prix convenu. Le contrôle royalsur les mines s’exerçait directement par l’inten-dant général de l’artillerie, les intendants provin-ciaux et autres inspecteurs.En 1740, le roi Charles-Emmanuel III favorisa lavenue de spécialistes étrangers pour exploiter lesminerais du duché. Il leur accorda la protectionspéciale du roi et pour une durée de 40 ans desprivilèges qui seront contestés au cours de procès.De 1750 à 1758, 760 tonnes de plomb et plus de2 tonnes d’argent furent livrées au Bureau Royalde l’Artillerie. Charles-Emmanuel III fonda en 1752une école de minéralogie à Turin, destinée àformer un personnel hautement qualifié. A partir du milieu du XVIII e siècle, des bourgeoisfortunés investirent des fonds, avec plus ou moinsde bonheur, dans l’industrie des mines. Le 23pluviôse An X (12 février 1802), après la premièreAnnexion de la Savoie à la France, une ÉcolePratique des Mines fut instituée sur les sites dePeisey et de Moûtiers. Elle ne fonctionna qu’unedouzaine d’années. Au XIX e siècle, certainesfamilles se distinguèrent dans l’industrie métalli-fère comme les Grange à Randens ou les Frère-jean, des négociants lyonnais, en Haute-Savoie.Dans le domaine des matières combustibles,anthracites et lignites, chacun voulut sa mine.Les demandes affluèrent. Des notables, des petitessociétés, de simples citoyens, des farfelus, dépo-sèrent des permis de recherche généralementexaminés avec bienveillance par l’administration.De nombreuses concessions furent accordées. Au milieu du XIX e et au XX e siècles, des sociétéscapitalistes puissantes – Schneider du Creusot àSaint-Georges-d’Hurtières, la Penarroya à Macot-la-Plagne – exploitent les mines les plus rentables.Deux vagues, vers 1875 et 1930, marquèrent lafin de cette industrie, à l’exception de la Plagnequi ne cessa ses activités qu’en 1973 !Pour les mines de produits combustibles, la quasitotalité de l’extraction s’est concentrée de 1850 à1960. La Première guerre mondiale marqua unpic de production en raison de la destruction descharbonnages du nord de la France. La fin de laSeconde guerre mondiale enregistra un net déclinavec la fermeture des mines de lignite. Lescarrières souterraines de gypse, de pierre à chauxou à ciment suivirent. A contrario, les ardoisièressont attestées de 1361 à 1982 en Maurienne et duXVI e siècle à 1950 en Tarentaise. Aujourd’hui, cesanciennes mines sont administrativement ferméeset beaucoup d’orifices sont déjà comblés. Le patri-moine minier sombre lentement dans l’oubli.

Il existe enSavoie plus de600 mines oucarrières souter-raines. Plus de100 communesdu départementsont concernées. On trouve desminéralisations de fer, de cuivre,de plomb, dezinc, d’argent,d’uranium,d’or, mais aussidu talc, del’amiante, desschistes ardoi-siers, du gypse,du sel, dubitume, dulignite et ducharbon.

Anciennes mines et carrièressouterraines de la Savoie

un patrimoine exceptionnel

Cie des mines et usinesde St Michel et Sordière,1892.

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Le travail, la sueur et le sang des hommesLe labeur à la mine était rude. Pour nombre d’ex-ploitations en altitude, le trajet pouvait représenterplusieurs heures de marche. Certaines minesétaient inaccessibles en hiver. Des baraquements,au confort spartiate, étaient construits parfois loinde tout pour vivre sur place dans la promiscuité.Aux anciennes ardoisières de Cevins, on peutencore voir de tels vestiges. Les ouvriers préféraient s’éviter les marches d’ap-proche quotidiennes. À Argentine, en violationdes règles de sécurité, ils montaient dans la petitebenne servant à descendre le talc des carrières.Aux ardoisières de Maurienne, ils empruntaientd’étroits sentiers taillés à flanc de falaise et despasserelles précaires sur le précipice. Il fallait aussiéchapper aux chutes de pierres. Depuis le milieudu XIXe siècle, régnaient le bruit des engins pneu-matiques et la poussière ; les gaz toxiques desengins ou des explosifs envahissaient les gale-ries. Un moyen d’éviter la poussière consistait àprojeter de l’eau sur les ouvriers à leur poste detravail. L’outillage était dangereux. Il fallait manierle marteau, la masse, la pointerolle, le pic, desengins de forage, des explosifs, arracher leminerai à la montagne au moyen de sacs, decaisses, de brouettes, de berlines. On est stupé-fait devant l’ampleur de certains vides. Il fallaitménager des piliers de soutènement, élever desboisages et veiller aux éboulements. Dans lescarrières souterraines de talc d’Argentine, lesmineurs entendaient parfois craquer la montagne.Nombre d’ouvriers ont péri par écrasement oubloqués par de soudaines arrivées d’eau. Ilsemblerait que les accidents aient été beaucoupplus fréquents dans les carrières souterraines quedans les mines.

Fureur et déceptionsFace aux enjeux économiques, combien de riva-lités pour conserver la jouissance de son filon?L’histoire des paysans-mineurs de Saint-Georges-d’Hurtières en est un bel exemple. Les déblais deceux du haut enfouissaient les ouvrages de ceuxdu bas, d’où de nombreuses récriminations à l’en-contre des voisins et des autorités. Combiend’épargnants ruinés par une mauvaise entreprise,d’investisseurs naïfs grugés ? L’exploitation minièren’était pas souvent une bonne affaire. L’histoiredes mines est jalonnée de faillites et de procès.

Les mines et la forêtLes salines, les mines et la métallurgie étaient degrosses consommatrices de bois ou de charbonde bois. Certaines installations durent ralentir leurproduction et faire venir le bois de plus en plusloin, ce qui augmentait le coût du produit. Biensouvent, le minerai était transporté là ou lecombustible était disponible.

Les mines, une importante industrie utilisatrice de main d’œuvreAu XIX e et au début du XX e siècles, les emploisminiers étaient importants en Savoie. Entre lesdifférentes sources, une marge d’erreur de 20%est à envisager pour établir un bilan statistique.Quelques chiffres : en 1807, 400 ouvriers travail-laient aux mines de plomb de Peisey. Pourl’année 1859, 757 ouvriers étaient recensés : les

grands employeurs étaient la mine de fer de Saint-Georges-d’Hurtières avec 234 mineurs, la minede plomb de la Plagne et celle de Peisey avec 331mineurs. L’anthracite de Tarentaise employait 73mineurs. En 1914, 400 ardoisiers travaillaient dansles exploitations de Maurienne. En 1918, les minesd’anthracite de Savoie employaient 1 007 ouvriers(671 à l’intérieur et 336 au jour). Sur ce total 569étaient des mobilisés sur place. Il y avait aussi 78prisonniers de guerre. On peut estimer que cetteannée-là, 1500 travailleurs œuvrèrent dans mineset carrières souterraines. Environ, un foyer sur 50vivait directement de l’industrie extractive. En1943, 594 mineurs étaient recensés, toujours endehors des carrières et ardoisières. Les emploisétaient fournis par les mines d’anthracite de Taren-taise (462 mineurs). Près de la moitié étaient desétrangers, soit un total de 254 (espagnols, italiens,nord-africains, polonais, tchèques). Cette popu-lation, souvent célibataire, n’était pas toujoursbien acceptée par les savoyards.

La documentationHistoriens, archéologues miniers, géologues, natu-ralistes et minéralogistes s’intéressent à ce milieubientôt condamné. La littérature ancienne et lesarchives départementales permettent d’avoir unecertaine vision. Grâce aux cartes géologiques, ilest possible de déterminer des coordonnées assezfiables pour retrouver les orifices sur le terrain.L’histoire des exploitants des mines est connuepar actes notariés : achats, ventes, investissements,paiement des redevances, procès, salaires, acci-dents, compositions du minerai, tonnage, modesde transport, mais la documentation est assezpauvre pour les mines elles-mêmes.Quelques plans concernent le bornage de conces-sion, plus rarement l’implantation de travauxsouterrains. Les plans n’étaient reproduits qu’enpeu d’exemplaires. Les seuls documents qui ontpu être sauvegardés par les Archives départe-mentales avaient été remis réglementairement parl’exploitant au Service des Mines. Il était rare queces plans soient à jour lors de l’arrêt des travaux.C’est pourquoi le Spéléo Club de Savoie a entre-pris de refaire tous les relevés topographiques.Plusieurs dizaines de kilomètres de galeries ontainsi été levés. Ce travail méthodique mériteraitd’être achevé avant que toutes les galeries nesoient rendues inaccessibles.

Robert Durand

P A T R I M O I N E

I N D U S T R I E L

Campagne de relevéstopographiques, SpéléoClub de Savoie.Boisage dans la mine deplomb de Roche du Cerf à Bonvillard.

Boisage dans la mine de plomb du Châtelet à Bonvillard.

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I T I N É R A I R E S

REMARQUABLES

Patrimoine en Savoie

Sites, monuments etpersonnages célèbres

Le patrimoine ne vaut d’être sauvegardéque s’il est partagé avec le plus grand

nombre. C’est dans la perspective de cette ren-contre avec les publics que la Direction de la Cul-ture et du Patrimoine s’est mobilisée cette année2004 pour la première édition du guide des sites,monuments et personnages célèbres de Savoie.Un outil de large diffusion qui contribue à la mis-sion de diffusion du savoir dont est investi le ser-vice de la Conservation départementale du Patri-moine de la Savoie et qui constitue une part inté-grante du projet culturel.La publication de ce guide du patrimoine annon-ce par ailleurs la mise en œuvre, à l’échelle dudépartement, des Itinéraires remarquables deSavoie. Une démarche coordonnée avec les com-munes et les propriétaires privés de monuments

pour la découverte de ce patrimoine collectif. LesItinéraires remarquables sont portés par unesignalétique routière appropriée et par une signa-létique d’interprétation apposée sur les monu-ments ou dans abords immédiats des édifices,pour une lecture aisée et enrichissante des sites,gage de sérieux et d’attention de la collectivitévis-à-vis de ses visiteurs.Le premier de ces Itinéraires remarquables misen place en 2004 est une invitation à la décou-verte des hauts lieux de l’histoire de la Maison deSavoie autour du lac du Bourget, du château desducs de Savoie à Chambéry, au château deThomas II au Bourget-du-Lac et à l’abbaye d’Hau-tecombe. Un dépliant d’aide à la visite complètele dispositif de signalétique routière et d’inter-prétation.

Jean-Pierre Couren

Abbaye de Hautecombe, Saint-Pierre-de-Curtille.Château de Thomas II, Le-Bourget-du-Lac.Château des ducs de Savoie, Chambéry.

Saison 2004Un été au château

Exposition Sainte-ChapelleSancta Capella

Château des ducs de Savoiedu 1er juillet au

19 septembre 2004.Tous les jours de 12h à 18h,

accès libre.

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D O S S I E R

Coordonné par la Conservation dépar-tementale du Patrimoine, il regroupe

les structures publiques ou privées de la Savoiequi, ayant fait acte de candidature, ont reçul’agrément de la Commission départementale desmuséesCet agrément est basé sur le respect de critèresde qualité: – un intérêt scientifique et pédagogique reconnupar le label « Musée de France » ou validé par lecomité scientifique du musée. – une politique de communication mise en placepar chaque structure afin de promouvoir sesactions, y compris une signalétique claire etvisible pour faciliter l’accès au site.– une politique de médiation culturelle soutenuepar une muséographie à la fois interactive etattrayante, des animations renouvelées (exposi-tions temporaires, ateliers pédagogiques, journéedes musées…), des aides à la visite proposantplusieurs niveaux de lecture, des documents d’in-formations renvoyant au territoire, des traduc-tions en langues étrangères. – un accueil de qualité avec une large amplituded’ouverture, la mise à disposition du personnelnécessaire, le respect des normes de sécurité etdu confort minimum requis pour les lieux ouvertsau public et un accès pour les handicapés. Il est aussi recommandé de mettre à dispositiondu visiteur toutes prestations annexes tels queboutique, vestiaire, point d’eau potable, systèmede paiement par carte…L’adhésion au Réseau acceptée, une charte estsignée entre le gestionnaire du musée et le Dépar-tement précisant les engagements réciproquesde chacun.

La première phase a consisté en un recensementde l’ensemble des structures muséales, concré-tisée aujourd’hui par la publication d’un Guidedes musées et maisons thématiques de Savoie,qu’ils appartiennent ou non au Réseau, à desti-nation du plus large public.Dans le cadre du Réseau, la première réalisationest la création d’un « pass-musée » annuel, dispo-nible dès cet été, dans les structures agréées.Le principe en est simple : il est remis avec uneentrée plein tarif et permet ensuite de bénéficierd’entrées à tarif réduit. Cette première édition estvalable jusqu’au 31 décembre 2005. Le « pass-musée » est essentiellement à destinationdes adultes, touristes ou savoyards, qui ne béné-ficient d’aucune autre réduction et parfois hési-tent à multiplier les visites.La réflexion est d’ores et déjà en cours pourdéfinir les actions qui seront proposées et misesen place en 2005.

Françoise Ballet

Patrimoine en Savoie

Un réseau des musées et maisons thématiques

Le Réseau des Musées et Maisons thématiques de Savoie qui se met enplace en 2004, a pour but de favoriser la fréquentation des structuresmuséographiques du département par une aide à la communication et à la médiation, sous forme d’actions communes ou particulières.

Muséearchéologique

de Sollières-Sardières.

Musée de Conflans.

Musée gallo-romain de Chanaz,Les potiers de Portout.

Maison des Jeux olympiques d’hiver,Albertville.

Taillanderie Busillet, Marthod.

Le Grand Filon,St-Georges-d’Hurtières.

Musée de l’Ours des cavernes,Entremont-le-Vieux.

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D O S S I E R

Il y a toujours eu en Savoie, d’habiles orfèvresqui travaillaient surtout pour les églises et la

noblesse. Chaque orfèvre possédait un poinçonqui lui était propre dit « poinçon du maître ». Surce poinçon se trouvaient les initiales de l’orfèvreet un symbole, son ouvrage terminé l’orfèvreappliquait son poinçon et soumettait la pièce aumaître essayeur qui contrôlait le titre du métalemployé et apposait son propre poinçon qui avaitla forme d’un écusson avec une croix à l’intérieur,le tout surmonté d’une couronne et parfois unelettre en dessous. D’après les archives, il est citéun M. Poncet de Flaey, orfèvre à Chambéry en1354-55 puis 1561-1564-1571 mais le plus ancienpoinçon déterminé est celui de Pierre Dutruc àChambéry vers 1630, orfèvre puis essayeur.

Les bijouxSi la noblesse possédait de beaux bijoux, il estvraisemblable que le petit peuple n’en possédaitpas en métal précieux (bois somptuaires d’Amé-dée VIII en 1430) et les bijoux que portaient lesfemmes devaient être soit en cuivre, bronze oufer. L’Espace Saint-Eloi possède quelques croixen étain, croix assez larges sur lesquelles ontrouve d’un côté les lettres IHS et de l’autre MA.Ces croix semblant assez anciennes mais sanspoinçon, elles ne peuvent pas être datées. Surune rare alliance en argent, se trouve le poinçonde Pierre François Dupuis, orfèvre à Chambéry(1707-1751). Il a réalisé des pièces d’orfèvreriepour l’église de Valezan. Toujours dans les piècesanciennes à signaler, deux bagues en argent avecles lettres IHS et une croix en argent trouvée àPeisey Nancroix.Du XVIII e siècle, une croix bosse en or très légèreavec un cœur vers 1798, une croix grille enargent, Christ d’un côté et une Vierge de l’autre,plusieurs petites croix simples en argent, unepaire de créoles de Savoie en or, époque Ier

Empire.En 1798, la I ère République va organiser le contrôledes métaux précieux par l’État, le poinçon demaître aura la forme d’un losange de petite tailletoujours avec les initiales et un symbole. Lepoinçon de maître sera insculpé sur une plaquede laiton conservé dans les préfectures ou lesbureaux de la garantie. Le poinçon d’Etat de cetteépoque est la tête de coq pour l’or. Les plaquesd’insculpation des poinçons de maître vontfournir tous les renseignements nécessaires. C’estainsi que de 1800 à 1920 on a pu recenser 111bijoutiers en Savoie et Haute Savoie (Archivesdépartementales de Chambéry et Hôtel de laMonnaie à Paris)En 1815, lors de la Restauration sarde, cette orga-nisation sera maintenue. À côté du poinçon demaître, nous aurons le poinçon d’État qui est latête d’aigle tournée à gauche et le poinçon soleildu bureau de Chambéry. C’est vers 1820 que lesbijoux de Savoie vont se répandre dans les

campagnes et devenir ces somptueux objets deparure que nous connaissons. Les plus beaux sontincontestablement les magnifiques croix en or deHaute-Maurienne, croix à pointes de diamant,croix à l’as toutes fabriquées dans la province duTessin et plus tard les croix à chaînes. Les croixgrilles proviennent de la région chambérienne etde Basse-Maurienne en or et argent, les grandescroix en argent de la vallée des Villards, les croixà pendeloques du Beaufortain, certaines degrandes dimensions, sont finement gravées.Les croix plates et croix Jeannettes caractérisent laTarentaise, certaines avec émaux de couleur.Toutes ces croix étaient surmontées du cœur oud’un nœud et se portaient sur un ruban brodé ouun collier tressé en perles. Sans oublier les bagueset les boucles d’oreilles finement décorées etgravées.En 1860, lors de la seconde Annexion de la Savoieà la France, seuls les poinçons changent : la têtede cheval tournée à droite sera le poinçon de l’or.Plus tard vont apparaître les croix bâtons ou croixtube terminées par une boule en or. Ces croixvont permettre un renouveau du bijou savoyardgrâce à une famille de grands bijoutiers greno-blois : la famille SAINSON qui va fabriquer presquetous les bijoux pour la Savoie de 1890 à 1955.C’est ainsi que nous allons voir apparaître cesextraordinaires croix bâtons fleuries décorées d’orde différentes couleurs et gravées. Il en existeplusieurs centaines. Toutes ont un dessin diffé-rent et une exécution parfaite, même chose pourles cœurs, les boucles d’oreilles, les bagues etaprès 1900 les broches, enfin les larges braceletsrigides décorés de fleurs d’or de couleur et deperles. Les croix seront portées sur des chaînesen or fabriquées mécaniquement. Les poinçonsde la famille SAINSON sont pour les pièces les plusanciennes un losange en hauteur avec les lettresSM et un chamois puis un losange horizontal avecles lettres GS et un chamois.De nos jours, les bijoux de Savoie sont toujoursfabriqués par d’habiles artisans dans la grandetradition des orfèvres du XVIII e siècle. Les croixet les bagues ont été modernisées par l’utilisationde pierres précieuses pour en agrémenter le décortout en gardant l’esprit dans lequel tous ces bijouxétaient fabriqués.

Jean Delavest

Les bijoux de Savoiede l’Espace Saint-Eloi, Séez-Saint-Bernard

Au cœur de Séez,l’Espace Saint-Eloi présente trois thèmespatrimoniaux :la forge, la bijou-terie savoyarde et l’Art baroque. La collection debijoux de Savoie,plus de 200joyaux exposés,intègre dans samuséographie un atelier quiprésente l’histoireet les techniquesdu métier.

Espace Saint-EloiRue St-Pierre, 73700 Séez

tél. 04 79 40 10 38www.seezsaintbernard.com

Croix dite à l’As,Haute-Maurienne.

Croix ancienne en argent,Peisey-Nancroix.

Croix de Haute-Maurienne, Bessans.

Croix fleurie, cœur en or.

Boucles d’oreille, créoles de Tarentaise.

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A Saint-Maurice-de-Rotherens

Le Radio-Musée Gallettiun pionnier méconnu de la TSF

Al’heure où la rapidité des communica-tions donne le vertige, une pensée

d’Ernest Renan nous renvoie avec sagesse à uneépoque où communiquer à distance n’était qu’unrêve : « Les vrais hommes de progrès sont ceux quiont pour point de départ un respect profond duPassé….. Tout ce que nous faisons, tout ce quenous sommes est l’aboutissement d’un travailséculaire. » Roberto Clemens Galletti de Cadilhac,né à San Venanzo, le 29 décembre 1879, a grandiavec ce rêve humaniste et a œuvré en pionnierde la télégraphie sans fil. Cet ingénieur italienobtint, dès 1906, des brevets en Italie, en Angle-terre, puis travailla en France avec le Ministèredes Postes et Télégraphes. En 1909, il construisitune station à Villeurbanne et réussit à joindre lesstations des-Saintes-Maries-de-la-Mer et de Fort-de-l’Eau en Algérie. Son but était la liaison trans-atlantique : en 1912-1913, il construisit en Savoie,avec sa société anglaise, une puissante station àChampagneux, au hameau de Leschaux, et fixason antenne colossale de 10 km à Saint-Maurice-de-Rotherens financée par le Ministère des Posteset Télégraphes. Durant l’hiver 1913-1914, la sta-tion parvient à joindre Lausanne, l’Angleterre etTuckerton dans le New-Jersey en Amérique. Ilbrouilla les émissions de la station Marconi deClifden en Irlande qui émettait sur Glace Bay auCanada. Une Convention débattue à la Chambredes Députés, le 18 Mars 1914, permit au Ministè-re des Postes et Télégraphes d’acquérir le Postede Leschaux. Au printemps 1914, il ne l’avait tou-jours pas acheté. Galletti demanda sans succèsau Président Poincaré de visiter sa station.Le 9 août 1914, un arrêté du Ministère de LaGuerre chargeait le lieutenant-colonel Gustave-Auguste Ferrié – créateur de la station de TSF dela Tour Eiffel – de toutes les questions relatives àla télégraphie militaire. Au début de la guerre,Galletti, après des travaux de prolongement deson antenne, avait proposé au Ministre des Posteset Télégraphes « d’effectuer les transmissions desdépêches de la France en Russie avec une puis-sance multiple de la Tour Eiffel… alors que laTour Eiffel se dédie sans autre souci à la récep-tion ».Malgré l’opposition du Général Prost de la Subdi-vision de Chambéry et du Préfet de la Savoie, leCapitaine Garnache du service de la Tour Eiffelse présenta, le 29 août, pour démolir la station deLeschaux. Il remarqua son importance et seprononça pour la continuation des travaux, àcharge pour Galletti « d’assurer la réception dessignaux russes ». Malgré tout, le démantèlementde la station par le Ministère de la Marine com-mença en septembre 1914. L’armée réquisitionnasans précaution son matériel transporté àBordeaux. Des scellés furent posés ; la station futgardée pendant toute la durée de la guerre. L’Italie

ne rejoignit, en effet, la Triple Entente qu’en 1915. Le 5 février 1915, dans une lettre au Députéd’Iriart d’Etcheparre, Galletti expliquait ce qu’ilestimait être « un crime de lèse-patrie ».En 1920, le matériel de la station de Leschaux futrestitué. Après une instance contre les Ministèresde la Guerre et de la Marine, le Tribunal de laSeine se déclara incompétent. En 1922, le Tribunalde Chambéry constata que le matériel était horsd’usage. Le 18 janvier 1923, une expertise préci-sait : « Contrairement à ce que pourrait fairecroire l’inventaire très incomplet dressé le 31 août1914… la station de Leschaux … représentait unposte de T.S.F. de tout premier ordre très bienconçu et outillé, disposé pour jouer un rôle actifdans le domaine des transmissions télégraphiquesà grande distance tant au point de vue commer-cial qu’au point de vue avancement de lascience…Des résultats nouveaux et remarquablesde transmission à très grande distance avaientété obtenus expérimentalement avant guerre parla mise en œuvre de ce poste dont une des carac-téristiques était son prix d’établissement relati-vement réduit ». La dernière offre de l’État fut de180 000 francs alors qu’il fallait 80 millions pourun Poste de TSF. La Compagnie Galletti futdissoute volontairement le 10 novembre 1925.Galletti, très éprouvé, continua ses travaux scien-tifiques. De 1928 à 1931, avec la Firme Ferranti àManchester, il inventa le « radio transmetteur àfaisceau », dispositif d’avant-garde, qui trouva sonapplication immédiate dans le radioguidage desavions. Il fit notamment des essais en vol, en juillet1931, sur un Fokker entre Manchester et Bristol.Suite à des difficultés à la Ferranti, Galletti sepréparait à réaliser ses expériences au Bourget,près de Paris, quand il décéda subitement danssa maison de Murs, le 18 août 1932, laissant safemme Anna et la fille de sa femme Germaine deMessimy dans une situation financière très diffi-cile.

Joëlle Perrier-Gustin

D O S S I E R

A l’origine du Radio-MuséeDes recherches ont étémenées depuis 1969.En 1973, les archivesfamiliales confiées parGladys Muzzarelli,nièce du pionnier àl’associationRencontres et Loisirs età la commune de Saint-Maurice-de-Rotherens,sont sauvegardées dansl’ancien presbytère.Une stèle offerte par leclub Histoire et Collec-tion Radio est installéesur le site des Fils en1988. En 1995, la réali-sation du Radio-Musées’engage à Saint-Maurice-de-Rotherens.Le Musée présenteaujourd’hui une vidéosur la vie et l’œuvre deGalletti, une collectiond’anciens postes radiophoniques, detéléphones, d’afficheset de documents surl’histoire des radio-communications.

Radio-Musée GallettiAncien presbytère73240 Saint-Maurice-de-Rotherenstél. 04 76 31 76 38fax 04 76 31 72 29

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D O S S I E R Musée régional de la vigne et du vin

En lien avec la profession et les associa-tions, un projet de musée devenait enfin

réalité. Projet commun : celui de nombreux béné-voles qui ont assuré la collecte et la restaurationdes outils ; celui de la Ville de Montmélian qui,par son engagement, offrait à ce patrimoine unlieu unique dans la région où un travail de pré-servation, de recherche et de valorisation pouvaitcommencer.Ce musée concerne toute la zone dite des Vinsde Savoie, qui couvre les deux départementssavoyards ainsi qu’une partie de l’Isère et de l’Ain.L’histoire de la viticulture savoyarde commenceavec les Allobroges, il y a plus de 2000 ans.Pendant longtemps, les gestes et les techniquessont restés immuables. C’est au XIXe siècle queces pratiques sont bouleversées profondémentpar les fléaux – phylloxéra, mildiou, oïdium – quis’abattent sur la vigne. Depuis la profession nefait que s’adapter et s’améliorer au rythme imposépar la modernité. Ainsi, en 1973, les vins deSavoie obtiennent l’A.O.C. (Appellation d’OrigineContrôlée), témoin de leur qualité.Au cours d’un parcours didactique, des collec-tions exceptionnelles d’outillages, machines, pres-soirs, cuves, tonneaux, photographies permet-tent de voir et comprendre les profondes muta-

tions de la viticulture savoyarde opérées depuisdeux siècles.Elles montrent aussi le passage progressif du boisau métal (des pressoirs du XVIII e siècle au premierpressoir électrique), ainsi que la mécanisation del’outillage (du travail à la main avec la houe autracteur-enjambeur).Le musée a été pensé comme un médiateur pourappréhender ces transformations de la sociétéviticole savoyarde et comme un conservatoire desgestes et techniques qui ont modelé le paysage.

La collection du muséeCette collection rassemble des outils et objetsprovenant essentiellement de dons de particu-liers. La plupart d’entre eux sont originaires de laCombe de Savoie, dont les coteaux forment unedes zones viticoles les plus anciennes et les plustypiques de la Savoie. La collecte principale a étéréalisée par des bénévoles au cours des années1980-1990. Fin 2003, 614 objets sont inventoriés,dont 119 collectés depuis 1998. Le Musée Savoi-sien (Chambéry), en 1998, met en dépôt deuxpressoirs du XVIII e siècle, dont un remarquablepressoir « à levier » provenant des collectionsdépartementales. De nombreux dons de particu-liers viennent encore régulièrement enrichir cettecollection unique en Savoie.Une partie de ces pièces est spécifique aux zonesde vignobles de montagne : outres en peaux,barra, barils, ne se retrouvent qu’en Val d’Aoste(Italie) ou dans le Valais (Suisse). La collection de photographies de Roger Girel,présentes dans chacune des salles, permet de faireen permanence le lien avec le travail de la vigneà la fin du XXe siècle.Des pièces administratives et juridiques (édit,décret, affiches, …) – reproductions de docu-ments originaux conservés aux Archives dépar-tementales de Savoie – nous permettent de perce-voir l’importance de la réglementation qui s’im-pose au monde viticole depuis toujours.

La visite du MuséeLe Musée Régional de la Vigne et du Vin comprendun espace d’exposition permanente de 1000 m2

répartis entre la grange, le sous-sol, les caves, lerez-de-chaussée et deux étages de l’anciennemaison d’habitation. Le troisième étage accueilleles animations et les expositions temporaires. La visite débute au premier étage par une intro-duction à la viticulture savoyarde. L’histoire, lagéographie, les conditions naturelles, la variétédes cépages sont commentés à l’aide de cartes,photographies et panneaux. Dans le cadre d’une

Musée Régional de la Vigne et du Vin

46 rue du Docteur Veyrat

73800 MontmélianTél. fax 04 79 84 42 23

[email protected]

Au cœur de l’espace viticole savoyard, installé dans une anciennedemeure du XVII e siècle caractéristique de l’habitat vigneron, le MuséeRégional de la Vigne et du Vin, musée municipal de Montmélian, a ouvert ses portes en juin 1999.

Pressoir daté de 1796,collectionsdépartementales.

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D O S S I E R

visite de groupe, un diaporama complète cetteintroduction.Le premier étage est aussi consacré aux tech-niques viticoles (taille, modes de conduite, gref-fage…) et aux traitements contre les maladies etparasites. Au deuxième étage, le travail du tonnelier, métierfortement associé à l’activité du vigneron, estprésenté par la reconstitution d’un atelier. Un petitespace annexe permet d’exposer des affichesréglementant le commerce et la vente de vin(XVI e-XIX e siècles). La visite se poursuit de l’autre côté de la cour oùsont plantés quelques pieds des cépages tradi-tionnels savoyards. Dans la grange, grâce auxnombreux pressoirs (XVIII e - XX e siècles) et auxcuves, sont évoqués la transformation du raisinen vin et les différents procédés de vinification.Au sous-sol, la vendange est illustrée par desphotographies anciennes et contemporaines, lematériel et les moyens de transport adaptés auxpetits sentiers de montagne. Dans une petite caveannexe, est installée une collection de pompesanciennes (XIX e - début XX e siècle) qui permet-taient de transvaser le vin dans les cuves et ton-neaux.Le visiteur peut se diriger ensuite vers les caveset y découvrir à travers une série de tonneaux(muids, demi-muids, foudres…) et autres bon-bonnes, la conservation du vin.Enfin, la collection de bouteilles en verre soufflé,pichets, carafes, gourdes en bois (argenterie desBauges), taste-vins et verres achèvent le parcoursdu visiteur.

Un fonds documentaireLe musée a réalisé, en partenariat avec la Média-thèque Victor Hugo de Montmélian, un fondsdocumentaire historique et scientifique sur lavigne et le vin de Savoie et plus généralement enFrance et dans le monde. Ainsi, la médiathèquedispose depuis l’an 2000 d’une collection pluri-disciplinaire d’environ 90 ouvrages. Le fondsdocumentaire propre au musée rassemble uneimportante documentation sur les collections dumusée : inventaire, études thématiques sur lesobjets et sur les séries d’objets ; une bibliographieà la fois générale et locale sur le sujet ; quelqueslivres et revues spécialisés. Ces fonds sont à ladisposition des amateurs et des professionnelsdésirant compléter leur savoir dans les domainesde la vigne et du vin (aspects historiques et juri-diques, œnologie, maladies, traitements, terroir…).

Les animations du Musée Le musée propose des visites guidées pour lesgroupes et les particuliers, ainsi que pour lesenfants dans le cadre scolaire. Des visites théma-tiques et/ou adaptées ont été mises en place,notamment pour les publics empêchés (handi-capés, mal-voyants ou non-voyants…).Des expositions temporaires se tiennent chaqueété, du 1er juillet au 30 septembre. Cette année, lemusée accueille l’exposition L’amphore et lepichet, une histoire du vin de l’antiquité à nosjours, créée par la Maison du Pays d’art et d’his-toire des Trois Vals – Lac de Paladru (38), et enri-chie par quelques pièces des collections duMusée Dauphinois et du Musée Gallo-romaind’Aoste (amphores, cruches, pichets, lagènes…).Le Musée se veut un lieu de médiation culturelle,il organise ainsi, depuis peu, des soirées théma-tiques. Dans ce cadre, le musée a présenté unelecture-spectacle, parcours littéraire sur le vin, deRabelais à Sabatier en passant par Molière etGiono.Le musée propose aussi de découvrir l’ancienduché de Savoie à travers ses vins au cours dedégustations animées chaque fois par un œno-logue. La première soirée, en novembre 2003, apermis la (re)découverte de certains vins deSavoie à travers des cépages rares tels queVerdesse et Mondeuse blanche. La deuxième, enavril dernier, présentait les vins du Valais suisse.Avec les vins du canton de Vaud et du Val d’Aostes’achèvera ce « cycle œnologique », première étapesur le chemin du patrimoine vinicole alpin.

Françoise Vaisse

En haut, baril et entonnoir.

En bas, charrue arracheuse de plants de vigne, fin du XIX e- début du XX e siècle.

Pressoir à levier, XVIII e siècle, collectionsdépartementales.

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D O S S I E R Le musée lapidaireBasilique Saint-Martin, Aime

La basilique Saint-Martin d’Aime est un monu-ment caractéristique du premier art roman en

Savoie. Cette église priorale a été édifiée par des maîtresd’œuvre d’origine lombarde vers 1010-1020 et relevaitavant 1216 de l’abbaye bénédictine de Saint-Michel-de-la-Cluse en Val de Suse (Sacra di San Michele).Sur la base d’un édifice antique de l’ancienne Axima,l’église romane a succédé à une église paléochrétiennefunéraire dont il subsiste l’abside en sous-sol ; lesremplois de maçonnerie sont nombreux. Son aspectrépond aux types architecturaux piémontais et proven-çaux aux origines de l’art roman régional. Des vestigesde peintures murales romanes (fin du XIe - début duXII e siècles) ornent le chœur et les piédroits de l’arctriomphal. Vendu comme bien national à la Révolu-tion, l’église délabrée a été fouillée en 1865-1868 parl’architecte et archéologue Etienne-Louis Borrel (1822-1906), avant d’être acquise par l’Académie de la Vald’Isère en 1865 puis classée Monument historique « parliste de 1875 ». L’Etat en est devenu propriétaire en 1885.Les premières restaurations remontent à 1905. Plusrécemment, un programme de réhabilitation a été entre-pris dans les années 1988-1991 par l’Etat sous la maîtrised’Alain Tillier, Architecte en chef des Monuments histo-riques. Un parcours muséographique présente l’édi-fice qui abrite désormais un musée lapidaire et unespace d’exposition temporaire.

Philippe Raffaelli

Musée lapidaireBasilique Saint-Martin

S.I. BP 5573212 Aime Cedextél. 04 79 55 67 00 fax 04 79 55 60 01

[email protected]

Le musée lapidaire rassemble la plupart des rares inscriptions décou-vertes à Forum Claudii Ceutronum (Axima, Aime), l’antique capitale

de la province des Alpes graies, Bourg-Saint-Maurice et Moûtiers. La collec-tion compte une quarantaine de pierres qui sont des témoignages directs dela civilisation gallo-romaine : dédicaces aux dieux (Axima, Mars, Mercure, Sil-vain) par des particuliers, des soldats et même un gouverneur ; épitaphes d’ungouverneur, d’un soldat, d’un esclave impérial, d’un jeune garçon qui faisaitses études en Valais… Mais l’originalité des inscriptions d’Aime tient au nombreélevé de textes (une vingtaine) qui, pendant tout l’Empire, ont été gravés enl’honneur des empereurs à l’initiative des habitants. Un tel pourcentage inciteà penser qu’en Tarentaise l’épigraphie sur pierre était avant tout un phéno-mène officiel qui a assez peu touché les populations locales. C’est surprenantdans cette région de passage, aussi faut-il penser qu’un certain nombre detextes ont été peints ou écrits sur des supports périssables (bois, revêtementsmuraux...) qui ne nous sont pas parvenus. Ce sont des témoignages officielsdu loyalisme des notables et de leur volonté de flatter l’empereur pour attirersa bienveillance. Bornons-nous à un exemple daté de 108 : la commémora-tion de la victoire de Trajan sur les Daces :« À l’empereur César Nerva Trajan Auguste, fils du divin Nerva, vainqueur desGermains, vainqueur des Daces, grand pontife, dans sa douzième puissancetribunicienne, dans sa sixième salutation impériale, consul cinq fois, père dela patrie, à l’occasion de sa victoire sur les Daces, les habitants de ForumClaudii, à frais publics.»

Bernard Rémy

Imp(eratori) Caesar[i],

diui Nerua[e f(ilio)],

Neruae Traia[no]

Aug(usto), Germ(anico), Daci-

co, pontifici max(imo),

tribunic(ia) potest(ate)

XII, imp(eratori) VI, co(n)s(uli) V, p(atri) p(atriae),

deuictis Dacis,

Foro Claud(ienses), publ(ice).Pour en savoir plus : B. Rémy, Inscriptions Latines des Alpes (ILAlpes). I. Alpes Graies, Chambéry-Grenoble, 1998.

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La galerie Eurêkacentre de culture scientifique,

technique et industrielle

Comment ignorer que science et tech-nologie influent sur nos modes de vie,

mais aussi sur nos systèmes de valeurs ?Comment ignorer que les enjeux de la démocratiepassent par une compréhension minimale, maispartagée et débattue, des acquis scientifiques, deschoix technologiques et industriels et de leursconséquences ?Comment ignorer la désaffection croissante desjeunes pour les filières des formations scienti-fiques et technologiques avec ses conséquencessur le plan de l’orientation qui pourraient à lalongue compromettre la relève professionnelledans ces secteurs d’activité ?Face à cette situation, les partenaires – État,Conseil régional, Réseau des huit villes / centresd’agglomération, Département de la Drôme –réalisent à travers le territoire rhônalpin une mobi-lisation des acteurs et des moyens pour construireune politique concertée permettant une véritablesynergie et une réponse pertinente aux besoins.Dans cette perspective, les Centres de CultureScientifique, Technique et Industrielle (CCSTI),structures importantes dont certaines villes dispo-sent déjà, constituent des points d’appui solides,au bénéfice des zones à forte densité de popula-tion, mais également en direction de l’ensembledu territoire régional, zones rurales comprises.La Galerie Eurêka, Centre de Culture scientifique,Technique et Industrielle (CCSTI) est un servicede la mairie de Chambéry. Ce centre, inauguré le4 décembre 1995 par Hubert Curien, labellisé parle Ministère délégué à la Recherche et auxNouvelles Technologies, est actuellement le seulCCSTI de Rhône Alpes à disposer d’un espacemuséographique permanent. Il a pour mission : • de développer sur Chambéry, son aggloméra-tion et au-delà sur la Savoie, une offre de culturescientifique technique et industrielle, tout en favo-risant les échanges entre scientifiques et grandpublic au moyen de supports divers (expositionspermanentes et temporaires, création et produc-tion d’outils de médiation et de vulgarisation,animations, conférences, événements divers),• de travailler en partenariat avec le mondeéducatif à la redynamisation de l’enseignementdes sciences en milieu scolaire, • de travailler en partenariat avec la RégionRhône-Alpes, la Délégation Régionale à laRecherche et à la Technologie, le Ministère de laRecherche, à la mise en place en réseau d’uneoffre de culture scientifique de niveau régional.La Galerie Eurêka propose sur près de 1500 m 2:• un espace muséographique permanent propo-sant, avec 14 entrées thématiques différentes, une lecture diversifiée du milieu montagnard (laformation des montagnes, la faune et la flore, laneige, l’hydroélectricité, la glaciologie, les risquestorrentiels etc…) avec des expériences interac-tives, des maquettes, des jeux et des films ;

• des expositions temporaires (actuellementMachines à communiquer) ;• un espace Science Actualités réalisé en parte-nariat avec la Cité des Sciences et de l’Industrie;• un espace multimédia pour faire ses premierspas sur Internet avec un animateur pour vousguider.Le CCSTI organise aussi des manifestations diversestelles que la Fête de la science, les Entretiens d’Eu-rêka, et participe à l’organisation des CafésSciences et Citoyens de Chambéry.

Rhône-Alpes est aujourd’hui la région françaisela mieux dotée en CCSTI et ces derniers, forts deleurs expériences de travail en commun, sont àmême de constituer l’armature principale d’unréseau exemplaire de développement de laculture scientifique et technique.Ces structures aujourd’hui implantées à Grenoble,Chambéry, Saint Etienne, Lyon et Saint-Vallieront depuis plusieurs années résolu, en partena-riat avec la Délégation Régionale à la Rechercheet à la Technologie (Ministère de la Recherche)et la Région Rhône-Alpes, d’agir en concertationet coopération, afin d’assurer progressivement unservice culturel de plus en plus efficace au planrégional en direction des différents publics.

Hubert Jeannin

P A T R I M O I N E

S C I E N T I F I Q U E

Le développementde la culturescientifique,technique etindustrielleconstitueaujourd’hui unvéritable enjeusocial dans lamesure oùl’accès de tous àl’information surles évolutionsscientifiques,techniques etindustrielles denotre sociétés’impose plus quejamais commeune des tâchesculturelles etcitoyennesprioritaires.

Galerie EurêkaBP 1105730011 Chambéry cedex04 79 60 04 25(accès par la médiathèqueJean-Jacques Rousseau)

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A N T I Q U I T É S L’épitaphe retrouvéed’un grand propriétaire foncier de la Combe

de Savoie : Titus Pompeius Albinus

Dans la seconde moitié du XVIe siècle,un grand érudit savoyard, Philibert de

Pingon (1525-1582), baron de Cusy et référen-daire à la cour d’Emmanuel-Philibert, a décou-vert, dans le château de Montmélian une stèle demarbre gris, avec un fronton triangulaire mou-luré, décoré d’une rosace et d’un croissant delune, où était gravée l’épitaphe de Titus Pom-peius Albinus. Passionné d’inscriptions antiques,il a copié le texte suivant :T(ito) Pompeio, T(iti) f(ilio), Tromentina,Albino,tribuno mil(itum) leg(ionis) VIVictric(is), subproc(uratori)prouinc(iae) Lusitaniae,II u(iro) i(ure) d(icundo) col(oniae) Iul(iae)Aug(ustae) Flor(entiae) V(iennensium).Pompeia, T(iti) fil(ia), Sextina« À Titus Pompeius Albinus, fils de Titus, (de latribu) Tromentina, tribun des soldats de lasixième légion Victorieuse, sous-procurateur dela province de Lusitanie, duumvir chargé de direle droit de la colonie Iulia Augusta Florentia deVienne. Pompeia Sextina, fille de Titus, (a élevéce cénotaphe) ».À une date indéterminée, le monument a étébrisé en vue d’un remploi. Plusieurs fragments

ont disparu. Deux ont été retrouvés : le frag-ment A (40 x 37 x 21 cm) en 2002, dans le

Crêt, un ruisseau qui passe aux Mollettes.Il est conservé à la mairie. Le fragmentB (44 x 44 x 25 cm) vers 1930, à Coise-Saint-Jean-Pied-Gauthier. Il est déposédans la cour de l’école. Ces redécou-vertes confirment la lecture de Pingon.Titus Pompeius Albinus portait ladénomination très complète descitoyens romains : un prénom (Titus),

un gentilice ou nom de famille (Pom-peius) et un surnom (Albinus), suivis du

prénom de son père et de l’indication de

sa tribu (circonscription électorale de Rome). Trèsnormalement, sa fille portait le nom de son père(au féminin) et un surnom (Sextina), car lesfemmes n’avaient pas de prénom. L’absenced’épouse laisse à penser que le défunt était veuf.Albinus descendait probablement d’une familled’émigrés italiens (installés au Ier siècle av. J.-C.),puisque la tribu Tromentina se rencontre seule-ment en Italie. Quoi qu’il en soit, Albinus étaitbien un habitant de la cité de Vienne (les anciensAllobroges), où il a obtenu plusieurs fonctionsélectives avant de devenir duumvir (maire avecun collègue). Puis l’empereur lui a fait l’honneurtrès recherché de le recruter comme « haut fonc-tionnaire » dans le second ordre de l’État. Albinusétait donc un homme riche, puisqu’il fallaitposséder une fortune d’au moins 400 000 ses-terces (euros) pour prétendre accéder à l’ordreéquestre. D’abord tribun angusticlave d’une légionstationnée dans le nord-ouest de l’Espagne(adjoint du légat, chef de corps), il fut ensuitesous-procurateur (administrateur financier) de laprovince de Lusitanie (Portugal), sous les ordresde Titus Decidius Domitianus, qui pourrait êtrelui aussi un Viennois d’origine italienne. Il estmort en charge à Mérida, à la fin du règne deNéron (54-68) et il a été enterré sur place. Le textede Montmélian a donc été gravé sur le cénotaphequi lui avait été élevé sur le domaine (sans douteimposant) qu’il possédait dans la Combe deSavoie. Le nom du village d’Arbin pourrait venirdu nom Albinus qui pourrait avoir été le proprié-taire de la uilla de Mérande.La rosace, antique emblème solaire, et le crois-sant de lune décorant le fronton de la stèle,étaient deux symboles exprimant l’espoir d’unesurvie dans l’au-delà céleste et l’attente d’uneimmortalité astrale.

Bernard Rémy

Fragment B.Objet mobilier classéMonument historiqueArrêté du 8 août 1978.

Croquis de Philibert de Pingon, manuscritdu XVI e siècle, fondsPingon, f° 155 et 224in 4°, Archivio di Statodi Torino.

Fragment A (protection Monument historique en cours).

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M O N U M E N T S

& É D I F I C E S

Le château de Clermont

Converti en ferme en 1860 après la mortde la dernière comtesse de Clermont,

le château fut classé Monument Historique en1950 avant d’être acquis par le Département dela Haute-Savoie en 1966 ; depuis, des travaux derestauration se sont enchaînés pour sauver cetémoin exceptionnel de l’architecture de la secon-de Renaissance française en Savoie.Quiconque s’aventure en Albanais ne peut serelever indemne de sa découverte ; cela ne tientpas uniquement à la présence de cet étonnantjoyau au sein de ce modeste village rural, situa-tion assez fréquente en Savoie, mais plutôt à sonarchitecture surprenante et à la personnalité deson commanditaire. Le château de Clermont fut construit entre 1576et 1580 par Mgr Gallois de Regard (1512-1582),dans un style jusqu’alors inconnu en Savoietémoignant des liens particuliers que son proprié-taire avait tissés avec l’Italie, tout particulièrementavec Rome.Abbé commendataire d’Entremont et de Haute-combe, évêque de Bagnoréa de 1563 à 1568,après avoir assumé au Vatican la fonction decamérier du pape Paul IV († en 1559) puis dedataire sous Pie IV († en 1566) et Pie V, MgrGallois de Regard revint en Savoie en 1570.Quelques années lui seront nécessaires pourélever deux remarquables bâtiments, l’un à la villeet l’autre aux champs : à Annecy, l’hôtel deBagnoréa, situé rue Sainte-Claire, et à Clermont,une résidence d’été, dans l’enceinte du bourg, aupied de l’ancien château des comtes de Genève.À Annecy, son hôtel dresse, sur la rue, une façadeblanche en grand appareil de calcaire. À Cler-mont, l’ensemble des bâtiments emploie exclu-sivement la molasse grise exploitée sur le sitemême. L’un et l’autre offrent de nombreuses simi-litudes architecturales, adaptées aux lieux, maiségalement aux périodes de séjour.Le château de Clermont, occupé durant la bellesaison, forme un vaste quadrilatère se composantd’un grand corps de logis de 35 x 18 m dont lafaçade rectiligne à deux étages sur caves voûtées,s’ouvre au midi sur une vaste cour de 450 m2

fermée par trois ailes de galeries à deux étagesvenant s’appuyer sur deux tours d’angle de planrectangulaire. Les galeries, voûtées d’arête,percées d’ouvertures à arc surbaissé reposant surdes piliers rythmées par des piles engagéessommées de demi-boules et fermées par desbalustres, s’organisent autour de la cour telles lesloges d’un théâtre à l’italienne. Cette réalisationétonnante est inspirée sans conteste de la courSt-Damase que Gallois de Regard avait pu admirerau Vatican, dont l’aile construite par Bramanteavait été agrémentée d’une loggia à colonnes parRaphaël († 1520)…D’autres innovations sont remarquables et reste-ront sans suite en Savoie : ainsi les étages sur courdu corps de logis sont percés de larges baies illu-minant la profondeur des pièces, pour certainestraversantes ; ces fenêtres au cadre droit diffèrent totalement des modèles en usage en Savoie telsceux mis en œuvre à la même époque dans le

tout proche hôtel de Belmont à Seyssel-Ain, oùles croisées, datées de 1579, sont de petitesdimensions et sommées d’un linteau à arc enaccolade.Comme à Annecy, les étages du corps de logissont desservis par un escalier non plus à vis maisà volées droites et paliers d’angle, donnant à cetespace de circulation une indéniable majesté…Vide de tout mobilier d’époque, à l’exceptiond’une plaque de cheminée, de décors peintsd’arabesques dans des embrasures de portes etde fenêtres et d’une scène figurée fragmentaire,le château a depuis quelques années été doté dequelques meubles anciens.

Joël Serralongue

En accord avec ladeuxième Renaissance,le décor de ce mobilierse caractérise par desrinceaux, des palmettes,des mascarons, des têtesde monstres et destermes – figures à lapartie inférieureenfermée dans unegaine – que l’on peutobserver sur desdressoirs, ou des piedsde table. L’étude de cesmeubles est en cours.Dater un meuble restedélicat, il peutcomporter souventplusieurs partiesanciennes remontéesdans une structure duXIXe siècle, voire plustardive. Le bâti, lesmodes d’assemblage,doivent être pris encompte autant quel’ornementation.Marianne Clerc, maîtrede conférences à

l’Université deGrenoble, qui a vul’ensemble du mobilier,envisage d’en confierl’étude à l’un de sesétudiants en histoire del’art. En attendant, lesmeubles de Clermont

Le mobilier

permettent d’observerl’évolution du décor,depuis les fenestragesde la fin du XV e s.(dressoir) jusqu’aubestiaire et aux figuresclassiques oumaniéristes de laRenaissance, hérités del’art bellifontain,fortement influencé parl’Italie. Un grandnombre de ces décorsproviennent demodèles créés parAndrouet du Cerceau etHugues Sambin,largement diffusés àtravers des recueilspubliés respectivementen 1550 et 1572.

Corinne Chorier

Buffet Renaissance avec termes canéphores, collection du département de la Haute-Savoie.

Coffre flamand, XVI e siècle. Sur la façade, scènes de la Nativité et de la Résurrection.Collection du département de la Haute-Savoie.

Décor peint d’arabesques, intérieur du château de Clermont.

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A C T U A L I T É S

E X P O S I T I O N S

La Chartreuse de Mélan

Une nouvelle acquisition

Depuis quelques années, la Chartreusede Mélan, à Taninges, est consacrée à

la découverte ou la mise en valeur d’œuvres duXXe siècle, et plus particulièrement dans le domai-ne des arts plastiques. Poursuivant sa mission devalorisation des artistes plasticiens et d’aide à lacréation, le Conseil Général de Haute-Savoie aentrepris la réalisation d’un parc de sculpturescontemporaines monumentales aux abords de laChartreuse, dont il ne reste que l’église, le cloître,et la ferme.En 2002, c’est l’artiste Brigitte Baud qui inaugu-rait la série, avec un groupe, les Enchaînés, dontla symbolique renvoie au contexte émotionnel etspirituel de la vie religieuse, à la fois réclusion etaspiration vers l’amour. Cette sculpture avait étécommandée dans le cadre d’Émergences, unemanifestation biennale d’art contemporain quiaccueille des œuvres spécialement conçues pourle site.En 2003, la sculpture de Toutain, intitulée Prome-nade sur glace, un couple patinant avec un enfantdans les bras, exposée à Annecy dans le cadre du« Noël des Alpes », était dressée sur le pré au nordde l’Église, apportant une note d’humour encontraste avec la rigueur des formes architectu-rales, et rompant la perspective en apparenceimmuable de la vallée du Giffre…Prochainement, plusieurs œuvres rejoindront cessculptures, toutes plus ou moins en lien avec lesite ou son histoire : l’œuvre en métal peint deGerstein, Envol (Noël des Alpes 2003) évoque unmonde de l’enfance toujours présent à Taninges.Trois commandes à des artistes de la région vien-dront enrichir le « parc » : Ensemble, d’abord, unesculpture taillée et polie dans le marbre de Savoie,

de Fernand Terrier ; l’Arbre à Palabres en bronze,ensuite, conçue par Godefroy Kouassi comme unarbre de Sagesse, invitation au recueillement ouà l’échange paisible.Enfin, une monumentale Girouette en inox poli,de René Broissand, exposée en avant-premièreau château de Ripaille, dialoguera avec le vent.« D’une grande élégance sans surenchère séduc-trice, cette œuvre sculpte l’espace et met en valeuren contrechamp le paysage. Elle intervient enpartenaire du lieu d’implantation. La réverbé-ration de la lumière sur l’inox poli définit àchaque instant une œuvre en mutation ». (Alain

Livache, commissaire de l’exposition Broissand).

Corinne Chorier

Emergences, du 10 juillet au 4 septembre 2004, Chartreuse de Mélan, Taninges. Renseignements 04 50 34 25 05

René Broissandexposition du 11 juin au 19 septembre 2004,château de Ripaille, Thonon-les-Bains.Renseignements 04 50 26 64 44

Au MuséeSavoisien : de l’imaginaire,des vaches et de la publicité

Du 6 mai au 23 août 2004, un fonds d’affichesanciennes, acquis cesdernières années par laConservation départe-mentale du Patrimoinede la Savoie, estprésenté au MuséeSavoisien de Chambérydans le cadre del’exposition La vachedans la publicité. LesAlpes ont été, et sontencore, assez largementle lieu d’une « Civilisationde la vache ». C’est surelle que reposait la plusgrande part del’économie rurale.Pourtant, le langagecourant la dévalorisebeaucoup : une vacherie,une peau de vache, ah !la vache… Sesconnotations, dans le

monde de l’image, sonttout à l’opposé.L’exposition, conçue parPatrizia Nuvolari, s’en tient à l’imagepublicitaire depuis unsiècle, et révèle que lavache occupe une trèsgrande place dans notreimaginaire. Sa premièrefonction est d’être unidentifiant de lamontagne alpine. Reinede l’alpage, elle garantitla qualité d’un paysage,son caractère naturel.L’image de la Savoie lui

emprunte beaucoup. Parailleurs, la vache donnele lait, le beurre et lefromage, elle estnourricière et maternelle.Entre le mépris définitifdans le langage et lavalorisation de la mèreexemplaire dans lapublicité, l’imaginaire dela vache est complexe etambivalent. Ce quiexplique peut-être que la vache soit l’animal leplus vendeur qui soit.Elle publicise tout, desfromages à tartiner auxsociétés d’assurance,huiles végétales,cigarettes, automobilesou voyages… Notrerapport à cet animaln’est ni anodin, niinnocent.Dans ce jeufantasmatique, la réalitéde l’animal restenaturellement bienignorée : la vache, cetinconnu ?

Pierre Dumas

Ce tableau de ClaudeSébastien Hugard de laTour a été acquis par leConseil général deHaute-Savoie en 2003.Natif de Cluses, élèvede Calame et de Didayà Genève, Hugard de laTour expose au Salonde Paris de 1844 à 1880,où il obtient unemédaille en 1840 et en1846. Ce paysage demontagne, une huilesignée et datée de 1844,représente probable-ment un site auxenvirons de Sallanches.Le ciel nuageux, ladistribution de lalumière sur les rocherset les frondaisons, la

Paysage de montagne, huile sur toile, 54,5 x 65 cm, signée, datée.

Promenade sur glace, œuvre de Toutain, 2003,sculpture en résine.

scène anecdotique dupremier plan, sontassez représentatifs del’artiste, qui délaissel’esprit néoclassiquedes représentationsarcadiennes pour uneapproche plus romantique etplus naturaliste de lamontagne.

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A C T U A L I T É S

E X P O S I T I O N S

Peinture contemporaine et lieux spirituels

Vanités de Pierre David

Pierre David, peintre et scénographe né en1957 à Chamonix, à travers une recherche

picturale issue des arts décoratifs – l’utilisation dela feuille d’or et de la fresque –, développe unethématique intemporelle : notre relation avec lareprésentation du vivant et du mort. Ses Vanitésse présentent sous la forme de huit diptyques : àchaque animal est adjoint un second tableau dedimension identique représentant son squelette.Cette démarche décale la représentation tradi-tionnelle des crânes humains du XVII e siècle pourl’élargir à l’ensemble du vivant, centré sur lemonde animal. L’artiste utilise un bestiaire issudes planches illustrées des encyclopédies. Lestableaux, créés pour être montrés dans des lieuxspirituels en Pays de Savoie et non dans des sallesd’exposition traditionnelles, développent ainsiun dialogue singulier, véritable enjeu du travailde Pierre David.« Mon travail n’est pas de faire de la peinture, c’estplutôt de réaliser des installations, en mettant ensituation des tableaux. Il s’agit de créer undialogue entre une peinture et un lieu. L’œuvreprend son sens parce qu’elle est montrée là. Avecla série des Vanités, je voulais réfléchir à la repré-sentation du vivant et du mort. Cet été, les églisesbaroques qui accueillent les tableaux apportentle sacré. Le lieu devient un élément primordialde l’œuvre. Le vivant est présenté généralementà droite dans la nef, son squelette exactement aumême niveau sur le mur de gauche, tous deuxtournés vers le chœur. Dans la plupart des cas,les deux tableaux ne peuvent pas être vusensemble, le spectateur est invité à promener sonregard de l’un à l’autre en passant par le centrede l’église : l’emplacement du retable. Dans soncorps, le spectateur devient un élément du dispo-sitif de découverte des trois états, le vivant, le mortet le sacré. Le lieu donne son sens à ma peinture,et celle-ci, d’une façon éphémère, intervient surla lecture de l’ensemble des symboles environ-nants…» Pierre David

« L’art ne s’impose pas ; il se propose. Il en est demême de la foi des chrétiens... Alors nos yeuxpourront s’ouvrir pour entrer dans un dialogueavec les œuvres de Pierre David, peintre d’au-jourd’hui qui dit ne pas partager notre foi, maisqui croit fermement que son œuvre ne peutprendre vie que dans la confrontation avec unlieu. Et quand les églises de nos vallées de Savoieproposent, à travers l’art baroque, une médita-tion sur la vie et la mort, elles rejoignent à traversles siècles l’inquiétude des hommes et desfemmes du XXI e siècle...» Mgr Laurent Ulrich, Arche-

vêque de Chambéry, Evêque de Maurienne et Tarentaise.

Même si « avec le temps, les savantes perspectivesdessinées par les artistes baroques ont perdu peuà peu leur pouvoir suggestif, les angelots, messa-gers de l’indicible, si tenaces dans l’imaginairecollectif, peuplent aujourd’hui les magazinescomme autant d’ailes pointées sur nos présomp-tions, comme pour nous signifier que la puissanceet la gloire demeurent, en ce monde, illusoire.»Dominique Richard, Les Chemins du baroque, 1996, éd. Le

Dauphiné, coll. Les Patrimoines.

« En nous invitant à cheminer dans ces lieux spiri-tuels de Tarentaise, Pierre David par ses pein-tures, interprétation contemporaine du thème desvanités, nous propose de poursuivre ce dialogueentre tradition et modernité, entre sacré etprofane, que trois siècles plus tard nous entrete-nons toujours, êtres vivants, ici ou ailleurs, avecle mystère de notre passage terrestre et de sa fini-tude. Ce cheminement, spirituel pour les uns ousimplement contemplatif pour les autres – lesfeuilles d’or, les pigments et la fresque font échoau décor baroque –, nous rappelle que l’art, s’ilpeut devenir «patrimoine » avec le temps, est avanttout un trait d’union vivant entre les hommes...Hervé Gaymard, Président de la Fondation pour l’action cultu-

relle internationale en montagne.

Dominique Pannier-Leclerc Les églises baroques de Bellentre, Granier,Hauteville-Gondon,Landry, Macot-la-Plagne, Séez et la basilique d’Aimeaccueillent cet étéles œuvres de PierreDavid du 26 juin au 19 septembre.Renseignement à laFacim 04 79 60 59 00.

Une exposition interdépartementaleSavoie & Haute-Savoie.Les Vanités de PierreDavid ont été exposéesà la Chartreuse de MélanTaninges du 12 avril au13 juin 2004.

« Car – en raison de l’orqu’ils ont en partage –,leur parenté ne fait pasde doute. Ce mince etmaigre apparat d’or,dont ces squelettes sontdéjà revêtus, en faitl’instance, l’état etl’étape intermédiaires, lapréfiguration, d’uncorps à venir : endevenir, que nous nesaurions imaginer, maisqui leur permet, en toutcas, d’échapper à lacondition qui devraitêtre la leur. Celle degisants couchés,démembrés, dispersés,peut-être déjà. L’Or lestient en lévitation sur leNoir dramatique. »

Jean-Louis Elzéard,L’image manquante.

(Catalogue disponibleauprès de la Facim)

Fondation pour l’action culturelle internationale en montagne

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E X P O S I T I O N S

A C T U A L I T É S

George Sand en Savoieregards d’une observatrice attentive et sensible

En cette année 2004, où l’on célèbre enFrance le bicentenaire de sa naissance,

un hommage particulier lui est rendu en Savoie,avec diverses manifestations, notamment deuxexpositions à Chambéry, Sand et Rousseau, à laMaison des Charmettes, et à partir du 17 sep-tembre George Sand, ses éditeurs et illustrateursau Musée Savoisien, jusqu’au 31 décembre.Dès 1836, George Sand fait un voyage à Chamo-nix, qu’elle relate dans la dixième Lettre d’unvoyageur. Elle revient en Savoie en 1861 avec soncompagnon Alexandre Manceau, pour visiter lamaison des Charmettes, habitée par Rousseauentre 1736 et 1742 qu’elle décrit longuement dansson Carnet de voyage et dans l’article A proposdes Charmettes publié dans la Revue des Deuxmondes du 15 novembre 1863. Dans le livre d’ordes visiteurs, elle écrit : « Renié, maudit, toujoursvictime, sois béni quand même mon pauvre divinmaître », puis elle biffe ces mots, choquée par lesinsultes qu’elle lit dans le livre. Pour Sand, commede nombreuses personnalités des Lettres, le « pèle-rinage » aux Charmettes est un hommage : « Oui !Quant à moi, je lui reste fidèle ; et j’aurais puajouter, fidèle comme au père qui m’a engen-drée ; car, s’il ne m’a pas légué son génie, il m’atransmis comme à tous les artistes de mon temps,l’amour de la nature, l’enthousiasme du vrai, lemépris de la vie factice et le dégoût des vanitésdu monde. » Sand emporte de la pervenche des Charmettespour la planter à Nohant. Dans son Carnet devoyage, elle note : « Je ne pensais pas à grand-chose en entrant, je croyais connaître les Char-mettes par les descriptions nombreuses que j’enavais lues… Mais j’ai été émue en mettant le pieddans la salle à manger et pour la première foisde ma vie j’ai éprouvé le phénomène de la rémi-niscence ». Les notes de Sand sont précises : « j’aidans le cerveau la maison photographiée ».Certains détails figurent dans un émouvant carnetde dessins. Le second motif de son voyage de1861 est une visite à son éditeur François Buloz,directeur de la célèbre Revue des Deux Mondesde 1831 à 1877. Ses excursions nous réservent debelles descriptions, teintées d’ironie et de poésie.Dans son Carnet de Voyage, le 30 mai, elleévoque le chemin de fer : « Le lac du Bourget est

un adorable miroir encadré de montagnes assezélevées et d’un aspect à la fois sauvage et doux…Le chemin de fer qui côtoie le lac entre plusieursfois dans la montagne. Ces tunnels ont pour entrée et sortie des portescrénelées avec des tours. C’est moderne, mais pasponcif et loin de gâter ce délicieux paysage, ça yintroduit un détail élégant. C’est beau les cheminsde fer, il n’y a pas de paradoxe ».À Hautecombe : … statues, statuettes et peinturesqui décorent ce St Denis savoyard sont assez jolieset nullement à mépriser. C’est l’œuvre d’artistesitaliens modernes ». À Aix : « C’est une ville d’hôtels, de restaurants,de cafés et de bastringues-aristos – nous voyonsla façade du fameux casino, les auberges sonttrès belles, les maisons à louer aussi. C’est unendroit charmant pour qui aime à se montrer.Aussi nous fuyons ».À Couz : « Ladite cascade est d’un petit volume ettombe de 50 mètres seulement, ce qui ne l’em-pêche pas d’être un bijou. Jean-Jacques la chéris-sait et il avait raison »…Le 12 juin 1861, elle écrit de Nohant « le paradisterrestre de la vallée de Chambéry me reste dansla tête comme un rêve et j’y retournerai bien sûrpour voir ce qu’il y a derrière toutes ces mon-tagnes, que les nuages m’ont tant disputé ».Sand décrit le château de Bourdeau en 1861 :« Nous remontons en bateau et nous allons débar-quer à Bourdeau, c’est un endroit délicieux, unvieux château, bâtiment carré à toit plat et àéchauguettes très élégantes aux 4 coins. C’est trèssimple, mais d’un bon style et réparé sans alté-ration. On a remplacé ou épargné le lierre quicourt en festons sur la façade du lac. Du côté dela montagne on a appliqué un logis neuf qui esttout caché dans les arbres et ne gâte rien. Unejolie pelouse plantée d’arbres superbes et entouréed’une terrasse à peu près circulaire d’où l’on voitle lac et les Alpes sur le côté. Il y a une grandeterrasse sur le lac ». Elle situera l’action du roman Mademoiselle LaQuintinie, publié en 1863, dans ce château appelémanoir de Turdy. Sand qualifiera de « subversif »son roman, violemment anticlérical, qui transposequelques notes de voyage : Chambéry, les Char-mettes, Couz, le Granier, le lac… : « Tu connaisce beau pays de Savoie, je ne sais si tu te rappellescette localité, tout ce rivage du lac, du côté queferme à pic la chaîne des mont du Tchat, du chaten langue vulgaire. Nous avons vu ensemble deplus grands lacs et de plus hautes montagnes ;mais celles-ci ont une élégance de formes et unelimpidité de couleur qui me charment… Arrivésà Turdy, nous nous sommes trouvés tout d’uncoup sur la terrasse formée par le vaste sommetdu massif carré du vieux château. De là ondomine tout le lac, long, étroit, sinueux et ressem-blant à un large fleuve du Nouveau-Monde ; maisquel fleuve a cette transparence de saphir et cesmiroitements irisés ? »

Mireille Védrine

Portrait de George Sandpar Alfred de Musset,1833, Paris, biblio-thèque de l’Institut,RMN, cliché G. Blot.

La ligne de chemin de fer le long du Lac du Bourget. Carte postale (détail).Coll. particulière;

Le château de Bourdeau. Dessin dePaul Chardin, 1857.Coll. Musée Savoisien.

George Sand.Mademoiselle La Quintinie, suivi de À propos des Charmettes,rééd. PUG, 2004.

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L I V R E SNotes de lecture

Le lac du Bourget, lacmajeur de Francepar Johannès Pallière, éd. La Fontaine de Siloé,coll. Les Savoisiennes,2003, 24 eCe livre est celui d’unpassionné. Différentesentrées permettent de saisir la richesse du milieulacustre et sa diversitépaysagère. Uneprésentation de lagéologique de la cuvetteprécède un chapitre sur laphysiologie du lac. L’auteurprésente tour à tour lagrande diversité de la flore,le particularisme duvignoble, la richesse de lavie et des échanges autourde cette « unité biologique »qu’est l’eau, la vase, lessédiments et la grandediversité de la fauneaquatique. Plusieurschapitres sont consacrés à la place de l’homme dans cet ensemble de laPréhistoire à l’Histoire : dela vie en harmonie avec lemilieu à la construction desbateaux pour pêcher, sedéplacer et transporter desmarchandises en rejoignantl’axe rhodanien. Lesvestiges de l’époquemédiévale marquent lepaysage : château duBourget-du-Lac, abbayed’Hautecombe, châteaux de Saint-Innocent, deBourdeau ou de Châtillon.L’époque moderne estretracée avec lesbouleversements apportéspar le tourisme etl’invention du bateau àmoteur. L’aménagement des voies d’accès au lac,ferroviaires et routières, a fortement désenclavé le territoire alentour. Les conséquences de cette pression anthropique :l’augmentation de lapopulation des communesriveraines du lac, fontl’objet d’un chapitreremarquable par la mesureet la prudence dansl’avancée des faits. Enfin, le livre évoque les grandsauteurs qui ont fait du lacun sujet littéraire mythiqueà l’instar d’Alphonse deLamartine et son poème Le Lac. Un ouvrage trèscomplet et documenté.

Le lac du Bourget. 50 ans de recherchesarchéologiques.5000 ans d’histoiresous la direction de Raymond Castel, éd. La Fontaine de Siloé,2004, 39 eCet ouvrage collectif paru sous la direction deRaymond Castel est unbilan portant sur 50 annéesde recherches archéolo-giques en milieu lacustresur les pourtours du lac du Bourget. L’histoire deses découvreurs est retracéeau fil de l’évolution desdécouvertes et desméthodes archéologiques.Suit l’inventaire àproprement parler desdifférents sites prospectés,chacun faisant l’objet d’unefiche technique trèscomplète avec cartes,relevés, listes, et photos des objets retrouvés lesplus intéressants. Le livres’achève par un pèle-mêled’articles en lien avec lesdécouvertes archéolo-giques, comme d’autrespistes à explorer...

Bijoux et croix desprovinces de Savoie.Savoie, Nice, Piémont,Val d’Aostepar Jean-Pierre Trosset,auto-édition, 2003, 54 eJean-Pierre Trosset avaitdéjà fait paraître il y a dixans un livre consacré auxcroix de Savoie. Continuantson travail de recherche etl’élargissant plusgénéralement aux bijoux deSavoie, il nous présente cenouvel ouvrage qui livre unremarquable inventaire dela richesse patrimoniale del’orfèvrerie savoyarde.Outre les croix, dontl’auteur n’a dégagé pasmoins de 24 famillesdifférentes, l’auteur nouspropose la découverte

d’autres bijoux anciens :broches, bagues, coulants,fermoirs et bouclesd’oreilles. Les travauxrécents de plusieursorfèvres contemporains, quirenouvellent avec talent lesmotifs traditionnels descroix de Savoie, sontégalement présentés. Ontrouvera dans cet ouvrageles prestigieux bijoux de laMaison Royale de Savoie.

Nos oratoires de Savoie.Tome 1 : Beaufortain,Tarentaise, Val d’Arly,par Elise Pasqualini, éd. Cléopas, 2003, 35 eLes oratoires sont lestémoins d’une ferveurpopulaire qui a marqué deson empreinte le paysagesavoyard. Ces petitsédifices, lieux de dévotionet de prière dédiés à unsaint protecteur etintercesseur font partie dupatrimoine religieux. Cetouvrage recense tous lesoratoires du départementde la Savoie. Le premiertome de la série, paru autout début de cette année(seul disponible pour lemoment) s’attache auBeaufortain, à la Tarentaiseet au Val d’Arly. Classé parpays, canton et commune,Chaque oratoire fait l’objetd’une fiche qui mentionnesa dédicace, son altitude,l’itinéraire pour y accéder.Une notice techniqueprécise sa date deconstruction et seséventuelles rénovations.L’ensemble se termine parune description détaillée.Les oratoires démolisfigurent également dans cerecensement exhaustif.

Le Christ peint. Le cycle de la Passiondans les chapellespeintes des Etats deSavoie au XV e sièclepar Véronique Plesch,L’histoire en Savoienouvelle série n°7, 2004, 27 eLes États de Savoietraversent au XV e siècle une période de prospérité.Ce fut un terrain fertile pourun développement tantintellectuel qu’artistique.

Les liens entre la Maison de Savoie et les différentescours d’Europeprovoquèrent des échangesfructueux d’artistes et desavoir-faire… D’autresfacteurs comme lescontraintes du milieumontagnard ou la ferveurde la population aboutirentà cette floraison depeintures murales sicaractéristiques des valléesde Savoie au XV e siècle. Cetart populaire traite presqueexclusivement de la Passiondu Christ. L’iconographiedonne lieu à une analysepoussée.

La Maurienne en 1730 d’après le cadastre sardepar Daniel Dequier, Marie-Claire Floret, Jean Garbolino, éd. Roux, 2004, 32 eVictor-Amédée II, despoteéclairé, engage après 1696le redressement des caissesdésorganisées des États deSavoie. Voulant imposerune réforme fiscale pluséquitable, il est à l’origined’un recensement despersonnes et des biens,appelé « mappe » ou« cadastre sarde ». Ce projetde péréquation de longuehaleine nécessita la mise enplace d’une administrationforte et l’emploi denombreux géomètres,arpenteurs et estimateurs.Commencé en 1699 dans lapartie piémontaise duroyaume sarde, cette tâchene fut terminée qu’en 1738,sous le règne du roiCharles-Emmanuel III. Cet ouvrage explique ceque fut ce projet novateur,nécessaire à la mutation enun Etat despotique, fort etcentralisé, garant d’une plusgrande égalité des droits.Les modalités de sa mise enplace, les difficultés

rencontrées, ce qui étaitrecensé et pourquoi,conduisent les auteurs àévoquer les ressources etles mode de vie despopulations du duché deSavoie. Commune parcommune, le cadastre estdécortiqué pour nous livrerdes informations témoi-gnant de l’organisationsociale des communautésmontagnardes deMaurienne en 1730.Un ouvrage de fond.

Roberto Clemens Gallettidi Cadilhac. Un pionnierméconnu de laTélégraphie Sans Fil.Une station de TSF dansla tourmente de laGrande Guerre, par Mario Guidone, ClaraMuzzarelli-Formentini,Joëlle Perrier-Gustin, éd. Gérard Châtel, 2004.Cet ouvrage retrace la viede Galletti (1879-1932),ingénieur italien,« européen » avant l'heurede par ses aspirationsuniversalistes et ses racines,père italien, mère anglaiseet grand-mère paternellefrançaise. La 1ère Guerremondiale freina lesformidables promesses desdécouvertes scientifiquesde Galletti dans le mondede la Télégraphie Sans Fil.En cette période, lessuspicions étaient grandesenvers les « découvreurs »privés. L'émetteur-récepteurde Galletti fut démantelé etréquisitionné. Malgré tout,Galletti participa auformidable élan qui portala TSF au niveau qu'on luiconnaît. Il a certainementsa place parmi les grandspionniers de la TSF. Cetouvrage collectif, paru sousl'impulsion du Radio-MuséeGalletti, est une biographiescientifique qui retracel'histoire de la TSF et de sestechniques.

Vinciane Neel

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Archivesp. 3 et 4Architecturep. 5 à 7Patrimoine industrielp. 8 et 9Itinéraires remarquablesp. 10Dossier :Réseau des muséeset maisons thématiques de Savoiep. 11 à 16Patrimoine scientifiquep. 17Antiquitésp. 18Monuments et édificesp. 19Actualités expositionsp. 20 à 22Livresp. 23